N° 2407 - Rapport d'information sur la valorisation du patrimoine autoroutier (M. Hervé Mariton)




graphique

N° 2407

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 juin 2005.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

sur

la valorisation du patrimoine autoroutier

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Hervé MARITON,

Député.

--

INTRODUCTION : LES AUTOROUTES POUR L'EMPLOI 5

I.- LA VALORISATION INSUFFISANTE DU PATRIMOINE AUTOROUTIER FRANÇAIS S'EXPLIQUE PAR L'INADAPTATION D'UN MODÈLE ÉCONOMIQUE DÉSÉQUILIBRÉ 11

1.- L'état des lieux : des acteurs nationaux caractérisés par une certaine forme d'éclatement 11

a) Des sociétés organisées autour d'une logique régionale et marquées par une évolution rapide de leur cadre juridique 11

b) Une situation financière contrastée pour les SEMCA 15

c) Des outils de gouvernance et de financement de l'État en pleine mutation 18

d) Un carcan de règles administratives 23

e) Les principaux projets de montage financier font apparaître une moindre compétitivité des SEMCA face aux acteurs privés 28

2.- L'analyse : les efforts de valorisation du patrimoine autoroutier font apparaître deux tendances contrastées et potentiellement contradictoires 30

a) Qu'est-ce que le « patrimoine » autoroutier ? 30

b) La dissociation des composantes de ce patrimoine, depuis la fin de l'adossement et la réforme de 2001 32

c) Le risque d'un conflit d'intérêt insoutenable à moyen terme et d'une divergence radicale entre les diverses stratégies 34

II.- LE PAYSAGE EUROPÉEN EST RICHE EN ENSEIGNEMENTS ET EN PISTES D'ÉVOLUTIONS POUR LE SYSTÈME FRANÇAIS 39

1.- L'analyse de la situation en Europe met en valeur le caractère très concurrentiel du secteur et l'obsolescence du modèle de développement des SEMCA françaises 39

a) Le paysage européen : des sociétés totalement privées 39

b) Des solutions innovantes de financement des projets 41

2.- Le modèle espagnol est riche en leçons pour l'avenir du système autoroutier français 45

a) Le développement des sociétés concessionnaires d'autoroutes espagnoles 46

b) Le nouveau modèle de concession espagnol 49

c) Le financement des infrastructures de transport en Espagne 53

III.- LA POURSUITE DE L'OUVERTURE DU CAPITAL DES SEMCA VA DE PAIR AVEC LA DIVERSIFICATION DE LEURS ACTIVITÉS 55

1.- Le succès des opérations ASF, APRR et SANEF 55

a) Le bilan positif de l'ouverture du capital des ASF 55

b) Le succès de l'opération APRR 56

c) La poursuite de ce mouvement avec SANEF 57

2.- Des effets positifs sur la gestion opérationnelle des sociétés d'autoroutes 58

3.- De nécessaires mutations stratégiques 61

a) Dans le développement du cœur de métier 61

b) Au travers d'une diversification des activités 64

4.- L'approche financière plaide pour une diversification des activités des SEMCA 71

a) La structure de la dette des SEMCA et la question de son refinancement 71

b) La diversification des activités a un impact plutôt favorable sur l'évolution de la capacité distributive 76

c) Les principaux éléments d'analyse 84

CONCLUSION : POUR UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE DES SOCIÉTÉS D'AUTOROUTES 87

1.- Pour une mise sur le marché plus importante des SEMCA 87

2.- Pour une structure plus diverse de l'actionnariat des sociétés d'autoroutes 88

3.- Pour une diversification plus ambitieuse de l'activité afin de faire émerger des champions nationaux de dimension internationale 89

4.- Pour une meilleure valorisation de l'épaisseur industrielle des sociétés d'autoroutes qui suppose une redéfinition des contraintes réglementaires 89

5.- Pour une optimisation sur le long terme de la capacité distributive au profit de l'État 90

6.- Pour une clarification du rôle de l'État-actionnaire 91

7.- Pour une modernisation des moyens d'intervention de l'État-régulateur 92

8.- Pour une explicitation des choix d'aménagement du territoire 92

9.- Pour un développement des contrats de partenariats 93

COMPTE-RENDU DES DÉBATS EN COMMISSION 97

ANNEXE : COMMUNICATION DU 17 DÉCEMBRE 2003 105

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 113

CARTES DES RÉSEAUX AUTOROUTIERS ESPAGNOL ET FRANÇAIS 117

INTRODUCTION : LES AUTOROUTES POUR L'EMPLOI

La privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes est une bonne décision. Elle aide - oblige - à clarifier le rôle de l'État, le prémunissant de la confusion des rôles entre régulateur et détenteur de patrimoine. Elle permet de mobiliser davantage de moyens, et plus vite, pour la menée à bien d'un ambitieux programme multimodal d'infrastructures et c'est alors un choix favorable à l'aménagement du territoire. Enfin, la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes permettra de développer le projet industriel de ces entreprises, par diversification des activités en France, par développement sur les marchés étrangers.

La privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes apparaît alors comme une initiative porteuse de croissance et génératrice d'emplois.

Encore faut-il que la valorisation du patrimoine autoroutier se fasse dans de bonnes conditions.

Notre note du 17 décembre 2003 (1) - « Valorisation du patrimoine autoroutier et financement des grands projets d'infrastructures de transport » - établissait l'intérêt patrimonial à vendre plutôt qu'à recevoir une chronique de dividendes. La situation actuelle des taux d'intérêt justifie encore davantage ce choix.

Mais, la responsabilité de l'État sera alors soulignée pour deux enjeux :

la réalisation et même l'accélération du programme d'infrastructures dont la France a besoin : une part majeure du produit des privatisations doit y être affectée. La pérennité du financement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) doit être assurée ;

- le cahier des charges des concessions autoroutières devra être d'autant exigeant, l'évolution de la structure organique des entreprises n'étant pas contraire au progrès du service public. Les exemples récents d'ouverture de capital ont démontré qu'il y avait, en effet, opportunité à meilleur cahier des charges. Le nouveau rendez-vous est essentiel.

Ainsi, l'État reste propriétaire de l'infrastructure, régulateur du service public autoroutier, aux entreprises de se développer dans les meilleures conditions, dans leur intérêt, pour le développement de l'économie et de l'emploi.

*

* *

En décidant, à l'occasion de la déclaration de politique générale du Gouvernement, le 8 juin dernier à l'Assemblée nationale, de poursuivre la cession par l'État de ses participations dans les sociétés concessionnaires d'autoroute, le Premier ministre tranche un débat ancien et adopte une position depuis longtemps défendue par votre Rapporteur (2).

En même temps, l'engagement semble pris que les marges de manœuvres budgétaires ainsi dégagées profitent au financement des grands travaux et à celui de l'Agence de financement des infrastructures de transport « afin d'accélérer les contrats de plan État-régions » tout en permettant aux sociétés concessionnaires d'autoroutes « de souscrire aux appels d'offre européens ».

Si l'on peut souhaiter que ce rapport d'information, entrepris avant que cette décision ne soit acquise, permette de convaincre pleinement de la pertinence de ce choix, il est aussi l'occasion de faire le point sur les enjeux de la stratégie autoroutière de l'État. On s'attachera ainsi à démontrer que les présupposés idéologiques, dont est encore exagérément marqué le débat français sur les privatisations, reposent sur des fondements fragiles et des craintes inutiles. Un déplacement en Espagne a d'ailleurs permis à votre Rapporteur de constater le dynamisme et le succès d'un modèle d'organisation sectorielle dans lequel les sociétés d'autoroutes sont des acteurs totalement privés.

Laisser le système autoroutier français se développer, en repensant son modèle commercial et son équilibre économique et financier, ce n'est pas livrer un secteur historiquement protégé par la puissance publique aux aléas de la dérégulation.

C'est - bien au contraire - encourager l'État à redéfinir son rôle de régulateur en clarifiant ses responsabilités d'actionnaire. C'est aussi permettre de moderniser le management de sociétés longtemps considérées comme un prolongement de l'administration, alors qu'elles sont bien plus qu'un simple « tuyau » de financement. C'est enfin faire profiter ces entreprises des considérables leviers de développement que leur offrent les marchés financiers.

*

* *

Car les temps ont changé. Le système de financement des autoroutes mis en place en France par la loi de 1955 (3) a permis d'assurer quasiment sans apport budgétaire direct la constitution d'un réseau autoroutier moderne constitué de sections cohérentes, confiées sur un espace donné à un même gestionnaire, qui a ainsi pu les exploiter dans de bonnes conditions.

Toutefois malgré ces qualités indéniables, le système autoroutier français a dû évoluer pour assurer son adaptation à l'environnement juridique européen et pour mieux s'inscrire dans le contexte économique et politique actuel. À cet effet, la loi du 3 janvier 2001 portant habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnances a permis de prendre les dispositions nécessaires à la modernisation du régime d'exploitation des autoroutes.

Ces dispositions dont l'objet consistait à « banaliser » le statut des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA) ont conduit à prohiber le mécanisme de l'adossement, à faire émerger de nouveaux modes d'attribution de la réalisation de sections autoroutières et à promouvoir les mécanismes d'ouverture du capital des sociétés d'autoroutes.

Pour les SEMCA, comme pour la puissance publique, les bouleversements ainsi induits ont généré des changements significatifs dans les modes d'organisation du secteur autoroutier. Ils ont aussi indirectement contribué à renforcer le rôle de régulateur du système autoroutier de la puissance publique. Tout comme les nouveaux modes de passation des concessions, la constitution de l'AFITF, alimentée jusqu'à présent par les dividendes des sociétés autoroutières, est ainsi devenue l'un des éléments majeurs du dispositif qui se met en place.

*

* *

Toutefois, si les mutations du secteur sont en cours, elles sont encore loin d'être achevées. Elles font en tout cas apparaître une tendance lourde du paysage du système autoroutier, celle d'une double dissociation dans les intérêts des acteurs puisque :

- un patrimoine propre à la puissance publique émerge (se manifestant dans une logique de valorisation du patrimoine public) en se différenciant de celui des acteurs (dans une logique de développement à long terme transitant par des mécanismes de création de valeur) ;

- le comportement des SEMCA, en phase d'ouverture de leur capital, tend à se rapprocher d'un comportement d'entreprise, qui pourrait aller au-delà de celui de « simple » gestionnaire d'un réseau régional au sein duquel ces sociétés étaient auparavant enfermées.

Cette dissociation, conséquence de la « banalisation » recherchée du secteur, interpelle le mode de gouvernance de ces sociétés et les relations entre les trois parties prenantes que sont :

la puissance publique dans son double rôle, d'une part, d'actionnaire, encore majoritaire, des SEMCA et, d'autre part, de porteur de l'intérêt général disposant d'un patrimoine propre et du pouvoir de l'autorité concédante ;

le marché financier en tant qu'apporteur de capitaux attendant un rendement conforme au niveau de risque pris ;

les équipes dirigeantes des SEMCA, dont l'objet premier est d'assurer la pérennité et le développement à long terme des structures qu'elles gèrent.

Dans certaines conditions, la dissociation entre les intérêts respectifs des différentes parties prenantes peut d'ailleurs plaider pour un découplage total, une régulation par le marché des sociétés d'autoroutes pouvant être considérée comme étant le meilleur mode de gouvernance envisageable.

Cette dissociation met surtout en avant pour l'État la question de la cohérence entre deux logiques, celle de la valorisation financière de son patrimoine et celle de la conduite d'une politique ambitieuse en matière d'infrastructures de transport.

Les décisions du CIADT de décembre 2003 avaient apporté une forme de réponse à cette question en décidant tout à la fois de lancer un ambitieux programme d'infrastructures nouvelles, de ne pas privatiser les SEMCA - mais d'ouvrir leur capital essentiellement par appel à l'épargne publique pour améliorer à court terme leur capacité à distribuer des dividendes - et de consacrer (via la création de l'AFITF) ces dividendes au financement du programme d'infrastructures nouvelles.

La récente annonce du nouveau Premier ministre sur la poursuite des mises sur le marché de titres détenus dans ce secteur clarifie la position de l'État. Elle n'exonère toutefois pas d'une certaine vigilance sur le long terme, liée tant au caractère irréversible - ou pas - du désengagement capitalistique de l'État qu'à celui de la débudgétisation des financements au sein de l'AFITF.

Les décisions récemment annoncées sont-elles pérennes ? Résolvent-elles définitivement les contradictions potentielles entre les différents rôles de l'État et la nature même d'un secteur ouvert à la concurrence ? Ces contradictions doivent-elles, à terme, être résolues par la cession de la totalité des titres détenus par l'État ? Les sociétés autoroutières ont-elles, de leur côté, pleinement pris la mesure du marché dans lequel elles sont amenées à évoluer ? Telles sont certaines des questions auxquelles ce rapport s'efforcera d'apporter des réponses.

*

* *

Pour éclairer ses travaux, la commission des Finances s'est adjoint l'assistance des services de la Caisse des dépôts et consignations, afin de procéder à une analyse financière des mutations du secteur autoroutier et à une extrapolation des tendances récemment observées en France et à l'étranger.

Votre Rapporteur tient, à cette occasion, à saluer la constance et la qualité des relations entretenues entre la commission des Finances et la direction générale de la Caisse, et à remercier particulièrement l'équipe de la direction des financements décentralisés pour leur disponibilité, leurs conseils et leur expertise.

I.- LA VALORISATION INSUFFISANTE DU PATRIMOINE AUTOROUTIER FRANÇAIS S'EXPLIQUE PAR L'INADAPTATION D'UN MODÈLE ÉCONOMIQUE DÉSÉQUILIBRÉ

1.- L'état des lieux : des acteurs nationaux caractérisés par une certaine forme d'éclatement

a) Des sociétés organisées autour d'une logique régionale et marquées par une évolution rapide de leur cadre juridique

Le système autoroutier français est essentiellement fondé sur le principe de la concession de la construction et de l'exploitation des autoroutes, autorisée par l'article L. 122-4 du code de la voirie routière, qui a repris les dispositions de la loi du 18 avril 1955 (4).

Ainsi, sur 10.383 kilomètres d'autoroutes en service au 31 décembre 2003, 7.840 kilomètres sont exploités sous le régime de la concession, soit 75,5 % du réseau. Une carte de ce réseau est reproduite à la fin du rapport.

En approuvant par décret en Conseil d'État la convention de concession et son cahier des charges annexé, l'État confie à une société concessionnaire le soin de construire certaines autoroutes, de les entretenir et de les exploiter, moyennant la perception d'un péage auprès de leurs usagers (5).

Le nombre et la nature des sociétés ont varié au cours du développement du réseau, mais ont toujours suivi une logique régionale de développement en réseaux. Le système autoroutier concédé français est actuellement constitué de huit sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA) (6), dans lesquelles l'État détient directement ou indirectement une part majoritaire du capital, et de sociétés à capitaux privés (7).

- 1955-1969 : démarrage du système et constitution des premières sociétés d'économie mixte concessionnaires

Sur la base de la loi du 18 avril 1955, l'État a pu concéder la construction et l'exploitation de sections d'autoroutes à des sociétés dans lesquelles les intérêts publics étaient majoritaires.

Cette période a vu la constitution, entre 1956 et 1964, de cinq sociétés d'économie mixte : la Société de l'autoroute Estérel-Côte d'Azur-Alpes (ESCOTA) en 1956, la Société Autoroutes du Sud de la France (ASF, ex-SAVR) en 1957, la Société Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR, ex-SAPL) en 1961, la Société des Autoroutes Paris-Normandie (SAPN) en 1963, ainsi que la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (SANEF) la même année.

La Société du Tunnel routier sous le Mont-Blanc (STMB), dont l'État détient la majorité du capital, a été créée en 1958. Concessionnaire du tunnel du Mont-Blanc depuis 1959, devenue société des Autoroutes et du Tunnel du Mont-Blanc (ATMB), elle a obtenu en 1977 la concession de « l'Autoroute Blanche ».

La Société Française du Tunnel Routier du Fréjus (SFTRF) créée en 1962 est devenue concessionnaire du tunnel du Fréjus en 1974. Elle a obtenu par la suite, en 1993, la concession de l'autoroute A43 dite « autoroute de la Maurienne ». Le capital de la SFTRF est aujourd'hui détenu majoritairement et indirectement par l'État, à hauteur de 84 %.

- 1970-1980 : libéralisation du système autoroutier et constitution de sociétés privées concessionnaires

L'État a décidé en 1970 d'attribuer des concessions à des sociétés à capitaux privés, constituées par des entrepreneurs de travaux publics et des banques.

Ont été ainsi créées, entre 1970 et 1973, quatre sociétés à capitaux privés : la Compagnie Financière et Industrielle des Autoroutes (COFIROUTE), la Société des Autoroutes Rhône-Alpes (AREA), la Société de l'Autoroute de la Côte Basque (ACOBA) et la Société des Autoroutes Paris-Est-Lorraine (APEL).

Par ailleurs, des responsabilités accrues ont été confiées aux SEMCA, notamment en matière de construction.

- 1981-1993 : restructuration et instauration d'un mécanisme de péréquation

Confronté depuis 1973 à des conditions économiques nettement moins favorables qu'auparavant, le système autoroutier a dû être restructuré par la reprise par le secteur public des sociétés privées déficitaires (APEL, ACOBA et AREA) et par la création d'un mécanisme de péréquation des ressources entre les sociétés d'économie mixte concessionnaires, assuré par un établissement public appelé Autoroutes de France (ADF) créé en 1983.

À la fin 1985, la fusion des sociétés SANEF et APEL sous le sigle SANEF a ramené le nombre total des sociétés à neuf, dont huit SEMCA (y compris ATMB dont le financement n'était pas assuré par la CNA).

En 1987, l'État a décidé de renforcer les sociétés d'économie mixte en leur apportant une dotation en fonds propres. Les avances budgétaires qui avaient été nécessaires au démarrage de la construction du réseau autoroutier ont été parallèlement supprimées.

Le 1er janvier 1991, la société de l'autoroute de la Côte Basque (ACOBA) a été fusionnée avec la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF), sous le sigle ASF. En 1992, ADF est entré à hauteur de 49 % au capital de la SFTRF.

À la fin de cette période, certaines sociétés ont remboursé la totalité des avances qui leur avaient été consenties par l'État, l'évolution des recettes de péage leur ayant permis de dégager des résultats de trésorerie excédentaires.

Cette situation ayant fait apparaître la disparité des situations financières des sociétés, une réforme du système autoroutier s'est alors avérée nécessaire compte tenu de la volonté du gouvernement d'accélérer la réalisation du programme autoroutier français à partir de 1994.

- La réforme de 1994

La décision du gouvernement d'accélérer la réalisation du schéma directeur autoroutier a rendu nécessaire l'adaptation de la structure des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, ainsi que la redéfinition des relations entre l'État et le secteur, selon deux objectifs :

- afin d'assurer la solidité et la solidarité financière des SEMCA, les six plus grandes SEMCA (8), qui disposaient d'un capital social limité (28 millions de francs), ont fait l'objet d'une recapitalisation à l'issue de laquelle elles furent dotées d'un capital de 1,03 milliard de francs, l'État détenant directement 45 % du capital social des sociétés ASF, APRR et SANEF, Autoroutes de France (ADF) 45 %, la Caisse des dépôts 8,5 %, le solde étant détenu par des intérêts locaux (9;

- afin d'instaurer des relations contractuelles entre l'État et les SEMCA,
des contrats de plan, conclus pour une durée de cinq ans entre l'État et les sociétés concessionnaires, formalisèrent les engagements de chacune des parties en matière de travaux et d'investissements, de politique tarifaire, d'objectifs financiers, d'indicateurs de gestion, de politique sociale et d'emploi, de service à l'usager, de qualité architecturale des ouvrages et d'insertion dans l'environnement.

Les premiers contrats de plan ont été conclus pour la période 1995-1999. Des contrats de plan ont été signés pour la période 2002-2006 avec les sociétés ASF et ESCOTA, et de nouveaux contrats de plan sont en cours de finalisation pour la plupart des SEMCA.

- La réforme de 2001

Si le système de financement des autoroutes mis en place en France avec la loi de 1955 a permis d'assurer quasiment sans apport budgétaire la construction d'un réseau autoroutier moderne, la nécessité de s'adapter à l'environnement juridique et de mieux s'inscrire dans le contexte politique et économique actuel ont obligé à évoluer.

C'est pourquoi la réforme engagée en 2000 a eu pour objectif de renforcer la concurrence pour l'attribution des nouvelles concessions autoroutières, de doter le système autoroutier des moyens financiers lui permettant de mener à bien la réalisation du programme de construction et d'assurer une plus grande neutralité des choix entre types d'investissement et entre modes de transport.

Pour atteindre ces objectifs, deux séries de mesures ont été mises en œuvre concernant les procédures d'attribution des concessions d'autoroutes et les conditions de fonctionnement des SEMCA :

- afin de permettre une large concurrence et l'entrée de nouveaux opérateurs, il a été mis fin au système de l'adossement. Ce système, qui consistait à financer partiellement de nouvelles sections d'autoroutes grâce au péage perçu sur les sections en service d'un même concessionnaire, auquel on accordait un prolongement de son contrat, n'est en effet pas formellement compatible avec une concurrence équitable entre candidats pour l'attribution d'une nouvelle concession, car il était susceptible d'avantager les sociétés disposant déjà d'un réseau concédé au détriment de nouveaux opérateurs.

Désormais, les apports publics éventuellement nécessaires à l'équilibre financier des futures concessions d'autoroutes sont effectués sous forme de subventions, et les nouvelles sections, attribuées conformément aux dispositions nationales et communautaires, font l'objet d'un contrat spécifique. Cette façon de procéder permet ainsi de mieux comparer les offres des différents candidats ;

- d'autre part, les conditions de gestion des SEMCA ont été rapprochées de celles des sociétés privées afin de les mettre en mesure de présenter, le cas échéant, des offres comparables pour les nouveaux projets autoroutiers (10).

Ces mesures se sont traduites par l'apparition pour certaines d'entre elles de résultats nets positifs et par le versement, par les SEMCA, de dividendes à leurs actionnaires dont, au premier chef, à l'État.

Compte tenu des implications de la réforme, les autorités françaises avaient décidé de mener une concertation avec les services de la Commission européenne sur les modalités de cette réforme, et en particulier sur le principe de l'allongement de la durée des concessions des autres SEMCA.

Dans un avis du 24 octobre 2000, la Commission a fait savoir qu'elle décidait de ne pas soulever d'objection à la réforme du régime d'exploitation des concessions autoroutières envisagée par le gouvernement français.

Le régime juridique et financier des SEMCA ayant été adapté au droit commun des sociétés, l'ouverture du capital des SEMCA était désormais possible, comme en ont attesté les opérations successives sur les sociétés ASF, APRR et SANEF (11).

b) Une situation financière contrastée pour les SEMCA

La situation financière des sociétés concessionnaires d'autoroutes est globalement saine mais reste très contrastée. Le chiffre d'affaires global atteint 5,83 milliards d'euros en 2003 contre 4,77 milliards d'euros en 1999. En ce qui concerne les huit SEMCA, le résultat net cumulé (hors retraitements de consolidation) était de 318 millions d'euros en 2002. Il est de 560 millions d'euros en 2003 pour un chiffre d'affaires de 4.936 millions d'euros, soit une marge nette de 11,3 %.

La marge opérationnelle est d'environ 42 %. Au cours des prochains exercices, la rentabilité des sociétés devrait encore progresser, renforçant mécaniquement les fonds propres et améliorant la structure financière du secteur autoroutier. En comparaison, la marge nette de COFIROUTE s'est constamment appréciée depuis dix ans et sa structure financière est saine : son bénéfice net a augmenté de 2,1 % en 2003, le chiffre d'affaires étant de 829 millions d'euros (en hausse de 3,6 %).

Les dettes inscrites au bilan (12) représentent 22,532 milliards d'euros pour les huit SEMCA et 2,518 milliard d'euros pour COFIROUTE (13) en 2003. L'endettement actuel des sociétés d'autoroutes est appelé à se stabiliser dans les prochaines années en raison de l'achèvement des programmes d'investissement qui figurent dans leurs contrats de concession. Il doit progresser jusqu'en 2002 pour diminuer ensuite régulièrement jusqu'à son extinction autour de 2018.

Du reste, différents dispositifs ont été mis en place afin de renforcer la structure financière des sociétés d'autoroute et limiter les pertes des sociétés déficitaires, principalement en réunissant les SEMCA dans des logiques de groupe (14).

- Le groupe Autoroutes du Sud de la France (ASF) réunit ainsi deux SEMCA : ASF et sa filiale ESCOTA. Il représente le concessionnaire le plus important du système autoroutier français. Son réseau est le plus étendu de France avec 3.124 kilomètres d'autoroutes (dont 190 kilomètres en construction). Le résultat net de l'ensemble consolidé était de 325 millions d'euros en 2003 (contre 218 millions d'euros en 2002) et le ratio dettes financières nettes sur fonds propres est passé de 442 % en 2001 à 242 % en 2003. Le chiffre d'affaires du groupe s'établit à 2,24 milliards d'euros en 2003.

L'État détient 50,3 % du capital. Très récemment, ASF, VINCI et l'État français ont conclu un protocole d'accord permettant à VINCI de disposer d'un siège au conseil d'administration, à condition que le groupe de BTP ne monte pas à plus de 23 % dans le capital. Cette restriction vaut pour autant que l'État reste au-dessus de 50 % du capital.

ASF et VINCI avaient déjà conclu en juin 2004 un accord de partenariat privilégié, en signant un « protocole cadre de coopération » définissant leurs perspectives d'actions conjointes, et notamment la mise en œuvre de services et produits communs à destination des clients des parcs de stationnement de VINCI Park et des clients des réseaux du groupe ASF.

Cet accord vise également le développement en France d'aires de stationnement pour les poids lourds (afin de répondre à la forte demande de parkings sécurisés de la part des transporteurs routiers) et l'élaboration, au cas par cas, de réponses communes à des appels d'offres à l'étranger, dans le domaine de la concession et de l'exploitation routières.

ASF a obtenu de l'État la concession du contournement de la Roche-sur-Yon. À l'international, ASF possède 34 % de Transjamaïcan Highway (aux côtés de Bouygues 66 %), première autoroute à péage entre Kingston et Sandy Bay.

- Le groupe Autoroutes Paris Rhin Rhône (APRR) réunit également deux SEMCA : la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (82 % du réseau du groupe) et la société des autoroutes Rhône-Alpes (AREA). Ces deux concessions arriveront à maturité en 2032. APRR exploite un réseau de 2.260 kilomètres (55 kilomètres restant à construire) implanté au cœur de l'Europe. Ce réseau a pour première caractéristique de desservir les deux plus grandes métropoles françaises, Paris et Lyon, par l'axe A6.

Le résultat net de l'ensemble consolidé était 102 millions d'euros en 2003 (contre 69 millions d'euros en 2001) et le ratio dettes financières nettes sur fonds propres est passé de 472.939 % en 2001 à 4.714 % en 2003. Le chiffre d'affaires du groupe s'établit à 1,47 milliard d'euros en 2003.

Comme cela sera analysé plus loin dans ce rapport, le principe de l'ouverture du capital d'APRR a été validé lors du CIADT du 18 décembre 2003, et l'État a procédé, fin novembre 2004, à une ouverture du capital (30 %) par augmentation de capital afin de renforcer les fonds propres de la société.

Enfin, le groupe Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (SANEF), en charge de l'exploitation d'un réseau de 1.743 km, est lui aussi constitué de deux SEMCA, la SANEF et sa filiale, la Société des Autoroutes Paris-Normandie (SAPN).

Le résultat net de l'ensemble consolidé était 42 millions d'euros en 2003 (contre 46 millions d'euros en 2001 et 11 millions d'euros en 2002) et le ratio dettes financières nettes sur fonds propres est passé de 2.034 % en 2001 à 1.234 % en 2003. Le chiffre d'affaires du groupe s'établit à 1,02 milliard d'euros en 2003.

À l'instar d'APRR, le groupe SANEF a ouvert son capital par augmentation de capital (de près de 26 %) à la fin du mois de mars 2005.

À l'inverse, la Compagnie financière et industrielle des autoroutes (COFIROUTE) est une société entièrement privée, fondée en 1970 par un groupement d'entreprises de travaux publics et de banques. Elle est désormais filiale de VINCI Concessions. Aux côtés de VINCI, Colas et Eiffage possèdent le restant du capital de la concessionnaire. Elle exploite un réseau de 928 kilomètres et, en dehors de la France, COFIROUTE est présente dans plusieurs pays, comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Chili, l'Allemagne ou la Grèce.

- Par ailleurs, on précisera que trois SEMCA éprouvent des difficultés financières. La société SAPN, filiale de la SANEF, bénéficie sur la période 2002-2006 d'un plan de recapitalisation de 534 millions d'euros. C'est grâce à ce soutien que la pérennité financière de la SAPN est assurée.

De plus, les deux sociétés tunnelières - Autoroutes et tunnel du Mont Blanc (ATMB(15) et Société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF(16) - présentent des déficits annuels entre 30 et 50 millions d'euros. Pour ATMB, un allongement de la durée de concession du tunnel et/ou de l'autoroute devrait permettre de rétablir l'équilibre financier de la concession. Son résultat net était encore négatif en 2003 (-19 millions d'euros), mais son résultat d'exploitation devenait positif (5 millions d'euros, contre -13 millions d'euros en 2002) pour un chiffre d'affaires de 90 millions d'euros.

En ce qui concerne SFTRF, la situation est plus délicate encore et une recapitalisation devait intervenir fin 2004. Son résultat net était de -25 millions d'euros en 2003 contre -19 millions d'euros en 2002. Le montant total des recapitalisations sur la durée de concession devrait représenter entre 500 et 700 millions d'euros. Sur les trois sociétés, les deux principales difficultés résident dans la négociation de l'allongement de la durée de concession d'ATMB avec la Commission européenne et dans le redressement de la SFTRF.

c) Des outils de gouvernance et de financement de l'État en pleine mutation

L'intervention de l'administration - ou de l'État au sens large - passe par plusieurs leviers, qui ont tous connu des évolutions importantes.

Les administrations chargées de la représentation de l'État dans le système autoroutier sont, à titre principal, la direction générale des routes du ministère en charge des transports et l'Agence des participations de l'État au ministère chargé de l'économie et des finances.

La direction des routes est devenue une direction générale avec le décret n° 2005-471 du 16 mai 2005 fixant l'organisation de l'administration centrale du ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Ce décret la charge notamment d'assurer le contrôle des sociétés concessionnaires d'autoroutes.

En effet, la direction générale des routes a pour mission de veiller à la cohérence du réseau routier dans son ensemble, en élaborant et mettant en oeuvre la politique de développement, de modernisation, d'entretien et de viabilité du réseau. Tout en veillant à la sécurité des infrastructures de ce réseau, elle anime et coordonne l'action des services du ministère dans le domaine des infrastructures. En liaison avec la direction générale de la mer et des transports, c'est également cette direction qui exerce la tutelle de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (17).

Comme ce rapport le montrera, la direction générale des routes est amenée à repenser sa mission et à moderniser ses outils de régulation du secteur autoroutier, au travers notamment d'une redéfinition des cahiers des charges définis avec les sociétés concessionnaires et d'une modernisation des pénalités applicables en cas de défaillance.

D'autre part, si le décret n° 2004-1203 du 15 novembre 2004
portant création d'une direction générale du Trésor et de la politique économique au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie donne une compétence générale à cette dernière pour veiller aux intérêts patrimoniaux de l'État dans les sociétés d'autoroutes, un rôle renouvelé de pilotage a été confié à l'Agence des participations de l'État (APE).

L'APE est de création récente : pleinement opérationnelle depuis le début de l'année 2004 avec son installation à Bercy et le recrutement de ses principaux collaborateurs, elle a vu ses missions définies par le décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale « Agence des participations de l'État ».

Sa mise en place permet d'organiser de manière plus efficiente les relations entre les entreprises publiques et l'État, celui-ci devant pouvoir exercer de manière claire ses différentes responsabilités à leur égard. La recherche du meilleur exercice des différentes missions de l'État passe donc par l'identification de la mission d'actionnaire comme une fonction et un métier à part entière.

Au travers de la mise en place de l'APE, qui constitue un interlocuteur privilégié et régulier des sociétés d'autoroutes, le gouvernement a donc poursuivi un triple objectif : assurer des relations transparentes et fluides avec les entreprises fondées sur un véritable dialogue stratégique, faire progresser leur gouvernance, et développer la capacité d'anticipation et de proposition de l'État actionnaire, les marges de progression demeurant en la matière très fortes.

Pour autant, votre Rapporteur constate que, si l'APE conduit son action en liaison avec le ministère chargé des transports (18), l'impression d'une opposition de cultures et d'un conflit d'intérêts entre l'Équipement et Bercy persiste. L'APE ne parvient malheureusement pas encore à être le lieu d'harmonisation des différents rôles de l'État, qui est à la fois actionnaire, régulateur (responsable des conditions techniques et juridiques d'exercice d'une activité), client ou concédant.

De plus, trois établissements publics de l'État occupent un rôle particulier dans le système autoroutier, à commencer par Autoroutes de France (ADF), qui est porteur de parts de capital social pour le compte de la puissance publique dans les SEMCA.

Créé par le décret n° 83-774 du 31 août 1983, cet établissement public à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière a d'abord eu pour mission d'assurer une péréquation des ressources des SEMCA et de contribuer ainsi à l'équilibre de leur trésorerie (19). ADF a également reçu, par décret du 31 décembre 1987, la possibilité de faire des apports en fonds propres aux SEMCA, notamment sous la forme de prises de participation et d'avances d'actionnaire (20).

Désormais, ADF est avec l'État le principal actionnaire des SEMCA et, depuis 2005, reçoit et reverse à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) (21) les dividendes reçus au titre de sa participation au capital des sociétés d'autoroutes.

Cependant, l'ouverture du capital d'ASF en 2002 a modifié le schéma mis en place en 1994, la part des actions détenues par ADF dans le capital d'ASF ayant ainsi été réduite à 8,84 %. Il est très probable que les nouvelles orientations du Gouvernement se traduisent par une réduction des parts détenues par ADF et surtout par une redéfinition profonde du rôle de cet établissement public.

Enfin, la Caisse nationale des autoroutes (CNA), créée en 1963, est un établissement public administratif de l'État (22), qui a pour mission de procurer aux sociétés concessionnaires d'autoroutes les ressources destinées au financement de la construction ou de l'aménagement des autoroutes donnant lieu à la perception de péages (23).

Pour ce faire, la CNA émet des emprunts sur les marchés français et internationaux et contracte des emprunts auprès de certains établissements financiers. Chaque année, elle met en œuvre le programme d'emprunts élaboré en étroite concertation avec les tutelles et les SEMCA. Les ressources financières collectées sont alors réparties sous forme de prêts entre les huit SEMCA.

Les contrats de prêts conclus entre l'établissement et les SEMCA définissent les obligations réciproques des deux parties et notamment l'obligation des SEMCA de reverser à la CNA les sommes relatives aux échéances de prêts. Par ailleurs, la CNA verse aux sociétés la totalité des sommes recueillies, aux mêmes conditions de taux et de maturité. De ce fait, l'établissement ne dégage pas de résultat comptable.

Le CNA peut ainsi gérer au mieux les besoins de financement des sociétés autoroutières en les globalisant et en les « upgradant », du fait de son statut et des garanties de passif accordées par la puissance publique, au niveau triple AAA.

La CNA est, du fait de son ancienneté, de son statut, du volume et de la régularité de ses émissions, un intervenant reconnu sur le marché primaire obligataire. Ses emprunts, émis sans la garantie de l'État depuis 1991, sont notés AAA (Standard & Poor's) et Aaa (Moody's).

Par ailleurs, la CNA et la Banque européenne d'investissement (BEI) sont liées par des accords de financement pluriannuels affectés à des opérations de construction de sections d'autoroutes présentant un intérêt communautaire et des programmes de travaux d'amélioration de sections d'autoroutes en service.

En fonction de l'avancement des ouvrages ayant bénéficié de ces accords de financement, la Caisse nationale des autoroutes procède à des tirages de fonds auprès de la BEI sous forme de contrats d'emprunts dont les conditions de durée, de taux et de devise sont négociées ponctuellement.

Compte tenu de la nature des investissements des SEMCA, les emprunts que recherche la CNA sont situés sur des durées supérieures à 10 ans, et libellés en euros, pour éviter aux SEMCA tout risque de change.

ÉMISSIONS D'EMPRUNTS PAR LA CNA

(en millions d'euros)

Années

Emprunts émis

Encours au 31 décembre

1999

1.498

21.075

2000

1.363

21.380

2001

1.813

21.870

2002

1.537

22.307

2003

600

21.708

2004 (prévisions)

598

-

Source : direction générale des routes

Là encore, cette organisation est appelée à connaître une évolution radicale puisque, comme on le montrera plus loin, l'ouverture du capital des SEMCA implique pour ces dernières de renoncer à recourir à la CNA, cette contrepartie étant désormais imposée par Bruxelles. Ainsi, à chaque opération sur le capital des sociétés d'autoroutes, un système de sortie du financement par la CNA est mis en place, qui devrait progressivement conduire à la disparition de la Caisse.

Enfin, on ne peut oublier de mentionner le rôle que joue et jouera un troisième établissement public administratif, de création encore plus récente : l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.

l'Agence de financement des infrastructures de transport

On rappellera que c'est pour conduire la politique ambitieuse d'équipement du territoire à horizon 2025, définie lors du CIADT du 18 décembre 2003, que l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) a été mise en place (par le décret n° 2004-1317 du 26 novembre 2004). Établissement public national à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, et placé sous la tutelle du ministre chargé des transports, l'AFITF vise à concourir, dans un objectif de développement durable, au financement de projets d'infrastructures de transport. Elle est pilotée par un conseil d'administration de 12 membres, présidé par M. Gérard Longuet.

Si votre Rapporteur a eu l'occasion de regretter vivement que cette création intervienne par voie réglementaire (s'agissant d'un enjeu de dimension nationale, mobilisant des ressources publiques pérennes, engageant la responsabilité de l'État sur plusieurs années, aboutissant à créer une catégorie d'établissement public bien singulière et pour lequel le Gouvernement avait jugé utile de consulter les parlementaires au cours d'un large débat), l'AFITF permettra de sortir de la logique où l'État ne pouvait financer qu'une grande infrastructure à la fois.

Le financement de l'Agence est prévu par l'article 60 de la loi de finances pour 2005 (loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004), qui lui affecte la redevance d'occupation du domaine public routier (prévue par l'article R. 122-27 du code de la voirie routière et acquittée par l'ensemble des sociétés d'autoroutes) et le produit des dividendes des participations détenues par l'État et ses établissements publics dans le capital de ces sociétés.

Alors que l'AFITF devrait mobiliser un niveau de ressources de l'ordre de 7,5 milliards d'euros entre 2004 et 2012, son budget sera de 635 millions d'euros en 2005 compte tenu notamment de l'estimation des dividendes attendus (280 millions d'euros) et du montant de la redevance domaniale (155 millions d'euros). L'AFITF pourra recevoir des dotations de l'État (une dotation en capital de 200 millions d'euros est attendue en 2005), de même que les recettes liées au produit des placements ainsi qu'à « toute autre ressource directement affectée à l'établissement ».

On peut donc souhaiter que l'engagement du nouveau Premier ministre se traduise par l'affectation à l'AFITF de la majeure partie des recettes liées à la poursuite de la cession des titres détenusdirectement ou indirectement - par l'État dans les sociétés d'autoroutes. Cette affectation peut d'autant plus être envisagée que les règles comptables européennes ne permettent pas, du point de vue de la mise en œuvre des critères maastrichtiens de calcul de la dette publique, de considérer l'AFITF différemment de l'État.

L'Agence est également autorisée à s'endetter dans la limite d'un plafond, fixé en loi de finances et applicable aux emprunts contractés pour couvrir les besoins de trésorerie en cours d'année liés à l'exécution du budget de l'établissement et aux décalages entre les encaissements et les décaissements au sein d'un même exercice. Les emprunts que contractera l'AFITF seront autorisés par son conseil d'administration, dans la limite du plafond fixé, leur réalisation et leur suivi étant assurés par l'Agence de la dette.

Pour l'exercice de ses missions, l'établissement accordera des subventions d'investissement et des avances remboursables non rémunérées, apporte des fonds de concours et participe au financement des investissements prévus par des contrats de partenariat au sens de l'ordonnance du 17 juin 2004.

30 % des moyens seront consacrés à des investissements routiers. En 2005, les crédits disponibles devraient permettre de signer les contrats de concession des autoroutes A19 (Artenay-Courtenay) et A41 (Annecy-Genève). Les autres projets autoroutiers retenus par le CIADT concernent l'A24 (Amiens-Lille-Belgique), l'A32 (Nancy-Metz-Thionville), l'A48 (Ambérieu-Bourgoin), l'A831 (Fontenay-le-Comte-Rochefort), le réseau autoroutier lyonnais (A45 Lyon-Saint-Étienne, A89 Lyon-Clermond-Ferrand, A432 Les Échets-La Boisse et contournement Ouest de Lyon), le réseau autoroutier alpin (A51 Grenoble-Sisteron, A585 antenne de Digne), le réseau autoroutier aquitain (autoroutes aquitaines de Bordeaux vers Biarritz A63 et de Bordeaux vers Pau A65) et des contournements urbains (Strasbourg, Arles, Bordeaux, tunnel de Toulon, ...).

d) Un carcan de règles administratives

Le système français est caractérisé par un encadrement réglementaire très fort, justifié par le fait que l'activité des concessionnaires d'autoroutes constitue un service public administratif, qu'elle s'exerce sur un domaine ayant une affectation précise et que la recherche de sécurité, de fluidité et de confort de circulation impose un certain nombre de contraintes légitimes.

- Tout d'abord, les tarifs de péages demeurent administrés par l'État

La politique commerciale et tarifaire du concessionnaire est encadrée, notamment par le principe d'égalité des usagers devant le service public. Les sociétés concessionnaires d'autoroutes sont délégataires d'un service public à caractère administratif, et non pas industriel et commercial.

la politique tarifaire en matiÈre de pÉages autoroutiers

La réforme du secteur autoroutier a profondément modifié les règles de fixation des tarifs de péage. Depuis 1994, le contrôle de l'État ne s'exerce plus à travers des autorisations annuelles, mais a posteriori par la vérification du respect des règles tarifaires et des engagements inscrits dans les cahiers des charges des sociétés et dont les modalités d'application sont reprises dans les contrats de plan des sociétés concessionnaires.

Sur la période 1996-1999, les hausses tarifaires ont résulté de l'addition de deux éléments : une hausse de base, correspondant aux lois tarifaires prévues dans les conventions de concession et les contrats de plan des sociétés, et une hausse complémentaire, permettant de compenser pour partie l'augmentation du taux de la taxe d'aménagement du territoire (TAT).

En l'absence de contrat de plan, comme cela a été le cas en 2000, 2001, 2002 pour l'ensemble des sociétés et en 2003 et 2004 pour les sociétés autres qu'ASF et ESCOTA, qui bénéficient d'un contrat d'entreprise sur la période 2002-2006, il est fait application de l'article 3 du décret du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers qui prévoit que « jusqu'à la conclusion d'un contrat de plan [...] les tarifs de péages sont fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de l'équipement, après consultation de la société concessionnaire concernée ».

Les hausses sont définies de façon à assurer l'équilibre financier de chacune des concessions, en fonction de divers paramètres dont notamment l'inflation. Pour 2002 et 2003, l'augmentation moyenne des tarifs de péage appliqués aux véhicules légers a été respectivement de 1,71 % et 2,01 %.

Les hausses tarifaires ont également été modulées par classe de véhicules (pour parvenir à une meilleure proportionnalité du péage aux coûts générés par les différentes catégories de véhicules) et par axe autoroutier (pour favoriser l'orientation des flux de trafic par le péage, en rendant économiquement attractives les autoroutes constituant des itinéraires alternatifs aux axes les plus circulés).

En conséquence d'une condamnation par la Cour de justice des communautés européennes, la loi de finances rectificative pour 2000 a abrogé les dispositions régissant le régime spécifique de TVA concernant les concessionnaires d'ouvrage de circulation routière (articles 266-1-h et 273 ter du code général des impôts) et les recettes de péage perçues en contrepartie de l'utilisation d'ouvrages de circulation routière sont entrées dans le droit commun des opérations soumises de plein droit à la TVA (au taux normal) à compter du 1er janvier 2001.

Ainsi, à compter du 1er janvier 2001, les tarifs des classes 1, 2 et 5 ont été réputés toutes taxes comprises et n'ont subi aucune modification. Les tarifs des classes 3 et 4, qui concernent essentiellement des véhicules d'usagers professionnels pouvant récupérer la TVA, ont été réputés hors taxe ; ils ont été ajustés pour intégrer une TVA de 19,6 %.

Parallèlement, une nouvelle classification des véhicules au péage a été mise en œuvre à compter du 1er janvier 2001. Cette classification a permis en outre de réduire à des cas exceptionnels la part des usagers des classes 3 et 4 non assujettis qui ont vu leurs tarifs de péage augmenter de 19,6 %.

La politique commerciale que peut mettre en place un concessionnaire est donc largement contrainte. En application de l'ordonnance de 1986 sur la liberté des prix et de la concurrence, et par dérogation au principe de liberté des prix, le secteur des autoroutes reste un secteur administré du fait d'une limitation de la concurrence (24). D'autre part, le péage ne peut financer des dépenses étrangères à l'objet de la concession (25).

Le principe d'égalité des usagers devant le service public est ainsi mis en œuvre de façon rigoureuse pour les péages autoroutiers, du fait du caractère administratif du service public que constitue l'autoroute. Une discrimination tarifaire entre usagers ne peut se fonder que sur les seules dérogations admises que constituent, d'une part, l'existence d'une différence de situation appréciable entre les usagers, et, d'autre part, la présence d'un motif d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exécution du service (26).

La seule segmentation inscrite dans les cahiers des charges est celle qui concerne les cinq classes de véhicules. Les abonnements sont possibles sous réserve de conditions de ventes égales pour tous. Les abonnements mis en œuvre doivent donc se plier à la contrainte du principe d'égalité devant le service public et exclure des conditions de vente préférentielles à certains clients. La jurisprudence est, en particulier, assez réticente à l'égard d'une discrimination tarifaire fondée sur un critère territorial, conformément à la jurisprudence traditionnelle du Conseil d'État (27).

Votre Rapporteur s'étonne ainsi de la relative pauvreté des modulations de tarifs pratiquées, qui s'explique probablement par les contraintes imposées comme par l'archaïsme de certaines conceptions de l'administration routière (28).

- Le champ des activités envisageables pour les installations annexes sur les aires de services est borné par la nécessité de conserver au domaine public autoroutier son affectation

Le cahier des charges des sociétés concessionnaires précise que l'assiette de la concession s'étend « aux installations annexes directement nécessaires aux services des usagers et réalisées en vue d'améliorer l'exploitation, tels que les aires de stationnement, stations-service, restaurants, hôtels, motels » (29).

Les contrats de sous-concessions passés par les sociétés concessionnaires confèrent aux sous-concessionnaires le droit de construire et d'exploiter les installations annexes à caractère commercial sur le domaine public autoroutier concédé pour une durée déterminée. En contrepartie de cette autorisation, ils sont assujettis à une redevance d'occupation du domaine public assise sur le volume d'activité et/ou le chiffre d'affaires.

Dans un avis rendu le 16 mai 2002, le Conseil d'État a qualifié de service public les activités de distribution de carburants et de restauration sur les autoroutes concédées. Le cahier des charges des sous-concessions impose d'ailleurs certaines contraintes d'exploitation aux pétroliers, justifiées par les nécessités du service public autoroutier (30).

On pourrait s'interroger sur la possibilité de valoriser les stations-services autoroutières en y installant des activités plus diversifiées, telles que des complexes de cinéma, des centres commerciaux (à l'instar de ce que l'on trouve au Japon notamment) ou les plateformes logistiques. Cependant, l'obligation de conserver au domaine public qu'elles occupent un lien assez étroit avec l'autoroute, encadre cette réflexion, ce qui signifie que les activités doivent être justifiées par la satisfaction des besoins des automobilistes et des routiers.

- La prohibition de toute publicité sur l'autoroute, et notamment des marques autres que celles des distributeurs de carburant, ne permet pas une valorisation des services proposés sur les aires

Les publicités et enseignes sont strictement interdites sur les autoroutes et à leurs abords (31). L'interdiction de principe ne connaît que quelques assouplissements concernant les aires de services où certaines pré-enseignes signalant des activités « particulièrement » utiles aux usagers (hôtels, restaurants) ou enseignes dérogatoires sont admises sous certaines conditions.

article r. 418-7 du code de la route

« En agglomération, la publicité et les enseignes publicitaires et pré-enseignes visibles d'une autoroute ou d'une route express sont interdites, de part et d'autre de celle-ci, sur une largeur de 40 mètres mesurée à partir du bord extérieur de chaque chaussée. Toutefois, l'autorité investie du pouvoir de police peut les autoriser dans les limites et aux conditions qu'elle prescrit.

« Hors agglomération, la publicité et les enseignes publicitaires et pré-enseignes visibles d'une autoroute ou d'une route express sont interdites de part et d'autre de celle-ci, sur une largeur de 200 mètres mesurée à partir du bord extérieur de chaque chaussée.

« Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à l'installation de panneaux ayant pour objet de signaler, dans les conditions déterminées par les règlements sur la signalisation routière, la présence d'établissements répondant aux besoins des usagers. »

Ce dernier alinéa concerne les panneaux spécifiques de signalisation pré-signalant les stations services, restaurants ou hôtels. Les panneaux signalant une activité extérieure à l'autoroute demeurent interdits.

Les installations commerciales des aires de service sont actuellement signalées à l'aide de panneaux normés qui précisent l'activité mais ne peuvent comporter de raison sociale, à l'exception notable des marques de carburant considérées comme une information utile à l'usager et non publicitaire. Les réflexions menées par les sociétés d'autoroute de façon à permettre de signaler à l'aide de leurs marques les autres services présents sur les aires restaurateurs boutiques - et ce, de façon à permettre une meilleure visibilité de ces marques, et partant, une concurrence accrue entre elles - se sont heurtées aux contraintes de la réglementation. La réglementation de la signalisation routière est en effet particulièrement normée, par l'arrêté interministériel du 24 novembre 1967.

C'est également le cas des panneaux de signalisation d'animation touristiques qui sont soumis à des règles strictes (thèmes, charte graphique, implantation). Cette signalisation est limitée aux indications culturelles et touristiques d'intérêt général et permanent (32).

On pense ainsi aux parcs d'attraction et de loisirs, désireux de disposer d'une signalisation plus attractive sur autoroute, à l'image d'Eurodisney par exemple, qui a très laborieusement et exceptionnellement obtenu le droit d'utiliser la quadrichromie pour ses panneaux. L'implantation et le choix des panneaux nécessitent en effet une autorisation de la commission nationale de signalisation d'animation, après concertation locale.

- Enfin, si le régime de l'occupation du domaine public autoroutier par les réseaux de télécommunications a été récemment assoupli, il demeure administré par l'État

Le domaine public routier étant affecté à la circulation, les autorisations privatives d'occupation doivent être compatibles avec cette affectation.

En l'occurrence, pour ce qui concerne les réseaux sur les emprises autoroutières, l'article R. 122-5 du code de la voirie routière dispose qu'à « l'exception des installations nécessaires à l'exploitation de l'autoroute, des installations souterraines autorisées dans les conditions prévues par l'article R. 20-45 du code des postes et télécommunications et de celles établies par les sociétés concessionnaires en vue de leur utilisation par des opérateurs de télécommunications, aucune autorisation ne peut être accordée pour la pose, à l'intérieur des emprises des autoroutes, de canalisations aériennes ou souterraines longitudinales de quelque nature que ce soit » (33).

De plus, des radios autoroutières ont été développées à l'initiative des sociétés concessionnaires. Une fréquence unique, le 107.7 MHz, leur est réservée, dans le cadre d'une autorisation du CSA, assortie d'un cahier des charges.

Ces cahiers des charges orientent très clairement des radios vers des objectifs de service public : informations de sécurité, information trafic, programmes musicaux favorisant une conduite sûre et fidélisant les auditeurs en vue d'une meilleure diffusion des flash sécurité.

Corrélativement, ces cahiers des charges encadrent très strictement toute possibilité de valorisation commerciale des radios. Ainsi, et contrairement à la pratique courante des télévisions pour ce type de bulletins, il est interdit d'encadrer les messages trafic ou de sécurité par des messages publicitaires, ou d'obtenir un parrainage publicitaire.

Sur toutes ces questions, la persistance de certaines réticences explique probablement le constat d'un certain archaïsme réglementaire (34). Un assouplissement réglementaire pourrait ainsi permettre d'étendre les fonctions connexes des sociétés concessionnaires, comme l'entretien des échangeurs à proximité des sorties d'autoroutes.

e) Les principaux projets de montage financier font apparaître une moindre compétitivité des SEMCA face aux acteurs privés

On précisera d'abord que, si 66 kilomètres d'autoroutes non concédées ont été ouverts à la circulation en 2003 et 43 kilomètres en 2004 (35), les principales mises en service prévues, pour les autoroutes concédées, sont les suivantes :

2005

 

SECTIONS D'AUTOROUTES

KM

DATES

ASF

A87

LES ESSARTS - LA ROCHE-SUR-YON

18

Début 2005

SANEF

A29

AMIENS - NEUFCHATEL-EN-BRAY

59

Début 2005

ALIS

A28

ROUEN -ALENCON

125

Fin 2005

 

 

TOTAL

202

 

2006, 2007 et 2008

 

SECTIONS D'AUTOROUTES

KM

DATES

ASF

A89

THENON-TERRASSON

18

Mi-2008

ASF

A89

LE SANCY - A71

52

Janvier 2006

ASF

A87

CONTOURNEMENT SUD DE LA ROCHE-SUR-YON

16

Fin 2008

COFIROUTE

A28

ECOMMOY-MONTABON-TOURS

57

Avril 2006

COFIROUTE

A86

RUEIL - A13

4

Septembre 2007

COFIROUTE

A85

CONTOURNEMENT NORD DE LANGEAIS

18

Mi-2007

COFIROUTE

A85

ESVRES - SAINT ROMAIN-SUR-CHER

44

Janvier 2008

COFIROUTE

A85

ESVRES - DRUYE

17

Avril 2008

COFIROUTE

A11

CONTOURNEMENT NORD D'ANGERS

13

Août 2008

AREA

A51

COYNELLE - COL DU FAU

10

Juin 2007

 

 

TOTAL

249

 

Source : direction générale des routes

Parmi les principaux projets autoroutiers français, on en mentionnera certains, assez révélateurs des changements induits tant par la nouvelle réglementation du secteur que par la modification des modes de financement et du comportement des acteurs privés.

En premier lieu, le projet « Alis » pour l'autoroute Seine-Sarthe sur l'A28 ne peut que retenir l'attention, en raison du montage financier adopté. On rappellera que le gouvernement français a lancé un appel d'offres européen pour le financement, la conception, la construction, l'exploitation et l'entretien de la section Rouen-Alençon le 19 mars 1999 (36).

Un groupement nommé Autoroute de liaison Seine-Sarthe (Alis(37) a répondu à cet appel d'offres et a été sélectionné par le concédant comme adjudicataire pressenti en août 2000. Le contrat de concession, d'une durée de 62 ans, est entré en vigueur le 2 décembre 2001 entre l'État et la société Alis S.A. créée spécifiquement pour conduire le projet (38).

Le projet Alis représente un coût total d'investissement de 915 millions d'euros, dont 343 millions d'euros de subventions d'investissements versées sur une base paritaire par l'État et les collectivités locales intéressées. Les travaux de construction sont en cours, la mise en service étant prévue pour fin 2005.

L'originalité du dispositif réside dans le financement, réalisé à travers une émission obligataire senior indexée sur l'inflation rehaussée par Financial Security Assurance Limited (39) pour un montant total de 460,5 millions d'euros. Cette dette obligataire senior, notée AAA/Aaa en vertu de la garantie FSA, est divisée en trois tranches (40). Les coupons payés annuellement par Alis sont indexés sur l'indice français d'inflation hors tabac. Il en est de même pour le principal remboursé in fine pour chaque tranche de l'émission. Ainsi la charge financière supportée par Alis suit la montée en puissance des cash flows de la société puisque les tarifs de péage sont eux aussi indexés sur l'inflation (41).

Votre Rapporteur veut également mentionner l'exemple de l'A19 Artenay-Courtenay, qui fait la jonction entre l'A10 et l'A6 dans le Loiret. Son coût total estimé s'élève à 609 millions d'euros. Un appel d'offres européen a été lancé par l'État français en mai 2003 pour la mise en concession, pour une durée de 65 ans, de la future autoroute à péage réel A19. Ont répondu à cet appel d'offres quatre groupements. Trois étaient menés par une SEMCA (42). Or, c'est le quatrième groupe, dont la structure financière lui permettait de demander le moins de subventions, à savoir VINCI (43), qui a été retenu.

Les négociations avec le concessionnaire pressenti, le groupement « Arcour » formé par VINCI, ont commencé en octobre 2004 et ont débouché à un accord en janvier 2005. Arcour bénéficiera de l'apport d'une contribution publique forfaitaire de 80 millions d'euros seulement. Cette somme sera financée à égalité par l'État via l'AFITF, nouvellement créée, et par les collectivités territoriales.

VINCI réalisera un financement porté par son bilan pour ce projet. Votre Rapporteur souligne le fait que si VINCI a remporté le contrat, c'est aussi en raison de l'attractivité du financement corporate en comparaison de ses concurrents. De là à en déduire que les SEMCA sont handicapées par leur faiblesse relative de cash et le handicap que constitue le recours impératif à l'emprunt et la faiblesse des fonds propres, il n'y a qu'un pas à franchir (... qui fera l'objet de la dernière partie de ce rapport).

Dans le même ordre d'idées, votre Rapporteur ne manquera pas de saluer le remarquable succès de la construction du viaduc de Millau, qui fait la jonction entre les deux branches de l'A75. Un appel d'offres européen avait été lancé par l'État français pour la mise en concession du viaduc (construction et exploitation).

Quatre groupements ayant remis leur candidature (44), c'est le groupement Eiffage, proposant un financement porté par son bilan et une solution technique innovante, qui a remporté l'appel d'offres. Le financement corporate, moins coûteux que le financement de projets, s'est donc révélé à nouveau plus adapté (45).

À ces projets concédés par l'État français, on ajoutera l'exemple du tunnel du Prado Carénage, mis en concession en 1993 par la communauté urbaine de Marseille. Ce tunnel de 2,5 kilomètres permet de traverser rapidement la ville de Marseille. Depuis 1993, l'ouvrage est soumis à un péage réel.

La Société marseillaise du tunnel du Prado Carénage, concessionnaire de l'ouvrage pour une durée de 32 ans (jusqu'en 2025), est une société anonyme entièrement privée et cotée en bourse depuis juillet 2004. Les participations les plus significatives sont détenues par VINCI (33 %) et Eiffage (27 %). Les parts restantes se répartissent entre plusieurs établissements financiers dont Prado Finance, Crédit Agricole, Dexia, Crédit du Nord et Ixis CIB (46).

2.- L'analyse : les efforts de valorisation du patrimoine autoroutier font apparaître deux tendances contrastées et potentiellement contradictoires

a) Qu'est-ce que le « patrimoine » autoroutier ?

Dans son acception économique, un « patrimoine » représente un ensemble d'actifs sur lequel un agent possède un ensemble de droits réels et/ou personnels.

Dans le domaine autoroutier, le patrimoine comprenait jusqu'à la réforme de 2001 un certain nombre d'actifs, dont la réalisation comme la gestion n'était pas assurée directement par la puissance publique.

À ce titre, ce patrimoine comprenait des éléments physiques (le réseau en lui-même) donné en concession aux sociétés autoroutières (les SEMCA) ainsi que des éléments financiers contribuant à créer une valeur au dispositif, à savoir Autoroutes de France et la Caisse nationale des autoroutes.

En dehors des sections autoroutières destinées à revenir à terme dans le patrimoine public, la puissance publique ne disposait que de droits personnels sur le patrimoine autoroutier transitant par :

- les dividendes attendus des SEMCA, pour les titres portés en propre par l'État ou détenus par l'établissement public Autoroutes de France ;

- les plus values potentielles liées à la croissance du réseau.

Toutefois, la puissance publique via la pratique de l'adossement avait choisi de privilégier une politique de développement. De ce fait, elle avait renoncé aux droits à revenus que lui ouvrait la détention des titres. La politique mise en place consistait à accroître la durée des concessions préalablement accordées à une SEMCA sur son aire géographique pour lui permettre de financer, par ce moyen, le développement de nouvelles sections, dont la rentabilité était a priori moins avérée.

Ainsi, sans coût apparent, au moins sur le strict plan budgétaire, la renonciation à l'exercice des droits à revenu et le report dans le temps de la récupération des actifs composant le patrimoine ont permis de développer le réseau, sans appel à des ressources budgétaires directes.

Sur un strict plan analytique, un tel mode d'organisation introduit une confusion entre le patrimoine et les droits que l'on peut avoir sur ce dernier. Les composantes du patrimoine n'apparaissaient pas vraiment ou, en tout cas, étaient, du fait du mode d'organisation choisi, indissociables des outils de leur développement et de leur valorisation.

Si ce mécanisme a effectivement contribué à une croissance rapide du réseau autoroutier national (donc un enrichissement potentiel de la Nation et une croissance du patrimoine public), il n'en reste pas moins qu'il manquait de transparence et pouvait donner lieu à des choix sous optimaux en termes économiques, d'autant plus que le coût de financement des opérations était minoré, au regard du risque intrinsèque des projets, par l'action de la Caisse nationale des autoroutes.

Ce modèle d'organisation présentait une réelle cohérence interne adaptée au développement du réseau à moindre coût budgétaire.

Toutefois, sa pertinence se réduit dès lors que le potentiel de trafic des nouvelles sections autoroutières tend à s'affaiblir.

En outre, indépendamment de la distorsion de concurrence entre acteurs qu'il introduisait (47) et qui a par ailleurs contribué à sa suppression, le modèle d'adossement présentait, sur le plan économique et financier, certaines limites. Deux d'entre elles peuvent être citées :

- le coût de financement réduit et l'absence de coût budgétaire direct pouvait conduire à une faible sélectivité des investissements ;

- les potentiels de développement international des SEMCA étaient particulièrement limités.

b) La dissociation des composantes de ce patrimoine, depuis la fin de l'adossement et la réforme de 2001

La fin de l'adossement introduite par la loi du 3 janvier 2001 (48) et les textes d'application qui ont suivi ont bouleversé en profondeur l'organisation du paysage et les conditions de gestion de la rente autoroutière (49). Son élément clé a été la dissociation du patrimoine, donc de l'actif autoroutier, des droits à revenus que son exploitation procure.

La réforme initiée a, en effet, consisté principalement à :

- allonger la durée des concessions actuelles des SEMCA ;

- supprimer la technique de l'adossement ;

- éteindre progressivement le mécanisme de foisonnement du financement réalisé par la Caisse nationale des autoroutes.

Les deux premiers points sont totalement liés. L'adossement présentait comme principale limite de faire supporter en « corporate », sur les sections déjà rentabilisées, la charge du développement des nouvelles sections.

Mettre un terme à la technique de l'adossement, sans étendre la durée des concessions initialement accordées revenait à reporter le risque relatif aux nouvelles sections sur les SEMCA, faiblement capitalisées et donc pas à même de les supporter.

L'allongement des concessions était le moyen de rétablir un équilibre économique et financier sur l'ensemble des sections (même si l'actualisation écrase les revenus futurs ainsi générés) et d'offrir à tout moment (jusqu'à la fin programmée des concessions) un équilibre dynamique des cash flows anticipés qui soit cohérent au regard des risques pris par les sociétés d'autoroutes.

Les sociétés d'autoroutes étaient alors à même de dégager de l'exploitation des sections des cash flows libres et un résultat net positif, potentiellement distribuable à leurs actionnaires, voire susceptible d'accroître leurs fonds propres.

La désimbrication du modèle d'organisation des sociétés d'autoroutes a été parachevée par la fin programmée de la Caisse nationale des autoroutes, qui conférait à la structure de financement des SEMCA un fort effet de levier (50).

Toutefois, le statut d'établissement public de la CNA contribuait à induire un avantage compétitif en matière de financement aux sociétés bénéficiaires de ses apports, avantage qui n'était plus compatible avec le nouveau schéma compétitif mis en place. L'arrêt progressif des financements CNA a donc été un des facteurs fondamentaux de la réforme de 2001.

Incidemment, cet arrêt progressif de l'activité de globalisation des financements a contribué, toutes choses égales par ailleurs, à générer une perte de valeur immédiate pour le système autoroutier. En effet, à maturité équivalente, le faible niveau des coûts de financement des investissements, contribue, à séquence de cash flow identique (51), à maximiser la valeur présente. L'arrêt du recours à ce mécanisme conduit donc à une perte apparente de valeur du système.

Cependant, celle-ci pourrait être à terme améliorée par un refinancement de long terme des SEMCA, la durée résiduelle des financements CNA (6 ans) étant d'une maturité moyenne bien plus courte que celle des concessions accordées (lesquelles courent jusqu'en 2026 ou 2032).

c) Le risque d'un conflit d'intérêt insoutenable à moyen terme et d'une divergence radicale entre les diverses stratégies

Il résulte donc de cette réforme une évolution des SEMCA vers un statut plus proche de celui du droit commun de sociétés exploitant, en situation de monopole temporellement et spatialement limité, un service concédé par la puissance publique.

Le résultat attendu de la réforme a été l'obtention par ces sociétés de résultats d'exploitation et de résultats nets, donc de flux de dividendes, se rapprochant de ceux de sociétés exploitant, dans d'autres domaines d'activités, des concessions accordées par la puissance publique.

Cette logique d'organisation renouvelée a ainsi conduit à l'émergence d'une distinction entre :

- le patrimoine autoroutier, actif dont l'exploitation est confiée à un partenaire privé ;

- les droits à revenus issus de cette exploitation, réalisée à ses risques et périls par le délégataire.

Le patrimoine autoroutier, actif sur lequel des droits d'exploitation sont ouverts, est donc né de cette scission. Il se compose en lui-même de l'ensemble physique du réseau. Sur le plan économique, ce patrimoine qui reviendra, en vertu de la théorie des biens de retour, à la puissance publique concédante en bon état d'entretien, est susceptible d'être un support de revenus pour l'État.

En effet, la gestion de ce réseau et son entretien peuvent être réalloués, au terme des concessions actuelles, à des acteurs privés concessionnaires (dans les limites prescrites par le code de la voirie routière, du moins en l'état actuel du droit).

L'accord d'un droit à gérer, en monopole, à l'issue d'une procédure compétitive, un bien générant des revenus propres peut être, pour la puissance publique, une source de revenus indépendante de celle qu'elle tire actuellement de sa posture d'actionnaire des sociétés d'autoroutes dont le capital a été ouvert.

Actuellement, ce patrimoine ne produit pas directement de revenus pour la puissance publique. Il pourra, le cas échéant, être producteur de revenus lorsque les premières concessions arriveront à terme et que la puissance publique pourra, si elle souhaite, par un mécanisme quelconque, remettre en compétition les droits d'exploitation des différentes sections, ou les exploiter elle-même. D'un point de vue économique, la valeur de ce patrimoine peut alors être déterminée comme étant, à l'équilibre, la valeur actuelle nette des cash flows qu'il est susceptible de générer au-delà du terme des concessions actuelles.

L'existence de ce droit, qu'il soit à terme exercé ou pas, positionne toutefois la puissance publique comme un intervenant extérieur au jeu concurrentiel. Sa logique d'intervention devrait donc être celle de la maximisation sous contrainte de son patrimoine propre, plus que celle d'un acteur du jeu concurrentiel, via les détentions qu'il peut avoir dans le capital des sociétés.

L'autre élément issu de la dissociation du patrimoine, tel qu'il existait avant la réforme de janvier 2001, consiste en l'apparition de résultats comptables et financiers des sociétés d'autoroutes (les dividendes), dont la destination ultime est l'abondement, pour la part correspondant au capital détenu directement ou indirectement (52) par la puissance publique, de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.

De par ses statuts actuels, l'AFITF perçoit, via le Trésor Public, la part de dividendes qui revient à l'État du fait de son rôle d'actionnaire, mais pas les revenus issus des cessions de titres.

Une évolution des options arrêtées par le CIADT de décembre 2003 - cession de parts ou émission de nouveaux titres auprès d'investisseurs, par appel au marché, pour améliorer la structure financière des SEMCA - ne serait donc pas sans conséquences sur les capacités de financement futures de l'AFITF. Aussi, votre Rapporteur considère essentiel d'affecter une part majeure du produit des cessions de titres à l'Agence.

Par ailleurs, la liberté de mouvement accrue dont disposent les sociétés d'autoroutes soumises à une double gouvernance, publique d'une part et de marché d'autre part, permet désormais, par référence aux trajectoires d'évolution de sociétés européennes similaires, d'envisager différentes perspectives. Les termes du débat, que les expériences étrangères et surtout européennes peuvent utilement éclairer, se situent, en fait, à un double niveau :

- celui de la place de la puissance publique en tant que régulateur ou acteur du système ;

- celui des modes de gouvernance et des politiques qui seront potentiellement suivis par les sociétés d'autoroutes.

Le premier point concerne la problématique du conflit d'intérêt potentiel existant actuellement entre les deux rôles de la puissance publique (autorité régulatrice et acteur du système), dont les objets peuvent, à terme, être divergents.

Actuellement, et tant qu'est lointaine la date d'échéance des concessions actuellement attribuées, le principal conflit d'intérêt ne s'est pas encore formalisé. Il est en effet suspendu au mécanisme de réallocation éventuelle des droits exclusifs d'exploitation des sections autoroutières parvenues à échéance.

Il conviendra toutefois d'aborder cette question pendante et de déterminer si l'AFITF doit préempter ces droits à revenu pour contribuer au financement public des infrastructures terrestres, pour la part du capital dont l'État reste propriétaire.

Le deuxième point, apparemment sans lien direct avec le précédent, consiste en la divergence d'objectifs qui peut naître d'un actionnariat à la fois public et de marché et du degré de liberté dont peuvent éventuellement tirer parti les sociétés d'autoroutes pour développer des stratégies propres.

L'actionnaire public, en l'occurrence l'État, devrait avoir pour objet, ne serait-ce que pour accroître les revenus de l'AFITF et sa capacité à porter des investissements publics dans le champ des infrastructures de transport, à maximiser le montant des dividendes distribuables. L'actionnariat de marché peut avoir la même stratégie, s'il considère ces sociétés comme de simples valeurs de rendement.

Toutefois la liquidité offerte par le mécanisme de marché peut l'amener, sous certaines conditions, à accepter voire à rechercher une valorisation transitant par l'accroissement de la valeur (plus value potentielle), correspondant à un couple rentabilité-risque efficient plus élevé.

Même si aujourd'hui les premiers éléments semblent indiquer que le marché considère ces titres comme de simples valeurs de rendement, rien ne peut laisser supposer que ce comportement sera définitivement celui adopté par les investisseurs du fait même de la réversibilité des comportements offerte par la liquidité des positions.

Les équipes dirigeantes des SEMCA, lors de l'émission des titres sur les marchés, ont aussi indiqué qu'elles se situaient dans une optique de valorisation maximale du rendement de leurs actions via une distribution forte et régulière. À l'heure actuelle, il semble donc qu'il y ait une convergence globale.

Toutefois, les SEMCA, comme toutes sociétés, cherchent à assurer leur pérennité et leur développement sur le long terme. Même si leur activité principale devrait à terme rester dans le domaine de l'exploitation de sections autoroutières, sachant qu'entre 2026 et 2032 leurs concessions actuelles expireront, il est aussi très probable que les SEMCA chercheront à se développer :

- à l'international sur de mêmes types d'activité ;

- dans des activités connexes.

Si ce scénario se concrétise et que les investisseurs de marché y souscrivent, une fracture entre les intérêts respectifs des parties prenantes pourrait apparaître. Elle repose en tout cas la question de l'intérêt pour l'État à rester majoritaire, voire présent, dans le capital des sociétés autoroutières.

Les deux grandes questions sur l'avenir du système ainsi réformé retrouvent donc une certaine connexion :

l'État privilégiera-t-il son rôle de régulateur du système (valorisation du patrimoine autoroutier) ou d'acteur opérationnel (valorisation des participations dans les SEMCA) ?

- Les SEMCA agiront-elles comme des valeurs de rendement (vouées à l'extinction à la fin des concessions dont elles sont attributaires) ou comme des valeurs de croissance diversifiant leur portefeuille d'activités et, dans l'un et l'autre cas, quelle place est-il opportun que l'État y conserve ?

*

* *

II.- LE PAYSAGE EUROPÉEN EST RICHE EN ENSEIGNEMENTS ET EN PISTES D'ÉVOLUTIONS POUR LE SYSTÈME FRANÇAIS

1.- L'analyse de la situation en Europe met en valeur le caractère très concurrentiel du secteur et l'obsolescence du modèle de développement des SEMCA françaises

a) Le paysage européen : des sociétés totalement privées

Le capital de tous les grands opérateurs autoroutiers européens, hors France, est aujourd'hui privé et en grande partie flottant.

les acteurs clÉs de la concession autoroutiÈre en europe

- Autostrade (Italie) : privatisée par l'État italien en 1999, Autostrade représente la première capitalisation boursière du secteur (12 milliards d'euros en avril 2005). Elle possède le premier réseau européen en taille (3.400 kilomètres) et en chiffre d'affaires (2,83 milliards d'euros en 2004). Pour rénover son réseau, le groupe doit aujourd'hui faire face à de lourds investissements (plusieurs milliards d'euros d'ici l'échéance des concessions confiées à Autostrade). Les tarifs négociés avec le concédant permettent de financer ce programme de décongestion du réseau italien. Autostrade a installé pour la première fois un système de télépéage poids lourds à l'échelon national pour l'Asfinag en Autriche à partir du 1er janvier 2004 sur la base d'un système DSRC (détection à courte portée) contrairement à Toll Collect (satellite) en Allemagne. En 2004, Autostrade a cédé sa participation dans Abertis (pour 401 millions d'euros). Autostrade ne possède plus d'activité de parkings (40 % Saba Italia vendu en 2005 à Abertis). Autostrade est contrôlée par la famille Benetton.

- Abertis (Espagne) : cette entité est née du résultat de l'union de trois sociétés autoroutières espagnoles (Acesa, Aurea et Iberpistas) finalisée en 2003. Abertis exploite un réseau de plus de 1.500 kilomètres, soit 58 % du réseau autoroutier espagnol. Il possède également des participations à l'étranger (Autostrade, Brisa, en Grande-Bretagne, en Argentine, au Chili). Abertis présente le profil le plus diversifié du secteur (parkings, activités logistiques, télécoms, aéroports) et poursuit activement sa diversification (opérations récentes d'achat du Britannique TBI - aéroports - et de l'espagnol Retevision - télécoms). L'activité autoroutière représente moins de 75 % de son chiffre d'affaires.

- Cintra (Espagne) : historiquement liée au constructeur Ferrovial, cette société espagnole a été introduite sur le marché boursier en octobre 2004. La sortie de l'australien Macquarie (40 % du capital avant l'IPO) a été simultanée à l'introduction en bourse. Ferrovial conserve 62 % du capital. Cintra possède un éventail de concessions à longue vie résiduelle, très étendu au niveau géographique (Canada, Espagne, Chili, Irlande) et concentré sur les activités autoroutières et parking. Les concessions aéroportuaires ont été réintégrées récemment au sein de Ferrovial.

- Brisa (Portugal) : créée en 1972, Brisa a entamé son processus de privatisation en 1997 pour le terminer en 2001. Brisa gère aujourd'hui un réseau de 1.106 kilomètres (48 % du réseau national portugais). Ses sections principales irriguent le trafic portugais dans son axe nord-sud. Leader de l'exploitation autoroutière au Portugal, Brisa est aussi un des leaders du télépéage en Europe grâce au système Via Verde qui totalise 57 % des collectes et 1,6 million d'utilisateurs en 2003. Brisa est également présent au Brésil mais a cédé récemment ses participations dans Autostrade et Abertis.

L'exception française des SEMCA, dont le capital était jusqu'alors majoritairement voire intégralement public, connaît néanmoins une mutation importante avec les introductions en bourse qui ont débuté en 2002. Bien que gardant un statut particulier dans le paysage européen, les SEMCA se retrouvent ainsi dans une optique de gouvernance par les marchés les libérant, du moins partiellement, de la tutelle étatique qui les caractérisait jusqu'à présent.

La fin de l'adossement a plongé les SEMCA de plain-pied dans un marché très concurrentiel, celui de l'attribution par voie d'appel d'offres de sections autoroutières. Une des premières conséquences en a été la fin programmée - et parfois rapide - de toutes les structures qui assuraient une forme de mutualisation du secteur (53).

Par ailleurs, on a vu se constituer des sociétés ad hoc pour répondre appels d'offres européens les plus récents.

quelques exemples de sociÉtÉs ad hoc

Parmi les exemples de sociétés créées à la suite des derniers appels d'offres européens, on peut citer :

- Bina-Istra : cette société a en charge la concession d'une autoroute en Croatie. Son capital se partage entre Bouygues (51 %) et des acteurs locaux.

- Gefyra : concessionnaire du pont reliant Rion et Antirion, en Grèce, cette société est détenue par VINCI (53 %) et des constructeurs grecs.

- MEL : société détenue par Macquarie (75 %) et Autostrade (25 %), concessionnaire de la M6 Toll, première autoroute à péage concédée en Angleterre.

Alis : société concessionnaire de l'A28 (Rouen-Alençon), détenue par Bouygues (45 %), Ixis CIB (26 %), HBOS (13 %), Egis (8 %) et SAPN (8 %).

- CEVM : la Compagnie Eiffage du Viaduc de Millau est concessionnaire, pour une durée de 75 ans, du célèbre pont de Millau. Eiffage est son seul actionnaire.

Toutefois, le comparatif ne saurait se limiter à ces simples constats. La mise sur le marché impacte par nature la structuration financière des sociétés qui doivent pouvoir, à ce titre, répondre aux attentes du marché.

Il est donc nécessaire, comme l'illustre le tableau suivant, d'observer les potentielles différences entre les principaux indicateurs financiers des sociétés d'autoroutes pour tracer les éléments d'un premier niveau de comparaison.

DIFFÉRENCES POTENTIELLES ENTRE LES PRINCIPAUX INDICATEURS FINANCIERS

Albertis

Brisa

ASF

Autostrade

Cintra

APRR

Moyenne

Gearing comptable

101 %

171 %

221 %

494 %

255 %

297 %

257 %

Gearing financier

36 %

66 %

88 %

76 %

110 %

104 %

79 %

Bêta

0,198

0,325

0,200

0,626

(1)

(1)

0,337

(1) Étant donné le caractère récent des introductions de Cintra et APRR, les données de bêta ne sont pas disponibles.

Le tableau ci-dessus présente les gearings comptable (54) et financier (55) ainsi que le bêta (56) des grands opérateurs autoroutiers européens (57). On constate que le gearing comptable est assez élevé pour la plupart de ces entreprises. En effet, ce ratio retranscrit l'aspect très capitalistique de l'activité autoroutière qui, étant donné l'ampleur des projets et la durée des amortissements, nécessite beaucoup de ressources. On précisera que ce constat a été établi après l'introduction de APRR, dont le gearing atteignait avant celle-ci près de 3.000 % (58).

En termes de risque, l'effet positif de la capitalisation boursière sur le gearing est limité par la volatilité des titres représentée par le niveau du bêta. En effet, le bêta augmente avec le poids comptable de l'endettement net. Les charges financières s'établissent à un niveau élevé et expliquent ainsi la volatilité des bénéfices. Cette mécanique explique, par exemple, le niveau élevé du bêta d'Autostrade et le niveau particulièrement faible du bêta d'Abertis.

b) Des solutions innovantes de financement des projets

En regard des principaux projets autoroutiers français et par comparaison avec les exemples de même nature à l'étranger, on observe que des solutions innovantes et variées de montage financier et de rémunération des sociétés privées ont été trouvées en Europe. On peut distinguer trois grands types de financement.

- Des projets à péage réel où le risque trafic est supporté par le concessionnaire

On mentionnera l'exemple du Midland Expressway (MEL) - M6 Toll en Angleterre. Il s'agit de la première autoroute à péage réel, concédée en Angleterre (un tronçon de 43 kilomètres contournant Birmingham par le nord). Son coût total est estimé à 900 millions de livres, ce qui constitue à ce jour le projet le plus important au Royaume-Uni (59). La société concessionnaire est détenue par l'Australien Macquarie (75 %) et l'Italien Autostrade (25 %). Le contrat de concession, signé en 2001, expire en 2053.

De même, le tronçon de 150 kilomètres à péage réel de l'autoroute A2 en Pologne constitue le premier projet de ce type mené dans le cadre d'un PPP d'infrastructure de transport polonais (60). La concession de 37 ans a été accordée fin 1999 à la société AWSA (61). Le coût total de l'opération est estimé à 800 millions d'euros. Le financement est mixte, puisqu'il réunit la part versée par les actionnaires d'AWSA (62), un prêt à long terme de 275 millions d'euros de la Banque européenne d'investissement (BEI) et un prêt à long terme du Crédit Lyonnais et de la Commerzbank (235 millions d'euros). Dans ce projet, a été mis en place un mécanisme de partage des bénéfices au profit du concédant.

On évoquera également le pont Rion Antirion en Grèce (63), dont le contrat de concession pour la conception, la construction, le financement, l'exploitation et l'entretien du pont a été signé en 1996 entre l'État grec et la société Gefyra (64). Le financement provient du capital (10 %), d'une contribution financière de l'État (45 %) et d'un prêt de la BEI garanti par des banques commerciales (45 %)

D'autres exemples pourraient encore être mentionnés, comme le PPP de l'autoroute A8 en Allemagne (65) ou la voie express Zagreb Macelj en Croatie (66), pour un coût total de 372 millions d'euros (dont une dette bancaire de 312 millions d'euros garantie par l'État et des fonds propres de 59 millions d'euros).

- Des projets faisant intervenir un péage virtuel (shadow toll)

Les projets avec « péage fantôme », qui permettent d'étaler dans le temps l'imputation sur les budgets de la dépense, sont également assez nombreux. Ainsi, le contournement routier au sud de Newport, au Pays-de-Galles, voit la société concessionnaire, formée par VINCI Concessions et Morgan Sindall Investments, assurer le financement, la conception, la construction et l'exploitation de ce contournement routier, qu'elle gérera durant 40 ans. Le financement du projet a été assuré au moyen d'un prêt sur 38 ans sans recours. La rémunération s'effectuera via un mécanisme de péage virtuel, en fonction du trafic. Le coût du projet s'élève à 79 millions d'euros.

De même, l'Interior Norte (IP3 SCUT) au Portugal est un projet d'autoroute à péage virtuel, dont le coût total est estimé à 665 millions d'euros. La société concessionnaire est détenue par Eiffage, Ixis CIB, Egis et Sonae. Le contrat de concession, signé en 2000, expire en 2029. Le financement est couvert, à parité, par un prêt de la BEI, garanti par des banques commerciales (maturité de 25 ans) et une dette commerciale (maturité de 23 ans) (67).

En Irlande, la National Roads Authority (NRA) a initié en 2001 une procédure d'appel d'offres pour la réalisation du tronçon autoroutier Dublin Eastern Bypass contournant la ville de Dublin. Le coût estimé s'élève à plus de 1 milliard d'euros. Si la NRA a décidé d'interrompre le projet en 2002 en raison de l'insuffisance de moyens de financement publics, elle l'a réinscrit dans son plan décennal d'aménagement en février 2005.

- Des projets présentant un autre type de rémunération pour le concessionnaire

Aux Pays-Bas, le ministère des travaux publics a lancé début 2003 un appel d'offres pour la conception, la construction, le financement et la maintenance de la RW 31, tronçon reliant Drachten à Leeuwarden, concession expirant en 2023. Le groupement retenu est constitué de Dura Vermeer, Infra BV, Ballast, HBG, Dragados, Imtech, Oranjewould et BAM. Ce projet de PPP s'élève à 78 millions d'euros (72 millions d'euros de dette bancaire et 6 millions d'euros de fonds propres). Le concessionnaire ne supporte aucun risque trafic : sa rémunération est seulement basée sur la disponibilité de l'ouvrage.

En Croatie, la société Bina-Istra  construit, entretient et gère la voie express adriatique en Istrie. Son capital se partage entre Bouygues (51 %), l'État croate (44 %) et INA Oil Company (5 %). Le projet est réalisé en deux phases : la phase 1A (tronçon oriental) a été construite et ouverte au trafic fin 1999 ; la phase 1B est en cours de construction (tronçon occidental) (68). Le mécanisme consiste à refinancer la phase 1A (déjà construite) et à financer la construction de la phase 1B : ce financement est assuré grâce à l'émission d'obligations d'un montant de 210 millions d'euros, à un taux d'intérêt fixe de 8 %, arrivant à échéance en 2022 (69).

Quant à la rémunération du concessionnaire, elle n'est pas classique. En effet, Bina-Istra touche une redevance fixe : elle collecte les péages (réels) qu'elle reverse ensuite intégralement au concédant.

En Hongrie, le ministère de l'économie et des transports a publié en janvier 2004 un appel à candidatures européen pour le projet M6 PPP Motorway. Il porte sur la conception, la construction, l'exploitation et la maintenance d'un tronçon autoroutier. Le contrat a été signé le 1er octobre 2004 ; le coût du projet est estimé à 470 millions d'euros et la concession est de 22 ans. La mise en service est prévue en mars 2006. Le financement est assuré à travers une dette bancaire de 411 millions d'euros, d'une maturité de 20,5 années. Le concessionnaire ne supporte aucun risque trafic. Sa rémunération est en effet seulement basée sur la disponibilité de l'ouvrage.

En Allemagne enfin, on mentionnera évidemment le Toll Collect, dont les actionnaires sont Daimler (45 %), Deutsche Telecom (45 %) et COFIROUTE (10 %), et qui est en charge du péage autoroutier pour poids lourds en Allemagne (LKW Maut). Cette taxe s'appliquera seulement aux poids lourds de plus de 12 tonnes.

À travers un contrat d'affermage (sur 12 ans pour un montant total de 6,5 milliards d'euros), l'État allemand a ainsi chargé le consortium de développer, financer et installer le système de télépéage, puis d'exploiter et collecter le péage pour le compte de l'État. Ces installations constituent des biens de retour. L'État prend en charge les coûts d'exploitation, l'amortissement des investissements et la marge de Toll Collect. Un mécanisme de partage des risques est prévu en cas de manque ou d'excédent de recettes péage.

Le système de télépéage, qui calcule la taxe kilométrique en fonction des kilomètres parcourus, est basé sur le guidage par satellite. Ce système, innovant et complexe à mettre en œuvre, a certes subi de lourds retards, puisqu'au lieu de démarrer en septembre 2003, le système n'a fonctionné qu'à partir de janvier 2005 (70).

Pour autant, la LKW Maut devrait permettre le financement de 13 projets d'autoroutes à péage réel (71). Au total, ces projets représentent 525 kilomètres d'autoroutes et un coût de 3,8 milliards d'euros. Actuellement, l'idée d'un péage spécifique aux poids lourds se généralise. Après l'Allemagne et l'Autriche, c'est désormais le Royaume-Uni qui souhaite mettre en place un tel dispositif.

Pour conclure sur ce tour d'horizon des projets autoroutiers réalisés en Europe, quelques tendances générales peuvent être soulignées.

Les projets basés sur un péage virtuel semblent aujourd'hui délaissés. On observe ainsi un revirement important au Portugal, où les autorités qui prônaient jusqu'ici le shadow toll, ont récemment renoncé au système de péage virtuel (pourtant implanté sur 8 sections autoroutières, les « SCUT »). Leur poids sur le budget national étant jugé beaucoup trop élevé (0,4 % du PIB à l'horizon 2007). Le gouvernement portugais a donc voté en 2004 une loi visant à mettre fin à l'exploitation des autoroutes par shadow toll (72).

Le système dit « availability payment » apparaît de plus en plus fréquemment. Il s'agit d'un modèle où la rémunération du concessionnaire dépend uniquement de la bonne mise à disposition de l'ouvrage. Il ne supporte alors aucun risque trafic. Une part importante des nouveaux projets fait appel à un tel système. C'est notamment le cas en Hongrie ou aux Pays-Bas. Parfois, la rémunération est fonction de la mise à disposition mais comprend également une part liée au niveau de trafic, comme au Royaume-Uni depuis de nombreuses années.

À ce jour, la France a toujours délégué la réalisation et l'exploitation des projets autoroutiers via des mises en concession avec péage réel. On peut cependant s'attendre, au vu des nouveaux schémas observés à l'étranger et surtout des changements juridiques survenus en France, avec notamment la loi de décentralisation et l'ordonnance sur le contrat de partenariat, à une émergence de projets ne faisant pas nécessairement appel à un péage payé directement par l'usager. La mise en place de redevances liées à la disponibilité (combinée ou pas à d'autres systèmes de régulation des prix) pourrait ainsi apparaître sur de nouvelles sections comme les contournements urbains.

2.- Le modèle espagnol est riche en leçons pour l'avenir du système autoroutier français

À la suite d'une mission effectuée à Madrid et à Barcelone, votre Rapporteur a pu prendre la mesure du dynamisme des sociétés concessionnaires d'infrastructures de transport en Espagne, au travers de la mise en place d'un nouveau modèle espagnol de concession et de valorisation des sociétés.

Lors de ce déplacement, votre Rapporteur a pu échanger longuement avec des représentants du ministère du Fomento (73), de la Communauté de Madrid, de l'association des grandes entreprises de construction espagnoles (SEOPAN), des principales sociétés concessionnaires d'autoroute à péage (74), ou encore des organismes financiers (75).

Au-delà de la seule structure capitalistique des sociétés d'autoroutes, la mission a permis de comparer le système français avec les solutions espagnoles en matière de financement des infrastructures, de développement des PPP, d'actionnariat et de stratégie de diversification et de développement à l'international des groupes dont font partie les sociétés concessionnaires d'autoroutes.

a) Le développement des sociétés concessionnaires d'autoroutes espagnoles

Alors qu'en Espagne la totalité des sociétés d'autoroutes sont privées (76), il est significatif de constater que six sociétés espagnoles font partie des dix premières entreprises mondiales dans le secteur de la concession des infrastructures de transport. Il s'agit réellement d'un domaine d'excellence pour l'Espagne et l'on peut certainement admettre que le modèle de développement économique, financier et commercial retenu par les acteurs espagnols contribue à expliquer une telle performance.

les principales sociÉtÉs d'autoroutes espagnoles

Le secteur espagnol des autoroutes à péage a connu en 2002 une augmentation de son chiffre d'affaires de 10 %, atteignant 1,4 milliard d'euros. Cette croissance est due principalement à l'augmentation du parc automobile et à la baisse du prix des péages approuvée ces dernières années.

Les acteurs majeurs du secteur - une trentaine de sociétés - sont regroupés au sein de l'association ASETA (Asociación de Sociedades Españolas Concesionarias de Autopistas, Túneles, Puentes y Vías de Peaje), et appartiennent pour la plupart à de grands groupes qui dominent le secteur.

Les deux principaux concessionnaires autoroutiers sont Abertis, qui contrôle plus de la moitié du marché, et ENA. D'autres sociétés - principalement les grands groupes du BTP - sont présentes sur le secteur au travers de participations directes (comme Cintra) ou indirectes (Dragados est ainsi le second actionnaire de Abertis).

- Abertis : 68 % du réseau autoroutier espagnol

Les sociétés concessionnaires espagnoles Aurea et Acesa ont fusionné pour créer Abertis, premier groupe d'infrastructures de transport et communications en Espagne, et troisième européen derrière l'Italien Autostrade (chiffre d'affaires 2002 : 2,36 milliards d'euros) et le Français ASF (chiffre d'affaires 2002 : 2,1 milliards d'euros).

Le nouveau groupe, contrôlé à 20,1 % par La Caixa et à 11,3 % par Dragados, représente une capitalisation boursière de 5 milliards d'euros, un chiffre d'affaires de 1,15 milliard d'euros avec des résultats atteignant 300 millions d'euros en 2003. Le groupe de 4.500 personnes gère près de 1.500 kilomètres d'autoroutes.

Bien que la principale source de revenus d'Abertis soit le secteur des autoroutes (85 % du chiffre d'affaires), le groupe est aussi présent dans les domaines de la gestion de parkings et aéroports, de la logistique et des infrastructures de télécommunication.

- ENA : une privatisation réussie

ENA - qui emploie 630 personnes - a présenté en 2002 un chiffre d'affaires de 160 millions d'euros, en hausse de 8 % par rapport à l'exercice précédent, et a connu une croissance de son bénéfice net de 14,1 %, atteignant 98 millions d'euros.

Cette croissance résulte de l'augmentation du chiffre d'affaires des péages, de l'amélioration des résultats financiers et de la maîtrise des dépenses d'exploitation. Les revenus correspondant aux péages ont augmenté de 7,9 % en 2002, atteignant 155 millions d'euros, grâce à une augmentation moyenne du trafic de 4,6 %. Le groupe a réalisé des investissements pour un montant de 66 millions d'euros, principalement destinés à la construction des deux derniers tronçons de l'autoroute de l'Atlantique. Fin 2002, ENA s'est vu adjuger, conjointement au groupe OHL, la construction de l'autoroute d'accès à l'aéroport de Madrid, Barajas.

Votre Rapporteur relève avec intérêt que l'État espagnol a décidé la mise en vente de l'ENA et que le consortium mené par Sacyr-Vallehermoso a remporté cette vente avec une offre à 1,58 milliard d'euros, soit 44 % de plus que le montant minimum prévu par le gouvernement espagnol.

- ACS Dragados : un leader mondial

Le premier constructeur espagnol en 2002 est un des leaders mondiaux en nombre de concessions d'infrastructures de transport, notamment au Royaume-Uni, au Canada, au Chili, au Portugal, en Argentine ou encore en Afrique du Sud.

En plus de sa filiale Dragados Concesiones, le groupe était actionnaire majoritaire en 2002 du groupe Aurea avec 34,3 % du capital. Désormais Dragados possède 11,3 % de Abertis.

- Cintra : filiale de Ferrovial

Cintra est une filiale du groupe Ferrovial, troisième constructeur espagnol. Ferrovial a réalisé 9 % de son chiffre d'affaires en 2002 (5 milliards d'euros) grâce à sa branche Infrastructures. Le groupe gère actuellement, au travers de Cintra, 16 autoroutes à péage (près de 1.600 km) en Europe (Espagne, Portugal et Irlande), au Canada, et en Amérique du Sud (Chili). Récemment Ferrovial a vendu 40 % de Cintra au groupe australien Macquarie pour un montant de 816 millions d'euros.

- Sacyr Concesiones

Le secteur des concessions représentait 11 % du chiffre d'affaires 2002 du groupe Sacyr, au travers de sa filiale Sacyr Concesiones, qui développe principalement ses activités en Espagne, au Brésil, au Portugal et au Chili. Depuis 1996, le groupe a une politique d'investissement dans le secteur des infrastructures de transport, et gère actuellement plus de 1.800 kilomètres d'autoroutes.

- Les autres acteurs

Fomento de construcciones y contrats (FCC), second constructeur espagnol en terme de chiffre d'affaires, n'est que peu présent dans le secteur des concessions autoroutières, bien qu'il fasse partie du consortium qui s'est vu récemment vu attribuer une concession autoroutière de 50 ans près de Madrid.

Acciona, le cinquième groupe espagnol de construction, réalise 89 % de son chiffre d'affaires dans le secteur des infrastructures, mais les autoroutes espagnoles ne représentent qu'une faible part de ses résultats. Acciona gère à l'international plusieurs autoroutes, principalement en Amérique du Sud.

Enfin, le secteur des autoroutes concentre 85 % des investissements de OHL concessions. Le groupe gère une douzaine de concessions à travers le monde, notamment en Espagne, au Brésil, en Argentine et au Chili.

Il apparaît que deux modèles de sociétés concessionnaires d'autoroutes coexistent en Espagne :

- le premier (avec Itinere et Cintra), où l'actionnaire de référence de la société concessionnaire est une grande entreprise de construction, marqué par une forte volonté de développer de nouveaux projets ;

- le second (avec Abertis, dont l'actionnaire de référence est la Caixa de Catalunya), accorde la priorité au métier d'exploitant.

Les interlocuteurs des sociétés concessionnaires du premier type ont tous indiqué à votre Rapporteur que le risque de conflit d'intérêt entre l'entreprise de construction et la société concessionnaire d'autoroute était, de leur point de vue, limité en raison de l'importance des fonds propres engagés dans une société de concession (environ 25 %) et du poids de plus en plus important que prennent les concessions dans l'activité et le développement des groupes correspondants (77).

Votre Rapporteur a relevé que les sociétés les plus intéressées à entrer dans le marché français étaient Cintra et Abertis. Ces dernières ont de fait noué des partenariats avec ASF ou VINCI sur des consultations en cours. Pour autant, il semble évident qu'elles n'accepteront pas de prendre une participation financière minoritaire dans le capital d'une société concessionnaire d'autoroutes française. Elles veulent, en effet, pouvoir jouer un rôle déterminant dans la gestion de la société, ce qui implique une participation majoritaire, voire à 100 % du capital.

Les sociétés concessionnaires d'autoroute sont particulièrement agressives dans leur politique de développement international, en raison de la taille limitée de leur marché national. Sur la base d'une implantation en Amérique Latine qui leur a apporté une expérience de pays difficiles, des sociétés comme Cintra se développent ainsi dans des marchés comme celui de l'Amérique du Nord (78). Ces sociétés sont apparu intéressées par les pays de l'Est, mais avec prudence, compte tenu à la fois des risques de change de pays qui ne sont pas dans la zone euro et de dispositifs de consultation, inspirés par le modèle anglais, qui génèrent de longs délais et des coûts élevés de négociation des contrats.

On relève également que les sociétés concessionnaires d'autoroutes font toutes parties de groupes qui ont des branches d'activités diversifiées dans la construction, l'immobilier, la gestion de patrimoine, la gestion de services, ou encore la concession d'autres infrastructures comme des aéroports. Si l'on ne doit certes pas surévaluer les synergies ainsi engendrées, il est raisonnable de croire qu'une plus grande intégration des activités donnera plus d'épaisseur au métier de concessionnaire d'autoroute et contribuera à consolider le développement des sociétés.

Les entretiens ont enfin montré que le développement des activités de concession nécessite la disponibilité, sous forme de fonds propres, de financements importants à consacrer de nouveaux projets, ce qui implique que les actionnaires ne recherchent pas avant tout une politique de distribution de dividendes.

b) Le nouveau modèle de concession espagnol

Une loi du 23 mai 2004 a étendu le recours aux contrats de concession des travaux publics à l'ensemble des infrastructures et des administrations publiques (État, Communautés Autonomes, municipalités) et complété le cadre légal du modèle de concession, défini jusqu'alors pour les seules ouvrages autoroutiers.

la loi 13/2003 du 23 mai 2003 sur les contrats de concessions

L'adoption d'une nouvelle loi sur les contrats de concession de travaux publics faisait partie du programme du Parti Populaire présenté à l'occasion des élections de 2000 qui incluait, avec le programme d'Infrastructures et de Transport (P.I.T. 2000-2007), l'ambition de doter l'Espagne des réseaux de transport les plus étendus, les plus efficients et les plus sûrs en Europe pour développer la compétitivité de ses entreprises, et de permettre ainsi au pays d'atteindre un des niveaux de développement économique et social les plus élevés.

Pour ce faire, le Parti Populaire considérait indispensable de mettre en place les outils juridiques et financiers permettant de réaliser mais aussi d'exploiter dans les meilleures conditions ces réseaux d'infrastructures. Il lui a paru impératif dans ce cadre nécessaire de mobiliser les compétences du secteur privé, tout particulièrement en matière de gestion, ainsi que les financements privés pour engager, sans remettre en cause les objectifs du pacte de stabilité, un volume d'investissement très élevé. Le plan de financement du P.I.T. 2000-2007 prévoyait ainsi un financement privé à hauteur de 20 % du montant total des investissements estimés à 110 milliards d'euros.

La modernisation de la figure du contrat de concession de travaux publics, qui n'avait pas fait l'objet depuis 1877 d'une réglementation générale, s'inscrit dans ce contexte.

- Son premier objectif est d'apporter la sécurité juridique qui permette le plein développement de la formule des concessions. La dispersion de la réglementation applicable tant d'un point de vue sectoriel (c'est-à-dire en fonction des différentes natures d'infrastructures) qu'institutionnel (c'est-à-dire la définition par l'État et les différentes Communautés Autonomes de règles du jeu différentes) n'était pas à cet égard satisfaisante. Les dispositions de la nouvelle loi, qui est intégrée dans le code des marchés publics espagnol, est ainsi applicable non seulement aux contrats passés par les services et entreprises publiques dépendant de l'État, mais également aux contrats passés par les Communautés Autonomes, les entreprises sous leur tutelle et les municipalités.

- La nouvelle loi introduit ensuite des critères de marché dans la régulation des contrats de concession en donnant aux concessionnaires une plus grande liberté dans la fixation des tarifs, en mettant en place un dispositif de pénalités et de récompenses qui incite le concessionnaire à mobiliser toutes ses compétences en matière de gestion au service de la qualité du service fourni, et surtout en définissant les conditions garantissant au concessionnaire le droit au maintien de l'équilibre économique de la concession.

- Enfin, la loi cherche à permettre aux concessionnaires de mobiliser différentes techniques de financement privé en garantissant les droits des créditeurs.

Un des objectifs de cette loi, qui a été élaboré par les services du ministère du Fomento en mobilisant tant les grandes entreprises de construction et du secteur financier que les des cabinets d'avocats, était aussi de conforter la position des grandes entreprises espagnoles de construction, comme leaders mondiaux dans le secteur des concessions d'ouvrages publics.

La loi est un texte relativement complexe et technique. Elle s'attache à développer trois points principaux :

- la définition des ouvrages et opérations pouvant faire l'objet de contrats de concession ;

- la détermination de la notion de « risque » pris par le concessionnaire ;

- les conditions de maintien de l'équilibre économique de la concession ;

1. Les ouvrages et opérations pouvant faire l'objet de contrats de concession

La loi réglemente la concession de tout bien immeuble d'intérêt public, permettant de réaliser le projet promu et approuvé par l'administration. Cet « ouvrage public » doit être nécessaire à l'exécution d'activités et de services variés d'intérêt général et pouvoir donner lieu à une exploitation économique. Cela concerne ainsi à la fois les routes, chemins de fer, ports, aéroports, la construction et réhabilitation d'immeubles, l'aménagement de terrains, ...

La concession peut concerner la réalisation et l'exploitation de l'ouvrage public ou son exploitation seule (par exemple des routes qui méritent des travaux de grosses réparations). Le contrat devra nécessairement inclure l'exploitation, la maintenance, la réhabilitation et adaptation des ouvrages principaux et des ouvrages annexes pour que leurs caractéristiques techniques et fonctionnelles permettent d'apporter les services attendus dans de bonnes conditions.

La loi comprend une « clause de progrès » qui fait obligation au concessionnaire d'entretenir l'ouvrage à tout moment en fonction de ce que permettent les développements de la science et de la technique et de ce qu'exigent les normes techniques, environnementales, de sécurité, d'accessibilité applicables. Mais la loi ne définit pas comment les conséquences économiques et financières de cette obligation sont susceptibles de se répercuter sur l'économie de la concession.

L'administration pourra inclure dans les documents de consultation des mécanismes pour mesurer la qualité des services apportés par le concessionnaire et lui appliquer en conséquence des pénalités ou au contraire des récompenses.

Pour ce qui concerne la définition du périmètre des ouvrages inclus dans les contrats de concession, la loi introduit deux innovations. Tout d'abord, le concessionnaire peut se voir confier la réalisation d'un ou de plusieurs ouvrages publics complémentaires, pour lesquels il ne touchera aucune rémunération, si ces ouvrages ont une relation fonctionnelle avec l'ouvrage qu'il exploite dans le cadre de sa concession, sont de la compétence du concédant et ont une incidence sur l'exploitation de l'ouvrage concédé (par exemple, la réalisation des accès routiers à un aéroport concédé). Le plan économique et financier présenté par les candidats à l'appui de leur offre devra distinguer les ouvrages faisant l'objet ou non d'une rémunération.

D'autre part, les travaux réalisés par le concessionnaire pourront inclure, au-delà de ce qui concerne la nature spécifique de l'ouvrage considéré, l'aménagement de terrains pour des activités commerciales et industrielles complémentaires telles que hôtels, stations service, zones de loisirs, stationnement, zones commerciales, ... Ces activités seront définies dans le cahier des charges particulier de la concession et devront être conformes à la planification urbaine en vigueur.

2. Le « risque » du concessionnaire

La loi pose comme principe que le concessionnaire assume les risques et périls liés à la construction et à l'exploitation de l'ouvrage. Elle autorise le versement d'aides publiques tant à la construction qu'à l'exploitation si le financement public se justifie par des raisons de rentabilité économique ou sociale ou des exigences dérivées de l'intérêt général de l'ouvrage public.

La loi ne détermine pas de proportion quantifiée entre les montants de l'investissement privé et de l'aide publique (constatant d'ailleurs que la Commission européenne ne le fait pas), celle-ci ne pouvant être que le résultat d'une analyse au cas par cas. L'octroi d'aides publiques ne dépend ainsi que de deux conditions : l'application du principe de risque et péril à la charge du concessionnaire et la viabilité de la concession.

La loi définit ainsi toute une panoplie de modalités d'apports publics pour assurer la viabilité économique de la concession :

- une aide à la construction, qui peut inclure en phase de construction son financement partiel ou la réalisation partielle par l'administration même d'une partie des travaux transférés ensuite au concessionnaire, ou encore la remise au concessionnaire de biens immobiliers (qui sont alors intégrés dans le périmètre de la concession) ;

- des aides à l'exploitation : subventions, avances remboursables, prêts participatifs, subordonnés ou de tout autre nature, approuvés par l'autorité adjudicatrice, qui peuvent être apportés dès le début de la réalisation de l'ouvrage ou en cours de réalisation.

Les aides publiques apportées dans ce cadre ne sont pas prises en compte dans le calcul du déficit public puisque le contractant privé assume les risques et périls liés à la réalisation et à l'exploitation de l'ouvrage (contrairement aux contrats de travaux).

Les administrations publiques, autres que l'administration concédante, peuvent apporter un concours financier à la réalisation de l'ouvrage dans le cadre de contrat de concession, ce qui n'est - semble-t-il - pas possible dans les autres cas.

La loi introduit enfin la possibilité du recours au « shadow toll » en permettant à l'administration concernée de prendre en charge le versement des péages liés à l'utilisation de l'ouvrage et en étendant ce principe pour tout type d'ouvrage.

3. L'équilibre économique de la concession

La loi pose comme principe le droit du concessionnaire au maintien de l'équilibre économique de la concession. Ainsi l'administration devra-t-elle rétablir cet équilibre en faveur de la partie concernée quand l'administration modifie, pour des raisons d'intérêt public, les conditions d'exploitation, en cas de force majeure ou d'intervention de l'administration entraînant une rupture substantielle de l'économie du contrat.

Le plan économique et financier, présenté à l'appui de l'offre de concession, peut inclure des seuils minimum et maximum d'utilisation de l'ouvrage et, le cas échéant, de bénéfices tirés de l'exploitation de la zone commerciale qui engagent le concessionnaire. Dans ce cas l'offre devra indiquer les incidences du non respect de ces seuils sur les différents paramètres de la concession (tarifs, durées d'amortissement, ...).

Dans l'hypothèse où le seuil minimum n'est pas atteint, le concédant doit rétablir l'équilibre économique de la concession et dans l'hypothèse inverse où le seuil maximum est dépassé, l'équilibre doit être rétabli en sens inverse par le concessionnaire au bénéfice du concédant. Cet équilibre est rétabli en modifiant les tarifs, ou les délais de la concession, ou tout autre paramètre de la concession. Si le seuil minimum de rendement de la zone d'exploitation commerciale n'est pas atteint, cette circonstance ne pourra pas être prise en compte dans le rééquilibrage de la concession.

La loi fixe les délais maximaux des concessions en fonction de leur nature :

- inférieur à 40 ans pour les concessions de construction et d'exploitation, durée pouvant être prolongée jusqu'à 60 ans pour rétablir l'équilibre économique du contrat ;

- inférieur à 15 ans pour les concessions d'exploitation seules, durée pouvant être prolongée jusqu'à 20 ans pour rétablir l'équilibre économique du contrat.

Les tarifs sont considérés comme des prix privés, avec une plus grande flexibilité quant à leur régulation par le concessionnaire, puisque le concédant se limite à fixer une valeur maximale. Afin d'éviter des péages excessifs, manifestement inéquitables pour les usagers, la loi prévoit que l'offre du concessionnaire devra indiquer les répercussions sur les tarifs des éventuelles augmentations de coûts tant pendant la réalisation de l'ouvrage que pendant son exploitation.

L'administration a comme pouvoirs le contrôle de la concession, la possibilité d'exploiter l'ouvrage dans des cas spécifiques définis par la loi, l'imposition de pénalités dont le régime est établi dans le cadre de la loi par anticipation (notamment un plafond de 10 % du budget de l'ouvrage en phase de construction et de 20 % des recettes en phase d'exploitation), l'exercice de fonctions de police de l'usage et de l'exploitation de l'ouvrage, ou encore la possibilité de recourir au séquestre de l'ouvrage.

Enfin, la loi met en place les outils juridiques permettant de recourir à différents mécanismes de financement privé dans le cas des contrats de concession. Elle permet notamment de prendre en compte les singularités des contrats de concession, de rendre opérationnelles certaines techniques de financement (du type émission d'obligations ou d'autres titres financiers, possibilité de « titulariser » les actifs du concessionnaire, crédits participatifs) et tout particulièrement de protéger les droits des créditeurs du concessionnaire.

Cette loi n'étant pas encore totalement mise en application, il est difficile d'évaluer, par l'expérience, si les différents dispositifs introduits de ce texte contribuent de manière efficace à développer l'initiative privée dans le secteur des grandes infrastructures de transport et le bon fonctionnement des concessions. Ce qui est certain, c'est l'importance, pour le développement du financement privé des infrastructures, des garanties dont disposent tant les sponsors que les prêteurs financiers avec cette loi :

- maintien de l'équilibre économique et financier du contrat ;

- garanties applicables aux sociétés concessionnaires et aux organismes prêteurs dans les cas où le projet doit faire face à des difficultés financières (i.e. en dépit du fait que le concessionnaire ait bien fait son travail) ;

- garanties résiduelles pour les organismes prêteurs dans les cas où le projet doit faire face à des difficultés financières causées par la mauvaise gestion du concessionnaire.

Votre Rapporteur souligne notamment l'originalité et l'intérêt des dispositions de cette loi prévoyant que les contrats incluent, au-delà des mécanismes de pénalisation, des dispositifs prenant la forme d'un allongement de la durée des concessions pour inciter les sociétés concessionnaires à améliorer la qualité de service.

Par contre, les interlocuteurs du secteur privé, que votre Rapporteur a rencontrés, n'ont pas paru être particulièrement intéressés pour l'instant par la possibilité que leur donne la loi d'inclure, dans le même contrat, des infrastructures de nature différente permettant un financement croisé entre projets ou, à coté de la réalisation d'une infrastructure, l'aménagement et la commercialisation de zones commerciales ou d'activité (79).

Enfin, l'ensemble des personnes rencontrées ont souligné la pertinence des dispositions de cette loi qui permettent et incitent les intervenants - tant publics que privés - à étudier et formuler eux-mêmes des propositions de projets qui pourraient faire l'objet d'une concession.

c) Le financement des infrastructures de transport en Espagne

Le projet de programme d'infrastructures et de transport (P.I.T.) sur la période 2000-2007, élaboré par le gouvernement espagnol et actuellement en cours d'analyse par l'ensemble des acteurs publics, prévoit un investissement de 240 milliards d'euros d'ici 2020 en matière d'infrastructures de transport pour l'État espagnol. Ce chiffre - déjà considérable, voire surréaliste, en regard des 7,5 milliards d'euros évoqués pour le financement de l'État via l'AFITF sur la période 2004-2012 - n'inclut pas les investissements des Communautés Autonomes, investissements qui sont également importants.

L'importance du niveau des dépenses que l'Espagne prévoit de consacrer à ses infrastructures de transport, soit environ 1,4 % du PIB pour le seul État, est donc beaucoup plus élevé qu'en France en dépit de la diminution des aides européennes dont elle bénéficiait jusqu'alors. Votre Rapporteur suggère néanmoins de ne pas prendre ce montant global au pied de la lettre, l'ensemble des interlocuteurs ayant souligné qu'un important travail restait à mener pour aboutir à une planification opérationnelle fiable (80).

D'autre part, on soulignera le fait que le P.I.T. prévoit que 20 % des financements proviennent du secteur privé. Les experts du secteur financier ont clairement indiqué que les conditions étaient tout à fait favorables au développement du financement privé des infrastructures de transport en Espagne, du fait notamment de la solidité et de l'expérience des grandes entreprises de construction espagnoles, qui en sont les principaux sponsors, ainsi que des garanties apportées par le gouvernement espagnol.

Les représentants de l'association des grandes entreprises de construction et certaines sociétés concessionnaires ont cependant tenu à attirer l'attention sur le fait que l'adoption par l'Union européenne des nouvelles normes comptables IFRS, largement inspirées par le modèle anglo-saxon, pourrait conduire à freiner voire à handicaper le développement des concessions pour la réalisation d'infrastructures nouvelles. Ces normes feront, en effet, apparaître, même pour des opérations très profitables, des déficits très importants les premières années et des profits exceptionnels pendant les dernières années d'exploitation (81).

*

* *

III.- LA POURSUITE DE L'OUVERTURE DU CAPITAL DES SEMCA VA DE PAIR AVEC LA DIVERSIFICATION DE LEURS ACTIVITÉS

Votre Rapporteur considère que les trajectoires d'évolution des sociétés d'autoroutes européennes privées encouragent à poursuivre le mouvement de mise sur le marché des SEMCA françaises.

Pour autant, y a-t-il des éléments permettant d'établir un lien entre la présence d'acteurs privés au sein du capital des sociétés concessionnaires et une amélioration de leurs résultats ?

La présence sur le marché de sociétés autoroutières françaises (ASF pour laquelle on dispose d'un recul suffisant, APRR et SANEF dont l'ouverture du capital est plus récente) permet déjà d'apprécier certains effets de la gouvernance par les marchés. Ces effets s'analysent sous différents angles de vue :

- les effets sur la gestion opérationnelle des sociétés ;

- les effets sur leur stratégie.

1.- Le succès des opérations ASF, APRR et SANEF

a) Le bilan positif de l'ouverture du capital des ASF

Le gouvernement précédent avait décidé d'ouvrir le capital des Autoroutes du Sud de la France (ASF) fin 2001. La mise sur le marché a été réalisée en mars 2002, l'État devant rester actionnaire majoritaire.

Il s'agissait de la première opération de ce type, qui a consisté en une cession sur le marché de la majorité des actions détenues par Autoroutes de France dans le capital d'ASF, accompagnée d'une augmentation de capital de plus de 800 millions d'euros, qui a permis de renforcer les fonds propres de la société dont le ratio dettes financières sur fonds propres a été ramené à 2,7.

Les offres comprenaient une offre à prix ouvert en France, un placement global et une offre réservée aux salariés (82). Les négociations sur le Premier Marché ont débuté le 28 mars 2002. Au total, ce sont 194 millions d'actions anciennes de la société et 29 millions d'actions nouvelles provenant de l'exercice de bons de souscriptions qui ont été admises aux négociations sur le marché.

Réalisée dans un court délai (5 mois), cette opération a rencontré un bon succès. Depuis son entrée en bourse, l'action d'ASF a dépassé de plus de 10 euros le niveau de son cours d'introduction qui était de 24 euros pour les particuliers et de 25 euros pour les institutionnels. La capitalisation boursière du groupe s'élève ainsi à plus de 7 milliards d'euros, ce qui en fait ainsi une des grosses capitalisations françaises, devant le groupe VINCI pourtant intégré dans l'indice CAC 40.

Aujourd'hui, 49 % du capital d'ASF est détenu par des intérêts privés, dont 2,3 % par les salariés de la société et 20 % par les sociétés VINCI et Eiffage qui, au cours des premiers jours de cotation, ont acheté de concert 15 % du capital. Eiffage est sorti du capital d'ASF en juin 2003.

Autoroutes de France, qui détenait 49,47 % d'ASF avant l'opération, a vu sa participation descendre à 8,8 % après cession de ses titres, permettant ainsi de dégager 1,8 milliards d'euros reversés à l'État conformément aux dispositions de l'article 34 de la loi de finances initiale pour 2002 (83). Au total, l'État et ADF détiennent 50,3 % du capital d'ASF.

b) Le succès de l'opération APRR

Jusqu'à il y a encore quelques mois, ASF était la seule SEMCA cotée à la bourse de Paris (Euronext). Depuis, plusieurs études ont été réalisées pour évaluer l'opportunité de poursuivre le mouvement (84), le gouvernement Raffarin ayant décidé de procéder à des opérations comparables pour deux autres SEMCA. Et c'est à l'occasion du CIADT du 18 décembre 2003 que l'État a confirmé sa volonté d'ouvrir le capital des sociétés d'autoroutes tout en en restant l'actionnaire majoritaire.

La société APRR a été la première à s'engager, en novembre 2004, dans une mise sur le marché. Le montant de l'offre globale porterait sur 1,3 milliard d'euros et le placement s'est effectué auprès de trois publics différents en trois opérations distinctes : la fourchette d'introduction a ainsi été placée entre 38 et 43 euros dans le cadre du placement global garanti (85), entre 37 et 42 euros pour l'offre à prix ouvert (86) et entre 29,6 et 33,6 euros pour les salariés. L'offre globale a été souscrite 13 fois au prix plancher et 11 fois au prix retenu de 41,5 euros. On a compté plus de 1,3 million de souscriptions individuelles. La répartition des allocations bénéficie en grande majorité à la France (31 %) et à la Grande-Bretagne (23 %), puis aux États-Unis (17 %), à la Suisse (6 %), à l'Italie (6 %) et l'Allemagne (5 %).

Dans le cadre de l'ouverture de son capital, APRR a défini des objectifs de rentabilité autour d'une réduction des coûts à horizon 2008 de 5 % pour les coûts d'exploitation par kilomètre parcouru pondéré et de 8 % pour le coût de perception par transaction. Le plan d'action présenté aux actionnaires inclut la poursuite de l'automatisation des péages, avec un objectif de 50 % en 2008 (y compris télépéage poids lourds) et une réduction du nombre annuel d'heures travaillées consacrées à la perception manuelle. L'amélioration de la profitabilité passe par un objectif de marge d'EBITDA de 64 % en 2007 et par le développement de la part des revenus annexes, lesquels doivent passer de 3 % du chiffre d'affaires en 2003 à 5 % en 2008.

D'après les informations recueillies par votre Rapporteur spécial, APRR a, depuis l'opération, conservé près de 900.000 actionnaires individuels et le cours de l'action, bien que perturbé par les craintes sur une remontée des taux longs (puis par l'introduction de SANEF à un cours peut-être excessif), est toujours resté au dessus du niveau d'introduction (87). APRR pourra ainsi tenir son engagement de distribuer cette année 70 % de son résultat de 2004, qui s'élevait à 148 millions d'euros, et envisager des taux de distribution de 80 % par la suite.

L'opération peut donc être saluée comme une grande réussite pour la société, pour ses actionnaires et pour l'État, dont le taux de distribution aura été multiplié par deux sans rendetter la société.

c) La poursuite de ce mouvement avec SANEF

L'État a pu alors s'engager sereinement, au premier trimestre 2005, dans une ouverture du capital de SANEF par augmentation de capital, laquelle a eu lieu en mars 2005. L'opération de marché et l'offre réservée aux salariés ont été lancées le 10 mars, pour une première cotation le 24 mars. Le règlement de la livraison des titres est intervenu le 30 mars 2005.

Dans la cadre de son introduction en Bourse, SANEF a obtenu les notations long terme « A1 » par Moody's et « A+ » par Standard & Poor's : il est à noter que c'était la première fois qu'une société du secteur autoroutier obtenait deux notations, qui figurent parmi les meilleures du secteur en Europe.

L'ensemble des offres du placement global garanti (PGG) ont été de très bonne qualité pour SANEF, avec une très faible de sensibilité par rapport au prix et une très bonne qualité globale d'investisseurs. Le prix du PGG a été fixé à 41 euros par action.

Le prix de l'offre à prix ouvert a, quant à lui, été fixé à 40 euros par action, avec une quantité moyenne de titres attribués de 8 actions par personne : ce placement a remporté un vif succès, auprès de plus de 1,6 million de particuliers et une sur-souscription par les institutionnels de l'ordre de 10 fois (88).

Enfin, l'offre réservée aux salariés s'est articulée avec la possibilité d'utiliser les sommes provenant de l'intéressement et de la participation. Le prix de l'offre a été fixé à 32 euros, soit une décote de 20 %. L'offre réservée aux salariés a remporté un grand succès auprès du personnel et a permis de lever 26,8 millions d'euros (89).

Au total et compte tenu des frais de l'opération, le montant net de l'augmentation de capital est compris entre 841 et 850 millions d'euros. Mais au-delà de ces indications factuelles, le principe de la mise sur le marché des SEMCA emporte à la fois des effets sur la gestion opérationnelle des sociétés et sur leur stratégie.

2.- Des effets positifs sur la gestion opérationnelle des sociétés d'autoroutes

Le niveau moyen de la marge d'EBITDA (90) des sociétés d'autoroutes européennes s'établit en 2004 à environ 68,5 % contre une moyenne d'un peu moins de 64 % pour les SEMCA françaises. Néanmoins, ce niveau apparemment relativement bas doit être nuancé par le fait que le calcul de l'EBITDA tient compte de la soustraction de la redevance domaniale et surtout de la taxe d'aménagement du territoire, taxes qui représentent plus de 10 % de l'EBITDA.

Toutefois, on peut supposer que les exigences en terme de productivité imposées par l'actionnaire public sont relativement plus faibles que celles imposées par des actionnaires privés. En effet, on observe que la marge d'EBITDA de la société privée COFIROUTE est proche de 70 %, soit un niveau sensiblement supérieur à celui des sociétés publiques, pourtant soumises aux mêmes contraintes comptables qu'elle.

On peut d'ailleurs souligner que le niveau des tarifs pratiqués par COFIROUTE, élevé par rapport à ses consœurs publiques (comme le retrace le tableau ci-dessous), explique en grande partie cet écart :

(en centimes d'euros au kilomètre)

Société

Tarif Moyen HT 2003

ASF

5,32

APRR

5,03

SANEF

5,43

COFIROUTE

6,19

D'autre part, le schéma suivant présente l'évolution de la marge d'EBITDA d'ASF entre 2001 et 2006 : il fait apparaître une réelle rupture entre 2001 et 2002. Or, l'ouverture du capital d'ASF a précisément eu lieu en mars 2002. On peut ainsi en déduire que la mise sur le marché d'ASF a provoqué une pression sur les résultats plus forte qu'auparavant.

ÉVOLUTION MARGE EBITDA D'ASF

graphique

L'amélioration de la marge d'EBITDA peut donc retranscrire la pression des marchés sur la gestion opérationnelle d'ASF, en particulier afin de promouvoir une modernisation et une rationalisation des outils d'exploitation (télépéage), même s'il est difficile d'attribuer à cette seule action la totalité des gains réalisés.

Au demeurant, la moyenne des marges d'EBIT (91) des sociétés privées européennes s'établit à environ 47 % contre 44 % pour les SEMCA. L'effet de la redevance domaniale et de la taxe d'aménagement du territoire a également un impact non négligeable sur ce résultat. Les schémas ci-après présentent l'évolution des marges d'EBIT d'ASF et d'Autostrade au moment de leurs introductions respectives :

MARGE D'EBIT D'ASF (INTRODUCTION EN BOURSE DÉBUT 2002)

graphique

MARGE D'EBIT D'AUTOSTRADE (PRIVATISATION ACHEVÉE EN MARS 2000)

graphique

On observe ainsi une amélioration sensible des marges à la suite de la mise sur le marché d'ASF et d'Autostrade. L'augmentation de la marge d'EBIT est probablement due à une impulsion du management sous la pression des actionnaires pour établir une sélection des investissements et une gestion des amortissements plus rentables.

Pour Autostrade, cette amélioration est aussi due, pour partie, à la mise en place de nouvelles conventions tarifaires en 2000 ainsi qu'à une hausse du trafic véhicules légers (+ 3,2 %) et surtout poids lourds (+ 4,7 %) consécutive à la confirmation de la reprise économique en Italie.

Mais l'augmentation de la marge d'EBIT peut aussi être due, comme pour ASF, à une impulsion de son management sous la pression des actionnaires pour moderniser et rationaliser les outils d'exploitation. Ainsi, malgré la hausse sensible du trafic, les charges d'exploitation d'Autostrade ont diminué de 3,9 % entre 1999 et 2000.

Il semble donc que, comme pour ASF, la mise sur le marché d'Autostrade ait immédiatement eu un impact en termes de gains de productivité.

3.- De nécessaires mutations stratégiques

La mutation de l'environnement des SEMCA oblige ces dernières à une réactivité particulière. En effet, elles subissent aujourd'hui diverses contraintes les incitant à modifier leur stratégie. En particulier :

- la fin de l'adossement les conduit à devoir passer par un système d'appel d'offres très concurrentiel ;

- la mise sur le marché et le désengagement de l'État de leur capital les obligent à se conformer à des critères de marché exigeants, notamment en termes de rentabilité des fonds propres, de stratégie de groupe, de structure financière et de poids de l'endettement, que cela soit dans le cœur de métier ou dans des processus de diversification.

a) Dans le développement du cœur de métier

Le développement des SEMCA passe évidemment par la réponse aux appels d'offres autoroutiers. Certes, il est possible d'y distinguer d'une part le cœur de cette activité, constitué des projets autoroutiers français, et d'autre part les projets réalisés hors de France, mais tous doivent satisfaire désormais à des critères standards.

- Rentabilité des fonds propres

On constate que la rentabilité attendue par les actionnaires de sociétés privées, comme celles des opérateurs européens, est supérieure à la rentabiltié obtenue par les SEMCA avant leur introduction en bourse. La rentabilité souhaitée par des investisseurs privés s'élève en effet généralement à un niveau sensiblement plus élevé que celle attendue par le secteur public.

Cela s'explique par le fait que la sélection des investissements par le secteur public prend également en compte des critères de développement du territoire et d'intérêt général. Les SEMCA, en intégrant des acteurs privés à leur capital, ont donc débuté une mutation dans leur stratégie de développement.

Cet effet est largement amplifié par la fin récente de l'adossement, qui a débloqué ce levier stratégique en permettant aux SEMCA de sélectionner elles-mêmes leurs investissements. Le critère de développement du territoire sera alors porté, si les choix politiques le justifient et les conditions économiques l'exigent, par une subvention publique.

Toutefois la présence publique encore majoritaire peut conduire, au moins sur ce plan, à des conflits d'intérêt liés à des exigences différentes entre actionnaires, la puissance publique pouvant avoir des exigences liées à l'exercice de sa mission de service de l'intérêt général. Cependant, la constitution et le rôle dévolu à l'AFITF devraient conduire l'État à maximiser les retours sous forme de dividendes (donc la rentabilité des fonds propres) à des niveaux conformes aux attentes des marchés même si ceux-ci disposent d'une faculté d'arbitrage (dividendes ou de réalisation de plus value) dont l'AFITF ne dispose pas (92).

- Stratégie de réponse

Cela conduit naturellement à analyser la stratégie de réponse aux appels d'offres autoroutiers adoptée par les SEMCA. Étant donné la forte régionalisation qui existe suite à l'adossement, les SEMCA ont à cœur de « défendre » leur territoire et disposent d'avantages non négligeables pour les appels d'offres français. En effet, lors d'un appel d'offres dans une région x se greffant sur le réseau historique de la SEMCA y, cette dernière :

- dispose d'une expérience importante concernant le trafic possible sur la section en compétition (93) ;

- dispose de la possibilité de construire son business model en se fondant sur une gestion globale des ressources et des installations, voire une gestion globale tarifaire en limitant la mise en place de barrières de péage, le réseau amont et le réseau aval étant aussi les siens (94).

Concernant les appels d'offres à l'étranger, les expériences des SEMCA demeurent rares. Seul le groupe ASF présente une expérience concluante à l'international grâce au projet remporté conjointement avec Bouygues en Jamaïque.

Mais la raréfaction des projets français et la concurrence croissante, notamment due à l'arrivée d'acteurs étrangers sur le marché français, poussent tous les acteurs à étudier les projets étrangers. Ainsi, les SEMCA paraissent désormais prêtes et décidées à répondre à des appels d'offres à l'étranger.

Dans le cas d'ASF, l'alliance avec l'opérateur espagnol Abertis illustre bien ses préparatifs d'expansion hors du territoire national. ASF participe en outre, grâce à un partenariat avec le constructeur Bouygues, à plusieurs appels d'offres autoroutiers lancés actuellement par l'État grec. Associées à VINCI, elle a également pris part à l'appel d'offres pour la privatisation du Chicago Skyway Bridge.

De son côté, la SANEF a déjà participé à l'appel d'offres pour la mise en concession de l'autoroute M6, en Hongrie.

Aujourd'hui, une nouvelle piste de développement dans le cœur de métier se profile : la prise de participation dans des sociétés concessionnaires d'ouvrages déjà en cours d'exploitation.

Ces projets, dont les phases les plus risquées ont été achevées, à savoir la construction et le début de l'exploitation permettant de valider les fondamentaux (i.e. le trafic) des projets, peuvent représenter des investissements pertinents pour les exploitants. Ceux-ci sont particulièrement intéressés par la phase d'exploitation dans laquelle ils souhaitent intervenir et pourraient, grâce à une part de capital significative, imposer leur présence dans la société d'exploitation.

En outre, comme les compétences clés nécessaires à la poursuite du projet font partie des points forts d'un exploitant (développement d'une politique d'abonnements, gestion en temps réel du trafic, etc.), son implication au sein du groupement constitue pour celui-ci un avantage certain, alors que, dans le même temps, certains des actionnaires de la société concessionnaire peuvent vouloir réduire leur participation à la fin de la construction, ne ressentant par exemple plus la nécessité de posséder une partie conséquente des droits de vote. Le groupe SANEF a ainsi porté récemment sa participation de 8 à 20 % dans la société concessionnaire de l'autoroute A28 dont la mise en service est prévue pour la fin 2005.

- Interventions avec d'autres acteurs

Les SEMCA, afin de rester compétitives et performantes, doivent se présenter à tous les appels d'offres autoroutiers tout en gardant en tête les contraintes de consolidation de dette à leur bilan que cela implique, contraintes qui n'existaient pas lorsque leur actionnariat était 100 % public.

Les SEMCA se positionnent donc aujourd'hui au sein de groupements, faisant notamment appel à des partenaires financiers susceptibles de consolider, au moins par intégration partielle, la dette dans leurs bilans.

Ce type de fonctionnement peut donc permettre aux SEMCA de garder des agrégats et indicateurs financiers correspondants aux attentes des marchés (gearings comptable et financier notamment), et de conserver une capacité d'endettement suffisante pour faire face à diverses opportunités d'investissement.

Un point vient néanmoins nuancer ce propos sur la rentabilité des fonds propres. L'aspect très concurrentiel du marché entraîne certains consortia à remettre des offres, sur des projets comportant un risque trafic important, avec une rentabilité exigée des fonds propres s'établissant parfois à moins de 10 %.

On doit néanmoins relativiser cette faible rémunération des fonds propres pour les SEMCA. En effet, en plus des dividendes et des intérêts d'avances d'actionnaires générés par le projet, il faut ajouter aux profits résultant de la position d'investisseur la marge faite par les SEMCA sur le contrat d'exploitation et, dans certains cas, sur la fourniture des équipements de péage. Ainsi, le taux de rentabilité interne (TRI) global des SEMCA s'établit à partir de l'ensemble des flux nets suivants :

- flux de dividendes ;

- flux des avances d'actionnaires ;

- flux des équipements de péage ;

- flux du contrat d'exploitation.

Or, la structuration financière des projets autoroutiers récents fait état de réponses aux appels d'offres à travers la constitution de sociétés disposant d'un fort effet de levier (5 à 15 % de fonds propres). Les SEMCA prennent, dans ces sociétés projets, une participation généralement comprise entre 10 % et 49 %, strictement inférieure à 50 % afin de ne pas être en position de pouvoir adjudicateur. Le TRI d'une SEMCA dépendra donc du niveau de fonds propres engagés par rapport au niveau des revenus retirés du projet (95).

Par conséquent, il semble que les SEMCA bénéficient in fine d'une rentabilité des fonds propres à la hauteur des pratiques et des attentes du marché.

b) Au travers d'une diversification des activités

La maturité du réseau autoroutier français, doublée de l'arrivée à échéance de la majorité des concessions entre 2026 et 2032, bien que l'on puisse faire l'hypothèse d'une probable ré-attribution de l'exploitation à la SEMCA sortante à échéance de son contrat, constitue un élément d'incertitude important.

Ce risque incite les SEMCA à une diversification et à une ouverture progressive vers des activités hors de leur cœur de métier. Il semble que cette approche puisse constituer un point de divergence entre les intérêts de la personne publique et ceux du marché.

La diversification des SEMCA conduirait l'État à diminuer le niveau de ses revenus futurs à court terme, l'autofinancement nécessaire à cette nouvelle stratégie de développement venant grever la capacité distributrice des SEMCA.

Or, l'intervention des marchés dans l'équation modifie fondamentalement les objectifs des SEMCA. Le marché, bien qu'instantanément peu enclin à la diversification pour les mêmes raisons que l'État, désire toutefois disposer d'une entreprise pérenne tant en termes de rentabilité que d'existence à long terme. Ainsi, afin de limiter l'exposition des SEMCA aux incertitudes qu'implique la fin des concessions, celles-ci peuvent ainsi être amenées à s'orienter vers une diversification de leurs activités.

D'un point de vue opérationnel, des unités dédiées au développement de l'activité ont ainsi été créées assez récemment au sein de chacune des SEMCA. Outre la réponse aux appels d'offres autoroutiers, elles sont chargées d'identifier les relais de croissance potentiels et de les exploiter. Ces relais, s'ils demeurent proches de l'activité de concession autoroutière, constituent cependant un éventail assez large :

- télécommunications ;

- parkings ;

- prestations de services (gestion de trafic, télépéage) ;

- plates-formes logistiques ;

- divers (télématique, rail, tramway, aéroportuaire).

La nouvelle organisation du groupe SANEF illustre clairement l'importance croissante de ces activités annexes. En effet, la société compte désormais plusieurs « marques », chacune d'entre elles se rapportant à l'une de ces activités : SANEF télécoms, SANEF services, SANEF télématiques, etc. Néanmoins, la participation de ces activités à la constitution du chiffre d'affaires et du résultat de SANEF reste encore marginale.

- Télécommunications

Gestion d'infrastructures de télécommunications

Les sociétés concessionnaires d'autoroutes disposent d'un réseau conséquent de fibres optiques courant le long de leurs réseaux. Ces fibres sont nécessaires à l'exploitation autoroutière pour le transfert de données entre les différents sites d'exploitation. Cependant une capacité excédentaire a été prévue lors de leur réalisation. La location de cette surcapacité représente une source de revenus supplémentaires pour les concessionnaires estimée à environ 1 % du chiffre d'affaire.

Aujourd'hui, le pôle Télécoms présente un intérêt supplémentaire. En effet, plusieurs collectivités locales ont récemment lancé des procédures de délégation de service public pour la mise en place de réseaux de télécommunications à haut débit sur leur territoire. Or, les concessionnaires autoroutiers, lorsque leur réseau traverse l'un de ces territoires, possèdent un avantage concurrentiel net : leur réseau de fibres optiques déjà existant représente un actif stratégique, car il peut constituer la colonne vertébrale du futur réseau de haut débit que la collectivité souhaite mettre en place.

Les concessionnaires participent donc, à travers des partenariats avec des constructeurs et des opérateurs télécoms, à ces projets qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de millions d'euros. C'est par exemple le cas du groupe APRR dans les départements du Loiret et de l'Allier.

Rôle d'opérateur de télécommunications

À ce jour encore peu étudiée par les SEMCA, l'extension de leur activité télécoms actuelle vers un rôle d'opérateur en télécommunications est envisageable. SANEF a notamment fait quelques pas en ce sens.

Les analystes considèrent cependant qu'il s'agit d'un métier réellement éloigné de l'activité que les SEMCA assurent actuellement. En effet, autant la gestion d'infrastructures télécoms fait appel à un savoir-faire en terme de négociation avec les collectivités locales, compétence clé des exploitants autoroutiers, et repose sur un réseau d'infrastructures que les SEMCA maîtrisent, autant l'activité d'opérateur semble hors de leur domaine de compétences. Outre les problèmes techniques qu'il se doit de maîtriser, l'opérateur est ainsi soumis à des contraintes légales strictes et pointues qui peuvent soulever de nombreux problèmes juridiques, voire techniques et d'acquisition du savoir-faire propre à cette activité.

- Parkings

La construction et l'exploitation de parkings routiers gardiennés représentent également une piste intéressante de développement.

Celle-ci apparaît dans chacun des plans de développement affichés par les SEMCA. Cet intérêt soudain découle d'un changement dans la politique des sociétés d'assurance : la nouvelle clause « vol » des contrats d'assurance stipule en effet que les vols de marchandises subis par les transporteurs routiers ne seront pris en charge que si les faits ont eu lieu dans une zone sécurisée (clôtures de 2 mètres de haut, vidéo surveillance, barrière à herse, éclairage de nuit).

Dans ce contexte, les concessionnaires autoroutiers, conscients des demandes en matière de stationnement sécurisé, commencent à proposer aux transporteurs un service de gardiennage des camions sur certaines de leurs aires d'autoroute (96).

En 2003, le groupe ASF a, par exemple, créé, avec des investisseurs, la société Truck Etap, qui gère la construction et l'exploitation de plates-formes de services pour les poids lourds. La première réalisation de Truck Etap est un centre routier surveillé de 550 places, à proximité de Béziers (ouverture fin 2005). La SANEF s'est également lancée dans les parkings sécurisés pour poids lourds (le premier a ouvert en décembre 2004 sur une aire de l'autoroute A1).

Les sociétés d'autoroutes prévoient de mettre en place une gamme de services complète comprenant, outre le stationnement, des prestations complémentaires pour les chauffeurs routiers (station-service, restaurant, hôtel et autres commerces).

L'exploitation de parkings urbains du type de ceux exploités par VINCI Park ou par Epolis (société nouvellement acquise par le constructeur Eiffage) semble également une piste de développement intéressante. En effet, la gestion de parkings faisant appel à des compétences clés proches de celles de l'activité d'exploitant autoroutier (maîtrise des coûts de construction, prélèvement du péage, politique d'abonnement, etc.), l'expertise acquise par les SEMCA pourrait être avantageusement réemployée.

- Prestations de service

Les SEMCA sont parfois mandatées pour réaliser des prestations d'experts auprès d'acteurs étrangers, en exploitation autoroutière ou en système péage. Cela a par exemple été le cas du groupe APRR qui a assisté la société australienne Melbourne City Link dans l'implantation d'un système de péage innovant sur son réseau. Cette activité demeure cependant marginale, tant en chiffres d'affaires qu'en revenus tirés de cette activité, à l'image d'ailleurs de l'ensemble des métiers de prestation intellectuelle à caractère technico-économique.

- Plates-formes

Plusieurs projets de plates-formes multimodales intéressent déjà les SEMCA. L'objectif de ces projets consiste en la création d'une plate-forme logistique proposant aux industriels des services d'interconnexion entre plusieurs modes de transport jusque-là disjoints (par exemple le fluvial, le rail et la route). Une telle plate-forme propose des services de manutention et de transbordement permettant aux industriels d'accélérer leur chaîne d'approvisionnement.

Les SEMCA peuvent logiquement être intéressées par les projets de ce type qui relient leur réseau autoroutier à un réseau complémentaire, cette nouvelle liaison pouvant drainer, si les industriels éprouvent un réel intérêt pour la plate-forme, un trafic routier supplémentaire. Pour promouvoir ces projets, positifs pour leur activité, les SEMCA peuvent participer au capital des entités en charge de la gestion de tels nœuds logistiques. Le groupe APRR, à travers sa filiale alpine AREA, est ainsi actionnaire à 35 % de la SGTBA, qui gère la plate-forme de transbordement rail/route de Bourgneuf-Aiton dans le cadre du projet franco-italien d'autoroute ferroviaire alpine. La mission de la SGTBA étant limitée à la gestion du site, APRR ne supporte pas le risque commercial lié à l'exploitation du ferroutage.

L'impulsion récente des pouvoirs publics concernant la réorganisation du transport combiné peut clairement constituer un catalyseur pour cette activité.

- Divers

On trouve aussi, en marge des catégories définies précédemment, des projets plus originaux, mais possédant toujours un lien avec l'autoroute. C'est par exemple le cas de la participation des ASF au projet de satellite Galileo au sein d'un des deux consortia retenus, Eurely, mené par Alcatel, et VINCI Concessions.

Par ailleurs, SANEF participe actuellement à un appel d'offres pour l'introduction, au Royaume-Uni, d'un système de péage pour poids lourds, proche de la LKW Maut instaurée en Allemagne. Le groupe a répondu avec Serco, Fela et IBM, à la consultation lancée et a été retenu. La remise des offres devrait intervenir fin mai 2005. Enfin, en janvier 2004, SANEF a acquis 85 % du capital de la société Masternaut (pour 7,3 millions d'euros). Cette société française fondée en 1996 conçoit, fabrique et commercialise des systèmes et services pour la gestion de flottes de véhicules. C'est la première fois que le développement d'une SEMCA passe par une acquisition.

En allant plus loin, on pourrait imaginer que les SEMCA, dans leur recherche de relais de croissance, s'intéressent également à des infrastructures moins proches de leur cœur de métier comme les aéroports, les ports ou les tramways, à l'instar d'Abertis ou de Ferrovial.

Au vu de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, l'activité aéroportuaire apparaît comme une piste à suivre. En effet, cette loi ouvre la voie à une entrée future d'opérateurs privés au capital des sociétés gestionnaires des grands aéroports régionaux français. L'espagnol Abertis, dont la branche aéroportuaire représente 16 % du chiffre d'affaires prévu pour 2005, pourrait donc être pris comme exemple par les concessionnaires français.

Pour autant, les analystes restent aujourd'hui nuancés sur les aspects positifs que peut apporter à court terme la diversification des SEMCA. En fait, l'accueil du marché aux SEMCA dépendra essentiellement de la nature des opérations de diversification.

Ainsi, dans une note publiée le 21 mars 2005, l'agence de notation Standard & Poor's indiquait, au sujet des quatre sociétés autoroutières françaises qu'elle a notées (COFIROUTE, ASF, SANEF et APRR), que « toute diversification substantielle en dehors du secteur des ouvrages à péage affaiblirait les profils financiers de ces sociétés, situés jusqu'ici bien au-dessus de la moyenne ».

Les SEMCA devront donc essayer de faire des choix stratégiques mais aussi tactiques (i.e. à plus court terme), maintenant qu'elles sont contraintes de maximiser leur valeur et donc de prendre en considération dans leurs réflexions l'appréciation potentielle par le marché des décisions prises. Certes, les théories financières s'accordent sur le fait que les marchés accueillent en général timidement la diversification, mais l'exemple d'Abertis montre qu'une fois cette diversification est bien enclenchée, les marchés sont aptes à apprécier de telles valeurs (97).

Au demeurant la diversification n'a pas comme seule vertu d'apporter un second souffle aux SEMCA. Dans le cadre de la récente remontée des taux longs, la diversification a montré qu'elle permettait aux opérateurs autoroutiers de réduire leur sensibilité aux variations des taux d'intérêt à long terme. On en veut pour preuve la hausse des taux intervenue au mois de février 2005 qui a fortement pénalisé le cours des concessionnaires autoroutiers européens (- 10 % en 10 jours pour APRR).

Cet impact sur les sociétés autoroutières s'explique par le fait qu'une telle hausse défavorise les entreprises endettées, les titres à faible bêta et les véhicules valorisés par des méthodes d'actualisation de flux (cash flows ou dividendes). Les SEMCA étant considérées par les marchés comme des valeurs refuge dont les revenus sont quasi assimilables à une rente obligataire, la remontée des taux longs a donc provoqué un basculement des investisseurs de ces titres vers le marché obligataire.

Le graphique ci-dessous illustre la corrélation entre les taux longs et le cours de bourse, en prenant comme exemple la société Brisa encore peu diversifiée.

graphique

Cependant Abertis, nettement plus diversifiée que ses consœurs, a beaucoup moins ressenti la hausse des taux, comme le révèlent les graphiques ci-après.

COURS DE BOURSE D'ABERTIS ET DE BRISA SUR SIX MOIS

graphique

COURS DE BOURSE DES GROUPES AUTOROUTIERS COMPARÉS À L'EUROSTOXX50

graphique

4.- L'approche financière plaide pour une diversification des activités des SEMCA

Votre Rapporteur reproduit ci-dessous les conclusions d'une étude financière, commandée par la commission des Finances à la Caisse des dépôts et consignations, qui tend à plaider pour une diversification des activités des SEMCA comme levier potentiel de création de valeur.

a) La structure de la dette des SEMCA et la question de son refinancement

Afin de décrire la structure financière des SEMCA et d'apprécier leur risque intrinsèque réel au regard de leur structure financière, il est utile de s'intéresser :

- au ratio dette nette / EBITDA qui permet d'estimer le nombre d'années qui sera nécessaire pour rembourser la dette de la société avec des flux qu'elle génère. Ce ratio doit être comparé à la moyenne du secteur industriel dans son évolution ;

- au ratio de couverture de service de la dette par les flux actualisés disponibles sur la durée de la concession (Concession Life Coverage Ratio ou CLCR) :

Erreur ! Des objets ne peuvent pas être créés à partir des codes de champs de mise en forme.

Dans le cas du secteur des sociétés concessionnaires des autoroutes, le niveau minimum attendu pour le CLCR est environ 2 (98).

L'endettement net de chacune des SEMCA présente une série de caractéristiques comparables et l'on peut ainsi considérer celui-ci globalement, tout du moins pour les groupes APRR, SANEF et ASF.

Tout d'abord, les SEMCA disposent d'un endettement très lourd (gearing comptable d'ASF en 2004 : 230 %) couplé à des plans de renouvellement et de grosse maintenance de leur concession réguliers (700 millions d'euros d'investissement pour ASF en 2004).

La problématique d'endettement des SEMCA se pose à deux niveaux :

- le refinancement des emprunts arrivés à échéance ;

- les financements nouveaux afin de faire face aux ICAS (dépenses d'investissements complémentaires sur autoroute en service) et à la distribution des dividendes telle qu'elle a été annoncée au marché.

L'exemple d'APRR semble assez représentatif de la situation générale des SEMCA. Le profil de cash flows des SEMCA, hors emprunt nouveau, fait apparaître une carence en trésorerie après quelques années. Le graphique ci-dessous montre le déficit de trésorerie dont APRR souffrirait si cette dernière ne faisait pas appel régulièrement à l'emprunt pour le financement des investissements de construction sur les autoroutes en service :

graphique
graphique

Ce profil de cash flows n'est pas en adéquation avec le profil des charges financières et de la charge de remboursement d'emprunt. Cela s'explique par une maturité courte du passif des SEMCA en regard des actifs financés, couplée à des taux élevés d'endettement.

La durée de vie moyenne de la dette des SEMCA est de l'ordre de 6 à 8 ans, ce qui est extrêmement court en comparaison des dates de rétrocession à l'État des concessions, entre 2026 et 2032. Cette caractéristique a plusieurs implications directes :

- la charge de remboursement du principal est plus élevée que si le financement avait été structuré avec des emprunts long terme ;

- la visibilité à long terme (jusque 2032) des cash flows n'est pas exploitée pour optimiser la structure de financement.

Allonger la maturité des emprunts pour avoir des échéances proches de la date de retour des actifs à l'État (2026 à 2032) pourrait permettre d'optimiser la charge financière dans les années à venir et donc permettre une capacité distributive de dividendes plus importante à court terme. Or, les phénomènes d'actualisation aidant (écrasement de la valeur ajoutée des flux de dividendes futurs), cette démarche pourrait être bénéfique en terme de valeur actuelle nette des dividendes. En effet, il est plus intéressant en termes de valeur de recevoir des dividendes rapidement qui seront peu actualisés que de recevoir le même niveau de dividendes dans un avenir plus lointain, car ceux-ci seront écrasés par l'effet mécanique de l'actualisation.

Quant au coût de la dette des SEMCA, il est aujourd'hui assez élevé, environ 6,5 % compte tenu des taux actuellement en vigueur (le dernier emprunt octroyé par la CNA début 2004 faisait état d'un taux d'intérêt de 4,5 %). On peut d'ailleurs remarquer que le coût des emprunts dont l'échéance est inférieure ou égale à 5 ans est sensiblement plus élevé que le coût moyen de la dette (au-delà de 7,5 % et jusqu'à 9,3 %). Pour illustrer ce propos, le graphique ci-dessous propose la prévision des charges financières pesant sur APRR pour les prochaines années :

graphique
graphique

Bien qu'en utilisant des emprunts à maturité relativement courte par rapport à la durée de jouissance économique d'actifs tels les autoroutes en concession, les SEMCA bénéficient de taux de court terme peu élevés. Le refinancement envisageable en vue de rapprocher la durée de vie économique résiduelle et la maturité moyenne de la dette comporte donc un risque intrinsèque. En particulier, une remontée des taux pourrait pénaliser la gestion financière des SEMCA si celles-ci devaient se refinancer dans le futur à des taux devenus prohibitifs.

On précisera que les SEMCA ont une structure de taux majoritairement à taux fixe. SANEF et APRR ont plus de 90 % de leur dette à taux fixe. Cette structure les désavantage évidemment pour toute la partie d'emprunts contractés lorsque les taux étaient particulièrement élevés (période 1990 - 1995).

SITUATION DE LA DETTE BRUTE D'APRR AU 31 DÉCEMBRE 2003

graphique
graphique

La « photo » actuelle de la structure des SEMCA montre donc des résultats grevés par une politique de financement qui n'a pas toujours été optimisée, ou du moins ne l'a pas été dans une optique de maximisation des versements des dividendes. En particulier, la capacité distributive à moyen terme est handicapée par une part importante d'emprunts coûteux, mais qui arrivent à échéance dans les 5 prochaines années.

Suite aux éléments mis en exergue ci-dessus, la restructuration de la dette des SEMCA devrait donc permettre de créer de la valeur, tant pour les actionnaires privés que pour l'État. Cette restructuration permettrait de mettre en cohérence et en adéquation la structure de leur passif avec leur structure de revenu.

Aujourd'hui, la majorité de la dette des SEMCA se compose d'emprunts CNA aux conditions dont cette dernière a disposé lors de son propre endettement sur le marché. Les SEMCA ont ainsi bénéficié de conditions attractives, profitant de la notation AAA de la CNA. Les emprunts contractés par la CNA, le plus souvent obligataires, portent sur de larges souches (jusqu'à plus de 1 milliard d'euros). Les prêts consentis par la CNA sont ensuite redistribués entre les différentes SEMCA.

Toutefois, le refinancement des SEMCA est un sujet sensible. Il est en effet délicat à mettre en œuvre dans la pratique, mais il demeure possible d'imaginer plusieurs scenarii d'optimisation :

- une OPE globale sur plusieurs souches de la CNA permettant d'allonger la durée de vie moyenne de la dette ancienne à taux fixe. Ceci permettrait notamment, à ratio de couverture de service de la dette égal, d'augmenter la capacité distributive des SEMCA ;

- un refinancement à chaque échéance par émission obligataire ou « dette bancaire sculptée » (profil de remboursement avec un ratio de couverture de dette cible) sur une maturité en cohérence avec la structure des revenus des SEMCA. Cela permettrait avant toute chose d'allonger la durée de vie des emprunts. Cette solution, par rapport à la précédente, est plus facile à mettre en place mais elle induit un fort risque de variations des taux d'intérêt du fait de l'attente des échéances ;

- un recours plus important auprès de la BEI. Ainsi, en 2003, la SANEF a souscrit un emprunt de 70 millions d'euros afin de financer l'autoroute A29 à un taux de 3,48 % ;

- un refinancement d'une part importante de la dette ancienne, avec une condition sine qua non qui est que les pénalités de remboursement anticipé des souches obligataires ne soient pas trop importantes, par une dette à long terme sculptée afin de rendre parfaitement cohérents les conditions des prêteurs et les revenus (en fonction du niveau de DSCR objectif des financeurs). Vu les problèmes posés par le remboursement anticipé, cette solution semble moins pertinente que les autres ;

- des emprunts indexés sur l'inflation afin d'obtenir une bonne corrélation avec les revenus et se prémunir du risque d'inflation.

Une option de refinancement faisant intervenir ces différentes solutions devrait permettre de diversifier les risques sur la dette. Si ce refinancement avait lieu avant 2006, il semble que les SEMCA pourraient éventuellement bénéficier d'un refinancement dans lequel la CNA interviendrait et donc profiter des conditions de taux d'intérêt attractives provenant de la notation AAA de la CNA.

Au niveau de la structure même des taux d'intérêt, il serait sûrement souhaitable d'augmenter la partie de l'endettement à taux variable ou indexé sur l'inflation, éventuellement à travers des produits dérivés afin de réduire la charge d'intérêts en profitant des taux bas sur les maturités courtes ou des taux réels offerts par les produits indexés inflation.

Cet exercice pourrait être fait à hauteur du niveau de trésorerie des SEMCA et l'est déjà par certaines d'entre elles, cette trésorerie étant elle-même placée à taux variable.

Ainsi, la gestion de la trésorerie peut avoir un effet non négligeable dans la stratégie de la gestion actif-passif des SEMCA. Ces dernières doivent mener une réflexion sur le niveau optimal de trésorerie dont elles doivent disposer. Ce dimensionnement devrait se baser sur les critères suivants :

- optimiser la trésorerie afin de ne pas être contraint de limiter la distribution de dividendes ;

- garder un niveau de trésorerie de sécurité pour faire face aux éventuels imprévus.

b) La diversification des activités a un impact plutôt favorable sur l'évolution de la capacité distributive

- Le scénario tendanciel

Ce scénario est celui dans lequel la structure de l'activité des SEMCA reste identique à la structure actuelle, c'est-à-dire une spécialisation très forte dans la concession autoroutière, celle-ci représentant plus de 98 % de leur chiffre d'affaires.

Dans ce cas, le profil tendanciel des cash flows est le suivant :

graphique

Source : Caisse des dépôts et consignations

La concession principale s'achevant (exemple du groupe APRR) en 2032, les flux s'arrêtent à cette date. Aucune source alternative de revenus (en raison de l'absence de diversification) ne génère la moindre rentrée de cash par la suite.

- Le scénario de rupture

Le deuxième scénario considère les SEMCA dans l'hypothèse où leur activité s'est largement diversifiée, tendant vers une structure proche de celle d'Abertis (où seulement 75 % du chiffre d'affaires est autoroutier) ou de Cintra (80 % du chiffre d'affaires).

Dans ce second cas, le profil tendanciel des cash flows est le suivant :

graphique

Source : Caisse des dépôts et consignations

Dans ce scénario, les SEMCA consacrent une part de leur flux de trésorerie disponible pour financer leur diversification.

Deux effets apparaissent en conséquence :

- les dividendes sont réduits pendant cette période d'investissement ;

- les nouvelles activités financées par ce réinvestissement de cash flows permettent de générer des revenus s'étalant au-delà de la date de fin de concession.

Les activités diversifiées prises en compte sont, à titre d'exemple :

- une activité parkings, similaire à celle développée par VINCI Park ou Cintra ;

- une activité aéroportuaire, similaire à celle réalisée par Macquarie Airport (MAp) ou TBI.

L'activité Télécom n'a pas été prise en compte dans ce scénario. La composante opérateur est en effet mal perçue par la majorité des brokers. Il ne semblerait pas judicieux que les SEMCA, désormais sensibles à la pression du marché, s'aventurent sur ce secteur. Si l'activité de gestion des infrastructures de télécommunication est pour sa part relativement bien perçue par les marchés, elle n'est donc ici pas prise en compte, car le manque de recul la concernant rend très délicate l'évaluation de son potentiel de création de valeur. Par ailleurs, cette activité ne pouvant être menée qu'à proximité du réseau de chaque SEMCA, ses perspectives de croissance sont donc limitées.

Par souci de simplicité, les autres activités (plates-formes logistiques, parkings poids lourds, télématique, ...) n'ont pas non plus été prises en compte dans le modèle.

Le profil de diversification envisagé (parking urbain et aéroportuaire) est donc proche de celui d'Abertis ou de Cintra (hormis l'activité Télécoms). Les hypothèses retenues pour cette analyse financière sont les suivantes.

Parkings

Étant donné qu'une entrée directe sur le marché des parkings urbains paraît difficile, on suppose que le développement dans l'activité parkings est réalisé par acquisitions de sociétés existantes. La valorisation des flux de trésorerie générés par ces acquisitions provient de l'étude de sociétés comparables (Epolis, VINCI Park, Cintra, Abertis) dont découlent les hypothèses suivantes :

Multiple VE/EBIT

14,8

Amortissement/EBIT

57 %

Capex/EBIT

57 %

Delta BFR/EBIT

0 %

Taux de croissance annuel de l'EBIT

CT : 3 %

LT : 1,5 %

Source : Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Par souci de simplification, on suppose que les investissements, les amortissements et la variation du besoin en fonds de roulement sont des fractions constantes de l'EBIT. Concernant la croissance de l'EBIT, le taux annuel de 3 % a été retenu pour les 10 premières années et est substitué par le taux plus conservateur de 1,5 % par la suite.

Aéroportuaire

Une entrée directe sur le marché des aéroports paraissant encore plus ardue que dans le cas des parkings urbains, on suppose également que le développement est réalisé par acquisitions de sociétés existantes. La valorisation des flux de trésorerie générés par ces acquisitions provient de l'étude de différentes sociétés aéroportuaires (TBI, MAp, Bruxelles, Rome) dont découlent les hypothèses suivantes :

Multiple VE/EBIT

20

Amortissement/EBIT

65 %

Capex/EBIT

65 %

Delta BFR/EBIT

0 %

Taux de croissance annuel de l'EBIT

CT : 5 %

LT : 1,5 %

Source : CDC.

Par souci de simplification, on suppose que les investissements, les amortissements et la variation du besoin en fonds de roulement sont des fractions constantes de l'EBIT.

Concernant le taux de croissance du résultat opérationnel (EBIT), l'évolution historique du trafic aérien fournit un trafic attendu augmentant de 5 à 6 % par an. L'augmentation annuelle de 5 % sera donc prise comme taux de croissance du résultat opérationnel à court terme (10 ans) auquel sera substitué un taux plus conservateur ensuite (1,5 %).

Répartition de l'activité diversifiée

Au sein du portefeuille diversifié des SEMCA, on privilégiera l'activité parkings, bien devant l'aéroportuaire. En effet, le développement de l'activité aéroportuaire, même si l'actualité souligne son intérêt, semble aujourd'hui moins simple et naturelle pour les SEMCA que la croissance dans les parkings qui profite pour sa part des fortes synergies entre l'exploitation autoroutière et celle des parkings urbains. La valorisation de l'activité aéroportuaire s'avère en outre plus délicate que celle de l'activité parkings, dont les antécédents en France et en Europe sont mieux connus. On retiendra ainsi la pondération 80 % - 20 % pour les réinvestissements dans chacune des activités parkings et aéroportuaire.

Mécanisme d'investissement dans les activités diversifiées

Pour chacune des SEMCA, le mécanisme d'investissement dans une activité diversifiée est le suivant :

Partant du business plan du scénario tendanciel, un pourcentage fixé de la trésorerie totale disponible pour le versement des dividendes est mobilisé chaque année et consacré à la diversification. Les pourcentages utilisés sont présentés dans le tableau ci-dessous :

2005-2020

2021-2032

2033 et suivantes

ASF

10 %

60 %

0 %

APRR

25 %

60 %

0 %

SANEF

25 %

35 %

0 %

Source : CDC.

Les niveaux de réinvestissement ci-dessus, qui visent à maximiser la valeur actualisée des dividendes versés in fine, ont été obtenus en conservant un gearing acceptable. Cette contrainte limite le réinvestissement dans les premières années : en effet, plus le réinvestissement est important, plus la trésorerie diminue et donc plus l'endettement net augmente. Par la suite, des flux de trésorerie élevés permettent d'assurer un gearing faible.

Cette contrainte portant sur le gearing est plus forte pour ASF que pour ses deux consœurs : celles-ci disposent en effet, suite à leur augmentation de capital, d'une trésorerie conséquente qui limite leur endettement net. La trésorerie mobilisée pour la diversification est utilisée, chaque année, pour réaliser l'acquisition d'une société réalisant une activité parkings (80 % du montant réinvesti) et d'une société aéroportuaire (20 % du montant).

Chacune de ces acquisitions est réalisée avec une part égale de trésorerie et de dette. Chacune des sociétés acquises génère, à partir de l'année suivant son achat, des revenus, des charges et des investissements, qui sont réinjectés dans les comptes de la SEMCA qui l'a acquise. Ainsi, la trésorerie est initialement affaiblie par les investissements successifs mais elle augmente ensuite sous l'effet des revenus récurrents et pérennes générés par les sociétés acquises durant les années précédentes.

Politique de dividendes

Concernant la politique de dividendes, les taux de distribution futurs ont été estimés à partir des politiques annoncées à ce jour par les SEMCA. Il en résulte les estimations suivantes :

GROUPE ASF

2004-2013

2014-2032

2033 et suivantes

Taux de distribution cible du résultat net de l'année

60 %

80%

100%

GROUPE APRR

2004-2013

2014-2032

2 033 et suivantes

Taux de distribution cible du résultat net de l'année

70 %

80 %

100 %

GROUPE SANEF

2004

2005-2028

2029 et suivantes

Taux de distribution cible du résultat net de l'année

70 %

85 %

100 %

Source : CDC.

Mécanisme de valorisation

Scénario tendanciel : le modèle calcule les dividendes distribués aux actionnaires par l'ensemble des SEMCA au cours de la période 2005-2032, c'est-à-dire jusqu'à l'extinction totale des concessions autoroutières.

Scénario de rupture : le modèle calcule les dividendes distribués aux actionnaires par l'ensemble des SEMCA au cours de la période 2005-2060 puis les dividendes ultérieurs en découlent par extrapolation.

Les dividendes ainsi obtenus sont actualisés au taux de rentabilité exigé par les actionnaires de chaque SEMCA. Le tableau suivant présente les hypothèses de calcul de ces taux.

ASF

APRR

SANEF

Taux sans risque (rf)

4,03 %

4,03 %

4,03 %

Bêta

0,5

0,85

0,85

Prime de risque historique (rm - rf)

4,58 %

4,58 %

4,58 %

Taux de rentabilité exigé par les actionnaires

6,32 %

7,92 %

7,92 %

Source : CDC.

Le taux sans risque correspond au taux des OAT 30 ans (valeur du 26 avril 2005). La prime de risque historique se base sur une estimation de la société IXIS Securities (estimation datant de début avril 2005). Les bêtas employés dans cette étude correspondent aux estimations utilisées généralement par le marché dans la valorisation de ces sociétés (99).

Pour résumer, les valeurs totales obtenues sont :

· Scénario tendanciel : les dividendes actualisés perçus par les actionnaires au cours de la période 2005-2032 auxquels s'ajoute la valeur actualisée de la part de trésorerie revenant à l'AFITF à la fin de l'année 2032.

· Scénario de rupture : l'ensemble des dividendes actualisés perçus par les actionnaires à partir de l'année 2005.

Résultats

Si les résultats énoncés ci-après ont une valeur prospective, on peut en conclure que les scénarios d'évolution de la capacité distributive plaident pour une diversification des activités des SEMCA.

Le modèle financier bâti pour cette étude, et fondé sur les hypothèses décrites précédemment, fournit la valorisation des parts détenues par l'AFITF dans les SEMCA dans chacun des deux scénarii en n'intégrant pas l'hypothèse d'un refinancement, situation qui limite le potentiel de distribution de dividendes dans le scénario tendanciel.

(en milliers d'euros)

Scénario tendanciel

Scénario de rupture

Écart

Pour comparaison : valeur de marché
au 27-04-05

ASF

4.622

5.446

+ 17,8 %

4.532

APRR

3.568

3.856

+ 8,1 %

3.366

SANEF

2.917

3.083

+ 5,7 %

2.695

Total

11.107

12.385

+ 11,5 %

10.593

Source : CDC.

Il ressort donc de la modélisation effectuée que le scénario de rupture présente une valeur nettement plus élevée que celle du scénario tendanciel. Cet écart représente dans le cas de base un montant de près de 1,3 milliard d'euros, soit plus de + 11 % de valeur en plus.

On note que chacune des trois SEMCA profite de l'effet positif de la diversification. En outre, la création de valeur est encore plus forte pour le groupe ASF (plus du double de ses consœurs). Ceci s'explique par le niveau de leurs bêtas respectifs. Comme ASF possède le plus faible bêta, son taux d'actualisation est également le plus faible. Il en découle que les cash flows futurs générés par ASF sont moins affectés par l'actualisation. Comme la diversification substitue une partie des revenus à court terme par des revenus à plus long terme, il est logique qu'elle soit plus favorable au groupe dont le coefficient d'actualisation est le moins élevé, à savoir ASF.

Le graphique ci-dessous présente les séquences des montants versés à l'AFITF sur la période 2005-2060 pour l'ensemble des SEMCA.

graphique

Source : Caisse des dépôts et consignations

Ces résultats tendent nettement à montrer que la diversification pour les sociétés autoroutières pourrait être une source de création de valeur, tant pour l'AFITF que pour les actionnaires privés et ce dans le cadre des hypothèses retenues dans la modélisation.

Certes, on rappellera qu'il s'agit d'une extrapolation financière qui rencontre par nature certaines limites (100). Ainsi, l'évolution des bêtas des sociétés autoroutières reste difficile à évaluer. Or, on constate que la valeur de ce paramètre a une très forte influence sur les conclusions de cet exercice. Le fait d'investir dans des industries moins pérennes que l'autoroutier pourrait même amener une augmentation du bêta. Il est donc compliqué aujourd'hui de se faire un avis définitif sur la question de la diversification dans ces conditions.

Toutefois l'analyse de sensibilités conduite montre que, même dans des cas dégradés, il semble que l'opération de diversification reste créatrice de valeur pour les actionnaires des SEMCA.

De plus, on soulignera que cette étude est une construction qui repose sur plusieurs hypothèses fortes, à savoir :

- les SEMCA disposent des possibilités d'investissement annuelles modélisées (elles prennent une participation dans des parkings et des aéroports chaque année, ...) ;

- les marchés cibles se développent et les multiples restent sensiblement les mêmes au cours du temps ;

- la distribution de dividendes ne prend pas en compte les potentiels d'accroissement liés à un refinancement (situation qui pénalise le scénario tendanciel) ;

- les cash flows générés en moyenne par les activités diversifiées sont modélisés dans un esprit « portefeuille » mutualisant ainsi les risques et les bénéfices.

Dans cette configuration, bien que donnant un éclairage sur la mutation qui pourrait s'instaurer au sein des SEMCA, on ne peut que rester prudent sur leur avenir. Néanmoins, votre Rapporteur reste persuadé que le développement d'une pression de marché sur les choix stratégiques de ces entreprises contribuera à favoriser leur diversification. Les deux raisons principales à cette évolution sont :

- l'incertitude existante sur l'avenir du patrimoine autoroutier au moment de la fin des concessions (2028 - 2032) ;

- le financement de moyens de transport concurrents que représente le versement de dividendes à l'AFITF, dont 70 % des fonds financeront l'industrie du rail.

Pour ces raisons, les SEMCA peuvent vouloir diminuer leur dépendance à l'activité autoroutière pure afin de limiter leur sensibilité aux changements radicaux qui pourraient se réaliser dans le futur. Mais la vision exposée ci-dessus ne peut être correctement projetée qu'à moyen terme (15 à 25 ans). Le secteur commencera vraisemblablement sa mutation sur la base des éléments présentés, sans que l'on puisse prédéterminer la tournure que celle-ci prendra à long terme.

c) Les principaux éléments d'analyse

Le principal mérite de cette simulation est de montrer qu'en l'absence de diversification hors de leur champ traditionnel, la valorisation des SEMCA pourrait être affectée, même si la distribution de dividendes est maximisée à court et moyen terme.

Or, si l'appréciation de la puissance publique peut se satisfaire d'une politique de maximisation des dividendes en lieu et place du maintien voire de la croissance de la valorisation des sociétés, il n'est pas sûr que le marché financier procède à un tel arbitrage. En effet, si les titres des sociétés peu diversifiées sont par nature sensibles à l'évolution des taux, plus les sociétés d'autoroutes se rapprocheront de la date butoir de remise en concurrence des concessions, plus la volatilité des titres sera forte (101).

Il est donc possible que le marché financier, dans son arbitrage entre la favoriser la distribution de dividendes et privilégier la croissance de la valorisation, laisse une plus grande place à des politiques de développement hors du seul champ autoroutier classique. Son objet à ce titre serait de limiter les risques liés à la sensibilité croissante du titre, qui logiquement doit se traduire par une croissance des rendements exigibles, alors même que ceux-ci sont limités par la détermination des conditions d'exercice du métier d'exploitant sous concession d'un réseau.

Par ailleurs, les équipes dirigeantes de ces sociétés ont pour objet d'assurer à long terme la survie et le développement de l'organisation qu'elles gèrent. Le recours à la diversification géographique et/ou sectorielle apparaîtra donc rapidement, si ce n'est déjà le cas, comme un des facteurs les mieux à même d'assumer cette exigence de survie.

L'observation des velléités de développement des SEMCA (géographiques et sectorielles), les exemples de Brisa et surtout d'Albertis montrent d'ailleurs, qu'indépendamment des discours tenus lors des introductions sur les marchés, la voie d'évolution future des SEMCA se situe plutôt dans une perspective d'élargissement maîtrisée de leur portefeuille d'activités.

Il semble que les intérêts des sociétés et du marché financier présentent plus de points de compatibilité entre eux qu'avec ceux de la puissance publique.

Les conséquences en termes financiers, telles qu'elles peuvent être identifiées dès à présent, risquent de se traduire par la réduction de la capacité distributive par rapport à son potentiel théorique. Cet élément est certes minoré dans le modèle présenté précédemment, car la distribution n'est pas optimisée du fait de la non prise en compte de l'hypothèse de refinancement, mais elle n'est pas moins réelle. Un des premiers points de conflit potentiel entre l'AFITF d'une part, les investisseurs privés et les équipes dirigeantes d'autre part, pourrait survenir lors du partage des gains (libération des contraintes de distribution) issus de l'opération de refinancement. De fait, le conflit entre les différentes parties prenantes à la gouvernance des SEMCA pourrait se formaliser assez rapidement.

Les mécanismes de tension ici présentés ne sont toutefois pas sans réponse. L'AFITF a aussi besoin de flux de liquidités stables et prévisibles. Ses engagements de financement devront être maintenus sur les projets pour lesquels elle a vocation à intervenir. Le maintien d'un niveau relativement stable des cash flows futurs pourrait aussi l'inciter à ne pas s'opposer aux développements en matière de diversification, même si les bénéfices qu'elle en retire ne sont pas comparables à ceux que le marché financier pourrait obtenir.

En effet, l'étude a montré que les possibilités de création de valeur via le patrimoine autoroutier français résident plus dans les activités connexes, et dans les opportunités créées par les capacités de financement induites par le patrimoine, que dans le patrimoine lui-même. Ainsi, l'utilisation des cash flows des SEMCA afin de se diversifier permettra de pérenniser la source première de ressources de l'AFITF. La mutation des SEMCA permet alors d'envisager sur le long terme le financement d'infrastructures de transport sur le territoire et d'augmenter ainsi le patrimoine français dans le secteur du transport.

Aussi, malgré l'abandon d'une partie du capital des SEMCA à des investisseurs privés, privant l'État d'une partie des flux de dividendes à laquelle il aurait pu prétendre, la valeur intrinsèque du patrimoine, non pas autoroutier, mais de transport français, augmentera grâce à l'ensemble des effets cumulés de la mise sur le marché. Il s'agit en fait pour l'AFITF d'arbitrer entre la maximisation des retours à court et moyen terme et la pérennisation de ces ressources à long terme.

*

* *

CONCLUSION :

POUR UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE 

DES SOCIÉTÉS D'AUTOROUTES

Au moins à court et moyen terme et ne serait-ce que parce que le Gouvernement a pris la voie d'une réduction importante du niveau de participation qui est actuellement le sien, les mécanismes de gouvernance des sociétés d'autoroutes devraient connaître une évolution importante. Ces évolutions doivent être confirmées et encouragées.

1.- Pour une mise sur le marché plus importante des SEMCA

Comme votre Rapporteur le soulignait déjà dans sa communication devant la commission des Finances du 17 décembre 2003, à laquelle on se reportera (102), le débat doit basculer de l'idéologie vers le pragmatisme.

Loin de prétendre trancher les débats - parfois violents - autour du taux d'actualisation des dividendes des SEMCA, on se bornera à constater que, lorsqu'on actualise les dividendes attendus d'ici 2032, la « valeur » des sociétés autoroutières que l'État pourrait céder est tout à fait comparable avec le montant que l'État pourrait raisonnablement attendre d'une privatisation immédiate de ces sociétés et d'une cession des participations des ASF, d'APRR et de SANEF, à savoir entre 10 et 12 milliards d'euros.

La mise sur le marché des SEMCA devrait tendre à aligner le comportement financier des SEMCA sur celui des autres acteurs européens présents dans le même marché, à travers une amélioration du rendement financier offert par ces sociétés.

L'atteinte de ces objectifs se traduira tant :

- dans les rentabilités visées sur les nouveaux projets (103), essentiellement d'ailleurs à l'international puisque les potentialités de développement sont désormais relativement limitées en France, hormis quelques projets (A65 par exemple), ou hors du domaine autoroutier classique (rocades), sur lesquels les SEMCA ne disposent pas d'avantage comparatif ;

- que dans les efforts de productivité pour accroître les marges sur l'EBITDA, mouvement déjà observé sur ASF lors de sa privatisation partielle.

2.- Pour une structure plus diverse de l'actionnariat des sociétés d'autoroutes

Ensuite, votre Rapporteur considère que les lourdes réticences de l'administration à laisser les SEMCA se diversifier reposent assez largement sur des craintes exagérées et constituent probablement une évolution inévitable.

On peut distinguer trois grands types de sociétés d'autoroutes :

- les « concessionnaires-investisseurs » (à l'image de l'australien Macquarie, l'un des leaders mondiaux dans le domaine de l'investissement autoroutier) ;

- les « concessionnaires-constructeurs » (où intervient le secteur du BTP, comme avec VINCI ou Ferrovial)

- les « concessionnaires-exploitants » (i.e. les SMECA françaises).

Comme on l'a vu, et à défaut de diversifier leur actionnariat, ces derniers seront de plus en plus amenés à s'allier aux sociétés des deux premiers types pour conquérir les marchés étrangers tout en disposant de bases financières saines et d'atouts en termes de spécialisation par métier.

Mais les réticences à encourager - ou même admettre - un rapprochement entre le monde du BTP et l'activité de concessionnaire restent fortes, dans notre pays. Ainsi, la direction générale des routes met en garde contre les risques de comportement prédateur sur l'activité des SEMCA. Les précautions, précédemment évoquées, entourant la participation de VINCI dans ASF sont, à cet égard, assez symptomatiques.

Or, ce rapport a souligné la convergence entre l'évolution du marché des concessions en Europe et la nécessité de lever des fonds, alors que les exemples d'échec de financements de projets par des SEMCA semblent plaider pour le recours accru aux financements corporate.

Les tenants de l'intégration complète « construction-concession » font ainsi valoir que celle-ci permet d'obtenir de meilleurs résultats, rend possible des choix de financements plus agressifs que ceux que d'autres acteurs (les SEMCA) seraient prêts à assumer, offrent davantage de marges de manœuvre réactives et sont cohérents avec l'approfondissement de l'intégration économique européenne.

Ce modèle d'entreprise aboutit ainsi à une masse critique et une crédibilité financière qui renforcent l'indépendance financière, comme l'a révélé l'analyse du système espagnol. Toujours plus compétitives, les sociétés espagnoles se constituent une réserve financière considérable en s'appuyant sur les complémentarités entre les deux types d'activités. L'effet de levier (lié à la capacité de mobilisation financière future) ainsi constitué pour les concurrents étrangers pèsera certainement de plus en plus en défaveur des SEMCA françaises.

3.- Pour une diversification plus ambitieuse de l'activité afin de faire émerger des champions nationaux de dimension internationale

Comme ce rapport a cherché abondamment à l'illustrer (104), les réticences de l'administration à laisser les sociétés autoroutières se diversifier relèvent souvent d'une position exagérément rigide. Ainsi, le directeur général des routes s'est déclaré « pas intéressé », en tant qu'État concédant (105), par le développement d'autres activités, de crainte que ces dernières ne viennent gêner l'activité de service public routier et mettent en péril les SEMCA.

Pourtant, les SEMCA vont vraisemblablement tirer parti de leur liberté stratégique accrue pour développer leur activité sur des marchés connexes, où les compétences qu'elles ont accumulées dans le domaine autoroutier permettent de construire un avantage comparatif.

Cette diversification se traduit dès à présent :

- dans des efforts de développement international dans le cadre de groupements en partenariat avec des sociétés de travaux publics et des investisseurs financiers ;

- dans des domaines où leurs compétences (gestion d'un réseau, d'un système d'abonnement, bonnes relations avec les autorités publiques) peuvent leur donner les bases d'un avantage comparatif (106).

Votre Rapporteur considère que ces évolutions sont désormais indispensables pour faire des sociétés d'autoroutes françaises des champions nationaux, véritablement compétitifs sur les marchés européens et étrangers.

4.- Pour une meilleure valorisation de l'épaisseur industrielle des sociétés d'autoroutes qui suppose une redéfinition des contraintes réglementaires

La présence majoritaire de l'État au capital des SEMCA est un obstacle à la valorisation de l'épaisseur industrielle des sociétés et au développement des activités de diversification.

Votre Rapporteur s'étonne de l'absence de stratégie claire pour les métiers liés à l'autoroute. Il est frappant de constater que les autoroutes ne sont pas appréhendées comme une industrie, sinon avec une vision dépassée de cette notion. L'autoroute n'est pas simplement un « tuyau » : c'est une infrastructure complète, valorisable y compris en matière de services et où la concurrence doit pouvoir s'exercer librement.

On a pu l'observer récemment, lorsque ASF et APRR ont profité du renouvellement des contrats de concessions pour renforcer la concurrence dans la distribution de carburant, avec l'entrée de Carrefour et Leclerc notamment. La tendance à la diversification de l'offre sur les aires d'autoroutes est frappante, dans un secteur longtemps réservé aux seules compagnies pétrolières (107). La concurrence est ainsi susceptible de diversifier l'offre pour l'usager de l'aire et d'exercer un effet vertueux sur les prix pour le client des stations (que le achète de l'essence ou des produits de consommation courante) (108).

Les exemples de réticences de l'administration sur certains projets de développement, comme l'installation de stations-services accessibles tant depuis l'autoroute que de la route adjacente (109), rappellent la conception encore très service exclusif de l'autoroute de la direction générale des routes. Cela s'explique d'abord par le fait que les 8.000 kilomètres concédés appartiennent au réseau routier national et que l'activité des concessionnaires d'autoroutes constitue un service public administratif, qu'elle s'exerce sur un domaine ayant une affectation précise et que la recherche de sécurité, de fluidité et de confort de circulation impose un certain nombre de contraintes légitimes.

Les SEMCA n'en sont ainsi, aux dires mêmes du directeur général des routes, qu'un « mode de gestion particulier » pour lequel des règles plus strictes se justifient, y compris en matière de publicité (110). La société d'autoroute est donc conçue comme accomplissant d'abord une activité de service public.

Si le propos n'est aucunement de transiger en matière de sécurité sur les routes, on peut d'interroger sur l'utilité des contraintes imposées, en regard notamment des normes pratiquées dans le transport aérien ou dans d'autres régions d'Europe.

5.- Pour une optimisation sur le long terme de la capacité distributive au profit de l'État

La combinaison des facteurs précédents, si elle doit permettre de dégager un résultat attendu conforme à ceux visés par les détenteurs de capitaux, obèrera néanmoins la capacité contributive espérée dans la mesure où une part des revenus dégagés sera affectée au développement de la société et non pas à la rémunération des actionnaires.

Le marché financier semble prêt à accepter, sous certaines réserves, de telles évolutions, si elles procurent à terme les effets attendus en matière de couple rentabilité-risque (et donc de croissance de valeur mobilisable par une plus-value).

En revanche, pour la puissance publique, une telle évolution impose un choix stratégique, celui du plus ou moins long terme de l'horizon de l'AFITF et corrélativement des ressources financières disponibles annuellement au profit des projets.

D'après les informations recueillies par votre Rapporteur spécial, différents projets sont à l'étude : l'affectation de tout ou partie du produit de la taxe d'aménagement du territoire, en lieu et place de l'affectation des dividendes, constitue l'hypothèse la plus probable.

En effet, toute distribution minorée pour des impératifs propres aux décisions stratégiques des SEMCA limite de fait les moyens transmis à l'AFITF, qui, ne disposant pas - jusqu'à présent - des recettes de privatisation, ne peut pas les compenser par des cessions de titres, arbitrage dont dispose par contre tout investisseur financier de marché.

6.- Pour une clarification du rôle de l'État-actionnaire

Par ailleurs, la gouvernance publique ne se limite pas à ce seul point. En tant que futur détenteur d'un patrimoine (le réseau autoroutier à l'échéance des concessions actuelles), l'État risque de se retrouver devant un conflit d'intérêts.

En effet, en tant que détenteur d'un réseau soumis à un processus de réallocation, la puissance publique a tout intérêt, via un mécanisme d'enchères, à maximiser le prix qu'elle peut retirer du droit exclusif d'exploitation qu'elle accorde sur tout ou partie du réseau. Bien évidemment, l'État-actionnaire des SEMCA est fort logiquement sur une posture opposée. La résolution de ce conflit n'est pas une tâche aisée, sans compter les risques juridiques qui risqueraient d'être induits, par la double nature et posture de la puissance publique.

Vu le nouveau contexte et la nature même de l'activité, l'État doit donc définir une stratégie qui permette la poursuite du développement des sociétés d'autoroutes. Cela suppose, pour ces entreprises, l'acquisition d'une culture managériale renouvelée, le développement d'une offre nouvelle d'activités (centres commerciaux, parkings, etc.), l'extension de leur périmètre géographique de développement (en France comme à l'étranger), des capacités financières autonomes, des marges de compétitivité et, par voie de conséquence, la modification de leur structure capitalistique.

L'État étant averse au risque, il n'est probablement pas le meilleur partenaire pour le développement de ces sociétés, sauf à se fixer un objectif minimal de maîtrise du rendement dans le périmètre de concession actuel.

De plus, une gestion purement étatique pourrait - on l'a vu - se révéler à terme incompatible avec les exigences communautaires.

7.- Pour une modernisation des moyens d'intervention de l'État-régulateur

L'expérience a montré que les réformes en cours, comme la poursuite de la cession des participations publiques dans les SEMCA, constituaient à la fois un motif et une opportunité d'amélioration des interventions de l'État dans sa mission de régulateur.

Ainsi, lors du récent conflit ayant opposé la puissance publique à la société COFIROUTE sur la qualité du service assuré et la bonne exécution des investissements, le caractère privé du concessionnaire en cause apparaît tout à fait indifférent à la nature des reproches de l'État. Il n'y a pas, selon qu'une société d'autoroutes est privée ou publique, de différence dans la capacité de l'État à faire usage de ses pouvoirs et de ses prérogatives de régulateur.

Au contraire, on constate que les ouvertures de capital d'ASF, d'APRR et de SANEF ont été l'occasion de moderniser les cahiers des charges des sociétés concessionnaires. Des clauses de pénalités ont, en particulier, été introduites, afin de réaffirmer et de renforcer les armes de régulation à la disposition des pouvoirs publics.

La direction générale des routes semble être entrée dans une nouvelle logique. Il faut l'encourager à redéfinir ses missions comme ses outils de régulation. Votre Rapporteur considère donc vertueux de poursuivre parallèlement les mouvements de mise sur le marché des titres de l'État et de modernisation des capacités d'intervention dans le secteur autoroutier.

8.- Pour une explicitation des choix d'aménagement du territoire

L'argument selon lequel le retrait de l'État du capital des SEMCA constituerait une menace à la bonne conduite de la mission régalienne d'aménagement du territoire de l'État n'est pas crédible.

Comme on l'a expliqué, les SEMCA, en intégrant des acteurs privés à leur capital, ont débuté une mutation dans leur stratégie de développement. Cet effet est largement amplifié par la fin récente de l'adossement, qui a débloqué ce levier stratégique en permettant aux sociétés de sélectionner elles-mêmes leurs investissements.

Le critère de développement du territoire sera alors éventuellement porté, si les choix politiques le justifient et les conditions économiques l'exigent, par une subvention publique.

L'expérience récente a même montré que l'implication des acteurs privés sont une garantie de meilleure gestion des finances publiques, la concurrence ayant pour vertu d'exercer une pression à la baisse sur le niveau de subventionnement requis pour la conduite des nouveaux projets.

Ainsi, l'audit des infrastructures, rendu en 2003 par le conseil général des Ponts-et-chaussées et l'inspection générale des finances, estimait que le niveau de subvention nécessaire pour mener à bien les travaux s'établissait à 220 millions d'euros sur l'A19 et 200 millions d'euros sur l'A41, alors que les subventions finalement nécessaires aux concessionnaires retenus furent respectivement de 80 millions d'euros et de zéro...

9.- Pour un développement des contrats de partenariats

L'audit sur les infrastructures de transport, l'étude prospective de la DATAR, le débat parlementaire du printemps 2003 ainsi que les décisions du CIADT ont tous relevé l'ampleur des besoins sur la période 2004-2012, tels qu'estimés par l'audit du conseil général des Ponts et Chaussées et de l'inspection générale des Finances. Dans un contexte de contrainte budgétaire, le recours à l'expertise privée et à des capitaux extérieurs est donc une nécessité.

Alors que le ministère de l'Economie vient de faire paraître le guide méthodologique de la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariats, l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 vient ajouter une possibilité supplémentaire, intermédiaire entre les deux formes classiques de réalisation des investissements publics que sont les marchés publics et les délégations de service public : celle des partenariats public-privé (PPP).

Si des ajustements doivent avoir encore lieu, afin notamment de définir les modalités pratiques de mise en œuvre conduisant à des partenariats équilibrés, les expériences étrangères, décrites dans ce rapport - et en particulier celle déjà longue du Royaume-Uni -, ont montré l'intérêt de ce type de mécanisme dont on peut attendre une efficacité accrue de la dépense publique, donc une économie de moyens financiers grâce à l'efficacité du partenaire privé dans la mise en œuvre d'une mission de service public, compte tenu de la concurrence et des économies d'échelle.

Il s'agira également d'un mode de gestion assurant un service de qualité, notamment lorsque la rémunération du partenaire privé est liée à sa performance ou à la disponibilité du service.

Enfin, on peut en attendre un effet de levier lié à la mobilisation de capitaux privés et à l'étalement de la dépense publique sur la durée du contrat (prévu par l'article 6 de l'ordonnance) qui permet, par exemple, pour une dotation annuelle donnée d'engager un plus grand volume de travaux, au prix toutefois d'une rigidification du cadre budgétaire pendant la durée d'exécution des contrats.

On rappellera qu'Eurostat a décidé que lorsque le partenaire privé supporte le risque de construction et au moins un risque supplémentaire, celui de disponibilité du service ou celui de demande de trafic, l'endettement n'est pas considéré comme public. En revanche, les paiements annuels effectués par la puissance publique pèsent sur le déficit public (111).

Par rapport à l'exécution directe depuis le budget public, ce type de mécanisme induit, des coûts supplémentaires liés aux charges financières supportées par le partenaire privé. Il convient cependant de souligner que l'argent public a lui aussi un coût lié essentiellement à la perception des recettes, au circuit d'exécution de la dépense publique ainsi qu'au financement par emprunt des déficits budgétaires.

La Cour des comptes anglaise (National audit office) a procédé à une évaluation de onze projets réalisés sous forme de PPP (dont 6 infrastructures routières). La comparaison avec une réalisation classique fait apparaître un gain financier moyen de 20 % (avec toutefois de fortes dispersions selon le type d'équipement), et des gains de temps substantiels (112).

La formule des PPP peut se décliner en fait en différentes variantes selon la répartition du financement entre les budgets publics et les usagers. Votre Rapporteur considère que celles qui pourront associer un paiement par l'usager au paiement par la puissance publique présenteront un intérêt tout particulier, dans la mesure où, au-delà d'éventuelles économies, correspondant à la prise en charge du projet par le partenaire privé elles créeraient une ressource nouvelle.

À ce titre, l'exemple du modèle financier allemand prévu pour des élargissements d'autoroutes (12 sections pour environ 500 kilomètres) sera instructif (113), même si le péage de financement dans le cadre de concessions, tel que nous le connaissons en France, offre encore des possibilités intéressantes (114).

*

* *

Au total, plusieurs options sont envisageables.

Rien ne semble réellement s'opposer à ce que la puissance publique conserve une part de capital dans les SEMCA. Toutefois, l'incapacité de l'AFITF à bénéficier de l'ensemble des sources de revenus comme tous les autres participants à la communauté des investisseurs va contribuer à créer une source de tension. Celle-ci naîtra lors de la mise en place d'un refinancement et s'accroîtra nécessairement lors de la réattribution de l'exploitation des sections (115). Cette situation pourrait conduire à fragiliser tant la posture de l'État-investisseur que les SEMCA en limitant leur développement.

L'équilibre trouvé lors de la récente réforme du système autoroutier, s'il n'est que légèrement menacé à court terme du fait du terme lointain de l'échéance des concessions et du rythme qui sera probablement lent de la diversification des activités des SEMCA, est certainement amené à évoluer dans le temps.

Si la réforme de 2001 et les choix du CIADT de décembre 2003 sont un succès (... ce que semblent confirmer le succès de l'ouverture du capital d'APPR et de SANEF, les bons résultats obtenus lors des mises en concession de l'A19 et l'A41, l'entrée en activité réelle de l'AFITF comme - bien entendu - les annonces récentes de Dominique de Villepin), l'évolution du système autoroutier ne peut aller que vers :

- une dissociation plus grande entre l'État régulateur du système et l'État actionnaire des SEMCA ;

- une banalisation accrue des SEMCA avec un retrait progressif de l'État de leur capital.

Cette évolution sera progressive et reste cohérente avec une logique de valorisation du patrimoine de l'État. Elle n'est pas contradictoire avec programme volontariste de réalisation d'infrastructures, pour autant qu'une évolution simultanée du mode d'alimentation des ressources de l'AFITF soit entreprise.

Votre Rapporteur considère ainsi que l'affectation à l'AFITF des droits de gestion du portefeuille et du produit de cession de titres des SEMCA serait une évolution à la fois cohérente avec la redéfinition du rôle de l'État et avec la mise en œuvre, sur le long terme, d'une politique ambitieuse de transports.

Le patrimoine autoroutier français reste, en tout cas, une ressource susceptible d'être mieux valorisée.

*

* *

COMPTE-RENDU DES DÉBATS EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 22 juin 2005, votre Commission a procédé à l'examen du présent rapport d'information.

Votre Rapporteur a rappelé qu'à l'occasion d'une communication sur la valorisation du patrimoine autoroutier et le financement des grands projets d'infrastructures de transport, qu'il avait présentée le 17 décembre 2003 à votre Commission, cette dernière avait souhaité poursuivre l'analyse dans le cadre d'une réflexion plus large sur les sociétés d'autoroutes.

Le rapport présenté aujourd'hui insiste notamment sur la nécessité de clarifier le rôle de l'État, dont les missions sont parfois confuses, du fait de sa fonction de régulateur et de sa position de détenteur d'un patrimoine. Ces enjeux se ressentent particulièrement au niveau des incertitudes qui entourent la pérennisation du financement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). On précisera que, pour éclairer ces travaux, votre commission s'est adjoint l'expertise de la Caisse des dépôts et consignations afin de procéder à une analyse financière des mutations du secteur autoroutier et à une extrapolation des tendances récemment observées en France et à l'étranger. Il convient de saluer la qualité des relations entretenues avec la direction générale de la Caisse.

La privatisation des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA), annoncée par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale le 8 juin dernier, doit permettre de mobiliser plus de moyens et plus vite, pour la menée à bien d'un ambitieux programme multimodal d'infrastructures. Ce choix sera favorable à l'aménagement du territoire, pour autant que les moyens prévus soient effectivement mobilisés. On peut ainsi souhaiter qu'une part majeure du produit des privatisations soit consacrée aux programmes d'infrastructures.

De plus, le rapport insiste sur les enjeux d'une diversification des activités des SEMCA, propres à faire émerger des champions nationaux de dimension internationale. Les exemples de diversification sont aujourd'hui encore timides, qu'il s'agisse des télécommunications ou du concept de village commercial développé par la SANEF. Un approfondissement est certainement possible, notamment en matière de logistique. Des efforts de développement international sont également possibles, soit dans les domaines où la compétence des SEMCA peut leur donner les bases d'un avantage comparatif, soit dans le cadre de groupements en partenariat avec des sociétés de travaux publics ou des investisseurs financiers. Les sociétés françaises sont aujourd'hui peu performantes pour conquérir de nouveaux marchés, en Europe de l'Est en particulier. Le paysage des sociétés d'autoroutes s'est récemment diversifié, entre le modèle des SEMCA traditionnelles, celui des SEMCA cotées (ASF, APRR et SANEF) et les acteurs privés, à commencer par COFIROUTE. Il est essentiel d'assurer la pérennité du développement et la compétitivité internationale des SEMCA françaises.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que le gouvernement précédent avait décidé de ne pas procéder à des privatisations, les dividendes devant apporter des revenus annuels pour effectuer les investissements nécessaires en matière d'infrastructures de transport. On assiste donc à un changement de stratégie. Cependant, comment garantir que les revenus issus de ces privatisations financeront bien des investissements et non pas le budget général de l'État ? En tant que ministre, il a ainsi constaté que les taxes initialement prévues en faveur de l'ANAH ont finalement abondé le budget général de l'État.

Votre Rapporteur a admis que la question se posait pour l'AFITF. Il faudra s'assurer que les cessions serviront d'abord à financer les investissements en matière de transport et non le budget de l'État. Il est toujours plus facile d'être vertueux à court terme qu'à long terme. Le Trésor affirme aujourd'hui que le financement pérenne de l'AFITF sera garanti, probablement via l'affectation de la taxe d'aménagement du territoire. La commission des Finances doit cependant être particulièrement attentive à ce point. La limite de l'AFITF est que sa capacité d'emprunt est obérée par le fait que sa dette se trouve incluse dans le périmètre des critères de Maastricht.

Le Président Pierre Méhaignerie a demandé combien de kilomètres d'autoroutes ont été engagés ces dernières années et combien le seront cette année.

Votre Rapporteur a indiqué que, si 66 kilomètres non concédés ont été ouverts à la circulation en 2003 et 43 kilomètres en 2004, les principales mises en service prévues, pour les autoroutes concédées, représentent 202 kilomètres livrés en 2005 et 249 kilomètres prévus de 2006 à 2008. Il s'agit généralement de petits tronçons. Il serait souhaitable que ce processus soit plus rapide. On ne doit pas oublier que la vocation de l'AFITF est, pour l'essentiel, de financer les travaux ferroviaires et les travaux fluviaux.

M. Michel Bouvard a précisé que l'adossement n'était plus autorisé.

Votre Rapporteur a confirmé que la fin de l'adossement avait profondément changé la nature du système autoroutier français, qui a des besoins en capitaux nouveaux. En l'absence de diversification, l'horizon de développement des SEMCA est borné à 2028 ou 2032, ce qui ne constitue pas pour elles une perspective rassurante. Les systèmes d'organisation de nos voisins européens sont assez divers, certains pays ayant recours aux techniques de « péages fantômes » ou encore de « péages en fonction de la disponibilité de l'ouvrage ». En Espagne, le mouvement de privatisation a été conduit de manière très ample. Deux types de sociétés concessionnaires y coexistent : celles qui sont liées à des investisseurs financiers et celles qui sont articulées autour d'une alliance avec des constructeurs, où intervient ainsi le secteur du BTP. Le modèle espagnol est beaucoup plus compétitif que le nôtre, notamment sur les nouveaux marchés. Il est symptomatique de constater que six sociétés espagnoles font parties des dix premières entreprises mondiales dans le secteur de la concession des infrastructures de transport. Le gouvernement Aznar avait fait voter en 2003 une loi sur les contrats de concession de travaux publics, particulièrement innovante, et qui donne notamment la possibilité d'inclure, dans le même contrat, des infrastructures de nature différente permettant un financement croisé entre projets ou, à côté de la réalisation d'une infrastructure, l'aménagement et la commercialisation de zones commerciales ou d'activité. On soulignera, enfin, le montant considérable des investissements prévus dans le programme d'infrastructure et de transport espagnol d'ici 2020, qui s'élève à 240 milliards d'euros pour la part de l'État, alors que le programme de l'AFITF ne prévoit de mobiliser « que » 7,5 milliards d'euros de crédits de l'État pour le financement français sur la période 2004-2012.

M. Michel Bouvard a précisé que cette différence d'échelle et d'ambition se retrouve également entre la France et des pays comme l'Italie ou la Suisse.

Votre Rapporteur a rappelé le bilan positif de l'ouverture du capital des ASF, le succès des opérations APRR en novembre 2004 et SANEF en mars 2005 et les effets positifs de ces évolutions capitalistiques sur la gestion des SEMCA. L'audition du directeur général des routes a montré la conception particulièrement restreinte qu'ont encore certaines administrations, l'autoroute n'étant parfois appréhendée qu'à travers une simple fonction de « tuyau », ignorant par-là même les incidences industrielles et les marges de valorisation existantes. Le problème de la valorisation touristique est également posé, comme l'illustrent les difficultés de rendre plus attractives les signalétiques sur autoroute. Le parc d'attraction Eurodisney a, par exemple, éprouvé les plus grandes difficultés à obtenir un panneau en quadrichromie, l'exception finalement accordée par l'État ayant été étendue au Parc Astérix. Tout cela est révélateur d'une certaine rigidité de l'encadrement réglementaire autoroutier. S'agissant de la diversification des métiers, les parkings sécurisés pour le transport routier sont un secteur qui peut certainement se développer.

La conclusion du rapport préconise la définition d'un nouveau modèle économique pour les sociétés d'autoroutes, qui passe d'abord par une mise sur le marché plus importante des SEMCA. Les ouvertures de capital ne doivent pas forcément être totales ou immédiates, dans la mesure où les montants en jeu se situent autour de 12 milliards d'euros. Les conditions de mises sur le marché de SANEF incitent à une certaine prudence dans la mise en œuvre de ce type d'opération capitalistique. Tout cela doit être observé finement, sans exclusive ni exclusion. Face à la tentation de certains d'aller trop vite, on peut au contraire préconiser une certaine prudence. La révision des cahiers des charges des sociétés concessionnaires est une bonne chose. Néanmoins, le rôle régulateur de l'État peut encore se moderniser et se développer. La privatisation n'est pas incompatible avec les enjeux d'aménagement du territoire. Enfin, les contrats de partenariat apparaissent comme un outil qu'il convient d'explorer davantage.

Au total, le choix affiché de poursuivre le programme de privatisations est bienvenu et peut se traduire par des conséquences concrètes sur l'emploi, dans les métiers d'ingénierie, domaine où la position française peut encore se consolider, comme au niveau des travaux eux-mêmes, ce qui suppose un accompagnement et un encouragement véritables.

M. Michel Bouvard a souligné l'existence d'un véritable intérêt à l'ouverture du capital pour les sociétés elles-mêmes. C'est un sentiment partagé par l'association des sociétés françaises d'autoroutes. Cette évolution permettra à ces sociétés de créer de nouveaux métiers et donc de compenser les suppressions d'emplois dues au développement du télépéage. Les pays d'Europe centrale et orientale ont un besoin en équipement auquel la France doit pouvoir de répondre.

L'ouverture du capital est donc positive, même si l'on peut constater qu'il s'agit d'un revirement complet. Il y a six mois, le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin décidait en effet de conserver les titres détenus par l'État, afin que les dividendes des SEMCA alimentent annuellement l'AFITF. La rente attendue est de 37 milliards d'euros. La réalisation des titres représente 10,5 à 11 milliards d'euros, soit 20 milliards en euros courants. Il y aurait donc une perte pour l'État de 12 milliards d'euros. Si certaines sociétés présentent une bonne situation financière, comme ASF, d'autres, comme SANEF, connaissent une situation moins favorable. La cession de la totalité des actifs posera donc des problèmes. Il n'est qu'à se remémorer l'exemple du « plan Balladur » en 1990. Il faut garantir des ressources à l'AFITF, car les précédents incitent à la prudence. Sous le gouvernement de M. Lionel Jospin, les recettes tirées de l'ouverture du capital d'ASF devaient financer des opérations ferroviaires ; elles ont en réalité été affectées au budget de l'État et au fonds de réserve des retraites (FRR).

Une piste pourrait consister à transférer à l'AFITF la propriété des titres restant dans le giron de l'État, ce qui ouvrirait à l'Agence une capacité d'emprunt plus grande, en dehors du périmètre de Maastricht. Cela permettrait ainsi d'accélérer l'investissement dans notre pays. Rappelons que l'insuffisance de réalisation d'investissements en France représente 0,75 point de croissance annuelle. Au-delà du revirement du gouvernement sur les privatisations des SEMCA, il est essentiel d'encadrer les opérations de mise sur le marché par rapport au volume cédé. Il conviendrait parallèlement de s'interroger sur les titres détenus par l'État dans Aéroports de Paris. La taxe d'aménagement du territoire était déjà affectée au Fonds d'investissement dans les transports terrestres et les voies navigables (FITTVN), et l'on sait le sort subi par ce compte de financement débudgétisé. Si on augmente la taxe d'aménagement du territoire, un problème de cohérence avec la directive « euro-vignette » ne manquera pas de se poser. Du reste, l'accroissement des taxes pesant sur les autoroutes provoquera un report du trafic vers les routes nationales, déjà très encombrées. Par conséquent la commission des Finances doit rester attentive au périmètre des privatisations, à l'affectation des recettes et au devenir des titres détenus par l'État.

Depuis le comité interministériel d'aménagement du territoire (CIADT) de décembre 2003, il ne s'est rien passé, notamment concernant le partenariat public-privé. Il serait souhaitable que cette politique soit activée.

M. Éric Besson a constaté que le rapport était très documenté mais a émis des réserves sur son titre - « Les autoroutes pour l'emploi » - lequel constitue une incantation, vide de sens. Il est piquant de constater que toutes les mesures prises par le gouvernement en ce moment sont décrites comme étant favorables à l'emploi : l'absence de résultat risque de toutes les décrédibiliser.

La privatisation des SEMCA est une mauvaise décision. L'ouverture du capital mène toujours à la privatisation. Des réserves techniques peuvent aussi être formulées. L'affectation du produit des dividendes n'est pas la panacée, mais elle constitue tout de même une protection pour le financement des infrastructures nouvelles de transport. Il est à craindre que ces recettes soient absorbées par le budget de l'État, comme l'a montré la déclaration de politique générale du Premier ministre sur le financement des contrats de plan État-régions. L'État compensera-t-il par cette voie son incapacité à tenir ses engagements figurant dans les contrats de plan État-régions ?

Des doutes peuvent aussi être émis sur le fait que la privatisation permettrait une politique ambitieuse d'investissement multimodal et d'aménagement du territoire. Les reports des grands travaux d'infrastructure dans la vallée du Rhône montrent les limites actuelles de la politique d'investissement. La privatisation d'ASF ne conduira à rendre possible la réalisation que d'un seul dossier, le plus solide : celui de l'élargissement à deux fois cinq voies. En réalité, la réforme en cours montre que l'État renonce à la régulation du trafic de longue distance et risque fort de se désengager du financement de toutes les solutions alternatives qui existent, même si aucune n'est, il est vrai, pleinement satisfaisante.

La formule du Rapporteur sur l'entrée des constructeurs dans le secteur des sociétés d'autoroutes - « ni exclusive, ni exclusion » - est certes une expression heureuse mais qui risque, dans la pratique, d'ouvrir la porte à toutes les sociétés de BTP pour les amener à la fois à construire et à exploiter. Ce mélange des genres conduira à l'impasse.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx a considéré que la privatisation est acceptable si elle ne constitue pas une réponse à court terme. La commission des Finances doit être vigilante sur ces questions. Par ailleurs, il est essentiel de faire respecter les décisions prises par le CIADT de décembre 2003 : 35 dossiers d'investissement d'infrastructures y ont fait l'objet d'un accord. Pour une partie d'entre eux, le financement et l'exécution étaient assurés par l'État jusqu'en 2012. Or, aujourd'hui, cela ne semble plus tellement évident. La remise en cause des décisions prises serait inacceptable.

Le Président Pierre Méhaignerie a suggéré que le titre du rapport soit modifié : les autoroutes participent à l'amélioration de la productivité globale du pays, ce qui - il est vrai - ramène en fin de compte aussi à la question de l'emploi. Qu'est-ce qui explique le changement de stratégie du Gouvernement ? Il est nécessaire d'identifier le pilote de l'ensemble des réformes en cours. L'actuel ministre de l'intérieur, qui est également en charge de l'aménagement du territoire, pourrait très utilement se charger de la coordination de ce dossier, ce qui permettrait certainement d'y voir plus clair. Une délégation de la commission des Finances pourrait rencontrer M. Nicolas Sarkozy sur ce problème.

Si la privatisation permet de réaliser les grandes infrastructures prévues dans les contrats de plan, on ne pourra qu'approuver le pragmatisme de la méthode. Quel est l'horizon de ces actions ? S'agit-il d'une dynamique vers le développement des partenariats public-privé ? Beaucoup de questions demeurent, la première étant l'origine du changement de position.

Votre Rapporteur a précisé que les sociétés concessionnaires des tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus ne sont pas concernés par les projets d'ouverture du capital. En ce qui concerne l'écart entre la valorisation de la chronique de dividende et la valorisation de la cession, les débats sur les taux d'actualisation ont peu évolué entre le ministère des Finances et celui de l'Équipement. On peut considérer que la valorisation d'une entreprise n'est pas autre chose, aujourd'hui, que sa chronique de dividende. Même si les taux d'actualisation peuvent être différents, il n'y a pas de raison de constater d'écart entre les deux éléments qui viennent d'être évoqués. Le Parlement doit se montrer exigeant en ce qui concerne les précisions attendues du Gouvernement sur la définition du périmètre des mises sur le marché, l'affectation des recettes et la cohérence avec les directives européennes.

En ce qui concerne le financement des contrats de plan, pour lesquels le Président évoque une satisfaction a minima, tout n'est pas clair. Le Premier ministre a évoqué une évolution du rôle de l'AFITF, mais les réponses demeurent extrêmement floues. En ce qui concerne la vallée du Rhône, il faut noter que les mesures de gestion de flux sont plus actives quand la structure de capital des entreprises évolue. On peut le constater dans différents domaines, comme la régulation du trafic, par exemple. L'imagination, en termes de régulation des trafics, de mesures de gestion, de développement de fonctions, est plus forte quand le capital est ouvert que quand il ne l'est pas. En ce qui concerne le report des solutions alternatives, le financement de ces dernières ne devrait pas, a priori, être remis en cause, ainsi par exemple, pour le contournement ferroviaire de Lyon, Nîmes et Montpellier.

Il appartient naturellement au Rapporteur spécial des transports de s'assurer que les financements initialement prévus par le CIADT de 2003 ne seront pas remis en cause. Les observations faites aujourd'hui par les membres de la commission des Finances seront répercutées dans le rapport ; elles seront réitérées avec constance par la suite. La formule préconisée par le rapport pour appréhender l'entrée des acteurs du BTP dans le secteur des autoroutes se réfère aussi à l'analyse de la situation espagnole. L'évolution en cours ne conduira pas nécessairement à des impasses, de même que la privatisation ne saurait être une réponse à court terme.

En ce qui concerne le changement de position du Gouvernement, il faut rappeler que l'arbitrage de décembre 2003 avait été très serré. Si l'on a surtout souligné le rejet de la privatisation, on n'a pas assez insisté sur la décision d'ouvrir et d'augmenter le capital de SANEF et APRR. Par ailleurs, le débat de la loi de finances initiale pour 2005 avait posé la question de l'affectation des produits de cessions à l'AFITF : le ministre des transports de l'époque avait semblé partager une telle option. La situation est certainement différente depuis l'existence de l'AFITF. Le danger de la dispersion des moyens est donc réduit avec la nouvelle Agence.

M. Michel Bouvard a rappelé au Rapporteur le précédent des fonds multimodaux.

Votre Rapporteur a précisé que leur cas était différent, ces fonds étant restés virtuels, alors que l'AFITF existe ! Elle présente des moyens et des garanties beaucoup plus solides que ces fonds intermodaux, récemment enterrés. En tant que membre titulaire du conseil d'administration du Fonds pour le développement de l'intermodalité dans les transports, le Rapporteur a indiqué qu'il y reste le porte-parole de la commission des Finances, en ce qui concerne les interrogations qui viennent d'être posées.

Le Président Pierre Méhaignerie a remercié le Rapporteur pour la grande qualité de son travail. Il a également adressé ses remerciements à la Caisse des dépôts pour l'appui qu'elle y a apporté. Le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire pourrait être invité à s'exprimer devant la Commission, au mois de septembre, sur la question de la mise en œuvre des contrats de plan. Cela serait d'autant plus utile que le CIADT doit se réunir prochainement.

M. Michel Bouvard a souligné qu'en effet, ce dossier relève au premier plan de l'aménagement du territoire, même si il concerne aussi la répartition des flux en fonction des différents modes de transport.

Votre Commission a autorisé, en application de l'article 146 du Règlement, la publication du rapport d'information.

*

* *

ANNEXE :

COMMUNICATION DU 17 DÉCEMBRE 2003

Communication aux membres de la Commission

Valorisation du patrimoine autoroutier et financement des grands projets d'infrastructures de transport

Suivant le calendrier qu'il avait annoncé, le Gouvernement s'apprête à prendre des décisions sur le financement des infrastructures nouvelles de transport et le choix entre les différents projets.

Après que différents audits ont évalué le besoin de financement pour l'État à presque 15 milliards d'euros d'ici 2020, cette question a fait l'objet d'un large débat que le Gouvernement a porté devant l'Assemblée nationale, le 20 mai dernier. Au terme d'une réflexion aussi complexe que délicate, les décisions - tant sur le volet financier que dans le choix entre les projets - devraient finalement être annoncées au cours du CIADT (116) du 18 décembre.

Dans ce débat, il apparaît que le patrimoine autoroutier de l'État est une ressource susceptible d'être valorisée. Se pose, en particulier, la question de l'opportunité d'une privatisation de ce patrimoine afin de financer certains projets d'infrastructures de transport. C'est pourquoi votre Rapporteur spécial souhaite faire état du travail qu'il a entrepris sur cette question et du résultat des auditions qu'il a conduites.

1. Les querelles de chiffres ne devraient pas susciter une telle polémique.

Alors que le débat public paraît opposer des montants parfois grossièrement caricaturaux ou difficilement comparables, il est important de « pacifier » ces querelles de chiffres qui ne reflètent souvent que des différences de méthode.

a) Le précédent d'ASF permet d'envisager l'hypothèse de la privatisation avec optimisme et confiance.

On rappellera que le capital des Autoroutes du Sud de la France (ASF) avait été ouvert, fin 2001, par le gouvernement précédent. La mise sur le marché a été réalisée le 28 mars 2002. L'État est resté actionnaire majoritaire. Une augmentation de capital de plus de 800 millions d'euros a permis de renforcer les fonds propres de la société, dont le ratio dettes financières sur fonds propres a été ramené à 2,7.

Aujourd'hui, 48,74 % du capital des ASF est détenu par des intérêts privés, dont 2,38 % par les salariés de la société (117). L'établissement public Autoroutes de France (ADF), qui détenait 49,47 % des ASF avant l'opération, a vu sa participation descendre à 8,84 % après cession de ses titres, permettant ainsi de dégager 1,8 milliard d'euros reversés à l'État conformément aux dispositions de l'article 34 de la loi de finances initiale pour 2002 (118). Au total, l'État et ADF détiennent 50,36 % du capital des ASF.

Depuis cette opération de marché, plusieurs études ont été réalisées par les administrations pour évaluer l'opportunité de poursuivre le mouvement de privatisation, tout en résolvant les problèmes liés au risque de concentration sectorielle, à la maîtrise de la concurrence sur les marchés de travaux publics et aux aménagements des contrats de concession à mettre en œuvre pour en assurer leur bonne exécution. Mais ASF demeure la seule société française concessionnaire d'autoroutes cotée à la bourse de Paris.

b) La situation financière des SEMCA rend possible une privatisation partielle.

La situation financière des sociétés concessionnaires d'autoroutes est globalement saine mais reste très contrastée. Les huit SEMCA (119) présentent un résultat net cumulé (hors retraitements de consolidation) de 318 millions d'euros en 2002 pour un chiffre d'affaires de 4,69 milliards d'euros, soit une marge nette de 7 %. Leur marge opérationnelle est de 41 %. Au cours des prochains exercices, la rentabilité de ces sociétés devrait progresser, renforçant mécaniquement les fonds propres et améliorant la structure financière du secteur autoroutier.

Quant aux dettes inscrites au bilan (120), elles représentent 23,12 milliards d'euros. Mais l'endettement actuel des sociétés d'autoroutes est appelé à se stabiliser dans les prochaines années en raison de l'achèvement des programmes d'investissement qui figurent dans leurs contrats de concession. Il doit, en effet, diminuer de manière très progressive jusqu'à son extinction autour de 2018. Du reste, différents dispositifs ont été mis en place afin de renforcer la structure financière des sociétés d'autoroute et limiter les pertes des sociétés déficitaires (121).

Dans l'immédiat, le débat sur la valorisation du patrimoine autoroutier de l'État concerne uniquement les SEMCA les plus robustes, à savoir la SANEF, le groupe SAPRR (y compris la filiale AREA) et les 50,36 % du capital des ASF que détient l'État.

Au demeurant, la politique d'emprunts de la Caisse nationale des autoroutes (CNA) (122) a été mise en place pour permettre de procurer aux SEMCA les ressources destinées à financer la construction ou l'aménagement des autoroutes à péage. À cet effet, la CNA procède à des émissions d'emprunts obligataires sur les marchés financiers et souscrit des emprunts auprès d'établissements financiers.

Il est essentiel de rappeler que les niveaux d'endettements actuels de certaines sociétés d'autoroutes (notamment la SANEF et la SAPRR) ne permettent pas, en l'état, une optimisation de leur rentabilité, ni ne facilitent le maintien des groupes qu'elles forment. Ainsi, la restructuration de leur dette apparaît un préalable nécessaire, tant pour l'amélioration des perspectives de dividendes que pour permettre une ouverture de leur capital.

c) Entre valorisation des dividendes et privatisation : des montants comparables.

La querelle des chiffres reflète, en réalité, une querelle de méthode.

On rappellera, tout d'abord, que la chronique des dividendes est liée au terme des contrats de concessions, à savoir 2028 pour la SANEF et 2032 pour les autres. À ce titre, il semble que les perspectives de cash flows portent le montant total (non actualisé) de la « rente » autoroutière à une somme qui varie de 34 à 39 milliards d'euros.

Ce volume cumulé doit, bien entendu, être actualisé afin de pouvoir être mis en regard des perspectives de recettes d'une éventuelle privatisation (123). Le taux d'actualisation (124) est différent selon le risque qui pèse sur la société et la capacité des actionnaires et/ou de l'État à le maîtriser. C'est la quantification du risque, c'est-à-dire la mesure de la prime de risque, qui fait l'objet des divergences les plus notables entre les différentes parties à ce débat (125). Ceux qui considèrent que les sociétés d'autoroutes maîtrisent très bien leurs cash flows et que leur profil est voisin de celui d'une obligation estiment que le taux d'actualisation doit être proche du taux sans risque, soit environ 6 %.

Mais si ce risque est probablement réduit, il n'est certainement pas nul : risque de refinancement, risque lié à l'acceptabilité des hausses de péage à horizon 2020-2030, perspectives de croissance du trafic, programme de travaux plus important qu'anticipé, etc. D'autres considèrent ainsi qu'il ne faut pas faire abstraction de la structure financière de ces entreprises : la prime de risque ne saurait être sous-évaluée et le risque lié au poids de l'endettement serait même de nature à porter le taux d'actualisation au-delà de 10 %.

Des différentes évaluations qui ont été présentées à votre Rapporteur spécial, il ressort qu'un taux réaliste d'actualisation est très vraisemblablement supérieur à 6 % et probablement proche d'une valeur comprise entre 7 et 8 %.

D'une manière ou d'une autre, et sans faire abstraction de la structure financière des SEMCA, lorsque l'on actualise les 30 à 39 milliards d'euros de dividendes attendus d'ici à 2032, la « valeur » des sociétés autoroutières que l'État pourrait céder revient à un peu plus de 8 milliards d'euros.

Et ce montant est tout à fait comparable avec celui que l'État pourrait raisonnablement attendre d'une privatisation immédiate de ces sociétés et d'une cession des participations des ASF, montant généralement situé entre 7 et 9 milliards d'euros. Il est, en effet, réaliste de croire que la valeur de la SANEF pourrait être valorisée autour de 2 milliards d'euros, de même que celle de la SAPRR. La valeur d'AREA devrait dépasser 1 milliard d'euros, alors que les 50,36 % des ASF pourraient rapporter à l'État 2,8 milliards d'euros environ.

*

* *

2. Le débat doit basculer de l'idéologie vers le pragmatisme.

Le débat actuel repose essentiellement sur des enjeux d'ordre idéologique qui impliquent de répondre à trois questions simples :

a) A-t-on le droit de vendre le patrimoine autoroutier de l'État ? Est-ce légitime ?

L'un des arguments le plus souvent avancé pour défendre la propriété publique des SEMCA tend à placer ces dernières au cœur d'un secteur d'activité devant nécessairement être assuré par la puissance publique.

Votre Rapporteur spécial considère que cet argument n'est pas une bonne objection, s'agissant d'une activité évoluant dans un contexte juridique qui a fortement changé depuis l'abandon de l'adossement et les perspectives concurrentielles liées au développement des appels d'offres.

Dans ce nouveau contexte et vu la nature même de l'activité, l'État doit définir une stratégie qui permette la poursuite du développement des sociétés d'autoroutes. Cela suppose, pour ces entreprises, l'acquisition d'une culture managériale renouvelée, le développement d'une offre nouvelle d'activités (centres commerciaux, parkings, etc.), l'extension de leur périmètre géographique de développement (en France comme à l'étranger), des capacités financières autonomes, des marges de compétitivité et, par voie de conséquence, la modification de leur structure capitalistique.

L'État étant averse au risque, il n'est probablement pas le meilleur partenaire pour le développement de ces sociétés, sauf à se fixer un objectif minimal de maîtrise du rendement dans le périmètre de concession actuel. De plus, une gestion purement étatique pourrait - à terme - se révéler incompatible avec les exigences communautaires.

De même, la question du devenir de la CNA se posera probablement. On peut, en particulier, se demander si le système de refinancement privilégié dont bénéficient aujourd'hui les sociétés d'autoroutes pourra être maintenu encore très longtemps.

On peut enfin croire qu'une privatisation sera bénéfique à l'État-actionnaire lui-même comme à ses pratiques de régulation et de contrôle. L'État doit prendre ses responsabilités face aux sociétés d'autoroute, qu'il s'agisse de SEMCA ou de sociétés privées, les concessions devant permettre de sanctionner les manquements éventuels des concessionnaires.

b) Est-on capable de vendre à bon prix ? Et est-ce le bon moment ?

Il est tout aussi important de raisonner en termes de coût d'opportunité. Si l'on attend exagérément pour vendre les participations de l'État dans les SEMCA, le risque est réel de les revendre dans des conditions moins favorables qu'aujourd'hui.

La période actuelle est, en effet, particulièrement favorable à une privatisation, étant donné le niveau encore très bas des taux d'intérêt et le comportement des marchés à l'égard des opérations d'investissement. D'une part, si les taux d'intérêt augmentent, l'État revendra moins bien ces sociétés : le poids de la dette s'accentuera, le besoin de désendettement se fera davantage sentir, à un moment où ces sociétés seront encore plus difficiles à désendetter qu'aujourd'hui.

D'autre part, au vu de la nature des transactions actuelles sur les marchés, ces derniers privilégieront volontiers un investissement sur une activité où le risque est assez bien encadré (risque quasi obligataire). Et une action à risque modéré et à haut rendement se valorisera d'autant sur les marchés que le prix de l'argent est faible.

Pourtant, certains escomptent des dividendes et considèrent que l'État peut avoir intérêt à conserver une part valorisante du capital des sociétés d'autoroutes. Mais ces dividendes sont dans l'immédiat sans rapport avec les besoins, dans la mesure où le calendrier des dividendes fait apparaître que la véritable « rente » n'apparaîtra qu'à partir de 2019. Or, l'État a besoin d'argent. Il faut donc vendre au moins une partie du capital des SEMCA.

Votre Rapporteur spécial considère que les sociétés d'autoroutes sont prêtes à être privatisées. Le moment est probablement le plus propice. Il est en tout cas indispensable d'en vendre au moins une partie. La meilleure option est sans doute de vendre tout ce qui peut l'être dans de bonnes conditions.

c) Peut-on espérer que tout ou partie de cette somme serve au financement des infrastructures de transport ?

Tout l'intérêt actuel de la question de la valorisation du patrimoine autoroutier tient, aux yeux de votre Rapporteur spécial, dans sa relation avec la problématique des financements des grands projets d'infrastructures de transport.

À ce titre, il faut remettre en cause l'argument selon lequel privatiser les SEMCA reviendrait à « tuer la poule aux œufs d'or ». On rappellera que s'il n'y a pas de garantie budgétaire sur l'affectation des recettes de privatisation des sociétés d'autoroute, il n'y a pas plus de garantie sur l'affectation des dividendes. Et il n'est pas nécessairement plus facile d'affecter dans le temps les recettes de dividendes que d'affecter immédiatement une recette de privatisation, avec ou sans établissement public désigné à cet effet. La question de l'endettement de cet établissement public peut s'analyser dans les deux hypothèses et, dans tous les cas, avec de très grandes précautions.

Pour autant, votre Rapporteur spécial se montre tout à fait sensible à l'idée d'une restructuration de la dette des sociétés d'autoroutes. Cette restructuration pourrait prendre la forme d'un refinancement de la totalité de la dette auprès de la CNA sur une longue durée. Comme cette dette ne semble pas pouvoir être remboursée par anticipation, l'émission d'obligations sur le marché par les sociétés d'autoroutes dégagerait un montant de capital pouvant être affecté à un fonds géré par le secteur public et être utilisé pour le financement d'autres projets d'infrastructures. C'est donc la CNA qui pourrait affecter les sommes ainsi libérées à ces projets.

En contrepartie, l'État reprendrait à sa charge le remboursement de la dette auprès de la CNA selon son échéancier initial, mais bénéficierait pour ce faire des dividendes que lui verseraient les sociétés d'autoroutes, dividendes qui devraient, dans ce cas, pouvoir être encore optimisés.

En définitive, votre Rapporteur spécial se prononce pour une privatisation immédiate - même partielle - des sociétés autoroutières. Privatiser, c'est non seulement permettre une respiration du secteur public, mais également profiter d'une conjoncture favorable, notamment sur le plan boursier, pour engranger des ressources nouvelles.

Alors que l'État a déjà du mal à boucler son budget en période de faibles taux d'intérêt, il ne peut pas manquer une occasion de faire fructifier son patrimoine à un moment qui est loin d'être mal choisi et où le besoin de financement d'une politique d'infrastructures ambitieuse fait l'objet d'un large consensus.

Hervé Mariton
Député
Rapporteur spécial du budget de l'Équipement
et des transports terrestres

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

- En France :

M. Rémy Chardon, Président directeur général des Autoroutes Paris Rhin Rhône (APRR)

M. Pierre Chassigneux, Président de la SANEF

M. Henri Jannet, directeur général de la SANEF

M. Gilbert Santel, Président de l'Association des sociétés françaises d'autoroutes et d'ouvrages à péage (ASFA)

M. Jean Mesqui, délégué général de l'ASFA

Mme Laurence Guillerm, directrice de la communication de l'ASFA

M. Patrice ParisÉ, directeur général des routes

M. Pierre-Denis Coux, sous-directeur des autoroutes et des ouvrages concédés à la direction générale des routes

M. Pierre-Yves Huerre, chef du bureau programmation, financement et concessions d'autoroutes à la direction générale des routes

M. Thomas Devedjian, conseiller technique du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé des participations de l'État

M. Bruno BÉzard, directeur de l'Agence des participations de l'État de la direction générale du Trésor et de la politique économique

M. Jean-Louis Girodolle, directeur de participations à la sous-direction transports de l'Agence des participations de l'État

M. Patrick Vandevoorde, responsable de la direction des financements décentralisés à la Caisse des dépôts et consignations

M. Daniel Baudru, responsable des partenariats publics-privés à la Caisse des dépôts et consignations

M. Jean-Luc Pommier, directeur du développement de VINCI

M. David AzÉma, directeur général de VINCI Concessions

M. Pierre Coppey, directeur de la communication, des ressources humaines et des synergies de VINCI

- En Espagne :

M. Claude Blanchemaison, Ambassadeur de France en Espagne

M. Bernard Valero, consul général de France à Barcelone

M. Pierre Michaux, conseiller Équipement et Transports à l'ambassade de France en Espagne

M. Kacim Kellal, conseiller économique et commercial

Mme Laura Torrebruno, conseillère financière adjointe

Mme  Christine Oliva, attachée Transport (mission économique)

M. Fernando Rojas Urtasun, directeur général de la programmation économique du ministère espagnol de l'Équipement et des transports (Fomento)

M. Antonio Illana, sous-délégué du gouvernement espagnol pour les autoroutes nationales à péage

M. Gerardo Gavillanes, chef du service de coordination économique du ministère du Fomento

M. Luis Armada Martinez Campos, vice-conseiller des transports et infrastructures de la Communauté Autonome de Madrid

M. Juan A. Margenat, secrétaire général d'ABERTIS

M. Miguel Abeniacar Trolez, directeur des finances d'ABERTIS

M. Antoni Español Realp, directeur de l'exploitation d'ACESA

M. Enrique Fuentes Egusquiza, directeur du développement corporatif et des relations avec les investisseurs de CINTRA

M. Nicolas Rubio de Cardenas, directeur technique et des contrats de CINTRA

M. Gonzalo Ferre Molto, conseiller délégué de Itinere Infraestructuras (SACYR Vallehermoso)

M. Fernando Gutierrez de Vera, Président de la commission des concessions de l'Association nationale des entreprises de construction (SEOPAN)

Mme Alicia Revenga, directrice du groupe des exportateurs de SEOPAN

M. Roland Menor, directeur général adjoint CALYON, filiale du groupe Crédit Agricole

M. Jose-Luis Castillo, expert chez DEXIA

*

* *

CARTES DES RÉSEAUX AUTOROUTIERS

ESPAGNOL ET FRANÇAIS

graphique

graphique

-----------------

N° 2407 - Rapport d'information sur la valorisation du patrimoine autoroutier (M. Hervé Mariton)

1 () Voir la communication du 17 décembre 2003 devant la Commission de Finances, annexée à ce rapport.

2 () Voir notamment le rapport spécial « Équipement et transports terrestres » sur le projet de loi de finances pour 2005 (Doc. AN n° 1863, annexe n° 21, 13 octobre 2004).

3 () Loi n° 55-435 du 18 avril 1955 portant statut des autoroutes.

4 () Loi n° 55-435 précitée, dont l'article 2 dispose notamment que « les autoroutes font partie du domaine public de l'État » et l'article 4 que « l'usage des autoroutes est en principe gratuit ».

5 () Le produit des péages est affecté à la couverture des charges de construction, d'exploitation, d'entretien et d'extension de ces infrastructures, ainsi qu'à la rémunération et à l'amortissement des capitaux investis par le concessionnaire.

6 () ASF, ESCOTA, SAPPR, AREA, SANEF, SAPN, ATMB et SFTRF.

7 () Principalement COFIROUTE, ainsi que la société ALIS (concessionnaire de l'autoroute A28 entre Rouen et Alençon) et la Compagnie Eiffage du Viaduc de Millau (CEVM)

8 () AREA, ASF, APRR, ESCOTA, SAPN, SANEF.

9 () Simultanément, trois groupes régionaux ont été créés via la filialisation de certaines sociétés auprès de celles dont l'assise financière était la plus solide : ainsi, ESCOTA est devenue filiale à 95 % d'ASF, la SAPN filiale à 98 % de la SANEF et AREA filiale à 97 % d'APRR.

10 () Cette évolution sera analysée en détail plus loin dans ce rapport, de même que les textes de transposition des directives communautaires et l'ordonnance n° 2001-276 du 28 mars 2001.

11 () Ces trois opérations sont analysées dans la dernière partie de ce rapport (cf. III.1.).

12 () L'endettement des sociétés d'autoroutes est en majeure partie constitué de dettes financières qui comprennent les emprunts et les avances reçues. Pour obtenir leur endettement total, il faut ajouter aux dettes financières les dettes à court terme. Les dettes aux bilans des sociétés s'obtiennent en ajoutant à l'encours des emprunts de la Caisse nationale des autoroutes, les avances reçues de l'État et des collectivités locales, les autres dettes financières hors avances de trésorerie inter-sociétés, les autres dettes : dettes d'exploitation et dettes diverses (hors produits constatés d'avance).

13 () Les dettes financières de la société COFIROUTE proviennent des emprunts émis directement sur le marché obligataire.

14 () Dans le cadre de trois groupes mère/fille, les sociétés-mères peuvent financer les déficits de trésorerie de leur filiale par avances consenties, à des conditions plus avantageuses que des emprunts de refinancement traditionnels. De plus, la réforme autoroutière intervenue en 2001 a permis, en allongeant la durée des concessions des six principales SEMCA et de la société du tunnel du Fréjus, de lisser les charges d'amortissement et d'améliorer à due concurrence les résultats et de consolider la structure financière des sociétés concessionnaires. Enfin, le 26 septembre 2001, les conseils d'administration de la SANEF et de la SAPN se sont prononcés favorablement sur le principe de la poursuite de l'activité de la SAPN et ont approuvé les modalités d'un plan de recapitalisation de la SAPN par la SANEF.

15 () La société ATMB gère le tunnel international du Mont-Blanc ainsi que « l'autoroute Blanche » (A40).

16 () La SFTRF gère le tunnel international du Fréjus ainsi que « l'autoroute de la Maurienne » (A43).

17 () Voir l'encadré ci-après.

18 () Le ministère chargé des transports participe ainsi au comité de direction de l'État-actionnaire qui détermine le cadre général de la stratégie de l'État dans ce domaine, ainsi que les principes de gouvernance et de contrôle dans lesquels s'inscrit l'action de l'APE.

19 () L'intégration financière et fiscale entre sociétés-mères et filiales met les premières en mesure d'apporter aux secondes des moyens de financement et en particulier de leur consentir, en tant que de besoin, des avances de trésorerie. Ce dispositif interne est venu prendre le relais du mécanisme de péréquation auparavant assuré par ADF. Le reliquat des avances de péréquation concerne essentiellement la société française du tunnel routier du Fréjus.

20 () Les derniers remboursements effectués en 2002 par les sociétés ASF, SANEF et APRR ont soldé définitivement les montants des avances d'actionnaire accordées par ADF.

21 () Voir l'encadré ci-après.

22 () Établissement public national à caractère administratif, doté de l'autonomie financière et créé par le décret n° 63-585 du 20 juin 1963. Son autonomie financière est garantie par le fait que ses recettes ne proviennent pas du budget de l'État, son conseil d'administration délibérant sur le budget, les comptes et le programme d'emprunts. Sa gestion administrative, comptable et financière est assurée, sous le contrôle du conseil d'administration, par la Caisse des dépôts et consignations, dans les conditions fixées par une convention conclue entre les deux établissements.

23 () Elle est régie par les articles R. 122-6 à R. 122-15 du code de la voirie routière, qui reprennent les dispositions du décret n° 63-585 du 20 juin 1963 modifié par les décrets n° 68-972 du 5 novembre 1968 et n° 86-910 du 30 juillet 1986.

24 () Les politiques tarifaires sont fixées, quand ils existent, par des contrats de plan quinquennaux et à défaut par arrêté ministériel. Les clauses tarifaires des contrats de concession sont ainsi considérées comme des clauses réglementaires - l'État peut les modifier unilatéralement, elles peuvent faire l'objet de recours de la part des tiers.

25 () Ce principe a été confirmé par la décision du Conseil d'État Wajs Monnier (CE, 30 oct. 1996) prohibant la prise en charge par les concessions autoroutières des dépenses de gendarmerie.

26 () Voir, par exemple, CE Deny 13 octobre 1967.

27 () CE Denoyez et Chorques 10 mai 1974. Cette solution a été confirmée dans un avis du Conseil d'État en date du 21 novembre 1995 relatif à la possibilité pour les collectivités locales d'obtenir pour leurs administrés un tarif privilégié de franchissement du viaduc de Millau.

28 () En regard, les transports ferroviaires et aériens paraissent faire l'objet d'une plus grande imagination ou d'une plus grande souplesse en matière de modulations tarifaires. De fait, la politique commerciale de segmentation de la clientèle autoroutière ne peut aller aussi loin que ce qui se pratique couramment pour d'autres modes de transports.

29 () Les seules obligations « contractuelles » relatives aux sous-concessions portent sur la vente des boissons alcoolisées et sur les obligations d'appel à la concurrence et d'agrément ministériel des sous concessionnaires.

30 () Distribution 24 heures sur 24 de lubrifiant et de carburant, approvisionnement continu, etc.

31 () L'article R. 418-3 du code de la route dispose également qu'il « est interdit d'apposer des placards, papillons, affiches ou marquages sur les signaux réglementaires et leurs supports ainsi que sur tous autres équipements intéressant la circulation routière. Cette interdiction s'applique également sur les plantations, les trottoirs, les chaussées et d'une manière générale, sur tous les ouvrages situés dans les emprises du domaine routier ou surplombant celui-ci ».

32 () La distribution de prospectus, tracts ou tôt objet (publicité, échantillon commercial, ...) est interdite sur les autoroutes, y compris aux barrières de péage (article R. 412-52 du code de la route). Les opérations de distribution strictement liées au service à l'usager autoroutier et à la sécurité routière font parfois l'objet d'une tolérance mais dans un cadre très limité.

33 () Cela étant, la loi du 26 juillet 1996 a permis la mise à disposition aux opérateurs de télécommunications des fibres optiques non réservées pour le fonctionnement du service public autoroutier. La loi du 9 juillet 2004 a également précisé le régime de l'occupation du domaine public autoroutier pour les exploitants de réseaux ouverts au public. Les redevances d'occupation auxquelles il donne lieu sont soumises au respect du principe d'égalité entre opérateurs, un décret en Conseil d'État fixant leur montant maximum.

34 () Voir la conclusion de ce rapport.

35 () Sur le réseau non concédé, les projets en cours concernent l'A75 (Clermont-Ferrand-Béziers), l'A77 (Cosne-sur-Loire-Nevers Sud), la rocade des estuaires de l'A84 (Caen-Rennes), l'A63 (RN10 dans les Landes), l'A88 (Caen-Falaise-Sées sur la RN 158), l'A34 (Reims-Charleville-Mézières) et son prolongement vers la Belgique.

36 () Il s'agit d'une délégation de service public par mise en concession, pour une autoroute à péage réel.

37 () Regroupant des filiales du groupe Bouygues Construction (Bouygues Travaux Publics, Quille et DTP Terrassement) et les sociétés Egis et Ixis CIB.

38 () On précisera que la société SAPN, initialement pressentie comme concessionnaire avant qu'une procédure complète d'appel d'offres européen ne soit lancée, a été intégrée au groupement concessionnaire (à hauteur de 8 %), en compensation des frais initialement engagés par elle.

39 () FSA, filiale du Groupe Dexia.

40 () Classe A1 de maturité 15 ans pour un montant de 80,5 millions d'euros et un taux réel fixe de 3,99 % ; classe A2 de maturité 25 ans pour un montant de 180 millions d'euros et un taux réel fixe de 4,25 % ; classe A3 de maturité 30 ans pour un montant de 200 millions d'euros et un taux réel fixe de 4,30 %.

41 () HBOS est entré au capital d'Alis en juin 2002 pour un montant de 9 millions d'euros et a souscrit en même temps une dette mezzanine de 37,5 millions d'euros.

42 () Eiffage, APRR et EGIS Projects, en premier lieu ; SANEF, Bilfinger Berger, Ixis CIB, ETPO, CIFE, Roger Martin, RAZEL et SETEC ensuite ; et enfin, ASF, Bouygues, Colas, DTP Terrassement, DV Construction, HSBC Infrastructures Fund et Bank of Scotland.

43 () Vinci Concessions et Vinci Constructions.

44 () À savoir Eiffage ; une association entre Dragados (Espagne), Skanska (Suède) et Bec ; une association entre ASF, EGIS, GTM, Bouygues, SGE, CDC projets, Tofinso et Autostrade (Italie) ; et enfin, une association entre la Générale Routière, via GTI, Cintra, Necso, Acciona et Ferrovial Agroman (Espagne).

45 () Après trois ans de travaux, le viaduc a été ouvert à la circulation en décembre 2004. Le coût total de l'ouvrage s'élève à près de 400 millions d'euros et la traversée du viaduc est soumise à péage.

46 () En 2001, suite à un changement du cadre réglementaire fiscal et à la construction d'un itinéraire concurrent, le projet a été refinancé sous forme de dette bancaire arrangée par Ixis CIB et de dette BEI rehaussée entièrement par Ixis Financial Guarantee.

47 () De fait un tel mécanisme situait le financement et le développement du réseau autoroutier hors du champ d'application des mécanismes concurrentiels. Cette situation ne permettait d'obtenir les effets bénéfiques que l'on est en droit d'attendre de son usage, à savoir le transfert des gains de productivité réalisées par les entreprises vers le consommateur, donc ici de façon ultime l'usager du service public autoroutier.

48 () Loi n° 2001-1 du 3 janvier 2001 portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en œuvre certaines dispositions du droit communautaire. Il s'agissait notamment de transposer la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures, afin de faciliter la mise en œuvre des dispositions du droit communautaire relatives aux marchés publics de travaux. Cette réforme a ainsi permis de supprimer la garantie de reprise de passif accordée par l'État aux SEMCA, tout en prolongeant les durées des concessions.

49 () Voir l'ordonnance n° 2001-276 du 28 mars 2001 transportant certaines dispositions de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures et réformant le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes. Voir également la loi n° 2001-1011 du 5 novembre 2001 portant ratification de cette ordonnance.

50 () On rappellera que la CNA avait pour objet, en s'appuyant sur son statut d'émetteur triple AAA et par la globalisation des besoins d'emprunt, de fournir aux SEMCA une ressource financière peu coûteuse qui n'était envisageable que dans l'optique d'une réalisation à moindre coût, dans un système non ouvert à la concurrence.

51 () Du fait du théorème de Fisher sur la séparabilité des dépenses d'investissement de leur financement, cette condition est vérifiée par construction.

52 () À savoir les parts détenus dans le système autoroutier par l'établissement public Autoroutes de France.

53 () En France, l'exemple le plus connu est, comme cela a été expliqué, l'extinction programmée du financement par la CNA pour les SEMCA dont le capital a été ouvert. Un autre exemple est la dissolution du GIE Autoroutes qui gérait la comptabilité de toutes les SEMCA : cette mise en commun induisait, en effet, des problèmes de conflits d'intérêt et de manque de confidentialité. Il était ainsi difficilement concevable de conserver une entité par laquelle auraient transité les éléments financiers stratégiques de chacune des SEMCA, alors que celles-ci sont en concurrence directe. S'agissant de données déterminantes lors des réponses aux appels d'offres, où la confidentialité des coûts internes doit, par exemple, être précieusement gardée, elles ne pouvaient donc pas être traitées par la même institution.

54 () Le gearing comptable est défini comme étant le ratio dette financière / fonds propres comptables.

55 () Le gearing financier est défini comme étant le ratio dette financière / capitalisation boursière.

56 () Le Bêta mesure la sensibilité du rendement d'un titre aux fluctuations du marché. Il est défini comme suit :

graphique
avec rf le taux d'intérêt sans risque, rm la rentabilité attendue du marché et ri la rentabilité attendue du titre.

57 () Le gearing représente la structure financière des entreprises et est donc très lié au risque intrinsèque de l'entreprise. En effet, le niveau de gearing peut renseigner sur la marge de manœuvre dont dispose l'entreprise en termes de gestion financière (les charges financières sont des charges fixes). De plus, le gearing est un des déterminants de la capacité intrinsèque d'une entreprise à s'endetter et donc à se développer.

58 () Un tel niveau n'était d'ailleurs possible que parce que l'actionnariat était public et que l'organisation du secteur était, avant la réforme de 2001, monopolistique par zone territoriale clairement identifiée. On nuancera le constat au regard du niveau moyen des gearings financiers, qui sont le reflet d'un niveau d'endettement acceptable par les marchés. Ainsi, l'exemple le plus significatif est celui d'Autostrade dont le gearing comptable est égal à 494 % et le gearing financier est égal à 76 %.

59 () L'exploitation du tronçon a débuté en décembre 2003.

60 () Les travaux ont commencé début 2001. La maîtrise d'œuvre a été assurée par Strabag et NCC international AB.

61 () Autostrada Wielkopolska S.A. (AWSA), société ad hoc polonaise, appartenant indirectement à des sponsors polonais et internationaux, à travers Dutch Holdco. L'exploitation a été confiée à Autostrada Eksploatacja S.A., dont les actions sont détenues par Transroute (45 %), Kulczyk Holding (45 %) et Strabag (10 %).

62 () Soit 238 millions d'euros. La dette subordonnée est constituée, d'une émission d'obligations synthétiques en euros d'une valeur nominale sans précédent en Pologne et d'une très longue durée. 

63 () Concessionnaire, jusqu'à fin 2039, du pont à péage réel reliant Rion et Antirion, la société Gefyra est détenue par Vinci à 53 %.

64 () Les travaux ont duré 7 ans, jusqu'à l'ouverture de l'ouvrage (juste avant les Jeux olympiques d'Athènes de 2004). Le coût total du projet, incluant les frais financiers en période de construction, s'élève à environ 800 millions d'euros.

65 () Ce tronçon autoroutier constitue le premier projet routier de la vague A-Modell, financée par la LKW-Maut. Il s'agit d'un tronçon à péage réel de 46 km, estimé à 328 millions d'euros, reliant Bubesheim à Augsbourg (Bavière). L'appel d'offres doit être lancé courant mars 2005. On compte cinq groupements en lice pour ce PPP, dont Vinci Concessions.

66 () Le contrat de concession de 28 ans a été signé en juillet 2003. Les actionnaires de la société concessionnaire de cette section à péage réel sont Walter Bau, qui a déposé le bilan début février 2005 et va être repris par l'Autrichien Strabag (51 %) et la République de Croatie (49 %).

67 () Dans le même pays, on mentionnera également l'autoroute à péage virtuel Norte Litoral SCUT, dont coût total est estimé à 442 millions d'euros. La société concessionnaire est détenue par Ferrovial/Cintra et le contrat de concession, signé fin 2001, expire en 2030.

68 () Le contrat de concession de 410 millions d'euros, signé en 1995, porte sur 145 kilomètres (dont 47 en construction) et expire en 2027.

69 () Outre ces obligations, un crédit d'un montant de 72 millions d'euros a été obtenu auprès de Zagrebacka Banka et Depfa Bank.

70 () En compensation de ces retards, l'État fédéral allemand exige d'ailleurs de lourds dommages et intérêts (4,5 milliards d'euros au total).

71 () A1 Lotte-Munster, A1 Bucholz-Bremer Kreuz, A2, A3, A4, A5, A7, A8, A10, A24, A57, A61 et B1.

72 () On peut légitimement considérer que le renvoi au moins partiel du risque de fréquentation sur le délégataire, sans rémunération prise sur l'usager, a été un des éléments qui ont contribué à accroître le coût de ces formules pour la puissance publique (malgré les économies liées à l'absence de systèmes de péages) et ont ainsi contribué à leur mise à l'écart, indépendamment des contraintes budgétaires propres à chaque pays où ce système avait été mis en oeuvre.

73 () L'équivalent espagnol de notre ministère de l'Équipement et des transports.

74 () Sacyr, Cintra du groupe Ferrovial, Abertis du groupe de la Caixa de Catalunya.

75 () Comme Dexia et Calyon (filiale du groupe Crédit Agricole).

76 () La dernière société publique - l'ENA (Empresa Nacional de Autopistas) - a été mise en vente par l'État en 2003 pour un montant de 1,58 milliard d'euros.

77 () Abertis souligne néanmoins que les sociétés de construction ont intérêt à privilégier l'obtention de profit pendant la phase de construction au détriment de l'exploitation ensuite de la concession.

78 () Avec la concession très profitable du contournement de Toronto au Canada ou aux États-Unis à Chicago.

79 () Certaines sociétés concessionnaires ont même tendance à considérer que conjuguer des métiers de nature trop différente n'est pas efficient, les organismes financiers ayant parfois du mal à bien analyser les risques.

80 () On signalera qu'une carte du réseau autoroutier espagnol est reproduite à la fin de ce rapport.

81 () Il est à noter que des sociétés concessionnaires dont le métier est l'exploitation de concessions plus « mûres » (à l'image d'Abertis, par exemple) se sentent logiquement moins affectées par l'effet des nouvelles normes comptables.

82 () Prenant acte du succès remporté par l'offre réservée aux salariés, le conseil d'administration d'ASF a décidé, le 24 avril 2002, de porter le nombre d'actions réservées aux salariés à un maximum de 5 millions, soit 2,38 % du capital après l'introduction en bourse.

83 () Ces ressources ont été utilisées par l'État pour faire face à des dépenses prioritaires à hauteur de 1,5 milliard d'euros (alimentation du fonds d'épargne pour les retraites, financement du secteur aérien et abondement à la banque de développement des PME). Le reliquat, soit 300 millions d'euros, devait servir, conformément à l'article 3 de la loi relative à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport du 3 janvier 2002, au financement du ferroviaire, et en particulier de la ligne Perpignan-Figuéras.

84 () Les trois principaux problèmes étudiés par l'administration touchaient au risque de concentration sectorielle, à la maîtrise de la concurrence sur les marchés de travaux publics et aux aménagements des contrats de concession à mettre en œuvre pour en assurer une bonne exécution.

85 () Le placement global garanti (PGG), qui constitue le livre d'ordre, est réservé aux investisseurs institutionnels, qui fixent des ordres d'achat en fonction du prix.

86 () L'offre à prix ouvert (OPO) est destinée aux particuliers. Elle se déroule en deux temps, avec une période de réservation dans les premiers jours donnant droit à être mieux servi, puis une période de souscription. Cette opération se fait à prix ouvert, c'est-à-dire que les particuliers ne savent pas à quel prix les titres vont être vendus à l'intérieur de la fourchette

87 () La première cotation, au 25 novembre 2004, a été de 42,50 euros, le plus haut ayant atteint 43,14 euros et le plus bas 42,40 euros. Le cours a atteint 44,50 euros le 15 décembre 2004.

88 () Compte tenu de la qualité du livre d'ordre et de l'importance de la demande des particuliers, l'État a fixé le prix dans le haut de la fourchette (37 euros à 41 euros).

89 () 3.124 salariés du groupe (soit plus de 92 % des salariés y ayant droit) ont souscrit à cette offre : 99 % des cadres, 96 % des agents de maîtrise et 90 % des employés et ouvriers.

90 () L'EBITDA (peu différent de l'EBE en comptabilité française) des sociétés autoroutières reflète le strict résultat des activités opérationnelles de celles-ci.

91 () L'EBIT retranscrit, en plus de l'aspect opérationnel représenté dans l'EBITDA, pour partie la gestion de la politique d'investissement et la « santé » de l'outil de production.

92 () L'AFITF ne bénéficie pas aujourd'hui des revenus tirés des cessions de parts partielles ou globales du capital des SEMCA.

93 () De plus, en cas de concurrence avec un autre itinéraire autoroutier sur la même OD (Origine - Destination), la SEMCA craint moins l'erreur de prévision de trafic du fait d'un transfert de trafic d'une section à l'autre avec la mise en place naturelle d'une situation d'équilibre.

94 () Il est en effet possible de mutualiser l'utilisation des ressources et installations entre les différentes sections connexes. Ces « économies d'échelle » permettent bien entendu de diminuer le coût de construction global des nouvelles sections ainsi que d'être très compétitif sur le prix de l'exploitation.

95 () La rémunération provenant du contrat d'exploitation et de la fourniture des équipements de péage étant décorrélée de la structure de capital de la société, plus l'effet de levier est important, plus le TRI global retiré par les SEMCA est important.

96 () Le coût de ce service est de l'ordre de 2 euros l'heure.

97 () En effet les théories financières expliquent qu'un investisseur peut diversifier son portefeuille bien mieux et à moindre coût qu'une entreprise. Si cette approche contribue à expliquer l'engouement du marché pour les « pure players », il n'en reste pas moins vrai que l'une des premières capitalisation mondiale est le groupe General Electric, largement diversifié dans de nombreuses activités au point de présenter une structure quasi-conglomérale.

98 () La valeur actuelle nette des cash flows disponibles pour le service de la dette sur la durée de la concession doit être égale à environ deux fois l'encours de dette encore non remboursé.

99 () Il faut cependant souligner que la détermination du bêta de chacune de ces trois sociétés s'avère relativement délicate. En effet, la nouveauté de la cotation d'APRR, de SANEF et également, dans une moindre mesure, d'ASF, limite la quantité de données historiques disponibles, données sur lesquelles est fondée habituellement cette détermination. La détermination des bêtas étant relativement difficile, le choix a été volontairement prudent, retenant pour APRR et SANEF une valeur proche de l'unité (0,85) et pour ASF, mieux connue du marché et moins endettée, la valeur 0,5. Ces valeurs peuvent sembler conservatrices pour des sociétés autoroutières, dont le risque est parfois assimilé à du quasi-obligataire, mais elles ressortent en ligne avec les valorisations actuelles des analystes.

100 () Ainsi, on ne manquera pas de reconnaître que les projections possibles ont été décrites en supposant qu'à l'échéance du dispositif actuel de concession les SEMCA ne retrouvent plus de sources de revenus dans le dispositif concessif autoroutier national. En l'occurrence une telle hypothèse, ne saurait seule servir de base à une structuration du devenir des sociétés d'autoroutes. Toutefois, lors de la remise en concurrence des droits concessifs, la compétition pourrait être vive, attisée en particulier par de nouveaux entrants qui auront pu acquérir des compétences soit à l'international, soit dans le cadre du développement des mécanismes de transfert de maîtrise d'ouvrage et d'exploitation / maintenance de voies routières ou autoroutières urbaines (PPP).

101 () Le raisonnement est ici conduit par analogie avec un titre obligataire au-delà de la période d'immunisation au risque de taux donnée par la formule de la duration.

102 () Cette communication, dont les conclusions n'ont pas fondamentalement évolué, est annexée à ce rapport.

103 () En se calant sur un taux cible de 15 % de rentabilité sur fonds propres.

104 () Voir les exemples de Brisa et surtout d'Abertis.

105 () M. Patrice Parisé admet ainsi que le développement à l'international peut être un enjeu pour l'État-actionnaire, pour les SEMCA ou pour le ministère des transports en tant qu'animateur de l'AFITF, mais que cette perspective d'investissements risquée n'est pas un enjeu pour la direction générale des routes.

106 () Ces domaines pouvant être proches de leur champ d'activité initial (parking par exemple) ou a priori plus éloignés (gestion portuaire et aéroportuaire).

107 () Seul Leclerc avait obtenu une concession en 1990 sur l'A31 près de Dijon.

108 () Outre les distributeurs de carburant, des nouveaux acteurs devraient faire leur entrée sur les réseaux concédés : les boulangers Paul, Le Fournil de Pierre, La Croissanterie, ou encore les enseignes Comod, Proxi ou Cocci Market.

109 () L'administration demanderait ainsi à une SEMCA, acquérant un terrain pour proposer à une enseigne de grande distribution de s'y installer, de se soumettre strictement à des contraintes de service public comme la nécessité de garantir un nombre suffisant de places de parkings gratuits, la parfaite égalité de traitement entre candidats, ... L'appréciation de la direction générale se fait en réalité au cas par cas, mais avec un souci de primauté des droits de l'usager et des règles du service public sur les logiques commerciales.

110 () Ces règles sont justifiées tant par des impératifs de sécurité qu'eu égard au respect du paysage et de l'environnement.

111 () Décision Eurostat 18/2004 du 11 février 2004.

112 () Compte tenu de l'ensemble des éléments à prendre en compte, de natures économique, financière, juridique et administrative, le plein intérêt de ce mécanisme ne pourra s'apprécier qu'en le comparant avec les solutions alternatives. C'est pourquoi, à juste titre, l'article 2 de l'ordonnance fait de l'évaluation une condition expresse et préalable du recours aux contrats de partenariat. Cette évaluation doit s'effectuer notamment en termes de coût global, de performance et de partage des risques.

113 () Comme cela a été expliqué dans le rapport, un opérateur privé sera chargé de financer l'amélioration, l'entretien et l'exploitation d'une section autoroutière, et bénéficiera des revenus des péages poids lourds (dont la mise en service est prévue début 2005) nets des frais de perception, pour une période de temps limitée. Les besoins complémentaires seront couverts par le budget routier.

114 () Ainsi le péage, contrepartie du service rendu à l'usager peut permettre de nouveaux développements du réseau autoroutier comme en témoignent les concessions récemment conclues ou les projets envisagés à court terme (A28 Rouen-Alençon, viaduc de Millau, A19 Artenay-Courtenay, A41 Saint-Julien-en-Genevois-Villy-le-Pelloux, A65 entre Langon et Pau, ...).

115 () Qui seront d'ailleurs par nature beaucoup plus courtes car n'étant pas calées sur l'amortissement de l'ouvrage réalisé.

116 () Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire.

117 () 18 % du capital a été acquis par les sociétés Vinci et Eiffage qui, au cours des premiers jours de cotation, ont acheté de concert 15 % du capital. Eiffage est toutefois sorti du capital des ASF en juin 2003.

118 () Ces ressources ont été utilisées par l'État pour faire face à des dépenses prioritaires à hauteur de 1,5 milliard d'euros (alimentation du fonds d'épargne pour les retraites, financement du secteur aérien et abondement à la banque de développement des PME). Le reliquat, soit 300 millions d'euros, devrait servir au financement du secteur ferroviaire, et en particulier de la ligne Perpignan-Figuéras.

119 () On dénombre huit sociétés d'économie mixte concessionaires d'autoroutes, à savoir ASF, ESCOTA, SAPRR, AREA, SANEF, SAPN, ATMB et SFTRF.

120 () L'endettement des sociétés d'autoroutes est en majeure partie constitué de dettes financières qui comprennent les emprunts et les avances reçues. Pour obtenir leur endettement total, il faut ajouter aux dettes financières les dettes à court terme. Les dettes aux bilans des sociétés s'obtiennent en ajoutant à l'encours des emprunts de la Caisse nationale des autoroutes les avances reçues de l'État et des collectivités locales, les autres dettes financières hors avances de trésorerie inter-sociétés, les autres dettes : dettes d'exploitation et dettes diverses (hors produits constatés d'avance).

121 () Dans le cadre des trois groupes mère/fille, les sociétés-mères peuvent financer les déficits de trésorerie de leur filiale par avances consenties, à des conditions plus avantageuses que des emprunts de refinancement traditionnels. De plus, la réforme autoroutière intervenue en 2001 a permis, en allongeant la durée des concessions des six principales SEMCA et de la société du tunnel du Fréjus, de lisser les charges d'amortissement et d'améliorer à due concurrence les résultats et de consolider la structure financière des sociétés concessionnaires. Enfin, le 26 septembre 2001, les conseils d'administration de la SANEF et de la SAPN se sont prononcés favorablement sur le principe de la poursuite de l'activité de la SAPN et ont approuvé les modalités d'un plan de recapitalisation de la SAPN par la SANEF.
Le plan de recapitalisation de la SAPN par la SANEF, adopté par les conseils d'administration des deux sociétés les 18 et 19 décembre 2001, sera mis en œuvre sur la période 2002-2006 ; il repose sur le versement à parts égales de subventions d'exploitation et de dotations en capital, représentant chacune un montant global de 267 millions d'euros.

122 () Établissement public national à caractère administratif, doté de l'autonomie financière et créé par le décret n°63-585 du 20 juin 1963. Cet établissement est géré par la Caisse des dépôts et consignations.

123 () La méthode d'actualisation la plus pertinente est bien celle fondée sur les perspectives de cash flows, dans la mesure où l'activité future des sociétés d'autoroutes est assez aisément prévisible. L'actualisation des flux futurs de trésorerie de chaque société doit ainsi permettre de prendre en compte la valeur pleine de l'entreprise.

124 () Le taux d'actualisation est la méthode de calcul financier qui permet de valoriser un bien ou un revenu à l'époque actuelle et donc de comparer des flux monétaires à des époques différentes. Il est composé de deux éléments : d'une part, le rendement d'un investissement sans risque à long terme (c'est-à-dire le taux des obligations à 10 ans émises par l'État) et, d'autre part, la prime de risque spécifique qui s'attache à un investissement déterminé.

125 () En particulier, le risque systémique de ces sociétés est diversement apprécié, le taux d'actualisation dépendant d'un paramètre - le β - qui mesure la volatilité du secteur considéré par rapport à la volatilité moyenne du marché.