N° 2150 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 mars 2005. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES sur la recherche de défense et de sécurité ET PRÉSENTÉ PAR M. Yves FROMION, Député. -- S O M M A I R E _____ Pages INTRODUCTION 5 I. - LES CRÉDITS ACCORDÉS À LA RECHERCHE DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ DOIVENT PERMETTRE DE CONFORTER LA POSITION FRANÇAISE ET DE FAIRE FACE AUX NOUVEAUX DÉFIS 9 A. UN EFFORT FRANÇAIS CONSÉQUENT À L'ÉCHELLE EUROPÉENNE, MAIS QUI DOIT ÊTRE DAVANTAGE PRIORITAIRE 9 1. Les crédits de R & T ont subi une réelle érosion avant un redressement récent 9 2. La France occupe une place doublement singulière en Europe par l'importance de sa recherche de défense et par le poids de la recherche liée à la dissuasion nucléaire 12 B. L'ÉCART CAPACITAIRE AVEC LES ETATS-UNIS POURRAIT À TERME DEVENIR UN VÉRITABLE ÉCART TECHNOLOGIQUE 14 1. Les Etats-Unis consentent un effort de recherche considérable 14 2. Quelle est la réalité du retard présent et à venir de l'Europe ? 17 II. - UN ÉCHELON EUROPÉEN INDISPENSABLE, MAIS DE FAIT ENCORE EMBRYONNAIRE 21 A. LE BILAN MITIGÉ DES ACTIONS MENÉES PAR LES INSTRUMENTS EUROPÉENS DE COOPÉRATION EN MATIÈRE D'ARMEMENT 21 1. Le rôle de l'OCCAR dans la recherche est balbutiant 21 2. La LoI est avant tout un forum 21 3. Le GAEO reste l'organe le plus ancien et le plus actif, mais pas le plus souple 23 B. L'AGENCE EUROPÉENNE DE DÉFENSE EST PORTEUSE DE NOMBREUX ESPOIRS, MAIS SES MOYENS SONT POUR L'INSTANT LIMITÉS 24 1. Un champ d'action considérable 24 2. Que faut-il espérer de l'Agence ? 25 C. ACCROÎTRE LE RÔLE DE L'UNION EUROPÉENNE PAR LE BIAIS DE LA RECHERCHE DE SÉCURITÉ 27 1. Les axes d'effort identifiés 27 2. L'action préparatoire et les réflexions en cours dans le cadre de la préparation du 7ème PCRD 28 III. - VALORISER LES ATOUTS NATIONAUX 31 A. UNE PROSPECTIVE RÉNOVÉE 31 1. Une élaboration collective 31 2. Le PP 30 : un document trop contraint ? 32 B. CONFORTER LES ACQUIS 34 1. Assurer la pérennité des compétences indispensables 34 2. Une politique active de démonstrateurs technologiques 36 3. Mieux utiliser la dualité 38 C. FAVORISER L'INNOVATION TECHNOLOGIQUE 40 1. L'adaptation de l'organisation de la DGA 40 2. Soutenir les programmes de recherche des industriels 42 3. Améliorer l'accès des PME-PMI innovantes aux marchés de recherche de défense 44 4. Donner un rôle d'interface accru aux établissements publics 46 D. L'EXCELLENCE FRANÇAISE AU SERVICE D'UN NOUVELLE AMBITION 46 CONCLUSION 49 EXAMEN EN COMMISSION 51 ANNEXE N° 1 : RAPPEL DES RECOMMANDATIONS 55 ANNEXE N° 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 57 ANNEXE N° 3 : BRÈVE PRÉSENTATION DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ET DES ORGANISMES CONSULTATIFS DANS LE DOMAINE DE LA RECHERCHE DE DÉFENSE 61 ANNEXE N° 4 : LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS UTILISÉES 65 La question de la recherche et de l'innovation est actuellement au cœur des réflexions. Lors du conseil européen de Lisbonne, l'Union s'est donné pour objectif ambitieux de devenir la première économie du savoir à l'horizon 2010, et le conseil de Barcelone a appelé à une relance de l'effort de l'Union européenne en la matière en tendant vers 3 % du PIB consacrés à la recherche et développement (R& D). L'écart entre les objectifs et les réalisations conduit à un foisonnement de propositions sur la manière de relancer l'innovation tout en favorisant l'investissement et l'efficacité dans le domaine de la recherche. En France, le débat a été particulièrement riche et alimenté par nombre de rapports (1), d'études, de débats et de contributions. Des réformes importantes sont en cours pour la recherche civile, avec notamment la création très récente de l'agence nationale de la recherche et la préparation d'un projet de loi d'orientation et de programmation de la recherche et de l'innovation. La recherche dans le domaine militaire n'est pas à l'écart de ce mouvement, ne serait-ce qu'en raison de la place importante qu'elle occupe dans le dispositif français de recherche. Le sujet a d'ailleurs fait l'objet d'un rapport d'information instructif, présenté en 2000 à la commission de la défense nationale et des forces armées par Mme Martine Lignières-Cassou (2). Il n'était pourtant pas inutile de revenir sur cette question, tant les évolutions ont pu être rapides. Tout d'abord, l'importance des préoccupations liées au terrorisme a fait émerger de nouveaux champs de dualité, au point qu'il convient désormais de parler de recherche de défense et de sécurité. Ensuite, le contexte européen a changé, avec la prise en compte progressive de ces questions de sécurité par l'Union européenne et avec la création de l'agence européenne de défense. Enfin, l'écart entre l'effort réalisé par les Etats-Unis et celui consenti par l'Europe s'est accentué significativement. Malgré les difficultés, notamment budgétaires, qui ont affecté la recherche de défense et de sécurité française, il convient de ne pas céder à un pessimisme irraisonné. Les réalisations des industriels et des établissements publics de recherche depuis plus de trente ans sont remarquables, notamment au regard des moyens disponibles. Comme le notait justement Mme Lignières-Cassou dans son rapport précité : « Il n'est pas exagéré de dire que la recherche de défense a été l'occasion d'une véritable épopée scientifique et technologique de 1960 à 1990. Elle était alors portée par un projet politique et militaire au cœur duquel la dissuasion nucléaire a constitué un axe primordial. » Il est juste de constater que ce modèle s'érode progressivement. La recherche de défense n'est plus portée par un projet politique et technologique de grande envergure. Elle rencontre de grandes difficultés à assurer en même temps le maintien des compétences dans les secteurs stratégiques et l'investissement nécessaire dans de nouveaux domaines d'avenir. Or, il convient de ne pas perdre de vue le fait que la recherche de défense est un instrument de puissance considérable, comme en témoigne le rôle qu'elle a pu jouer dans la compétition entre les Etats-Unis et l'URSS, la course à la suprématie technologique finissant par asphyxier cette dernière. Face aux difficultés rencontrées, la solution de facilité revient souvent à invoquer l'échelon européen comme solution presque universelle. Force est pourtant de constater que jusqu'à ce jour les réticences sont demeurées très fortes dans de nombreux Etats membres de l'Union européenne, ce qui a rendu illusoire l'hypothèse d'une mutualisation significative des charges. S'il faut persévérer dans la démarche de construction d'une Europe de la défense, et à cet égard le projet de constitution européenne trace enfin des perspectives crédibles, il faut également maintenir et amplifier l'effort réalisé par la Nation, faute de quoi la France pourrait perdre un atout remarquable, sans que le relais soit effectivement pris par l'Europe... un jour. C'est par un examen général de la situation de la recherche de défense que s'ouvre ce rapport. Une deuxième partie est consacrée aux perspectives européennes en la matière. Enfin, est évoquée la façon de valoriser les atouts nationaux en formulant, pour conclure, plusieurs recommandations.
- 8 - Les différentes phases de la recherche
I. - LES CRÉDITS ACCORDÉS À LA RECHERCHE DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ DOIVENT PERMETTRE DE CONFORTER LA POSITION FRANÇAISE ET DE FAIRE FACE AUX NOUVEAUX DÉFIS A. UN EFFORT FRANÇAIS CONSÉQUENT À L'ÉCHELLE EUROPÉENNE, MAIS QUI DOIT ÊTRE DAVANTAGE PRIORITAIRE 1. Les crédits de R & T ont subi une réelle érosion avant un redressement récent L'effort budgétaire en matière de recherche de défense est retracé au travers de l'agrégat recherche et technologie (R & T), qui mesure l'effort consenti « en amont » des programmes d'armement. Il correspond à l'activité qui permet, en s'appuyant, plus ou moins selon les pays, sur les travaux réalisés dans le secteur civil, d'acquérir l'expertise, les connaissances et les capacités scientifiques, techniques et industrielles permettant de définir et de lancer les programmes d'armement. L'agrégat R & T, comprend : - le budget des études amont ; - le budget des études à caractère opérationnel ou technico-opérationnel (EOTO) et des études à caractère politico-militaire, économique et social (EPMES) ; - les subventions versées aux organismes de recherche sous tutelle du ministre de la défense (office national d'études et des recherches aéronautiques - ONERA - et institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis - ISL) ; - le financement des travaux de recherche fondamentale et relatifs aux nouveaux moyens d'expérimentation et de simulation du commissariat à l'énergie atomique (CEA) ; - la participation du ministère de la défense au budget civil de recherche et développement (BCRD). L'évolution des crédits de paiement consacrés à cet agrégat de 1998 à 2005 est récapitulée dans le tableau suivant :
Si l'on considère la totalité des crédits de R & T, il apparaît qu'entre 2000 et 2002, ceux-ci ont connu une diminution 3,1 % en euros courants, avant d'entamer une remontée progressive, avec une croissance de 7,2 % en 2003, de 8,5 % en 2004 et de 8,6 % en 2005. L'effort de recherche technologique, qui exclut notamment les contributions au CEA et au BCRD, a connu une évolution également préoccupante, à ceci près que la diminution s'est poursuivie jusqu'en 2003 (- 13,6 % en euros courants), avant de connaître un rattrapage significatif : + 6,6 % en 2004, + 19,4 % en 2005. L'exécution de la loi de programmation militaire (LPM) 1997-2002 s'est traduite par un retard important en matière de recherche militaire. Si un montant annuel moyen de 702 millions d'euros (3) était un effet prévu, les crédits de paiement votés en loi de finances initiale se sont élevés en moyenne à 600 millions d'euros et, surtout, les crédits de paiement consommés ont atteint seulement 526 millions d'euros par an. Le tableau ci-dessous détaille cette évolution par année.
Comme on peut le constater, les objectifs de la LPM 2003-2008 en R & T sont plus modestes que lors de la précédente programmation, avec une moyenne annuelle de 647 millions d'euros. L'exécution pour les deux premiers exercices est déjà en deçà de cet objectif, avec une moyenne de 518 millions d'euros votés par an. Toutefois, la consommation des crédits s'est significativement améliorée, au point que la loi de finances rectificative pour 2003 a ouvert 90 millions d'euros de crédits de paiement pour l'ajustement au besoin, opération renouvelée en 2004 avec 95 millions d'euros de crédits de paiement votés en collectif de fin d'année. La relative modestie des ambitions de l'actuelle loi de programmation militaire s'explique largement par son caractère marqué de « loi de fabrication ». Il est légitime de considérer que l'effort, quoiqu'important, n'est pas à la hauteur des besoins. Ainsi, les principales lacunes en matière de recherche militaire concernent les systèmes de surveillance et de commandement (C4ISR), dont la partie spatiale devrait être significativement renforcée. Il conviendrait de doubler l'effort de recherche en la matière, pour le porter à 100 millions d'euros. Il est donc impératif de respecter scrupuleusement la loi de programmation militaire : si la moyenne annuelle s'élève à 647 millions d'euros, les crédits prévus à l'horizon 2008 devraient atteindre 755 millions d'euros (4), soit une progression de près de 50 % par rapport au montant prévu la première année de programmation. Tout retard accumulé sera extrêmement difficile à rattraper. Dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), les crédits de R & T (hors BCRD) seront regroupés au sein de l'action « Maintien des capacités technologiques industrielles » du programme « Environnement et prospective de la politique de défense ». Si les crédits de recherche seront ainsi bien identifiés, il serait toutefois souhaitable de leur conférer davantage de visibilité politique en les érigeant en programme. ● Recommandation : les crédits prévus par la LPM en matière de R & T doivent être considérés comme prioritaires, car ils engagent les capacités militaires de l'avenir. Ils pourraient faire l'objet d'un programme spécifique dans le cadre de la LOLF. Malgré ces évolutions budgétaires contrastées, il convient toutefois de souligner que l'effort consenti par la France est important si on le compare à celui de ses principaux partenaires européens. 2. La France occupe une place doublement singulière en Europe par l'importance de sa recherche de défense et par le poids de la recherche liée à la dissuasion nucléaire Si l'on considère aussi bien des dépenses de recherche-développement (R & D) que de R & T de défense, le poids de la France au sein de l'Union européenne est particulièrement important. Comme l'indique le tableau ci-après, la France dépense environ un tiers de plus que le Royaume-Uni en R & D, et deux fois et demi plus que l'Allemagne. L'Espagne est un acteur important, avec un volume de R & D de défense deux fois supérieur à celui de l'Allemagne. Les données en matière de R & T sont moins complètes, mais font apparaître un classement similaire. L'extrême concentration des dépenses de recherche militaire en Europe ressort clairement. A l'exception de la France, du Royaume-Uni, de l'Espagne, de l'Allemagne et, dans une moindre mesure, de l'Italie et de la Suède, les dépenses sont extrêmement limitées.
L'écart en faveur de la France en matière de R & T de défense semble plus significatif, avec un montant supérieur de 81 % à l'effort réalisé par le Royaume-Uni. Outre les difficultés statistiques, liées notamment au fait que les dépenses allemandes et britanniques sont exprimées hors taxes, cette différence sensible résulte également de la part de la recherche nucléaire et de la contribution au BCRD dans l'agrégat R & T français. Si l'on raisonne « hors nucléaire » et en faisant abstraction de la contribution défense au BCRD, le panorama est quelque peu différent, comme l'indique le tableau ci-après.
Ces chiffres témoignent tout d'abord de l'importance de l'héritage que constitue en France la dissuasion nucléaire sur le plan de la recherche. Hors BCRD et recherche nucléaire militaire, la France joue certes un rôle de premier plan dans la recherche, mais son niveau d'effort est davantage comparable à celui consenti par le Royaume-Uni ou l'Allemagne. Ensuite, ils font apparaître qu'outre la concentration des efforts dans un nombre limité d'Etats, ceux-ci ont eu tendance depuis de longues années à laisser stagner leurs dépenses de recherche. Encore faut-il préciser que les données fournies sont en euros courants et qu'une prise en compte de l'inflation ferait ressortir une baisse des moyens alloués effectivement. Cette tendance contraste fortement avec l'évolution récente des dépenses de recherche de défense aux Etats-Unis. ● Recommandation : la dotation budgétaire affectée à la recherche de défense et de sécurité, hors nucléaire, doit être réévaluée pour rejoindre le niveau de l'effort britannique. C'est un engagement réaffirmé par le pouvoir politique. Cet objectif, qui n'est pas encore atteint, n'est cependant pas suffisant. Le formidable effet de levier de la recherche sur nos industries de défense et sur notre économie, incite à fixer à un milliard d'euros le montant de l'effort budgétaire public à consentir, hors nucléaire. B. L'ÉCART CAPACITAIRE AVEC LES ETATS-UNIS POURRAIT À TERME DEVENIR UN VÉRITABLE ÉCART TECHNOLOGIQUE 1. Les Etats-Unis consentent un effort de recherche considérable ● Comme l'indique un rapport d'études de la mission pour la science et la technologie de l'ambassade de France aux Etats-Unis, « tant le secteur privé que le gouvernement fédéral ont intégré comme impérative la nécessité que les Etats-Unis soient les premiers et le restent. L'ensemble des acteurs est convaincu que la fuite en avant technologique est le moyen décisif pour y parvenir. » (5). Si l'essentiel de la R & D est effectué par les entreprises (à hauteur de près de 70 %), au sein du budget fédéral de R & D, la part du ministère de la défense est majoritaire (52 %). La R & D militaire s'est élevée en 2004 à 70,94 milliards de dollars, soit une progression de 12,5 % par rapport à 2003. Si l'on considère des agrégats davantage comparables, comme la R & T, l'ampleur et la croissance de l'effort américain sont plus nets, comme en témoigne le tableau suivant.
On rappellera que l'agrégat R & T retenu pour la France comprend la contribution au BCRD. Si l'on fait abstraction de cette dernière, les dépenses de R & T américaines en 2004 sont bien dix fois supérieures à celles consenties par la France. Davantage que cet écart en valeur absolue, c'est la tendance même au décrochage qui est inquiétante : à la progression des dépenses de recherche aux Etats-Unis, l'Europe répond au mieux par une stagnation de ses propres efforts. Ainsi, les Etats signataires de la Letter of Intent (LoI) (6), qui constituent en quelque sorte une avant-garde européenne en ce qui concerne la défense, ont investi 300 milliards de dollars sur la période 1980-2003 pour leurs dépenses de R & D militaires, à comparer avec les 1 100 milliards de dollars investis par les Etats-Unis. L'écart tendait à se réduire légèrement entre 1991 et 1996, mais il s'est accru régulièrement depuis, avant de prendre des proportions considérables à partir de 2001. Il est en effet passé de 36 milliards de dollars à cette dernière date à 52 milliards de dollars en 2003 (en dollars constants 2003). ● Outre cet aspect quantitatif, associé à un marché intérieur unifié, la recherche militaire américaine présente une double caractéristique la différenciant largement de ce qui peut être observé en Europe. D'une part, la notion de dualité de la recherche n'est pas conçue de la même manière. De façon un peu simplifiée, en Europe, il s'agit pour le domaine militaire d'exploiter des technologies développées pour le marché civil. Aux Etats-Unis, il s'agit plutôt d'étendre au marché civil l'utilisation de technologies développées dans le cadre de contrats militaires. Les crédits publics consacrés à la recherche de défense constituent un mode d'intervention contribuant, d'une part, à renforcer la compétitivité des entreprises dont les activités recouvrent à la fois le domaine civil et militaire, d'autre part à favoriser les transferts de savoirs et du savoir-faire vers les entreprises dont les activités sont purement civiles. Les exemples des retombées de la recherche militaire sur le marché civil sont nombreux. Parmi les plus récents, on retiendra l'utilisation d'une part notablement accrue de matériaux composites dans le Boeing 787, dérivés d'études pour des programmes aéronautiques militaires. En matière spatiale, certaines technologies militaires très avancées, désormais amorties, sont proposées aux opérateurs civils (traitement de l'information à bord des satellites de communication, technologie des antennes actives utilisées à des fins d'adaptation aux évolutions du marché). Cette démarche s'inscrit dans une volonté politique de domination spatiale, déjà affirmée en matière militaire, mais qui s'étend aussi au secteur civil. Le second aspect qui différencie la recherche militaire américaine est lié au rôle particulier joué par la Defense advanced research projects agency (DARPA). Succédant en 1972 à l'Advanced research projects agency (ARPA), créé en 1958, cette agence rattachée au Pentagone a pour mission officielle de maintenir la supériorité technologique des armées américaines et d'empêcher que des surprises technologiques portent atteinte à la sécurité nationale, en favorisant des recherches révolutionnaires permettant de faire le lien entre des découvertes fondamentales et leur emploi militaire. Il s'agit d'une structure relativement légère (240 personnes dont 140 scientifiques), qui confie presque intégralement la réalisation des recherches qu'elle commande à des laboratoires industriels, plus rarement à des universités. Lors des auditions, le rapporteur a appris que la DARPA n'hésitait pas à aller chercher les connaissances là où elles se trouvent, puisqu'elle a commandé certaines études à l'office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA). L'agence disposait d'un budget de 2,76 milliards de dollars en 2003. Elle finance des études très amont, afin de favoriser l'innovation technologique au service de la défense. La liste des réalisations issues des travaux commandés par la DARPA est impressionnante. On citera seulement Internet, l'avion furtif F 117 et le GPS... La gestion particulièrement volontariste de l'innovation s'appuie certes sur des moyens confortables, mais elle repose aussi sur une acceptation de la notion de risque et d'« échec » en amont : la DARPA se satisfait d'un taux de succès compris entre un sur dix et un sur cent, estimant qu'elle ne peut pas se permettre de rater une bonne idée. 2. Quelle est la réalité du retard présent et à venir de l'Europe ? L'existence d'un « décrochage » ou d'un gap technologique entre les Etats-Unis et l'Europe est souvent débattue, soit pour en agiter la menace, soit pour en minimiser la réalité. Comme l'indique un rapport du conseil général de l'armement (7) : « Le gap technologique transatlantique » peut ainsi être défini comme une perception qualitative et quantitative d'un écart, déjà constaté et destiné à s'accroître, entre : - les niveaux technologiques des systèmes d'armes futurs ou entrant déjà en service, développés des deux côtés de l'Atlantique ; - les moyens en place et les investissements envisagés de part et d'autre dans l'industrie ; - les compétences scientifiques et technologiques disponibles dans les laboratoires et les universités ». Si elle est posée de façon trop globale, la question du décrochage technologique risque à la vérité d'être assez peu éclairante. Tout d'abord, il peut y avoir décrochage sans pour autant que cela signifie dépendance, s'il s'agit de technologies qui ne correspondent pas à des besoins réels pour le développement de systèmes européens. Ceci est par exemple le cas dans le domaine de la furtivité où la France développe les technologies nécessaires à ses systèmes d'armes, sans pour autant chercher à atteindre le niveau des Américains, seuls à disposer et à développer des bombardiers furtifs. Par ailleurs, les notions de « décrochage » et de dépendance technologique, sans être totalement indépendantes, sont toutefois distinctes. En effet, il peut y avoir dépendance technologique aujourd'hui dans des domaines sans qu'il y ait décrochage. Le fait de s'approvisionner au Etats-Unis pour une technologie ne signifie pas ne pas être capable de la produire, mais parfois que le coût de cette indépendance est trop élevé et stratégiquement non indispensable (d'où l'achat d'avions AWACS sur étagère, par exemple). Plutôt que de risque de dépendance, il convient sans doute de parler de risque de vulnérabilité. Dans une économie ouverte, il n'est pas illégitime d'être dépendant de fournisseurs étrangers, tant que l'approvisionnement peut être garanti par l'existence de plusieurs sources concurrentes. En revanche, si l'on dépend d'une seule source, on se trouve dans une position de vulnérabilité. La question de l'écart technologique avec les Etats-Unis et de l'effort de rattrapage à consentir doit donc prendre en compte les besoins propres à la France et à l'Europe, afin de préserver leurs intérêts vitaux. Si l'on se place du point de vue des quarante capacités technologiques nécessaires retenues par le modèle des capacités technologiques, associé au plan prospectif à trente ans (PP 30), l'analyse menée par la DGA a permis d'identifier des retards principalement dans les domaines suivants : - l'observation et les télécommunications spatiales ; - le guidage et la navigation de précision, en particulier assistés par satellite ; - la défense antimissile balistique à longue portée (interception exo-atmosphérique) ; - les aéronefs de combat ; - l'architecture et la sécurité des systèmes d'information. Une étude plus fine a ensuite été effectuée à partir de 500 à 600 lignes technologiques sous-tendant les quarante capacités technologiques précitées. Le tableau suivant synthétise le retard ou l'avance de la France par rapport aux autres acteurs internationaux majeurs, en années.
Dans 24 % des cas, la France occupe une position égale ou supérieure aux Etats-Unis et dans 35 % des cas son retard n'excède pas deux à trois ans, soit un niveau limité. Il reste que dans 41 % des cas le retard dépasse cinq ans et un éventuel rattrapage devient problématique. Les domaines concernés sont notamment les composants hyperfréquences de puissance, les micro-systèmes électro-mécaniques, les technologies radars à dominante numérique, les sources laser embarquées de moyenne et haute énergie, certains aspects des biotechnologies et la lutte informatique défensive. D'une manière générale, la stratégie retenue consiste à concentrer les moyens technologiques et financiers disponibles sur la satisfaction des besoins militaires prévisibles et d'avoir une position de suiveur (close follower) dans les domaines où les Etats-Unis sont en avance, en essayant de profiter de leur expérience. Toujours de manière générale, il n'est donc pas illégitime de considérer que davantage qu'un écart technologique menaçant, c'est d'un écart capacitaire qu'il s'agit, mesuré à la fois par le moindre nombre de systèmes d'armes et par leur déploiement moins rapide. Le temps écoulé entre l'apparition d'une idée et sa réalisation concrète est beaucoup plus long en Europe qu'aux Etats-Unis, ce qui conduit à des retards de mise en service, mais pas forcément à des écarts de niveau technique considérables. Cette situation peut être illustrée par l'écart de mise en service entre les missiles de croisière Tomahawk américains et leurs équivalents européens SCALP-Storm Shadow. Cette constatation ne doit pas être confondue avec un optimisme exagéré, car même un retard temporel peut avoir des conséquences très importantes, notamment en matière d'interopérabilité des télécommunications. De plus, l'effort de recherche de défense américain s'exerce dans des domaines stratégiques et, compte tenu des moyens mis en œuvre, risque de finir par produire à moyen et à long terme de réels effets de décrochage. II. - UN ÉCHELON EUROPÉEN INDISPENSABLE, MAIS DE FAIT ENCORE EMBRYONNAIRE Les actions menées à l'échelle européenne s'inscrivent dans deux dimensions complémentaires, le cadre intergouvernemental et le cadre communautaire. Le premier est le plus ancien et le plus développé. C'est également celui dans lequel la nouvelle agence européenne de défense évolue. L'Union européenne n'intervient pour sa part encore que de manière très modeste. A. LE BILAN MITIGÉ DES ACTIONS MENÉES PAR LES INSTRUMENTS EUROPÉENS DE COOPÉRATION EN MATIÈRE D'ARMEMENT Par delà les coopérations bilatérales et, plus rarement, multilatérales, sur tel ou tel programme, le besoin d'organismes de coopération structurés s'est très tôt fait sentir. Tous témoignent à leur manière d'une prise de conscience de la nécessité de coordonner davantage les programmes d'armement, mais aussi, plus en amont, d'harmoniser les actions de R & T afin d'utiliser au mieux des ressources rares. 1. Le rôle de l'OCCAR dans la recherche est balbutiant La convention portant création de l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) a été signée le 9 septembre 1998 par la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie. Les articles 7 et 8 de la convention prévoient que l'organisation doit permettre de mieux coordonner, conduire et faire exécuter les programmes d'armement qui lui sont confiés par les Etats membres, d'une part, et promouvoir des activités communes de préparation de l'avenir, d'autre part. L'OCCAR a obtenu la personnalité juridique en janvier 2001. Centrées sur la conduite des programmes confiés par les Etats membres, les activités relatives à la préparation commune du futur dans l'OCCAR en sont au stade embryonnaire, même si certains programmes de démonstrateurs technologiques lui sont peu à peu confiés. Il a ainsi la responsabilité de gérer le démonstrateur de système de déminage rapproché SYDERA, conduit en partenariat entre la France et l'Allemagne. 2. La LoI est avant tout un forum Le processus LoI a été initié par la signature d'une lettre d'intention (Letter of Intent - LoI) en juillet 1998, suivi par la signature d'un accord-cadre le 27 juillet 2000. La LoI regroupe les six principaux producteurs d'armement en Europe : la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie et la Suède. Ces six pays ont en commun une industrie de défense solide, résultat d'investissements soutenus en matière de recherche et développement de défense et d'acquisition d'équipements. Ils présentent entre eux une homogénéité certaine dans ces domaines conduisant naturellement à une forme de communauté de vues et d'intérêts. Parmi les objectifs poursuivis figurent notamment : - la promotion de la coordination d'activités de recherche communes, pour accroître la base des connaissances de pointe et encourager ainsi le développement et l'innovation technologiques ; - la définition des principes pour la communication, le transfert, l'utilisation et la propriété des informations techniques, afin de faciliter les restructurations et le fonctionnement ultérieur des industries de défense respectives des parties. Les pays participant à la LoI s'informent mutuellement des actions qu'ils conduisent en indiquant dans une banque de données commune leurs programmes et projets en coopération ou purement nationaux. Ainsi, ils affichent leurs priorités nationales en matière de R & T. Il est prévu d'élaborer une liste commune des technologies considérées comme essentielles par les pays signataires de la LoI. Pour ce faire, les six pays sont convenus de dresser un inventaire des capacités, des systèmes et produits associés, ainsi que des technologies prioritaires avec si possible des échéances. La compilation de ces objectifs devrait permettre d'élaborer des priorités communes. Par ailleurs, les pays de la LoI encouragent les industriels à faire des propositions non sollicitées. Ils peuvent le faire sous la procédure Eurofinder. Toutefois, il n'est pas prévu dans la LoI d'établir un document de stratégie commune de R & T de défense. La LoI reste un club de six pays qui n'a pas prétention à définir la politique européenne. Néanmoins, le comité d'harmonisation des besoins militaires contribue en quelque sorte à l'élaboration d'une stratégie limitée en matière de R & T. En effet, il identifie des actions ponctuelles pour lesquelles les besoins militaires devraient être harmonisés afin de faciliter l'émergence de programmes futurs en coopération. En ce qui concerne les thèmes techniques déjà abordés, un certain nombre de projets ont d'ores et déjà été identifiés et sont dans des états d'avancement différents. A la suite du travail réalisé par le groupe des directeurs de recherche, des projets en coopération de R & T ont pu être notifiés, tels que le projet pilote NEC (Network Enabled Capability) et les munitions électromagnétiques. Par ailleurs, une liste de ruptures technologiques a été élaborée, comprenant notamment les technologies térahertz, l'informatique avancée, les matériaux « intelligents » et les nanotechnologies. 3. Le GAEO reste l'organe le plus ancien et le plus actif, mais pas le plus souple En 1976, les Etats européens membres de l'organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) créent le groupement européen indépendant de programme (GEIP) dans le domaine de l'armement, renommé groupe armement de l'Europe occidentale (GAEO) en 1993 lors de son transfert dans l'Union de l'Europe occidentale (UEO). Le GAEO ne dispose pas de la personnalité juridique. S'il était composé au départ des treize pays membres du GEIP (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Turquie), lors de la réunion des ministres de la défense du GAEO du 13 novembre 2000, six nouveaux membres ont été admis : l'Autriche, la Finlande, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Suède. Cet organe est reconnu par les traités de Maastricht et d'Amsterdam (déclaration de l'UEO de 1997 annexée au traité d'Amsterdam) comme l'instance européenne de coopération en matière d'armement. Le rôle du GAEO est de : - favoriser une utilisation plus efficace des crédits de défense, grâce à une meilleure harmonisation des besoins opérationnels, l'interopérabilité des équipements et la politique de normalisation ; - rechercher l'ouverture des marchés nationaux de défense à la concurrence européenne ; - préserver et renforcer une base technologique et industrielle européenne dans le domaine de la défense ; - élargir et animer la coopération en matière de recherche et développement. En son sein, la seconde commission permanente est chargée de la recherche et technologie. Son travail a porté avant tout sur l'élaboration d'instruments visant à faciliter l'échange d'informations et la mise en place de programmes de R & T financés conjointement par les gouvernements. Le programme EUCLID (8) en représente l'outil essentiel. Lancé en novembre 1990 à la suite de la signature d'un Memorandum of Understanding (MoU) par les treize Etats membres du GEIP, EUCLID peut être considéré comme l'équivalent militaire du programme Eurêka, élaboré par l'Union européenne pour la recherche civile. A partir d'une liste de domaines prioritaires de coopération européenne, préalablement dressée par les Etats, ces derniers définissent des projets de recherche et technologie (PRT). Ces PRT donnent lieu, dans un premier temps, à un arrangement technique entre les ministères de la défense intéressés, et dans un second temps, à la passation d'un contrat avec un consortium d'industriels et/ou des organismes de recherche. Il reste que les procédures sont restées longtemps particulièrement complexes, notamment en raison de l'absence de personnalité juridique du GAEO, qui conduisait à devoir passer par les différentes autorités nationales pour passer les contrats. En 1996, a donc été créée l'organisation de l'armement de l'Europe occidentale (OAEO) qui, en tant qu'organe subsidiaire de l'UEO, détient la capacité juridique de notifier les contrats et devient l'organe exécutif du GAEO. Environ 120 PRT ont été décidés, et 64 ont d'ores et déjà été effectués. Les financements concernés représentent de l'ordre de 100 millions d'euros par an. La France participe pour environ 35 millions d'euros aux projets décidés. Il reste que la récente création de l'agence européenne de défense (AED), dont le champ de compétence englobe celui du GAEO conduit à s'interroger sur l'avenir et le transfert des tâches de ce dernier. B. L'AGENCE EUROPÉENNE DE DÉFENSE EST PORTEUSE DE NOMBREUX ESPOIRS, MAIS SES MOYENS SONT POUR L'INSTANT LIMITÉS 1. Un champ d'action considérable Créée le 12 juillet 2004, l'AED est placée sous l'autorité du Conseil de l'Union européenne et, à ce titre, de son secrétaire général, haut représentant pour la PESC. La mise en place d'une formation « défense » du Conseil affaires générales-relations extérieures, compétente dans le domaine des capacités et de l'armement, assurera une bonne insertion des ministres de la défense dans le dispositif de décision européen. Au sein du Conseil, ils assureront notamment l'orientation et le contrôle des travaux de l'agence. Les ministres chargés de la défense siégeront également au sein du comité directeur de l'agence, qui prendra la plupart des décisions importantes, selon les directives données par le Conseil. L'AED se voit attribuer quatre missions : - le développement des capacités militaires européennes, en liaison avec les structures déjà existantes (comité militaire de l'Union européenne, état-major de l'Union européenne, Helsinki Task Force) ; - le renforcement de l'efficacité de la R & T de défense européenne et la gestion directe des contrats de recherche de défense en coopération ; - la promotion des acquisitions d'équipements de défense en coopération, en s'appuyant sur l'OCCAR, qui conserve son rôle de développement de ces programmes ; - la création d'un marché européen des équipements de défense compétitif et la mise en œuvre de politiques tendant à renforcer la base industrielle et technologique de défense (BITD), en s'inspirant de la LoI. Le budget général de l'agence pour 2004 a été fixé à 1,93 million d'euros. Il est financé par les Etats participant à l'agence (tous les Etats membres de l'UE, à l'exception du Danemark). Un budget plus conséquent, de 20 millions d'euros, est prévu pour l'année 2005, permettant à l'agence d'acquérir les moyens matériels nécessaires à son fonctionnement et de couvrir ses frais de personnels. L'AED compte actuellement vingt-quatre personnes et l'objectif est d'atteindre un effectif de quatre-vingts personnes au milieu de l'année 2005. Elle ne dispose pas pour l'instant de budget propre lui permettant de financer des actions de recherche. Même si son budget propre est limité, l'agence devrait récupérer le portefeuille des actions de recherche gérées actuellement par le GAEO, ce qui la conduira à gérer ab initio un volume d'activité non négligeable. Le développement des activités de l'agence reste toutefois dépendant de facteurs nombreux. 2. Que faut-il espérer de l'Agence ? La question des moyens dont sera dotée l'agence sera déterminante pour son avenir. Il reste qu'il est peu probable que les Etats confient un budget propre très significatif à une agence intergouvernementale. L'essentiel de ses ressources proviendra vraisemblablement des projets précis qui lui seront confiés par des groupes d'Etats membres. Or, ces apports dépendront in fine de la capacité de l'agence à être un acteur fournissant une contribution indéniable, supérieure à ce qui peut être espéré au sein d'un simple accord de coopération bilatéral ou multilatéral classique. L'agence dispose d'ores et déjà d'un atout, son caractère neutre, qui pourrait permettre de nouer plus facilement des coopérations que lorsqu'un Etat en est à l'origine. Cela ne peut toutefois être suffisant et l'AED doit aborder la double question de l'harmonisation des prospectives et de la spécialisation technologique. Actuellement, les sept à huit pays qui disposent d'activités importantes de R & T définissent tout d'abord leurs priorités nationales, et ce n'est qu'ensuite qu'ils recherchent des possibles points communs, selon une démarche bottom-up (de la base vers le sommet). Il serait nécessaire d'adopter une approche différente : les Etats membres devraient ainsi se réunir afin de définir leurs priorités en matière de R & T ; une fois ces priorités déterminées, une démarche top-down (du sommet vers la base) devrait être mise en œuvre, avec une meilleure allocation de ressources à l'échelle européenne. La France a pris des initiatives récemment en la matière, en présentant à ses partenaires de la LoI ses capacités technologiques avec les feuilles de route qui y sont associées, comportant comme jalons des études de R & T et des démonstrateurs technologiques. L'effort devra être poursuivi dans le cadre de l'agence. Au-delà des seuls projets de R & T, ce sont plus généralement les documents prospectifs à moyen et long terme qui doivent être confrontés, afin de mieux harmoniser les besoins exprimés et les calendriers prévus. Le second problème à aborder concerne la spécialisation progressive des Etats dans les domaines technologiques qu'ils maîtrisent le mieux. Paradoxalement, les coopérations bilatérales ou multilatérales sur de grands programmes d'armement ont eu parfois pour effet de dupliquer des compétences davantage que de contribuer à rationaliser le paysage technologique. Chaque Etat a en effet tendance à essayer de se doter au travers de ces programmes des capacités technologiques dont il ne dispose pas. Ce phénomène pèse à court terme sur les coûts des matériels, et à long terme sur la compétitivité d'ensemble de l'Europe. Les restructurations industrielles ne permettent pas toujours de compenser cette tendance. Il est donc nécessaire que les Etats intéressés par ces questions engagent une démarche concertée permettant d'identifier les points forts de chacun et les domaines qu'ils sont prêts à laisser à leurs partenaires. Pour cela, l'agence peut jouer un rôle déterminant, à la fois comme lieu d'échange, mais aussi par sa capacité d'expertise en élaborant en quelque sorte une « cartographie » des capacités technologiques et des savoir-faire industriels en Europe. ● Recommandation : il convient de créer au plan européen un lieu ressource capable d'identifier l'ensemble des compétences en R & T, intéressant la défense. L'AED semble toute indiquée pour assumer cette mission qui répond à une forte attente du milieu industriel. Enfin, l'Europe de la recherche de défense se réalisera pleinement seulement si des projets mobilisateurs sont définis. Il est en effet important de recourir à de grandes idées mobilisatrices, fournissant un objectif clair et politiquement compréhensible, afin d'assurer notamment l'amplitude et la pérennité de l'effort budgétaire. C'est d'autant plus nécessaire que la France et l'Europe récoltent actuellement les fruits des grands projets lancés il y a vingt ans, voire plus. Cette démarche permettrait d'entraîner des groupes de pays volontaires, l'accord de l'ensemble des membres de l'Union étant difficile à obtenir. Lancer un projet fédérateur, à haute valeur d'avenir ajoutée, autour du concept d'aéronautique de nouvelle génération, les systèmes aéronautiques automatisés issus des technologies des drones, est à la hauteur des ambitions européennes. Le projet de traité établissant une constitution pour l'Europe, s'il est adopté, ouvre par les dispositions des articles I-41 et III-312 des perspectives tout à fait prometteuses. La voie des coopérations structurées permanentes doit permettre aux Etats membres de l'Union qui ont déjà manifesté leur implication dans le domaine de la défense (OCCAR, LoI, GAEO) de s'engager dans une coopération plus efficace, cohérente et pérenne. C'est un réel espoir pour l'avenir de l'industrie, et donc de l'avenir de la recherche de défense et de sécurité en Europe. Sous réserve que le traité soit accepté par l'ensemble des pays européens, il appartiendra à la France de s'engager résolument dans la mise en œuvre de ces coopérations structurées permanentes. C. ACCROÎTRE LE RÔLE DE L'UNION EUROPÉENNE PAR LE BIAIS DE LA RECHERCHE DE SÉCURITÉ L'Union européenne ne se désintéresse pas totalement des questions de défense. Les progrès de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) ainsi que les réflexions ayant eu lieu dans le cadre du groupe de travail dirigé par M. Michel Barnier lors de la préparation du projet de Constitution européenne en témoignent. Le Conseil de Salonique, le 20 juin 2003, a pour sa part conclu à la nécessité de prendre des mesures concrètes dans le domaine de la défense. Malgré ces progrès, une réticence forte continue à se manifester vis-à-vis de la prise en compte par l'Union des questions de défense, et ce tout particulièrement lorsque l'on aborde les domaines de la recherche. Toutefois, les préoccupations liées à la lutte contre le terrorisme, c'est-à-dire globalement à la sécurité, offrent un champ nouveau d'action, permettant de développer des technologies qui sont dans une large mesure duales. ● Recommandation : pour inciter davantage d'Etats membres de l'Union européenne à participer à l'effort commun de défense et de sécurité, il est nécessaire d'adopter des dispositions financières incitatives. A cet égard, la proposition, déjà soutenue à la tribune de l'Assemblée nationale et récemment reprise par le Président de la République, visant à ce que le pacte de stabilité et de croissance réformé réserve un traitement particulier à certaines dépenses, telle que la recherche ou la défense, doit être particulièrement appuyée. 1. Les axes d'effort identifiés Afin de mieux cerner les possibilités d'intervention et les besoins de l'Union européenne, un groupe de personnalités a été chargé d'une réflexion d'ensemble sur la question de la recherche en matière de sécurité. Il a présenté son rapport, intitulé La recherche pour une Europe sûre, en mars 2004. Ce rapport note que face à la montée des menaces terroristes, l'Europe doit se préoccuper davantage de la sécurité de ses concitoyens et, pour cela, exploiter ses atouts technologiques. La technologie permet d'être informé des menaces, aide à s'en protéger de façon efficace et donne les moyens de les neutraliser, s'il le faut. De plus, les applications civiles de sécurité et de défense exploitent de manière croissante la même base technologique, ce qui crée de nouvelles synergies entre les différents secteurs de recherche. Malgré les atouts évidents pour relever ce défi que constituent la grande qualité de sa recherche et une base industrielle diversifiée, l'Europe souffre d'insuffisances structurelles qui l'empêchent d'exploiter son potentiel. La ligne de partage entre la recherche dans le domaine civil et dans le domaine de la défense, l'absence de cadres spécifiques pour la recherche en matière de sécurité au niveau de l'Union européenne, le degré de coopération limité entre les Etats membres, et l'absence de coordination entre les efforts nationaux et européens, tout cela contribue à rendre plus aigu le manque de financement public pour la recherche et constitue un obstacle majeur. Outre la nécessité d'une meilleure coordination des efforts de recherche nationaux, intergouvernementaux et communautaires, la principale proposition du groupe de travail réside dans l'élaboration d'un programme européen spécifique de recherche sur la sécurité (PRES). Lancé dès 2007 et doté d'au moins un milliard d'euros par an, il s'ajouterait aux financements existants. Il devrait financer jusqu'au stade des démonstrateurs des projets de recherche concernant les capacités qui présentent une utilité particulière pour la sécurité intérieure de l'Union européenne et pour les missions à effectuer dans le cadre de la PESC et de la PESD. En comblant le fossé qui sépare la recherche dans les domaines civils et dans le secteur de la défense, un PRES pourrait maximiser les avantages que présentent les aspects polyvalents de certaines technologies. Pour stimuler les synergies, le programme devrait encourager la transformation, l'intégration des applications et le transfert de technologie d'un secteur à l'autre. Parmi les objectifs à suivre figureraient l'interopérabilité et la connectivité comme éléments clés de la coopération transfrontières et interservices. 2. L'action préparatoire et les réflexions en cours dans le cadre de la préparation du 7ème PCRD La Commission a d'ores et déjà lancé une action préparatoire dans le domaine de la recherche sur la sécurité (9), pour la période 2004-2006. La Commission a réservé un budget de 65 millions d'euros sur cette période, dont 15 millions d'euros pour chacun des exercices 2004 et 2005. L'objectif poursuivi est de démontrer que l'Union peut apporter une valeur ajoutée dans ce domaine et avoir un effet incitatif par rapport aux efforts consentis par les Etats membres. L'essentiel consiste donc à ne pas dupliquer les actions et, pour cela, à bien identifier les domaines d'intervention possibles. De ce point de vue, on notera que l'AED et les services de la commission travaillent déjà en étroite coopération, afin de ne pas se concurrencer mutuellement. Un appel à proposition a été lancé en 2004 et douze projets ont été sélectionnés. Les principaux thèmes concernent l'interopérabilité et la sécurisation des réseaux de télécommunications. Dans le cadre de la préparation du septième programme-cadre de recherche et développement (PCRD), la Commission a présenté le 7 septembre 2004 une communication intitulée « Recherche sur la sécurité - les prochaines étapes » (10). Souscrivant à la recommandation d'établir un PRES débutant en 2007, la Commission ouvre un débat interinstitutionnel pour obtenir un consensus sur un tel programme, en s'appuyant sur le travail de l'action préparatoire de recherche sur la sécurité, qui continuera jusqu'à fin 2006. La recherche sur la sécurité a été incluse dans la communication sur les perspectives financières de l'Union pour 2007-2013. Une proposition de programme devrait être déposée en 2005 et comprendra le contenu, le plan financier pluriannuel et le cadre institutionnel pour un PRES, dans le cadre du 7ème PCRD. Le PRES devrait être mis en oeuvre comme programme de recherche spécifique avec son propre ensemble de procédures (par exemple, adapté aux besoins de confidentialité), de règles de participation, de contrats et de mécanismes de financement. La question du montant financier qui sera consacré à ce programme reste pendante, mais la Commission reprend à son compte le point de vue du groupe de personnalités selon lequel le PRES devrait être complémentaire des financements actuels du PCRD. Compte tenu de l'attachement à l'OTAN des nouveaux Etats membres et des faibles préoccupations en matière de défense des Européens en général, c'est sans doute par le biais des questions de sécurité interne et de lutte contre le terrorisme qu'il est envisageable d'intéresser les « petits Etats » à participer à des programmes de recherche. Au total, il faut objectivement convenir que l'échelon européen, qu'il soit intergouvernemental ou communautaire, n'est pas à l'heure actuelle en état de suppléer les déficiences nationales. Il faut certes encourager les initiatives en cours et à venir, mais sans perdre de vue l'aspect pour l'instant limité du processus et l'importance des obstacles à surmonter, voire des réticences plus ou moins marquées de certains de nos partenaires. L'Europe ne peut donc servir d'alibi à un affaiblissement des efforts de recherche à l'échelon national, sous peine de voir s'effondrer un potentiel qui reste un atout puissant. III. - VALORISER LES ATOUTS NATIONAUX Compte tenu de l'aspect éminemment régalien de la recherche de défense, l'Etat a été amené à intervenir de façon directe, au travers tout d'abord d'un tissu d'établissements publics créés précisément pour les besoins militaires, mais aussi par le biais des grandes entreprises du secteur de la défense, qui ont été longtemps publiques. Celles-ci ont développé durant cette période une véritable culture de la recherche, qui reste très présente mais qui est affectée à la fois par les exigences de rentabilité liées aux changements de statut et, surtout, par le désengagement relatif de l'Etat des programmes de recherche menés par ces mêmes entreprises. Le maintien des compétences acquises et leur extension dans de nouveaux domaines supposent de s'appuyer à la fois sur la recherche publique et sur la recherche privée, en valorisant leur complémentarité. Dans la mesure où le client final est essentiellement l'Etat, pour satisfaire les besoins de la défense nationale, il lui appartient de conserver un rôle d'impulsion déterminant, notamment en fixant les grands objectifs. ● La nécessité d'une démarche prospective pour analyser les besoins à moyen et long terme est évidente et les lois de programmation militaire n'y répondent qu'imparfaitement, tant en raison de leur durée d'application limitée que de leur concentration sur des programmes d'équipements déjà engagés ou très avancés. Depuis 1997, l'édition annuelle du plan prospectif à trente ans (PP 30) permet de répondre à ce besoin. Par définition, le PP 30 « est l'instrument principal de l'identification des besoins et de l'orientation des études et des recherches de défense et fait partie du processus conduisant à la planification et à la programmation » (11). La démarche prospective repose sur trois approches : une approche géostratégique, qui permet la description des risques et des menaces futurs ; une approche opérationnelle, qui précise les capacités militaires pour faire face aux menaces ; une approche technologique qui définit les priorités à accorder parmi l'offre technologique disponible dans le futur pour l'élaboration des systèmes d'armes. Le PP 30 n'est donc pas un plan d'action, mais un document utilisé pour orienter les études amont, afin notamment de lever les risques avant le lancement des programmes. Le PP 30 a aussi pour vocation de susciter la réflexion sur les usages possibles des nouveaux équipements ou systèmes envisagés, et à leur positionnement par rapport aux autres moyens disponibles. Son élaboration associe étroitement, au sein d'une même équipe, les architectes de systèmes de forces (ASF) de la DGA et les officiers de cohérence opérationnelle (OCO) de l'état-major des armées, des états-majors d'armées et de la gendarmerie. Plus largement, cette équipe participe au réseau informel qui traite de prospective au sein du ministère de la défense et réunit entre autres la délégation aux affaires stratégiques, le secrétariat général pour l'administration et la direction du renseignement militaire. Le PP 30 fait l'objet d'un travail de révision annuelle, associant l'ensemble de ces acteurs, quitte à ce que seulement certains aspects du document soient révisés. Ainsi, en 2004, l'accent a été mis sur les opérations réseaux centrées (ORC), sur l'espace et sur l'Europe de la défense. A ces thèmes s'ajouteront en 2005 la robotique et la protection des populations. ● A partir de la liste des programmes envisagés par le PP 30, la DGA établit une liste des objectifs technologiques, récapitulée dans le modèle des capacités technologiques. Pour chacune de ces capacités technologiques, la DGA élabore une feuille de route. Pour la période 2015-2030, quarante feuilles de route sont prévues, comprenant à la fois des commandes d'études et des démonstrateurs. Le modèle des capacités technologiques détermine donc les « briques technologiques » nécessaires, l'échéancier des études à mener et la manière de les utiliser pour aboutir à un démonstrateur. Ce modèle a été réalisé pour compléter les insuffisances du PP 30 et pour que les armées soient en mesure de décider à temps des futurs programmes. Il est élaboré en consultant les associations représentant les industries de défense, la DGA confrontant ainsi ses visions avec celles des industriels pour déterminer ce qui est réalisable, ce qui ne l'est pas et orienter les recherches de défense. Ce document constitue donc le document d'organisation de l'ensemble des recherches financées directement par la DGA. Par ailleurs, dans certains cas pour lesquels aucun véritable programme n'est envisagé, mais qui doivent malgré tout ne pas être abandonnés, car potentiellement intéressants, une veille technologique est organisée, comme dans le cas de la surveillance de l'espace ou des armes à énergie dirigée. Cette veille suppose la réalisation de simulations, de codes de calcul, d'études scientifiques, mais pas de démonstrateur. 2. Le PP 30 : un document trop contraint ? Dans l'ensemble, tant les modalités d'élaboration du PP 30 que son contenu semblent donner satisfaction. Le rapporteur s'en tient de ce point de vue à ce qui a pu lui être dit, dans la mesure où il n'a pas eu accès à ce document classé confidentiel-défense, dont une version synthétique est diffusée plus largement depuis juillet 2004. Deux critiques récurrentes sont toutefois adressées au PP 30 : la première tient au fait qu'il serait trop marqué par les programmes en cours et trop axé sur la notion de produits ; la seconde, qui en découle partiellement, souligne la difficulté pour le système mis en place à appréhender les ruptures technologiques et à en profiter. En ce qui concerne le premier point, il est exact que le PP 30 suit les programmes en cours, tout simplement en raison de la durée même de mise en œuvre de ceux-ci et de la longue durée de service des équipements. Pour autant, il comprend aussi des perspectives à long terme, les études préparatoires devant parfois être engagées très en amont. Ainsi, dans le domaine de la dissuasion, alors même que le programme de modernisation d'ensemble de la composante océanique, associant les sous-marins lanceurs d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG) et les missiles M 51, est en cours de réalisation, il est indispensable de réfléchir dès aujourd'hui à leurs successeurs à l'horizon 2027-2040. Les réflexions sur le futur moyen océanique de dissuasion commencent à prendre forme dans deux directions. D'une part, il est prévu de commencer en 2005 un premier balayage des hypothèses de besoin envisageables et des grands concepts à considérer, à l'aide d'une étude légère de prospective technico-opérationnelle. D'autre part, sur un plan plus technique, des travaux seront amorcés en parallèle pour faire l'inventaire des architectures de systèmes possibles et en déduire les capacités technologiques à explorer par des études amont. S'agissant du poids des programmes en cours ou envisagés sur la manière d'orienter les études, il est exact qu'il est très important. Selon la DGA, environ 70 % des études, que ce soient des démonstrateurs ou autres, sont des extensions ou combinaisons de technologies connues, en vue de limiter les risques pour les futurs programmes. Les 30 % restants, sont des développements de technologies moins bien maîtrisées, voire l'exploration d'idées nouvelles. En fait, la quasi-totalité des études amont est directement orientée par les réflexions du PP 30 et l'identification d'objectifs opérationnels prévisibles. A l'intérieur de cet agrégat on peut distinguer les études amont regroupées autour des quarante capacités technologiques, qui correspondent à des objectifs résultant de réflexions technico-opérationnelles sur une problématique particulière, et un socle d'affaires très transverses, pouvant servir à de nombreuses applications, ou qui sont d'application à très long terme. Le volume d'affaires correspondant à ce socle ne dépasse pas 6 % de l'ensemble des études amont. Même pour ces affaires, la préoccupation de préparation d'un besoin opérationnel demeure, les choix étant fait, soit lors d'études de prospective technico-opérationnelle à horizon lointain, soit par les responsables de domaines techniques qui ont la charge d'identifier les technologies prometteuses pour leur domaine de compétence. Toutefois, le PP 30 n'a pas fondamentalement vocation à susciter des technologies nouvelles. Si la question se pose de la manière pour la DGA de mieux appréhender les innovations technologiques, il s'agit d'un problème qui ne doit pas être lié à l'élaboration du document de prospective. En tout état de cause, il est absolument nécessaire que le PP 30 et l'ensemble des documents de prospective prennent en considération le caractère indispensable du maintien des compétences dans les domaines critiques. 1. Assurer la pérennité des compétences indispensables La France dispose entre autres atouts d'un certain nombre d'établissements publics ayant des activités de recherche importantes et des compétences reconnues dans le domaine de la défense. Créés à des moments et pour des besoins différents, ils ont engagé ou sont sur le point d'engager des réformes permettant d'adapter leur mode de fonctionnement aux exigences présentes et à venir. Sans prétendre à l'exhaustivité, les quelques exemples suivants illustrent la richesse constituée par ce socle de recherche public et la diversité des adaptations opérées. L'office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) a connu à partir de 1997 une réforme qui a réduit ses effectifs de 25 % et diminué ses subventions. L'ONERA a ainsi été incité à financer davantage ses activités en obtenant des contrats de recherche. Désormais, environ 60 % de ses ressources proviennent de contrats, le solde étant assuré par des subventions. Outre cette nouvelle répartition des ressources, la part des activités à l'international de l'ONERA est passée de 15,4 % en 1998 à 21,3 % en 2003. Le contrat d'objectifs et de moyens 2004-2008 entre l'Etat et l'ONERA indique que « premier acteur français de la recherche aéronautique et spatiale, l'ONERA est le moteur d'une ambition nationale et un ressort scientifique de la compétitivité industrielle de notre pays dans ce domaine ». L'ONERA représente en effet 25 % de la R & T en matière aéronautique et spatiale et il occupe une position clé là où est nécessaire la mutualisation, qu'il s'agisse des grands moyens d'essais (souffleries), des connaissances scientifiques (études fondamentales) ou des domaines pour lesquels les industriels ont des difficultés à entretenir à long terme des équipes de recherche. L'ONERA effectue ainsi une recherche fondamentale applicable, en veillant à ne pas empiéter sur les domaines des industriels ni à s'engager dans du développement. Il effectue des recherches scientifiques très en amont seulement dans la mesure où existent des potentialités d'application. La direction des applications militaires (DAM) du CEA présente une double particularité. D'une part, historiquement, elle a été contrainte de bâtir par elle-même son propre corpus scientifique et reste donc très marquée par une culture de recherche. D'autre part, il est de sa responsabilité de garantir la pérennité des connaissances scientifiques et techniques nécessaires à la dissuasion. De ce point de vue, il est particulièrement important de maintenir une « chaîne de connaissance » entre les générations de chercheurs, les connaissances nécessaires ne pouvant être retrouvées ailleurs. Si le volume des études amont de la DAM a diminué depuis 2000, les budgets votés depuis 2000 dans le cadre de la loi de programmation militaire correspondent aux besoins. Les baisses s'expliquent en fait par la volonté de collaborer davantage avec les universités et les grandes écoles, dans un souci d'optimisation des moyens et d'ouverture. La DAM a ainsi signé dix accords-cadre avec des universités et participe à six unités mixtes de recherche. Elle emploie 86 thésards et les post-doctorants sont passés de 32 en 2002 à 65 en 2004. La stratégie d'ouverture de la DAM poursuit un double objectif. Elle est tout d'abord indispensable à la crédibilité à long terme de la dissuasion, les personnels de la DAM devant se confronter à l'ensemble de la communauté scientifique. Ensuite, les grands outils dont dispose la DAM doivent être mis au service de cette communauté. Deux grands pôles sont développés dans cette perspective : - le centre d'études scientifiques et techniques d'Aquitaine (CESTA) et la « route des lasers », fédèrent autour de la ligne d'intégration laser (LIL), et demain du laser Mégajoule, les compétences en matière de lasers et plasmas (CNRS, X, université de Bordeaux...) ; - autour du centre de Bruyères-le-Châtel, où est installé le plus grand centre de calcul d'Europe. L'outil est pour partie ouvert et divers partenaires (ONERA, Snecma, EDF, Turbomeca...) l'utilisent déjà. Le centre de calcul a permis au génopôle d'Evry d'obtenir une quantité très importante de résultats concernant le génome humain. Créé par le traité du 31 mars 1958, l'institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL) a, comme l'ONERA, été conduit à diversifier ses ressources, les subventions représentant désormais 70 % de ces dernières, les ressources issues d'activités contractualisées s'élevant à 30 %. Il doit faire face à un défi de plus grande ampleur : son insertion dans un cadre européen. L'ouverture de l'ISL est un chantier majeur ; le plan stratégique prévoit qu'il devienne un maillon dans le réseau des instituts européens de recherche de défense. Les réflexions sur la manière de répondre à cet objectif ont débouché sur le rapport d'un groupe de travail en 2003, à la suite duquel une offre a été faite par la France et l'Allemagne aux quatre autres Etats de la LoI. Jusqu'ici les résultats ont été limités à la visite de l'institut par des représentants du Royaume-Uni, de l'Espagne et de la Suède, l'Espagne semblant être le partenaire le plus intéressé à ce stade. La politique d'ouverture se traduira dès 2005 par l'embauche de deux chercheurs qui ne soient ni français ni allemands (12). La timidité de cette évolution témoigne de l'extrême lourdeur qu'impose le principe de parité prévu par le traité. De plus, la coexistence des droits français et allemand avec un « droit local » propre à l'établissement génère une grande complexité juridique et une lourdeur certaine des procédures de décision. A court terme, l'ISL tente de mieux se faire connaître et de tisser un réseau. La réforme doit toutefois être plus ambitieuse. Dans son rapport précité, Mme Lignières-Cassou avait déjà appelé de ses vœux une redéfinition des missions et du rôle de cet organisme. ● Proposition : à moyen terme, l'ISL pourrait devenir un des centres d'expertises de l'AED, indépendant des industriels. A long terme, il faudra sans doute envisager de modifier le traité pour « européaniser » pleinement l'institut. Ces établissements publics contribuent au maintien d'une base de recherche de haut niveau, mais ils ne peuvent à eux seuls assurer le maintien des compétences. Cette expression ne doit pas être entendue comme la traduction d'un conservatisme. Il ne s'agit pas d'entretenir à tout prix des compétences dans des domaines d'ores et déjà maîtrisés, mais de concentrer les moyens sur des secteurs technologiques clés. Dans certains domaines particulièrement stratégiques et pour lesquels la volonté d'indépendance nationale est déterminante, le rôle joué par les établissements publics de recherche est capital. C'est notamment le cas pour le programme de simulation, garant de la crédibilité de la dissuasion, intégralement mis en œuvre par la DAM. Dans d'autres domaines, soit que des coopérations soient requises ou admises à l'échelle européenne, soit que l'absence de programme d'armement pose problème, le recours à des démonstrateurs technologiques permet d'entretenir la recherche de défense à un haut niveau. 2. Une politique active de démonstrateurs technologiques · La décrue budgétaire en matière de recherche militaire a essentiellement touché les études amont, et donc pour l'essentiel l'effort de recherche et technologie contractualisé avec l'industrie. La loi de programmation militaire 2003-2008 prévoit une remontée progressive des crédits d'études amont afin de donner à la France les moyens de disposer de matériels performants, capables de soutenir la comparaison avec les matériels des armées étrangères, et d'atteindre un niveau comparable à l'effort britannique en matière de R & T. Dans cette perspective, la DGA a intensifié sa politique de démonstrateurs technologiques, avec pour objectif à terme d'en lancer au moins vingt par an. Le démonstrateur technologique est un objet dont la réalisation implique la maîtrise des technologies ou des interactions entre technologies critiques pour l'obtention de certaines performances techniques d'un éventuel système futur. Il permet de valider l'obtention de ces performances par des essais dans un environnement physique représentatif des conditions d'emploi envisagées. Le démonstrateur technologique joue donc un rôle de précurseur de programmes et permet de lever tout ou partie des risques. Cette proximité avec les programmes entraîne deux critiques, somme toute limitées. La première est que, précisément, les démonstrateurs technologiques s'inscrivent davantage dans une démarche de produit que dans une démarche de recherche. Selon la DGA, « l'examen des différents plans d'engagement d'études qui ont été mis sur pied depuis 2003 et qui ont été présentés aux états-majors et aux différents organismes du ministère, a effectivement montré que le ratio des études consacrées aux actions technologiques de base a marqué un certain fléchissement en termes de part de ces études rapportée au budget total des études amont. Cependant, cette constatation est à mettre en rapport avec l'augmentation des crédits totaux consacrés à ces études ». Il s'agit avant tout d'un problème conjoncturel, lié au caractère limité des ressources disponibles. La deuxième critique porte sur le fait que certains démonstrateurs, notamment en matière spatiale, offrent des performances tellement proches de celles de systèmes complets, qu'ils ont tendance à limiter l'incitation des états-majors à engager de véritables programmes. · Toutefois, les avantages de la politique de démonstrateurs technologiques sont nombreux. Outre la levée des risques, déjà mentionnée, ils offrent une visibilité aux travaux de recherche permettant aux personnes extérieures au cercle des études amont au sein du ministère de la défense de mieux mesurer les progrès accomplis et leurs usages possibles. Ils permettent de surcroît de motiver les équipes de chercheurs sur des projets valorisants et ayant des applications concrètes. Enfin, les démonstrateurs offrent deux avantages considérables : - ils permettent de mobiliser les industriels et les acteurs publics autour d'un projet fédérateur, tout en offrant des perspectives significatives de coopération à l'échelle européenne ; - en l'absence de programme d'armement, ils offrent une possibilité d'entretien des compétences à moindre frais dans des secteurs stratégiques. Le démonstrateur d'avion de combat sans pilote (UCAV), annoncé lors du salon du Bourget 2003, présente ces deux qualités. Compte tenu du calendrier des programmes aéronautiques (13), le démonstrateur UCAV constituait une des conditions indispensables pour assurer le maintien des compétences technologiques et de développement d'un appareil de combat. Sans l'UCAV, à compter de 2015, la compétence se serait érodée progressivement par les départs successifs à la retraite des ingénieurs capables de transférer leur savoir à leurs successeurs. Il s'agit de démontrer la capacité de l'Europe à réaliser et à faire voler une plate-forme discrète non habitée, pilotée à distance par une station-sol et apte à délivrer un armement guidé stocké en soute. L'UCAV ne répond pas, en principe, à un besoin opérationnel à court terme et ne préjuge pas, pense-t-on, de programmes d'équipement ultérieurs. Six Etats européens s'y sont déjà joints, en acceptant la règle du jeu, à savoir que ce programme ne doit pas servir de prétexte pour se doter de compétences technologiques dont ils ne disposent pas. Le montant global de l'opération sera de l'ordre de 300 millions d'euros. La question du maintien des compétences dans l'industrie se pose dans d'autres secteurs stratégiques, dans lesquels la France a beaucoup investi dans le passé. C'est notamment le cas en matière balistique, avec la baisse programmée des bureaux d'études ayant conçu Ariane et le missile M 51. La mise en œuvre de démonstrateurs permettant de conforter et développer les compétences est donc appelée à se développer, afin de répondre à de nouveaux besoins et de pallier l'effet de la très grande longueur des cycles industriels en matière d'armements. La dualité des technologies est surtout valable au niveau des technologies de base. Dès que l'on part de la recherche amont vers l'utilisation, un processus d'atténuation de la dualité est à l'œuvre et, finalement, subsiste une utilisation purement militaire ou purement civile. Cependant, certaines technologies sont davantage susceptibles d'avoir deux applications. C'est le cas en matière de détection et de télécommunications, pouvant aussi bien servir pour un usage militaire classique que pour des utilisations de sécurité civile ou de surveillance des frontières. Comme on l'a vu précédemment, ce type de dualité est appelé à se développer au sein des programmes de recherche communautaires. Le deuxième secteur où la dualité d'usage est par nature particulièrement importante est le secteur spatial, tant pour les satellites que pour les lanceurs. La plupart des programmes réalisés par le centre national d'études spatiales (CNES) sont duaux. C'est notamment le cas pour tout ce qui concerne l'observation de la terre. Ainsi, le programme Pléiades est complémentaire d'Hélios pour la reconnaissance optique, avec un champ d'observation beaucoup plus large. La dualité est également évidente pour les satellites météorologiques, l'océanographie (la France dispose d'une filière d'excellence avec les satellites TOPEX/Poseidon et Jason), les télécommunications et la navigation, avec Galileo. Pour les lanceurs, la dualité est de prime abord moins évidente. Toutefois, les lanceurs civils permettent un accès indépendant à l'espace et il existe une synergie forte en matière de R & T, puisqu'ils sont réalisés par le même industriel que les lanceurs militaires. Tous ces éléments ont conduit depuis longtemps à organiser le financement d'une partie des activités du CNES par le biais d'une contribution importante du ministère de la défense au titre du BCRD. Cette contribution s'est élevée à 200 millions d'euros en 2004 et 2005. En 2004, elle a été utilisée à hauteur de 130 millions d'euros pour compléter le budget du CNES, de 35 millions d'euros pour celui du CEA, de 30 millions d'euros pour les fonds du ministère de la recherche (15 millions d'euros pour le fonds national de la science et 15 millions d'euros pour le fonds de recherche et technologie) (14), enfin, de 5 millions d'euros pour l'ANVAR (financement de PME intéressant la défense). En 2005, les crédits du BCRD seront répartis à raison de 165 millions d'euros pour le CNES et de 35 millions d'euros pour le CEA. En ce qui concerne le CEA, ces crédits sont destinés à financer les programmes de sécurité NRBC. Si pendant longtemps ce mécanisme budgétaire a soulevé des objections, c'est en grande partie parce qu'il n'était pas accompagné d'un mécanisme permettant d'identifier l'emploi des fonds, et encore moins d'associer le ministère de la défense aux décisions sur les activités financées. A la suite d'une lettre du Premier ministre d'octobre 2003, le ministère de la défense a cherché en 2003 à identifier, en liaison avec le ministère de la recherche, à quels programmes le montant de 200 millions d'euros de la contribution de la défense au BCRD en 2004 serait affecté. Le ministère de la défense a ainsi désigné des spécialistes pour participer aux réseaux de recherche et d'innovation technologique (RRIT) afin de définir les domaines d'intérêt commun et d'approuver les projets. 15 millions d'euros ont ainsi été consacrés aux programmes incitatifs associant partenaires publics et privés au sein des RRIT en 2004, dans les domaines suivants : télécommunications, micro et nanotechnologies, technologies logicielles, audiovisuel et multimédia, innovation en matière de biotechnologies, technologies pour la santé, pile à combustible, matériaux et procédés, eau et technologies de l'environnement, pollutions marines accidentelles, et, enfin, terre et espace. En ce qui concerne la contribution au CNES, la mise en place d'une équipe défense en 2004, composée du président du CNES, du sous-chef plans à l'état-major des armées et de l'adjoint directeur des systèmes d'armes de la DGA permet d'associer les acteurs défense aux choix des programmes du CNES. Ainsi, ce dernier a pu répondre rapidement à la demande de réalisation d'un programme de renseignement électromagnétique (ELINT). La préparation du contrat pluriannuel entre le CNES et l'Etat pour la période 2005-2010 doit en outre permettre de réserver une place plus importante aux questions de défense. Ainsi, le CNES travaille depuis longtemps sur un lanceur à la demande (quick launch), pour lequel il mène une veille sur les briques technologiques nécessaires et qui figure explicitement dans le projet de contrat avec l'Etat. Outre ce travail de clarification, déjà en cours et fructueux, il convient de noter que les actions de recherche duale s'inscriront désormais dans le cadre de la LOLF au sein d'une mission interministérielle spécifique, pilotée par la DGA. Cela devrait permettre une meilleure lisibilité des objectifs et des résultats obtenus et de mesurer l'efficacité des actions engagées au regard des attentes de l'ensemble des acteurs. C. FAVORISER L'INNOVATION TECHNOLOGIQUE 1. L'adaptation de l'organisation de la DGA ● A partir du milieu des années 1990, une conjonction de facteurs a conduit à un affaiblissement progressif de la capacité d'expertise technologique de la DGA. La réforme de la DGA en 1997 a donné la priorité à la conduite des programmes d'armement. Elle s'est traduite également par la suppression de la direction des recherches et études techniques (DRET). Créée au milieu des années 1970, la DRET assurait des missions multiples de programmation des études de défense, de coordination technique, de coopération internationale et de gestion (elle gérait directement environ 20 % du budget d'études amont, au travers soit d'établissements techniques sous sa tutelle, soit de contrats conclus avec des organismes extérieurs de recherche). Elle assurait une certaine synergie entre chercheurs civils et militaires. Plusieurs reproches, fatals à son avenir, ont été formulés à l'encontre de cette direction, jugée insuffisamment tournée vers les besoins des états-majors et trop liée au monde scientifique des chercheurs et des universités. Les études menées étaient considérées comme éloignées des préoccupations des autres directions de la DGA, davantage soucieuses du court terme. La réforme de la DGA s'est aussi accompagnée d'une diminution de plus de 30 % des effectifs, coïncidant de surcroît à un vieillissement du personnel de la DGA. Cette évolution démographique s'est ajoutée à la dilution progressive des liens entretenus précédemment avec d'autres acteurs publics civils de la recherche. Alors que dans les années 1960-1970, un ensemble d'investisseurs comme le CEA, la DGA, les PTT et EDF se connaissaient bien et œuvraient dans des projets communs (15), dans les années 1980, le paysage s'est largement modifié et les contacts se sont affaiblis. Le changement de statut de certains groupes publics et la recherche de davantage de rentabilité ont conduit à une réduction importante de l'effort de recherche dont pouvait bénéficier la défense. Au total, l'ensemble de ces phénomènes s'est traduit par une concentration du travail de la DGA sur la gestion des programmes, au détriment de l'expertise scientifique et technologique. Une telle tendance est évidemment peu compatible avec le rôle de préparation de l'avenir qui lui est imparti. ● L'évolution récente de l'organisation de la DGA, prévue par le décret n° 2005-72 du 31 janvier 2005, a notamment pour objectif de se doter des moyens d'assurer une véritable maîtrise d'ouvrage, par le renforcement des compétences techniques et le redéploiement des moyens sur les domaines techniques clés pour la défense. Sur un plan pratique, la nouvelle organisation identifie deux pôles, correspondant aux deux grandes missions : l'un consacré aux opérations, l'autre consacré à la stratégie, aux questions de sécurité et à l'international. Par ailleurs, des directions fonctionnelles continuent d'assurer un rôle transverse dans les différents domaines liés au fonctionnement général de la délégation. La politique de recherche reste pilotée au sein de la direction des systèmes de forces et des stratégies technologique, industrielle et de coopération (D4S), qui regroupe désormais les attributions de l'ancienne direction des systèmes de forces et de la prospective (DSP) en termes d'architecture de systèmes de forces et de pilotage de la recherche et de la politique technique et sectorielle, ainsi que celles de l'ancienne direction de la coopération et des affaires industrielles (DCI) en termes de politique industrielle et de coopération. En face de cette direction, dans le pôle opérations, la direction de l'expertise technique regroupe le pilotage des compétences techniques. Cette organisation devrait favoriser la cohérence de la politique de R & T en instaurant le dialogue entre les deux pôles, regroupant d'une part les points de vue stratégiques et d'autre part l'expertise technique. Par ailleurs, l'organisation prend désormais en charge les activités liées au thème de la sécurité. Le service de la recherche et des technologies de défense et de sécurité (SRTS) reprend en effet les missions exercées par le service de la recherche et des études amont (SREA), auxquelles est ajoutée la charge d'assurer la cohérence des actions du ministère de la défense avec celles menées par le SGDN et les autres ministères. La nouvelle approche de la dualité en matière de technologies de sécurité est donc prise en compte. De plus, afin de davantage préparer les capacités à long terme, une mission pour la recherche et l'innovation scientifique (MRIS) est en cours de création. Placée sous l'autorité du conseiller auprès du délégué général pour l'armement et directeur scientifique (CDS), elle aura pour mission : - d'être l'interlocuteur de haut niveau de la DGA vis-à-vis de la communauté scientifique nationale et internationale, dans le but d'assurer la lisibilité et la cohérence des actions de la délégation vis-à-vis de cette communauté ; - d'identifier, évaluer, rationaliser, développer et capitaliser les actions de recherche et d'innovation du domaine des sciences et des technologies de base, en cohérence avec les autres actions de la DGA et dans le contexte européen ; - de définir et mettre en place la politique scientifique de la DGA en recherche et technologie de base. Un objectif majeur de la MRIS en 2005 est l'élaboration de la première version d'un document de « politique et d'objectifs scientifiques » de la délégation, qui constituera un des éléments du plan stratégique de R & T. Ce document précisera les sujets scientifiques à surveiller ou à soutenir par la défense et les modes de coopération à privilégier avec la recherche scientifique civile, nationale et internationale. En application de cette politique, la MRIS mettra en œuvre les actions de recherche et d'innovation scientifique (incluant la veille et l'« intelligence » scientifique) dans huit domaines des sciences et technologies de base (16). La composition de la MRIS comprend, outre son directeur, un directeur adjoint, huit responsables des domaines scientifiques précités, et des personnels en charge de l'optimisation des modalités de coopération avec la communauté scientifique civile. La MRIS aura donc pour mission d'assurer l'interface avec les grands établissements publics de recherche et les industriels, mais aussi de susciter des idées de recherche avec des laboratoires et des universités (petites études très amont), afin de ne pas passer à côté de ruptures technologiques potentielles. Sa création apparaît éminemment nécessaire pour que la DGA soit en mesure de reconstituer un réseau efficace de contacts avec les PME-PMI, les établissements publics et le monde de la recherche civile. Dans cet esprit, il est nécessaire que la MRIS soit associée au comité de pilotage de l'agence nationale de la recherche. 2. Soutenir les programmes de recherche des industriels Il convient toutefois de ne pas perdre de vue que la structure des industries de défense en France, et de plus en plus à l'échelon européen, est caractérisée par la place très importante des grandes entreprises. Ces dernières ont tout naturellement un rôle majeur en matière de recherche afin de conforter leurs positions sur le marché international. De ce fait, elles sont souvent les précurseurs des coopérations à l'échelle européenne. Comme l'indique le tableau ci-après, en 2003, 67 % des études amont ont été confiées aux grands industriels du secteur de la défense.
Cette situation souligne l'importance considérable de la recherche réalisée par les grandes entreprises du secteur, mais aussi un peu paradoxalement la fragilité de leur position. Elles ont en effet dû faire face à une période de stagnation, voire de baisse en euros constants, des crédits publics destinés à ces études amont. Parmi leurs principales revendications, exprimées notamment dans le livre blanc publié en 2004 par le conseil des industries de défense françaises (CIDEF), figure le soutien à la R & T de l'industrie de défense. Le besoin en crédits jugé nécessaire s'élève à un milliard d'euros par an, hors BCRD. On peut penser que cette revendication est légitime, à condition d'y intégrer le BCRD. Toutefois, l'aspect financier n'est pas le seul à être pris en compte. Lors des auditions, le rapporteur a pu constater à quel point l'ensemble des industriels déplorait les difficultés rencontrées pour s'associer au monde de la recherche publique civile. Une action pédagogique et incitative doit être engagée par la tutelle des établissements publics de recherche civile et, surtout, des laboratoires universitaires, afin de favoriser la conclusion de partenariats. Dans cette perspective, les établissements publics de recherche intervenant dans le domaine de la défense et de la sécurité peuvent jouer un rôle d'intermédiaire pour assurer une meilleure association entre deux mondes de la recherche qui s'ignorent trop. ● Recommandation : le projet de loi d'orientation et de programmation de la recherche et de l'innovation devra aborder la question du décloisonnement nécessaire entre la recherche publique civile et la recherche de défense, publique ou privée. Enfin, la plupart des grandes entreprises ont noué des alliances durables à l'échelle européenne, voire sont devenues européennes. Elles ont accompli des efforts de spécialisation géographique, mais ceux-ci ne pourront être complets que si les Etats s'entendent explicitement sur les compétences pour lesquelles ils acceptent d'être interdépendants à l'échelle européenne. On attend de l'AED une initiative concrète en la matière. 3. Améliorer l'accès des PME-PMI innovantes aux marchés de recherche de défense La vitalité du tissu industriel constitué par les PME-PMI est un élément essentiel favorisant l'innovation technologique. Or, force est de constater que les obstacles sont nombreux à l'accès de ces entreprises aux marchés de recherche de défense et de sécurité. Cela se traduit par une part faible de contrats confiés directement à ces entreprises. La portion dévolue aux PME représente entre 5 % et 10 % du total des contrats signés, selon que l'on intègre ou non dans le périmètre les filiales des grands groupes d'armement. Aux Etats-Unis, ce taux est de l'ordre de 40 % (accès direct et sous-traitance). Cet écart est pour partie imputable aux différences d'environnement juridique, avec notamment l'existence du Small business act (SBA). Ce dernier fixe des objectifs d'accès des PME-PMI à la commande fédérale, à hauteur de 23 % des contrats directs. La Small business administration veille à la bonne application de cette disposition. En ce qui concerne le ministère de la défense américain (DoD), le taux d'attribution des contrats directs au PME a atteint ces dernières années près de 21 %. Par ailleurs, des programmes de soutien à l'innovation visent plus spécifiquement les entreprises innovantes, au travers notamment des programmes Small business innovation research (SBIR) et Small business technology transfer (STTR), qui organisent une publication très accessible des différents projets subventionnés d'agences fédérales, afin de permettre aux entreprises de se porter candidates. Afin de mieux faire participer les PME-PMI innovantes à la recherche de défense en France, l'accès aussi bien direct qu'indirect aux marchés doit être encouragé significativement. Pour favoriser l'accès direct, la DGA a mis tout d'abord en place la procédure des propositions non sollicitées (PNS), puis celle des appels à projets (AAP). Pour ces derniers, elle indiquait les thèmes qui l'intéressaient. Les deux procédures n'ont guère donné de résultat, car elles accroissaient de fait la charge de travail du responsable du projet, chargé de gérer les marchés (multiplication des dossiers de marché publics). Deux allègements procéduraux ont été mis en oeuvre par la suite. L'article 3 du code des marchés publics exclut des dispositions dudit code les achats de services effectués dans le cadre de programmes de recherche-développement auxquels une personne publique contribue sans les financer intégralement ni en acquérir totalement les résultats. Cela autorise la conclusion de contrats de R & D sous forme d'une aide plafonnée à 50 %, sans appel d'offre. Le décret du 8 janvier 2004 autorise pour sa part la passation d'un marché sans appel d'offre s'il est dans le domaine de la défense et s'il est prouvé que l'entreprise contractante apporte une innovation technologique particulière. Dans cette perspective, la DGA met actuellement au point un contrat de recherche et d'innovation (CREI) dont les principales caractéristiques sont retracées dans l'encadré ci-après. La procédure dite de « recherche exploratoire et d'innovation » est en cours de mise en place par la DGA pour faciliter l'accès des PME aux recherches de défense ; celle-ci assurera le soutien de projets d'exploration de thèmes nouveaux dans des domaines d'intérêt pour la défense et permettra de maintenir l'effort d'innovation technologique, en stimulant l'ouverture de voies nouvelles de recherche. Dans un processus de type bottom-up, la procédure traitera des propositions émanant de manière spontanée d'équipes de recherche ou des PME-PMI. La procédure a été élaborée afin d'assurer la plus grande réactivité vis-à-vis des contractants potentiels : - les demandeurs, PME-PMI ou organismes de recherche, saisissent leur projet en ligne sur le portail internet ixarm de la DGA : ils y remplissent un modèle-type de marché (clauses administratives et techniques). Deux types de contrats sont prévus : un contrat « exploratoire », d'un montant fixe de 50 000 €, et un contrat de « démonstration », d'un montant de 150 000 € à 300 000 € ; - un point de contact unique est identifié à la DGA ; il traite les dossiers, les fait évaluer et réunit une commission de sélection tous les deux à trois mois. En tout état de cause, une première réponse est envoyée à l'intervenant dans un délai de trois mois à compter de la date de la demande et, en cas de suite favorable, la contractualisation intervient dans un délai de six mois. Les projets seront sélectionnés selon les critères suivants : - l'ambition des objectifs scientifiques et techniques ; - l'originalité de l'approche proposée ; - le niveau des objectifs retenus (explorer des points durs scientifiques ou techniques et rechercher les voies les plus appropriées pour les lever ; stimuler l'effort d'innovation scientifique et technologique en favorisant le développement des compétences et l'identification des ruptures technologiques ; apporter une contribution potentielle à l'acquisition des capacités technologiques) ; - la cohérence avec les orientations générales de la DGA dans le domaine scientifique et technique. Source : DGA. Le succès de cette procédure supposera une diffusion plus large et plus systématique des besoins exprimés par la DGA. Par ailleurs, tout en restant dans une démarche d'accès au marché et non d'assistance, il est nécessaire de favoriser l'accès indirect des PME aux contrats de recherche de défense et de sécurité, en incitant davantage les industriels de l'armement à s'associer avec des PME-PMI innovantes. Si le système américain fixant des niveaux impératifs de parts de marché de la recherche publique confiées aux PME apparaît difficilement transposable, il est possible d'envisager des mécanismes incitatifs. ● Recommandation : le projet de loi sur la recherche, en cours de préparation, doit s'attacher à mieux organiser la contribution des PME-PMI à la recherche de défense et de sécurité. 4. Donner un rôle d'interface accru aux établissements publics Les établissements publics intervenant dans la recherche (CEA, ONERA, CNRS, CNES, etc.) constituent une richesse remarquable, tant en raison de leurs compétences propres que par leur connaissance du monde universitaire et académique. La DGA n'ayant pas vocation à développer une expertise technique telle qu'elle duplique les capacités existantes ailleurs, elle a tout intérêt à s'appuyer plus systématiquement sur les établissements publics, que ce soit pour la réalisation de projets de recherche ou pour celle d'études préalables. La première possibilité peut constituer en quelque sorte une « maîtrise d'ouvrage déléguée », après une mise en concurrence. La sélection des acteurs chargés de mettre en œuvre ces actions doit se faire sur la démarche précise qu'ils entendent retenir pour répondre à la demande formulée (stratégie générale, partenaires envisagés, adéquation entre le besoin exprimé et la solution proposée). Cela implique que les objectifs poursuivis et l'enveloppe budgétaire allouée soient clairement définis, et que les organismes choisis rendent compte régulièrement et de manière précise. Ce type de partenariat a d'ores et déjà été mis en œuvre. Ainsi, la gestion de concours de drone miniature a été confiée à l'ONERA par la DGA : celle-ci a défini les objectifs et fixé un budget, dont elle a déterminé l'affectation par grandes masses, puis confié le tout pour réalisation à l'ONERA. Dans le même esprit, des études prospectives pourraient être commandées sur ce modèle, afin de procéder à une évaluation complète des besoins et de ce qu'il est envisageable de réaliser. Cela pourrait toucher des domaines aussi divers que la défense antimissile ou l'observation optique haute résolution en orbite géostationnaire. La procédure ainsi retenue permettrait de mieux cibler les commandes de démonstrateurs technologiques et sans doute de mieux percevoir l'utilisation possible de technologies émergentes ou en développement. D. L'EXCELLENCE FRANÇAISE AU SERVICE D'UN NOUVELLE AMBITION Le niveau d'excellence atteint par la recherche française à finalité de défense est le résultat d'une succession de choix politiques majeurs. D'abord, la volonté exprimée par le Général de Gaulle de doter la France d'une dissuasion nucléaire autonome. On sait la formidable impulsion qui fut ainsi donnée à la science et aux technologies dans notre pays. Plus tard, la conquête spatiale, autre exemple d'ambition politique incarnée par le lanceur Ariane, vint donner un élan supplémentaire à la recherche de pointe et aux industriels qui s'y sont investis. Si la recherche civile ou militaire a besoin d'objectifs ambitieux, elle a besoin également d'objectifs fédérateurs. Aujourd'hui, reconnaissons-le, l'imagination apparaît défaillante et les programmes de recherche de défense se caractérisent par un morcellement qui enlève l'indispensable visibilité aux efforts qui sont pourtant accomplis. Clairement, il manque un élan politique, une ambition fédératrice susceptibles d'attiser l'intérêt des chercheurs et des industriels. Or, une opportunité se présente avec l'aéronautique de nouvelle génération, celle des aérosystèmes automatisés dont les drones constituent aujourd'hui une représentation encore simpliste. Les Etats-Unis, Israël et derrière eux la France, comme d'autres nations, s'engagent, avec plus ou moins de circonspection, dans une démarche tout juste exploratoire, en s'attachant à la mise au point de prototypes encore rudimentaires. Il est vrai que la matière est d'une extrême complexité, notamment lorsque les systèmes visent à se rapprocher de l'aviation de combat. On peut raisonnablement pronostiquer que d'ici vingt ans l'aéronautique automatisée aura trouvé sa place dans quasiment tous les compartiments de l'aviation militaire et dans certaines applications civiles touchant à la sécurité. L'approche en termes de R & T de ce nouveau champ d'action est pour le moment fragmentée, cloisonnée. Les initiatives sont identifiées par type de système, chacun étant adapté à un usage ou une mission spécifiques. Or, qui peut contester que beaucoup de problématiques touchant aux aérosystèmes automatisés sont transverses ? Dès lors n'est-il pas évident que leur approche doit être globalisée par souci de rationalisation, d'efficacité, d'économie. Sans doute ne convient-il pas de désigner un seul maître d'œuvre, sorte de systémier généraliste de l'aéronautique automatisé. L'objectif est bien plutôt de faire appel aux compétences telles qu'elles existent et de les mettre en synergie sous une maîtrise d'ouvrage nationale ou plus vraisemblablement européenne, dès que cela s'avèrera possible. L'initiative proposée permettrait d'aborder dans une synergie ambitieuse et prospective les domaines de recherche et les technologies les plus avancés et sans aucun doute parmi les plus porteurs d'avenir : miniaturisation de composants, matériaux nouveaux, moteurs à longue endurance et faible consommation, propulseurs du futur, composants électroniques et optroniques, nanotechnologies, sécurité des réseaux, transmissions, traitement et fusions de données, interopérabilité des segments sol ou satellitaire, technologies de décollage et atterrissage automatique (automatic take off and lauding, ATOL), pilotage et navigation de précision, intégration dans la circulation aérienne, etc. L'importance de l'enjeu, capital pour l'avenir de toutes les aéronautiques militaires et civiles, justifie qu'un tel projet relève d'une décision politique. En effet, les arbitrages, les engagements financiers sont d'une importance telle que seul l'échelon gouvernemental ou communautaire est à même de les assumer. ● Recommandation : pour combler l'absence de projet politique et technologique majeurs et fédérateur dont souffre la recherche de défense et de sécurité, le lancement d'un vaste programme de développement de systèmes aéronautiques automatisés, l'aviation de nouvelle génération, apparaît une initiative pertinente. Les Etats-Unis se sont déjà largement engagés dans cette voie. A l'heure actuelle, les programmes initiés en France et en Europe sont segmentés ce qui interdit toute vision d'ensemble sur un domaine où les problématiques sont transversales quels que soient les types de mission considérés et les systèmes conçus pour y répondre. Une telle initiative permettrait d'aborder dans une synergie ambitieuse et prospective les recherches et le technologies les plus avancées dans une multitude de domaines d'intérêt stratégique pour l'avenir. Ce projet capital pour l'avenir de toutes les aéronautiques militaires et civiles devrait s'ouvrir vers l'échelon européen et, par son caractère dual, intéresser de nombreux partenaires. L'origine de l'excellence française en matière de recherche de défense est à rechercher dans une volonté politique, liée tout particulièrement à la construction d'une dissuasion indépendante, avec toutes les conséquences que cela suppose sur des technologies très variées. La France occupe pour cette raison une des toutes premières places en Europe, et les résultats dont elle peut se targuer sont remarquables au regard du caractère malgré tout contraint des moyens qu'elle a pu y consacrer. Une répartition des rôles s'est opérée entre les industriels et la puissance publique, cette dernière agissant plus spécifiquement sur la recherche plus en amont, par le biais des grands établissements publics de recherche. Malgré cet acquis, le sentiment du creusement d'un écart entre les Etats-Unis et la France est net si l'on se réfère au fait que la R & T américaine représente dix fois celle réalisée en France. Et la différence est encore plus marquée si l'on prend en considération l'ensemble des pays européens. Au demeurant, à l'exception de domaines précis, tels que les composants électroniques, il s'agit plus d'un retard capacitaire que d'absence de savoir-faire et l'on ne saurait parler de décrochage technologique. Toutefois, le risque d'une telle évolution est inéluctable si aucun sursaut n'intervient à l'échelon européen. Jusqu'à présent, l'Europe n'a pas réussi à s'ériger en alternative crédible, tant du point de vue de l'action multilatérale que des réalisations communautaires. La création de l'AED est donc une initiative réellement positive, qui ne trouvera sa pleine justification que si elle préfigure le dispositif de coopérations structurées permanentes. Dans le contexte actuel, la France ne peut consentir à un affaiblissement de sa position en matière de R & T de défense. Tout en jouant la carte européenne, elle doit s'attacher à conforter son potentiel dont dépendent à la fois son industrie de défense et ses capacités militaires, c'est-à-dire son rang sur la scène internationale. C'est dans cette perspective qu'il est proposé de réévaluer l'effort budgétaire de R & T de défense et qu'il est recommandé de lancer un grand programme fédérateur dans le domaine des systèmes aéronautiques automatisés, c'est-à-dire de l'aviation de nouvelle génération. La France ne peut plus tarder à prendre les décisions qui s'imposent si elle veut conserver sa position. La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le présent rapport d'information au cours de sa réunion du mercredi 9 mars 2005. Un débat a suivi l'exposé du rapporteur. Le président Guy Teissier a souligné l'importance de la dimension européenne de la recherche de défense, tout en saluant les performances françaises remarquables dans ce domaine ; de fait, le « gap » entre les Etats-Unis et l'Europe apparaît davantage financier que technologique. Il a rappelé que, dès janvier, le bureau a proposé que la commission entende M. Nick Witney, directeur général de l'AED, et M. Nazzareno Cardinali, directeur de l'OCCAR. Ce dernier devrait s'exprimer devant la commission dans quelques semaines, ce qui fournira l'occasion de lui poser des questions sur les enjeux de la recherche de défense, à la lumière des conclusions du présent rapport. En France comme en Europe, coexistent de nombreux organismes de recherche militaire, dont les compétences se chevauchent parfois. On peut notamment s'interroger sur les missions respectives de l'AED et de l'OCCAR et sur l'avenir de cette dernière organisation. Il serait intéressant d'entendre également la ministre sur ce point, et plus généralement sur le sujet de la recherche militaire. M. Bernard Deflesselles a demandé s'il était possible d'apprécier les conséquences opérationnelles de l'écart constaté par le rapporteur entre les crédits de recherche définis par la loi de programmation militaire et ceux effectivement consommés : cet écart financier se traduit-il par des retards ou des décalages dans certains programmes militaires ? Le rapporteur a indiqué que les principales lacunes résultant d'insuffisants moyens budgétaires peuvent être identifiées dans le domaine des capacités de commandement, de communication, de conduite des opérations et du renseignement, ce qui emporte des conséquences importantes en matière d'interopérabilité avec les autres forces armées dans le cas de coalition. Peuvent être ainsi constatées des lacunes dans les équipements en liaison 16 ainsi que dans les transmissions satellitaires, ce qui peut d'ailleurs affecter les opérations menées par les forces spéciales. M. Jean-Michel Boucheron a relevé l'enthousiasme manifesté par le rapporteur sur les perspectives de coopération européenne en matière de recherche. Toutefois, on peut être légitimement préoccupé par le fait que le budget de l'AED dépend de celui de l'Union européenne, lui-même très contraint et soumis à l'approbation unanime des Etats membres. Un accroissement de ses moyens pourrait donc se heurter à l'opposition d'un seul pays, alors que, par exemple, il est de notoriété publique que le président de la Lituanie est proche de la CIA. De plus, la mise en œuvre de coopérations structurées entre plusieurs pays requiert l'accord de tous les autres Etats membres ; certains d'entre eux, qui ne souhaiteraient pas favoriser le développement d'une défense européenne, pourraient ainsi opposer leur veto. Enfin, s'agissant du programme européen Galileo, il faut rappeler que, sous la pression directe des Etats-Unis, il a été décidé d'abandonner de fait l'utilisation militaire du signal de précision, alors que cette possibilité constituait pourtant la raison d'être du lancement du programme. Aux termes de l'accord conclu par le conseil des ministres des transports de l'Union, en décembre 2004, l'unanimité est ainsi requise pour permettre l'utilisation de Galileo pour le guidage d'armes de précisions. Le rapporteur a rappelé que l'agence européenne de défense, prévue à l'article I-41 du projet de traité constitutionnel, est une organisation intergouvernementale. Il appartiendra, à l'avenir à chaque Etat désireux d'adhérer à un projet d'armement commun de débloquer les crédits nécessaires à la réalisation des investissements y afférents. Les coopérations structurées permanentes, définies aux articles I-41 et III-312 du projet de traité constitutionnel, ne pourront concerner que des Etats qui partagent une forte implication dans les domaines de la défense et de l'armement, avec des moyens relativement comparables. Il est vraisemblable que les membres de la LoI seront plus particulièrement intéressés par ce type de coopération. Cependant, le risque de blocage existe et il ne saurait être question de le nier. M. Jean Michel a souligné qu'alors que les traités en vigueur permettent de mettre en place des coopérations renforcées à la seule condition d'un accord des Etats participants, le projet de traité constitutionnel se présente comme une régression en prévoyant que les coopérations structurées permanentes ne pourront voir le jour que si l'ensemble des Etats membres de l'Union, ainsi que la Commission européenne, ont donné leur aval. Il y a là un motif d'inquiétude assez fort, dans la mesure où les Etats membres qui sont affidés à des influences extérieures pourront ainsi bloquer des initiatives en faveur d'un renforcement de l'Europe de la défense. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit pour Galileo, dont la mise en place a été directement subordonnée à un accord américain. Dans ces conditions, il y a tout lieu de s'interroger sur le devenir de l'autonomie de l'Europe de la défense. Tout en reconnaissant qu'un blocage était possible sur la mise en œuvre des coopérations renforcées, le rapporteur a justifié le mécanisme prévu en indiquant que l'Union européenne pourrait désormais déléguer des missions de défense aux Etats ayant noué des coopérations renforcées en la matière. Les implications des coopérations renforcées étant très fortes, il est tout à fait justifié que des verrous aient été prévus en faveur des autres Etats membres. Pour ce qui concerne le programme Galileo, s'il est incontestable que son déroulement a été émaillé de difficultés réelles, il n'en demeure pas moins que la ministre de la défense a affirmé que la constellation européenne de satellites de positionnement pourra être utilisée par les forces armées. Peut-être quelques contraintes et limitations existeront-elles, mais la ministre a précisé que Galileo demeurera conforme aux besoins de la défense. M. Jean-Michel Boucheron a observé que les propos de la ministre portaient sur l'utilisation de Galileo par les militaires, sans précision aucune sur la nature de cette utilisation. Le président Guy Teissier a rappelé que la commission devait entendre la ministre de la défense dans un avenir proche et que cela serait l'occasion de lui faire préciser ce point. La vocation du système se borne-t-elle au guidage de véhicules terrestres ou s'élargit-elle au guidage des missiles de haute précision ? Il a rappelé la position adoptée par la Suède, pays proche des Etats-Unis, qui a pesé de tout son poids contre le projet. Le rapporteur a rappelé que la technologie de Galileo était pour partie d'origine américaine. M. Charles Cova a insisté sur l'utilité de créer une mission d'information sur la part du budget de la défense consacrée à la direction des applications militaires (DAM) du CEA. Le rapporteur a rappelé des données sur l'utilisation des crédits confiés à la DAM figuraient d'ores et déjà dans le rapport pour avis sur la dissuasion nucléaire, présenté par M. Antoine Carré. De plus, en 2005, le CEA a reçu 35 millions d'euros à partir du BCRD, afin de financer le programme de lutte contre la menace NRBC. La Commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication. --____-- ● Les crédits prévus par la LPM en matière de R & T doivent être considérés comme prioritaires, car ils engagent les capacités militaires de l'avenir. Ils pourraient faire l'objet d'un programme spécifique dans le cadre de la LOLF. ● La dotation budgétaire affectée à la recherche de défense et de sécurité, hors nucléaire, doit être réévaluée pour rejoindre le niveau de l'effort britannique. C'est un engagement réaffirmé par le pouvoir politique. Cet objectif, qui n'est pas encore atteint, n'est cependant pas suffisant. Le formidable effet de levier de la recherche sur nos industries de défense et sur notre économie, incite à fixer à un milliard d'euros le montant de l'effort budgétaire public à consentir, hors nucléaire. ● A moyen terme, l'ISL pourrait devenir un des centres d'expertises de l'AED, indépendant des industriels. A long terme, il faudra sans doute envisager de modifier le traité pour « européaniser » pleinement l'institut. ● Il convient de créer au plan européen un lieu ressource capable d'identifier l'ensemble des compétences en R & T, intéressant la défense. L'AED semble toute indiquée pour assumer cette mission qui répond à une forte attente du milieu industriel. ● Le projet de loi d'orientation et de programmation de la recherche et de l'innovation devra aborder la question du décloisonnement nécessaire entre la recherche publique civile et la recherche de défense, publique ou privée. ● Le projet de loi sur la recherche, en cours de préparation, doit s'attacher à mieux organiser la contribution des PME-PMI à la recherche de défense et de sécurité. ● Pour combler l'absence de projet politique et technologique majeurs et fédérateur dont souffre la recherche de défense et de sécurité, le lancement d'un vaste programme de développement de systèmes aéronautiques automatisés, l'aviation de nouvelle génération, apparaît une initiative pertinente. Les Etats-Unis se sont déjà largement engagés dans cette voie. A l'heure actuelle, les programmes initiés en France et en Europe sont segmentés ce qui interdit toute vision d'ensemble sur un domaine où les problématiques sont transversales quels que soient les types de mission considérés et les systèmes conçus pour y répondre. Une telle initiative permettrait d'aborder dans une synergie ambitieuse et prospective les recherches et le technologies les plus avancées dans une multitude de domaines d'intérêt stratégique pour l'avenir Ce projet capital pour l'avenir de toutes les aéronautiques militaires et civiles devrait s'ouvrir vers l'échelon européen et, par son caractère dual, intéresser de nombreux partenaires. ● Pour inciter davantage d'Etats membres de l'Union européenne à participer à l'effort commun de défense et de sécurité, il est nécessaire d'adopter des dispositions financières incitatives. A cet égard, la proposition, déjà soutenue à la tribune de l'Assemblée nationale et récemment reprise par le Président de la République, visant à ce que le pacte de stabilité et de croissance réformé réserve un traitement particulier à certaines dépenses, telles que la recherche ou la défense, doit être particulièrement appuyée. LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 1. Parlement européen - M. Philippe Busquin, député européen, ancien commissaire à la recherche. 2. Direction générale de la recherche de la Commission européenne - M. Herbert Von Bose, chef de l'unité préparatoire de l'action pour la sécurité. 3. Agence européenne de défense - M. Nick Witney, directeur général. 4. État-major des armées - Contre-amiral Jean Tandonnet, secrétaire général du collège des officiers de cohérence opérationnelle (OCO) ; - M. André Brémard, ingénieur en chef de l'armement, adjoint armement à la direction plans-programme-évaluation. 5. Ministère de la recherche - M. Jean-Jacques Gagnepain, directeur de la technologie ; - M. Philippe Pujes, directeur du département espace et aéronautique. 6. Délégation générale pour l'armement - M. François Lureau, délégué général pour l'armement ; - M. Michel Petré, directeur des systèmes de forces et de la prospective ; - M. Raymond Charguellon, sous-directeur des programmes études amont. 7. Conseil général de l'armement - M. Michel Delaye, vice-président du Conseil général de l'armement ; - M. Jean-Pierre Crestin, ingénieur général de l'armement, président de la section études techniques ; - M. Gérald Boisrayon, ingénieur général de l'armement en 2ème section, ancien président de la section études générales ; - M. Jacques Bongrand, ingénieur général de l'armement, directeur du service de la recherche et des études amont. 8. Conseil scientifique de la défense - M. l'ambassadeur de France Francis Gutmann, président ; - M. Michel Bouthier, ingénieur en chef de l'armement, secrétaire général. 9. Commissariat à l'énergie atomique - M. Alain Delpuech, directeur des applications militaires, accompagné de M. Jean-Pierre Vigouroux, chef de la cellule affaires publiques. 10. Centre national d'études spatiales - M. Yannick d'Escatha, président ; - M. Michel Lefevre, directeur délégué, directeur financier ; - M. Michel Dorrer, directeur de programme ; - M. Arnaud Benedetti, directeur de la communication ; - M. Francis Fiszleiber, chef de la communication. 11. ONERA - M. Denis Maugars, président du conseil d'administration ; - M. Jacques Lafaye, chargé de mission auprès du président. 12. ISL - M. Dominique Litaise, ingénieur général de l'armement, directeur de l'ISL. 13. Comité Richelieu - M. Emmanuel Leprince, délégué général. 14. Industriels ● EADS - M. Philippe Camus, président-directeur général ; - M. Daniel Deviller, directeur de la recherche ; - M. Philippe Coq, directeur des programmes MALE ; - M. Jean-Louis Gergorin, directeur de la stratégie ; - M. Patrick Oswald, directeur des drones tactiques ; - M. Denis Verret, directeur délégué aux affaires publiques France, accompagnés de Mmes Annick Perrimond, directeur des relations institutionnelles et Sophie Roukline, chargée des relations avec le Parlement. ● DCN - M. Alain Fougeron, directeur commercial ; - M. Christian Matton, chargé du développement commercial en France ; - M. Jacques Lebreton, directeur de la technologie et de l'innovation. ● GIAT - M. Luc Vigneron, président ; - M. Philippe Hervé, directeur des études amont et de la recherche technologique. ● Thales - M. Dominique Vernay, directeur de la recherche ; - M. Jacques Delphis, chargé des relations institutionnelles. ● Sagem - M. Jacques Paccard, directeur de la branche défense et sécurité ; - M. Jean-François Coutris, directeur de la division optronique et systèmes aéroterrestres ; - M. Michel Sirieix, directeur technique et scientifique. ● Alcatel Space - Mme Pascale Sourisse, président-directeur général ; - M. Marc Pircher, directeur technique ; - M. Michel Andrau, directeur de la R & D ; - M. Jérôme Bendell, directeur commercial défense. ● Dassault aviation - M. Charles Edelstenne, président-directeur général, accompagné de M. Bruno Giorgianni. ● Groupement des industries concernées par les matériels de défense terrestre - M. Luc Vigneron, président. ● Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales - M. Philippe Camus, président. BRÈVE PRÉSENTATION DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ET DES ORGANISMES CONSULTATIFS DANS LE DOMAINE ● La direction des applications militaires (DAM) La DAM, qui constitue le pôle défense du CEA, a pour mission la conception, la fabrication, le maintien en condition opérationnelle, puis le démantèlement des têtes nucléaires qui équipent les forces océaniques et aéroportées. Le pôle défense doit être en mesure de garantir au président de la République la sûreté et la fiabilité des têtes nucléaires mises à la disposition des armées. Après l'arrêt définitif des essais nucléaires, cette garantie devra être apportée, pendant toute la durée de vie des armes, par la simulation. La DAM est responsable de l'approvisionnement en matières nucléaires pour les besoins de la défense, et ceci dans le respect de la décision d'arrêter la production de matières fissiles. Elle est aussi chargée de la conception et de l'entretien des réacteurs nucléaires assurant la propulsion des bâtiments de la marine nationale. Le pôle défense compte aujourd'hui 4 500 collaborateurs, menant des activités réparties entre la recherche de base, le développement et la fabrication. Il est implanté sur quatre centres : Valduc, en Bourgogne, Le Ripault, en Touraine, la DAM - Ile de France et le centre d'études scientifiques et techniques d'Aquitaine (CESTA). Ce dernier centre joue un rôle important dans le programme de simulation, avec le laser mégajoule (LMJ), en cours de construction. ● L'institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL) L'ISL a été créé par le traité du 31 mars 1958. Il concrétise depuis lors la volonté de deux pays « d'exploiter en commun un institut de recherches et d'études scientifiques et techniques fondamentales d'armement ». Ceci conduit en pratique notamment à fournir aux ministères de la défense des deux pays un potentiel de prospective et d'expertise (évaluation des performances et des menaces) dans les domaines scientifiques et techniques assignés à l'institut, à mettre à la disposition des industriels des deux pays le savoir-faire, les résultats et les innovations techniques de l'institut et, enfin, à contribuer à identifier les domaines porteurs de coopérations. Le programme d'activités scientifiques de l'ISL couvre actuellement cinq axes principaux : l'accélération des projectiles (associant désormais la balistique intérieure traditionnelle des canons et l'accélération électromagnétique, beaucoup plus prospective), le pilotage des projectiles, la perforation - protection - détonique, la protection et l'environnement du combattant et, enfin, les effets d'un faisceau laser sur la matière et l'étude de sources laser originales. Le budget de l'ISL s'est élevé à 47 millions d'euros en 2004 et il emploie 410 personnes, dont 82 chercheurs et 91 ingénieurs. ● Office national d'étude et de recherches aérospatiales (ONERA) L'ONERA est un établissement public industriel et commercial créé en 1946 et placé sous tutelle du ministère de la défense. Ses attributions sont les suivantes : orienter et conduire des recherches dans le domaine aérospatial et les valoriser pour l'industrie ; conduire des actions d'expertise au profit du ministère de la défense ; former des chercheurs et des ingénieurs (partenariat avec Supaero à Toulouse). L'ONERA entretient des relations permanentes avec les agences de programmes, la DGA étant son principal client, suivie de la direction des programmes aéronautiques civils (DPAC) et du centre national d'études spatiales (CNES). Cet organisme de recherche entretient aussi des relations privilégiées avec les industriels, qui s'ils ne sont pas toujours le client contractuel, n'en représentent pas moins le client final. L'ONERA travaille aussi en collaboration avec d'autres établissements de recherche européens, regroupés au sein de l'association des établissements de recherche aéronautique. En 2004, l'ONERA a employé environ 2 000 personnes et le total de ses produits s'est élevé à 188 millions d'euros. ● Le conseil général de l'armement (CGA) Le CGA est placé sous la présidence du ministre de la défense. Il est composé pour un tiers de personnes issues de l'administration au sens large, pour un tiers d'ingénieurs de l'armement exerçant dans l'industrie et pour un tiers de personnalités extérieures. Il comprend trois sections : études générales, études techniques et carrières. Le CGA a notamment pour mission d'étudier l'incidence des progrès scientifiques et techniques sur les armées et de réfléchir à l'évolution de la fonction armement, en France et en Europe. Il réalise à cet effet des études et dispose pour seul pourvoir d'en exposer le contenu au ministre. En contrepartie, il possède une grande liberté d'expression et dans le choix des thèmes étudiés. Parmi ses travaux récents, on relèvera notamment un rapport sur la recherche de défense dans le contexte européen ainsi que le rapport sur le gap technologique transatlantique. ● Le conseil scientifique de la défense (CSD) Placé auprès du ministre de la défense et indépendant du ministère, le CSD a été créé en 1986 par André Giraud. En 1997, le mandat du CSD a été élargi, puisque ce dernier donne désormais des avis sur les conséquences des évolutions scientifiques et technologiques non plus seulement en matière d'armement, mais également sur les questions de défense en général. Sa composition a été modifiée en conséquence : il comprend un président et une vingtaine de membres, dont des scientifiques, un officier général du cadre de réserve de chaque arme (terre, marine et air), des industriels, des chercheurs en sciences politiques, humaines et sociales, tous bénévoles et nommés intuitu personae par le ministre. De plus, le nombre de séances plénières par an a été augmenté (quatorze à l'heure actuelle) et le CSD constitue des groupes de travail temporaires ad hoc (une dizaine par an) pour étudier les sujets et établir des rapports à partir desquels le CSD formulera ses avis. Ces avis, avec les rapports, sont transmis au ministre, à la Présidence de la République, au chef d'état-major des armées, au délégué général pour l'armement et au délégué aux affaires stratégiques. II n'est fait aucune publicité sur les travaux du CSD afin de maintenir sa totale liberté d'expression. Une procédure de suivi des avis du CSD est mise en oeuvre en liaison avec le cabinet du ministre afin de s'assurer des conséquences effectivement tirées par les services du ministère. LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS UTILISÉES
------------ N° 2150 - Rapport d'information sur la recherche de défense et de sécurité (M. Yves Fromion) 1 () On citera, de manière non exhaustive : Avenir de la recherche et de l'innovation en France, opération FutuRIS, La documentation française, septembre 2004 ; Pour une nouvelle politique industrielle, Jean-Louis Beffa, 15 janvier 2005 ; Financer la R&D, rapport du Conseil d'analyse économique par Jean-Paul Betbèze, La documentation française, février 2005 ; A la recherche du temps perdu... Pour une recherche française à l'avant-garde de la compétition internationale, rapport d'information de M. Jean-Pierre Door, Assemblée nationale n° 1998, décembre 2004. 2 () La recherche et technologie de défense : une stratégie à redéfinir, rapport Assemblée Nationale n° 2793, onzième législature. 3 () En euros 2004. 4 () En euros 2003. 5 () Quelles sont les forces qui entraînent la R & D américaine ? C. Bénard et S. Hagège, juillet 2004. 6 () France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie et Suède. 7 () Le gap technologique transatlantique, Pierre Dumas, ICA, 18 décembre 2003. 8 () European cooperation for the long term in defense. 9 () Communication de la Commission sur la « mise en œuvre de l'action préparatoire pour le renforcement du potentiel de l'industrie européenne en matière de recherche sur la sécurité. Vers un programme de promotion de la sécurité européenne par la recherche et la technologie », COM (2004) final 72, 3 février 2004, et décision 2004/213/CE publiée dans le JO L 67, du 5 mars 2004. 10 () COM (2004) 590 final. 11 () Note conjointe du chef d'état-major des armées et du délégué général pour l'armement en date du 16 mai 1997. 12 () On peut d'ailleurs s'interroger sur la compatibilité des restrictions d'embauche prévues par le traité avec le droit communautaire. 13 () Le prochain avion de combat européen ne devrait pas entrer en service avant 2030-2040. 14 () Ces deux fonds sont destinés à être supprimés et leurs programmes confiés à l'agence nationale de la recherche. 15 () On citera par exemple le développement en commun de réacteurs nucléaires par EDF et la défense, pour les sous-marins nucléaires lanceur d'engins. 16 () Informatique - mathématiques - traitement du signal ; physique et mécanique des fluides et des solides ; ondes ; électronique ; optique et photonique ; matériaux et chimie ; biologie et sciences de l'homme ; environnement et sciences de l'univers. |