N° 3255 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 juillet 2006. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN en conclusion des travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) (1) ET PRÉSENTÉ par M. Éric Woerth, Rapporteur, Députés. -- MM. Yves Deniaud et Augustin Bonrepaux, Présidents. (1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page. La mission d'évaluation et de contrôle est composée de : MM. Augustin Bonrepaux, Yves Deniaud, Présidents ; M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Finances, de l'économie générale et du Plan, M. Gilles Carrez, Rapporteur général ; MM. Pierre Albertini, Pierre Bourguignon, Jean-Pierre Brard, Alain Claeys, Charles de Courson, Jean-Yves Cousin, Jean-Louis Dumont, Jean-Michel Fourgous, Paul Giacobbi, Louis Giscard d'Estaing, Marc Laffineur, Didier Migaud, Mme Béatrice Pavy, MM. Nicolas Perruchot, Jean-Claude Sandrier. INTRODUCTION 5 PROPOSITIONS DE LA MISSION 7 I.- LES SERVICES DE L'ÉTAT À L'ÉTRANGER : UNE ARCHITECTURE À REMODELER 11 A.- UNE PRÉSENCE DE LA FRANCE ENCORE FOISONNANTE 11 1.- La multiplicité des porte-parole de la voix de la France 11 2.- Des réseaux hétérogènes à l'évolution contrastée 12 a) Des réseaux traditionnels en contraction 12 b) De nouveaux réseaux en expansion 13 3.- Un effort financier important dont les priorités géographiques doivent être revues 15 B.- LA CONCENTRATION DES ENJEUX HUMAINS ET FINANCIERS ENTRE TROIS GRANDS RÉSEAUX 19 1.- Les réseaux du ministère des Affaires étrangères 19 a) Le réseau diplomatique 19 b) Le réseau consulaire 21 c) Le réseau culturel et de coopération 27 2.- Le réseau du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie 35 a) La rationalisation du réseau 36 b) Le développement de partenariats 38 3.- Le réseau du ministère de la Défense 45 II.- UN IMPÉRATIF : GAGNER EN COHÉRENCE ET EN EFFICACITÉ 49 A.- L'EXIGENCE DE COHÉRENCE 49 1.- Renforcer la coordination interministérielle 49 2.- Coordonner notre présence sur le terrain 52 3.- Une présence plus visible pour une action plus claire 56 B.- L'EXIGENCE D'EFFICACITÉ 61 1.- Affirmer le rôle de l'État comme stratège et autorité de tutelle 61 a) La définition d'une stratégie 61 b) L'exercice de la tutelle 65 2.- Assurer la diffusion d'une culture de gestion 69 3.- Dynamiser la gestion des ressources humaines 71 a) La diversification des profils de recrutement et des fonctions exercées par les diplomates 72 b) Le développement des postes mixtes 73 c) La modernisation et l'harmonisation de la politique salariale 74 4.- Mutualiser les moyens humains et matériels 75 a) La fusion des structures administratives et financières 75 b) Le rapprochement des moyens matériels 79 EXAMEN EN COMMISSION 81 AUDITIONS 87 LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 87 COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 89 LISTE DES ENTRETIENS DES RAPPORTEURS 211 Le dispositif de représentation de la France à l'étranger figure parmi les plus denses au monde : notre pays est présent dans 161 pays, alors que les Nations Unies comptent 191 États membres. D'un coût estimé à 8 milliards d'euros, l'action extérieure de la France prend de multiples formes (présence physique, subventions, prêts, dons...) et se caractérise par la diversité de ses champs d'action (diplomatie ; activité consulaire ; action culturelle, scientifique et technique ; coopération pour le développement ; promotion des intérêts économiques ; défense ; sécurité ; justice...). À ces différents domaines d'influence correspondent autant de réseaux, plus ou moins structurés. Afin de prendre pleinement la mesure des enjeux politiques, humains et financiers associés à l'action extérieure de la France, votre Rapporteur a retenu une acception large des services de l'État, incluant les opérateurs (associations, établissements publics...) qui agissent dans le cadre de la politique étrangère de notre pays et bénéficient de subventions publiques. Après avoir éprouvé, dans un premier temps, un sentiment de vertige face au foisonnement des réseaux de l'État et à la diversité des acteurs publics à l'étranger, votre Rapporteur estime que la plupart des responsables publics ont pris conscience de la nécessité de rationaliser l'organisation de la présence française à l'étranger. Les réseaux évoluent, géographiquement et fonctionnellement. Ils font l'objet de nombreuses expérimentations (postes à compétences multiples, collaborations avec nos partenaires européens, regroupement de certaines fonctions...). Mais la tâche est immense. Notre présence à l'étranger correspond davantage à un héritage qu'à une vision d'avenir. Elle ne résulte pas d'une stratégie clairement définie et son évolution n'apparaît pas véritablement maîtrisée. Le caractère large et diffus de notre influence à l'étranger constitue, en outre, un facteur de dispersion des moyens financiers et nuit à la clarté du message de politique extérieure que souhaite délivrer notre pays. L'administration française doit, enfin, se garder de reproduire à l'étranger les rivalités et les dysfonctionnements qui l'affectent sur le territoire national. La recherche d'une plus grande efficience dans l'action extérieure de la France rend aujourd'hui indispensable un effort de réflexion stratégique et de coordination, entre les ministères et sur le terrain. Il s'agit ainsi d'assurer la cohérence, la visibilité et l'efficacité de notre présence à l'étranger. C'est le sens des propositions formulées par la Mission d'évaluation et de contrôle, qui feront l'objet d'un suivi particulier de la part de votre Rapporteur spécial. I.- rationaliser l'organisation des réseaux A.- Orientations générales - Accélérer la restructuration du dispositif de représentation de la France à l'étranger : recentrer son action en Europe sur le domaine diplomatique ; mettre l'accent sur l'influence politique et culturelle dans les pays soumis à des régimes politiques durs, sur la présence économique dans les pays émergents et sur le développement dans les pays très pauvres et les pays de la zone de solidarité prioritaire (proposition n° 2). - Développer, approfondir et encadrer les partenariats entre les structures de représentation française (ambassades, consulats, établissements culturels à autonomie financière et Alliances françaises) et leurs homologues de l'Union européenne. En particulier, mettre en place, à titre expérimental, des équipes diplomatiques franco-allemandes (propositions n° 3, 12 et 21). - Encourager le développement des postes mixtes (proposition n° 64). - Supprimer les « doublonnements » de postes parmi les services de l'État à l'étranger (proposition n° 1). B.- Réseau consulaire - Limiter, au sein de l'Union européenne, la présence consulaire aux sections consulaires des ambassades. Accélérer le redéploiement des moyens humains et financiers vers les pays soumis à une forte pression migratoire et vers les pays émergents (propositions n° 6 et 7). - Supprimer les consulats d'influence (proposition n° 4). - Développer et valoriser le réseau des agences consulaires (proposition n° 5). - Centraliser, par zone géographique, l'élaboration des passeports et visas (proposition n° 8). - Favoriser un rapprochement entre le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l'Intérieur dans le domaine de la délivrance des visas (proposition n° 9). - Investir massivement dans les téléprocédures et installer des bornes électroniques dans des lieux stratégiques fréquentés par les Français à l'étranger. Mettre en place, au sein des postes consulaires, un numéro de téléphone unique « SOS France », réservé aux Français (propositions n° 10 et 11). C.- Réseau culturel - Recentrer l'action des établissements culturels et des Alliances françaises sur l'enseignement de la langue française et l'offre d'équipements culturels (proposition n° 15). - Réduire le réseau des établissements culturels en Europe et favoriser les partenariats avec les institutions locales. Redéployer le réseau culturel vers les zones les plus dynamiques économiquement, comme l'Asie, les pays d'Europe centrale et orientale, la Russie et le Moyen Orient. Maintenir une présence culturelle physique dans les pays dominés par un régime autoritaire ou caractérisés par une grande pauvreté (propositions n° 14, 16, 17 et 18). - Fonder le redéploiement de notre réseau culturel sur les Alliances françaises et attribuer le label « Alliance française » selon des critères plus stricts (propositions n° 19 et 20). - Mettre fin, d'ici à 2007, à la coexistence au sein d'une même ville, d'un centre ou institut culturel et d'une Alliance française (proposition n° 13). D.- Réseau économique - Rattacher les missions économiques au ministère des Affaires étrangères (proposition n° 23). - Accentuer le mouvement de réduction des effectifs, en particulier dans les pays européens, et leur redéploiement vers les zones les plus dynamiques économiquement (proposition n° 22). - Mener une stratégie d'ensemble pour que chaque institution du réseau économique concentre son action sur les domaines où elle dispose d'un avantage comparatif. Donner aux missions économiques un rôle plus stratégique d'animation, d'arbitrage et de contrôle de la politique de soutien aux entreprises et confier les missions d'expertise et de prospectives économiques à des pôles régionaux, voire à des organismes d'études extérieurs. Associer de manière plus étroite les chambres de commerce et d'industrie au dispositif de soutien aux exportations : en particulier, accentuer les synergies entre le réseau public et les chambres de commerce franco-étrangères dans le domaine de l'accompagnement des entreprises et renforcer leurs moyens financiers (propositions n° 24, 25, 26, 27 et 30). - Mieux intégrer les conseillers du commerce extérieur français au dispositif public d'appui (proposition n° 28). - Développer et renforcer les partenariats avec les fédérations professionnelles (proposition n° 29). E.- Réseau de la défense - Rattacher les missions de coopération militaire et de défense au ministère de la Défense (proposition n° 31). - Adapter le dispositif du ministère de la Défense à l'étranger en fonction d'objectifs recentrés et renforcer l'interdisciplinarité des compétences des attachés de défense et des attachés d'armement (proposition n° 32). - Lancer une concertation entre les pays européens, afin de rationaliser nos représentations militaires réciproques (proposition n° 33). II.- coordonner l'action de la France à l'étranger A .- Renforcer la coordination interministérielle - Mettre en place, auprès du Premier ministre, une structure de pilotage de l'action extérieure de l'État, qui associe les ministères et opérateurs publics intervenant à l'étranger. Les ambassadeurs, qui seraient rattachés à cette structure, en seraient les représentants sur le terrain (proposition n° 36). - Créer, au sein du budget de l'État, une mission interministérielle regroupant l'ensemble des moyens consacrés par la France à son action extérieure. À court terme, enrichir le document de politique transversale, notamment à partir des données figurant dans le « jaune » budgétaire, qui devrait alors être supprimé (proposition n° 37). - Inclure les opérateurs publics (établissements publics, groupements d'intérêt public...) intervenant à l'étranger dans le champ de compétence du CIMEE (proposition n° 34). - Clarifier et uniformiser les instructions relatives aux nominations des chefs de services extérieurs (proposition n° 35). B.- Animer la présence française sur le terrain - Étendre les dispositions du décret n° 79-433 du 1er juin 1979 aux antennes des établissements publics à l'étranger et développer des conventions de partenariat avec ces établissements (proposition n° 43). - Faire de la conférence d'orientation budgétaire une enceinte de pilotage des moyens financiers consacrés à l'action extérieure de la France dans un pays considéré. Soumettre à l'avis de l'ambassadeur les projets de budget des services de l'État à l'étranger (propositions n° 41 et 42). - Élaborer un plan d'action de l'ambassade de manière concertée avec les représentants des différents ministères et les principaux opérateurs représentés dans le pays. Définir de manière concertée le plan de communication de l'ambassade et adopter une charte graphique commune (propositions n° 44 et 45). - Favoriser les rapprochements entre les services de l'État (regroupement sur un même site, rapprochement des réseaux de communication, harmonisation des systèmes comptables et informatiques et prise en compte de la dimension interministérielle dans le système d'information Chorus) (propositions n° 39, 40 et 69). - Rendre obligatoire la communication aux ambassadeurs des lettres de mission des attachés spécialisés et des directeurs d'établissement à autonomie financière (proposition n° 38). C.- Accroître la visibilité de l'action française - Pour le réseau culturel : intégrer au sein de l'opérateur CulturesFrance, dans un premier temps à titre expérimental, les centres et instituts culturels ainsi que les Alliances françaises et réduire à une seule dénomination le nombre d'appellations des établissements à autonomie financière. Créer, à partir du nom « CulturesFrance », une « marque » de référence de l'action culturelle française à l'étranger (propositions n° 46 et 47). - Pour le réseau d'enseignement français : hiérarchiser les missions du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Améliorer l'attractivité de l'enseignement supérieur français en généralisant les centres pour les études en France et en facilitant l'accueil en France des anciens élèves étrangers du réseau (propositions n° 48, 49 et 50). III.- renforcer l'efficience de l'action de la France à l'étranger A.- Redéfinir le rôle de l'État - Transformer la DGCID en une direction chargée de la réflexion stratégique et du contrôle de la mise en œuvre des volets culture, éducation et développement de la politique étrangère de la France. Organiser cette nouvelle direction, composée d'une cinquantaine de personnes, en deux pôles, l'un chargé du rayonnement culturel, l'autre consacré aux politiques de développement. Renforcer la capacité de la DGCID à exercer sa mission de tutelle par la formation de ses personnels et la mise en place d'outils de gestion performants. Confier la mise en œuvre de la politique définie par la DGCID à deux opérateurs, l'AFD dans le champ de la coopération et de l'aide au développement et CulturesFrance dans le domaine culturel (propositions n° 52 et 55). - Clarifier le partage des compétences entre la DGCID et l'AFD. Revoir l'organisation des services de coopération et d'action culturelle, afin de tirer les conséquences des transferts de compétences intervenus dans le secteur de la coopération (propositions n° 53 et 54). - Conclure avec chaque opérateur de la politique culturelle et de coopération un contrat de performance comportant des objectifs précis et mesurables, dont la mise en œuvre devra faire l'objet d'un compte rendu détaillé auprès des services du ministère (proposition n° 56). - Ouvrir la direction collégiale du ministère des Affaires étrangères à deux personnes issues du secteur privé (proposition n° 51). B.- Assurer la diffusion d'une culture de gestion - Fixer à chaque établissement à autonomie financière un objectif précis en matière d'autofinancement, défini en fonction des particularités de son environnement ; sanctionner son absence de respect par une diminution de la subvention du ministère (proposition n° 59). - Améliorer la formation des directeurs de centres et d'instituts culturels en matière de gestion et doter ces établissements d'outils de gestion adaptés (proposition n° 60). C.- Dynamiser la gestion des ressources humaines - Diversifier le recrutement des ambassadeurs et organiser leur affectation en fonction des priorités de la politique de la France dans chaque pays (proposition n° 62). - Créer, au sein de la Direction des ressources humaines du ministère des Affaires étrangères, une cellule chargée du placement des personnels d'encadrement supérieur auprès de structures publiques et privées (proposition n° 61). - Mettre en place une politique de recrutement des responsables de centres et instituts culturels fondée sur la diffusion de fiches de postes précises, une sélection objective des candidats à partir de la présentation de leur projet de développement de l'établissement, et un niveau minimum de compétences en matière de gestion et de langues. Accorder des mandats, renouvelables, d'une durée de quatre ans aux directeurs de centres et instituts culturels (propositions n° 57 et 58). - Exiger des conseillers culturels d'avoir eu une expérience de directeur d'établissement à autonomie financière ou d'Alliance française (proposition n° 63). - Harmoniser les rémunérations et les avantages matériels des agents expatriés en poste à l'étranger, ainsi que les niveaux de primes des agents en administration centrale. Harmoniser les conditions d'emploi et de rémunération des recrutés locaux au sein d'un même poste (propositions n° 65 et 66). - Développer la rémunération au mérite des agents en poste à l'étranger (proposition n° 67). D.- Mutualiser les moyens humains et financiers - Généraliser les SAFU ministériels d'ici à 2007 et étendre le dispositif à tous les services de l'État à l'étranger d'ici à 2008 (proposition n° 68). - Mutualiser les achats des différents services de l'État à l'étranger présents dans un même pays et regrouper les achats des établissements culturels à autonomie financière au niveau d'un pays ou d'une zone géographique (propositions n° 70 et 71). - Harmoniser le niveau des moyens mis à la disposition des services de l'État à l'étranger (proposition n° 72). I.- LES SERVICES DE L'ÉTAT À L'ÉTRANGER : Le réseau de la France à l'étranger est le deuxième au monde, après celui des États-Unis. Animé par une multitude d'intervenants publics, il traduit la diversité des champs d'influence de notre pays. Toutefois, le foisonnement des réseaux de l'État à l'étranger, source d'une dispersion des moyens, peut être préjudiciable à l'expression de la politique extérieure de la France. Une plus grande rigueur doit donc présider à l'évolution de notre représentation à l'étranger. A.- UNE PRÉSENCE DE LA FRANCE ENCORE FOISONNANTE La présence française à l'étranger est assurée par une multiplicité d'intervenants publics. Parmi eux, les services de l'État connaissent un développement inégal, qui ne répond pas à une stratégie clairement définie. 1.- La multiplicité des porte-parole de la voix de la France L'action extérieure de la France prend de multiples formes (représentation physique, subventions, prêts, dons...) et fait intervenir de très nombreux acteurs. Parmi les intervenants publics à l'étranger, on trouve, en premier lieu, les services du ministère des Affaires étrangères et ceux des autres départements. Très diversifié, le réseau administratif recouvre 18 catégories d'implantations avec un total de 785 services répartis dans 161 pays. Disposent ainsi d'un ou de plusieurs réseaux, plus ou moins importants, le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie, le ministère de la Défense, le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Justice, les ministères en charge des affaires sociales, le ministère de l'Équipement, des transports, du tourisme et de la mer et, enfin, le ministère de l'Agriculture et de la pêche. Ce réseau administratif est relayé par d'autres réseaux institutionnels français ou associant des Français et des nationaux, comme ceux de l'Agence française de développement, de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, des centres culturels et de recherche, des Alliances françaises, d'EDUFRANCE, de l'Agence pour le développement international des entreprises (UBIFRANCE), de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), de la Société pour l'expansion des ventes de produits agricoles et alimentaires (SOPEXA), des chambres de commerce et d'industrie ou, encore, de l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM). Le cas des écoles françaises de l'étranger (écoles françaises d'Athènes, de Madrid et de Rome, École française d'Extrême-Orient et Institut français d'archéologie orientale) est particulier : établissements publics administratifs, ils ne constituent pas, à proprement parler, un réseau. De nombreuses associations œuvrent aussi en faveur de la présence française à l'étranger, parmi lesquelles l'Association française pour l'action culturelle (AFAA), l'Association française pour la diffusion de la pensée française (ADPF), Unifrance, chargée de la promotion du cinéma dans le monde ou, encore, Egide, qui gère les programmes de mobilité internationale de l'État. Plusieurs grands établissements publics français, comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou encore le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) ont par ailleurs développé de manière autonome leurs propres structures de coopération à l'étranger, organisées le plus souvent sous forme de délégations. S'ajoutent à cet inventaire les collectivités territoriales qui, dans le cadre de la coopération décentralisée, interviennent sous des formes diverses, les plus audacieuses créant des antennes permanentes chargées de promouvoir leurs intérêts. Ainsi, la France bénéficie d'une présence large mais diffuse, dont l'efficacité suppose une coordination forte. 2.- Des réseaux hétérogènes à l'évolution contrastée Le réseau administratif français comprend 785 services ou structures administratives en 2004 contre 748 en 1999. Cette hausse globale de 5 % recouvre des évolutions contrastées selon les réseaux considérés. évolution du réseau administratif français à l'étranger
Source : ministère des Affaires étrangères. Alors que les ministères possédant les réseaux les plus anciens et les plus importants ont cherché à contenir l'évolution de leurs dispositifs depuis la fin des années 1990, plusieurs ministères ont récemment développé leur présence à l'étranger de manière soutenue. a) Des réseaux traditionnels en contraction Tout d'abord, les réseaux les plus importants, relevant des ministères des Affaires étrangères (47 % des implantations de l'État à l'étranger), de l'Économie, des finances et de l'industrie (23 %) et de la Défense (14 %), se sont globalement stabilisés. Le ministère des Affaires étrangères a procédé à une forte diminution de ses effectifs expatriés à l'étranger : - 18 % depuis 1993. Toutefois, ses différents réseaux ont connu des évolutions contrastées : le nombre d'implantations des réseaux diplomatique et culturel a très légèrement progressé tandis que le réseau consulaire s'est réduit. Les effectifs globaux du réseau du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie à l'étranger ont diminué de 12 % entre 1995 et 2005. Si le nombre d'implantations du réseau a été maintenu sur la période 1999-2004, son organisation a été profondément modifiée depuis 2002. Cette évolution s'est traduite, d'une part, par la création de services économiques à compétence régionale et de missions économiques regroupant l'ensemble des services du ministère et, d'autre part, par une externalisation de ses activités vers des opérateurs comme UBIFRANCE et l'AFII. Si le ministère de la Défense a peu modifié son réseau d'action extérieure, il en a réduit les effectifs. Compte tenu de leur taille, largement supérieure à celle des réseaux des autres départements ministériels, et des enjeux budgétaires qui y sont associés, votre Rapporteur reviendra plus en détail sur l'évolution de ces réseaux. b) De nouveaux réseaux en expansion En sens inverse, plusieurs ministères, traditionnellement peu représentés à l'étranger, développent depuis quelques années leur présence à l'étranger de façon soutenue. Leurs réseaux demeurent encore de taille modeste, à l'exception toutefois de celui du ministère de l'Intérieur, qui connaît une croissance forte depuis le début des années 1990. Le réseau du ministère de l'Intérieur (Service de coopération technique internationale de police - SCTIP), chargé de la coopération policière, est ainsi passé de 48 implantations en 1993 à 100 implantations, animées par 237 agents (fonctionnaires de police ou militaires de la gendarmerie) en 2005. Selon le ministère de l'Intérieur, ce réseau représente un coût de près de 25 millions d'euros (incluant les rémunérations des personnels expatriés et recrutés locaux et les dépenses de fonctionnement en administration centrale et dans les postes). La répartition géographique du réseau montre que l'Europe et l'Afrique sont actuellement les deux zones prioritaires de l'action du SCTIP.
Le réseau du ministère de la Justice, plus récent, est de taille modeste. La présence du ministère à l'étranger est assurée par 82 agents (27 experts nationaux détachés auprès d'institutions internationales, 19 magistrats ou greffiers en chef placés auprès des ministères de la justice locaux, 18 magistrats dans les juridictions internationales, 5 conseillers auprès des représentations permanentes et 13 magistrats de liaison et conseillers en ambassade). Présents dans les ambassades, ce sont ces derniers qui constituent véritablement le « réseau » du ministère à l'étranger. Si votre Rapporteur a obtenu une description détaillée des postes, il n'a en revanche pas eu d'estimation du coût de la représentation du ministère de la Justice à l'étranger. L'action internationale du ministère de l'Agriculture et de la pêche mobilise directement et indirectement 336 agents et représenterait un coût estimé à 51 millions d'euros (correspondant aux rémunérations des personnels et au financement direct des réseaux UBIFRANCE et Sopexa). Parmi ces 336 agents, certains ont des activités plus économiques (15 attachés agricoles et 9 adjoints sont intégrés dans les missions économiques), d'autres une action s'insérant davantage dans le cadre de la coopération et de l'aide publique au développement (18 assistants techniques au sein des services de coopération et d'action culturelle, 8 dans les agences extérieures du CIRAD et 5 dans des agences de l'AFD). Les ministères chargés des affaires sociales (Emploi, cohésion sociale et logement, Santé et solidarité) développent également un réseau constitué de « conseillers aux affaires sociales », qui serait au nombre de 20 selon les informations fournies par le ministère des Affaires étrangères, les ministères concernés n'ayant pas répondu au questionnaire envoyé par votre Rapporteur. Pour sa part, le ministère des Transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer assure une représentation à l'étranger très diversifiée, qui correspond aux nombreuses missions dont il a la charge. Cette présence est animée par des « conseillers transport » placés auprès des représentations permanentes (3 « conseillers transport » et un adjoint ingénieur) et des ambassadeurs (3 « conseillers équipement transport » à Washington, Madrid et Berlin) ainsi que des « conseillers maritimes » (3 à Londres, Dakar et Malte). Par ailleurs, en vertu d'une convention signée avec la DGTPE, le ministère dispose de 15 postes d'« attachés équipement transport » dans le réseau des missions économiques, parmi lesquels 13 (1) sont actuellement pourvus. Enfin, le ministère dispose de 20 experts nationaux détachés auprès de l'Union européenne et de 13 fonctionnaires placés en échange. Maison de la France, en charge de la promotion du tourisme en France, ne constitue pas un service de l'État au sens strict mais bénéficie d'agents mis à disposition par le ministère, dont le nombre n'a pas été communiqué. Ainsi, si le ministère estime ses effectifs présents à l'étranger à une cinquantaine (représentant un coût de 5 millions d'euros), seuls les conseillers placés auprès des ambassades et les attachés situés au sein des missions économiques constituent un réseau au sens strict (1,7 million d'euros). Votre Rapporteur s'interroge sur l'intérêt de ce double réseau, qui aboutit, dans certains cas, à des doublons. C'est notamment le cas à Madrid et Berlin, où l'on trouve un conseiller « équipement transport » auprès de l'ambassadeur et un attaché « équipement transport » au sein de la mission économique. Cette situation pourrait bientôt être reproduite à Rome. Bien que Dominique Bureau, Directeur des affaires économiques et internationales au ministère des Transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, ait justifié cette double présence par la charge de travail et la spécificité des dossiers à traiter, votre Rapporteur est d'avis de mettre fin à ce dispositif. Votre Rapporteur a d'ailleurs constaté une situation proche lors de son déplacement au Maroc : un magistrat de liaison et un conseiller juridique auprès de l'ambassadeur cohabitent à l'ambassade de France à Rabat. Si la présence du magistrat de liaison, avec lequel il s'est longuement entretenu, lui semble justifiée, celle du conseiller juridique lui est apparue plus contestable. Aussi, votre Rapporteur souhaite que chaque ministère veille à ne pas développer de doublons au sein des réseaux au travers de la mise en place de conseillers auprès des ambassadeurs alors que ses services font déjà l'objet d'une représentation. Il apparaît plus cohérent d'augmenter les effectifs de l'équipe en place, si les besoins le justifient effectivement. Proposition n° 1 : supprimer les « doublonnements » de postes parmi les services de l'État à l'étranger. 3.- Un effort financier important dont les priorités géographiques doivent être revues Hors sa quote-part à l'action extérieure de l'Union européenne (865 millions d'euros), la France consacre 7,94 milliards d'euros à son action extérieure en 2006. La part des dépenses d'intervention est prépondérante (6,43 milliards d'euros, soit 81 %). Elles se répartissent entre l'action bilatérale (3,13 milliards d'euros) et l'action multilatérale (3,30 milliards d'euros). Le solde (1,51 milliard d'euros, soit 19 %) correspond au coût d'animation des services, incluant les services d'administration centrale. Le budget consacré à l'action extérieure, retracé dans le « jaune » budgétaire récapitulant les crédits de toute nature qui concourent à l'action extérieure de la France, est dispersé entre 32 programmes relevant de la responsabilité de 14 ministères différents ainsi que des services du Premier ministre.
Les ministères consacrant le plus de moyens à l'étranger sont ainsi le ministère des Affaires étrangères (4,41 milliards d'euros, soit près de 50 % des crédits de l'action extérieure de l'État), le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie (1,36 milliard d'euros), le ministère de l'Éducation nationale (1,12 milliard d'euros) et, enfin, loin derrière, le ministère de la Défense (221 millions d'euros). Ce classement diffère légèrement si l'on étudie le coût des réseaux. Ainsi, le ministère des Affaires étrangères en assure 50 %, le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie 33 % et le ministère de la Défense 10 %. Si l'on rapporte ces chiffres à la répartition des implantations entre ces mêmes ministères (respectivement 47 %, 23 % et 14 %), le réseau du ministère de l'Économie et des finances apparaît comme étant le plus coûteux. Au problème de la diversité des intervenants et, par conséquent de la dispersion des responsabilités, s'ajoute celui de la répartition géographique des moyens consacrés par les ministères à leur représentation à l'étranger. Si l'on considère les quatre principaux réseaux (ministère des Affaires étrangères, ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie, ministère de la Défense et ministère de l'Intérieur), force est de constater une certaine polarisation sur l'Afrique et l'Europe. Ainsi que l'a souligné M. Raymond-François Le Bris dans son rapport au Premier ministre (2), 22 % des effectifs expatriés de ces réseaux sont présents en Europe, 25,5 % en Afrique et dans l'Océan indien et 15 % en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, tandis que 13 % sont en Asie et en Océanie. Bien que ces données ne concernent que les effectifs expatriés et non l'ensemble des moyens consacrés à la présence française dans ces zones géographiques, elles constituent un reflet intéressant des priorités de la présence française à l'étranger. Le déséquilibre dans la répartition des moyens apparaît de manière encore plus frappante, si l'on compare le coût du dispositif français dans les pays de l'Union européenne et dans plusieurs pays émergents aux taux de croissance économique de ces pays, qui constitue un indicateur important de leur dynamisme. MOYENS CONSACRÉS PAR LA FRANCE À SA REPRÉSENTATION DANS LES PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE ET DANS LES PRINCIPAUX PAYS ÉMERGENTS
(1) Expatriés, recrutés locaux et volontaires internationaux. (2) Chiffres de l'année 2004. (3) Chiffres de l'année 2005. Source : ministère des Affaires étrangères et FMI. Ainsi, la France engage, pour les dépenses de personnel et de fonctionnement de ses réseaux à l'étranger, 220 millions d'euros dans les 24 pays de l'Union européenne, dont le taux de croissance moyen est de 1,6 %, et 136 millions d'euros dans onze pays émergents représentant 50 % de la population mondiale et dont les taux de croissance oscillent entre 3 et 10 % (3). Même si cette comparaison présente des limites (seuls sont pris en compte les crédits de personnels et de fonctionnement et le coût des recrutés locaux varie fortement selon le niveau de vie des pays), elle est éclairante : la France consacre ainsi à sa représentation dans l'Union européenne près du double des moyens qu'elle engage dans les principaux pays émergents. Le déséquilibre est encore plus profond si l'on considère les effectifs mobilisés : plus de 4.400 agents sont présents dans les 14 anciens États membres de l'Union européenne, contre seulement 1.906 dans les 11 pays émergents retenus ! Le rapport est ainsi de plus du double, alors que les 14 anciens États membres de l'Union européenne constituent un espace politique, économique et culturel bien intégré, qui devrait, par conséquent, requérir une présence moins forte. La répartition de nos forces est une question fondamentale pour le rayonnement et le dynamisme de notre pays. À cet égard, votre Rapporteur salue les efforts menés par les principaux ministères présents à l'étranger afin de redéployer leurs réseaux vers les régions qui apparaissent comme étant les plus porteuses. Il constate toutefois que la réactivité du dispositif français se situe en deçà de celle d'autres grands pays comme le Royaume-Uni, l'Allemagne ou encore les États-Unis. La vaste réforme du dispositif d'action extérieure du département d'État américain dans le cadre de la « transformational diplomacy » présentée par le Secrétaire d'État Condoleezza Rice le 18 janvier dernier, constitue un modèle en la matière. Est notamment prévu le transfert d'un tiers des postes de diplomates, principalement d'Europe, vers le Proche Orient, l'Asie et l'Afrique. Compte tenu de l'évolution accélérée des enjeux politiques et économiques dans le monde et des redéploiements déjà engagés par les pays ayant une forte représentation diplomatique, votre Rapporteur estime que le rythme d'adaptation du réseau de représentation française devrait être multiplié au moins par trois. La nécessaire accélération de l'adaptation des réseaux français doit répondre à des orientations à la fois géographiques et fonctionnelles. L'idée d'un seul modèle de représentation uniformément réplicable dans chaque pays est dépassée. Il convient de faire varier la nature des organisations, qui ne sont que l'incarnation d'une politique, en fonction des priorités définies par la France en termes d'influence, et de mobiliser les moyens humains et financiers en conséquence. Plusieurs types d'organisation peuvent ainsi être définis en fonction des enjeux que représentent les différents pays pour la France : - une représentation principalement politique et culturelle dans les pays caractérisés par des régimes politiques durs ; - une présence à dominante économique et commerciale dans les pays émergents ; - un soutien au développement dans les pays très pauvres, en particulier ceux de la zone de solidarité prioritaire ; - une représentation allégée et essentiellement politique en Europe : l'action française doit surtout avoir pour objet de comprendre les positions de nos partenaires européens et de défendre notre point de vue. Proposition n° 2 : accélérer la restructuration du dispositif de représentation de la France à l'étranger : recentrer son action en Europe sur le domaine diplomatique ; mettre l'accent sur l'influence politique et culturelle dans les pays soumis à des régimes politiques durs, sur la présence économique dans les pays émergents et sur le développement dans les pays très pauvres et les pays de la zone de solidarité prioritaire. B.- LA CONCENTRATION DES ENJEUX HUMAINS ET FINANCIERS ENTRE TROIS GRANDS RÉSEAUX Les réseaux du ministère des Affaires étrangères, du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie et du ministère de la Défense représentent 85 % des implantations de l'État à l'étranger et 93 % de leur coût. Si ces réseaux sont en évolution constante depuis une dizaine d'années, leur redéploiement doit désormais être accéléré. 1.- Les réseaux du ministère des Affaires étrangères Le ministère des Affaires étrangères ne dispose pas d'un, mais de plusieurs réseaux (diplomatique, consulaire, culturel et de coopération), qui reflètent une segmentation assez forte des métiers, au prix d'un certain cloisonnement. La France possède le deuxième réseau diplomatique et consulaire du monde, derrière les États-Unis, avec une présence assurée dans 161 pays. En 2006, ce réseau diplomatique est constitué de : - 157 ambassades ; - 3 bureaux de liaison (Pristina, Banja-Luka et Podgorica) ; - 2 antennes diplomatiques, l'une partageant les locaux de l'ambassade d'Allemagne à Lilongwe et l'autre dans les locaux de la Haute commission britannique à Freetown ; - 17 représentations permanentes ; - 4 délégations auprès d'organismes internationaux. Des ambassadeurs, non-résidents, sont accrédités dans 34 pays et onze ambassadeurs sont en mission sur des questions multilatérales ou globales. Le réseau des ambassades n'a pas connu d'évolution marquée depuis la chute du mur de Berlin. Deux nouvelles ambassades devraient toutefois être bientôt créées, au Liberia et au Montenegro. La décision de fermer ou d'ouvrir une ambassade est avant tout un choix politique, qui relève de la responsabilité du Président de la République. En tout état de cause, l'idée d'un modèle universel dans lequel chaque ambassade proposerait l'ensemble des services possibles, apparaît aujourd'hui dépassée. Il convient au contraire d'adapter les structures aux besoins et d'en tirer les conséquences en termes de répartition des moyens financiers et humains. Est-il normal, ainsi que l'a souligné M. Laurent Garnier, Sous-directeur à la Direction du budget, que les effectifs de l'ambassade de France à Madagascar soient équivalents à ceux de l'ambassade de France à Pékin ? Aussi, votre Rapporteur se félicite de l'adoption prochaine d'une directive nationale d'orientation des ambassades, qui a notamment pour objectif d'établir une typologie des postes diplomatiques en fonction des priorités de la France dans un pays donné. Cette typologie sera un instrument utile pour décider de l'allocation des moyens humains et financiers. La mise en place du comité stratégique de suivi des réseaux témoigne également des efforts du ministère pour rationaliser sa représentation à l'étranger. Une autre voie d'évolution du réseau diplomatique réside dans le développement des collaborations avec nos partenaires européens. Ces projets se limitent pour l'instant à des partages de locaux. Sont ainsi envisagés une implantation commune regroupant Français, Allemands et Britanniques à Almaty (Kazakhstan), un campus diplomatique franco-allemand à Dacca (Bangladesh), une co-localisation abritant Français, Allemands et Britanniques à Tbilissi (Géorgie) et une implantation franco-allemande à Maputo (Mozambique). Si ces collaborations sont souvent guidées par des considérations d'opportunité, elles pourraient toutefois trouver un prolongement intéressant dans une représentation commune. Compte tenu de l'intensité de la collaboration franco-allemande et des négociations en cours entre les deux pays pour élaborer un accord-cadre sur les co-localisations franco-allemandes, cette expérience pourrait être menée dans un premier temps avec l'Allemagne, puis, éventuellement, être étendue à d'autres pays. Certains postes diplomatiques pourraient ainsi être composés d'un ambassadeur français et d'un premier conseiller allemand, et inversement. Proposition n° 3 : mettre en place, à titre expérimental, des équipes diplomatiques franco-allemandes. En 2006, le réseau consulaire est composé de : - 103 postes consulaires (85 consulats généraux et 18 consulats), parmi lesquels 8 sont des consulats ou des consulats généraux d'influence ; - 120 sections consulaires près une ambassade ; - 4 chancelleries détachées ; - 4 antennes consulaires ; - 525 agences consulaires (consuls honoraires défrayés mais non rémunérés). Le réseau consulaire représente un double enjeu en termes de maîtrise des flux migratoires et de qualité des services rendus aux Français présents à l'étranger. Ce sont ainsi deux métiers très différents que les consuls sont amenés à exercer. À cet égard, il n'apparaît plus justifié d'avoir des postes consulaires uniformément chargés de missions identiques. Il convient d'adapter les structures aux besoins. Le réseau consulaire connaît depuis plusieurs années des évolutions profondes tant en termes d'implantations que de méthodes de travail. En termes d'implantations et de redéploiement des moyens, l'effort a principalement porté sur les consulats situés dans les pays de l'Union européenne, en particulier l'Allemagne, et bénéficié aux pays où la pression migratoire est forte et aux pays émergents particulièrement dynamiques sur le plan économique.
Votre Rapporteur se félicite de l'évolution suivie par le réseau, mais regrette que le ministère n'aille pas jusqu'au bout de la logique retenue. La France réplique à l'étranger un modèle de service public très généreux, qui se traduit notamment par un nombre excessif de consulats, tandis que les postes confrontés à une pression migratoire forte ne disposent pas toujours des moyens humains nécessaires. Votre Rapporteur s'interroge, en outre, sur la portée réelle de certaines mesures prises. Quel est l'intérêt des transformations de consulats en consulats d'influence ? Ces consulats d'influence sont déchargés des tâches consulaires mais conservent une compétence en matière de protection consulaire des ressortissants français et jouent un rôle principalement politique, culturel ou économique. Cette formule suppose le maintien d'un poste de consul général ou de consul. La création de ces consulats d'influence résulte le plus souvent d'un arbitrage politique qui, à la suite d'une intervention des autorités locales, a décidé le maintien d'une présence, alors que la fermeture du consulat était initialement envisagée. Votre Rapporteur n'est pas convaincu par cette formule, qui lui semble correspondre à un constat d'échec plutôt qu'à une démarche constructive. Il ne croit pas au consulat d'influence à vocation politique, économique ou culturelle, en particulier en Europe, où les consulats d'influence se développent le plus rapidement. L'influence politique, économique ou culturelle est déjà assurée par d'autres acteurs spécialisés. Votre Rapporteur a enfin pu constater que cette formule ne permettait pas de réaliser de véritables économies. Proposition n° 4 : supprimer les consulats d'influence. En revanche, votre Rapporteur est convaincu de l'intérêt de la formule des agences consulaires, qui renforcent la présence française à l'étranger pour un coût modique, de l'ordre de 1,3 million d'euros. Composé de vice-consuls ou de consuls honoraires, qui sont le plus souvent des personnalités dévouées jouissant d'un rayonnement local important, ce réseau est insuffisamment valorisé. Il convient en particulier de définir plus précisément la mission des agents consulaires, de les associer davantage à la vie de l'ambassade et, surtout, d'améliorer leur rémunération. Proposition n° 5 : développer et valoriser le réseau des agences consulaires. S'agissant plus particulièrement des consulats présents dans les pays européens, votre Rapporteur s'étonne tout d'abord du maintien de consulats dans des villes proches des frontières françaises. Il propose de les supprimer et de permettre aux Français établis dans ces régions d'accéder aux services offerts par les préfectures ou sous-préfectures des villes françaises proches. Ainsi, les services consulaires présents à Monaco ou à Sarrebrück pourraient être supprimés. D'une manière plus générale, votre Rapporteur préconise d'achever le mouvement de restructuration du réseau consulaire dans les pays de l'Union européenne ou, au moins, dans ceux de l'espace Schengen, en supprimant tous les consulats qui ne sont pas situés dans les capitales (19 consulats ou consulats généraux). En effet, leur présence est peu justifiée pour la délivrance de visas (les consulats et sections consulaires situés dans les capitales pouvant s'occuper des cas particuliers) et les services qu'ils offrent aux Français établis à l'étranger pourraient être principalement pris en charge par le développement de l'administration électronique. Les cas particuliers ou les activités nécessitant absolument une présence physique seraient alors assurés par les consulats des capitales. Une représentation physique est en effet loin d'être toujours nécessaire. Ainsi, M. Klaus Neubert, Ambassadeur de la République fédérale d'Allemagne en France, a signalé à votre Rapporteur que les Allemands établis en France entretenaient des relations avec les autorités par courrier. Les tâches consulaires seraient ainsi centralisées dans les capitales et pourraient même, à terme, être réalisées en France. Enfin, votre Rapporteur souhaite que le mouvement de transformation des consulats en sections consulaires dans les capitales des pays de l'Union soit mené à son terme. Proposition n° 6 : supprimer les services et postes consulaires situés dans les villes proches des frontières françaises et limiter, au sein de l'Union européenne, la présence consulaire aux sections consulaires des ambassades. La rationalisation du réseau consulaire en Europe permettrait de dégager des moyens financiers et humains, au bénéfice de nouveaux postes consulaires dans les pays émergents mais également de postes consulaires existants mais qui doivent assumer une charge croissante de travail. Ainsi, la France s'inscrirait de manière résolue dans la même logique que celle engagée depuis longtemps déjà par nos partenaires britanniques et allemands. L'Ambassadeur de la République fédérale d'Allemagne en France a indiqué à votre Rapporteur que l'Allemagne, après avoir réduit de manière drastique sa représentation consulaire depuis 20 ans, compte désormais, outre les divisions des affaires légales et consulaires des ambassades, 52 consulats généraux, 8 consulats et 6 dépendances d'ambassades ou de consulats. L'Allemagne a également redéployé ses moyens vers la Chine, l'Inde et la Russie. De même, M. John Holmes, Ambassadeur de Grande-Bretagne en France, a indiqué que le Royaume-Uni avait fortement réduit le nombre de ses consulats dans les pays de l'OCDE. Proposition n° 7 : accélérer le redéploiement des moyens humains et financiers du réseau consulaire vers les pays soumis à une forte pression migratoire et les pays émergents. Par ailleurs, dans une logique de rationalisation du réseau consulaire, votre Rapporteur propose de mettre en place, par pays ou par grande région, des « consulats de production », qui assureraient l'élaboration de documents administratifs, comme les passeports et les visas. Il s'agirait ainsi de centraliser certaines tâches sur des pôles régionaux. Proposition n° 8 : centraliser, par zone géographique, l'élaboration des passeports et des visas. S'agissant plus particulièrement de la délivrance des visas, votre Rapporteur s'interroge sur l'opportunité d'un rapprochement entre le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l'Intérieur. Ainsi, en Grande-Bretagne, les compétences du Foreign and Commonwealth Office et du ministère de l'Intérieur ont été regroupées et confiées à une agence, opérateur privé. Sans aller jusqu'à une externalisation de la délivrance des visas, une plus grande synergie, pouvant aller jusqu'au transfert des compétences au ministère de l'Intérieur, doit être soumise à réflexion. Proposition n° 9 : favoriser un rapprochement entre le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l'Intérieur dans le domaine de la délivrance des visas. La restructuration et le redéploiement des moyens du réseau consulaire ne peuvent avoir lieu sans une modernisation des méthodes de travail. Le ministère s'est engagé dans cette voie de manière résolue, avec comme objectif de simplifier les procédures et de développer la téléadministration. Ainsi, certaines tâches ont été simplifiées (fusion des listes électorales) voire supprimées lorsqu'elles n'apparaissaient plus utiles (comme le notariat en Europe). Autre exemple, la réforme de l'immatriculation consulaire s'est traduite par un allégement des formalités et la création d'un registre mondial unique. Ces évolutions ont notamment été permises par le développement de la téléadministration, qui permet de simplifier la vie du public, d'alléger les tâches des consulats et de renforcer la sécurité des procédures. La transmission directe des actes d'état civil établis par les consulats au service central de l'état civil de Nantes est désormais possible et un projet de saisie et de transmission en ligne des demandes de visas de tourisme est en cours de test. Le développement de la téléadministration permet en outre de mieux répartir les tâches entre les consulats et de rationaliser l'organisation du réseau. Ainsi, les attributions d'état civil ont été regroupées à Bruxelles pour la Belgique et à Berlin pour l'Allemagne - à terme, c'est une centralisation à Nantes qui est envisagée pour l'ensemble des postes dans l'Union européenne. Les passeports sécurisés sont fabriqués à Nantes et dans des pôles régionaux de fabrication à Bruxelles, Genève, Londres, Hong Kong, Montréal, Washington et New York. Néanmoins, par rapport à ses principaux partenaires, la France a pris un retard évalué à dix ans par le ministère des Affaires étrangères dans la modernisation de ses systèmes d'information. Conscient de ce retard et des nombreux intérêts que présente la téléadministration, votre Rapporteur insiste sur la nécessité de moderniser le dispositif informatique du réseau consulaire et de développer davantage les téléprocédures. Ainsi, M. John Holmes, Ambassadeur de Grande-Bretagne en France, a indiqué à votre Rapporteur que les demandeurs de passeports biométriques et de visas devaient prendre un rendez-vous préalable par Internet, ce qui permettait d'éviter les files d'attente devant ou dans le consulat. Les salles d'attente bondées des consulats généraux de Casablanca et de Rabat témoignent, a contrario, du retard français. La mise en place des visas biométriques accentue l'urgence de la modernisation des procédures : alors que seulement 40 % des demandeurs de visas se rendent actuellement dans les locaux consulaires, ce seront bientôt 100 % d'entre eux qui devront y venir. La diminution de la présence physique consulaire dans les pays de l'Union européenne suppose également d'être compensée par le développement des téléprocédures, afin que soit garantie la qualité des services offerts aux Français établis à l'étranger. La France pourrait notamment s'inspirer de l'exemple américain des Virtual presence posts, dont M. Thomas White, ministre conseiller auprès de l'ambassade des États-Unis en France, a souligné les avantages. Il s'agirait d'installer, dans des lieux stratégiques comme des universités ou des bibliothèques, des bornes électroniques à partir desquelles il serait possible de converser avec un agent du ministère des Affaires étrangères et de prendre rendez-vous si besoin. Proposition n° 10 : investir massivement dans les téléprocédures et installer des bornes électroniques dans des lieux stratégiques fréquentés par les Français à l'étranger. Toujours dans le souci d'offrir un soutien aux Français alors que la présence consulaire doit être repensée, votre Rapporteur propose de mettre en place un numéro unique dans les postes consulaires, qui serait réservé aux Français, en particulier aux touristes qui connaîtraient des difficultés, et constituerait une sorte de numéro « SOS France ». Proposition n° 11 : mettre en place, au sein des postes consulaires, un numéro de téléphone unique « SOS France », réservé aux Français. Une dernière piste explorée dans le cadre de l'évolution du réseau consulaire concerne la collaboration avec les pays de l'Union européenne, parmi lesquels plus particulièrement ceux de l'espace Schengen. Plusieurs options sont possibles : une co-localisation immobilière (bureaux communs de visas), des actions communes spécifiques et la représentation d'un pays par un autre. La mise en place d'un consulat commun serait l'aboutissement de la logique européenne. Elle supposerait l'adoption d'un traité constitutionnel européen et une révision de la Constitution française. Actuellement, les expériences de collaboration se caractérisent par leur caractère informel. Ainsi, plusieurs projets de co-localisations sont en cours, par exemple à Melbourne (avec l'Allemagne) et à Yaoundé (avec l'Allemagne et la Belgique). Ils devraient permettre une réduction des coûts grâce à la mutualisation de certains moyens et une meilleure utilisation des espaces disponibles. Par ailleurs, dans le cadre des accords de Schengen, la France assure parfois la représentation de ses partenaires. Selon M. François Barry-Delongchamps, Directeur des Français de l'étranger et des étrangers en France, la France, qui attribue 20 % des visas pour la zone Schengen, représenterait ses partenaires dans plus de 200 cas. Enfin, il arrive que la mission de protection consulaire soit assurée par un État pour le compte d'un autre. Le Directeur des Français de l'étranger et des étrangers en France a souligné les nombreuses difficultés techniques qui freinaient le développement de ces collaborations (largeur des guichets, spécifications administratives...). Par ailleurs, il semble que le caractère par trop informel de ces collaborations ait parfois pour conséquence un report de la charge de travail sans réelle compensation financière. Aussi, conviendrait-il de davantage formaliser ces collaborations, en particulier en instaurant des clés de répartition des charges financières. Le projet de convention entre la France et l'Allemagne fixant les principes généraux relatifs aux co-localisations franco-allemandes constitue une première étape vers la nécessaire formalisation des relations. Ce texte, concernant une expérience particulière de collaboration, devra être complété par des textes plus ambitieux, encadrant, notamment dans le domaine financier, les différentes formes de collaboration possibles entre plusieurs pays. Proposition n° 12 : développer et encadrer les collaborations avec les pays de l'Union européenne, en particulier ceux de la zone Schengen. Le travail en réseau des consuls honoraires français et allemands est enfin expérimenté dans l'ensemble du réseau. Il s'avère être particulièrement utile dans les pays au territoire étendu. La collaboration peut prendre plusieurs formes : désignation de consuls honoraires communs aux deux pays, instauration de services de « boîtes aux lettres » (qui est toutefois limitée au dépôt et au retrait de documents) ou de première assistance aux citoyens du pays partenaire non représentés sur place et, enfin, délivrance de certains documents. c) Le réseau culturel et de coopération En dépit des efforts déployés par le ministère, le réseau culturel et de coopération demeure caractérisé par sa complexité et son foisonnement. Ce réseau regroupe tout d'abord, au sein des ambassades, 154 services de coopération et d'action culturelle (SCAC) (4) et une vingtaine de conseillers autonomes et d'attachés pour la science et la technologie présents au Canada, aux États-Unis, au Japon, en Chine, en Russie, en Inde et dans les principaux pays européens. Le réseau comprend aussi 153 centres et instituts culturels, 27 instituts français de recherche en sciences sociales et humaines et 220 Alliances françaises soutenues par le ministère des Affaires étrangères. Il convient également de citer les 429 établissements scolaires français à l'étranger homologués par le ministère de l'Éducation nationale, parmi lesquels figurent les 251 établissements relevant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), dont le réseau comprend 73 établissements gérés directement par l'Agence et 178 établissements qui ont conclu une convention avec l'agence. S'ajoutent au réseau de l'AEFE les 72 établissements relevant de la mission laïque. Deux associations, situées à Paris, interviennent par ailleurs dans le domaine culturel : l'Association française d'action artistique (AFAA), chargée de promouvoir la culture française contemporaine à l'étranger et de favoriser le développement de productions culturelles autonomes dans les pays de la zone de solidarité prioritaire, et l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF), qui a pour mission de soutenir la langue française et les cultures francophones grâce à l'édition et à la diffusion d'ouvrages. EGIDE, association placée sous la responsabilité du ministère des Affaires étrangères, joue un rôle actif dans l'accueil des étudiants étrangers en France. Au-delà de ce vaste réseau sur lequel le ministère des Affaires étrangères exerce sa tutelle, on trouve de nombreux autres acteurs qui œuvrent en faveur de la culture, de la recherche et de l'enseignement français à l'étranger. Il s'agit notamment des écoles françaises à l'étranger (écoles françaises d'Athènes, de Madrid et de Rome, École française d'Extrême-Orient et Institut français d'archéologie orientale), d'établissements publics de recherche comme le CNRS ou l'IRD, de l'agence EDUFRANCE, placés sous la tutelle du ministère en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche ; mais également d'associations, comme Unifrance, ou d'établissements, comme l'Académie française de Rome (Villa Médicis), placés sous la responsabilité du ministère de la Culture et de la communication. Conscient du sentiment de confusion que l'on peut éprouver à l'examen de son réseau culturel, le ministère des Affaires étrangères a engagé, depuis la fin des années 1990, un mouvement de restructuration, ce dont votre Rapporteur se félicite. Cette évolution suit trois lignes directrices : - réduire les cas de « doublons », c'est-à-dire les situations où coexistent dans une même ville une Alliance française bénéficiant de personnels détachés et un établissement à autonomie financière. La restructuration a été réalisée aussi bien au profit d'un établissement à autonomie financière (Dakar, Rome) que d'une Alliance française (Gênes, Nairobi). Toutefois, ainsi que l'a indiqué M. Philippe Étienne, Directeur général de coopération internationale et du développement, à la MEC, le rapprochement se fait de préférence « au profit des Alliances, sauf quand il est plus intéressant juridiquement ou financièrement de conserver l'institut culturel » ; - rationaliser le réseau culturel en Europe, en fermant les implantations dans des villes de taille moyenne où le niveau modeste des activités de l'établissement à autonomie financière ne justifie pas sa présence (Graz, Porto, Sarrebruck) ; - renforcer les moyens consacrés à la présence culturelle de la France dans les pays émergents ou à forte demande, comme la Chine ou la Russie. Le tableau suivant présente les évolutions du réseau des centres et instituts culturels depuis 1999. ÉVOLUTION DU RÉSEAU DES ÉTABLISSEMENTS À AUTONOMIE FINANCIÈRE DEPUIS 1999
(*) Prévision Source : ministère des Affaires étrangères. Selon le ministère des Affaires étrangères, plus d'un tiers des centres et instituts culturels ont été fermés en Europe occidentale entre 1999 et 2006, leur nombre passant de 52 à 35. L'effort budgétaire a principalement profité à la Russie, à l'Ukraine et, surtout, à la Chine, où le développement des Alliances françaises a été encouragé. Ainsi, dix Alliances françaises ont été créées en Chine depuis dix ans. Les efforts doivent être poursuivis et accentués, malgré les obstacles politiques auxquels peuvent se heurter les décisions de fermetures ou de transformations. En effet, en dépit des efforts déployés pour réduire les doublons, il en demeure encore 13 (5). Dans le cadre d'une rationalisation du réseau culturel français, il apparaît urgent de mettre fin à ces situations où coexistent au sein d'une même ville un établissement culturel à autonomie financière et une Alliance française. Proposition n° 13 : mettre fin, d'ici à 2007, à la coexistence au sein d'une même ville d'un centre ou institut culturel et d'une Alliance française. Notre réseau apparaît, en outre, hypertrophié dans certains pays. C'est notamment le cas dans plusieurs pays européens : en Allemagne, où demeurent 11 établissements culturels, en Italie, avec 5 établissements, en Espagne, avec 6 établissements, mais également dans des pays comme le Maroc (6 établissements et 2 antennes) ou l'Algérie (6 établissements). Le foisonnement des implantations dans certains pays, qui est souvent un héritage de l'histoire, ne semble plus justifié. Proposition n° 14: réduire le nombre de centres et instituts culturels dans les pays où le réseau est hypertrophié. Pour leur part, nos partenaires européens ont déjà engagé un vaste processus de redéploiement, ce qui appelle la France à accélérer la restructuration de son réseau. Ainsi, l'agence culturelle britannique, le British Council, présente dans 110 pays, a lancé un vaste mouvement de réduction de sa présence en Europe au profit de l'Asie, de la Russie et du Moyen-Orient il y a cinq ans déjà. De même, alors que le Goethe Institut, qui assure la représentation culturelle de l'Allemagne dans 79 pays au travers de 128 implantations, était traditionnellement bien représenté en Europe, ce dernier s'est engagé dans une politique de redéploiement au profit de la Chine, de l'Inde et du Moyen-Orient. Cette volonté répond au constat que l'Allemagne consacre bien moins de moyens à sa représentation culturelle dans les zones les plus dynamiques d'un point de vue économique que dans les pays de l'Union européenne. Ainsi, selon le secrétaire général du Goethe Institut, M. Knopp, les activités de l'Institut en Inde ne reçoivent que 1,5 % de l'enveloppe financière, contre 42 % vers l'Union européenne. La France ne peut rester à l'écart de ce mouvement. Le redéploiement de ses moyens doit être accéléré. En effet, les subventions versées par le ministère des Affaires étrangères aux établissements à autonomie financière sont dirigées très largement vers les établissements situés dans l'Union européenne (38 %), tandis qu'elles ne concernent la zone Asie-Océanie qu'à hauteur de 12 %. RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES SUBVENTIONS VERSÉES PAR LE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES AUX ÉTABLISSEMENTS À AUTONOMIE FINANCIÈRE Certes, il ne s'agit que d'un reflet partiel des moyens consacrés à la présence culturelle française à l'étranger. Il n'en demeure pas moins que le déséquilibre est frappant. Aussi, votre Rapporteur propose d'accélérer l'évolution du réseau culturel, qui doit refléter les priorités de notre politique culturelle à l'étranger. Les métiers destinés à assurer le rayonnement culturel de notre pays sont l'enseignement de la langue française, l'offre d'équipements culturels et l'organisation de manifestations culturelles. Votre Rapporteur estime que l'action des centres et instituts culturels et des Alliances françaises doit se concentrer sur les deux premiers. Proposition n° 15 : recentrer l'action des établissements culturels et des Alliances françaises sur l'enseignement de la langue française et l'offre d'équipements culturels. Par ailleurs, on ne peut concevoir de la même manière le réseau culturel français dans les grands États développés, dans les pays en voie de développement et dans les pays où la liberté d'expression est restreinte. Il est tout d'abord urgent de parachever l'évolution de notre présence en Europe. Ainsi que l'a souligné M. Daniel Lequertier, Inspecteur général des affaires étrangères, devant la Mission « la principale anomalie de notre implantation, dans les quatorze anciens pays membres de l'Union européenne, réside dans le décalage entre la densité du réseau des centres et instituts culturels et les besoins à satisfaire ». Compte tenu des liens unissant ces États, du rôle joué par l'AFAA, et bientôt par CulturesFrance, en matière de promotion de la culture française, de l'influence des réseaux télévisés et du développement de l'Internet, le maintien des instituts et centres culturels dans leurs fonctions classiques semble de moins en moins justifié. Le rôle de l'État français n'est pas d'entretenir des salles de spectacles dans les quatorze anciens États membres. Il convient plutôt de mettre l'accent sur le développement des partenariats et des échanges avec les institutions locales, ce qui relève davantage de la compétence du conseiller culturel que d'un directeur de centre ou d'institut culturel. À cet égard votre Rapporteur partage l'avis du préfet Raymond-François Le Bris, selon lequel, plutôt que « de continuer à financer aussi lourdement des instituts culturels en Europe, [il convient] de privilégier l'action bilatérale ou multilatérale, les services culturels et scientifiques de l'ambassade ayant pour tâche d'animer ce dispositif ». D'une manière plus générale, il faut d'encourager l'action bilatérale et multilatérale dans tous les pays développés. Proposition n° 16 : réduire le réseau des établissements culturels en Europe et favoriser les partenariats avec les institutions locales. Plutôt que d'avoir une représentation physique trop importante en Europe occidentale, il apparaît plus utile de disposer d'une présence bien identifiée dans des pays où dominent des régimes autoritaires ainsi que dans les pays en développement. Il s'agit ainsi de favoriser une expression libre et de diffuser nos idées de démocratie, de tolérance et de citoyenneté, mais également, dans les pays les plus pauvres, de fournir un accès à la culture. Il est plus intéressant de faire vivre une bibliothèque dans les pays à forte croissance économique ou en développement d'Asie et d'Afrique, où l'accès aux livres en langue française est infiniment moins aisé qu'en Europe. Proposition n° 17 : maintenir physiquement une présence culturelle dans les pays dominés par un régime autoritaire ou caractérisés par une grande pauvreté. Enfin, le développement de notre présence culturelle ne peut être conçu sans qu'il soit tenu compte des enjeux économiques qui y sont liés. À cet égard, le fait, pour un étranger, d'avoir pu suivre des cours de français dans des centres culturels ou dans des Alliances françaises, peut favoriser l'établissement de liens scientifiques, économiques ou culturels avec des représentants français ; de même, l'organisation de manifestations comme « l'année de la France en Chine » a des retombées économiques précieuses. Par ailleurs, le centre culturel ou l'Alliance française constituent des soutiens indéniables pour les entreprises françaises qui s'implantent à l'étranger, que ce soit en dispensant des cours de français à leurs salariés recrutés sur place ou en les associant à des manifestations culturelles qui s'inscrivent dans leur politique de communication. Faisant part de son expérience en tant qu'ambassadeur de France en Roumanie, M. Philippe Étienne a ainsi expliqué à la Mission que « Renault, qui était un gros investisseur, faisait donner des cours de français à ses cadres roumains dans les Alliances françaises et les instituts. C'est un lien très fort. Les entreprises françaises sont bien contentes de trouver des centres sérieux et de qualité, tandis que nos centres culturels en tirent des ressources ». Par conséquent, votre Rapporteur souligne la nécessité de redéployer notre réseau vers les pays qui connaissent ou vont connaître une forte croissance économique, comme les pays d'Asie, les pays d'Europe centrale et occidentale, la Russie ou encore le Moyen Orient. Proposition n° 18 : redéployer le réseau culturel vers les zones les plus dynamiques économiquement, comme l'Asie, les pays d'Europe centrale et orientale, la Russie et le Moyen Orient. Votre Rapporteur insiste, par ailleurs, sur la nécessité que la réorganisation de notre présence à l'étranger se fasse au bénéfice des Alliances françaises, dont l'action se révèle être particulièrement efficace. Présents dans 136 pays, les 1075 Alliances et centres associés, établissements de droit local, constituent un réseau unique en son genre, qui tire sa force de l'initiative privée et de la coopération entre des partenaires locaux et français. En croissance constante (les effectifs d'étudiants progressent d'environ 5 % par an), le réseau se développe actuellement dans des régions considérées comme prioritaires par nos principaux partenaires européens (Royaume Uni, Allemagne) : la Russie, la Chine, etc. Tandis que la majorité des Alliances assurent des missions identiques à celles des centres et instituts culturels (enseignement du français, diffusion de la culture, médiathèque et informations sur les études), elles présentent plusieurs atouts, au premier rang desquels leur mode de fonctionnement, qui repose sur une collaboration étroite entre des partenaires locaux et français. M. Philippe Étienne, Directeur général de la coopération internationale et du développement, a ainsi indiqué à la Mission que « dans les pays où le système fonctionne bien, les Alliances françaises ont en général un rayonnement plus grand que les centres culturels, car elles sont entourées de comités de personnalités locales ». Les Alliances françaises présentent, en outre, l'avantage de disposer d'équipes dirigeantes stables, dont l'action s'inscrit dans la durée, au contraire des établissements à autonomie financière, dont les directeurs connaissent un rythme de rotation rapide. Le recours à une Alliance s'avère par ailleurs moins onéreux que la création d'un établissement à autonomie financière. En effet, le soutien du ministère des Affaires étrangères prend simplement la forme de détachements de personnels et de subventions sur projets (6), alors que, souvent, les crédits versés par le ministère aux établissements à autonomie financière couvrent des coûts de structure. Ainsi tandis que 106 millions d'euros ont été versés, en 2005, aux centres et instituts culturels (65 millions d'euros de subventions et 41 millions d'euros destinés à la rémunération de leurs 542 agents expatriés), les crédits consacrés aux Alliances françaises se sont élevés à 41 millions d'euros (12 millions d'euros de subventions et 29 millions d'euros de rémunération des 328 agents expatriés). D'autre part, là où les établissements à autonomie financière s'autofinancent à hauteur de 51 % (42 % si l'on tient compte du coût des expatriés), les Alliances assurent leur financement par les cours de langue, les donations ou encore le mécénat à hauteur d'au moins 60 % (7). Compte tenu de ces atouts, votre Rapporteur insiste sur la nécessité de fonder le redéploiement de notre présence culturelle à l'étranger sur les Alliances françaises, ce qui suppose de renforcer leurs moyens. À cet égard, le constat dressé par les personnalités rencontrées par votre Rapporteur est unanime : il faut accentuer l'effort financier en faveur des Alliances françaises. M. Raymond-François Le Bris a notamment souligné devant la Mission que « dans plusieurs pays, en particulier en Chine, [...] de nombreux jeunes voulaient apprendre notre langue mais se heurtaient à un coût d'accès trop élevé ». Il serait par conséquent souhaitable de consacrer davantage de moyens aux Alliances françaises, notamment pour leur permettre de réduire les tarifs des cours de langue dans les pays où la population est pauvre. Proposition n° 19 : fonder le redéploiement de notre réseau culturel sur les Alliances françaises. La priorité accordée aux Alliances françaises doit par ailleurs se traduire par une amélioration de la visibilité des celles-ci, qui suppose que la dénomination « Alliance française » soit attribuée selon des critères plus stricts. En effet, les 1075 Alliances et centres associés sont de taille très variables, allant du simple cercle d'amitié à des Alliances, très influentes, menant une action culturelle et linguistique particulièrement dynamique. Les cercles d'amitié, s'ils sont nécessaires, peuvent toutefois contribuer à brouiller l'image des Alliances. L'obtention du label « Alliance française » doit donc répondre à des critères rigoureux, allant au-delà de l'exigence de viabilité du projet. Proposition n° 20 : attribuer le label « Alliance française » selon des critères plus stricts. Enfin, la réorganisation du réseau doit s'accompagner du développement des partenariats avec les autres pays européens. Actuellement, les expériences en la matière sont encore limitées : menées avec l'Allemagne, elles prennent principalement pour forme un partage des locaux, autrement dénommé « colocalisation », mais peuvent parfois aller jusqu'à une programmation commune. Ainsi, le Goethe Institut collabore avec des centres culturels à Ramallah (Palestine), Palerme (Italie) et Luxembourg, et avec des Alliances françaises à Lahore (Pakistan), Santa-Cruz (Bolivie), Glasgow (Écosse) et, depuis peu, à Niteroi (Brésil). Un projet franco-allemand de colocalisation culturelle à Moscou est par ailleurs en cours d'étude. Si ces « colocalisations » permettent de générer des économies en termes de charges de location ou de personnels (personnels d'entretien...), celles-ci demeurent limitées, ainsi que l'a indiqué à la Mission M. Étienne Philippe, Directeur général de la coopération internationale et du développement, qui n'a toutefois pas fourni d'évaluation précise. Par ailleurs, un fonds franco-allemand, doté de 600.000 euros, permet de financer des projets culturels communs à l'étranger. Alors que, jusqu'à présent, les partenariats ont surtout résulté de concours de circonstances (expulsions, loyers trop élevés...), ils devraient faire l'objet d'une véritable réflexion stratégique, car ils sont à la fois sources d'économies et vecteurs d'une image européenne forte. Votre Rapporteur souligne donc la nécessité de développer les collaborations avec d'autres pays européens et d'en approfondir le champ. Proposition n° 21 : développer et approfondir les partenariats entre les établissements culturels français et leurs homologues de l'Union européenne. 2.- Le réseau du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie La multiplicité des promoteurs des intérêts français à l'étranger se retrouve également dans le domaine économique : outre le réseau de la Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) interviennent UBIFRANCE, l'AFII, le réseau consulaire, les fédérations professionnelles, les collectivités territoriales et les conseillers du commerce extérieur mais également, dans le domaine financier, la Coface et Natexis. Le réseau du ministère de l'Économie et des finances est très développé puisqu'il représente, avec 23 % des implantations de l'État à l'étranger, le deuxième réseau après celui du ministère des Affaires étrangères. Pour autant, les résultats décevants de la France en matière de commerce extérieur, que traduisent la dégradation de notre balance commerciale et la baisse de la part de marché mondial de notre pays, ne semblent pas refléter l'ampleur des moyens consacrés à l'appui des entreprises à l'export. Compte tenu de la pluralité des acteurs et de la dégradation de la situation commerciale française, votre Rapporteur souhaite que le développement des partenariats entre les différents intervenants en matière de commerce extérieur soit renforcé, afin de favoriser les synergies et d'accroître la lisibilité du système actuel. a) La rationalisation du réseau Le rôle et l'organisation du réseau du ministère de l'Économie et des finances à l'étranger ont profondément évolué depuis dix ans. Chronologiquement, le premier objectif poursuivi a été de rationaliser l'organisation des services économiques à l'étranger. Elle s'est traduite par le regroupement des implantations de l'ex-direction du Trésor et de l'ex-DREE, c'est-à-dire des agences financières et des postes d'expansion économique, au sein des missions économiques. Cette restructuration doit prendre fin cette année. Elle a également eu pour conséquence la création de circonscriptions régionales, destinées à permettre un meilleur suivi des enjeux régionaux et à assurer un « management intermédiaire » du réseau. 25 chefs de mission économique sont ainsi chefs des services économiques d'une aire géographique dont ils assurent l'animation. Cette rationalisation de l'organisation des services s'accompagne d'une réflexion stratégique sur la définition des priorités de l'action française en matière économique, en particulier en faveur des exportations, et d'une réallocation des moyens en fonction des objectifs retenus. Ainsi, le ministère a décidé de redéployer ses moyens vers des zones identifiées comme prioritaires : les zones de forte croissance, comme les pays émergents, et les zones où les gains de parts de marché peuvent avoir l'impact le plus fort sur le solde du commerce extérieur, comme les grands pays développés non situés dans l'Union européenne. Le plan Capexport de 2005, qui définit 25 pays prioritaires (dont les cinq pays pilotes que sont les États-Unis, la Chine, l'Inde, la Russie et le Japon) (8), se traduit par une réorganisation du réseau sur la période 2006-2008, qui devrait aboutir à une réduction de 154 à 148 du nombre total des implantations ainsi qu'à un redéploiement et à une diminution des effectifs, notamment expatriés.
(*) Prévision. Source : ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie. Ainsi, l'évolution du réseau se caractérise par une baisse des implantations dans les pays d'Afrique, d'Amérique du Sud et d'Europe occidentale, exclusivement au profit de la Chine. Pour leur part, les effectifs, qui sont passés de 2.254 à 1.987 agents entre 1995 et 2005, devraient être redéployés à partir de l'Afrique (baisse de 12 % des effectifs en Afrique sub-saharienne entre 2006 et 2008), de l'Asie du Sud-est (- 8 %), de l'Amérique latine (- 8 %), du Proche-Orient (- 6 %), de l'Europe de l'Ouest (- 6 %) et de l'Amérique du Nord (- 5 %) vers la Russie et la Communauté des États indépendants (+ 4 %), le sous-continent indien (+ 9 %) et la Chine (+ 12 %). Si votre Rapporteur se félicite de la rationalisation du dispositif, il s'interroge toutefois sur l'importance des effectifs présents à l'étranger, notamment au regard des effectifs mobilisés par nos principaux partenaires. Avec 1.987 agents mobilisés, la France détient une part de marché mondial de 4,9 %, réalise des exportations de biens et services à hauteur de 558 milliards de dollars et dégage un déficit commercial de 3,7 milliards de dollars, là où l'Allemagne, avec 1.500 agents, réalise des performances commerciales bien supérieures (part de marché de 9,3 %, exportations de 1.046 milliards de dollars et, surtout, excédent commercial de 136 milliards de dollars). La France réalise des exportations de biens et services d'un montant égal au double de celui de l'Espagne, mais avec des effectifs six fois plus importants.
Source : ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie et OCDE. Au regard des performances de nos principaux partenaires et des moyens humains mobilisés, votre Rapporteur estime que le réseau économique, même s'il a déjà fait l'objet d'une réduction de ses moyens, dispose d'effectifs encore trop nombreux. Leur répartition demeure, en outre, critiquable : 29 % des effectifs du réseau sont présents en Europe tandis que 18 % des effectifs sont situés dans les pays asiatiques émergents. L'importance des effectifs en Europe n'est plus justifiée. Il s'agit en effet de pays, en particulier au sein du marché unique, où la présence économique ne nécessite pas l'intervention des services publics : l'accès à une information détaillée et utile sur Internet et l'intervention croissante, sous forme de partenariats, avec d'autres structures, notamment consulaires, devraient suffire. Proposition n° 22 : accentuer le mouvement de réduction des effectifs, en particulier dans les pays européens, et leur redéploiement vers les zones les plus dynamiques économiquement. Enfin, compte tenu de l'évolution du métier de diplomate - les ambassadeurs jouent un rôle croissant dans le domaine économique et commercial et nombreux sont ceux qui y consacrent plus de 50 % de leur activité - et du rôle renouvelé de nos représentations économiques à l'étranger, votre Rapporteur suggère de rattacher les missions économiques au ministère des Affaires étrangères. Cette proposition va dans le sens d'une mobilité accrue entre les agents des différents ministères, que votre Rapporteur souhaite par ailleurs encourager. Proposition n° 23 : rattacher les missions économiques au ministère des Affaires étrangères. b) Le développement de partenariats Le développement de partenariats avec les acteurs du dispositif de soutien aux entreprises françaises à l'étranger doit s'accompagner d'une redéfinition du rôle des missions économiques. À cet égard, une première étape a été franchie en 2003 avec la mise en place d'une nouvelle répartition des tâches entre les missions économiques et UBIFRANCE. L'établissement public, qui résulte de la fusion du Centre français du commerce extérieur et de l'association UBIFRANCE, est désormais en charge de la définition et de la poursuite de la politique commerciale du réseau. Censée être un guichet unique pour l'internationalisation des entreprises, l'agence a trois missions principales : - mieux diffuser et commercialiser l'information et les prestations d'accompagnement du réseau des missions économiques à l'étranger ; - favoriser le développement du volontariat international en entreprise ; - encourager la participation des entreprises françaises aux foires commerciales et salons professionnels à l'étranger. UBIFRANCE est également chargée de développer les partenariats avec les principaux intervenants en matière de soutien au commerce extérieur : les collectivités territoriales, en particulier les régions, les organisations socio-professionnelles et les chambres consulaires. Pour leur part, les missions économiques conservent leurs activités régaliennes d'analyse et de prospective économiques et mettent en œuvre la politique d'accompagnement commercial définie par UBIFRANCE. M. Christophe Lecourtier, chef de service à la Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE), a indiqué à la Mission qu'environ 80 % des effectifs s'occupent du commercial, 15 % du régalien et 5 % de la promotion de l'attractivité de la France. Selon M. Pierre Moraillon, Directeur des relations économiques internationales à la DGTPE, « il existe une parfaite complémentarité entre Ubifrance et le réseau des missions économiques. Ubifrance a en charge une gestion déléguée du réseau des missions économiques et, dans le cadre des conventions d'objectifs et de moyens, elle suit une feuille de route agréée par le ministre. [...]. Sa responsabilité principale est d'identifier les attentes des entreprises. Ensuite, elle est chargée, avec les missions économiques, de la mise en œuvre et de la conception même de ces opérations. Bien évidemment, les missions économiques restent les leaders dans la mesure où elles sont sur le terrain et connaissent mieux que quiconque le contexte local, les acteurs, les intermédiaires, les importateurs, les distributeurs, etc. Une fois que ces opérations ont été réalisées et produites, il s'agit de mettre au point une stratégie commerciale en France pour promouvoir ces opérations et prospecter les entreprises. Cela relève davantage de la responsabilité d'Ubifrance ». Ainsi, des binômes ont été constitués, pour chacun des 25 pays prioritaires, entre l'équipe de direction d'Ubifrance et les missions économiques, qui élaborent des programmes et assurent le suivi des opérations. Toutefois, il ressort des entretiens que votre Rapporteur a menés avec plusieurs acteurs économiques que la répartition des compétences entre les missions économiques et UBIFRANCE n'est pas toujours perçue de manière claire par les entreprises, en particulier par les plus petites d'entre elles. En outre, UBIFRANCE et le réseau public d'appui aux exportations semblent souffrir encore d'un manque de notoriété. Ainsi, selon une étude (9) communiquée par M. Jean-François Bernardin, président de l'Assemblée des chambres de commerce et d'industrie, la notoriété spontanée des acteurs soutenant les PME à l'export s'élevait à 43 % pour les Chambres de commerce et d'industrie (CCI), 10 % pour les banques, 9 % pour les conseils régionaux et généraux, 8 % pour la Coface et 8 % pour le réseau public (dont 5 % pour le CFCE, 1 % pour l'ancienne UBIFRANCE et 2 % pour les missions économiques). Certes, cette étude a été menée en novembre 2004, soit peu de temps après la création du nouvel établissement public UBIFRANCE. Il n'en demeure pas moins que la notoriété du dispositif public d'appui aux PME à l'export est particulièrement faible au regard de celle des CCI. Au-delà d'un défaut de notoriété, le dispositif souffre d'un certain nombre de faiblesses : il ne s'adresse que de manière restreinte aux grandes entreprises, qui disposent, à l'instar de Veolia Environnement, de leurs propres bureaux à l'étranger, et ne semble pourtant pas suffisamment adapté aux besoins des PME. Ainsi que l'a souligné M. Philippe de Brauer, Président de la Commission internationale de la CGPME, les dispositifs de soutien aux exportations sont largement méconnus des PME, qui n'accèdent pas de manière satisfaisante aux informations sur les opportunités de développement existantes et qui ne bénéficient pas d'un accompagnement suffisamment personnalisé. Les PME reprochent également à UBIFRANCE de ne pas mener de politique différenciée selon qu'elle s'adresse à des PME déjà exportatrices ou à des primo-exportateurs. En conséquence, votre Rapporteur suggère que le rôle des missions économiques soit clairement défini et modulé en fonction des priorités de la politique commerciale et que les partenariats avec les autres acteurs du dispositif de soutien à l'export des entreprises soient encouragés. Dans un souci d'efficacité, une réflexion d'ensemble doit être menée pour que chaque institution concentre son action sur les domaines où elle dispose d'un avantage comparatif. Proposition n° 24 : mener une stratégie d'ensemble pour que chaque institution du réseau économique concentre son action sur les domaines où elle dispose d'un avantage comparatif. Il existe ainsi trois métiers principaux s'agissant de la promotion des intérêts économiques français : l'analyse et la prospective économiques, l'accompagnement commercial et la promotion de l'attractivité de la France. Cette dernière mission est assurée de manière efficace par l'AFII. En revanche, la répartition des compétences s'agissant des deux premiers métiers est encore appelée à évoluer. Votre Rapporteur souhaiterait que, selon les zones géographiques concernées, ces métiers soient assurés par des acteurs différents et que les moyens soient réalloués en conséquence. La mission régalienne actuellement dévolue aux missions économiques pourrait ainsi être assurée par des pôles d'expertise régionaux, voire, dans certains cas, être confiée à des organismes d'études extérieurs. Proposition n° 25 : confier les missions d'expertise et de prospectives économiques à des pôles régionaux, voire à des organismes d'études extérieurs. La mission d'accompagnement commercial pourrait, quant à elle, être davantage assurée par le réseau des chambres de commerce et d'industrie. Aujourd'hui, la faible diversification sectorielle et géographique de nos échanges extérieurs (une entreprise exportatrice sur deux ne vend qu'à un seul pays) et la stagnation autour de 100.000 (contre 300.000 en Allemagne) du nombre de nos exportateurs, prouve que l'exportation n'est pas toujours le résultat d'une véritable stratégie d'internationalisation. Une action plus soutenue et davantage coordonnée des réseaux consulaires devrait permettre de remédier à ces défauts, compte tenu de la proximité de ces structures avec les entreprises. Le réseau consulaire, qui regroupe 157 chambres de commerce et d'industrie, 21 chambres régionales en France et 110 chambres à l'étranger, représente ainsi un partenaire de premier ordre pour le commerce extérieur. Il est en effet, souvent, le premier guichet des PME désireuses de se lancer dans l'exportation. Par conséquent, toute initiative ayant pour objectif de renforcer la collaboration entre réseaux publics et consulaires est souhaitable, car elle permet de renforcer l'efficacité du dispositif de soutien à l'internationalisation des entreprises. Compte tenu de la notoriété des CCI auprès des entreprises, en particulier des PME, il serait souhaitable de confier un rôle plus important aux CCI, qui devraient se doter de manière systématique de départements internationaux performants travaillant de manière étroite avec UBIFRANCE et les chambres de commerce franco-étrangères. Proposition n° 26 : associer de manière plus étroite les chambres de commerce et d'industrie au dispositif de soutien aux exportations. Il serait en outre utile que les activités d'accompagnement commercial soient davantage assurées par les chambres françaises du commerce et de l'industrie à l'étranger (CCIFE), lorsque celles-ci sont dotées de structures suffisamment fortes. La convention cadre conclue le 12 mai 2005 entre la DGTPE, UBIFRANCE et l'UCCIFE invite les chefs de missions économiques et les présidents des CCIFE à rechercher, dans chaque pays, des synergies opérationnelles et à conclure des conventions afin d'améliorer la coordination et la complémentarité des services d'information et d'appui proposés aux entreprises par ces deux réseaux. Une cinquantaine de conventions de partenariats ont ainsi été signées. Votre Rapporteur salue cette initiative, mais souhaiterait que la collaboration aboutisse à un transfert de compétences dans les pays où les chambres de commerce sont suffisamment armées. L'évolution actuellement en cours au Maroc, qui se traduit par une nouvelle répartition des rôles entre la mission économique et la chambre française de commerce et d'industrie du Maroc (CFCIM) et une rationalisation du réseau économique français est, à cet égard, exemplaire. La réorganisation du dispositif d'appui aux entreprises françaises à l'étranger : l'exemple marocain Une convention a été signée le 23 mai dernier entre la mission économique, Ubifrance et la chambre française de commerce et d'industrie du Maroc, afin de mettre fin à la situation de concurrence dans laquelle se trouvaient les deux institutions. La chambre de commerce et d'industrie était en effet amenée à fournir de nombreuses prestations que proposait également la mission économique. En vertu de cet accord, la mission économique conservera un rôle important dans la gestion des volontaires internationaux en entreprises et dans la production d'information sur les secteurs économiques avec la fourniture de prestations éditoriales de base (lettres d'information, fiches de synthèse...), de prestations multisites pour le compte d'Ubifrance, et de campagnes d'images (avec Ubifrance et la Sopexa). Pour sa part, la CFCIM aura la charge de l'accompagnement des entreprises dans les domaines logistique (domiciliation, recrutement), commercial (études de marché, missions de prospection) et collectif (organisation de séminaires au Maroc, de journées de présentation du Maroc dans les régions françaises, rédaction de guides généraux et sectoriels). Ainsi, la mission économique concentrera son activité sur les tâches pour lesquelles elle dispose d'un grand savoir-faire tandis que la CFCIM, particulièrement dynamique et dotée de moyens importants, verra son rôle en matière d'accompagnement commercial consacré. Cette nouvelle organisation va, en outre, permettre de générer des économies et une plus grande synergie entre les équipes de la DGTPE, puisqu'elle doit se traduire par la fermeture du poste de Casablanca et le regroupement des agents à Rabat. En conséquence, trois bâtiments abritant les bureaux et les logements du chef de poste et de son adjoint seront vendus, devant rapporter au minimum deux millions d'euros. Si, parmi les 17 employés du poste, certains iront à Casablanca, d'autres iront occuper des postes dans des pays jugés prioritaires et les derniers feront l'objet d'une procédure de licenciement. Toutefois, la mission économique maintiendra une présence à Casablanca : * les agents du service commercial « entreprises » et l'agent du service financier en charge du suivi du secteur bancaire, se relaieront pour assurer une permanence à Casablanca ; * le chef de la mission économique et le chef du service commercial « entreprises » se rendront environ deux fois par semaine à Casablanca, ce qui est déjà le cas du chef de la mission économique ; * deux bureaux de passage seront conservés. Enfin, la CFCIM créera une commission spécifique en charge des activités qui lui sont confiées, dont la présidence sera assurée par la mission économique. Associations indépendantes de doit local qui regroupent des entreprises françaises et étrangères dans 75 pays, les CCIFE disposent de nombreux atouts : - elles constituent le premier réseau privé d'entreprises dans le monde (25.000 entreprises sont membres, dont 50 % sont étrangères) ; - elles ont une dimension biculturelle qui garantit la qualité des relations avec les communautés d'affaires et les autorités nationales ; - nombre d'entre elles sont des structures très anciennement implantées (20 chambres sont plus que centenaires) ; - elles bénéficient d'une grande souplesse opérationnelle permettant d'assurer des services sur mesure aux entreprises ; - elles peuvent héberger des représentants d'entreprises ou d'institutions ; - elles tirent l'essentiel de leurs ressources de l'autofinancement (91 %), à partir des cotisations de leurs membres (28 %) et de leurs prestations d'appui aux entreprises (63 %). Les autres ressources (9 %) sont constituées de subventions en provenance des organisations consulaires - Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) et chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) - et de subventions en provenance des pouvoirs publics : ministère de l'Économie et des finances, ministère délégué à l'Industrie et ministère des Affaires étrangères. Investies d'une mission de promotion de l'image de la France à l'étranger, elles offrent une large palette de services aux entreprises, allant des relations publiques à la communication, en passant par l'observation du marché, l'information, l'action commerciale et l'assistance juridique et fiscale. Toutefois, leurs activités et leurs moyens varient fortement selon les pays. Selon Serge Bellanger, Président de l'UCCIFE, les CCIFE proposent des services de plus en plus diversifiés dans près de 48 pays, et 24 d'entre elles offrent une gamme complète de services d'appui. Aussi, votre Rapporteur suggère que dans les pays où les chambres de commerce sont suffisamment armées, la compétence d'accompagnement commercial leur soit dévolue. Cette évolution s'inspirerait du dispositif adopté par Allemagne, dont les résultats en matière d'exportations sont particulièrement positifs. Ainsi que l'a exposé M. Joachim Bitterlich, Directeur des affaires internationales du groupe Veolia Environnement, ancien ambassadeur d'Allemagne et collaborateur d'Helmut Kohl, le soutien des entreprises allemandes est principalement assuré par les chambres de commerce, les services économiques intervenant dans certains cas spécifiques et jouant avant tout un rôle en matière d'analyse de la situation économique et sociale du pays. Toutefois, il faut souligner que, si des écarts importants existent entre les chambres, une vingtaine d'entre elles étant suffisamment armées, les ressources des CCIFE sont, en l'état actuel, insuffisantes pour leur permettre de développer efficacement les partenariats. Il conviendrait par conséquent de donner aux CCIFE les moyens financiers nécessaires au développement de leur action. Proposition n° 27 : accentuer les synergies entre le réseau public et les chambres de commerce franco-étrangères dans le domaine de l'accompagnement des entreprises et renforcer leurs moyens financiers. Votre Rapporteur tient également à souligner le rôle joué par les conseillers du commerce extérieur de la France, dont le réseau devrait être davantage associé au dispositif d'aide aux exportations françaises. Ces conseillers constituent en effet un maillon important du dispositif de soutien au commerce extérieur. Fort de près de 3.600 membres, dont la moitié à l'étranger, ce réseau modernise son fonctionnement, avec une ouverture plus large vers les représentants de la société civile français et étrangers, et réoriente ses missions. Ainsi, les conseillers du commerce extérieur concentrent leur activité sur la veille économique, en appui de l'action des missions économiques, sur l'accompagnement des jeunes à l'international et sur le soutien au développement international des PME. Proposition n° 28 : mieux intégrer les conseillers du commerce extérieur français au dispositif public d'appui. Dans le souci d'une plus grande efficacité du dispositif de soutien français aux exportations, votre Rapporteur souhaiterait également que les partenariats avec les fédérations professionnelles soient accentués. La DGTPE entretient des relations suivies avec les principales fédérations professionnelles. Le groupement des fédérations industrielles bénéficie ainsi d'un réseau de sept correspondants, agents de missions économiques, en Europe, en Asie et en Amérique. Ce réseau sert par ailleurs de point d'appui pour des volontaires internationaux en entreprise recrutés par la fédération des industries mécaniques. Les réseaux réalisent également des prestations de veille ou d'études pour le compte de plusieurs fédérations. Les efforts pour consolider le partenariat avec les fédérations professionnelles ont, jusqu'à présent, plus particulièrement porté sur la veille concurrentielle et sur la définition des plans d'action sectoriels. Il convient désormais d'aller plus loin. Proposition n° 29 : développer et renforcer les partenariats avec les fédérations professionnelles. Le développement de ces partenariats amène à repenser le rôle des missions économiques. Il leur revient, en effet, désormais, de jouer un rôle plus stratégique et moins opérationnel, qui repose sur l'animation, l'arbitrage et le contrôle. Proposition n° 30 : confier aux missions économiques un rôle plus stratégique d'animation, d'arbitrage et de contrôle de la politique de soutien aux entreprises. 3.- Le réseau du ministère de la Défense Le réseau du ministère de la Défense représente moins de 10 % des crédits d'action extérieure, mais 14 % des implantations de l'État à l'étranger. Sa présence est ainsi assurée dans 96 pays par 1.102 agents (602 officiers, 293 sous-officiers, 78 personnels civils titulaires et contractuels et 129 personnels de recrutement local) pour un coût estimé à 143 millions d'euros en 2005. Les postes se répartissent de la manière suivante : 95 attachés de défense, 19 attachés d'armement, 26 attachés de sécurité intérieure et 32 représentations auprès des commandements de l'OTAN et au sein de l'Union européenne (10). Grâce à ce réseau, le ministère de la Défense poursuit plusieurs objectifs : - contribuer à la diplomatie de défense ; cette mission relève des attachés de défense ; - participer au fonctionnement des organisations internationales de sécurité (OTAN, UE, OSCE et ONU) ; - aider au développement de l'interopérabilité des forces avec les pays alliés ; c'est le rôle des officiers de liaison, des officiers d'échange et des stagiaires ; - promouvoir l'industrie française de défense et animer la coopération en matière d'armement ; cette mission est assurée par les attachés d'armement, les officiers de programme et des experts. Parallèlement à ce réseau, qui dépend du ministère de la Défense, il existe un réseau en charge de la coopération militaire et de défense, qui relève de la Direction de la coopération militaire et de défense du ministère des Affaires étrangères. Constitué de 352 coopérants militaires techniques permanents, qui devraient bénéficier du renfort de 488 coopérants militaires techniques temporaires qui assureront 288 missions de courte durée (6 mois maximum), pour un coût total de 60 millions d'euros en 2006, le réseau de la coopération militaire et de défense poursuit les objectifs suivants : - animer et coordonner le dispositif et les projets de coopération militaire et de défense ; - assurer l'ingénierie de sécurité et de défense (conseil, audit) ; - former les élites et les cadres militaires des pays partenaires ; - veiller au respect des accords bilatéraux relatifs à la coopération militaire ; - développer l'enseignement du français en milieu militaire. Les actions conduites par le ministère des Affaires étrangères au titre de la coopération militaire et de défense sont conçues et exécutées en liaison étroite avec le ministère de la Défense, qui jouit, par ailleurs, d'une pleine compétence en matière de coopération militaire opérationnelle. Si, sur le terrain, les coopérants ont leurs propres missions, ils sont placés sous l'autorité fonctionnelle de l'attaché de défense. Votre Rapporteur s'interroge sur cette organisation : ne vaudrait-il pas mieux, dans un souci de cohérence et de lisibilité, transférer les compétences du ministère des Affaires étrangères en matière de coopération militaire au ministère de la Défense ? C'est le dispositif qui prévaut généralement dans les pays étrangers. Proposition n° 31 : rattacher les missions de coopération militaire et de défense au ministère de la Défense. S'agissant plus particulièrement du réseau du ministère de la Défense, celui-ci poursuit des objectifs très variés, allant de la coopération avec les autres armées à la vente d'armes, au risque d'apparaître parfois surdimensionné. La présence conjointe d'un attaché de défense et d'un attaché d'armement n'est ainsi pas toujours justifiée. Aussi, une rationalisation de ce réseau en fonction d'objectifs clairement définis est-elle souhaitable. Comme l'ont indiqué à la Mission le Général Christian-Charles Falzone, Sous-chef d'État-major, et M. Jean-Paul Panié, Directeur du développement international à la Délégation générale pour l'armement (DGA), une première étape allant dans le sens d'une rationalisation et d'une coordination plus grandes va être franchie à partir de cet été. Si, jusqu'à présent, l'attaché de défense pouvait être amené, en l'absence d'un attaché d'armement, à exercer des fonctions en matière de promotion de l'industrie française de défense, la réciproque n'était pas vraie et le dispositif n'était pas formalisé. Désormais, dans les pays importants sur le plan opérationnel mais dépourvus d'intérêt pour la DGA, des responsabilités relatives à l'armement pourront être confiées au représentant de l'état-major des armées dans sa lettre de mission, la DGA procédant à l'évaluation de ses résultats. À l'inverse, dans des pays présentant un intérêt pour les exportations d'armement mais où la France n'est pas appelée à employer des forces, un attaché d'armement pourra occuper des fonctions d'attaché de défense. Ainsi, à partir de cet été, l'attaché de défense présent au Koweït aura également la fonction d'attaché d'armement et sera rémunéré à partir du programme 144 de la LOLF ; ce poste pourra par la suite être occupé par un membre issu de la DGA. Votre Rapporteur suggère que le mouvement de rationalisation soit accentué de telle sorte que les effectifs présents à l'étranger soient modulés en fonction d'objectifs précisément définis. Il ne semble en effet pas nécessaire que toutes les régions soient couvertes. Proposition n° 32 : adapter le dispositif du ministère de la Défense à l'étranger en fonction d'objectifs recentrés et renforcer l'interdisciplinarité des compétences des attachés de défense et des attachés d'armement. Il apparaît notamment souhaitable d'alléger le dispositif de représentation en Europe. Pourquoi envoyer des attachés de défense dans la plupart des pays européens, alors que l'effort pourrait être concentré à Bruxelles ? Le Général Christian-Charles Falzone a toutefois souligné devant la Mission les difficultés politiques soulevées par une telle évolution : « Tous les États européens ont un attaché de défense à Paris. Une telle décision ne saurait donc être prise unilatéralement, compte tenu du coût politique qui y est attaché ». Aussi, votre Rapporteur propose de lancer une concertation au niveau européen, afin de rationaliser notre représentation militaire en Europe. Cette réorganisation pourrait ainsi permettre de redéployer les moyens vers de nouvelles priorités, voire de dégager des économies. Proposition n° 33 : lancer une concertation entre les pays européens, afin de rationaliser nos représentations militaires réciproques. II.- UN IMPÉRATIF : GAGNER EN COHÉRENCE ET EN EFFICACITÉ Au-delà des considérations relatives à la dimension et à la répartition géographique et fonctionnelle de la présence française à l'étranger se trouve posée la question de la pertinence de l'action de notre pays à l'étranger. Compte tenu de la priorité accordée par la France à sa politique étrangère, de la multiplicité des intervenants publics et des impératifs de rigueur budgétaire, cette action doit gagner en cohérence, en visibilité et en efficacité. Notre présence à l'étranger doit obéir à des exigences d'unité, de coordination et de clarté. Ces objectifs doivent être poursuivis au niveau de l'administration centrale et relayés avec force sur le terrain. Il convient en particulier d'éviter à tout prix que les rivalités et les dysfonctionnements qui apparaissent entre les ministères se retrouvent au niveau local. À l'étranger, la France doit parler d'une seule voix. 1.- Renforcer la coordination interministérielle Les grandes orientations de politique étrangère sont exprimées en termes stratégiques dans les discours du Président de la République, du Premier ministre ou du ministre des Affaires étrangères. Mais, il n'existe pas d'instance en charge de la définition des priorités politiques et de l'allocation des moyens, ni de la coordination de l'action extérieure de la France. C'est la grande faiblesse de notre dispositif de représentation à l'étranger. Deux comités interministériels, présidés par le Premier ministre, ont certes été créés : le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et le Comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger (CIMEE). Mais, ils n'ont qu'une compétence limitée. Ainsi, le CICID, qui a fait preuve de son efficacité depuis sa création en 1998, a un champ d'action limité à l'aide publique au développement. Le CIMEE dispose également d'un mandat restreint dans la mesure où il est simplement chargé d'« élaborer la politique gouvernementale concernant les moyens de l'État à l'étranger, veiller à l'adéquation de ces moyens aux priorités de l'action extérieure de la France et en assurer l'évaluation ». Les opérateurs publics (établissements publics, groupements d'intérêt public...) intervenant à l'étranger sont donc exclus de son champ de compétence, alors que leur action à l'étranger s'avère essentielle dans la promotion des intérêts français. En outre, si le CICID a fait preuve de son efficacité depuis sa création en 1998, le CIMEE a été mis en sommeil dès 1997, soit à peine trois ans après sa création. Pourtant, il revient au CIMEE d'exercer deux missions fondamentales : établir un rapport annuel sur l'état des moyens de l'action extérieure de la France et déterminer les orientations relatives à l'implantation des services de l'État à l'étranger. La mise en sommeil de ce comité résulte d'un manque manifeste de volonté politique. Son utilité est pourtant évidente : la définition de notre stratégie de représentation à l'étranger ne peut être déterminée qu'au niveau interministériel, à partir d'un état des lieux exhaustif et actualisé. Or, la France ne connaît pas, actuellement, le montant et la répartition des moyens qu'elle consacre à sa représentation à l'étranger. La dernière enquête annuelle du CIMEE disponible décrit la situation de 2001, faute de données suffisantes fournies depuis lors par les ministères. Malgré les demandes adressées à l'ensemble des ministères et au Premier ministre, la Mission n'a d'ailleurs pu dresser un état des lieux des services de l'État présents à l'étranger et de leur coût. Certains ministères, comme ceux en charge des affaires sociales et de la culture, n'ont, en effet, pas répondu au questionnaire envoyé, témoignant ainsi d'une certaine réticence ou d'une incapacité à transmettre des informations pourtant essentielles à l'établissement d'un diagnostic préalable à la définition d'une stratégie. Aussi, votre Rapporteur est-il impatient de connaître les résultats de la nouvelle enquête sur les moyens de l'État à l'étranger lancée par le Premier ministre en mars dernier. Par ailleurs, votre Rapporteur s'interroge sur la réactivation du comité : si son comité permanent, chargé de préparer ses délibérations, s'est réuni à deux reprises, la date de convocation du CIMEE est sans cesse repoussée. Elle devrait avoir lieu le 12 juillet prochain. Souhaitant que le CIMEE joue enfin le rôle stratégique qui lui est assigné, votre Rapporteur propose que, au-delà de sa revitalisation, qui dépend surtout de l'existence d'une volonté politique forte, son champ de compétence soit étendu aux opérateurs publics intervenant à l'étranger. Proposition n° 34 : inclure les opérateurs publics (établissements publics, groupements d'intérêt public...) intervenant à l'étranger dans le champ de compétence du CIMEE. Alors que la rationalisation du réseau d'action extérieure doit engager l'ensemble des ministères, les procédures de concertation prévues préalablement à l'ouverture ou à la fermeture d'une implantation et celles relatives à la nomination des chefs de service extérieurs à l'étranger ne sont, par ailleurs, pas toujours respectées. Seul le ministère de l'Intérieur se concerte régulièrement avec le ministère des Affaires étrangères sur l'évolution de son réseau, à l'occasion de réunions de programmation conjointe. La réforme du réseau du ministère de l'Économie et des finances a eu pour conséquence de remplacer l'obligation réglementaire de concertation avec le ministère des Affaires étrangères par une simple consultation. La procédure relative à la nomination des chefs de service fait l'objet d'instructions précises qui prévoient la consultation du ministère des Affaires étrangères, lui-même interrogeant les ambassadeurs. Elle n'est toutefois pas toujours suivie de manière satisfaisante : les délais de consultation sont souvent très courts (moins d'une semaine) ; les administrations centrales saisissent parfois directement les ambassadeurs, qui sont généralement demandeurs d'effectifs supplémentaires et, enfin, les lettres de mission des attachés spécialisés ne sont pas systématiquement transmises au Département. Proposition n° 35 : clarifier et uniformiser les instructions relatives aux nominations des chefs de services extérieurs. Afin de renforcer la cohérence du dispositif actuel, où les orientations politiques sont fixées par le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères et où il revient au CIMEE de définir l'évolution des réseaux de l'État à l'étranger, votre Rapporteur propose de mettre en place, auprès du Premier ministre, une structure de pilotage de l'action extérieure de l'État. Pour être efficace, cette structure doit associer les ministères et les opérateurs publics intervenant à l'étranger. Les ambassadeurs, qui ne seraient pas systématiquement issus du ministère des Affaires étrangères mais pourraient provenir d'autres ministères voire du secteur privé en fonction des besoins de la présence française, seraient rattachés à cette structure et en seraient les représentants sur le terrain. Proposition n° 36 : mettre en place, auprès du Premier ministre, une structure de pilotage de l'action extérieure de l'État, qui associe les ministères et opérateurs publics intervenant à l'étranger. Les ambassadeurs, qui seraient rattachés à cette structure, en seraient les représentants sur le terrain. La recherche d'une cohérence et d'une coordination accrues suppose enfin que l'ensemble des moyens consacrés à l'action extérieure de l'État soit regroupé, au sein du budget de l'État, dans une seule mission interministérielle, à l'instar de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Les crédits destinés à l'action extérieure de l'État sont en effet éparpillés entre 32 programmes rattachés à 19 missions et relevant de la responsabilité de 14 ministères différents ainsi que des services du Premier ministre. La création d'une mission interministérielle regroupant les crédits consacrés à l'action extérieure de l'État, défendue par la mission d'information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (11) ainsi que par votre Rapporteur spécial (12), devrait permettre de renforcer la cohérence de notre action à l'étranger. Les réticences des ministères ont été si fortes que l'effort de consolidation s'est limité à la production d'un document de politique transversale. Ce document, dont l'objectif est de présenter une vision consolidée et interministérielle de l'action extérieure française, n'ouvre pas une alternative acceptable, dans la mesure où il n'a aucune force politique et juridique. En outre, il s'ajoute au « jaune » budgétaire qui récapitule les crédits de toute nature qui concourent à l'action extérieure de la France. Pourquoi conserver ces deux documents ? Le premier se contente d'exposer les programmes qui participent à la politique transversale assortis de leurs objectifs et indicateurs sans apporter d'éléments chiffrés. Le second présente les crédits selon l'ancienne logique, par ministère et par titre, mais précise à quel programme les crédits sont rattachés. Il apparaît indispensable de fusionner ces documents, ce qui permettrait une mise en cohérence indispensable. Ainsi, selon le document de politique transversale, 30 programmes participent à l'action extérieure de l'État, là où le « jaune » budgétaire en recense 32... Propositions n° 37 : créer, au sein du budget de l'État, une mission interministérielle regroupant l'ensemble des moyens consacrés par la France à son action extérieure. À court terme, enrichir le document de politique transversale, notamment à partir des données figurant dans le « jaune » budgétaire, qui devrait alors être supprimé. 2.- Coordonner notre présence sur le terrain Compte tenu de la multiplicité des intervenants dans le cadre de l'action extérieure de la France, il apparaît indispensable de donner à l'ambassadeur les moyens d'assurer la cohérence de la présence française et d'en accroître la visibilité. Il appartient à l'ambassadeur d'assurer la coordination et l'animation des services de l'État français présents dans un pays donné. Le décret n 79-433 du 1er juin 1979 relatif aux pouvoirs des ambassadeurs et à l'organisation des services de l'État à l'étranger donne ainsi à l'ambassadeur autorité sur l'ensemble des représentants français en poste dans un pays considéré. Ces derniers doivent, par conséquent, suivre ses directives, l'informer de leurs actions, lui présenter, à sa demande, leur correspondance et participer aux réunions de coordination. Lors de leur prise de fonction, les représentants des ministères autres que celui du ministère des Affaires étrangères présentent leurs lettres de mission à l'ambassadeur. Ils participent à la production du poste diplomatique en rédigeant des notes et des télégrammes diplomatiques qu'ils soumettent à l'ambassadeur. En dépit de ces règles bien établies, la coordination dans les postes est inégale. Elle dépend des instructions données aux attachés spécialisés par leur service de tutelle et, surtout, des personnalités des agents. Trop souvent, les attachés spécialisés privilégient les relations verticales avec leur administration d'origine. Le statut de certains attachés, comme celui des fonctionnaires de liaison, ne facilite d'ailleurs pas la coordination. L'ambassadeur n'a ainsi pas systématiquement accès aux plans d'action et aux travaux des attachés, qui disposent de leur propre système de communication avec leur ministère de tutelle. Alors que la conférence d'orientation budgétaire devrait être le lieu de programmation des moyens consacrés à l'action extérieure de la France et de coordination de l'action des services de l'État à l'étranger, elle apparaît comme un simulacre, chaque participant ne fournissant que les informations qu'il veut bien communiquer. Aussi, si le statut de l'ambassadeur est toujours respecté, son autorité ne s'exerce effectivement qu'à la condition qu'il dispose d'une autorité naturelle. Au-delà des dysfonctionnements qui peuvent apparaître dans certains postes, la mission de coordination confiée à l'ambassadeur par le décret du 1er juin 1979 se heurte à deux limites : - l'ambassadeur n'a pas autorité sur les opérateurs de l'État et les établissements publics qui interviennent à l'étranger, comme l'Agence française de développement, l'AEFE ou le CNRS ; - les chefs de services économiques à compétence régionale ne sont pas placés sous l'autorité de l'ambassadeur, à la différence des chefs de mission économique. Pourtant, le renforcement de la cohérence de l'action de la France à l'étranger apparaît indispensable. Aucun réseau ne peut et ne doit être considéré comme autonome. Les liens entre les champs d'action des différents réseaux sont ténus : les synergies sont nombreuses entre les domaines politique et économique, mais également entre le politique et le culturel, l'économique et le culturel, l'économique et la défense, la sécurité et la justice... À cet égard, le service diplomatique qui a été unanimement cité en exemple à la Mission est celui de Grande-Bretagne, qui apparaît comme le plus efficace. Or, dans le dispositif britannique, l'ambassadeur est considéré comme le représentant d'un gouvernement, et non d'un ministère. Il est le chef d'une véritable équipe composée des représentants des autres ministères. L'organisation des services traduit ce schéma : tout agent en poste à l'étranger est placé sur emploi du Foreign and Commonwealth Office. Aussi, votre Rapporteur propose de renforcer et d'étendre l'autorité de l'ambassadeur, qui doit pouvoir jouer, au sein d'un poste diplomatique, le même rôle que celui assuré par le préfet au niveau local. En effet, l'ambassadeur représente le chef de l'État et les membres du Gouvernement auprès des autorités de son pays de résidence et l'ambassade, qui se définit comme l'ensemble des services soumis à l'autorité de l'ambassadeur, constitue la représentation de l'État à l'étranger. L'ambassadeur doit, en outre, être davantage informé de la mission dévolue aux directeurs d'établissements culturels, qui disposent d'une grande liberté dans leurs activités de programmation et de gestion. Proposition n° 38 : rendre obligatoire la communication aux ambassadeurs des lettres de mission des attachés spécialisés et des directeurs d'établissement à autonomie financière. Une meilleure intégration des représentants des différents ministères suppose également que tous soient informés des conditions dans lesquelles doit s'organiser leur collaboration avec l'ambassadeur. Le décret du 1er juin 1979 doit donc être systématiquement remis aux attachés spécialisés. Une collaboration accrue entre les chefs de service, en particulier ceux issus des ministères autres que celui en charge des affaires étrangères, et l'ambassadeur doit en outre reposer sur une meilleure communication. La messagerie utilisée au ministère des Affaires étrangères permet déjà un échange d'informations avec les autres messageries ministérielles. Le système de communication protégé « Schuman », en cours de développement, autorisera l'échange d'informations classifiées. La base documentaire dont le ministère des Affaires étrangères doit se doter sera accessible par les autres administrations grâce à une autorisation des droits de connexion. Réciproquement, comme c'est déjà le cas pour certains services du ministère des Affaires étrangères qui ont accès à l'application de la DGTPE, les postes à l'étranger devront pouvoir consulter les bases documentaires des autres ministères. Le rapprochement, voire, in fine, l'uniformisation des systèmes d'information devrait ainsi permettre un meilleur échange des informations. Proposition n° 39 : rapprocher les réseaux de communication des différents ministères, en particulier les intranets et les bases documentaires. Au-delà d'un accroissement des échanges de données, une meilleure collaboration est facilitée par le regroupement, dans un même lieu, de l'ensemble des services de l'État à l'étranger. Leur intégration au sein d'un même bâtiment ou d'un campus diplomatique contribue également à la réduction des coûts et au renforcement la visibilité de notre représentation. Proposition n° 40 : favoriser le regroupement sur un même site de l'ensemble des services de l'ambassade. La recherche d'une plus grande cohérence dans l'action extérieure de la France suppose enfin de donner tout son sens à la conférence d'orientation budgétaire. D'exercice purement formel, la conférence d'orientation budgétaire doit devenir une véritable instance de pilotage de l'allocation des moyens par pays. Proposition n° 41 : faire de la conférence d'orientation budgétaire une enceinte de pilotage des moyens financiers consacrés à l'action extérieure de la France dans un pays considéré. Cet objectif suppose d'accroître les responsabilités de l'ambassadeur en matière budgétaire, ainsi que l'a très bien exposé M. Raymond-François Le Bris dans son rapport au Premier ministre (13). Si l'ambassadeur est informé des délégations de crédits faites aux services présents dans le pays de résidence, il n'intervient pas dans le processus de demande et de négociation des crédits des différents ministères. Votre Rapporteur souscrit donc pleinement à la proposition du préfet Raymond-François Le Bris de permettre à l'ambassadeur de s'exprimer dès les demandes de crédits, à l'instar du préfet vis-à-vis des services ministériels placés sous son autorité. Deux options sont possibles : prévoir, dans une instruction du Premier ministre, que les demandes de crédits des différents services ministériels doivent être faites à l'administration centrale concernée sous couvert de l'ambassadeur ou modifier le décret du 1er juin 1979 afin de préciser que les projets de budget des services à l'étranger sont soumis pour avis à l'ambassadeur. Proposition n° 42 : soumettre à l'avis de l'ambassadeur les projets de budget des services de l'État à l'étranger. Si l'ambassadeur doit être le chef d'une équipe composée des représentants des différents ministères, il doit également veiller à ce que la France parle d'une seule voix. Cela suppose d'assurer la cohérence globale des réseaux de l'État à l'étranger, y compris ceux des établissements publics présents sur place. Proposition n° 43 : étendre les dispositions du décret n° 79-433 du 1er juin 1979 aux antennes des établissements publics à l'étranger et développer des conventions de partenariat avec ces établissements. Dans ce cadre, le plan d'action de l'ambassade, qui doit assurer la cohérence entre les objectifs et les actions des différents ministères et services présents sur place, doit être élaboré et mis en œuvre de manière concertée. Il doit également être articulé avec de manière cohérente avec le document cadre de partenariat dans les pays de la zone de solidarité prioritaire, ainsi qu'avec les différentes conventions conclues avec les établissements publics. Proposition n° 44 : élaborer un plan d'action de l'ambassade de manière concertée avec les représentants des différents ministères et les principaux opérateurs représentés dans le pays. 3.- Une présence plus visible pour une action plus claire Pour que la France parle d'une même voix et que sa parole soit entendue, il apparaît nécessaire d'harmoniser la politique de communication des ambassades, ce qui suppose la définition d'un plan commun de communication ainsi que l'établissement d'une charte graphique commune. Proposition n° 45 : définir de manière concertée le plan de communication de l'ambassade et adopter une charte graphique commune. Au-delà de ces aspects généraux, l'effort en faveur d'une lisibilité accrue de l'action de la France doit plus particulièrement être mené dans le domaine culturel. En effet, le constat des nombreux interlocuteurs de la Mission a été unanime : la présence culturelle française à l'étranger souffre d'un manque de lisibilité. Ce défaut résulte notamment de la multiplicité des intervenants au nom de la France (centres et instituts culturels, Alliances françaises, UniFrance, l'AFAA, l'ADPF...), alors que des pays comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni sont représentés par un ou deux organismes, ce qui confère une grande visibilité à leur action. Ainsi, l'Allemagne s'appuie simplement sur le Goethe Institut et l'Office allemand pour les échanges universitaires (DAAD). Pour le Royaume-Uni, c'est le British Council qui assure l'ensemble des missions en matière de culture, d'échanges universitaires, d'aide au développement... M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de l'AFAA et futur directeur de CulturesFrance, a ainsi indiqué à votre Rapporteur que l'action culturelle de la France à l'étranger est assurée par 23 types d'intervenants différents, auxquels correspondent autant de logiques et d'images. Au contraire, l'action du Royaume-Uni est très visible et, au sein même du pays, le British Council bénéficie d'une très forte notoriété (70 % des Britanniques en connaîtraient l'existence, selon M. Olivier Poivre d'Arvor). M. Philippe Étienne, Directeur général de la coopération internationale et du développement, a d'ailleurs souligné devant la Mission que « le British Council est un exemple intéressant de très grande lisibilité, et nous voudrions nous en inspirer ». La création de CulturesFrance constitue un premier pas dans le sens d'un accroissement de la lisibilité et de l'efficacité du dispositif de promotion de la culture française dans le monde. En effet, selon le projet présenté par le ministre des Affaires étrangères le 15 mai dernier, cette agence, qui devrait être constituée sous la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial, regroupera l'AFAA et l'ADPF ; la Maison des cultures du monde, association liée au ministère de la Culture et de la communication étant invitée à les rejoindre. Permettant de fédérer les moyens du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Culture et de la communication, CulturesFrance aura pour mission de : - valoriser l'action culturelle française à l'étranger (promotion de la création contemporaine française, organisation des saisons culturelles en France et à l'étranger, conception et diffusion de produits culturels) ; - promouvoir les coopérations en faveur de la diversité culturelle (actions de formation dans le secteur de l'ingénierie culturelle et échanges entre artistes) ; - contribuer à l'émergence d'une Europe de la culture. Cet établissement devrait être doté d'un budget de 30 millions d'euros. Selon M. Olivier Poivre d'Arvor, le simple rapprochement de l'AFAA et de l'ADPF devrait permettre de réduire de 25 à 30 % les frais de fonctionnement. Votre Rapporteur se félicite de cette initiative mais regrette que le projet ne soit pas plus ambitieux. Si le nouvel opérateur ne devait apparaître que comme le regroupement de quelques associations existantes, sa création ne présenterait pas grand intérêt. Aussi est-il important que l'appellation de cet opérateur soit largement diffusée, notamment comme label pour les opérations culturelles importantes menées à l'étranger à partir d'un financement public. Plus globalement, ne vaudrait-il pas mieux créer une agence intégrant le réseau des centres et instituts culturels et celui des Alliances françaises, ce qui permettrait d'assurer une vraie cohérence et une notoriété accrue à l'action culturelle de la France à l'étranger ? Selon M. Jacques Blot, auteur du rapport relatif à la création d'une agence culturelle, plusieurs conditions devraient être remplies avant l'intégration du réseau des établissements à autonomie financière, parmi lesquelles l'insertion du secteur linguistique dans le périmètre de l'agence, la redéfinition des rôles respectifs des services culturels et des établissements culturels et la précision des relations entre les Alliances françaises et les ambassades. La question du statut juridique de l'opérateur serait également posée. Toutefois, votre Rapporteur est d'avis que ces sujets ne devraient pas constituer un obstacle à un véritable regroupement des moyens du rayonnement culturel français. L'intégration du réseau des centres et instituts culturels, concomitante ou suivie de celle des Alliances françaises, pourrait ainsi être menée, dans un premier temps, à titre expérimental. Une dizaine d'établissements pourraient être retenus, soit dans des zones géographiques différentes, soit dans une même région. Proposition n° 46 : intégrer au sein de l'opérateur CulturesFrance, dans un premier temps à titre expérimental, les centres et instituts culturels ainsi que les Alliances françaises. Créer, à partir du nom « CulturesFrance », une « marque » de référence de l'action culturelle française à l'étranger. À la multiplicité des types d'acteurs s'ajoute la diversité des appellations au sein d'une même catégorie d'intervenants. Ainsi, les établissements à autonomie financière peuvent recevoir au moins une quinzaine d'appellations : centre culturel et de coopération, centre culturel et de coopération linguistique, centre culturel français, centre culturel franco-national, institut français, maison de France, etc. Cette multiplicité des dénominations ajoute au sentiment de confusion qui ressort de l'examen du réseau culturel. Ces établissements peuvent, en outre, exercer des activités dans un plusieurs des domaines suivants : culturel et artistique, linguistique, scientifique et technique, développement et coopération technique et, enfin, audiovisuel. Selon M. Jacques Blot, auteur du rapport précité, 23 établissements couvriraient les cinq domaines, 23 auraient compétence dans quatre secteurs, 38 dans trois secteurs, 43 dans deux secteurs et 26 dans un seul secteur. À défaut d'une harmonisation des champs d'intervention, qui n'apparaît pas nécessairement opportune, votre Rapporteur juge indispensable de mettre fin à la multiplicité des appellations, qui nuit à la visibilité de la présence et de l'action françaises à l'étranger. Proposition n° 47 : réduire à une seule dénomination le nombre d'appellations des établissements à autonomie financière. Actuellement, les efforts de rationalisation du ministère concernent plus particulièrement l'accueil des étudiants étrangers. Votre Rapporteur se félicite ainsi du développement des Centres pour les études en France et de la prochaine création de Campus France, qui devraient permettre de remédier à la complexité de la procédure de sélection des étudiants étrangers et contribuer au renforcement de l'attractivité de la France. La procédure d'inscription et d'accueil des étudiants étrangers est à la fois lourde, complexe et décourageante. Faisant intervenir une multitude d'acteurs placés sous une simple, une double voire une triple tutelle ministérielle, elle est difficilement compréhensible. Ainsi, pour obtenir des informations, les candidats peuvent s'adresser directement aux établissements d'enseignement supérieur mais également aux représentants d'EDUFRANCE (14), aux services culturels des ambassades, aux établissements culturels et aux Alliances françaises. Ils doivent formuler leur demande d'inscription auprès des établissements et leur demande de visa auprès des consulats, qui requièrent l'avis des services culturels. Il revient également aux services culturels d'organiser des tests de langue. Enfin, deux organismes interviennent dans la gestion des bourses et l'accueil des étudiants : EGIDE (15) et le CNOUS (16). Ainsi que l'a souligné M. Raymond-François Le Bris devant la Mission, « l'inorganisation de l'accueil des étudiants en France [...] est coûteuse en termes financiers mais également en termes d'image», et la multitude des intervenants « complique l'identification des responsabilités ». Afin de remédier à cette complexité, le ministère a mis en place, à titre expérimental, des centres pour les études en France (CEF) en Chine, dans les pays du Maghreb, au Sénégal et au Vietnam. Constituant un guichet unique pour les étudiants étrangers qui souhaitent poursuivre leurs études supérieures en France, ils ont pour mission de les accompagner dans leurs démarches d'identification de l'établissement d'accueil, d'inscription et d'obtention des documents consulaires. Placés sous la responsabilité des services culturels, ils sont rattachés aux centres et instituts culturels, afin de bénéficier de leur autonomie financière. Lors de son déplacement au Maroc, votre Rapporteur a pu constater les avantages offerts par ce guichet unique en termes financiers (autofinancement), de sélection des étudiants (réduction des demandes émanant de « faux étudiants ») et de simplification des démarches (inscription et paiement en ligne, interlocuteur unique). Selon le ministère des Affaires étrangères, des CEF devraient être créés dans quatorze nouveaux pays (17) en 2006 et 2007. Compte tenu des résultats positifs de ce dispositif, votre Rapporteur propose de généraliser les CEF. Proposition n° 48 : généraliser les centres pour les études en France. Le ministère entend également simplifier le dispositif d'accueil des étudiants et des chercheurs avec la création, annoncée le 15 mai dernier par le ministre des Affaires étrangères, d'une « agence pour la mobilité universitaire et scientifique », Campus France. Cet établissement public devrait reprendre les missions exercées actuellement par Egide et EDUFRANCE. Campus France devrait ainsi se voir confier les missions suivantes : promouvoir à l'étranger les formations supérieures françaises ; attirer les étudiants étrangers et mettre en œuvre des partenariats avec des universités étrangères ; instaurer un guichet unique pour l'accueil des étudiants étrangers en France, depuis leur orientation jusqu'à la gestion de leur bourse, et, enfin, soutenir la mobilité internationale des chercheurs. Cet établissement devrait travailler en étroite coordination avec les CEF et le CNOUS. Votre Rapporteur se félicite de ces différentes initiatives. Elles devraient désormais être complétées par la mise en place d'un véritable relais entre les lycées français à l'étranger et les établissements d'enseignement supérieur. Il convient en effet de tirer le meilleur parti de notre réseau d'établissements d'enseignement à l'étranger qui, avec 429 établissements accueillant 260.000 élèves dans 130 pays, est unique au monde. Parmi ces établissements, 251 relèvent de l'AEFE et scolarisent 160.000 élèves. Ce réseau constitue, avec les Alliances françaises, le principal vecteur de l'image de la France à l'étranger : 55 % élèves des établissements de l'AEFE sont étrangers. À cet égard, l'AEFE assure trois missions (la scolarisation des enfants français à l'étranger, la diffusion de la langue et de la culture françaises auprès des enfants étrangers et la coopération éducative), qu'elle remplit sans distinction, ainsi que l'a indiqué Mme Maryse Bossière, Directrice de l'Agence. Votre Rapporteur estime que, s'il revient effectivement au réseau de remplir ces trois missions, il convient de hiérarchiser les priorités de son action et de déterminer si le réseau a pour vocation principale d'accueillir des élèves français ou des élèves étrangers. Cette hiérarchisation des priorités apparaît d'autant plus nécessaire que la plupart des établissements de l'AEFE sont confrontés à une demande largement supérieure au nombre de places proposées. Proposition n° 49 : hiérarchiser les missions du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Si le réseau d'enseignement français à l'étranger constitue un formidable outil de formation d'élites locales ouvertes à la culture française et susceptibles de contribuer à l'expansion économique et au rayonnement politique et culturel de la France, son action se limite à l'enseignement primaire et secondaire et, faute d'un lien suffisant assuré avec les établissements d'enseignement supérieur, force est de constater une rupture dans l'orientation des anciens élèves des lycées français, qui préfèrent se tourner vers des universités américaines plutôt que françaises. Ainsi, seuls 40 % des élèves étrangers du réseau de l'AEFE choisissent de poursuivre leurs études supérieures dans des établissements métropolitains et certains d'entre eux, faute de pouvoir s'adresser à des établissements d'enseignement supérieur français sur place, se tournent vers des universités américaines installées dans leurs pays. Notre dispositif souffre ainsi d'un double défaut : un manque d'attractivité des établissements d'enseignement supérieur français et une absence de représentation sur place. Les établissements d'enseignement supérieur n'ont généralement qu'une approche partielle des relations internationales, au travers des contacts entre enseignants-chercheurs. Il est grand temps qu'ils adoptent une politique de communication et d'accueil plus offensive, à l'image des universités américaines, et que les liens entre le réseau de l'AEFE et les écoles à l'étranger et les établissements d'enseignement supérieur soient renforcés. En dépit de la création récente d'un service d'orientation au sein de l'Agence, le système de placement des élèves dans les universités françaises repose principalement sur les chefs d'établissement, dont les autres activités s'avèrent très prenantes. En outre, l'accueil des étudiants étrangers nécessite un traitement particulier, que les structures françaises ne sont pas en mesure d'offrir actuellement. Ainsi que l'a indiqué Mme Maryse Bossière, « nous avons [...] souvent des difficultés à trouver un point d'accueil, en particulier en raison de l'inadaptation des lycées à classes préparatoires, dont les internats ferment souvent aux petites vacances, ou des universités à l'accueil des jeunes de 17 ou 18 ans venus de pays lointains ». Proposition n° 50 : renforcer les liens entre les lycées français et les établissements d'enseignement supérieur afin de mieux faire connaître l'offre d'enseignement supérieur français et de faciliter les inscriptions des bacheliers étrangers du réseau. Améliorer l'accueil en France des anciens élèves étrangers du réseau. L'exigence d'efficacité de l'action extérieure de la France doit se traduire dans l'évolution du rôle de l'État vers des fonctions de stratège et d'autorité de tutelle, la diffusion d'une culture de gestion, le développement d'une politique des ressources humaines plus dynamique et, enfin, la mutualisation des moyens humains et matériels. Les questions relatives à l'efficacité de la gestion du patrimoine immobilier de l'État à l'étranger ne sont pas abordées dans le présent rapport, car elles font l'objet d'un travail approfondi mené depuis deux ans par votre Rapporteur spécial, dont il est rendu compte chaque année dans le rapport spécial consacré aux crédits de la mission « Action extérieure de l'État ». 1.- Affirmer le rôle de l'État comme stratège et autorité de tutelle La volonté d'offrir une plus grande qualité de service à un moindre coût doit aujourd'hui guider la modernisation de l'État. La réforme doit avoir pour objet de redéfinir le rôle de l'État, à la fois stratège et autorité de tutelle. Chaque ministère est concerné, au premier rang desquels le ministère des Affaires étrangères. a) La définition d'une stratégie Afin de s'inscrire pleinement dans la nouvelle logique d'organisation de l'État, le ministère des Affaires étrangères s'est doté d'un organe d'orientation et de décision, une direction collégiale, appelée à devenir un véritable comité de pilotage du ministère. Cette direction collégiale a vocation à connaître des questions portant sur l'organisation du ministère, ses missions, ses structures, ses moyens, ses règles de fonctionnement, mais également de sujets de politique étrangère. Il s'agit d'une enceinte d'échanges, destinée à donner les orientations et à prendre les décisions. La fréquence de ses réunions a été fixée à deux mois et sa composition vient d'être modifiée afin de renforcer sa représentativité et d'asseoir son autorité (18). Votre Rapporteur salue cette initiative qui devrait notamment permettre d'éviter que les orientations de l'action du ministère ne soient pas nécessairement prisonnières des influences politiques. Dans le souci d'une plus grande efficacité et d'une ouverture sur l'extérieur, il serait utile d'adjoindre à la direction collégiale une ou deux personnes issues du secteur privé, qui pourraient apporter leur expérience de la gestion de structures privées. Proposition n° 51 : ouvrir la direction collégiale du ministère des Affaires étrangères à deux personnes issues du secteur privé. La question de la redéfinition du rôle du ministère et de ses composantes se pose tout particulièrement dans le cas de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID). La nature même de ses interventions (19) est appelée à évoluer. Comme l'a indiqué son Directeur général, M. Philippe Étienne, à la Mission, « nous sommes de moins en moins organisateurs de projets de coopération et nous travaillons de plus en plus avec des opérateurs ». Dans un souci d'efficacité, il convient de revoir l'organisation d'ensemble de l'intervention française à l'étranger dans les secteurs de la culture et de l'aide au développement. Ces deux volets de l'action extérieure de l'État doivent être mis en œuvre par des opérateurs distincts. L'AFD s'est déjà affirmée comme l'opérateur responsable de la coopération et du développement et CulturesFrance pourrait le devenir dans le domaine culturel. Pour sa part, la DGCID doit se concentrer sur ses missions de définition de la politique extérieure de l'État et de contrôle de sa mise en œuvre. Actuellement, avec des effectifs pléthoriques de 500 agents en administration centrale et de 8.476 agents dans le réseau, la DGCID n'assure ni sa mission de définition de la politique culturelle et de coopération, ni son rôle de tutelle. La DGCID souffre ainsi cruellement d'un manque de structures de réflexion stratégique, qui se traduit dans le sentiment d'éparpillement et de confusion que l'on éprouve à l'examen des systèmes de décision, des structures d'intervention et de la répartition des moyens financiers qui relèvent de sa compétence. Ce défaut se fait sentir de manière aiguë dans le domaine culturel mais également dans celui de la coopération et du développement. Tandis que la réforme engagée depuis 2004 dans le domaine de la coopération a pour objet de renforcer le rôle du ministère et des ambassadeurs en matière de pilotage stratégique et d'accroître les missions de coopération de l'AFD, l'équipe en charge du pilotage de l'aide publique au développement au ministère, composée de cinq à six personnes selon M. Philippe Étienne, apparaît bien faible au regard de la direction de la stratégie dont s'est dotée l'AFD, qui exerce une mission d'évaluation et d'élaboration des axes stratégiques. Aussi, alors que c'est au sein de l'État que la politique devrait être conçue et la stratégie d'influence définie, l'AFD mène la stratégie d'influence. Le constat des interlocuteurs de votre Rapporteur sur ce glissement de compétences régaliennes vers une agence a été unanime, certains regrettant vivement que, dans le domaine de l'aide publique au développement, « la tête suive les jambes ». L'évolution du rôle de la DGCID suppose également que son organisation soit revue selon deux directions. Il faut distinguer nettement ses deux principaux champs de compétence et mettre fin au trop grand cloisonnement qui la caractérise. Au regard de ces deux objectifs, la réorganisation récente (20) de la DGCID est loin d'être satisfaisante. Ainsi, par exemple, pourquoi distinguer la sous-direction de la coopération universitaire et de la formation professionnelle, rattachée à la direction de la coopération scientifique et universitaire, de la direction de la coopération culturelle et du français, dont dépendent les établissements culturels, qui interviennent pourtant auprès des étudiants ? Il conviendrait de développer, au niveau de l'administration centrale, une plus grande intégration, sur le modèle, par exemple, de ce qui est réalisé dans certains postes, avec le regroupement des cours de langue, de la gestion des étudiants étrangers et de la promotion des études en France au sein d'un même lieu (21), regroupement qui constitue un premier pas vers une plus grande intégration. Suivant cette logique, il serait souhaitable de simplifier l'organigramme actuel, en instituant seulement deux directions au sein de la DGCID, l'une en charge des politiques de développement, et l'autre consacrée au rayonnement culturel de la France et à l'éducation, qui regrouperait les actuelles direction de la coopération culturelle et du français, direction de l'audiovisuel extérieur et direction de la coopération scientifique et universitaire. Votre Rapporteur estime donc que la DGCID doit être transformée en une direction politique, chargée de la réflexion stratégique et du contrôle de la mise en œuvre de la politique étrangère en matière de culture, d'éducation et de développement. Compte tenu de l'évolution de ses missions, la nouvelle direction doit être une structure légère, qui mobilise une cinquantaine de personnes, au lieu des 500 actuellement en poste en administration centrale. Son organisation doit correspondre à ses deux champs d'intervention, le rayonnement culturel et l'aide au développement. Proposition n° 52 : Transformer la DGCID en une structure plus légère, chargée de la réflexion stratégique et du contrôle de la mise en œuvre des volets culture, éducation et développement de la politique étrangère de la France. Organiser cette nouvelle direction, composée d'une cinquantaine de personnes, en deux pôles, l'un chargé du rayonnement culturel, l'autre consacré aux politiques de développement. Confier la mise en œuvre de la politique définie par la DGCID à deux opérateurs, l'AFD dans le champ de la coopération et de l'aide au développement et CulturesFrance dans le domaine culturel. L'évolution du rôle de l'État, en particulier en matière d'action culturelle et de coopération internationales, suppose que les autorités s'approprient une nouvelle culture et disposent des instruments nécessaires à la définition d'une stratégie et à l'exercice de la tutelle. Or, ainsi que l'a souligné M. Jean-Pierre Lafon, Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, devant la Mission, « le ministère n'a pas la culture de la tutelle - et cela vaut pour la DGCID au premier chef ». Plusieurs interlocuteurs rencontrés par votre Rapporteur ont ainsi regretté un manque d'autorité au sein du réseau relevant de la DGCID. Est-il normal que ce soit le directeur de l'AFAA qui rédige sa propre lettre de cadrage et qu'aucune mesure ne soit prise après sa décision de ne plus élaborer ce document ? Ce manque d'autorité se traduit également dans les relations entre les services du ministère en charge de la coopération et l'Agence française de développement. Les services du ministère n'exercent pas leur fonction de tutelle, qui apparaît pourtant comme le corollaire du renforcement de leur mission de pilotage. À cet égard, la réforme lancée par les Comités interministériels de la coopération internationale et du développement du 20 juillet 2004 et du 18 mai 2005, apparaît inaboutie. La réforme du dispositif français de coopération internationale et d'aide au développement Après la fusion du ministère de la Coopération avec le ministère des Affaires étrangères en 1998, qui s'est traduite par la création de la DGCID, une réforme de vaste ampleur du dispositif français de coopération et d'aide au développement a été lancée avec la mise en place d'un Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). L'objectif de cette réforme est d'améliorer l'efficacité et la lisibilité du dispositif français de coopération. Les CICID du 20 juillet 2004 et du 18 mai 2005 ont ainsi redéfini le partage des compétences entre les services du ministère en charge de la coopération (DGCID, ambassadeurs et responsables des services de coopération et d'action culturelle) et l'Agence française de développement. Le rôle du ministère et des ambassadeurs dans le pilotage stratégique de l'aide française se trouve renforcé tandis qu'une partie de la mise en œuvre de la coopération française est transférée à l'AFD, personnels d'assistance technique compris (320 postes). L'AFD devient ainsi l'opérateur-pivot de la coopération française dans la zone de solidarité prioritaire. L'État détermine les orientations stratégiques de l'AFD, autorise les nouvelles opérations et fait procéder à leur évaluation. Le rôle de l'ambassadeur en matière de pilotage est ainsi renforcé : * l'ambassadeur est chargé de l'élaboration du document-cadre de partenariat et émet un avis conforme sur le cadre d'intervention de l'AFD ; * pour les projets financés sur dons, l'ambassadeur émet un avis à trois étapes de la réalisation des projets (identification d'un nouveau projet, engagement de l'opération, évaluation a posteriori) ; * l'ambassadeur est tenu informé des activités opérationnelles de l'AFD, des contacts entre l'agence locale et les autorités de l'État étranger ainsi que des missions effectuées sur place par les agents du siège de l'AFD. Il reçoit copie, à sa demande, des documents transmis par l'AFD aux autorités étrangères ; * l'ambassadeur est consulté sur les nominations des directeurs d'agence et émet un avis conforme sur leurs lettres de mission. Il transmet au directeur général de l'AFD un rapport annuel sur la manière de servir du chef d'agence. Le chef de l'agence participe aux réunions de coordination tenues par l'ambassadeur et contribue aux réflexions de l'ambassade sur les questions de coopération et de développement ; * l'ambassadeur cosigne avec le directeur général de l'AFD les conventions avec les États étrangers relatives aux opérations de dons et est tenu informé de l'état d'avancement des opérations relevant de la loi bancaire. L'AFD est responsable des secteurs de coopération relevant des « objectifs du millénaire », ce qui correspond à l'essentiel de la coopération économique et sociale avec les pays en développement. L'AFD s'est en effet vue transférer les compétences en matière d'opérations de dons et d'assistance technique dans les secteurs de l'agriculture et du développement rural ; de la santé et de l'éducation de base ; de la formation professionnelle ; de l'environnement ; du secteur privé ; des infrastructures et du développement urbain. Ses compétences s'étendent de l'élaboration d'une politique sectorielle dans un pays donné à la réalisation des projets et des programmes qui en découlent. L'agence dispose désormais, dans la ZSP, de la totalité des instruments de l'aide française au développement bilatérale, qu'il s'agisse des prêts, des dons, des activités projets, des activités d'assistance technique et de soutien institutionnel dans ces secteurs. Le ministère des Affaires étrangères demeure compétent, pour les opérations de dons et l'assistance technique, dans les domaines de la gouvernance (soutien à l'État de droit, réforme de l'État, gouvernance institutionnelle et financière et définition des politiques publiques) ; de la coopération décentralisée et non gouvernementale ; de l'appui à la francophonie et à l'enseignement du français ; de la coopération culturelle et scientifique ; de la formation, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Alors que la réforme voulue par le CICID a pour objectif de renforcer le rôle de l'ambassadeur, qui est désormais chargé d'élaborer le document cadre de partenariat, de donner son avis à trois étapes du montage d'une opération et de transmettre un rapport annuel au directeur général de l'AFD sur la manière de servir du chef d'agence, sa mise en œuvre se heurte aux réalités du terrain. L'AFD a parfois tendance à s'identifier davantage à une grande organisation internationale qu'au bras armé de la France en matière d'aide publique au développement. Si M. Jean-Michel Severino, Directeur général de l'AFD, a affirmé devant la Mission, que depuis qu'il était en poste, les avis des ambassadeurs avaient toujours été suivis, cela n'a pas toujours été le cas par le passé et il arrive que ces avis soient assortis de réserves. Par ailleurs, la collaboration entre les services de l'ambassade et ceux de l'AFD est parfois difficile, la participation, purement formelle, aux réunions hebdomadaires de service masquant l'absence de contact régulier. Il a par ailleurs été indiqué à plusieurs reprises à votre Rapporteur que les ambassadeurs n'étaient pas toujours tenus informés des contacts menés entre l'agence locale et les autorités de l'État étranger, ni des missions effectuées sur place par les agents du siège de l'AFD. Si le partage des compétences entre les services du ministère et l'Agence française de développement semble suivre une logique allant dans le sens de la rationalité et de l'efficacité, il apparaît contestable sur certains points. Pourquoi transférer la totalité de la compétence en matière d'éducation à l'AFD sans inclure l'enseignement supérieur, qui nécessite souvent des investissements importants ? Par ailleurs, si l'on pousse la logique jusqu'au bout, on peut s'interroger sur le maintien de deux guichets, qui nuit à la clarté de l'action française. A-t-on intérêt à maintenir deux réseaux ? Aux États-Unis, l'agence en charge de l'aide au développement est responsable de l'ensemble des compétences en la matière. Mais, surtout, ce partage n'est pas toujours bien compris par les services, ainsi que votre Rapporteur a pu le constater. Les interprétations divergentes fournies par les différents acteurs de la coopération sur leurs compétences respectives dans les domaines de l'assistance témoignent qu'il s'agit d'« un sujet opérationnellement complexe et parfois sensible institutionnellement et politiquement », ainsi que l'a reconnu M. Jean-Michel Severino, Directeur général de l'AFD. Est notamment posée la question de la rémunération de gestion versée par l'État à l'AFD. Son niveau actuel, fixé à 10 % du coût des projets, a pour conséquence que l'agence perd de l'argent dès lors qu'elle conduit des opérations d'un montant inférieur à 6 millions d'euros. Aussi, M. Jean-Michel Severino a indiqué à la Mission : si le ministère des Affaires étrangères souhaite que « nous réalisions des opérations de petite taille, qu'elles soient de bonne qualité et bien exécutées, il faut accroître notre commission de gestion ». Celle-ci devrait passer à 15 voire 20 %. Proposition n° 53 : clarifier le partage des compétences entre les services du ministère et l'AFD. Enfin, il semble qu'on n'ait pas tiré toutes les conséquences du nouveau partage de compétences entre la DGCID et l'AFD en termes d'organisation. Alors que des transferts de compétences et de crédits importants sont intervenus depuis 2004, faisant de l'AFD l'opérateur central de la coopération, les effectifs de la DGCID n'ont, en effet, pas été réduits en conséquence. M. Philippe Étienne a indiqué à la Mission qu'environ 10 % des postes avaient été supprimés dans les services de la coopération, ce qui semble faible au regard des compétences transférées. La mise en place de la nouvelle organisation constitue pourtant l'occasion de revoir en profondeur l'organisation des services de coopération et d'action culturelle et de supprimer les postes qui n'apparaissent plus justifiés. Proposition n° 54 : revoir l'organisation des services de coopération et d'action culturelle, afin de tirer les conséquences des transferts de compétences intervenus dans le secteur de la coopération. Alors que la réforme de la coopération française a pour conséquence de renforcer la mission de tutelle du ministère, celui-ci ne dispose pas véritablement des moyens de l'exercer. Le constat est identique dans le domaine culturel. Ainsi, tandis que la mise en place d'une véritable stratégie et le suivi de sa mise en œuvre nécessitent de disposer des éléments d'information adéquats, le ministère est loin de disposer des données nécessaires à la prise de décision, ce qui le place dans une position d'infériorité vis-à-vis des structures placées sous sa tutelle. M. Jean-Michel Severino a ainsi souligné devant la Mission que les lacunes de la DGCID dans la connaissance de ses coûts de gestion alimentaient le débat sur le transfert des compétences : « L'État a énormément de mal à mesurer ses coûts. C'est ainsi que la DGCID ne connaît pas ses coûts de gestion, ni ses coûts de personnels sur ses opérations, ni ses coûts fixes. [...]. L'État est incapable de répartir les charges de fonctionnement du ministère des Affaires étrangères et encore moins ses charges structurelles. Il y a une opacité totale sur ce sujet. Et si nous avons ce débat avec le ministère des Affaires étrangères, c'est justement parce qu'il n'y a pas de comparaison possible. Sans instrument de mesure de l'autre côté, on ne peut pas avoir de discussion comparative ». La Mission a dressé un constat identique en matière d'action culturelle. Ainsi, alors qu'elle avait demandé à la DGCID de lui communiquer la programmation de chaque établissement culturel sur les douze derniers mois ainsi que des informations relatives à la fréquentation des manifestations organisées (nombre et, si possible, typologie des spectateurs, coûts et recettes des manifestations), il lui a été répondu que, si un outil informatique répertoriant l'ensemble des manifestations culturelles organisées par les établissements culturels avait été construit, celui-ci était en « cours d'amélioration »... Cette application devrait notamment permettre de fournir des informations sur la discipline, le public, le financement et les retombées médiatiques des différents événements. Le ministère a ajouté : « en attendant que cette application soit pleinement exploitable, le département dispose d'informations pour chaque pays où s'exerce sa coopération culturelle, mais n'est pas en mesure de fournir une liste exhaustive des 25 à 30.000 programmations réalisées à l'échelle mondiale, ni le profil de leur public type ». Actuellement, votre Rapporteur ne peut que dresser ce constat surprenant : le ministère ne connaît pas la programmation culturelle de ses établissements culturels, qui fonctionnent, en pratique, de manière parfaitement autonome ! De même, si la Mission a eu communication de la liste des ouvertures et fermetures de centres et instituts culturels intervenues depuis dix ans, elle n'a pas obtenu d'évaluation des économies réalisées à la suite des fermetures. Or, il est indispensable qu'une direction administrative dispose d'un suivi des actions menées par les services qui mettent en œuvre la politique qu'elle a définie. La connaissance d'informations élémentaires comme la programmation, les moyens consacrés et le profil du public constituent en effet autant d'éléments permettant de juger de la pertinence de la politique culturelle menée par un directeur d'établissement culturel. Une connaissance précise des politiques mises en œuvre, de leurs résultats, des coûts qui leur sont associés apparaît comme une condition indispensable à une bonne gestion. Une gestion efficace suppose également de disposer des personnels capables d'analyser et de négocier les contrats d'objectifs et de moyens liant la Direction générale aux différents opérateurs. Proposition n° 55 : renforcer la capacité de la DGCID à exercer sa mission de tutelle, en formant ses personnels à cette mission spécifique et en la dotant d'outils de gestion performants. Compte tenu de l'évolution du rôle du ministère des Affaires étrangères vers une fonction de stratège et de tutelle, il apparaît nécessaire de conclure avec l'ensemble des opérateurs intervenant dans le cadre de la politique définie par le ministère, des contrats de performance détaillés, comportant des objectifs impérieux, chiffrés et mesurables, à l'instar du contrat de performance conclu entre la DGTPE et UBIFRANCE. Ce contrat comporte ainsi des objectifs précis (comme l'accroissement de 10 % par an du nombre d'entreprises utilisatrices ainsi que du niveau d'autofinancement), dont le directeur d'UBIFRANCE doit rendre compte auprès de la DGTPE. Proposition n° 56 : conclure avec chaque opérateur de la politique culturelle et de coopération un contrat de performance comportant des objectifs précis et mesurables, dont la mise en œuvre devra faire l'objet d'un compte rendu détaillé auprès des services du ministère. 2.- Assurer la diffusion d'une culture de gestion Dans un souci d'efficacité et d'efficience, l'évolution du rôle de l'État doit s'accompagner de la diffusion d'une culture de gestion. À cet égard, force est de constater que la gestion des centres et instituts culturels souffre encore trop souvent d'un manque d'efficacité, dû à l'absence d'une culture de gestion et à une politique de recrutement parfois contestable. Il apparaît ainsi nécessaire de rationaliser la politique de recrutement des directeurs de centres et instituts culturels. À cet égard, Mme Monique Cerisier-Ben Guiga et M. Christian Cointat, sénateurs représentant les Français à l'étranger, ont regretté au cours d'un entretien avec votre Rapporteur que les nominations à la tête des centres culturels soient encore trop souvent davantage guidées par des considérations personnelles plutôt que professionnelles. Ce constat a été confirmé par différents acteurs de la sphère culturelle internationale. Une procédure de recrutement plus efficace et objective doit donc être mise en œuvre. Elle devrait notamment s'appuyer, d'une part, sur l'élaboration, pour chaque établissement, d'une fiche de poste précise et largement diffusée et, d'autre part, sur la présentation à un jury, par chaque postulant, d'une note présentant son projet pour l'établissement. Enfin, des compétences minimales en matière de gestion et de maîtrise des langues étrangères devraient être requises. Votre Rapporteur a en effet constaté, lors de son déplacement au Maroc, que le niveau des compétences de gestion des responsables de centres et instituts culturels était très inégal. Il lui a par ailleurs été rapporté que certains directeurs d'établissements culturels ne parlaient pas la langue du pays. Si une telle situation peut être tolérée dans les pays dont la langue est qualifiée de « rare », elle n'est pas acceptable dans des pays anglo-saxons ou hispanisants. Peut-on imaginer que le directeur de l'institut de Madrid ne parle pas l'espagnol ? Proposition n° 57 : mettre en place une politique de recrutement des responsables de centres et instituts culturels fondée sur la diffusion de fiches de postes précises, une sélection objective des candidats à partir de la présentation de leur projet de développement de l'établissement, et un niveau minimum de compétences en matière de gestion et de langues. Par ailleurs, ainsi que l'ont indiqué les sénateurs représentant les Français à l'étranger à votre Rapporteur, le rythme de rotation des responsables de centres et instituts culturels est trop rapide. Alors que les responsables du Goethe Institut ou du British Council peuvent occuper un même poste pendant dix ans, les directeurs des établissements culturels français reçoivent un mandat de deux ans, qui peut être renouvelé pour une voire deux années. Or, c'est essentiellement sur la durée qu'il est possible d'établir des relations de confiance avec les autorités locales. Par conséquent, votre Rapporteur suggère de privilégier la mise en place de contrats, renouvelables, de quatre ans. Proposition n° 58 : accorder des mandats, renouvelables, d'une durée de quatre ans aux directeurs de centres et instituts culturels. Au-delà d'une politique de recrutement privilégiant des compétences en matière de gestion, c'est une véritable culture de gestion qui doit être développée au sein des centres et instituts culturels. Ainsi que l'a souligné M. Jean-Pierre Lafon, Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, devant la Mission, « le réseau des centres culturels, souvent subventionné, n'a pas forcément une culture de l'autofinancement et de la recette : le ministère commence seulement à calculer, non sans difficulté, à partir de quel pourcentage un centre culturel est autofinancé ou pas, et à déterminer où sont les centres de profit et de déficit... ». Dans un souci d'efficience, il apparaît nécessaire que les établissements à autonomie financière mettent en place de véritables outils de gestion et privilégient l'autofinancement. Ainsi, alors que le taux d'autofinancement moyen au niveau mondial des Alliances françaises est compris entre 60 et 75 %, celui des centres et instituts culturels s'élève à 51 % (hors coût expatriés) et 42 % en incluant le coût des agents expatriés. Afin d'améliorer l'efficacité de leur gestion, votre Rapporteur souhaite que des objectifs précis soient fixés à chaque centre et institut culturel en matière d'autofinancement. Le non-respect de l'objectif pourrait être sanctionné par une diminution de la subvention versée à l'établissement. Chaque objectif devrait être défini en tenant compte des particularités de l'environnement de l'établissement. Actuellement, la part d'autofinancement des établissements, incluant le coût des expatriés, est très variable selon les zones géographiques (17 % en Afrique, 48 % dans l'Union européenne et 56 % en Asie, selon les données figurant dans le rapport de Jacques Blot) et selon les pays au sein d'une même zone voire d'un même pays (82 % à Barcelone, 52 % à Munich et 29 % à Stuttgart). Proposition n° 59 : fixer à chaque établissement à autonomie financière un objectif précis en matière d'autofinancement, défini en fonction des particularités de son environnement ; sanctionner son absence de respect par une diminution de la subvention du ministère. Compte tenu de la forte corrélation existant entre l'autofinancement et la part des ressources provenant des cours de langues (ainsi, les chiffres sont respectivement de 82 % et 76 % à Barcelone, 21 % et 0 % à Luxembourg), les établissements à autonomie financière devraient être conduits à développer ces cours. Ils devraient également être incités à avoir davantage recours au mécénat. L'atteinte des objectifs fixés en matière d'autofinancement suppose que la formation en matière de gestion des responsables de centres et instituts culturels soit améliorée et que ces établissements soient dotés d'outils de gestion adaptés. Proposition n° 60 : améliorer la formation des directeurs de centres et d'instituts culturels en matière de gestion et doter ces établissements d'outils de gestion adaptés. 3.- Dynamiser la gestion des ressources humaines La gestion des ressources humaines au sein des administrations de l'État demeure caractérisée par une rigidité et un cloisonnement excessifs. Sa modernisation suppose que les profils de recrutement soient diversifiés et les postes à compétences multiples développés, mais également que la politique salariale soit harmonisée et intègre davantage les résultats obtenus par les agents. a) La diversification des profils de recrutement et des fonctions exercées par les diplomates La politique de recrutement et de placement des personnels doit être revue, afin d'accroître la mobilité des agents et la qualité des embauches. Malgré une volonté réelle du ministère des Affaires étrangères de dynamiser la gestion de ses ressources humaines, le dispositif demeure marqué par une certaine inertie, dont le principal reflet est la disproportion existant entre les 300 postes à responsabilité offerts aux 500 personnels d'encadrement supérieur. Une telle situation est inadmissible : quelle entreprise accepterait de voir 40 % de ses cadres de direction inoccupés ou sous-occupés ? Cet excédent démographique, qui résulte d'une politique qui n'a plus cours actuellement, ne devrait pouvoir être résorbé que d'ici à cinq ans, à la condition de mener une politique extrêmement volontariste. M. Antoine Pouillieute, Secrétaire général adjoint et Directeur général de l'administration, a estimé en effet devant la Mission qu'« avec une politique volontariste sur cinq ou six ans et compte tenu du décroît démographique - moins évident qu'il n'y paraît, nombre de collègues présentant des demandes de prolongations légales d'activité qui sont de droit -, un dégonflement de l'excédent est envisageable. Nous avons également engagé un effort important d'outplacement : des grandes entreprises recrutent un général, un commissaire de police ou un préfet, pourquoi pas un diplomate ? Encore faut-il démarcher, proposer, chercher les synergies. [...] Une chambre de commerce, une région, un groupe industriel ou un syndicat professionnel apprendraient bien des choses grâce à un diplomate. ». Votre Rapporteur encourage vivement les efforts du ministère et propose de mettre en place, au sein de la direction des ressources humaines, une cellule spécialisée dans le placement de diplomates auprès de structures autres que ministérielles. Proposition n° 61 : créer, au sein de la Direction des ressources humaines du ministère des Affaires étrangères, une cellule chargée du placement des personnels d'encadrement supérieur auprès de structures publiques et privées. Par ailleurs, compte tenu de la diversité croissante des missions qui leur sont confiées (certains ambassadeurs consacrent plus de 50 % de leur activité au domaine économique), votre Rapporteur suggère de diversifier le recrutement des ambassadeurs. Le vivier des ambassadeurs pourrait ainsi être enrichi par des personnes ayant un profil davantage économique ou commercial ainsi que par des spécialistes du développement, qui pourraient être recrutés au sein d'autres ministères que celui des Affaires étrangères mais également auprès de la société civile. Ces ambassadeurs aux profils variés, qui seraient tous rattachés à la structure de pilotage précédemment décrite, seraient affectés en fonction des priorités de la politique menée par la France dans un pays considéré. La diversification des sources de recrutement devrait ainsi permettre une meilleure adéquation entre les dominantes requises par les fonctions à exercer et les compétences des agents. Proposition n° 62 : diversifier le recrutement des ambassadeurs et organiser leur affectation en fonction des priorités de la politique de la France dans chaque pays. Par ailleurs, s'agissant plus particulièrement des conseillers culturels, leur mode de recrutement pourrait être plus exigeant. Il est trop souvent fait appel à des professionnels, comme des universitaires, qui ne sont pas toujours les plus qualifiés pour exercer ce type de fonctions, ce qui nécessite de leur part un temps d'adaptation et d'apprentissage, difficilement conciliable avec la rapidité de rotation dans les postes. Au contraire, ainsi que l'a exposé M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de l'Alliance française à votre Rapporteur, les conseillers culturels allemands sont des personnes qui, ayant reçu une solide formation à leur métier et aux langues étrangères pendant plus d'un an, mènent toute leur carrière au sein du Goethe Institut. Il serait par conséquent souhaitable de privilégier un mode de recrutement des conseillers culturels plus rigoureux, exigeant en particulier qu'ils aient été directeurs d'un centre ou d'un institut culturel ou responsable d'une Alliance française. Proposition n° 63 : exiger des conseillers culturels d'avoir eu une expérience de directeur d'établissement à autonomie financière ou d'Alliance française. b) Le développement des postes mixtes La diversification des profils de recrutement s'inscrit dans la logique des postes à compétences multiples. Dans un souci de rationalisation de leurs réseaux, le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie et celui des Affaires étrangères ont ainsi mis en place des postes à vocation consulaire et commerciale. Le premier poste mixte a été ouvert en 1985 à Miami. Six autres ont ensuite été créés, à Atlanta (1985), Houston et Osaka (1997), Vancouver et Dubaï (1998) et, enfin, Bombay (1999). Chaque poste a à sa tête un chef unique, soit un diplomate, soit un fonctionnaire de la DGTPE. Les services sont regroupés dans un même immeuble, mais, à l'exception du chef de poste, deux équipes distinctes sont maintenues, les métiers consulaires et économiques étant très différents. La mixité favorise néanmoins une meilleure coordination dans l'accomplissement de certaines tâches, pour des demandes de visas présentées par des entreprises françaises par exemple. L'expérience est positive en matière de visibilité. Des synergies résultent du rapprochement de ces activités complémentaires, qui profitent à la fois aux usagers et à notre pays. Des économies sont par ailleurs dégagées grâce à l'unicité du poste de chef, à la mutualisation des charges relatives à la sécurité, à l'entretien, au standard et à l'accueil et à l'achat groupé du mobilier et des équipements reprographiques et informatiques. Certains postes ont des services administratifs et financiers unifiés mais les services comptables et informatiques demeurent séparés en raison de la dualité des procédures et des logiciels. Si deux postes ont été fermés, à l'initiative de la DGTPE, à Vancouver et Osaka en 2005, un poste mixte vient d'être ouvert à Chengdu (Chine). Les responsables du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie s'accordent sur l'intérêt de cette formule. Son développement se heurte toutefois souvent à des contraintes de carrière, attestant de la nécessité de rapprocher les perspectives de carrière et de rémunération des agents de même niveau en poste à l'étranger. Des postes mixtes entre le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Culture et de la communication ont également été mis en place à Alexandrie, Cracovie, La Nouvelle-Orléans et Vancouver. Si les rapprochements sont limités - ils ne concernent que deux services, ils permettent néanmoins une meilleure circulation de l'information et l'établissement plus rapide de contacts de meilleur niveau avec la population locale. Proposition n° 64 : encourager le développement des postes mixtes. c) La modernisation et l'harmonisation de la politique salariale La diversification des profils de recrutement ne peut réussir sans harmonisation de la politique salariale. Les écarts de rémunérations entre les corps de même niveau mais issus de ministères différents constituent actuellement un frein important à la mobilité. Ainsi, les rémunérations proposées par le ministère des Affaires étrangères n'apparaissent pas particulièrement attractives pour les agents du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie, en particulier en administration centrale. Les écarts de primes seraient en effet d'au moins 10 à 15 %. La situation est légèrement différente dans les postes à l'étranger : si la rémunération totale d'un ambassadeur ministre plénipotentiaire de première classe à Pretoria s'élève à environ 15.500 euros et celle du chef de la mission économique est de l'ordre de 18.400 euros, ce qui représente un écart de près de 3.000 euros, l'ambassadeur est logé, tandis que la rémunération du chef de la mission économique tient compte du coût du logement, qui est à sa charge. Au-delà de ces différences de traitement, les agents du ministère de l'Économie et des finances semblent bénéficier d'une progression de carrière plus rapide et d'avantages matériels supérieurs, comme des retours en France plus fréquents. Proposition n° 65 : harmoniser les rémunérations et les avantages matériels des agents expatriés en poste à l'étranger, ainsi que les niveaux de primes des agents en administration centrale. Dans le souci d'une meilleure coordination entre les différents ministères et d'égalité de traitement, il apparaît également souhaitable d'harmoniser les rémunérations et les conditions d'emploi des recrutés locaux dans un même poste. Proposition n° 66 : harmoniser les conditions d'emploi et de rémunération des recrutés locaux au sein d'un même poste. Enfin, dans une logique de recherche d'efficacité et conformément à l'esprit de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, il conviendrait de développer la rémunération au mérite des agents en poste à l'étranger. Le Foreign and Commonwealth Office s'est engagé avec succès dans cette voie. Il a ainsi été décidé, d'une part, de diminuer l'indemnité de résidence à l'étranger tout en attribuant un bonus et des conditions privilégiées d'affectation future aux diplomates acceptant un poste dans un pays à risque et, d'autre part, d'accroître la part de rémunération au mérite. Selon M. John Holmes, Ambassadeur du Royaume-Uni en France, cette part représente actuellement jusqu'à 10 % de la rémunération totale. L'objectif d'ici à 2008 est que la part de rémunération attribuée en fonction des performances d'un agent corresponde à 10 % de la rémunération d'un diplomate débutant et à 20 % de celle d'un diplomate confirmé. Ainsi, la rémunération des ambassadeurs pourrait tenir compte de la pertinence du contenu du plan d'action de l'ambassade et de l'atteinte des objectifs qui y sont définis. Proposition n° 67 : développer la rémunération au mérite des agents en poste à l'étranger. 4.- Mutualiser les moyens humains et matériels La recherche de l'efficience dans l'action de la France à l'étranger passe par le regroupement d'un certain nombre de fonctions et de moyens. a) La fusion des structures administratives et financières La gestion des crédits dans les postes à l'étranger se caractérise par un fort cloisonnement et une grande complexité, ainsi que le montre le schéma suivant : BDF CIRCUITS FINANCIERS ENTRE SERVICES DE L'ÉTAT À L'ÉTRANGER : L'EXEMPLE DU MAROC Source : Ambassade de France au Maroc Signification des sigles BDF : Banque de France ACCT : Agence comptable centrale du Trésor PGT : Paierie générale du Trésor TGE : Trésorerie générale pour l'étranger SAF : Service administratif et financier AC : Agent comptable CP : Comptable principal OP : Ordonnateur principal CS : Comptable secondaire OS : Ordonnateur secondaire OSD : Ordonnateur secondaire délégué ME : Mission économique ANAEM : Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations AFD : Agence française de développement IRD : Institut de recherche pour le développement ACVG : Service des anciens combattants et victimes de guerre SCTIP : Service de coopération technique internationale de police MCMD : Mission de coopération militaire et de défense CAS : Conseiller pour l'action sociale CG : Consulat général de France CCPAS : Comité consulaire pour l'action sociale CCEFP : Comité consulaire pour l'emploi et la formation professionnelle Le cloisonnement de la gestion administrative et financière à l'étranger est source d'inefficacité. Certaines procédures, comme la saisie des dépenses, les comptes rendus de consommation ou les rapprochements comptables, sont inutilement lourdes et mobilisent du personnel qui pourrait être affecté à d'autres tâches. Selon l'audit de modernisation sur les services administratifs et financiers unifiés à l'étranger, lancé à la suite de la mise en place des stratégies ministérielles de réforme et dont les conclusions ont été rendues en avril dernier, 10 à 14 % des effectifs à l'étranger se consacreraient à des tâches administratives et financières. La recherche de l'efficience ainsi que l'esprit de la LOLF incitent également au regroupement des structures de gestion. Pour asseoir son autorité et remplir sa mission de coordination des moyens concourant à l'action extérieure de l'État, l'ambassadeur doit par ailleurs avoir connaissance des orientations et des budgets des entités et de tous les services placés sous son autorité. Un pas important vient d'être accompli avec la réaffirmation de la qualité d'ordonnateur secondaire de l'ambassadeur parallèlement à la disparition de la qualité d'ordonnateur secondaire délégué. Par ailleurs, une première étape dans la rationalisation des fonctions administratives et financières a été franchie avec la création des services administratifs et financiers uniques (SAFU), qui ont pour objectif de rationaliser les moyens humains et matériels de gestion et d'en harmoniser les règles de fonctionnement. Les structures de gestion des différents services du ministère des Affaires étrangères ont ainsi été regroupées à Bruxelles, Rome et Vienne, le système devant désormais être généralisé d'ici à 2008, selon les objectifs fixés dans le contrat de modernisation. Toutefois, les SAFU actuels ne concernent que les services du ministère des Affaires étrangères. Aussi, conviendrait-il désormais d'étendre le dispositif à tous les services de l'État représentés à l'étranger. Selon les conclusions de l'audit de modernisation, les gains en emplois attendus à moyen terme s'élèvent à 71 équivalents temps plein, dont 48 pour le ministère des Affaires étrangères, 13 pour le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie et 10 pour le ministère de la Défense. Alors que le ministère n'a fixé aucun objectif en la matière dans son contrat de modernisation, il serait possible de commencer à étendre le dispositif des SAFU à l'ensemble des services de l'État à l'étranger dès cette année, pour une application généralisée dès 2008. Ce calendrier suppose que les SAFU ministériels soient tous en place dès 2007. Se souvenant que le CIMEE a été mis en sommeil alors qu'il souhaitait aborder la question des SAFU, votre Rapporteur entend peser de tout son poids dans cette réforme, qu'il estime devoir être menée très rapidement. Proposition n° 68 : généraliser les SAFU ministériels d'ici à 2007 et étendre le dispositif à tous les services de l'État à l'étranger d'ici à 2008. L'extension des SAFU doit s'accompagner d'une harmonisation des systèmes comptables et informatiques. L'exemple des postes mixtes précédemment cité par votre Rapporteur est révélateur de certains dysfonctionnements de l'administration française : leurs services comptables et informatiques demeurent séparés à cause de la dualité des procédures et des logiciels. Aussi, apparaît-il indispensable d'harmoniser les systèmes comptables et informatiques et de mieux prendre en compte la dimension interministérielle dans le cadre de l'élaboration du nouveau système d'information Chorus. Proposition n° 69 : harmoniser les systèmes comptables et informatiques et intégrer pleinement la dimension interministérielle dans le système d'information Chorus. b) Le rapprochement des moyens matériels Dans un souci de bonne gestion, il apparaît également nécessaire de regrouper, dans la mesure du possible, les achats des services de l'État présents au sein d'un même pays. Cette mutualisation permettra de réaliser des économies, les effets volume permettant d'obtenir des prix plus intéressants. Proposition n° 70 : mutualiser les achats des différents services de l'État à l'étranger présents dans un même pays. Ce souci de mutualisation des achats doit également concerner les établissements à autonomie financière, soit au niveau d'un pays, lorsque plusieurs établissements sont présents, soit au niveau d'une zone géographique. Proposition n° 71 : regrouper les achats des établissements culturels à autonomie financière au niveau d'un pays ou d'une zone géographique. Enfin, la mutualisation des moyens humains et matériels doit s'accompagner d'un rapprochement du niveau des moyens mis à la disposition des différents services de l'État à l'étranger. Proposition n° 72 : harmoniser le niveau des moyens mis à la disposition des services de l'État à l'étranger. Au cours de sa séance du mercredi 5 juillet 2006, votre Commission a procédé à l'examen des conclusions du présent rapport. Votre Rapporteur a indiqué que le réseau français des services de l'État à l'étranger est le deuxième réseau au monde après celui des États-Unis, lui-même en pleine restructuration. La France est représentée dans 161 pays sur les 191 membres de l'ONU. Au total, on dénombre, au niveau administratif pur, 785 services à l'Étranger, sans compter les différents établissements publics, culturels ou de recherche. Le ministère des Affaires étrangères représente à peu près 50 % de ce réseau en terme de coût, le deuxième réseau étant celui du MINEFI, et le troisième celui du ministère de la Défense ; le réseau du ministère de l'Intérieur est en forte progression. Au global, l'évolution de la présence française à l'Étranger ne répond pas à une stratégie claire et maîtrisée. On constate d'abord une multiplicité des acteurs : services de l'État, réseaux institutionnels comme ceux de l'AFD, de l'AEFE, des alliances françaises ou encore des chambres de commerce ou d'industrie, associations, établissements publics ayant leurs propres structures de coopération à l'étranger comme le CNRS, et enfin, collectivités territoriales. Ceci aboutit à un foisonnement de structures, chaque ministère disposant de son propre réseau au risque de provoquer des doublons. Ces réseaux sont en outre trop importants, notamment au regard des résultats enregistrés. Le réseau du MINEFI, si on le compare à celui de l'Allemagne, par exemple, réussit faiblement au regard de nos performances commerciales. Enfin, la répartition géographique de ces réseaux est sous-optimale, car elle correspond davantage à un héritage qu'à une vision d'avenir comme l'a très justement souligné le rapport Le Bris. La France engage ainsi, pour les dépenses de personnel et de fonctionnement, 220 millions d'euros dans les 24 pays de l'Union européenne contre 136 millions d'euros dans onze pays émergents représentant 50 % de la population mondiale. S'agissant du réseau économique, 29 % des personnels sont présents en Europe contre 18 % dans les pays asiatiques émergents. L'action de la France à l'Étranger n'est en fait pas coordonnée. Au niveau central, on ne peut que regretter l'éparpillement budgétaire des crédits destinés à l'action extérieure de l'État entre 32 programmes. Seuls deux instruments de coordination existent et leur action est limitée : le CICID est limité aux actions de coopération et d'aide publique au développement et le CIMEE, créé par le gouvernement Juppé en 1997, a depuis lors été mis en sommeil, sa relance est régulièrement annoncée et sans cesse repoussée. Une réunion est néanmoins programmée pour le 12 juillet prochain. Par ailleurs, les procédures de concertation prévues préalablement à l'ouverture ou à la fermeture d'une implantation et celle relative à la nomination des chefs de service extérieurs ne sont pas toujours respectées. On constate également de graves carences dans l'exercice de la tutelle, en particulier dans le domaine culturel : la DGCID ne connaît, par exemple, pas la programmation des établissements culturels placés sous sa tutelle. Enfin, la gestion des ressources humaines est particulièrement déficiente, il n'existe que 300 postes à responsabilité pour 500 personnels d'encadrement supérieur, ce qui est très mauvais d'un point de vue organisationnel, budgétaire et de motivation des ressources humaines : quelle entreprise accepterait de voir 40 % de ses cadres inoccupés ou sous-occupés ? Sur le terrain on ne peut que constater les limites du décret du 1er juin 1979, texte censé donner à l'ambassadeur autorité sur l'ensemble des représentants français en poste dans un pays considéré. En réalité, les attachés spécialisés privilégient souvent les relations verticales avec leur administration d'origine et la conférence d'orientation budgétaire apparaît davantage comme une formalité que comme un lieu de programmation et de coordination de l'action de l'État. Tout dépend en fait de la qualité des relations humaines entre l'ambassadeur et les chefs de service. L'action française à l'étranger manque également de visibilité. À l'inverse de nos partenaires qui s'appuient sur un ou deux organismes comme le Goethe Institut ou le British Council, l'action culturelle de la France est assurée par 23 types d'intervenants différents. Il lui manque incontestablement une « marque » unique et identifiée. En outre, certaines entités fonctionnent de manière excessivement autonome. C'est le cas des centres et instituts culturels auxquels il est rarement demandé des comptes. C'est également le cas des agences de l'AFD : celle-ci constitue un excellent outil opérationnel qui monte actuellement en puissance. Il est néanmoins regrettable que les ambassadeurs ne soient pas toujours informés de ses activités. La MEC formule donc des propositions afin de rationaliser les services de l'État à l'étranger. Il est nécessaire d'adapter les structures au type de pays et au type d'influence souhaitée : il faut recentrer l'action de la France en Europe sur le domaine diplomatique, mettre l'accent sur l'influence politique et culturelle dans les pays caractérisés par des régimes politiques durs, renforcer la présence économique dans les pays émergents et favoriser le développement dans les pays très pauvres. Il faut par ailleurs développer, approfondir et encadrer les partenariats avec nos homologues de l'Union européenne. On retrouve aujourd'hui quelques exemples, ici ou là, d'expérimentations ou de colocations : celles-ci doivent être développées. S'agissant du réseau consulaire, il existe aujourd'hui 103 consulats et 120 sections consulaires dans les ambassades. Leur premier métier est d'assurer des services administratifs aux Français présents à l'étranger. Ce métier, aujourd'hui surdimensionné, doit être rationalisé en centralisant et en industrialisant, par exemple l'élaboration des passeports et des visas. Doivent également être supprimés les consulats d'influence. En contrepartie d'une diminution de la présence physique, il est nécessaire d'investir massivement dans les téléprocédures pour répondre aux attentes de nos concitoyens. Le second métier est la délivrance d'autorisations de séjour pour les personnes souhaitant se rendre en France : il doit être développé pour que le gouvernement puisse, quelle que soit son orientation politique, mener la politique d'immigration qu'il souhaite. Pour cela, il est nécessaire d'accélérer le redéploiement des moyens humains et financiers, vers les pays soumis à une forte pression migratoire. S'agissant du réseau culturel, le sentiment qui domine est celui d'un certain désordre. Le réseau organise des spectacles et fait venir des artistes français, anime les équipements existants, comme les bibliothèques, qui sont parfois la spécificité de notre action culturelle et doivent être préservés, et assure l'enseignement du Français. Il est nécessaire de rationaliser le réseau des centres culturels, de réduire le nombre d'appellation de ces établissements et de confier à l'opérateur « Cultures France » la tutelle de ces centres et instituts, ainsi que celle des Alliances françaises. S'agissant du réseau économique, on ne peut que constater aujourd'hui l'enchevêtrement entre le diplomatique et l'économique, l'ambassadeur jouant un rôle fondamental dans le domaine économique. Il serait donc logique de rattacher les missions économiques au ministère des Affaires étrangères, cela permettrait en outre d'offrir de nouvelles perspectives de carrière aux chefs de ces missions. Ce réseau a trois métiers : le premier est d'accompagner notre commerce extérieur et en particulier les PME ; celui-ci pourrait utilement être externalisé vers les chambres de commerce franco-étrangères. S'agissant du métier régalien des études et de l'intelligence économique, si une partie peut être externalisée vers les cabinets de consultants, l'essentiel doit rester au sein de l'administration. Le troisième métier est celui d'attirer les investissements étrangers et l'on dispose pour cela d'un excellent outil avec l'AFII. Il est donc nécessaire d'accentuer le mouvement de réduction des effectifs, en particulier dans les pays européens, et leur redéploiement vers les zones plus dynamiques économiquement. Enfin, s'agissant du réseau de la défense, il est indispensable de rattacher les missions de coopération militaire et de défense au ministère de la Défense et non plus au MAE. Afin de mieux coordonner l'action de la France à l'étranger, il serait utile, au niveau central, de créer au sein du budget une mission interministérielle regroupant l'ensemble des moyens consacrés par la France à son action extérieure. Il faudrait également mettre en place auprès du Premier ministre une structure de pilotage de l'action extérieure de l'État à laquelle seraient rattachés les ambassadeurs. Il est enfin nécessaire d'inclure les opérateurs publics intervenant à l'étranger dans le champ du CIMEE. Sur le terrain, il faut donner à l'ambassadeur les moyens d'exercer son autorité, en étendant les dispositions du décret du 1er juin 1979 aux antennes des établissements publics à l'étranger, en élaborant un plan d'action de l'ambassade et en faisant de la conférence d'orientation budgétaire une véritable enceinte de pilotage des moyens financiers de l'État. Il est également nécessaire de mieux partager les moyens humains et matériels, par exemple, en généralisant les SAFU. Il s'agit de faire évoluer le rôle de l'État vers une fonction de stratège et d'autorité de tutelle : c'est particulièrement vrai de la DGCID, qui, avec des effectifs pléthoriques, n'assure ni sa fonction de définition de la politique culturelle et de coopération, ni son rôle de tutelle. Il faut donc transformer la DGCID en une structure plus légère à vocation stratégique, l'AFD se chargeant de la mise en œuvre opérationnelle du volet développement, et « Cultures France » de celle du volet culturel. Cela suppose de conclure avec chaque opérateur un contrat de performance comportant des objectifs précis et quantifiables. Enfin, une dynamisation de la gestion des ressources humaines sera indispensable. M. Michel Bouvard, Président, a souligné la qualité du travail accompli par les Rapporteurs et s'est réjoui de ce que l'on y retrouve certaines préconisations de la MILOLF. En particulier, il est indispensable que l'AFD soit considéré comme un opérateur et que les contrats d'objectifs et de moyens se généralisent. Trois observations peuvent être faites : - s'agissant de la dispersion des moyens, et dans la perspective d'une vision globale des finances publiques, on peut s'interroger sur la multiplication à l'étranger d'antennes de collectivités locales sur lesquelles l'ambassadeur ne dispose d'aucune visibilité ; - le rôle de l'ambassadeur peut effectivement être mis parallèle avec la problématique des préfets. Le préfet a un rôle de coordination horizontale, alors que les différents budgets suivent une logique verticale. Il faudrait un BOP unique par ambassadeur, mais cette solution se heurte aux compétences des différents ministères ; - il est heureux de constater que l'enseignement du français à l'étranger n'est pas très coûteux. Mais il y a un réel déficit de la demande, alors que les principaux autres pays partenaires de la France développent leurs propres langues. M. Pierre Albertini a estimé que les lycées français à l'étranger et les alliances françaises font plus pour notre rayonnement culturel que tous les autres organismes réunis. Il faut nuancer le parallélisme entre la pénétration économique et le rayonnement culturel, comme on peut le voir en Asie. La proposition de la mission de rattacher les missions économiques au ministère des Affaires étrangères est juste. Il faut cependant que ce ministère diversifie sa culture et ses recrutements, afin de remplir dans de bonnes conditions ces tâches économiques. Votre Rapporteur a rappelé l'existence de la direction de la coopération décentralisée au ministère des Affaires étrangères. Un travail en commun est mené, notamment en région Rhône-Alpes, où un organisme travaille en liaison constante avec la mission économique. Les initiatives transfrontalières de coopération locale sont utiles, et il faut simplement surveiller les éventuels dérapages. Il faut effectivement mettre plus de moyens dans les lycées et alliances françaises et poursuivre leurs activités. Une priorité devra être plus particulièrement marquée en faveur des jeunes français et des élites locales. En raison de blocages administratifs, la France est moins bien organisée que d'autres pays comme les États-Unis, notamment pour l'enseignement supérieur : l'accueil des étudiants étrangers n'est pas assez coordonné et aucun établissement universitaire français n'enseigne à l'étranger. À une question de M. Michel Bouvard, Président, sur l'existence d'une coordination avec les autres pays francophones, votre Rapporteur a répondu qu'il n'y a pas de politique francophone de l'enseignement du français. Seules les alliances françaises et les centres culturels sont en voie de coordination. Enfin, la diversité des recrutements du ministère des Affaires étrangères doit effectivement être favorisée. Votre Commission a ensuite adopté les propositions de la MEC et a autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du présent rapport. LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 2 février 2006 Pages a) 9 h 30 : M. le Préfet Raymond-François le bris, ancien Président de la mission de réflexion et de proposition sur l'organisation et le fonctionnement des services de l'État à l'étranger 89 b) 11 heures : M. Daniel Lequertier, inspecteur général des Affaires étrangères 97 2 mars 2006 : a) 9 h 30 : MM. Jean-Pierre Lafon, secrétaire général du ministère des affaires étrangères et Antoine Pouillieute, directeur général de l'administration, ministère des affaires étrangères. 105 b) 11 heures : M. Jean-François Desmazières, directeur des affaires financières, ministère des affaires étrangères 121 c) 12 heures : M. Bruno Sturlèse, chef du service des affaires européennes et internationales, ministère de la Justice 129 16 mars 2006 : a) 9 h 30 : Mme Maryse Bossière, directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger 133 b) 10 h 30 : M. Philippe Étienne, directeur général de la coopération internationale et du développement, ministère des affaires étrangères. 143 c) 12 heures : M. Jean-Christian Cady, préfet, chef du service de coopération technique internationale de police, ministère de l'intérieur. 155 23 mars 2006 : a) 9 h 30 : MM. Pierre Moraillon, directeur des relations économiques internationales, et Christophe Lecourtier, chef de service, direction générale du Trésor et de la politique économique, ministère de l'économie, des finances et de l'industrie... 161 b) 10 h 30 : M. Louis-Michel Morris, directeur général d'UBIFRANCE (Agence française pour le développement des entreprises) 171 c) 11 h 30 : M. Dominique Bureau, directeur des affaires économiques et internationales, ministère des Transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, accompagné de M. Philippe Gratadour, chargé de la sous-direction des actions internationales 181 11 mai 2006 : a) 9 h 30 : Audition de M. Jean-Michel Severino, Directeur général de l'Agence française de développement (AFD). 189 b) 10 h 30 : Audition de M. Jean-Paul Panié, Directeur du développement international de la délégation générale pour l'armement, ministère de la Défense 199 c) 11 h 30 : M. le Général Christian-Jacques Falzone, Sous-chef d'état-major au ministère de la Défense. 205 Auditions du 2 février 2006 a) 9 h 30 : M. le Préfet Raymond-François le bris, ancien Président de la mission de réflexion et de proposition sur l'organisation et le fonctionnement des services de l'État à l'étranger. Présidence de M. Yves Deniaud M. Yves Deniaud, Président : La première série d'auditions de l'année sera consacrée à l'organisation et au fonctionnement des services de l'État, vaste sujet, qui va au-delà de la représentation diplomatique. Le rapporteur sera M. Éric Woerth, suppléé à l'occasion par M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Je souhaite la bienvenue à M. le préfet Raymond-François Le Bris, ancien président de la mission de réflexion et de proposition sur l'organisation et le fonctionnement des services de l'État à l'étranger. M. Éric Woerth, Rapporteur : Nous avons pensé qu'il serait utile de commencer par vous auditionner, votre connaissance du sujet étant de nature à éclairer la Mission. Quel est votre sentiment sur l'état de la présence française à l'étranger ? Notre réseau est-il efficace ? Son déploiement est-il optimal au regard de la stratégie relative à la présence française à l'étranger, d'une part, et par comparaison avec la stratégie menée par d'autres pays, d'autre part ? Avez-vous remarqué des incohérences ou des doublons ? M. Raymond-François Le Bris : La mission que m'avait confiée le Premier ministre a duré de mars 2004 à janvier 2005, dix mois pendant lesquels nous avons observé l'ensemble du dispositif français dans le monde - diplomatique, consulaire, culturel, scientifique, économique, commercial, touristique - avec pour objectif de formuler des propositions. La durée de la mission était courte au regard des objectifs formulés dans la lettre de mission du Premier ministre qui étaient les suivants : indiquer par ordre de grandeur ce que doit être la représentation de la France dans le monde par grandes régions, la comparer à celle d'autres pays et préciser quelles orientations l'organisation du réseau doit suivre pour gagner en cohérence. La France est l'héritière d'une tradition diplomatique parmi les plus grandes de l'Europe, qui inspire largement l'étendue et le maillage de son réseau. Celui-ci est par ailleurs très développé en Afrique et en Asie du Sud-Est, où se situait l'essentiel de notre empire colonial. Enfin, un peu plus de 2 millions de Français sont expatriés, dont 1,2 million de personnes inscrites dans les consulats, représentées par douze sénateurs élus par un collège de 150 membres - chez nos voisins, seuls les Italiens et les Portugais disposent d'un système analogue. Ces trois raisons expliquent que notre réseau soit l'un des plus denses du monde. Son maillage est-il optimal ? Je réponds par la négative. Dans les vingt-quatre autres pays de l'Union européenne, les crédits de paiement des personnels et ceux de fonctionnement de nos représentations atteignent 240 millions d'euros par an pour 4 000 agents expatriés et recrutés locaux ; dans les onze pays émergents définis par le Président de la République comme devant faire l'objet d'une attention particulière - parmi lesquels la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud et l'Argentine -, ces chiffres sont de 136 millions d'euros pour 2 000 agents, soit presque moitié moins. Un tel déséquilibre trouve évidemment des explications mais il ne faut pas s'interdire de s'interroger sur la pertinence de la répartition actuelle. Par ailleurs, il convient de s'interroger sur la capacité de nos représentations à remplir les objectifs qui leur sont fixés. Les missions économiques et financières, par exemple, atteignent-elles leurs objectifs ? Notre commerce extérieur est très largement déficitaire depuis deux ans - de 8 milliards d'euros en 2004, de près de 25 milliards d'euros en 2005. La France possède 169 missions économiques dans le monde, dans lesquelles travaillent 2 350 agents. Notre solde commercial est excédentaire avec deux pays émergents, le Mexique et l'Afrique du Sud, mais largement déficitaire avec neuf autres, alors que nous y disposons de représentations commerciales. Notre action commerciale est probablement insuffisante dans ces pays. De même, nos déficits commerciaux avec l'Allemagne et la Russie, en 2005, ont été respectivement de 10 milliards et de 3 milliards d'euros. Pourtant, la France rétribue en Allemagne 82 agents publics chargés du développement commercial. M. Éric Woerth, Rapporteur : On peut dire que sans eux, ce serait encore pire... M. Raymond-François Le Bris : On peut également dire qu'en dépit de leur présence, les résultats ne sont pas très satisfaisants. Un autre exemple intéressant est celui de notre action culturelle dans les pays de l'Union européenne. Notre réseau d'action culturelle dans le monde est fondé sur 148 instituts culturels, 238 établissements de l'Alliance française et 174 services de coopération et d'action culturelle, SCAC. Les SCAC sont les services d'animation de l'action culturelle placés auprès des ambassadeurs. Les instituts culturels sont ces lieux de rencontre qui proposent un service de documentation et abritent diverses manifestations relatives à la culture française. Dans les instituts culturels situés en Union européenne, le taux de couverture des dépenses par rapport aux ressources provenant des usagers est inférieur à 35 % alors qu'il est beaucoup plus élevé, par exemple, aux États-Unis. Au lieu de continuer à financer aussi lourdement des instituts culturels en Europe, je suggère de privilégier l'action bilatérale ou multilatérale, les services culturels et scientifiques de l'ambassade ayant pour tâche d'animer ce dispositif. J'ajoute que les Français de l'étranger, en particulier les Français présents dans les pays de l'Union européenne, souhaitent toujours avoir près de chez eux un consulat, qui fait office de préfecture et de mairie. La remise en cause du maillage consulaire, à laquelle le Quai d'Orsay a commencé de procéder dans les pays de l'Union européenne, doit se poursuivre partout, le même service pouvant être rendu par des moyens moins coûteux. Enfin, aucune réflexion anticipatrice n'est menée en vue d'adapter notre réseau à la politique étrangère de la France. Notre action extérieure, qui est assurée par une multitude d'acteurs, n'est pas focalisée autour d'objectifs précis, contrairement à celle d'autres pays. M. Éric Woerth, Rapporteur : Qu'entendez-vous par « action bilatérale ou multilatérale » en matière culturelle ? Pouvez-vous nous éclairer sur les réseaux de représentation d'autres pays ? M. Raymond-François Le Bris : L'action bilatérale est menée en partenariat avec les services locaux. Quant à l'action multilatérale, il s'agit, par exemple, de ce qui concourt à la promotion de la francophonie. S'agissant de la comparaison avec l'étranger, notre mission avait pour tâche d'observer les dispositifs mis en œuvre par sept pays : la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, les États-Unis, le Canada et le Maroc. Les éléments d'information ont été durs à obtenir, sauf évidemment pour ce qui concerne le nombre de représentations diplomatiques et consulaires. La Grande-Bretagne compte 11 millions d'expatriés, l'Italie 30 millions, l'Allemagne 3,3 millions et l'Espagne 1,5 million. Mis à part le cas particulier de l'Italie qui a davantage de consulats que la France, les expatriés constituent pour ces pays un élément de présence et de puissance mais non d'identification par rapport à la métropole, contrairement à ce qui se passe pour la France, qui entretient des liens juridiques et institutionnels spécifiques avec ses ressortissants présents à l'étranger. Notre action culturelle est formidablement éclatée en une multitude d'établissements, animés par les services de coopération et d'action culturelle. Il arrive d'ailleurs que le chef du SCAC soit également le directeur de l'institut culturel. Parmi les autres acteurs, il faut citer l'Alliance française, qui dispose de 238 localisations dans le monde, et reçoit une subvention relativement modeste de 36 millions d'euros, soit à peine trois fois plus que celle perçue par l'Agence française pour l'action artistique, l'AFAA, association qui intervient également à l'étranger. Notre action culturelle est donc multiple et assurée par de nombreuses institutions, tandis que les Britanniques mènent leur action grâce à un seul organisme, le British Council, et les Allemands interviennent par le biais du Goethe Institut. Par ailleurs, tous les pays dépensent de l'argent public pour leur développement commercial dans le monde. Mais 70 % des 400 millions d'euros investis par les Britanniques vont au soutien d'actions commerciales et 30 % aux dépenses de personnel, alors que, pour ce qui concerne les 200 millions dépensés par la France, les trois quarts sont consacrés aux dépenses de personnel et un quart seulement aux actions commerciales. M. Éric Woerth, Rapporteur : Et les autres réseaux ? M. Raymond-François Le Bris : L'extension du réseau du ministère de l'intérieur est justifiée par les tensions internationales et l'essor des coopérations policières mais sa dispersion est assez contestable. L'expérience de regroupement menée autour d'un spécialiste dans les Balkans est positive. S'agissant du réseau du ministère de la défense, lorsque, après plusieurs années de présence conjointe d'un attaché de défense et d'un attaché d'armement dans un pays, les exportations françaises ne sont pas au rendez-vous ou le niveau de collaboration est insuffisant, il convient de réduire notre dispositif. De manière générale, aucune action ne doit échapper à une évaluation systématique. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pouvez-vous faire un point sur notre réseau économique ainsi que sur notre réseau culturel ? Les choix de renforcement, de fermeture ou d'ouverture de postes à l'étranger répondent-ils à une logique ? Quel est le processus de décision ? M. Raymond-François Le Bris : Notre représentation résulte plus souvent de l'importance que la France accorde au partenariat avec un pays déterminé plus que de la poursuite d'objectifs de développement en matière culturelle ou économique. J'ai été très frappé par le très grand professionnalisme que requiert l'action diplomatique et je ne crois pas, en particulier, que nous soyons surreprésentés dans les dix nouveaux pays de l'Union européenne, ni en matière diplomatique ni en matière culturelle. En matière diplomatique, il est en effet essentiel de consulter les gouvernements des dix nouveaux États membres de l'Union européenne, de mieux faire comprendre les positions de la France et de créer des coalitions gagnantes avec certains d'entre eux, afin de faire avancer les dossiers auxquels la France est particulièrement attachée. Corrélativement, il m'est apparu nécessaire que notre représentation permanente à Bruxelles travaille mieux avec nos ambassades bilatérales, en particulier celles présentes dans ces dix pays, notamment pour préparer les changements de présidence semestriels. J'ai dressé un constat très proche en ce qui concerne la représentation permanente à New York. Notre action diplomatique mérite donc d'être renforcée, en particulier dans les dix nouveaux pays de l'Union européenne, ce qui suppose de nouveaux moyens. Ceci vaut également pour l'action culturelle dans des pays très spécifiques. Nous ne pouvons concevoir de la même manière le réseau culturel français dans les grands États développés, dans les pays en voie de développement et dans ceux où la liberté d'expression est restreinte. Dans ces derniers, la présence d'une ou plusieurs antennes culturelles constitue un point d'appui pour diffuser nos idées de démocratie, de tolérance et de citoyenneté. Dans les pays pauvres, la présence culturelle s'impose aussi à l'évidence, mais elle doit être adaptée à la nature des missions : à cet égard, j'ai suivi avec beaucoup d'attention les travaux lancés par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) afin de réaménager la relation entre, d'une part, les postes culturels et scientifiques situés dans les pays de la zone de solidarité prioritaire et, d'autre part, l'Agence française de développement, l'AFD. Cet établissement public se charge ainsi désormais de toutes les questions techniques tandis que les postes culturels et scientifiques sont chargés de l'aide à une bonne gouvernance et du développement de la francophonie. S'agissant des pays riches, notre effort culturel doit viser à animer un réseau, à fabriquer des accords bilatéraux ou multilatéraux entre nos grands organismes et ceux du pays concerné. L'inorganisation de l'accueil en France des étudiants étrangers, par exemple, est coûteuse en termes financiers et d'image. En effet, cette action n'est pas déléguée à un même ensemble mais fondée sur des démarches administratives réparties entre les services culturels et trois catégories d'établissements publics Egide, EDUFRANCE et les CROUS, ce qui complique l'identification des responsabilités. Je suggère que se constituent des groupes d'universités et d'établissements d'enseignement supérieur qui assureraient leur propre promotion et s'engageraient ensemble pour un accueil convenable des étudiants en France. Ce serait une manière différente de concevoir l'action éducative, plus directe et moins centralisée. M. Éric Woerth, Rapporteur : L'action culturelle est extrêmement foisonnante et il existe des doublons, notamment s'agissant de l'enseignement de la langue française. Il est évident qu'une réforme doit être envisagée dans ce domaine. En matière économique, nombre d'organismes interviennent également. Quels sont-ils et comment sont-ils mis en cohérence ? M. Yves Deniaud, Président : Comment évaluez-vous le réseau d'enseignement du français à l'étranger ? Son rattachement au ministère des affaires étrangères est-il pertinent ? Les locaux sont souvent vétustes et le nombre de places limité. Comment se situe notre effort par rapport à celui d'autres pays, comme l'Allemagne ? C'est d'autant plus important que l'apprentissage du français semble reculer dans bien des parties du monde non francophones et qu'il existe souvent une corrélation entre la diffusion de notre langue et notre influence dans le domaine économique. M. Raymond-François Le Bris : Le principal réseau de l'enseignement du français et de la préparation des diplômes français à l'étranger relève de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, l'AEFE, dont la dotation, rattachée au programme « Français à l'étranger et étrangers en France » du ministère des affaires étrangères, s'élève à 350 ou 360 millions d'euros. Elle scolarise quelque 280 000 personnes et distribue les bourses de scolarité versées aux Français de l'étranger. L'AEFE fait partout l'objet d'une très grande considération et, très souvent, le nombre de candidats dans les établissements français à l'étranger est bien supérieur aux capacités d'accueil des établissements. Mais ses crédits sont-ils suffisants ? Ne faudrait-il pas lui reverser ceux qui sont aujourd'hui affectés à d'autres organismes, quitte à lui conférer de nouvelles obligations ? Au-delà de l'action de l'AEFE, l'enseignement du français à l'étranger est le fait des instituts culturels et des SCAC, mais surtout des Alliances françaises. J'ai constaté dans plusieurs pays, en particulier en Chine, que de nombreux jeunes voulaient apprendre notre langue mais se heurtaient à un coût d'accès trop élevé. Je préconise par conséquent que l'Alliance française, qui présente l'avantage d'être fondée sur un partenariat entre des responsables locaux et français, reçoive davantage de moyens pour réduire ses tarifs dans les pays où la population est pauvre. La Mission laïque, qui intervient principalement dans les pays du Maghreb, assure également la préparation aux diplômes français. En conclusion, l'AEFE devrait pouvoir étendre son réseau et l'Alliance française développer son action à un tarif moindre dans les pays les plus pauvres. En matière économique et commerciale, les principaux représentants de la France dans le monde sont les missions économiques et financières, ces deux compétences étant regroupées dans la plupart des pays, à l'exception des États-Unis et de quelques autres. Le réseau de l'ex-direction des relations économiques extérieures, l'ex-DREE, emploie 2 350 agents dans le monde. S'y ajoute UBIFRANCE, établissement public à caractère industriel et commercial spécialisé dans le développement international des entreprises. Placé sous la tutelle du ministère de l'économie et des finances, UBIFRANCE s'appuie sur le réseau des agents de ce ministère à l'étranger. Cet établissement, qui constitue une interface entre les entreprises françaises et les missions économiques, a pour objectif de favoriser l'essor des exportations françaises. Quant aux chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger, les CCIFE, qui adoptent le statut local des 80 pays où elles sont présentes, leur fonctionnement est assuré grâce à la facturation de leurs prestations, à des dotations de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris et à la collaboration de volontaires internationaux. Par ailleurs, le MEDEF a mis sur pied une structure baptisée MEDEF-International, qui organise des missions à l'étranger et l'appuie pour partie sur les missions économiques et financières à l'étranger. Enfin, plusieurs régions disposent de délégations dans certains pays. Par exemple, la région Rhône-Alpes dispose d'une implantation à Shanghai. Sans empiéter sur la souveraineté des régions, une meilleure coordination pourrait être envisagée. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pourquoi les fonctions économiques et financières sont-elles disjointes aux États-Unis ? M. Raymond-François Le Bris : Je l'ignore. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comment s'articulent les relations entre UBIFRANCE et les missions économiques ? L'existence d'UBIFRANCE, dont les bureaux sont souvent situés dans les locaux des missions économiques et financières, a-t-elle un sens ? Les effectifs des anciens postes d'expansion économique ont-ils diminué ? M. Raymond-François Le Bris : Les effectifs de la DREE, en cinq ou six ans, ont chuté de façon significative, probablement de 300 ou 400 personnes. Nous sommes à la croisée des chemins puisque UBIFRANCE prend son rythme de croisière depuis deux ans. Le grand changement, réside dans l'établissement d'un lien quasi institutionnel entre UBIFRANCE et l'ensemble du réseau des missions économiques et financières. Celles-ci récupèrent d'ailleurs 10 % des montants facturés par UBIFRANCE pour les opérations commerciales qu'elles organisent. Mais ces sommes ne dépassent pas 5 % du coût total du fonctionnement de notre réseau à l'étranger. L'approche de la France en matière commerciale doit être différente selon qu'il s'agit de pays appartenant au marché intérieur ou de pays tiers. J'ai personnellement préconisé que, dans les quatorze anciens États membres de l'Union européenne, les agents des missions économiques et financières qui mènent une action commerciale soient placés sous l'autorité directe d'UBIFRANCE et que les effectifs soient ensuite fixés en fonction des résultats obtenus. M. Éric Woerth, Rapporteur : L'action d'UBIFRANCE ne chevauche-t-elle pas celle des missions économiques et financières ? M. Raymond-François Le Bris : Je propose justement de supprimer ce chevauchement. UBIFRANCE, dont les effectifs sont limités, s'appuie principalement sur les missions économiques et financières ainsi que sur les chambres de commerce et d'industrie française à l'étranger. Pour avancer, il convient de distinguer les pays avec lesquels nous avons une vieille tradition commerciale de ceux dans lesquels nous devons investir pour y soutenir les exportations. M. Éric Woerth, Rapporteur : La formation des personnels des missions économiques et financières est-elle à la hauteur des enjeux ? M. Raymond-François Le Bris : La plupart de ces agents sont issus de l'École nationale d'administration. Il faut distinguer leur mission régalienne de leur mission commerciale. La première, l'analyse de la situation économique, financière et sociale du pays ainsi que de son positionnement par rapport aux institutions multilatérales, nécessite une connaissance parfaite de l'architecture de l'État, des procédures interétatiques et des dispositifs financiers mondiaux ; elle requiert donc une culture administrative. La seconde, le développement des échanges, nécessite plutôt une culture commerciale. M. Éric Woerth, Rapporteur : Le rôle de l'ambassadeur a-t-il évolué ? Des stratégies de pays ont été élaborées et un effort a été réalisé en matière de transparence budgétaire. Toutefois, l'ambassadeur occupe-t-il la place qui lui revient ? La cohérence de l'action sur le terrain vous semble-t-elle assurée ? M. Raymond-François Le Bris : L'organisation politique française doit accomplir des efforts pour définir des objectifs stratégiques et pour mettre en adéquation la nature des missions et les moyens des réseaux. C'est de cela dont l'ambassadeur est à la fois l'héritier et le comptable. Les décisions de politique extérieure incombent au Président de la République. La stratégie internationale de la France transparaît en janvier, lorsque le Président de la République présente ses vœux au corps diplomatique, en août, lorsqu'il reçoit tous les ambassadeurs de France dans le monde, complémentairement à l'occasion d'une intervention sur un thème régional. Nous sommes cependant les seuls à rester dépourvus d'un conseil de l'action extérieure ou d'un livre blanc qui décrirait notre stratégie en matière diplomatique mais aussi culturelle, environnementale, scientifique ou universitaire. Il existe ainsi un livre blanc en Grande-Bretagne, en Allemagne fédérale, au Canada et en Australie, tandis qu'un conseil de l'action extérieure intervient aux États-Unis. En 1994, le ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, avait eu l'excellente idée de créer le comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger, le CIMEE, chargé de mettre les moyens en adéquation avec les objectifs. Mais l'initiative a tourné court puisque le CIMEE a cessé de se réunir en 1997, alors que l'action de la France à l'étranger se développait, notamment à travers les grands établissements publics de recherche comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Cette situation favorise la persistance de plusieurs structures intervenant à l'étranger - les conseils d'administration de chacune d'entre elles définissent une politique propre -. Je préconise donc la création d'un conseil de l'action extérieure de la France, qui fixe les orientations de la politique étrangère de la France, la remise à l'ambassadeur d'une lettre de mission précisant les objectifs à atteindre et, enfin, la revitalisation du CIMEE et l'extension de son champ de compétences à l'ensemble des établissements publics qui participent à l'action de la France dans le monde. Il faudrait par ailleurs diversifier l'origine des chefs de poste à l'étranger. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comment votre proposition de création d'un conseil de l'action extérieure de la France a-t-elle été reçue ? Et pourquoi le CIMEE a-t-il échoué ? M. Raymond-François Le Bris : Mon rapport n'ayant été remis qu'il y a six mois, j'ignore si ma proposition sera retenue. En tout cas, le Premier ministre, en août dernier, a indiqué aux ambassadeurs qu'il entendait revitaliser le CIMEE et élargir son champ d'intervention. Mais, si j'en crois les anciens ministres des affaires étrangères, certains grands départements ministériels, en particulier le ministère de l'économie et des finances, n'étaient pas favorables à rendre des comptes au Quai d'Orsay - pardonnez-moi de schématiser quelque peu. M. Yves Deniaud, Président : Nous nous en doutions un peu... M. Éric Woerth, Rapporteur : Un CIMEE est-il en préparation ? M. Raymond-François Le Bris : Le conseiller diplomatique du Premier ministre m'a confié qu'un comité interministériel serait convoqué dans quelque temps afin de tirer les conclusions de mon rapport. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quel regard portez-vous sur l'application de la loi d'orientation sur les lois de finances, la LOLF, dans les ambassades ? M. Raymond-François Le Bris : Je ne puis répondre précisément, car la LOLF n'est entrée pleinement en vigueur qu'un an ou un an et demi après mes visites dans les ambassades. Les chefs de poste avaient compris qu'ils devraient cadrer leur action sur des objectifs mais ils demandaient de recevoir des prérogatives analogues à celles des préfets en matière de coordination. Les jeunes diplomates sont formés à la culture de l'évaluation - en janvier 1996, alors directeur de l'École nationale d'administration, j'ai introduit un premier enseignement sur l'évaluation des politiques publiques, que j'ai rendu obligatoire dès 1997, à la faveur d'une modification du règlement intérieur. Je me souviens de ma surprise lorsque je me suis aperçu que le coût de l'École française de Rome ne figurait pas dans le budget de notre action en Italie. Les jeunes fonctionnaires ne se satisfont pas de ces insuffisances et les chefs de poste sont eux-mêmes désireux de s'investir dans la recherche de critères pour évaluer l'efficacité de l'action diplomatique. M. Éric Woerth, Rapporteur : Au cours de votre mission, auriez-vous aimé creuser d'autres points ? Reste-t-il des zones d'ombre importantes ? M. Raymond-François Le Bris : La plus importante est probablement la comparaison avec les autres pays ; nous avons manqué de chiffres et de temps pour apprécier les organisations étrangères. Par ailleurs, je me suis interdit d'examiner l'organisation interne du Quai d'Orsay mais une réforme de l'action extérieure de la France ne saurait être affichée et inscrite dans des missions et des programmes sans que l'administration elle-même en prenne la mesure, s'agissant notamment de la répartition géographique de notre dispositif dans le monde. M. Yves Deniaud, Président : Je vous remercie beaucoup pour la clarté de vos réponses et la pertinence de vos propositions. b) 11 heures : M. Daniel Lequertier, inspecteur général des Affaires étrangères. Présidence de M. Yves Deniaud M. Yves Deniaud, Président : Je suis heureux d'accueillir M. Daniel Lequertier, inspecteur général des affaires étrangères. Le dernier rapport de l'inspection générale des affaires étrangères, qui porte sur l'exercice 2004, est un précieux élément d'information. M. Daniel Lequertier : Celui relatif à 2005 sera disponible dans quinze jours. M. Éric Woerth, Rapporteur : La Mission souhaite se faire une idée du rapport coût/efficacité concernant les services de l'État à l'étranger. Que pensez-vous de l'implantation et de la coexistence des réseaux du ministère des affaires étrangères et des autres ministères ? Les décisions d'ouverture, de fermeture et de redéploiement de poste répondent-elles à des considérations stratégico-économiques ? Avez-vous décelé des incohérences dans le dispositif de l'État à l'étranger ? Des travaux communs sont-ils menés entre l'inspection des affaires étrangères et les inspections des autres ministères présents à l'étranger ? M. Daniel Lequertier : Le réseau du ministère des affaires étrangères se compose d'abord de 156 ambassades bilatérales, 17 représentations permanentes auprès d'organisations internationales et quelques ambassadeurs en résidence à Paris, chargés de missions thématiques, ensuite d'un réseau consulaire comprenant 98 consulats et consulats généraux appuyés par 525 consuls honoraires, enfin, d'un réseau culturel regroupant 148 centres et instituts culturels, 238 alliances françaises et 251 établissements d'enseignement, lesquels accueillent quelque 160.000 élèves, régis par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Ce réseau est en mouvement. Au tout début des années quatre-vingt, un effort très important avait été accompli pour contracter le réseau consulaire, notamment en Europe et au Maghreb. La dislocation de l'Union soviétique, à la fin des années quatre-vingt, suivie par l'éclatement de la Yougoslavie et la partition de la Tchécoslovaquie, nous ont conduits à créer dix-sept ambassades. Le solde net, pour la période 1981-1996, correspond à une réduction d'une vingtaine d'ambassades et consulats. Depuis lors, la transformation de notre réseau s'est poursuivie, mais de façon moins spectaculaire. Nous avons procédé à quelques ouvertures, avec par exemple la création de trois bureaux à Pristina, Banja-Luka et Podgorica, ainsi que d'une ambassade à Gaborone, au Botswana. Nous avons également rouvert deux centres culturels en Algérie, à Tlemcen et Constantine, et ouvert des centres culturels à Pékin et à Abuja - celui de Lagos sera fermé. Nous avons, par ailleurs, fermé les consulats de Leipzig, de Mayence, de Calcutta, de Bâle, de Belem, ainsi que quelques centres culturels. Enfin, nous avons transformé des consulats autonomes en sections consulaires, en particulier dans des capitales comme Tokyo, Rome, Athènes ou Lisbonne. M. Éric Woerth, Rapporteur : J'imagine que ces évolutions intéressantes résultent d'arbitrages de politique étrangère. Répondent-elles aussi à des considérations économiques ? Au terme de quelles procédures ces choix sont-ils effectués ? M. Daniel Lequertier : Des décisions politiques s'imposent à nous, mais nous avons aussi le souci d'utiliser au mieux l'argent public et, plus encore, de faire en sorte que les entités chargées de mettre en œuvre la politique de la France évoluent avec leurs missions. La transformation de consulats autonomes en sections consulaires n'est certes pas révolutionnaire, mais elle permet de procéder à des économies. Les consulats mixtes et les consulats d'influence permettent d'avoir un maillage aussi fin que possible, en particulier dans les grands pays à structure fédérale ou quasi fédérale. Dans nombre de ces pays, la représentation consulaire était « classique » et la mission générale de représentation ou d'influence était passée au deuxième plan, voire escamotée. La volonté de disposer d'une influence dans certaines métropoles nous a conduits à développer, avec nos collègues de l'ex-direction des relations économiques extérieures, la formule des consulats mixtes : nous en avons ouverts notamment aux États-Unis, au Japon, en Inde et à Dubaï. Mais l'idée a été mise en œuvre de façon relativement décevante et mériterait à mon sens d'être relancée. Une autre forme de présence est celle des consulats d'influence ou, plutôt, des délégations d'ambassade. À titre d'exemple, nous avions, à Porto, un consulat de plein exercice « classique », qui se caractérisait par une certaine vétusté, dans ses installations comme dans ses modalités de travail, et un institut culturel qui menaçait ruine. J'ai suggéré de les regrouper en un seul et même lieu, ce qui a permis de réduire les effectifs d'une quinzaine de personnes. Un consul général a été placé à la tête de la délégation, avec les mêmes missions qu'un ambassadeur : observation et contacts politiques, action économique et culturelle et, enfin, activité consulaire. Le consul général agit en liaison très étroite avec l'ambassadeur. Cette formule mériterait d'être développée. M. Éric Woerth, Rapporteur : L'expression « consulat mixte » est en elle-même étonnante. Et le fait que cette initiative soit considérée comme innovante montre à quel point il est nécessaire de mieux coordonner l'action sur le terrain. M. Daniel Lequertier : Cette évolution forte mais pragmatique a été conduite en dépit de résistances non négligeables. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quelles sont les conditions pour qu'une innovation de ce type soit couronnée de succès ? M. Daniel Lequertier : S'agissant de Porto, il est un peu tôt pour évaluer le dispositif car la décision a été prise il y a un peu plus d'un an seulement. Le succès de cette formule suppose un besoin avéré de présence et d'influence, qui se fait plus particulièrement sentir dans les grandes métropoles régionales, surtout celles des pays à structure fédérale ou quasi-fédérale comme l'Italie, l'Allemagne ou l'Espagne. La réussite de la formule est également subordonnée à une implication très forte de l'ensemble des décideurs, au sein de l'ambassade comme de l'administration centrale. Il faut que l'ambassadeur lui-même soit convaincu de la pertinence de la présence d'un « conseiller d'ambassade délocalisé ». Il faut également que l'ensemble des directions du ministère des affaires étrangères se sente impliqué. Or, des réticences demeurent, ce qui peut se comprendre. La direction générale de la coopération internationale et du développement a ainsi tendance à estimer qu'un consul ne peut être directeur d'institut ou qu'un consul général ne peut s'occuper efficacement de promotion culturelle, puisque ce sont deux métiers différents. Pour sa part, la direction générale de l'administration peut être tentée de suggérer des formules plus radicales, c'est-à-dire des fermetures pures et simples. Enfin, la direction géographique concernée, très prise par ailleurs, peut ne pas apporter toute l'attention requise. La réussite de cette formule suppose l'existence d'une tutelle forte, se traduisant par l'établissement d'une lettre de mission et l'obligation d'élaborer un plan d'action assorti d'objectifs chiffrés. L'expérience, relativement nouvelle, n'est pas encore suffisamment acceptée par les acteurs du ministère : elle mérite d'être poursuivie. S'agissant des autres réseaux, celui du ministère de l'économie et des finances s'est assez sérieusement transformé, mais la mue demeure inachevée. Le réseau du ministère de la défense a moins évolué, en termes d'implantations géographiques comme en termes d'effectifs. La compression des effectifs a uniquement affecté le personnel classique, à l'exception de celui relevant de la direction générale de la sécurité extérieure. Sur le moyen terme, l'évolution majeure concerne le réseau du ministère de l'intérieur, représenté actuellement dans quatre-vingt-dix pays environ, contre quinze ou vingt au début des années quatre-vingt-dix. Ce réseau s'est considérablement développé, en bonne intelligence avec le ministère des affaires étrangères. Ainsi, depuis 1993 ou 1994, se tient chaque année une réunion coprésidée par le secrétaire général du ministère des affaires étrangères et par le directeur général de la police nationale, dont l'objet est de décider de l'évolution du réseau du ministère de l'intérieur, qui inclut également la direction générale de la gendarmerie. Cette réunion est préparée tout au long de l'année. Le ministère de la défense avait procédé, en 2001, à un exercice analogue, mais je ne suis pas certain qu'il ait été reconduit. M. Éric Woerth, Rapporteur : Est-ce également le cas avec Bercy ? M. Daniel Lequertier : Nous n'avons pas de réunion de ce type, mais nous sommes en contact tout au long de l'année. Je précise que la procédure de nomination des chefs de service extérieur prévoit la consultation préalable, pour avis, du ministère des affaires étrangères et de l'ambassadeur. Je trouve d'ailleurs que cette procédure pourrait être formalisée. M. Yves Deniaud, Président : Si je comprends bien, ce sont de bonnes manières mais aucun texte ne les organise. M. Daniel Lequertier : Le comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger, le CIMEE, qui avait été créé sur la suggestion d'Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères, ne s'est malheureusement réuni qu'entre 1994 et 1996. Toutefois, il a fait œuvre utile, pendant cette brève période. Il a permis de développer une culture de travail en commun et, surtout, il a été à l'origine de la création de deux documents qui constituent des instruments d'aide à la décision majeurs pour les responsables politiques. Ainsi, le tableau annuel des réseaux de l'État à l'étranger fait apparaître, pays par pays, implantation par implantation, ministère par ministère et catégorie de personnel par catégorie de personnel, la présence de l'ensemble des départements ministériels à l'étranger. Un second tableau fournit les mêmes renseignements s'agissant des crédits de fonctionnement et d'intervention. Toutefois, ces documents sont incomplets car les établissements publics comme l'AEFE, l'IRD ou le CIRAD, qui possèdent parfois un réseau important, n'y figurent pas. Quoi qu'il en soit, ces deux tableaux sont fondamentaux parce qu'ils offrent des photographies très fines et soulèvent des questions importantes. Ainsi, pouvait-on constater en 1994-95 que les moyens consacrés au Togo et aux pays d'Europe centrale et orientale étaient très proches, de même que ceux consacrés au Cameroun et à l'Asie du Sud-Est ! M. Éric Woerth, Rapporteur : Ces tableaux continuent-ils à être actualisés ? M. Daniel Lequertier : Faute d'impulsion du CIMEE, l'exercice a été pérennisé mais avec une ardeur moindre : le secrétaire général du Gouvernement doit relancer les administrations et le degré de précision tend à faiblir. D'ailleurs, si je ne me trompe, les derniers tableaux disponibles reproduisent la situation de 2002. M. Éric Woerth, Rapporteur : Ils ne peuvent donc servir d'outils de gestion. M. Daniel Lequertier : Ils pourraient constituer des outils de gestion décisifs. M. Yves Deniaud, Président : Sous réserve qu'ils soient complétés avec les informations concernant les établissements publics, qui représentent une part importante des dépenses de l'État à l'étranger. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comment expliquez-vous que le CIMEE ait eu si peu de succès ? M. Daniel Lequertier : Premier commentaire personnel : la Commission de réforme du ministère, mise en place par Alain Juppé et présidée par Jean Picq, avait suggéré la création d'un comité interministériel pour l'action extérieure de l'État. Cette proposition avait alors été perçue par la présidence de la République comme une menace d'intrusion dans un domaine où la responsabilité du Président de la République est éminente. C'est pourquoi le comité interministériel est devenu le comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger, faisant ainsi référence à une compétence qui relève du Gouvernement. Si le CIMEE ne s'est pas réuni depuis 1997, M. de Villepin a annoncé, en septembre, devant les ambassadeurs, que ce comité se réunirait de nouveau rapidement. Par ailleurs, le CIMEE avait été perçu à l'origine comme une « machine de guerre » dirigée par le Quai d'Orsay contre les autres départements ministériels, à des fins hégémoniques. M. Éric Woerth, Rapporteur : Des incohérences perdurent-elles, que ce soit sur le terrain ou en administration centrale ? Avez-vous noté l'existence de doublons ? Des audits conjoints marquants ont-ils été menés avec d'autres services d'inspection ? M. Daniel Lequertier : La répartition géographique des forces du ministère des affaires étrangères n'est pas optimale. L'exigence d'universalité, c'est-à-dire de présence dans le monde entier, a été confirmée par les chefs de l'État successifs. Il n'en reste pas moins que nous constatons un certain déséquilibre, dû largement au poids du passé. La surreprésentation est sensible dans les quatorze anciens pays membres de l'Union européenne, en Afrique occidentale et au Maghreb pour des raisons historiques et politiques, mais aussi en Amérique centrale. Les pays émergents et des zones émergentes comme l'Asie du Sud et du Sud-Est ne bénéficient au contraire peut-être pas de toute l'attention nécessaire. Ces faiblesses doivent cependant être nuancées par une approche par métier. Les services en charge des questions politiques et de presse, qui constituent le cœur de métier des ambassades, représentent un tout petit peu plus de 10 % des effectifs expatriés alors que les services chargés de la culture, de la science et de l'aide au développement en représentent 30 %. Dans la plupart des pays de l'Union européenne, l'ambassadeur est assisté par un service politique réduit parfois à un seul agent, mais le plus souvent composé de deux, plus rarement de trois, et, exceptionnellement, de quatre agents, tandis que les effectifs du réseau culturel et scientifique atteignent cinq à dix fois ceux de la section politique. La principale anomalie de notre implantation, dans les quatorze anciens pays membres de l'Union européenne, réside dans le décalage entre la densité du réseau des centres et instituts culturels et les besoins à satisfaire. Il ne s'agit pas de tout fermer du jour au lendemain mais de nous recentrer sur des missions comme la promotion du français, la bataille des idées, l'accueil des étudiants étrangers en France. L'inspection générale s'est vu commander une étude à ce sujet et ses recommandations ont été adoptées. Le processus est donc engagé, avec des conséquences en termes économiques, immobiliers et d'effectifs. L'objectif est de « faire faire » plutôt que de « faire ». Il n'y a plus guère de place pour les centres et instituts culturels classiques. Il convient de développer par priorité le partenariat avec les institutions locales. M. Éric Woerth, Rapporteur : Les manifestations culturelles attirent une toute petite partie de l'élite locale et les expatriés. Elles sont décalées par rapport à la faiblesse de nos moyens et au déficit en actions politiques plus transversales. M. Daniel Lequertier : Les centres culturels restent totalement pertinents dans deux situations : dans les dictatures, où ils jouent le rôle de poumon d'acier ; dans les pays en très profond sous-développement, où ils apportent une aide appréciable. En revanche, dans les pays développés, il convient désormais de travailler très différemment, en partenariat avec des partenaires locaux. Notre expérience du fonctionnement en réseau dans les postes est plutôt favorable. Les tensions entre administrations centrales ne se retrouvent fort heureusement pas sur le terrain et nous ne constatons que très peu de dysfonctionnements entre les différentes composantes d'une ambassade. L'évolution progressive du rôle des missions économiques soulève toutefois des interrogations parmi les ambassadeurs. Dans la nouvelle architecture budgétaire, la direction générale du Trésor et de la politique économique, la DGTPE, n'est pas incluse dans une mission interministérielle consacrée à l'action extérieure de l'État mais dans un programme d'appui aux entreprises. Le curseur a tendance à glisser fâcheusement des responsabilités régaliennes - l'analyse économique et financière, les contacts avec la banque centrale, la rédaction de télégrammes - vers le seul appui aux entreprises. Par ailleurs, la réforme du réseau du ministère de l'économie et des finances engagée en 2002 n'est pas parfaitement claire, et elle est certainement inachevée. L'organisation matricielle des missions économiques, qui croisent les responsabilités géographiques et sectorielles, est compliquée et empêche de couvrir le terrain de manière optimale. L'empilement des missions régionales et nationales conduit à un sentiment de confusion. Quelle est la valeur ajoutée de l'activité d'un chef de mission économique régionale par rapport à l'action d'un chef de mission économique nationale ? Je prendrai l'exemple du Portugal : il existe une mission économique ibérique mais ses marges de manœuvre et sa plus-value sont réduites, dans la mesure où les autorités portugaises refusent toute forme d'allégeance à l'Espagne. Ainsi, les autorités portugaises refusent, depuis toujours, d'accréditer les ambassadeurs résidant à Madrid et les attachés spécialisés, douaniers ou fiscaux, en résidence à Madrid, ne peuvent figurer sur la liste diplomatique de l'ambassade à Lisbonne qu'à condition que leur résidence madrilène soit rayée. Il n'en reste pas moins que les ambassadeurs et les chefs de mission économique travaillent généralement en bonne intelligence. D'autre part, il est nécessaire de faire évoluer les missions des attachés de défense vers des tâches un peu moins classiques et formelles, surtout dans les pays amis et alliés, pour qu'ils puissent se consacrer davantage aux sujets plus porteurs, comme la politique européenne de sécurité et de défense. Lorsqu'il n'existe pas d'attaché d'armement, les attachés de défense devraient porter un peu plus d'intérêt aux marchés d'armement, ce qui requiert une meilleure formation et une plus grande information. Le réseau du ministère de l'intérieur est composite, ce qui n'a rien de péjoratif. Ses missions, centrées sur l'opérationnel, ne laissent pas suffisamment de place aux nouvelles priorités que sont les affaires JAI, c'est-à-dire la justice et les affaires intérieures. Un ministre des affaires sociales récent a envisagé la disparition pure et simple du réseau des attachés sociaux. Je n'ai pas d'idée sur la question, mais j'observe que nombre de collègues ambassadeurs ont le sentiment de ne bénéficier que d'un très faible appui de la part des attachés sociaux. Je m'interroge franchement sur l'intérêt du mini-réseau des attachés transport. La montée en puissance des magistrats de liaison et conseillers juridiques me paraît en revanche correspondre à un besoin avéré. Au chapitre de l'interministériel, nous avons récemment engagé des missions d'inspection communes à l'étranger : aux États-Unis, en 2004, avec l'inspection générale des finances et le contrôle général des armées, en Allemagne, en 2003, et en Espagne avec l'inspection générale des finances. L'addition des expertises est source d'efficacité. En outre, d'un point de vue pédagogique, il nous est utile de voir comment procèdent nos collègues, en particulier les inspecteurs des finances. Des exercices d'audit conjoint sont également conduits en administration centrale sur des fonctions ou des services. L'OFPRA a ainsi fait l'objet d'un audit conjoint de l'inspection générale des finances, de l'inspection générale de l'administration, de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des affaires étrangères. Par ailleurs, à travers le comité interministériel d'audit des programmes, le CIAP, nous auditons conjointement des programmes du MAE ou d'autres ministères. Enfin, il convient de citer les audits de modernisation de l'État, effectués en interministériel. M. Éric Woerth, Rapporteur : Il serait intéressant que nous ayons copie de rapports élaborés en commun avec d'autres administrations. M. Daniel Lequertier : Volontiers. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quelles sont vos premières appréciations concernant la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF ? M. Daniel Lequertier : Il est un peu tôt pour se prononcer car la LOLF n'est entrée en vigueur que le 1er janvier 2005. L'exercice est assez lourd et compliqué pour l'administration centrale. M. Éric Woerth, Rapporteur : Mais en ambassade ? M. Daniel Lequertier : La LOLF a introduit, dans les ambassades, un élément de verticalité qui peut nuire à la coordination interministérielle. Les moyens financiers doivent en effet être répartis entre les trois programmes, infongibles, sans compter qu'une ambassade comporte des représentants d'autres programmes. La mise en commun des crédits de fonctionnement est rendue impossible par la LOLF. Dans les petits postes, en Amérique centrale ou au Sri Lanka, par exemple, répartir les agents et les moyens de fonctionnement entre les trois programmes est une gageure. Cela dit, l'ambassadeur est contraint à mieux assumer ses responsabilités de coordinateur et d'ordonnateur secondaire unique pour le MAE. La grande vertu de la LOLF est d'obliger à remettre à plat le dispositif et à produire une justification au premier euro ou au premier équivalent temps plein. En octobre ou novembre, nous avons demandé à chaque ambassadeur d'évaluer l'évolution de leurs besoins en ETP et cela a nécessité beaucoup de pédagogie. Il est très difficile, par exemple, de faire comprendre à un ambassadeur que le remplacement d'un expatrié par un recruté local revient en réalité à créer un emploi, qui pèse sur le plafond d'autorisation des emplois du programme. M. Éric Woerth, Rapporteur : Les conférences budgétaires ont-elles amélioré l'interministérialité ? M. Daniel Lequertier : Les conférences d'orientation budgétaire offrent l'occasion, chaque année, de mettre cartes sur table, ce qui améliore la transparence et favorise la diffusion des bonnes idées et des bonnes pratiques. Mais elles ne peuvent avoir, dans l'état actuel du droit, que des résultats relativement limités. D'abord parce qu'elles ne portent pas sur les crédits d'intervention, mais uniquement sur les crédits de fonctionnement, qui sont « fléchés » à hauteur de 90 % et même au-delà. Ensuite à cause de la verticalisation que j'ai déjà évoquée. Pour résoudre ces difficultés et trouver de vraies synergies, une idée assez révolutionnaire consisterait à transférer pour ordre sur le budget des affaires étrangères l'ensemble des masses financières correspondant aux emplois ainsi que les crédits de fonctionnement nécessaires. M. Yves Deniaud, Président : Je vous remercie pour la qualité et la sincérité de vos réponses, qui nous permettront indiscutablement d'avancer. Auditions du 2 mars 2006 a) 9 h 30 : MM. Jean-Pierre Lafon, secrétaire général du ministère des affaires étrangères, et Antoine Pouillieute, directeur général de l'administration, ministère des affaires étrangères. Présidence de M. Yves Deniaud M. Yves Deniaud, Président : Messieurs, nous sommes heureux de vous accueillir pour cette séance consacrée aux services de l'État à l'étranger. J'ai plaisir à retrouver M. Lafon que j'ai connu dans deux ambassades différentes ; quant à M. Pouillieute, il est désormais un abonné de la mission d'évaluation et de contrôle, puisque nous l'avions entendu l'an dernier sur l'immobilier de l'État. M. Éric Woerth, Rapporteur : Ma connaissance du ministère des affaires étrangères est très imparfaite, bien que j'aie été durant deux exercices rapporteur de son budget. Le sentiment général est que votre ministère poursuit de gros efforts de réorganisation, qu'il dispose de marges de manœuvre importantes, mais qu'il ne pilote pas la totalité de son dispositif, si bien qu'on le rend souvent responsable sur des sujets dont il ne détient pas nécessairement les clés ni les leviers. Au moment où de grands réseaux à l'étranger sont en pleine restructuration - États-Unis, Canada, Grande-Bretagne entre autres -, quels sont les principaux enjeux de la poursuite de la réorganisation du dispositif français, qu'il s'agisse du réseau du Quai d'Orsay proprement dit et de ceux des autres ministères ? Dans quelles directions doivent porter en priorité vos efforts de rationalisation ou de redéploiement ? Avez-vous constaté des doublons, voire des décalages entre les priorités politiques et la réalité de la présence française dans certains pays ? De nombreux rapports ont déjà été rédigés sur les affaires étrangères ; plutôt que d'en commettre un de plus, au risque d'encombrer les tiroirs, nous souhaiterions concentrer nos conclusions sur les points essentiels en termes de valeur ajoutée. Autrement dit, nous passerons rapidement la phase du diagnostic pour en venir au plus vite à la phase de propositions. M. Jean-Pierre Lafon : Les cinq programmes dévolus par la LOLF au ministère des affaires étrangères ne recouvrent qu'une faible partie de l'action extérieure de l'État ; aussi avons-nous essayé de compenser cet état de fait en mettant au point, avec tous les ministères qui ont bien voulu coopérer, un document de politique transversale qui vous a été adressé dans les documents officiels. Vous avez utilisé le terme de réseau ; nous venons précisément - j'ai signé moi-même le télégramme hier soir - de lancer un comité des réseaux au sein du ministère afin de mener une réflexion stratégique sur ce sujet. Vous avez à juste titre souligné que, outre le réseau du Quai d'Orsay, il fallait compter avec ceux de tous les autres ministères ; or notre premier problème est celui de la connaissance de ces réseaux. Il avait été prévu de mener chaque année une enquête à ce sujet par le biais du Comité interministériel sur les moyens de l'État à l'étranger, mais aucune enquête n'a été lancée depuis trois ans. Le Premier ministre a décidé de réunir à nouveau le CIMEE ; une réunion s'est tenue récemment au secrétariat général du Gouvernement pour arrêter un échéancier préparant la prochaine réunion du CIMEE. Le premier objectif du comité sera de relancer cette enquête sur les réseaux de l'État à l'étranger. Au demeurant, il serait bon de ne pas se limiter aux services de l'État proprement dits et de s'intéresser aux implantations d'autres opérateurs, à commencer par l'Agence française de développement. Cette première étape nous permettra d'abord de vérifier si nous n'avons pas de doublons. On constatera très probablement ensuite que les réseaux spécialisés se sont multipliés au cours des cinq ou dix dernières années - magistrats de liaison, attachés de sécurité intérieure, attachés des affaires sociales, etc. - et peut-être même que certains opérateurs ont développé leur implantation à l'étranger, au moment précisément où l'on demande au réseau diplomatique de se réduire. À partir de cette connaissance, on tentera alors de dégager des synergies. Le Premier ministre lui-même a évoqué devant la conférence des ambassadeurs la création de services administratifs et financiers uniques. Pourquoi aurions-nous besoin de réseaux logistiques parallèles, chacun gardant son administration et ses fonctions de soutien propres ? Pour le ministère des affaires étrangères, il convenait en premier lieu de décider la mise en place d'un service administratif et financier unique. Un rapport de l'inspection des finances allait dans le même sens, à sa conclusion près, un peu étrange : le service administratif et financier unique, c'est très bien, mais pour le ministère des finances, on verra plus tard... M. Éric Woerth, Rapporteur : Il voulait dire la semaine d'après... M. Jean-Pierre Lafon : Sans doute... La question suivante était de savoir si l'ambassadeur pourrait regrouper les fonctions d'ordonnateur. Quoi qu'il en soit, avant de parler de transferts, cette deuxième phase doit avoir pour but de déterminer les synergies possibles, particulièrement pour ce qui touche aux fonctions logistiques, administratives et financières. L'idée d'un service financier unique avec des équipes interministérielles à l'étranger a même été évoquée. M. Éric Woerth, Rapporteur : A-t-on d'ores et déjà engagé des expérimentations dans ce sens ? M. Jean-Pierre Lafon : Nous avons commencé par installer des services administratifs et financiers uniques dans trois postes où nous avons plusieurs ambassades : à Bruxelles, où nous avons la représentation auprès de l'Alliance atlantique, la représentation permanente et l'ambassade bilatérale ; à Rome, où nous avons une représentation auprès du Saint-Siège, une autre au Quirinal et une autre auprès de la FAO ; à Vienne enfin, où nous avons une représentation auprès de l'Autriche, une autre auprès de l'OFCE et une autre auprès des Nations-unies. Mettons déjà de l'ordre dans notre maison... M. Yves Deniaud, Président : Mais il n'y a encore aucun cas d'expérimentation interministérielle. M. Jean-Pierre Lafon : À ma connaissance, non. Mais nous allons pousser les feux. L'idée a été avancée dans le cadre des travaux préparatoires à la prochaine tenue du CIMEE et la réflexion avait été lancée avec l'inspection des finances, qui est y est assez favorable - à cette réserve près sur le cas du ministère des finances... M. Éric Woerth, Rapporteur : Un calendrier est-il d'ores et déjà prévu ? M. Jean-Pierre Lafon : Le CIMEE devrait se réunir en juin. M. Éric Woerth, Rapporteur : Ce devrait être une de ses conclusions. M. Jean-Pierre Lafon : Tout à fait. Et d'ici à la fin mars sera lancée une enquête sur la connaissance des réseaux de l'État, à la fois dans les postes et au sein des administrations centrales. Mais cette décision relève du secrétariat général du Gouvernement. Troisièmement, des redéploiements sont envisagés ; mais ceux des autres peuvent avoir une influence sur notre propre activité. Rien n'est arrêté pour l'instant, mais je sais que la direction générale du Trésor et de la Politique économique envisage de réduire très fortement son implantation en Afrique. Si la DGTPE réduisait son réseau en Afrique, à l'exception de deux ou trois postes, comme l'Afrique du Sud et le Nigeria, cela pourrait avoir des conséquences sur les missions économiques et financières des ambassadeurs ; autrement dit, une réduction peut se traduire par des charges accrues pour le ministère des affaires étrangères. Nous avons bien vu ce qu'a fait Mme Condoleezza Rice dans son département d'État, mais nous nous trouvons, pour ce qui nous concerne, face à une problématique difficile. Le ministère des affaires étrangères doit faire face à des enjeux multiples, imposés par les plus hautes autorités de l'État. Pour commencer, l'Afrique - au Nord comme au Sud du Sahara - demeure une priorité, pour ce qui touche tant à l'aide au développement qu'au contrôle de l'immigration. S'agissant de l'Europe, à Bruxelles, l'efficacité de notre action repose sur un dialogue permanent entre la représentation permanente, le secrétariat général aux affaires européennes et les ambassades bilatérales, dont le rôle est primordial dans une Europe à 25, 27 et plus, où nous ne pourrons fonctionner que par des stratégies d'alliance avec les pays baltes, la Slovaquie, la Slovénie, etc., pour dégager des majorités qualifiées, et ce d'autant plus que le traité constitutionnel n'a pas été ratifié. Dans un dossier comme celui de la tarification des visas, que nous voudrions faire passer de 35 euros à 60 euros, il nous faut réussir à convaincre les nouveaux États membres qui se méfient des réactions de leurs voisins ukrainiens, biélorusses et autres ; ce serait une fausse bonne idée que de s'imaginer supprimer notre représentation diplomatique dans les pays de l'Union au motif que nous nous retrouvons en permanence à Bruxelles. Nous avons également tout intérêt à avoir une connaissance des forces réelles en Europe : l'épisode de la directive Bolkestein l'an dernier a montré qu'un projet pouvait recueillir un large accord dans les chancelleries tout en suscitant les plus vives résistances au niveau des sociétés civiles et des forces syndicales. Une bonne stratégie au niveau européen suppose d'y maintenir un ancrage, un système de connaissance, d'alerte et de veille sur le terrain. Plutôt que d'y réduire substantiellement les ambassades, il faut au contraire les organiser en pôles regroupant nos priorités. M. Éric Woerth, Rapporteur : En pôles par pays ? M. Jean-Pierre Lafon : Non, en pôles par matière, par sujet (JAI, économique et financier...), en fonction de nos priorités à Bruxelles. M. Éric Woerth, Rapporteur : Je comprends que l'influence politique nécessite des représentations ici ou là pour constituer des majorités, mais force nous est de constater dans les pays européens un foisonnement d'implantations, instituts culturels et autres, qui alourdit singulièrement la barque là où deux diplomates aguerris suffiraient pour mener à bien une discussion bilatérale... M. Gilles Carrez : Sans compter un réseau de consulats non négligeable... M. Jean-Pierre Lafon : Je ne parlais pour l'instant que des réseaux diplomatiques et de certaines spécialités - attachés financiers et autres. Sur les consulats, vous avez tout à fait raison, même si l'Assemblée des Français à l'étranger est très hostile à la réduction des consulats dans l'Union européenne. Le plus grand nombre de Français à l'étranger se retrouvent en Europe, Suisse comprise, mais un Français en Suisse ou en Belgique a-t-il réellement besoin d'un soutien consulaire ? Même la Suisse est désormais entrée dans le cadre des accords de Schengen. Du reste, nous avons déjà considérablement réduit notre réseau consulaire dans l'Union européenne et nous continuons à le regrouper. En effet, les services consulaires aux Français peuvent être simplifiés en Union européenne. À l'inverse, les missions économiques y restent assez nombreuses ; nous reviendrons sur le cas des instituts et centres culturels. Quant à l'Asie, c'est clairement une priorité pour la DGTPE - l'Inde et la Chine évidemment, mais également tout le marché de l'ASEAN. Un pays comme le Viêtnam a une croissance de 7 % par an, alors que nous n'en voyons pour l'instant guère de retombées. Nous avons tout intérêt à y renforcer notre présence économique en termes de réseau global. Enfin, nous n'avons pas suffisamment fait vis-à-vis de l'Amérique latine alors que nous pourrions nous prévaloir d'une proximité intellectuelle et même d'une sympathie considérables, qui seraient un réel atout pour le rayonnement de la France. Or, nous accueillons trop peu d'étudiants sud-américains. Au total, nos priorités sont multiples, et si nous pouvons être amenés à moduler telle ou telle implantation en fonction de nos priorités, nous ne pouvons pas faire comme les Américains qui réduisent considérablement leur présence en Europe. Il va falloir faire des choix. Nous avons déjà beaucoup réduit nos consulats dans les pays sûrs et notamment en Union européenne... M. Éric Woerth, Rapporteur : Avez-vous des chiffres sur cette réduction du réseau consulaire ? M. Jean-Pierre Lafon : Oui, mais il faut voir les réalités au-delà des chiffres et des apparences. Pour commencer, réduire un poste crée immédiatement un problème politique. On ne manque pas de nous mettre en avant la décentralisation croissante et les pouvoirs accrus des régions européennes : c'est ce qui nous a conduits, en Belgique, à maintenir un consul à Anvers et un autre à Liège, mais en regroupant toutes les fonctions consulaires à Bruxelles. Autrement dit, les consulats de Liège et d'Anvers se limitent désormais à un consul et une secrétaire. Nous faisons de même en Espagne et en Allemagne. Au total, les regroupements et les synergies qui s'en dégagent au niveau des catégories B et C sont bien supérieurs à ce que pourrait laisser penser la seule diminution des postes consulaires. M. Éric Woerth, Rapporteur : Je ne raisonne pas uniquement en termes de postes. Je vois bien qu'à Séville, Porto ou ailleurs, la notion de consulat a évolué : on voit désormais des « consulats d'influence » qui s'apparentent davantage à des sous-ambassades ou à des filiales de l'ambassade. Mais pouvons-nous avoir une vision économique chiffrée de ce réseau consulaire et une comparaison, avant et après, de son poids financier et du nombre d'agents ? M. Antoine Pouillieute : Je tiens à votre disposition la liste exacte des ouvertures et fermetures depuis dix ans. Le nombre de nos consulats généraux est légèrement supérieur à celui de nos voisins européens par le fait que, contrairement à ce que font les Anglais ou les Allemands, par exemple, la section consulaire de nos ambassades est érigée en consulat général afin de ne pas mobiliser l'ambassadeur sur des tâches qui ne relèvent pas spécifiquement de ses attributions. Si nous « dégradions » en sections consulaires les services consulaires installés dans nos ambassades en Europe, nous serions parfaitement dans la moyenne. M. Éric Woerth, Rapporteur : Nous aimerions connaître l'évolution du poids financier réel du réseau consulaire ainsi que certains ratios comparatifs : par rapport au nombre de Français, aux autres pays ou encore au nombre de visas délivrés, autant d'éléments qui nous permettraient de mieux appréhender sa répartition géographique ainsi que, sur le plan global, son déploiement ou son rétrécissement. Si la France se doit de rester présente dans le monde entier, conformément à une politique constante, la vraie question désormais est de hiérarchiser ce déploiement et de combiner les impératifs de la présence et les nouvelles contraintes économiques. Or la réponse n'est pas si claire, à regarder l'évolution du réseau français... M. Jean-Pierre Lafon : La réponse n'est pas claire lorsque l'on fait des comparaisons avec les Anglais, entre autres, qui suppriment une à une leurs ambassades dans les pays francophones d'Afrique - la dernière en date est celle de Madagascar, à tel point que le président malgache a fait intervenir les autorités françaises pour dissuader les Anglais de la fermer... En vain : ils l'ont supprimée. M. Éric Woerth, Rapporteur : Et remplacée par quoi ? Une ambassade régionale ? Je suppose qu'eux non plus ne veulent pas perdre leur influence. M. Jean-Pierre Lafon : Ils l'ont probablement rattachée à Pretoria. Jusqu'ici, la doctrine française était de maintenir des ambassades dans la plupart des pays, y compris en Afrique anglophone. M. Gilles Carrez : Ces évolutions, qui découlent directement des grands enjeux mondiaux, sont-elles traitées chez nous avec la même réactivité qu'aux États-Unis ou au Royaume-Uni ? Partageons-nous la même doctrine ou continuons-nous à privilégier une certaine pérennité de notre présence ? En termes de procédure également, allons-nous vers une plus grande flexibilité dans nos décisions de redéploiement ? M. Jean-Pierre Lafon : Les Anglais sont certainement les plus systématiques dans ce domaine. Nous pouvons difficilement nous comparer avec les États-Unis, dont les effectifs sont beaucoup plus nombreux que les nôtres. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le Foreign Office a également la gestion des postes économiques et financiers, ce qui rend les comparaisons difficiles. Nous avons déjà opéré pas mal de regroupements dans le domaine consulaire, mais un redéploiement d'ensemble ne peut procéder que d'une approche globale associant également les grands opérateurs dans le domaine de l'aide au développement - le CIMEE nous sera à cet égard très utile. Enfin, bon nombre de nos partenaires font une croix sur les pays les moins importants en Afrique et particulièrement sur l'Afrique francophone, où nos consulats se retrouvent à traiter les visas pour toute l'Europe. Dans certains pays, il n'y aura bientôt plus que la France et le représentant de la Commission... M. Éric Woerth, Rapporteur : Si le CIMEE ne s'est pas réuni depuis des années,... M. Jean-Pierre Lafon : Depuis 1997. M. Éric Woerth, Rapporteur : ...c'est sans doute que l'on considérait que cela ne servait à rien. Pourquoi est-ce soudain devenu si important ? Est-ce par un besoin d'interministérialité, jusqu'alors non exprimé ? Cette réunion poursuit-elle des objectifs précis ou considère-t-on finalement que le CIMEE n'a vocation qu'à être réuni tous les huit ou dix ans ? M. Jean-Pierre Lafon : Le rapport du préfet Le Bris recommandait, entre autres priorités, de réunir à nouveau le CIMEE, pressentant la nécessité d'une vision globale. On ne peut traiter du redéploiement ou de l'examen du réseau de manière parcellaire. De surcroît, on s'est inquiété au plus haut niveau de l'État de la multiplication des réseaux spécialisés au moment même où le réseau diplomatique ne représente plus que la portion congrue de notre représentation extérieure dans certaines ambassades : moins du quart des effectifs de l'ambassade de France à Washington ! Enfin, si le CIMEE ne s'est pas réuni depuis 1997, c'est qu'il avait au départ suscité une très grande hostilité de certains ministères qui y voyaient une volonté du ministère des affaires étrangères de régenter l'implantation à l'étranger. Le rapport de l'inspection générale des finances, à propos des services administratifs et financiers uniques, les SAFU, insistait sur la nécessité, pour l'implantation de l'État à l'étranger, de séparer les enjeux de rationalité des enjeux de pouvoir. M. Éric Woerth, Rapporteur : Ils s'interpénètrent tout de même un peu... M. Antoine Pouillieute : Le CIMEE avait échoué en 1997 précisément sur les SAFU dont on reparle aujourd'hui : c'est donc bien une question de volonté politique, le but étant de disposer grosso modo d'un back office unique pour le service public à l'étranger. Notre réseau diplomatique serait-il un peu plus lent à la détente que d'autres administrations françaises ou d'autres pays industrialisés ? On oublie que le plan annoncé par Mme Rice aux États-Unis est à l'étude depuis presque vingt mois - c'est tout à la fois rapide, mais en même temps assez approfondi - et surtout que ce redéploiement se traduit globalement par une augmentation du nombre de diplomates, ce qui ne correspond pas à l'épure sur laquelle nous travaillons. Au-delà, un réseau fort est un élément de la puissance. Avec 156 ambassades, nous avons le deuxième réseau du monde : les États-Unis en ont 162 et le Royaume-Uni 153. Pourquoi nous adaptons-nous moins vite que d'autres administrations ? Un ministère technique qui s'occupe des exportations, de l'armement, de l'université, de la recherche agronomique, etc., choisit ses implantations et ses thématiques ; le Quai d'Orsay ne choisit pas ses pays, puisqu'il a vocation à représenter la France à l'étranger, ni ses sujets. Notons à ce propos que nous faisons beaucoup plus de métiers que les autres diplomaties européennes, puisque nous nous chargeons, en plus des métiers de chancellerie, des métiers consulaires, des métiers de coopération et des métiers culturels, et en plus de la coordination de ce que font les autres administrations à l'étranger... En d'autres termes, nous sommes le réseau de base du service public à l'étranger. Et pour ne pas ressembler à une structure « télécoms », nous voulons être aussi un réseau à valeur ajoutée. Comment organiser notre fluidité, comment nous poser en diplomatie d'avenir et non en diplomatie d'héritage ? Les actions présentées par le secrétaire général se présentent en deux grandes masses. D'un côté, il y a les mesures de bon sens, de rationalisation dans les domaines de l'immobilier, du système d'information, du back office, et de mutualisation avec nos partenaires européens. Cela dit, le bon sens n'est pas toujours facile à mettre en œuvre sur le terrain : le CIMEE s'était cassé les dents sur le back office en 1997, et convaincre tel autre service de l'État d'abandonner le centre ville pour rejoindre un campus diplomatique, certes plus intelligent, plus sûr et plus efficace, n'a rien évident... D'un autre côté, il y a les mesures de fond qui s'exprimeront à travers une directive nationale d'orientation des ambassades. Quel est son but ? De se demander si le Vanuatu est exactement comme les États-Unis ou non, auquel cas il faut bien établir plusieurs catégories d'ambassades. On s'apercevra alors que, dans tel type de pays, il y a tels types de métiers à faire ; que dans tel autre type de pays, nous avons tels types de missions à remplir. Dès lors, l'allocation des moyens budgétaires ne sera pas déterminée par leur rareté, mais par la volonté d'assumer un certain nombre de missions. Reste à assurer la transition de l'héritage à l'avenir, ce à quoi nous essayons de travailler actuellement. On a effectivement beaucoup écrit sur notre diplomatie, mais force est de reconnaître - ce n'est pas faire injure à nos prédécesseurs - que les grands plans de redéploiement géographique n'ont pas tellement fonctionné. Ou bien nous recommençons, au risque de nous heurter aux mêmes problèmes, ou bien nous adoptons une approche plus fonctionnelle, en nous demandant ce que la France doit faire et ne doit plus faire dans tel ou tel type de pays - et en l'assumant, ce qui n'est pas toujours simple. M. Jean-Pierre Lafon : Demandons-nous aussi ce qu'elle peut faire, et différemment, sans en rester au seul réseau stricto sensu des services de l'État. Ainsi, développer une influence culturelle dans un pays ne se résume pas aux seuls services du conseiller culturel. En Chine, par exemple, j'ai mis en place les « centres d'études en France », autrement dit un service universitaire qui n'en a pas le nom, totalement autofinancé par un droit acquitté par les étudiants souhaitant étudier en France et rattaché à un centre culturel pour bénéficier de l'autonomie financière. Nous avons étendu ce système, que la Cour des comptes avait remarqué, notamment à tous les pays du Maghreb. Ainsi, une vingtaine de pays devraient être concernés. Outre le fait qu'il est autofinancé, ce système a l'avantage de réduire le nombre de visas : l'introduction des centres autofinancés d'entretien et de tests en Algérie a fait chuter les demandes de visas étudiants de 30 % du jour au lendemain - ce qui prouve que les demandes en question émanaient de faux étudiants. Nous avons des formules innovantes à promouvoir ; l'Alliance française peut constituer à cet égard un vecteur d'influence considérable. Autre exemple : une stratégie offensive exige de plus en plus de recourir aux experts détachés dans les instances internationales, et notamment à Bruxelles, qui n'entrent pas dans le cadre d'un réseau géographique mais qui seront des éléments déterminants de notre influence dans ces grandes organisations. Nous avons également la capacité d'étendre notre réseau de lycées suivant de nouvelles procédures financières, avec des méthodes de leasing remboursé sur les frais de scolarité, d'avances, de partenariats public-privé, etc., qui permettent de s'autofinancer très largement. De même pour les centres culturels. L'innovation vaut aussi pour les méthodes. Ainsi, j'avais été scandalisé en voyant le lycée français à Tananarive il y a dix ans : nous venions de dépenser 92 millions de francs pour construire un superbe lycée, et tout autour, on voyait les luxueuses villas construites par des promoteurs malgaches qui s'étaient enrichis à cette occasion. Si les procédures budgétaires à l'époque nous l'avaient permis, il nous aurait suffi d'acheter quatre fois la surface du lycée pour financer totalement l'opération en revendant les terrains dont le prix avait décuplé... M. Éric Woerth, Rapporteur : On en est loin... M. Gilles Carrez : La dimension économique semble désormais au cœur du métier diplomatique, qu'il s'agisse d'exportations, d'investissements, des règles du commerce international, des questions de recherche ou de formation, etc., ce qui n'est pas sans poser des problèmes d'organisation. On a vu apparaître les consulats mixtes associant un poste d'expansion économique, comme on disait à l'époque. Mais surtout, j'ai été frappé de voir à quel point les ambassadeurs sont profondément investis sur ces questions, au point que l'on peut s'interroger sur l'utilité d'un réseau distinct - c'est en tout cas la conclusion à laquelle je suis personnellement arrivé. M. Yves Deniaud, Président : Tous les parlementaires qui se sont rendus à l'étranger constatent ce phénomène : alors que les échanges économiques sont devenus l'activité primordiale de toute représentation française, la combinaison de plusieurs autorités nuit à la clarté et par le fait, on peut le craindre, à l'efficacité. M. Gilles Carrez : Je n'ai pas noté de dysfonctionnements à proprement parler. Mais on en vient à se dire qu'il faut vraiment des gens de bonne volonté... M. Yves Deniaud, Président : Pour que cela marche ! M. Éric Woerth, Rapporteur : Il nous faudra également parler de l'administration centrale - vous avez parlé d'une directive nationale sur les ambassades. J'aimerais avoir votre opinion sur votre réseau culturel, auquel personne ne comprend rien, et sur le fonctionnement de la DGCID, auquel on ne comprend pas davantage... Quid enfin de vos moyens en personnel ? M. Jean-Pierre Lafon : Pour ce qui est de l'économique, monsieur le rapporteur général, vous avez raison : il faut une bonne entente. Lorsque j'étais à Pékin, le chef de la mission économique passait la moitié de son temps avec moi... Étrangement, on ne trouve presque rien sur l'économie dans la mission « Action extérieure de l'État » du Quai d'Orsay alors que notre ambassadeur y consacre 60 % de son temps, et celui à New Delhi probablement autant ! M. Gilles Carrez : C'est ce que nous constatons. M. Jean-Pierre Lafon : Un ambassadeur doit d'abord être un chef d'équipe. Et lorsqu'il a des gens intelligents, cela se passe très bien. M. Yves Deniaud, Président : Certes, mais nous préférerions que la réalité structurelle corresponde à la réalité vécue ! M. Jean-Pierre Lafon : La LOLF elle-même ne prend pas véritablement cette dimension en compte... Pour ce qui est des exportations, le problème ne tient pas tant aux réseaux qu'à une réalité typiquement française, encore décrite dans un récent rapport du Conseil économique et social : l'absence de grosses PME, en mesure développer des activités exportatrices. Même dans une mission qui fonctionnait très bien à Pékin, nous n'arrivions pas à la hauteur des Allemands. M. Éric Woerth, Rapporteur : Dans quel lieu discutez-vous du poids de la représentation économique, des moyens à allouer ou éventuellement à redéployer dans tel ou tel pays, des spécialités à mettre en avant pour chaque métier, etc. ? Où traite-t-on des échanges entre la diplomatie proprement dite et le service d'action économique pour les questions touchant au dimensionnement, à l'organisation et à la nature même des compétences dont on a besoin ici ou là ? M. Jean-Pierre Lafon : La DGTPE et l'administration du Quai d'Orsay entretiennent des contacts réguliers. Nous avons eu en décembre un déjeuner avec les trois chefs de services de la DGTPE, tous les directeurs géographiques, le secrétaire général et le directeur général de l'administration. Le directeur général, M. Xavier Musca, vient de m'écrire pour que nous accélérions la concertation, et je lui ai répondu tout à fait positivement, dans le domaine de l'immobilier et dans celui des demandes d'enquêtes émanant des ministères spécialisés et dont les postes sont submergés - le ministère des affaires sociales veut savoir comment fonctionne la sécurité sociale en Suède, puis en Slovénie, etc., et cela vaut dans tous les domaines... Les rapports entre nos deux administrations sont excellents. M. Gilles Carrez : Avez-vous des instances de réflexion et d'analyse conjointes, dans le cadre des postes, mais également au niveau central, pour examiner nos forces et nos faiblesses, définir les secteurs prioritaires, etc. ? Y a-t-il une réflexion conduite en commun, et dans quel cadre ? M. Jean-Pierre Lafon : Il n'y a rien d'institutionnalisé dans les textes. M. Yves Deniaud, Président : Autrement dit, on s'en remet à la bonne volonté des uns et des autres et à leurs bons rapports personnels... M. Antoine Pouillieute : À l'échelon national, les rapports entre ministères ne posent naturellement aucun problème. Ce que les entreprises attendent fondamentalement du Quai d'Orsay, c'est une évaluation du risque-pays. Cette analyse politique est-elle intégrée à d'autres analyses effectuées par ailleurs ? Je l'espère. Au niveau du pays, le décret de 1979 fait de l'ambassadeur le chef du dispositif ; mais cet argument d'autorité est notoirement insuffisant. Il doit d'abord être un animateur. À chaque fois qu'un chef de mission arrive dans un pays, il doit élaborer un document stratégique. C'est ainsi que je me suis retrouvé au Viêtnam avec onze documents stratégiques... Cela fait beaucoup. Ensuite, la maîtrise des dépenses se fait au niveau de l'ordonnateur secondaire unique qu'il faut conforter - en évitant surtout de multiplier les ordonnateurs secondaires délégués, la LOLF rajoutant de la verticalité à une structuration déjà extraordinairement verticale. M. Jean-Pierre Lafon : C'est la conséquence logique du SAFU. M. Antoine Pouillieute : Précisons enfin qu'il se tient de plus en plus de réunions régionales d'ambassadeurs. Dans le cadre de la mise en œuvre de la LOLF, nous aurons à rendre compte, dans les rapports annuels de performance, de notre système de contrôle de gestion. Il sera du reste intéressant de savoir comment on facture le temps d'un ambassadeur qui passe entre 40 et 60 % de son temps sur des programmes ne relevant pas du MAE... M. Éric Woerth, Rapporteur : Ne le dites pas trop fort : ils vont être embauchés par Bercy ! Du côté de l'administration centrale, quels sont les enjeux et les redéploiements projetés ? M. Jean-Pierre Lafon : Avec le directeur général de l'administration, nous avons axé notre action sur la modernisation du ministère, sur la base d'une lettre du chef de l'État au Premier ministre demandant la mise en place d'un contrat sur trois ans, dont nous sommes en train de finaliser la négociation avec Bercy. Il devrait être signé dans les jours à venir. Ce contrat introduira des modifications considérables ; aussi me suis-je focalisé sur la réévaluation du budget informatique du ministère afin que le Quai d'Orsay se dote d'un réseau d'information sécurisé, avec notamment un nouveau système de télégramme, baptisé Schumann, et se place en position centrale en termes d'information de toute l'administration française. Les nouvelles procédures nous permettront de financer l'essentiel de notre programme immobilier par des ventes au cours des trois prochaines années - mais pas au-delà, sauf à mettre nos ambassades en vente... En contrepartie, nous avons obtenu des assurances, notamment en termes de garanties de change. Deuxièmement, nous allons disposer d'un classement des ambassades à travers la directive nationale d'orientation, qui nous permettra de moduler les moyens en fonction des types de missions. Troisièmement, une réflexion a été lancée, sous le nom d'Agenda 2010, sur la modernisation du ministère et la dématérialisation des documents afin de tirer le meilleur parti des nouvelles technologies d'ici à quatre ans. Ainsi, une troisième version du réseau mondial « visas » est d'ores et déjà à l'étude afin de nous mettre en conformité avec les nouvelles données biométriques et les décisions à venir au niveau européen. Dans le même esprit, la mise en place de centres d'archives dématérialisées, avec le moins possible de documents papier, ne peut se concevoir sans réseaux sécurisés. Cela dit, la modernisation ne se résume pas à une refonte des organigrammes. Je préfère un bon logiciel à la réforme de l'organigramme ; or, si l'on a revu celui de la direction générale de l'administration, on n'a pas progressé depuis 2003 sur la mise en place d'un service interministériel de traitement logiciel des ressources humaines. Le dossier du SIRH n'avance pas et j'en viens à me demander si nous allons nous maintenir dans cette affaire tant elle paraît encalminée. De même sur les centres culturels : j'ai découvert que celui de Tokyo ne disposait pas d'un logiciel performant permettant de gérer tant les coûts que les candidats, et d'intégrer le télé-enseignement comme ce devrait être la règle dans un centre culturel moderne. Derrière les apparences de la modernisation, il y a la réalité... M. Éric Woerth, Rapporteur : Sur les organigrammes, je suis bien d'accord avec vous : la question est celle de la définition des tâches, de l'évaluation et de la juste affectation des moyens. M. Antoine Pouillieute : Rappelons que le budget du ministère des affaires étrangères, avec 4,4 milliards d'euros, ne représente que 1,3 % du budget général de l'État, dont plus de 60 % correspondent à des dépenses obligatoires et des dépenses d'intervention... La masse salariale et les coûts administratifs représentent moins de 20 % de ce 1,3 % : autrement dit, l'épaisseur du trait. N'oublions pas non plus que, contrairement à une opinion souvent répandue, ce ministère évolue. En dix ans, nos coûts de structure sont passés de 33 % à 25 % et nos effectifs, titulaires et contractuels, ont diminué de 11 %. Cela ne fait peut-être pas beaucoup en valeur absolue, mais peu de ministères en ont fait autant. M. Yves Deniaud, Président : Si effectivement tout le monde faisait comme vous... M. Antoine Pouillieute : La priorité a été donnée à l'opérationnel. Ainsi, la direction générale de l'administration a décidé de réduire ses effectifs de 13 % dans les trois ans en les réallouant aux directions opérationnelles : le back office doit trouver en lui-même les éléments de productivité nécessaires. Cela passe par la modernisation du système d'information, mais également par la simplification de la chaîne comptable : nous sommes les premiers, grâce à nos collègues de la direction générale de la comptabilité publique, à disposer d'un service facturier unique. Cela n'intéresse pas grand monde, mais c'est un sérieux progrès en termes de sécurité juridique et financière comme en termes de réduction des délais. Le contrat de modernisation passé avec Bercy est effectivement un élément essentiel. Le Quai d'Orsay est le premier ministère à s'engager dans une logique triennale avec la direction du budget. On nous avait dit, y compris ici même, que la LOLF, c'était « effort avec retour sur effort » ; l'honnêteté oblige à dire que nous avons vu le premier, mais pas toujours le second... M. Éric Woerth, Rapporteur : Je suis payé pour le savoir... M. Antoine Pouillieute : L'objectif est précisément d'organiser, sur une durée de trois ans, ce retour sur effort, cessions immobilières et autres. Si, comme l'a indiqué le secrétaire général, nous allons accélérer nos cessions immobilières, c'est que nous avons fait le pari de baisser de plus de 40 %, excusez du peu, nos demandes de crédits du titre V ! M. Éric Woerth, Rapporteur : Pour ce qui est du SIRH et des ressources humaines, il doit exister des études sur le sujet, mais j'ai parfois le sentiment d'une proportion de cadres supérieurs inutilisés qui serait inimaginable dans le secteur privé. J'ai également l'impression que vous avez un réel problème de pyramide des âges. Comment le traitez-vous ? Combien de gens tournent dans la machine ? Combien sont réellement en poste ? Il n'y a pas que des rapports dans les tiroirs et les placards de l'administration ; on y trouve aussi des gens, et c'est beaucoup plus inquiétant. M. Antoine Pouillieute : Avec le SIRH, le Quai d'Orsay avait fait le choix de l'interministériel, alors qu'il avait un projet ministériel ; très honnêtement, nous le regrettons un peu. Entrer dans la LOLF sans vision prospective de la gestion des ressources humaines, c'est pour le moins audacieux. S'agissant de l'encadrement supérieur, aurions-nous un excédent démographique ? À l'évidence oui, en raison d'une politique très ancienne de promotion, d'avancement et de remplacement des départs en retraite. Sur ce dernier point, les choses ont bien changé : nos recrutements sont loin d'être en proportion des départs. Quant aux promotions, elles résultent, dans le système de la LOLF, de ratios promouvables/promus intégrant l'ensemble de la pyramide, du cadre C au cadre A. Et pour ce qui est plus précisément des cadres supérieurs, il est effectivement des tiroirs ou des placards où l'on ne trouve pas que des rapports... Quelle est la tendance ? Nous avons estimé qu'avec une politique volontariste sur cinq ou six ans et compte tenu du décroît démographique - moins évident qu'il n'y paraît, nombre de collègues présentant des demandes de prolongations légales d'activité qui sont de droit -, un dégonflement de l'excédent est envisageable. Nous avons également engagé un effort important d'outplacement : des grandes entreprises recrutent un général, un commissaire de police ou un préfet, pourquoi pas un diplomate ? Encore faut-il démarcher, proposer, chercher les synergies. Votre rapporteur général parlait de nos relations avec le monde de l'entreprise : une chambre de commerce, une région, un groupe industriel ou un syndicat professionnel apprendraient bien des choses grâce à un diplomate. M. Éric Woerth, Rapporteur : Combien de personnes pourraient être concernées ? M. Antoine Pouillieute : Moins de deux cents conseillers hors classe et ministres plénipotentiaires. Nous avons à peu près cinq cents personnels d'encadrement supérieur pour un peu plus de trois cents postes à responsabilité. Il y a évidemment un effet de noria dont il faut tenir compte: aucune structure ne fonctionnerait avec trois cents cadres pour trois cents postes. Pour dégonfler l'excédent, nous pouvons compter sur la perspective démographique, l'outplacement, les départs en retraites anticipés auxquels il faut inciter certains collègues de plus de cinquante-cinq ans, comme le font déjà nombre de ministères. Enfin, et nous devons cette politique au ministre, nous devons appeler les gens en poste à tourner tous les trois ans, à enchaîner un ou deux postes avant de revenir à l'administration centrale qui n'est ni l'enfer ni le purgatoire, mais bel et bien le cadre d'exercice du même métier... La conjonction de l'effet de noria et d'une politique de promotions plus responsable devrait permettre de résoudre ce problème en cinq ou six ans. M. Éric Woerth, Rapporteur : Je vous remercie d'en parler ouvertement, car le sous-emploi des cadres est un problème qui se pose ailleurs dans l'État. Mais que font ces deux cents cadres de leurs journées ? Et combien cela coûte-t-il ? Je ne mets pas ces gens en cause : eux-mêmes souhaiteraient probablement être mieux utilisés. M. Antoine Pouillieute : Certainement, et celui qui les gère encore plus... Au demeurant, le coût est le même. L'administration souffrant d'un manque de transversalité, nous confions des missions qui permettent une coordination là où les services ne l'assurent pas suffisamment. D'autres portent sur des sujets particuliers : les pays émergents, les mines antipersonnel, les post-conflits, etc. Lorsqu'un tsunami arrive, on est bien content de pouvoir envoyer quelqu'un en renfort... Enfin, un effort important a été fait dans le domaine intellectuel et universitaire pour placer certains collègues : c'est d'autant plus utile que l'enseignement des relations internationales n'est pas toujours enrichi par l'expérience, que ce soit à Sciences-Po ou ailleurs. Cela dit, aurions-nous spontanément pensé à ces missions si nous étions en déficit démographique ? Honnêtement non. Mais dans la situation que nous connaissons, il n'est pas forcément inutile de demander à ces collègues d'assurer ce type de missions à titre temporaire. M. Jean-Pierre Lafon : Reconnaissons qu'un certain nombre de personnes, au bout de tant d'années, ne sont plus guère utilisables,... M. Yves Deniaud, Président : Cela a le mérite de la franchise ! M. Éric Woerth : Cela n'est pas vrai pour les parlementaires ! M. Jean-Pierre Lafon : ...parfois pour des raisons liées à leur caractère, parfois parce elles s'estiment plus haut qu'elles ne valent : une conception de la carrière uniquement fondée sur la hiérarchie formelle les empêche de comprendre que telle mission apparemment modeste peut s'avérer tout à fait intéressante et opérationnelle. Je trouve également - un audit a eu lieu sur la formation, mais qui mériterait d'être poussé plus loin, et il est bon que la LOLF l'ait mis en évidence - que nous manquons de cadres ayant une culture de gestion, y compris jusque dans l'inspection générale. Il règne encore une culture par trop littéraire. Le Quai d'Orsay peine encore à se mettre aux modes de gestion contemporains, qu'il s'agisse des nouvelles technologies ou des méthodes modernes d'audit. M. Éric Woerth, Rapporteur : Venons-en au réseau culturel. Sans le remettre en cause, je ne comprends pas grand-chose à son foisonnement. Comment l'expliquer, sinon par l'histoire, comment le rationaliser, en taillant dans le vif si nécessaire, en développant ce qui mérite de l'être, comment mesurer son implication, comment lier plus fortement action culturelle et action économique ? Il ne semble pas toujours avoir été pensé d'une manière très rationnelle... M. Jean-Pierre Lafon : Notre réseau culturel ne mérite pas tant d'opprobre, même s'il a de gros défauts... Il y a d'abord l'héritage de l'histoire : là où les Anglais ont le British Council, la France a d'un côté l'Alliance française et de l'autre le réseau des centres et instituts culturels. Un premier nettoyage doit consister à faire en sorte qu'il n'y ait pas l'un et l'autre dans la même ville. À cela s'ajoute le fait que le réseau des centres culturels, souvent subventionné, n'a pas forcément une culture de l'autofinancement et de la recette : le ministère commence seulement à calculer, non sans difficulté, à partir de quel pourcentage un centre culturel est autofinancé ou pas, et à déterminer où sont les centres de profit et de déficit... Au demeurant, le ministère n'a pas la culture de la tutelle - et cela vaut pour la DGCID au premier chef. Le contrat d'objectifs et de moyens sur trois ans dans le domaine de la modernisation reste une exception ; encore faudrait-il que la DGCID ait des personnels capables d'expertiser au niveau financier des contrats d'objectifs et de moyens vis-à-vis des grands opérateurs. De surcroît, la DGCID reste à mon avis trop cloisonnée et manque de structures de réflexion stratégique. Pourquoi y distingue-t-on la direction universitaire de la direction des établissements culturels et du français ? Enfin, de nouveaux besoins apparaissent, à commencer par ceux de la gestion des étudiants étrangers en France, devenue un élément essentiel dans le cadre d'une politique extérieure comme dans celui d'une présence économique. C'est pour y répondre qu'ont été développés les centres d'études en France et l'agence Edufrance, chargée depuis cinq ans de promouvoir les études à l'étranger - d'où manifestement un cloisonnement. À Pékin, nous avons loué un bâtiment et installé au rez-de-chaussée la librairie franco-chinoise d'un investisseur privé, au premier étage le centre d'études en France et l'agence Edufrance, au second l'Alliance française, et baptisé le tout « Centre culturel et Alliance française »... Il faut regrouper les cours de langue, la gestion des étudiants étrangers et la promotion des études en France. Un logiciel perfectionné a été mis au point pour les centres d'études en France alors que Edufrance continue à développer le sien ! Il faut unifier tout cela et favoriser les synergies sur le terrain. Lorsqu'un étudiant chinois veut venir en France, il passe d'abord un entretien - facturé : tout cela est donc autofinancé. Avant d'obtenir un visa, il doit suivre une préparation au français : on l'invite à monter au-dessus, à l'Alliance française... C'est ainsi que l'on développe une synergie. Pour ce qui est de l'Europe, nous nous sommes livrés à une vraie réflexion, à un benchmarking avec ce que font les Anglais : il y a vraiment de quoi s'interroger sur les bibliothèques dans nos centres culturels en Europe. Mais osez toucher à la bibliothèque du centre de Londres, et vous verrez aussitôt les lobbies et les articles ! À Vienne, nous avions des professeurs payés 18 euros dans le privé, mais 34 euros au centre culturel. Nous avons donc entrepris une procédure de licenciement pour éventuellement les réembaucher, mais à 18 euros. Que n'a-t-on lu dans la presse française sur le retrait de la France et l'abandon du français ! Du coup, l'affaire est montée au niveau politique, et le ministre de s'inquiéter : mais que fait-on à Vienne ? Nous avons engagé la réflexion, mais ainsi que le disait le cardinal de Retz dans ses Mémoires, il y a loin de la vérité à la volonté, de la volonté à la résolution, de la résolution au choix des moyens et du choix des moyens à l'application... Cela a été écrit au xviie siècle et c'est toujours valable. M. Éric Woerth, Rapporteur : Le ministère a été plus courageux sur Séville... M. Jean-Pierre Lafon. Mais nous avons tout de même maintenu le consulat à la suite d'une intervention au plus haut niveau, M. Moratinos, ministre des affaires étrangères d'Espagne, ayant sa circonscription en Andalousie... Mais nous avons effectivement redéployé toute l'administration consulaire sur Bilbao. Nous avons également fait preuve de courage en supprimant Porto... Petit à petit, nous faisons le nettoyage. Nous avons déjà prévenu l'ambassadeur que nous ne maintiendrions pas l'institut de Valence avec un tel déficit. Nous allons vendre l'appartement du consulat de Barcelone et l'installer dans l'immeuble abritant l'institut : nous n'avons plus besoin de salle de spectacle à l'institut de Barcelone, ni dans la plupart des pays développés, et pas davantage besoin de bibliothèque. M. Éric Woerth, Rapporteur : Je vous demanderai par écrit de nous faire le point sur les six derniers mois de programmation dans les centres et instituts culturels, et de nous indiquer les types de population déplacés. Au-delà des contrôles relatifs au réseau diplomatique menés en Afrique, en Amérique et en Asie, la Cour des comptes s'est intéressée cette année à l'Agence française de développement, anciennement Caisse centrale de coopération économique. M. Jean-Pierre Lafon : Je lis très attentivement les rapports de la Cour des comptes. Celle-ci nous avait épinglés très violemment l'année dernière sur notre politique immobilière des dix dernières années ; nous avons repris ses remarques à notre compte et considérablement modifié notre programme dans ce domaine. M. Éric Woerth, Rapporteur : Selon nos informations, le ministère des affaires étrangères, a en effet pris en compte nombre des remarques de la Cour depuis dix ans, tantôt sur des points très particuliers - ainsi les indemnités de représentation des chefs de postes diplomatiques et consulaires, désormais intégrées dans le circuit comptable et budgétaire ordinaire -, tantôt sur des problèmes plus vastes, comme celui de l'immobilier. Le ministère a ainsi tiré une série de conclusions tant sur son organisation propre que sur les procédures à développer à l'étranger - encore que quelques doutes puissent encore être émis sur la capacité de rassembler suffisamment d'argent public pour réaliser une opération blanche, par exemple en Allemagne. La valeur marchande du patrimoine très abondant que détient la France dans l'ancienne capitale fédérale a considérablement décru depuis que Bonn a perdu son statut. Quoi qu'il en soit, l'avenir tranchera et nous dira si les intuitions du ministère des affaires étrangères étaient justifiées. M. Jean-Pierre Lafon : Plusieurs opérations seront très largement autofinancées, que ce soit à Tokyo, où elle repose sur un partenariat public-privé, à Djakarta, actuellement au stade de la réflexion, ou au Koweït. Et nous avons vendu cette année la villa Trotty à Monaco à un prix qui a totalement stupéfié le ministère du budget : il était prêt à la céder à 30 millions d'euros et nous en avons obtenu 50 millions d'euros grâce à un mécène italien... Notons à ce propos que le ministère des affaires étrangères procure des recettes, notamment sur les visas. C'est lui, et non le ministère des finances, qui a été à l'initiative, voilà six ou sept ans, de la procédure consistant à faire payer non plus les visas, mais les demandes, et qui a réussi à la faire passer dans le cadre d'une directive adoptée en Conseil « affaires générales ». Les recettes en ont été considérablement augmentées, d'autant que le traitement d'un visa refusé coûte souvent plus cher que celui d'un visa accepté... C'est encore le Quai qui mène aujourd'hui l'offensive pour faire relever le tarif des visas au niveau européen, et la chose n'est pas facile : bon nombre de nos partenaires sont très réticents. Autant de recettes qui reviennent à Bercy, et dont nous sommes fondés à demander d'en récupérer une partie. M. Éric Woerth, Rapporteur : Nous vous remercions pour la qualité de vos réponses. M. Yves Deniaud, Président : Conformément à l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, je vous rappelle la liste des documents et informations dont nous souhaitons disposer, comme vous nous l'avez du reste vous-même suggéré : l'évolution chiffrée des effectifs de cadres A appelés à partir à la retraite dans les dix ans qui viennent ; la proportion estimée de ceux qui demanderont à bénéficier d'une prolongation d'activité ; l'évolution des effectifs en fonction des postes dans les différents réseaux et notamment le réseau consulaire. Le rapporteur vous posera enfin par écrit des questions complémentaires sur la programmation culturelle. M. Éric Woerth, Rapporteur : Elles porteront sur le type et la nature des programmations, les publics et évidemment les recettes pour les six derniers mois en Europe. M. Yves Deniaud, Président : Je vous remercie à mon tour de la qualité de vos réponses et surtout de leur grande franchise : vous avez fait mentir la réputation fallacieuse que l'on prête au Quai d'Orsay, souvent dépeint comme la maison de la litote, de l'euphémisme et de l'understatment. J'ai particulièrement apprécié l'honnêteté de vos propos sur vos cadres supérieurs, votre action économique et votre action culturelle. M. Jean-Pierre Lafon : C'est nous qui vous remercions. b) 11 heures : M. Jean-François Desmazières, directeur des affaires financières, ministère des affaires étrangères. Présidence de M. Yves Deniaud M. Yves Deniaud, Président : Après avoir entendu le secrétaire général et le directeur général du ministère des affaires étrangères, nous allons poursuivre en écoutant M. Desmazières, directeur des affaires financières. M. Éric Woerth, Rapporteur : Nous allons poursuivre le dialogue engagé en essayant d'y ajouter un peu de chiffres, qu'il s'agisse de l'application de la LOLF, mais également du coût de votre réseau, au besoin en le comparant à ceux d'autres pays ou d'autres ministères, ou encore de l'engagement des crédits par l'ambassadeur. Est-il en mesure d'avoir une vision globale des crédits, au-delà des simples conférences sur ce thème ? Plus généralement, quelle est votre appréciation sur l'allocation des moyens pays par pays, zone par zone, en fonction des contingences politiques ou de la hiérarchisation des priorités stratégiques ? M. Pouillieute a indiqué que les frais fixes du ministère diminuaient d'année en année. Pourrez-vous nous faire connaître, au besoin par écrit, la répartition des coûts au sein du ministère ? M. Jean-François Desmazières : Effectivement, il vaut mieux donner des chiffres précis, tableaux à l'appui et je le ferai par écrit. Cela étant, la structure budgétaire du ministère des affaires étrangères se caractérise par le poids des crédits d'intervention, qui sont très majoritaires : le fonctionnement n'entre que pour fort peu dans notre budget. Grossièrement, sur 4,4 milliards d'euros, un peu plus de 50 % correspond à des aides publiques au développement. La masse salariale a assez fortement diminué, hors compte d'affectation spéciale des pensions, dans la loi de finances initiale pour 2006 : 910 millions d'euros contre 976 en 2005, soit une baisse de plus de 5%. Viennent ensuite une série de dépenses juridiquement obligatoires : près de 600 millions d'euros correspondent à des contributions internationales - cotisations aux Nations unies, contributions aux opérations de maintien de la paix, etc. Tout cela pèse très lourd et pose des problèmes d'évaluation plusieurs fois relevés par les commissions des finances des deux assemblées. Un autre bloc important - plus de 600 millions d'euros - concerne les opérateurs au sens de la LOLF, dont plus de la moitié pour l'Agence de l'enseignement français à l'étranger, autrement dit les lycées français à l'étranger ; il s'agit en fait de la masse salariale des enseignants de ces établissements, dépense par nature peu élastique. La coopération militaire et de défense mobilise une centaine de millions. Au milieu de tout cela, le train de vie du ministère pèse autour de 275 millions d'euros ; nous sommes en train de le recalibrer, dans le cadre du contrat de modernisation avec la direction du Budget, en nous accordant sur un périmètre de 272 millions d'euros tout compris, investissements et fonctionnement. Nous avons pris le pari de financer nos investissements par des ventes d'immeubles durant la période 2006-2008 - opérations parisiennes et particulières mises à part. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pourrions-nous avoir une idée plus précise de ce qui sera à vendre, sur les montants que vous en attendez et sur les investissements que vous comptez ainsi financer ? Vous ne récupérez pas tout le produit des ventes, semble-t-il. Combien gardez-vous ? M. Jean-François Desmazières : C'est un sujet de négociation avec la direction du Budget. M. Yves Deniaud, Président : M. Copé avait parlé de 85 %. M. Éric Woerth, Rapporteur : Cela reste à vérifier. Le secrétaire général nous a parlé d'une opération à Tokyo autofinancée dans le cadre d'un partenariat public-privé. L'extension de cette ambassade est un sujet très ancien. Pouvez-vous nous en dire davantage ? M. Jean-François Desmazières : Grâce à la LOLF, nous avons pu valoriser plus de 4,4 milliards d'euros de patrimoine, dont 770 millions d'euros pour les lycées français. Nous avons désormais une base patrimoniale inscrite dans les comptes de l'État et qui permet de raisonner au prorata de ce qu'il faudrait prévoir pour son entretien, ou de ce qu'il faudrait céder faute de pouvoir nous en servir ou l'entretenir. La nouvelle agence France Domaines demande aux ministères de déposer des plans stratégiques sur la gestion de leur immobilier ; nous allons lui présenter nos propositions. Nos analyses passées n'étaient pas totalement approximatives, mais la prédominance de l'aspect comptable dans la LOLF nous amène à les mettre en forme et à prouver au besoin leur bien-fondé. Nous avons d'importants patrimoines en Allemagne et au Liban ; Paris est logiquement l'endroit où nous avons le plus de biens à valoriser. Pour Londres, l'Espagne, l'Italie, le Maroc, voire le Sénégal, pays d'ancienne implantation française, une réflexion immobilière spécifique s'impose. La définition de la stratégie dépend du pays, parfois du bien : ainsi à Tokyo, nous avons un bien unique, l'ambassade de France que Paul Claudel a connue, mais désormais située au cœur de l'agglomération et valorisée à 267 millions d'euros. Bien qu'inconstructible, son parc public représente des droits à construire intéressants, qu'il serait possible de céder pour 90 ou 100 ans dans le cadre d'un partenariat public-privé, ce qui permettrait la construction d'un ou deux immeubles neufs sur des terrains que nous louerions au prix du marché au partenaire, et dans lesquels nous nous logerions, pour partie en remboursant, en attendant d'en devenir propriétaire. De telles opérations exigent des montages juridiques extrêmement complexes, trois ans de négociations et plusieurs kilos de contrats... Mais c'est ainsi que l'on pratique à Tokyo, où nous pourrions construire un bâtiment aux normes antisismiques tout en autofinançant totalement l'opération. M. Éric Woerth, Rapporteur : J'aimerais disposer d'une fiche sur cette opération dont je devine les contours, de même que la liste des ventes prévues dans la période à venir. M. Jean-François Desmazières : Bien volontiers. Pour ce qui est du taux de retour, tout dépend de ce que l'on vend. Le réseau du Quai d'Orsay est par nature extrêmement mobile : nous ne sommes pas cloués au sol comme des sous-préfectures, ce qui rend l'arrêt sur image assez difficile. Des consulats ou des centres culturels, il s'en ouvre comme il s'en ferme... Le droit commun prévoit 85 % si vous avez besoin de réinstaller votre administration. Mais si elle disparaît, il tombe à 50 %. Par exemple, si nous fermons notre consulat à Hambourg et réalisons une vente à plus de 6 millions d'euros, si le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie ne m'en laisse que 50 %, cela n'est pas très incitatif. Jusqu'au 31 décembre 2005 s'appliquait l'ancienne règle du domaine privé à étranger : nous n'avions pas besoin de procédure de déclassement pour vendre - ce qui expliquait du reste pourquoi nous étions beaucoup plus mobiles que les autres administrations françaises - et nous récupérions 100 % du prix de vente. Nous sommes en train de négocier, avec la direction du Budget, le maintien à 100 %. Compte tenu de la complexité de gestion du compte d'affectation spéciale immobilier qui s'annonce, des règles de retour à hauteur de 50% ou 85%, de la spécificité domaniale à l'étranger - en France, c'est la DGI qui joue le rôle d'agence immobilière et qui négocie avec les promoteurs ; à l'étranger, c'est nous qui faisons tout le travail et il apparaît justifié que nous soyons rémunérés pour cette tâche et France Domaines ne sera pas en mesure de l'assumer avant quelque temps, d'autant plus que les conventions de Vienne, les accords internationaux et la réciprocité viennent compliquer les choses -, nous souhaiterions le maintien d'une récupération à hauteur de 100%. Moyennant quoi nous pourrions nous autofinancer, y compris à Pékin. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comment jugez-vous le coût du réseau en lui-même, au vu de quels indicateurs ? Comment les aspects économiques et financiers sont-ils pris en compte au sein du ministère au moment d'une éventuelle fermeture ou d'un redéploiement ? M. Jean-François Desmazières : La LOLF, avec son versant comptable très développé, oblige désormais les ministères à analyser les coûts et à développer une série d'indicateurs. L'exercice fait apparaître de manière assez flagrante deux ensembles totalement différents : les charges de personnel et le reste de la dépense. Du côté du personnel, des notions telles que le plafond des équivalents temps plein travaillé, la masse salariale avec la valorisation différenciée selon qu'il s'agit d'agents de droit local ou d'agents expatriés sont totalement nouvelles, la direction du Budget ayant longtemps dénié la qualité d'agents publics aux agents de droit local, de toutes nationalités, travaillant dans les ambassades, dans la mesure où ils étaient rémunérés sur le chapitre 37-90, chapitre de fonctionnement et non de rémunération. Avec la LOLF, l'emploi public s'accroît optiquement du fait de la réintégration de ces agents qui, depuis toujours, auraient dû être qualifiés comme tels. D'où l'impérieuse nécessité d'une analyse des personnels. M. Éric Woerth, Rapporteur : Cette impérieuse nécessité a-t-elle été satisfaite ? M. Jean-François Desmazières : C'est fait. Cela se faisait du reste avant, mais d'une manière moins immédiate. La vision de l'exécution des programmes budgétaires que nous donne la LOLF fait apparaître la gestion des masses salariales et des ETPT comme une masse à part, les programmes gérant de leur côté du fonctionnement et de l'intervention. La gestion des emplois doit s'affirmer et amener à faire des choix, mais nous n'avions pas attendu la LOLF pour les faire... Autre innovation, les loyers budgétaires afin de valoriser le patrimoine domanial. L'expérimentation, lancée cette année, manque peut-être encore un peu de substance juridique, comme tous les systèmes d'ingénierie financière un peu compliqués : quand la République française-budget donne à la République française-affaires étrangères de l'argent pour que celle-ci le rende à la République française-direction générale des impôts, où est la relation juridique ? On joue un peu à la marchande... Cela dit, la démarche reste intellectuellement valable en ce qu'elle pousse à faire des choix et permet d'avoir une donnée analytique supplémentaire. Pour ce qui est de l'analyse des coûts du réseau, je ne puis me prévaloir d'une antériorité suffisante dans la maison pour faire des comparaisons... M. Éric Woerth, Rapporteur : La maison a de la mémoire... M. Jean-François Desmazières : Effectivement, et l'on retombe très vite sur la définition du ou des réseaux : le diplomatique, le consulaire, le culturel, les lycées, puis les réseaux des autres ministères, les trésoreries, etc. Le réseau diplomatique est par nature contraint, la République française s'honorant d'avoir une ambassade dans chaque pays indépendant, à l'exception d'une vingtaine de pays. Encore faut-il pouvoir mettre en œuvre les instruments d'analyse et les normes permettant de distinguer le quantitatif du qualitatif, en comparant par exemple avec les Anglais et les Allemands, les meilleures références selon nous. Ces deux pays ont souvent une approche plus qualitative : si leurs représentations aux Nations unies comptent toujours un tiers de personnels de plus que nous, ceci implique qu'ailleurs elles seront moins dispersées. Ajoutez à cela que les comparaisons ne sont pas toujours évidentes par le fait que nos chiffres s'entendent toujours « culturel inclus » alors que le Goethe Institut ou le British Council sont en dehors, que la coopération ou l'action économique seront, suivant les cas de figure, tantôt dedans, tantôt dehors... Globalement, les moyens mobilisés sont à peu près équivalents, mais les concentrations ne sont pas les mêmes. D'où nos efforts pour resserrer le réseau consulaire comme le réseau culturel : la généralisation d'Internet et le back office obligent à une adaptation, mais celle-ci se heurte au besoin d'une présence qui, si elle ne se justifie plus par le travail consulaire classique, n'en est pas moins nécessaire dans une mégapole qui ne serait pas la capitale d'un État indépendant. Comment la baptiser ? Les Américains utilisent par exemple la couverture consulaire des conventions de Vienne par rapport au protocole du pays d'accueil, mais il s'agit en fait de délégations ou de bureaux d'ambassade et non de consulats. Nous devons réfléchir à une redéfinition des besoins et des missions, et à la normalisation qui va avec et qui devrait aider les politiques à prendre leurs décisions. M. Éric Woerth, Rapporteur : Avez-vous relevé ici ou là un coût visiblement excessif de notre présence ? Existe-t-il des pays sur lesquels vous voudriez appeler notre attention ? M. Jean-François Desmazières : On passe évidemment son temps à regarder ce qui se passe et à se poser des questions... L'expérimentation des loyers budgétaires se limite pour l'instant à la Belgique et à la Grèce ; pour le reste, l'ancien système reste la règle et, selon que vous êtes propriétaire ou locataire, vous n'affichez pas les mêmes coûts. Ajoutons que le Quai d'Orsay, du fait de difficultés méthodologiques, a toujours été une maison beaucoup plus pragmatique que systématique en matière d'analyse des coûts. Ainsi, le coût d'un visa délivré à Londres dépend directement de celui de l'agent de recrutement local, payé 35 000 à 40 000 euros par an, tandis que la rémunération de l'agent de Tunis ne dépassera pas 4 000 ou 5 000 euros ; même chose pour les coûts immobiliers... La comparaison des coûts de visa à Londres et à Tunis en sera biaisée d'autant. Nous essayons de retrouver des méthodologies plus fines en nous réappuyant sur des zones géographiques. Sans oublier que la norme en matière de délivrance de visas dépend du risque migratoire : dans un pays à risque fort, elle sera volontairement limitée à 3 000 visas par an et par agent, alors qu'on en exigera 4 500 dans un pays à risque faible. Le ministère de l'intérieur sait comparer ses préfectures entre elles et les normer ; jusqu'à présent, le Quai d'Orsay jugeait inutile de comparer ses ambassades dispersées dans le vaste monde. Cela doit bien sûr se faire ; encore faut-il définir la bonne méthode, sur la base de zones géographiques, mais en allant plus loin que les intuitions de bon sens. Le développement de la norme est un point auquel nous nous attaquons actuellement. M. Éric Woerth, Rapporteur : Sur quelles bases se fera-t-il ? Avez-vous une idée du coût moyen du visa français par rapport au visa américain, par exemple ? En discutez-vous avec vos collègues étrangers ? M. Jean-François Desmazières : Nous essayons d'en avoir une. La DFAE dispose d'un programme spécifique, avec son propre contrôle de gestion et ses indicateurs de performances. Le programme annuel de performances pour 2006 contenait malheureusement beaucoup de cases blanches ; je souhaite vivement que le PLF 2007 ait des cases remplies, ce qui vous permettra de connaître ses objectifs... Pour tout ce qui relève du quantitatif, de l'administration de guichet, il n'était pas très difficile de définir des indicateurs ou des ratios, que l'on retrouve d'ores et déjà dans les bleus budgétaires. Pour ce qui est des comparaisons avec l'étranger dans le domaine des visas, le fait que nous soyons toujours européens renvoie à d'autres frustrations et à nos relations avec les autres pays de l'Union. Dans l'espace Schengen, il y a des prêtés pour des rendus : les grands réseaux consulaires remplissent des missions pour le compte des petits pays. En sont-ils rémunérés ? Oui et non : celui qui fait le travail encaisse naturellement les frais de dossier. Nous cherchons à les revaloriser de 35 à 60 euros ; les gros réseaux consulaires - France, Italie, Allemagne - le souhaitent évidemment, mais les petits - Irlande, Danemark, Luxembourg et autres -, qui bénéficiaient de cette prestation de service, en voient beaucoup moins l'utilité... Négociation européenne classique, mais qui pose toute une problématique par rapport aux évolutions possibles à l'avenir. À 35 euros, nous sommes bien moins chers que les Britanniques... Et vous connaissez les tarifs des Américains. Nous devons donc augmenter le nôtre. Dans le cadre de la négociation du contrat de modernisation, nous avons conclu à un nouveau partage du produit des frais de dossier avec la direction du Budget, à hauteur de 50% pour nous. M. Éric Woerth, Rapporteur : La répartition des moyens donne-t-elle lieu à des discussions avec d'autres ministères ? M. Jean-François Desmazières : La seule structure interministérielle qui existe et qui se réunit chaque mois est la commission immobilière, qui s'occupe de tout ce qui touche au patrimoine de l'État à l'étranger : prises à bail, ventes, acquisitions pour le compte de toutes les administrations. Mis à part ce petit noyau de concertation interministérielle, très spécialisé et donc assez restreint, il n'existe aucun autre lieu de concertation : les administrations de l'État à l'étranger tentent spontanément de faire cavalier seul. Le plus terrible est qu'il n'existe que deux sujets budgétaires au niveau de l'État à l'étranger : le Quai d'Orsay et le réseau DREE - DGTPE. Tout ce qui relève des autres ministères se cache dans l'épaisseur du trait et arrive à se développer benoîtement alors que les deux principaux réseaux diminuent ! Le problème de la coordination reste entier ; c'est censé être l'affaire du fameux CIMEE, à condition qu'il se réunisse. La question est revenue sur la table grâce à notre opiniâtreté, mais également à une conséquence « inattendue » - mais que nous attendions - de la LOLF : le décalage entre l'exigence comptable de droit commun et nos capacités de gestion à l'étranger. Une ambassade de dix personnes ne peut se mesurer avec une préfecture, ni même une sous-préfecture. Or la LOLF ressemble à un iceberg, avec un dixième émergé de budgétaire qui marque un progrès démocratique impressionnant au point de remettre en cause pas mal de choses dans les ministères, mais également neuf-dixièmes immergés de comptabilité et d'informatique. La dictature de la norme comptable est intéressante et nécessaire ; mais lorsqu'il s'agit, entre la gestion informatisée et la norme comptable, d'envoyer les crédits à l'étranger à partir du système ACCORD qui ne débouche que sur l'application NDL, valable pour l'hexagone, nous nous retrouvons à devoir envoyer les crédits dans le NDL hexagonal pour les faire rebondir à l'étranger via notre application de gestion COREGE ! Encore nous a-t-il fallu paramétrer notre COREGE en fonction des normes NDL et ACCORD et en fonction des exigences comptables de droit commun, lesquelles aboutissent à un plan comptable de l'État qui se décline programme par programme. Si dix ministères envoient des crédits à l'étranger sur quinze programmes différents, cela vous fait quinze variations du plan comptable de l'État, à faire décliner dans une ambassade par un régisseur de catégorie C, pas toujours à plein temps, pour 10 000 euros par-ci et 15 000 euros par-là... Les vrais enjeux ne se limitent pas à payer le téléphone et encore moins à partager la charge en quinze factures. Il s'agit de savoir doser les crédits d'intervention, s'il y en a, et de considérer les effectifs mobilisés. Nous avons demandé aux autres ministères quelle norme informatique ils utilisaient et s'ils ne croyaient pas utile que nous travaillions ensemble... Nous en sommes là pour l'instant. La gestion de l'État à l'étranger n'était pas satisfaisante, car dispersée d'une manière caricaturale, égoïste et un peu budgétivore entre chaque ministère ; avec la LOLF, cela devient pire. Nous avons demandé à l'inspection des finances, qui doit réaliser un rapport d'audit sur le sujet, de nous donner un coup de main. M. Éric Woerth, Rapporteur : Un manager a souvent ses marottes. Avez-vous des indicateurs préférés, des éléments que vous jugez plus à même de traduire la réalité ? M. Jean-François Desmazières : En administration centrale, nous sommes un ministère dépensier comme les autres : je regarde mes taux de consommation et d'abord, et avant tout, la norme... Vous connaissez le cycle de l'exécution budgétaire : nous sommes en ce moment dans les reports et nous apprenons à jouer avec les mises en réserves. Les indicateurs plus importants restent les taux de consommation et notre satisfaction en fin d'année dépendra du montant des reports à demander - pratiquement pas cette année : 48 millions d'euros sur 4,5 milliards d'euros, dont 13,5 millions d'euros au titre de la LFR que l'on nous a demandé de préfinancer, et 3 millions de reports techniques, les systèmes informatiques ayant rendu des écrans blancs dans une trentaine de pays en décembre dernier... À l'étranger, nous avons d'abord le souci de la simplification et nous nous attacherons plutôt au nombre d'actes passés par régisseur. Ce n'est pas un indicateur totalement satisfaisant dans la mesure où un bordereau peut aussi bien contenir une petite opération que plusieurs opérations importantes ; mais lorsqu'il y a trop d'actes, notamment par rapport à la taille du pays, on sait intuitivement que les gens se trompent, qu'ils se compliquent la vie, qu'ils gèrent mal et qu'il faut les aider. M. Éric Woerth, Rapporteur : L'administration électronique représente-t-elle un véritable enjeu à vos yeux ? M. Yves Deniaud, Président : Le secrétaire général a parlé d'un retard à rattraper et dit qu'il comptait beaucoup là-dessus... M. Jean-François Desmazières : Le secrétaire général nous fustige en nous disant que nous sommes en retard pour nous motiver... L'administration électronique est chose connue au Quai d'Orsay ; les meilleurs développements dans ce domaine se retrouvent du côté de la DFAE dans la mesure où tout ce qui touche à l'état civil, aux visas, aux passeports avec les difficultés nouvelles liées à la biométrie, doit désormais être traité de manière électronique. C'est du reste la raison pour laquelle nous étions très soucieux de passer un contrat de modernisation avec le budget, pour des raisons évidentes de lisibilité. Nous préférons négocier sur trois ans plutôt que de frôler la crise en mars de chaque année pour peu que nous soyons contraints à des investissements électroniques un peu lourds. L'état civil à Nantes est désormais totalement électronique, les notaires peuvent le consulter. Des pôles de compétences se créent... M. Yves Deniaud, Président : La délivrance des pièces s'est notablement améliorée, je peux en témoigner. M. Jean-François Desmazières : À côté de la DFAE, la DAF n'est pas en reste : toutes les délégations de crédits ont été cette année effectuées par voie électronique, au prix de quelques angoisses dans une quinzaine de pays - non pas sur l'argent, les comptes bancaires des régies étant crédités par la TGE, mais sur les autorisations qui permettent, dans le progiciel COREGE, d'effectuer la dépense en gestion et en comptabilité. Entre la Biélorussie, l'Ukraine et la Géorgie, nous nous sommes demandés quelque temps où étaient passées nos délégations de crédits.... Quoi qu'il en soit, le Quai d'Orsay ne peut plus être géré que par voie électronique : les capacités de contrôle de gestion ou de suivi générées par les systèmes de messagerie ont apporté un progrès, qu'on a peine à imaginer dans un ministère où, à chaque fois qu'on envoyait une lettre, on attendait la réponse par le prochain avion, voire autrefois par le prochain bateau... Nos systèmes d'appui aux régisseurs, le système « SOS compta », bref, le back office « gestion », également installé à Nantes, fonctionnent. Nous sommes le premier ministère à avoir lancé un véritable service facturier : les factures des fournisseurs arrivent à Nantes, la transaction service fait s'effectue depuis Paris et les équipes du comptable et de l'ordonnateur ont fusionné. C'est une réelle nouveauté, que la Cour des comptes suit d'ailleurs de près. Nous gagnons ainsi quatre itérations dans le processus de la dépense : c'est un progrès important. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pourrez-vous nous donner un schéma résumant cette procédure ? M. Jean-François Desmazières : Bien sûr. Nous avons produit avec la DGCP des documents très clairs pour faire la publicité de ce système auprès des autres ministères... M. Éric Woerth, Rapporteur : Avec si possible une comparaison avant-après... M. Jean-François Desmazières : D'autant plus volontiers que, pour nous, le dispositif précédent était plus lourd que pour d'autres, avec des itérations de papier entre Paris et Nantes ! M. Éric Woerth, Rapporteur : Quel est votre sentiment sur la LOLF, en administration centrale et dans les postes ? M. Jean-François Desmazières : Aucune catastrophe ne s'est produite. Même si quelques imperfections devront être corrigées, nos documents budgétaires se sont améliorés. En interne, cela a provoqué beaucoup de remue-ménage : les spécialistes budgétaires, qui étaient jusqu'alors un peu isolés, ont réussi à faire partager certaines de leurs préoccupations aux directions géographiques. Nous disposons d'un département comptable ministériel depuis janvier 2004 - la trésorerie générale pour l'étranger préexistant, elle était toute désignée pour être le prototype du contrôleur budgétaire et comptable ministériel. Un comptable public est ainsi, pour la première fois, dédié à un ministère tout entier, ce qui le conduit à se sentir impliqué dans les procédures mises en œuvre par l'ordonnateur et à accompagner la modernisation. Bercy a voulu faire table rase de tous les dispositifs informatiques ministériels pour installer un système unique, mais la connexion ou l'interfaçage des outils métiers au nouveau système est à notre charge. La dictature de cet outil informatique unique se double de prescriptions comptables très détaillées et difficiles à assimiler. En administration centrale, nous nous débrouillons - nos délais de paiement ont été ramenés de quarante-cinq à douze jours - mais, à l'étranger, c'est un peu trop lourd : la norme doit-elle être identique ou peut elle être déclinée un peu différemment ? M. Éric Woerth, Rapporteur. Quels sont les principaux problèmes rencontrés à l'étranger ? M. Jean-François Desmazières. Les responsabilités sont éclatées. En dépit de la réforme comptable menée avec les ambassadeurs, ordonnateurs secondaires de l'État, les ordonnateurs secondaires délégués ne s'estiment pas vraiment tenus. Des conférences budgétaires sont organisées mais je serais incapable de vous décrire les dépenses de l'État dans tel ou tel pays ; il faudrait prendre son bâton de pèlerin et aller interroger quinze ministères. Nous commençons cependant à avoir connaissance de certaines données car nous avons construit l'application de gestion comptable pour distribuer les crédits à l'étranger, COREGE, qui nous permet une sorte d'espionnage informatique, à défaut d'un travail coordonné ! Il est difficile de faire de l'interministériel sans être l'objet de procès d'intention ; nous allons proposer, avec l'inspection générale des finances, que les ministères fassent transiter leurs crédits par un canal unique, tout en en gardant la responsabilité. M. Éric Woerth, Rapporteur : Si l'espionnage par le biais de COREGE pouvait également servir à informer le Parlement, ce serait une bonne idée... M. Jean-François Desmazières : C'est noté. J'ai découvert le système il y a quinze jours et je ne manquerai pas de l'exploiter. M. Yves Deniaud, Président : Pourquoi ne pas légaliser cet espionnage afin de connaître le volume global des dépenses de l'État dans chaque pays ? M. Jean-François Desmazières : Il serait tellement plus simple de se réunir une fois de temps en temps ! M. Yves Deniaud, Président : En tout cas, les obstacles techniques ont été levés. M. Éric Woerth, Rapporteur : Un accord nous contraint-il à pratiquer le même tarif de visa pour les États de l'Union européenne qui ne sont pas membres de Schengen et pour les États extérieurs à l'Union ? M. Jean-François Desmazières : La collectivité Schengen applique le même tarif au monde entier. M. Yves Deniaud, Président : Je vous remercie pour ces informations très complètes et enrichissantes. En application de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, des informations complémentaires seraient utiles à la MEC : la répartition des coûts du ministère en distinguant notamment les frais fixes, les charges de personnel et les crédits d'intervention ; des précisions, sur deux ans, concernant les biens immobiliers qui auraient vocation à être vendus prochainement, avec le taux du prix revenant au ministère ; des précisions, plus particulièrement, sur l'opération de cession de l'ambassade de France à Tokyo ; le coût du réseau et les instruments d'analyse de ce coût ; un schéma résumant les effets du service facturier ; des indications tirées de COREGE sur les coûts du réseau dans quelques grands pays. c) 12 heures : M. Bruno Sturlèse, chef du service des affaires européennes et internationales, ministère de la Justice et Mme Hélène Davo, chargée de mission au service des affaires européennes et internationales, ministère de la justice. Présidence de M. Yves Deniaud M. Éric Woerth, Rapporteur : Le ministère de la justice est le premier dont nous recevons des représentants, hormis celui des affaires étrangères. Pouvez-vous décrire votre réseau à l'étranger et les modalités du suivi assurées par l'administration centrale ? M. Bruno Sturlèse : Le réseau du ministère de la justice est peu étendu, comparé à ceux du ministère de l'intérieur ou du ministère de l'économie et des finances : il se limite à 82 personnes, essentiellement des magistrats de l'ordre judiciaire et des greffiers en chef, soit un peu plus de 1 % du corps de la magistrature. Le développement du réseau, assez récent, recouvre différentes réalités. Treize magistrats et trois greffiers en chef interviennent comme assistants techniques, détachés auprès du ministère des affaires étrangères, qui les paie et pilote leurs missions ; celles-ci consistent en de l'appui ou du soutien au profit du ministère de la justice local, dans un cadre bilatéral ou multilatéral. Vingt-sept personnes siègent dans les institutions internationales tels que, par exemple, la Commission Européenne, l'Office européen de lutte antifraude, l'unité de coopération judiciaire EUROJUST, la Banque mondiale, les instances de l'Organisation des Nations-unies, le Fonds monétaire international ou le Conseil de l'Europe. Dix-sept magistrats travaillent dans les juridictions internationales, la Cour pénale internationale, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ou la Cour de justice des communautés européennes. Enfin, treize magistrats de liaison, placés sous l'autorité de l'ambassadeur tout en étant implantés au sein du ministère de la justice du pays d'accueil, jouent le rôle de « facilitateurs » dans la diplomatie juridique, l'entraide répressive et civile, ce qui contribue plus globalement au dialogue politique. Ils préparent également les déplacements du garde des Sceaux et développent une approche comparative. Un homologue du pays d'accueil étant généralement envoyé en France, cette démarche de coopération se fait dans un esprit comparatif et irrigue les réflexions internes de chacun des partenaires. Le paysage est donc très diversifié et nous touchons toutes les zones du monde. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comment s'effectue le travail en commun avec le ministère des affaires étrangères ? Les treize magistrats de liaison sont-ils vraiment soumis à l'autorité de l'ambassadeur ? M. Bruno Sturlèse : Le Quai d'Orsay est très demandeur d'un développement de la fonction de magistrat de liaison, car celle-ci permet d'insuffler la culture judiciaire dans le réseau diplomatique. Au quotidien, cela se passe donc très bien : nos collègues appartiennent à l'équipe de l'ambassadeur, participent, en tant que chefs de service, aux réunions de service et à la rédaction des télégrammes diplomatiques. Des responsables du Quai d'Orsay participent aux réunions annuelles des magistrats de liaison. Mais, pour rester opérationnels et être en mesure de faire avancer les dossiers, ils gardent un pied dans l'administration du ministère de la justice. Toutes les décisions d'implantation sont prises en concertation étroite avec le Quai d'Orsay, en fonction d'orientations stratégiques partagées par les deux départements ministériels. Ces décisions font l'objet d'échanges de courriers entre les deux directeurs de cabinet. Il en a été ainsi, par exemple, pour la création prochaine d'un poste de magistrat de liaison en Pologne. Le magistrat de liaison qui vient d'être envoyé à l'ambassade de France à Zagreb s'intégrera également au sein du pôle interministériel de lutte contre la criminalité mis en place dans les Balkans et rayonnera sur onze pays. Sa lettre de mission a été cosignée par les deux ministres. Comme toutes les administrations ayant des agents français qui interviennent dans l'action diplomatique, nous contribuons aux dépenses de fonctionnement de l'ambassade. M. Éric Woerth, Rapporteur : Les postes d'assistance technique sont-ils permanents ou correspondent-ils à des missions à durée déterminée ? M. Bruno Sturlèse : Les missions, assises sur des supports budgétaires dédiés très précis, sont limitées dans le temps - généralement deux ans renouvelables. Pour les postes d'assistants techniques, nous travaillons encore plus en liaison avec le Quai d'Orsay car celui-ci les paie et ils sont placés sous le contrôle du service de coopération et d'action culturelle, le SCAC. Ainsi, l'assistant technique œuvrant auprès du ministre sénégalais est détaché sur un programme du fonds de solidarité prioritaire, le FSP et dépend du SCAC local. Nous avons ainsi remporté deux appels d'offres de l'Union européenne tendant à aider les Roumains à construire leur dispositif de justice des mineurs et à réformer leur code pénal : le travail des deux responsables est contrôlé et évalué sous l'autorité de l'ambassadeur, et il fait l'objet de télégrammes diplomatiques réguliers. M. Éric Woerth, Rapporteur : Combien cela coûte-t-il au ministère de la justice ? M. Bruno Sturlèse : Il paie ce qu'il met à disposition : l'ensemble du coût du personnel mis à disposition représente un montant de 3 461 000 euros. M. Éric Woerth, Rapporteur : De quels moyens administratifs les magistrats de liaison bénéficient-ils ? M. Bruno Sturlèse : Ils perçoivent un salaire plus des émoluments définis au niveau interministériel, qui recouvrent, d'une part, une indemnité de résidence et, d'autre part, une dotation de fonctionnement afin de régler à l'ambassade les factures d'électricité ou de chauffage, de rémunérer une secrétaire, d'acheter de la documentation, de recevoir et de payer des frais de déplacement. La somme varie en fonction de la zone et de la nature du poste ; les chiffres exacts pourront vous être communiqués pour plusieurs pays significatifs. M. Éric Woerth, Rapporteur : Avez-vous en tête des exemples de pays où le système fonctionne particulièrement bien ou au contraire - c'est même ce qui nous intéresse le plus - particulièrement mal ? M. Bruno Sturlèse : Ces missions sont difficiles à évaluer car leurs effets sont assez diffus, dans la mesure où il s'agit de présence et d'influence. Il n'en demeure pas moins qu'il est exclu de gaspiller nos efforts : ils doivent porter sur des missions pertinentes. Quand nous créons une école de formation « à la française » de la magistrature vénézuélienne, les résultats sont tangibles. De même, un de nos magistrats, codirecteur de la maison du droit franco-vietnamienne, a supervisé la rédaction du code civil, du code de commerce et du code de procédure civile, ce qui a créé un environnement juridique favorable à nos acteurs économiques, c'est-à-dire à nos exportations ; par la suite, pendant six mois, nous avons été moins présents, et les Américains et les Japonais ont participé à la rédaction de pans entiers de législation stratégiques. M. Éric Woerth, Rapporteur : Est-il déjà arrivé qu'un conflit humain oppose l'ambassadeur à un magistrat placé auprès de lui ? M. Bruno Sturlèse : Le réseau est petit et bien intégré au système du Quai d'Orsay ; en outre, les postes sont extrêmement recherchés et la sélection des candidats est draconienne. J'ai eu connaissance de missions qui n'ont pas bien fonctionné, mais je n'ai jamais dû ordonner un rapatriement d'urgence ! M. Éric Woerth, Rapporteur : Avez-vous entendu parler du comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger, le CIMEE ? Participez-vous à la préparation de la réunion qui a été annoncée ? M. Bruno Sturlèse : Le ministère de la justice sera représenté par son secrétaire général. M. Éric Woerth, Rapporteur : C'est important, car cette instance ne s'est pas réunie depuis dix ans ! Répondez-vous à l'enquête annuelle sur les moyens de l'État ? Mme Hélène Davo : L'an dernier, nous y avons répondu et nous préparons la communication des données 2005. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pourrez-vous nous communiquer la liste complète des postes de magistrats à l'étranger ? M. Bruno Sturlèse : Nous allons vous la remettre aujourd'hui même. M. Éric Woerth, Rapporteur : Je vous remercie. Auditions du 16 mars 2006 a) 9 h 30 : Mme Maryse Bossière, directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Présidence de M. Yves Deniaud M. Yves Deniaud, Président : Je me réjouis d'accueillir Mme Maryse Bossière. L'enseignement du français à l'étranger est un sujet qui m'intéresse personnellement beaucoup, l'expérience ayant montré que nous avons de gros efforts à accomplir pour au moins maintenir la position de notre langue, qui est pratiquée seulement par 3 % des habitants de la planète. Or il s'agit d'un enjeu capital, non seulement pour notre culture mais très largement aussi pour notre influence et pour notre poids économique. Mais je laisse sans plus tarder la parole à notre Rapporteur, M. Éric Woerth. M. Éric Woerth, Rapporteur : Je souhaite dans un premier temps que vous nous décriviez le réseau des établissements français à l'étranger ; que vous nous en indiquiez le coût ; que vous nous expliquiez la différence entre les établissements, éventuellement en donnant quelques exemples de ceux qui fonctionnent et de ceux qui fonctionnent moins bien. Nous pourrons ensuite en venir à la stratégie de développement que mène l'AEFE ; aux pays où l'implantation d'établissements scolaires vous paraît nécessaire ; aux relations entre cette stratégie et les autres réseaux du ministère des affaires étrangères. Je souhaiterais également que vous nous donniez votre opinion sur le réseau culturel au sens large, ainsi que sur les relations, au niveau de l'administration centrale comme sur le terrain, avec le réseau diplomatique : comment les choses se passent-elles ? Y a-t-il des possibilités de rationalisation et d'amélioration ? Mme Maryse Bossière : Aucun autre pays au monde ne dispose d'un réseau d'établissements d'enseignement à l'étranger comme le nôtre : 429 établissements, répartis dans 130 pays, accueillent ainsi 260 000 élèves. L'Agence gère, comme elle en a reçu mission par la loi de 1990, un réseau qui s'est constitué au fil du temps. Il est destiné à la fois à favoriser la scolarisation des enfants français à l'étranger ; à servir d'outil d'influence et de diffusion du français en scolarisant des enfants étrangers ; à participer à l'action de coopération du ministère des affaires étrangères, en particulier dans le domaine éducatif. Et il remplit ces trois objectifs en même temps, sans distinguer entre ses missions de scolarisation des élèves français et étrangers et de coopération éducative. C'est d'ailleurs ce mélange qui assure le succès du réseau, qui enregistre depuis dix ans 1 000 nouveaux élèves chaque année. Il s'agit pour l'essentiel d'enfants français, ce qui peut provoquer dans certains établissements un effet d'éviction des étrangers, nos capacités d'accueil n'étant pas extensibles à l'infini. En termes globaux, les enfants de nationalité française représentent 40 % du total des élèves ; nous sommes donc encore résolument tournés vers l'étranger et constituons un instrument très ciblé mais décisif de la francophonie. Sur les 260 000 élèves précédemment mentionnés, soit la population d'une académie, 160 000 sont scolarisés dans des établissements relevant plus précisément de l'Agence, 73 établissements lui appartenant et 178 ayant passé une convention avec elle. Les autres ont reçu une homologation, l'Agence se contentant de leur apporter un appui pédagogique, d'assurer la formation continue et de fournir des bourses aux élèves français. À l'exception de certains établissements prestigieux, comme le lycée de New York, ou de certains établissements appartenant à la Mission laïque ou à des congrégations religieuses, l'homologation concerne surtout des écoles primaires. Quelque 12 000 bacheliers sortent chaque année de nos établissements, dont 9 000 manifestent, en remplissant le dossier bleu d'inscription universitaire, le souhait de venir faire des études supérieures en France. Les statistiques ne nous permettent toutefois pas de connaître aujourd'hui le nombre exact de ceux qui poursuivent effectivement leurs études dans ces conditions. Cela devrait être possible dès que nous disposerons du numéro d'identification que le ministère de l'éducation est en train de mettre en place pour chaque élève. Nous estimons que plus de la moitié de nos bacheliers choisissent de faire des études en France, dont 1 500 dans des classes préparatoires, ce qui donne un taux d'accès exceptionnel à ces classes préparatoires, mais il est vrai que le taux de réussite au bac, de plus de 95 %, l'est aussi. Cela s'explique par l'excellence des enseignants et par la motivation particulière des élèves : ainsi les familles étrangères qui nous confient leurs enfants font un choix qui les engage fortement et l'on retrouve cette motivation tout au long de la scolarité. Les familles s'impliquent d'ailleurs activement dans la vie et la gestion des établissements du réseau. Ce dernier est en partie géré directement par l'Agence. Les 73 établissements en gestion directe sont souvent de grosses structures, implantées depuis longtemps dans un certain nombre de pays, notamment dans l'Union européenne. Nous avons aussi pris le relais d'établissements français installés pendant le protectorat au Maroc et en Tunisie ou sous le régime de l'administration française en Afrique subsaharienne. Les 178 établissements conventionnés sont pour l'essentiel gérés par les familles sous une forme associative et un esprit militant souffle en leur sein, qui permet de développer des enseignements novateurs et de qualité, notamment en langues. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comment les personnels sont-ils nommés dans des établissements en gestion directe ? Mme Maryse Bossière : Dans les 251 établissements relevant de l'Agence, en gestion directe ou par convention, nous mettons à disposition le personnel d'encadrement : le proviseur, ses adjoints, les CPE et un nombre assez important d'enseignants titulaires sont rémunérés par l'Agence. Cela concerne au total 6 000 personnes, détachées du ministère de l'éducation nationale. Ce sont des personnels salariés de l'Agence, titulaires sous contrat. Les locaux des établissements en gestion directe appartiennent le plus souvent au ministère des affaires étrangères et ne supportent pas de loyer. Pour les établissements conventionnés, la plupart des bâtiments appartiennent à l'association gestionnaire, mais il n'est pas rare qu'ils soient locataires de bâtiments publics appartenant également au ministère des affaires étrangères, cette fois à titre onéreux. Une modification très importante est en train de se produire puisque, en 2005, l'Agence s'est vu confier la gestion d'une partie du parc immobilier des établissements en gestion directe. Huit établissements ont ainsi été remis en dotation par arrêté conjoint des ministres chargés des affaires étrangères et des finances. D'autres devraient suivre. Il appartiendra donc à l'Agence d'assurer désormais les charges du propriétaire pour ces établissements. M. Éric Woerth, Rapporteur : Cela traduit une volonté de passer en gestion patrimoniale et on peut supposer que les crédits correspondants ont été transférés. Mme Maryse Bossière : Non, la charge a bien été transférée mais les crédits ne l'ont pas été, en raison des contraintes qui ont pesé sur la loi de finances pour 2006. Les 45 millions d'euros d'investissements immobiliers prévus au budget 2006 de l'Agence seront financés par prélèvement sur notre fonds de réserve et par emprunt. Le ministère des affaires étrangères a toutefois prévu d'assurer cette année le paiement d'une dizaine de millions d'euros pour des opérations d'investissements en cours de réalisation, en particulier pour le lycée de Milan et pour des travaux entrepris dans quelques autres établissements. En 2006, la nouvelle responsabilité de l'Agence n'a pu être exercée que par prélèvement sur ses fonds propres et nous ignorons bien évidemment aujourd'hui ce qui se passera en 2007. M. Éric Woerth, Rapporteur : J'imagine que le réseau ne change pas tous les jours, mais vous avez sans doute une stratégie d'ouverture et de fermeture d'établissements. Comment les choses se passent-elles concrètement ? Avez-vous des discussions avec le ministère et avec le réseau diplomatique ? Mme Maryse Bossière : Notre réseau se caractérise par sa permanence et n'est donc pas soumis à des mouvements rapides : beaucoup de nos établissements ont plus de cinquante ans et, quand nous acceptons un enfant à la maternelle, nous nous engageons, si nos structures le permettent, à le garder jusqu'au baccalauréat. Cela étant, nous avons effectivement une stratégie d'ouverture et notre réseau est en expansion, depuis une quinzaine d'années, en raison de la mobilité croissante de nos compatriotes. Cela nous a conduits ces six dernières années à ouvrir de nouveaux établissements là où les mouvements d'expatriés ont été importants. Nous enregistrons ainsi une augmentation rapide du nombre de nos établissements dans toute l'Asie du Nord et du Sud-Est. Alors que nous n'étions pas présents à Shanghai il y a dix ans, nous avons aujourd'hui un lycée qui reçoit de 50 à 100 nouveaux élèves chaque année. À Pékin, nous sommes passés de la structure d'une école d'ambassade à un lycée désormais à maturité, avec un nombre de nouvelles inscriptions équivalent. Nous avons connu le même phénomène à Singapour ; notre lycée à Hong-Kong se développe rapidement, de même que nos établissements au Vietnam, surtout dans la mesure où les autorités locales commencent à nous autoriser à accueillir des enfants vietnamiens. Nous continuons aussi à nous développer en Afrique du Nord et subsaharienne, avec la scolarisation d'enfants français, qui ont souvent la double nationalité, mais en assurant également la formation en substitution des systèmes scolaires locaux, à l'exception de la Tunisie, qui s'est dotée elle-même d'un système scolaire aujourd'hui très développé, même si nous accueillons aussi dans nos deux lycées de Tunis plusieurs milliers d'élèves. La croissance des établissements d'enseignement à programme français en Amérique du Nord est également rapide car notre modèle y est reconnu. Il s'agit toutefois surtout d'établissements homologués, le conventionnement étant difficile car la législation locale ne s'accommode pas du statut de résident de nos enseignants, c'est-à-dire de leur recrutement sur place en tant que contractuels rémunérés en France par l'Agence. Notre croissance est également forte en Europe de l'Est, où se développe la présence des entreprises françaises, mais aussi dans l'Union européenne en raison des efforts très importants que nous avons déployés ces quinze dernières années pour redéfinir le rôle de nos établissements : dans une zone proche du territoire national, nous disposons de systèmes scolaires de qualité où beaucoup de familles françaises sont installées, qu'un établissement soit semblable à ceux que l'on peut trouver à Bordeaux ou à Lille n'aurait pas grand sens. Nos établissements s'inscrivent donc dans un objectif d'intégration dans l'enseignement du pays hôte, et ils sont d'ailleurs de plus en plus fréquemment subventionnés par les autorités locales. En Allemagne, la plupart des écoles primaires ont le statut d'Ersatzschule, que les autorités reconnaissent, financent et inspectent, et nous fixons avec elles le contenu des programmes. Les enfants ont la possibilité de passer de notre enseignement à celui du pays partenaire. En terminale, l'Abibac est proposé : il s'agit d'une double certification, qui permet aux élèves d'obtenir à la fois un baccalauréat français et allemand. Un système similaire existe avec le Danemark et des discussions sont en cours avec la Pologne, l'Espagne et le Portugal. Le cofinancement est fréquent dans la plupart des pays d'Europe du Nord. Au total, nous élaborons dans nos établissements de cette zone un modèle qui pourrait préfigurer un futur enseignement européen, avec le souci de répondre aux besoins d'élèves souvent binationaux, et devenus ainsi biculturels. Enfin, il n'y a pas de zone géographique, proche ou lointaine, dans laquelle nous ne nous développions pas : même en Australie, le nombre d'établissements est en progression. Cette croissance peut être autofinancée et il ne devrait pas se poser de problème de financement pour l'Agence si nous ne sommes pas soumis par ailleurs à des transferts de charges brutaux. Jusqu'en 2005, l'équilibre entre la dotation de l'État et l'autofinancement a été assuré, comme le prévoit le plan d'orientation stratégique adopté par l'Agence pour la période 2003-2007 et approuvé par sa tutelle. En 2006 en revanche, l'agence a dû puiser dans son fonds de roulement non seulement pour assumer le transfert de la charge immobilière, mais aussi pour le paiement des rémunérations, sa dotation n'ayant pas été réajustée pour tenir compte des hausses liées à la revalorisation du point d'indice. Notre réseau est désormais effectivement fortement autofinancé, avec une enveloppe budgétaire de 324 millions d'euros pour un coût total d'environ 800 millions. L'essentiel de cet autofinancement provient des écolages. Cet autofinancement, puisqu'il se conjugue avec une croissance des effectifs élèves, n'entraîne pas pour autant une augmentation systématique des frais de scolarité : en effet, les élèves supplémentaires n'engendrent pas forcément un coût supérieur, s'ils viennent conforter les effectifs d'une classe faiblement chargée, alors qu'ils constituent dans ce cas une recette supplémentaire. M. Éric Woerth, Rapporteur : Vos nouveaux élèves sont essentiellement français. Mais, s'agissant des élèves étrangers, y a-t-il un lien entre vos effectifs et la présence des étudiants étrangers dans l'enseignement supérieur en France ? Quels sont vos rapports avec d'autres organismes comme Egide ou EduFrance ? Mme Maryse Bossière : L'augmentation du nombre d'élèves français est très nette : dans les établissements relevant directement de l'Agence, leur nombre est passé de 68 000 en 2000 à 71 500 en 2005, tandis que les effectifs globaux du réseau restaient stables. Nous avons toutefois pu recruter aussi de nouveaux élèves étrangers, cette stabilité cachant une contraction dans un pays et une progression dans nombre d'autres : nous avons « perdu » 4 500 élèves entre 2003 et 2005 : 3 000 à la suite de la fermeture de tous les établissements en Côte d'Ivoire, les autres essentiellement à cause des déconventionnements intervenus aux États-Unis en raison des problèmes de compatibilité entre les deux législations dont je vous ai parlé, déconventionnements qui n'ont pas entraîné, en réalité, la fermeture de ces établissements. M. Éric Woerth, Rapporteur : Je souhaite que vous nous fassiez parvenir un tableau de l'évolution des effectifs des élèves français et étrangers par zone géographique. Par ailleurs, qui décide de l'ouverture et de la fermeture d'un établissement ? Le conseil d'administration de l'Agence ? Mme Maryse Bossière : Je vous adresserai le tableau demandé. Les décisions d'ouverture et de fermeture sont effectivement prises à l'Agence, mais la demande vient essentiellement de nos ambassades qui estiment le nombre d'élèves scolarisés et lancent le processus de demande de création d'une école. Le plus souvent, il existe déjà une structure parentale qui, après avoir été en relation avec le CNED, a recruté un enseignant français et, l'ambassadeur constatant le besoin et les perspectives de développement possible, le processus d'homologation puis de conventionnement, peut se mettre en place et l'Agence intervenir directement. Sauf à Alger, où la réouverture du lycée résultait d'une volonté politique et répondait à la demande pressante des autorités, dans la plupart des cas c'est un mouvement spontané, relayé par les ambassades, qui est à l'origine de la création d'un nouvel établissement. M. Yves Deniaud, Président : Alors que le nombre de nos compatriotes vivant à l'étranger dépasse aujourd'hui un million, le chiffre de 68 000 jeunes Français scolarisés dans vos établissements me semble un peu faible. Mme Maryse Bossière : Nous ne savons pas exactement combien de Français vivent à l'étranger ni combien y ont emmené leurs enfants. En revanche, je vous transmettrai une étude de notre service des bourses sur les enfants d'âge scolaire inscrits dans les différents consulats, qui montre que nous scolarisons environ un quart d'entre eux. Malgré son développement important, notre réseau ne peut toucher tous les enfants, mais uniquement ceux dont les familles habitent dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres autour d'une grande métropole. Or il y a des pays, en particulier en Europe, où les Français sont installés sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, de nombreux éléments entrent dans la décision des familles, y compris françaises, de scolariser leurs enfants dans notre réseau. Pour beaucoup de familles binationales, notamment en Europe, le choix de l'enseignement français n'est pas automatique. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pouvez-vous revenir sur les étudiants étrangers en France et sur vos relations avec le ministère des affaires étrangères, Egide, EduFrance, ainsi qu'avec la Mission laïque ? Quels sont également vos liens avec le ministère de l'éducation nationale ? Mme Maryse Bossière : Quand EduFrance a une représentation proche du lycée, comme en Bolivie, la coopération est très fructueuse. Partout ailleurs, le système de placement de nos élèves dans les universités françaises se fait, assez naturellement, par l'entremise des chefs d'établissement. Les 1 500 élèves qui se destinent aux classes préparatoires sont informés en terminale de la façon dont le dossier doit être constitué, les autres étant aussi orientés directement à partir des établissements. Nous venons d'ailleurs de renforcer considérablement notre capacité d'appui à l'orientation en créant un service dédié au sein de l'Agence. Mais, globalement, nous faisons cela naturellement, comme dans un lycée situé en France. Nous avons toutefois souvent des difficultés à trouver un point d'accueil, en particulier en raison de l'inadaptation des lycées à classes préparatoires (dont les internats ferment souvent aux petites vacances) ou des universités à l'accueil des jeunes de 17 ou 18 ans venus de pays lointains. Nous entretenons avec le ministère des affaires étrangères une relation substantielle et quotidienne. En effet, nous ne pouvons pas gérer directement depuis l'Agence l'ensemble de notre réseau et nous avons besoin de l'intervention du ministère, en particulier de ses services culturels, dont l'implication est acquise. En fait, les conseillers culturels jouent en quelque sorte le rôle de supérieurs hiérarchiques de nos personnels sur place. Ce sont eux qui organisent les commissions de sélection des enseignants, qui notent les personnels, qui font le lien avec l'Agence quand des difficultés apparaissent. Nous sommes aussi en relation directe, quotidienne ou presque, en particulier par e-mail, avec nos proviseurs, qui sont des ordonnateurs secondaires dans les établissements en gestion directe. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quels sont les rapports entre le conseiller culturel et le chef d'un établissement en gestion directe ? Mme Maryse Bossière : Le conseiller culturel fait office d'inspecteur d'académie. Le proviseur est en contact direct avec l'Agence, mais c'est avec le service culturel qu'il gère les difficultés qu'il peut rencontrer avec les autorités locales et la communauté scolaire. Les relations avec les autorités locales passent ainsi par le chef du SCAC, le Service de coopération et d'action culturelle. Nos établissements sont aussi l'endroit où se centralise toute la vie de la communauté française à l'étranger. Il peut y avoir des tensions entre parents, enseignants et personnels d'encadrement : ceci est géré en tout premier lieu par le chef du SCAC. Si l'Agence est sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, elle est aussi sous celles du ministère des finances et de celui de l'éducation nationale. Ce dernier nous donne nos personnels en acceptant de détacher 6 000 agents ; il gère leurs carrières pendant leur détachement ; il homologue les établissements ; il nous aide à mettre en place et valide les innovations pédagogiques ; il organise avec nous le baccalauréat et pourvoit à la formation continue des enseignants et à leur inspection. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comment les choses se passent-elles ? Disposez-vous de plus en plus de personnel pour faire face à votre développement ? Mme Maryse Bossière : Pendant dix ans, l'Agence n'a pas pu disposer d'un enseignant de plus, ce qui lui posait d'importants problèmes puisque nous ne pouvons échapper à l'obligation, chaque fois que nous avons 25 élèves de plus, de les confier à un enseignant supplémentaire. Cela nous a amenés à multiplier les recrutements locaux de personnels non titulaires, ou qui ont dû abandonner leur qualité de titulaire ; ceci a pu nuire parfois à la qualité de l'enseignement ou, lorsqu'il s'agissait de titulaires, créer des difficultés de coexistence entre personnels à statut différents. Ces dernières années, il a heureusement été accepté que l'Agence dispose de postes supplémentaires : 20 postes de résidents enseignants ont ainsi été inscrits au budget 2005 et 50 cette année. En contrepartie de cette réponse à sa demande pressante, l'Agence s'est engagée à ce que cela ne coûte rien à l'État, ces postes ayant été entièrement remboursés par les établissements sur leurs ressources propres. M. Éric Woerth, Rapporteur : Combien de recrutés locaux se trouvent-ils devant les élèves ? Mme Maryse Bossière : Je n'ai pas ici le nombre exact des enseignants recrutés locaux. Au total, le réseau compte environ 18 000 recrutés locaux si l'on inclut les personnels administratifs et de service, mais je vous en communiquerai la ventilation. Les recrutés locaux y compris enseignants sont nécessaires notamment pour les remplacements mais aussi pour assurer certains cours dans la langue du pays d'accueil, par exemple. Certains sont d'ailleurs mis à disposition par les autorités locales, comme les professeurs d'arabe au Maroc. Mais nous avons vraiment souhaité, ces dernières années, privilégier le recours aux postes de résidents. La Mission laïque scolarise environ 12 000 élèves ; elle est implantée dans plusieurs pays, en particulier au Liban, au Maroc et en Espagne. Nous entretenons une relation de complémentarité avec la Mission laïque, allant jusqu'au conventionnement de la plupart des établissements au Liban, qui a pour conséquence que les personnels titulaires relèvent de l'Agence. En Espagne, deux établissements de la Mission laïque sont conventionnés. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quel regard portez-vous sur l'ensemble du réseau culturel dont vous faites partie et sur la présence culturelle de notre pays à l'étranger ? Mme Maryse Bossière : Même si j'ai fait l'essentiel de ma carrière au contact des établissements culturels, je n'ai pas compétence dans les fonctions qui sont les miennes aujourd'hui d'évaluer d'autres dispositifs que le dispositif scolaire à l'étranger. Je puis toutefois vous indiquer que les liens entre le réseau culturel et nos établissements sont très forts, que les manifestations des centres culturels sont relayées par les établissements scolaires, qui accueillent par ailleurs, en dehors des heures de classe, un certain nombre de leurs activités, en particulier des cours de langue organisés par les établissements culturels. Les élèves étrangers passent souvent le DELF, Diplôme d'Études en Langue Française, et le DALF, Diplôme Approfondi de Langue Française, et les examens sont parfois organisés dans nos établissements. Quand les manifestations culturelles leur sont adaptées, nos élèves y participent activement. Ils fréquentent beaucoup les bibliothèques et profitent de l'ensemble des possibilités offertes par les centres culturels et les alliances françaises. On peut donc parler d'une osmose assez grande entre nos réseaux. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pouvez-vous faire une brève description des autres réseaux étrangers, qui sont, d'une certaine façon, en compétition avec nous pour la scolarisation des enfants autochtones ? Mme Maryse Bossière: Le plus proche du nôtre est le réseau allemand, mais il est trois fois moins développé. Ses principales difficultés tiennent au fait que l'enseignement à programme allemand bénéficie d'une moins grande notoriété. Par ailleurs, l'enseignement scolaire n'étant pas une compétence fédérale, chaque établissement doit répondre au programme éducatif d'une région particulière. Les tarifs pratiqués sont à peu près les mêmes que les nôtres. Tout ceci fait que les Allemands ont développé à côté des lycées allemands de l'étranger un dispositif allégé dans lequel un enseignant donne simplement des cours de langue, d'histoire et de civilisation à destination d'enfants germanophones, dans des établissements scolaires du pays d'accueil. Leur action répond dans ce cas à une demande de leurs ressortissants plus qu'à un objectif de rayonnement. Les Britanniques n'ont pas vraiment de réseau, mais des écoles installées dans un certain nombre de pays, souvent pour des raisons historiques. Ces établissements se caractérisent par un autofinancement complet et les frais de scolarité y sont très élevés. En dehors de quelques pays, il n'y a pas véritablement de concurrence avec nos établissements. Le réseau américain est encore différent. Il n'est pas présent dans tous les pays, loin s'en faut. Les tarifs sont trois à quatre fois supérieurs aux nôtres, mais pour des prestations différentes puisque les enseignements sont souvent dispensés sur des campus de plusieurs hectares en dehors des centres-villes, avec de grands espaces sportifs et, pour reprendre le vocabulaire des élèves, un enseignement plus « cool ». Ces établissements attirent incontestablement un public, mais un peu différent du nôtre. En fait, dans un certain nombre de pays, les classes les plus riches de la société fréquentent les écoles américaines tandis que nous attirons un public de professions libérales, de hauts fonctionnaires, d'enseignants du supérieur et d'artistes. Dans la mesure où nous ne scolarisons pas le même public et où nous ne pratiquons pas le même tarif, on ne peut pas vraiment parler de concurrence. Il existe aussi des universités américaines dans certains pays et il arrive que nos propres élèves fassent le choix d'y poursuivre leur scolarité. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quels sont les dossiers sur lesquels vous travaillez actuellement ? Quelles sont les difficultés particulières que vous rencontrez ? Mme Maryse Bossière : Dans un réseau comme le nôtre, il ne se passe pas une journée sans que nous ayons à régler un problème dans un établissement. Mais c'est le lot de toutes les académies. Sur le plan pédagogique, ce qui nous préoccupe c'est d'aller au bout de ce que prévoit notre plan d'orientation stratégique, en particulier l'ouverture la plus complète possible des établissements vers les pays où ils sont installés. Dans ce cadre, nous sommes en train d'achever le lourd travail, engagé depuis plusieurs années, d'aménagement de tous les programmes d'histoire et géographie. Nous modifions aussi en profondeur notre approche des langues. Depuis six ou sept ans, l'étude de la langue du pays d'accueil est obligatoire et nous sommes actuellement en phase d'évaluation. Surtout, nous sommes en train d'introduire résolument dans nos établissements un enseignement de l'anglais assez différent de ce qui se fait en France, avec l'objectif que les enfants soient capables de s'exprimer couramment dans cette langue, à l'oral comme à l'écrit, à la fin de leurs études secondaires. Nous répondons ainsi à une forte demande de notre public. Nous commençons par ailleurs à réfléchir à la possibilité d'ouvrir dans nos établissements quelques classes préparatoires, essentiellement scientifiques et commerciales, en lien avec des classes préparatoires françaises. L'idée est de fidéliser nos élèves à bac+1 et bac+2 et d'éviter que les parents renoncent à engager leurs enfants dans cette voie parce qu'ils les jugent trop jeunes pour les envoyer à l'étranger. Qui plus est, en France, les établissements disposant de classes préparatoires ne sont pas toujours adaptés à ce public, en particulier parce que les internats ferment le week-end et pendant les petites vacances. M. Éric Woerth, Rapporteur : Vous n'avez pas de problème particulier d'implantation par rapport au développement récent de la communauté française à l'étranger ? Mme Maryse Bossière : La tension est très forte au Maroc, notamment à Marrakech et à Casablanca, en raison d'une croissance exponentielle de la demande pour des enfants marocains et franco-marocains. Nous essayons de répondre à cette demande avec la Mission laïque, mais nous avons beaucoup de mal. Ailleurs, chaque fois qu'il existe une demande réelle, nous nous efforçons d'y répondre et nous ne rencontrons pas de difficulté particulière, si ce n'est peut-être à Londres où le coût et la rareté du foncier rendent toute opération d'extension extrêmement difficile. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quelle est la situation en matière d'immobilier ? Mme Maryse Bossière : Nous sommes en train, à la demande du ministère, de développer fortement notre capacité d'investissement. Les 45 millions d'euros prévus en matière d'investissement sont destinés à l'achat du terrain et à la construction de bâtiments pour le nouvel établissement de Munich, à la construction du nouveau lycée de Dakar et à la mise aux normes de sécurité des nombreux établissements qui n'y sont plus, comme à Vienne, Madrid, Barcelone, Rome, au Maroc ou en Tunisie. Le ministère des affaires étrangères nous ayant également demandé de réfléchir à des financements innovants, nous réfléchissons à la possibilité d'acquérir et de construire des établissements en partenariat dans un certain nombre de villes, comme Le Caire, Madrid, Tokyo et Londres. M. Yves Deniaud, Président : Madame, je vous remercie. b) 10 h 30 : Philippe Étienne, directeur général de la coopération internationale et du développement, ministère des affaires étrangères. Présidence de M. Yves Deniaud M. Yves Deniaud, Président : Je vous souhaite la bienvenue. La coopération est une grande politique de notre pays depuis une quarantaine d'années. Elle a subi un certain nombre de vicissitudes mais reste un élément très important de la présence française à l'étranger, y compris financièrement, et notre mission d'évaluation et de contrôle ne saurait être indifférente aux résultats obtenus au regard des sommes engagées. Cette politique s'inscrit aussi dans l'évolution générale des rapports entre le Nord et le Sud et il est donc particulièrement intéressant de voir quelle est dans ce mouvement la place de la France, qui dispose en la matière d'une culture ancienne. M. Éric Woerth, Rapporteur : Peut-être pourriez-vous commencer par décrire le réseau de la DGCID, vos priorités, vos implantations et indiquer si ce dispositif est conforme aux objectifs de notre pays quant à sa présence dans le monde. L'idée générale est d'essayer de mieux comprendre ce qui préside à l'action de la DGCID et de mieux comprendre son organisation, qui peut parfois paraître complexe, notamment en ce qui concerne le réseau culturel et, dans une moindre mesure, le réseau scientifique. Peut-être souhaiterez-vous nous indiquer également les problèmes que vous rencontrez dans les différentes zones géographiques ainsi que les relations avec les autres réseaux et les autres établissements français présents à l'étranger. Vous l'aurez compris, l'objectif de notre mission est d'essayer d'apprécier la rationalité de ce réseau. M. Philippe Étienne : Je suis venu avec Jean-François FITOU, chef du service des moyens et du réseau. Notre réseau a une longue histoire qu'on pourrait faire remonter à 1883, année de création de l'Alliance française ou à 1922, année de création de l'Association française d'action artistique ; le Service des œuvres, ancêtre de la DGCID, étant, quant à lui, apparu entre les deux guerres mondiales. Notre structure actuelle date de 1998, moment de la fusion entre les ministères de la coopération et des affaires étrangères, qui a permis de placer sous l'appellation « coopération internationale » nos réseaux d'aide au développement ainsi que de coopération culturelle, scientifique et universitaire. Un nouvel organigramme a été publié au Journal officiel la semaine dernière. Dans ce cadre, nos quatre métiers sont la politique d'aide au développement, la coopération culturelle, la coopération scientifique et universitaire, l'audiovisuel extérieur. À cela s'ajoutent deux missions transversales d'appui aux actions internationales des ONG et à la coopération décentralisée menée par les collectivités locales françaises. Nous sommes de moins en moins organisateurs de projets de coopération et nous travaillons de plus en plus avec des opérateurs. Vous venez de recevoir la directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui est un de ces principaux opérateurs, j'ai déjà parlé de l'Alliance française et de l'AFAA, on pourrait citer aussi l'Agence française de développement, EGIDE, EduFrance ou encore l'Association pour la diffusion de la pensée française. Notre réseau mondial passe d'abord par les ambassades dans lesquelles nous comptons 154 services de coopération et d'action culturelle. Notre réseau scientifique est très important et nous essayons de le redynamiser grâce à une vingtaine de conseillers autonomes et d'attachés pour la science et la technologie implantés dans les pays où cela se justifie comme le Canada, les États-Unis, Japon, la Chine, la Russie, l'Inde et les principaux pays européens. Ils jouent aussi un rôle pour notre présence économique, rôle qui devrait s'accroître dans le cadre des pôles de compétitivité et des regroupements d'organismes de recherche et d'enseignement supérieur. Quand j'étais conseiller de coopération à Moscou, de 1991 à 1994, j'étais responsable pour les échanges scientifiques, technologiques et spatiaux. Depuis, on a créé un poste de conseiller autonome pour la science et la technologie. Cela montre que nous sommes pragmatiques et que nous nous adaptons à l'importance du pays dans ces domaines. Notre réseau, ce sont aussi les 153 centres et instituts culturels ainsi que les 220 Alliances françaises soutenues par le ministère des affaires étrangères. Je reviendrai si vous le souhaitez sur les liens entre les deux réseaux. Nous avons aussi 27 instituts français de recherche en sciences sociales et humaines. Les opérateurs avec lesquels nous travaillons ont aussi des implantations à l'étranger. Ainsi, l'Agence française de développement compte 33 agences. En ce qui concerne notre stratégie d'implantation, il faut distinguer plusieurs zones : les pays développés, les pays émergents et les pays les plus pauvres. Les pays développés relèvent d'un programme spécifique intitulé « Rayonnement culturel et scientifique » au sein de la nouvelle maquette budgétaire. En leur sein, il faut distinguer l'Union européenne des autres pays développés. Aux États-Unis et au Japon, nous avons besoin d'une présence adaptée, relativement forte, dans une logique d'attractivité pour les élites et de soutien aux établissements universitaires et scientifiques, mais aussi d'appui à la diffusion de la création culturelle française contemporaine. En Europe, notre présence est traditionnellement forte, mais elle doit être redéployée. Ainsi nous sommes passés en Europe occidentale de 52 centres culturels en 1999 à 35 aujourd'hui. 12 ont été fermés en Allemagne et il en reste 11. Nous allons continuer dans cette voie. Il y a ainsi une certaine convergence avec l'évolution des réseaux consulaires et économiques. Nous avons en revanche besoin de nous déployer et d'être actifs dans les pays émergents d'Asie et d'Amérique latine ainsi qu'en Russie et en Turquie. Nous développons donc de nouveaux réseaux en Chine, en Russie, en Ukraine, la plupart du temps sous la forme d'Alliances françaises, en mobilisant une partie des économies réalisées sur l'ensemble du réseau, le reste étant absorbé par les restrictions budgétaires. Le rôle de nos centres culturels et de nos Alliances françaises va au-delà de l'enseignement du français : ce sont de très importants médiateurs auprès des élites et ils contribuent au rayonnement de notre pays, ce qui a aussi des implications matérielles. En effet, attirer l'élite, en particulier des affaires, vers la culture française, c'est augmenter les chances de renforcer notre présence économique. Vis-à-vis des pays les moins avancés, en particulier d'Afrique subsaharienne, notre réseau a un rôle complètement différent. Nos établissements sont essentiellement des vecteurs de diffusion culturelle, y compris pour les artistes locaux et régionaux. Souvent, le centre culturel français est le lieu principal, voire unique, de création et de diffusion culturelles, grâce auquel les artistes africains ont accédé à une notoriété et à des marchés mondiaux. Même dans des pays à revenu intermédiaire, tel le Maroc, nos centres culturels ont permis de créer des festivals et de prendre au départ en charge des événements nationaux comme à Tanger. Au sujet de la place de notre dispositif culturel vis-à-vis de nos autres réseaux, en particulier consulaire et économique, je crois que l'on a trop tendance à considérer notre réseau culturel comme autonome. J'ai été ambassadeur de France en Roumanie, où quatre centres culturels et quatre Alliances françaises marchent bien. À Timisoara, dans une région en pleine expansion, avec 10 à 15% de croissance, qui attire énormément d'entreprises, notre centre culturel, c'est une petite école pour les expatriés d'Alcatel, c'est aussi le soutien aux entreprises françaises qui viennent sur place. Cela montre que le centre culturel est bien, là où il n'y a pas d'autre implantation, le support de la présence française. Cette présence prend aujourd'hui la forme plus élaborée des « consulats d'influence », qui regroupent les fonctions consulaires, diplomatiques et culturelles. Nous en avons une quinzaine, dont dix en Europe, comme Hambourg et Cracovie, et on voit bien qu'ils s'inscrivent dans la logique des postes d'influence et que cette influence est essentiellement culturelle. L'autre aspect est le lien avec les institutions multilatérales et les entreprises. Nos instituts culturels sont de plus en plus tournés vers les partenariats, et nous les encourageons à développer des opérations avec des entreprises françaises, ainsi qu'avec des acteurs multilatéraux. M. Éric Woerth, Rapporteur : S'agissant des réseaux culturels, comment se répartissent les moyens ? Comment les résultats sont-ils évalués ? Nous avons bien compris le principe de la priorité par zone de pays, mais comment cela se passe-t-il sur le terrain ? On a l'impression d'une sorte de foisonnement et de déperdition d'énergie. Le dispositif culturel, probablement assez coûteux, ne semble pas toujours concourir de manière optimale au rayonnement de la France. Mais peut-être sommes-nous un peu pessimistes... Quelles sont les priorités ? Comment s'articulent les relations entre les différents organismes participant à cette coopération culturelle ? M. Yves Deniaud, Président : Comment mieux fonctionner, mieux s'accorder ? M. Philippe Étienne : Cette impression de foisonnement est souvent exprimée, ce qui justifie que nous nous attachions à supprimer les doublons lorsque, dans certaines villes, se trouvent une Alliance française et un centre culturel, en général au profit des Alliances, sauf quand il est plus intéressant juridiquement ou financièrement de conserver l'institut culturel. On a ainsi gardé l'Alliance française à Gênes, mais le centre culturel à Rome. Nous réfléchissons au problème de Lisbonne, où le cas de figure se présente. À Nairobi, on a supprimé le centre culturel au profit de l'Alliance française. Dans la plupart des cas, on crée une entité unique là où il y en avait plusieurs. Il arrive, pour des raisons notamment juridiques, de regrouper deux institutions sous un même toit, chacune ayant son propre domaine d'action, mais ce n'est pas l'option que l'on préfère généralement. M. Éric Woerth, Rapporteur : Je croyais que l'Alliance française avait en charge les cours de français, et les centres culturels l'organisation de manifestations diverses. Est-ce le cas ? Par ailleurs, peut-on parler indifféremment de centre culturel et d'institut culturel ? M. Philippe Étienne : Oui, c'est la même chose. Par ailleurs, les Alliances françaises sont polyvalentes aujourd'hui et assurent différentes missions de base. De l'extérieur, il peut être difficile de comprendre la présence d'une Alliance française et d'un centre culturel dans un même pays. On y réfléchit, et sur l'initiative du ministre des affaires étrangères, on s'efforce d'introduire plus de lisibilité à Paris et à l'étranger. Les Alliances diffèrent des centres de par leur statut. Les centres culturels n'ont pas d'autonomie juridique, mais ont une autonomie financière et dépendent de l'ambassade, alors que les Alliances ont une véritable autonomie juridique, de droit local, et nous entretenons avec elles des rapports de contractualisation, en versant des subventions et en détachant des personnels dans certains cas. Par ailleurs, dans les pays où le système fonctionne bien, les Alliances françaises ont en général un rayonnement plus grand que les centres culturels, car elles sont entourées de comités de personnalités locales. La culture donne l'impression d'être un domaine étroit, notamment parce que l'opérateur principal du ministère des affaires étrangères, l'Association française d'action artistique, promeut la création contemporaine française. Nous n'avons pas forcément les moyens de faire voyager des ambassadeurs comme la Comédie française ou le ballet de l'Opéra de Paris - et ce n'est d'ailleurs pas notre rôle, même si nous l'avons parfois fait, par exemple pendant l'année de la France en Chine - mais nous sommes plus légitimes faisant voyager des créateurs ou des auteurs qui, sans nous, n'auraient pas l'occasion de faire ces déplacements, faute de notoriété. D'où cette impression que l'on sélectionne des gens un peu « bizarres », que les ambassadeurs voient arriver avec inquiétude car ils craignent la réaction du public, surtout dans les pays où la tradition est assez rigide. Cela n'empêche pas les grands événements. Nos ambassadeurs sont devenus de plus en plus des spécialistes de « montage » de grands projets français. On organise des festivals français en Asie, et l'ambassadeur s'en occupe directement avec les grands chefs d'entreprise français, la plus grande partie des coûts étant couverte par le mécénat. S'agissant du coût, en 2005, 65 millions d'euros de subventions ont été versés aux 153 centres et instituts culturels, et 41 millions aux 542 agents expatriés. 12 millions d'euros de subventions ont été versés aux Alliances françaises, et 29 millions à leurs 328 agents expatriés. Le réseau culturel représente donc au total 147 millions d'euros, pour 500 000 étudiants français, 500 000 lecteurs inscrits dans les médiathèques et 12 000 manifestations culturelles. S'agissant des centres culturels, le taux d'autofinancement moyen au niveau mondial est de 50,61 %, hors coût expatriés - le taux passe à 62 % environ dans les pays développés. Les cours de français, au niveau mondial, sont financés à 101 %, hors coût expatriés, dans les centres, et ce mouvement est à la hausse à la suite de notre action en faveur de la professionnalisation des activités de marketing. D'autres activités ne sont pas autofinançables, sauf par le recours au mécénat, qui est aussi de plus en plus important. Les cours de français représentent la première priorité, avec trois principes clés - professionnalisation des activités de marketing, spécialisation par zone géographique et selon le public, coopération avec les universités et les autres acteurs (associations de professeurs de français, ...). La mission culturelle est la deuxième priorité, avec l'organisation d'événements et la diffusion de la création française. L'autofinancement y est beaucoup plus difficile. Troisième priorité : l'attractivité. Les centres jouent de plus en plus le rôle de supports pour les centres pour les études en France, comme ceux créés à Shanghai et Pékin, au Vietnam, dans les pays du Maghreb et au Sénégal. Les centres culturels abritent notamment la trentaine de bureaux dont dispose Edufrance à l'étranger. Il est très important d'attirer les meilleurs étudiants, les meilleurs chercheurs. Quatrième priorité, le débat d'idées. Nous devons par exemple conserver notre implantation culturelle dans les pays d'Europe occidentale, tout en changeant de philosophie. Le débat d'idées peut consister à faire venir des conférenciers de France pour participer au débat local, ou à diffuser des livres en travaillant avec des traducteurs et des éditeurs. Nous avons aussi créé le fonds d'Alembert, que nous avons doté de 200 000 euros, afin de subventionner chaque année les meilleurs projets de colloques, sélectionnés par un jury. Nous avons également créé un fonds, doté de 600 000 euros, pour financer des manifestations culturelles franco-allemandes. M. Éric Woerth, Rapporteur : Est-il nécessaire d'avoir un réseau culturel aussi développé en Europe ? M. Philippe Étienne : Il faut bien distinguer l'Europe des quinze de l'Europe des vingt-cinq. La situation des nouveaux États membres est en effet différente, et nous avons intérêt, pendant quelques années encore, à conserver une présence plus traditionnelle dans ces pays, ne serait-ce que pour poursuivre les programmes que nous y avons lancés au moment de la préparation de ces pays à l'adhésion. Le ministre tchèque des affaires étrangères, il y a quelques semaines, a ainsi voulu que ses diplomates apprennent le français. En revanche, dans l'Europe des quinze, nous poursuivons notre politique de rationalisation. Nous fermons le centre de Séville cette année, et d'autres centres sont encore en examen. Nous sommes en plein redéploiement. M. Éric Woerth, Rapporteur : Que s'est-il passé à Vienne ? M. Philippe Étienne : Nous avons fermé les centres de Graz et Linz les années précédentes et nous avons décidé de fermer cette année, à Vienne, le centre de cours de langue. L'objectif est ainsi de passer de l'enseignement de cours de français général à des cours de français plus spécifiques. Ce n'est plus toujours la peine, pour un institut français, en Europe, de délivrer des cours de français classiques, sauf dans certains cas spécifiques. La fermeture du cours de français, langue générale, apparaissait d'autant plus justifiée à Vienne que les pertes financières étaient très importantes. Je ne sais pas comment les choses se sont passées sur place, mais je constate que chaque fois que l'on veut fermer une structure en Europe, c'est la révolution, même s'il s'agit de doublons ! M. Éric Woerth, Rapporteur : Et quelle a été la conclusion à Vienne ? M. Philippe Étienne : Nous avons maintenu notre décision de fermer le centre de cours de français général - pas le bâtiment en lui-même, mais l'activité, ce qui se traduit par des licenciements. Fermer un centre culturel coûte cher la première année, voire la deuxième, du fait des licenciements. Il n'y a d'économie qu'à moyen terme, et c'est une des raisons pour lesquelles nous pouvons rencontrer des problèmes financiers, car nous devons financer une fermeture sur des crédits qui eux-mêmes baissent. M. Éric Woerth, Rapporteur : Avez-vous la liste des fermetures et des économies réalisées ? M. Philippe Étienne : Elle est en cours, avec la liste de toutes les programmations de tous les centres culturels depuis dix ans. C'est un gros travail. M. Éric Woerth, Rapporteur : Je n'en demandais pas tant, vous exagérez notre côté technocratique... Quand vous dites « fermeture », s'agit-il d'une véritable fermeture, ou simplement de la poursuite de l'action par d'autres moyens ? M. Philippe Étienne : Cela dépend. À Gênes, nous avons gardé une Alliance française. En Allemagne, nous avons essayé de maintenir notre présence, mais dans d'autres structures, comme les universités. En général, on ferme le bâtiment, mais vous n'imaginez pas la pression à laquelle on peut être soumis, de la part même de parlementaires, en de telles circonstances, ni la quantité de courriers que l'on peut recevoir... M. Éric Woerth, Rapporteur : Nous l'imaginons très bien. M. Philippe Étienne : Je reconnais que l'on bouleverse ainsi les habitudes des gens, qui avaient coutume de se rendre au centre culturel, à la bibliothèque, à la médiathèque. Leur réaction est légitime. En tout état de cause, on essaie de ne pas donner le sentiment qu'on retire le drapeau, en contractualisant avec une association, par exemple. M. Éric Woerth, Rapporteur : Et dans les nouveaux pays membres ? M. Philippe Étienne : Pour l'instant, nous n'y avons rien fermé, car la diffusion de la langue française est un enjeu d'influence. Parce que l'utilisation du français est en baisse à Bruxelles, nous tenons à maintenir ces programmes que l'on finance d'ailleurs avec nos partenaires de la Francophonie. Les opérateurs sont bien souvent nos centres culturels, car c'est la structure juridique et financière la plus adaptée. Nous n'avons pas intérêt à les fermer aujourd'hui dans des pays comme la Pologne, la République Tchèque ou la Slovénie. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quels sont les rapports entre les SCAC et les instituts ? M. Philippe Étienne : C'est là toute la question du pilotage de l'ensemble, qui est posée d'abord au niveau local. L'ambassadeur est le chef de l'équipe, et il préside le conseil d'orientation, lieu d'élaboration de la stratégie de la politique culturelle, d'évaluation des actions et de coordination de tous les acteurs. Le conseiller culturel est d'abord le conseiller de l'ambassadeur pour l'élaboration de cette stratégie, mais on sait par expérience que s'il y a un conseiller à l'ambassade et un directeur d'institut qui mène sa propre politique, il peut y avoir des heurts - quand ils ne font pas le même travail ! Aussi arrive-t-il assez souvent que le conseiller soit aussi le directeur de l'institut, ce qui permet de réaliser des économies et d'assurer une certaine cohérence. Il reste que le choix de la personne est plus difficile, car les deux postes ne requièrent pas les mêmes qualités. Alors que l'on demande à un directeur d'institut d'être un bon gestionnaire et d'avoir un certain rayonnement, avec un carnet d'adresses bien rempli, le conseiller est un diplomate. Une fois encore, tout dépend des situations. Dans certains pays très importants, on peut avoir un conseiller et un directeur d'institut dans la même ville lorsque c'est justifié, comme par exemple, à Prague ou Moscou. M. Éric Woerth, Rapporteur : Vous avez donc plutôt la volonté d'aller vers un poste unique ? M. Philippe Étienne : Oui, dans la capitale du pays du moins, car il peut aussi exister des instituts en province. Mais une nouvelle fois, nous essayons de ne pas être trop idéologiques et d'analyser les situations au cas par cas, d'où peut-être cette impression de manque de lisibilité. M. Éric Woerth, Rapporteur : La culture, c'est aussi un certain rayonnement. Y a-t-il des rapports avec la mission économique ? M. Philippe Étienne : Les conseillers culturels, en général, sont aussi en relation avec les entreprises et la mission économique. On le voit à plusieurs niveaux, à commencer par la coopération universitaire. Nous développons des programmes de bourses, avec les entreprises françaises, pour attirer les élites étrangères. Il est évident que, dans une ambassade, le choix d'une stratégie dépasse le conseiller culturel, même s'il reste l'opérateur. Il doit en discuter sous l'égide de l'ambassadeur, dont c'est la responsabilité, avec la mission économique et les entreprises françaises, qui donnent leur avis et participent. Il y a de nombreux cas de programmes de bourses cofinancés. L'apprentissage de la langue française est un deuxième exemple. Lorsque j'étais ambassadeur de France en Roumanie, Renault, qui était un gros investisseur, faisait donner des cours de français à ses cadres roumains dans les Alliances françaises et les instituts. C'est un lien très fort. Les entreprises françaises sont bien contentes de trouver des centres sérieux et de qualité, tandis que nos centres culturels en tirent des ressources. L'image compte aussi beaucoup. Quand on monte un grand spectacle français, un festival, on ne va pas simplement demander un chèque à EDF, une politique de communication est élaborée ensemble. On associe nos entreprises à nos manifestations culturelles, parce qu'il y va d'un intérêt commun, l'image de la France. Le conseiller culturel, ici aussi, joue un rôle de liaison avec les conseillers économiques et le milieu des entreprises, de plus en plus important. Dernier exemple, les lycées français à l'étranger. Les conseilleurs culturels jouent un peu le rôle d'inspecteurs d'académie, mais également d'agents de liaison avec les entreprises qui sont directement intéressées à l'existence et au développement de nos lycées pour leurs expatriés, parfois aussi pour les enfants de leurs collaborateurs locaux. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quelles sont vos relations avec les opérateurs ? M. Philippe Étienne : Je ne vais pas parler de l'AEFE que vous venez d'entendre. L'AFAA n'est pas responsable pour le livre et le cinéma, mais elle l'est pour tout le reste. L'ADPF - Association pour la diffusion de la pensée française - est l'opérateur du ministère pour le livre et les idées. Concernant le cinéma, nous avons une convention avec Unifrance, qui est l'organisme des professionnels. Il est vrai que l'AFAA est notre principal opérateur - c'est même l'opérateur principal des saisons culturelles étrangères en France. Elle est sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture et de la communication - et en général, tout se passe bien. On regrette simplement de donner parfois l'impression, comme vous l'avez soulevé, de faire un peu d'élitisme, voire d'ésotérisme, et de coûter cher, ce qui est faux. L'AFAA a développé des programmes régionaux - théâtre et art de la scène en Amérique latine, par exemple. Des réunions sont organisées au niveau régional entre les attachés culturels, les directeurs d'institut, l'AFAA, les représentants des ministères une fois par an, pour faire de la programmation. L'AFAA propose un spectacle, les instituts et Alliances se montrent ou non intéressés, et on organise des circulations régionales des spectacles. Je ne crois pas qu'il y ait de concurrence sur le terrain. Les scientifiques et le CNRS ne sont pas des opérateurs sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, sauf l'IRD et le CIRAD. Nous travaillons très bien avec le CNRS au niveau des 27 instituts de recherche en science humaine et sociale - Institut français du Proche-Orient au Liban, en Jordanie et en Syrie par exemple. Et on a de très bonnes relations avec le CNRS. M. Éric Woerth, Rapporteur : Sur les 27 ? M. Philippe Étienne : Oui, car c'est une affaire conventionnée. Une partie des postes de chercheurs est financée par le ministère des affaires étrangères, une autre par le CNRS, et nous sommes en relation quotidienne avec le département des sciences humaines du CNRS. Le CNRS a des représentants dans les grands pays partenaires. Nous sommes informés par l'Internet des missions, mais c'est vrai qu'il peut y avoir ici ou là quelques problèmes, quand les gens ne s'entendent pas. Les autres organismes de recherche n'ont pas les mêmes moyens que le CNRS pour avoir des représentations à l'étranger, sauf à Bruxelles auprès de l'Union européenne. M. Éric Woerth, Rapporteur : Passons à l'aide publique au développement. Quel est le rôle de l'Agence française de développement ? M. Philippe Étienne : L'Agence française de développement est sous une double tutelle, celle des affaires étrangères et celle du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est un secret pour personne que le ministère des finances était plus influent que celui des affaires étrangères. La réforme de 2004, décidée par le CICID, transfère la responsabilité des projets à l'AFD sur les crédits que lui délègue le ministère des affaires étrangères, sauf dans certains secteurs traditionnels comme la culture ou la gouvernance, et donne au ministère des affaires étrangères un rôle de pilotage stratégique, et au ministre chargé de la coopération, Mme Girardin aujourd'hui, le rôle de chef de file de cette politique d'aide au développement. C'est au niveau des réseaux qu'il faut maintenant faire vivre cette structure. La culture change. Pour notre part, nous nous sommes dotés d'un tout nouveau bureau de six personnes qui se consacrent à ce travail de coopération et de tutelle avec l'AFD, et de pilotage de l'aide publique française au développement. Dans les pays partenaires, nous avons envoyé une série d'instructions pour rappeler à nos ambassadeurs qu'ils étaient les chefs, qu'ils devaient être des « développeurs », pour reprendre l'expression de Mme Girardin, et non pas des « diplomates classiques ». L'AFD est un établissement public à caractère financier, qui relève de la loi bancaire. Les personnels de l'AFD sur place ne sont pas des fonctionnaires, et ne peuvent pas relever de la structure hiérarchique verticale, mais les pouvoirs de l'ambassadeur ont été clairement affirmés, à la fois dans l'appréciation du travail des représentants de l'agence, et dans l'instruction des projets. Aucun projet ne peut ainsi être adopté par le conseil de surveillance de l'Agence s'il n'a pas été soumis à l'avis de l'ambassadeur. On a fait depuis 2004 un travail de mise en ordre. Il ne nous appartient pas de dire si aujourd'hui les choses se passent bien, mais je crois qu'il y a eu des progrès. Du coup, on a rationalisé les relations entre les services de coopération et l'AFD, puisque nous avons transféré 320 postes budgétaires d'assistants techniques à l'AFD, à charge pour elle de les faire gérer, puisqu'elle refuse d'être leur employeur. Dans les services de coopération, nous avons supprimé à peu près 10% des postes, tirant ainsi les conséquences des transferts de compétences à l'AFD. M. Éric Woerth, Rapporteur : Finalement, cela marche bien ? M. Philippe Étienne : Cela ne marche pas encore parfaitement. Le changement de culture, des deux côtés, n'est pas encore achevé. L'AFD était traditionnellement un organisme très secret, et on lui demande aujourd'hui d'être responsable de l'aide aux projets dans de nouveaux domaines comme la santé ou l'éducation. C'est une révolution. Et on voit bien l'inquiétude poindre chez les ONG, les milieux associatifs et les professionnels. Il y a un travail de moyen terme à assurer, mais c'est vrai que les contacts que nous avons au quotidien fonctionnent bien. Les choses se mettent en place et chacun maintenant comprend bien son rôle. Nous ne pourrons mesurer le succès de la réforme que dans un an ou deux. M. Éric Woerth, Rapporteur : Combien y a-t-il de personnes sur le terrain, en dehors du culturel et du scientifique, sur les projets de développement, et combien y en a-t-il à Paris ? M. Philippe Étienne : A Paris, la direction des politiques de développement compte environ 90 personnes, auxquelles il faudrait ajouter les agents des autres directions - ainsi, environ la moitié de ma direction, qui compte 470 personnes. Les ambassades regroupent 3 131 équivalents temps au titre de l'aide aux pays en développement, et 1 371 pour les pays développés sur un total de 7 720 agents du ministère des affaires étrangères expatriés. C'est un peu trompeur, car j'inclus l'action culturelle parmi les fonctions des 3 131 ETP, mais le culturel, c'est aussi de l'aide au développement. Ces chiffres ne comprennent pas les recrutés locaux des établissements à autonomie financière. M. Éric Woerth, Rapporteur : Le CICID joue-t-il bien son rôle de coordination ? M. Philippe Étienne : Une réunion de quinze ministres environ, sous la présidence du Premier ministre, une heure ou deux par an ne peut être que la partie émergée de l'iceberg. Ce qui fonctionne bien aussi, c'est le co-secrétariat du CICID - assuré par le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Les deux secrétaires se réunissent régulièrement avec le concours actif de l'AFD. C'est le triangle de base qui prépare les réunions du CICID, mais aussi celles de l'instance intermédiaire, la Conférence d'orientation stratégique et de programmation (COSP), qui elle-même se réunit entre deux CICID sous la présidence du ministre chargé de la coopération, Mme Girardin. La COSP n'est pas seulement chargée de coordonner l'action de Bercy et du quai d'Orsay, mais aussi de coordonner l'ensemble des ministères et des organismes français, ce qui génère davantage de difficultés, car tout est dispersé. Les deux programmes du MINEFI et du MAE ne représentent au total que 45 % environ de l'APD française totale. Il y a également les annulations de dette, mais aussi toute une série de concours qui proviennent d'autres ministères et d'autres organismes. La COSP commence à les réunir régulièrement deux fois par an, et à leur faire apporter leurs contributions. Il ne s'agit pas seulement de les recenser mais de les inscrire dans la stratégie de la politique française d'aide au développement, et notamment dans les stratégies de pays, qui figurent dans les documents cadres de partenariat. L'effort actuel pousse à élaborer, dans ces documents cadres de partenariat, une stratégie à cinq ans avec chacun de nos pays partenaires dans la zone de solidarité prioritaire, à y intégrer tous les acteurs de la coopération française, et à se situer sans complexe en complémentarité par rapport aux autres bailleurs. Là où l'Union européenne construit des routes, la coopération française n'a pas à en construire. M. Éric Woerth, Rapporteur : D'autres pays ont une présence culturelle et scientifique. Que retenez-vous de l'organisation de nos partenaires principaux ? M. Philippe Étienne : Ce sont les Britanniques et les Allemands que nous observons le plus. On se compare beaucoup aux Britanniques, c'est un peu devenu la mode de croire qu'ils font tout mieux. Dans le domaine culturel, il y a tout de même une énorme différence avec les Britanniques ou les Américains : ils n'ont plus besoin d'assurer une présence pour diffuser leur langue. Tout le monde veut apprendre l'anglais. Les Allemands, de ce point de vue, sont plus proches de nous. Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas observer les Britanniques. Le British Council est un exemple intéressant de très grande lisibilité, et nous voudrions nous en inspirer. Je pense en particulier au portail Internet unique pour s'inscrire dans une université britannique. Il est anormal qu'un étudiant étranger qui souhaite accéder à l'université française ou à une grande école doive remplir des quantités de papiers, ou passer par des systèmes informatiques différents. C'est vraiment archaïque et indigne de la France. On est en train de s'inspirer du modèle britannique à ce niveau, mais cela nécessitera plusieurs années. L'objectif est d'aboutir à un système informatique unique qui permette à l'étudiant étranger, non seulement de s'inscrire en ligne, mais aussi d'accéder à la procédure consulaire spécifique. Un autre aspect est encore remarquable chez les Britanniques, c'est leur concept de diplomatie publique. Ils ont une conception de leur présence dans le monde qui se caractérise par l'absence de séparation entre le culturel et le politique. Il ne faut pas les copier en tout, car nous sommes tout de même les champions de la diversité culturelle. Nous n'avons pas à avoir honte de notre tradition culturelle, mais je trouve que nous avons quelque chose à apprendre d'eux, d'un concept qui montre bien que la culture n'est pas un monde différent. Nous avons trop souvent l'impression que les centres culturels sont sur une autre planète, gaspillent l'argent, au lieu d'avoir une conception politique de notre action, alors même que ce que nous faisons est politique. Je vis tous les jours, comme directeur général, cette schizophrénie. D'un côté, on doit justifier des centres, des instituts dont on a l'impression qu'ils remontent à Mathusalem et qu'ils dilapident l'argent du contribuable, et de l'autre on nous demande de porter le drapeau de la diversité culturelle. Les Allemands ont aussi un instrument de visibilité, le Goethe Institut, et un outil universitaire très performant - le DDAD, qui associe les universités. Les Allemands, tout comme les Britanniques du reste, ont néanmoins un gros problème avec ces organisations autonomes, qui mènent leur propre politique sur place : l'absence de stratégie unique. J'en profite pour rappeler que les centres franco-allemands sont l'un des axes de développement de notre réseau et la formule fonctionne aussi bien en Europe qu'en dehors - Ramallah, Glasgow, Palerme, Bolivie ou encore le lycée franco-allemand à Shanghai. Il y a vraiment quelque chose de formidable à mettre en place. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pour l'instant, ce ne sont que des partages de locaux ? M. Philippe Étienne : Tous les cas de figure existent, même si tout part souvent de problèmes matériels - on est expulsés au même moment, on cherche des locaux ensemble, ou une chance est à saisir, comme à Turin dont le maire construit actuellement une nouvelle bibliothèque et y a invité les Français et les Allemands. Mais rien ne marche dans la durée, du fait des différences de culture, s'il ne s'élabore pas rapidement une stratégie commune - programmations communes, marketing commun sur les cours de langue, Fête de la musique en commun. Il ne s'agit pas de tout faire ensemble, mais on peut jouer sur les symboles. Je me souviens ainsi avoir créé avec la directrice du Goethe Institut de Moscou la première salle de lecture franco-allemande à Smolensk, qui est la ville d'arrivée des invasions de Napoléon. C'est très intéressant de travailler sur le concept d'une présence franco-allemande en Russie aujourd'hui. M. Éric Woerth, Rapporteur : C'est vrai aussi avec les Anglais ? M. Philippe Étienne : Il y a eu une volonté de le faire avec les Allemands, relancée en 2003 lors du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée. On n'a pas eu la même volonté avec les Anglais, mais rien n'interdit de le faire. On ne veut surtout pas donner, avec les Allemands, l'impression que l'on exclut les autres. C'est une démarche européenne. M. Éric Woerth, Rapporteur : Avez-vous chiffré les économies réalisées ? M. Philippe Étienne : Bien sûr, même si ce sont de petites sommes - locations, charges, personnels communs. Mais cela fait partie des actions positives que l'on a développées récemment, avec le fonds franco-allemand de 600 000 euros qui permet de financer des projets culturels communs là où il n'y a pas de co-localisation. Je précise tout de même que ce ne sont pas de grosses structures, mais qu'elles permettent de mener à bien des projets qui n'auraient pas vu le jour sans cela. Nous avons un autre projet important aujourd'hui, à Moscou. Les Allemands veulent y créer un centre franco-allemand - les Allemands veulent quitter leur bâtiment, et le loyer de notre centre culturel est l'un des plus élevés au monde. Ils ont trouvé un terrain, mais il faut trouver de l'argent pour construire. J'espère que nous y arriverons. M. Éric Woerth, Rapporteur : Merci de votre contribution à nos travaux. c) 12 heures : M. Jean-Christian Cady, préfet, chef du service de coopération technique internationale de police, ministère de l'intérieur. Présidence de M. Yves Deniaud M. Yves Deniaud, Président : Je me réjouis d'accueillir M. le préfet Jean-Christian Cady. La coopération internationale en matière de sécurité est un sujet capital pour notre pays. M. Éric Woerth, Rapporteur : Nous travaillons sur la représentation de la France à l'étranger. Pourriez-vous nous décrire les réseaux du ministère de l'intérieur à l'étranger, ses objectifs, son évolution, ses perspectives ? M. Jean-Christian Cady : Le réseau du ministère de l'intérieur à l'étranger est un réseau unique - police/gendarmerie - qui associe les policiers et les gendarmes dans diverses délégations du SCTIP, le Service de coopération technique internationale de police. Ses objectifs ont évolué. Mis en place en 1961, au moment de l'indépendance des pays africains, il avait initialement une mission de coopération technique - la formation des polices de ces États émergents. Puis, peu à peu, il a évolué vers une coopération opérationnelle. Nous avons prolongé la coopération technique dans les pays nouvellement émergents d'Europe de l'Est, afin de former les nouvelles polices aux droits de l'Homme, à des techniques démocratiques et à une certaine efficacité, ces pays ayant vocation à entrer dans l'Union européenne. Mais c'est la coopération opérationnelle que nous avons le plus développée, afin que les polices des divers États puissent fonctionner en réseau et lutter le plus efficacement possible contre le crime organisé, le terrorisme, les trafics de drogue et de stupéfiants, les trafics d'êtres humains, la prostitution, le proxénétisme et le trafic d'armes. Le SCTIP est réputé aujourd'hui être le réseau le plus étendu au monde, puisque nous avons 94 délégations et quatre antennes dans 100 pays, pour couvrir ainsi 138 pays, certaines délégations couvrant plusieurs pays. Nous comptons 233 attachés de police, appelés attachés de sécurité intérieure (ASI), dont 207 policiers et 26 gendarmes. Ces personnels travaillent en réseau unique: ils sont placés sous l'autorité de l'ambassadeur, dont ils sont le conseiller pour les affaires de sécurité, et lui donnent toutes informations pour les affaires de police. Ils sont également placés sous mon autorité - les gendarmes étant aussi sous l'autorité de la sous-direction de la coopération internationale de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN). Je donne des instructions aux officiers de police, qu'ils soient policiers ou gendarmes, leur demandant de se préoccuper de tel ou tel sujet. Nous avons ainsi écrit une note sur les maras, ces gangs de jeunes délinquants qui sévissent en Amérique centrale, et dont nous craignons qu'ils ne s'exportent vers l'Espagne. Nous écrivons aussi des notes sur les préoccupations du moment afin que le ministre de l'intérieur ait une vision transversale. La coopération opérationnelle permet aussi d'aider les magistrats à faire exécuter leurs commissions rogatoires internationales à l'étranger, comme en a témoigné récemment l'affaire Fofana. Grâce aux bonnes relations qu'ils entretiennent avec les polices locales - le principe de souveraineté nous empêche d'exécuter des missions de police à l'étranger - les ASI concourent à l'efficacité du travail de la police française. Dans le domaine de la lutte contre l'immigration clandestine, des officiers de liaison de la PAF peuvent assister, quand elles le veulent bien, les autorités aéroportuaires, policières, ou les services d'immigration, lors du contrôle des passagers en partance vers la France. Sans le contrôle de ces officiers de liaison en Afrique, nous aurions bien plus d'immigrés illégaux à Orly ou Roissy. S'agissant de la lutte contre les trafics de drogue, nous participons également à des plates-formes de lutte contre la drogue - celle de Martinique couvre ainsi toutes les Caraïbes - et nous avons également des officiers de liaison en Espagne, pour lutter contre le trafic de drogue en provenance du Maroc. Ils font du bon travail, car ils sont souvent en liaison avec d'autres officiers de liaison étrangers, ce qui permet de mieux recouper les circuits. M. Éric Woerth, Rapporteur : Vous dites qu'il y a 233 ASI : il y a donc des pays qui comptent plusieurs ASI ? M. Jean-Christian Cady : Oui, il peut y avoir un attaché, un attaché-adjoint... M. Éric Woerth, Rapporteur : Quels sont les pays où la représentation est la plus forte ? M. Jean-Christian Cady : Nous avons en Algérie un ASI, deux assistants et un officier de liaison DST - j'ai oublié de vous dire que la DST avait des officiers de liaison dans six pays différents. Nous avons en Allemagne un ASI, un assistant et quatre officiers de liaison, en Belgique un ASI, deux officiers de liaison et trois experts nationaux détachés, sans compter la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, en Espagne un ASI et beaucoup d'officiers de liaison spécialisés dans la lutte contre la drogue ou l'immigration illégale, car l'Espagne est un pays de transit. Nous avons également des représentations aux États-Unis et au Royaume-Uni. Voilà les quelques principaux exemples. À une époque, l'expansion géographique était le maître mot du SCTIP, et il s'appliquait à couvrir toute la carte du monde. Les choses sont différentes aujourd'hui, du fait de la relative modestie des moyens budgétaires. Si nous voulons adapter la carte du SCTIP aux nouveaux besoins, nous sommes souvent obligés de supprimer des postes là où ils sont moins utiles. À la demande du ministre de l'intérieur, nous allons ainsi peut-être créer un poste en Israël, ce qui nous contraindra sans doute à en supprimer un autre, par exemple celui d'Angola - car si les retombées en matière de sécurité intérieure pour la France sont un des éléments de la coopération avec les autorités policières étrangères, il faut également tenir compte de la volonté des autorités étrangères de coopérer avec nous, et en l'espèce, le nouveau gouvernement angolais ne semble pas aussi déterminé que le précédent. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comment se décide la création ou la fermeture d'un poste ? M. Jean-Christian Cady : La décision est prise en commun. La police fait des propositions en se fondant sur le caractère opérationnel, sur le nombre de notes produites par la délégation et sur le nombre d'affaires traitées. Nous soumettons cette proposition au ministère des affaires étrangères, qui consulte la direction géographique concernée, laquelle consulte l'ambassadeur. En général, l'ambassadeur est toujours opposé aux suppressions, et toujours favorable aux créations. Une réunion se tient ensuite à l'automne, entre octobre et novembre, entre le secrétaire général du quai d'Orsay et le directeur général de la police nationale. Un consensus s'établit sur les créations et sur les suppressions de postes. La décision est prise en novembre, mais ne prendra effet au plus tôt qu'en septembre de l'année suivante. Parfois, on décide que dans deux ans, ce sera supprimé. Il y a donc toujours un long délai, qu'il s'agisse de suppression ou de création. Dans le cas d'Israël, nous allons essayer de lancer une procédure d'urgence, afin de créer ce poste fin juin prochain. La création ou la suppression de poste ne peut pas résulter d'une seule analyse de la police, car c'est la représentation de la France à l'étranger, et seul le quai d'Orsay est à même de donner cette dimension politique. M. Éric Woerth, Rapporteur : J'imagine que la procédure est la même pour renforcer un poste... Cette longueur de délai est due à des modalités matérielles, ou est-ce un choix de procéder tranquillement ? M. Jean-Christian Cady : Les ASI sont sélectionnés pour leur poste en janvier ou février après avoir fait acte de candidature. Les dossiers passent en commission administrative paritaire, et les ASI sont affectés à compter de septembre suivant. En attendant leur affectation, ils sont toujours dans leur ancien poste et suivent un stage de préparation à l'expatriation, afin de leur apprendre ce qu'est le SCTIP, les délégations à l'étranger, leur rôle, et d'améliorer leurs connaissances linguistiques. Un ASI qui ne parlerait pas anglais ne pourrait pas partir en poste, car la plupart des conférences internationales se déroulent en anglais, et il n'y a pas toujours un interprète. Or, quand se tient une conférence internationale, il est souvent plus commode et moins cher de demander à l'ASI d'y assister. Ce stage de préparation commence en avril et dure six semaines. Nous affectons ensuite les ASI après le colloque du SCTIP, conférence annuelle qui dure une petite semaine et rassemble tous les ASI du monde entier. Elle suit la conférence des ambassadeurs. M. Éric Woerth, Rapporteur : C'est nouveau, la conférence du SCTIP ? M. Jean-Christian Cady : Non, le colloque du SCTIP existe depuis quinze ans et est à peine plus récent que la conférence des ambassadeurs. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quel est le rapport sur le terrain avec les autres réseaux, et en particulier avec l'ambassadeur ? M. Jean-Christian Cady : Tout se passe bien en général. Dans la quasi-totalité des cas, l'attaché de sécurité intérieure est dans les mêmes locaux que l'ambassadeur, souvent au même étage. L'ambassadeur peut donc le consulter très facilement. Il est arrivé que l'ASI ne réponde pas aux attentes de l'ambassadeur, et que je sois amené à le remplacer. L'ASI, qui a le statut de personnel diplomatique, participe à la conférence hebdomadaire des chefs de service au même titre que le conseiller culturel, ou le conseiller commercial. Il se réunit par ailleurs une fois par semaine avec les représentants de la DST, de la PAF, de l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants, afin de bien coordonner l'action de la police. Là encore, tout se passe bien en général. M. Éric Woerth, Rapporteur : Que pensez-vous du CIMEE - le comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger ? M. Jean-Christian Cady : J'avoue que je ne le connais pas. Je n'y ai jamais été associé. M. Éric Woerth, Rapporteur : Je crois qu'il ne s'est pas réuni depuis une dizaine d'années. Il semble qu'il devrait être relancé. M. Jean-Christian Cady : Je suis au SCTIP depuis février 2005. M. Éric Woerth, Rapporteur : Avez-vous déjà répondu à l'enquête annuelle recensant les moyens de l'État ? M. Jean-Christian Cady : Bien sûr. Notre rôle est justement d'y répondre. M. Yves Deniaud, Président : Quel est le profil de vos agents ? M. Jean-Christian Cady : La police est un corps qui recèle des personnalités et des carrières très diverses. En tout cas, je souhaite affecter à l'étranger des policiers ayant une expérience de terrain, quelle que soit leur spécialité. Ils doivent avoir au moins une dizaine d'années de métier derrière eux. Par ailleurs, je souhaite que ce ne soient pas des gens en fin de carrière, afin qu'ils puissent ensuite faire profiter de leur expérience internationale les directions dont ils sont issus. Les ASI sont affectés à leur poste pour une période de quatre ans. Au bout de deux ans, on voit s'il y a des problèmes ou non, auquel cas ils poursuivent leur mission. Au bout de ces quatre ans, ils reviennent en administration centrale pour assurer des missions de la police en France. Ensuite, ils pourront repartir. Ce sont uniquement des volontaires, et ils doivent parler une langue étrangère. Les candidats sont beaucoup plus nombreux que les postes, et ils doivent avoir une certaine ouverture d'esprit, afin de pouvoir s'adapter au contexte, ce qui est plus ou moins facile selon les pays. La police peut être corrompue dans certains pays, ou peu fiable. Dans d'autres pays au contraire, la police locale n'a rien à apprendre de la police française, et la coopération est davantage opérationnelle. M. Yves Deniaud, Président : Quel est leur grade ? M. Jean-Christian Cady : Ils sont de tous niveaux. Au départ, il n'y avait que des commissaires divisionnaires de police. Depuis la réforme des corps et carrières de la police qui vise à donner une meilleure formation aux officiers et aux gradés, nous confions beaucoup plus de postes aux capitaines et commandants de police. En gendarmerie, ce sont essentiellement des officiers - colonels pour les ASI, commandants pour les ASI adjoints. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quel est le coût du réseau ? M. Jean-Christian Cady : Le coût de fonctionnement des délégations s'est élevé à 5,2 millions d'euros en 2004, en 2005 à 5,4 millions d'euros et en 2006 à 5 millions d'euros. Ces coûts de fonctionnement recouvrant principalement les loyers à payer, la participation aux frais des ambassades et les indemnités aux personnels résidant à l'étranger. À cela s'ajoute la dépense des personnels de police expatriés (22 millions d'euros en 2006) et des personnels recrutés locaux (2,2 millions d'euros en 2006). M. Éric Woerth, Rapporteur : Existe-t-il des indicateurs pour mesurer l'efficacité de ce réseau ? Avez-vous fait des comparaisons avec d'autres pays, comme l'Angleterre ou l'Allemagne ? M. Jean-Christian Cady : Chaque ASI nous envoie des notes, par e-mail ou par télégramme diplomatique signé par l'ambassade de France, et nous en dressons une statistique. Nous attribuons une note à ces travaux, pour en mesurer la valeur ajoutée. Nous dressons également une statistique des affaires réalisées, soit à l'initiative de l'administration française, soit à celle de la police locale. À la fin de l'année, nous dressons un bilan, pour déterminer les délégations les plus actives, et nous interroger, à propos de celles qui le sont moins, sur les raisons. Je ne souhaite pas que l'on change la carte du SCTIP tous les ans. Pour mener une coopération efficace en matière de police et établir des relations de confiance avec les autorités locales, il faut avoir une certaine pérennité. Il arrive que les autorités locales changent beaucoup plus vite que les ASI, comme dans les Balkans, où la valse ministérielle est incroyable, ou dans certains pays d'Afrique, mais ce n'est tout de même pas la généralité. Par ailleurs, en Allemagne ou en Angleterre, l'organisation est différente. Nous travaillons ensemble. Un de mes représentants se trouve ainsi à l'agence de la répression des drogues à Miami, où il partage son bureau avec un Allemand et un Américain. Idem en Afrique du Sud. Inversement, des policiers allemands, anglais, américains sont dans les locaux de la police judiciaire. M. Éric Woerth, Rapporteur : Je suis allé aux Antilles avec le ministre de l'intérieur. Il y avait en effet à l'antenne un policier espagnol, et vous attendiez un policier anglais, ou américain. M. Jean-Christian Cady : Cet après-midi, je me rends à l'ambassade de Grande-Bretagne, car les Britanniques nous proposent de mettre en commun des officiers de liaison. Il y a trois cas de figure. Soit les Anglais ne sont pas bien implantés alors que nous le sommes, et ils voudraient bénéficier d'une coopération policière en utilisant nos agents - c'est souvent le cas en Afrique de l'Ouest. Soit les Anglais sont fortement implantés, mais pas nous. Soit nous sommes bien implantés les uns et les autres, mais nous voudrions échanger des informations. Sur un plan budgétaire, ce serait en effet intéressant de mutualiser nos ressources, d'autant plus que nous avons les mêmes préoccupations. Nous voudrions également le faire avec les Allemands. Par ailleurs, nous souhaiterions, à l'instar des Américains, faire travailler des policiers locaux exclusivement pour nous, dans des pays comme le Vénézuela ou la Colombie. Cela nous permettrait, dans la lutte contre la drogue, d'être beaucoup plus efficaces, mais outre que ce système coûte cher, il y a un risque pour les policiers d'être découverts, et un risque pour nous que le policier soit une sorte d'agent double. M. Éric Woerth, Rapporteur : Merci d'avoir répondu à nos questions. Auditions du 23 mars 2006 a) 9 h 30 : MM. Pierre Moraillon, directeur des relations économiques internationales, et Christophe Lecourtier, chef de service, direction générale du Trésor et de la politique économique, ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Présidence de M. Jean-Jacques Descamps, président d'âge M. Jean-Jacques Descamps, Président : Nous sommes heureux d'accueillir M. Pierre Moraillon, directeur des relations internationales à la DGTPE à Bercy. Il est accompagné de M. Christophe Lecourtier, secrétaire général de la même DGTPE. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pourriez-vous nous préciser le périmètre de la direction générale du Trésor et de la politique économique et nous présenter le réseau qu'elle pilote à l'étranger ? M. Pierre Moraillon : Il y a dix-huit mois, trois directions de Bercy : l'ex DREE, la direction de la prévision et celle du Trésor ont fusionné pour créer la DGTPE. Cette DGTPE consacrait, au niveau central, la fusion réalisée au niveau du réseau international entre les ex-postes d'expansion économique et les missions financières. L'enjeu international en matière de commerce extérieur, d'investissement ou d'attractivité est plus que jamais d'actualité. Aujourd'hui, en France, près de 6 millions d'emplois sont directement liés à la capacité exportatrice de la France, et 5 millions de salariés le sont par des firmes détenues majoritairement par des capitaux étrangers. L'interdépendance et la compétitivité externe sont au cœur du débat et des activités de ce réseau international. L'évolution de ce réseau, tant dans son format géographique que dans son métier, est un processus permanent. Trois objectifs centraux la guident. Premier objectif : anticiper tous les enjeux internationaux et les évolutions commerciales. L'Asie émergente, qui représentait 8 % des échanges mondiaux il y a vingt ans, en représente aujourd'hui 19 %. À l'inverse, l'Afrique subsaharienne, qui en représentait 4 à 5 % il y a vingt-cinq ans, en représente aujourd'hui 2 %. La géographie même des flux change. C'est un des facteurs qui prédéterminent l'évolution et l'adaptation de notre réseau. En termes de métiers, nous sommes organisés en réseaux sectoriels et en réseaux de gestion publique, pour faire du benchmarking, des analyses comparatives de ce qui se passe dans le monde, tant dans les secteurs d'activités économiques que dans les secteurs qui intéressent la sphère publique. Deuxième objectif : se moderniser et homogénéiser, quels que soient le point du globe, nos pratiques et notre organisation, afin d'offrir une qualité standard sur l'ensemble de nos implantations. Nous l'avons fait par le biais des technologies de l'information, en adoptant un système intranet très performant. Troisième objectif : améliorer en permanence la productivité et l'efficacité de ce réseau, notamment par le biais de son organisation. Notre réseau est ainsi certifié ISO 9001. Cinq points sont significatifs à cet égard : le recentrage sur les trois métiers centraux que sont le service aux entreprises, la promotion de l'attractivité de la France et la contribution aux missions centrales de la DGTPE ; la fusion, déjà évoquée ; la délégation à Ubifrance des activités de la fonction commerciale ; la simplification des procédures par la suppression de 30 à 40 % de procédures internes inutiles et le recentrage sur des zones prioritaires avec les plans d'action commerciale ; l'instauration d'un management très proche du privé, avec des feuilles de route et des tableaux de bord. En 1995, il y avait 188 implantations. Nous sommes revenus à 154 et nous avons l'intention de descendre à 148 dans le cadre du contrat de performance en cours de négociation avec la direction du budget - soit moins 21 % sur la période. Ainsi, en Allemagne, par exemple, alors qu'il y avait 9 implantations physiques et 155 agents il y a une vingtaine d'années, 2 implantations et 75 agents demeurent aujourd'hui. En termes d'effectifs, sur la même période 1995-2005, nous sommes passés de 2 254 à 1 954. Cette baisse, qui est supportée par les gains de productivité, va se poursuivre : -2 % cette année et -2 % pour 2007 et 2008. Mais il faut préciser que dans les zones à fort potentiel ou difficilement accessibles, où nos positions commerciales sont plutôt faibles ou moyennes, nous aurons tendance à renforcer notre dispositif - Asie, Chine, Russie, CEI. En revanche, dans les zones à maturité, où nos positions commerciales sont plus fortes, qui sont facilement accessibles et où le potentiel avéré régresse, nous aurons tendance à diminuer notre présence - Europe à quinze, Afrique subsaharienne. Dans un contexte de baisse générale, les redéploiements côtoient les accroissements d'effectifs. Dernier point : une recomposition entre les expatriés et les agents de droit local. Pour l'ex-DREE, en termes de dépenses de personnel, à périmètre constant, sur la période 1995-2005, nous sommes passés de 122 à 109 millions d'euros, soit une baisse de 14 %. Et après fusion de l'ex-Trésor et de la DREE au niveau du réseau international, la dotation budgétaire pour 2005, soit 114 millions d'euros, est inférieure à ce qu'était celle de la seule DREE en 2003. Un contrat de performance pour la période 2006-2008 est en cours de discussion. Nous accentuons toutes les synergies s'agissant d'Ubifrance et de l'AFII mais également avec le Quai d'Orsay en termes de gestion, d'implantations et d'échanges de personnels. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quels sont vos rapports avec les autres réseaux ? Comment travaillez-vous avec Ubifrance ? La répartition des rôles est-elle claire ? Comment cela se passe-t-il avec le réseau diplomatique, qui n'est pas insensible non plus aux problèmes économiques ? Les diplomates ont parfois l'impression que le réseau économique est florissant et dispose de beaucoup de moyens. Quels sont vos rapports sur le terrain ? M. Pierre Moraillon : Ubifrance n'a pas de réseau international. Son objectif premier est d'apporter un service aux entreprises de façon à renforcer leur internationalisation et leur stratégie à l'exportation. Au-delà des services rendus par Ubifrance, plusieurs outils sont à la disposition des entreprises, parmi lesquels des outils financiers comme l'assurance prospection, les réserves « pays émergents », le FASEP, etc. Il existe une parfaite complémentarité entre Ubifrance et le réseau des missions économiques. Ubifrance a en charge une gestion déléguée du réseau des Missions économiques et, dans le cadre des conventions d'objectifs et de moyens, elle suit une feuille de route agréée par le ministre. Cette feuille de route précise les objectifs généraux de ses activités : information par la production d'un certain nombre de guides et de supports d'information ; organisation de salons, réception d'acheteurs ; promotion du volontariat international en entreprise (VIE). Sa responsabilité principale est d'identifier les attentes des entreprises. Ensuite, elle est chargée, avec les missions économiques, de la mise en œuvre et de la conception même de ces opérations. Bien évidemment, les missions économiques restent les leaders dans la mesure où elles sont sur le terrain et connaissent mieux que quiconque le contexte local, les acteurs, les intermédiaires, les importateurs, les distributeurs, etc. Une fois que ces opérations ont été réalisées et produites, il s'agit de mettre au point une stratégie commerciale en France pour promouvoir ces opérations et prospecter les entreprises. Cela relève davantage de la responsabilité d'Ubifrance. Cette complémentarité découle tout naturellement de la localisation d'Ubifrance, organisme implanté en France, et du réseau des missions économiques qui est, par construction, mondial. Auparavant, nous étions plutôt enclins à tout intégrer au niveau de la définition et de la conception à Bercy, et à utiliser Ubifrance, du moins ses anciennes structures, comme façonnier ou exécutant. Maintenant, par le biais de cette délégation de responsabilité confiée à Ubifrance, nous nous sommes engagés dans une logique d'efficacité et de responsabilisation accrue. Des binômes ont été constitués, entre l'équipe de direction d'Ubifrance d'un côté et les missions économiques de l'autre. Ils ont été constitués par pays, sur les vingt-cinq pays prioritaires. Des objectifs chiffrés sont définis en commun. Il appartient à ces binômes d'élaborer des programmes, de traiter les difficultés et d'assurer le suivi des opérations. Des objectifs ambitieux et impératifs ont été fixés à Ubifrance et au réseau des missions économiques : accroître le nombre des entreprises utilisatrices, en d'autres termes, accroître la zone de chalandise, et ce de 10 % par an ; accroître le niveau de l'autofinancement, c'est-à-dire de la facturation, de 10 % par an ; améliorer la définition de la politique éditoriale. Tous ces objectifs sont consignés dans la convention d'objectifs et de moyens qui a été conclue entre Ubifrance et l'ancienne direction des relations économiques extérieures, et repris dans le contrat de performance général. M. Jean-Jacques Descamps, président : Cette coordination se vérifie-t-elle sur le terrain ? Qui l'assure ? Existe-t-elle avec les autres réseaux, comme le réseau tourisme, c'est-à-dire Maison de la France, ou le réseau SOPEXA ? Y a-t-il une recherche d'effet d'échelle à la fois dans une optique offensive et dans une optique d'économie de moyens ? M. Pierre Moraillon : Nous avons déjà essayé d'appliquer à nous-mêmes cette recherche d'efficacité accrue par le biais de cette organisation Ubifrance-missions économiques. Sur le terrain, l'ambassadeur est chargé d'organiser la collaboration entre tous les services et organismes. M. Pierre Moraillon : À titre d'exemple, la SOPEXA est systématiquement associée à des réunions organisées à l'initiative de l'ambassadeur dans le cadre des services économiques, tous les mois ou tous les deux mois, selon les zones. Dans les vingt-cinq pays prioritaires et les cinq pays pilotes, tous les acteurs sont impliqués, de par les plans d'action commerciale. La commission qui valide ces plans rassemble autour du ministre tous les acteurs concernés : administrations françaises et fédérations professionnelles. L'intégralité des acteurs publics ou privés est ainsi associée. C'est une garantie en termes de méthode, qui permet une concertation en amont, une réflexion et une mise en œuvre de moyens communs. Est actuellement en cours d'étude un plan d'action sectorielle de promotion de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire, pour lequel le ministère de l'agriculture et celui du commerce extérieur ont travaillé de concert avec les fédérations. Il sera mis en œuvre par Ubifrance, la SOPEXA et par les conseillers agricoles au sein du réseau international de la DGTPE. Vous nous avez dit que le Quai considérait que notre réseau était riche et florissant. Si on regarde son évolution et l'évolution des dépenses de l'administration, on peut dire, en toute modestie, que ce réseau est assez vertueux. Cela a été possible, non pas en faisant la même chose avec moins de moyens, mais en se réorganisant autrement, de façon à ce que cela coûte moins cher : recours à des techniques nouvelles, baisse du nombre des expatriés et augmentation du nombre des agents de droit local, les ADL. Ces derniers, qui intervenaient auparavant dans des fonctions support - chauffeurs, secrétariat, etc. -, interviennent maintenant dans des postes plus qualifiés - adjoints, chefs de secteur. Car ils sont formés, plus proches du pays, parlent la langue et coûtent également beaucoup moins cher qu'un expatrié. Nous sommes très ouverts à toutes les collaborations et synergies possibles avec les ambassades. Dans une vingtaine de cas, nous avons regroupé les services sous le même toit - Mais, alors que ce type d'opérations doit permettre d'abaisser les charges de fonctionnement, ce n'est malheureusement pas toujours le cas.. M. Christophe Lecourtier : La grande innovation de notre dispositif est que le réseau des missions économiques est devenu le réseau d'Ubifrance pour l'activité commerciale. Aujourd'hui, nous ne sommes plus une direction générale qui s'occupe du commerce extérieur, comme l'était la DREE, et nous avons dévolu une délégation claire à Ubifrance. C'est le directeur général d'Ubifrance qui, avec Pierre Moraillon, mandate nommément, au sein des équipes, un individu, muni d'une feuille de route et d'objectifs chiffrés en termes d'augmentation du nombre d'entreprises clientes, de chiffres d'affaires, etc. Notre cadre est clair. Nous avons donné à cette politique un visage et des objectifs chiffrés. C'est ce qui passe dans d'autres pays, mais on ne l'avait jamais fait en France. M. le Rapporteur : Pourriez-vous nous donner des exemples ? M. Christophe Lecourtier : Aux États-Unis, nous avons encore un réseau très important, qui compte une centaine d'agents. Tous n'ont pas une activité commerciale courante d'appui aux PME ; certains font de l'analyse financière, d'autres examinent la politique des États-Unis en matière de négociations multilatérales, ou encore suivent des questions spécifiques comme le marché aéronautique, l'environnement, les marchés, etc. Nous avons identifié de manière très précise les 75 personnes qui ont vocation à faire du service aux entreprises. Nous leur avons donné un chef, implanté à New York, qui anime le réseau des petites missions économiques aux États-Unis, qui se situent à San Francisco pour la côte Ouest, Chicago pour le Nord, Atlanta pour le Sud et Houston pour le Texas. Il en est le patron, aux termes d'une lettre que lui a adressée M. Moraillon, et il a comme objectif d'augmenter de 20 % par an le nombre d'entreprises clientes du réseau et d'augmenter le chiffre d'affaires. Il répond directement, sur la base de tableaux de bord élaborés tous les mois, à Ubifrance. Son patron est notre chef des services aux États-Unis, qui se trouve auprès de l'ambassadeur à Washington, qui dialogue avec lui, mais qui n'a pas vocation à intervenir au quotidien dans l'animation de ces activités commerciales. On lui demande de multiplier le nombre de missions de PME sur le territoire des États-Unis, de déterminer avec ses collègues s'il faut aller plutôt au Texas ou en Caroline du Sud parce que ces États ont une dynamique de croissance plus forte qu'ailleurs, si les produits qui vont se vendre sont plutôt les biens de consommation ou les biens d'équipement, etc. Il lui incombe donc de réaliser une politique commerciale qui se décline dans de nombreuses opérations financées par Ubifrance sur le terrain : missions, salons, etc. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pourriez-vous nous décrire l'action au quotidien d'une mission économique ? Quelles sont ses tâches ? Comment sont définies les stratégies prioritaires ? Quels sont les profils des personnes choisies ? M. Pierre Moraillon : Les vingt-cinq pays prioritaires, qui représentent 60 à 70 % de nos exportations, font chacun l'objet d'un plan d'action commerciale. Ce plan, appelé « Capexport », détermine les objectifs sur la zone, et les moyens pour les atteindre. Il est validé, dans le cadre de la commission, par le ministre, en présence de tous les acteurs concernés. Il constitue l'articulation, la feuille de route qui est donnée à la mission économique sur place et il conditionne la politique des moyens et des ressources humaines. M. Éric Woerth, Rapporteur : La liste de ces vingt-cinq pays a-t-elle été fixée par la ministre du commerce extérieur ? M. Pierre Moraillon : Elle l'avait été par son prédécesseur, M. François Loos. M. Éric Woerth, Rapporteur : Que représentent les moyens de ces missions économiques dans ces pays ? M. Christophe Lecourtier : 50 % de nos moyens. M. Pierre Moraillon : Ces pays représentent 60 à 70 % du potentiel des marchés mondiaux. M. Jean-Jacques Descamps, Président : Procède-t-on à une remise à jour régulière ? Est-ce un dispositif glissant ? M. Pierre Moraillon : Pour être crédibles, ces plans doivent courir sur une certaine durée. Ils sont conçus sur trois ans. Ceux qui ont été validés il y a un an ou deux font l'objet d'une revue annuelle destinée à apprécier l'écart entre l'objectif et la façon dont il est mis en œuvre ; c'est un « reporting » régulier effectué devant cette commission. Tel est le cadre général, qui fixe le plan de charge pour la partie « services et appui aux entreprises », c'est-à-dire l'action commerciale, qui n'existait pas auparavant. En termes de méthode, le dispositif est largement supérieur à ce qu'il était auparavant. Il ne faut pas réduire le soutien commercial à Ubifrance et à ce plan Capexport. Il y a aussi tous les autres outils - assurance-prospection, garantie de l'État au travers de la COFACE, FASEP dans les pays émergents - plus directement liés à la mission économique et à l'ambassadeur. Nous intervenons notamment dans le cadre de grands contrats - ferroviaire, aéronautique - et dans les pays à forte croissance où il n'y a pas d'activités de marché bien installées. Au-delà, il y a l'activité dite régalienne, qui recouvre les études de benchmarking. M. Éric Woerth, Rapporteur : On peut considérer que c'est Ubifrance qui est chargé du travail commercial. Que représente cette partie commerciale, en temps, en moyens et en énergie ? Comment est-ce que cela se passe avec les entreprises clientes ? M. Christophe Lecourtier : Nous avons lancé depuis le début de l'année un outil, proche de ceux utilisés dans les cabinets d'avocats et de consultants, qui permet à chacun des 2 000 agents du réseau et à chaque structure - dans chaque mission économique et au niveau monde - de connaître la répartition du temps de travail. L'intérêt de ce réseau est d'être polyvalent. Il a plusieurs prescripteurs. L'activité assurée en lien avec Ubifrance devrait représenter dans notre esprit, dès la fin du contrat, entre les deux tiers et 80 % du temps des agents du réseau. Il y a donc une priorité pour l'action commerciale, qui doit se refléter dans les chiffres. M. Éric Woerth, Rapporteur : Dans le cadre de cette activité commerciale, que fait le chef de mission ? M. Pierre Moraillon : Il s'informe sur l'environnement : prescripteurs locaux, grandes entreprises, secteurs dynamiques, administrations, etc. Il agit, au travers des opérations organisées avec Ubifrance en fonction du diagnostic réalisé : par exemple, s'agissant de l'Inde, on choisira les pays qui semblent plus dynamiques et les secteurs d'activité qui semblent les plus porteurs et les plus en phase avec l'offre française. Autre activité du chef de mission, à la frontière entre l'action de l'État et l'action proprement commerciale, et menée en relation avec l'ambassadeur : la gestion des contentieux. Une PME peut avoir des difficultés avec la douane d'un pays qui bloque une cargaison de camemberts français ou qui a décidé d'utiliser la crise de la vache folle pour bloquer les cosmétiques français au motif qu'ils contiendraient du collagène bovin. Une entreprise peut se trouver harcelée par l'administration fiscale ou rencontrer des problèmes de corruption. Un chef d'entreprise, face à un fonctionnaire, est dans une situation d'infériorité. Il suffit d'envoyer un attaché économique pour que les administrations locales fassent attention. Il est utile de savoir pour nous, qui sommes au cœur de l'administration des finances et donc de l'État, de savoir déceler très en amont les crises qui peuvent avoir des conséquences sur notre économie et sur nos intérêts. Nos missions jouent ainsi, sous l'angle régalien, le rôle de vigies. Cela occupe peu de personnes, peut-être 15 % des effectifs, tandis que 80% des effectifs doivent se consacrer à l'activité commerciale. M. Éric Woerth, Rapporteur : Par activités régaliennes, vous entendez les activités d'analyse et de prospective ? M. Pierre Moraillon : Il s'agit de savoir quels sont les enjeux, comment évoluent les métiers, quels sont les concurrents, de façon à pouvoir, par anticipation, préparer les ministères concernés et les acteurs français, aux évolutions du contexte international. Nous avons mis en place, il y a quelques mois, un enregistrement de la gestion du temps de tous les agents et cadres opérationnels. Nous offrant une vision analytique, ce dispositif nous permettra de mesurer, au sein de chaque mission économique, la productivité et la réalité des faits afin de pouvoir en tenir compte dans les évolutions futures. Sur le management d'un réseau international, cet outil est incontournable, c'est aussi une grande force. M. Jean-Jacques Descamps, Président : Le rapporteur s'interrogeait sur le profil de vos cadres et sur votre politique de recrutement. Trouvez-vous de bons cadres ? Pouvez-vous les payer au prix qu'il faut pour qu'ils soient bons ? M. Christophe Lecourtier : Vaste sujet ! 80 % des effectifs s'occupent du commercial, 15 % du régalien et 5 % des activités de l'AFII. Par conséquent, le chef d'une mission économique doit animer à la fois l'équipe commerciale avec Ubifrance, suivre et s'impliquer dans l'analyse régalienne et, enfin, promouvoir l'attractivité de la France, par exemple en rencontrant des grands patrons pour les inciter à venir en France. Les cadres supérieurs sont des agents de carrière, recrutés pour la plupart par la voie de l'ENA. Pour presque la moitié, il s'agit de personnes détachées. Le corps des conseillers économiques a été réformé il y a un an et demi. Nous avons rédigé un statut très ouvert, qui nous permet de faire appel à des personnes d'origine diverse, fonctionnaires de l'État : magistrats de la Cour des comptes, ingénieurs de l'Ecole polytechnique, etc. Nous ne recrutons plus directement à la sortie de l'ENA. Nos personnels sont désormais des agents, passés par la direction générale, et sélectionnés notamment pour leurs qualités en management. Si votre question était : êtes-vous encore tributaires d'un recrutement issu de la haute fonction publique ? Je ne pourrai que vous répondre positivement. Néanmoins, nous avons essayé que ce recrutement ne soit pas trop monocolore et endogène. Pour 50 %, il est ouvert à des agents issus d'autres administrations. Au niveau inférieur, nous avons encore beaucoup de contractuels français. Nous essayons de faire renouveler régulièrement ces personnels, souvent issus d'écoles de commerce, pour éviter toute « sclérose ». Enfin, nous avons décidé qu'une majorité des 2 000 agents du réseau serait composée de recrutés de droit local. Il y a vingt ans, ces recrutés de droit local étaient chauffeurs et hommes de ménage ; aujourd'hui, ce sont des diplômés des universités locales. Nous avons mis en place depuis deux ans un système d'intéressement. Nous ne voulons pas leur proposer des carrières à la française, ce qui n'aurait pas de sens. En revanche, une part de leur rémunération sera indexée sur leurs performances : nombre de clients, satisfaction des clients et chiffre d'affaires généré... Ce système, assez original, préfigure un « projet d'entreprise » pour Ubifrance et la partie du réseau qui lui est rattachée. Si les choses évoluent comme nous l'espérons, dans dix ans, la configuration entre public et privé sera totalement différente de ce qu'elle est aujourd'hui. M. Éric Woerth, Rapporteur : Qu'en est-il des pays qui ne sont pas parmi les vingt-cinq pays prioritaires ? Y a-t-il un plan pour le reste du réseau ? Et comment décidez-vous d'augmenter la taille d'une mission, de la renforcer, éventuellement de la fermer ? Cela ressort-il d'une discussion interne à la DGTPE ? M. Pierre Moraillon : Nous décidons sur la base de facteurs objectifs. Nous analysons le taux de croissance des grandes zones et les parts de marché. Nous regardons les effectifs et les moyens consacrés par le réseau à vocation économique, commerciale et financière. Prenons l'exemple de l'Afrique subsaharienne, qui représentait 8 à 9 % du réseau, avec une cinquantaine de personnes, et 2 à 3 % des exportations françaises. Nos positions commerciales y sont plutôt bonnes, mais il n'y a ni potentialités ni perspectives. Une fois déterminé ce que devrait être le réseau au regard de l'évolution de la carte mondiale, intervient une discussion avec le ministère des affaires étrangères. Une fois que cette concertation a été réalisée, le secrétaire général, Christophe Lecourtier, examine comment fermer certaines implantations, redéployer des effectifs, procéder à des licenciements, etc. C'est un exercice permanent. Il nous faut avoir une vision de l'endroit où nous devons être dans les cinq ou dix ans à venir, en termes de maillage géographique afin de procéder, chaque année, à ces redéploiements. Pour l'Afrique subsaharienne, la baisse est de 12 % des effectifs ; l'Amérique du Nord, de 5 % ; l'Amérique latine, de 8 % ; l'ASEAN, de 8 % ; l'Europe de l'Ouest, de 6 % ; le Proche et le Moyen-Orient, de 6 %. Les zones qui connaissent une croissance d'effectifs sont la Russie et la CEI, avec 4 % ; la Chine, avec 12 % ; l'Inde et l'Asie, avec 8 à 9 % de croissance prévue. Le processus d'adaptation du réseau est ainsi géré par anticipation. Je voudrais insister sur un autre point : ce réseau est polyvalent. En effet, il accueille un certain nombre d'agents non issus directement de Bercy : agriculture, douanes, INPI, ADETEF. S'agissant des ressources humaines, il faut préserver, à moyen et à long terme, la diversité des profils de compétences requises : ingénieurs, juristes, etc. Si l'on conjugue cette contrainte avec la baisse régulière et permanente des crédits et des moyens, on arrivera à une limite en deçà de laquelle il ne sera plus possible de continuer. Pendant très longtemps, nous sommes restés dans une logique de facturation nulle. Le service aux entreprises était totalement gratuit - ou plutôt payé par les contribuables. Nous sommes passés à une logique de participation au coût total du service apporté : cela permet de sélectionner les demandes faites par les entreprises ; cela responsabilise les opérateurs et les clients ; cela permet d'éviter les effets de ciseau. Malgré tous les gains de productivité possibles, si Ubifrance veut perdurer, elle doit prendre en compte l'accroissement de ses charges. La montée en puissance de l'autofinancement, à mon initiative, est un paramètre incontournable. Vous parliez de la SOPEXA. C'est elle qui a introduit le passage à la facturation pour mettre un terme à trente ans de services gratuits. Aujourd'hui, elle autofinance à près de 70 % sa marge brute d'exploitation. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pourriez-vous nous parler des postes mixtes, qui font intervenir des diplomates ? M. Christophe Lecourtier : Dans un certain nombre de grandes villes, notamment dans les pays émergents, en Inde ou au Brésil, nous n'avons plus les mêmes intérêts culturels ou politiques qu'au XIXe ou au XXe siècle. L'enjeu majeur est économique. Il convient d'y repérer les acteurs et les groupes économiques importants, nouer des relations avec eux et essayer de leur donner l'idée ou l'envie de faire des affaires avec la France. Dans ces pays, la sociologie est telle qu'on a affaire à des patriciens qui reçoivent plus facilement à leur table ou dans leur salon un consul général qu'un attaché commercial. Le fait d'avoir une double casquette est assez utile. Cela ouvre des portes, cela permet d'avoir accès au décideur lui-même. C'est une bonne chose dans la mesure où la logique est bien pensée. On en trouve à Bombay notamment, à Chengdu (Chine) mais aussi à Houston et à Atlanta. Les enjeux strictement politiques ne sont pas dominants, mais il est bon d'avoir quelqu'un de la DGTPE. Nous sommes assez favorables à la généralisation de ce système. On se heurte toutefois souvent à des contraintes de carrière, y compris pour nos collègues diplomates pour lesquels le poste de consul général constitue souvent un aboutissement. Il ne faut pas, néanmoins, que les consuls généraux s'affranchissent de la stratégie Ubifrance. Quant à nos agents, ils doivent continuer à travailler dans l'esprit qui anime la DGTPE. Le principe est celui de l'alternance : un diplomate et un attaché commercial. M. Éric Woerth, Rapporteur : On trouve parfois, au sein d'une même ambassade, des conseillers techniques qui suivent des dossiers dans des domaines identiques, les uns étant placés auprès de l'ambassadeur, les autres rattachés à la mission économique. Ne s'agit-il pas de doublons ? M. Pierre Moraillon : De telles situations ne sont pas courantes et ne résultent pas de notre souhait. L'ambassadeur est le chef et le responsable ultime de tous les services de l'ambassade. Dès l'instant où il y a un service identifié, économique, financier, commercial, autant regrouper toutes les compétences à l'intérieur de ce service, puisqu'il est lui-même sous le contrôle de l'ambassadeur. Il s'est trouvé qu'en raison de leur rang hiérarchique ou administratif, certains, par exemple au ministère de l'équipement, n'ont pas voulu être intégrés au sein de cette mission. Toutefois, au quotidien, ils viennent y rechercher des informations. M. Christophe Lecourtier : C'est une question de gestion des emplois et des débouchés pour le ministère de l'équipement, qui n'apparaît pas toujours optimale du point de vue de la coordination des services. M. Pierre Moraillon : Nous avons par ailleurs mis en place un échelon régional. Prétendre manager 150 implantations depuis Paris n'est pas raisonnable. Il convient, en outre, de prendre en compte les enjeux régionaux. Par exemple, en Amérique du Sud, sur les affaires multilatérales ou financières, il y a des questions qui relèvent plutôt du niveau régional. Cette dimension nous différencie fondamentalement du réseau diplomatique. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pouvez-vous nous donner quelques exemples ? M. Christophe Lecourtier. À Singapour, nous avons placé un patron pour l'ensemble de l'ASEAN. Cela permet que chaque chef de mission qui se trouve, par exemple, en Thaïlande, en Indonésie ou au Vietnam, se concentre surtout sur l'activité commerciale, et que le pôle d'analyse économique se fasse au niveau régional, et donc comparatif. Car s'il est intéressant de connaître la croissance du Vietnam, il est encore plus intéressant de la comparer à celle de la Thaïlande ou de la Birmanie. M. Pierre Moraillon : On mutualise également nos services. À terme, l'ASEAN doit devenir une zone comparable à l'Europe, à tout le moins une zone de libre-échange rassemblant une dizaine de pays. Il est donc intéressant d'adopter cette approche régionale pour les questions commerciales, économiques, voire financières, avec les banques de soutien au développement, le FMI, tous ces programmes qui sont aussi perçus au niveau régional. M. le Président : Merci de vos réponses précises... et quelquefois diplomatiques. b) 10 h 30 : Audition de M. Louis-Michel Morris, directeur général d'UBIFRANCE (Agence française pour le développement des entreprises). Présidence de M. Jean-Jacques Descamps, président d'âge M. Éric Woerth, Rapporteur : Je vous souhaite la bienvenue. Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est Ubifrance, la manière dont cet établissement est organisé et les objectifs qui lui sont fixés, nous décrire le réseau que vous animez et ses relations avec la direction générale du Trésor et de la politique économique, la DGTPE, dont nous venons d'auditionner l'un des responsables ? M. Louis-Michel Morris : Ubifrance est un établissement public industriel et commercial à la fois ancien et nouveau puisqu'il résulte d'une fusion réalisée il y a deux ans entre le CFCE et l'ex-association Ubifrance, qui elle-même résultait de la fusion de l'ACTIM et du CFME. Il paraît naturel aujourd'hui d'avoir une même agence publique de soutien à l'exportation, mais il y a encore deux ans, nous avions trois organismes spécialisés. Les missions de ces organismes ont ainsi été intégrées dans une même agence : information et accompagnement des exportateurs - surtout par les salons - et la gestion, pour le compte des entreprises, du système du volontariat international en entreprise, les VIE. 3 800 jeunes de moins de 28 ans aident les exportateurs dans leur force de vente et parfois aussi dans leur production. La demande est bien supérieure à l'offre, puisque 40 000 jeunes par an essaient de partir, et nous tentons de convaincre davantage d'entreprises d'accueillir ces jeunes, qui en retirent une expérience très valorisante. L'agence Ubifrance a connu de nombreux changements majeurs ces dernières années, en dehors de la fusion. Un plan social a été à l'origine de 176 départs fin 2004. Une délocalisation partielle, souhaitée par le prédécesseur de M. de Villepin, a eu lieu à Marseille. Il y a maintenant 120 personnes à Marseille et 360 à Paris. Nous avons vendu nos deux immeubles du 16e arrondissement de Paris, avenue d'Iéna, ancien siège du CFCE, et avenue d'Eylau, ancien siège de l'ACTIM, et nous allons déménager dans dix jours 77 boulevard Saint-Jacques. Nous serons plus opérationnels, dans des locaux plus adaptés. Il faut signaler quelques nouveaux chantiers. La DGTPE, qui résulte elle-même de la fusion de l'ex-DREE et du Trésor, nous demande maintenant de piloter les missions économiques dans leur rôle de services aux entreprises. Nous le faisons depuis un an. Le travail de service aux entreprises manquait peut-être d'un pilotage au quotidien. C'est ce que nous sommes en train de construire. Nous avons commencé avec dix grands pays et nous allons passer à cinquante-deux. Nous avons nommé, au sein de l'état-major d'Ubifrance, des correspondants qui s'occupent chacun de deux ou trois pays. Il y a aussi un correspondant Ubifrance dans le pays ; c'est généralement l'adjoint au chef de mission ou le chef de mission lui-même. Il se noue ainsi un dialogue régulier entre le chef de mission économique et le correspondant d'Ubifrance, sur le service rendu aux entreprises. Les pays concernés sont les principaux marchés de la France. Cinq objectifs clairs ont été fixés, dans le cadre du contrat de performance conclu entre la DGTPE et la direction du budget, sur la période 2006-2008 : avoir 10 % de clients payants en plus ; augmenter la facturation de 10 % par an sur nos services et nos produits, qu'il s'agisse de l'information ou de l'accompagnement ; entraîner chaque année 10 % de sociétés en plus sur les salons et les opérations collectives de promotion ; avoir 16 % de volontariat international en entreprise dans tous les pays ; avoir un taux de satisfaction de nos clients supérieur à 90 %. Cette gestion par objectif, qui s'inscrit dans la logique prônée par la LOLF, est un peu nouvelle, mais les chefs de missions économiques jouent le jeu et nous commençons à avoir des résultats. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comment est-ce que cela s'organise sur le terrain ? Il n'y a pas de salariés de l'établissement public Ubifrance dans les missions locales, ni à l'étranger. M. Louis-Michel Morris : Il y a une seule exception s'agissant du secteur agricole, avec les CMA, les chargés de mission agricole, qui sont payés par Ubifrance. Par conséquent, nous devons effectivement motiver des gens que nous ne payons pas, ce qui est toujours difficile. M. Éric Woerth, Rapporteur : On compte donc 360 et 120 personnes, à Paris et à Marseille... M. Louis-Michel Morris : Et moins de 2 000 personnes à l'étranger. M. Éric Woerth, Rapporteur : Vous utilisez le réseau des missions économiques : salariés, fonctionnaires, contractuels ou recrutés de droit local. M. Louis-Michel Morris : Il existe néanmoins depuis plus de quinze ans un lien entre les missions économiques et Ubifrance, ne serait-ce que par la facturation. À la fin des années 1980, nous avons en effet instauré la facturation de nos services. Les missions économiques participent à cette facturation, puisque ce sont elles qui produisent de nombreux produits d'information et organisent les missions de prospection. Mais elles ne reçoivent aucun fonds. Tous les chèques parviennent à Ubifrance, qui leur reverse à peu près la moitié des résultats de la facturation. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quel est le chiffre d'affaires d'Ubifrance ? M. Louis-Michel Morris. Un peu moins de 70 millions d'euros, dont la moitié couverte par une subvention publique. M. Éric Woerth, Rapporteur : Je parlais de l'autofinancement. M. Louis-Michel Morris : Il est à peu près de 50 %. M. Éric Woerth, Rapporteur : Donc, environ 35 millions d'euros, dont vous reversez la moitié aux missions économiques. M. Louis-Michel Morris : Pas la moitié, parce qu'une partie de cette facturation ne concerne pas les missions économiques, mais les VIE ou les salons. Ne sont donc restitués aux missions que les chiffres d'affaires qui viennent des missions. M. Éric Woerth, Rapporteur : Si j'ai bien compris, dans chaque mission économique, il y a un représentant Ubifrance ? M. Louis-Michel Morris : Depuis un an, on a effectivement commencé à constituer ces binômes, en commençant par les vingt-cinq pays cibles. On constate d'ailleurs une augmentation très sensible des dossiers traités, grâce à ce pilotage. Reste à savoir comment piloter les cent autres pays. Ce sera fait progressivement. M. Éric Woerth, Rapporteur : Par dossiers traités, vous visez des dossiers d'aide à l'export, pour des sociétés qui vous sollicitent ? M. Louis-Michel Morris : Le dossier traité est un dossier de soutien à la prospection ou à l'information de l'exportateur. Nous avons 12 000 clients dans le réseau Ubifrance-missions économiques. Ils achètent des guides répertoires sur le marché du vin, des médicaments, etc. ou nous rémunèrent pour l'organisation des missions de prospection, des salons, pour avoir des VIE... 12 000 clients, c'est assez peu par rapport au nombre d'exportateurs. Nous essayons de nous faire mieux connaître. Le problème est qu'Ubifrance est un nom nouveau, qui date d'un peu plus d'un an. Il nous faut donc travailler sur la notoriété de la marque Ubifrance. Voilà pourquoi nous faisons de la communication et de la publicité. M. Éric Woerth, Rapporteur : Ces 12 000 clients viennent par le biais des chambres de commerce ? M. Louis-Michel Morris : La plupart viennent spontanément. Certains s'adressent directement aux missions économiques. Un des défauts d'Ubifrance par rapport à d'autres organismes équivalents en Italie ou en Grande-Bretagne, est sa présence un peu insuffisante dans les régions françaises. Notre établissement de Marseille nous aide maintenant à rayonner dans le grand Sud. Nous avons également passé des accords de correspondants agréés avec des chambres de commerce régionales qui drainent davantage de clients vers Ubifrance. M. Éric Woerth, Rapporteur : Le budget d'Ubifrance est de 70 millions d'euros. Quelles sont vos sources de financement ? M. Louis-Michel Morris : Je n'ai pas mis dans le budget le chiffre d'affaires des VIE, qui est très important. Les VIE étant payés par les entreprises, cet argent ne fait que transiter par Ubifrance. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comment peut-on ventiler ces 70 millions ? M. Louis-Michel Morris : Nous avons à peu près, en ressources propres, 11 millions d'euros qui viennent des produits d'information et d'accompagnement, c'est-à-dire tout l'éditorial produit à la fois par les missions économiques et par Ubifrance et toutes les actions d'accompagnement sur les marchés - missions de prospection. Nous facturons entre 540 et 1.500 euros les PME qui veulent avoir des rendez-vous d'affaire sur deux ou trois jours, pour savoir qui peut acheter leur produit, et à quelles conditions réglementaires. Les actions de promotion rapportent à peu près une dizaine de millions. Il s'agit des salons, des colloques organisés à l'étranger, des rencontres acheteurs. Ubifrance et le réseau des missions économiques organisent pratiquement une manifestation de ce type par jour. Nous touchons des commissions pour gérer le régime des VIE, soit moins d'une dizaine de millions d'euros. Nous recevons une dotation publique d'une trentaine de millions d'euros, qui transite par la DGTPE. Notre ambition est d'accroître l'autofinancement d'Ubifrance. Grâce à l'action de pilotage des missions économiques et à une communication un peu plus intensive, nous espérons augmenter notre chiffre d'affaires d'au moins 4 à 5 millions d'euros en 2006. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quels sont vos rapports avec les chambres de commerce ? M. Louis-Michel Morris : On peut en effet se demander s'il n'y a pas de redondances. En fait, dans l'aide à l'export, on distingue plusieurs séquences. Le réseau public se situe dans la première séquence, c'est-à-dire l'aide à la première approche, où les chambres de commerce et les consultants se placent peu parce que ce n'est pas très rentable. Nous sommes vraiment là dans un domaine de service public. Les entreprises ne sont pas prêtes à payer plus de quelques centaines d'euros pour acquérir de l'information et faire de la prospection. C'est à ce stade que nous intervenons. Nous développons, entre les missions économiques et les chambres de commerce à l'étranger, des conventions par lesquelles nous nous répartissons le travail. Les chambres de commerce sont plutôt là pour animer le réseau des filiales. L'exportation n'est en effet qu'une partie du rayonnement économique français à l'étranger. Ces filiales ont besoin d'être animées, d'avoir une cellule de lobbying, d'avoir des séminaires sur la fiscalité locale ou la gestion des ressources humaines. Nous sommes donc complémentaires, encore que certaines chambres de commerce fournissent comme nous un service aux primo exportateurs. Lorsque c'est le cas, nous nous répartissons le travail par des conventions. Les chambres de commerce traitent plutôt les missions collectives emmenées par les chambres de commerce situées en France, et nous plutôt les missions individuelles de sociétés. M. Éric Woerth, Rapporteur : Vous utilisez le réseau des missions économiques. Quel regard portez-vous sur l'organisation de ce réseau, sur la compétence des personnes et la répartition géographique des missions elles-mêmes ? M. Louis-Michel Morris : Sur le fond, je n'ai aucun scrupule ou état d'âme à voir une entité publique, ou même l'État, intervenir sur ce secteur. En Italie, en Grande-Bretagne, en Allemagne ou en Espagne, en valeur absolue, on consacre davantage d'argent public pour aider les exportateurs. Ce n'est pas une question d'idéologie. Cela relève d'une conception moderne du service public que d'aider ces exportateurs. Tout le monde le fait. L'appareil français de soutien, bien que coûtant peu, est jugé assez performant par nos homologues européens. Nous facturons nos prestations peut-être un peu plus que les autres, qui subventionnent davantage que nous leurs exposants à l'étranger, par exemple. La France est souvent moins présente sur les salons à l'étranger que les Italiens ou les Allemands. C'est un diagnostic qui a été fait il y a deux ans. Le ministère, avec Mme Lagarde qui a intensifié cette action, a donc décidé de consacrer d'avantage d'argent aux exposants français à l'étranger. C'est ce qu'on a appelé la « labellisation ». Avec ce système, Ubifrance ne fait pas tout, il fait faire. Nous avons reçu des dotations assez importantes - une quarantaine de millions sur trois ans - qui permettent d'aider des opérateurs privés, des chambres de commerce françaises en France ou à l'étranger à emmener collectivement plus de cinq exportateurs en mission, que ce soit dans des salons, dans des colloques, dans des rencontres acheteurs. Un des nouveaux métiers d'Ubifrance est donc de gérer ces fonds de labellisation. Dans le cadre du programme « Capexport » engagé par Mme Lagarde, le rattrapage de notre sous-représentation dans les salons professionnels à l'étranger est un point très important. M. Éric Woerth, Rapporteur : Et avec l'AFII ? M. Louis-Michel Morris : Nous allons déménager dans dix jours dans un nouvel immeuble. L'AFII nous rejoindra fin avril. Il y a de nombreuses synergies entre ces deux entités, qui forment, en quelque sorte, la « maison de l'économie française à l'international ». Nous n'avons pas les mêmes clients. L'AFII cherche à attirer surtout des grandes sociétés, des grands groupes étrangers en France. Nous avons plutôt des relations avec des PME françaises qui veulent exporter. Dans notre communication, nous ne visons donc pas les mêmes personnes. Mais il y a tout de même des synergies. Lorsque nous sommes sur des grands salons, aux États-Unis ou en Allemagne, nous travaillons ensemble et nous « vendons » la France aux visiteurs de ces salons en tant que fournisseur de produit et terre d'accueil des investissements. La synergie va se renforcer. Il y a déjà des agents, dans les missions économiques qui travaillent pour l'AFII. M. Éric Woerth, Rapporteur : Cela représente 5 % du temps. M. Louis-Michel Morris : Dans d'autres pays, il y a des organismes intégrés, comme le Britannique UKTI, qui sont censés faire les deux. Mais ce sont souvent des équipes un peu différentes, dans la mesure où il s'agit de métiers différents. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quels sont vos rapports avec les ambassades et avec les autres réseaux que ceux du ministère de l'économie et des finances ? M. Louis-Michel Morris : J'ai été pendant vingt ans chef de mission économique à Tokyo, New York, Shanghai, etc. Je connais bien le sujet et je pense que, sur le terrain, cela ne pose jamais problème. Les missions économiques reconnaissant la préséance et même souvent la prépotence de l'ambassadeur. J'étais encore en Chine l'année dernière. L'ambassade de France, le consulat de France à Shanghai faisaient équipe sur les sujets économiques. Il y a peut-être, de temps en temps, des chefs de mission économique qui trouvent que les ambassadeurs demandent trop de télégrammes et qu'ils n'ont plus assez de temps pour les services aux entreprises. Mais où doit-on placer le curseur, entre les deux fonctions des missions économiques, qui sont le régalien et le commercial ? Actuellement, en administration centrale, on essaie de faire repartir le curseur dans le sens du service aux entreprises. Après tout, la justification politique de ce réseau est commerciale : c'est le service aux exportateurs et donc de l'emploi. Il ne faut pas l'oublier, et c'est pourquoi nous sommes en train de récupérer un peu de temps sur les activités régaliennes. Certains réseaux régionaux sectoriels des missions économiques avaient tendance à s'autoprogrammer du travail, à faire des fiches régionales sur des secteurs économiques particuliers. C'était plutôt du travail destiné à l'administration, que nous essayons de récupérer au profit des entreprises. Il faut dire que, dans les grands pays stratégiques, le réflexe est de faire du télégramme pour l'administration, alors que nos collègues américains ou anglais mettent beaucoup plus facilement dans le domaine public les informations prétendument stratégiques. Prenons l'exemple du Kazakhstan : les services français, fascinés par l'arrivée des Américains et des Chinois et leur stratégie pétrolière dans la région doivent rédiger des télégrammes à ce sujet. Mais ils doivent aussi réaliser des documents opérationnels pour les entreprises, notamment les PME, indiquant quels sont les décideurs au Kazakhstan dans le secteur pétrolier, les appels d'offres qui vont être passés, etc. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comment mesurez-vous ce temps ? Comment le répartissez-vous ? M. Louis-Michel Morris : Chaque mission économique doit indiquer, tous les ans, la répartition du temps de manière assez précise entre les différents métiers de la mission : service aux entreprises, service de l'ambassadeur, service des administrations centrales, gestion, etc. Nous en avons maintenant une idée assez précise, même si ce n'est pas à l'heure près. Nous y viendrons, ne serait-ce que pour des raisons de facturation, celle-ci devant précisément tenir compte du temps passé. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comment caractériseriez-vous, hors AFII, notre réseau par rapport à celui de nos principaux concurrents ? Quelles sont nos forces et nos faiblesses ? M. Louis-Michel Morris : Notre force réside dans le fait que nous avons un très bon maillage : environ 150 missions économiques dans 120 pays. Il faudra sans doute le réduire un peu pour faire des économies. Mais l'importance de ce maillage fait que nous avons moins de crédits d'intervention que les autres. C'est un point faible qu'il nous faudra corriger. M. Éric Woerth, Rapporteur : À quoi servent les crédits d'intervention ? M. Louis-Michel Morris : À organiser des salons, ou à aider, par la labellisation, le secteur privé à organiser des salons, des colloques... Conscients de cette faiblesse, nous diminuons les moyens consacrés à nos implantations, pour disposer de davantage de crédits d'intervention. Faut-il garder le régalien et le commercial côte à côte ? Je suis partisan de travailler à la fois sur l'un et sur l'autre. J'ai vu les Allemands, par exemple, coupés du commercial, parce que c'était la chambre de commerce qui s'en occupait. De ce fait, les conseillers économiques des ambassades allemandes sont assez académiques dans leur approche. Ils voient des officiels, des journalistes, mais pas d'entreprises. Ils sont souvent en retard dans leurs analyses. En Chine, le fait de voir sans arrêt des hommes et des femmes d'affaires français nous permet, par exemple, de relativiser le discours officiel. Le fait d'être en contact avec le marché, pour les chefs de mission économique, est un avantage à conserver. Le commercial nourrit le régalien, et inversement. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pensez-vous que notre organisation favorise ce lien ? M. Louis-Michel Morris : Il le favorise. Contrairement aux Allemands et aux Italiens, qui sont coupés du soutien aux entreprises dans les ambassades. M. Éric Woerth, Rapporteur : Qui pilote le réseau des missions locales ? Vous-même, directeur général d'Ubifrance ou M. Pierre Moraillon, le directeur des relations internationales ? Y a-t-il deux pilotes ? M. Louis-Michel Morris : C'est le cas dans les avions, et c'est une garantie. M. Éric Woerth, Rapporteur : Dans les avions, il y a un pilote et un copilote. M. Louis-Michel Morris : M. Pierre Moraillon pilote plutôt le régalien, et moi le commercial. Nous nous voyons souvent. Nous sommes liés par une convention d'objectifs et de moyens. Contrairement à mon prédécesseur, je suis moi-même originaire du réseau, ce qui facilite les choses. Aujourd'hui, nous sommes plutôt dans une dynamique de résultats et de croissance, après les restructurations subies ces deux dernières années, qui nous ont pris beaucoup de temps et nous ont empêchés de nous focaliser sur l'essentiel, c'est-à-dire le service aux entreprises. M. Éric Woerth, Rapporteur : Le personnel présent dans les postes d'expansion ancienne formule, et les organismes qui ont été fusionnés se retrouve-t-il aujourd'hui sous les couleurs des missions économiques ? M. Louis-Michel Morris : C'était déjà du personnel qui dépendait directement de la DREE. Le lien date de quinze ans, depuis l'instauration de la facturation et d'un catalogue de services communs entre Ubifrance et les missions économiques. D'ailleurs, maintenant, dans le cadre de la communication que nous faisons à l'adresse des entreprises, nous parlons de « Ubifrance et missions économiques ». C'est un réseau unifié, en ce qui concerne le réseau aux entreprises. M. Éric Woerth, Rapporteur : Est-ce que, dans les missions économiques, on a du personnel unifié ? M. Louis-Michel Morris : Oui. Pour le moment, il est payé par la DGTPE. De mon côté, je suis un peu comme le sélectionneur de l'équipe de France de football : je dois motiver des gens que je ne paie pas... Cela dit, par la convention d'objectifs et de moyens, j'ai obtenu de donner un avis sur les nominations, pour éviter les « erreurs de casting ». Certains ont, en effet, plutôt des profils régaliens, d'autres des profils commerciaux. Ce sont ces derniers qui conviennent dans les postes commerciaux. Par ailleurs, nous évaluons nos correspondants Ubifrance. Nous disposons donc d'un levier sur l'action des missions. M. Éric Woerth, Rapporteur : À la DGTPE, avez-vous des correspondants qui suivent les problèmes de commerce extérieur ? M. Louis-Michel Morris : Pierre Moraillon, Christophe Lecourtier et moi-même nous voyons pratiquement tous les mois à la DGTPE. Nous avons aussi une cellule qui suit Ubifrance. Nous sommes ainsi en relations quotidiennes. M. Éric Woerth, Rapporteur : Vous qui avez la double culture mission économique et Ubifrance, pouvez-vous nous décrire la journée ou la semaine d'une mission économique dans un grand pays comme la Chine ? M. Louis-Michel Morris. La mission de Shanghai, où j'étais, est une mission un peu en vogue. De très nombreux exportateurs, souvent des PME, s'adressent à elle. Dans le hall d'accueil, il y a souvent beaucoup de monde. M. Éric Woerth, Rapporteur : Ce hall d'accueil n'est pas partagé avec d'autres services français ? M. Louis-Michel Morris : Nous sommes dans le même immeuble que le consulat. L'AFII était dans nos bureaux. Comme elle a grandi, elle est désormais située dans un autre étage, mais dans le même immeuble. Cette proximité est très utile. En effet, nous avons de nombreux problèmes de visas avec les Chinois, qui ont du mal à venir en Europe pour conclure des affaires. Quand ils veulent acheter des produits français, ils passent par la mission économique et nous les aidons souvent à obtenir les visas. De nombreux visiteurs viennent s'enquérir de ce qu'il faut faire pour exporter. Nous recevons des missions collectives des chambres de commerce, auxquelles nous présentons le marché chinois. Dans les prochaines semaines, nous organiserons un séminaire sur l'exposition universelle de Shanghai de 2010. Certaines entreprises viennent se renseigner sur ce qu'elles doivent faire pour exporter leur savoir-faire, à l'occasion de cette exposition universelle. En juin, nous organiserons un salon « France, des maisons à vivre », qui porte sur la décoration de la maison, avec 150 PME exposantes. Nous ne chômons pas. L'ambassadeur peut aussi nous demander, via notre chef de mission à Pékin, un télégramme sur ce qui se passe dans telle ou telle province dans le domaine économique. Nous assurons donc aussi un travail régalien. M. Éric Woerth, Rapporteur : Combien y a-t-il de personnes à Shanghai ? M. Louis-Michel Morris : À peu près une vingtaine. En général, dans les missions économiques, on compte une moitié de Français expatriés et une moitié de recrutés locaux, ce qui est très utile pour obtenir des rendez-vous. Mais s'il y a des économies à faire, il faudra peut-être un peu moins d'expatriés, à terme. M. Jean-Jacques Descamps, Président : J'imagine que vos homologues anglais, allemands, italiens, etc. se trouvent aussi à Shanghai. Comment se présentent leurs missions économiques ? M. Louis-Michel Morris : Ils sont organisés autrement. Pour les Italiens, l'équivalent d'Ubifrance, l'ICE, a un bureau à Shanghai, qui ne dépend pas du consulat et qui n'est pas situé dans ses bureaux. Mais si on prend en compte le personnel de l'ICE, le conseiller économique et les collaborateurs du consulat, on arrive à peu près au même niveau. Il en est de même pour les Anglais. Les Américains sont souvent plus nombreux. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quel regard portez-vous sur le réseau culturel français, qui peut constituer un appui important ? M. Louis-Michel Morris : Le réseau culturel est aussi scientifique. Les synergies sont importantes entre la partie scientifique et la partie commerciale. Actuellement, nous labellisons des pôles de compétitivité pour aider certaines entreprises à partir à l'étranger. Nous avons évidemment un travail à mener en commun avec les conseillers culturels, qui ont en charge le domaine scientifique. L'année de la France en Chine a été extrêmement utile pour nos affaires. Toutes les semaines, il y avait une exposition, un concert où l'on invitait les grands patrons chinois, les politiques, les représentants des municipalités. Quand la synergie se fait bien sous l'autorité de l'ambassadeur, c'est très utile. M. Éric Woerth, Rapporteur : Que pensez-vous des postes mixtes ? M. Louis-Michel Morris : Paradoxalement, lorsque les chefs de mission économique deviennent consuls généraux, ils sont très pris par leurs nouvelles fonctions, car ce sont des métiers qu'ils ne connaissent pas forcément. Il faut alors qu'ils aient un bon adjoint commercial pour assurer le travail quotidien. Cela dit, je pense que cela peut enrichir le travail économique et commercial. En effet, le consul général a souvent des contacts, ne serait-ce que dans des dîners ou des déjeuners, avec des décideurs locaux auxquels les chefs de mission n'ont pas forcément accès. M. Éric Woerth, Rapporteur : Avez-vous des propositions à faire pour améliorer la qualité du réseau économique et ses relations avec les autres réseaux ? M. Louis-Michel Morris : Il nous faudrait plus de crédits d'intervention. Cela nous permettrait d'être davantage présents dans les salons ou dans les colloques techniques à l'étranger. C'est ce que nous avons commencé à faire par la labellisation. Mais les crédits obtenus ne sont pas pérennes : ils devraient s'arrêter en 2007. Il serait bon de les pérenniser au-delà de 2007. M. Éric Woerth, Rapporteur : On a parlé de la SOPEXA. Travaillez-vous en collaboration avec d'autres organisations sectorielles ? M. Louis-Michel Morris : Nous avons beaucoup de liens avec la SOPEXA, dont Ubifrance est actionnaire à hauteur de 12,5 %. Nous avons signé une convention avec elle : Ubifrance, en effet, ne fait pas de salons dans le domaine agroalimentaire, car c'est la spécialité de la SOPEXA. Parfois, certains sujets se situent à la frontière de nos champs de compétence respectifs : par exemple, lorsque nous organisons des dégustations de vin ou lorsque nous faisons la promotion de certains produits. Dans ces cas-là, nous le faisons ensemble et notre collaboration est très bonne. M. Éric Woerth, Rapporteur : Avez-vous quelque chose à ajouter pour terminer ? M. Louis-Michel Morris : Nous avons un hebdomadaire, le Moniteur du commerce international, dit le MOCI, le plus vieil hebdomadaire spécialisé de France, puisqu'il date de 1886. Comme beaucoup de journaux économiques, il perd des abonnés. Nous sommes en train d'essayer de le redresser. Ubifrance en était actionnaire à 100 %. Nous avons fait appel à un actionnaire externe, qui a pris 49 %. Nous essayons de mettre en kiosque le MOCI pour faire du commerce extérieur un sujet un peu plus « grand public ». M. Éric Woerth, Rapporteur : Nous vous remercions. Auditions du 23 mars 2006 c) 11 h 30 : M. Dominique Bureau, directeur des affaires économiques et internationales au ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, accompagné de M. Philippe Gratadour, chargé de la sous-direction des actions internationales. Présidence de M. Gilles Carrez, Rapporteur général M. Gilles Carrez, Rapporteur général : Messieurs, je vous souhaite la bienvenue et vous invite à nous faire un exposé liminaire, avant que nous ayons un échange sur les questions mises à l'ordre du jour par la MEC. M. Dominique Bureau : J'évoquerai successivement les missions, le réseau et les méthodes de travail. Nos missions peuvent se ranger sous plusieurs rubriques. Première rubrique : le communautaire, une grande partie du droit des transports venant d'une politique commune des transports. Cela s'est traduit, dans le cadre de la réorganisation du ministère, par la constitution d'une sous-direction des actions européennes. Nous sommes également concernés par des questions de marché intérieur, par les directives sur les produits de construction, etc. Nous avons également des relations bilatérales avec les principaux pays européens, notamment nos voisins : il y a par exemple des problèmes de transports transfrontaliers, dans les Alpes ou les Pyrénées. Deuxième rubrique, de nature commerciale : la valorisation du savoir-faire. Dans le domaine de la construction, nos entreprises travaillent pour des acheteurs publics sur des projets qui sont souvent à très long terme. Si nous voulons être présents, il faut suivre très en amont ces projets - des projets ferroviaires en Chine, par exemple. La position des entreprises françaises par rapport à la valorisation de ce savoir-faire dépend beaucoup de la façon dont sont organisés les marchés. Si l'on prend le cas des États-Unis, le savoir-faire français est souvent associé à des compétences d'ensembliers. Notre mode d'organisation n'est pas celui des États-Unis, où la séparation est très forte entre la conception et la construction. La valorisation du savoir-faire français à l'international nécessite de créer un climat tel que la gestion des projets dans les pays ne soit pas un handicap et que les entreprises puissent « soumissionner » dans de bonnes conditions. Nous traitons aussi de sujets particuliers. Il y a des chantiers temporaires. Nos entreprises ont besoin de l'appui des missions économiques pour avoir une bonne connaissance des réglementations. Troisième rubrique : l'assistance technique. La formation des administrations, notamment dans les pays du Maghreb, est importante. Et si l'administration des pays émergents ou des pays nouveaux adhérents a une culture qui favorise le développement de modes de gestion plus proches des nôtres, cela pourra s'avérer ultérieurement utile pour nos entreprises. Nous sommes également concernés par des questions multilatérales, où interviennent un certain nombre d'organismes liés à la sécurité, qui relèvent du domaine maritime ou du domaine de l'aviation civile - OMI, OSCI. Même quand nos relations avec un pays sont très dégradées, il reste encore des liens spécifiques en matière de transports. Il existe ainsi une « diplomatie des transports », ou encore de la reconstruction, qui intervient souvent après une catastrophe naturelle. Cette activité n'est pas au cœur de l'activité internationale du ministère, mais elle est néanmoins significative. Venons-en au réseau. Notre réseau propre est très limité. Il est intégré au réseau du quai d'Orsay et à celui du ministère de l'économie et des finances. Nos personnels établis à l'étranger sont en général en poste en ambassade - à l'exception des personnels à disposition d'organismes internationaux comme l'OSCI ou l'Organisation maritime internationale, l'OMI. Ils sont nombreux à Bruxelles, à la représentation permanente ou comme experts nationaux détachés. Sinon, ils sont essentiellement placés au sein des missions économiques. Nous n'avons pas essayé de créer un réseau qui nous serait propre. En revanche, nous avons créé, avec la direction générale du Trésor et de la politique économique, la DGTPE à Bercy, des attachés équipement transports, afin qu'il y ait, dans les missions économiques, des personnes spécialisées, dont certains financés par nous - nous prenons en charge quatre postes sur les treize prévus. Nous avons passé une convention de travail avec la DGTPE pour que, dans les pays qui nous semblent importants dans les secteurs de la construction et des transports, les missions économiques comprennent des gens avec qui nous avons un lien direct. Mais les questions communautaires sont traitées dans le cadre des instances qui font du communautaire et qui en ont la responsabilité. Quant à la valorisation du savoir-faire français à l'international, nous nous en occupons avec les missions économiques. M. Éric Woerth, Rapporteur : À l'étranger, combien avez-vous de personnes payées par le ministère de l'équipement ? M. Dominique Bureau : Une cinquantaine. M. Éric Woerth, Rapporteur : Dans les organismes internationaux ? Dans les missions économiques ? M. Dominique Bureau : Nous avons une convention avec la DGTPE, dans laquelle il est stipulé que nous avons, dans les missions économiques, treize postes d'attachés transports - quatre étant payés par nous. M. Philippe Gratadour : Il y a, dans les organisations internationales, des personnes payées par le ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, mais il y en a très peu qui soient issus des corps de fonctionnaires de l'équipement. Il y en a, en revanche, dans les représentations permanentes. Nous avons deux personnes à la représentation permanente auprès de l'OMI ; nous en avons auprès de l'Organisation de l'aviation civile internationale, l'OACI, qui sont gérées par la direction générale de l'aviation civile. Nous en avons à la représentation permanente à Bruxelles : deux conseillers transports, un cadre A qui les assiste, et deux secrétaires, sous l'autorité de l'ambassadeur représentant permanent de la France. Nous en avons ensuite dans les ambassades, auprès des ambassadeurs : deux conseillers équipement transports, l'un en Allemagne, l'autre en Espagne ; une assistante à mi-temps payée par la mission économique à Berlin ; une assistante payée par nous en contrat de droit local à Madrid. À Washington, il y a un conseiller équipement transports, qui est payé par la direction générale de l'aviation civile ; un adjoint, qui est le représentant aux États-Unis des JAA (Joint Aviation Authorities), organisation européenne informelle en charge des questions de normalisation de l'aviation civile - fonction qui devrait être reprise par l'AESA, l'agence européenne de sécurité aérienne ; un agent de catégorie B qui suit tous les domaines hors aviation civile pour le volet régalien, notamment les questions maritimes, et, enfin, une secrétaire. Il y a aussi des conseillers maritimes dans un certain nombre de pays. À Dakar, nous avons un agent de catégorie B : c'est un héritage de l'histoire, puisqu'à l'origine il remplissait des missions consulaires pour les pêcheurs. Il nous reste un agent à Malte, qui conclut la prolongation d'un jumelage avec ce pays. Je pense avoir fait le tour du personnel qu'on paie directement, en dehors des quatre postes des missions économiques. M. Dominique Bureau : Et en dehors des vingt experts nationaux détachés à la Commission européenne. M. Philippe Gratadour : Nous avons aussi treize agents en position d'échange de fonctionnaires, qui sont formellement auprès de l'ambassade, mais qui se trouvent en fait rattachés à l'administration du pays partenaire : au Québec, aux États-Unis, en Angleterre, en Espagne, en Italie, en Allemagne. En parallèle, des agents de ces pays viennent chez nous. Ils nous permettent de connaître le fonctionnement concret des administrations des pays homologues. M. Gilles Carrez, Rapporteur général : J'ai observé, il y a quelques années, à l'occasion d'une mission en Amérique du Sud, que certains agents venaient de la maison « Équipement », mais qu'ils n'étaient plus pris en charge par le ministère. D'autres étaient complètement en dehors du cadre du ministère de l'équipement, qu'il s'agisse de leur recrutement et de leur trajectoire professionnelle. Ces agents travaillent sur une matière qui, au plan national, relève bien du ministère de l'équipement. Comment organisez-vous les liens avec ces personnels très divers qui assument les fonctions « équipement » dans le cadre des différentes représentations ? M. Dominique Bureau : Ces postes fléchés étaient une création de la Direction des affaires économiques et internationales. Vous suggérez implicitement que ces personnes du vivier « équipement » finissaient par être perdues de vue. C'est pourquoi nous essayons, depuis quelques années, de recréer systématiquement des liens avec l'ensemble des personnes, non seulement celles qu'on paie, mais aussi toutes celles qui peuvent être en détachement. Cela se traduit concrètement par le fait que maintenant, tous les gens du ministère, même s'ils sont en détachement, par exemple s'ils se trouvent dans une mission économique et sont payés par Bercy, et même s'ils sont placés en tant qu'experts nationaux détachés sous l'autorité de la Commission européenne, se voient attribuer un référent. Une lettre de mission leur est adressée par le directeur technique concerné. Il en est de même en cas d'échange de fonctionnaires. Ces personnes ont une lettre de mission, un référent et nous font un compte rendu annuel. Il s'agit d'un travail systématique d'entretien du réseau, de manière à ce que ces personnes servent réellement nos politiques et contribuent à la valorisation de notre savoir faire et ne mènent pas seulement une action commerciale. Comme les fédérations professionnelles le soulignent, les liens avec les secteurs professionnels sont, dans les missions économiques, insuffisants. Pour faire correctement ce travail d'attaché équipement-transports, il faut des gens qui connaissent le métier du BTP et qui soient aptes à valoriser le savoir-faire, non pas parce qu'ils ont fait une école d'ingénieurs en rapport avec le métier correspondant, mais parce qu'ils ont une bonne connaissance de ce qui est valorisable. Il ressort des comparaisons avec les pays étrangers que nous intervenons souvent beaucoup trop tard. Bien évidemment, quand une entreprise française est écartée d'une soumission pour des raisons techniques qui semblent un peu obscures, on peut faire appel à la mission économique pour essayer de voir ce qui s'est passé. Mais si on veut réellement favoriser le savoir-faire, il faut que les administrations ou les autorités publiques locales qui vont être acheteuses, ou les acheteurs locaux, nous connaissent. Il faut diffuser l'information et assurer une meilleure connaissance des entreprises françaises présentes sur les marchés des différents pays. La mission économique pourrait également être un lieu où deux entreprises françaises peuvent trouver des connexions intéressantes. Les critiques qui sont adressées actuellement par les professionnels sont assez fondées. Il faut renforcer le lien avec le monde professionnel pour favoriser une vraie connaissance des métiers. Cela nous pose certains problèmes culturels. Les gens des missions sont des fonctionnaires très à l'aise quand il s'agit de faire une étude de marché, mais qui s'interrogent quand il s'agit de donner un avis à un industriel sur la qualité d'un partenaire. M. Gilles Carrez, Rapporteur général : Dans les missions économiques, doit-on davantage mettre l'accent sur le volet régalien ? Il faut dire que cet aspect est très présent dans le domaine des transports, par exemple. Ou bien doit-on travailler en connexion étroite avec les entreprises et les marchés ? M. Dominique Bureau : L'objectif de la DGTPE, c'est 15 % de régalien et 85 % de commercial. M. Gilles Carrez, Rapporteur général : A-t-on maintenant le souci d'expliciter les grands enjeux de ce réseau, qui donne l'impression d'être un peu diffus, mais qui existe et qui correspond à de vrais besoins et à des marchés potentiels importants ? Nous avons une histoire riche en termes de délégation de service public, mais également d'association, de conception, de réalisation, d'exploitation. C'est assez unique et cela intéresse beaucoup de nos partenaires étrangers. M. Dominique Bureau : C'est pour cela que je me rends cet après-midi à Washington, à la Banque mondiale. Nous nous sommes rendu compte qu'ils étaient non seulement prêteurs, mais aussi prescripteurs. M. Gilles Carrez, président : Ils orientent beaucoup. M. Dominique Bureau : Ils orientent les choix. Les Français qui sont à la Banque mondiale sont bien vus. Ils sont perçus comme compétents et sérieux. En revanche, la France, ou la doctrine française, apparaît illisible. Notre souci est de renforcer notre travail de veille et d'animation du réseau de manière plus systématique, et davantage en amont. Concernant l'aide aux entreprises, ce qui est fait dans les postes est parfait, mais on reste au niveau de l'information sur le réglementaire. La dimension « veille, assistance, valorisation » doit être renforcée. M. Philippe Gratadour : La direction des relations économiques extérieures s'était beaucoup réorganisée il y a cinq ou six ans, notamment pour créer un système matriciel, passer d'une logique où les postes d'expansion économique étaient une espèce de profession libérale qui agissait dans son coin, à une logique en réseau avec des suivis thématiques. Nous avons conclu, à l'époque où M. Jean-Yves Perrot était à la tête de la direction, une convention DREE-DAEI, dont un des éléments importants était le réseau de veille « transports-infrastructures ». En pratique, nous organisons, une fois par an, un séminaire avec les têtes de réseau, qui sont, pour les trois quarts, des agents venant de chez nous. Nous leur présentons l'évolution des politiques du ministère et les grands enjeux. Nous les alimentons en information, en documents de présentation de nos politiques, notamment un livre sur le partenariat public-privé qui a été traduit dans une vingtaine de langues. Par ailleurs, existe la formation d'« attaché BTP-transports », destinée à des personnes qui sont sur le terrain et qui sont pour les trois quarts des recrutés locaux. M. Gilles Carrez, Rapporteur général : Dans des postes ? M. Philippe Gratadour : Ils sont dans des postes diplomatiques, qu'ils soient chinois, bulgares ou autres. On leur présente ce qu'est le BTP français. On fait appel à de nombreux organismes, dont la FNTP, la Fédération nationale des travaux publics. Ils vont visiter des chantiers. Malheureusement, nous n'avons pas assez de temps pour développer certaines thématiques importantes, notamment dans le domaine maritime où la formation est lourde : contrôle des pêches, sûreté des navires, gestion du transport maritime et évolutions. Parce qu'ils sont payés par la mission économique, leurs passages en France sont assez brefs. M. Dominique Bureau : Revenons sur la question précédente. Cela a évidemment à voir avec le partage régalien-commercial. Si on ne dit pas aux gens qu'il y a un objectif commercial, il est évident que le régalien prendra le pas sur le commercial. Je constate néanmoins qu'il y a des problèmes d'ordre culturel. Prenons des cas de concurrence franco-française. Par exemple, il y a deux offres françaises pour le métro de telle ville. Que faire ? Aider les Français sans favoriser l'un et sans nuire à l'autre. En pareil cas, les fonctionnaires sont tétanisés et rentrent dans leur coquille. Le recentrage sur le domaine commercial actuellement exagéré par la DGTPE ne pourra produire tous ses effets que si nous nous attaquons réellement, avec les fédérations professionnelles, à ces problèmes culturels. Sinon, nous risquons d'avoir un commercial assez formel, où les gens font de très bonnes études de marché, parfois même vendues aux ambassades concurrentes, mais qui occultera toute la dimension de relationnel, d'intermédiaire et de facilitateur. M. Éric Woerth, Rapporteur : Il arrive qu'il y ait un conseiller transports auprès de l'ambassadeur et, qu'en même temps, au sein de la mission économique, un agent joue à peu près le même rôle. Comment est-ce que cela se passe ? M. Dominique Bureau : Il y a en effet un certain nombre d'assistants techniques « équipement-transports » dans le réseau du quai d'Orsay. Ce sont des ingénieurs, qui s'intègrent complètement dans le réseau du ministère des affaires étrangères. Notre parti pris général a été de nous appuyer sur le réseau de la DGTPE et de conventionner avec lui autant que possible. Nous nous sommes rendus compte que l'activité d'un poste, pour ce qui était des transports, pouvait être essentiellement centrée sur des sujets régaliens - à Washington, des sujets aéronautiques - qui avaient finalement peu de rapports avec le champ de compétence d'une mission économique. M. Philippe Gratadour : Historiquement, l'arrivée des conseillers transports à Washington est liée à l'arrivée de Concorde aux États-Unis et à des problèmes de bruit. Cela supposait un travail assez fin entre administrations sur des spécifications techniques. Cela ne relevait pas du tout du commercial. M. Dominique Bureau : On a donc fait venir des gens de l'aviation civile, qui étaient des techniciens, et qu'on a gardés. Ils y sont toujours, sachant que le dialogue entre Américains et Européens suppose une fréquente traduction des modes de pensée. M. Philippe Gratadour : Le deuxième pays où l'on a installé des conseillers transports, c'est la Grande-Bretagne, d'abord pour des raisons liées au domaine maritime. Il y avait un conseiller maritime auprès de l'ambassade à Londres, où se trouve l'Organisation maritime internationale. Actuellement, la personne en poste assure à 80 % les fonctions de représentant permanent de la France auprès de l'OMI. Un rapport récent sur le sujet a établi des comparaisons avec l'Allemagne, les Pays-Bas et le Japon. L'Allemagne et les Pays-Bas ont à peu près la même organisation que nous, mais un peu plus développée : huit à dix personnes assurent la représentation du ministère homologue, soit dans des organisations internationales spécialisées (OMI, OACI), soit dans des pays qui ont un poids très important - pour les Allemands, les États-Unis et le Japon. Les Japonais ont, dans leurs ambassades, 87 conseillers, mais qui sont payés par le ministère des affaires étrangères. Au Japon, le régalien et le commercial sont complètement séparés. Il y a dans les ambassades des gens qui sont les yeux et les oreilles des ministères. Les Japonais ont également une activité de veille assez extraordinaire. Au ministère, nous recevons chaque année une cinquantaine de questionnaires de délégations japonaises sur un sujet ou sur un autre. Les personnes dans les ambassades servent à « collecter de l'information ». M. Dominique Bureau : Je voudrais signaler deux cas un peu atypiques, à Madrid et à Berlin, où la dimension régalienne est assez forte. Nous étions confrontés à l'explosion des trafics de transit qui passent par les Pyrénées, et à la difficulté d'aborder ces questions avec un pays fédéral. Les relations bilatérales avec l'Espagne sont parfois compliquées : certaines questions « transports » vont relever de Madrid, d'autres de la Catalogne, du Pays basque ou de l'Aragon. Si on n'arrive pas à comprendre comment cela fonctionne, on perd un temps considérable et on n'arrive à rien. L'ambassadeur à Madrid a demandé que quelqu'un se consacre à plein temps au conseil de l'ambassadeur, parce que certains projets, de par leur technicité, ne ressortaient pas à l'action diplomatique habituelle du poste de Madrid, ni de l'activité standard de la mission économique. La situation était un peu différente en Allemagne. Les relations entre la France et l'Allemagne s'étaient dégradées ces dernières années, et il y avait beaucoup de sujets de friction dans les conseils transports. Par conséquent, nous avons à Berlin un conseiller équipement transports, rattaché directement à l'ambassadeur. On s'est demandé s'il fallait généraliser le système. Une mission du conseil général des ponts et chaussées vient de remettre son rapport ; nous devons maintenant l'étudier. Je considère pour ma part qu'il faut réserver le système que je viens de décrire à des cas très limités. Notre objectif n'est pas de créer un réseau propre. L'expérience prouve que, pour que cela fonctionne bien, il faut que l'ambassadeur le demande, que cela corresponde réellement à son besoin et que ce soit un « plus » pour la mission économique. On pourrait prévoir une convention particulière avec la mission économique, qui permette de préciser de manière plus spécifique ce qu'on attend d'elle et ce qu'on attend de l'agent concerné. Mais notre idée n'est pas d'étendre ou de généraliser le système. La seule question en suspens concerne l'Italie. Faut-il un conseiller équipement transports ou renforcer la dimension de la mission ? Il se trouve qu'il y a parfois deux pôles, comme aux États-Unis, avec Washington et New York, et en Italie, avec Rome et Milan. En l'occurrence, il faut savoir que, même si on renforce le volet commercial à New York et à Rome, ces postes resteront fortement régaliens. M. Éric Woerth, Rapporteur : Parlez-nous du tourisme. M. Dominique Bureau : C'est une vraie question. Au ministère, nous sommes partis d'une vision trop strictement « construction ». La dimension « tourisme » est pourtant essentielle. Cela se voit dans beaucoup d'actions bilatérales. Mais on n'a pas intégré le tourisme dans le ministère des transports et de l'équipement pour la partie « action internationale ». Il y a des synergies à trouver. C'est un enjeu essentiel. M. Philippe Gratadour : Le tourisme est un enjeu majeur. Il ne consiste pas à harmoniser les réglementations, mais à « vendre » la France. Vous connaissez le GIE « Maison de la France ». C'est une organisation partenariale entre l'État et la profession. Elle vend et fait du marketing, des campagnes de promotion, des actions auprès des agences de voyage. La nature de son rôle est relativement différente de la représentation de l'État, en tant que tel, à l'étranger. M. Dominique Bureau : Il aura fallu du temps pour qu'on comprenne tout le sens du mariage du tourisme avec l'équipement et les transports et il faut maintenant trouver les synergies. Les occasions sont fréquentes : dans le domaine international, par exemple, lorsqu'on accorde des droits de trafic aérien avec le Maroc, on le fait dans le cadre d'une politique touristique. Il faut qu'avec la DGTPE, dans la prochaine convention, on voie comment intégrer réellement cette dimension touristique. Il y a des choses qui se font, mais je ne peux pas cacher qu'aujourd'hui, dans le ministère, cela reste un peu à part. Le ministre est d'ailleurs en train de mettre en place un comité directeur relatif au tourisme, de manière à faire travailler ensemble toutes les directions. M. Gilles Carrez, Rapporteur général : Dans l'histoire, le tourisme a été rattaché de manière épisodique à votre ministère. M. Dominique Bureau : Il y a tout de même maintenant une récurrence assez forte. M. Éric Woerth, Rapporteur : On note surtout une forte indépendance, bien qu'il s'agisse d'un ministère délégué. M. Philippe Gratadour : Toutefois d'un point de vue organisationnel, la gestion du personnel du tourisme est beaucoup plus intégrée à celle de l'Équipement que celle de l'aviation civile -même si, en ce qui concerne cette dernière, le processus est en cours. M. Gilles Carrez, Rapporteur général : Avez-vous des propositions à nous faire pour mieux répondre à la préoccupation du développement touristique ? Celle-ci peut d'ailleurs jouer en deux sens : vendre la France comme une destination touristique, mais également faire valoir notre expérience des grands aménagements touristiques, ce qui peut être utile dans une approche d'entreprise. M. Dominique Bureau : Je suis en discussion avec les fédérations professionnelles pour voir comment réaliser des animations dans les missions économiques sur les sujets « équipement transports ». L'équivalent n'existe pas avec la direction du tourisme. Il y a quelque chose à faire. On pourrait ajouter, dans les lettres de mission des agents envoyés en poste à l'étranger, un paragraphe concernant les offres touristiques. M. Éric Woerth, Rapporteur : Ils ne sont pas nécessairement formés pour cela. M. Dominique Bureau : Il faudra procéder progressivement. M. Éric Woerth, Rapporteur : Il faudrait s'assurer d'une coordination avec « Maison de la France », qui a des bureaux à l'étranger. M. Dominique Bureau : Il faut qu'ils sachent qu'ils ont un lien à établir et qu'il n'est pas nécessaire de passer par Paris pour trouver « Maison de la France ». M. Philippe Gratadour : M. Gilles de Robien avait emmené une délégation d'entreprises à Bahreïn et en Arabie saoudite, qui mêlait des professionnels du tourisme, comme Créa-Océans, des architectes, des aménageurs de centres de loisirs, des sociétés d'hôtellerie comme Accor, et des professionnels appartenant davantage au monde du BTP. Cela commence à être le même métier, qu'il s'agisse de transports, d'aménagement ou de construction. M. Dominique Bureau : L'articulation générale entre le ministre de l'équipement et le ministre délégué au tourisme n'a pas posé de problème. Quand on regarde l'agenda du ministre chef de file, on s'aperçoit qu'il a souvent passé du temps sur le tourisme. Mais comme cela ne posait pas de difficulté, on n'a pas intégré le fait que les emplois des secteurs économiques relevant du ministère, dans sa configuration actuelle, représentaient grossièrement trois groupes d'un million de personnes chacun, un peu plus dans le secteur construction et un peu moins dans le secteur transport, ce qui représente des enjeux équivalents et convergents. Nous ne l'avons pas encore correctement traduit dans l'organisation. Mais nous allons essayer de faire mieux. M. Éric Woerth, Rapporteur : Avez-vous autre chose à nous signaler ? M. Dominique Bureau : Nous souhaitons développer la formation interne. Nous essayons d'informer les DDE des enjeux internationaux du ministère. Nous valorisons les programmes d'échanges de fonctionnaires. Cela nous paraît très riche et plein d'effets externes positifs. Cela nous a permis d'organiser des colloques très sérieux en vue de la réorganisation du ministère. Sans les échanges de fonctionnaires, nous ne nous serions pas rendu compte que le ministère italien avait quasiment procédé à la même réorganisation que nous. M. Éric Woerth, Rapporteur : Nous vous remercions de votre apport à nos travaux. Auditions du 11 mai 2006 a) 9 h 30 : M. Jean-Michel Severino, Directeur général de l'Agence française de développement (AFD). Présidence de M. Augustin Bonrepaux M. Augustin Bonrepaux, Président : Je remercie M. Jean-Michel Severino, directeur général de l'AFD, d'avoir répondu à notre invitation et de se prêter aux questions de notre rapporteur. M. Éric Woerth, Rapporteur : La Mission d'évaluation et de contrôle analyse la cohérence du dispositif de représentation française à l'étranger. Pourriez-vous nous dire quelle est l'organisation de l'AFD, en quoi on peut parler de complémentarité avec les services de la coopération du ministère, et comment, sur le terrain, l'AFD gère les relations avec les ambassadeurs ? M. Jean-Michel Severino : L'Agence française de développement est un établissement public chargé de financer le développement économique et social des départements et territoires d'outre-mer, mais aussi de financer le développement des pays pauvres, principalement à l'intérieur de la zone de solidarité prioritaire définie par le Gouvernement, à laquelle s'ajoutent un certain nombre de pays émergents. En 2006, notre périmètre d'activité sera de l'ordre de 3,2 milliards d'euros, tous instruments confondus, dont il faut retirer 450 millions d'euros pour les départements et territoires d'outre-mer. Dans le cadre de ces activités à l'étranger, nous distribuerons un peu moins de 400 millions d'euros de subventions, le reste étant constitué de toutes sortes d'instruments financiers : prêts, garanties, fonds propres, etc. au bénéfice d'entités publiques ou privées - États, entreprises publiques ou privées. Au siège de l'AFD, nous comptons trois directions : la direction de la stratégie, qui a une fonction institutionnelle d'évaluation et d'élaboration de nos axes stratégiques et qui s'occupe aussi de formation et de communication ; le secrétariat général, qui est chargé des finances et de l'administration de la maison ; enfin, la direction des opérations, elle-même structurée en directions géographiques, dont deux s'occupent de l'Afrique, une de la Méditerranée, une de l'Extrême-Orient et une des départements et territoires d'outre-mer. À ces directions géographiques s'ajoutent des directions sectorielles en charge respectivement du développement humain, des infrastructures, de l'environnement et des ressources naturelles, et des finances. Sur le terrain, nous disposons d'une quarantaine d'agences dans les pays étrangers, qui totalisent environ 95 cadres expatriés, 300 cadres locaux et une trentaine de volontaires étrangers. Ces agences rendent compte de leur action directement au directeur géographique du siège. Globalement, nos effectifs sont de l'ordre de 1 300 personnes, dont un plus de 800 cadres AFD. C'est au sein de ces 800 personnes qu'il faut situer les 95 collaborateurs expatriés, 250 autres personnes travaillant à Paris sur les opérations AFD, et le reste dans les fonctions administratives, stratégiques, dans notre centre de formation, outre-mer, etc. M. Éric Woerth, Rapporteur : Je souhaite que vous nous laissiez les documents correspondants ainsi que la liste des pays dans lesquels vous êtes présents. Par ailleurs, je suis étonné du faible nombre de cadres expatriés : 2,2 par agence. M. Jean-Michel Severino : La productivité est pour nous une obsession. Ces dernières années, nous avons à peu près doublé notre activité sans augmenter les effectifs. Nous l'avons même triplée dans les pays étrangers. Nous l'avons fait en nous reposant davantage sur nos cadres locaux. Notre plus grande agence se situe au Cameroun, où nous avons six collaborateurs expatriés. Il est très fréquent qu'une agence ne compte qu'un collaborateur expatrié. Cela est dû à une répartition de compétences assez spécifique entre le siège et les agences : celles-ci sont chargées de l'identification des opérations et des contacts locaux avec les autorités et les entreprises des pays dans lesquels nous travaillons ; elles sont également chargées du suivi et de l'exécution des opérations. Le travail d'évaluation et d'instruction des opérations est effectué principalement par les collaborateurs du siège. Notre fonctionnement suppose de nombreuses allées et venues entre le siège et les agences. Nous sommes en train de définir une nouvelle doctrine d'emploi de notre réseau. Pour les agences proches géographiquement, nous envisageons de diminuer le nombre d'expatriés présents. Pour les destinations très lointaines, nous allons continuer, sans doute à Saint-Denis de la Réunion, ce que nous avons déjà commencé de faire à Bangkok. Nous aurons ainsi deux centres techniques avec une masse critique d'expatriés dotés de compétences techniques et économiques, venant compléter des agences pays très légères en expatriés. Les agences au Sud du Sahara resteront sans doute dans un schéma plus classique. Elles sont plus lourdes en expatriés que la moyenne parce qu'elles nécessitent un accompagnement technique quotidien, notamment une intense activité de la communauté internationale en termes de coordination, animation et de réunions, etc. Ce n'est pas le plus facile à gérer sur le plan des ressources humaines : les destinations africaines ne sont pas les plus attractives. M. Éric Woerth, Rapporteur : Avez-vous ouvert des agences récemment ? M. Jean-Michel Severino : Nous en avons fermé et ouvert. Dans les cinq années de mise en place du plan d'orientation stratégique, nous avons fermé des agences au Zimbabwe, en Éthiopie, en Centrafrique, à Abidjan, les trois premières pour des raisons de productivité et de volume d'affaires et la quatrième pour les raisons politiques. Auparavant nous en avions fermé en Angola et à Kinshasa. Puis nous avons rouvert Kinshasa, ouvert à Amman en Jordanie, en Turquie, en Égypte, en Chine, en Thaïlande. Nous connaissons une croissance importante de nos volumes d'activité, ce qui se traduit par une extension du nombre des pays dans lesquels nous opérons. Pour autant, hormis la Chine où nous placerons quelques expatriés, il n'y aura que des agences très légères, avec un ou deux collaborateurs expatriés, et des norias de missions pour instruire et suivre les opérations. M. Éric Woerth, Rapporteur : Vous avez parlé de 400 millions d'euros de subventions et de 2,1 milliards d'interventions financières. Pourriez-vous nous donner la typologie de ces dernières ? M. Jean-Michel Severino : La totalité des prêts concessionnels dans les pays étrangers représente environ 1,2 milliard d'euros en 2006. À l'intérieur de ce total, les prêts aux États seront de l'ordre de 640 millions et les prêts non souverains - prêts non garantis par des États, faits à des entités publiques ou privées à des conditions concessionnelles - seront de l'ordre de 450 millions. Nous aurons enfin une production non concessionnelle d'environ une centaine de millions d'euros. M. Éric Woerth, Rapporteur : C'est-à-dire ? M. Jean-Michel Severino : Sans garanties de l'État, aux conditions du marché. M. Éric Woerth, Rapporteur : Concessionnel signifie donc avec bonification de l'État français ? M. Jean-Michel Severino : Oui, et les conditions varient beaucoup. Cela va des prêts à très forte concessionnalité à des prêts proches du marché. L'effet de levier, c'est-à-dire le montant de l'aide publique au développement qu'on génère avec un euro de dotation budgétaire de l'État variera de 1,5 - sur les prêts les moins concessionnels - à 5 suivant la cherté du taux de sortie final des prêts. À cela il faut ajouter 350 millions d'euros d'engagements Proparco, notre filiale pour le secteur privé, qui distribue des prêts à des entreprises à des conditions de marché. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quels sont les rapports de l'AFD avec la Coopération ? M. Jean-Michel Severino : Le Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) a fixé en 2004 puis en 2005, lors de réunions successives, une nouvelle répartition des activités et des compétences entre le ministère des affaires étrangères et l'AFD. Nous sommes devenus, dans les pays de la zone de solidarité prioritaire ou ZSP, responsables de l'intégralité des secteurs de coopération dits « des objectifs du millénaire », ce qui correspond à l'essentiel de la coopération économique et sociale avec les pays en développement, aussi bien pour l'activité « projets » que pour l'assistance technique. Dorénavant, l'Agence dispose de la totalité, dans la ZSP, des instruments de l'aide française au développement bilatérale, qu'il s'agisse des prêts, des dons, des activités projets, des activités d'assistance technique, de soutien institutionnel dans ces secteurs. Le ministère des affaires étrangères, dont les compétences sont énumérées limitativement, reste compétent dans les domaines de la gouvernance - police, sécurité, justice, État de droit, finances publiques - dans les domaines de l'enseignement supérieur et de la recherche, dans le domaine culturel et dans les activités à caractère régional supranational. La transformation des rôles respectifs des deux institutions a entraîné un transfert d'activités en cours d'exécution durant l'année 2005, qui a touché des projets auparavant gérés par le Fonds de solidarité prioritaire. Ces projets représentant 50 millions d'euros ont été transférés vers l'Agence. Les activités transférées au titre de ces secteurs en matière d'assistance technique correspondent à environ 320 postes d'assistants techniques. M. Éric Woerth, Rapporteur : Ces 320 postes sont donc aujourd'hui chez vous ? M. Jean-Michel Severino : Ils sont financés par nous. M. Éric Woerth, Rapporteur : Sur des projets anciens ? M. Jean-Michel Severino : Sur des projets en cours d'exécution. Ces 320 postes identifiés ne correspondent pas en 2005, et encore moins en 2006, à de nouveaux postes AFD. En effet, l'État a décidé de gérer cette opération de transfert de postes en fermant progressivement les postes d'assistants techniques au fur et à mesure de la clôture des projets en 2005 et 2006, à charge pour l'AFD de rouvrir des postes sur les nouveaux projets qui émergent. Or le rythme auquel ces nouveaux projets sont instruits ne permettra pas, à la fin de l'année 2006, d'atteindre à nouveau le nombre de 320. L'année 2006 est donc une année de creux s'agissant du nombre d'assistants techniques dans ces secteurs. Nous nous sommes cependant engagés, d'ici à 2008, à reconstituer cet effectif au fur et à mesure de la création des nouveaux postes. Nous avons une sorte de contrat d'objectifs avec l'État pour 2006, 2007 et 2008. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quel type de contrat ont ces coopérants ? M. Jean-Michel Severino : Ce sont, soit des fonctionnaires, soit des gens du secteur privé, recrutés sur un statut spécial prévu par la loi, en CDD. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comme ils sont en CDD, lorsqu'une opération se termine et qu'une autre opération ne prend pas le relais, leur contrat prend fin. M. Jean-Michel Severino : Cela se passe ainsi depuis des années. Les syndicats d'assistants techniques se sont inquiétés et interrogés, mais il n'y a pas eu de mouvement social ni de protestation. Nous avons mis en avant cette pratique routinière et nous n'avons pas interrompu les séjours des intéressés en cours de contrat. L'État a assumé systématiquement ses engagements. M. Éric Woerth, Rapporteur : On a tendance à dire que l'Agence est habituée à s'occuper du financement de gros projets, que son métier est celui d'une banque, et que, par conséquent, tout ce qui relevait de la compétence de la DGCID, à savoir l'assistance, la pédagogie et l'humain, n'est pas transférable à une institution qui n'a pas cette culture. Comment est-ce que cela se passe sur le terrain ? Est-ce qu'on va évoluer vers une coopération de nature différente ? Est-ce que les SCAC conservent sur le terrain des opérations de petite ampleur, qui n'ont pas de caractère financier immédiat ? Ou est-ce que la rupture est complète entre ce qui relève et ce qui ne relève pas du domaine de la coopération économique ? M. Jean-Michel Severino : Vous abordez un sujet opérationnellement complexe et parfois sensible institutionnellement et politiquement. Il a plusieurs aspects. Le premier, qui n'a rien à voir avec le fait d'avoir ou non une culture bancaire, tient à la qualité de la gestion des opérations. Nous partons du principe qu'une maison ne peut pas mettre en œuvre et suivre plus d'opérations qu'elle n'a de moyens pour les exécuter. L'État nous rémunère à hauteur de 10 % des opérations que nous mettons en œuvre ; c'est notre commission. Par ailleurs, nous avons calculé combien nous coûte une opération à l'instruction et, ensuite, à l'exécution : un tiers pour l'instruction et deux tiers pour l'exécution - qui s'étale sur cinq ou sept ans. Enfin, nous savons que les coûts sont essentiellement fixes. Pour instruire une opération de 500 000 euros ou pour instruire et exécuter une opération de 50 millions d'euros, il faut quasiment la même énergie - surtout dans des pays où la gouvernance et les capacités institutionnelles sont faibles. On rapproche tous ces éléments et on s'aperçoit qu'en l'état actuel des volumes qui nous sont alloués par le ministère des affaires étrangères, nous commençons à perdre de l'argent dans les opérations inférieures, en moyenne, à 6 millions d'euros. De fait, aujourd'hui, l'Agence, en comptabilité analytique, enregistre un déficit de l'ordre de 30 millions d'euros sur la gestion des subventions au concours du ministère des affaires étrangères. Nous disons donc au ministère des affaires étrangères : si vous voulez que nous réalisions des opérations de plus petite taille, qu'elles soient de bonne qualité et bien exécutées, il faut accroître notre commission de gestion. L'efficacité d'une opération résulte d'abord de l'intensité du travail qu'on est capable de consacrer à l'exécution de l'opération. On n'est pas ici dans le domaine de la banque. Et si on adopte une position contraire, on fait preuve de mauvaise gestion et d'irresponsabilité. Encore une fois, si l'État veut que l'on instruise des opérations qui vont dans la nature et qui échouent, c'est son affaire. Mais nous nous devons de lui tenir ce discours de vérité sur les conditions d'exécution de nos opérations. Si nous continuons aujourd'hui à entretenir un déficit sur la mise en œuvre des subventions, alors que la responsabilité des dirigeants de l'Agence aurait dû être de réduire les moyens sur la mise en œuvre des subventions pays pour mettre fin à ces déficits, c'est parce que je ne me suis pas résigné à voir un nombre croissant d'opérations aller dans le mur en leur supprimant les moyens de fonctionnement. Et aussi parce que nous avons espéré que les montants de subventions que nous donnerait à gérer le ministère des affaires étrangères augmenteraient, de façon à nous permettre d'abaisser notre « point mort » au fur et à mesure que les volumes augmenteraient. Cela dit, nous nous réjouirions que le ministère des affaires étrangères décide d'augmenter notre commission de gestion. Si elle était de 15 ou 20 %, cela changerait les choses. M. Éric Woerth, Rapporteur : Sur les opérations inférieures à 6 millions ? M. Jean-Michel Severino : Non, de manière générale. M. Éric Woerth, Rapporteur : Avez-vous une comptabilité opération par opération ? M. Jean-Michel Severino : Oui. M. Éric Woerth, Rapporteur : Avez-vous un comparatif entre les opérations gérées par les SCAC, auxquels vous auriez retransmis un petit compte d'exploitation, et l'opération intégrée à l'AFD ? M. Jean-Michel Severino : Non, il faut être clair : c'est factuel. L'État a énormément de mal à mesurer ses coûts. C'est ainsi que la DGCID ne connaît pas ses coûts de gestion, ni ses coûts de personnels sur ses opérations, ni ses coûts fixes. Nous, nous mesurons l'intégralité de nos coûts, celui de nos immeubles ou de nos machines informatiques. L'État est incapable de répartir les charges de fonctionnement du ministère des affaires étrangères et encore moins ses charges structurelles. Il y a une opacité totale sur ce sujet. Et si nous avons ce débat avec le ministère des affaires étrangères, c'est justement parce qu'il n'y a pas de comparaison possible. Sans instrument de mesure de l'autre côté, on ne peut pas vraiment avoir de discussion comparative. Cela dit, quand on parle de ces 6 millions d'euros, on parle d'une moyenne. Nous ne refusons pas les opérations de petite taille. Simplement, quand nous réalisons une opération d'un million d'euros, on se préoccupe de l'opération de 15 ou 20 millions d'euros que l'on pourra réaliser par ailleurs. M. Éric Woerth, Rapporteur : Vos directeurs d'agence ont-ils reçu l'instruction d'identifier l'importance des projets et de laisser mourir les moins importants ou de laisser les SCAC continuer à les instruire ? M. Jean-Michel Severino : Non, la répartition des compétences est désormais imposée par la nouvelle règle du jeu sectorielle. Nous assurons désormais la gestion des projets FSP qui nous ont été transférés. Mais nous savons que cela va se dégrader ; tous ces ratios de fonctionnement vont plutôt peser dans le sens de l'accroissement de notre déficit. M. Éric Woerth, Rapporteur : Vous considérez que, sur les sujets économiques et sociaux, dont l'éducation, le transfert de compétences est complet ? M. Jean-Michel Severino : Sur l'éducation, au moins jusqu'au secondaire inclus, puisque l'enseignement supérieur et la recherche restent une compétence du ministère des affaires étrangères. M. Éric Woerth, Rapporteur : On peut se demander pourquoi, car cela nécessite pas mal d'investissements. M. Jean-Michel Severino : C'est en tout cas la décision que le Gouvernement a prise. Je voudrais revenir sur ces questions de coûts. Notre façon de travailler est très simple. Nous ne demandons pas à chaque directeur d'agence de suivre cet objectif de coût unitaire. Il revient à la direction des opérations de réaliser cet équilibre ou de s'en approcher le mieux possible, à l'échelle de l'ensemble des opérations, Tout l'art du directeur des opérations est de constituer un portefeuille comprenant un certain nombre d'opérations innovantes, de petite taille, qui vont coûter très cher mais qui vont être compensées par des opérations plus faciles, plus routinières, de plus gros volume, permettant d'assurer les décaissements de la maison. L'art de la gestion d'une maison de développement, c'est d'équilibrer les opérations qui vont fournir le « fonds de sauce » des transferts financiers et d'avoir également un portefeuille plus compliqué et plus problématique, permettant de pousser plus loin les frontières. Cela se réalise à l'échelle de l'ensemble de l'établissement et, en pratique, le directeur des opérations a tendance à fixer des objectifs à chaque direction géographique. On sait que sur l'Afrique subsaharienne, on aura des volumes unitaires beaucoup plus petits que sur l'Extrême-Orient. Il dira donc au directeur de l'Extrême-Orient que la taille moyenne des opérations devra se situer autour de 15 millions d'euros et aux directeurs de l'Ouest de se contenter de 3 ou 4 millions d'euros. Ensuite, chaque directeur géographique fera lui-même son arbitrage de portefeuille. Toutes les maisons de développement fonctionnent à peu près comme cela. Cela étant, nous sommes bien conscients que la réforme de la coopération française n'a pas simplement attribué des secteurs nouveaux à l'Agence, mais a aussi transformé les attentes par rapport à nos types de délivrables. Auparavant, la répartition n'était peut-être pas très cohérente, mais il était clair que l'attente vis-à-vis de l'Agence était un délivrable « projets ». Aujourd'hui, avec l'inclusion de l'assistance technique, le délivrable est plutôt du type « impact sur le développement », qui est plus large et qui emporte avec lui davantage de préoccupations qualitatives, d'associations, d'acteurs de la société civile française, etc. Il faut prendre en compte cette attente, mais elle ne doit pas conduire à la dégradation de la situation financière de l'établissement - il faut bien de l'argent pour payer les charges. Il faut que nos modalités d'intervention s'adaptent à ces nouvelles demandes. Nous essayons de le faire de différentes manières : d'abord, en introduisant une nouvelle procédure d'appel à candidatures au bénéfice de la société civile, des ONG, sur des projets de petite taille. Prenons le cas du Niger, où l'on craint la répétition des problèmes alimentaires de l'an dernier. Nous avons lancé un petit appel à candidatures, de l'ordre d'un million et demi d'euros, en demandant aux ONG d'apporter des idées neuves pour traiter ces problèmes d'insécurité alimentaire. Le fait de passer par ce type de procédures et de donner les fonds à gérer aux ONG qui seront les bénéficiaires de ces financements nous permet d'aller vers des opérations de plus taille tout en transférant nos coûts de gestion sur les intervenants tiers, donc en diminuant nos charges propres. Nous sommes en train de travailler sur une autre procédure : une délégation de gestion plus importante à nos agences pour pouvoir instruire des opérations se situant dans la tranche comprise entre 500 000 euros et un million d'euros, avec des coûts d'intervention très réduits, sans instruction technique centrale, sans validation technique centrale, etc. Précisément, une opération à 500 000 euros devra coûter, sur toute sa durée, moins de 50 000 euros en frais de gestion. Cela exclut l'utilisation de collaborateurs expatriés dans l'instruction et le suivi des opérations, ainsi que les voyages entre Paris et le pays concerné. L'opération doit être menée uniquement avec des collaborateurs locaux, avec des structures locales et des critères qualitatifs simplifiés. Cela suppose la construction de toute une infrastructure locale. C'est la raison pour laquelle nous introduisons de plus en plus de cadres locaux dans nos agences pour pouvoir travailler sur ce type d'opérations à des coûts moindres qu'avec des collaborateurs expatriés. M. Éric Woerth, Rapporteur : Y a-t-il une répartition du temps, avec un temps attribué à chaque type d'opération ? M. Jean-Michel Severino : Nos collaborateurs déclarent le temps passé sur les opérations, semaine par semaine. Cela nous sert de base pour le calcul des coûts directs, mais aussi pour la répartition des charges indirectes de toute l'agence sur les opérations. C'est un système assez coûteux et complexe à gérer. Nous avons également décidé que nous présenterions des opérations d'assistance purement technique, des opérations de petite taille qui n'ont aucun aspect de financement de projet et qui comprendront exclusivement les coûts des collaborateurs et des assistants techniques pour la durée de leur mandat. Nous instruirons ces projets selon des procédures simplifiées, compte tenu de leur petite taille. M. Éric Woerth, Rapporteur : Dans le cadre de la coopération au sens classique du terme, il y avait beaucoup de missions d'assistance, des missions venant de France apportant tel ou tel éclairage, telle ou telle expertise, des échanges de cadres qui duraient un certain temps. Est-ce terminé ? M. Jean-Michel Severino : Ce n'est pas terminé, car une partie de ces missions va rester nécessaire. Pour les opérations que nous monterons, nous prévoirons régulièrement des enveloppes destinées à financer ce type d'activités. Simplement, nous ne les gérerons plus. L'Agence ne gère rien. Elle finance. Les activités sont gérées par les bénéficiaires de nos concours. C'est un principe radicalement différent de celui qui est mis en œuvre par la DGCID, qui met en œuvre elle-même ses concours. Concrètement, si elle finance un pays sur FSP, avec des investissements qui demandent des marchés, des agents et des missions, c'est elle qui passera l'appel d'offres, qui va décider du recrutement du prestataire et qui va assurer le suivi d'exécution de l'opération. C'est elle qui va choisir le missionnaire, assurer sa mise en route, payer le billet d'avion directement, etc. Nous avons une pratique radicalement opposée : l'agence fournit de l'argent, prêt ou subvention, au bénéficiaire de l'opération, entreprise publique, mairie, collectivité locale ou État, et celui-ci passe l'appel d'offres, sélectionne les prestataires, assure le suivi d'exécution des opérations. Nous ne nous mêlons pas de la gestion de ces opérations. En revanche, nous mettons des points de vérification, ce que nous appelons des « avis de non objection », qui nous permettent par exemple de vérifier, sur les marchés importants ou pour les activités sensibles, que les décisions que prend le bénéficiaire des opérations, le maître d'ouvrage, sont bien conformes à l'objet du projet et qu'il n'y a pas de corruption. En conclusion, de telles missions vont continuer, mais elles seront gérées par les bénéficiaires. Cela dit, le sujet n'est pas complètement éliminé, dans la mesure où il y avait toute une partie de l'activité de la coopération française qui n'était pas du tout liée aux projets, et qui relevait davantage de l'activité d'influence : l'ambassadeur, le ministère des affaires étrangères souhaitaient avoir tel poste d'assistant technique à tel endroit pour des raisons qui n'étaient pas liées à un objectif de développement particulier, mais à un objectif diplomatique. Cet objectif est parfaitement légitime, mais nous avons du mal à le prendre en compte. Nous souhaitons donc que le ministère des affaires étrangères ait une marge de manœuvre budgétaire pour le financer. Prenons le cas très sensible du Maghreb, où cette activité d'influence, qui s'exerce notamment dans le domaine médical, est très importante. Nous avons d'autant plus de mal à la prendre en compte que l'essentiel de notre intervention, au Maghreb, se fait sous forme de prêts, et que les pays ne sont pas prêts à s'endetter pour financer ce genre d'activités. Voilà pourquoi nous souhaitons, plus particulièrement pour ce genre de pays, que ce qui relevait du titre IV du budget du ministère des affaires étrangères continue à rester actif, y compris dans des secteurs qui sont les nôtres, pour prendre en charge ce genre de missions. Une telle clarification serait bienvenue. De cette manière, on saura ce qui relève d'un objectif d'influence légitime de la France, ou de relations. C'est parfaitement défendable et assumable. Ce pourra être affiché de manière transparente et son impact pourra être mesuré. Nos propres activités pourront être critiquées, analysées, commentées en fonction de leur finalité. M. Éric Woerth, Rapporteur : Même dans les domaines de compétences qui vous sont affectées ? M. Jean-Michel Severino : Exactement. M. Éric Woerth, Rapporteur : Parlez-nous de l'ambassadeur. Comment, dans ce dispositif, continue-t-il à rester une sorte de chef d'orchestre de la politique française dans le pays où il est en poste ? M. Jean-Michel Severino : La réforme voulue par le CICID a en fait renforcé le rôle de l'ambassadeur dans sa dimension de chef d'orchestre. Vis-à-vis de l'Agence, il joue désormais un rôle fondamental formalisé par les missions du CICID. D'abord, son autorité est affirmée dans la rédaction du « document cadre de partenariat ». Cette même réforme a en effet instauré un document cadre de partenariat ou DCP, conçu sur cinq ans, dont l'ambassadeur est le rédacteur, même s'il s'entoure de l'avis et du soutien du SCAC, de l'Agence, des institutions de recherche et de développement, ainsi que de toute personne qu'il souhaite associer à l'élaboration de ce document. Notre devoir, en tant qu'Agence, est d'être actifs dans cette phase. Ce document est ensuite validé à Paris par les administrations de tutelle, et toutes les institutions sont chargées de l'exécuter, chacune dans son domaine de compétences. Nous le faisons de manière formelle à travers un document de stratégie, propre à l'Agence, qui s'appelle le « cadre d'intervention pays », qui décline le DCP pour les secteurs qui nous sont propres, et celui-ci est lui-même validé par l'ambassadeur. Du point de vue stratégique, il y a donc un verrouillage, nouveau, par l'ambassadeur de l'ensemble des actions de la programmation de la coopération française dans son pays. Nos activités sont incluses là-dedans. Ensuite, l'ambassadeur a un rôle très précis de « verrou » du point de vue technique. En effet, sur chaque opération de l'Agence, il donne son avis au stade de l'identification de l'opération, très en amont, au moment du passage en conseil de surveillance, et à la fin de l'opération d'évaluation. Il intervient donc aux trois étapes du montage d'une opération. Certes, un avis n'est qu'un avis. Mais, en pratique, il est difficile de présenter au conseil de surveillance une opération avec un avis négatif de l'ambassadeur. Il faudrait vraiment des raisons majeures de désaccord avec l'ambassadeur pour passer outre. Depuis cinq ans que je suis à l'Agence, cela ne s'est jamais produit. Enfin, l'ambassadeur a désormais un rôle dans la gestion du personnel de l'Agence, ce qui peut d'ailleurs être juridiquement contestable. M. Éric Woerth, Rapporteur : Il note ? M. Jean-Michel Severino : Non, il exprime un avis sur la manière de servir. L'Agence est un établissement public, et c'est moi qui note. Mais je voudrais vous faire sentir tout ce que cela a d'extraordinaire. Imaginez que les directeurs régionaux de l'ADEME soient notés par le préfet. Sur le territoire national, c'est inimaginable. En acceptant cette procédure qu'il a fallu caler juridiquement, l'Agence a fait un acte de reconnaissance très important de l'autorité de l'ambassadeur dans le pays. Je précise qu'en outre l'ambassadeur est consulté sur l'affectation des directeurs et des collaborateurs d'agence dans son pays de résidence. Nous avons donc basculé dans un système où l'ambassadeur a des pouvoirs extrêmement importants sur la gestion des effectifs, sur chaque opération individuelle et sur la définition de la stratégie. L'énumération de ces compétences pourrait faire penser que nous vivons, du côté de l'Agence, ce dispositif comme un système de contraintes insupportables. Nous avons accepté de très bon cœur cette réforme du CICID. Nous croyons au fait qu'il doive y avoir une politique unique. La consigne de management qui est donnée à nos directeurs d'agence est d'aller au-delà de ces obligations : de tenir l'ambassadeur quotidiennement au courant de leurs activités, d'assurer une transparence absolue sur tout ce qui se passe, etc. Tout cela se pratique dans le meilleur esprit. Comme partout, les hommes sont les hommes ; dans la majorité des cas, tout se passe normalement mais il y a, ici et là, des problèmes de personnalité. Ils sont rares. M. Éric Woerth, Rapporteur : Je ne suis pas sûr qu'historiquement, l'avis de l'ambassadeur ait toujours été suivi. M. Jean-Michel Severino : Depuis que je suis à l'Agence ... M. Éric Woerth, Rapporteur : J'ai cru savoir qu'il était parfois réservé et qu'il lui arrivait d'émettre des conditionnalités. M. Jean-Michel Severino : Oui, certainement, mais sans exprimer un avis négatif auquel il serait passé outre. M. Éric Woerth, Rapporteur : Est-ce que la répartition des compétences vaut pour l'ensemble de votre réseau ? M. Jean-Michel Severino : Oui, sur l'ensemble du réseau, partout où nous sommes. M. Augustin Bonrepaux, Président : Monsieur le directeur général, nous vous remercions. b) 10 h 30 : M. Jean-Paul Panié, Directeur du développement international à la Délégation générale pour l'armement du ministère de la Défense. Présidence de M. Augustin Bonrepaux M. Augustin Bonrepaux, Président : Monsieur le directeur, merci d'avoir répondu à notre invitation. M. Éric Woerth, Rapporteur : Notre Mission d'évaluation et de contrôle s'est notamment donné pour but d'examiner la cohérence du dispositif français à l'étranger. Notre intention est de mieux comprendre comment s'organise la Direction générale de l'armement à l'extérieur du pays, quels sont les réseaux dont vous disposez, leur taille, avec qui vous collaborez, quel est le rôle des ambassadeurs et des attachés de défense dans le domaine militaire, la structure que vous utilisez et la capacité de cette dernière à s'appuyer sur d'autres structures françaises. M. Jean-Paul Panié : Au sein de la DGA, la direction du développement international est chargée de plusieurs missions. Elle est chargée de la promotion de l'aide au soutien des exportations d'armement, sachant que les vendeurs d'armes à l'étranger sont des industriels, mais que la vente d'armements nécessite le plus souvent le soutien des autorités et des administrations de l'État. Le client s'attend à un soutien qui consiste notamment en une description de la façon dont les armements sont ou seraient utilisés dans les armées françaises. À côté de l'action purement commerciale et industrielle, de présentation de leurs produits, comme dans n'importe quelle autre activité d'exportation, la connotation étatique est encore un peu plus grande, en termes de soutien, que dans les autres grands projets. C'est la partie la plus régalienne de notre action. La direction a pour autre mission d'entretenir le réseau des relations internationales dans le domaine de l'armement, avec la quasi-totalité des pays du monde. Je précise que deux directions ont un rôle international au sein de la DGA : la direction du développement international et la direction des systèmes de forces et des stratégies industrielles, technologiques et de coopération (D4S) qui, en gros, construit l'Europe de l'armement et qui est chargée des rapports avec les pays les plus concernés comme les pays de la LOI, les pays membres de l'OCCAR, et enfin les États-Unis, qui sont dans une catégorie un peu à part. Le troisième rôle de la direction est d'apporter une expertise technique à la commission interministérielle d'exportation de matériels de guerre. La direction dispose d'un certain nombre de missions à l'étranger, qui sont installées dans les pays avec lesquels la relation à l'armement est la plus soutenue. Il y a naturellement beaucoup plus d'attachés de défense en poste dans le monde entier - 95. Pour ce qui concerne le grand export dont nous avons la charge, nous avons 13 postes à l'étranger, sachant que dans l'autre partie de la DGA en charge de l'Europe de l'armement et des États-Unis, il y en a 8 - soit au total 21. Pour ce qui concerne cette dernière, les représentations se trouvent dans les pays que suit la direction de la stratégie : à Washington, Londres, Berlin, Rome, Madrid, Stockholm, Bruxelles - une mission à l'OTAN et l'autre à l'Union européenne. Pour ce qui nous concerne, nous avons une représentation à Athènes et une à Ankara, une représentation à Moscou, une à Riyad et à Abou Dhabi au Moyen-Orient, une à Brasilia pour l'Amérique du Sud, une à Delhi, à Singapour, Kuala Lumpur, Séoul, Tokyo, Taipeh pour l'Asie, et une représentation à Canberra. Ces représentations sont généralement composées d'une personne, un attaché d'armement. Ajoutons-y une secrétaire et parfois un interprète, qui est le plus souvent un recruté local. Ces postes évoluent en même temps que la relation d'armement avec les pays considérés. Il faut néanmoins noter que, lorsqu'on veut fermer un poste d'attaché d'armement, il faut l'expliquer au pays concerné et à l'ambassadeur, lequel est parfois réticent. Nous sommes partis de zéro, il y a une quinzaine d'années, pour atteindre le nombre de 13 représentations. Nous avons fermé récemment nos représentations en Pologne et en Thaïlande. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pourquoi ? M. Jean-Paul Panié : Nous avons fermé celle de Thaïlande après la crise de 1997, car c'était devenu un pays avec lequel le volume possible des relations d'armement, au sens de soutien à l'exportation, ne justifiait plus une présence permanente ; par ailleurs, c'était une mission régionale, qui couvrait tout l'ASEAN. Nous avons remplacé les deux personnes en poste à Bangkok par une personne à Singapour et une à Kuala Lumpur. Si la situation économique de la Thaïlande lui permet de nouveau d'avoir des programmes d'armement et de faire des acquisitions substantielles, nous reverrons sans doute la question. Nous avons fermé notre représentation en Pologne parce que nous nous sommes aperçus au bout de cinq ans que les Polonais se sentaient peut-être un peu plus membres de l'OTAN, et donc partenaires des États-Unis, que membres de l'Union européenne. Nous l'avons fait dans un souci d'économie. Les affaires d'armement sont des affaires à très long terme et l'établissement d'une relation susceptible de déboucher un jour sur une vraie coopération et sur des exportations demande du temps. La démarche est relativement longue. On l'a vu avec Singapour, où nous avons connu un échec récent au sujet de Rafale, mais aussi de beaux succès et notamment en matière navale au bout d'une dizaine d'années ; avec l'Australie qui, au bout de huit ans, est maintenant un partenaire important, qui achète des hélicoptères, des Airbus A 330 comme avions de ravitaillement en vol, des torpilles, etc. Sauf dans le cas des États-Unis ou de la Russie, la relation d'armement se situe davantage dans le soutien aux exportations qu'en retombées technologiques directes. Cela passe néanmoins par un dialogue technologique en amont des ventes. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quel que soit l'acheteur ? M. Jean-Paul Panié : C'est peut-être un peu moins vrai en Arabie Saoudite qu'à Singapour. M. Éric Woerth, Rapporteur : Quels sont les rapports avec l'attaché militaire ? M. Jean-Paul Panié : Jusqu'à présent, il n'y a pas de pays ayant un attaché d'armement qui n'ait pas également un ou plusieurs attachés militaires. Cela correspond un peu au rôle respectif de la DGA et de l'état-major des armées. La relation ne fonctionne bien que si l'attaché d'armement et l'attaché de défense travaillent étroitement ensemble. Les pays où il y a les deux sont des pays où le volume de la relation militaire et de la relation d'armement justifie la présence de plus d'une personne. L'alternative serait d'avoir deux attachés venant des armées et pas d'attaché d'armement, ce qui existe dans un certain nombre de pays comme la Pologne. Les approches sont légèrement différentes : l'attaché d'armement a un rôle plus technique et plus industriel que l'attaché de défense. L'attaché de défense va davantage au-devant des forces pour évaluer leurs besoins opérationnels, voir comment elles peuvent travailler avec les armées françaises. En matière de soutien étatique aux exportations, les armées, comme la DGA, ont un rôle très important. Car elles apportent une crédibilité aux propositions des industriels. Quand un chef d'état-major va en mission à l'étranger et qu'il explique comment on se sert du Tigre, il leur apporte une plus-value, une crédibilité plus grande que le président d'Eurocopter. Pour ma part, je me situe un peu entre les deux. Encore une fois, il me semble que l'attaché de défense et l'attaché d'armement ont un rôle très complémentaire. Il y a de nombreux pays dans lesquels il y a des relations d'armement sans qu'il y ait d'attaché d'armement, et où c'est l'attaché de défense qui joue ce rôle et travaille en étroite liaison avec moi. Nous sommes convenus avec l'état-major qu'au Koweït, la personne qui était jusqu'à présent attaché de défense serait également attaché d'armement, ce qui signifie que c'est moi qui le rémunérerai ; il rentrera dans la mission 5 du programme 144 de la LOLF, c'est-à-dire la partie soutien aux exportations d'armement. Au lieu d'être un attaché de défense rémunéré par l'état-major des armées, il sera à la fois attaché de défense et attaché d'armement rémunéré par moi. Ce sera pendant quelque temps un capitaine de frégate et on verra ensuite si on le remplacera par un ingénieur. Il y a d'autres exemples : l'attaché de défense au Chili travaille aujourd'hui à 50 % sur les affaires d'armement. L'attaché de défense est toujours le représentant du ministre de la défense et pas seulement du chef d'état-major des armées. Hiérarchiquement, il est donc le patron militaire de l'attaché d'armement et pourrait avoir à le sanctionner. M. Éric Woerth, Rapporteur : Il y a une hiérarchie entre les deux ? M. Jean-Paul Panié : Une instruction cosignée par l'état-major des armées et le délégué général pour l'armement définit leurs rapports : ils sont tous les deux considérés, au sein d'une ambassade, comme chefs de service. Ils participent aux réunions hebdomadaires de l'ambassadeur. Mais le patron des deux est l'attaché de défense. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comment est-ce que cela se passe ? L'état-major envoie son attaché de défense et la DGA choisit son attaché d'armement ? M. Jean-Paul Panié : Il n'y a pas de coordination s'agissant du choix des individus. Il y en a une avec le sous-chef des relations internationales de l'état-major des armées pour voir où, en fonction de l'activité, il convient de diminuer ou d'augmenter le nombre de représentants. Personnellement, j'essaie d'envoyer des attachés ayant une bonne connaissance de l'industrie, ainsi qu'une bonne connaissance du fonctionnement des exportations d'armement. Ce sont souvent des personnes qui ont été responsables, chez moi, des relations avec un pays et qui, après quelques années de travail à Paris, à la DDI, partent à l'étranger. À Paris, l'organisation de la direction repose sur des responsables par pays et, à côté de sous-directions transversales, trois sous-directions couvrent trois zones du monde : Europe au sens large, Moyen-Orient et grand export. Chaque sous-directeur a une demi-douzaine de collaborateurs qui sont responsables des relations avec un ou plusieurs pays, suivant la taille des pays concernés. En termes d'effectifs, à l'étranger, j'ai 27 personnes pour les 13 postes et, à Paris, une petite centaine de personnes. Les responsables de zone travaillent très étroitement avec les attachés d'armement, quand il y en a, et avec les attachés de défense. Deux parties de ma direction sont plus horizontales. Une partie tout à fait transversale s'occupe de politique d'exportation ; elle prépare chaque année le rapport à présenter au Parlement sur les exportations d'armement. Elle a préparé le « plan stratégique exportation » il y a trois ou quatre ans. Une partie travaille à l'activité technique de la DGA. Enfin, il y a la partie « salons », lesquels ont lieu en France, comme au Bourget, ou à l'étranger. Il est utile en effet de présenter une équipe de France un peu unie et de fédérer les industriels français. Je considère que, dans les relations de pays à pays, ce qui compte, c'est la somme du travail de l'officier de zone à Paris, de l'attaché d'armement et de l'attaché de défense. Il faut vraiment qu'ils travaillent en permanence et de façon très étroite. Évidemment, les contacts sont de nature différente lorsque l'on se voit tous les trois jours et lorsque l'on est sur place. M. Éric Woerth, Rapporteur : Y a-t-il des rapports spécifiques avec les militaires qui font de la coopération et qui sont rattachés au ministère des affaires étrangères ? M. Jean-Paul Panié : Oui et non. Cela dépend. Avec ceux qui font de la coopération dans les pays où nous avons une activité d'exportation, oui. C'est le cas en Arabie Saoudite où il y a une représentation militaire importante de coopération. C'est le cas dans un certain nombre de pays de l'Europe de l'Est, qui sont passés du pacte de Varsovie à l'OTAN. Le gros des troupes de la DCMD est en Afrique. Au sein d'une ambassade, il y a aussi des rapports très étroits avec les services de la mission économique. Très souvent, les démarches de l'attaché se font en liaison avec le représentant de la DGTPE. M. Éric Woerth, Rapporteur : Il n'y a pas de formalisation de ce travail avec les missions économiques ? M. Jean-Paul Panié : C'est une aide qui est sollicitée le plus souvent dans le sens attaché de défense ou attaché armement vers attaché économique, mais aussi dans l'autre sens pour obtenir un conseil technique. Le chef de la mission économique a des rapports avec l'attaché d'armement, davantage peut-être qu'avec l'attaché de défense. M. Éric Woerth, Rapporteur : Et avec l'ambassadeur ? M. Jean-Paul Panié : L'ambassadeur représente la France. Aujourd'hui, je pense qu'il n'y a plus d'ambassadeur qui n'ait pas d'intérêt pour les affaires industrielles et économiques. Nous avons partout un bon soutien de la part des ambassadeurs, qui interviennent quand il s'agit d'organiser des rencontres à haut niveau. À Canberra, par exemple, j'ai eu des rendez-vous avec les chefs d'état-major des armées, avec les responsables des programmes d'armement. Ensuite, j'ai eu un rendez-vous avec le ministre de la défense, et l'ambassadeur était présent. Sa présence, preuve de l'intérêt français pour ces questions d'armement, me donnait davantage de crédibilité. À l'étranger, l'« équipe de France » travaille de façon assez homogène. J'espère que le général Falzone, que vous allez entendre après moi, vous dira la même chose. La partie militaire, la partie économique et la partie chancellerie - car il n'y a pas que l'ambassadeur - travaillent en synergie. À Paris, il y a une bonne concertation entre le ministère des Affaires étrangères et nous pour agir de façon coordonnée. Cela dit, je pense que le soutien aux exportations pourrait être plus efficace s'il y avait davantage un esprit d'« équipe de France ». Je vise là la coordination parisienne avec les industriels. Il m'arrive d'assister à des combats fratricides entre des industriels français en vue d'une exportation. Ce n'est pas le cas chez les Anglais, qui ont une vraie notion d'équipe. On fait peut-être un peu moins bien qu'eux sur ce point. Nous avons en effet parfois du mal à arbitrer. Il ne s'agit pas d'afficher des préférences. Mais quand un industriel a quasiment gagné une compétition et que j'entends un autre industriel français passer son temps à dire du mal du premier plutôt que d'un concurrent anglais ou américain, je suis un peu malheureux. M. Augustin Bonrepaux, Président : Monsieur le Directeur, je vous remercie. c) 11 h 30 : M. le Général Christian-Jacques Falzone, Sous-chef d'état-major au ministère de la Défense. Présidence de M. Augustin Bonrepaux M. Augustin Bonrepaux, Président : Je souhaite la bienvenue à M. le général Christian-Charles Falzone, sous-chef relations internationales de l'état-major des armées. M. Éric Woerth, Rapporteur : La Mission d'évaluation et de contrôle étudie la cohérence du déploiement des différents services français à l'étranger. Comment le réseau du ministère de la défense est-il organisé ? Quelles relations entretenez-vous avec les autres organes du ministère de la défense, comme la délégation générale pour l'armement, ou les services de coopération militaire, rattachés opérationnellement au ministère des affaires étrangères ? Et comment travaillez-vous avec les agents dépendant d'autres ministères, à commencer par les ambassadeurs ? M. Christian-Charles Falzone : Mon rôle est d'assurer la cohérence du dispositif militaire français à l'étranger. J'ai la responsabilité du budget opérationnel de programme « État-major des armées » au sein du programme 144, « Environnement et prospective de la politique de défense », à deux titres : pour le personnel militaire placé auprès des ambassades et pour les études technico-opérationnelles relevant de la prospective des systèmes de force. Dépendent également de mon autorité tous les militaires en poste dans les états-majors multinationaux, en particulier à l'OTAN, ainsi que ceux participant à des missions militaires mises sur pied par l'état-major des armées dans le cadre d'états-majors multinationaux. Pour le personnel de la défense en mission à l'étranger, il existe deux instances de coordination. Le comité des postes permanents à l'étranger (PPE), placé sous l'autorité du ministre de la défense, met en cohérence les programmes de la défense. Le comité stratégique affaires étrangères-défense, coprésidé par les deux ministres, s'est tenu il y a environ un an et demi et se réunira de nouveau fin mai ; entre deux séances, un comité de pilotage est animé par le directeur de la coopération militaire et de défense du ministère des affaires étrangères et le sous-chef relations internationales de l'état-major des armées. Pour ce qui concerne l'exécution, des réunions régulières sont organisées entre l'état-major des armées (EMA) et la délégation générale pour l'armement (DGA) ainsi qu'avec la chaîne relations internationales. Le programme 144, au titre des ambassades, englobe 320 personnels, dont 42 % d'officiers, 94 attachés de défense, plus deux conseillers militaires, au Koweït et Qatar, pour un total de 134 millions d'euros, dont 90 millions pour les salaires. Les études technico-opérationnelles reviennent à 18 millions d'euros. Quant au programme 178, « Préparation et emploi des forces », il couvre 494 personnels, dont 73 % d'officiers, et les dépenses sont essentiellement consacrées aux soldes, le budget de fonctionnement étant extrêmement réduit. L'attaché de défense est aux ordres de l'ambassadeur, les textes sont très clairs. Il est chargé de la coordination des actions de défense avec l'attaché d'armement et, pour le volet « lutte antiterroriste », de manière plus souple, avec l'attaché de sécurité - en pratique, c'est généralement le plus ancien dans le poste qui assure la coordination, même si le mot est trop fort. M. Éric Woerth, Rapporteur : Comment la mission de l'attaché de défense s'articule-t-elle avec celle des autres militaires ? M. Christian-Charles Falzone : Les coopérants ont leurs propres missions mais sont placés sous l'autorité fonctionnelle de l'attaché de défense. Deux actions particulières seront mises en place entre l'été 2006 et l'été 2007 pour renforcer la fonction de coordination de l'attaché de défense. Premièrement, dans certains pays importants sur le plan opérationnel pour les armées mais dépourvus d'intérêt pour la délégation générale pour l'armement, des responsabilités relatives à l'armement pourraient être confiées au représentant de l'état-major des armées dans sa lettre de mission, avec une évaluation de résultats par la DGA ; à l'inverse, dans des pays présentant un intérêt en ce qui concerne les exportations d'armement mais où la France n'est pas appelée à employer des forces, un attaché d'armement pourrait occuper des fonctions d'attaché de défense. M. Éric Woerth, Rapporteur : C'est déjà le cas dans la première hypothèse : nombre d'attachés de défense jouent aussi un rôle de représentation pour les questions d'armement. M. Christian-Charles Falzone : Ce sera formalisé au travers de la LOLF et des indicateurs. Et le cas opposé se présentera au Koweït à compter de l'été prochain : l'attaché de défense viendra de la DGA. L'objectif est tout simplement d'accroître notre liberté de manœuvre et d'action au sein de la masse salariale. Deuxièmement, nous menons une opération identique avec la direction de la coopération militaire et de défense afin de restructurer notre dispositif opérationnel en Afrique. Ainsi, le poste d'attaché de défense auprès de l'ambassadeur de France à Dakar sera fusionné avec celui de représentant auprès de l'état-major interarmées de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest. Il s'agit de rendre l'action de l'État la plus cohérente possible. M. Éric Woerth, Rapporteur : Et avec l'ambassadeur ? M. Christian-Charles Falzone : C'est très clair : l'attaché de défense est soumis à l'autorité de l'ambassadeur ; en cas de conflit, c'est lui qui perd. Par contre, lorsque les forces sont engagées, un dispositif opérationnel étranger à l'ambassade est mis en œuvre, à l'instar de ce qui se passe actuellement avec l'opération Licorne, mais les deux dispositifs, celui de l'ambassade et celui des forces armées, travaillent très étroitement ensemble. M. Éric Woerth, Rapporteur : À combien se chiffrent les crédits de fonctionnement des postes d'attachés de défense ? À une cinquantaine de millions d'euros ? M. Christian-Charles Falzone : Le fonctionnement se limite à quelque 8 millions d'euros, le reste des crédits de fonctionnement du programme 144 étant consacré pour moitié aux études technico-opérationnelles et à des subventions en faveur de Djibouti et de l'Union de l'Europe occidentale, sur lesquelles je n'ai strictement aucune prise. M. Éric Woerth, Rapporteur : Avec 300 personnels, le réseau n'est-il pas surdimensionné ? C'est en tout cas ce que nous disent les diplomates. M. Christian-Charles Falzone : Les mêmes crient au meurtre dès que nous supprimons un poste ! Nous allons encore réduire les effectifs cet été. L'attaché de défense en poste en Thaïlande aura également la charge du Cambodge et du Laos, et il en est de même pour l'Amérique Latine. Nous couvrons ainsi l'ensemble des problématiques intéressant la France. Réduire encore les postes constituerait un choix politique dépassant le dispositif « défense ». Le réseau des attachés de défense appuie la diplomatie française ; il ne constitue pas une diplomatie parallèle. Les attachés de défense agissent au profit des deux grandes responsabilités du chef d'état-major des armées : engagement des forces et préparation de l'avenir, c'est-à-dire, à l'étranger, le soutien aux exportations d'armement. Dans une zone où la France ne dispose pas de dispositif permanent, c'est l'élément qui accueille la chaîne de commandement militaire juste avant l'arrivée des forces. Il faut distinguer quatre situations - la paix, la crise, l'engagement militaire, la sortie de crise - et assurer le dialogue stratégique. Toutes les régions doivent-elles être couvertes ? C'est une question qui peut être soulevée en situation de paix. M. Éric Woerth, Rapporteur : Et l'Europe ? M. Christian-Charles Falzone : Nous nous posons en effet la question. Pourquoi envoyer des attachés de défense dans presque tous les pays d'Europe, alors que l'effort pourrait finalement être concentré à Bruxelles ? Il faut tout de même avoir conscience que plus de 150 pays, parmi lesquels tous les États européens, ont un attaché de défense à Paris. Une telle décision ne saurait donc être prise unilatéralement, compte tenu du coût politique qui y est attaché. Et n'oublions pas que, dans les grandes capitales, que ce soit Londres, Berlin, Madrid, Rome ou Varsovie, l'attaché de défense dispose d'un réseau de relations qui est irremplaçable pour faciliter les négociations délicates. Nous faisons du reste autant que possible en sorte de nommer à ce poste un officier qui a suivi les cours d'état-major du pays, par exemple ceux de la Führungsakademie en Allemagne. M. Éric Woerth, Rapporteur : Ne faites-vous pas tourner vos officiers dans les postes ? M. Christian-Charles Falzone : Tous les trois ans. Mais leur action s'inscrit dans une continuité d'expériences : ils utilisent à chaque nouvelle affectation les contacts et les connaissances du pays accumulés dans leurs postes précédents. J'ajoute que les positions françaises, par exemple le discours prononcé par le Président de la République à l'Île Longue sur le nucléaire, ne sont pas uniquement expliquées lors des contacts officiels ponctuels, mais aussi par le biais de la politique d'influence de la France, qui relève de la responsabilité de l'attaché de défense. En outre, à Berlin, Londres ou Washington, il a une troisième fonction : il constitue la tête de réseau des officiers de liaison français en poste dans les états-majors et écoles. C'est lui qui assure la connexion entre armées, et le résultat est clair lors des engagements. Nous pourrions réexaminer notre réseau en Europe, mais la décision doit donc être concertée et résulter, par exemple, d'un sommet de l'Union européenne. À mon sens, dans les pays majeurs au sein des organisations internationales comme l'Union européenne et l'OTAN, le réseau des attachés de défense est irremplaçable. M. Éric Woerth, Rapporteur : Dans les grands pays comparables au nôtre, l'organisation est-elle différente ? M. Christian-Charles Falzone : Le schéma est similaire, mais le volume du réseau français est l'un des plus gros. Les Britanniques ont choisi d'abandonner certaines zones mais leur stratégie d'influence est différente. De même, les Allemands sont absents en Afrique mais très présents en Asie centrale, où se situent leurs intérêts économiques. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pouvez-vous nous en dire davantage sur les principaux indicateurs de performance ? M. Christian-Charles Falzone : La solution que nous avons trouvée n'est pas totalement satisfaisante mais nous nous efforçons d'avancer. Il s'agit d'abord de fixer de véritables indicateurs, cohérents avec nos objectifs. L'efficacité d'un médecin engagé avec une compagnie ne se mesure que le jour où nous déplorons des blessés. Autre exemple, en matière de chaîne relations internationales : lorsque nous avons engagé des forces spéciales avec les Américains en Afghanistan, il a fallu obtenir des autorisations de survol au-dessus de la Russie, mais aussi de l'Ouzbékistan et du Tadjikistan, ce qui ne se fait pas sans réseaux. Nous avons synthétisé nos problématiques en quatre objectifs et indicateurs. Premièrement, les capacités de commandement interalliés et interarmées, avec pour indicateur la détention de postes clés dans les organismes internationaux. Nous avons repéré, dans le dispositif de l'Union européenne, une dizaine de postes clés dont au moins un doit être occupé par un officier général et un ou deux par un OF5, c'est-à-dire un colonel. Pour l'instant, nous remplissons l'objectif. Mais de quel réservoir, de quel vivier, répondant à des critères précis, disposons-nous pour être en mesure, le moment venu, de proposer des candidats ? C'est plus difficile à l'OTAN car nous en sommes restés absents pendant une bonne vingtaine d'années et nous devons rattraper ce passif. Quoique étant les quatrièmes contributeurs financiers et les quatrièmes contributeurs en forces, quoique ayant fourni des généraux pour diriger la Force de l'OTAN au Kosovo et la Force internationale d'assistance à la sécurité, nous n'avons que deux officiers généraux dans les états-majors. En effet, dans ces organisations multinationales, les postes étant pourvus par scrutin, il faut y commencer comme lieutenant-colonel puis s'y faire connaître comme colonel avant d'avoir une chance d'être élu. Deuxième objectif, la démarche prospective européenne, avec pour indicateur la capacité d'entraînement de notre politique au profit de la politique étrangère et de sécurité commune. Tous les pays, même ceux qualifiés de petits, contribuent, à leur niveau, aux décisions du comité des représentants permanents et du comité politique de sécurité. Le rapport entre le nombre d'études réalisées en coopération avec partage des résultats et le volume global des études françaises constitue un indicateur secondaire sur lequel nous commençons à travailler. Troisièmement, le déploiement d'un réseau d'attachés de défense dimensionné aux justes besoins pour répondre aux priorités opérationnelles de la France, avec pour indicateur la capacité à faire face aux crises. Le premier sous-indicateur, le déploiement des attachés de défense dans les zones « crisogènes », résulte de deux sources : d'abord, un document annuel réalisé conjointement par la direction générale de la sécurité extérieure, la direction du renseignement militaire et l'état-major des armées, qui place chaque pays dans l'échelle des crises entre celle la plus probable et celle la moins probable, avec une correspondance concernant la couverture en attachés de défense ; ensuite, la mesure du poids du pays par rapport aux intérêts de la France, selon des critères d'ordres diplomatique, géostratégique, économique et culturel. Le second sous-indicateur, la capacité de réaction à l'événement « crisogène », est actuellement en cours de mise au point. Quatrième objectif, l'organisation et l'animation des relations militaires bilatérales, avec un indicateur relatif au travail de l'attaché de défense, dont il s'agit d'analyser l'efficacité. Il est difficile de juger quelqu'un sur une mission de longue durée, engagée par son prédécesseur et qui continuera après son départ ; cela ne peut être fait de manière mathématique, mais nous nous appuyons sur six critères - communiquer, préparer, déployer, durer, combattre, intervenir - et nous avons commencé à tester la méthode sur quatre ou cinq attachés de défense ; nous en tirerons les enseignements au fur et à mesure des retours d'expérience. M. Éric Woerth, Rapporteur : Pouvez-vous nous donner des exemples de sujets traités par les instances de coordination, le comité des postes permanents à l'étranger et le comité stratégique affaires étrangères-défense ? M. Christian-Charles Falzone : Elles prennent des mesures administratives en vue d'harmoniser les conditions de vie de tous les officiers, qu'ils soient attachés de défense ou attachés d'armement. Nous découvrons les problèmes en marchant. Naguère, le comité des postes permanents à l'étranger décidait de l'ouverture des postes à l'étranger ; aujourd'hui, il ne joue plus ce rôle, dans la mesure où la création d'un poste suppose de prélever de la masse salariale dans un budget opérationnel de programme. Mais le comité des postes permanents à l'étranger est maintenu pour traiter les problèmes d'incohérence entre programmes. Quant au comité stratégique affaires étrangères-défense, il se réunira fin mai pour traiter de deux points. D'abord, comment concilier les objectifs du ministère des affaires étrangères et ceux de l'état-major des armées dans l'accueil de stagiaires étrangers en France et dans l'envoi de coopérants militaires à l'étranger ? Mme le ministre de la défense posera le problème plus brutalement : la coopération doit-elle dépendre des affaires étrangères ou de la défense ? M. Éric Woerth, Rapporteur : Dans les autres pays, à quelle administration la coopération militaire est-elle rattachée ? M. Christian-Charles Falzone : À la défense. M. Éric Woerth, Rapporteur : Ce fut d'ailleurs le cas à une époque en France. Quoi qu'il en soit, les attachés de coopération sont de moins en moins nombreux. M. Christian-Charles Falzone : Mais leur poids est extrêmement lourd. Il existe une volonté d'européaniser la politique de la France en Afrique, et la direction de la coopération militaire et de défense joue un rôle central pour la création des écoles nationales à vocation régionale dans des pays francophones, en collaboration avec le Danemark, les Pays-Bas et bientôt l'Allemagne. Il serait compliqué de se passer de ce travail de réseau. Je souhaite également préciser le rôle de la chaîne relations internationales lors des crises. Sur les théâtres d'opérations proprement dits, elle joue évidemment un rôle mineur, mais elle prend de l'importance à la périphérie de la zone de crise pour limiter les tensions - c'est notamment le cas en Côte-d'Ivoire. D'autre part, à l'approche de la zone grise, quand on n'est plus en situation de paix mais pas encore en situation de crise, le dialogue entre affaires étrangères et défense passe par la chaîne relations internationales, avec les attachés de défense et les coopérants, ce réseau participant aux discussions des options stratégiques qui seront proposées au chef d'état-major des armées. Celles-ci ne sont pas uniquement militaires au sens traditionnel du terme mais sécuritaires au sens large, avec des dimensions armée, justice et police, élargies à l'aspect civilo-militaire, à l'interministériel, à l'interagencies, au multinational et au régional - traiter du Kosovo impose d'avoir une vision générale des Balkans. M. Augustin Bonrepaux, Président : Je vous remercie. LISTE DES ENTRETIENS DES RAPPORTEURS 23 février 2006 : - M. Romain NADAL, chef de la Mission de suivi des réseaux à l'étranger au ministère des Affaires étrangers - M. Gilles BONNAUD, directeur adjoint Afrique du Nord, Moyen-Orient au ministère des Affaires étrangères - M. François BARRY MARTIN-DELONGCHAMPS, directeur des Français de l'étranger et des étrangers en France au ministère des Affaires étrangères 2 mars 2006 : - M. Serge BELLANGER, président de l'Union des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger (UCCIFE) 14 mars 2006 : - Mme Clara GAYMARD, présidente de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) - M. Bernard BILLAUD, président de la 4ème chambre de la Cour des comptes 22 mars 2006 : - M. Laurent GARNIER, sous-directeur, et M. Philippe DESCOUAIS, chef de bureau, à la direction du Budget du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie 4 avril 2006 : - M. Jean-Marie AURAND, directeur des politiques économiques et internationales au ministère de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité - M. Philippe de BRAUER, président de la commission internationale de la CGPME 6 avril 2006 : - Mme Monique CERISIER-BEN GUIGA, sénatrice, et M. Christian COINTAT, sénateur 10 mai 2006 : - M. Jean-Claude JACQ, secrétaire général des Alliances françaises - M. Thomas WHITE, ministre conseiller à l'ambassade des États-Unis en France - M. Claude LAVERDURE, ambassadeur du Canada en France - M. Jean-François BERNARDIN, président de l'Assemblée des chambres de commerce et d'industrie 23 mai 2006 : - M. Joachim BITTERLICH, directeur des affaires internationales du groupe VEOLIA Environnement, ancien ambassadeur d'Allemagne et conseiller de M. Helmut KOHL - M. John HOLMES, ambassadeur de Grande-Bretagne - M. Klaus NEUBERT, ambassadeur d'Allemagne - Mme Agnès LECLERC, déléguée aux affaires européennes et internationales au ministère des Affaires sociales 13 juin : - M. Olivier POIVRE d'ARVOR, président de l'Association française d'action artistique 27 juin : - M. Philippe FAURE, Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, et M. Antoine POUILLIEUTE, Secrétaire général adjoint et Directeur général de l'administration du ministère des Affaires étrangères. ----- N° 3255 - Rapport d'information déposé en application de l'article 145 du règlement en conclusion des travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) (1) sur les services de l'état à l'étranger (MM. Eric Woerth et Jérôme Chartier) 1 () Bruxelles, Madrid, Rome, Varsovie, Moscou, Belgrade, Washington, Santiago, Mexico, Pékin, Tokyo, Sidney, Johannesburg. 2 () M. Raymond-François Le Bris, rapport au Premier ministre, « Réflexion et propositions sur l'organisation et le fonctionnement des services de l'Etat à l'étranger », La Documentation française, Paris, 2005. 3 () Le taux de récession économique des Philippines en 2004, qui résulte des conséquences du tsunami, n'est pas significatif. 4 () Dans les pays destinataires de l'aide publique française au développement, les SCAC assurent une mission importante en matière de coopération et de développement en collaboration avec les 41 agences et bureaux de l'Agence française de développement. Votre Rapporteur y reviendra dans la seconde partie du présent rapport. 5 () Selon les informations fournies par le ministère des Affaires étrangères, les villes concernées sont Johannesburg, Rio de Janeiro, Pékin, Séoul, Zagreb, Djibouti, Madrid, Londres, New Delhi, Tananarive, Mexico, Saint-Petersbourg et Lisbonne. 6 () 238 Alliances auraient conclu une convention de partenariat avec le ministère des Affaires étrangères. En vertu de cette convention, le ministère des Affaires étrangères leur verse des subventions afin de financer des projets culturels (42,5 millions d'euros en 2004) et met à leur disposition des personnels (245 détachés et 73 volontaires internationaux en 2004), qui exercent leur activité dans le cadre de la politique culturelle extérieure générale de la France (ils ont une lettre de mission cosignée par la DGCID et l'Alliance française de Paris). 7 () Selon M. Jean-Claude Jacq, Secrétaire général de l'Alliance française, l'autofinancement des Alliances, en moyenne mondiale, se situe dans une fourchette comprise entre 60 et 75 %. 8 () Afrique du Sud, Algérie, Allemagne, Brésil, Canada, Corée du Sud, Hongrie, Israël, Italie, Malaisie, Maroc, Mexique, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Royaume-Uni, Taïwan, Thaïlande, Turquie et Tunisie. 9 () Etude réalisée par TNS-SOFRES auprès de 195 PME en novembre 2004. 10 () Données au 31 décembre 2005. 11 () MM. Michel Bouvard, Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard, Une nouvelle architecture du budget de l'État pour une plus grande efficacité de l'action publique. Propositions de la Mission d'information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, rapport d'information sur la mise en œuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, Assemblée nationale, XIIème législature, n° 1554, 28 avril 2004. 12 () M. Jérôme Chartier, Action extérieure de l'Etat, annexe n° 1 au Rapport sur le projet de loi de finances pour 2006, rapport n° 2568, 12 octobre 2005. 13 () M. Raymond-François Le Bris, rapport au Premier ministre, « Réflexion et propositions sur l'organisation et le fonctionnement des services de l'Etat à l'étranger », La Documentation française, Paris, 2005. 14 () Groupement d'intérêt public créé par le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministère chargé des finances, EDUFRANCE a pour mission d'assurer la promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger. 188 établissements d'enseignement supérieur sont adhérents. En liaison avec les ambassades, EDUFRANCE anime un réseau de 75 espaces à l'étranger, répartis dans 45 pays. 15 () Placée sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères, Egide est une association non subventionnée, en charge de la gestion des bourses du gouvernement français, des bourses destinées à des Français à l'étranger et du séjour de personnalités étrangères. 16 () Etablissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère en charge de l'enseignement supérieur et du ministère délégué au Budget, le CNOUS accueille et gère les boursiers du gouvernement français, des Etats étrangers et des organismes internationaux. 17 () Brésil, Cameroun, Canada, Colombie, Corée du Sud, Etats-Unis, Gabon, Inde, Liban, Madagascar, Mexique, Russie, Syrie et Turquie. 18 () Elle réunit ainsi le Secrétaire général, le Secrétaire général adjoint chargé des affaires politiques et de sécurité, le Directeur général de la coopération internationale et du développement, le Directeur des Français de l'étranger et des étrangers en France, le Secrétaire général adjoint directeur général de l'administration, l'Inspecteur général des Affaires étrangères, le Directeur du cabinet du ministre et, enfin, deux directeurs géographiques. 19 () La Direction générale de la coopération internationale et du développement est compétente dans quatre domaines : la politique d'aide au développement, la coopération culturelle, la coopération scientifique et universitaire et, enfin, l'audiovisuel extérieur. Figurent également parmi ses compétences deux missions transversales d'appui, l'une concernant les actions internationales des ONG, l'autre relative à la coopération décentralisée menée par les collectivités locales françaises. 20 () Le décret n° 2006-271 du 8 mars 2006 modifiant le décret n° 98-1124 du 10 décembre 1998 portant organisation de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères précise la nouvelle organisation de la DGCID 21 () M. Jean-Pierre Lafon a ainsi donné à la Mission l'exemple du « Centre culturel et Alliance française » qui a été mis en place à Pékin et regroupe dans un même bâtiment une librairie franco-chinoise, le centre d'études en France, l'agence Edufrance et l'Alliance française. |