N° 2243 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 avril 2005. RAPPORT D'INFORMATION FAIT AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET A L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES(1) SUR LE PROJET DE LOI (n° 2214) relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. PAR Mme Marie-Jo ZIMMERMANN Députée. -- (1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page. La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente ; Mmes Danielle Bousquet, Anne-Marie Comparini, M. Edouard Courtial, Mme Geneviève Levy, vice-présidents ; Mmes Brigitte Barèges, Muguette Jacquaint, secrétaires ; Mme Patricia Adam, M. Pierre-Christophe Baguet, Mmes Chantal Bourragué, Chantal Brunel, Martine Carrillon-Couvreur, M. Richard Cazenave, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Patrick Delnatte, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, Claude Greff, Arlette Grosskost, M. Mansour Kamardine, Mmes Conchita Lacuey, Marguerite Lamour, Corinne Marchal-Tarnus, Hélène Mignon, Françoise de Panafieu, Béatrice Pavy, Valérie Pecresse, Bérengère Poletti, Josette Pons, Marcelle Ramonet, MM. Jacques Remiller, Bernard Roman, Jean-Marc Roubaud, Martial Saddier, Mmes Michèle Tabarot, Béatrice Vernaudon. S O M M A I R E ________ Pages INTRODUCTION 5 I. Rendre plus efficace la négociation sur les écarts de rémunération 99 A. De nouvelles méthodes de négociation 99 1. Un bilan modeste de la loi du 9 mai 2001 99 2. Une négociation plus contraignante 1010 B. Le contenu de la négociation 1111 1. Un diagnostic à préciser 1111 2. Pour une négociation loyale 1313 C. Un bilan régulier ; D'éventuelles sanctions 1313 2. D'éventuelles sanctions 1515 II. Mieux prendre en compte la maternité et la parentalité dans l'entreprise 1717 A. Une évolution récente ; un contexte favorable 1717 1. La directive européenne du 23 septembre 2002 1717 2. Des conventions collectives innovantes 1818 B. Des avancées dans le projet de loi 1919 1. La neutralisation du congé de maternité 1919 2. La prise en compte des responsabilités familiales 2020 3. Le droit au congé annuel d'une salariée de retour de congé de maternité 2121 C. Les problèmes spécifiques des petites et moyennes entreprises 2121 1. La part considérable de l'emploi féminin dans les PME 2121 III. assurer une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les élections professionnelles et dans les conseilS d'ADMINISTRATION 2323 A. Dans les élections professionnelles 2323 1. Les élections des représentants du personnel au comité d'entreprise et des délégués du personnel 2323 2. Lors des élections prud'homales 2424 3. Dans les instances paritaires de la fonction publique 2424 B. dANS LES conseils d'ADMINISTRATION 2424 1. Les conseils d'administration des sociétés anonymes 2525 2. Les conseils d'administration et de surveillance des entreprises publiques 2525 ANNEXE : liste des personnalités entendues par la délégation et comptes rendus des auditions 3737 Mesdames, Messieurs, L'égalité salariale entre les femmes et les hommes piétine en France depuis trente ans, malgré l'inscription de son principe dans les traités internationaux et européens et dans les lois qui jalonnent la marche vers plus d'égalité professionnelle. Dès 1972 le principe de l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes pour un même travail ou un travail de valeur égale est introduit dans le code du travail, puis réaffirmé et précisé après l'adoption de plusieurs directives européennes, par les lois du 13 juillet 1983 et du 9 mai 2001. Ces lois n'ont été que très modestement appliquées et la persistance d'écarts salariaux élevés entre les hommes et les femmes (25 % d'écart moyen et 5 % d'écart résiduel correspondant à une réelle discrimination) a alerté les pouvoirs publics. Le projet de loi présenté par le Gouvernement, à la demande du Président de la République, répond à l'objectif ambitieux de réduire d'ici cinq ans les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, afin de répondre à « une urgence économique, démocratique et sociale ». · La Délégation aux droits des femmes se félicite de la forte impulsion ainsi donnée à la recherche de plus d'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle. Ce projet de loi, qui apparaît comme celui de la « dernière chance », en misant sur le dialogue social et en instituant de nouvelles méthodes de négociation salariale, fait le pari d'une réduction drastique des écarts salariaux en quelques années. La loi, en effet, si elle peut encadrer et encourager la négociation, ne peut imposer aux partenaires sociaux une obligation de résultats. · La loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes n'est pas remise en cause. Le projet de loi s'appuie sur certains de ses acquis et se réfère explicitement au rapport de situation comparée, préalable au diagnostic des inégalités salariales. Loin d'être amoindrie dans son contenu, la négociation spécifique sur l'égalité professionnelle demeure plus que jamais nécessaire. En effet, pour être efficace, les mesures de réduction des écarts de salaires devront s'accompagner de mesures indirectes et simultanées portant sur l'ensemble des autres facteurs qui concourent aux écarts salariaux, comme le temps de travail, la mixité des emplois, l'accès à la formation professionnelle, la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. · Des impératifs d'ordre économique et démographique sont invoqués dans l'exposé des motifs. Les tensions prévisibles sur le marché de l'emploi avec le prochain départ à la retraite des générations d'après-guerre, vont conduire les entreprises à rechercher de nouvelles ressources de main-d'œuvre et faire appel aux talents des femmes. C'est une chance à saisir, à condition que cette insertion des femmes dans le monde du travail se fasse dans le souci de l'égalité professionnelle. La Délégation aux droits des femmes, cependant, au-delà des nécessités économiques, voit dans cette initiative une démarche forte vers l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes et la suppression des discriminations, dans la ligne des traités et des directives européennes, et une démarche vers plus de justice sociale qui permettra de tirer vers le haut, en matière de salaires, de nombreux secteurs délaissés de l'emploi féminin : travail à temps partiel, travail précaire, emplois peu qualifiés. La moitié des écarts moyens de salaire entre les femmes et les hommes est imputable au travail à temps partiel qui touche aujourd'hui 30 % des femmes actives contre 5 % des hommes et qui cantonne massivement les femmes dans les bas et très bas salaires. Dans son rapport d'activité 2003-2004, la Délégation aux droits des femmes s'était inquiétée du développement du travail à temps partiel, souvent imposé, générateur de poches de pauvreté. Les nouvelles négociations sur l'égalité salariale devraient être une opportunité forte dans les secteurs d'activité qui occupent majoritairement des femmes à temps partiel, pour effectuer un rééquilibrage effectif des salaires, à partir de comparaisons pertinentes, permettant notamment à long terme d'assurer à ces salariées une meilleure protection sociale en matière de retraite. · Le projet de loi s'inscrit dans un changement d'attitude manifeste depuis quelques années, de l'opinion, des pouvoirs publics et des partenaires sociaux vis-à-vis du thème de l'égalité professionnelle. L'action soutenue de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, sur tous les fronts de l'égalité professionnelle, notamment auprès des entreprises avec la création du label « Égalité », a été relayée par les partenaires sociaux. Les organisations syndicales et patronales ont engagé une réflexion en profondeur qui a conduit à la signature à l'unanimité de l'Accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Cette véritable charte de l'égalité professionnelle après avoir reconnu l'existence de stéréotypes culturels qui constituent un frein à l'évolution professionnelle des femmes, prône une évolution préalable des mentalités et donne aux branches professionnelles comme aux entreprises les instruments et les méthodes nécessaires pour faire progresser l'égalité professionnelle dans cinq domaines privilégiés : l'orientation, le recrutement, la formation professionnelle continue, la promotion et la mobilité, et l'égalité salariale. Parallèlement ont été signés ces dernières années des accords innovants par des grandes entreprises, qui ont su mettre au point leurs propres méthodes d'analyse des écarts, se fixer des objectifs à moyen terme et prendre des mesures, notamment dans la prise en compte de la parentalité qui ont valeur d'exemplarité. C'est ce deuxième thème - la parentalité - que traite également le projet de loi. Le texte propose un certain nombre d'avancées dans ce domaine, pour mieux protéger les femmes dans cette étape difficile de leur parcours professionnel que représente le congé de maternité. La Délégation aux droits des femmes, qui a proposé des améliorations sur ce point, émet le souhait que le projet de loi soit aussi l'occasion d'avancer dans un terrain encore peu exploré : la présence des femmes dans les hautes instances de décision du pouvoir économique que sont les conseils d'administration. I. RENDRE PLUS EFFICACE LA NÉGOCIATION SUR LES ÉCARTS DE RÉMUNÉRATION Pour répondre à l'ambition des objectifs fixés et à l'urgence dans le temps - cinq années - le projet de loi met en place de nouvelles méthodes de négociation en ce qui concerne les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Le projet de loi tient compte du bilan modeste de l'application de la loi du 9 mai 2001 qu'il ne remet cependant pas en cause. Il s'appuie sur certains de ses principaux acquis, comme le rapport de situation comparée établi à partir des indicateurs pertinents. A. DE NOUVELLES MÉTHODES DE NÉGOCIATION 1. Un bilan modeste de la loi du 9 mai 2001 L'enquête menée en 2004 à la demande de la Délégation aux droits des femmes du Sénat, auprès de 2 000 responsables des ressources humaines d'entreprises de plus de 50 salariés, a mis en lumière, trois ans seulement après son adoption, « une application mitigée, voire médiocre sur certains points » de la loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. S'agissant de la négociation spécifique obligatoire organisée une fois par an dans l'entreprise sur les objectifs en matière d'égalité professionnelle, l'enquête du Sénat révèle que 72 % des entreprises n'ont jamais organisé ces négociations, les grandes entreprises de plus de 1 000 salariés, toutefois, s'acquittant davantage de cette obligation que les petites et moyennes entreprises. Dans 60 % des entreprises, le rapport de situation comparée n'a jamais été établi depuis 2002, bien qu'une majorité des directeurs des ressources humaines interrogés juge pertinent l'ensemble des indicateurs utilisés pour la rédaction du rapport. Il semblerait par ailleurs que les négociations spécifiques sur l'égalité professionnelle ont davantage eu lieu au niveau de la branche, plus favorable à l'exercice de la négociation collective, qu'au niveau de l'entreprise. Enfin, interrogées sur l'intégration du thème de l'égalité professionnelle dans les négociations obligatoires déjà existantes, environ la moitié des entreprises consultées ont répondu qu'elles ont inclus ce thème dans les négociations existantes, manifestant ainsi une réticence des employeurs à la négociation spécifique, plus lourde à conduire. 2. Une négociation plus contraignante Désormais, selon les articles 3 et 4 du projet de loi, les négociations salariales annuelles obligatoires, au niveau de la branche comme de l'entreprise, intègreront les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes d'ici 2010. Ce choix de la négociation annuelle obligatoire, effective dans une grande majorité d'entreprises, répond à un souci d'efficacité. En effet, la négociation spécifique sur l'égalité professionnelle dans l'entreprise, instaurée par la loi du 9 mai 2001, se déroule suivant une périodicité différente : si elle aboutit, elle n'a lieu ensuite que dans un délai de trois ans ; de même, la négociation spécifique de branche n'a lieu que tous les trois ans. Le projet de loi crée des règles précises qui s'imposent à la négociation et dont le respect conditionne la validité des accords salariaux. En premier lieu, à défaut d'initiative de la partie patronale dans l'année suivant la promulgation de la loi, au niveau de la branche comme de l'entreprise, les négociations s'engagent dans les quinze jours suivant la demande d'une des organisations syndicales représentatives. . Au niveau de la branche, ensuite, en cas d'échec des négociations, le ministre chargé du travail réunit une commission mixte paritaire, afin que s'engage ou se poursuive la négociation. La convention collective de branche ne pourra pas être étendue, si elle ne contient pas des mesures visant à la suppression des écarts de rémunération. . Dans les entreprises, les accords collectifs sur les salaires effectifs ne pourront être validés auprès de l'autorité administrative compétente, qu'accompagnés d'un procès-verbal d'ouverture des négociations portant sur les écarts de rémunération. Les incitations à négocier, très fortes, font appel à la responsabilité des partenaires sociaux, particulièrement des employeurs qui hésiteront à s'exposer au risque d'une invalidation de l'accord annuel d'entreprise sur les salaires. Le dispositif envisagé ne manquera pas de poser à terme le problème de son articulation avec la négociation spécifique sur l'égalité professionnelle. Des organisations syndicales ont exprimé la crainte que celle-ci ne perde une partie de son intérêt, à partir du moment où les négociations portant sur l'égalité salariale B. LE CONTENU DE LA NÉGOCIATION La négociation repose sur un préalable indispensable : le diagnostic des écarts de rémunération établi sur la base du rapport annuel de situation comparée. Le projet de loi reprend à ce sujet les dispositions prévues par la loi du 9 mai 2001 pour les branches et les entreprises. S'agissant des branches, la négociation sur l'égalité professionnelle se déroule sur la base d'un rapport présentant la situation comparée des hommes et des femmes dans les domaines de l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, des conditions de travail et d'emploi, et sur la base d'indicateurs pertinents, reposant sur des éléments chiffrés, pour chaque secteur d'activité (article L. 132-12 du code du travail). S'agissant des entreprises, l'employeur soumet, pour avis, au comité d'entreprise un rapport sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l'entreprise. Ce rapport, obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés, comporte une analyse sur la base d'indicateurs pertinents, reposant notamment sur des éléments chiffrés, définis par décret et éventuellement complétés par des indicateurs qui tiennent compte de la situation particulière de l'entreprise, permettant d'apprécier, pour chacune des catégories professionnelles, la situation respective des femmes et des hommes (article L. 432-3-1 du code du travail). Ces indicateurs (article D. 432-1 du code du travail) classés en quatre catégories, comprennent des données chiffrées et sexuées (conditions générales d'emploi, rémunérations, formation et conditions de travail) permettant de mesurer et d'expliquer les inégalités. Avant de pouvoir définir les mesures de rattrapage salarial, les partenaires sociaux dans l'entreprise devront à partir de ces éléments établir un diagnostic aussi objectif que possible des écarts de salaires. Or, les organisations syndicales déplorent de ne pas disposer d'instruments de mesure suffisamment précis pour pouvoir établir ce diagnostic. Concernant la rémunération, les indicateurs semblent insuffisants pour refléter l'extrême variété des situations d'un secteur d'activité à l'autre, d'une entreprise à l'autre, et permettre notamment de détecter les critères de discrimination dans la définition, la classification des emplois et le niveau qu'y occupent les femmes. Plusieurs types de difficultés ont été soulignés. Ainsi le risque de réaliser une photographie des écarts à un instant donné, sans tenir compte des inégalités dues au parcours professionnel de la salariée, alors que les salaires des femmes plafonnent souvent à un certain coefficient, faute de promotion. L'ensemble des éléments de la rémunération, fixé par le code du travail, devrait être pris en compte de manière effective : salaire de base, primes, avantages en nature (voiture, ordinateur, logement...), ces derniers éléments profitant généralement davantage aux hommes cadres qu'aux femmes cadres, et faisant souvent l'objet, dans les entreprises, d'une grande confidentialité. De même, la distribution d'actions et les mesures d'intéressement, comme le prévoit le projet de loi, devront désormais être prises en compte dans l'appréciation de la rémunération. Dans certains secteurs d'activité employant majoritairement des femmes, souvent à temps partiel (distribution, nettoyage), la méthode d'évaluation des écarts pose des difficultés et requiert des méthodes spécifiques d'analyse et de comparaison. Un rééquilibrage des salaires féminins dans ces branches s'avère particulièrement nécessaire. Les entreprises de moins de cinquante salariés n'étant pas tenues de présenter le rapport de situation comparée qui doit être présenté au comité d'entreprise, le diagnostic préalable à la négociation n'en sera pas facilité. De plus dans les petites entreprises, se pose la question du nombre de salariés au delà duquel des comparaisons significatives pourront être faites. Depuis 2001, une réflexion a été engagée par les partenaires sociaux sur la conduite de la négociation relative à l'égalité professionnelle. Des organisations syndicales ont élaboré des guides d'appui à la négociation, tandis que de grandes entreprises, dans le cadre d'accords collectifs, ont mis au point leurs propres méthodes de diagnostic. Les solutions proposées pour réduire les écarts salariaux sont très variées d'une entreprise à l'autre. Citons à titre d'exemple, le dernier accord PSA Peugeot Citröen visant à promouvoir le développement de l'emploi féminin dans l'entreprise et l'égalité dans les rémunérations, qui propose des solutions particulièrement pertinentes. Pour garantir une non discrimination salariale tout au long du parcours professionnel, la répartition des promotions devra refléter celles des femmes et des hommes dans les effectifs d'origine. Le taux de féminisation des filières les plus performantes sera augmenté afin de faire bénéficier les femmes des mêmes chances de promotion et d'accès aux postes de responsabilité que les hommes. L'Accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 (ANI), par ailleurs, dans les dispositions relatives à l'égalité salariale et à la mise en œuvre de l'accord, donne aux négociateurs un certain nombre d'orientations quant à l'analyse des déséquilibres en matière d'égalité professionnelle et aux mesures de résorption des inégalités. La Délégation aux droits des femmes a estimé que les partenaires sociaux et leurs représentants dans la négociation, particulièrement dans les petites et moyennes entreprises, devaient pouvoir s'appuyer sur des outils méthodologiques précis et fiables. A cet effet, le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CSEP), dans le cadre de ses recherches et ses études, devrait se voir confier la mission d'élaborer ces outils méthodologiques indispensables pour appréhender les écarts salariaux et de préciser le contenu des indicateurs pertinents, en particulier le nouveau critère relatif à l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale. Un groupe de travail constitué au sein du CSEP, comme le suggère l'exposé des motifs du projet de loi, devrait s'y consacrer dès la promulgation de la loi. La Délégation a souhaité, en outre, que le Conseil remette chaque année un rapport d'étape au Parlement. 2. Pour une négociation loyale Si la loi peut inciter fortement à négocier, elle n'intervient pas dans le déroulement même des négociations. Le code du travail qui pose les conditions d'engagement de la négociation, ne dit rien sur son déroulement même qui est de la responsabilité des partenaires sociaux. Cependant, l'exigence de loyauté et de sérieux s'impose aux partenaires sociaux, notamment à l'employeur. Les propositions présentées de part et d'autre doivent être discutées de façon approfondie et l'employeur ne peut se borner à une négociation formelle, sous peine d'être déféré devant le juge civil. Celui-ci peut, en effet, annuler des accords qui auraient été adoptés à la suite de négociations déloyales. S'appuyant sur la jurisprudence et sur les modalités de la négociation relative au travail de nuit, prévues à l'article L. 215-4 du code du travail, la Délégation aux droits des femmes a souhaité que soit rappelée l'obligation d'engager sérieusement et loyalement ces négociations. C. UN BILAN RÉGULIER ; D'ÉVENTUELLES SANCTIONS · Une évaluation régulière Le projet de loi prévoit l'intervention d'une évaluation régulière, au plus haut niveau, afin d'établir en plusieurs étapes un bilan du résultat des négociations : - bilan annuel des négociations sur les écarts de rémunération par la commission nationale de la négociation collective dans le cadre du suivi des négociations sur l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes ; - à mi-parcours de l'application de la loi, rapport du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle ; - sur la base de ce rapport, établissement d'un bilan par une conférence nationale sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ; - rapport d'évaluation présenté par le Gouvernement au Parlement, six années après la promulgation de la loi, après consultation du CSEP. L'institution de ce suivi régulier, qui n'a pas été mis en œuvre dans le cadre de la loi du 9 mai 2001, est positive et confirme le rôle du CSEP, qui intervient à différents stades de l'évaluation. Son autorité en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes s'en trouvera renforcée, à condition qu'il se réunisse régulièrement et qu'il soit doté de moyens pour exercer sa nouvelle mission, notamment en matière d'élaboration d'outils méthodologiques. · Au préalable, un suivi plus efficace sur le terrain - C'est aux inspecteurs du travail qu'il incombe de suivre auprès des entreprises l'application de la réglementation du travail concernant l'égalité professionnelle, notamment la tenue de la négociation spécifique annuelle et la remise du rapport de situation comparée. Il leur reviendra de veiller au respect des nouvelles règles de négociation, mais aussi d'informer et de conseiller les entreprises. Or, l'inspection du travail souffre actuellement d'un manque d'effectifs chronique (1 400 inspecteurs affectés au contrôle de 1,7 million d'entreprises). Accaparés par de trop nombreuses tâches et des dossiers cruciaux que sont le respect des normes de santé et de sécurité et de la réglementation relative aux heures supplémentaires, les inspecteurs du travail n'ont pas eu la capacité d'assurer véritablement le suivi et le contrôle de l'égalité professionnelle dans les entreprises. La Délégation aux droits des femmes a suggéré que, dans le cadre de la réflexion en cours sur les missions de l'inspection du travail, soit envisagée une meilleure sensibilisation des inspecteurs du travail aux problèmes de l'égalité professionnelle et salariale, aussi bien dans leur formation initiale que dans la formation continue. - La Délégation aux droits des femmes s'est par ailleurs préoccupée du rôle des déléguées régionales et des chargées de mission départementales aux droits des femmes, dont le réseau devrait s'impliquer plus efficacement dans la mise en œuvre de la politique d'égalité professionnelle et salariale. A cet effet, les missions des déléguées sur le terrain devraient être renforcées, tant auprès du préfet sous l'autorité duquel elles sont placées, qu'auprès des services locaux de l'emploi, des responsables économiques et des partenaires sociaux. Elles sont nombreuses à accomplir déjà un travail considérable pour défendre l'égalité professionnelle. Étant donné la diversité de leur formation et de leur recrutement, la Délégation a souhaité qu'elles soient désormais dotées d'un statut permettant de conforter leur légitimité. · Le non-respect de l'obligation de la négociation annuelle spécifique sur l'égalité professionnelle fait l'objet, dans la loi du 9 mai 2001, de sanctions pénales identiques à celles déjà existantes pour l'obligation annuelle de négocier sur les salaires prévues par l'article L. 481-2 du code du travail. Il semblerait que ces sanctions n'aient jamais été appliquées. Ni les organisations syndicales, ni les inspecteurs du travail, dont les procès-verbaux sont trop souvent classés sans suite par le parquet, ne souhaitent recourir à cette arme ultime que constitue le recours au pénal, les sanctions prévues étant, de plus, soit disproportionnées (emprisonnement) soit trop modestes (3 750 € d'amende). D'autres moyens d'action doivent être privilégiés. L'action en justice au civil, encore insuffisamment utilisée par les organisations syndicales, peut contribuer efficacement à faire respecter la réglementation. Ainsi, un employeur qui refuse d'engager la négociation, de consulter le comité d'entreprise ou de procéder à l'affichage des accords sur les lieux de travail, peut être déclaré civilement responsable des préjudices subis par les salariés et être condamné à des dommages et intérêts. Il peut également recevoir des injonctions de la part du juge civil, notamment en ce qui concerne l'engagement des négociations. · Le projet de loi envisage, à l'article 4 (II), l'éventualité d'une sanction financière. Après la tenue à mi-parcours d'une conférence nationale sur l'égalité salariale et au vu du bilan effectué à cette occasion, le Gouvernement pourra présenter au Parlement, si nécessaire, un projet de loi instituant une contribution financière, assise sur la masse salariale, à la charge des employeurs qui n'auront pas satisfait à l'obligation d'ouverture des nouvelles négociations sur la suppression des écarts salariaux. Tant le contenu que la forme de ces dispositions soulèvent des difficultés. Prévoir d'éventuelles sanctions est déjà préjuger d'une possibilité d'échec du texte, mettant ainsi en doute sa crédibilité dès le départ. Au demeurant, les dispositions en question ne paraissent pas être d'ordre législatif. La Délégation aux droits des femmes a estimé qu'elles ne devraient pas figurer dans le projet de loi : le Parlement édicte la norme, fixe des règles ou détermine des principes fondamentaux. II. MIEUX PRENDRE EN COMPTE LA MATERNITÉ ET LA PARENTALITÉ DANS L'ENTREPRISE Si la recherche de l'égalité salariale passe par une démarche directe sur les salaires par la négociation annuelle, elle doit aussi faire l'objet d'une démarche indirecte portant sur les nombreux autres facteurs qui concourent aux écarts de rémunération : accès à la formation professionnelle, durée du travail et temps partiel, non-mixité des emplois, responsabilités familiales... Le projet de loi s'attache, dans cette perspective, à favoriser une meilleure prise en compte de la parentalité dans l'entreprise, en particulier à l'occasion du retour de congé de maternité et de ses conséquences sur la rémunération. Il faut s'en féliciter, tout en faisant observer comme l'ont fait des membres de la Délégation aux droits des femmes, que ce n'est pas le seul congé de maternité qui obère le parcours professionnel des femmes, mais la maternité elle-même - et les responsabilités familiales - avec toutes les ruptures qu'elle entraîne : congé parental, congé de présence parentale, congé de solidarité familiale, ou périodes de chômage qui frappent davantage les femmes que les hommes. A. UNE ÉVOLUTION RÉCENTE ; UN CONTEXTE FAVORABLE Cette nouvelle approche de la maternité et de la parentalité dans l'entreprise correspond depuis quelques années à une évolution des mentalités, plus ouvertes à cette problématique, grâce notamment à l'apport de la directive européenne du 20 septembre 2002, aux lois du 9 mai 2001 et du 16 novembre 2002 relative à la lutte contre les discriminations. Cette évolution se retrouve dans l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 et dans des conventions collectives innovantes de grandes entreprises. A la protection traditionnelle de la femme enceinte au travail, s'ajoute désormais une meilleure protection de la femme au retour du congé de maternité vis-à-vis de l'emploi, de façon à en compenser les désavantages dans le parcours professionnel. 1. La directive européenne du 23 septembre 2002 La directive européenne du 23 septembre 2002 modifiant la directive fondatrice de 1976 sur la mise en œuvre du principe d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation professionnelle et les conditions de travail, intègre les avancées de la jurisprudence européenne en matière d'égalité professionnelle et de lutte contre les discriminations fondées sur le sexe. Elle apporte d'importantes précisions notamment en matière de discrimination directe et indirecte et de harcèlement sexuel. Elle instaure pour le salarié au retour du congé de maternité ou de paternité le droit de retrouver son emploi ou un emploi équivalent, à des conditions qui ne lui soient pas moins favorables et de bénéficier de toute amélioration des conditions de travail à laquelle il aurait eu droit pendant son absence. L'ordonnance du 24 juin 2004 relative à la simplification du droit dans le domaine du travail et de l'emploi a transposé ces dernières dispositions et précisé qu'à l'issue du congé de maternité, comme du congé d'adoption et du congé de paternité, la personne salariée devait retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. L'adaptation de la législation française à la directive s'est faite progressivement et sera bientôt achevée. Ainsi, l'article 10 du projet de loi propose d'adopter les dispositions de la directive reconnaissant le bénéfice de l'aménagement de la charge de la preuve aux salariées enceintes victimes de discrimination. S'agissant de la fonction publique (qui n'est pas concernée par le projet de loi), la transposition des dispositions de la directive relatives à la discrimination directe et indirecte et au droit à retrouver son emploi à l'issue d'un congé de maternité, de paternité ou d'adoption, est prévue dans le cadre d'un projet de loi qui vient d'être adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. L'ensemble des dispositions de la directive devrait être transposé en droit interne, avant la date limite du 5 octobre 2005 fixée par le texte européen pour la mise en conformité des législations des États membres. 2. Des conventions collectives innovantes Dans la ligne de l'ANI, de grandes entreprises ont passé ces dernières années des accords d'égalité professionnelle dont les pratiques innovantes sont répertoriées par l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) pour mettre à la disposition des acteurs de l'entreprise des outils d'évaluation de l'égalité professionnelle. Sur le thème de la parentalité et de la neutralisation du congé maternité en matière de rémunération, peuvent être citées des initiatives récentes qui ne manqueront pas d'avoir un effet d'exemplarité : - Accord EADS du 22 juin 2004 : au retour du congé de maternité, du congé parental ou de présence parentale, actualisation de la rémunération du salarié, soit du montant des augmentations générales de la période pour les non-cadres, soit du montant moyen des augmentations individuelles pour les cadres ; - Accord du 12 juillet 2004 dans l'industrie pharmaceutique : pas de discrimination dans la rémunération pour les salariés ayant bénéficié d'un congé de maternité ou d'un congé parental d'éducation ; - Accord Schneider Electric de décembre 2004 : neutralisation des absences parentales en matière de rémunération ; offre de services comme la garde d'enfants par mutualisation des moyens de Schneider, d'entreprises proches et de collectivités ; - L'accord Renault du 17 février 2004 est particulièrement novateur. Différentes mesures concernent la maternité et la parentalité afin de favoriser un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie familiale. Aux mesures déjà en vigueur comme l'allongement des durées de congé de maternité et d'adoption de deux semaines au-delà de la durée légale avec maintien intégral du salaire et congé de présence parentale partiellement indemnisé, s'ajoutent d'autres améliorations financières portant sur l'allocation de départ en congé de maternité et la prime d'adoption, le maintien de la rémunération du salarié pendant le congé de paternité, l'assimilation à du travail effectif des absences liées aux congés de maternité, de paternité et d'adoption. B. DES AVANCÉES DANS LE PROJET DE LOI 1. La neutralisation du congé de maternité · L'article 1er du projet de loi prévoit qu'à l'issue du congé de maternité, à défaut d'accord collectif de branche ou d'entreprise, la rémunération des salariées sera majorée « des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ces congés par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise ». Ces dispositions reprises des clauses de certains accords collectifs, répondent au souci de ne faire supporter à la salariée de retour de congé de maternité aucun désavantage dans l'évolution de sa rémunération. Elles s'appliquent également au congé d'adoption. Si la référence à une rémunération majorée des augmentations générales dans l'entreprise est positive, la référence à la moyenne des augmentations individuelles de la même catégorie professionnelle, concevable dans de grandes entreprises, soulève cependant des interrogations. Elle risque de porter atteinte à la confidentialité des augmentations de salaires, aujourd'hui de plus en plus individualisées et basées sur la performance ou la réalisation d'objectifs. Difficilement applicable dans les petites et moyennes entreprises, elle risque également d'avoir des effets pervers et de susciter chez l'employeur des réticences vis-à-vis de l'embauche des femmes. D'autres solutions ont été envisagées. Ainsi le MEDEF a suggéré que soit retenue, pour le calcul de l'augmentation accordée pendant le congé, la moyenne de celles des années précédentes, souvent en phase ascendante en début de carrière. En tout état de cause, la priorité étant donnée aux accords de branche ou d'entreprise, ces dispositions ne s'appliqueraient que de façon résiduelle, c'est-à-dire principalement dans les PME. Afin d'éviter des conflits dans l'entreprise, voire des contentieux, la Délégation a estimé préférable de supprimer la référence aux augmentations individuelles de la catégorie professionnelle pour s'en tenir aux augmentations générales de la catégorie ou de l'entreprise. · Le projet de loi n'évoque pas le problème de l'indemnisation même du congé de maternité et du maintien intégral du salaire. La salariée a droit pour la durée légale de son congé de maternité à une indemnité journalière, calculée en fonction du salaire de référence, dans la limite du plafond de la sécurité sociale. L'employeur n'est pas tenu légalement de verser à la salariée une indemnisation complémentaire permettant d'assurer un maintien intégral de son salaire. Toutefois, de nombreuses conventions collectives prévoient ce maintien intégral du salaire qui bénéficie principalement aux femmes dont les salaires sont supérieurs au plafond de la sécurité sociale et aux femmes-cadres. Le projet de loi n'évoque pas non plus la situation des pères en congé de paternité qui perçoivent des indemnités journalières attribuées dans les mêmes conditions que celles versées pendant le congé de maternité. Depuis sa création au 1er janvier 2002, le congé de paternité dont les effets bénéfiques sur la vie familiale sont incontestables, connaît un succès certain. Par rapport au nombre des naissances intervenues en 2002, le taux de recours au congé de paternité a été de 59 % (hors fonction publique). Un certain nombre de pères, cependant, n'a pas pris ce congé, principalement pour des raisons liées à la perte de rémunération. Afin d'inciter les nouveaux pères à prendre leur congé de paternité, il serait souhaitable que les conventions collectives, qui prévoient déjà le maintien du salaire intégral de la femme en congé de maternité, leur appliquent une disposition similaire. 2. La prise en compte des responsabilités familiales · Les indicateurs pertinents, nécessaires à l'élaboration du rapport de situation comparée, devront comporter un nouveau champ relatif à la conciliation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale, dont la définition serait confiée à un groupe de travail au sein du CSEP. Toutefois, le salarié dans ses activités extérieures au travail ne se réduit pas à son rôle parental. D'autres responsabilités peuvent lui incomber : responsabilités vis-à-vis d'ascendants et de proches ; responsabilités associatives, politiques ou culturelles. Aussi, la Délégation a-t-elle recommandé de compléter le texte du projet de loi pour tenir compte également de la vie personnelle du salarié. · Sous réserve d'un accord de branche, une majoration d'au moins 10 % de l'allocation de formation est accordée au salarié qui doit engager des frais supplémentaires de garde d'enfant, lorsque la formation a lieu en dehors du temps de travail. Les organisations syndicales se sont félicité de cette majoration. Elle répond à une demande des partenaires sociaux formulée dans la lettre paritaire du 7 juillet 2004, en complément des recommandations de l'ANI et devrait inciter les femmes à s'engager davantage dans une formation professionnelle au-delà des heures de travail. 3. Le droit au congé annuel d'une salariée de retour de congé de maternité L'article L. 223-7 du code du travail précise que la période du congé payé annuel est fixée par les conventions ou accords collectifs et doit dans tous les cas comprendre la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année. L'article 12 du projet de loi prévoit que la salariée de retour d'un congé de maternité ou d'adoption, ne pouvant, sauf disposition conventionnelle, bénéficier d'un report de ses congés payés en dehors de cette période, devra cependant percevoir l'indemnité afférente au congé annuel. Cette disposition est en retrait par rapport à la jurisprudence récente. Selon un arrêt de la Cour de cassation du 2 juin 2004, s'appuyant sur une jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes du 18 mars 2004, et revenant sur les solutions retenues lors d'arrêts précédents, les congés annuels doivent être pris au cours d'une période distincte du congé de maternité. Même en cas de coïncidence entre la période du congé de maternité et la période fixée dans l'entreprise pour la prise des congés annuels, la salariée pourra y prétendre, sans que l'employeur puisse lui opposer l'expiration de la période fixée pour l'ensemble des salariés de l'entreprise. Afin de mettre en conformité sur ce point la réglementation du code du travail en la matière avec la jurisprudence, la Délégation a souhaité que l'article 12 du projet de loi soit modifié en conséquence. C. LES PROBLÈMES SPÉCIFIQUES DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES 1. La part considérable de l'emploi féminin dans les PME Le poids des PME dans l'emploi est généralement évalué à 60 %. D'après les statistiques de l'UNEDIC pour 2003, le nombre de femmes salariées dans les entreprises de 1 à 50 salariés s'élevait à 3 750 000, soit 40,6 % de l'ensemble des salariés des PME et 55,2 % de l'ensemble des femmes salariées. Ces données permettent de saisir l'importance dans les PME de l'application de la loi relative à l'égalité salariale, qui concernera plus de la moitié de l'emploi féminin. Or, certaines difficultés d'application de la nouvelle loi dans les PME doivent être soulignées. Les PME de moins de 50 salariés ne sont pas tenues à la remise du rapport de situation comparée. En revanche, elles sont soumises à l'obligation de la négociation annuelle sur les salaires qui s'applique à toute entreprise où est constituée une section syndicale d'organisations représentatives. La faible représentation syndicale dans nombre de PME constituera certainement une difficulté à l'engagement de la négociation sur les écarts salariaux, même si en l'absence de délégué syndical, un salarié mandaté par un syndicat peut désormais négocier un accord d'entreprise, sous réserve d'un accord de branche. L'article 1er de la loi concernant la majoration de la rémunération de la salariée à l'issue du congé de maternité suscite de fortes réserves de la part de la CGPME qui en juge les dispositions inapplicables, notamment en raison d'atteinte à la confidentialité des augmentations individuelles. Par ailleurs, l'institution d'un nouvel indicateur sur la conciliation vie professionnelle-responsabilité familiale créé par l'article 3, constitue, pour l'organisation patronale, un alourdissement supplémentaire des obligations administratives liées au seuil de 50 salariés, néfaste pour l'emploi et le développement de l'entreprise. En revanche, il faut se féliciter de l'avancée apportée par l'article 7 du projet de loi prévoyant, au profit des entreprises de moins de 50 salariés, la création d'une aide forfaitaire de l'État au remplacement des salariés en congé de maternité ou d'adoption, source de lourdes charges supplémentaires pour la plupart des petites et moyennes entreprises. III. ASSURER UNE REPRÉSENTATION PLUS ÉQUILIBRÉE DES FEMMES ET DES HOMMES DANS LES ÉLECTIONS PROFESSIONNELLES ET DANS LES CONSEILS D'ADMINISTRATION A. DANS LES ÉLECTIONS PROFESSIONNELLES L'impact que les femmes peuvent exercer tant sur le contenu d'accords qui les concernent que sur la solution des conflits entre employeurs et salariés, est capital pour une meilleure gestion des rapports sociaux dans l'entreprise. Aussi, une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les instances représentatives du personnel, comme dans les conseils de prud'hommes devrait-elle respecter la proposition d'hommes et de femmes dans l'entreprise. Dans la fonction publique, le même principe devrait s'appliquer aux instances paritaires. 1. Les élections des représentants du personnel au comité d'entreprise et des délégués du personnel La loi du 9 mai 2001 n'a pas imposé de solution contraignante aux organisations syndicales dans ce domaine. Elle les a seulement invitées à prendre des initiatives : « Lors de l'élaboration du protocole d'accord préélectoral, il appartient aux organisations syndicales intéressées d'examiner les voies et moyens en vue d'atteindre une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidatures. » Les organisations syndicales, dont les instances dirigeantes sont de plus en plus féminisées, sont conscientes pour la plupart d'une nécessaire évolution vers une meilleure représentation des femmes dans l'entreprise, encore sous-représentées dans les élections professionnelles. Pour l'année 2000-2001, elles représentaient 32 % des élus titulaires aux comités d'entreprise et délégations uniques du personnel, bien que représentant 40 % des salariés concernés par ces élections (chiffres DARES, octobre 2004). Dans la ligne de la loi du 9 mai 2001 et pour répondre de façon concrète au souci de représentation équilibrée des femmes et des hommes, la Délégation aux droits des femmes a suggéré que lors des élections des délégués du personnel et au comité d'entreprise, la composition des listes présentées par les organisations syndicales reflète la proportion d'hommes et de femmes dans chaque collège ou dans l'entreprise. 2. Lors des élections prud'homales Afin de favoriser la représentation des femmes, lors des élections prud'homales, la loi du 9 mai 2001 avait fixé comme objectif, pour les élections de 2002, de réduire d'un tiers l'écart entre le pourcentage des femmes candidates présentées au regard de la part des femmes dans l'électorat. Lors des élections prud'homales de 2002, une nette progression de femmes a été enregistrée, tant au niveau des candidatures, qu'au niveau des élues. Le projet de loi propose à l'article 14 que, pour le prochain renouvellement des conseils de prud'hommes, prévu en 2008, les organisations présentant des listes de candidats fassent en sorte de présenter une proportion de femmes et d'hommes réduisant, par rapport au précédent scrutin, l'écart entre la représentation du sexe sous-représenté au sein des listes et sa part dans le corps électoral, selon des modalités propres à favoriser la progression du pourcentage d'élus du sexe le moins représenté. Cette proposition est moins avancée que celle de l'article 12 de la loi du 9 mai 2001. Il conviendrait de reprendre l'objectif initial d'une réduction d'un tiers de l'écart en question. 3. Dans les instances paritaires de la fonction publique L'article 24 de la loi du 9 mai 2001, pour répondre à l'objectif d'une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes dans la fonction publique, précisait que dans les organismes consultatifs de la fonction publique, les membres représentant l'administration sont choisis compte tenu d'une proportion de représentants appartenant à chacun des sexes fixée au minimum à un tiers par décret en Conseil d'État. Afin d'améliorer encore la représentation des femmes dans les commissions administratives paritaires et les comités techniques paritaires de la fonction publique, la Délégation a souhaité que les représentants de l'administration comme les représentants du personnel reflètent la proportion d'hommes et de femmes de chaque corps de fonctionnaires. B. DANS LES CONSEILS D'ADMINISTRATION Le souci de mixité entre les femmes et les hommes affirmé par les partenaires sociaux dans l'Accord national interprofessionnel implique que les femmes puissent avoir les mêmes possibilités d'évolution de carrière et d'accès aux postes de responsabilité que les hommes et, par la même, faire sauter « le plafond de verre ». Une forte incitation, d'ordre législatif, apparaît aujourd'hui nécessaire pour que les femmes aient une place décente dans les instances dirigeantes des sociétés anonymes comme des entreprises publiques. Aussi, la Délégation aux droits des femmes a-t-elle souhaité que les conseils d'administration de ces sociétés ou entreprises, pour répondre au souci d'une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, comportent un nombre de représentants de chacun des deux sexes d'au moins 20 %. 1. Les conseils d'administration des sociétés anonymes Aux plus hauts niveaux de responsabilité que sont les instances décisionnelles des entreprises, les femmes sont très peu présentes. Moins de deux dirigeants de société sur dix sont des dirigeantes et sur les 300 000 dirigeants d'entreprise, 17 % d'entre eux seulement sont des femmes. Elles représentent à peine 5 % des membres des conseils d'administration des sociétés du CAC 40 ; en 2005, 27 femmes y occupent 34 mandats sur 578 sièges d'administrateurs. Ces chiffres sont très faibles comparés à la représentation des femmes dans des instances du même ordre dans d'autres pays européens comme la Norvège (22 %), la Suède (20 %) ou la Finlande (14 %). La Délégation a donc proposé que le conseil d'administration des sociétés anonymes qui comporte de trois à dix-huit membres, soit composé de façon à assurer une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes et comporte un nombre de représentants de chacun des deux sexes d'au moins 20 %. 2. Les conseils d'administration et de surveillance des entreprises publiques Le projet de loi n'aborde que très timidement le problème de la représentation des femmes dans les conseils d'administration des entreprises publiques. L'article 13 tend à assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans la seule catégorie des personnalités compétentes nommées par les autorités ministérielles de tutelle, et à supprimer, en cinq ans, l'écart de représentation entre les sexes Cette disposition ne visant que la catégorie des personnalités nommées par décret, il faudrait envisager d'élargir à l'ensemble du conseil d'administration, comprenant en outre des représentants de l'État et des représentants élus des salariés, la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. La Norvège fait figure de modèle dans ce domaine : elle a imposé, en 2004, un niveau de représentation minimal des deux sexes fixé à 40 % dans les conseils d'entreprise des sociétés appartenant à l'Etat. En s'inspirant de cet exemple, il conviendrait de prévoir que le conseil d'administration des entreprises publiques soit composé de façon à assurer une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes et comporte un nombre de représentants de chacun de deux sexes d'au moins 20 %. La Délégation aux droits des femmes s'est réunie le mardi 12 avril 2005 sous la présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann pour examiner son rapport sur le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a présenté l'ensemble des propositions de recommandations. Les quatre premières recommandations ont une portée générale. Si la Délégation se félicite de l'objectif fixé par le Président de la République de suppression des écarts salariaux d'ici 2010, elle rappelle toutefois les trois précédentes lois sur l'égalité salariale (1972 - 1983 - 2001) et considère ce projet de loi comme le texte « de la dernière chance ». Mme Chantal Brunel a souhaité qu'il soit fait référence à la directive européenne de 1976 et Mme Catherine Génisson s'est interrogée sur les conflits d'intérêt entre ce texte et la loi du 9 mai 2001, notamment à propos de la périodicité de la conduite des négociations dans les branches. Avec les troisième et quatrième recommandations, la Délégation souligne l'importance des négociations sur l'égalité professionnelle pour parvenir à l'objectif d'égalité salariale et approuve les références au rapport de situation comparée entre les hommes et femmes, imposé par la loi du 9 mai 2001 aux entreprises de plus de 50 salariés qui est un élément essentiel d'un diagnostic fiable pouvant servir de base à la négociation. Mme Catherine Génisson a observé que le texte comportait peu de dispositifs visant les petites et très petites entreprises, alors que ce sont ces entreprises qui créent le plus d'emplois et où il y a le plus de difficultés pour mener la négociation sociale. Les propositions suivantes de la Délégation d'amélioration du texte peuvent être regroupées autour de trois thèmes : - rendre la négociation plus efficace ; - mieux prendre en compte la maternité et la parentalité dans l'entreprise ; - assurer une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les instances professionnelles et les instances de décision. La cinquième recommandation vise ainsi à préciser dans le texte du projet de loi la nécessité d'engager sérieusement et loyalement des négociations, disposition législative existant déjà pour le travail de nuit. La sixième recommandation vise à conforter le rôle du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CSEP) qui, outre le bilan et l'évaluation prévus par le texte, devrait être chargé de contribuer à l'élaboration des outils méthodologiques indispensables pour mesurer les écarts de rémunération et préciser le contenu des indicateurs pertinents. Mme Catherine Génisson ayant proposé que le CSEP fasse un rapport d'étape annuel devant le Parlement, cette disposition a été intégrée à la sixième recommandation. La septième recommandation, qui prévoit la prise en compte de tous les éléments de la rémunération et les parcours professionnels des hommes et des femmes pour mesurer les écarts de rémunération et qui demande que des méthodes spécifiques d'évaluation soient mises au point pour les branches dont les salariés sont presque exclusivement des femmes, a été adoptée avec des modifications rédactionnelles. A l'appui de cette recommandation, Mme Nathalie Gautier a fait observer que les femmes peuvent parfois avoir de meilleurs salaires que les hommes au sein d'une catégorie, ce qui s'explique par le fait que, faute de promotion, elles acquièrent de l'ancienneté, alors que les hommes poursuivent leur parcours professionnel dans une autre catégorie. La huitième proposition de recommandation prévoyait d'instituer dès à présent la contribution financière due par les employeurs qui ne respectent pas l'obligation de négociation, pour une mise en œuvre à mi-parcours de l'application de la loi. Mme Catherine Génisson a indiqué que la disposition du projet de loi qui renvoie à une loi ultérieure l'institution d'une contribution financière était contre-productrice, qu'elle va contre l'intérêt et l'efficacité du projet de loi et qu'elle proposerait l'abrogation de cette disposition. Mme Danielle Bouquet a souhaité également la suppression des deux alinéas du II de l'article 4 qui prévoient cette contribution éventuelle, estimant qu'ils confortent les partenaires sociaux dans l'immobilisme. Mme Hélène Mignon a contesté l'insertion de cette disposition dès à présent dans le projet de loi. La huitième recommandation adoptée rappelle que les dispositions du projet de loi qui prévoient que le Gouvernement présentera ultérieurement un nouveau texte sur cette contribution financière ne devraient pas figurer dans la loi. Une telle disposition conduirait à prévoir l'échec du texte avant même son entrée en vigueur. La sensibilisation des inspecteurs du travail aux problèmes d'égalité salariale et professionnelle est affirmée dans la proposition de neuvième recommandation et, sur la suggestion de Mme Danielle Bousquet, il a été ajouté l'obligation d'insérer des modules portant sur l'égalité professionnelle dans leur formation initiale et continue. Les missions des déléguées régionales et des chargées de mission départementales aux droits des femmes dans la mise en œuvre de la politique d'égalité professionnelle et salariale doivent être confortées et élargies. C'est l'objet de la dixième proposition de recommandation. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué qu'elle souhaitait des instructions du ministre de l'intérieur aux préfets pour que soit mieux pris en compte le travail des déléguées aux droits des femmes. Mme Catherine Génisson a souligné leur rôle de médiateur entre les services de l'Etat et les partenaires sociaux. Mme Danielle Bousquet évoquant leurs statuts et leurs formations très hétérogènes, la dixième proposition de recommandation a été modifiée pour intégrer la nécessité de les doter d'un statut leur donnant la légitimité nécessaire pour mener à bien leurs missions. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a salué cette occasion de les conforter dans leur existence et de leur renouveler l'appui de la Délégation. Un débat s'est engagé autour de la onzième recommandation relative à la neutralisation de l'effet de la maternité sur la rémunération. L'article 1er du projet prévoit qu'à l'issue des congés de maternité ou d'adoption, la rémunération des salariées sera majorée des augmentations générales dans l'entreprise -dont les femmes bénéficient déjà- ainsi que, à défaut d'accord de branche ou d'entreprise, des augmentations individuelles perçues, pendant sa période d'absence, par les salariées relevant de sa catégorie. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé le souci de transparence invoqué par le Gouvernement, mais elle a estimé qu'une telle disposition serait difficilement applicable car elle porte atteinte à la confidentialité entourant ces informations. Partageant cette observation, Mme Chantal Brunel a rappelé que les augmentations des salariés se font de plus en plus au mérite et a évoqué les problèmes contentieux que ne manquerait pas de soulever une telle mesure. Mme Anne-Marie Comparini a insisté également sur le problème de la confidentialité de ces augmentations individuelles, insisté sur le caractère personnel des augmentations octroyées dans les petites entreprises, et mis en garde contre les effets pervers de cette disposition. Mme Chantal Brunel a observé qu'il serait envisageable de fonder l'augmentation de la salariée en congé de maternité sur les augmentations perçues par cette même salariée au cours des années précédentes. Elle s'est cependant inquiétée qu'une telle mesure ne conduise les entreprises à fermer leurs portes aux femmes. Elle a évoqué le cas des petites entreprises qui risquent de refuser toute augmentation individuelle lorsqu'une salariée est en congé de maternité pour ne pas avoir de problèmes au retour de celle-ci. Le texte de l'article 1er lui est apparu généreux mais non applicable. À la question de savoir s'il concernait également le congé parental, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, lui a indiqué que l'article 1er visait uniquement les congés de maternité et d'adoption. Mme Anne-Marie Comparini a cependant observé que ce qui pénalise les femmes, ce sont toutes les ruptures dans leur vie professionnelle, les congés de maternité et d'adoption certes, mais aussi le congé parental, et surtout le chômage qui les frappe plus souvent que les hommes. Elle s'est demandé si, par voie d'amendement, il n'y avait pas un risque d'extension de l'article 1er à toutes les causes de rupture. Mme Nathalie Gautier a estimé une telle mesure injustifiée et impossible à mettre en œuvre. Mme Bérengère Poletti a observé que la proposition de fonder l'augmentation de la salariée sur ses propres performances passées pouvait également avoir des effets pervers. Mme Catherine Génisson a souligné que la manière dont le texte aborde l'égalité professionnelle est extrêmement réductrice. Le problème de la femme au travail, c'est celui de l'articulation de temps de vie qui ne sont pas partagés, pas seulement le congé de maternité, mais également le temps passé auprès des ascendants. Elle a souhaité que le texte inclut une disposition concernant les ascendants. Elle s'est en outre demandée si le dispositif envisagé ne risquait pas d'avoir un effet boomerang, et elle l'a estimé inapplicable. Mme Danielle Bousquet a rappelé qu'un congé de maternité n'est pas très long, qu'il dure en général 3 mois, parfois 6 mois. Mme Anne-Marie Comparini s'est inquiétée que de telles dispositions risquent d'inciter les entreprises à ne plus recruter de femmes. Elle a souligné la pénalisation des femmes au niveau des plans de formation lorsqu'elles reviennent au travail après un congé et l'importance de leur assurer une telle formation. Elle a évoqué la directive européenne du 23 septembre 2002. Mme Catherine Génisson a approuvé l'idée que les femmes aient droit à une formation au retour de leur congé, mais elle a estimé qu'il ne fallait pas que cet accès à la formation soit inclus dans le quota de formation dont bénéficie l'entreprise. Elle a fait remarquer que dans les petites entreprises, le quota de formation serait alors quasiment réservé aux femmes ayant bénéficié d'un congé de maternité, ce qui n'est guère satisfaisant. Mme Chantal Brunel a pour sa part fait observer que cela risquait de faire supporter cette charge financière à l'entreprise, si le quota de formation est dépassé. Mme Catherine Génisson a relevé les carences du texte proposé qui n'évoque pas les problèmes de temps partiel -essentiellement féminin- et la précarisation du travail qui touche surtout les femmes. Elle a estimé qu'il n'était pas bon d'aborder le problème de l'inégalité professionnelle par le seul biais de la maternité et de l'égalité salariale. Revenant sur les dispositions prévues à l'article 1er du projet de loi, Mme Hélène Mignon a évoqué les inégalités qu'elles entraîneraient. Mmes Anne-Marie Comparini et Catherine Génisson se sont prononcées pour la suppression de l'article 1er du projet de loi, et donc pour le maintien de la situation actuelle selon laquelle les salariées ont droit aux augmentations générales accordées par l'entreprise. Mmes Bérengère Poletti et Danielle Bousquet ont observé que ce n'était pas le congé de maternité qui constituait un obstacle dans le parcours professionnel des femmes, mais la maternité elle-même. Au terme de ce débat, la onzième proposition de recommandation a été modifiée ; il est précisé que la « référence à ces augmentations individuelles perçues pendant ces congés paraît complexe à mettre en œuvre, contre-productrice et source de contentieux ». Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a alors évoqué la douzième proposition de recommandation, et a souhaité que la nouvelle catégorie d'indicateur permanent parle non pas de conciliation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale, mais de conciliation entre activité professionnelle et vie personnelle, terme moins restrictif pouvant d'ailleurs servir aussi bien aux hommes qu'aux femmes. Elle a insisté sur la nécessité de ne pas limiter les contraintes des femmes à la maternité. Mme Chantal Brunel a évoqué l'intérêt pour les salariés des crèches interentreprises sur les lieux de travail ; elles permettent en effet de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Elle s'est étonnée qu'on ne favorise pas davantage leur implantation. Mme Hélène Mignon a cependant souligné leur faible nombre sur le territoire national. La treizième recommandation vise à harmoniser le droit français avec un arrêt récent de la Cour de Justice des Communautés européennes lorsque la période de congé maternité coïncide avec la période de congés annuels fixée par accord collectif afin de reconnaître à la salariée le droit au congé annuel, quelle que soit la période retenue pour les congés du personnel de l'entreprise. La proposition de recommandation suivante visait à ce que les accords de branche prévoient le maintien de la rémunération du salaire pendant le congé de paternité, pour inciter les nouveaux pères à le faire valoir et pour mieux prendre en compte la parentalité dans l'entreprise. Mme Danielle Bousquet a alors évoqué le problème du maintien de la rémunération des femmes en congé de maternité lorsqu'elles dépassent le plafond de la sécurité sociale. Mme Catherine Génisson a souhaité savoir la proportion d'entre elles qui ne bénéficient pas du maintien de leur salaire. Les membres de la Délégation, favorables à l'adoption d'une disposition sur le maintien du salaire se sont cependant interrogées sur le coût d'une telle mesure. Elles ont jugé trop prématurée cette proposition de recommandation, qui n'a pas été retenue. Les dernières recommandations portent sur la représentation des femmes dans les instances professionnelles et les instances de décision. Il est proposé que la représentation des femmes dans les élections professionnelles - aussi bien dans les élections aux comités d'entreprises que dans les commissions administratives paritaires, reflète la proportion d'hommes et de femmes que constitue chaque collège électoral, chaque entreprise ou chaque corps de fonctionnaire. S'agissant des élections aux conseils de prud'hommes, il serait souhaitable que le texte du projet de loi ne réduise pas la portée de l'article 12 de la loi du 9 mai 2001, et qu'il prévoit de réduire d'un tiers l'écart de la représentation du sexe sous-représenté au sein des listes et sa part dans le corps électoral. Mme Chantal Brunel s'est déclarée très favorable à une féminisation accrue des conseils de prud'hommes. La quinzième recommandation demande l'ouverture des conseils d'administration des entreprises publiques et du secteur privé à la représentation des femmes en recherchant une représentation équilibrée des femmes et des hommes et au moins 20 % de chacun des deux sexes dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises. Enfin, suite aux observations de Mmes Anne-Marie Comparini et Hélène Mignon, la seizième recommandation a été modifiée. Elle prévoit que le projet de loi doit être l'occasion d'achever la transposition en droit interne de la directive du 23 septembre 2002, notamment ses dispositions relatives au harcèlement sexuel sous toutes ses formes sur le lieu de travail. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité une définition plus précise du harcèlement sexiste. Au terme de ce débat, la Délégation a adopté à l'unanimité l'ensemble des recommandations, compte tenu des observations formulées et des modifications suggérées. 1. La Délégation se félicite de l'objectif fixé par le Président de la République de suppression des écarts salariaux entre les femmes et les hommes d'ici 2010 ; 2. Rappelant que depuis 1972 le principe d'égalité salariale a été introduit dans le code du travail, qu'il a été réaffirmé et précisé, après l'adoption d'une directive européenne en 1976, par les lois du 13 juillet 1983 et du 9 mai 2001, la Délégation approuve ce projet de loi « de la dernière chance » qui oblige les branches et les entreprises à négocier sur la suppression des écarts salariaux lors des négociations annuelles sur les salaires ; 3. Elle souligne cependant l'importance de l'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle fixée par la loi du 9 mai 2001 et maintenue par l'actuel projet de loi car l'objectif d'égalité salariale ne peut être véritablement atteint que si l'on prend en compte l'ensemble des inégalités professionnelles qui concernent les femmes ; 4. Elle approuve les références au rapport de situation comparée entre les hommes et les femmes contenues dans le projet de loi car elle estime que, pour les entreprises de plus de 50 salariés, il est un élément essentiel pour établir un diagnostic fiable de la situation en matière d'égalité professionnelle ; I - Rendre la négociation sur les écarts salariaux plus efficace 5. Si la loi peut inciter fortement à négocier, elle n'intervient pas dans le déroulement des négociations qui sont de la responsabilité des partenaires sociaux. Cependant l'exigence de loyauté et de bonne foi s'impose aux partenaires sociaux dans la négociation, particulièrement à l'employeur. S'agissant des négociations salariales, l'obligation d'engager sérieusement et loyalement des négociations devrait être rappelée, en prenant exemple sur les modalités de la négociation relative au travail de nuit ; 6. Outre son travail de bilan et d'évaluation prévu par le projet de loi, le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, par ses recherches et ses études, devrait contribuer à élaborer les outils méthodologiques indispensables pour mesurer les écarts de rémunération et préciser le contenu des indicateurs pertinents, notamment la prise en compte de l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale. Dès la promulgation de la loi, un groupe de travail constitué au sein de ce Conseil devrait être chargé de cette mission. Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle devrait remettre un rapport d'étape annuel au Parlement ; 7. L'analyse des écarts de rémunération et les comparaisons salariales nécessaires au diagnostic devront notamment : - s'appuyer sur un examen de l'ensemble des éléments de la rémunération : salaire de base, primes, avantages en nature, distribution d'actions ; - prendre en compte non seulement la photographie des salaires à un instant donné, mais aussi les parcours professionnels des hommes et des femmes, sachant que les salaires des femmes plafonnent souvent à un certain coefficient, faute de promotion ; - tenir compte des secteurs d'activité où les salariés sont presque exclusivement des femmes. Des méthodes spécifiques d'évaluation des écarts salariaux devront être mises au point dans ces branches professionnelles ; 8. Les dispositions du projet de loi qui prévoient que le Gouvernement pourra présenter un nouveau texte instituant une contribution financière à la charge des employeurs ne satisfaisant pas à l'obligation d'ouverture de négociations de rattrapage salarial, ne devraient pas figurer dans la loi ; 9. Les inspecteurs du travail devraient être sensibilisés aux problèmes d'égalité salariale et professionnelle entre les hommes et les femmes ; des modules d'égalité professionnelle devront être inscrits dans la formation initiale et continue des inspecteurs du travail ainsi que des personnels des services chargés des relations du travail ; 10. Le réseau des déléguées régionales et chargées de mission départementales aux droits des femmes doit s'impliquer fortement dans la mise en œuvre de la politique d'égalité professionnelle et salariale. Les missions des déléguées sur le terrain doivent être confortées et élargies, notamment auprès des responsables économiques et des entreprises, et dotées des moyens nécessaires. A cet effet, il convient de les doter d'un statut leur permettant d'avoir cette légitimité ; II - Mieux prendre en compte maternité et parentalité dans l'entreprise 11. L'article 1er prévoit qu'à l'issue des congés de maternité ou d'adoption, la rémunération des salariées sera majorée des augmentations générales dans l'entreprise, ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles de la même catégorie professionnelle ou de l'entreprise ; la référence à ces augmentations individuelles perçues pendant ces congés paraît complexe à mettre en œuvre, contre-productive et source de contentieux ; 12. Selon l'article 5, une nouvelle catégorie d'indicateurs pertinents permettra d'apprécier la situation respective des femmes et des hommes dans le domaine de la conciliation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale. Or, cette dernière notion renvoie aux seuls salariés ayant des enfants à charge. Le terme de vie personnelle, plus large, serait mieux adapté à la diversité des choix individuels des salariés ; 13. Selon un arrêt récent de la Cour de justice des communautés européennes, une salariée doit pouvoir bénéficier de son congé annuel durant une période distincte de son congé de maternité ou d'adoption, également en cas de coïncidence entre la période de congé de maternité et celle fixée à titre général par un accord collectif pour les congés annuels de l'ensemble du personnel. Afin de respecter la jurisprudence européenne, il conviendrait de reconnaître le droit au congé annuel d'un salarié de retour de congé de maternité ou d'adoption, quelle que soit la période retenue, par accord collectif ou par l'employeur, pour les congés du personnel de l'entreprise ; III - Assurer une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les instances professionnelles et les instances de décision 14. La représentation des femmes doit être mieux assurée : - dans les comités d'entreprise et délégations uniques du personnel. Lors des élections au comité d'entreprise, la composition des listes présentées par les organisations syndicales représentatives devrait refléter la proportion d'hommes et de femmes dans chaque collège ou dans l'entreprise ; - lors des élections aux conseils de prud'hommes. Le texte du projet de loi réduit la portée de l'article 12 de la loi du 9 mai 2001 concernant ces élections. Il conviendrait de réduire d'un tiers l'écart de la représentation du sexe sous-représenté au sein des listes et sa part dans le corps électoral lors du prochain renouvellement des conseils de prud'hommes ; - dans les commissions administratives paritaires et dans les comités techniques paritaires de la fonction publique, qui devraient refléter, aussi bien pour les représentants de l'administration que pour les représentants du personnel, la proportion d'hommes et de femmes de chaque corps de fonctionnaires ; 15. Les conseils d'administration des entreprises publiques et du secteur privé doivent davantage s'ouvrir à la représentation des femmes : L'article 13 du projet de loi relatif à la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises publiques ne concerne que les personnalités compétentes nommées par décret. Cette représentation équilibrée devrait concerner l'ensemble des trois catégories d'administrateurs, afin de parvenir au sein même du conseil d'administration à cette représentation équilibrée. En tout état de cause, le conseil d'administration devrait comporter un nombre de représentants de chacun des deux sexes d'au moins 20 % ; De la même manière, le conseil d'administration des sociétés anonymes devrait être composé de façon à concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes et comporter un nombre de représentants de chacun des deux sexes d'au moins 20 % ; 16. Il conviendrait de transposer en droit interne les dispositions de la directive européenne du 23 septembre 2002 relatives au harcèlement sexuel sous toutes ses formes sur le lieu de travail. ANNEXE : Personnalités entendues par la Délégation Pages
Audition de M. François Fatoux, délégué général de l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) Réunion du mardi 8 février 2005 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié M. François Fatoux d'avoir répondu à l'invitation de la Délégation, qui a souhaité l'auditionner dans le cadre de sa réflexion sur l'égalité salariale, le Président de la République ayant demandé le 4 janvier dernier au Gouvernement de présenter un projet de loi sur l'égalité salariale avec une obligation de résultats dans cinq ans. L'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) joue un rôle important auprès des entreprises qui souhaitent réaliser l'égalité professionnelle entre hommes et femmes. Il a rendu public à l'automne dernier son répertoire sur les « pratiques d'égalité professionnelle entre hommes et femmes dans les entreprises ». Ce document très intéressant montre qu'avec de la volonté, celle des entreprises comme celle des politiques, on peut obtenir des résultats. Mme Marie-Jo Zimmermann a souhaité que M. François Fatoux : - présente l'origine, les objectifs et les missions de l'Observatoire ; - donne des informations sur le contexte et les initiatives qui ont conduit à la réalisation du répertoire, un aperçu de son contenu, l'aide que les entreprises peuvent en attendre ; - fournisse quelques exemples des accords d'entreprise présentant, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 9 mai 2001 qui impose une obligation de négocier, des pratiques innovantes, particulièrement dans le domaine de l'égalité salariale, ce qui permettra à la Délégation d'affiner son argumentation ; - indique les facteurs qui, selon lui, expliquent la très lente évolution du monde de l'entreprise vers plus d'égalité professionnelle et la médiocre application des lois existantes. Car, malgré un arsenal législatif complet, les inégalités persistent ; - dise s'il constate des changements récents dans l'attitude des entreprises et une prise de conscience des liens de plus en plus étroits entre emploi des femmes, égalité professionnelle et performance économique. M. François Fatoux a rappelé que l'Observatoire a vocation à travailler sur le concept de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), défini par la Commission européenne comme étant les démarches volontaires des entreprises, au-delà de leurs obligations légales, pour intégrer les préoccupations sociales et environnementales. L'Observatoire est une association loi de 1901 qui regroupe des grandes entreprises, des confédérations syndicales, des investisseurs et des sociétés de gestion de portefeuilles et ce qu'on appelle dans le jargon de la RSE les « parties prenantes », l'idée étant que les entreprises doivent désormais rendre compte de leur comportement social, environnemental, éthique à l'ensemble des parties prenantes de la société. Il a été créé en 2000 dans le but de rattraper le retard de la France sur les pays anglo-saxons en termes de prise de conscience des enjeux, mais aussi d'outils. Car l'Observatoire a développé des outils qui doivent inciter les entreprises à prendre en compte ces enjeux, y compris en matière d'égalité professionnelle. C'est dans cette logique que l'article 116 de la loi sur les nouvelles régulations économiques oblige les entreprises cotées à intégrer dans leur rapport de gestion des informations sociales et environnementales. Mais, s'il y a consensus sur le principe, c'est la mise en œuvre qui fait problème. Les différents acteurs pouvant avoir des intérêts contradictoires, l'Observatoire a une fonction de veille et de sensibilisation. La notion de développement durable est plus large que l'idée qu'on s'en fait souvent : elle va au-delà des seules questions environnementales. L'Observatoire a donc souhaité faire de l'égalité un enjeu de responsabilité sociale au même titre que l'amélioration des conditions de travail, le respect de l'environnement ou la lutte contre la corruption. Pour cela, il a montré que les investisseurs dits « socialement responsables » ou « éthiques » s'intéressaient à cette notion et l'intégraient dans leurs jugements de valeur sur les entreprises. Ils ont d'ailleurs recours à des agences de notation comme Vigeo, fondée par Nicole Notat, qui apprécient le comportement social des entreprises. À Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, qui lui avait demandé si cette prise de conscience était récente, M. François Fatoux a répondu que les thématiques de la RSE étaient prises en compte depuis un certain temps dans les pays anglo-saxons, mais seulement depuis les années 2000 en France. La première agence de notation extra-financière (Arese) a été créée en 1997, Vigeo en 2003 ; la loi sur les nouvelles régulations économiques date de 2001, les incitations de la Commission européenne à ce que les entreprises publient des rapports de développement durable intégrant les dimensions sociales remontent seulement à l'année 2001, et la stratégie nationale de développement durable du Gouvernement à 2002. Les entreprises sont aussi incitées à aller de l'avant par le fait que les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux labels et que les jeunes diplômés regardent désormais, avant de postuler, les classements comme celui des entreprises « où il fait bon vivre », ce qui est important en période de pénurie de main d'œuvre. Est par ailleurs mise en avant l'idée relativement nouvelle que l'entreprise qui prend en compte les questions sociales satisfait en même temps à une logique financière et économique et améliore sa performance. On n'oppose plus la logique spéculative à la logique sociale, mais on considère qu'il peut y avoir complémentarité, voire synergie. Des études récentes, comme celle du cabinet Catalyst, cherchent ainsi à montrer que l'augmentation du nombre de femmes dans une entreprise améliore ses performances. Ce message n'apparaît toutefois pas clairement dans le répertoire en raison des réticences des syndicats, qui préfèrent que l'on mette l'accent sur l'obligation légale, qui suffit selon eux à inciter les entreprises à aller de l'avant. Pourtant, de nombreux investisseurs qui gèrent des placements éthiques ont besoin qu'on leur montre que le fait de s'inscrire dans une démarche socialement responsable n'altère pas la performance de l'entreprise, au contraire. Au sein des entreprises, si les responsables du développement durable sont désormais acquis à cette démarche, force est de constater que cette préoccupation est souvent portée par les femmes elles-mêmes et que la mise en œuvre concrète demeure difficile. La loi du 9 mai 2001 sur l'égalité professionnelle pose le principe d'un suivi - le reporting - avec production d'indicateurs, car on manquait d'outils et on avait constaté que les politiques lancées dans les entreprises dans les années 90 s'étaient souvent interrompues, faute d'objectif, quand celui qui en avait la charge avait quitté ses fonctions. C'est pourquoi la loi prévoit des objectifs, des moyens et une évaluation des résultats. Pour autant, une étude de la Délégation aux droits des femmes du Sénat montre qu'un petit nombre d'entreprises s'acquittent de leurs obligations. Il était donc nécessaire de montrer que les entreprises pouvaient s'intégrer dans cette démarche en faisant connaître leurs pratiques. Le fait que de nouveaux acteurs poussent les entreprises à s'intéresser à ces questions a des effets positifs : quand une entreprise reçoit un questionnaire d'une agence de notation, elle mesure la nécessité d'agir dans ce domaine. Il existe même des indices boursiers de développement durable. Mais les entreprises ont l'impression que cette problématique est complexe, car les écarts de rémunération sont le résultat d'un ensemble de facteurs. Il est désormais très rare qu'on embauche une femme à un salaire inférieur à celui d'un homme pour la même fonction. Il faut donc choisir l'angle par lequel on s'attaque aux inégalités : recrutement, formation, gestion des potentiels, parcours professionnels, etc. Il est ainsi apparu qu'il pouvait être utile qu'un support pédagogique mette en avant les enjeux par thème et valorise les pratiques innovantes avec le souci de trouver des réponses très concrètes, en entrant presque dans les détails. Les expériences sont présentées de façon anonyme, mais les accords d'égalité professionnelle sont cités en exemple. Ce répertoire a été rendu public en septembre 2004, sous forme électronique et sur papier. Les 15 000 exemplaires imprimés ont été largement diffusés par les syndicats, les pouvoirs publics et les grandes entreprises et une version actualisée sera disponible en mars prochain. L'Observatoire envisage de créer un site Internet dédié à l'égalité professionnelle, qui permettrait en particulier que les entreprises décrivent elles-mêmes leurs pratiques et que les accords d'égalité soient mis en ligne. Car il est apparu que ni les syndicats ni les pouvoirs publics ne disposaient de la totalité de ces accords. Ceux-ci ne sont pas toujours envoyés par les entreprises aux directions départementales de l'emploi, et lorsqu'ils le sont, restent stockés à ce niveau, alors qu'il serait très intéressant d'en disposer. Il existe une difficulté juridique, à savoir que les pouvoirs publics qui collectent ces données, ne peuvent les rendre publiques. L'Observatoire compte donc demander l'aval des entreprises à une telle publication sur Internet. Il est également prévu de préparer pour les PME un support pédagogique destiné à les accompagner concrètement, car les indicateurs de la loi de 2001 ne leur sont pas adaptés. À côté de ce support, il faut que des acteurs de terrain, comme les chambres consulaires mais aussi les collectivités territoriales - qui sont, comme l'Etat, plutôt en retard en la matière -, accompagnent les PME. Sans doute n'y a-t-il pas besoin d'une nouvelle loi, mais de pédagogie et d'incitations financières pour avancer. Les entreprises étrangères ne font ni mieux ni moins bien ; il est donc nécessaire de mettre en avant ce qui se fait en France. La fiche sur l'égalité salariale met en avant certains accords. Un des plus avancés est celui d'EDF-GDF, qui chiffre à 4,9 % l'écart récurrent entre la rémunération des hommes et des femmes et qui prévoit concrètement un volant d'augmentations individuelles. Cela pose d'ailleurs le problème de la dévolution d'un budget à la résorption des inégalités. Dans le cadre de la réactualisation du répertoire, l`Observatoire s'est penché aussi sur l'accord Schneider du 17 décembre 2004, qui comporte des dispositions innovantes à propos des classifications. À partir du constat qu'une des raisons de l'écart des rémunérations est que les femmes occupent des emplois inférieurs sur la grille de classification, un rattrapage spécifique est prévu pour l'emploi de secrétariat, avec un objectif : « qualification égale au bout de 18 mois de travail ». Certes, ce dispositif n'est pas transposable à toutes les entreprises, mais son existence même montre bien qu'il est possible d'utiliser toute une gamme de solutions, en les adaptant à chaque contexte particulier. L'objectif est de montrer toute la palette des innovations possibles. On ne dispose toutefois que d'une trentaine d'accords de référence, qui ont tous leurs points forts : l'accord PSA est très intéressant sur différents points, tout comme les accords EADS ou EDF, par exemple. Mme Marie-Jo Zimmermann a indiqué que l'accord sur l'égalité professionnelle conclu par PSA reposait largement sur la notion d'indicateurs pertinents. S'agissant du concept d'enjeu pertinent, M. François Fatoux a observé qu'on ne pouvait pas imposer les mêmes contraintes à des entreprises dont les cultures, les secteurs d'activité, la démographie diffèrent. C'est aux acteurs qu'il revient, dans le cadre d'un dialogue, de s'approprier ces enjeux, de donner la priorité à tel ou tel d'entre eux, de considérer par exemple qu'il faut d'abord s'attaquer au problème du recrutement ou à celui de l'accès des femmes aux postes de responsabilité. On rencontre aussi des difficultés d'ordre culturel : les syndicats ne manifestent pas toujours un intérêt marqué pour ces questions. Certains accords prévoient même l'obligation pour les syndicats de se féminiser eux aussi... Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est demandé si les syndicats en avaient pris davantage conscience et s'ils commençaient à se mobiliser en faveur de l'égalité. M. François Fatoux a souligné que la volonté devait se traduire par des moyens. Or, ni dans les syndicats ni dans les entreprises, on ne dégage de ressources humaines. Au sein des confédérations syndicales, une ou deux personnes, dans le meilleur des cas, travaillent sur ces questions. Dans les entreprises, on peut se demander s'il faut affecter une personne en particulier à ce dossier, ou s'il doit concerner l'ensemble des fonctions dans l'entreprise afin que d'autres responsables s'en préoccupent également. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a considéré qu'il valait peut-être mieux disposer d'une personne référente jusqu'à ce que l'égalité soit entrée dans la culture de l'entreprise. La bonne volonté ne suffit pas, il faut un élément déclencheur. Dans certaines unités de PSA, ce n'est pas le DRH mais l'assistante sociale qui est chargée de rappeler en permanence l'obligation d'égalité. M. François Fatoux a insisté pour sa part sur le rôle de la direction, observant cependant que chaque entreprise est libre de son organisation. L'essentiel pour l'Observatoire est d'apporter le support pédagogique et les informations dont les acteurs, en particulier les syndicats, ont besoin. Il a souligné l'importance de la complémentarité des supports. Sur le futur site, une rubrique mettra en valeur ceux élaborés par les syndicats. En fait, on retrouve un corpus commun dans tous ces documents, y compris dans celui que le ministère a publié en 2002, mais qui n'a pas été mis en ligne et qui a eu une diffusion limitée. À la question de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, sur la nécessité d'une nouvelle loi, M. François Fatoux a observé à titre individuel qu'il comprend bien le président Jean-Louis Debré lorsqu'il affirme que la finalité de la loi ne doit pas être l'affichage. Certains considèrent également que tous les outils existent déjà. Mais le dispositif actuel ne suffit à l'évidence pas et peut-être la force symbolique de la loi est-elle nécessaire. Mais doit-elle être contraignante, ou affirmer des principes qui permettront aux entreprises de réduire les écarts entre hommes et femmes ? On ressent le besoin de mettre en valeur les pratiques, mais ce n'est pas parce qu'elle posera le principe de l'égalité salariale que la loi donnera aux entreprises les outils pour les réduire. Il appartient donc à ces dernières de les définir elles-mêmes. Par exemple, s'agissant des augmentations de salaires, on fixe dans certains accords les volumes d'augmentations individuelles, on dit qu'il faut agir, mais on ne dit pas comment. Or, il faut des outils ! Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que les lois de 1972, de 1983 et de 2001 prévoyaient toutes des outils pour l'égalité salariale. Mais ce qu'il faut pour que les entreprises avancent, c'est une volonté et celle-ci ne se décrète pas... M. François Fatoux a rappelé qu'il y a aussi des problèmes culturels : certaines études montrent que les femmes revendiquent moins d'augmentations que les hommes. Pour la gestion des hauts potentiels, il existe maintenant des dispositifs de « coaching » adaptés pour permettre aux femmes d'accéder de la même manière que les hommes aux postes de responsabilité. On constate aussi que, dans l'accès à la formation, les femmes n'ont pas les mêmes exigences. Ainsi on trouve des autoformations qui peuvent se pratiquer à domicile mais qu'il vaut mieux suivre hors de chez soi pour éviter les interférences avec les tâches domestiques. On constate toutefois depuis deux ans une certaine accélération de la réflexion, grâce aux effets combinés d'une volonté politique, des outils de notation et du reporting. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a noté que le fait d'insister en permanence dans les médias sur les indicateurs pertinents et sur la problématique de l'égalité pourrait faire réagir les femmes. Ce n'est qu'en martelant le message qu'on leur fera prendre conscience qu'elles sont actrices. M. François Fatoux a ajouté que, si on veut avancer sur ces questions, il faut aussi traiter des questions de parentalité. Lui-même a plaidé, dès les années 90, pour un congé de paternité rémunéré. Car le dispositif neutre du congé parental ne suffit pas, il faut une mesure spécifique pour que les hommes l'utilisent en dépit des réticences liées à la carrière et à la perte de rémunération. Rémunérer le congé de paternité, c'est ôter aux hommes un argument pour ne pas s'arrêter de travailler. La politique que les pays nordiques ont menée pour impliquer les hommes a eu des effets positifs. Avant de parler de discrimination positive en faveur des femmes, on peut chercher ce qu'on peut faire pour inciter les hommes à aller de l'avant et pour lever les réticences culturelles. L'accord Renault a de ce point de vue une dimension pédagogique : « le congé de paternité est un des éléments favorisant le partage de l'éducation des enfants, des tâches familiales et des impératifs de la vie professionnelle entre les femmes et les hommes ». C'est ainsi qu'est motivé le maintien du salaire en cas de congé de paternité. Certains pensent également que la promotion des femmes dans l'entreprise passe par celle des femmes au foyer. Mais c'est un sujet auquel on a du mal à intéresser les femmes, y compris celles qui sont très en pointe sur le thème de l'égalité. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait valoir que ce n'est pas une question d'intérêt pour le sujet, mais que l'idée est bien difficile à faire passer. Et l'on peut douter que la nouvelle génération partage mieux les tâches ménagères que celle qui la précède puisque les hommes ne consacrent que deux minutes de plus aux tâches familiales et ménagères qu'il y a vingt ans. Mme Nathalie Gautier a constaté pour sa part une certaine évolution, certes variable selon les niveaux sociaux. Désormais, les jeunes femmes revendiquent l'égalité salariale et refusent que les tâches domestiques - par ailleurs facilitées par le progrès technique - ne soient pas partagées. C'est une démarche un peu nouvelle. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a admis que les jeunes femmes étaient beaucoup plus conscientes qu'auparavant, mais a douté qu'elles aillent jusqu'au bout de la démarche en refusant de les faire. M. François Fatoux a rappelé que l'application des 35 heures se traduisait par plus de vie de famille pour les femmes et par plus de vie associative, sportive, de loisirs pour les hommes... Mme Nathalie Gautier a fait observer que, si l'on manque de recul pour apprécier les effets de la RTT, il apparaît que le partage de la garde des enfants est plus équilibré. Les 35 heures sont sans doute fondamentales dans ce rééquilibrage. M. François Fatoux a estimé que des enquêtes sur les congés de paternité montraient des choix tout à fait positifs et qu'il lui apparaît que ce dispositif pourrait accélérer le processus de changement culturel. En Suède, on a mené des campagnes publicitaires pour inciter les hommes à prendre ce congé, pour faire changer les mentalités. En France, un certain nombre d'entreprises n'ont pas encore intégré cette dimension de parentalité ; IBM, pourtant très engagée en faveur de l'égalité, n'a pas prévu de maintien du salaire. Ceux qui demandent que l'on aille plus loin demeurent minoritaires, car cela obligerait à revoir les conditions de travail. Pourtant, Françoise Giroud avait dit justement que trop de protection enferme les femmes dans un ghetto protecteur. C'est pour cela qu'il faut peut-être changer de logique et donner des avantages aux hommes. Si l'entreprise est obligée de tenir compte de la pression des femmes et des hommes, elle sera tenue d'aller vers un système de management qui neutralise les effets inégalitaires. Cela permettrait par exemple de s'attaquer au problème du temps partiel à quatre cinquièmes, qui est très peu utilisé par les hommes parce que ce n'est pas dans leur culture. Or, on peut les y inciter, mais tout se joue dans les premiers mois de la vie de l'enfant : s'il n'y a pas d'investissement immédiat des pères, c'est trop tard ! Mme Nathalie Gautier s'est demandé, sur le mode ironique, si une nouvelle loi ne serait pas finalement nécessaire pour donner des avantages aux pères... M. François Fatoux a insisté sur la nécessité d'utiliser de façon pertinente le grand nombre d'informations qui sont collectées par les pouvoirs publics. Comment faire en sorte que celui qui négocie dans son entreprise sache ce qui a déjà été fait en la matière ? L'Etat a sans doute pour mission de mettre ces informations à la disposition des acteurs ; or, c'est une structure privée comme l'Observatoire qui pourrait mettre en ligne les accords d'égalité professionnelle. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a considéré que si on s'était emparé de la loi de 2001, si on l'avait portée vers les entreprises en les aidant à l'appliquer, on n'en serait sans doute pas arrivé à ce que le Président de la République déclare le 4 janvier dernier qu'il fallait une loi pour l'égalité salariale. Cela montre une nouvelle fois l'importance de la médiatisation et de la pédagogie. Audition de Mme Marie-Cécile Moreau, juriste, Réunion du mardi 8 février 2005 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mme Marie-Cécile Moreau, juriste, présidente de l'Association des femmes de carrières juridiques et membre de l'Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes. Pour l'avoir entendue tant à l'occasion du projet de loi portant réforme du divorce que lors de l'élaboration du texte relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe, la Délégation connaît la finesse et la pertinence de ses analyses. Préoccupé par la persistance de l'inégalité professionnelle, le Président de la République a annoncé le 4 janvier dernier qu'il demanderait au Gouvernement d'élaborer une nouvelle loi relative à l'égalité salariale. Dans ce contexte, la Délégation sera attentive au point de vue de la juriste sur l'évolution d'un arsenal législatif déjà fourni et contraignant, et sur les perspectives que pourrait ouvrir une nouvelle initiative législative. L'écart de rémunération entre les hommes et les femmes montre qu'une forte inégalité salariale demeure en dépit des dispositions contenues dans les lois de 1972, 1983 et 2001. Dans ces conditions, une nouvelle loi est-elle nécessaire, ou est-ce plutôt la volonté politique de faire appliquer la législation en vigueur qui doit être renforcée ? Mme Marie-Cécile Moreau a exposé que, s'intéressant de très près aux droits des femmes depuis maintenant six ans, elle est désormais convaincue qu'en cette matière tout se tient : arsenal normatif, mesures annexes et application des lois. Le droit a été engagé dans le combat en faveur de l'égalité entre femmes et hommes depuis plusieurs décennies et malgré cela l'égalité salariale n'est pas acquise ; un écart de rémunération généralement évalué à 25 % se maintenant au détriment des femmes. A l'aune des dispositions légales, cet écart est considérable. Si l'on tient, par une nouvelle loi, à remédier à ce qui ne fonctionne pas, il convient avant toute chose de chercher à comprendre les raisons de cet écart ; or, le plus souvent, on l'énonce sans s'appesantir. Le chiffrage lui-même appelle des réserves. Que recouvrent ces 25 % ? Lorsque l'on interroge les professionnels, on retire de leurs réponses un sentiment de confusion plus que d'éclaircissement, et on se demande toujours comment ce taux a été calculé. Aussi doit-on le retenir comme une facilité de langage - sans contester qu'un écart de rémunération existe entre les hommes et les femmes au détriment de ces dernières. Les réserves que l'on peut avoir ne s'arrêtent pas au chiffrage de l'écart ; elles tiennent aussi aux raisons données pour l'expliquer, notamment par l'INSEE dans une étude de 1997. Il y était exposé que l'écart de rémunération s'explique pour deux cinquièmes par la durée de vie professionnelle des femmes, plus courte que celle des hommes, et pour deux cinquièmes par le profil de la personne considérée. Reste un cinquième, que personne n'explique... C'est justement celui sur lequel il faut s'arrêter. Pourquoi cette incertitude persistante ? Les femmes ont toujours travaillé, même lorsque leur statut civil faisait d'elles des mineures. Il est donc inexact de prétendre que si elles sont à présent très nombreuses en activité, c'est parce qu'elles ont été émancipées. Si les femmes travaillent en si grand nombre, c'est pour des raisons économiques, principalement dans le secteur tertiaire où elles se sont engouffrées. Mais, de même qu'une loi nouvelle ne s'installe dans les mœurs qu'avec le temps, de même il faut du temps pour qu'une loi abolie disparaisse dans ses effets, c'est-à-dire pour que les femmes extirpent d'elles le sentiment de soumission et que les hommes intègrent l'égalité. Il existe donc une rémanence diffuse de l'ancien statut légal de la femme - ce que l'on peut qualifier de « mentalité » -, car ce qui vaut pour les individus vaut aussi pour les institutions, sommes d'individus. Comme on ne peut contraindre les mentalités au changement, il est difficile de dire que faire. Le Conseil européen a adopté dès 1984 une recommandation « relative à la promotion des actions positives en faveur des femmes » dont la teneur est frappante. Au nombre des considérants figure en effet l'énoncé que « les normes juridiques existant sur l'égalité de traitement qui ont pour objet d'accorder des droits aux individus sont insuffisantes pour éliminer toute forme d'inégalité de fait si, parallèlement, des actions ne sont pas entreprises, de la part des gouvernements, des partenaires sociaux et d'autres organismes concernés, en vue de compenser les effets préjudiciables qui, pour les femmes dans la vie active, résultent d'attitudes, de comportements et de structures de la société » . Voilà qui fait mieux apparaître ce que le droit normatif peut avoir d'insuffisant, et ce qu'il faudrait faire en aval. Reste à déterminer si le projet de loi annoncé devrait promouvoir des mesures incitatives ou des sanctions. Chacun le sait, le corpus normatif est acquis en France, et depuis longtemps, puisque le principe de l'égalité salariale était inscrit dans l'article 140-2 du code du travail avant même la loi de 1983. Mais cette loi a eu pour particularité que Mme Yvette Roudy y a introduit un article prévoyant que l'employeur qui ne se soumettrait pas aux dispositions de la loi relatives à l'égalité salariale encourrait, outre la procédure prud'homale, une condamnation pénale pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement et 20 000 francs d'amende. A supposer même que la législation nationale ne prévoie rien à ce sujet, le droit communautaire ne permettrait pas que l'on en reste là. L'article 141 du traité instituant les Communautés européennes, dans sa rédaction issue du traité d'Amsterdam, - article qui connaît une fortune certaine en ce moment à la Cour de Luxembourg - s'appliquerait. Il dispose que « chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur », ajoutant que ce principe n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures spécifiques « destinées (...) à prévenir ou compenser des désavantages ». En dépit de ce corpus national et européen, l'écart de rémunération est toujours tel qu'il a provoqué l'annonce, par le Président de la République, d'un nouveau projet de loi alors même que la « loi Génisson » contient certaines des mesures recommandées par le Conseil européen en 1984 pour prendre en considération les « attitudes, comportements et structures de la société » décriés. Mme Marie-Cécile Moreau a porté une appréciation mitigée sur le rapport de Mme Gisèle Gautier, présidente de la Délégation aux Droits des Femmes du Sénat, en premier lieu parce que, ne concernant que les entreprises de 50 salariés et plus, il laisse le lecteur dans l'ignorance de ce qui se passe dans les autres, en second lieu, parce que bien que la « loi Génisson » tienne la rémunération comme l'un des critères pertinents de l'égalité professionnelle, il ne présente pas les choses sous un angle très dynamique. Ce travail estimable donne une photographie de la situation à un instant donné, mais les personnes sondées n'ont pas été interrogées sur l'application des dispositions relatives aux employeurs qui se dérobent à leurs obligations légales. C'est fort dommage. Bien qu'au moment de l'élaboration de la loi du 9 mai 2001, il ait été envisagé de recourir à des incitations plutôt qu'à des contraintes, la loi a retenu ces dernières. Or, on a le sentiment que la loi reste finalement peu appliquée dans les entreprises moyennes, de par la rémanence déjà évoquée, qui frappe aussi l'ensemble des acteurs de l'entreprise. On constate en outre que même si un employeur n'agit pas, les instances qui auraient dû l'y contraindre ne l'ont pas fait, ce qui ne laisse pas d'intriguer. Et s'il existe une longue jurisprudence prud'homale relative à l'égalité de rémunérations, les dispositions des lois « Roudy » et « Génisson » relatives aux poursuites pénales ne sont pas appliquées. Si la loi annoncée doit, comme le Président de la République l'a dit, réussir en cinq ans, elle devra prévoir des sanctions exemplaires, sans quoi le dispositif ne fonctionnera pas. L'écart de rémunération entre les hommes et les femmes ne s'étant que très peu réduit en plus de cinquante ans, passant de quelque 36 % en 1950 à 25 % maintenant, est-ce un pari seulement envisageable de dire qu'il disparaîtrait en cinq ans ? Mme Marie-Cécile Moreau, qui assistait à la cérémonie des vœux au cours de laquelle le Président de la République a fait l'annonce, l'a trouvée un peu excessive, non seulement pour ce qu'elle lui a semblé avoir d'utopique, mais aussi parce que le chef de l'Etat ne s'est pas placé sur le terrain de l'égalité entre les femmes et les hommes. Qu'a-t-il dit ? Que « travailler pour l'emploi, c'est travailler pour l'égalité », et qu'il allait donc demander au Gouvernement de préparer un projet de loi ; autrement dit, l'aspect économique l'emportait ouvertement. Mais peut-on contraindre le monde économique à respecter l'égalité professionnelle par des sanctions pénales ? M. Ernest-Antoine Seillière, présent à la cérémonie, n'a pas manqué de faire connaître son désaccord avec une proposition selon lui sans objet puisqu'il existe déjà un accord interprofessionnel, et l'attitude des syndicalistes invités ressemblait à la sienne car, comme le MEDEF, les syndicats souhaitent des incitations plutôt que des contraintes. La situation étant ainsi décrite, Mme Marie-Cécile Moreau a indiqué qu'elle étudierait avec beaucoup d'intérêt le futur projet de loi. Revenant ensuite sur les lois générales sur l'égalité, elle a décrit la jurisprudence européenne, et notamment les saisines de la Cour de Luxembourg par des hommes soutenant que les textes français ne sont pas conformes à l'article 141 du traité communautaire. Elle en a donné pour exemple la plainte d'un veuf de 48 ans, père d'un enfant et non remarié, empêché de se présenter à un concours de la fonction publique au motif que la limite d'âge était fixée à 45 ans, sauf pour les femmes dans une situation analogue à la sienne ; le 30 septembre 2004, la Cour de Luxembourg lui a donné raison, estimant l'interdiction « disproportionnée ». Les textes français étant truffés de dispositions de ce genre, il faut s'attendre à ce qu'ils soient passés au crible de la législation communautaire, et le résultat ne fait aucun doute, même si la référence au « principe de proportionnalité » par les juridictions est parfois disproportionné. Aussi l'état normatif national, favorable à l'égalité, peut-il être considéré comme instable puisque, dans certains secteurs, des dispositions introduites pour compenser les inégalités dont sont victimes les femmes sont remises en cause ou pourraient l'être. Il sera particulièrement intéressant de voir si, dans le projet de loi annoncé, les sanctions pénales actuellement prévues à l'encontre des employeurs rétifs seront maintenues. Sur le terrain prud'homal, l'un des apports de la loi du 16 novembre 2001 est d'avoir, par transposition d'une directive, inversé la charge de la preuve, et permis aux syndicats d'agir au nom d'un salarié - ou d'une salariée. On dispose donc déjà des instruments nécessaires aux poursuites. En déclarant que « travailler pour l'emploi, c'est travailler pour l'égalité », le Président de la République dit ne pas comprendre pourquoi les femmes et les hommes auraient des salaires différents et voit dans la promotion des talents des femmes l'un des éléments qui, en favorisant la consommation, renforcerait la croissance. Mais en quoi un nouveau texte contribuerait-il à cette évolution ? L'arsenal législatif est complet ; le problème est que l'on ne s'en sert pas ! On ne pourrait qu'être enchanté si les femmes finissaient par obtenir la même rémunération que les hommes, mais il est plus que douteux que cet objectif puisse être atteint par le biais d'une nouvelle loi. Quant à imaginer qu'il le soit en cinq ans... Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a conclu de cet exposé que les parlementaires devraient se faire les missi dominici des lois existantes. Mme Marie-Cécile Moreau a souligné l'hostilité du MEDEF à un nouveau texte et la complaisance des syndicats, dans une situation pourtant insatisfaisante. Elle a ajouté que, faute de contrainte, elle ne voyait pas comment la noble ambition affirmée par le chef de l'Etat pourrait se traduire dans la réalité. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a constaté que, si la majorité avait œuvré, depuis deux ans et demi, à faire appliquer la législation existante, la Délégation ne serait pas conduite aujourd'hui à s'interroger sur les moyens d'améliorer la « loi Génisson ». Mme Marie-Cécile Moreau, rappelant l'adage fameux « Qu'est la loi sans les mœurs, que sont les mœurs sans la loi ? », a souligné que l'évolution des idées demande du temps et que la rémanence des lois s'atténue au fil des générations, comme il ressort des réponses au sondage sur lequel s'appuie le rapport de Mme Gisèle Gautier. Mme Nathalie Gautier a observé que les politiques contribuent au statu quo : tous les maires des grandes villes ne sont-ils pas des hommes ? Vient-il seulement à l'idée que le Président de la République ou le Premier ministre pourrait être une femme ? Tout cela compte dans la représentation du rôle de la femme et de son statut. Mme Marie-Cécile Moreau a rappelé qu'il avait été envisagé d'imposer la présence de femmes au sein des conseils de prud'hommes, mais que les auteurs de la loi ont finalement décidé qu'il n'en serait rien. Dans ce domaine aussi, l'équilibre est très fragile, et l'on n'insistera jamais assez sur la spécificité du contrat de travail, fondement de la vie économique. Or, la tentation du pouvoir politique est souvent de faire prévaloir les mesures dont il estime qu'elles vont améliorer l'économie sur celles qui pourraient favoriser l'égalité ; la formulation de l'annonce du Président de la République en est une nouvelle démonstration. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite prête à améliorer la « loi Génisson » si cela est possible, mais en aucun cas à cautionner un recul des droits des femmes, soulignant d'autre part que rien ne servirait de légiférer inutilement. Mme Marie-Cécile Moreau a estimé profondément regrettable que la question des sanctions pénales ait été passée sous silence dans le rapport de Mme Gisèle Gautier. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, constatant en résumé qu'il convenait, avant toute chose, de parvenir à faire appliquer la loi du 9 mai 2001, Mme Marie-Cécile Moreau s'est interrogé sur la manière de le faire. Le tribunal correctionnel effraye certains, mais ce n'est qu'un outil de contrainte comme un autre ; il faut dépassionner le débat. Si une loi nouvelle apparaît encore nécessaire alors qu'une législation complète existe déjà, c'est bien que l'outil juridique n'a pas été saisi alors même que, pour y aider, la loi du 16 novembre 2001 a prévu que les syndicats peuvent agir au nom des salariés - lesquels craignent souvent des représailles. Cette situation traduit un accord tacite tendant à progresser par d'autres voies que la voie juridique. Mais les hommes et les femmes se satisferont-ils de cette situation ? Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a jugé qu'un éventuel texte nouveau devrait être plus répressif sur la question de la rémunération à l'embauche, et qu'il conviendrait aussi d'éviter que les congés parentaux et de maternité n'entravent l'évolution salariale et le déroulement des carrières. Ces congés ne devraient pas pénaliser les femmes ; ils devraient être perçus comme des étapes positives dans la vie professionnelle des femmes. Mme Marie-Cécile Moreau a observé que de telles dispositions seraient d'un maniement difficile, particulièrement lorsque, comme le prévoient certaines conventions collectives, un congé de maternité peut durer deux ans ; dans certaines professions, les femmes de retour à l'emploi ne sont alors plus opérationnelles. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que, dans ce cas, la législation impose une formation lors de la reprise du travail. Mme Marie-Cécile Moreau a insisté sur la nécessité permanente d'informer sur les droits, tout en soulignant qu'une nouvelle loi alourdirait encore un corpus législatif déjà pléthorique. Le code du travail à lui seul a pris l'ampleur d'un Larousse, et les strates successives s'y empilent au point que même les professionnels du droit ne s'y retrouvent plus. Trop de loi finit par tuer la loi ! Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a vivement remercié Mme Marie-Cécile Moreau, qu'elle se propose d'entendre à nouveau dès que le projet de loi aura été présenté au conseil des ministres. Audition de Mme Frédérique Dupont secrétaire confédérale de la CGT Réunion du mardi 15 février 2005 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué que la Délégation a décidé d'entendre les partenaires sociaux dans la perspective de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité salariale. Si on ne peut que se féliciter que le Président de la République ait affirmé la nécessité de parvenir à l'égalité de rémunération entre hommes et femmes d'ici cinq ans, on peut toutefois se demander pourquoi les textes précédents, notamment la loi de 1972, qui posait le principe « à travail de valeur égale, salaire égal », puis la « loi Roudy » de 1983 et la « loi Génisson » du 9 mai 2001, n'y ont pas suffi. Sans doute cela renvoie-t-il à l'enquête très intéressante de la Délégation aux droits des femmes du Sénat sur l'application de la loi. Il est frustrant, pour le législateur, de constater que les textes qu'il vote ne sont pas appliqués. M. Michel Miné, après avoir précisé qu'il n'intervenait pas en qualité de représentant de la CGT mais de juriste, a souligné toute l'importance de l'apport du droit communautaire depuis vingt-cinq ans avec notamment la notion fondamentale de discrimination indirecte transposée en droit français, avec beaucoup de retard, par la loi du 16 novembre 2001, ainsi que le concept de comparaison hypothétique, qui permet de comparer des emplois à dominante féminine avec ce qu'ils seraient s'ils étaient occupés par des hommes. Si ce dernier est déjà utilisé au Canada et au Royaume-Uni, il n'en est qu'à ses débuts en France. La CGT vient d'ailleurs de lancer une étude à ce propos. Mme Catherine Génisson a jugé la démarche intéressante, mais s'est demandé si elle ne figeait pas les hommes et les femmes à une place déterminée. M. Michel Miné a souligné qu'au nom de la mixité, on ne va pas changer du jour au lendemain le fait qu'il y a des emplois majoritairement féminins. Il s'agit d'utiliser un outil juridique pour revaloriser les salaires dans des professions essentiellement occupées par des femmes. S'agissant de l'absence de sanctions et de poursuites pénales, il a souligné également que les procureurs de la République sont trop peu sensibilisés aux questions de discrimination, et que les procès-verbaux des inspecteurs du travail sont trop souvent classés sans suite quand il n'y a pas de constitution de partie civile. Sous l'influence du droit communautaire, les syndicats privilégient donc l'action civile pour obtenir une réparation pour la femme dont les droits n'ont pas été respectés. Par ailleurs, la démarche de mainstreaming gender permet d'aborder la question des inégalités de rémunération comme la résultante d'autres inégalités. Or, légiférer sur l'égalité salariale risque de n'être guère efficace si l'on ne s'interroge pas sur les causes des discriminations. On observe même qu'un certain nombre de textes votés depuis quelques mois sont de nature à aggraver les inégalités de salaire. Tel est le cas du texte adopté en première lecture le 9 février dernier, qui permet que les salariés acceptent par un accord individuel de faire des heures supplémentaires au-delà du contingent réglementaire conventionnel. On sait que ces heures seront effectuées en priorité par ceux qui n'ont pas de charges de familles, auxquels l'employeur, sans volonté discriminante, va confier les tâches les plus intéressantes, ce qui le conduira ensuite à les rémunérer davantage. Il y a donc bien là un effet de discrimination indirecte dans la mesure où ce sont très majoritairement les femmes qui s'occupent des enfants. Il serait donc extrêmement utile que le législateur intègre la notion de discrimination indirecte dans sa réflexion et sa production normative, ce qui le conduirait à s'interroger sur les effets potentiellement négatifs pour les femmes de tous les textes relatifs au droit social qui lui sont soumis. Cela pourrait faire partie des missions de la Délégation, qui pourrait en cela s'appuyer sur plus de 200 décisions de la Cour de justice des communautés européennes. On semble lier les difficultés de mise en œuvre de la loi de 2001 à l'absence de sanctions pénales prononcées. Mais le texte se heurte d'abord à de fortes pesanteurs sociologiques et à des stéréotypes persistants. Et ce n'est certainement pas par hasard que le titre premier de l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 porte sur « l'évolution des mentalités ». Le MEDEF s'est d'ailleurs rallié à l'objectif de supprimer les stéréotypes sexuels en développant une politique de communication interne. Dans ce cadre, l'accord signé aux Eaux de Paris prévoit explicitement la formation du management à ces questions. Parler de « délit d'entrave » dans ce contexte paraît quelque peu dépassé. Car ce qui est intéressant, ce n'est pas la poursuite pénale. Au lieu de faire condamner, deux ans plus tard, l'employeur à 2 000 euros d'amende, mieux vaut que le tribunal de grande instance lui ordonne d'ouvrir des négociations au cours desquelles les organisations syndicales pourront jouer tout leur rôle. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est demandé pourquoi, dans ce cas, des actions civiles n'étaient pas systématiquement intentées dans les 72 % d'entreprises qui n'ont rien fait en faveur de l'égalité professionnelle. Elle a souhaité que M. Michel Miné puisse donner quelques exemples. M. Michel Miné, après avoir cité le cas d'une grande entreprise de tabac de la région d'Orléans, a dit que son propos était surtout de montrer que le syndicat avait intérêt à imposer des négociations, sur cette question comme sur celle du temps de travail. On observe d'ailleurs aussi que les négociations sur l'égalité salariale ne sont pas toujours authentiques : l'employeur arrive avec ses propositions ; si elles ne conviennent pas aux syndicats, il y a constat de désaccord et on se retrouve un an plus tard... Pourtant, si on considère que le droit du travail doit être avant tout un droit négocié, la négociation doit être « loyale » au sens de la jurisprudence, c'est-à-dire que l'entrepreneur doit fournir des informations pertinentes, laisser aux syndicats le temps d'informer les salariés et de faire des propositions alternatives. Lorsque tel n'est pas le cas, la CGT saisit parfois le tribunal de grande instance ; c'est ainsi que la Lyonnaise des Eaux a vu son accord annulé. Il est d'autant plus intéressant de s'intéresser à la manière dont s'élabore la norme conventionnelle que des textes récents, notamment la « réforme Fillon » du 4 mai 2004, ignorent le processus de négociation. Mme Catherine Génisson a rappelé que la loi de 2001 prévoit l'obligation d'ouvrir des négociations, spécifiques ou intégrées. M. Michel Miné a fait observer que les entreprises ne savaient pas négocier. Mme Muguette Jacquaint a souligné que l'on avait pu le constater, récemment encore, chez H & M. M. Michel Miné a rappelé que les syndicats disposent, depuis la « loi Roudy » de 1983, d'un droit de substitution. Les femmes hésitent néanmoins à aller en justice car cela peut être extrêmement dangereux. Ainsi, le premier cas depuis 1983 de licenciement, de représailles, d'une femme ayant réclamé le versement des mêmes primes que ses collègues masculins n'a été jugé par la chambre sociale de la Cour de cassation que le 28 novembre 2000. On mesure là le temps qui est nécessaire au corps social et à la justice pour intégrer ces évolutions... Les femmes qui franchissent le pas de l'action en justice n'ont donc pas besoin que le syndicat se substitue à elles. En revanche, il peut les aider à monter le dossier et intervenir à leurs côtés lors du procès. Malheureusement, alors que les défenseurs syndicaux sont parfois plus efficaces que les avocats, notamment non spécialisés, en raison de leur connaissance de l'entreprise, ils sont aujourd'hui, faute d'un statut, en nombre très insuffisant Mme Catherine Génisson a rappelé qu'en effet, la loi de lutte contre les discriminations a ouvert aux associations la possibilité de se substituer aux salariés. Mme Muguette Jacquaint a insisté sur la nécessité de donner aux défenseurs syndicaux un statut, une formation, et un plus grand nombre d'heures de délégation. M. Michel Miné a observé que la CGT a fait des propositions pour renforcer le rôle des défenseurs syndicaux, notamment dans les petites entreprises, où on trouve le plus de salariées et où il n'y a pas de syndicat. Concernant le rôle de l'inspection du travail, il faut tout d'abord observer que la crise d'effectifs qu'elle connaît depuis sa création ne risque pas de se résorber au moment où le droit du travail devient de plus en plus complexe et où la précarité s'aggrave. Faute de pouvoir vérifier l'application de tous les textes, les inspecteurs se préoccupent en priorité des affaires qui mettent en jeu l'intégrité physique des salariés et ont tendance à laisser de côté des questions comme celle de l'égalité salariale. Même lorsqu'ils enquêtent, leurs procès-verbaux sont très souvent classés sans suite par les parquets, qui ont d'autant plus de mal à comprendre l'importance de la discrimination que ces affaires sont noyées dans le contentieux social, lui-même noyé dans d'autres contentieux. Un tribunal correctionnel traite de coups et blessures, d'agressions, parfois d'accidents du travail, etc. et seulement parfois de discrimination. Il est donc là aussi plus intéressant, lorsqu'un inspecteur du travail s'investit sur un dossier de ce type, de se placer sur le terrain civil devant les conseils de prud'hommes, lesquels pourront ordonner la reclassification de la femme à son véritable niveau de compétence et de salaire. Malheureusement, l'administration du travail semble trop souvent réticente à se placer sur le terrain civil. S'agissant de l'objectif de parvenir à l'égalité de salaire d'ici cinq ans, mieux vaudrait tout d'abord parler d'égalité de rémunération, dont le salaire n'est qu'un élément. En effet, les inégalités sont souvent liées à une politique de primes, d'accessoires et d'avantages. Mme Catherine Génisson a fait observer que cela valait aussi dans la fonction publique : plus les primes sont importantes, plus les inégalités sont fortes. M. Michel Miné a rappelé que l'article 119 du traité de Rome se fixait, en 1957, l'objectif ambitieux mais irréaliste d'imposer l'égalité de rémunération pour un travail identique dans tout le Marché commun dans un délai de cinq ans... On voit bien l'importance de travailler sur les causes des inégalités, ce pour quoi le droit existant semble suffisant. Cela étant, une nouvelle loi pourrait permettre d'avancer sur un certain nombre de sujets. Ainsi, il est anormal que les heures complémentaires des salariés à temps partiel soient moins bien rémunérées que les heures supplémentaires des salariés à temps plein, alors qu'un arrêt du 27 mai 2004 de la Cour de justice interdit que les salariés à temps partiel - en majorité des femmes - soient moins bien traités que les salariés à temps plein. Mme Catherine Génisson a souligné que la loi de cohésion sociale est revenue sur un certain nombre de dispositions relatives aux conditions de recours au temps partiel qui figuraient dans la loi dite « Aubry II ». Ainsi, le délai de prévenance a été ramené de sept à trois jours. M. Michel Miné a préconisé que le rapport de situation comparée modifié par la loi de 2001 comporte des informations complémentaires sur le salaire médian et sur le temps passé dans un coefficient, car il apparaît que les femmes restent plus longtemps dans le même coefficient. Mme Catherine Génisson a relevé que cela avait des effets sur les retraites des femmes, surtout après la réforme qui est intervenue. Il importe donc, au-delà de la question de l'égalité salariale, de traiter de l'égalité professionnelle et de la précarité. M. Michel Miné a insisté sur l'importance de l'accord du 1er mars 2004. Même s'ils répondent parfois à une volonté d'affichage, les accords signés par les grandes entreprises comportent des dispositions intéressantes. L'essentiel est de prévoir des outils de diagnostic, des objectifs précis, un dispositif de suivi et d'évaluation. C'est ainsi qu'on peut vérifier si un accord permet réellement de modifier la situation des femmes dans l'entreprise, ou si on s'en remet à la bonne volonté d'un chef de service. L'accord de la Caisse des Dépôts est sans doute le plus élaboré en matière de suivi et de diagnostic. L'accord des Eaux de Paris fait du traitement de la question de l'égalité non un gadget mais un élément de la gestion du personnel. Surtout, il aborde enfin les questions d'organisation du travail en prévoyant une évaluation paritaire des risques professionnels par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Il est essentiel de travailler sur cette question, qui est souvent à l'origine de la discrimination : les intitulés de postes ne sont pas identiques, les femmes et les hommes ont les mêmes fonctions mais pas le même travail, etc. Ainsi, dans une entreprise de la métallurgie, hommes et femmes travaillent sur les mêmes machines mais, en cas de panne, les hommes peuvent réparer eux-mêmes tandis que les femmes doivent faire appel au service technique. Les premiers acquièrent ainsi une compétence qui leur permet ensuite d'accéder à la maintenance. Ailleurs, une femme gestionnaire est classée comme secrétaire, alors qu'un homme est tout simplement gestionnaire. Heureusement, le juge examine désormais le contenu du poste et les tâches. S'agissant de la parentalité, on commence à appliquer en France le droit communautaire qui assimile le congé de maternité à du temps de travail pour le déroulement de carrière. Interrogée pour la première fois en 1998 par la Cour de cassation française, la Cour de justice l'a confirmé explicitement. Une directive du 23 septembre 2002 prévoit en outre que la femme en congé de maternité doit bénéficier de toutes les augmentations de salaire qu'elle aurait perçues si elle avait été présente. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé qu'elle avait trouvé scandaleux, lors du débat sur les retraites, que l'on tienne compte du service militaire mais pas du congé de maternité. On peut se demander dans quel cas on a le mieux servi la France... M. Michel Miné a cité le cas d'une entreprise où, quand les hommes ont demandé à bénéficier de l'aménagement d'horaire prévu le jour de la rentrée des classes, l'employeur a menacé de supprimer la mesure pour les femmes... Le fait que l'accord national interprofessionnel traite de la lutte contre les stéréotypes et le harcèlement sexuel montre que les organisations d'employeurs ont évolué : en 1992, elles contestaient jusqu'à la nécessité de la « loi Neiertz » sur le harcèlement sexuel. Or, cela n'est pas sans influence sur l'égalité salariale : quand les femmes travaillent dans un environnement défavorable, elles ne sont guère enclines à revendiquer le respect de leurs droits. Ce que l'accord national a fait, le législateur pourrait le faire aussi en liant action contre les stéréotypes et égalité de rémunération. Mme Frédérique Dupont a souhaité à son tour insister sur la portée de l'accord interprofessionnel. Ce qui importe, ce n'est pas seulement le rattrapage des salaires, mais d'avoir une vision politique pour rendre l'égalité pérenne. C'est sans doute en travaillant sur les pratiques intégrées que l'on fera évoluer toute la société. Il est aussi très important de se demander systématiquement ce que toute mesure proposée implique pour les femmes. Ainsi, c'est seulement au cours du débat sur les retraites qu'on a vu, collectivement, ce que la réforme signifiait pour les femmes. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a regretté que les recommandations de la Délégation concernant les retraites des femmes n'aient pas été suivies. Mme Frédérique Dupont a aussi insisté sur le fait que la plupart des entreprises sont dépourvues de toute représentation syndicale. Il faut donner aux femmes les moyens de négocier. Même si elle n'était pas favorable au mandatement dans le cadre des 35 heures, la CGT travaille maintenant sur cette base. Il est inadmissible que les droits des salariés diffèrent selon la taille de l'entreprise. Avant même de réclamer le droit de défendre les femmes, il faut insister sur le droit à la négociation, c'est ce que les femmes réclament. Mme Catherine Génisson a observé que, si tous les syndicats comptent désormais des femmes parmi leurs cadres nationaux, les déléguées syndicales restent peu nombreuses, alors qu'elles sont particulièrement compétentes, par exemple sur les questions d'organisation du travail. Mme Frédérique Dupont a répondu que la CGT prenait des initiatives pour qu'elles soient plus nombreuses et qu'elle avait fait beaucoup d'efforts dans le cadre des élections prud'homales, mais il est vrai que l'exercice par les femmes du mandat au sein des entreprises reste extrêmement difficile. Même dans un syndicat, il est difficile de partager le pouvoir... Pourtant, les femmes peuvent apporter un autre regard dans le combat syndical. Elles sont ainsi plus réticentes à mener des combats durs. Mais il y a aussi la réalité de l'entreprise et des rapports entre l'employeur et les syndicats : comme l'a dit Michel Miné, les employeurs ne savent pas négocier... Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé si la CGT avait été consultée dans le cadre de la préparation de la nouvelle loi. Mme Frédérique Dupont a répondu que la table ronde prévue avait été annulée et qu'elle-même était consultée surtout par les journalistes... Mme Muguette Jacquaint a posé le problème des sous-traitants et des petites entreprises dépourvues de représentation syndicale. M. Michel Miné a insisté sur la nécessité d'inclure les sous-traitants dans les négociations avec les branches des donneurs d'ordre pour que ces négociations soient utiles. Mme Frédérique Dupont a souligné que l'accord du 1er mars a créé une dynamique, qu'il suscite des espoirs et des attentes. Les derniers sondages montrent que cette préoccupation est désormais essentielle pour les salariés. En revanche, l'accord n'a guère incité les entreprises à négocier et la CGT lancera une campagne sur ce thème le 8 mars, d'autant que les deux tiers des employeurs négligent la négociation annuelle obligatoire. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a proposé qu'une nouvelle rencontre ait lieu lorsque que le texte du projet de loi sera disponible. Audition de Mme Michèle Monrique, secrétaire confédérale de la Confédération générale du Travail-Force ouvrière (CGT-FO) Réunion du mardi 15 février 2005 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que la Délégation a souhaité entendre les représentants des syndicats dans la perspective de l'examen d'un nouveau projet de loi sur l'égalité salariale. Mme Michèle Monrique a relevé que des sujets liés à l'égalité des chances ont été abordés lors d'une table ronde organisée par M. Jean-Pierre Raffarin, premier ministre, en présence de MM. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, et de Mmes Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, et Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. On ne peut qu'être ravi de l'idée de réduire les écarts salariaux entre hommes et femmes en cinq ans, alors qu'il ne s'est pratiquement rien passé depuis 1972... Cela dit, on ne peut bien sûr que se rallier à cet objectif et, sans en attendre de miracle, espérer que quelques petits pas permettront ainsi d'avancer. Force ouvrière a déjà participé à des réunions avec Mme Nicole Ameline et a fait des propositions en faveur de l'égalité salariale. Mais la table ronde prévue dans le cadre de la préparation de la nouvelle loi a été reportée trois fois, sans doute parce que les patrons ont réagi violemment. Il convient tout d'abord de faire le bilan de ce qui a déjà été fait : un certain nombre d'actions ont été conduites depuis 1972, mais on se rend compte qu'en dépit de la bonne volonté des uns et des autres, les choses ne sont pas simples. On parle, on légifère, mais tout cela ne fonctionne pas vraiment de façon efficace. Une campagne de sensibilisation au thème de l'égalité est menée au sein de Force ouvrière. Pourtant, il faut absolument utiliser la fenêtre de tir actuelle, on entre dans une période de renversement démographique susceptible d'ouvertures d'emplois. Pour autant, il ne faudrait pas que le patronat mette cette mutation démographique à profit pour embaucher des femmes - ou des immigrés - à bas prix. Quoi qu'il en soit, il faut s'inscrire dans ce mouvement et faire en sorte qu'il tire l'économie vers le haut : un salaire égal pour le même travail ou pour un travail de valeur égale relève tout simplement de l'esprit républicain. S'agissant des actions judiciaires qui seraient mises en œuvre par les syndicats en matière d'égalité professionnelle, pour Force ouvrière, il s'agit d'un dernier recours. D'ailleurs, toutes les structures de l'organisation ont été interrogées et aucune n'a à ce jour signalé d'action en cours. Peut-être conviendrait-il de s'adresser aux ministères concernés pour obtenir un recensement plus complet. Du côté de l'inspection du travail, pourtant chargée de constater les infractions, les informations sont tout aussi parcellaires. Une enquête approfondie pourrait être menée par le ministère du travail et ses services déconcentrés. Il semble que les délégués syndicaux font appel à l'inspection du travail en cas de blocage dans l'entreprise, soit pour obtenir des informations, soit dans le cas d'un rapport annuel de situation comparée. Il apparaît toutefois que les inspecteurs sont saisis pour des raisons considérées comme « fondamentales », mais plus rarement en matière d'égalité professionnelle. Cela est vrai aussi dans les négociations collectives car l'égalité n'a pas encore été totalement intégrée dans la culture de tous les négociateurs. Il faudrait en outre que les inspecteurs du travail soient plus nombreux et sensibilisés pour s'attaquer à ces inégalités récurrentes. Mme Catherine Génisson a observé que cela supposait une injonction forte qui vienne d'en haut... Si on veut passer de l'effet d'annonce au concret, il faut également dégager des moyens. Mme Michèle Monrique a ajouté que l'égalité n'était pas non plus, faute d'injonction, une priorité des directions du travail : on commence seulement à disposer de données sexuées. Il semble que la législation existante serait suffisante pour parvenir à l'objectif d'égalité salariale dans un délai de cinq ans. Toutefois, l'arsenal juridique existant n'a eu que peu d'effets directs sur l'égalité salariale. On observe depuis trois ans une intensification des négociations sur ce thème, grâce aux instruments juridiques concrets de la loi de 2001 - les fameux indicateurs pertinents du rapport de situation comparée et l'obligation de négocier. Pourtant, il faut encore se battre. Ainsi, le MEDEF a obstinément refusé que des indicateurs pertinents figurent dans l'accord national interprofessionnel. On constate aussi que ce champ est peu exploré dans la négociation collective de branche. Peut-être convient-il par conséquent de légiférer à nouveau pour renforcer l'application de ce qui existe déjà, mais j'en doute ! Pour résorber les écarts salariaux d'ici 2010, il faut d'abord partir d'un tableau précis de la situation actuelle. Les chiffres de l'INSEE montrent la persistance d'un écart de 22 % en faveur des hommes en début de carrière. Le rapport de situation comparée des hommes et des femmes prévu dans les entreprises de plus de 50 salariés comporte des indicateurs obligatoires relatifs à la rémunération : les données chiffrées par sexe selon les catégories d'emploi, l'éventail des rémunérations, les rémunérations moyennes mensuelles et le nombre de femmes parmi les titulaires des dix plus hautes rémunérations. On remarque que dans la pratique de nombreuses entreprises, telle que rapportée par les délégués syndicaux, certains éléments font défaut, qui permettraient de tirer une conclusion sur l'existence ou non d'une discrimination, ou du moins d'écarts injustifiés. Les délégués sont ainsi trop souvent contraints de réclamer des détails. C'est pour ces raisons que Force ouvrière réclame de nouveaux indicateurs pertinents obligatoires sur les rémunérations. Mme Catherine Génisson a noté que cela relevait du décret et non de la loi. Mme Michèle Monrique a dit qu'il faudrait au moins préciser si on parle de rémunération brute, nette ou perçue, et indiquer tout ce qui est accessoire au salaire, car c'est souvent là que se creusent les écarts, y compris dans la fonction publique. Mme Catherine Génisson a confirmé que le système des primes était très discriminant. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné à quel point il est frustrant pour le législateur de constater que la loi n'est pas appliquée. Mais est-ce une raison suffisante pour légiférer à nouveau ? Mme Michèle Monrique a rappelé avoir dit à Mme Nicole Ameline qu'elle serait déjà satisfaite si on appliquait la loi de 1972 ! Il faut donc s'en donner les moyens et, puisqu'il serait grave que la question de l'égalité ne soit qu'un artifice électoral, se battre pour qu'elle soit davantage appliquée. A titre d'exemple, FO a considéré que mettre l'accent, dans la lettre paritaire de juillet 2004, sur le problème des installations sanitaires était un manque de respect pour les femmes. Le MEDEF ayant refusé de retirer ce point de la lettre paritaire, FO ne l'a pas signée. Aujourd'hui, c'est le MEDEF qui grogne, et la seule façon de le faire cesser est de lui donner des compensations. Il est vrai qu'on ne peut demander aux entreprises où il y a un écart de salaire de 10 % un rattrapage immédiat : il faut un délai, un échelonnement. Mais on peut aussi craindre que les départs massifs à la retraite qui se profilent ne soient le prétexte pour faire de l'égalité par le bas, pour faire des femmes un vecteur de dumping social. Il serait quand même terrible, après avoir affiché un objectif aussi ambitieux, d'en arriver à une situation pire pour les femmes ! Quand on aura fait le tour de ce qui fonde les inégalités salariales, on pourra aussi regarder comment se passent les négociations spécifiques sur l'égalité professionnelle, car peu d'efforts sont faits. Quelques mesures correctrices pourraient donc être intégrées à la législation, notamment un plan d'égalité salariale contenant des mesures de rattrapage des rémunérations perçues par des femmes par rapport à celles perçues par des hommes pour un travail égal. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est demandé si le MEDEF pourrait accepter de telles mesures. Mme Michèle Monrique a répondu que des succès ont déjà été obtenus auprès de certains patrons. Ainsi, chez Peugeot, il a été décidé de valoriser la rémunération du temps partiel pris par les salariés en raison de leurs responsabilités familiales. L'accord chez EDF-GDF est bon également. On pourrait aussi augmenter la quotité minimale du temps partiel et faire en sorte que le retour à temps plein soit possible. Mme Catherine Génisson a observé que cela était déjà prévu par la « loi Aubry II ». Il est vrai que la loi de cohésion sociale a mis à bas un certain nombre de dispositifs protecteurs en matière de délai de prévenance, d'intégration dans le contrat de travail des heures complémentaires répétées, de durée de l'interruption de travail entre deux postes, etc. On peut donc douter que le MEDEF accepte d'autres contraintes... Mme Muguette Jacquaint s'est demandé si le fait de dire que les PME ne pourront pas procéder au rattrapage des écarts salariaux sans être aidées n'accrédite pas l'idée qu'il faut prendre des femmes, pour le même emploi, parce que ça coûte moins cher. C'est ce qu'on pourrait appeler la « prime à la femme »... Mme Michèle Monrique a indiqué qu'on pouvait s'attendre à ce que des aides soient accordées aux entreprises qui proposent des services à la personne ou des crèches. Mme Catherine Génisson a considéré qu'on pouvait demander à l'entreprise de respecter le code du travail, ainsi que les autres temps de vie ; mais lui appartient-il d'organiser des crèches ? Le MEDEF a d'ailleurs lancé des crèches interentreprises avec des horaires très étendus. Or, les syndicats ne sont pas présents dans la définition de ces programmes. Le patronat ne va-t-il pas ainsi s'exonérer de ses obligations en matière d'égalité, en perpétuant le stéréotype de la femme qui s'occupe des enfants ? Mme Michèle Monrique a observé que ces initiatives semblent bien vues par les salariés. Le problème, c'est qu'elles sont largement subventionnées, alors qu'on manque d'argent pour construire des crèches municipales ! Pour combattre une des causes des inégalités salariales, il conviendrait par ailleurs de neutraliser les effets de tous les congés longs pour raison parentale. Le MEDEF a simplement accepté, s'en tenant à une vision paternaliste, qu'on tienne la femme au courant de ce qui se passe dans l'entreprise pendant son congé de maternité... Mme Catherine Génisson a souligné la nécessité d'appliquer la directive européenne et de faire en sorte que la femme garde tous ses droits pendant le congé de maternité. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a suggéré que cette directive soit transposée à l'occasion de la future loi. Mme Michèle Monrique a proposé qu'on envisage aussi un plan de revalorisation des emplois fortement féminisés, pour lesquels les salaires ne progressent plus du tout. Ne pourrait-on ainsi favoriser la validation des acquis de l'expérience ? Il serait également souhaitable qu'un plan de promotion permette aux femmes d'accéder aux niveaux d'emploi supérieurs et aux catégories professionnelles au-delà du « plafond de verre ». En matière d'ancienneté, on pourrait concevoir un mécanisme de maintien de la rémunération à l'occasion des congés conventionnels supplémentaires liés aux responsabilités familiales, qui grèvent la carrière des femmes. Cela permettrait peut-être d'éviter que la majorité des femmes se retrouvent au seuil de pauvreté au moment de leur retraite. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a regretté que personne ne semble prendre conscience de la gravité de ce problème. Mme Michèle Monrique s'est demandée si cela ne tenait pas tout simplement au fait que ce sont toujours les hommes qui, très majoritairement, font la loi. Mme Catherine Génisson a noté que le projet de loi d'orientation pour l'école parle d'égalité des chances des handicapés, mais pas de l'égalité entre filles et garçons. Mme Michèle Monrique a proposé qu'on prenne comme référence l'accord intervenu chez Renault le 17 février 2004, qui prend en compte les durées d'absence liées aux congés de maternité, paternité et adoption, désormais considérés comme temps de travail effectif. Il faudrait aussi appliquer la moyenne des augmentations de salaire de la catégorie du salarié en cas d'absence pour raison parentale. Cela permettrait que certains écarts se réduisent et qu'on cesse de considérer que la maternité est « l'accident de parcours » de la femme qui a fait des études supérieures longues... Certains patrons exigent même, en toute illégalité, que les femmes de haut niveau qu'ils recrutent ne fassent pas d'enfants ! On pourrait aussi s'inspirer des dispositions intéressantes des accords Thalès, France Télécom, Caisse des Dépôts. Les grandes entreprises répondent ainsi à un besoin d'affichage, d'autant qu'elles se rendent compte qu'elles vont avoir besoin de la main-d'œuvre féminine. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est inquiétée à l'idée que les femmes obtiennent des avancées pour ce motif. Mme Michèle Monrique a souligné que, pour Force ouvrière, le vrai problème est de savoir où commence et où finit l'égalité professionnelle, ce qui ramène à la nécessité d'un bilan. Il faut aussi affirmer que l'inégalité salariale n'est pas une fatalité. Pour cela, il faudrait que, dans tous les rouages, les femmes soient là pour dire ces inégalités. Les employeurs vont vouloir employer les femmes à bas prix, tout en cherchant à bénéficier d'allégements fiscaux. Pour atteindre l'objectif fixé par le Président de la République, l'Etat va ainsi devoir payer... Il est quand même triste que, dans une république dont la devise est « Liberté, égalité, fraternité », la moitié de la population ne soit pas respectée. Aussi, s'il est bon que le Président dise les choses, il faut se battre pour qu'on n'aille pas vers l'égalité salariale avec une politique de bas salaires. S'agissant du projet de loi, elle s'est demandé comment, alors que la table ronde a encore été repoussée, le texte pourrait être examiné comme prévu le 9 mars en Conseil des ministres. Il est vrai que la table ronde sur l'égalité des chances n'a pas donné grand chose : on donne un an à la négociation collective, puis on fera un bilan, mais il n'y aura pas de loi. Pour l'égalité salariale, on ne peut que souhaiter que l'objectif des cinq ans soit tenu, mais on a un peu de mal à y croire... Mme Muguette Jacquaint a souligné qu'à un moment où on parle beaucoup de valoriser le travail, l'égalité salariale semble incontournable. De même, quand on dit qu'on va lutter contre la pauvreté, comment ne pas voir que la grande majorité des pauvres sont des femmes ? Mme Michèle Monrique a prédit qu'il y aurait encore bien plus de salariées pauvres dans dix ans. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que les parlementaires sauront au moins que la Délégation aux droits des femmes a accompli son devoir d'alerte car, au-delà du vote des lois, les députés ont aussi une fonction d'information. Dès que le projet de loi sera déposé, la Délégation procédera à de nouvelles auditions et prendra clairement position. Audition de Mme Danièle Karniewicz, secrétaire nationale du pôle protection sociale de la CFE-CGC, accompagnée de Mme Carole Couvert Réunion du mardi 15 février 2005 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué que la Délégation entendra avec intérêt Mmes Danièle Karniewicz et Carole Couvert donner leur opinion sur la proposition du Président de la République tendant à l'élaboration d'une nouvelle loi relative à l'égalité salariale, commenter l'application de la loi du 9 mai 2001, dire comment le nouveau texte pourrait s'intégrer dans la législation existante et quelles dispositions il devrait contenir pour être appliqué, sachant que les lois de 1972, 1983 et 2001 ne le sont pas. Mme Danièle Karniewicz a rappelé les conclusions de l'enquête réalisée par le Sénat en décembre 2004 : il subsiste un fort écart de rémunération entre les hommes et les femmes, et les dispositions légales à ce sujet sont insuffisamment appliquées. Il faut cerner les causes de cet écart avant de prétendre le combler, mais aussi s'interroger sur les sanctions prévues par les textes. Une loi peut-elle suffire si les contrôles et les pénalités ne sont pas effectifs ? Même si l'on se refuse à raisonner sur le mode répressif, force est de constater que la pénalité encourue par les employeurs qui ne respectent pas les dispositions légales est ridicule : elle plafonne à 3 500 euros. Mme Carole Couvert a ajouté que, rapporté au coût d'une négociation sur l'égalité professionnelle, ces 3 500 euros sont véritablement négligeables, et le dispositif donc fort peu incitatif pour les chefs d'entreprise. D'autre part, le rapport de situation comparée est effectivement un document indispensable, mais encore faut-il que les entreprises se donnent les moyens de l'établir, et toutes ne le peuvent pas. En outre, il y a souvent confusion entre bilan social et rapport de situation comparée, si bien qu'il revient fréquemment aux délégués syndicaux de procéder au recensement des données nécessaires à l'établissement du rapport tel qu'il devrait être. Mme Catherine Génisson a dit partager le constat d'un télescopage entre bilan social et rapport de situation comparée, qui conduit, bien souvent, à ce que les entreprises se limitent au bilan social. Mme Danièle Karniewicz a souligné que traiter d'égalité salariale suppose d'avoir préalablement défini ce dont on parle. Or, au salaire de base s'ajoute la partie variable de la rémunération - d'une particulière importance pour les cadres, auxquels sont fixés des objectifs - ainsi que des compléments de salaire. Toute négociation doit se faire sur une base précise ; bien souvent, ce n'est pas le cas. Mme Carole Couvert a observé qu'il est fondamental que la partie variable soit négociée avec le salarié et qu'elle prenne en compte le temps de travail pour ne pas pénaliser les salariés à temps partiel, dont 80 % sont des femmes. Des études complémentaires sont donc nécessaires préalablement aux négociations. Mme Danièle Karniewicz a précisé que la CFE-CGC demande à ses délégués de négocier ce point dans le cadre des accords d'entreprise. La confédération privilégie en effet l'incitation plutôt que la voie du recours juridique pour parvenir à la réduction des écarts salariaux. Quelles sont, à cet égard, les possibilités d'action ? L'inégalité peut être liée à la nature même des postes ou des filières, qui n'offrent pas les mêmes perspectives de carrière. Une étude de l'INSEE montre ainsi que les femmes sont majoritairement présentes dans 6 des 31 filières recensées. Mme Catherine Génisson a précisé que l'on trouve 60 % des femmes dans 30 % des métiers, principalement du secteur intermédiaire et des services. Mme Carole Couvert a ajouté que la féminisation d'une filière a pour effet de dévaloriser celle-ci et que les salaires des femmes sont d'emblée inférieurs à ceux des hommes à l'embauche. Le fait est que les femmes sont le plus souvent présentes dans des filières où les carrières sont plus lentes et que les femmes cadres sont plus ou moins cantonnées aux domaines du contrôle de gestion ou du contrôle qualité - ce qui est une forme voilée de discrimination. Ces mécanismes ne sont pas toujours mis en place sciemment, mais à ce jour la démonstration n'a pas été faite de l'enjeu que constitue pour l'entreprise la négociation sur l'égalité professionnelle. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a dit qu'il restait à se convaincre que les entreprises veulent bien négocier sur ce point. Mme Carole Couvert a répondu que lorsque l'atout économique que cela représente pour elles leur est démontré, elles souhaitent effectivement engager la négociation. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est inquiétée de ce que seul cet argument économique semble porter auprès des entreprises ! Mme Catherine Génisson a fait observer que l'argument économique vaut aussi pour les hommes, puisqu'une entreprise ne consent un avantage à un salarié que si elle en espère un retour. Mme Danièle Karniewicz a reconnu que l'argument pouvait choquer, mais le fait est qu'il est efficace. Mme Carole Couvert a exposé que parler d'« enjeu économique », ce peut être aussi souligner l'intérêt de fidéliser le personnel, par exemple en créant des crèches d'entreprise et en respectant les jours de congé et les heures de travail des salariés qui ont charge de famille. Il n'est pas inutile d'engager cette réflexion au sein des entreprises au moment où, démographie aidant, les départs en retraite vont se multiplier, les salariés se raréfier et la concurrence jouer pour les recrutements. Il y a fort à parier que, dans ce contexte, les salariés ne se polariseront pas seulement sur les salaires ; les entreprises n'ont plus que quelques courtes années pour s'en convaincre. Mme Danièle Karniewicz a ajouté qu'avec l'évolution démographique, les entreprises devront à la fois garder dans l'emploi les salariés les plus âgés et fidéliser les plus jeunes. Mme Carole Couvert a mentionné une autre approche : la labellisation. Les entreprises pourraient être incitées à se lancer dans une démarche de label « égalité professionnelle », comme certaines se sont lancées dans le commerce équitable. Le comblement de l'écart salarial aura un coût pour les entreprises. Pour avoir un retour sur cet investissement, elles seraient bien inspirées de tabler sur ce label « égalité professionnelle ». Mme Danièle Karniewicz a indiqué qu'un autre levier d'action consiste à revoir les grilles de qualification pour garantir, à compétences équivalentes, un salaire égal à l'embauche, comme cela a été fait chez EADS. Mais, comme cela ne suffira pas à réduire l'écart existant, et comme il n'est évidemment pas question de freiner l'avancement des hommes, il faut aussi dégager des moyens supplémentaires destinés exclusivement à la promotion des femmes ; c'est ce que prévoit l'accord sur l'égalité professionnelle signé avec EDF-GDF. Il n'y a pas de progrès possible vers l'égalité salariale sans cette enveloppe complémentaire. Mme Carole Couvert a ajouté que l'institution de tels mécanismes ne se fait pas sans mal, car ils suscitent le rejet des salariés masculins. Il faut donc les convaincre que de tels accords ne tendent pas à compromettre leur avancement et qu'il s'agit bien de définir une enveloppe complémentaire. Il y faut de la pédagogie... Mme Danièle Karniewicz a ajouté que cette approche est une incitation à une action volontariste tendant à modifier l'image sociétale de la femme. La CFE-CGC considère que l'on peut atteindre des résultats plus efficaces par ce biais qu'en privilégiant le recours à l'inspection du travail. Mme Carole Couvert a indiqué qu'un autre levier d'action serait d'insister sur le développement durable. Mais il faudrait pour cela que les agences de notation intègrent les critères liés à l'égalité professionnelle dans leurs grilles d'évaluation des entreprises. Revenant sur la proposition du Président de la République, Mme Danièle Karniewicz a insisté sur le fait que toute occasion de parler de l'égalité professionnelle est bonne à prendre, tant il est vrai qu'à chaque étape de l'accession à des fonctions de direction, des blocages apparaissent : à chaque fois, les femmes doivent démontrer leur capacité à exercer des postes de responsabilité. Mme Carole Couvert a souligné que la CFE-CGC a créé en son sein un réseau « Equilibre », chargé de traiter - sur la base de la mixité et non de la parité - de l'égalité professionnelle et de la conciliation des temps de vie ; les hommes qui en font partie sont à présent les meilleurs défenseurs de ces valeurs. Mme Danièle Karniewicz a précisé que le réseau n'avait acquis de crédibilité qu'après que des hommes s'y furent agrégés. Le débat interne a alors changé de nature, les hommes s'étant convaincus qu'il s'agissait bien de favoriser la mixité. Mme Catherine Génisson a observé que, si le terme d'« égalité » a un sens précis, celui de « mixité » est ambigu : un groupe constitué d'un homme et de trente femmes n'est-il pas mixte ? Il faut y prendre garde. Revenant sur les éléments de la rémunération, Mme Danièle Karniewicz a reconnu que la partie variable est très difficile à appréhender. Comme il s'agit souvent d'une rémunération conditionnée par la réussite d'objectifs, il faudrait savoir quels sont les objectifs fixés, comment la réalisation en est mesurée et si les critères retenus sont équitables. Or, ce sont pour la plupart des contrats individuels, sur lesquels les informations manquent. La seule voie d'accès, ce sont donc les critères, qui doivent être les plus objectifs et les plus précis possible ; mais il est fort complexe d'imposer cela. Il faut aussi être sûr que l'on parle de temps de travail comparables, ce qui est loin d'être toujours le cas. Pour Mme Carole Couvert, aborder cette question permet d'en traiter les multiples aspects : cela permet à la fois de dénoncer le cliché selon lequel les salariés à temps partiel ne s'investiraient pas dans l'entreprise et de pointer le fait que, trop souvent, ce sont les oubliés de la formation professionnelle, si bien que le déroulement de leur carrière s'en ressent. De nombreuses femmes qui postulent à des fonctions d'encadrement s'entendent répondre que le poste leur sera offert à condition qu'elles acceptent de recommencer à travailler à temps plein. Mme Muguette Jacquaint en a conclu que, décidément, le temps de travail n'est pas choisi mais imposé. Mme Danièle Karniewicz a ensuite rappelé que la rémunération globale est aussi composée d'éléments « périphériques » tels qu'appartement, voiture de fonction, indemnités de déplacement, stock-options... Or, bien qu'ils induisent des différences de rémunération considérables, ces éléments ne sont pas pris en considération dans les comparaisons salariales entre hommes et femmes et relèvent quasiment du « secret défense ». L'évaluation est, là encore, d'une extrême complexité. Mme Carole Couvert a insisté sur le fait que ces compléments de salaire concernent l'encadrement, et que c'est dans cette catégorie de salariés que les écarts salariaux sont les plus grands. La formation y concerne, à 80 %, les hommes ; il s'ensuit des différences de salaire considérables. Mme Muguette Jacquaint a observé que c'est en quelque sorte la formation qui donne droit à un logement ou à une voiture de fonction, mais que les femmes sont les oubliées de la formation. Mme Danièle Karniewicz a ajouté qu'une difficulté supplémentaire tient à ce que les accords concernant les cadres sont des accords individuels. On notera d'autre part que lorsque les contrôles de l'URSSAF aboutissent à des pénalités, celles-ci sont uniquement dues pour non-déclaration d'avantages en nature : aucune observation n'est jamais faite sur le respect de l'égalité professionnelle au sein de l'entreprise considérée. Voilà qui en dit long... Or, plus l'on progresse dans la hiérarchie, plus la rémunération s'individualise et plus les organisations syndicales sont dépourvues de moyens d'intervention, faute que les éléments « périphériques » de la rémunération soient rendus publics. En bref, on parle d'égalité salariale sans savoir réellement sur quoi porte la comparaison, et l'organisation du travail tendant de plus en plus à l'individualisation, il sera de plus en plus difficile de négocier l'égalité. Mme Carole Couvert a déclaré que les indicateurs pertinents devraient être précisés, notamment pour ce qui concerne les salaires. Mme Catherine Génisson a approuvé ce point de vue. Si l'on disposait d'un rapport de situation fiable tant sur la partie fixe que sur la partie variable de la rémunération, ce ne serait déjà pas si mal. Si l'on n'y parvient pas, et la partie fixe des salaires allant s'amenuisant, on pourra afficher une égalité salariale qui ne sera qu'un trompe-l'œil. Mme Danièle Karniewicz a ajouté que les syndicats ignorent tout de la manière dont sont réparties les composantes variables de la rémunération. Mme Catherine Génisson a remarqué que les salariés bénéficiaires de rémunérations complémentaires ne tiennent pas particulièrement à ce qu'elles soient exposées publiquement. Le résultat de tout cela est bien que l'inégalité de revenus est supérieure à l'inégalité salariale proprement dite. Mme Carole Couvert a insisté sur le rôle des organisations syndicales et souligné combien il leur est difficile de faire accéder les femmes au rang de négociatrices ; la compétence militante ne leur est pas reconnue... Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que le militantisme dérange... Mme Carole Couvert, a souligné que c'est pourtant une très grande source d'acquisition de compétences. De plus, la présence de femmes au sein des délégations de négociation modifie radicalement les échanges. Ce serait l'un des leviers d'action possible pour tenter de réduire les écarts de salaires. Mme Muguette Jacquaint a dit partager ce point de vue sans réserve. Mais les entreprises considèrent-elles encore que les délégués syndicaux leur apportent quelque chose ? Mme Danièle Karniewicz a répondu que les entreprises continuent d'avoir besoin d'interlocuteurs pour mener à bien le dialogue social, et qu'elles préfèrent avoir affaire aux organisations syndicales que de devoir affronter des corporatismes. Seulement, il y a bien trop peu de femmes dans les délégations de négociation. Certains accords d'entreprise comportent des dispositions selon lesquelles les salariés engagés dans une démarche syndicale bénéficient pendant ce temps de l'augmentation moyenne perçue par les salariés de leur catégorie - mais il faut se battre pour les faire appliquer ! Mme Carole Couvert a ajouté qu'il faudrait imaginer des mécanismes tels que les salariés soient attirés vers l'action syndicale en ayant la certitude que leur carrière n'en souffrira pas ; or, en dépit des dispositions légales, ce n'est pas le cas aujourd'hui. Mme Catherine Génisson a demandé si des mesures coercitives ne devraient pas être imposées aux organisations syndicales comme il en a été imposé aux partis politiques, bien que la CFE-CGC ne soit pas favorable aux quotas... Mme Carole Couvert a dit que l'activité syndicale pourrait être envisagée au titre de la validation des acquis de l'expérience ; ce serait justice. Mme Danièle Karniewicz a ajouté que la CFE-CGC a demandé à ce qu'il en soit ainsi mais que les blocages sont persistants. Dans toute structure de pouvoir, il y a, proportionnellement, bien davantage de femmes militantes de base que dans les équipes de direction. Voilà pourquoi les mentalités doivent évoluer. Elle a précisé qu'aujourd'hui, le temps de travail joue un rôle majeur dans les critères de rémunération individuelle, ce qui conduit certains cadres masculins à exagérer leur temps de présence dans l'entreprise. Mme Carole Couvert a souligné la spécificité française selon laquelle le mérite d'un cadre s'évalue à l'aune de ses heures de présence ; en Allemagne, c'est plutôt une démonstration d'incompétence ou de désorganisation. Mme Catherine Génisson, qui se rappelle les très fortes revendications exprimées lors de l'élaboration de la loi sur les 35 heures, s'est demandé si l'époque des cadres corvéables à merci n'est pas révolue depuis qu'ils savent ne pas être plus épargnés que les autres salariés en cas de réductions d'effectifs. Mme Danièle Karniewicz a convenu que les mentalités évoluent parmi les nouvelles générations. C'est d'ailleurs pourquoi, s'agissant des 35 heures, la CFE-CGC a été conduite à aller plus loin que ce qu'elle souhaitait initialement. Les jeunes cadres veulent un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle et, se sachant contraints à la mobilité, ils entrent dans une démarche de « consommateurs » au sein de l'entreprise : ils sont capables de s'investir beaucoup, mais ils attendent un retour. Et si la rémunération ou l'intérêt du travail ne leur conviennent pas, ils changent d'entreprise. Mme Carole Couvert a fait valoir que la jeune génération a vu ses parents s'investir dans l'entreprise et, vingt ans plus tard, se faire remercier du jour au lendemain ; elle ne veut pas reproduire ce schéma. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite moins optimiste, soulignant que les jeunes cadres n'ont, souvent, pas le choix. Audition de Mme Annie Thomas, secrétaire nationale de la Confédération démocratique du travail (CFDT), accompagnée de Mme Marie-Josèphe Charon Réunion du mardi 1er mars 2005 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé le souhait du Président de la République qu'une nouvelle loi permette de parvenir, d'ici à cinq ans, à la disparition des écarts de rémunération entre hommes et femmes. L'objectif est louable, mais il faut avant tout déterminer dans quelle mesure la loi du 9 mai 2001, qui est un bon texte, est appliquée, puis s'assurer que le projet y fera référence. Sans nul doute, plus de pédagogie depuis juin 2002 aurait évité de devoir légiférer à nouveau. La Délégation entendra avec intérêt Mme Annie Thomas, secrétaire nationale de la Confédération française démocratique du travail, et Mme Marie-Josèphe Charon, traiter du rôle des syndicats et de l'Inspection du travail dans l'application de la loi du 9 mai 2001, ainsi que des accords innovants récemment conclus qui prennent en compte la parentalité. A cet égard, Mme la Présidente a adressé à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle une lettre lui demandant pourquoi les dispositions concernant la protection de la femme en congé de maternité, contenues dans la directive du 23 septembre 2002 relative à la mise en œuvre du principe d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, n'ont pas encore été transposées en droit interne. Elle réitérera cette demande dans une question écrite et interrogera le Gouvernement sur les mesures prévues pour que la transposition ait bien lieu avant le 5 octobre 2005, date limite fixée par la directive. Mme Annie Thomas, qui déplore elle aussi la mauvaise application de certaines dispositions législatives, a souligné la part de responsabilité des organisations syndicales qui ont des difficultés à mobiliser leurs équipes pour se servir des outils mis à leur disposition par la loi du 9 mai 2001 dans le but d'imposer l'égalité salariale au patronat. Pour autant, un nouveau texte était-il nécessaire ? La CFDT, qui privilégie toujours la négociation plutôt que la loi, a été embarrassée par l'annonce du Président de la République, faite alors que l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 commençait d'être décliné dans les branches. De plus, cette proposition méconnaît les dispositions de la loi Fillon, qui prévoit une négociation collective avant toute procédure législative. Aussi, bien que la réduction de l'écart salarial entre les hommes et les femmes soit une revendication majeure de la CFDT, la Confédération ne peut se satisfaire de l'approche retenue. C'est un jeu dangereux d'accepter que l'un des partenaires sociaux puisse obtenir par la loi ce qu'il n'a pu obtenir dans les accords ; le Gouvernement pourrait prendre prétexte de ce précédent pour, une autre fois, faire plaisir au patronat. Mme Annie Thomas dit avoir constaté, à la lecture cursive de l'avant-projet de loi dont elle vient de prendre connaissance, que le texte reprend l'obligation de négociation, ce qui convient à la CFDT Mme Catherine Génisson a souligné que, pour être utile, le projet ne devrait pas se limiter à reprendre le texte existant ni, bien sûr, supprimer les dispositions contraignantes introduites dans la loi de 2001 - délit d'entrave et pouvoir d'interpellation des syndicats et de l'inspection du travail. Mme Hélène Mignon s'est émue de ce que l'avant-projet se limite à laisser ouverte la possibilité d'instituer une contribution financière applicable aux entreprises ne satisfaisant pas à leurs obligations en matière d'égalité salariale... dans cinq ans. Mme Annie Thomas a estimé que, sur le fond, les dispositions envisagées sont insuffisantes pour réduire l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes. En effet, les facteurs discriminatoires que sont l'existence de filières entièrement féminisées et la nature des contrats offerts aux femmes ne sont pas pris en considération. Dans certaines filières - celle du nettoyage par exemple - la comparaison hommes-femmes ne peut jouer, puisqu'il n'y a tout simplement pas d'hommes... sauf dans l'encadrement ! Si l'on ne tient pas compte de ces filières-là dans l'évaluation de l'écart salarial, il ne se réduira pas. Par ailleurs, c'est aux femmes que l'on fait assumer la flexibilité dont les entreprises ont besoin, en leur imposant la précarité par des contrats à durée déterminée, par l'intérim, par le temps partiel, tous types de contrats qui contribuent au creusement de l'écart salarial et qui, de surcroît, pèsent sur le montant des pensions de retraite. Le législateur ne doit pas accepter que puissent être signés des contrats de travail qui ne permettent pas d'accéder à une couverture sociale. Mme Catherine Génisson a observé que certains ne se priveraient pas de répondre que la législation le prévoit, puisqu'elle dispose que les salariés travaillant à temps partiel peuvent cotiser à taux plein. C'est évidemment d'une malhonnêteté intellectuelle insigne : où les salariés concernés trouveraient-ils les moyens de régler ces cotisations supplémentaires ? Mme Annie Thomas a précisé qu'aucun contrat ne devrait pouvoir fixer une durée de travail inférieure à 28 heures mensuelles, seuil d'ouverture de droits. En dessous de ce seuil, les salariés sont victimes d'une « double peine » : non seulement ils cotisent pour rien mais, une fois retraités, ils en seront ensuite réduits au minimum vieillesse. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déclaré que la Délégation inclurait ce point fondamental parmi ses recommandations. Mme Annie Thomas a renouvelé la demande faite par la CFDT à la ministre de la parité : que les mesures proposées vaillent également pour la fonction publique car il serait incompréhensible que l'Etat ne s'applique pas à lui-même ce qu'il souhaite imposer au secteur privé. Par ailleurs, c'est le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle qui doit être chargé de l'évaluation, et sur une base annuelle. Or, actuellement, il se réunit de loin en loin... Quant au Conseil national, il n'est pas créé à ce jour. Mme Catherine Génisson s'est indignée que l'avant-projet prévoie la présentation au Parlement d'un rapport d'évaluation de la future loi six ans après sa promulgation... c'est-à-dire par un autre Gouvernement. Mme Marie-Josèphe Charon s'est félicitée que l'avant-projet reprenne le principe d'une majoration du montant de l'allocation de formation lorsque le salarié est conduit à engager des frais supplémentaires de garde d'enfant ; cela répond à une demande paritaire. Mme Catherine Génisson s'est demandée comment cet excellent principe pourrait s'appliquer, la majeure partie des femmes travaillant dans des PME qui n'ont pas les moyens de le mettre en œuvre. Mme Annie Thomas a indiqué que, dans le cadre de l'accord interprofessionnel, les entreprises ont accepté de porter de 0,25 % à 0,55 % de la masse salariale les crédits consacrés à la formation. Les moyens mutualisés existent donc ; il reste à accepter que les femmes partent en formation. Mme Marie-Josèphe Charon a estimé que, la question n'étant pas du ressort de l'Etat, l'article 14, relatif à la diversification de l'offre de formation professionnelle, se résume à un vœu pieux. Mme Catherine Génisson a souligné que le MEDEF souhaite la suppression des critères pertinents. Or, c'est à quoi tend le premier paragraphe de l'article 4 de l'avant-projet, qui se limite à la mention d'un « diagnostic partagé des écarts éventuels de rémunération ». Mme Marie-Josèphe Charon ayant remarqué que les critères pertinents figurent à l'article 3, Mme Catherine Génisson a observé que cet article pose un problème de fond par sa signification implicite, qui est que la charge de la famille repose intégralement sur les femmes. Si c'est là un critère pertinent, il est terriblement féminisé ! Mme Marie-Josèphe Charon a indiqué qu'un groupe de travail chargé de définir les critères pertinents va être constitué au sein du Conseil supérieur. Mme Annie Thomas a précisé que le Gouvernement n'ayant pas organisé de réunion collective des organisations syndicales, celles-ci sont appelées à rendre leur avis sur le texte, par écrit, d'ici le 11 mars. Mme Marie-Josèphe Charon a ajouté ne pas douter que toutes les organisations syndicales consultées auront vigoureusement insisté sur le rôle du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, ayant regretté le temps perdu depuis trois ans pour faire progresser l'égalité salariale, Mme Annie Thomas a dit que les syndicats étaient prêts à admettre leur part de responsabilité dans le statu quo. Aussi la CFDT considère-t-elle le nouveau texte comme un élément déclencheur. Mme Catherine Génisson a fait valoir qu'il faudrait pour cela des contraintes ; or, aucune n'est prévue. La loi de 2001 avait été conçue comme un cadre dans lequel est venu s'insérer l'accord national interprofessionnel de mars 2004. Cette trame a été voulue très simple et, pour cela, limitée aux dispositions bien connues : deux négociations, délit d'entrave. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que ce cadre devrait être conservé dans le nouveau texte. Mme Catherine Génisson a rappelé que, pour les organisations syndicales, l'intérêt est aussi de pouvoir saisir la justice et d'être certain que l'Etat soutient la négociation. Qu'en sera-t-il ? Mme Annie Thomas a souligné qu'une analyse plus poussée serait nécessaire pour comprendre comment les dispositions proposées s'articuleront avec la loi de 2001. Mme Catherine Génisson a observé que l'on passait d'une loi limpide à un texte tenant avant tout de la pétition de principe, relevant du domaine réglementaire bien davantage que du législatif, et diluant les dispositions contraignantes en vigueur. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué que la Délégation allait étudier en détail un avant-projet dont l'objectif est louable mais qui doit constituer un progrès et en aucun cas une régression. A Mme Catherine Génisson s'interrogeant sur la position du MEDEF, Mme Annie Thomas a répondu que celui-ci était furieux de se voir imposer une loi alors qu'un accord national venait d'être signé. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait observer que le Président de la République avait eu raison de taper du poing sur la table, dans la mesure où aucune évolution n'était perceptible. Toutefois, elle avait elle-même insisté auprès de lui sur la nécessaire application de la loi, mais n'avait jamais plaidé en faveur d'un nouveau texte... Mme Annie Thomas a souligné que Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, s'est toujours présentée comme étant en fonction « pour convaincre et non pour contraindre », ce que le MEDEF n'a pas manqué de lui rappeler. Il faut dire que l'annonce d'une nouvelle loi vient perturber la dynamique à peine enclenchée dans les branches, lesquelles étaient jusqu'à présent très occupées par le vaste chantier de la négociation des accords relatifs à la formation professionnelle. Mme Catherine Génisson a demandé à ses interlocutrices leur opinion sur le titre III, intitulé « promouvoir l'accès des femmes dans les instances de décision et de représentation ». Pour ce qui est de la représentativité des femmes dans les organisations syndicales, on n'a guère avancé. Mme Annie Thomas a dit tenir le Titre III pour un progrès. Pour les élections aux comités d'entreprise, la CFDT a proposé une manière simple de respecter la mixité : que les listes syndicales soient composées à proportion du nombre de femmes et d'hommes dans l'entreprise, le non-respect de cette disposition entraînant le refus de la liste et, éventuellement la poursuite devant les tribunaux de l'organisation fautive. Mme Catherine Génisson a demandé quelle était la position des autres syndicats à ce sujet. Mme Annie Thomas a répondu que la proposition ne plaît pas à la CGC - qui compte beaucoup d'hommes - et que la CGT n'y est pas hostile, au contraire de Force ouvrière. Mme Marie-Josèphe Charon a souligné que des réticences sont apparues au sein même de la CFDT, y compris de la part de femmes qui ressentent un tel mécanisme comme une humiliation. Mme Catherine Génisson a observé que, pourtant, les choses ne changeraient que lorsqu'il y aurait des déléguées syndicales en assez grand nombre. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est étonnée de ce que l'exposé des motifs mette en exergue une argumentation économique pour promouvoir l'égalité des rémunérations. Si un nouveau texte doit voir le jour, ce doit être pour réparer une inégalité de traitement injuste qui persiste au détriment des femmes. Mme Annie Thomas a dit comprendre que l'argument puisse choquer. Il n'empêche : la CFDT considère l'évolution démographique prévisible et ses répercussions sur l'emploi comme une occasion à saisir pour les femmes. Ne pas parvenir à améliorer le taux d'activité des femmes alors que le besoin de main d'œuvre s'accroît, c'est accepter d'augmenter le taux d'immigration. Mme Catherine Génisson a souligné que tous les accords conclus depuis vingt ans s'expliquent uniquement par le besoin de main-d'œuvre. Mme Annie Thomas a ajouté que poser le problème en ces termes au patronat ne la choque pas. D'ailleurs, les partenaires sociaux ont négocié dans cette perspective. Mme Catherine Génisson a rappelé que les illusions n'étaient pas de mise : les femmes demeurent une variable d'ajustement. Cela n'empêche qu'une entrée en matière moins abrupte serait effectivement préférable. Revenant à l'avant-projet proprement dit, elle a souligné que la diversification de l'offre professionnelle devait avant tout consister à offrir aux femmes un choix réel. Mme Annie Thomas a fait valoir que l'article 14 s'attachait à instaurer une « représentation équilibrée » des hommes et des femmes dans l'ensemble des filières de formation initiale, y compris l'apprentissage, où les femmes sont peu présentes, et dans les filières techniques et professionnelles, où l'on constate que leur nombre régresse. Mme Catherine Génisson a souligné que ce n'est pas le cas dans les écoles d'ingénieurs, et observé que si l'offre de choix était réelle, point même ne serait besoin de « représentation équilibrée », autre vœu pieux. Elle s'est demandé comment les dispositions proposées s'articuleraient avec le code de l'éducation. Mme Marie-Josèphe Charon a indiqué que, dans la lettre paritaire, la demande avait été formulée d'une action très en amont dans le système éducatif. Mme Catherine Génisson a rappelé qu'agir en faveur de la formation des femmes suppose une articulation réelle des temps de vie des hommes et des femmes. Mme Marie-Josèphe Charon a précisé qu'une proposition en ce sens avait été faite qui n'apparaît pas dans le texte ; elle sera renouvelée. Elle a ensuite évoqué une expérience menée dans les Pays de la Loire, au cours de laquelle une chargée de mission de notre Union régionale CFDT a parcouru les lycées pour expliquer aux élèves comment se manifestent les inégalités entre les sexes. Il est apparu que les stéréotypes ont la vie très dure... Mme Catherine Génisson a souligné la béance entre l'effet d'annonce et la réalité s'il n'y a pas de suivi, sur le terrain, des dispositions législatives et si les postes de déléguées régionales aux droits des femmes sont supprimés. Mme Annie Thomas a observé qu'en dépit de l'excellent travail qu'elles réalisent, les suppressions d'emplois dans la fonction publique voulues par le Gouvernement les menacent directement. Audition de Mme Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), accompagnée de Mme Pascale Coton Réunion du mardi 1er mars 2005 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est félicitée de ce que le Président de la République se soit saisi de la question de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes. C'était nécessaire, car rien n'a avancé sur ce plan depuis juin 2002. La question reste posée de savoir si une nouvelle loi était la meilleure solution possible, mais l'avant-projet étant à présent rédigé, il faut définir s'il peut être amélioré et, surtout, s'assurer qu'il ne traduit pas une régression par rapport à la loi du 9 mai 2001. Bien que l'encre du texte soit à peine sèche, Mme Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe de la CFTC, aura certainement à cœur de donner son avis à la Délégation sur ce point. Mme Gabrielle Simon a observé que, n'ayant eu connaissance de l'avant-projet qu'à son arrivée au Palais, elle se promettait de l'analyser avec vigilance. La CFTC s'est réjouie que le Président de la République s'empare d'un sujet que certains jugent d'une importance relative. En réalité, la persistance de l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes ne gênait pas grand monde, jusqu'au moment où l'on s'est rendu compte qu'avec le « papy boom » et son corollaire, les départs en retraite massifs, on allait avoir besoin des femmes. On peut certes regretter que l'on ne traite de l'égalité salariale que parce que la nécessité s'en fait sentir, mais autant saisir l'occasion, et c'est bien ce que la CFTC compte faire. Mme Pascale Coton a observé que les femmes n'en seront pas pour autant reconnues à leur juste valeur, et qu'elles demeureront des salariées « Kleenex ». Car elles se contentent des emplois que l'on veut bien leur concéder, sans jamais oser dire « je vaux mieux que cela », même si elles sont sous-employées. Il résulte de cette soumission des carrières en retrait, avec les conséquences que l'on sait sur leurs pensions de retraite. Mme Gabrielle Simon a souligné qu'un changement culturel s'impose, qui se construira étape par étape, car un gros travail reste à faire, dès l'école, pour modifier la représentation sociale des femmes. Dans l'intervalle, toute approche tendant à obtenir que les femmes ne soient plus considérées comme des salariés d'appoint doit être soutenue, et la CFTC prendra donc le Président de la République au mot. Encore faut-il que le nouveau texte constitue un progrès ; la loi pour la loi, ça suffit ! Accepter que l'inégalité salariale se perpétue, c'est accréditer l'idée que cette inégalité correspond à une réalité. Or, c'est légitimement que les femmes revendiquent une juste rémunération, et d'autant plus légitimement que leur expérience de mère de famille leur fait acquérir des compétences supplémentaires qu'elles mettent au service de l'entreprise. Celles-ci seraient bien avisées de considérer les congés de maternité sous cet angle. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé quel devrait être le rôle de l'Inspection du travail pour faire respecter l'égalité salariale. Mme Gabrielle Simon a répondu que, pour agir efficacement, les inspecteurs du travail devraient être suffisamment nombreux pour avoir du temps, et être opérationnels sur tous leurs domaines de compétences. Il est bon qu'une loi existe, car on peut demander qu'elle soit appliquée ; mais on sait bien que la demande ne viendra pas des individus. Il faut donc que l'Inspection du travail exerce des contrôles, que les organisations syndicales dénoncent les inégalités salariales et que des sanctions financières effectives soient prises à l'encontre des entreprises récalcitrantes, car il vient un moment où l'on ne peut plus se limiter au constat. Sait-on assez que, lors des négociations avec le MEDEF sur le label « égalité », certains imaginaient qu'ils pourraient se voir décerner le label sans respecter la loi, et que la CFTC a dû batailler ferme pour faire comprendre qu'il ne saurait être question de conférer le label aux entreprises simplement pour les encourager à respecter la législation ? Les accords ne sont, somme toute, que des projets ; un suivi et un bilan sont nécessaires pour s'assurer qu'ils sont appliqués. Cela vaut aussi pour le label « égalité », qui ne doit être conféré que pour trois ans et pouvoir être retiré en cas de manquement. Mais quand la CFTC a fait valoir ce point de vue, elle a été accusée par le MEDEF d'encourager la délation... Mme Pascale Coton a ajouté que la CFTC n'accepterait pas davantage un dispositif dans lequel les entreprises pourraient choisir soit de respecter l'égalité salariale, soit de payer pour ne pas la respecter. Mme Gabrielle Simon a précisé que les sanctions devraient être progressives et infligées sous astreinte. Il est inadmissible que, dans un Etat de droit, le droit ne soit pas respecté. Mme Pascale Coton a ajouté qu'il faudrait faire comprendre à tous, employeurs et employés, que le nouveau texte sera le dernier sur ce sujet. Un texte de loi est difficile à comprendre pour une PME ; en la matière, il y en a eu plusieurs, et ils n'ont pas été plus appliqués les uns que les autres. Le projet à venir, parce qu'il sera considéré comme celui du président de la République, aura un poids particulier ; s'il n'est pas appliqué non plus, il deviendra extrêmement ardu de prétendre parvenir à l'égalité. Or, du peu qu'elle-même a eu le temps de lire de l'avant-projet, il ressort que sa rédaction, peu claire, ne fait pas mention de sanctions en cas de non application de cette nouvelle loi. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a convenu de la nécessité d'une analyse détaillée d'un texte dont les modalités d'application apparaissent imprécises et qui semble, sur certains points, relever de l'ordre réglementaire plus que de l'ordre législatif. L'avant-projet pourra encore être modifié ; l'un de ses objets est aussi la transposition, partielle, de la directive du 23 septembre 2002 pour ce qui a trait aux discriminations fondées « sur l'état de grossesse ». Mme Pascale Coton s'est déclarée insatisfaite de la première lecture de la rédaction de l'avant-projet. Elle a estimé paradoxal que le Gouvernement transpose imparfaitement une directive au moment où il en appelle à la population pour qu'elle se prononce en faveur du traité constitutionnel. Elle a enfin souligné qu'accepter que la loi du 9 mai 2001 soit mal appliquée signifie implicitement que l'on peut traiter les femmes de n'importe quelle manière. Mme Gabrielle Simon a jugé sévèrement l'article 6 et souligné en conclusion qu'une nouvelle loi ne se justifiait que si elle permettait un progrès. Audition de Mme Cristina Lunghi, Réunion du mardi 22 mars 2005 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a rappelé que le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes devait être présenté le 24 mars en conseil des ministres. La Délégation aux droits des femmes a souhaité entendre, dans le cadre des travaux préparatoires à l'examen de ce texte en séance publique, Mme Cristina Lunghi, présidente d'une association qui travaille depuis dix ans, bien avant que ce thème n'ait été médiatisé, à favoriser l'évolution des entreprises vers la parité entre les hommes et les femmes. La Délégation pourra ainsi recueillir un éclairage sur la situation dans les entreprises autres que celles qui sont aujourd'hui à l'avant-garde du mouvement vers l'égalité professionnelle entre hommes et femmes. Il importe de faire le point sur l'application, et surtout la non-application de la loi du 9 mai 2001, et d'évaluer les possibilités qu'ouvre le projet de loi pour faire appliquer toutes les lois qui ont été adoptées depuis 1972. Mme Cristina Lunghi a fait part de sa perplexité à la lecture de l'avant-projet de loi. Il comporte des dispositions très positives, mais dont il n'est pas sûr qu'elles relèvent du domaine législatif. De plus, il n'est pas fait référence à la loi du 9 mai 2001. L'article 1er n'évoque nullement les petites et moyennes entreprises. En outre, il insiste sur la seule égalité salariale, sans aborder la question plus large des parcours professionnels. L'inégalité entre les hommes et les femmes n'apparaît pas systématiquement si l'on se contente d'examiner les différences de rémunération à l'intérieur d'une même catégorie professionnelle. Paradoxalement, dans certaines catégories, on en vient même à constater que les femmes sont mieux payées que les hommes, mais précisément en raison du fait qu'elles plafonnent dans cette catégorie sans passer dans la catégorie supérieure. C'est en réalité dans le parcours professionnel que se logent souvent les inégalités entre hommes et femmes, comme le montrent toutes les analyses fines des rapports de situation comparée. Selon ses analyses, la naissance d'un enfant se traduit par un blocage de l'évolution professionnelle pendant deux ans. Or, ce retard ne se rattrape pas. C'est pourquoi il serait important que le déroulement des carrières soit intégré dans le champ des dispositions prévues à l'article 1er. La loi ou son décret d'application devrait prévoir une méthodologie permettant de mesurer de manière systématique, dans les rapports de situation comparée, les inégalités à cet égard (par des tris croisés notamment). Cela est d'autant plus regrettable que ce sont ces rapports qui constituent la base des négociations collectives débouchant sur les accords de branche. L'article 2 vise certains éléments accessoires aux salaires, en l'occurrence les « mesures d'intéressement ou de distribution d'actions gratuites ». Mais il en ignore d'autres, qui font l'objet de discriminations. C'est le cas de la prime de Noël par exemple, qui, lorsque deux conjoints travaillent dans la même entreprise, est souvent versée au père et non à la mère. De même, les avantages en nature - voiture, téléphone portable, ordinateur -, qui constituent également des éléments de la rémunération, sont souvent accordés aux hommes plus qu'aux femmes, d'autant plus qu'ils sont aussi des attributs de pouvoir et des outils de promotion. L'article 3 ajoute aux indicateurs sur la base desquels sont rédigés les rapports de situation comparée ceux qui permettent d'apprécier l'articulation entre l'activité professionnelle et « l'exercice des responsabilités familiales ». Cette rédaction est contestable, car certaines femmes sans enfant subissent elles aussi l'inégalité professionnelle. Mieux vaudrait parler de « la vie personnelle » que des « responsabilités familiales ». L'article 4 est très riche. Cependant, au premier alinéa du I, le mot « mesures » est insuffisamment précis. Il conviendrait, par exemple par voie de décret, de proposer des outils méthodologiques adaptés. De même, la deuxième phrase de cet alinéa évoque un « diagnostic partagé » des écarts éventuels de rémunération. Mais comment établir ce diagnostic ? Mais avec quels outils méthodologiques et quels moyens financiers ? En outre, le III de cet article prévoit qu'un bilan sera établi par une conférence nationale sur la base d'un rapport élaboré par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, et ce alors qu'aucun bilan réel de la loi précédente, celle du 9 mai 2001, n'a pu être dressé. Le sondage commandé par la Délégation aux droits des femmes du Sénat sur son application est en effet un recueil d'opinions, et non un bilan. Il est nécessaire de recueillir de manière systématique des données permettant d'évaluer l'application des dispositions législatives, tâche dont il est permis de douter que le Conseil supérieur la mènera à bien quand on sait qu'il s'est réuni rarement en trois ans et qu'il ne dispose d'aucun moyen. Qu'un texte législatif confie au Conseil supérieur le soin d'élaborer un rapport est d'autant plus surprenant que le Gouvernement vient d'installer la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, dotée d'un budget de 10 millions d'euros. L'article 5 évoque lui aussi « l'articulation entre l'exercice de l'activité professionnelle et des responsabilités familiales », ce qui appelle la même remarque qu'au sujet de l'article 3. L'article 6 insère dans le code du travail une disposition qui est la bienvenue. La question est cependant de savoir comment trouver l'argent susceptible de financer une telle mesure. On a pu constater les limites des groupements d'employeurs. De plus, il faut s'attendre à beaucoup de résistances, y compris de la part des femmes, tant il est vrai que les représentations stéréotypées de la distribution des rôles sociaux pèsent de tout leur poids. L'article 8 dispose que les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 25 % de la somme des dépenses de formation engagées par la nouvelle entreprise pour les salariés qui, au cours d'un congé parental d'éducation, démissionnent pour changer d'entreprise, « si la formation a lieu dans les trois mois suivants le retour de congé parental d'éducation ». Cette disposition ignore les cas où les salariés n'ont pas démissionné mais ont été licenciés. Elle devrait viser les salariés qui ont connu une rupture de contrat de travail, quelles qu'en soient les causes. Le bénéfice du crédit d'impôt devrait être réservé aux entreprises engageant des dépenses de formation « si la formation a lieu dans les trois mois suivants le retour à l'emploi ». L'article 9 transpose une disposition de la directive de 2002/73/CE renversant la charge de la preuve en cas de discrimination liée à l'état de grossesse. Pourquoi faire l'économie d'une transposition d'ensemble de cette directive ? Le titre III est consacré à l'objectif de « promouvoir l'accès des femmes dans les instances de décision et de représentation ». L'article 12 vise le seul secteur public. Il serait bon d'ajouter un article visant le secteur privé. L'article 13, qui vise les conseils de prud'hommes, est d'une rédaction peu lisible, et ne s'inscrit pas dans une perspective de parité. Mme Danielle Bousquet a souligné que la rédaction de l'article 13 n'était pas suffisamment incitative. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déploré que l'article 13 ne mentionne pas explicitement l'objectif de parité et observé que la notion de parité était mal définie. Mme Danielle Bousquet a rappelé que la notion de parité était couramment employée dans d'autres contextes, par exemple quand on parle d'organisations paritaires représentant les employeurs et les salariés. Mme Hélène Mignon a remarqué que la proportion des hommes et celle des femmes n'étaient pas nécessairement égales au sein du corps électoral des conseils de prud'hommes. De ce point de vue, il serait bon de parler de « représentation équitable » ou de « représentation équilibrée ». Mme Cristina Lunghi a estimé que de telles notions étaient sujettes à diverses interprétations. L'objectif doit être de tendre vers la parité. Mme Danielle Bousquet a souligné qu'il était possible de maintenir la rédaction de l'article 13 tout en ajoutant les mots : «, dans une perspective de parité entre les hommes et les femmes ». L'important est de s'inscrire dans une démarche paritaire. S'agissant de l'article 14 sur la formation professionnelle, Mme Cristina Lunghi a estimé qu'il n'était pas nécessairement souhaitable que les personnes des deux sexes soient également représentées dans toutes les formations. Il y a des métiers que les femmes peuvent n'avoir nulle envie d'exercer. Mme Nathalie Gautier a manifesté son étonnement devant le I de l'article 14. La région met en œuvre une politique d'apprentissage et de formation professionnelle, après quoi les hommes comme les femmes sont candidats aux divers stages qu'elle propose. On se demande sur quel aspect de la réalité une telle disposition pourrait permettre de faire avancer les choses. Mme Cristina Lunghi a souligné qu'une mauvaise rédaction de la loi pourrait même donner lieu à des retours en arrière. En ce qui concerne l'offre de formation professionnelle, il importe avant tout, d'une part, d'obliger toutes les entreprises à former leur personnel à l'égalité entre les hommes et les femmes, et, d'autre part, d'inciter celles-ci à participer à des formations susceptibles de favoriser leur accès à des fonctions de direction. Car c'est bien lorsqu'il s'agit de crever les plafonds de verre que l'on constate l'étendue des obstacles auxquels se heurtent les femmes au sein des entreprises. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a insisté sur le risque qu'une mauvaise loi, non seulement ne fasse pas avancer les choses, mais conduise à un retour en arrière. Mme Cristina Lunghi a souligné qu'il est déjà difficile de faire connaître la loi du 9 mai 2001. En vérité, elle n'est connue que grâce au label « égalité professionnelle ». Une entreprise ne peut déposer un dossier de candidature auprès de l'AFAQ en vue de l'obtention de ce label si elle n'a pas au moins initié une négociation visant à avancer dans la direction de l'égalité professionnelle. Le label récompense certes les entreprises qui sont allées au-delà de leurs obligations légales, mais il reste que la loi de 2001 a été médiatisée grâce au label. Mme Nathalie Gautier a remarqué que l'article 14 du projet de loi pourrait être l'occasion de faire obligation aux entreprises de dresser un bilan de leurs actions de formation professionnelle du point de vue de l'égalité entre les hommes et les femmes. Mme Cristina Lunghi a rappelé que l'établissement d'un tel bilan était l'un des critères auxquels il faut satisfaire pour obtenir le label. Ce bilan est un bon outil d'analyse et constitue d'ailleurs pour les entreprises un tableau de bord utile. Mme Nathalie Gautier s'est demandée s'il ne serait pas utile d'introduire dans le texte une disposition aux termes de laquelle le plan de formation de l'entreprise pourrait être refusé par le comité d'entreprise s'il ne visait pas à corriger les inégalités salariales. Mme Cristina Lunghi a souligné que le plan de formation ne faisait pas partie du champ de la négociation entre partenaires sociaux. La direction des ressources humaines d'une entreprise a tout pourvoir sur la définition de son plan de formation. Mme Nathalie Gautier a déploré qu'aucune disposition du projet de loi ne fasse de la réduction des inégalités salariales l'un des objectifs que doit obligatoirement poursuivre le plan de formation professionnelle. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait observer que l'adoption d'un tel objectif peut être incluse dans la liste des indicateurs pertinents qui doivent figurer dans le rapport de situation comparée. Mme Cristina Lunghi a souligné que le projet de loi ne faisait aucune référence aux indicateurs pertinents. Mme Danielle Bousquet a regretté que le projet de loi ne fasse aucune mention de la loi du 9 mai 2001. Tout se passe comme si les auteurs de ce texte voulaient faire croire que rien n'a jamais été fait pour améliorer la condition des femmes dans le monde professionnel. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a estimé qu'une loi nouvelle devait avoir pour objet l'amélioration de la loi précédente. Telle sera l'une des recommandations de la Délégation. Il n'est nullement déshonorant de se donner pour objectif d'apporter une pierre supplémentaire à un édifice dont la construction a déjà été entamée par une loi antérieure. Mme Danielle Bousquet a constaté que le projet de loi était consacré à la seule égalité salariale, en ignorant tous les autres aspects de l'égalité professionnelle. C'est pourquoi il est indispensable de le mettre en rapport avec la loi précédente. Il faut éviter de donner l'impression que ce nouveau texte annule le précédent. Mme Cristina Lunghi a souligné que ce projet de loi intervenait dans un contexte marqué par des avancées certaines, auxquelles il faut éviter de mettre un coup d'arrêt en abandonnant l'application de la loi du 9 mai 2001 à la négociation entre partenaires sociaux, laquelle porte essentiellement sur les salaires et n'aborde que rarement la question de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Mme Marie-Jo Zimmermann présidente, a estimé que l'objectif d'une correction des inégalités salariales ne devait pas faire oublier l'ensemble des autres aspects que revêtent les inégalités professionnelles. Mme Cristina Lunghi a insisté sur le fait que la lutte contre les inégalités salariales devait s'appuyer sur des outils statistiques qui intègrent les inégalités dans le parcours professionnel des hommes et des femmes. Ne prêter attention qu'aux statistiques portant sur les salaires témoigne d'une réelle méconnaissance des réalités sociales actuelles. Mme Anne-Marie Comparini a souligné la nécessité que la Délégation aux droits des femmes agisse en amont de l'examen par le Parlement des textes qui lui sont soumis. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que le projet de loi serait présenté en conseil des ministres le jeudi 24 mars, soit dans deux jours. Mme Danielle Bousquet a estimé qu'il était très difficile de faire adopter en séance publique des amendements modifiant en profondeur la philosophie même du texte. Mme Hélène Mignon a fait remarquer qu'une motion de renvoi en commission serait amplement justifiée. Mme Anne-Marie Comparini a jugé qu'il serait bon que la présidente de la Délégation rencontre Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Mme Marie-Jo Zimmermann présidente, a souligné qu'une telle rencontre ne serait guère utile à deux jours de la présentation du projet de loi en conseil des ministres. Mme Hélène Mignon a rappelé que la Délégation ne disposait du texte même du projet de loi que depuis le jour où elle a auditionné des représentants de la CFDT. Ceux-ci disposaient d'un texte que nul n'avait songé à adresser aux membres de la Délégation. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Cristina Lunghi pour sa contribution aux travaux de la Délégation. Audition de M. Georges Tissié, directeur de la Confédération générale des Réunion du mardi 22 mars 2005 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que l'avant-projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes pouvait être de nature à poser des problèmes spécifiques aux petites et moyennes entreprises. Il importe de connaître le point de vue de la CGPME sur ce projet. Dans son esprit, la nouvelle loi efface-t-elle l'ancienne ? Comment compte-t-elle la faire appliquer dans les petites et moyennes entreprises ? M. Georges Tissié a tout d'abord rappelé que les partenaires sociaux avaient conduit des négociations ayant débouché sur un accord « relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes », signé le 1er mars 2004 par les cinq confédérations syndicales représentatives des salariés et les trois organisations patronales représentatives. La référence à la notion de mixité est importante, car la seule notion d'égalité professionnelle est réductrice. Il est assez surprenant que les partenaires sociaux, après avoir négocié un accord, se voient priés d'appliquer une nouvelle loi relative à l'égalité salariale, dont ils n'étaient pas demandeurs. Il est également regrettable que la CGPME ait disposé du texte de l'avant-projet il y a moins d'un mois, et qui plus est par des biais détournés. Mme Anne-Marie Comparini et Mme Hélène Mignon ont observé que la Délégation elle-même n'avait pas disposé du texte avant les organisations professionnelles. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que la Délégation avait pu prendre connaissance du texte le 1er mars 2005, à l'occasion de l'audition de représentants d'une confédération syndicale qui, eux, venaient de le recevoir. Il eût été souhaitable qu'une large concertation précédât la rédaction de ce projet de loi. M. Georges Tissié a précisé que sa remarque ne visait pas les membres de la Délégation, et qu'elle pouvait s'appliquer à bien d'autres textes législatifs. L'article 1er du projet de loi mentionne « l'article L. 122-26 », sans préciser de quel code il s'agit. Cette erreur matérielle résulte certes d'un simple oubli, mais ne manque pas d'étonner. Sur le fond, cet article 1er introduit une novation forte. Il est normal qu'à l'issue des congés prévus à l'article L. 122-26 du code du travail, « le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération équivalente majorée des augmentations générales perçues par les salariés relevant de sa catégorie professionnelle ». En revanche, prévoir que sa rémunération sera également majorée de la moyenne des augmentations individuelles perçues par ceux-ci est pour le moins inapproprié. Il est permis de s'interroger sur la motivation d'une telle disposition. Pourquoi un salarié revenant d'un congé aurait-il forcément droit à la moyenne des augmentations individuelles dont ont bénéficié ses collègues pendant sa période d'absence ? Cette disposition complexe, remet par ailleurs en cause le principe de confidentialité des augmentations individuelles. Dans les petites entreprises, elle sera très difficilement applicable. Elle risque même d'avoir un effet pervers : des chefs d'entreprises risquent de prendre l'habitude de ne pas accorder d'augmentation individuelle à certains salariés susceptibles de partir en congé, afin de les exclure de la mécanique d'augmentation. Un autre effet pervers pourrait concerner l'embauche des femmes. Mme Hélène Mignon a estimé que le Gouvernement manifestait une certaine incohérence. Alors qu'il évoque très régulièrement le salaire au mérite, il propose dans cet article 1er de globaliser les augmentations salariales, y compris individuelles. Mme Anne-Marie Comparini a souligné que la disposition serait cohérente si elle ne visait que les augmentations générales. M. Georges Tissié a ensuite souligné que l'article 3 imposait une obligation administrative de plus aux entreprises de plus de cinquante salariés. Ce seuil nuit à l'emploi. Dès qu'une entreprise l'atteint ou le dépasse, elle doit répondre à trente-quatre obligations administratives. Cette charge administrative a des effets pervers. Certaines entreprises d'un peu plus de cinquante salariés redescendent volontairement au-dessous de ce seuil afin d'y échapper. D'autres, au moment de dépasser ce seuil, dans le même but, se scindent en deux établissements de moins de cinquante salariés. D'autres enfin, veillent à ne jamais dépasser quarante-neuf salariés. Ajouter aux indicateurs du rapport sur la situation comparée des hommes et des femmes des éléments relatifs à l'articulation « entre l'activité professionnelles et l'exercice des responsabilités familiales » ne posera pas de problème particulier dans les grandes entreprises. Il n'en va pas de même dans une entreprise qui vient de franchir le seuil de cinquante salariés. Certes, l'article 3 n'aura peut-être pour effet que d'ajouter une ligne au rapport de situation comparée, mais cette ligne s'ajoutera aux obligations qui ne cessent de croître au gré des multiples novations administratives nouvelles introduites par le législateur, quelle que soit la majorité politique. En définitive, la disposition prévue à l'article 3 n'apportera rien et ne fera qu'aggraver un peu plus l'effet de seuil. L'article 6 n'est pas mauvais en soi. Mais il eût été beaucoup plus simple d'intégrer une disposition relative à l'aide au remplacement d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption à un article déjà existant qui prévoit un dispositif d'aide au remplacement d'un salarié parti en formation, article qui, au demeurant, définit des modalités de calcul plus précises. Il serait particulièrement inopportun, enfin, que le Parlement ajoute d'autres articles à ce texte. Mme Hélène Mignon a souhaité que M. Georges Tissié précise la position de la CGPME sur la notion de mixité. M. Georges Tissié a estimé que, si l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes était un thème important, le grand défi à relever dans les années qui viennent sera plutôt celui de la mixité dans l'emploi. La France n'a pas à rougir de son taux d'emploi féminin, qui est élevé par rapport à celui des autres pays occidentaux, et qui continue à progresser. Par contre, il est absolument impératif de promouvoir la mixité. Ce mouvement doit bien sûr aller dans le sens de l'orientation des femmes vers des types de postes qu'elles n'occupent pas actuellement, ou très peu. Il n'y a pas de raison pour que les femmes ne soient pas présentes dans l'industrie. On connaît certains postes industriels d'où elles ont été longtemps bannies. Dans la restauration, pourquoi le chef de rang ou le sommelier serait-il toujours un homme ? Inversement, on ne voit pas pourquoi les hommes ne seraient pas plus présents dans une profession comme la coiffure. La mixité de l'emploi, voilà un grand combat, qu'il est possible de gagner. Mme Hélène Mignon a souligné que la mentalité des entreprises devait également évoluer. L'Aérospatiale accepte des jeunes filles comme stagiaires, mais n'est guère encline à les embaucher dans des emplois permanents. Dans l'agro-alimentaire, il en va de même. En revanche, on constate une évolution très positive dans le secteur du bâtiment, même si la mixité pose plus de difficultés qu'ailleurs. M. Georges Tissié a souscrit aux propos de Mme Hélène Mignon, tout en estimant que le débat était trop souvent déterminé par certaines impressions réductrices. Il arrive certes que telle femme dont les compétences sont reconnues ne soit pas promue, ou perçoive un salaire de 25 % inférieur à celui que toucherait un homme dans les mêmes conditions. Ceci est regrettable, mais ce problème ne se pose pas de manière massive. Il importe avant tout de lutter pour la mixité dans les emplois moyennement qualifiés, voire peu qualifiés. Des postes sont à pourvoir, puisqu'il y a chaque année, officiellement, entre 250 000 et 300 000 postes non pourvus, en particulier dans les PME, qui représentent entre 70 et 90 % de l'emploi salarié. À cet égard, il est étonnant que ni les articles ni l'exposé des motifs de l'avant-projet de loi ne fassent référence à une politique de mixité des emplois. Mme Anne-Marie Comparini a demandé ce qu'apportait l'avant-projet de loi selon la CGPME. M. Georges Tissié a jugé qu'il n'apportait pas énormément de choses. Des campagnes de mixité dans certaines branches professionnelles pourraient avoir autant d'utilité que ce texte. Le problème est que les pouvoirs publics sont souvent soucieux de présenter des mesures d'affichage, dont les conséquences ne sont pas toujours évaluées précisément. Mme Anne-Marie Comparini a demandé si l'accord du 1er mars 2004 avait fait l'objet d'un bilan. M. Georges Tissié a répondu que non et a rappelé que cet accord a été accompagné d'une lettre paritaire adressée au Gouvernement portant sur des points précis. Il serait bon que le Parlement fasse un bilan des réponses qui ont été apportées par le Gouvernement. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a estimé que l'accord du 1er mars contenait plus d'avancées que l'avant-projet de loi. M. Georges Tissié a souligné qu'aucune organisation syndicale ou patronale n'avait demandé qu'un nouveau projet de loi soit examiné par le Parlement. Il n'est pas certain que les salariés eux-mêmes y adhèrent avec enthousiasme. Cela dit, la CGPME est très respectueuse des intentions gouvernementales et elle note que l'article 6 instaure au plan des principes une bonne disposition (aide au remplacement). Mme Catherine Génisson a estimé que le projet de loi introduisait des dispositifs très lourds, qui risquent de dissuader les entreprises d'embaucher des femmes. Il devrait être entièrement récrit. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a estimé que la loi du 9 mai 2001 constituait une bonne base. Il conviendrait d'abord de la faire appliquer, puis d'en dresser un bilan. C'est en partant de ce bilan qu'une nouvelle loi pourrait avoir pour objet d'apporter des améliorations. M. Georges Tissié a jugé qu'il serait déjà satisfaisant que le projet de loi n'accroisse pas significativement les obligations des entreprises, notamment les PME. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a remercié M. Georges Tissié pour sa contribution aux travaux de la Délégation. Audition de Mme Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe de la CFTC, de Mme Marie-Josèphe Charon, secrétaire confédérale de la CFDT, de Mme Christine Guinand, membre du collectif femmes-mixité de la CGT, de Mme Maryline Lecocq, experte sur l'égalité professionnelle de la CFE-CGC, de M. Michel Miné, juriste, de Mme Christine Fauré, directrice de recherche au CNRS, de Mme Cristina Lunghi, présidente de l'association Arborus et de Mme Marie-Cécile Moreau, juriste Réunion du mercredi 30 mars 2005 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué que, conformément au souhait exprimé par le Président de la République, l'Assemblée nationale allait être saisie d'un projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Elle souhaite présenter, au nom de la Délégation, des recommandations en vue de permettre l'application effective de ce nouveau texte, rien n'étant plus frustrant pour le législateur que de voter des textes qui restent lettre morte. Elle a souligné avoir toujours souhaité que soit appliquée la loi du 9 mai 2001. Le nouveau texte doit la conforter et, en aucune manière, traduire une régression. Mme Maryline Lecocq a déclaré que la CFE-CGC ne peut être favorable à un texte qui ne prévoit aucune sanction à l'encontre des entreprises qui ne respectent pas le dispositif prévu. Des sanctions financières sont indispensables, et suffisamment dissuasives pour avoir un impact réel. Par ailleurs, les dispositions envisagées ne sont pas de nature à permettre aux femmes de briser enfin le « plafond de verre » auquel leur carrière se heurte ; des échéances précises doivent être fixées dans la loi. En l'état actuel du texte, comment en attendre des résultats probants à cinq ans ? Outre l'instauration de sanctions financières significatives et de dispositions tendant à faire disparaître « plafond de verre » et « parois de verre », la CFE-CGC propose de rendre obligatoire le maintien du salaire intégral des pères qui prennent le congé de paternité ; ce serait un formidable levier pour l'évolution des mentalités et il est regrettable que le texte n'y incite pas davantage. Mme Cristina Lunghi a constaté que le projet ne fait pas référence à la loi du 9 mai 2001. Voilà qui pose problème, surtout si l'on prétend substituer à un texte que les entreprises ignorent alors qu'il est limpide et parfaitement explicite une loi peu claire et dont les dispositifs ne sont pas établis. La seule référence au rapport de situation comparée (RSC) ne suffit pas. Certes, il n'est pas du domaine de la loi de donner des modes d'emploi mais, tel qu'il est rédigé, le texte proposé brouille les pistes. C'est une occasion manquée, sinon une régression, que de rendre plus complexe ce qui était immédiatement compréhensible. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé qu'il convient en effet de distinguer ce qui est d'ordre législatif et ce qui est d'ordre réglementaire, mais que l'articulation doit être prévue. Mme Maryline Lecocq a reconnu que le projet tombe certes au bon moment, mais a déploré que le texte se limite à en appeler à la bonne volonté des employeurs, sans les inciter à en faire preuve. Or certains employeurs prétendent ne pas connaître la « loi Génisson », et même ceux qui admettent en avoir connaissance ne sont pas disposés à négocier, si bien qu'on est loin de l'égalité professionnelle. Autrement dit, la démarche est déjà possible, mais il ne se passe rien. Mme Catherine Génisson s'est demandé en quoi le projet améliore la loi du 9 mai 2001 et l'accord national interprofessionnel signé le 1er mars 2004. L'égalité salariale ne sera possible que lorsqu'il n'y aura plus aucune discrimination professionnelle et que l'on traitera intelligemment l'organisation du travail pour l'ensemble des salariés. C'est un élément symbolique de l'égalité professionnelle, mais un élément seulement, et il faut s'en prendre à l'ensemble des causes de l'inégalité salariale. Dans ce cadre, on ne voit pas ce qu'apporte le nouveau texte. S'agissant des sanctions, le législateur de 2001 a souhaité laisser sa plénitude à la négociation sociale, tout en introduisant le délit d'entrave, ce qui n'est pas rien, puisque lorsqu'il est constitué il relève du pénal. On constate cependant que la démarche prévue n'a jamais été faite, ce qui signifie que le dispositif est inefficace. Dans ces conditions, faut-il privilégier une démarche fortement incitative à l'égard des entreprises qui sont disposées à négocier un accord ou préférer la sanction - et dans ce cas, laquelle ? Pourrait-on imaginer de supprimer l'exonération de cotisations sociales ? Il faut être concret. Mme Anne-Marie Comparini a demandé quelle évolution a été constatée depuis la signature de l'accord interprofessionnel, quels sont les barrières et les points de blocage, et quelles propositions pourraient conduire à une meilleure application de l'accord dans les branches, qu'il s'agisse de l'égalité salariale ou de l'évolution des carrières. Mme Christine Guinand a déclaré que la CGT considère le projet comme un outil supplémentaire à l'efficacité incertaine. Des instruments existent déjà dont on constate qu'ils sont mal utilisés ou inutilisés, et l'on peut s'attendre à ce que le nouveau texte s'ajoute au corpus existant sans en améliorer l'efficacité puisqu'il n'institue aucune sanction et ne prévoit aucun mode d'emploi. La rédaction du projet est beaucoup trop générale, si bien que tout est laissé à la bonne volonté de l'employeur. Bien pis, le texte est ainsi conçu que l'entreprise peut ne négocier que ce qui l'intéresse Mme Marie-Josèphe Charon a exposé que, pour la CFDT, le projet n'a aucune utilité. La « loi Génisson », élaborée au terme d'une longue concertation, contient tout ce qui est nécessaire pour assurer l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. De surcroît, il était malvenu d'annoncer le dépôt d'un nouveau projet de loi alors qu'un accord interprofessionnel venait d'être signé : une fois de plus, on empiète sur les prérogatives des partenaires sociaux ! L'accord a ceci d'imparfait qu'il ne prévoit pas d'objectifs chiffrés de réduction des inégalités ; si une disposition nouvelle devait figurer dans le projet, c'est bien celle-là ; or, elle n'y apparaît pas. C'est bel et bien une loi inutile. Mme Hélène Mignon a déploré que le point n'ait pas été fait sur la loi du 9 mai 2001 avant que l'on s'embarque dans un nouveau texte dont chacun s'accorde à dénoncer l'inutilité. Mme Marie-Josèphe Charon a ajouté que le projet ne brille pas par sa limpidité. C'est un texte fourre-tout dont on se sert pour transposer partiellement une directive européenne et pour répondre à des observations formulées par les partenaires sociaux. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé sous quelle forme des objectifs chiffrés pourraient être insérés dans la loi, et quels ils devraient être. Mme Marie-Josèphe Charon a répondu que lors de la négociation de l'accord, référence avait été faite à l'objectif défini dans le plan national d'action pour l'emploi (PNAE), à savoir une réduction d'un tiers des écarts en dix ans. Mme Cristina Lunghi a précisé que l'analyse des rémunérations montre que l'inégalité salariale résulte de parcours professionnels inégalitaires. Dans ces conditions, adopter une loi qui ne donne aucun outil de méthode est une démarche inutile. Mme Marie-Josèphe Charon a observé que l'inégalité salariale tient à des causes multiples et que la loi ne peut tout résoudre. Il faudrait, ainsi, travailler à l'orientation des filles et admettre, une fois pour toutes, l'extrême inégalité qu'engendre le temps partiel, qui ne cesse de s'étendre. Rien de tout cela n'est du domaine législatif. Mme Gabrielle Simon a souligné que lors de la négociation de l'accord interprofessionnel, la CFTC a demandé, en vain, l'indication d'objectifs chiffrés, ce que le MEDEF a refusé ; mais les avancées obtenues par ailleurs étaient suffisamment positives pour que l'accord soit signé. Une fois connue l'intention du Président de la République, la CFTC a considéré que si une nouvelle loi devait voir le jour, ce devrait être la dernière, celle qui donnerait enfin les moyens d'aboutir. A ce jour, l'égalité salariale est très difficile à atteindre car l'évolution des carrières et les parcours professionnels sont difficilement quantifiables ; la loi doit donc prévoir de sanctionner les entreprises qui n'envisagent pas de progresser dans ce domaine. La CFTC était fondée à penser que le nouveau texte permettrait d'obtenir ce à quoi les partenaires sociaux n'étaient pas parvenus par le biais de l'accord interprofessionnel. Quelle n'a pas été sa surprise de constater, à la lecture de l'article 4 du projet, que le texte prévoit son propre échec ! Il s'en est suivi un communiqué de presse virulent, appelant l'attention sur l'inanité d'un texte qui prévoit ne servir à rien. Mme Catherine Génisson a dit partager sans réserve ce sentiment. Mme Gabrielle Simon a souligné qu'au lieu de se donner les moyens d'aboutir, le projet dénature le droit en prévoyant une nouvelle loi « au cas où ». Par ailleurs, il est d'autant plus décevant qu'il ne transpose pas entièrement la directive. Il viendra donc grossir le corpus législatif sans même avoir été rédigé dans l'espoir d'un résultat, puisqu'il ne s'accompagne pas des moyens qui garantiraient son application. Ainsi, qu'est-il prévu pour renforcer l'inspection du travail ? Que l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes subsiste alors que la France dispose à ce sujet d'une législation ancienne démontre que la loi n'est pas appliquée, ce qui est catastrophique. Il reste à comprendre pourquoi elle ne l'est pas et à définir ce qu'il faut faire pour qu'elle le soit. Si le MEDEF a refusé tout objectif chiffré dans l'accord interprofessionnel, c'est évidemment parce que cela aurait signifié prendre l'engagement de le respecter, ce qu'il ne veut manifestement pas. En réalité, le MEDEF veut bien dire « on va faire des efforts », mais il ne veut pas de résultats. Voilà en quoi une nouvelle loi était nécessaire : elle devait permettre qu'enfin on aboutisse. Mais il est vrai qu'un nouveau texte, même parfait, ne règlera pas le problème des évolutions de carrière ni celui de la formation. Mme Catherine Génisson a observé que ces points pouvaient être inclus au nombre des objectifs à atteindre. Mme Gabrielle Simon a déploré l'absence de démarche volontariste dans le projet et souligné que la réaction de la CFTC avait été à la mesure de sa déception. M. Michel Miné s'est dit surpris que la question semble traitée en négligeant l'évolution du droit communautaire. On continue à penser le droit français comme si la France n'appartenait pas à l'Union européenne ; au moment où l'on entend que la population se prononce sur le traité constitutionnel, voilà qui n'est pas très pédagogique. Le projet n'apporte pas grand-chose à la « loi Roudy », à la « loi Génisson » et à l'accord interprofessionnel, si bien que sa nécessité n'est pas certaine. Les textes existent mais la difficulté à les mettre en œuvre tient à la difficulté de négocier au sein des entreprises. Pour être efficace, le projet doit donc aider au déroulement de négociations loyales et authentiques, reposant sur des informations pertinentes, fixant des délais et prévoyant le recours à l'expertise. Certes, le nouveau texte prévoit un diagnostic partagé mais il ne dit ni par qui il sera fait, ni comment, ni avec quels moyens. Pourtant, tous les accords intéressants sont fondés sur des diagnostics établis contradictoirement après recours à des experts. C'est ainsi, par exemple, que l'on a procédé à la Caisse des dépôts. Cela dit, c'est un point positif d'évoquer un diagnostic partagé de la situation ; c'en est un autre de prévoir l'établissement d'un procès-verbal consignant les propositions respectives des parties, mais il fallait aller plus loin car la rédaction retenue est timorée. Mieux vaudrait reprendre dans le texte la jurisprudence découlant des annulations par les juges des accords résultant de négociations déloyales. Chacun s'accorde à dire qu'il faut revaloriser la négociation collective ; que l'on passe donc aux actes ! Mme Catherine Génisson a observé que l'on touche là à un point capital, mais qu'il reste à déterminer jusqu'où préciser le processus dans la loi sans entraver l'ampleur et la liberté de négociation. Mme Marie-Cécile Moreau a souligné que les lois ne peuvent pas, d'un seul coup, faire évoluer les esprits. Le texte proposé est pédagogique : pour ne pas violer les mentalités, on présente un projet qui fixe des objectifs sans fixer de sanction. En prévoyant son propre échec, le projet est dans le même cadre pédagogique : ce que l'on dit, c'est qu'il ne s'agit pas d'obtenir un résultat mais de tendre vers l'objectif à l'horizon 2010. En bref, on transpose des indications émanant de l'Union européenne sans pouvoir véritablement exiger le résultat. D'ailleurs, le propos du Président de la République, affirmant que le projet doit aboutir en cinq ans, a quelque chose d'artificiel et de bien peu vraisemblable. Il s'adresse à la population française comme si elle était infantile pour lui donner à penser que la situation pourrait s'améliorer. M. Michel Miné, revenant sur la négociation salariale, a souligné qu'il n'est pas question d'en détailler le contenu dans la loi mais qu'il serait utile de reprendre dans le texte les canons judicieux et pertinents de la jurisprudence et de dire explicitement que la négociation relative à l'égalité professionnelle doit se faire sur la base d'informations pertinentes fournies par l'entreprise et reposant notamment sur les informations contenues dans le rapport comparé. Si une telle disposition était prévue, la loi du 9 mai 2001 en serait renforcée. De même, il est bon de prévoir que le procès-verbal des négociations consigne les propositions respectives des parties, mais il serait mieux de dire que les entreprises doivent motiver leur position. Mme Anne-Marie Comparini s'est élevée contre l'idée de décrire aussi précisément ce que chacun sait déjà. M. Michel Miné a répondu que la réalité de la négociation montre qu'en de certains cas, la précision a du bon. Il s'est ensuite dit surpris de l'importance prise, dans le débat, par les sanctions : puisqu'elles sont déjà prévues, tant au civil qu'au pénal, pourquoi en rajouter ? Là où le mécanisme pèche, c'est que l'on sanctionne le refus d'ouverture des négociations mais que certaines entreprises savent ouvrir formellement des négociations et ne pas négocier loyalement... Mme Catherine Génisson a jugé la remarque parfaitement fondée, mais s'est interrogée sur les moyens d'aller plus loin. M. Michel Miné a suggéré de s'inspirer du texte sur la négociation collective relative au travail de nuit qui prévoit que la négociation doit être « sérieuse et loyale », pour permettre une négociation en connaissance de cause. Pourquoi ne pas reprendre les arrêts pertinents de la jurisprudence de la Cour de cassation à ce sujet ? Ainsi mettrait-on un terme aux difficultés que rencontrent les organisations syndicales dans des entreprises où les employeurs ne veulent pas négocier, ou qui consentent à des négociations purement formelles. Mme Marie-Cécile Moreau a rappelé que l'article L. 132-27 du code du travail prévoit que l'employeur est tenu d'engager des négociations, et que l'article 5 de la « loi Génisson » dispose que celui qui se soustrait à cette obligation est passible de pénalités fixées par l'article L. 481-2 du code du travail (emprisonnement plus amende). Mme Catherine Génisson a observé qu'il s'agit du délit d'entrave. Mme Marie-Cécile Moreau a fait valoir que la chose n'est pas si certaine. En effet, les pénalités en question ne sont pas édictées par le code pénal, mais fixées par le code du travail. On se transportera certes devant le juge pénal, mais il ne s'agit pas du délit d'entrave tel qu'édicté par le code pénal, et qui est principalement caractérisé par les manœuvres frauduleuses qui entourent le délit. C'est d'autre chose qu'il s'agit ici ; en conséquence, parler de « délit d'entrave » en cette circonstance, c'est faire croire à quelque chose de plus grave que ce n'est en réalité. Il faudrait donc en finir avec une terminologie qui emporte un effet pervers : dans la plupart des cas, on s'abstiendra de recourir à une telle sanction car on l'estimera trop grave. D'ailleurs, il aurait été intéressant de savoir si l'incrimination a déjà été utilisée. Mme Cristina Lunghi a dit savoir que certaines organisations syndicales de la BNP-Paribas avaient porté devant le tribunal des délits d'entrave sur le fondement de la « loi Génisson ». Mme Marie-Cécile Moreau s'est dit certaine qu'il n'existe aucune jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation à ce sujet. M. Michel Miné s'est à nouveau étonné que l'on semble se focaliser sur la sanction pénale. L'enjeu est d'imposer l'ouverture de négociations et, à cette fin, de pouvoir saisir le juge civil pour qu'il ordonne à l'entreprise de communiquer les informations pertinentes et d'engager des négociations. Or, cela est possible en l'état actuel du droit, et des accords ont déjà été signés sous la contrainte judiciaire. Bref, là encore, les outils efficaces existent. Mme Cristina Lunghi a observé qu'il restait à en informer les salariés. M. Michel Miné a souligné que l'important serait d'obliger à davantage qu'à la simple ouverture des négociations. La formulation retenue dans le projet apparaît d'ailleurs en retrait par rapport à la législation en vigueur. Mme Hélène Mignon s'est inquiétée de cette précision, car c'est évidemment sur le nouveau texte que les entreprises s'appuieront. Mme Marie-Cécile Moreau a constaté, une nouvelle fois, que le projet ne recherche pas un résultat : son objectif est de faire évoluer les esprits. Mme Maryline Lecocq a observé que la sanction lui paraît incontournable pour une application concrète de la loi. Mme Hélène Mignon a déclaré partager ce point de vue, ajoutant que le rôle des parlementaires n'est pas de faire évoluer les mentalités. Mme Catherine Génisson a observé que, de surcroît, le projet constitue un coup d'arrêt à la négociation sociale. Mme Cristina Lunghi a exprimé le même sentiment. Alors que la négociation se met en place, c'est un encadrement méthodologique qui serait nécessaire, comme celui proposé avec le « label égalité ». Si ce à quoi l'on tend, c'est faire évoluer les mentalités, ce n'est pas en adoptant un texte, qui pourrait se révéler être une régression, que l'on y parviendra. Ce projet est contre-productif. M. Michel Miné s'est référé à l'article 10 qui ouvre le bénéfice de l'aménagement de la charge de la preuve aux salariées discriminées en raison de leur état de grossesse, soulignant que cette disposition apparemment favorable risque d'être en réalité, elle aussi, contre-productive si l'on en fait une lecture a contrario. De plus, il existe d'autres dispositions plus favorables pour les femmes enceintes, notamment pour la procédure d'embauche - où se joue l'essentiel des discriminations. Il paraît inconcevable d'instituer deux démarches différentes pour les femmes enceintes. Quelle complexité ! En somme, non seulement le projet n'apporte rien de neuf, mais il risquerait d'être nocif par certains de ses aspects. Si l'on souhaite véritablement faire évoluer les mentalités, pourquoi ne pas mener dès maintenant à son terme la transposition de la directive du 23 septembre 2002, ce qui doit d'ailleurs être fait avant le 5 octobre 2005 ? Il n'est pas indifférent de constater que les dispositions dont la transposition n'est pas prévue sont celles relatives au harcèlement sexiste et sexuel : tous les sociologues s'accordent pour dire que ce n'est pas dans les entreprises où règne un climat sexiste que les femmes seront portées à demander une promotion... Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a évoqué la difficulté de définir le terme « sexiste ». M. Michel Miné a répondu que la transposition est possible sans avoir à définir le terme et sans, donc, heurter les susceptibilités nationales. Il a ensuite souligné que l'article 12 du projet, qui assure aux salariées en congé de maternité un droit effectif à l'indemnité de congés payés, est en retrait par rapport à la jurisprudence communautaire, qui prévoit l'obligation de cumul des périodes de congés de maternité et de congés payés (arrêt CJCE du 18 mars 2004). Et pourquoi un texte par lequel on dit vouloir corriger l'insuffisante prise en compte des congés maternité ne propose-t-il pas de modifier également le code du travail dans ses dispositions relatives aux contrats à durée déterminée ? Il est décidément très surprenant d'oublier ainsi les acquis communautaires. Mme Catherine Génisson a déclaré n'être pas certaine qu'il s'agisse d'oublis. Elle a souhaité connaître l'opinion de ses interlocuteurs tant sur la discrimination indirecte que sur la situation des femmes dans les fonctions publiques. Elle a encore cherché à savoir comment on pourrait, par des propositions précises, rechercher la parité dans les lieux de négociation. Elle s'est déclarée en désaccord avec le projet dans ses dispositions relatives à la formation, soulignant que c'est l'égalité d'accès qu'il convient de garantir. Enfin, si volonté politique il y a, elle doit s'exprimer à la fois par un message fort - celui qui manque dans le projet - et par des moyens ; or le réseau des déléguées régionales s'est considérablement amoindri alors qu'elles conduisent une action déterminante. Mme Marie-Cécile Moreau a souhaité connaître la position des organisations syndicales sur la discrimination positive rendue possible par l'article 141 du Traité d'Amsterdam, disposition reprise dans le traité constitutionnel. Mme Marie-Josèphe Charon s'est dite profondément troublée que plusieurs articles du projet soient en retrait par rapport à la législation européenne. La moindre des choses serait d'exiger une mise à niveau. Mme Catherine Génisson a souligné que le droit communautaire a toujours été une force de proposition pour ce qui est des droits des femmes. Revenant sur la parité dans les lieux de négociation, elle a rappelé que les organisations syndicales avaient exprimé des avis divergents en 2001. Mme Marie-Josèphe Charon en a convenu, ajoutant que la CFDT, constatant l'absence de progrès, est désormais favorable à ce que l'on aille plus loin. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a précisé qu'elle souhaitait que des progrès soient accomplis sur ce point. Mme Catherine Génisson a fait valoir que les progrès ne seront possibles que si une telle disposition emporte l'adhésion des syndicats. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé qu'il faut lancer le processus, comme il a été lancé dans le monde politique. Mme Catherine Génisson a souligné que si le monde politique est uniforme, il n'en va pas de même dans le monde du travail : il serait objectivement impossible d'appliquer la loi dans des secteurs entiers, qui sont soit entièrement féminisés, soit entièrement masculinisés. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a maintenu que l'occasion était donnée de contribuer à faire évoluer les mentalités, même au sein des organisations syndicales. Mme Christine Guinand a convenu que l'histoire de la CGT ne favorise pas la féminisation de ses instances. Pourtant la commission exécutive confédérale est paritaire. Néanmoins, il est vrai que trop souvent ce sont des hommes autour de la table des négociations. A l'inverse, il est anormal que seules les femmes négocient les sujets qui les concernent car, aussi longtemps que ces sujets seront considérés comme spécifiques, ils ne seront pas tenus pour prioritaires. Il est impératif que la loi s'applique à la fonction publique, qui n'est exempte ni de discriminations directes ni de discriminations indirectes. Quant à l'égalité d'accès à la formation, elle n'existe pas quand la hiérarchie doit donner son accord et qu'il s'agit d'une jeune femme, que l'on soupçonnera toujours de vouloir un enfant puis de vouloir s'y consacrer. Et pour ce qui est de l'accès des salariés à temps partiel à la formation, la situation est catastrophique, car nul ne se préoccupe de rechercher les aménagements d'horaires qui le permettraient. A ce sujet, on constate que le projet ne mentionne aucunement le temps partiel imposé, qui est pourtant la base de toutes les inégalités. Mme Catherine Génisson a dit partager ce point de vue. C'est un autre des aspects contre-productifs et anti-pédagogiques de ce texte, qui nie, par cette omission, la précarisation croissante des femmes. On sait pourtant que sur 3,4 millions de travailleurs pauvres, 80 % sont des femmes, en raison, principalement, du temps partiel subi. Comment prétendre traiter de l'égalité salariale sans évoquer cette question ? Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite convaincue de la nécessité d'une réflexion approfondie sur le travail à temps partiel ; il serait malhonnête d'ignorer son influence sur la précarité. Mme Marie-Cécile Moreau a souligné que la récente loi sur le divorce conduirait à des drames et qu'il restait aussi à mesurer l'impact de certains textes en préparation, dont celui qui porte sur la filiation. Elle a noté que, dans bien des esprits, le salaire de la femme est toujours considéré comme un salaire d'appoint. Mme Christine Guinand a déclaré que la CGT est favorable à la discrimination positive, à condition qu'il s'agisse de dispositions temporaires tendant au rattrapage. Mme Maryline Lecocq a rappelé la volonté de la CFE-CGC de parler de mixité au lieu de parité entre hommes et femmes et d'égalité des chances fondée sur des compétences réelles. Pour ce qui est des femmes dans les entreprises publiques, elles souffrent sans aucun doute de discriminations qu'aggravent le flou et l'opacité des procédures. Des polytechniciennes sont mises à l'index car elles ont choisi de travailler à temps partiel... Mme Gabrielle Simon a souligné que les entreprises recourent de plus en plus au temps partiel imposé pour assurer la flexibilité dont elles ont besoin. L'ampleur du phénomène doit être mesurée, de manière d'autant plus urgente que le nombre des travailleurs pauvres ne cesse de croître, qui sont principalement des travailleurs à temps partiel. Les contrats à temps partiel doivent être encadrés pour empêcher qu'ils ne se traduisent par une rémunération si faible que les salariés concernés ne puissent en vivre. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, rappelant le rapport de la Délégation sur ce thème, adopté en novembre 2004, a déclaré que c'était là l'un de ses objectifs prioritaires, car il est très inquiétant de prévoir que, dans les années à venir, des salariés qui auront cotisé et qui arriveront à l'âge de la retraite n'auront droit qu'au minimum vieillesse. Mme Hélène Mignon a souligné qu'une telle situation est vexatoire. Mme Gabrielle Simon a ajouté qu'elle est aussi explosive. Quelle société entend-on construire en acceptant que les entreprises, refusant toute responsabilité sociétale, se défaussent de leurs charges en matière de retraite sur la collectivité nationale, au détriment de la cohésion sociale et même de l'efficacité économique ? S'agissant de la fonction publique, la situation est d'autant plus complexe que l'on avance masqué. Puisque les recrutements se font par concours, il ne peut, théoriquement, exister de problèmes d'inégalités. Et pourtant, il n'est que de voir qui occupe les postes de direction à la Banque de France pour se rendre compte que, alors que le vivier des adjointes de direction est très important, les femmes ne progressent pas vers les postes les plus importants. La discrimination indirecte est très forte, et elle est favorisée par le non-dit, le détournement des procédures et l'opacité généralisée. Pour ce qui est de la discrimination positive, il n'est pas glorieux d'y être contraint. Mais puisqu'il n'est pas de progrès possible sans y venir, alors, oui, à condition que les dispositions soient temporaires. En matière de formation, il faut aboutir à l'égalité d'accès, à condition de préserver la liberté de choix et, donc, de respecter le désir des femmes, qu'il soit d'élever leurs enfants ou, à un autre moment de leur vie, de s'investir dans leur carrière. Mme Marie-Cécile Moreau a rappelé que le Conseil constitutionnel a précisé que la parité est édictée en matière de représentativité dans les instances élues politiques, et dans celles-là seulement ; elle n'est donc pas possible en matière professionnelle. S'agissant de la discrimination positive, il est intéressant de constater que deux des organisations syndicales présentes s'y déclarent favorables, à la condition qu'elles soient temporaires, car c'est également ce que décide la convention de New-York relative à l'élimination des discriminations à l'encontre des femmes (convention CEDAW). En revanche, l'article 141 du Traité d'Amsterdam dit permettre, voire promouvoir, des mesures « en faveur du sexe sous-représenté », formulation qui traduit une recherche d'équilibre, sans limitation dans le temps. M. Michel Miné a dit préférer parler d' « action positive » plutôt que de « discrimination positive ». Le débat est clos sur le principe ; il doit à présent avoir lieu sur ses modalités d'application. Il a souligné la nécessité de s'appuyer sur la jurisprudence communautaire la plus récente pour instaurer un dispositif tel que les salariés à temps partiel puissent bénéficier d'une majoration de 25 % dès la première heure complémentaire travaillée (arrêt CJCE du 27 mai 2004). Mme Christine Fauré dans le cadre d'un débat sur la possibilité d'étendre la parité à d'autres secteurs de la vie sociale que la politique, a souligné que pour faire évoluer les mœurs il faut utiliser de nouveaux concepts et donc de nouveaux mots et, surtout, cesser de ronronner. Si l'on ne s'y décide pas, combien d'années faudra-t-il pour faire évoluer le si pesant droit français ? Il existe en France une forme de conservatisme juridique qui ne dit pas son nom et qui entrave toute innovation. Il faudra bien, pourtant, faire progresser une situation telle que la France est le seul pays membre de l'Union européenne dans lequel les femmes ne sont nulle part ! Il paraît ainsi invraisemblable que l'on ne puisse transposer intégralement une directive au motif que l'on n'est pas d'accord sur la définition d'un mot. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié l'ensemble des participants. Audition de M. Dominique Tellier, directeur des relations sociales du MEDEF, de Mme Catherine Martin, directrice de l'emploi du MEDEF et de Mme Martine Clément, PDG de la Société de galvanoplastie industrielle (SGI) Réunion du mardi 5 avril 2005 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que la Délégation avait déjà rencontré les mêmes représentants du MEDEF, deux ans auparavant, pour établir un premier bilan de la loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle. Depuis cette date, le MEDEF et les syndicats ont signé un accord national interprofessionnel le 1er mars 2004. Aujourd'hui, comment le MEDEF réagit-il à l'annonce par le Président de la République d'une nouvelle loi de rattrapage salarial en cinq ans ? Celle-ci fera-t-elle avancer l'égalité professionnelle ? La nouvelle obligation de négociation dans les branches et les entreprises s'inscrit-elle dans le prolongement de la loi du 9 mai 2001 ? Posera-t-elle aux entreprises des difficultés d'application ? La CGPME, déjà auditionnée, a pour sa part émis quelques réticences. Mme Martine Clément a souligné que l'accord sur l'égalité professionnelle avait été signé par l'ensemble des syndicats avec enthousiasme, chacun étant conscient que l'arsenal législatif existe et qu'il s'agit maintenant surtout de faire évoluer les mentalités. Pour le moment, ce sont plutôt les entreprises que les branches qui se sont emparées de cet accord, en dépit des initiatives du MEDEF et de celles de Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, qui a organisé un « tour de France de l'égalité professionnelle ». Le principal obstacle que rencontrent les femmes est la difficulté à suivre des orientations qui leur permettent ensuite d'occuper des postes intéressants et importants. À cet égard, les moments clés sont ceux de l'embauche et de la promotion. Les négociations doivent toujours être inspirées par le réalisme et le pragmatisme : par exemple, si, dans une organisation donnée, la différence de salaires entre les femmes et les hommes est supérieure à 5 ou 6 % - taux qui semble correspondre à l'écart inexplicable -, il convient de s'attacher, en trois ou quatre ans, à la réduire pour la ramener à un niveau plus proche de la normale. Pour que les partenaires sociaux soient en mesure de pousser les négociations plus avant, ils doivent partir d'une analyse des faits partagée. En l'espèce, le Gouvernement les a laissés négocier, comme ils le revendiquaient. Le projet de loi débute par des articles très précis, très détaillés, mais il accorde une large place à la négociation, et c'est ce qui en fait un bon texte. De plus, le fait que le Président de la République ait braqué le projecteur sur le sujet tendra à faire bouger les choses. Ainsi, la rédaction adoptée permettra le déploiement de la concertation imaginée dans l'accord, mais il est tout aussi positif que l'objectif affiché soit clairement d'aboutir à des résultats. L'article 1er pose néanmoins problème en ce qui concerne ses dispositions sur les augmentations individuelles - en fonction du mérite, de l'activité, de la réussite du salarié, bref, de sa contribution à la valeur ajoutée de l'entreprise - à la suite d'un congé de maternité. Un système fondé sur l'automaticité créerait des distorsions dans les entreprises. Il serait préférable de prendre en considération l'itinéraire de la personne, ses références, c'est-à-dire les augmentations individuelles dont elle a bénéficié au cours des trois années précédentes. Mais ce point de divergence, qui est le plus marqué, n'est pas pour autant insurmontable ; il doit être possible de trouver une solution par voie d'amendement. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a insisté sur la nécessité de sauvegarder la confidentialité et s'est donc étonnée que le projet de loi prévoit de telles augmentations individuelles. M. Dominique Tellier a assuré que le MEDEF acceptait que soit compensé un éventuel écart de rémunération consécutif à un congé de maternité, mais que les responsables du cabinet de Mme Nicole Ameline et de la direction des relations du travail n'étaient pas habitués à la notion de rémunération individualisée et n'avaient pas perçu que la mesure prévue était doublement inapplicable, compte tenu de la nécessité de garantir la confidentialité, mais aussi parce que, dans une petite entreprise lorsque le nombre de salariés de la catégorie concernée est très limité, la moyenne de la catégorie n'est pas significative ; il est impossible d'augmenter davantage celle qui n'a pas travaillé dans l'entreprise au cours de l'année, sous peine de susciter un mécontentement compréhensible. C'est pourquoi le MEDEF souhaiterait que soit retenue, pour le calcul de l'augmentation accordée pendant le congé, la moyenne de celles des années précédentes, ce qui ne pénaliserait nullement les femmes concernées et empêcherait ce genre de situation. M. Dominique Tellier a expliqué que le projet de loi donnera la priorité à la négociation collective, que les entreprises et les branches chercheront à mettre au point des dispositifs plus applicables, et que l'article 1er ne s'appliquera que de façon résiduelle, ou plutôt subsidiaire, dans les entreprises où aucun accord n'aura été trouvé, c'est-à-dire surtout parmi les plus petites d'entre elles. Mme Martine Clément a ajouté qu'il serait préférable d'adopter un texte susceptible d'être accepté par les entreprises et d'entraîner leur adhésion. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'étant inquiétée du fait que la discussion achoppait dès l'article 1er, M. Dominique Tellier a répété l'accord de principe du MEDEF, ses réserves portant uniquement sur les difficultés de mise en œuvre du dispositif. Mme Martine Clément a estimé que le plus important était de faire en sorte que la maternité ne soit pas un handicap pour la femme. Dans la vie courante, chacun cherche à se différencier - à commencer par les délégués syndicaux. Les augmentations individuelles, lorsqu'elles sont acquises, constituent par conséquent un élément de reconnaissance très important, et faire bénéficier une salariée de celles obtenues par ses collègues aurait quelque chose d'injuste, ou en tout cas d'inattendu. Par ailleurs, en réponse à Mme Bérangère Poletti qui objectait qu'une femme pouvait prendre un congé de maternité sans avoir nécessairement une grande ancienneté dans l'entreprise, Mme Martine Clément a observé qu'une personne travaillant dans une entreprise depuis peu est souvent en phase ascendante et qu'elle bénéficie souvent d'un coup de pouce salarial. Au demeurant, les entreprises sont tellement à l'affût d'employés compétents qu'elles ne manquent pas de « couver » ceux qui font l'affaire. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé si le MEDEF avait déjà rédigé un amendement sur ce point et s'il s'attendait à ce que celui-ci soit repris par le Gouvernement. M. Dominique Tellier a répondu que le MEDEF avait beaucoup échangé à ce sujet avec le cabinet de Mme la ministre, et que celui-ci semblait avoir compris l'utilité d'une mesure plus applicable dans les entreprises, mais qu'il ignorait si elle ferait l'objet d'un amendement gouvernemental ou d'un amendement parlementaire accepté par le Gouvernement. Mme Martine Clément a jugé que, outre ce point de divergence fondamental, il fallait aussi raison garder en matière de sanctions, compte tenu de l'impopularité de ce système parmi les chefs d'entreprise. Avant d'en arriver là, tout doit être fait pour promouvoir en cinq ans l'évolution des chefs d'entreprise et les amener à croire à la nécessité de faire une place plus importante aux femmes pour s'enrichir de leur vision un peu différente et donc complémentaire. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a considéré que les sanctions prévues par le projet de loi étaient minimes et que les sanctions pénales existantes n'étaient guère appliquées. M. Dominique Tellier a cité les deux types de sanctions prévues : la sanction pénale pour absence de négociation et la sanction que constitue l'absence d'entrée en application ou d'extension de l'accord. Un chef d'entreprise ne prendra pas le risque d'omettre d'aborder la question du rattrapage salarial, et de voir remis en cause un accord salarial obtenu au terme d'une négociation difficile ; ce serait une sanction terrible, qui mettrait l'entreprise dans une situation très compliquée. De même, au niveau de la branche, les négociateurs n'ont aucun intérêt à négliger le sujet, sous peine d'une impossibilité d'étendre cet accord. Il aurait été paradoxal d'appliquer une amende : ce serait la première fois que le droit français sanctionnerait le défaut de conclusion d'accord. La période actuelle étant très favorable à l'évolution vers l'égalité entre les hommes et les femmes, il serait surprenant que les pouvoirs publics doivent en venir à cette extrémité dans trois ans. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que toutes les lois adoptées depuis 1972 auraient déjà dû faire entrer l'égalité salariale dans la normalité. M. Dominique Tellier a indiqué que plusieurs facteurs étaient favorables à une évolution positive : l'évolution démographique ; l'appropriation par les partenaires sociaux de l'arsenal législatif, incluant la « loi Génisson » ; l'inscription du nouveau projet de loi dans cette même logique, puisqu'il ne rompt pas l'équilibre existant et fait confiance aux acteurs en se fondant sur la négociation collective. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est enquise des motifs de l'échec de la loi du 9 mai 2001. M. Dominique Tellier a répondu que les acteurs ne s'en étaient pas emparés. Or, un compromis accepté par les acteurs est toujours préférable à une loi imposée, quelle que soit sa qualité. S'ils ont le sentiment que la loi ne répond pas directement à leurs préoccupations, ils l'appliqueront, mais très formellement, sans s'intéresser au fond. Le projet de loi, au contraire, articule le corpus législatif antérieur et reprend même la méthode de la « loi Génisson », que les acteurs se sont désormais appropriée : accord sur l'analyse et mise en œuvre des correctifs. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est réjouie de l'évolution du MEDEF, qui, deux ans auparavant, avait manifesté son opposition à la « loi Génisson ». Mme Martine Clément a précisé que le texte en préparation reprenait la méthode de la « loi Génisson » mais que les partenaires sociaux auraient la possibilité de l'appliquer en fonction de la réalité de terrain. Mme Catherine Martin a confirmé que la longue négociation préalable à l'accord du 1er mars 2004 avait permis aux partenaires sociaux d'avancer ensemble alors qu'ils n'avaient jamais adhéré à la « loi Génisson ». La méthode de négociation a été originale : des groupes de travail produisaient des propositions écrites n'engageant pas les délégations, documents qui ont fini par déboucher sur l'accord, signé par les cinq organisations syndicales, y compris la CGT, extrêmement présente et positive. La question des stéréotypes, en particulier, a pu être débattue, les organisations syndicales prenant conscience des problèmes à régler en leur sein même. L'accord était accompagné d'une lettre paritaire demandant à Mme la ministre de prendre des dispositions dont certaines apparaissent dans le projet de loi, notamment en ce qui concerne la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, ou la formation professionnelle. Aboutir à une prise de conscience est toujours long, mais le président Ernest-Antoine Seillière, pour sa part, est tout à fait conscient de la nécessité de faire avancer les choses. À cet égard, hormis le caractère non applicable d'une partie de l'article 1er, le projet de loi ne pose aucun problème au MEDEF, qui demandait même nombre des mesures prévues. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité que l'article 1er soit amendé car, en l'état, il irait à l'encontre de la confidentialité. Puis elle s'est demandé comment les employeurs allaient remplir l'obligation de respecter la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, et si de réelles avancées étaient possibles dans ce domaine. Mme Martine Clément a relevé que M. Christian Jacob, quand il était ministre délégué à la famille, avait fait voter un crédit d'impôt, malheureusement rendu trop complexe par Bercy, et que les crèches interentreprises étaient de plus en plus nombreuses, mais a regretté que les assistantes maternelles soient en butte à des tracasseries administratives, alors que bien des parents ne savent pas comment faire garder leurs enfants. Le champ du crédit d'impôt doit être élargi, en particulier dans les entreprises organisées selon des horaires flottants. La grande distribution est très avancée en la matière : la garde des enfants sur place est très courante et des logiciels de gestion du personnel très bien étudiés ont été développés. Des mesures pratiques de cet ordre permettent d'obtenir des résultats. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite émerveillée que les mentalités aient autant évolué en deux ans et a espéré voir le problème de l'égalité salariale résolu d'ici cinq ans. Mme Catherine Martin a noté qu'en deux ans les partenaires sociaux avaient beaucoup réfléchi et travaillé. M. Dominique Tellier a indiqué que « la loi Génisson » et les précédentes, à tort ou à raison, avaient été perçues par les employeurs comme des contraintes, alors que, cette fois-ci, ils abordaient le problème différemment et comprenaient que tout le monde, les femmes comme les entreprises, avait à y gagner. Mme Bérengère Poletti a évoqué le traumatisme subi par les entreprises avec la loi sur les 35 heures et estimé qu'il avait empêché toute ouverture ; il aurait fallu traiter le problème de l'égalité salariale avant celui de la réduction du temps de travail. Mme Martine Clément s'étant félicitée de la qualité du travail accompli par les entreprises sur le terrain, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, en a déduit que les entreprises répondraient sans aucune difficulté à l'obligation de rédiger des rapports de situations comparées entre les hommes et les femmes. M. Dominique Tellier a rétorqué que les entreprises étaient légalistes mais appliqueraient avec infiniment plus d'entrain les analyses comparatives prévues dans l'accord que celles imposées par la loi, les cases à remplir n'étant pas pertinentes pour toutes les entreprises : la généralité devient une contrainte ; plus la réglementation entre dans le détail au lieu de se limiter aux têtes de chapitres, plus elle représente une charge pour les entreprises, particulièrement les PME, qui se ressemblent de moins en moins. Mme Martine Clément s'est félicitée que des mesures d'organisation tendant à faciliter l'activité des femmes - telles les conciergeries - soient désormais appliquées en France, selon l'exemple des pays scandinaves. Ce système vertueux est favorable aux salariées mais aussi aux entreprises - quand elles recrutent, elles reçoivent dix candidatures pour une place -, et certaines d'entre elles ont commencé à le comprendre. Progressivement, accorder une vraie place aux femmes permet de se doter de collaboratrices de qualité, d'autant plus consciencieuses qu'elles doivent en faire un peu plus que les hommes. Mais il reste beaucoup à accomplir, notamment en matière de promotion. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a cependant souligné que, depuis dix ans, le temps consacré par les hommes aux tâches ménagères n'a guère évolué : les mentalités, en France, posent encore problème et le comportement des générations de vingt-cinq à quarante ans ne l'incite guère à l'optimisme. Mme Martine Clément a observé que les enfants, c'est-à-dire les futurs hommes et femmes, étaient surtout élevés par les femmes. M. Dominique Tellier a au contraire estimé que les attitudes de l'homme et de la femme vis-à-vis des tâches extraprofessionnelles s'étaient profondément transformées en France, alors qu'en Allemagne les femmes ne travaillent guère hors du foyer. Mme Bérengère Poletti a déploré que les crèches d'entreprise soient présentées comme des équipements destinés à aider les femmes et non pas les parents ou les familles. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a annoncé qu'elle ferait un bilan avant la fin de la législature, et qu'elle ne manquerait pas de commenter l'application de la loi, quitte à réclamer des mesures plus contraignantes si l'égalité n'est toujours pas atteinte, l'absence de sanctions constituant l'une des inquiétudes suscitées par le texte en gestation. Mme Martine Clément a affirmé que, contrairement aux apparences, en trente ans la situation s'était largement améliorée, puisqu'il avait fallu alléger les conventions collectives de dispositions extrêmement défavorables, et que le déficit actuel de main-d'œuvre constituait une chance magnifique pour les femmes. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, ayant qualifié l'argument de dérangeant, M. Dominique Tellier a rétorqué qu'il fallait se saisir de cette chance. Mme Martine Clément a déclaré que les mentalités auront vraiment évolué lorsque les femmes seront bouchères ou boulangères au lieu de tenir la caisse de la boutique de leur mari. Mme Bérengère Poletti a témoigné des difficultés que pose l'arrivée des hommes dans le métier de sage-femme, surtout pour les suites de couches, la femme qui vient d'accoucher n'étant pas culturellement prête à se faire soigner par un homme. Mme Martine Clément a indiqué qu'un autre aspect de l'accord signé par les partenaires sociaux concernait la mixité des métiers, à laquelle les syndicats tiennent beaucoup. Mme Bérengère Poletti a ajouté que la plupart des syndicalistes, y compris les femmes, ne voulaient pas entendre parler d'une évolution contrainte de la représentation féminine dans leurs structures, alors qu'un regard féminin, au moins proportionnel à la place des femmes dans l'entreprise, les aiderait grandement dans les négociations. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié l'ensemble des participants. ------------ N° 2243 - Rapport d'information au nom de la délégation aux droits des femmes sur le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes (Mme Marie-Jo Zimmermann) |