N° 2473 - Rapport d'information déposé par la commission des finances sur les échanges commerciaux entre la Chine et la France (MM. Tony Dreyfus et Hervé Novelli)




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N° 2473

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 juillet 2005.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

sur

Les échanges commerciaux entre la Chine et la France

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Tony Dreyfus et Hervé Novelli,

Députés.

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INTRODUCTION 5

I.- LA MONTÉE EN PUISSANCE DE LA CHINE DANS LES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES MONDIAUX 7

A.- UNE RÉUSSITE QUI REPOSE À LA FOIS SUR DES FACTEURS INTERNES ET EXTERNES 7

1.- L'essor de l'économie chinoise 7

a) Une croissance forte depuis 25 ans 7

b) Une place prépondérante et croissante dans les échanges mondiaux 8

c) Une stratégie politique d'insertion dans les échanges internationaux 11

2.- Les atouts économiques de la Chine 13

a) Des facteurs de production abondants et peu coûteux 13

b) L'ancrage du yuan au dollar et sa sous-évaluation 14

c) Les débouchés offerts par un marché intérieur en plein développement 15

d) Un fort potentiel technologique 16

e) Des facteurs culturels 19

3.- Le rôle important de l'étranger dans l'économie chinoise 20

a) Une ouverture aux investissements étrangers programmée et maîtrisée par les autorités chinoises 21

b) L'investissement étranger a inséré la Chine dans la division internationale du travail 22

c) Les Chinois investissent à leur tour dans le monde 26

B.- DES FAIBLESSES QUI, SURMONTÉES, PEUVENT DEVENIR DES ATOUTS 28

1.- Une dépendance énergétique croissante 28

a) De l'autosuffisance à la dépendance 28

b) La sécurité énergétique, une priorité 30

2.- La poursuite de la réforme des entreprises d'État, condition essentielle de la modernisation de l'économie 31

a) Une réforme ambitieuse 31

b) Une réforme difficile à mettre en œuvre 33

3.- Un système bancaire et financier qui, assaini, présentera un fort potentiel de développement 34

a) Un système bancaire qui présente un certain nombre de faiblesses intrinsèques 35

b) La nécessité d'une réforme en profondeur 38

c) Le marché bancaire chinois, un gisement d'opportunités 40

4.- Le développement des inégalités et la mise en place d'un système de protection sociale 41

a) L'élévation globale du niveau de vie et le creusement des inégalités 42

b) Une réforme indispensable : la refonte du système de protection sociale 43

II.- LE DÉFI CHINOIS ET LE PÉRIL FRANÇAIS 47

A.- LA CHINE, EXPORTATEUR ET INVESTISSEUR À DESTINATION DE L'UNION EUROPÉENNE ET DE LA FRANCE 48

1.- Une place croissante dans les importations de l'Union européenne et de la France 48

a) La Chine occupe une place croissante dans les importations de l'Union européenne 49

b) La structure comme la dynamique des exportations chinoises vers l'Union européenne sont comparables à celles des exportations chinoises totales 51

c) Une accélération de la croissance des importations françaises en provenance de Chine 53

2.- La Chine, un investisseur de plus en plus présent dans l'Union européenne et en France 54

B.- LA CHINE, UN PARTENAIRE INCONTOURNABLE POUR LA FRANCE 55

1.- Une France en retrait dans les échanges avec la Chine 55

a) Les exportations françaises vers la Chine 55

b) Les investissements français en Chine 63

2.- La Chine, un gisement d'opportunités pour la France 64

a) Des opportunités croissantes... 64

b) ...dont la France doit mieux tirer parti 68

CONCLUSION 73

EXAMEN EN COMMISSION 75

INTRODUCTION

En 1979, Deng Xiaoping popularisait le terme « xiaokang », qui apparaît pour la première fois dans un classique de poésie du sixième siècle avant Jésus-Christ. Ce concept renvoie, selon l'universitaire Lu Shuzeng, à une société idéale qui procure du bien-être à tous ses citoyens. Il s'agit d'une notion poétique à laquelle Deng Xiaoping avait décidé de donner une dimension économique, en fixant comme objectif l'obtention d'un PIB par habitant de 800 dollars avant la fin du XXe siècle.

La montée en puissance de la Chine dans l'économie mondiale est l'un des événements majeurs du début du XXIème siècle. Le rythme de croissance (9,4 % par an en moyenne depuis 1980) est inférieur à celui du Japon au moment de son décollage, mais il paraît plus impressionnant du fait de la taille de l'économie chinoise. Avec 1,29 milliard d'habitants, la Chine est de loin le pays le plus peuplé, devant l'Inde (1,05 milliard) et les États-Unis (290 millions).

Depuis une vingtaine d'années, et comme d'autres pays asiatiques avant elle, la Chine appuie sa formidable expansion sur son intégration dans les échanges internationaux. L'ouverture de la Chine a débuté en 1979 avec la création de zones économiques spéciales ouvertes aux investissements étrangers ; l'adhésion de la Chine à l'OMC en 2001 marque l'aboutissement de ce processus d'ouverture programmée et maîtrisée par le gouvernement chinois.

Le « miracle économique chinois » repose sur des facteurs de réussite internes, mais également sur les investissements étrangers massifs que reçoit le pays. Le pouvoir politique chinois a su les attirer vers certains secteurs, et les canaliser, afin d'en tirer parti sans les laisser s'emparer de secteurs stratégiques. Les investissements étrangers sont déterminants pour le développement des échanges commerciaux.

L'importance croissante du commerce extérieur chinois bouleverse certains marchés mondiaux, ce qui inquiète les pays industrialisés, qui perçoivent la Chine comme une menace. C'est notamment le cas de la France. L'afflux des produits chinois sur le marché de l'habillement, depuis la levée des quotas le 1er janvier 2005, a provoqué un véritable affolement. Mais l'inquiétude créée par la percée chinoise sur le marché de l'habillement vient surtout de ce qu'elle paraît annoncer l'arrivée de produits chinois dans d'autres secteurs.

Par ailleurs, la France s'inscrit en retrait dans les échanges avec la Chine, qu'il s'agisse des exportations ou des investissements dans le pays. En effet, la part de marché de la France ne cesse de se dégrader depuis 1997, pour atteindre 1,35 % en 2004. La France est ainsi le quinzième fournisseur du pays, loin derrière l'Allemagne, dont la part de marché s'élève à 5,4 %. En matière d'investissements, la France se situe au dixième rang des investisseurs étrangers, avec 1,2 % du stock des investissements accueillis par la Chine.

La réussite économique de la Chine, parfois perçue comme un « péril jaune », constitue ainsi un miroir qui nous renvoie à nos propres faiblesses. Les relations commerciales de la France avec la Chine illustrent en effet ce que l'on pourrait appeler le « péril français », que la comparaison avec les bons résultats allemands en matière d'exportations, notamment à destination de la Chine, met en exergue. Les résultats décevants des entreprises françaises s'expliquent notamment par une spécialisation de notre économie qui ne répond pas parfaitement aux besoins actuels de la Chine, par un tissu économique caractérisé par un nombre insuffisant de moyennes entreprises capables de conquérir des marchés réputés difficiles, par une certaine réticence des PME françaises à exporter vers des marchés lointains où la différence culturelle peut être grande et par une tradition commerciale française davantage tournée vers l'Afrique que l'Asie.

Compte tenu du potentiel de développement considérable que représente la Chine, l'ensemble des acteurs du commerce extérieur doivent se mobiliser. Les atouts des entreprises françaises en Chine apparaissent en effet de plus en plus évidents. D'une part, l'énergie, les transports et la protection de l'environnement, qui sont des domaines dans lesquels la France dispose d'un grand savoir-faire, deviennent des priorités pour les autorités chinoises. D'autre part, la conjugaison de l'élévation du niveau de vie des habitants, de l'émergence d'une classe aisée et de l'ouverture progressive du secteur tertiaire aux capitaux étrangers, va avoir pour conséquence une évolution de la demande chinoise en faveur des biens de consommation et des services, secteurs dans lesquels la France s'est spécialisée.

Ainsi, plus qu'une menace, la Chine constitue un véritable gisement d'opportunités pour la France. Notre pays a d'autant plus d'intérêt à développer les échanges avec la Chine que les exportations constituent une source majeure de croissance et d'emplois : un milliard d'euros d'exportations supplémentaires créeraient ainsi 15.000 emplois en France. Par conséquent, il s'agit, plutôt que d'adopter une attitude défensive de protectionnisme commercial et de lutte contre les délocalisations, de se donner les moyens de tirer pleinement parti du développement du marché chinois.

I.- LA MONTÉE EN PUISSANCE DE LA CHINE DANS LES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES MONDIAUX

Depuis la mise en œuvre des réformes, l'économie chinoise connaît une croissance extrêmement rapide, accompagnée d'une intégration poussée dans l'économie mondiale, où elle joue de plus en plus le rôle d'atelier du monde. Les facteurs de cette réussite résident principalement dans la culture chinoise, l'abondance d'une main-d'œuvre bon marché et la stabilité et la sous-évaluation du yuan.

Cependant, les spectaculaires résultats économiques de la Chine s'accompagnent d'un certain nombre de déséquilibres : dépendance énergétique croissante, secteur public prépondérant et peu performant, système bancaire à moderniser et inégalités persistantes. Conscientes de ces faiblesses, les autorités chinoises mènent des réformes en profondeur, qui devraient permettre de surmonter ces handicaps.

A.- UNE RÉUSSITE QUI REPOSE À LA FOIS SUR DES FACTEURS INTERNES ET EXTERNES

Depuis 25 ans, la Chine connaît une croissance annuelle moyenne de 9,4 % de son PIB. L'essor de l'économie chinoise repose avant tout sur l'ouverture de son marché, amorcée en 1978. L'adhésion de la Chine à l'OMC en 2001 a consacré ce processus. Aujourd'hui, la Chine présente une économie très ouverte : son commerce extérieur représente environ 40 % de son PIB.

Cette réussite tient à la fois à des facteurs, propres à la Chine, et à l'intervention de l'étranger, qui joue un rôle important dans l'économie chinoise, à travers les investissements directs qu'il y réalise.

1.- L'essor de l'économie chinoise

La croissance rapide et continue que connaît la Chine depuis 25 ans repose sur une ouverture croissante aux échanges extérieurs, elle-même planifiée et maîtrisée par le pouvoir politique chinois.

a) Une croissance forte depuis 25 ans

Depuis un quart de siècle, la Chine (1) connaît une formidable expansion économique. 25 ans après l'engagement du processus de réforme, les résultats économiques chinois ont dépassé toutes les espérances : le PIB a été multiplié par neuf à prix constants, le revenu réel des ménages a quintuplé, et le commerce extérieur a été multiplié par dix.

L'économie chinoise a enregistré une croissance moyenne de 10 % en 1990 et 2001, ce qui représente le taux moyen le plus important au monde durant cette période. Entre 2001 et 2003, la croissance est restée encore très soutenue. Le PIB a cru de 9,5 % en 2004, taux le plus élevé depuis 1996, alors que l'inflation reste modérée (+3,9 % en 2004). À son rythme actuel, le PIB chinois double en moins de dix ans, quand il faut 35 à 40 ans à l'Union européenne pour atteindre le même résultat.

En 2004, le PIB s'est élevé à 1.590 milliards de dollars, ce qui confère à la Chine la 7ème place mondiale. En parité de pouvoirs d'achat (PPA), la Chine se place même en deuxième position, avec un PIB de 6.425 milliards de dollars, derrière les États-Unis et devant l'ensemble de la zone euro.

Le revenu par habitant a également connu une croissance spectaculaire. De moins de 600 dollars en 1995, il a franchi la barre des 1.000 dollars en 2003 et devrait approcher les 1.400 dollars par habitant en 2005. Si, avec un tel revenu, la Chine n'atteint que la 100ème place mondiale (la Banque mondiale la classe la parmi les « pays à revenu intermédiaire inférieur »), il reste que près de 400 millions de Chinois sont sortis de la pauvreté en vingt ans.

Quatrième industrie après les États-Unis, l'Allemagne et le Japon, la Chine a généré en 2000 plus de 7 % de la valeur ajoutée manufacturière mondiale. Elle est le premier producteur de téléviseurs, de jouets, de chaussures et d'appareils électroménagers. Elle est le troisième producteur dans l'automobile et l'informatique.

La croissance de la Chine est indissociable de son insertion dans les échanges mondiaux.

b) Une place prépondérante et croissante dans les échanges mondiaux

La progression des échanges extérieurs chinois a été rapide dès les années 80, et s'est accélérée dans la décennie suivante. De 1990 à 2003, le commerce de la Chine a progressé trois fois plus vite que le commerce international ; ses exportations comme ses importations ont augmenté au rythme annuel de 15 % par an, avec une nette accélération depuis 2000, alors que les échanges mondiaux augmentaient de 5,5 % par an. Au cours de cette période, la Chine a plus que doublé son poids dans le commerce international, où elle compte actuellement pour environ 5,5 %, comme le montre le graphique suivant.

LE POIDS DE LA CHINE DANS LE COMMERCE MONDIAL

(en pourcentage par rapport aux échanges mondiaux)

graphique

Source : CEPII.

Ces dernières années, la croissance du commerce extérieur chinois s'est encore accélérée : +37 % en 2002, +39 % en 2003 et +35,7 % en 2004.

Après avoir dépassé la Grande-Bretagne en 2002 puis la France en 2003, la Chine est aujourd'hui le quatrième exportateur mondial derrière les États-Unis, l'Allemagne, et le Japon. Les exportations atteignent 593 milliards de dollars en 2004.

L'expansion des exportations chinoises repose sur les produits manufacturés : avec une croissance de 20 % par an, ils constituent actuellement 93 % des exportations totales, contre 75 % en 1990. Corrélativement, la part des produits agricoles, alimentaires et des matières premières s'est réduite.

Au cours des années 80, la Chine a percé sur les marchés mondiaux grâce à ses industries traditionnelles, le textile-habillement, les jouets et autres articles manufacturés. Au cours des dix dernières années, elle a continué son ascension commerciale grâce à une rapide diversification de ses exportations manufacturières. Si les exportations chinoises ont progressé dans tous les secteurs, cette progression a été particulièrement vive dans le secteur du matériel électrique et de l'électronique. Le textile-habillement a enregistré un relatif recul, passant de 38 % à 24 % des exportations totales entre 1993 et 2002.

En 2002, les machines et équipements constituent le premier poste d'exportation de la Chine, avec 38,5 %, dont 20 % pour les machines et 15,6 % pour les équipements électriques.

ÉVOLUTION DES EXPORTATIONS DE LA CHINE
PAR GRANDES CATÉGORIES DE PRODUITS

Structure ( en %)

1993

2002

Machines et équipement

18,2

38,5

Textile et habillement

37,9

24,0

Articles manufacturés divers

11,1

10,8

Produits chimiques, matériaux de construction

8,6

9,2

Métallurgie, produits métalliques

5,1

5,8

Produits agricoles & alimentaires

11,7

5,3

Matériel de transport

2,1

3,2

Matières premières et combustibles

5,3

3,0

Total

100,0

100,0

Source : Statistiques douanières de la République Populaire de Chine

La Chine demeure néanmoins le premier exportateur mondial d'habillement avec une part du marché mondial qui dépasse 20 %, et le deuxième exportateur de textiles, derrière l'Union européenne. Ses parts de marché devraient encore s'élargir avec l'élimination, en janvier 2005, des quotas qui régissent les importations de textiles des États-Unis et de l'Union européenne.

Le graphique ci-dessous montre la conquête par la Chine des marchés mondiaux entre 1990 et 2002.

L'ENVOLÉE DES EXPORTATIONS CHINOISES : PARTS DE MARCHÉ EN 1990 ET 2002

(% des exportations mondiales)

graphique

Source : CEPII.

La Chine est également un très grand importateur : elle est passée du sixième au troisième rang des importateurs de biens entre 2000et 2004. En 2004, ses importations ont augmenté de 36 %, atteignant 561 milliards de dollars.

La croissance rapide des importations s'explique d'une part, par l'importance des importations de composants et pièces destinés à être assemblés pour être réexportés, et d'autre part par les besoins très importants de la Chine en énergie et matières premières (elle est le deuxième importateur mondial de pétrole, et consomme entre un quart et un tiers de la production mondiale d'aluminium, d'acier, de fer et de cuivre).

Le solde commercial s'élève à 32 milliards de dollars, soit 7 milliards de plus qu'en 2003, et reste modéré puisqu'il représente moins de 2 % du PIB.

c) Une stratégie politique d'insertion dans les échanges internationaux

C'est à la suite de réformes progressives mais radicales, entamées à la fin des années 70, que s'est opérée l'intégration de la Chine dans l'économie mondiale. En 1978, Deng Xiaoping entame le processus de transformation de l'économie planifiée en économie de marché en faisant adopter le principe de l'« économie sociale de marché ». La réforme du secteur d'État est lancée. En 1979, quatre zones économiques spéciales (ZES) sont ouvertes aux investissements étrangers. Les premières entreprises mixtes (joint-ventures) sont créées. Entre 1979 et 1984, la Chine entreprend la décollectivisation des terres et l'ouverture au commerce international. Suivront la réintroduction des règles du marché, ainsi que la libéralisation des prix. L'augmentation des prix agricoles a permis d'améliorer les conditions de vie des paysans et les a incités à augmenter leur production. L'augmentation de la productivité a conduit à dégager un surplus de main-d'œuvre qui a favorisé l'émergence dans les campagnes d'un tissu de petites et moyennes entreprises privées.

En 1992, Deng Xiaoping lance aux masses le mot d'ordre « enrichissez-vous ! » repris à François Guizot. Une loi sur les entreprises permettant la normalisation du système des capitaux conjoints est adoptée en 1993. La réforme du secteur d'État continue. 6 millions de salariés des entreprises d'État sont licenciés au cours de 5 premiers mois de l'année 2000.

L'adhésion à l'OMC en 2001 ne marque pas une rupture mais un approfondissement et une accélération de la libéralisation de l'économie impulsée depuis les années 80. Pour le gouvernement chinois, elle est à la fois un moyen d'entretenir la croissance et un moyen de réformer l'économie, notamment le secteur agricole et les entreprises d'État.

En adhérant à l'OMC, la Chine s'est engagée en contrepartie à ouvrir son marché. Ces engagements sont en général progressifs, sur plusieurs années, afin de ne pas ouvrir le pays brutalement. Ils sont très importants, car ils couvrent à peu près tous les domaines.

La Chine a plutôt bien respecté ses engagements. Les baisses tarifaires sont généralement étalées sur cinq ans. Un effort considérable d'adaptation des textes a été réalisé. Les autorités font état de plus de 2.500 textes nouveaux ou amendés. Par exemple, la Chine a dû se doter d'une législation complète sur la propriété industrielle. Enfin, de nets progrès sont à noter en matière de transparence. Ainsi, un journal officiel a été créé pour la publication des nouveaux textes. Toutefois, l'effort de transparence reste inégal, certains textes n'étant pas publiés, ou avec retard.

Toutefois, si la Chine respecte ses engagements, ce n'est pas toujours d'une manière conforme à leur esprit. Elle adopte dans certains secteurs des législations applicables à tous, entreprises chinoises et étrangères, qui respectent formellement le principe de non-discrimination mais qui, en pratique, peuvent pénaliser les investissements étrangers. On observe également une augmentation des obstacles non tarifaires, notamment les normes sanitaires et phytosanitaires. Par ailleurs, le pays manque de magistrats formés pour faire appliquer les nouvelles réglementations, notamment en matière de propriété industrielle.

Au-delà du respect des engagements pris lors de l'adhésion, la Chine entend jouer pleinement son rôle de membre de l'OMC. Elle fait partie, depuis l'échec de la conférence ministérielle de Cancun, du groupe de pays en voie d'industrialisation appelé G20, qui comprend notamment l'Inde, le Brésil, l'Égypte et l'Afrique du sud. Elle a, au sein de ce groupe, un rôle actif.

La Chine veut être un acteur responsable à l'OMC, qui ne cherche pas à décrédibiliser l'institution, convaincue que la libéralisation demeure la meilleure solution pour maintenir sa croissance économique. Toutefois, elle reste un partenaire exigeant, avec deux priorités : l'élimination des subventions, notamment à l'exportation, pour les produits agricoles des pays développés, et le traitement différencié des nouveaux entrants à l'OMC.

La Chine souhaite également renforcer ses relations commerciales avec les pays de l'ASEAN (2). Ainsi, à Phnom Penh en novembre 2002, elle a signé avec ses membres un accord cadre visant à établir d'ici 2010 une zone de libre-échange entre la Chine et les pays de l'Asean.

L'insertion de la Chine dans le commerce mondial, et sa fulgurante expansion commerciale, sont bien le fruit d'une stratégie politique de long terme.

La Chine suit le chemin parcouru par le Japon 30 ans plus tôt (de 1953 à 1973, le Japon a fait passer sa part des exportations mondiales de 1,5 % à 6,6 %). Cependant, la Chine réalise cette ascension commerciale à une étape beaucoup plus précoce de son développement économique. Au début des années 60, le Japon était déjà un pays industrialisé, avec un PIB par tête supérieur à la moyenne mondiale. On peut donc s'attendre à ce que les bas coûts du travail constituent encore longtemps la principale source d'avantage comparatif de la Chine.

2.- Les atouts économiques de la Chine

Vos Rapporteurs ont relevé au moins cinq facteurs internes essentiels à la réussite chinoise présente et future :

- des facteurs de production abondants et peu coûteux ;

- un grand marché ;

- une monnaie stable et sous-évaluée ;

- un fort potentiel technologique ;

- des traits culturels favorables à la réussite économique.

a) Des facteurs de production abondants et peu coûteux

· La Chine dispose d'une masse de capitaux très importante pour financer ses investissements.

La formation brute de capital fixe a progressé de 20 % en 2004 et a atteint 46,6 % du PIB, soit 741 milliards de dollars, ce qui est énorme.

La Chine peut en effet s'appuyer sur un des taux d'épargne les plus élevés au monde (plus de 45 % du PIB), ainsi que sur l'afflux de capitaux étrangers (61 milliards de dollars en 2004).

· Elle dispose également d'une main-d'œuvre très bon marché.

Les campagnes constituent un réservoir de main-d'œuvre prête à migrer vers les villes pour occuper des emplois à faible qualification, qui permet d'expliquer que la Chine ait pu sans cesse produire davantage de biens manufacturés, sans que cela renchérisse véritablement ses coûts.

Le coût du travail varie beaucoup d'une région à l'autre. À Shanghai, un ouvrier perçoit au maximum 250 dollars par mois. À Pékin, un ouvrier touche au maximum 178 dollars. Un ingénieur gagne au maximum 661 dollars par mois à Shanghai, contre seulement 268 dollars à Pékin. De surcroît, les disparités s'accroissent entre les villes côtières et les régions centrales, la rémunération variant du simple au triple à qualifications égales.

Le salaire minimal est fixé par localité : il est de 56 dollars à Pékin (en juillet 2002), de 64 dollars à Shanghai, de 39 dollars à Chongqing.

Les taux de progression des salaires varient selon les endroits. Ils se situent entre 6 et 8,5 % en 2004. Avec un taux d'inflation très bas, la progression des salaires réels reste beaucoup plus forte que dans les autres pays d'Asie. Ces statistiques moyennes dissimulent une situation contrastée : alors que les salaires des ouvriers non qualifiés tendent à stagner, ils croissent rapidement pour les catégories qualifiées.

Globalement, les salaires augmentent rapidement, mais cette augmentation semble correspondre à la hausse de la productivité moyenne du travail. Dans l'industrie, la valeur ajoutée par travailleur a quasiment doublé entre 1995 et 2001, passant de 29.000 à 52.000 yuan par an. Cela s'explique à la fois par la fermeture des unités non compétitives, le développement de nouvelles entreprises orientées par les lois du marché, et la généralisation progressive de la concurrence à tous les secteurs et à toutes les entreprises (le régime de change est resté rigoureusement inchangé sur cette période et n'a donc pu jouer aucun rôle).

Enfin, la protection sociale représente une charge importante. Les parts employeurs et salariés varient selon les villes. Les taux sont les plus élevés à Shanghai, où les cotisations employeur sont de 43,5 % du salaire et les cotisations salariés de 17 %. À Dalian, la part employeur est de 22 % et la part salarié de 9 %. À Shenzhen, ces parts ne représentent respectivement que 8 et 5 % des salaires.

Cependant, le coût du travail n'est qu'un des nombreux facteurs qui expliquent l'attractivité de la main-d'œuvre chinoise pour les investisseurs étrangers. La qualité du système de formation du pays, le goût pour le travail et la réussite matérielle, la productivité horaire de la main-d'œuvre et, à plus long terme, la qualité du capital humain, sont des paramètres tout aussi déterminants.

b) L'ancrage du yuan au dollar et sa sous-évaluation

L'ancrage nominal du yuan au dollar constitue depuis 1994 l'un des facteurs de la réussite économique de la Chine.

Du point de vue des échanges extérieurs, l'ancrage au dollar est un facteur de stabilité, offrant aux entreprises chinoises comme aux investisseurs étrangers une référence stable permettant de développer les échanges. Ainsi, le taux de change a été maintenu pendant la crise asiatique déclenchée en 1997. La question de la sous-évaluation du yuan est d'ailleurs récente, puisqu'entre 1998 et 2002, c'est plutôt la question de sa surévaluation qui était posée.

Le régime de change fixe est également un facteur de stabilité interne. Depuis son instauration en 1994, la croissance chinoise est moins heurtée, l'inflation mieux maîtrisée et la balance commerciale raisonnablement excédentaire.

Alors que la croissance économique chinoise a été multipliée par deux au cours des 6 dernières années, le taux de change du yuan n'a pas bougé depuis 1994, où il a été fixé à 8,277 yuan pour un dollar. Le dollar se dépréciant depuis 2002, les niveaux de change effectif du yuan sont au plus bas depuis 8 ans - mais ils restent supérieurs à ceux atteints après la dévaluation de 1994.

La sous-évaluation du yuan accroît d'autant la compétitivité des produits chinois sur les marchés internationaux, via deux mécanismes : les exportations sont favorisées par une monnaie bon marché, et les coûts de production, en particulier de la main-d'œuvre, sont réduits, ce qui favorise la localisation d'activités dans le pays.

Si tous les analystes s'accordent pour dire que le yuan est sous-évalué, l'estimation de cette sous-évaluation varie, de 10 à 50 % selon les études. La sous-évaluation s'explique principalement par deux phénomènes : le dynamisme des exportations chinoises et l'accumulation des réserves de change. Cette dernière est due à l'importance des investissements directs étrangers ainsi qu'aux entrées de capitaux d'origine non identifiée (hot money). Avec un total de 610 milliards de dollars annoncé fin 2004, la Chine a connu une augmentation record de ses réserves, +51 % en un an, soit 206 milliards de dollars. Ce rythme se poursuit en 2005, puisque la Banque centrale a encore augmenté ses réserves de 50 milliards de dollars au premier semestre 2005. En effet, la banque centrale doit acheter d'importantes quantités de dollars pour maintenir le yuan stable. Le FMI a mis en garde contre les risques que comporte cet excès de réserves : selon le fonds, ceci est de nature à favoriser la volatilité du marché des changes, car l'excès de réserves met en évidence la sous-évaluation de la monnaie, ce qui attire les spéculateurs. Par rapport au PNB, la masse monétaire a atteint 180 %, ce qui est énorme.

La sous-évaluation du yuan est dénoncée par les Américains, qui ont un déficit commercial avec la Chine très important (162 milliards de dollars en 2004). Cependant, il n'est pas certain que cette réévaluation aurait un impact sur le déficit commercial des États-Unis. En outre, elle comporte des risques, notamment pour les États-Unis. En effet, la nette décrue des taux à long terme américains est partiellement due au taux de change fixe chinois. La Chine détient une part non négligeable des obligations d'État américaines : elle est, après le Royaume-Uni, le deuxième détenteur étranger de treasuries. Le mécanisme du taux de change fixe implique en effet que la banque centrale chinoise accumule des devises en dollars. Si tel n'était plus le cas, les États-Unis risqueraient de perdre une importante source de financement de leur économie.

c) Les débouchés offerts par un marché intérieur en plein développement

La Chine n'est pas seulement un producteur. Elle devient aussi de plus en plus un marché. Du fait à la fois de ses besoins internes et de son rôle d'atelier du monde, la Chine occupe désormais une place importante dans la demande mondiale d'un certain nombre de produits : matières premières (minerais de fer et minerais non-ferreux, produits agricoles non-comestibles) ; produits semi-finis (fils et tissus, produits sidérurgiques, plastiques) ; machines ; composants électroniques, appareils d'optique, etc.

ESSOR DES IMPORTATIONS CHINOISES :
PART DANS LES IMPORTATIONS MONDIALES EN 1990 ET 2002

en pourcentage

graphique

Sélection des 12 produits où la Chine réalise plus de 6 % des importations mondiales en 2002.

Source : CEPII.

Toutefois, la consommation privée ne représente que 40 % du PIB en 2003, ce qui est extrêmement faible. Cela s'explique notamment par la très lente progression des revenus des populations rurales, et par la montée du chômage en milieu urbain, qui a provoqué une épargne de précaution.

Mais depuis 1997, les importations de la Chine destinées à son marché intérieur ont cru beaucoup plus vite que les importations destinées à l'assemblage pour la réexportation, en raison de la baisse des tarifs douaniers et de la réduction des autres obstacles à l'importation. Ces importations dites ordinaires représentent 44 % des importations totales depuis 2002, alors qu'elles n'en représentaient que 27 % en 1997. Elles se composent principalement de machines (17 %), de produits chimiques (17 %), de matières premières et de combustibles (16,8 %) et de matériel électrique (15,6 %).

d) Un fort potentiel technologique

La force de l'industrie chinoise ne réside pas uniquement dans le faible coût de sa main-d'œuvre. La Chine, qui est déjà l'« usine du monde », pourrait en devenir le laboratoire.

Pour l'instant, la Chine n'occupe pas une place de premier plan dans les hautes technologies. Certes, elle exporte de façon croissante des biens de haute technologie (essentiellement des téléviseurs, des équipements de communication et du matériel informatique) - ces exportations sont passées de 9 à 64 milliards de dollars entre 1997 et 2001. Cependant, l'industrie chinoise ne réalise pour l'instant que l'assemblage de composants électroniques importés. En revanche, si l'on s'intéresse aux déterminants de long terme de la capacité technologique - le capital humain et les dépenses de recherche -, le potentiel de la Chine est immense.

EXPORTATIONS DE BIENS DE HAUTE TECHNOLOGIE

(en milliards de dollars)

graphique

· La progression de la formation universitaire

Seuls 5 % des 25-64 ans disposent en Chine d'un niveau d'éducation supérieur. C'est un taux très faible comparé aux pays développés, mais, étant donné le poids démographique de la Chine, cela représente tout de même une population de 31 millions de personnes. En outre, cette population augmente très vite, car les flux entrants sont très importants. En effet, l'accès à l'éducation s'élargit rapidement : les autorités s'étaient fixées pour objectif de faire passer le taux de scolarisation des 18-22 ans de 10,5 à 15 % entre 1999 et 2010 et cet objectif a été atteint dès 2002 ! En 2001, la Chine comptait 1,2 million d'étudiants dans les cycles supérieurs, soit un peu moins que les États-Unis et l'Union européenne (1,3 million chacun), mais en flux, on y comptait 500.000 nouvelles inscriptions, soit autant que les États Unis et l'Union européenne réunis.

ÉTUDIANTS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EN 2001

(en millions)

graphique

Plus de 300.000 ingénieurs sont formés en Chine chaque année.

Le nombre d'inscrits dans les troisièmes cycles demeure très en retrait, avec seulement 0,7 % du total des étudiants (soit 86.000 personnes en 2001), contre 2,8 % pour l'UE et 2,2 % pour les États-Unis. Ce déficit est en partie compensé par le développement rapide des études à l'étranger. Ainsi, sur les 10.000 non-résidents qui reçoivent chaque année un doctorat américain en science ou en engineering, un quart sont chinois (alors que seulement 11 % des étudiants étrangers sont chinois).

· Le potentiel de recherche et développement

L'industrie chinoise a longtemps préféré s'appuyer sur les importations de technologies, lesquelles sont non seulement plus coûteuses (la Chine a payé 35 milliards de dollars de royalties et licences en 2003) mais sont limitées aux secteurs largement ouverts aux étrangers.

La Chine s'impose par la masse de ses chercheurs : après une relative stagnation tout au long de la décennie 90, le nombre de chercheurs a ainsi fortement augmenté, passant de 531.000 à 810.000 entre 1999 et 2002, soit désormais plus qu'au Japon. C'est notamment le résultat de l'effort national dévolu à la recherche par le Xème Plan (2001-2005).

Les dépenses nationales de recherche sont également restées stables autour de 0,7 % du PIB entre 1991 et 1998 ; elles ont augmenté à 1,3 % en 2002, et atteindront vraisemblablement l'objectif officiel de 1,5 % du PIB assigné pour 2005. Cela reste bien inférieur aux États-Unis (2,7 %) et au Japon (3,1 %). En montant, l'écart est encore plus important puisque les dépenses de recherche de la Chine s'élevaient en 2001 à 16 milliards de dollars, contre 270 milliards de dollars aux États-Unis. Cependant le coût de la recherche étant bien plus faible en Chine ; calculées à parité du pouvoir d'achat, les dépenses de recherche de la Chine équivalaient à 72 milliards de dollars en 2001, soit au 4ème rang mondial derrière les États-Unis, l'Union européenne et le Japon, mais devant chacun des pays européens pris individuellement.

DÉPENSES DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

(en milliards de dollars à PPA)

graphique

Il n'en demeure pas moins qu'en matière de capacité technologique, la Chine se distingue pour l'instant bien plus par son potentiel que par ses réalisations. 90 % des brevets détenus auprès des offices européen et américain (EPO et USPTO) appartiennent aux États-Unis, à l'Union européenne et au Japon, contre seulement 0,2 à 0,3 % pour la Chine. En outre, une part non négligeable de la recherche chinoise relève d'entreprises étrangères, lesquelles détiennent ou co-détiennent 50 % des brevets déposés à l'EPO pour des découvertes réalisées en Chine.

e) Des facteurs culturels

Vos Rapporteurs sont convaincus que la culture chinoise est un facteur important de la réussite économique du pays.

Depuis la fin du XIXème siècle, la Chine cultive une volonté de revanche sur l'histoire. La guerre de l'opium, les traités inégaux et la mise en place des concessions qui ont suivi constituent un traumatisme pour la Chine vaincue par une autre culture, qui a développé une puissance plus grande que la sienne. La Chine découvre dans l'Occident une civilisation guidée par la notion de progrès, où dominent science et technique. Tout au long du XXème siècle, le grand slogan chinois est de « rattraper et dépasser » le modèle occidental. Pour cela, la Chine emprunte à l'Occident, en pratiquant la planification notamment.

La réussite chinoise repose sur une véritable stratégie. La gigantesque modernisation qu'a entreprise la Chine en 1978 a été planifiée. Deng Xiaoping le disait ainsi : « La modernisation de la Chine est une entreprise de longue haleine, pour la mener à bonne fin, il faut une stratégie ». C'est ainsi que l'ouverture de la Chine sur le monde s'est faite de manière planifiée (3). Le système éducatif, qui a longtemps constitué une des forces de la Chine, est également concerné par la planification. Refaire de la population chinoise une des plus cultivées et une des mieux formées du monde est un des objectifs de la politique menée depuis 1978. Les dépenses d'éducation et de santé, qui représentaient 10 % du PIB en 1978, ont atteint 20 % en 1990 et 25 % aujourd'hui. En 1979, Deng Xiaoping avait assigné comme objectif à la Chine l'obtention d'un PIB par habitant de 800 dollars avant la fin du XXème siècle, objectif atteint.

Dans la culture confucianiste, le maintien de l'ordre et de l'unité est un impératif. Cela implique le respect de la hiérarchie, de la famille en sens élargi, la culture du collectif, le goût du secret et de la discrétion. Cela explique aussi que les réseaux, fondés sur la solidarité et la confiance mutuelle, aient une telle importance en Chine. Par exemple, les prêts communautaires (comme la « tontine ») permettent de lever des capitaux importants en quelques heures pour l'achat d'une maison ou d'une boutique. Ces principes fondamentaux traditionnels restent les mêmes pour les entreprises publiques comme pour les entreprises privées. Très souvent, les entreprises constituent des « familles » au sens large. Ainsi, appuyés par des réseaux claniques, familiaux, amicaux dans le monde entier pour importer ou exporter, aidés par des prêts d'argent importants, très rapides, aux formalités succinctes, les Chinois qui sont patients et pragmatiques ne peuvent que réussir.

Les Chinois appréhendent l'ordre du monde en terme de processus de transformation (4), et non de progrès linéaire. À la différence de la civilisation judéo-chrétienne, la civilisation chinoise ne connaît pas de notion d'aboutissement. Les Chinois ne pensent pas en termes de moyens et de fins, mais analysent les « potentiels de situation », l'efficacité consistant à capter ce qui est favorable pour en profiter. Alors qu'en Europe, l'histoire avance plutôt à coup d'événements, en Chine, on est beaucoup plus attentif aux transformations silencieuses. Ainsi, la Chine a su tirer parti de la mondialisation. L'ascendant de la Chine va croissant sur les affaires du monde, sans qu'il y ait eu d'événement particulier.

3.- Le rôle important de l'étranger dans l'économie chinoise

On ne peut véritablement comprendre le développement spectaculaire du commerce extérieur chinois sans s'intéresser au rôle central des entreprises étrangères. En 2004, la Chine a reçu 60,6 milliards de dollars d'investissements directs étrangers (IDE), soit 20 % de plus que l'année précédente, ce qui la place au deuxième rang mondial des destinations d'investissement. Le stock d'IDE accueilli s'élève à environ 550 milliards de dollars.

L'investissement étranger a été déterminant dans la réussite du processus d'ouverture sur le monde extérieur engagé en 1978. Les IDE sont apparus de manière significative au milieu des années 80, avant de décoller à partir de 1993 (plus de 40 milliards de dollars par an entre 1996 et 2000, soit la moitié des IDE reçus par l'Asie de l'Est) puis d'atteindre les tout premiers rangs mondiaux.

Ces capitaux sont très concentrés dans l'industrie manufacturière exportatrice (les deux tiers des capitaux ont été investis dans l'industrie manufacturière, car le secteur des services était en grande partie fermé aux investisseurs étrangers jusqu'à l'entrée de la Chine à l'OMC). La part des entreprises à capitaux étrangers (principalement asiatiques) dans les exportations chinoises continue à augmenter : de 20 % en 1992, elle équivaudrait aujourd'hui à 57 %.

Les investisseurs étrangers, en Chine comme ailleurs, ont obéi à deux grands mobiles : gagner en compétitivité sur les marchés internationaux en réduisant les coûts de production, et pénétrer le marché local. S'il est impossible de distinguer dans les flux d'IDE ceux qui sont allés à des activités exportatrices et ceux qui ont visé le marché local, il est clair que les entreprises à capitaux étrangers ont eu un rôle déterminant dans la progression des échanges extérieurs chinois. Les autorités chinoises ont su attirer et canaliser les investissements étrangers dans les industries exportatrices, dans les secteurs de haute technologie et dans les industries où leur production venait en substitution des importations (typiquement, l'industrie automobile).

La Chine n'est pas uniquement destinataire d'IDE. Si elle est pour l'instant avant tout une puissance commerciale, elle s'affirme néanmoins de façon croissante comme un investisseur sur la scène économique mondiale.

a) Une ouverture aux investissements étrangers programmée et maîtrisée par les autorités chinoises

L'État chinois poursuit une véritable stratégie nationale de promotion des IDE. L'ouverture de la Chine aux IDE a suivi une progression savamment maîtrisée par les autorités chinoises, permettant l'injection de savoir-faire et de capitaux dans une économie en transition et sans laisser les étrangers s'emparer de secteurs importants. L'adhésion de la Chine à l'OMC a entraîné une accélération sensible du mouvement, les étrangers accédant progressivement à de nouvelles formes d'implantation et à des secteurs qui leur étaient fermés. La libéralisation de la réglementation chinoise a considérablement élargi les possibilités pour les investisseurs étrangers de détenir 100 % du capital de leurs filiales en Chine, à l'exception de certains secteurs.

Le cadre général de stimulation de l'IDE repose sur des avantages fiscaux et douaniers : les entreprises étrangères sont totalement puis partiellement exonérées d'impôt sur le revenu, certains équipements importés sont exonérés de droits de douanes, l'achat d'équipements locaux ouvre droit à un crédit d'impôt, etc. D'autres types de mesures s'y ajoutent, parmi lesquelles des facilités d'approvisionnement en devises ou encore un accès privilégié aux infrastructures locales. Les avantages accordés spécifiquement aux investisseurs étrangers finiront par être supprimés, en vertu du principe de non-discrimination.

D'autres systèmes visent à orienter l'investissement dans des secteurs de technologie avancée : le régime des centres de recherche et de développement, la super-déduction des dépenses de recherche, une réduction du taux de TVA et des possibilités d'amortissement fiscal accéléré dans les secteurs des logiciels et des circuits intégrés.

Pourtant, la Chine n'a pas besoin d'IDE pour financer sa croissance, ni pour équilibrer une balance des paiements excédentaire. Paradoxalement, l'investissement étranger occupe en volume une place plutôt modeste au sein de l'économie chinoise. Les flux d'IDE n'ont jamais dépassé 14 % de l'investissement total en capital fixe (moins qu'en France) et à peine 3,5 % du montant total des financements levés chaque année. En effet, le taux d'épargne chinois étant l'un des plus élevés au monde (plus de 45 % du PIB), les financements internes suffisent à faire face aux investissements domestiques, même très élevés (les investissements représentent près de 50 % du PIB).

Si les autorités les privilégient de manière croissante, c'est en raison des gains de productivité et de l'insertion commerciale internationale qu'ils permettent. Parallèlement, elles veillent toutefois à conserver la maîtrise du développement et le contrôle de secteurs considérés comme stratégiques. De nombreux travaux reconnaissent que les IDE ont accéléré le développement technologique de la production chinoise. Ce point est d'ailleurs commun à l'ensemble des pays émergents, pour lesquels les principaux bénéfices attendus des IDE tiennent avant tout à des transferts de savoir-faire et de technologie, directement et indirectement par effet d'apprentissage sur les entreprises concurrentes. Dans le cas de la Chine, la meilleure productivité des entreprises à capitaux étrangers est certaine.

b) L'investissement étranger a inséré la Chine dans la division internationale du travail

Les entreprises à capitaux étrangers implantées en Chine continentale sont responsables des deux tiers de l'accroissement des échanges extérieurs de la Chine entre 1992 et 2003. Elles réalisent, en stock, plus de la moitié du commerce extérieur de la Chine, comme le montre le tableau suivant.

POIDS DES ENTREPRISES À CAPITAUX ÉTRANGERS
DANS LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA CHINE

1992

1997

2003

Importations totales

100

100

100

Entreprises à capital étranger, dont :

32

55

56

- Activités d'assemblage

-

33

32

Exportations totales

100

100

100

Entreprises à capital étranger, dont :

20

41

55

- Activités d'assemblage

-

35

43

Source : Statistiques douanières de la République Populaire de Chine.

La participation des filiales étrangères aux échanges extérieurs chinois repose avant tout sur leurs opérations d'assemblage et de transformation de produits intermédiaires et composants importés. Les entreprises à capitaux étrangers, et avant tout celles des pays asiatiques (Japon, Taiwan, Hong Kong, Corée du sud), ont ainsi largement contribué à faire de la Chine l'atelier du monde.

L'idée de délocalisation massive des industries occidentales en Chine est totalement fausse. Les délocalisations touchent aujourd'hui surtout les entreprises asiatiques. Dans les secteurs à forte utilisation de main-d'œuvre, les délocalisations venant de pays occidentaux existent, mais l'implantation des entreprises françaises en Chine reste pour le moment largement dominée par une stratégie de présence sur le marché chinois. Quoi qu'il en soit, les 600 entreprises françaises présentes en Chine (soit plus de 1.000 implantations et 150.000 employés) ne placent ce pays qu'au 26ème rang de nos cibles d'investissements.

Les entreprises des pays industrialisés asiatiques délocalisent en Chine les stades de production à forte intensité de travail, car la Chine offre de très bas coûts salariaux. La Chine est devenue l'atelier le plus compétitif d'Asie, important des produits semi-finis et des composants et réexportant les produits finis. L'assemblage et la sous-traitance concourent à près de la moitié des exportations chinoises en 2002-2003. Ils sont responsables de la plus grande partie des exportations chinoises dans les secteurs les plus dynamiques et assurent les trois-quarts des exportations de matériel électrique, de machines et d'instruments de précision. La Chine s'est positionnée sur les secteurs les plus porteurs de la demande. Le commerce mondial de produits électriques et de produits électroniques a en effet augmenté beaucoup plus rapidement (respectivement de 7 % et 9 % par an de 1990 à 2001) que le commerce mondial dans son ensemble (5).

graphique

L'étude du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII)précitée montre que les transferts en Chine de larges segments des industries asiatiques ont entraîné une vaste réorganisation des productions et des échanges dans la région. Les pays asiatiques, qui ont délocalisé sur le continent les stades finals de fabrication dans de nombreuses industries, exportent désormais des produits intermédiaires vers la Chine, au lieu d'exporter des produits finis vers les États-Unis et l'Europe. Il en résulte de profonds changements dans le réseau des échanges internationaux :

- Les exportations de la Chine vers l'Europe et les États-Unis se substituent à celles des autres pays asiatiques, une évolution qui est particulièrement spectaculaire pour les produits électriques et électroniques. Ce changement dans la hiérarchie des fournisseurs traduit l'effet de substitution entre la Chine et les pays industrialisés de la région mais montre aussi la concurrence entre la Chine et les pays de l'ASEAN dont les exportations ont continué à progresser malgré celles de la Chine pendant les années 90, mais semblent depuis pâtir de la progression chinoise. Une redistribution analogue des positions des différents exportateurs asiatiques s'observe sur le marché de l'Union européenne.

IMPORTATIONS DE PRODUITS ÉLECTRIQUES PAR LES ÉTATS-UNIS
EN PROVENANCE D'ASIE

en milliers de dollars

graphique

Source : CEPII.

IMPORTATIONS DE PRODUITS ÉLECTRONIQUES PAR LES ÉTATS-UNIS
EN PROVENANCE D'ASIE

en milliers de dollars

graphique

Source : CEPII.

- La réorganisation des productions en Asie modifie la configuration des déséquilibres commerciaux bilatéraux entre les différents pays asiatiques et leurs grands partenaires. Ainsi la contribution de l'Asie au déficit commercial américain révèle que le Japon et les nouvelles économies industrielles ont été remplacés par la Chine comme principaux responsables du déficit commercial américain.

- Enfin, la contrepartie des changements observés dans les échanges entre l'Asie et le reste du monde est l'élargissement de la place de la Chine dans les échanges intra-asiatiques. Entre 1990 et 2002, la contribution de la Chine aux échanges entre pays d'Asie de l'Est a doublé et elle atteint 20 % en 2002. Elle devient un moteur du processus d'intégration régionale. La division du travail qui s'intensifie entre la Chine et ses voisins crée une configuration d'échanges dans laquelle aux exportations directes des pays avancés d'Asie vers les pays occidentaux se substituent des échanges triangulaires, les pays avancés d'Asie exportant des produits intermédiaires vers leurs filiales en Chine, qui elles-mêmes exportent des produits finis vers les États-Unis et l'Europe.

Ainsi, la structure géographique du solde commercial de la Chine est très polarisée entre d'une part un excédent vis-à-vis des pays occidentaux (+ 80 milliards de dollars avec les États-Unis et + 37 milliards de dollars avec l'Union européenne en 2004 selon les sources chinoises) et d'autre part un fort déficit avec l'ensemble de l'Asie de l'Est (- 74 milliards de dollars).

c) Les Chinois investissent à leur tour dans le monde

Tout en devenant une des premières destinations d'IDE dans le monde, la Chine est peu à peu devenue elle-même un investisseur à l'étranger. Le montant total des investissements directs de la Chine à l'étranger n'est rien à côté de ce qu'elle reçoit d'IDE, mais d'après le dernier rapport de l'OCDE sur les IDE dans le monde (6), il est certainement beaucoup plus élevé que le chiffre officiel de 1,8 milliard de dollars en 2004 (7).

Dès le début des années 80, certaines entreprises chinoises se sont installées à Hong Kong pour investir à l'étranger. L'objectif principal de ces investissements était de développer le commerce extérieur. Les opérations industrielles étaient bien plus rares. Les IDE étaient principalement orientés vers la zone Asie Pacifique, et très peu vers l'Europe. Cependant, ce modèle est en train d'évoluer à mesure que les Chinois cherchent à gagner des parts de marché dans les pays développés, notamment à travers des opérations de fusions-acquisitions de plus en plus nombreuses.

Le gouvernement chinois a affiché sa volonté politique de développer les IDE chinois à l'étranger à partir de 2000. Le premier argument avancé est la nécessité d'écouler la trop grande quantité de capitaux dont dispose le pays, et d'éviter ainsi le risque de surchauffe de l'économie.

Le deuxième objectif est la sécurisation de l'approvisionnement en énergie de la Chine. L'exemple le plus récent de cette stratégie est l'offre publique d'achat lancée le 24 juin 2005 par CNOOC, le troisième groupe pétrolier public chinois, sur son homologue américain Unocal, pour un montant de 20 milliards de dollars. Si elle se réalise, ce sera la plus importante conquête lancée jusqu'à ce jour par un groupe chinois hors de ses frontières.

Enfin, troisième objectif, ces investissements sont un moyen d'acquérir les technologies et les méthodes de management des pays développés. C'est ainsi que le groupe chinois Lenovo a racheté l'activité micro-ordinateurs d'IBM pour 1,25 milliard de dollars. Le groupe d'électronique chinois TCL a quant à lui racheté les téléphones mobiles d'Alcatel ainsi que les téléviseurs de Thomson. Dans l'électroménager, le chinois Haier a proposé le 21 juin 2005 de racheter son concurrent américain Maytag pour 2,2 milliards de dollars.

De grands groupes chinois émergent sur la scène économique mondiale, encouragés par le gouvernement. Parmi eux : TCL (électronique), China Southern, Haier (électroménager), Huawei (télécommunications), Dongfeng motor, SAIC (automobile), Shanghai Baosteel (sidérurgie), Lenovo (informatique). Ainsi, la State-owned assets supervision and administration commission (SASAC), créée en 2003, a pour ambitieuse mission de parvenir à la constitution de 35 à 50 sociétés chinoises parmi les 500 premières mondiales en 2010.

Cet objectif ne pourra être atteint qu'en réalisant des acquisitions à l'étranger. Aussi faut-il désormais s'attendre à voir les investisseurs chinois prendre une place croissante dans le capital des sociétés occidentales.

Les Chinois sont devenus, après les Américains, les plus importants acheteurs en Allemagne en 2004, en acquérant 168 entreprises. En 2003, 112 entreprises ont déjà été vendues à des groupes chinois. Ces acquisitions couvrent tous les secteurs, notamment l'industrie aéronautique, l'électronique, les jouets, le textile et les machines-outils. Pour l'instant, elles concernent surtout les PME. En général, ces rachats visent à acquérir le savoir-faire de l'entreprise, et utiliser ses canaux de distribution pour l'exportation des produits chinois en Europe - la production elle-même étant presque toujours délocalisée en Chine.

Pour l'instant, les deux tiers des investissements chinois sont réalisés dans la zone Asie Pacifique, et plus de 70 % à des pays développés ou nouvellement industrialisés, l'essentiel allant aux États-Unis, à Hong Kong, en Russie, au Canada et en Australie. Les investissements chinois en Asie du Sud-est représentent moins de 10 % des investissements chinois à l'étranger. Mais la régionalisation devrait entraîner une augmentation des investissements chinois en Asie du Sud-est.

B.- DES FAIBLESSES QUI, SURMONTÉES, PEUVENT DEVENIR DES ATOUTS

Si la Chine souffre d'un certain nombre de faiblesses, inhérentes à la transition vers une économie de marché après une longue période d'économie administrée et au type de développement économique choisi, celles-ci font l'objet d'une action volontariste des autorités chinoises.

Les réformes à mener forment un ensemble interdépendant : l'assainissement des banques dépend du succès de la réforme des entreprises d'État, lui-même conditionné par la mise en place de mécanismes plus performants de protection sociale. En effet, la modernisation et la consolidation des entreprises publiques doivent pouvoir être accompagnées par une protection sociale moderne, basée sur les contributions des employeurs et employés, de même que la réforme des banques passe par l'apurement du stock de mauvaises créances sur les entreprises publiques, puis par l'assainissement de la relation créancier-débiteur.

Les prochaines étapes seront marquées par l'accentuation du désengagement de l'État dans l'économie et par la confirmation du développement d'un secteur privé dynamique et créateur d'emplois.

Menées à bien, les réformes engagées devraient permettre à la Chine de surmonter ses faiblesses. Dans cette perspective, la Chine recourt de manière sélective à l'appui des pays étrangers. Compte tenu du gisement d'opportunités que ce pays représente, la France doit participer activement à cette aventure.

1.- Une dépendance énergétique croissante

Si la Chine a pu, jusqu'à présent, élaborer sa stratégie de croissance sans se soucier des difficultés d'approvisionnement ou du coût des matières premières et de l'énergie, elle a récemment pris conscience de l'ampleur des besoins suscités par le développement de son économie. La question de la sécurité énergétique est ainsi devenue aujourd'hui l'une des préoccupations majeures des dirigeants chinois, qui développent, depuis le début des années 2000, une stratégie visant à garantir les approvisionnements du pays.

a) De l'autosuffisance à la dépendance

Longtemps, la Chine a pu vivre en autarcie et même utiliser les marchés mondiaux pour écouler, de manière irrégulière, ses excédents éventuels. La Chine était ainsi traditionnellement excédentaire en matière énergétique : exportant du charbon, elle était autosuffisante en pétrole.

Mais, le développement de la Chine s'accompagne d'une croissance rapide de ses besoins énergétiques, résultant de deux facteurs : un développement économique reposant sur des activités très consommatrices en énergie et l'élévation du niveau de vie moyen des Chinois qui a entraîné une augmentation constante de la demande intérieure. Aussi, à partir de 2002, les importations ont connu une croissance vertigineuse, au point que la demande chinoise a entraîné des tensions et une flambée des cours sur les marchés mondiaux de l'énergie, mais également des minerais et des métaux.

À titre de comparaison, la consommation d'énergie par unité de PIB en Chine représente trois fois celle du Canada et cinq fois celle des États-Unis (8). La demande étant exponentielle, des pénuries et des problèmes d'approvisionnement en électricité, charbon et pétrole sont récemment apparus. Ainsi, malgré une croissance de la production d'électricité de 8 % par an depuis trois ans, la Chine a un déficit énergétique moyen de 30 millions de kW, ce qui entraîne des coupures d'électricité : 21 provinces sur 31 ont connu des ruptures occasionnelles d'électricité en 2003.

Aussi, malgré ses capacités de production, la Chine commence à prendre conscience de sa dépendance vis-à-vis des ressources énergétiques mondiales. Le pays importe en effet 8 % du pétrole mondial, 30 % de l'acier et est le premier client pour quasiment toutes les matières premières.

Le modèle énergétique chinois demeure fondé sur le charbon, qui assure les deux tiers de la consommation énergétique nationale. Le pays est ainsi le principal producteur et consommateur (avec 27 % de la production mondiale) de charbon au monde. Les autorités cherchent toutefois à réduire l'usage de cette ressource, très polluante.

Si la production d'électricité est essentiellement assurée par les ressources charbonnières, elle résulte également des ressources hydrauliques, à hauteur de 25 %. Pour affronter une consommation exponentielle, les autorités chinoises ont multiplié les constructions de barrages. Ainsi, le barrage des Trois-Gorges sur le fleuve Yangzi Jiang devrait fournir en électricité l'équivalent de 18 centrales nucléaires. La fin des travaux est prévue pour 2009. Un autre programme verra le jour sur le Fleuve Jaune et repose sur la construction de 25 stations.

Pour faire face à la demande croissante en matière d'énergie et développer des ressources alternatives au charbon, la Chine se lance également dans de vastes programmes de construction de centrales nucléaires. Représentant actuellement seulement 1,5 % de la production d'électricité, le nucléaire devrait atteindre 4 % d'ici 2020. Dans cette perspective, la Chine cherche à nouer des partenariats avec les pays les plus qualifiés, la France ayant une carte majeure à jouer en la matière.

Les réserves de gaz de la Chine, estimées à 54 trillion cubic feet (TCF), lui permettent d'en produire plus qu'elle n'en consomme. En outre, une grande partie de ses réserves n'est pas encore exploitée. Aussi, bien que le gaz ne constitue pas une ressource essentielle, les autorités se sont lancées sur la voie du développement de ce secteur en multipliant les investissements dans les infrastructures. Si le gaz ne correspond qu'à 3 % du total de la consommation, ce taux devrait doubler d'ici 2010. Le pays demeure toutefois dépendant des importations de gaz liquéfié. Bénéficiant de contrats importants avec les pays producteurs de l'Asie Pacifique, le gouvernement s'intéresse également aux réserves du Turkménistan.

En ce qui concerne le pétrole, la Chine, pourtant cinquième producteur mondial, enregistre une dépendance croissante, du fait de la forte augmentation de sa consommation. Ainsi, les besoins de la Chine s'élèvent à 5,56 millions de barils par jour et les experts prévoient un doublement d'ici à 2025. Importatrice nette depuis 1993, elle est devenue deuxième importateur mondial, derrière les États-Unis, en 2003. Ses importations de pétrole brut et de produits dérivés ont plus que doublé entre 2002 et 2004, le pays important désormais le tiers de sa consommation.

Les activités industrielles et la demande intérieure ne cessant de croître, la production chinoise, qui couvre les deux tiers de la consommation, pourrait ne fournir que 20 % des besoins en 2020. Aussi, alors qu'aujourd'hui plus de la moitié du pétrole importé provient du Moyen-Orient, les dirigeants chinois s'efforcent-ils de diversifier leurs sources d'approvisionnement, mais également de prendre le contrôle d'un certain nombre de sociétés d'exploitation pétrolière.

b) La sécurité énergétique, une priorité

La volonté de garantir une certaine indépendance énergétique à la Chine constitue désormais une priorité. Moyen-Orient, Russie, Asie centrale, au Maghreb, Afrique, Amérique latine : toutes les régions productrices de pétrole sont concernées. Des accords ont notamment été signés avec l'Angola, le Congo, l'Algérie, le Nigeria et le Gabon. Le plus souvent, c'est une stratégie globale qui est menée : l'achat d'hydrocarbures s'accompagne d'une participation au développement des champs pétroliers et, parfois, aux opérations de raffinage, mais également d'une coopération renforcée dans d'autres secteurs (notamment le bâtiment et les travaux publics) et de l'octroi de facilités de financement. Ainsi, par exemple, au Gabon, la conclusion d'un contrat de fourniture de pétrole s'est accompagnée d'un contrat d'évaluation technique susceptible de déboucher sur un contrat d'exploration et de partage de production, de l'octroi d'un prêt sans intérêt de 7 millions d'euros, d'un accord de coopération économique et technique et d'une participation au financement de la construction du Sénat. Les autorités chinoises se sont aussi rapprochées de l'Iran, de l'Arabie Saoudite, de la Libye et du Soudan.

La Chine mène également une politique volontariste d'acquisitions à l'étranger : fin 2003, les trois grandes sociétés PetroChina, Sinopec et China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) étaient présentes dans une soixantaine de projets (pétrole et gaz) à travers le monde. Témoignant de la volonté des dirigeants chinois d'assurer leur indépendance à tout prix, CNOOC vient de lancer une OPA hostile pour un montant de 18,5 milliards de dollars sur la septième compagnie pétrolière américaine Unocal, qui était sur le point de signer un accord avec le géant américain Chevron Texaco. Si elle réussissait, cette opération permettrait à CNOOC de doubler sa production de gaz et de pétrole et d'accroître ses réserves de près de 80 %.

2.- La poursuite de la réforme des entreprises d'État, condition essentielle de la modernisation de l'économie

Les entreprises chinoises obéissent à des régimes juridiques de nature très différente, ce qui les place dans des conditions inégales face au marché. Trois types d'entreprises peuvent être distingués. Tout d'abord, les entreprises d'État fonctionnent sur le mode collectiviste et doivent prendre en charge la protection sociale de leurs salariés et de leurs familles. Ensuite, les entreprises collectives, généralement soutenues financièrement par les branches locales des banques publiques, ont un régime de propriété variable et ne supportent pas la charge de la protection sociale de leurs employés. Enfin, la troisième catégorie, hétérogène, regroupe les différentes entreprises privées, à savoir les entreprises étrangères, les joint-ventures et les entreprises individuelles de création récente.

Compte tenu de la volonté de la Chine de s'insérer dans les échanges internationaux et de la nécessité de faire face à une concurrence accrue, la restructuration des entreprises d'État est apparue indispensable. La réforme de ces entreprises constitue ainsi, depuis le XVème Congrès du Parti Communiste chinois qui s'est tenu en septembre 1997, une priorité pour les autorités chinoises.

a) Une réforme ambitieuse

Si le gouvernement a décidé de fermer la plupart de ces entreprises, il a néanmoins souhaité en conserver un certain nombre, leur donnant une structure de conglomérat ou de holding. Différents traitements ont été prévus selon la taille et la situation financière des entreprises : vente des petites entreprises à leurs employés, transformation des plus grandes en sociétés par actions, éventuellement cotées en bourse, l'État se réservant le droit de conserver une participation dans le capital.

Selon les chiffres de la Commission d'État au Plan, entre 1997 et 2000, un tiers des 6.599 grandes et moyennes entreprises d'État recensées en 1997 avaient disparu ou bien renoué avec les bénéfices, ou encore été reprises.

La réforme des entreprises d'État a été réaffirmée comme étant un des objectifs centraux de la politique du Gouvernement pour la période du Xème Plan quinquennal (2001-2005). Pourtant, elle a connu un certain ralentissement en 2001 et 2002, qui s'explique par plusieurs raisons, notamment le développement de réactions sociales fortes (comme les manifestations particulièrement importantes qui ont eu lieu dans le nord-est du pays au printemps 2002), les réticences des autorités locales qui doivent faire face à ces tensions sociales, le retard pris dans la mise en place d'un système de protection sociale et la préparation du renouvellement de l'équipe dirigeante chinoise. Toutefois, une relance du processus a été engagée en 2003, à la suite de l'installation d'une nouvelle équipe de dirigeants chinois. L'Assemblée nationale populaire a ainsi adopté le 10 mars 2003 une réforme des instances gouvernementales, qui crée notamment la Commission des Actifs d'État (SASAC), en charge de la valorisation et de la réforme des entreprises publiques et dont l'objectif est d'accélérer les ventes partielles ou totales à des investisseurs privés. En mars 2004, l'Assemblée nationale populaire a inscrit dans la Constitution le principe de la protection de la propriété privée, désormais « inviolable », tandis que la propriété publique demeure « sacrée ».

Bien que les entreprises non rentables restent nombreuses, le bénéfice net global des entreprises d'État a connu une nette amélioration, puisqu'il est passé de 81 milliards RMB en 1997 à 265 milliards RMB en 2002. Le nombre d'entreprises rentables est par ailleurs passé de moins d'un tiers du total à la moitié. De grandes entreprises d'État ont même été cotées sur les principales places financières internationales comme Hong Kong (PetroChina, Banque de Chine, China Telecom...) ou New York (Sinopec, Huaneng Power...). Des efforts ont également été menés en termes de rationalisation des coûts, de gestion des surcapacités productives et d'amélioration du capital humain. Les autorités incitent désormais les entreprises à adopter de nouvelles formes juridiques (sociétés par actions) et à opérer des fusions.

L'objectif est de constituer, d'ici à cinq ans, une cinquantaine de groupes industriels capables de réaliser de véritables économies d'échelle et d'obtenir une cotation sur les marchés financiers internationaux. Parallèlement, les autorités incitent les entreprises à se séparer de leurs actifs non essentiels et à faire entrer dans leur capital des investisseurs stratégiques. Des réglementations ont été mises en place pour accélérer la mise en vente des actifs d'État, en veillant à en améliorer la transparence et le mécanisme de fixation de prix afin d'éviter tout « bradage » du bien public.

La réforme des entreprises d'État vient de connaître une nouvelle accélération, avec le lancement d'un programme de cession de titres que l'État détient dans des entreprises cotées. Ainsi, après avoir proposé en mai 2005, à titre expérimental, la cession de ses actions détenues dans quatre sociétés, le gouvernement chinois a annoncé, à la fin du mois de juin 2005, l'extension de ce programme à 42 sociétés, dont un certain nombre d'entreprises de premier plan, comme Baosteel, numéro un de la sidérurgie en Chine, ou China Yangtze Power en charge de l'exploitation du barrage hydroélectrique des Trois-Gorges. L'opération fait partie d'une réforme d'envergure du secteur financier qui pourrait, à terme, porter sur près des deux tiers des titres des sociétés cotées aujourd'hui détenus par l'État, ce qui représenterait plus de 160 milliards d'euros. Un certain nombre de précautions ont été prises, notamment afin d'éviter certaines malversations (comme les détournements de fonds opérés par les dirigeants de plusieurs sociétés cotées en 2003 et 2004) et une déstabilisation des places boursières chinoises. Ainsi, la revente des titres publics devrait intervenir progressivement et l'État devrait conserver une participation suffisante pour lui permettre de garder le contrôle de ces entreprises.

b) Une réforme difficile à mettre en œuvre

La réforme des entreprises d'État se heurte à un certain nombre de difficultés.

Tout d'abord, cette réforme engendre un coût social important. En effet, la fermeture des entreprises d'État laisse sans emploi des ouvriers surnuméraires et non qualifiés, que les secteurs compétitifs ne peuvent absorber. Ne répondant pas aux règles de l'économie de marché et aux standards internationaux de productivité, les entreprises d'État ont ainsi dû se séparer d'un grand nombre d'employés. Plus de 30 millions de personnes auraient été licenciées depuis 1998, soit près de 40 % de la main d'œuvre industrielle totale, les autorités annonçant un taux de réembauche de 66 %. Si, officiellement, le taux de chômage urbain en Chine s'élève à 5 %, les experts, notamment la Banque mondiale, jugent cette donnée fortement sous-estimée et évaluent le taux de chômage urbain entre 10 % et 15 % de la population active urbaine.

Aussi, les tensions sociales se font désormais plus vives en Chine, d'autant plus que les entreprises d'État, plus que de simples entités économiques, jouaient le rôle de véritables institutions sociales. Le « contrat social » institué par la République populaire de Chine dans les années 1950 reposait en effet sur le concept du « bol de riz de fer », c'est-à-dire que la faiblesse des salaires était compensée par la garantie d'un emploi à vie et la prise en charge, par les entreprises d'État, de la totalité de la protection sociale de leurs employés et de leurs familles ainsi que de l'éducation et du logement.

Ensuite, une grande part des entreprises publiques continue à se caractériser par des résultats déficitaires et par une productivité très largement inférieure à celle des autres entreprises. En 2000, 40 % des entreprises publiques enregistraient un déficit récurrent et la production par tête dans le secteur public était trois fois inférieure à celle du secteur privé. Le lent déclin des entreprises d'État continue à générer à la fois un chômage urbain en augmentation constante et une dette financière massive pour le système bancaire national.

Le surendettement de ces entreprises, qui absorbent encore aujourd'hui plus de 70 % des crédits accordés par les banques chinoises, constitue ainsi un risque majeur pour le système bancaire chinois. Pour les banques chinoises, dont le niveau des mauvais prêts en proportion des actifs bancaires est considérable - officiellement 20 % pour les principales, mais près du double selon d'autres sources - la réforme des entreprises d'État est donc indispensable pour éviter une implosion du système.

La réforme des entreprises d'État est inachevée. Bon nombre d'entre elles ont déjà été liquidées, mais il reste encore des entreprises qui, ayant pratiquement cessé leur production, n'ont pas encore formellement fermé, notamment en raison du vide juridique entourant la condition de leurs employés. Par ailleurs, les entreprises qui ont vocation à rester dans le domaine public n'ont pas toutes mené à bien les réformes nécessaires en matière d'organisation du travail, de gestion financière et de gouvernance. Enfin, jusqu'à présent, seules les activités les plus profitables ont pu être privatisées. Aussi, le secteur public occupe encore une place prépondérante au sein de l'économie chinoise, puisqu'il est à l'origine d'environ 50 % de la production industrielle brute totale du pays. La poursuite de la réforme des entreprises d'État, bien que de plus en plus difficile à mettre en œuvre, apparaît donc indispensable. Son succès est étroitement lié à la modernisation du secteur bancaire et financier, ainsi qu'à la mise en place d'un véritable système de protection sociale.

3.- Un système bancaire et financier qui, assaini, présentera un fort potentiel de développement

Malgré la création récente de marchés de capitaux domestiques, le secteur bancaire reste le pilier du système financier chinois. En effet, bien que la capitalisation boursière en Chine représente 37 % du PIB à la fin de l'année 2003, seul un tiers des titres sont échangeables. Néanmoins, le système bancaire chinois, qui a permis d'accompagner la croissance des dix dernières années en collectant une épargne abondante et en soutenant l'économie grâce à une expansion rapide du crédit, n'apparaît plus à même de répondre aux exigences de la croissance chinoise. En particulier, le système bancaire ne satisfait pas aux critères de rentabilité propres aux banques des pays développés, avec lesquelles il sera mis en concurrence à partir de 2006, en vertu de l'accord d'adhésion à l'OMC.

Présentant un certain nombre de faiblesses intrinsèques et fragilisé par le poids des créances douteuses, le système bancaire fait donc l'objet d'une réforme d'ensemble, qui va de pair avec celle des entreprises. Si la restructuration bancaire est loin d'avoir atteint ses objectifs, les autorités disposent de marges de manœuvre pour atténuer le risque d'une crise économique et financière. Si la réforme est menée à bien, le secteur bancaire chinois, qui se situe au deuxième rang en Asie, constituera un véritable gisement d'opportunités, dont les banques françaises ne pourront se désintéresser.

a) Un système bancaire qui présente un certain nombre de faiblesses intrinsèques

Le secteur bancaire chinois est très concentré et réglementé par l'État. Il est dominé par les quatre banques commerciales publiques (9) qui totalisent 55 % des actifs bancaires. Les quatre banques publiques, créées dans les années 1980, avaient pour objet de remplacer l'État lui-même qui, dans le système précédent, finançait directement les entreprises. Les autres institutions financières comprennent les coopératives de crédit rurales et urbaines, les banques commerciales urbaines, les compagnies d'investissement et de trust, les banques à capitaux étrangers et les autres institutions financières.

RÉPARTITION DES ACTIFS BANCAIRES PAR BANQUES EN 2003

graphique

Source : CBRC.

Le système bancaire chinois présente des lacunes et des dysfonctionnements à divers niveaux du processus d'intermédiation.

Tout d'abord, les banques chinoises souffrent de l'absence de culture d'expertise financière et d'analyse des risques dans la politique d'octroi des prêts ainsi que d'un manque de suivi rigoureux des dossiers. Ces lacunes s'expliquent principalement par la mission principale assignée à ces banques : l'octroi de crédits aux entreprises d'État, qui représentent encore 60 % du total des prêts. La puissance publique étant supposée soutenir financièrement le débiteur, elles ne tenaient compte ni de sa capacité de remboursement, ni de sa solvabilité.

En outre, les banques publiques subissent les effets de leur dépendance vis-à-vis du pouvoir politique, doublée de pratiques de collusion, et parfois de corruption. Malgré l'introduction d'une certaine autonomie dans la politique de distribution du crédit, celles-ci subissent l'influence des autorités, centrales ou locales, qui peuvent intervenir pour soutenir certains secteurs ou certaines entreprises, soit par des directives, soit par l'octroi d'une garantie publique devenue en pratique un des critères essentiels de sélection des crédits. L'allocation des ressources financières est ainsi biaisée en faveur des entreprises d'État, qui ne sont, en général, ni les plus performantes, ni les plus rentables.

La solvabilité des entreprises d'État étant pratiquement nulle, celles-ci ne remboursaient pas leurs dettes auprès des banques, qui ont ainsi vu leur bilan s'alourdir de créances douteuses. En juin 2004, le montant des créances douteuses est estimé à 391 milliards de dollars, soit 25,5 % du PIB. L'encours des créances douteuses au bilan des banques s'élève ainsi à 1.663 milliards de renminbi (soit 202 milliards d'euros), ce qui représente 13 % du PIB et 13,3 % des encours de crédit, selon la Commission de réglementation bancaire. À cela s'ajoutent les créances détenues par les autorités de défaisance mises en place en 1999. Les quatre banques d'État ont ainsi transféré 168 milliards de dollars en 1999, dont 13 milliards de dollars ont donné lieu à des rentrées de cash, puis la Banque de Chine et la Banque de la construction ont transféré 33,9 milliards de dollars à l'été 2004.

Si l'on considère les données de 2003, il semble que la situation s'est améliorée. En effet, la part des créances douteuses dans les prêts totaux s'élève à 13 % pour les quatre grandes banques, contre 15 % en 2003. Toutefois, il convient de relativiser cette évolution : même si les créances douteuses ont peu baissé, le ratio a diminué mécaniquement en raison de la forte croissance des prêts accordés et une part des créances douteuses a été transférée vers des structures de défaisance. Par ailleurs, il convient de souligner les divergences existant entre les sources d'information officielles et les avis d'experts extérieurs. Ainsi, les sources officielles avançaient que les prêts non performants représentaient 15 % de l'encours total du crédit (27 % du PIB), tandis que les estimations indépendantes portaient ces chiffres à 40/50 % (soit 70/90 % du PIB).

CHIFFRES OFFICIELS DE CRÉANCES DOUTEUSES

Total
 % PIB

Dans les banques

Dans les AMC

 % crédits

 % PIB

milliard de renminbi

 % PIB

1999

49

25

32

1.400

17

2001

51

30

38

1.268

13

2003

34

15

27

885

8

Source : autorités nationales et FMI.

Le taux officiel de prêts non performants est par ailleurs le plus important de la région. Selon les données officielles, la Chine occupe la première place en Asie pour le volume brut de ses prêts non performants : ils s'élèvent à 416 milliards de dollars en 2004, soit 49 % de l'encours régional de prêts non performants. La croissance rapide des crédits, en particulier du crédit domestique, ces dernières années constitue un des facteurs explicatifs. Comme les critères de sélection et de gestion du risque n'ont pas été véritablement reconsidérés, les nouveaux crédits octroyés sont ainsi susceptibles d'engendrer de nouvelles créances douteuses.

RÉPARTITION DES PRÊTS NON PERFORMANTS EN ASIE

graphique
Source : autorités nationales.

En conséquence, la rentabilité des banques est très faible et les quatre grandes banques d'État seraient techniquement insolvables si leurs bilans étaient évalués selon les normes internationales. Ainsi, le ratio Cooke (10) était, en 1999, bien en dessous du seuil de 8 % fixé par la Banque des règlements internationaux. Pourtant, les abondantes liquidités de ces banques, dues à l'importance de l'épargne de ménages (42 % du revenu disponible) et aux faibles possibilités de placement financier qui s'offrent aux épargnants, continuent de dissimuler la gravité du problème.

RATIOS BANCAIRES EN 1999

(en  %)

Établissement

Ratio Cooke

Rentabilité du capital avant impôt

Banque industrielle et commerciale

5,1

2,3

Banque populaire de Chine

4,3

0,2

Banque agricole

5,9

- 0,3

Banque de la construction

5

0,3

Everbright

5,1

0,4

Source : La Chine dans l'économie mondiale, OCDE, 2002.

b) La nécessité d'une réforme en profondeur

Afin de répondre aux besoins de l'économie chinoise, de faire face à l'ouverture progressive du secteur aux banques étrangères et de faire de la Chine une des premières puissances financières mondiales, les autorités chinoises se sont engagées dans une vaste réforme du secteur bancaire.

Elle comprend deux volets : d'une part l'assainissement des bilans et des pratiques d'allocation et de suivi des crédits, d'autre part, l'amélioration du cadre légal. Force est de constater que les efforts menés, indéniables, doivent néanmoins se poursuivre.

Le premier volet concerne les banques d'État. Les premières mesures ont ainsi eu pour objet d'assainir leurs bilans. Dans cette perspective, quatre sociétés de défaisance des créances douteuses (ou AMC - asset management companies) - avec une structure d'organisme public - ont été créées en 1999. Comme indiqué précédemment, le montant du transfert s'est élevé à 168 milliards de dollars en 1999, ce qui représentait un sixième de leurs actifs et un tiers de leurs créances douteuses. Le traitement des créances douteuses a ensuite été assez lent : fin juin 2004, 40 % du total transféré avait été traité avec un taux de recouvrement moyen de 20 %. Les résultats obtenus sont décevants, tant dans la restructuration et la mise en vente des portefeuilles de mauvaise dette par les AMC que dans l'amélioration des bilans et des pratiques des banques. Un nouveau transfert, concernant la Banque de Chine et la Banque de construction a été réalisé en juillet 2004, d'un montant de près de 33,9 milliards de dollars.

Les autorités ont également procédé à plusieurs opérations de recapitalisation, en partie en puisant dans les réserves de la Banque centrale. La première a eu lieu en août 1998 (pour un montant de 33 milliards de dollars, soit 3,2 % du PIB) et la seconde en janvier 2004 (à hauteur de 45 milliards de dollars). Cette dernière opération s'inscrit dans une nouvelle vague de recapitalisations, cette fois-ci couplée à davantage de transparence et à une meilleure gouvernance, destinée à préparer la mise partielle sur le marché des quatre principales banques d'État en 2006 et l'entrée des banques étrangères sur le marché des dépôts et prêts aux particuliers en 2007.

La recapitalisation réalisée en janvier 2004 et le transfert de créances douteuses opéré en juillet de la même année s'inscrivent dans la perspective d'une ouverture du capital de deux des principales banques (la Banque de Chine et la Banque de la construction), probablement sur les bourses de Hong Kong et de New York. Ces opérations poursuivent le même objectif : rendre les comptes de ces deux banques présentables pour les futurs investisseurs étrangers. Il s'agit également de mettre un terme à la dépendance des banques envers leurs débiteurs insolvables. Le souci majeur demeure en effet de mettre fin à l'irresponsabilité qui a longtemps présidé à la gestion de ces banques, déjà secourues sans succès au cours des années passées.

La dernière étape du programme consiste en l'introduction en bourse, partielle dans un premier temps, de ces banques, avec, dans certains cas, l'entrée dans le capital d'un partenaire étranger qui apportera ses normes de gestion et son savoir-faire dans la perspective de l'ouverture complète à la concurrence d'ici fin 2006.

La création, en 2003, de la Commission de réglementation bancaire (CBRC), distincte de la banque centrale, a également constitué une étape importante de la réforme, témoignant de la volonté des autorités de contrôler l'évolution des prêts, leur nature et d'assurer une meilleure gestion des risques. Les récentes mesures prises par la commission pour limiter l'octroi des prêts bancaires dans les secteurs en surchauffe s'inscrivent dans cette perspective.

Le second volet de la réforme concerne le cadre légal. Alors qu'à la fin des années 1970 le droit était quasi-inexistant en Chine, le pays s'est progressivement doté d'un cadre législatif, en cherchant à se rapprocher des standards internationaux. En particulier, la loi relative aux faillites adoptée en juin 2004 devrait contribuer à l'amélioration du cadre juridique. Toutefois, le cadre légal présente un certain nombre de faiblesses, comme des divergences d'interprétation des lois selon les provinces ou une application approximative des lois en raison d'une formation insuffisante du personnel judiciaire.

Enfin, l'ouverture du compte de capital est menée de manière prudente, notamment pour les placements à l'étranger des résidents. Les réflexions portant sur le change ne sont pas des questions de principe, mais des interrogations portant sur le calendrier, la méthode et l'ampleur des changements, avec le souci d'accompagner la réforme bancaire plutôt que de la précéder, de la faciliter au lieu de la compliquer.

Les réformes engagées montrent que les autorités centrales ont une perception aiguë des insuffisances du système bancaire et financier et qu'elles sont déterminées à doter la Chine d'un système financier efficace. L'ouverture du système bancaire chinois aux banques étrangères fin 2006, en application de l'accord signé entre le Chine et l'OMC, pourrait en effet avoir pour conséquence de mettre en difficulté les banques domestiques en introduisant une plus grande concurrence avec des banques plus performantes. Le principal risque réside dans un retrait massif de l'épargne domestique des banques chinoises. Les épargnants pourraient en effet avoir une forte préférence pour les banques présentant les risques les plus faibles en matière de solvabilité.

Il apparaît donc désormais impératif d'accentuer et d'accélérer les réformes. À cet égard, les progrès en matière de provisionnement apparaissent insuffisants pour permettre de respecter l'objectif de moins de 10 % de mauvais prêts d'ici cinq ans. Les banques ont, certes, utilisé une part substantielle de leurs profits avant impôt pour provisionner ces mauvaises créances, comme le permet la nouvelle réglementation, mais un simple calcul montre que, même avec des profits en croissance, l'apurement du stock actuel nécessiterait entre 15 et 20 ans selon les banques. Mais, les principales difficultés auxquelles les banques chinoises demeurent confrontées sont relatives à leur gouvernance et au manque de personnel qualifié.

Aussi, les autorités, conscientes de ces faiblesses, encouragent fortement les prises de participation des banques étrangères d'une part, et l'embauche de personnels qualifiés, étrangers de préférence, d'autre part. La présence croissante des banques étrangères devrait avoir un impact positif sur les pratiques bancaires des banques chinoises.

Certaines banques étrangères se sont déjà résolument engagées dans un partenariat avec les banques chinoises. C'est notamment le cas de HSBC, qui détient une participation à hauteur de 20 % dans le capital de la Bank of Communications (1,75 milliard de dollars) et une à hauteur de 8 % dans la Bank of Shanghai (63 millions de dollars), et de Citigroup, qui possède 5 % du capital de la Shanghai Pudong Development Bank (72,5 millions de dollars). Plus récemment, la Bank of America a pris au mois de juin une participation à hauteur de 9 % dans le capital de la China Construction Bank (3 milliards de dollars) et SBS projetterait d'entrer dans le capital de la Banque de Chine. Mais les risques freinent un certain nombre de banques européennes. Le néerlandais ING est ainsi le seul établissement de la zone euro à avoir placé des fonds (215 millions de dollars, soit 19,9 % du capital) dans une banque chinoise, la Bank of Beijing.

Les autorités chinoises entendent accentuer cette évolution. Dans cette perspective, un responsable de la Commission de régulation bancaire a annoncé le 22 juin dernier, que la réglementation, qui limite actuellement à 20 % la part des investisseurs étrangers dans le capital des banques chinoises, pourrait bientôt être assouplie.

c) Le marché bancaire chinois, un gisement d'opportunités

Le secteur bancaire chinois, le deuxième en Asie, constitue l'un des plus dynamiques de la région et présente un potentiel de développement considérable. L'intermédiation bancaire joue en effet un rôle majeur dans le financement de l'économie chinoise. Parmi les grands pays en développement, la Chine est celui dont les ratios d'épargne, d'investissement et de crédit sur PIB sont les plus élevés. L'épargne des ménages abonde et l'investissement n'est que partiellement autofinancé. Comme les marchés de capitaux sont encore peu développés, il revient aux banques de réallouer l'essentiel de l'importante épargne domestique.

Un des atouts majeurs du système financier chinois réside ainsi dans la présence d'une abondante liquidité générée par une épargne très élevée et en progression constante (46 % du PIB en 2003 contre 35 % en 1995), dont l'essentiel provient de l'épargne des ménages. Outre un effet de richesse venant de l'augmentation du niveau général de vie, cette dernière résulte d'un comportement de précaution, en réponse aux carences du système de protection sociale et aux perspectives de vieillissement de la population. Le contrôle des capitaux rend cette épargne captive du pays. Elle est par ailleurs canalisée vers les dépôts bancaires par manque de possibilité de placements alternatifs.

Les crédits bancaires constituent en outre la principale source de financement externe des entreprises. Les marchés de capitaux chinois sont en effet encore peu développés, immatures et spéculatifs. Certes, la capitalisation des deux places financières de Shanghai et Shenzhen représente, fin 2003, 35 % du PIB. Mais, le marché obligataire est quasi-inexistant et les émissions d'actions et d'obligations couvrent à peine 15 % du total des financements externes des entreprises et des administrations publiques. En outre, bien que les marchés financiers intéressent de plus en plus les entreprises du secteur privé, l'accès leur est plus difficile que pour les entreprises d'État. De plus, l'ouverture récente des marchés financiers domestiques aux investisseurs étrangers reste encadrée et contraignante, limitant l'entrée de capitaux financiers sur les marchés chinois.

Le marché bancaire chinois est ainsi celui offrant le plus de perspectives. Les dépôts bancaires en Chine dépassent déjà 1.300 milliards de dollars et l'essor attendu des opérations bancaires est considérable. Sur le marché des cartes de crédit, les opérations devraient progresser de plus de 50 % par an au cours des huit prochaines années, selon la Banque mondiale. Par ailleurs, actuellement, l'accès au crédit des particuliers demeure encore très limité, puisqu'il représente 11 % du PIB contre 35 % en moyenne dans la région.

Il apparaît d'autant plus important de ne pas passer à côté des opportunités que présentera le marché bancaire chinois, que le risque de survenue d'une crise bancaire doit être relativisé. En effet, les autorités ont montré qu'elles étaient capables de ralentir et d'améliorer la distribution des prêts, mais également de lisser le cycle économique. Elles sont aussi déterminées à éviter toute crise systémique bancaire. À cet égard, comme le soulignent Guy Longueville et Nhu-Nguyen Ngo (11), une crise de liquidité du système bancaire apparaît peu probable : le système bancaire se caractérise par une surliquidité structurelle et, compte tenu de l'importance des réserves en devises, la Banque centrale dispose de moyens pour alimenter la liquidité du système bancaire. Par ailleurs, la crise latente de solvabilité du système bancaire, qui résulte de la faiblesse des bilans, peut trouver à moyen terme une issue financière : « la Chine est probablement un des rares pays en développement à disposer des ressources suffisantes pour financer le rachat progressif et le portage de l'essentiel des créances douteuses des banques ».

4.- Le développement des inégalités et la mise en place d'un système de protection sociale

La Chine se caractérise à la fois par une élévation globale du niveau de vie de ses habitants et par un fort risque de creusement des inégalités. Aussi, la modernisation de l'économie chinoise ne peut être menée à bien sans la mise en place d'un véritable système de protection sociale. La conjugaison de l'élévation du niveau de vie et des mesures prises par le gouvernement pour lutter contre l'accroissement des inégalités devrait avoir pour conséquence une forte croissance de la demande, en particulier en faveur des biens de consommation.

a) L'élévation globale du niveau de vie et le creusement des inégalités

Alors que le revenu des Français a triplé pendant les Trente glorieuses, celui des Chinois a été multiplié par six sur les vingt-cinq dernières années. Le revenu par habitant a notamment connu une forte croissance entre 1995 et 2003. Inférieur à 600 dollars en 1995, il dépasse 1.000 dollars depuis 2003 et devrait approcher 1.400 dollars par habitant en 2005.

ÉVOLUTION DU PIB ET DU PIB PAR HABITANT EN CHINE

en % en dollars

graphique
Source : Mission économique de Pékin.

Ce mouvement devrait se poursuivre. Selon BNP Paribas Peregrine, à l'horizon 2010, le revenu moyen devrait s'élever à 2.000 dollars par habitant et la classe moyenne s'étendre à 25 % voire 30 % de la population.

Si la croissance de l'économie chinoise, de l'ordre de 9 % par an, a permis de diviser par deux le nombre de Chinois vivant en dessous du seuil de pauvreté, ses dividendes ont toutefois été inégalement répartis.

En particulier, les réformes ont fait réapparaître des inégalités que le système collectiviste avait masquées. Elles sont d'une double nature, spatiale et sociale. D'une part, l'ouverture à l'investissement étranger a provoqué l'afflux de capitaux dans la zone côtière, les investisseurs étrangers souhaitant un accès aux communications maritimes. Cet afflux a créé un écart considérable avec l'intérieur du pays où dominent encore l'activité agricole et les industries d'État. En 2001, le revenu par habitant était ainsi de 520 dollars dans les provinces de l'ouest du pays, de 3.100 dollars à Pékin et de 4.520 dollars à Shanghai. En outre, le PIB des huit provinces à plus haut revenu (12) a progressé plus vite que la moyenne nationale et représente 45 % du PIB total en 2001, contre 36 % en 1991. Le PIB par habitant de ces provinces est, en 2001, près de 60 % supérieur à la moyenne nationale, contre 26 % en 1991. Le fossé risque donc de se creuser entre les provinces rurales de l'intérieur et les cités de la côte orientale.

D'autre part, les inégalités entre couches sociales risquent de s'accentuer. En effet, la réforme des entreprises d'État s'est soldée par le développement du chômage (peu ou pas indemnisé) et par le non-paiement des pensions de retraite des anciens salariés, qui doivent se contenter d'une allocation minimale de survie. En même temps, on voit se constituer, dans les zones urbaines, une classe aisée dont les revenus sont liés à l'émergence d'un secteur semi-privé. Les provinces de l'intérieur, où l'on avait implanté - pour des raisons géopolitiques - une partie importante des entreprises apparaissent, pour leur part, doublement pénalisées. Ainsi, selon l'agence Chine nouvelle, 10 % de la population détenait 45 % des richesses du pays au premier trimestre 2005. Le phénomène ne cesse de s'accentuer : alors que, au premier trimestre 2004, les 10 % de Chinois les plus riches disposaient de revenus 10,9 fois supérieurs aux 10 % des plus pauvres, l'écart est désormais de 11,8.

b) Une réforme indispensable : la refonte du système de protection sociale

Face aux risques d'explosion sociale engendrés par les inégalités, la refonte du système de protection sociale constitue désormais une des priorités des autorités chinoises, qui l'ont inscrite parmi les grands objectifs du Xème plan quinquennal (2001-2005).

Le système actuel est tout d'abord excessivement coûteux et inefficace. La transition vers l'économie de marché, lancée par Deng Xiaoping en 1979, a rapidement fait apparaître l'incompatibilité du fardeau financier supporté par les entreprises d'État avec la rentabilité exigée des entreprises chinoises, que la concurrence croissante en provenance des entreprises étrangères, mais aussi du secteur privé, est venue aiguiser.

Par ailleurs, le système de prise en charge du chômage qui a prévalu jusqu'à présent s'avère inadapté à l'évolution des structures de l'emploi. La montée du chômage et la contribution croissante du secteur privé à l'emploi conduisent à exclure une part croissante de la population du système actuel de protection sociale. Depuis le lancement, il y a 20 ans, de la politique de réformes, la proportion d'employés dans les entreprises d'État n'a cessé de reculer. Ce mouvement s'est même accéléré durant les dernières années. De 1996 à 2002, la proportion de salariés travaillant dans les entreprises d'État a baissé de 36 %, tandis que, sur la même période, le nombre d'employés du secteur privé a très fortement crû. Désormais, les entreprises d'État n'emploieraient plus que 72 millions de salariés, soit 29 % de l'emploi urbain.

Le taux de chômage urbain réel atteindrait ainsi entre 10 et 15 % de la population active urbaine, soit 50 millions de personnes, auquel il convient d'ajouter une population d'employés saisonniers, essentiellement des migrants en provenance des campagnes, dont le nombre est difficile à évaluer, probablement quelques dizaines de millions de personnes qui, comme la plupart des chômeurs réels, échappent à toute forme de protection.

Le taux de chômage rural, pour sa part, concernerait près de 30 % des actifs ruraux, soit 150 millions de personnes. Il convient d'ailleurs de souligner que, alors qu'il contribue encore pour une part importante à l'emploi total (66 % en 2002), l'emploi rural continue à être exclu du dispositif de protection sociale, la solidarité familiale traditionnelle étant supposée pallier les besoins des plus démunis. Combinée à la montée du chômage, cette exclusion crée un facteur d'instabilité sociale de plus en plus perceptible, que viennent aiguiser les inégalités persistantes de revenus entre zones urbaines et rurales, provinces côtières et provinces du centre et de l'ouest.

Outre le coût massif de la mise en place d'un nouveau système de protection en matière de maladie et de chômage, fondé sur les cotisations, le gouvernement chinois est confronté au problème de la transition vers un nouveau mode de prise en charge des retraites. La transition est rendue particulièrement ardue par les effets de la politique de l'enfant unique, qui rendent plus difficile la solidarité intergénérationnelle, et par l'ampleur des masses en jeu : un Chinois sur dix a plus de 60 ans en 2000, un sur quatre en 2040, soit plus de 300 millions de personnes. D'ici 2025, le ratio de dépendance, soit le nombre de salariés pour un retraité, passera à 1,8 contre 4,2 en 1999, alors que dès à présent, selon les statistiques officielles, 36 % des retraites seulement continueraient d'être versées régulièrement par les entreprises d'État. Selon le ministère du travail, les retards de paiement des retraites de plus de 6 mois concerneraient près d'un million de personnes.

La prise en charge des générations futures aura un impact certain sur le budget de l'État, qui doit déjà abonder les déficits des caisses sociales qui ont été mises en place à titre expérimental dans quelques régions, sur la base de cotisations patronales et employés. Le déficit implicite du système actuel de retraite représenterait ainsi entre 60 et 80 % du PIB. Alors que la dette publique (27 % du PIB) demeure raisonnable, ces perspectives justifient la rigueur budgétaire que les autorités tentent de mettre en œuvre depuis 2003.

Compte tenu du caractère inadapté du système de protection sociale jusqu'à présent en vigueur et des conséquences engendrées par la modernisation des structures de production, les autorités chinoises ont annoncé en 2000 leur volonté de jeter les bases d'un nouveau système d'assurance sociale en créant un fonds national de sécurité sociale, en charge du financement des retraites. Ce dernier devait être alimenté en partie par la cession d'actions détenues par l'État dans les entreprises publiques (10 % du montant de l'offre publique ou de l'augmentation de capital). Cependant, l'État a dû renoncer à cette méthode en raison de la baisse des cours que cette mesure a contribué à provoquer à l'été 2001. Aujourd'hui le fonds ne gère que 16 milliards de dollars d'actifs, mais pourrait se voir transférer directement des actions détenues par l'État, sans intervention du marché.

Parallèlement au démantèlement de l'ancien système de prise en charge par les entreprises d'État, des fonds alimentés par les contributions patronales et salariales sont progressivement mis en place dans les grandes villes, pour la retraite (100 millions d'actifs cotisants), la maladie (70 millions d'actifs cotisants), le chômage (100 millions d'actifs cotisants), ainsi que des fonds pour le logement. Des assurances privées se développent également pour la couverture maladie dans certaines grandes villes. Toutefois, cette réforme ne concerne pas les 700 millions de ruraux. Comme l'a montré une expérimentation dans la province du Liaoning, l'extension de ce dispositif à l'ensemble du pays risquerait de poser de sérieuses difficultés de financement.

Enfin, compte tenu du degré de dénuement des catégories les plus défavorisées et de la difficulté croissante de réinsertion des licenciés du secteur public, une allocation de subsistance a dû rapidement être mise en place. Elle concernait 25 millions de personnes en 2002, dont 20 millions de citadins.

Ainsi, le succès de la réforme du système de protection sociale apparaît comme un des éléments clefs de la réussite de la transition de la Chine vers l'économie de marché et de son insertion au sein du commerce mondial.

II.- LE DÉFI CHINOIS ET LE PÉRIL FRANÇAIS

Les échanges de la France avec la Chine ne peuvent être appréhendés en faisant abstraction du cadre européen. La Chine est ainsi le troisième partenaire commercial de l'Union européenne, après les États-Unis et la Suisse, et l'Union européenne le troisième partenaire commercial de la Chine, derrière le Japon et les États-Unis.

Toutefois, les relations entre l'Union européenne et la Chine se caractérisent par une forte asymétrie. En effet, l'Union européenne fournit à la Chine environ 14 % de ses importations tandis que la Chine est destinataire d'un peu plus de 2 % des exportations de l'Union. Ce déséquilibre témoigne du fait que le commerce avec l'Union pèse beaucoup plus lourd dans les échanges extérieurs de la Chine, que les échanges avec la Chine dans le commerce extérieur de l'Union. Elle s'explique par la différence de taille économique et commerciale des deux régions. Représentant 28 % du PIB mondial et 20 % des échanges internationaux, hors commerce intra-communautaire, l'Union est ainsi la première puissance économique et commerciale du monde, tandis que la Chine est une puissance économique de taille moyenne, qui compte pour 4 à 5 % dans le PIB mondial et les échanges internationaux, soit un poids équivalent à celui de la France. Cependant, il convient de souligner que la capacité de la Chine à pénétrer le marché européen est plus forte que celle de l'Europe à pénétrer le marché chinois.

L'évolution des échanges depuis le milieu des années 90 montre que l'Union européenne, tout comme les États-Unis du reste, est un débouché de plus en plus important pour la Chine, alors que son rôle de fournisseur stagne, voire régresse.

ÉVOLUTION DES ÉCHANGES EXTÉRIEURS DE LA CHINE AVEC L'UNION EUROPÉENNE

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Exportations chinoises

en % des exportations totales

États-Unis

16,6

17,7

17,9

20,7

21,5

20,9

20,4

21,5

Union européenne

12,9

13,1

13,1

15,3

15,5

15,3

15,3

14,8

Importations chinoises

en % des importations totales

États-Unis

12,2

11,6

11,5

12,1

11,8

9,9

10,8

9,2

Union européenne

16,1

14,3

13,5

14,8

15,4

13,7

14,7

13,0

Solde commercial de la Chine

en milliards de dollars

États-Unis

8,6

10,6

16,5

21,0

22,5

29,7

28,1

42,7

Union européenne

-2,1

0,0

4,7

7,4

4,8

7,4

5,2

9,7

Source : Douanes chinoises.

Si la Chine a un poids croissant sur les marchés européen et français en tant qu'exportateur et développe dorénavant une stratégie d'investissement en France, la France ne tire pas suffisamment profit des opportunités que présente le marché chinois.

Or, compte tenu de sa forte contribution à la croissance mondiale et à l'expansion des échanges internationaux depuis dix ans, la Chine apparaît comme un partenaire de premier plan au sein du commerce mondial. Aussi, la France, plutôt que de ressentir la montée en puissance de la Chine comme une menace, doit-elle surmonter ses propres faiblesses. En effet, jusqu'à présent, les relations commerciales entre les deux pays, plutôt que d'évoquer un « péril jaune », font davantage penser à un péril français, qui se traduit dans la faible présence française dans les échanges avec la Chine. Les entreprises françaises se doivent donc de relever le défi que constitue la conquête du marché chinois.

A.- LA CHINE, EXPORTATEUR ET INVESTISSEUR À DESTINATION DE L'UNION EUROPÉENNE ET DE LA FRANCE

La montée en puissance de la Chine dans les échanges internationaux s'est traduite par une intensification des échanges bilatéraux entre la Chine et l'Union européenne. Ainsi, la Chine exporte de façon croissante en Europe, et elle détient une part de plus en plus importante des importations européennes.

Les relations commerciales de la France avec la Chine doivent être analysées dans le cadre du commerce extérieur de l'Union européenne, dans la mesure où la politique commerciale est une compétence communautaire. Le récent différend sur les importations de textile chinois a d'ailleurs montré qu'une solution ne pourrait être trouvée qu'au niveau européen.

L'Union européenne et la France sont également concernées par l'affirmation de la Chine comme investisseur dans le paysage économique international. Si la Chine est encore un investisseur relativement discret dans les pays occidentaux, ces derniers mois ont été marqués par des opérations importantes de rachats ou de créations d'entreprises par des sociétés chinoises.

1.- Une place croissante dans les importations de l'Union européenne et de la France

L'Union européenne et la Chine constituent des entités économiques de poids très inégal. L'Union européenne est la première puissance économique et commerciale du monde : elle produit 28 % du PIB mondial et réalise 20 % des échanges internationaux (hors commerce intra-communautaire) ; la Chine est une puissance économique de taille moyenne, qui compte pour 5 % dans le PIB mondial et les échanges internationaux, soit un poids équivalent à celui d'un grand pays européen, mais qui depuis dix ans contribue fortement à la croissance mondiale et à l'expansion des échanges internationaux.

En raison de ces différences de taille, le commerce avec l'Union européenne pèse beaucoup plus lourd dans les échanges extérieurs de la Chine, que les échanges avec la Chine ne pèsent dans le commerce extérieur de l'Union européenne. Ainsi, l'Union européenne fournit à la Chine environ 13 % de ses importations et reçoit 15 % de ses exportations ; en revanche, la Chine fournit à l'Union européenne environ 8 % de ses importations et reçoit un peu moins de 3 % de ses exportations.

Néanmoins, la Chine occupe une place croissante dans les importations de l'Union européenne, et l'évolution des exportations chinoises vers l'Union européenne est comparable à celle des exportations chinoises totales : elles augmentent fortement et montent en gamme.

a) La Chine occupe une place croissante dans les importations de l'Union européenne

En 2003, la Chine fournit à l'Union européenne en moyenne 8 % de ses importations. Cette proportion connaît une croissance exponentielle : en 1980, elle était inférieure à 1 % ; en 1990, elle était encore de 2 % et en 1997, elle atteignait 5 % (13).

Non seulement le poids de la Chine dans les importations européennes est supérieur à son poids dans le commerce mondial (5,5 %), mais elle réalise de forts taux de pénétration dans certains secteurs, comme le montre le tableau suivant :

LA CHINE COMME FOURNISSEUR DE L'UNION EUROPÉENNE EN 2002

en pourcentage

Part de la Chine dans les importations de l'UE par secteurs

Composition des importations de l'UE en provenance

de Chine

du monde

Tous produits

8,3

100

100

Machines électriques

14,2

20,7

12,1

Machines

9,8

16,8

14,2

Jouets, articles de sport

56,6

8

1,2

Vêtements de confection

18,7

6,7

3

Ouvrages en cuir

55,4

4,2

0,6

Vêtements de bonneterie

15,9

4,1

2,1

Meubles

20,4

3,9

1,6

Instruments d'optique

8,3

3,8

3,7

Matières plastiques

14,8

3,2

1,8

Chaussures

19,9

2,6

1,1

Ouvrages fer ou acier

15

2,1

1,2

Produits chimiques organiques

5,3

1,8

2,9

Perles, métaux précieux

3,2

1,4

3,5

Outils et outillage

23,5

1,3

0,4

Autres articles textiles

19,1

1,1

0,5

Horlogerie

21

1,1

0,4

Voitures, cycles

1,6

1

5,3

Ouvrages divers

34,9

1

0,2

Sélection des secteurs représentant plus de 1 % des importations européennes en provenance de Chine, classés par ordre décroissant.

Source : Eurostat.

Dans les secteurs traditionnels, la Chine détient de très grandes parts du marché européen : ainsi, dans les importations de jouets et d'ouvrages en cuir, sa part dépasse 55 % ; dans celles de meubles, de chaussures et de vêtements et d'outillage, elle tourne autour de 20 % ; dans celles de produits en plastiques, autour de 15 %. Il est clair que dans ces productions qui se caractérisent par une forte intensité en travail, mais une faible intensité en capital et technologies, la Chine dispose d'un avantage comparatif qui la met en position de force dans la concurrence avec les autres fournisseurs extérieurs de l'Union européenne.

Par ailleurs, la composition des importations de l'Union européenne en provenance de Chine, comparée à la composition des importations totales de l'Union montre que les machines électriques occupent la plus grande place, avec 20 % du total.

La levée des quotas sur le textile a entraîné une très forte hausse des parts de marché de la Chine en Europe

Depuis l'élimination des quotas qui régissent les importations européennes d'habillement le 1er janvier 2005, la Chine a encore élargi sa part de marché dans ce secteur au détriment des autres fournisseurs extérieurs de l'Union européenne. La part de la Chine dans les importations de l'Union européenne à 15 dans l'habillement est passée de 18 % fin 2004 à 29 % après la levée des quotas.

Ainsi, les volumes d'importations en provenance de Chine ont pour la période allant de janvier à avril 2005 augmenté de 187 % pour les tee-shirts et de 56 % pour les fils de lin par rapport à la même période en 2004. Pour les tee-shirts, les prix à l'importation ont chuté de 36 % sur la même période.

Mais en réalité, si les importations européennes de textile en provenance de Chine ont massivement augmenté, les importations globales de textile, c'est-à-dire tous pays exportateurs confondus, sont restées stables en valeur, et n'ont progressé que de 15 % en volume pour les deux premiers mois de l'année 2005. Autrement dit, les vêtements qui déferlent sur l'Europe depuis la Chine ne s'ajoutent pas aux commandes d'autres pays fournisseurs, mais s'y substituent. Des pays qui fournissent traditionnellement le marché communautaire en tee-shirts comme le Maroc, la Tunisie et la Roumanie ont été en partie délogés du marché communautaire et ont vu leurs exportations vers l'Union européenne chuter respectivement de 8 %, 22 % et 29 %. Ainsi, au premier semestre 2005, l'Union européenne n'a importé que 20 millions de pièces depuis le Maroc, contre 25 millions un an auparavant. D'autres pays en voie de développement vulnérables sont également concernés. Les exportations de tee-shirts vers l'Union européenne en provenance du Pakistan, du Sri-Lanka et du Bangladesh ont chuté respectivement de 36 %, 25 % et 9 % depuis de début de l'année.

Une clause de sauvegarde spéciale textile a été prévue par le protocole d'adhésion de la Chine à l'OMC de 2001 : elle prévoit un système de surveillance statistique afin de détecter rapidement les perturbations importantes des marchés qui pourraient résulter d'un afflux massif de produits importés et de donner à l'Union européenne les éléments d'appréciation pour prendre des mesures correctives (allant du dialogue avec les pays exportateurs jusqu'à l'application de la clause de sauvegarde autorisée par l'OMC jusqu'en 2008 et qui permet de restreindre les importations).

La Commission européenne a entrepris le 29 avril 2005 une enquête sur les perturbations de marché occasionnées par l'augmentation des importations de textiles en provenance de Chine pour neuf catégories de produits. Pour deux des neuf catégories en question, les signes d'une perturbation de marché sont apparus de façon suffisamment claire pour que le commissaire au commerce extérieur Peter Mandelson estime nécessaire de passer immédiatement à la phase de consultations formelles avec la Chine. Les lignes directrices sur l'utilisation de la clause de sauvegarde permettent l'activation de la procédure d'urgence s'il apparaît clairement que l'évolution harmonieuse du commerce est menacée, et que l'augmentation rapide des importations en provenance de Chine causera d'importants préjudices à l'industrie communautaire si aucune mesure n'est prise.

L'ensemble des données rassemblées au cours de l'enquête de la Commission a montré une détérioration sensible de la situation de l'industrie textile communautaire en termes de production, de rentabilité et d'emploi. Les premières statistiques pour la catégorie des tee-shirts montrent une chute importante de la production en Grèce (- 12 %), au Portugal (- 30 à - 50 %) et en Slovénie (- 8 %).

L'Union européenne et la Chine sont finalement parvenues à un accord le 11 juin 2005, au terme duquel la Chine limitera la hausse de ses exportations textiles vers l'Europe. Dans la période allant du 11 juin 2005 à la fin 2007, la hausse des exportations vers l'Europe sera fixée entre 8 % et 12,5 % par an, selon les produits. Ainsi, les exportations de pull-overs, pantalons pour hommes et chemisiers ne devraient pas augmenter de plus de 8 % par an. Celles des tee-shirts, des robes et des produits de lin seront limitées à 10 % par an, tandis que les exportations de linges de maison augmenteront au maximum de 12 %. Cet accord a permis d'éviter de rétablir certains quotas, comme les États-Unis l'ont fait unilatéralement.

b) La structure comme la dynamique des exportations chinoises vers l'Union européenne sont comparables à celles des exportations chinoises totales

Les exportations chinoises vers l'Europe connaissent la même évolution que les exportations chinoises totales : elles augmentent fortement, et elles montent en gamme.

L'Union européenne est le troisième client de la Chine (après les États-Unis, Hong Kong et juste devant le Japon) et représente environ 15 % des exportations chinoises.

Néanmoins, dans un certain nombre de secteurs, la part de l'Union européenne dans les exportations chinoises est sensiblement supérieure à sa part moyenne : c'est le cas notamment des machines (18 %), des jouets (21 %), des appareils optiques (20 %), produits en plastiques (18 %), articles en cuirs (23 %). Au contraire, l'Union européenne recevait jusqu'en 2004 une fraction relativement faible des exportations chinoises de vêtements (12 %). Au total, les produits de la filière textile-habillement sont en relatif recul, mais représentent encore la 2ème filière d'exportation (22 % du

graphique
total) - toutefois cette tendance est en train de s'inverser, comme le paragraphe précédent (a) sur la levée des quotas sur les produits textiles l'a montré.

Entre 1990 et 2001, la croissance des exportations chinoises vers l'Union européenne a été portée en premier lieu par les produits de la filière électronique, qui constitue désormais la première source d'exportation, avec un quart du total, et en deuxième lieu par les produits électriques, qui comptent pour un dixième du total en 2001. Les machines et les machines électriques ont assuré entre 40 et 45 % de la croissance des exportations de la Chine vers l'Union européenne comme vers le reste du monde.

STRUCTURE PAR FILIÈRES DES EXPORTATIONS DE LA CHINE VERS L'UNION EUROPÉENNE À 15

en pourcentage

1990

2001

Combustible

1,3

0,8

Produits agricoles et alimentaires

12,6

3,8

Textile-habillement

37,2

22,1

Bois-papier

17,1

14,9

Produits chimiques

10,0

8,8

Sidérurgie

0,4

0,4

Métaux non ferreux

0,9

0,8

Machines

4,8

8,7

Véhicules

0,7

0,8

Matériel électrique

3,2

11,3

matériel électronique

11,1

26,7

Total

100,0

100,0

Source : CEPII.

Cependant, pour mesurer la position de la Chine sur le marché européen dans les différents secteurs, il convient de prendre en compte également ses importations en provenance d'Europe. Ainsi, une étude du CEPII (14) utilise un indicateur de position par marché qui rapporte le solde des échanges de la Chine avec l'Union européenne par filières au montant total des échanges de l'Union européenne par filières (exportations + importations par filières, hors commerce intra-Union européenne). Le graphique ci-dessous montre que la Chine détient de fortes positions (c'est-à-dire des excédents) sur le marché européen dans quatre filières : le textile, le bois-papier, le matériel électrique et le matériel électronique. Au contraire ses relatives faiblesses se situent dans les machines, la sidérurgie et les véhicules.

POSITION DE LA CHINE SUR LE MARCHÉ EUROPÉEN, PAR FILIÈRE DE PRODUCTION, 1990-2001

graphique
Source : CEPII.

Dans le secteur des biens d'équipement, la Chine est parvenue à retourner sa position : elle est passée d'un déficit au début des années 90 à un excédent à la fin de la décennie ; cette évolution reflète principalement l'accélération de ses exportations de matériel informatique et de télécommunication.

La position chinoise sur le marché européen est donc marquée par le maintien de points forts traditionnels (textiles, biens de consommation) et l'émergence de points forts dans des secteurs nouveaux et particulièrement porteurs (électronique et matériel électrique, biens d'équipement).

c) Une accélération de la croissance des importations françaises en provenance de Chine

Les importations françaises de Chine connaissent une évolution assez proche de celles l'Union européenne.

La croissance des importations françaises en provenance de Chine accélère en 2004 (+ 22 % à 15,5 milliards de dollars), en lien avec la reprise de la demande intérieure et le niveau élevé de l'euro. 45 % de ces achats, soit 6 milliards de dollars, porte sur des biens de consommation manufacturés, en particulier dans l'habillement-cuir et l'équipement domestique (respectivement 2,5 et 3,5 milliards de dollars).

Cependant, les plus fortes progressions sont enregistrées dans le domaine plus intensif en valeur ajoutée des équipements industriels et des produits intermédiaires, tels que les composants électroniques (+ 31 % à 1 milliard de dollars), les équipements mécaniques (+ 60 % à 600 millions de dollars) et les équipements électriques et électroniques (+ 33 % à 3,5 milliards de dollars). Alors que depuis plus de 10 ans, la Chine accroît ses parts de marché au détriment du reste de l'Asie dans les biens de consommation, il semble donc que sa pénétration s'améliore également dans l'équipement électrique et électronique, cette fois au détriment des pays industrialisés. Elle est par exemple devenue en 2004 notre second fournisseur après l'Allemagne d'équipement électrique et électronique, devant les États-Unis.

2.- La Chine, un investisseur de plus en plus présent dans l'Union européenne et en France

Si le poids économique de la Chine se ressent en France et dans l'Union européenne principalement par son dynamisme commercial, ce pays commence à devenir un investisseur dont il faut tenir compte.

Les investissements chinois en France sont encore très faibles, de l'ordre de quelques dizaines de millions d'euros par an, mais pourraient croître significativement au cours des prochaines années, ce qui a justifié la mise en place d'un bureau de l'Agence française pour l'investissement international (AFII) en 2002 au sein de la mission économique de Shanghai.

D'après les statistiques de l'AFII, sur la période 1993-2003, la Chine est le 31ème pays investisseur en France en termes d'emplois créés et 28ème en nombre de projets réalisés. Elle représente 0,1 % des projets d'investissements étrangers et des emplois correspondants réalisés en France. Sur la période 1993-2003, on recense 6 projets d'investissements chinois, créateurs de 235 emplois.

Selon le bilan annuel de l'AFII, les investissements de Chine populaire, de Taiwan et de Hong Kong en France, soit 14 projets au total, ont fortement cru en 2004, permettant la création ou le maintien de 819 emplois, contre 169 en 2003.

Les 5 principales opérations d'investissement chinoises en France en 2004, d'après une étude de l'AFII

La reprise de Gates Nevers, un équipementier automobile de Nevers (Bourgogne) par le groupe Greencool, a permis de sauver 253 emplois et d'en créer 10 supplémentaires.

La reprise par le groupe Chalkis de l'entreprise agro-alimentaire Le Cabanon - Conserves de Provence, à Camaret-sur-Aigues (Provence-Alpes-Côtes-d'Azur), spécialisée dans la production de conserves de tomates, a permis le maintien de 250 emplois.

L'investissement réalisé par l'entreprise de téléphonie Zhonxing Telecom (ZTE) à Paris a une haute importance en ce qu'il consiste d'une part en une création nette de 100 emplois, et d'autre part parce qu'il s'agit d'emplois qualifiés dans un secteur de pointe : il s'agit en effet d'un centre de recherche et développement consacré aux téléphones mobiles de 3ème génération.

La société chinoise Exploitation Ressource Internationale (ERI), qui recycle des matériaux plastiques et les exporte vers la Chine, s'est installée à Cahors (Midi-Pyrénées) en 2002 avec une soixantaine d'employés et a annoncé la création de soixante emplois supplémentaires en 2004, portant ainsi l'effectif total à près de 120.

La compagnie aérienne China Southern Airlines a établi son siège français sur l'avenue des Champs-Élysées à Paris, et a créé une quarantaine d'emplois.

D'autres entreprises chinoises ont également investi en France cette année, mais il s'agit de projets de plus petite envergure pour l'instant, principalement sous la forme de bureaux commerciaux.

La Chine et l'Union européenne ne sont donc pas tant des rivaux dans l'économie mondiale, que des partenaires.

Il y a de part et d'autre une volonté politique de renforcer des relations fondées sur des complémentarités économiques et des intérêts communs. Certains signes en témoignent : ainsi, en 2003, l'Union européenne a reconnu la Chine comme un « partenaire stratégique » ; la Chine a par ailleurs confirmé sa participation dans le système européen de navigation par radiosatellite Galiléo, rival du système américain GPS.

Pour la Chine, l'Europe est à la fois une grande puissance économique et commerciale (en voie d'élargissement) et un partenaire capable de contrebalancer la domination américaine et de favoriser un monde multipolaire. L'Europe doit prendre part au développement de l'économie chinoise qui devient un des moteurs de la croissance mondiale et un acteur de premier plan dans les relations internationales.

B.- LA CHINE, UN PARTENAIRE INCONTOURNABLE POUR LA FRANCE

1.- Une France en retrait dans les échanges avec la Chine

En matière d'exportations vers la Chine et d'investissements directs en Chine, la France se classe au deuxième et au troisième rang des pays de l'Union européenne, loin derrière l'Allemagne qui réalise à elle seule quasiment autant d'exportations que le reste de l'Union européenne.

a) Les exportations françaises vers la Chine

Si la France est le deuxième fournisseur européen de la Chine, elle n'est que le quinzième fournisseur mondial du pays, loin derrière l'Allemagne. Les résultats enregistrés par les entreprises françaises en Chine, plutôt décevants, disposent néanmoins d'une marge de progression importante.

La part de marché de la France en Chine s'élève à 1,35 % en 2004, confirmant la baisse tendancielle enregistrée entre 1997 et 2002, période au cours de laquelle la part de marché de la France a chuté de 2,8 % à 1,4 %. Si la croissance des exportations en 2004 suit un rythme rapide (+ 15 % pour s'établir à 5,3 milliards d'euros), se situant au-dessus de la moyenne des années 1998-2003 (+ 9 % par an en moyenne) mais en dessous du résultat de 2003 (+ 32 %), ce rythme est bien inférieur à la progression des importations chinoises (+ 36 % en 2004, contre une moyenne de 24 % par an entre 1998 et 2003).

Le recul relatif de la France ne constitue toutefois pas une tendance propre à notre pays. Il concerne tout autant les États-Unis, le Japon, ainsi que la plupart des pays européens, à l'exception notable de l'Allemagne.

STRUCTURE PAR ZONE PARTENAIRE DES IMPORTATIONS TOTALES DE LA CHINE

(en pourcentage)

graphique
graphique

Source : CEPII.

L'évolution des échanges mondiaux depuis le milieu des années 1990 montre que l'Asie joue un rôle de plus en plus important comme fournisseur de la Chine (elle assure les deux tiers de ses importations) et que, parallèlement, les États-Unis et l'Union européenne voient leur rôle de fournisseur stagner, voire régresser (13 % des importations chinoises proviennent des États-Unis et 15 % de l'Union européenne).

Le recul de la France résulte principalement d'une spécialisation sectorielle insuffisamment adaptée à la demande chinoise. En effet, la forte croissance de la demande chinoise n'a d'impact que si elle est relayée par une spécialisation sectorielle appropriée. Les importations chinoises répondent ainsi principalement à deux impératifs : les besoins des industries d'assemblage et la demande interne, notamment en produits énergétiques.

STRUCTURE PAR FILIÈRE DES IMPORTATIONS TOTALES DE LA CHINE

(en pourcentage)

graphique

Source : CEPII.

Comme le montre le graphique précédent, les principaux postes d'importations concernent l'électronique, en très forte progression, la mécanique, la chimie, l'électrique et les produits énergétiques. Au sein des trois grandes filières d'importation que sont la mécanique, l'électronique et l'électrique, la très grande majorité des produits sont des biens d'équipement : ils représentent les 2/3 des importations de la mécanique et plus de 90 % des importations de l'électronique et de l'électrique. Les machines et équipements, dont le poids parmi les exportations a fortement augmenté entre 1993 et 2002, occupent ainsi près de la moitié des importations chinoises. Les importations de matières premières et de combustibles enregistrent également une forte progression, résultant de l'explosion de la demande de l'économie chinoise (cf I. B.).

Par conséquent, les fournisseurs qui progressent actuellement le plus vite, tels l'Amérique Latine (+ 46 %), l'Australie (+ 58 %) ou encore l'Afrique (+ 87 %), ont pour point commun d'exporter principalement des matières premières et des produits énergétiques, secteurs dans lesquels la Chine importait jusqu'à présent en quantité limitée mais dont les besoins ont explosé sur les deux dernières années (+ 50 à 60 % par an, voire plus selon les secteurs). Trois pays, l'Inde, le Brésil et l'Arabie Saoudite, ont ainsi exporté, pour la première fois, davantage que la France, relayant cette dernière du 12ème au 15ème rang mondial des fournisseurs de la Chine.

Le deuxième facteur permettant d'expliquer la faiblesse de la position française réside dans l'importance du « processing trade », c'est-à-dire des usines d'assemblage en Chine, qui procèdent à des importations de biens intermédiaires pour les re-exporter sous forme de produits finis. Ce processus constitue en effet, depuis plus de 15 ans, le rôle moteur des importations chinoises. Il est ainsi à l'origine de 40 % des achats chinois en 2004. Or, celui-ci s'effectue principalement avec les pays industrialisés d'Asie, et, dans une moindre mesure, avec les États-Unis. La France est, pour sa part, quasiment absente de ce mouvement.

Compte tenu de la spécificité des importations chinoises, centrées sur les produits énergétiques et les produits destinés au « processing trade », on pourrait penser que la faiblesse de la position française est partagée par l'ensemble des pays européens. Or, il apparaît que le principal voisin de la France, l'Allemagne, enregistre des résultats bien meilleurs. Ainsi, l'Allemagne est le premier fournisseur européen de la Chine, avec une part de marché s'établissant à 5,4 %.

Par ailleurs, la part de la France parmi les fournisseurs européens, après avoir fluctué autour de 15 % dans les années 1990, a décliné de 14 % en 2000 à 12 % en 2003. Comme le montre le graphique suivant, l'évolution de la part de marché de la France apparaît cyclique et à contretemps de l'évolution de la position de l'Allemagne. Le déclin récent de la position de la France correspond ainsi à la montée en puissance de l'Allemagne, qui érode aussi la position des autres exportateurs européens, comme le Royaume Uni.

STRUCTURE PAR PAYS-MEMBRE DES IMPORTATIONS DE LA CHINE EN PROVENANCE DE L'UNION EUROPÉENNE À 15

graphique
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Source : CEPII.

La France fait, en outre, partie des pays européens dont la croissance des exportations vers la Chine se situe en dessous de la moyenne européenne, tandis que l'Allemagne, la Suède, la Finlande, le Danemark, l'Irlande, les Pays-Bas et la Belgique se situent au-dessus.

TAUX DE CROISSANCE DES IMPORTATIONS TOTALES CHINOISES
EN PROVENANCE DES PRINCIPAUX PARTENAIRES EUROPÉENS

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Source : CEPII.

Par conséquent, si les résultats en demi-teinte de la France s'expliquent, en partie, par la place du « processing trade » et des besoins énergétiques de la Chine, ils découlent également d'une insuffisante spécialisation de la France sur les biens d'équipement demandés par la Chine. En effet, par comparaison, les bons résultats de l'Allemagne témoignent qu'il est possible d'exporter fortement vers la Chine, même si l'on ne dispose pas de matières énergétiques ou qu'on ne s'inscrit pas dans le cadre du « processing trade ».

La prépondérance des biens d'équipement dans les importations chinoises, en particulier au sein des importations en provenance de l'Union européenne, témoigne des besoins créés par le développement économique du pays et par l'effort d'investissement qui le sous-tend. La croissance chinoise repose en effet sur un taux d'investissement exceptionnellement élevé, supérieur à 40 % du PIB en 2003. Les importations de biens d'équipement concernent principalement deux filières, la filière mécanique, qui représente un tiers des importations, et la filière électronique, dont la part a fortement augmenté au cours des dix dernières années et atteint 20 % de ses importations. Or, il ressort d'une comparaison entre l'Allemagne et la France que, dans la filière mécanique, la position de la France se dégrade depuis 2000, tandis que celle de l'Allemagne progresse depuis 1996 (cf. graphique). Ceci résulte notamment du fait que la plupart des exportations réalisées dans cette filière par la France résulte de livraisons aéronautiques, au caractère cyclique, alors que l'Allemagne exporte davantage des machines et des équipements.

STRUCTURE PAR PAYS-MEMBRE DES IMPORTATIONS DE LA CHINE EN PROVENANCE DE L'UNION EUROPÉENNE DANS LA FILIÈRE MÉCANIQUE

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Source : CEPII.

Dans l'électronique, si la France enregistre une forte progression depuis le début des années 1990, elle reste, avec 15 % des exportations européennes, bien en deçà de l'Allemagne (35 %).

STRUCTURE PAR PAYS-MEMBRE DES IMPORTATIONS DE LA CHINE EN PROVENANCE DE L'UNION EUROPÉENNE DANS LA FILIÈRE ÉLECTRONIQUE

graphique
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Source : CEPII.

S'agissant de la chimie, la position de la France s'établit à un peu plus de 10 %, contre près de 35 % pour l'Allemagne. Enfin, on peut parler d'une véritable déroute des exportateurs français de véhicules depuis 1988, puisque la part dans les exportations européennes vers la Chine est passée de plus de 50 % à un peu moins de 10 %, l'Allemagne assurant désormais 80 % des exportations européennes. Ce constat doit néanmoins être nuancé, compte tenu de l'implantation locale des constructeurs français.

Ainsi, le point de recouvrement de l'offre française avec la demande chinoise se situe aujourd'hui surtout dans les biens d'équipement. Ce segment a représenté 52 % des exportations françaises en Chine, soit deux fois plus que sa part dans nos exportations totales. Les équipements mécaniques (+ 25 % à 1 milliard d'euros) et les équipements électriques et électroniques (+ 29 % à 540 millions d'euros) enregistrent de bonnes performances mais le poste le plus important demeure celui des transports avec l'aéronautique et le ferroviaire (+ 22 % à 1,2 milliard d'euros). Les biens intermédiaires (second point fort, avec 29 % des ventes françaises en Chine), en particulier les produits chimiques et composants électroniques), progressent à un rythme moindre (+ 10 % à 1,5 milliard d'euros). Les exportations automobiles ralentissent (+ 14 % après + 24 % en 2003), mais correspondent à l'évolution du marché chinois, qui s'appuie davantage sur la production locale. Les produits pharmaceutiques et d'entretien progressent fortement (+ 29 %, à 170 millions d'euros), de même que les produits de l'industrie agroalimentaire (+ 36 %, à 150 millions d'euros). Malheureusement, ces résultats par secteur, qui s'affichent en progression, ne reflètent pas la réalité de la situation française, qui enregistre une dégradation relative de sa position.

Outre une spécialisation sectorielle ne correspondant pas parfaitement à la demande chinoise, la France souffre d'un tissu industriel moins performant à l'export que celui de l'Allemagne.

Comme l'ont souligné Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au Commerce extérieur, et M. François Loos, ministre délégué à l'Industrie, lors de leurs auditions par vos rapporteurs, il apparaît que le tissu économique allemand est plus riche en moyennes entreprises, susceptibles de lever des fonds et disposant du savoir-faire pour exporter. Les PME allemandes seraient ainsi deux fois plus grosses que les PME françaises.

Il existe ainsi en Allemagne une concordance forte entre la spécialisation dans les biens d'équipement et la taille des entreprises, qui explique en grande partie ses bons résultats à l'export vers la Chine. Sont en effet plus particulièrement présentes en Chine des PME allemandes de bonne taille produisant des biens d'équipement.

Au contraire, en France, les exportations vers la Chine sont principalement le fait des grands groupes nationaux. Parmi les 4.800 exportateurs vers la Chine, 78 % sont des PME, mais, en valeur, ce sont les grands groupes qui réalisent la plus grande part des exportations. Les PME françaises sont réticentes à conquérir le marché chinois, car, en raison de sa taille et de sa complexité, il nécessite des études de marché approfondies, mais également une vision à long terme ainsi que qu'une grande disponibilité des dirigeants. Par ailleurs, la mauvaise réputation de la Chine en matière de protection des droits de la propriété intellectuelle décourage un certain nombre de PME.

Les performances décevantes de la France par rapport à l'Allemagne s'expliquent également par des raisons historiques. En effet, l'Allemagne peut s'appuyer sur ses sociétés de commerce installées en Asie, notamment à Shanghai, tandis la France a, pendant longtemps, privilégié sa zone d'influence africaine.

Enfin, comme l'a souligné M. François Loos, ministre délégué à l'Industrie, lors de son audition par vos rapporteurs, les industriels français ont été frappés par l'échec de Citroën dans sa tentative d'implantation dans les années 1980 : la Chine est alors apparue comme un marché difficile.

Au total, bien que la Chine représente seulement 1,6 % des ventes mondiales de la France, elle constitue l'un des débouchés d'exportation les plus dynamiques de la France. En termes de contribution à la croissance, la Chine est à l'origine d'un supplément d'exportation de 685 millions d'euros entre 2003 et 2004, se situant ainsi au sixième rang de nos acheteurs derrière l'Allemagne, l'Italie, les États-Unis, la Turquie et les Pays-Bas. Par conséquent, il apparaît impératif de tirer parti du gisement d'opportunités que représente la Chine.

Enfin, il convient de souligner que, au-delà des échanges de marchandises, ceux des services, beaucoup plus difficiles à mesurer, se développent rapidement. Les sociétés françaises sont de plus en plus actives en Chine, notamment dans les secteurs de l'ingénierie, de l'architecture, des assurances, des services financiers, de l'hôtellerie et des transports, aériens et maritimes.

b) Les investissements français en Chine

Les investissements des entreprises françaises en Chine, en fort développement, sont un facteur de plus en plus important de notre relation bilatérale.

Selon les sources chinoises, qui comptabilisent également les apports bancaires, le stock des investissements français en Chine atteindrait près de 6 milliards de dollars en 2003, soit 1,2 % du total accueilli par la Chine, plaçant la France au 10ème rang des investisseurs étrangers (alors qu'elle était au 8ème rang en 2002), derrière le Royaume-Uni (2,4 %) et l'Allemagne (1,8 %).

Selon la Banque de France, dont les données sont construites différemment, les investissements directs à l'étranger (IDE) français en Chine s'élèvent à 198 millions d'euros en 2003. La Chine représente ainsi 0,4 % de nos investissements à l'étranger et constitue notre deuxième cible d'investissement en Asie, loin derrière le Japon. L'accélération des IDE français en Chine devient nette à partir de 1995, ceux-ci s'établissant dès lors dans une fourchette allant de 200 à 400 millions d'euros.

Pour autant, la présence française n'est pas négligeable et semble connaître une accélération : plus de 600 entreprises françaises ont investi en Chine, employant plus de 150.000 personnes dans plus de 1.000 implantations.

Les investissements sont surtout le fait de grands groupes développant leurs activités en Chine (PSA, EDF, Alcatel, Michelin, Total, Rhodia, Aventis, Lafarge, Saint-Gobain, Thomson, Schneider, Alstom, Carrefour, Ondéo, Veolia, Danone, L'Oreal). Mais la présence des PME s'accroît rapidement, comme semble le prouver la multiplication des nouveaux projets (269 projets signés en 2003, soit une hausse de 66 %), tandis que le montant total investi (723 millions de dollars de promesses d'investissements) enregistre une baisse de 17 %. La présence française est plus importante, par rapport à la moyenne des autres investisseurs étrangers, dans les secteurs de l'eau, du gaz et de l'électricité, dans la finance, la distribution, et l'automobile, secteurs qui connaissent ou vont connaître une forte expansion.

Le caractère relativement modeste de la place de la Chine parmi les IDE français et de la place des entreprises françaises parmi les IDE réalisés en Chine s'expliquent, d'une part, par l'éloignement géographique et, d'autre part, par la stratégie même des entreprises françaises.

En effet, la comparaison avec les IDE des pays asiatiques confirme que la proximité géographique et culturelle joue un rôle déterminant. La Chine est ainsi une destination beaucoup plus importante pour les IDE des entreprises asiatiques : elle reçoit 3 % des IDE du Japon et 15 % des IDE de la Corée du Sud. Si Hong Kong, en incluant le recyclage de capitaux de Chine continentale, détient environ 45 % du stock des investissements directs étrangers en Chine, l'Union européenne et les États-Unis se positionnent loin derrière avec respectivement 8 % et 9 % environ du stock. La France, comme la plupart des pays européens privilégient les IDE dans les pays développés. Les investissements directs à l'étranger des entreprises européennes sont ainsi très concentrés sur les pays de la zone OCDE et les flux vers la Chine ont un poids marginal. C'est pourquoi la Chine ne représente que 0,3/0,4 % des IDE de la France et du Royaume Uni et 1,3 % des IDE de l'Allemagne. Ces statistiques tendent à indiquer qu'il existe une marge de progression importante pour les investissements européens en Chine.

Les stratégies des entreprises asiatiques et européennes sont également différentes. Les IDE des entreprises européennes en Chine ont visé principalement à desservir le marché intérieur chinois, alors que ceux des entreprises asiatiques ont visé davantage à créer des bases d'exportation sur le continent. Les entreprises asiatiques ont pleinement tiré parti de la politique chinoise favorisant les IDE dans les entreprises exportatrices, alors que les entreprises européennes devraient désormais bénéficier de l'ouverture du marché intérieur de la Chine, à la suite de ses engagements pris dans le cadre de son accession à l'OMC. Avec la libéralisation des IDE en Chine, les deux stratégies deviennent moins alternatives que complémentaires.

2.- La Chine, un gisement d'opportunités pour la France

Les atouts des entreprises françaises en Chine sont nombreux : les points forts de l'économie française coïncident avec ces priorités de l'économie chinoise que sont l'énergie, les transports et la protection de l'environnement et avec les domaines qui connaîtront le plus fort développement avec l'élévation du niveau de vie. C'est à nos entreprises, soutenues par les pouvoirs publics, qu'il revient désormais de tirer pleinement parti de la forte croissance chinoise.

a) Des opportunités croissantes...

La Chine constitue un véritable gisement d'opportunités pour la France à moyen et long terme : les secteurs où la demande est appelée à se développer correspondent à des domaines dans lesquels la France dispose d'une spécialisation forte et, par conséquent, d'un grand savoir-faire.

Ainsi, comme on l'a vu précédemment, la Chine souffre d'un déficit énergétique croissant et cherche à garantir ses approvisionnements en produits énergétiques. Dans cette perspective, les autorités chinoises prévoient de doter le pays d'une capacité électrique deux fois supérieure à celle de la France d'ici à 2010 et de se tourner vers le nucléaire, domaine dans lequel la France figure parmi les leaders mondiaux.

Dans le domaine des centrales électriques, Alstom joue déjà un rôle majeur, notamment dans le cadre du projet de centrale à charbon « à lit fluidisé circulant » de Baïma ainsi que du barrage des Trois Gorges. Si la mise en œuvre du plan nucléaire est heurtée, elle constitue néanmoins une véritable opportunité pour les entreprises françaises. Plusieurs appels d'offre ont ainsi été remportés, portant sur l'assistance technique et la fourniture d'équipements, sur les sites de Qinshan et de Ling Ao. Le plan officiel chinois prévoit, en outre, le lancement d'un appel d'offres international relatif à quatre tranches de technologie plus avancée, sur les sites de Sanmen et Yangjiang. Ouvert aux technologies dites de la génération 3 des réacteurs à eau sous pression, cet appel d'offres pourrait être remporté par Areva, qui est toutefois concurrencé par Westinghouse. Il convient de souligner le changement de nature des appels d'offres chinois : alors que ceux-ci étaient globaux dans les années 1990, ils accordent désormais une part croissante aux fournisseurs locaux et aux transferts de technologie. Ainsi, les projets de Qinshan et de Ling Ao seront réalisés sous maîtrise d'œuvre chinoise et les appels d'offres ont porté sur des lots séparés de composants et non sur des ensembles fonctionnels constitués (îlot nucléaire et îlot conventionnel).

La France a également une carte à jouer dans le secteur des infrastructures et des transports. La Chine prévoit en effet de développer fortement sa flotte aérienne et de construire 12.000 km de voies de chemin de fer.

Le marché chinois des avions civils de plus de cent places (incluant Hong Kong et Macao) se situe aujourd'hui, selon l'IATA (International air transport association), au deuxième rang mondial, avec un taux de croissance qui devrait se maintenir dans les prochaines années autour de 8 %. Ceci représente un minimum de 1.200 appareils neufs à livrer sur la période 2003-2022. Airbus, avec 181 appareils, soit 26 % de la flotte en service en Chine (15) (contre Boeing qui en détient plus de 70 %), fait preuve d'un fort dynamisme : les nouvelles commandes du constructeur en Chine dépassent aujourd'hui celles de son concurrent américain. Au cours des trois dernières années, Airbus a signé des contrats fermes avec les autorités et les compagnies aériennes chinoises portant sur 120 appareils et les perspectives de commandes pour 2005 donnent plutôt l'avantage à l'européen. Par ailleurs, Airbus entretient avec la Chine une coopération industrielle soutenue. Ainsi, Airbus s'est engagé à transférer la technologie de fabrication de l'aile d'A320 et a accueilli 12 ingénieurs chinois au sein des équipes de développement de l'A318. En outre, Airbus et ses sous-traitants font fabriquer différents types de portes des familles A320 et A340 dans les usines de Xi'an, Chengdu et Shenyang. Au total, depuis 1985, Airbus aura sous-traité à l'industrie chinoise un montant supérieur à 600 millions de dollars. Aujourd'hui, un quart des 3.500 Airbus en service dans le monde est équipé de composants fabriqués en Chine.

Deux domaines doivent être privilégiés dans les prochaines années : les hélicoptères et le secteur spatial. Eurocopter est le partenaire privilégié des Chinois dans les hélicoptères depuis plus de 30 ans. Après le co-développement réussi de l'EC120 avec l'industriel AVIC II et l'entreprise singapourienne ST Aero, et l'ouverture récente d'une ligne de fabrication de l'appareil à Harbin, les discussions se concentrent aujourd'hui sur le développement conjoint d'un hélicoptère de 6 tonnes.

Dans le secteur spatial, la coopération bilatérale, surtout menée par Alcatel Space, mérite d'être renforcée. Elle se heurte toutefois au problème des transferts de technologie. Par ailleurs, la participation de la Chine au programme Galiléo, prévue à hauteur de 200 millions de dollars, pourrait offrir aux industriels français des perspectives de coopération intéressantes, notamment avec Thales, qui fait déjà partie d'une une joint-venture dans le domaine de l'exploitation commerciale des données de positionnement par satellites.

Les transports terrestres, ferroviaires et urbains, fortement appelés à se développer, constituent également un gisement d'opportunités pour les entreprises françaises. Le projet de train à grande vitesse Pékin-Shanghaï est encore incertain, mais la technologie roue/rail semble maintenant retenue. Le TGV français devra faire face à la concurrence du Shinkansen japonais et de l'ICE 3 allemand. Ce sont à court terme les projets de trains roulant à 200-250 km/h qui offrent les plus belles opportunités. Alstom a ainsi conclu avec l'usine ferroviaire de Changchun des contrats de fourniture et de transfert de technologie de portant sur 60 automotrices électriques et un contrat portant sur la livraison, en partenariat avec l'usine de Datong, de 180 locomotives électriques pour fret. Toutefois, Alstom est, là encore, soumis à la forte concurrence japonaise et allemande.

Pour accompagner les entreprises françaises dans les projets d'augmentation de la vitesse des trains, un protocole financier de 80 millions d'euros, pour financer la signalisation de la ligne ferroviaire Qinhuangdao-Shenyang, a été signé en mai 2001, et une étude sur les ouvrages d'art de la ligne Pékin-Shanghaï est en cours de réalisation. Un projet de l'ordre de 150 millions d'euros pour la ligne Shijiazhuang-Taiyuan est également en cours d'instruction.

Dans le domaine des transports urbains, les projets se multiplient dans la vingtaine de villes chinoises qui comptent plus de plus de 5 millions d'habitants. Alstom, après avoir obtenu un premier succès en 1999 sur la ligne 3 du métro de Shanghai, a remporté le contrat du matériel roulant du métro de Nankin en avril 2002 et plusieurs contrats à Shanghai en 2003 et 2004.

La Chine prévoit enfin de devenir le premier marché automobile du monde en 2020. Le gouvernement estime ainsi que la demande s'établira à 9,4 millions de véhicules en 2010, 13,5 millions en 2015 et 18,9 millions en 2020, ce qui représente une croissance annuelle de 11 % entre 2004 et 2010, puis de 8 % entre 2010 et 2020. Sur les 18,9 millions de véhicules prévus en 2020, plus de 17 millions seraient des voitures particulières. Rappelons qu'aujourd'hui, seulement 3 % de la population possède une voiture. Si les perspectives offertes par ce marché sont importantes, plusieurs éléments doivent néanmoins être pris en compte : le marché connaît actuellement un ralentissement de sa croissance, qui demeure néanmoins toujours élevée (15 % en 2004 contre 75 % en 2003 et 37 % en 2002), la concurrence entre les constructeurs étrangers, qui sont tous présents, est vive, et, enfin, le développement de ce marché demeure subordonné à la construction de nouvelles infrastructures routières.

Comme l'a souligné M. ZHAO Jinjun, Ambassadeur de Chine en France, lors de sa rencontre avec vos rapporteurs, la protection de l'environnement constitue désormais une préoccupation des autorités chinoises. En effet, le mode de développement économique privilégié par la Chine a pour conséquence une forte dégradation de l'environnement. En particulier, le traitement de l'eau et des déchets apparaît comme une priorité. Seulement 26 % des 25 milliards de m3 d'eaux usées ménagères et 89 % des 21 milliards de m3 d'eaux usées industrielles ont été traités en 2003. Chaque année, la Chine doit faire face à 1 milliard de tonnes de déchets ménagers, alors qu'elle n'est capable d'en traiter que la moitié. Aussi, en 2003, la Chine a investi 20 milliards de dollars dans ce secteur et les investissements devraient croître de 10 % par an dans les dix ans à venir. D'ores et déjà, d'importantes sociétés françaises, comme Véolia et Ondeo, sont présentes en Chine. Toutefois, compte tenu des perspectives offertes par le marché chinois, la présence des entreprises françaises devrait encore être renforcée.

Par ailleurs, il convient de souligner que, compte tenu de l'augmentation continue du niveau de vie de la population chinoise et de l'assouplissement progressif de la réglementation relative à la présence de sociétés étrangères, la demande va se porter davantage sur les biens de consommation et les services, pour lesquels l'économie française est mieux positionnée.

Ainsi, selon l'étude de BNP Paribas Peregrine précédemment citée, à l'horizon 2010, le revenu moyen devrait s'élever à 2.000 dollars par habitant et la classe moyenne s'étendre à 25 voire 30 % de la population. 100 à 120 millions de ménages disposeraient alors d'un revenu annuel de l'ordre de 70.000 à 100.000 renminbi (ou yuan). L'émergence en Chine de catégories sociales à haut revenu qui constituent un marché solvable pour les biens de consommation occidentaux est déjà une réalité, comme en témoigne la croissance rapide des importations de biens de consommation, jusqu'à présent très faibles (3 % des importations en 2003). Selon Mme Françoise Lemoine, économiste au CEPII, cette catégorie regroupe entre 10 et 20 millions de personnes, soit une très faible fraction de la population chinoise, mais elle représente un marché non négligeable pour les entreprises étrangères.

Au fur et à mesure de l'élévation du niveau de vie des ménages, la demande de services ne peut que s'accélérer, tant dans les secteurs traditionnels (restauration, hôtellerie, commerce, immobilier...) que dans les secteurs plus sophistiqués (éducation, santé, services financiers...). Conjuguées à l'ouverture des services aux IDE, l'élévation du niveau de vie et l'émergence d'une classe aisée offrent ainsi des opportunités nouvelles dans des secteurs où les entreprises françaises disposent d'atouts, comme les banques, les assurances ou la distribution. On notera que Carrefour, avec une cinquantaine d'hypermarchés, est actuellement le premier groupe étranger de distribution en Chine.

S'agissant plus particulièrement du secteur financier, celui-ci devrait, à moyen terme, devenir un secteur important de coopération, le capital des grandes banques chinoises s'ouvrant progressivement. Les perspectives offertes par le marché chinois sont immenses. Comme on l'a vu précédemment, les dépôts bancaires en Chine dépassent déjà 1.300 milliards de dollars et l'essor attendu des opérations bancaires est considérable. Ainsi, sur le marché des cartes de crédit, les opérations devraient progresser de plus de 50 % par an au cours des huit prochaines années, selon la Banque mondiale. Certes, la présence de banques étrangères en Chine n'est pas exempte de risques. Il n'en demeure pas moins qu'il est regrettable que les banques françaises ne tirent pas davantage profit de ce marché en expansion. Le néerlandais ING est en effet le seul établissement de la zone euro à avoir investi dans une banque chinoise, la Bank of Beijing.

Ainsi, il ressort de l'examen de ces quelques secteurs que la France a une carte maîtresse à jouer en Chine. Certes, un grand nombre d'entreprises françaises sont déjà présentes et dynamiques en Chine, il n'en demeure pas moins que les résultats français en termes d'export et d'IDE disposent d'une marge de progression importante. Il revient désormais aux entreprises françaises, aidées par les pouvoirs publics, de dépasser leurs craintes pour tirer pleinement parti des opportunités qu'offre le développement économique chinois.

b) ...dont la France doit mieux tirer parti

Le gouvernement a lancé un certain nombre d'initiatives pour inciter les entreprises françaises, et plus particulièrement les PME, à se tourner vers le marché chinois. Celles-ci doivent toutefois être renforcées et complétées.

Ainsi, un plan d'action commerciale, portant sur la période 2003-2005, a été approuvé lors du comité pour l'exportation du 24 septembre 2003. Cinq axes ont été définis afin de renforcer la présence des entreprises françaises sur le marché chinois : renforcer l'information des entreprises, promouvoir la participation aux salons professionnels, développer les missions collectives, rechercher les opportunités d'affaires, lancer des initiatives spécifiques en faveur des PME et, enfin, renforcer et former les ressources humaines. Toutefois, la mise en œuvre de ce plan semble souffrir d'un manque de suivi. Ainsi, alors que la période d'exécution du plan touche bientôt à sa fin, Mme Christine Lagarde, ministre délégué au Commerce extérieur, a indiqué à vos Rapporteurs qu'elle ne disposait pas de données permettant d'effectuer un premier bilan, à mi-parcours par exemple.

Le Président de la République a par ailleurs fixé un objectif ambitieux lors de son déplacement en Chine en octobre 2004 : doubler en trois ans le nombre de PME exportatrices vers la Chine, c'est-à-dire passer de 3.500 entreprises exportatrices en 2004 à 7.000 à la fin de l'année 2007.

Dans cette perspective, le ministre délégué au Commerce extérieur a lancé l'opération « 1.000 nouvelles PME en Chine en 2005 », qui se traduit notamment par l'organisation de trois manifestations phares en Chine, pour lesquelles Ubifrance accorde, de façon exceptionnelle, une subvention aux PME participantes :

- l'exposition « France des maisons à vivre », qui s'est tenue du 5 au 9 juillet à Pékin, réunissant une centaine d'entreprises françaises, notamment des PME, intervenant dans le secteur haut de gamme de l'aménagement de la maison, qui connaît un intérêt croissant auprès de la classe aisée émergente ;

- le forum PME Chine du sud, qui aura lieu à Canton, du 11 au 15 septembre. Conçu sous la forme d'une mission de découverte et de contact, l'opération se déroulera à l'occasion de la foire des PME de Chine qui devrait réunir 3.000 à 5.000 PME chinoises. Les entreprises françaises qui le souhaitent pourront exposer au sein d'un pavillon français mis à disposition par les autorités de la province du Guangdong ;

- le forum PME Chine de l'Est, du 16 au 19 novembre à Shanghai, qui devrait réunir 300 PME françaises de tous secteurs et 500 entreprises chinoises des secteurs correspondants. L'objectif est de rechercher des partenaires pour les PME françaises qui ont décidé de s'implanter en Chine.

Malgré les moyens déployés, il semble que les PME françaises se montrent toujours très méfiantes vis-à-vis du marché chinois et privilégient d'autres marchés qu'elles jugent plus proches et moins risqués, mais qui sont peut-être également moins porteurs à moyen et long terme. L'exemple du forum PME Chine du Sud, dont la France est l'invité d'honneur, est révélateur du manque d'intérêt des PME françaises pour le marché chinois. En effet, alors que 300 PME françaises sont attendues, seuls 24 bulletins d'inscription avaient été reçus par Ubifrance au 28 juin. Pour sa part, M. ZHAO Jinjun, Ambassadeur de Chine en France, a confirmé la présence de 5.000 PME chinoises. Aussi, vos Rapporteurs souhaitent alerter les acteurs publics et privés : chacun doit désormais se mobiliser. En particulier, il serait souhaitable que les élus, qui ont de nombreux contacts avec les PME, relaient auprès d'elles les manifestations susceptibles de les intéresser.

Pour convaincre les entreprises françaises de se lancer dans l'aventure chinoise, la priorité est en effet avant tout de mieux les informer des opportunités que présente le marché chinois, et, surtout, des conditions dans lesquelles elles peuvent intervenir sur ce marché. La méconnaissance des marchés et des outils à leur disposition constitue en effet autant de freins à l'exportation. Il convient en particulier d'apaiser les craintes des entrepreneurs français quant à la différence culturelle. Certes, celle-ci ne peut être négligée. Il n'en demeure pas moins que toutes les entreprises occidentales y sont confrontées, quelle que soit leur taille ou le secteur d'activité dans lequel elles interviennent, et la surmontent. Les missions économiques, Ubifrance et les chambres de commerce et d'industrie ont un rôle primordial à jouer en matière d'information et de sensibilisation des entreprises. Mais au-delà, tous les acteurs, et plus particulièrement la CGPME, la Coface, le Comité France Chine du MEDEF, les Conseillers du commerce extérieur de France et de Chine, OSEO, Partenariat France et les collectivités locales doivent être mobilisés.

Par ailleurs, il apparaît que, face aux difficultés que peut présenter la pénétration du marché chinois, les entreprises, et tout particulièrement les PME, ont intérêt à se regrouper, afin de mutualiser leurs moyens et partager leurs expériences. La formule du « portage » par des grands groupes doit également être encouragée. Les regroupements peuvent s'effectuer au niveau régional ou national, mais il serait encore plus opportun qu'ils soient effectués au niveau européen.

En effet, il est regrettable que les pays européens présents en Chine se placent davantage dans une position de concurrence plutôt que d'entraide. C'est particulièrement vrai dans le cas de l'Allemagne, qui intervient souvent dans les mêmes secteurs que la France, avec toutefois, comme on l'a vu, une spécialisation plus poussée en matière de biens d'équipement et de machines dans la mécanique et l'électronique. L'exemple des exportations dans le secteur automobile est, à cet égard, révélateur. Ainsi, alors que l'Allemagne assurait en 1998 environ 40 % des exportations européennes de véhicules et la France un peu plus de 50 %, elles en réalisent en 2002 respectivement 80 % et moins de 10 %. De manière plus générale, entre 1998 et 2003, la part de marché relative de la France s'est dégradée de 16,7 % en moyenne par an, en raison de la stagnation des exportations françaises et de la progression des exportations allemandes (16). Aussi, apparaît-il nécessaire de développer une plus grande coopération entre les entreprises européennes.

Face à la concurrence des autres entreprises étrangères, les entreprises françaises doivent répondre, dans la limite du possible, aux demandes de transfert de technologies, qui apparaissent de plus en plus comme une contrepartie de l'implantation d'entreprises étrangères sur place. En effet, les autorités chinoises et les entreprises chinoises, conscientes des opportunités que représente leur marché, font jouer la concurrence entre les sociétés étrangères, en particulier en exigeant des transferts de technologie de plus en plus importants. Par ailleurs, la lutte contre la contrefaçon, que redoutent tout particulièrement les entreprises françaises, doit être accentuée. Bien que la Chine soit partie aux conventions internationales relatives à la propriété intellectuelle, que 350.000 brevets (soit le même niveau qu'aux États-Unis) aient été déposés en 2004 et que 600.000 nouvelles marques (dont 50 % provenant de l'étranger) bénéficient chaque année d'une protection, la contrefaçon s'intensifie et évolue. Ainsi, la valeur totale des contrefaçons qui circulent en Chine chaque année est évaluée entre 15,5 et 20,5 milliards d'euros. Près de 30 % des saisies françaises proviennent de Chine. Aussi, apparaît-il nécessaire d'accroître les mesures en faveur de la lutte contre la contrefaçon. À cet égard, la mise en place du comité franco-chinois de lutte contre la contrefaçon doit permettre de renforcer la coopération bilatérale en la matière.

Enfin, compte tenu du dynamisme de la communauté chinoise en France, dont de nombreux membres sont à la tête de PME, il serait intéressant de développer le partenariat franco-chinois en s'appuyant sur leur connaissance du pays et les liens qu'ils ont pu conserver sur place. Une autre forme de collaboration à privilégier réside dans l'accueil de davantage d'étudiants chinois dans les universités et grandes écoles françaises. En effet, les liens économiques mais également politiques et culturels entre deux pays reposent avant tout sur les relations nouées entre les hommes et les femmes de ces pays.

CONCLUSION

Face aux opportunités considérables que représente la Chine pour les entreprises françaises, notamment celles intervenant dans les secteurs de l'énergie, des transports, de la protection de l'environnement, des biens de consommation et des services, l'ensemble des acteurs français du commerce extérieur doit se mobiliser.

Un travail de pédagogie de la part des dirigeants politiques est nécessaire, afin de présenter la Chine aux Français non plus comme un « péril » mais comme une opportunité pour les entreprises, et donc pour l'emploi. Face à la montée en puissance de la Chine sur les marchés mondiaux, la réaction protectionniste est vaine : en termes de coûts de production, il est impossible pour les pays occidentaux de rivaliser. Au contraire, le partenariat entre la France et la Chine doit être développé. L'augmentation des échanges entre ces deux pays offre la possibilité d'un jeu gagnant-gagnant.

Compte tenu du fort contenu en croissance et en emplois des exportations, il apparaît nécessaire d'apporter un soutien plus appuyé aux PME françaises, souvent réticentes à l'idée de se développer sur le marché chinois. Il convient notamment de mieux les informer et les accompagner dans leur conquête du marché, mais également de favoriser leur regroupement ou, à tout le moins, d'encourager les actions collectives, afin que les PME françaises, mais aussi européennes, puissent mutualiser leurs moyens et leur expérience. La pratique du « portage » par de grands groupes doit également être renforcée. Il pourrait enfin être intéressant de davantage s'appuyer sur la communauté chinoise en France, qui entretient des liens étroits avec la Chine, ainsi que sur les Chinois qui ont suivi des études en France.

Une question essentielle demeure : le modèle chinois de l'économie socialiste de marché, qui concilie actuellement liberté économique et contrôle du système politique, est-il viable à moyen et long termes ?

C'est une question fondamentale sur le plan des idées : dans notre tradition politique et philosophique, libre marché, démocratie et État de droit ont toujours été associés. Il y aurait un lien invisible mais nécessaire entre la multiplicité de l'offre de produits sur des marchés concurrentiels et la pluralité de l'offre politique. L'effondrement des régimes autoritaires d'Amérique du Sud, pour ne citer qu'eux, tendrait à le démontrer.

Il est vrai que, sous la poussée des réformes économiques, le régime chinois a connu quelques évolutions. Le pouvoir a été décentralisé, la société a connu un début de libéralisation et les individus bénéficient d'une plus grande liberté de circulation. Mais la réforme juridique est principalement mise au service du développement économique.

Les institutions propres à tout pouvoir totalitaire - sécurité publique, système carcéral, organes de propagande - restent en place, et la Chine est loin de constituer un État de droit, notamment parce que l'appareil répressif échappe totalement à la compétence des juges et que l'activité judiciaire demeure largement secrète. Cependant, le champ d'action de ces institutions est réduit au domaine politique : elles ne visent plus à créer un homme nouveau, mais à prévenir toute contestation du pouvoir du Parti. La résurgence de l'entreprise privée n'a jusqu'à présent pas conduit à l'affaiblissement de celui-ci, et ses dirigeants profitent des bénéfices engendrés par la libéralisation économique.

L'évolution du régime demeure une question fondamentale pour l'avenir. Le partenariat entre la Chine et la France, dont on a vu qu'il était hautement souhaitable, ne peut trouver son plein développement qu'entre deux pays dotés d'un véritable État de droit. À défaut, les procès d'intention se poursuivront et la méfiance persistera. Il s'agit là d'un grand défi, auquel seul le futur apportera la réponse.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 13 juillet, votre Commission a procédé à l'examen du rapport d'information de MM. Hervé Novelli et Tony Dreyfus, Rapporteurs, sur les relations commerciales entre la France et la Chine.

M. Hervé Novelli, Rapporteur, a souligné que l'objectif poursuivi par le rapport présenté était de faire le tri entre les idées fausses et les idées vraies qui circulent à propos de la Chine. En particulier, plutôt que de parler de « péril jaune », il faut considérer l'évolution économique de la Chine comme une opportunité.

L'ouverture au monde est l'origine et la cause du miracle chinois. C'est à partir de la décision prise par la Chine à la fin des années 1970 de s'ouvrir au monde que le développement économique chinois a été spectaculaire. Les investissements directs étrangers ont joué un rôle majeur dans l'essor économique de la Chine, puisque le pays est aujourd'hui le deuxième réceptacle des investissements directs étrangers dans le monde. Les autorités chinoises ont tout misé sur les échanges internationaux, permettant ainsi un développement économique spectaculaire et une élévation sans précédent du niveau de vie. Ainsi, il apparaît que ce n'est pas dans la protection que réside la survie, mais plutôt dans l'ouverture que l'on peut trouver le succès. Enfin, il convient de souligner que l'idée de délocalisations massives des industries occidentales vers la Chine est fausse.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué que si cette affirmation était vraie hier, elle l'était moins aujourd'hui.

M. Hervé Novelli, Rapporteur, a rappelé que la Chine ne représente pas un danger mais une opportunité pour l'économie française. La montée en puissance de la Chine dans l'économie mondiale est l'un des événements majeurs du début du XXIème siècle. Depuis un quart de siècle, la Chine connaît une croissance annuelle moyenne de 9,4 % de son PIB. L'idée d'une émergence chinoise récente est donc fausse. L'importance croissante du commerce extérieur chinois bouleverse certains marchés mondiaux, ce qui inquiète les pays industrialisés, qui perçoivent la Chine comme une menace. Ainsi, l'afflux des produits chinois sur le marché de l'habillement, depuis la levée des quotas le 1er janvier 2005, a provoqué un véritable affolement en France. Mais l'inquiétude créée par la percée chinoise sur le marché de l'habillement vient surtout de ce qu'elle paraît annoncer l'arrivée de produits chinois dans d'autres secteurs.

Le rapport propose un changement de perspective : plutôt que d'appréhender la Chine comme un danger, il faut la percevoir comme une opportunité pour notre économie. Dans ce marché en pleine croissance, il y a un immense potentiel à exploiter.

Depuis déjà un quart de siècle, la Chine connaît une expansion économique ininterrompue. Son PIB a été multiplié par 9, le revenu réel des ménages a quintuplé, et le commerce extérieur a été multiplié par dix. Le revenu par habitant a également connu une croissance spectaculaire. De moins de 600 dollars en 1995, il a franchi la barre des 1 000 dollars en 2003 et devrait approcher les 1 400 dollars par habitant en 2005.

C'est à la suite de réformes progressives mais radicales, entamées à la fin des années 70 par Deng Xiaoping, que s'est opérée l'intégration de la Chine dans l'économie mondiale ; c'est cette ouverture, entièrement maîtrisée par le gouvernement chinois, qui a permis une telle croissance économique.

Comme d'autres pays asiatiques avant Elle, la Chine appuie sa formidable expansion sur son intégration dans les échanges internationaux. L'ouverture de la Chine a débuté en 1979 avec la création de zones économiques spéciales ouvertes aux investissements étrangers ; l'adhésion de la Chine à l'OMC en 2001 marque l'aboutissement de ce processus d'ouverture programmée et maîtrisée par le gouvernement chinois. En adhérant à l'OMC, la Chine s'est engagée en contrepartie à ouvrir son marché, et elle a plutôt bien respecté ses engagements. Le « miracle économique chinois » repose sur des facteurs de réussite internes, propres au marché chinois, mais également sur les investissements étrangers massifs en Chine. On ne peut véritablement comprendre le développement spectaculaire du commerce extérieur chinois sans s'intéresser au rôle central des entreprises étrangères. Les investissements étrangers sont déterminants pour le développement des échanges commerciaux. Les autorités chinoises ont su les attirer et les canaliser dans les industries exportatrices et dans les secteurs de haute technologie. Cela a permis l'injection de savoir-faire et de capitaux dans une économie en transition, sans laisser les étrangers s'emparer de secteurs stratégiques. En 2004, la Chine a reçu 60,6 milliards de dollars d'investissements directs étrangers (IDE), ce qui la place au deuxième rang mondial des destinations d'investissement. Ces capitaux sont très concentrés dans l'industrie manufacturière exportatrice. Il obéissent à deux grands mobiles : gagner en compétitivité sur les marchés internationaux en réduisant les coûts de production, et pénétrer le marché local.

La participation des filiales étrangères aux échanges extérieurs chinois repose avant tout sur leurs opérations d'assemblage et de transformation de produits intermédiaires et composants importés. Les entreprises à capitaux étrangers, et avant tout celles des pays asiatiques, Japon, Taiwan, Hong Kong et Corée du sud, ont ainsi largement contribué à faire de la Chine l'atelier du monde. L'idée de délocalisation massive des industries occidentales en Chine est fausse. Les délocalisations touchent en réalité aujourd'hui surtout les entreprises asiatiques.

Ce serait se leurrer que de croire que la réussite économique chinoise ne repose que sur de faibles coûts de production, et notamment une main-d'œuvre bon marché. Certes, ses facteurs de production, capital et travail, abondants et peu coûteux sont un avantage indéniable. La Chine bénéficie également d'un grand marché et d'une monnaie stable et sous-évaluée. Mais on aurait tort de sous-estimer ses traits culturels, favorables à la réussite économique, et son fort potentiel technologique. La force de l'industrie chinoise réside en effet également dans la grande détermination de ses dirigeants politiques et industriels et dans leur faculté à élaborer et mettre en œuvre des stratégies économiques efficaces. Ce qui frappe particulièrement en Chine est la réflexion sur l'orientation des investissements étrangers et, plus globalement, la stratégie de développement économique qui est très élaborée.

Par ailleurs, la Chine, qui est déjà l'« usine du monde », pourrait en devenir le laboratoire. Elle exporte de façon croissante des biens de haute technologie, essentiellement des équipements électriques et de l'électronique. Et si l'on s'intéresse aux déterminants de long terme de la capacité technologique que sont le capital humain et les dépenses de recherche, le potentiel de la Chine est immense.

La montée en puissance de la Chine dans l'économie mondiale va donc se poursuivre. La Chine occupe une place croissante dans les importations de l'Union européenne et de la France. L'Union européenne est le troisième client de la Chine, après les Etats-Unis et Hong Kong. L'évolution des exportations chinoises vers l'Union européenne est comparable à celle des exportations chinoises totales : elles augmentent fortement et montent en gamme. Entre 1990 et 2001, la croissance des exportations chinoises vers l'Union européenne a été portée en premier lieu par les produits de la filière électronique, qui constitue désormais la première source d'exportation, avec un quart du total, et en deuxième lieu par les produits électriques, qui comptent pour un dixième du total en 2001.

Enfin, tout en devenant une des premières destinations d'IDE dans le monde, la Chine devient peu à peu elle-même un investisseur à l'étranger, et de plus en plus dans les pays occidentaux. Le gouvernement chinois a affiché sa volonté de développer les IDE chinois à l'étranger. Il s'est fixé comme objectif la création de 50 groupes chinois parmi les 500 premiers groupes mondiaux en 2010. C'est ainsi que le groupe chinois Lenovo a racheté l'activité micro-ordinateurs d'IBM et que le groupe d'électronique chinois TCL a racheté les téléphones mobiles d'Alcatel ainsi que les téléviseurs de Thomson.

Si la France doit donc désormais compter avec la puissance économique de la Chine, la Chine ne représente pas un danger, mais une opportunité pour l'économie française.

Le Président Pierre Méhaignerie a relevé que figurait dans le rapport l'idée selon laquelle les rachats d'entreprises occidentales par les Chinois visent à acquérir leur savoir-faire et à utiliser leurs canaux de distribution pour l'exportation des produits chinois en Europe, la production elle-même étant presque toujours délocalisée en Chine. Contrastant avec cette affirmation, le bilan dressé par le Rapporteur témoigne d'un immense optimisme.

M. Tony Dreyfus, Rapporteur, a souligné qu'élu du dixième arrondissement de Paris où la communauté chinoise est très présente, le sujet des relations commerciales entre la France et la Chine lui tient tout particulièrement à cœur.

La France apparaît en perte de vitesse par rapport à un certain nombre de traditions commerciales. Alors que le marché chinois représente un potentiel de développement considérable, la France s'inscrit en retrait dans les échanges avec la Chine, qu'il s'agisse des exportations ou des investissements sur place. En effet, la part de marché de la France ne cesse de se dégrader depuis 1997 et atteint 1,35 % en 2004. La France est ainsi seulement le quinzième fournisseur du pays, loin derrière l'Allemagne, dont la part de marché s'élève à 5,4 %. En matière d'investissements, même si plus de 600 entreprises françaises ont investi en Chine, employant plus de 150.000 personnes dans plus de 1.000 implantations, la France se situe seulement au dixième rang des investisseurs étrangers.

La réussite de la Chine est parfois perçue en France comme un danger. En fait, elle nous renvoie à nos propres faiblesses. La comparaison avec les bons résultats allemands en matière d'exportations à destination de la Chine met en évidence les défauts de notre propre cuirasse. Tout d'abord, les résultats en demi-teinte de la France s'expliquent en partie par l'insuffisante spécialisation sur les biens d'équipement demandés par la Chine. En effet, par comparaison, les bons résultats de l'Allemagne témoignent qu'il est possible d'exporter fortement vers la Chine, même si l'on ne dispose pas de matières énergétiques.

Outre une spécialisation sectorielle ne correspondant pas parfaitement à la demande chinoise, la France souffre d'un tissu industriel moins performant à l'export que celui de l'Allemagne. En effet, le tissu économique allemand est riche en moyennes entreprises disposant du savoir-faire pour exporter. Au contraire, la France se caractérise par un nombre insuffisant de moyennes entreprises capables de conquérir des marchés réputés difficiles. Certes, parmi les 4.800 exportateurs vers la Chine, 78 % sont des PME, mais, en valeur, ce sont les grands groupes, comme EDF ou la Lyonnaise des eaux, qui réalisent la plus grande part des exportations.

Les performances décevantes de la France par rapport à l'Allemagne s'expliquent également par une pratique commerciale différente. En effet, l'Allemagne a une forte tradition de sociétés de commerce, notamment les sociétés de la Hanse, qui sont bien implantées en Asie. Au contraire, les sociétés de commerce, sur lesquelles pouvaient s'appuyer de grands groupes mais également des PME françaises, ont complètement disparu. Ce ne sont pas les conseillers du commerce extérieur de la France, qui n'ont aucune expérience en matière de négoce, qui peuvent les remplacer. Si les grands groupes disposent de moyens suffisants pour s'implanter en Chine, il n'en va pas de même pour les PME, pour lesquels l'on n'a toujours pas trouvé de relais satisfaisants.

Certes, de mauvais souvenirs, comme l'échec de Citroën dans sa tentative d'implantation dans les années 1980, ont marqué les esprits. Il n'en demeure pas moins que la principale explication à la faiblesse de la présence française dans les échanges de la Chine avec le reste du monde est ailleurs. L'effort des gouvernements français s'est pendant trop longtemps concentré sur le soutien aux grands groupes intervenant dans les secteurs de l'énergie ou des transports, qui ont bien moins besoin de leur soutien que les PME.

La Chine constitue l'un des débouchés d'exportation les plus dynamiques pour la France. En termes de contribution à la croissance, la Chine est à l'origine d'un supplément d'exportation de 685 millions d'euros entre 2003 et 2004. Il faut mieux en tirer parti, notamment en soutenant davantage les PME. Le rôle des ministres du commerce extérieur successifs, qui n'ont souvent pas la vocation de VRP, n'est pas de soutenir les grands groupes, qui n'en ont souvent pas besoin, et d'inaugurer de grandes usines françaises à l'étranger, il est plutôt d'accompagner les PME dans leur démarche exportatrice.

Il ressort, par exemple, d'un téléfilm récent consacré au développement des relations entre la Chine et la France dans le secteur de la viticulture, que les dirigeants de PME filmés n'avaient pas de conseil et se comportaient en agressés. Un autre exemple frappant est celui de la société DMC, qui a tenté de se développer en Chine en s'associant avec des Chinois. Ceux-ci ont alors tenté de prendre le contrôle de DMC. Les pouvoirs publics ne peuvent pas rester indifférents à ces exemples. Il leur revient d'encourager le regroupement des efforts des PME. Si une association entre entreprises européennes est difficilement envisageable, en revanche, il serait intéressant de favoriser la mutualisation des moyens et des expériences entre les PME : les PME aiment se « tenir chaud », pouvoir échanger leur expérience et partager le même correspondant sur place.

Par ailleurs, il faut que les élus, qui ont de nombreux contacts avec les PME, relaient auprès d'elles les manifestations susceptibles de les intéresser. C'est le cas du forum PME Chine du Sud qui doit se tenir en septembre prochain à Canton et dont l'objectif est de permettre à des PME chinoises et françaises de nouer des contacts. Alors que 300 PME françaises sont attendues pour rencontrer près de 5.000 PME chinoises, seuls 24 bulletins d'inscription avaient été reçus au 28 juin. Si les craintes des PME ne sont pas toutes fondées, celle relatives à la contrefaçon sont justifiées et méritent un traitement particulier.

Le développement de relations, notamment commerciales, entre deux pays suppose un renforcement des échanges entre les étudiants. A cet égard, il serait intéressant d'accueillir davantage d'étudiants chinois dans les universités et grandes écoles françaises. C'est ce que font les Anglo-saxons.

M. Philippe Rouault a émis des réserves quant à l'optimisme de vos Rapporteurs. Il faut appréhender les relations économiques entre la France et la Chine avec moins d'angélisme, et exiger davantage de réciprocité dans nos échanges. En effet, alors que les entreprises chinoises peuvent acheter librement nos entreprises, nous sommes contraints de mettre en place des joint-ventures pour investir sur leur marché. Il existe aussi une asymétrie en matière de droits de douane pour certains produits, par exemple les chaussures. Par ailleurs, l'approche politique de la conclusion, qui évoque l'avènement d'un État de droit en Chine, laisse sceptique. La culture chinoise est, en effet, durablement marquée par la primauté du groupe sur l'individu. Enfin, il faut être prudent en matière de transferts de technologies et ne pas lever l'embargo sur les technologies de la défense.

M. Jean-Pierre Gorges a déploré que certains veuillent faire peur aux Français. Ce rapport a le mérite de rassurer. Aux États-Unis, le développement des échanges commerciaux avec la Chine a, certes, provoqué la perte de 2,5 millions d'emplois, mais il a, par ailleurs, contribué à la création de 4,2 millions d'emplois. Il est regrettable que les chiffres équivalents pour la France ne figurent pas dans ce rapport. Les 350 millions de Chinois qui ont un niveau de vie comparable aux Européens doivent être considérés comme nos clients potentiels. Ce qui se passe aujourd'hui en Chine est une chance pour la France.

M. Michel Bouvard, rappelant que la France a été le premier pays occidental à reconnaître la République populaire de Chine, en 1964, a déploré l'incapacité française à transformer les réussites politiques en réussites économiques et commerciales. Il a demandé quel est le sentiment des rapporteurs sur la recherche. Quelles possibilités de partenariat s'offrent à nous et quels sont les risques pour notre capacité à conserver notre avance technologique ?

Les statistiques de l'Agence française des investissements internationaux (AFII) doivent être appréhendées avec la plus grande réserve. Elles recensent le nombre d'emplois créés ou maintenus grâce aux investissements étrangers en France sur une année donnée. Toutefois, ce qui importe, c'est de savoir si ces emplois sont toujours présents trois ou quatre ans après, ou s'ils ont été transférés dans le pays d'origine des capitaux.

M. Richard Mallié a partagé la critique de M. Philippe Rouault relative au laxisme de la réglementation française et européenne par rapport à la réglementation chinoise. Toutefois, la réglementation chinoise sur les investissements étrangers évolue : une loi adoptée récemment va permettre à des filiales étrangères à 100 % de s'installer en Chine.

M. Jean-Jacques Descamps a souligné que l'intérêt de ce rapport réside dans sa pédagogie sur les délocalisations. On y comprend que l'expansion économique et commerciale de la Chine se fait au détriment non pas de la France ou des pays occidentaux, mais d'autres pays exportateurs à bas coût de main-d'œuvre, comme le Maroc ou le Cameroun. Il faut différencier les investissements étrangers qui cherchent à profiter de moindres coûts de production de ceux qui visent une installation sur le marché chinois. Sur ce sujet, il y a également un travail de pédagogie à réaliser. Le ministre du commerce extérieur devrait être conjointement ministre des investissements extérieurs.

Quels que soient les secteurs qu'elles touchent, les délocalisations posent des problèmes locaux. Les allégements de charges sociales ne sont qu'une solution de retardement. Mieux vaudrait avoir une approche locale des problèmes. Il faudrait également favoriser davantage l'accueil des étudiants étrangers, car une grande partie d'entre eux entretiendront, par la suite, des relations d'affaires avec la France.

Le Président Pierre Méhaignerie a déclaré qu'il souscrit à beaucoup d'observations des Rapporteurs, mais qu'il est moins confiant qu'eux. En effet, ils ne prennent pas en compte la dynamique exponentielle des délocalisations. De plus en plus d'entreprises françaises sous-traitent leur production. Si les États-Unis, qui ont souvent quelques années d'avance sur nous, enregistrent un déficit commercial très important avec la Chine, ils disposent, contrairement à nous, de deux atouts : d'une part, une grande capacité à créer des emplois de services, et, d'autre part, un haut niveau technologique qui permet également à leur industrie de créer des emplois.

M. Hervé Novelli, Rapporteur, a souligné que le plus grand danger ne provient pas de la Chine, mais bien nos propres faiblesses. Il faut analyser pourquoi les relations commerciales avec la Chine peuvent représenter un danger exponentiel, notamment par rapport à d'autres pays européens comme l'Allemagne. L'Allemagne a beaucoup plus de petites et moyennes entreprises et, historiquement, elle a davantage orienté ses relations commerciales vers l'Asie, alors que les entreprises françaises sont davantage tournées vers l'Afrique et le Moyen-Orient. Néanmoins, les opportunités demeurent et il est primordial de mettre en adéquation les structures de l'économie française avec la mondialisation pour les saisir. Le constat dressé est optimiste car la Chine évolue, ainsi que ses besoins, qui s'orientent davantage vers les biens à haute valeur ajoutée.

La France présente des atouts dans certains domaines comme les transports, cela constitue des exportations potentielles dans ce pays en pleine mutation. Aux États-Unis, les délocalisations sont moins douloureuses, car elles sont compensées par des créations d'emplois dans le domaine des services et des secteurs à haute valeur ajoutée. Le constat dressé ne doit pas être taxé d'angélisme. Par exemple, les services bancaires chinois se développent considérablement, mais manquent beaucoup de services financiers. La France peut donc répondre à cette demande, d'autant plus que les banques ouvrent leur capital. Ce secteur est d'autant plus prometteur qu'il y a eu un réel effort, en Chine, d'assainissement du secteur bancaire. Il est souvent avancé que les prises de participations sont limitées à 50 % du capital dans ce pays. Cette affirmation est erronée et ce pourcentage est bien supérieur dans certaines entreprises aujourd'hui. Dans le domaine des brevets, l'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce permet à la Chine de faire des pas de géant.

Le problème à terme sera une adéquation entre une démocratie économique, vers laquelle tend inexorablement la Chine, et un État de droit qu'elle doit encore devenir. En matière de recherche, la visite d'un laboratoire de France Telecom implanté à Pékin a montré tous les bénéfices qu'en retirait l'entreprise en France. Le directeur de France Télécom, M. Didier Lombard, a pu rappeler la différence de coût entre un ingénieur chinois et un ingénieur français. S'agissant des délocalisations, il faut bien voir de quoi il s'agit. Par exemple, Citroën s'est implanté en 1993 en Chine, et emploie aujourd'hui 4.500 personnes. Cela n'est pas du tout néfaste à l'économie française, car cette usine permet à l'entreprise de couvrir le marché chinois. Cela ne constitue donc pas une délocalisation à proprement parler, mais un moyen de couvrir le marché local et in fine de préserver des emplois en France. Les délocalisations proprement dites sont marginales sur le marché chinois. Le plus urgent est aujourd'hui de réformer l'économie française pour améliorer nos performances dans le commerce international.

Le Président Pierre Méhaignerie a approuvé le constat sur la nécessité de mener des réformes en France, mais a rappelé que la situation était malgré tout préoccupante et qu'il convenait de rester lucide.

La commission des Finances a, en application de l'article 145 du Règlement, autorisé la publication du présent rapport.

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N° 2473 - Rapport d'information déposé par la commission des finances sur les échanges commerciaux entre la Chine et la France (MM. Tony Dreyfus et Hervé Novelli)

1 () La Chine s'entend hors Hong Kong. En effet, Hong Kong est une entité économique propre qui jouit d'une grande autonomie dans le cadre d'« un pays, deux systèmes » : territoire douanier autonome, système monétaire et financier propre. Le gouvernement de Pékin ne prélève aucun impôt dans la Région administrative spéciale de Hong Kong. Les statistiques chinoises et internationales continuent donc de traiter Hong Kong et la Chine comme deux entités économiques distinctes.

2 () L'Association des nations du Sud-est asiatique comprend rassemble les pays suivants : Birmanie, Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam.

3 () cf. I, A, 1

4 () François Jullien, « L'Europe, la Chine, une alternative pour la pensée », Questions internationales n°6, mars-avril 2004.

5 () Source : Françoise Lemoine, « La montée de la Chine dans les échanges mondiaux », Industrie française et mondialisation, Service des études et des statistiques industrielles.

6 () OCDE, Trends and recent developments in Foreign Direct Investment : 2005, 23 juin 2005.

7 () Dans l'actuel régime de change de la Chine, le yuan est convertible pour toutes les opérations courantes (notamment pour les opérations commerciales) mais non pour les opérations en capital. Les sorties de capitaux sont donc contrôlées, soumises à autorisation ou enregistrement.

8 () Kim Hyung Kee, « Avenir de la croissance en Chine : un point de vue coréen », Sociétal, n° 48, 2e trimestre 2005.

9 () La Banque de Chine (chargée des transactions avec l'étranger), la Banque industrielle et commerciale (dédiée au commerce), la Banque de l'agriculture (pour les zones rurales) et la Banque de la construction (spécialisée dans le financement d'infrastructures).

10 () Ce ratio met en relation les fonds propres des banques et leurs actifs, c'est-à-dire les crédits distribués.

11 () « Le système bancaire chinois : un risque systémique ? », Revue d'économie financière, n° 77, décembre 2004.

12 () Il s'agit des municipalités spéciales de Pékin, Tianjin et Shanghai, ainsi que des provinces de Liaoning, Jiangsu, Zhejiang, Shandong et Guangdong.

13 () Source : CEPII.

14 () Françoise Lemoine, CEPII, « Les échanges commerciaux Union européenne - Chine », février 2004.

15 () Données de la fin de l'année 2004. En incluant Hong Kong et Macao, le nombre d'appareils s'élève à 270, soit 32 % de la flotte, contre 65 % pour Boeing.

16 () Si les performances françaises apparaissent en retrait en matière d'exportations d'automobiles, il convient de garder à l'esprit que l'implantation française sur place enregistre des résultats encourageants.