N° 3067 Rapport d'information de M. Pierre Morange sur la mise en application de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise




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N° 3067

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 mai 2006

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 86, alinéa 8, du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES

sur la mise en application de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005
portant
réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Pierre MORANGE,

Député.

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INTRODUCTION 5

1. Le statut des jours fériés en Alsace-Moselle 6

2. Le compte épargne-temps 6

3. L'institution d'un régime de temps choisi 10

4. Les mesures concernant les petites entreprises 13

TRAVAUX DE LA COMMISSION 15

ANNEXE : Tableau de suivi de la mise en application de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise 21

INTRODUCTION

La loi du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise a pour objet d'approfondir la démarche initiée avec la loi « Fillon » du 17 janvier 2003, qui vise à dépasser les limites juridiques, économiques ou sociales auxquelles s'est heurtée la législation relative à la réduction du temps de travail. Il s'agit avec cette loi de permettre aux salariés le souhaitant de travailler davantage afin d'accroître leur niveau de rémunération et aux entreprises de s'adapter à la réalité de l'économie de marché, tout en préservant le droit acquis que représente désormais l'établissement de la durée légale du travail à trente-cinq heures. Pour l'ensemble de ces raisons, la loi apporte donc un certain nombre d'assouplissements à la législation sur le temps de travail ainsi que des outils nouveaux à la libre disposition des employeurs et des salariés.

Conformément à l'article 86, huitième alinéa, du Règlement de l'Assemblée nationale, le présent rapport, consacré à la mise en application de cette loi, fait état des textes réglementaires publiés et des circulaires édictées pour sa mise en œuvre mais aussi des dispositions de la loi qui n'ont pas fait l'objet des textes d'application nécessaires.

La loi du 31 mars 2005 comporte quatre articles consacrés respectivement au statut des jours fériés en Alsace-Moselle, à la rénovation du compte épargne-temps, au régime du temps de travail « choisi » et à des mesures intéressant les plus petites entreprises.

Seul un décret était requis par la loi pour son application, afin de fixer le montant au-delà duquel les droits acquis sur le compte épargne-temps par le salarié doivent faire l'objet d'un dispositif d'assurance ou de garantie spécifique, faute de quoi il est procédé à la liquidation de l'ensemble de ces droits. Le décret, relatif à « la fixation d'un montant maximal de droits épargnés dans le compte épargne-temps et à la garantie financière permettant de déroger à ce plafond », a été publié le 30 décembre 2005.

Pour le reste, les dispositions de la loi n'exigeaient pas de textes réglementaires particuliers pour leur application. Il convient de noter simplement qu'une circulaire en date du 14 avril 2006 est venue commenter les principales dispositions de la loi, conformément à l'usage qui prévaut en cette matière.

C'est que cette loi renvoyait pour l'essentiel à la négociation collective pour son application. Le présent rapport présente donc également les différents accords collectifs de branche ou d'entreprise qui ont d'ores et déjà mis en œuvre certains des articles de la loi.

1. Le statut des jours fériés en Alsace-Moselle

L'article 1erde la loi dispose que, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les jours fériés figurant dans l'ordonnance du 16 août 1892 ainsi que le 11 novembre, le 1er mai, le 8 mai et le 14 juillet sont des jours chômés. Cet article consacre ainsi dans la loi pour ces trois départements le caractère chômé de deux jours absents du code du travail, mais figurant dans l'ordonnance du 16 août 1892, à savoir le 26 décembre et le Vendredi saint.

Cette disposition ne nécessite pas de décret pour être mise en application.

2. Le compte épargne-temps

L'article 2 de la loi procède à une rédaction nouvelle de l'article L. 227-1 du code du travail consacré au compte épargne-temps, afin de rénover ce dispositif.

· Le nouveau régime du compte épargne-temps

La nouvelle rédaction de l'article L. 227-1 assure :

- des modalités d'alimentation en temps plus souples du compte épargne-temps : peuvent désormais être « versés » au compte épargne-temps tout ou partie du congé annuel, sans limitation de durée, les heures de repos dit « compensateur » (qu'il s'agisse du repos compensateur de remplacement ou du repos compensateur obligatoire), les jours de congé accordés au titre de la réduction du temps de travail, les heures effectuées au-delà de la durée collective du travail lorsque les caractéristiques des variations de l'activité le justifient (et ce en l'absence de toute limite) ;

- des modalités d'alimentation en argent élargies, avec une possibilité d'abondement à la double initiative du salarié et de l'employeur, comprenant notamment l'affectation, à l'initiative du salarié, des augmentations ou compléments du salaire de base ou encore les versements de primes attribuées en application d'un accord d'intéressement ;

- une utilisation diversifiée du compte épargne-temps : le compte peut être utilisé pour indemniser un congé quel qu'il soit (sans condition de durée minimale), tout ou partie des heures non travaillées résultant d'un passage à temps partiel, une période de formation hors du temps de travail ou encore la cessation progressive ou totale d'activité ; le compte peut également être utilisé pour compléter la rémunération, constituer une épargne (via un plan d'épargne d'entreprise, un plan d'épargne inter-entreprise ou un plan d'épargne pour la retraite collectif - PERCO), ou financer des droits à retraite ou la participation à un régime de retraite supplémentaire d'entreprise.

Le nouveau régime du compte épargne-temps se trouve ainsi placé sous le signe de la diversification et de la souplesse. Cette souplesse est d'autant plus importante que disparaissent un certain nombre d'autres règles, notamment la condition minimale d'ancienneté du salarié dans l'entreprise pour pouvoir bénéficier d'un compte épargne-temps ou l'obligation d'utilisation des droits acquis sur le compte épargne-temps dans les cinq ans suivant l'accumulation des droits minimaux.

Pour l'essentiel, ces dispositions ne nécessitent pas de textes réglementaires pour leur application.

Une circulaire de portée très générale en date du 14 avril 2006 « prise en application de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise » a toutefois précisé le sens de la loi.

En particulier, s'agissant de l'alimentation par un compte épargne-temps d'un plan d'épargne salariale, elle dispose : « Lorsque l'accord collectif prévoit que tout ou partie des droits affectés sur le compte épargne-temps sont utilisés pour effectuer des versements sur un ou plusieurs PERCO, ceux de ces droits qui correspondent à un abondement en temps ou en argent de l'employeur sont assimilés à un abondement direct de l'employeur au PERCO et, par suite, sont exonérés de cotisations de sécurité sociale et d'impôt sur le revenu dans la limite du plafond d'abondement de droit commun au PERCO de 4600 euros (...). Ces sommes peuvent être déduites par l'entreprise de son bénéfice pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu, dans le cas d'un entrepreneur individuel. Elles sont exonérées de l'impôt sur le revenu des bénéficiaires et de toutes cotisations sociales, taxes et participations assises sur les salaires (taxe sur les salaires, taxe d'apprentissage, participation des employeurs au développement de la formation professionnelle et à l'effort de construction, etc.). » Cette même circulaire prévoit en outre expressément que, dans le cadre de l'utilisation du compte épargne-temps pour contribuer au financement des prestations de retraite supplémentaire revêtant un caractère collectif et obligatoire, les mêmes exonérations prévalent en cas de versement de droits inscrits dans le compte épargne-temps lorsqu'ils correspondent à un abondement en temps ou en argent de l'employeur.

· Le dispositif de sortie du compte épargne-temps

Par ailleurs, s'agissant du régime de sortie du compte épargne-temps, la loi prévoit un double mécanisme. D'une part, en cas de changement d'employeur, en l'absence d'accord collectif déterminant les conditions de transfert des droits d'un employeur à l'autre, le salarié perçoit une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l'ensemble des droits qu'il a acquis. D'autre part, l'article 2 de la loi précise que lorsque les droits acquis atteignent un certain montant déterminé par décret (au plus le montant des sommes pouvant être garanties au titre de l'association pour la garantie des salaires - AGS (1)), le salarié perçoit une même indemnité, sauf lorsque un accord collectif a établi pour les comptes excédant ce montant un dispositif d'assurance ou de garantie.

Le décret n° 2005-1699 du 29 décembre 2005, relatif à la fixation d'un montant maximal de droits épargnés dans le compte épargne-temps et à la garantie financière permettant de déroger à ce plafond, insère dans le code du travail deux nouveaux articles D. 227-1 et D. 227-2 précisant notamment que le dispositif d'assurance ou de garantie financière susmentionné doit permettre le paiement des droits acquis par le salarié et des cotisations obligatoires dues à des organismes de sécurité sociale ou à des institutions sociales au-delà du plafond pris en charge par l'AGS, alignant donc ainsi le plafond du montant maximum des droits pouvant être épargnés sur le montant le plus élevé pouvant être garanti par l'AGS, soit 62 136 euros en 2006.

Conformément au droit commun applicable en la matière, le même décret précise aussi que la garantie financière ne peut résulter que d'un engagement de caution pris par une société de caution mutuelle, un organisme de garantie collective, une compagnie d'assurance, une banque ou un établissement financier habilité à donner caution. L'engagement de caution doit faire l'objet d'un contrat écrit précisant les conditions et le montant de la garantie accordée. Ce contrat est tenu à la disposition de l'inspection du travail.

· L'intervention de la négociation collective

Enfin, l'article 2 de la loi faisant aussi appel à la négociation collective pour son application, il convient de s'arrêter sur les accords collectifs de travail conclus en cette matière.

D'une part, un accord de branche a été signé en application de cet article : il s'agit de l'avenant du 3 mars 2006 à l'accord national du 28 juillet 1998 modifié sur l'organisation du travail dans la métallurgie.

Aux termes de cet accord, la condition d'ancienneté requise pour les salariés souhaitant bénéficier d'un compte épargne-temps est supprimée. L'accord précise que le compte épargne-temps peut être tenu par l'employeur mais aussi par un organisme extérieur, auquel l'employeur confie la gestion de l'épargne-temps, après consultation des représentants élus du personnel. Le compte épargne-temps peut, le cas échéant, accueillir les heures effectuées au-delà de la durée contractuelle de travail, prévue par un forfait en heures. Le taux d'intérêt annuel du compte épargne-temps, s'il est exprimé en argent, est fixé en référence au taux du livret A de la Caisse d'épargne, majoré d'un quart de point. Le compte épargne-temps exprimé en temps suit l'évolution du salaire de base du titulaire du compte.

Selon ce même accord, l'employeur peut prévoir, à périodicité régulière, la liquidation d'une partie ou de la totalité des droits, le salarié percevant une indemnité, déduction faite des charges sociales dues par lui. Les charges sociales salariales et patronales sont acquittées par l'employeur lors du versement de l'indemnité.

D'autre part, des accords d'entreprise ont été conclus en application de cet article. Selon les informations transmises au rapporteur, sur un panel de 227 accords - analysés par les services du ministère délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes à partir des remontées d'accords déposés dans les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle -, 186 portent sur le compte épargne-temps, soit environ 80 %. L'analyse de ces accords révèle un succès réel de l'élargissement des modalités d'alimentation du compte épargne-temps, les entreprises ayant particulièrement recherché l'alimentation au titre du repos compensateur obligatoire ainsi que par l'affectation de la totalité des jours de réduction du temps de travail.

En revanche, les modalités d'alimentation en argent semblent encore peu développées, même si plusieurs accords ont prévu la possibilité pour le salarié d'alimenter le compte épargne-temps par les primes d'intéressement, les sommes issues de la participation, voire les sommes inscrites à un plan d'épargne entreprise, ou ont ouvert la possibilité pour l'entreprise d'abonder le compte en argent.

L'analyse des différents accords met aussi en évidence une large utilisation de la diversification des modes d'utilisation du compte épargne-temps, avec une préférence des entreprises pour : l'indemnisation d'une cessation progressive ou totale d'activité ; l'indemnisation en tout ou partie des heures non travaillées en cas de passage à temps partiel quelles que soient les formes de temps partiel ; l'indemnisation d'un congé de solidarité internationale (un nombre non négligeable d'entreprises - 30 accords - ont souhaité ouvrir cette possibilité). Le régime de liquidation de ses droits par le salarié sous forme de rémunération immédiate n'a pas été beaucoup utilisé, trop d'entreprises limitant le versement de l'indemnité à quelques périodes fixes de l'année.

Il faut enfin relever que l'analyse de ce panel montre deux voies à approfondir : d'une part, le lien entre le compte épargne-temps et l'épargne reste encore insuffisant, peu d'accords ayant prévu d'alimenter un plan d'épargne entreprise, plan d'épargne inter-entreprise ou plan d'épargne pour la retraite collectif ; d'autre part, même si le thème de la transférabilité du compte épargne-temps d'une entreprise à une autre est abordé dans 58 accords signés, il s'agit principalement des seuls cas de transferts de comptes épargne-temps au sein d'un même groupe ou avec l'accord du nouvel employeur.

3. L'institution d'un régime de temps choisi

L'article 3 de la loi a pour objet l'établissement d'un régime nouveau de temps choisi.

-- Le I de l'article 3 de la loi insère un nouvel article L. 212-6-1 dans le code du travail, qui ouvre la possibilité, dès lors qu'un accord collectif de travail le prévoit, à un salarié qui le souhaite, en accord avec son employeur, d'effectuer des « heures choisies » au-delà du contingent d'heures supplémentaires applicable dans l'entreprise.

Ce paragraphe, pas plus que les suivants, ne renvoie à un texte réglementaire le soin de fixer ses conditions d'application. Mais il précise qu'il incombera à l'accord collectif de travail d'établir les conditions dans lesquelles sont effectuées ces heures choisies, la majoration de salaire à laquelle elles donnent lieu (au minimum égale au taux applicable pour la rémunération des heures supplémentaires dans l'entreprise ou dans l'établissement en application de l'article L. 212-5 du code du travail) ainsi que, le cas échéant, les contreparties, notamment en termes de repos. La circulaire précitée du 14 avril 2006 précise que dans le cas où un taux spécifique aura été déterminé par accord collectif pour les heures supplémentaires, un nouvel accord relatif aux heures choisies pourra fixer un second taux égal ou supérieur à ce premier taux.

Les dispositions du code du travail relatives au repos compensateur obligatoire ou à l'autorisation de l'inspecteur du travail ne s'appliquent pas et le nombre des heures choisies ne peut avoir pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail au-delà du maximum de 48 heures par semaine défini dans le code du travail.

Deux accords de branche ont été conclus pour prévoir la possibilité d'« heures choisies ».

Un avenant à la convention collective nationale du secteur de la promotion-construction (n° 21) a été signé le 16 novembre 2005 sur le temps choisi. Cet avenant ouvre la possibilité pour les salariés qui le souhaitent d'effectuer des « heures choisies » dans les conditions suivantes : l'accord entre l'employeur et le salarié doit être formalisé par écrit au plus tard le jour où la première heure au-delà du contingent est effectuée ; cet accord précise le volume des heures et le calendrier en fonction duquel elles peuvent intervenir ; les heures ainsi effectuées donnent lieu à une majoration salariale de 25 %. L'ensemble de cet avenant est applicable jusqu'à la fin 2007.

En outre, l'accord précité signé dans la métallurgie le 3 mars 2006 a ouvert cette même possibilité de réalisation d'heures choisies, après épuisement du contingent d'heures supplémentaires et sans autorisation de l'inspection du travail. Le salarié effectue ces heures sur une période qui doit être convenue d'avance, dans le cadre d'un horaire collectif ou individuel. Ce temps de travail doit se faire sans dépasser les durés maximales de travail, qu'elles soient d'origine législative ou conventionnelle. Selon ce même accord, un avenant au contrat de travail doit être signé pour recueillir l'accord exprès du salarié concerné. L'avenant précise le nombre d'heures que le salarié sera conduit à effectuer. Ce recours aux heures choisies peut aussi concerner les salariés régis par un forfait mensuel ou par un forfait en heures sur l'année.

Sur le panel précité, élaboré par les services du ministère délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes et constitué de 227 accords d'entreprise conclus en application de la loi, 15 % ont été conclus sur le temps choisi (36 accords sont recensés sur ce thème dans le panel). Les accords portent essentiellement sur la fixation d'un nombre hebdomadaire maximum d'heures choisies ainsi que sur la majoration du paiement (à hauteur de 25 ou 50 %).

-- Le II de l'article 3 de la loi complète le II de l'article L. 212-15-3 du code du travail (consacré au régime du temps de travail des cadres soumis à des conventions de forfait en heures) pour renvoyer à un accord collectif de travail le soin d'ouvrir la possibilité au salarié qui le souhaite, en accord avec le chef d'entreprise, d'effectuer des heures au-delà de la durée annuelle de travail prévue par la convention de forfait en contrepartie d'une majoration de son salaire. Le même paragraphe renvoie à l'accord collectif le soin de déterminer notamment le montant de cette majoration, ainsi que les conditions dans lesquelles les salariés font leur choix.

L'avenant n° 21 à la convention collective nationale de la promotion-construction précité a ainsi ouvert la possibilité aux salariés qui le souhaitent d'effectuer des heures au-delà de la durée prévue par la convention de forfait annuelle. Cet accord doit être formalisé par écrit et fixer notamment le volume des heures concernées ainsi que le calendrier selon lequel ce temps choisi est effectué. L'accord est établi au plus tard le jour où la première heure au-delà de la convention de forfait annuel est effectuée. Ces heures font l'objet d'une majoration à hauteur de 25 %.

-- Le III de l'article 3 de la loi prévoit un dispositif analogue à celui du II de ce même article, destiné à ouvrir la possibilité au salarié qui le souhaite, en accord avec le chef d'entreprise, et à la condition qu'une telle possibilité ait été ouverte par accord collectif de travail préexistant, de renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire, et ce au profit des salariés soumis à une convention annuelle de forfait en jours visés au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail (2). Comme dans le cas des salariés soumis à une convention annuelle de forfait en heures, prévu au II, c'est à l'accord collectif de travail qu'il revient de déterminer notamment le montant de la majoration de salaire ainsi que les conditions dans lesquelles les salariés font connaître leur choix.

L'accord précité conclu dans la promotion-construction a ainsi prévu, parallèlement au cas visé au II, un mécanisme de renonciation aux jours de repos pour les salariés soumis à un forfait en jours : l'accord entre le salarié et l'employeur doit être formalisé par écrit et fixer le volume de jours choisis ainsi que le calendrier selon lequel ce temps choisi est effectué. L'accord est établi au plus tard la veille du premier jour effectué au-delà du forfait annuel en vigueur. Les jours supplémentaires travaillés donnent lieu à rémunération calculée dans les conditions suivantes : rémunération forfaitaire annuelle fixe contractuelle brute/ forfait annuel en jours en vigueur X nombre de jours choisis. Ces jours donnent lieu à une majoration de salaire dont le taux est fixé à 25 %.

L'accord précité conclu dans la métallurgie prévoit également que des avenants aux contrats de travail peuvent organiser les modalités de renonciation par des salariés régis par des forfaits annuels en jours à une fraction de leurs jours de repos.

Concernant les accords d'entreprise, sur le panel des 227 accords d'entreprise analysés, 5 % sont relatifs aux dispositifs de rachat de temps (12 accords). Ils prévoient généralement le nombre de jours maximum pouvant être rachetés ainsi que la majoration à laquelle ce rachat donne lieu.

-- Le IV de l'article 3 de la loi prévoit que les jours auxquels le salarié aurait ainsi renoncé ne doivent pas être pris en compte pour la détermination du plafond annuel prévu au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail (ils sont sans incidence sur ce plafond) : l'accord précité conclu dans la promotion-construction prévoit en conséquence que « le ou les jours travaillés dans [le] cadre [du dispositif de renonciation aux jours de repos] sont déduits pour apprécier un éventuel dépassement du forfait annuel en vigueur ».

Si cet article 3 n'exige pas de texte réglementaire pour son application, ainsi que l'attestent les exemples de conventions collectives déjà signées, la circulaire d'application de la loi a utilement précisé notamment que « l'accord collectif de branche, de groupe ou d'établissement organisant cette faculté de rachat [concernant les salariés soumis au forfait jours] peut prévoir que ces droits achetés peuvent être utilisés pour effectuer des versements sur un ou plusieurs PERCO avec éventuellement un abondement de l'employeur qui peut être majoré par rapport à l'abondement prévu par l'accord relatif au PERCO ».

4. Les mesures concernant les petites entreprises

L'article 4 de la loi a pour objet d'établir un certain nombre de mesures destinées aux petites entreprises de vingt salariés ou moins.

-- Le I de l'article 4 de la loi prévoit, dans le prolongement du régime spécifique de majoration des heures supplémentaires applicable, aux termes de la loi Aubry II du 19 janvier 2000, aux petites entreprises de vingt salariés au plus, qu'en l'absence d'une convention collective établissant un taux de majoration spécifique des heures supplémentaires, en application de l'article L. 212-5 du code du travail, le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires est fixé à 10 % (et non 25 % comme dans le droit commun) ; en outre, pour ces mêmes entreprises, les heures supplémentaires ne s'imputent sur le contingent qu'à compter de la trente-septième heure, et non de la trente-sixième.

Ces dispositions sont directement applicables et ne nécessitent pas de texte réglementaire pour leur application.

-- Le II de l'article 4 de la loi prévoit pour ces mêmes entreprises, dans l'attente d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 227-1 du code du travail (à savoir un accord sur le compte épargne-temps tel qu'il est prévu par l'article 2 de la loi), un mécanisme de renonciation aux jours de repos en échange d'une majoration de salaire, comparable à celui prévu à l'article 3, mais non réservé aux salariés soumis au forfait : ce régime juridique repose sur l'accord du salarié (qui ne doit pas être une femme enceinte) et de l'employeur ; il permet la renonciation à des journées ou demi-journées de repos, dans la limite de dix jours par an (ou de soixante-dix heures par an pour les salariés soumis à un décompte horaire du temps de travail). La majoration de salaire doit être d'au moins 10 %. Il est précisé que ces périodes de travail ne s'imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d'heures supplémentaires.

Un dispositif de mandatement a été en outre introduit dans cet article afin de faciliter la négociation collective sur le compte épargne-temps dans ces petites entreprises qui parfois ne comptent ni délégué syndical, ni délégué du personnel désigné comme délégué syndical.

L'ensemble de ces dispositions ne nécessitent aucune mesure réglementaire pour entrer en application. Il convient toutefois de noter que la circulaire précitée d'application de l'ensemble de la loi comporte un certain nombre de développements consacrés au mandatement, afin de préciser le champ d'application de celui-ci, les caractéristiques du mandat, les moyens et la protection du salarié mandaté ou encore les conditions particulières de négociation, de conclusion et de suivi d'un accord de mandatement.

-- Le III de l'article 4 de la loi dispose que l'ensemble des régimes dérogatoires ainsi établis prennent fin, en tout état de cause, le 31 décembre 2008 : ce paragraphe ne nécessite donc pas de texte réglementaire pour son application.

Il convient donc, pour conclure, de se féliciter que ce texte d'initiative parlementaire, cosigné par M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, M. Hervé Novelli, le rapporteur et M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, soit, avec la parution de la circulaire précitée, pleinement applicable et ce dans le détail.

Si l'on prend en compte les deux branches signataires (l'UIMM concernant quelque 2 millions de salariés, la promotion-construction plus de 10 000) ainsi que les nombreuses grandes entreprises ayant conclu des accords, il semble au total qu'au minimum 10 % des salariés du secteur privé bénéficient de ces conventions, et plus probablement 15 %.

Contrairement à ceux qui avaient voulu, lors de la discussion de la proposition de loi, jouer les Cassandre pour condamner par avance une loi à peine née, le dispositif est loin d'être resté lettre morte. En quelques mois, devrait-on dire, si l'on prend comme point de départ la signature du décret sur le compte épargne-temps, c'est un succès indéniable de la démocratie sociale auquel on assiste, qui correspond aux besoins à la fois des employeurs et des salariés, et auquel ont pris part les différents représentants syndicaux.

Le développement de la négociation collective doit maintenant permettre de confirmer encore ce succès qu'ont ainsi constitué les premiers accords conclus.

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TRAVAUX DE LA COMMISSION

En application de l'article 86, alinéa 8 du Règlement de l'Assemblée nationale, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné en présence de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, le rapport de M. Pierre Morange sur la mise en application de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

Après son exposé, le rapporteur a remercié le ministre pour sa disponibilité tout au long du processus législatif et encore aujourd'hui.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a souligné que, d'origine parlementaire, la loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise complète le dispositif d'assouplissement de la durée du travail organisé par la loi du 17 janvier 2003, dite « loi Fillon », et par le décret du 21 décembre 2004 relevant le contingent d'heures supplémentaires. Rappelant son attachement au droit conventionnel et à la négociation collective, il a souhaité que cette audition soit l'occasion de faire le bilan des accords passés dans les branches et dans les entreprises.

De façon générale, en 2005, 1 144 accords ont été signés dans les 278 branches et 19 310 dans les entreprises. Au total, plus de 4 millions de salariés sont concernés.

Le premier thème de négociation a porté sur les accords salariaux, et l'action du gouvernement pour relancer les négociations salariales doit ici être soulignée ; le secteur de la chimie vient notamment de signer un accord en cette matière, ce qu'il n'avait pas fait depuis dix ans.

La durée du travail - objet du présent texte - est le deuxième thème de négociation dans les branches et représente 28 % des thèmes négociés dans les entreprises.

En ce sens, la loi du 31 mars 2005 permet, comme l'avaient souhaité ses auteurs, d'adapter l'organisation du temps de travail au niveau le plus pertinent, qu'il s'agisse de la régulation dans la branche ou de la prise en compte des particularités de l'entreprise.

Outre la spécificité de l'Alsace-Moselle, à propos de laquelle une question orale sans débat a montré hier que l'ordonnance de Bismarck de 1892 n'est pas suffisamment claire sur le statut des jours fériés, ce texte comporte trois axes principaux : l'élargissement du compte épargne-temps (CET) ; la mise en place d'un régime d'heures supplémentaires choisies ; une meilleure prise en compte de la spécificité des petites entreprises.

Dans le cadre du suivi qu'elle exerce, la commission souhaite très légitimement vérifier si la loi est effectivement mise en œuvre et comment les organisations professionnelles et les partenaires sociaux se le sont appropriés. Il faut simplement rappeler que la loi a été adoptée fin mars 2005 et qu'en raison de la complexité de la matière, le décret sur le CET n'a été pris qu'en fin d'année ; il s'agit donc aujourd'hui d'analyser des accords conclus pour la plupart depuis la rentrée de septembre et même, pour le CET, essentiellement depuis janvier 2006. L'évaluation porte donc surtout sur une période de six mois et la négociation n'a pas encore produit tous ses effets. Si d'ores et déjà deux accords de branche ont été négociés et environ un millier d'accords d'entreprise conclus, ce bilan doit donc être regardé avec une certaine prudence, même si l'analyse d'un panel de 227 accords d'entreprise donne des indications intéressantes.

Un accord de branche a été signé dans la métallurgie, qui trace souvent le chemin au profit des autres branches. Près de 2 millions de salariés sont concernés, sur les 16 millions d'affiliés à l'Unedic. L'accord reprend la plupart des possibilités offertes par la loi du 31 mars 2005 en matière de compte épargne-temps, de recours aux heures supplémentaires et de développement du champ des conventions de forfaits-jours. Ainsi, il permet :

- de recourir davantage aux heures supplémentaires, notamment par une augmentation mesurée du contingent d'heures supplémentaires, par la mise en place du recours aux heures choisies et par le rachat des jours de repos, sans que cela puisse entrer en conflit avec la protection de la santé des salariés ;

- de développer les conventions de forfait-jours ;

- d'utiliser largement les innovations de la loi du 31 mars 2005 sur le compte épargne-temps, notamment avec l'utilisation de tout ou partie du CET sous forme monétaire et l'introduction de la possibilité et des modalités de liquidation ou de transfert des droits inscrits, en particulier dans le cadre d'un congé ou d'un passage à temps partiel.

Cette grande branche s'est donc saisie de l'ensemble du texte.

La seconde branche, plus modeste, est celle de la promotion-construction, qui représente 11 000 salariés. L'accord entre les partenaires sociaux permet aux salariés de bénéficier des dispositions relatives aux heures choisies et des dispositions applicables aux salariés ayant conclu des conventions de forfait annuelles en heures ou en jours.

Ainsi, concrètement, le salarié dont le temps de travail est décompté en heures peut effectuer des heures au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires ou de la durée prévue par la convention de forfait annuel. Le salarié dont le temps de travail est apprécié en jours peut renoncer à une partie de ses jours de repos et donc travailler au-delà du nombre de jours officiellement prévu. Le taux de majoration des heures choisies est au minimum égal au taux applicable pour la rémunération des heures supplémentaires dans l'entreprise ou dans l'établissement. Il y a donc eu accord à la fois sur le principe du dépassement du contingent forfaitaire et sur la majoration de rémunération.

Des négociations sont en cours dans d'autres branches, mais les accords n'ont pas encore été transmis au ministère. D'ores et déjà, on peut estimer que de 12,5 à 14 % des salariés sont potentiellement visés par les accords conclus.

S'agissant des entreprises, à partir des accords déposés dans les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, il a été choisi un panel significatif de 227 accords émanant de 63 départements dans lesquels l'activité économique est importante.

Il faut tout d'abord souligner, à nouveau, que les entreprises n'ont commencé à se saisir de ce nouveau dispositif qu'à l'automne 2005.

S'agissant des thèmes de négociation, le compte épargne-temps arrive en tête puisque ce thème est repris dans 79 % des accords, devant le temps choisi (15 %) et le rachat de temps (5 %).

L'ensemble des organisations représentatives ont signé des accords de façon plutôt équilibrée puisque, sur les 227 accords, 121 ont été signés par la CFDT, 104 par la CGT, 101 par FO, 73 par la CFTC et 73 par la CGC-CFE.

Concernant d'abord le rachat de jours accordés au titre de la réduction du temps de travail, la loi permet aux salariés ayant conclu des conventions de forfait annuelles en heures ou en jours d'effectuer des heures au-delà de la durée annuelle du travail ou de procéder au rachat de jours accordés au titre de la réduction du temps de travail ou de jours de repos ; les 12 accords du panel recensés sur ce thème fixent le nombre de jours maximum pouvant être rachetés et la majoration. La plupart limitent à huit jours par an cette possibilité, prévoyant une majoration salariale de 10 %.

Par ailleurs, 36 accords sur les heures choisies ont été recensés. Ils portent essentiellement sur la fixation d'un nombre hebdomadaire maximum d'heures choisies et sur le paiement majoré de ces heures. Plusieurs accords posent le principe de l'accomplissement de ces jours en renvoyant leur mise en œuvre aux dispositions de droit commun. D'autres limitent le nombre d'heures choisies, la majoration du paiement de ces heures allant de 25 à 50 %. Il apparaît donc clairement que celui qui travaille plus gagne significativement plus.

Le compte épargne-temps lui-même est le « gagnant » des négociations puisqu'on le retrouve dans 186 accords sur 227. La loi a procédé à une modification complète du CET afin de favoriser le développement de ce dispositif qui datait de onze ans et n'avait été mis en place que dans peu d'entreprises, presque exclusivement des grandes. Un des objectifs poursuivis par les auteurs de la proposition de loi était donc précisément d'étendre ce dispositif aux petites entreprises. Tel est bien le cas dans le panel examiné.

On constate en premier lieu que l'élargissement des modes d'alimentation a été plébiscité. La loi prévoit que dans des conditions fixées par accord collectif, les salariés peuvent désormais stocker dans le compte autant de jours de congés ou de repos qu'ils le souhaitent.

Parmi les nouvelles modalités d'alimentation du CET, les entreprises et les salariés ont particulièrement recherché :

- l'alimentation au titre du repos compensateur obligatoire ;

- la faculté d'affecter de manière illimitée le nombre de jours de congés payés ;

- la possibilité d'alimenter le CET par la totalité des jours accordés au titre de la réduction du temps de travail.

Les accords comportent le plus souvent la fixation d'un plafond global : la majorité des accords recensés a maintenu un tel plafond - l'ancien plafond légal de 22 jours, voire parfois un plafond plus élevé - dans le but de concilier les souplesses offertes par la loi du 31 mars 2005 avec la protection de la santé des salariés. Il faut toutefois noter, par exemple, que l'accord de la société d'assurances Groupama a supprimé toute limite à l'épargne en temps.

Si l'on s'intéresse à la façon dont les grandes entreprises utilisent les possibilités qui leur sont offertes, on s'aperçoit que plusieurs d'entre elles ont supprimé toute limite à l'abondement effectué par l'employeur ou ont prévu la possibilité pour l'employeur d'affecter unilatéralement certains jours au compte épargne-temps. L'abondement est parfois rendu impératif par l'accord. Il semble que les accords aient globalement privilégié un abondement en temps plutôt qu'en numéraire. Plusieurs accords permettent toutefois au salarié d'alimenter le CET par les primes d'intéressement, par les sommes issues de la participation, voire par les sommes inscrites sur un plan d'épargne entreprise. Mais ces modes d'alimentation restent assez limités, notamment dans les petites et moyennes entreprises. Quelques accords prévoient la possibilité pour l'entreprise d'abonder le CET en argent.

On observe aussi une grande diversification des modes d'utilisation du CET.

Parmi les innovations de la loi, les entreprises ont principalement utilisé l'indemnisation en tout ou partie des heures non travaillées en cas de passage à temps partiel. Alors que cette modalité était auparavant réservée à certains cas strictement énumérés - congé parental d'éducation, création ou reprise d'une entreprise, maladie, accident ou handicap grave d'un enfant à charge, occupation ou reprise d'un emploi à temps partiel -, la loi du 31 mars 2005 l'a généralisée, l'ouvrant à toutes les formes de temps partiel.

L'indemnisation d'une cessation progressive ou totale d'activité sans limite d'âge est l'autre forme principale de liquidation des droits des salariés retenue par les accords d'entreprises recensés. Il est tentant à ce propos de faire le lien avec une autre question très importante, celle des seniors. Dans le plan d'action national concerté sur l'emploi des seniors qui sera présenté prochainement, le CET est proposé comme un outil intéressant pour aménager une fin de carrière avec une activité réduite, sans perte de revenu. On peut se réjouir que les partenaires sociaux se soient saisis de ce thème de négociation.

On parle peu, par ailleurs, du congé de solidarité internationale, créé par une loi du 4 février 1995, modifiée en juin 2004. Pourtant, 30 accords sur 227 ont tiré profit de la possibilité de l'indemniser - ce qui n'est pas marginal - et un certain nombre d'associations commencent à se mobiliser autour de ce dispositif.

Si la possibilité de liquider ses droits inscrits au CET sous forme de rémunération immédiate n'a pas été beaucoup utilisée par les salariés, cela tient sans doute au fait que beaucoup d'entreprises limitent le versement de l'indemnité à quelques périodes fixes de l'année.

On observe aussi que le lien entre le CET et l'épargne est encore fort modeste. Le bilan effectué permet de constater que peu d'accords ont prévu des passerelles. Il existe, semble-t-il, trop peu d'incitations sociales et fiscales, les sommes transférées étant considérées comme des salaires et donc imposées comme telles. Il faut réfléchir à ce sujet. Le projet de la loi sur la participation, qui fait l'objet d'une large concertation et que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales aura sans doute à examiner dans quelques semaines, devrait proposer d'accorder aux salariés transférant leurs avoirs d'un compte épargne temps vers un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO), ou un plan d'épargne d'entreprise (PEE), un étalement dans le temps de l'imposition des sommes transférées, selon un régime de « report en avant ». Dans une unanimité rare, le Conseil supérieur de la participation a vu là une avancée, qui devrait aussi satisfaire tous ceux qui réfléchissent aux modalités d'abondement des retraites sans renoncer à la retraite par solidarité qui reste le fondement du système français.

Enfin, la transférabilité du CET doit encore être développée, d'autant que les salariés changent de plus en plus souvent d'employeurs, au risque d'une liquidation non souhaitée de leur compte. Si certains accords ont prévu cette transférabilité, ils portent surtout sur des transferts au sein d'un même groupe ou avec l'accord du nouvel employeur. Afin d'encourager ces pratiques, le plan national d'action concerté sur l'emploi des seniors va inviter les partenaires sociaux à négocier sur ce thème.

Un an après le vote de la loi, six mois après la mise en place effective des négociations, quatre mois après la publication du décret sur le CET, ces négociations ont donc déjà été menées au profit d'un nombre important de salariés. La direction des relations du travail et les services déconcentrés du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement doivent maintenant continuer à apporter un appui technique aux nouveaux dispositifs. Dans le cadre de la circulaire du 14 avril 2006, quatre fiches ont été rédigées à l'attention des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et des partenaires sociaux, afin de clarifier les négociations et de permettre à chacun de les aborder en disposant du plus d'informations possibles. Ces fiches portent sur le compte épargne-temps, les heures choisies, les dispositions applicables aux salariés ayant conclu des conventions de forfait annuelles en heures ou en jours et le mandatement.

Enfin, une nouvelle évaluation de l'application de la loi est prévue, dans le cadre du bilan annuel de la négociation, après deux ans de mise en œuvre de ce texte.

M. Jean-Michel Dubernard, président, a remercié le ministre. Ce texte court ne comportant que quatre articles, pour l'essentiel d'application directe, cette audition a aussi permis de faire un point intéressant sur la négociation collective.

*

La commission a décidé le dépôt du rapport sur la mise en application de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise en vue de sa publication.

ANNEXE

TABLEAU DE SUIVI DE LA MISE EN APPLICATION
DE LA LOI N° 2005-296 DU 31 MARS 2005 PORTANT RÉFORME DE L'ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE

Article

Objet du dispositif

Textes d'application

1er

Statut des jours fériés en Alsace-Moselle

Application directe

2

Rénovation du compte épargne-temps (article L. 227-1 du code du travail)

- Décret n° 2005-1699 du 29 décembre 2005 relatif à la fixation d'un montant maximal de droits épargnés dans le compte épargne-temps et à la garantie financière permettant de déroger à ce plafond

- Circulaire du 14 avril 2006 prise en application de la loi n° 2005-296 du 31 mars
2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise

3

Institution d'un régime de temps choisi (articles L. 212-6-1 et L. 212-15-3 du code du travail)

- Application directe

- Circulaire du 14 avril 2006 prise en application de la loi n° 2005-296 du 31 mars
2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise

4

Régime des heures supplémentaires, dispositif de renonciation aux jours de repos contre majoration salariale et mandatement dans les petites entreprises

- Application directe

- Circulaire du 14 avril 2006 prise en application de la loi n° 2005-296 du 31 mars
2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise

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N° 3067 Rapport d'information de M. Pierre Morange sur la mise en application de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise

1 () Ce montant est fixé à six fois le plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions au régime d'assurance chômage dans le cas général. Il est fixé à cinq fois ce plafond lorsque le contrat de travail dont résulte la créance a été conclu moins de deux ans et six mois au moins avant la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, et à quatre fois ce plafond si le contrat dont résulte la créance a été conclu moins de six mois avant la date du jugement d'ouverture. Il s'apprécie à la date à laquelle est due la créance du salarié et au plus tard à la date du jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire (article D. 143-2 du code du travail). Le montant maximal des droits épargnés par un salarié pourrait donc ainsi atteindre 62 136 euros (dans le régime d'assurance chômage, les contributions salariales et patronales sont calculées sur une assiette constituée des rémunérations brutes plafonnées à 10 356 euros en 2006).

2 () Il convient de noter qu'il ne s'agit pas seulement de cadres, puisque la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 a inséré dans le III de l'article L. 212-15-3 du code du travail un alinéa selon lequel : «  La convention ou l'accord peut également préciser que les conventions de forfait en jours sont applicables, à condition qu'ils aient individuellement donné leur accord par écrit, aux salariés non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. »