N° 3265 - Rapport d'information de M. Jean-Marie Rolland déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales en conclusion des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la tarification à l'activité dans les établissements de santé




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N° 3265

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 juillet 2006

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES
en conclusion des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle
des lois de financement de la sécurité sociale

sur

la tarification à l'activité dans les établissements de santé

ET PRÉSENTÉ

Par M. Jean-Marie ROLLAND,

Député.

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INTRODUCTION 7

I.- ASSURER LA CRÉDIBILITÉ DE LA RÉFORME EN VIELLANT À CE QUE LES NOUVELLES MODALITÉS DE FINANCEMENT PERMETTENT DE RÉALISER LES OBJECTIFS FIXÉS ET MAINTENIR LE CAP DE LA CONVERGENCE 9

A. VEILLER À CE QUE LES NOUVELLES MODALITÉS DE FINANCEMENT PERMETTENT DE RÉALISER LES OBJECTIFS FIXÉS 9

1. Dans son principe, la tarification à l'activité fait l'objet d'un large consensus 9

a) L'aboutissement de vingt ans de réflexion 9

b) L'adhésion des acteurs hospitaliers aux principes de la réforme 11

2. La T2A repose sur un financement mixte voué à s'étendre 13

a) Le financement à l'activité doit monter en charge progressivement 13

b) Un financement mixte, principalement fondé sur l'activité 15

c) Certaines activités font l'objet de financements spécifiques 16

d) Les coefficients géographiques 19

e) La demande d'une montée en charge plus rapide dans le secteur public 20

f) L'intensification de la préparation de l'extension aux soins de suite ou de réadaptation, à la psychiatrie et à la chirurgie ambulatoire 21

3. L'équilibre des financements et l'importance de la valorisation de ses composantes 22

a) La fixation des sous-enveloppes qui ne relève pas du législateur permet de faire évoluer l'équilibre des financements 22

b) La valorisation des tarifs : entre vérité des coûts et politique de santé 23

c) Les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) : un moyen de contourner la réforme ? 25

d) L'intégration, autant que possible, des dispositifs médicaux implantables et médicaments onéreux (DMI-MO) dans les tarifs 27

e) Le partage financier assurance maladie/assuré 28

B. MAINTENIR LE CAP DE LA CONVERGENCE DES TARIFS 29

1. La convergence intrasectorielle, bien engagée, peut être poursuivie 29

a) Dans le secteur privé, la convergence est soutenable 29

b) Dans le secteur public, la convergence doit être accompagnée 31

2. Le processus de convergence intersectorielle, actuellement suspendu, doit reprendre 33

a) La nécessité d'études complémentaires pour mesurer et analyser les écarts de coûts entre les secteurs 34

b) La convergence doit s'opérer vers les tarifs des établissements les plus efficients 35

c) Les solutions pour compenser les écarts de coûts « justifiés » : surtarif, grille unique de tarifs différenciés, convergence partielle, dotations 37

d) Le calendrier : reprendre la convergence en 2008 et maintenir l'objectif 2012 37

II.- LA RÉUSSITE DE LA MISE EN OEUVRE DE LA T2A, QUI RECOUVRE DE NOMBREUX ENJEUX FINANCIERS ET D'ORGANISATION, SUPPOSE D'EN RENFORCER LE CONTRÔLE ET L'ÉVALUATION 39

A. LA LUTTE CONTRE L'EFFET INFLATIONNISTE ET LA PRÉVENTION DES ÉVENTUELS EFFETS PERVERS SUR L'OFFRE ET LA QUALITÉ DES SOINS 39

1. Les impacts financiers de la réforme doivent être maîtrisés 39

a) Un risque inflationniste prévisible qu'il convient de réduire 39

b) L'accompagnement des établissements « gagnants » et « perdants » 41

2. La T2A peut être un puissant levier de modernisation et de réorganisation qui n'est pas sans présenter des risques 44

a) La T2A est un levier de modernisation et d'efficience 44

b) La T2A peut être aussi un puissant levier de réorganisation 49

c) La prévention des éventuels effets pervers sur la qualité des soins 51

B. LA CLARIFICATION DU PILOTAGE DE LA RÉFORME ET L'ACCÉLÉRATION DU CONTRÔLE ET DE L'ÉVALUATION 57

1. Le pilotage de la réforme doit être clarifié 58

a) Des retards et des insuffisances de pilotage qui doivent être corrigés 58

b) La nécessaire concertation ne doit pas servir de prétexte à un retard dans la mise en œuvre de la réforme 60

2. Le développement du contrôle et de l'évaluation constitue un enjeu majeur 61

a) Le contrôle se généralise en 2006 et commence à donner des résultats 61

b) Les retards de l'évaluation 62

CONCLUSION 65

PROPOSITIONS 67

TRAVAUX DE LA COMMISSION 81

CONTRIBUTION DU GROUPE DES DÉPUTÉ-E-S COMMUNISTES ET RÉPUBLICAINS (CR) 91

ANNEXES 101

ANNEXE 1 :   Composition de la mission 101

ANNEXE 2 :   Liste des personnes auditionnées 103

ANNEXE 3 :   Comptes rendus des auditions 107

ANNEXE 4 :   Liste des sigles utilisés 301

ANNEXE 5 :  Lettre de la Cour des comptes à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et à la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale 303

ANNEXE 6 :   Communication de la Cour des comptes 311

INTRODUCTION

Dès le début de la législature, à l'initiative de M. Jean-Michel Dubernard, son Président, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales s'est intéressée au « cœur battant » de l'hôpital, ce lieu cher à nos concitoyens où l'on soigne et apaise - il ne faut jamais l'oublier - une grande part des souffrances humaines. La mission d'information, alors constituée, sur l'organisation interne de l'hôpital et présidée par M. René Couanau, a dressé, au mois de mars 2003, un état général des lieux sévère.

Également conscient des problèmes et des défis auxquels était confronté l'hôpital, M. Jean-François Mattei, lorsqu'il était ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a annoncé, à la fin de l'année 2002, le lancement du plan « Hôpital 2007 » dont le financement à l'activité des hôpitaux constitue un des quatre volets et même, sans doute, la pierre angulaire.

Le cadre général de la « tarification à l'activité », communément dénommée T2A, a été fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Le nouveau mode d'allocations des ressources aux hôpitaux doit être mis en œuvre progressivement en huit ans, de 2004 à 2012, dans les secteurs hospitaliers public et privé.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a, le 15 juin 2005, souhaité que la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède à une première évaluation de cette réforme majeure, après deux années d'application.

Conformément aux dispositions prévoyant l'assistance de la Cour des comptes au Parlement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la MECSS a demandé à la Cour de mener une enquête préalable sur la mise en œuvre de la tarification à l'activité dans les établissements de santé. La communication de la Cour, qui a constitué une aide précieuse et dont il faut la remercier, a été présentée devant la MECSS, le 1er juin 2006. Cette contribution figure en annexe au présent rapport.

Par ailleurs, la MECSS a elle-même procédé, en présence de membres de la Cour des comptes, à une trentaine d'auditions publiques des principaux acteurs du monde hospitalier (ministre de la santé et des solidarités, services ministériels, agences et missions techniques, directeurs d'agences régionales de l'hospitalisation, corps d'inspection générale, Haute autorité de santé, Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, fédérations d'établissements et de directeurs, directeurs d'établissements, syndicats professionnels, caisses de sécurité sociale) et reçu des contributions qui ont alimenté sa réflexion. Les comptes rendus de ces auditions sont présentés en annexe du rapport.

Le rapport examine la pertinence des conditions de montée en charge du nouveau mode de financement commun aux secteurs hospitaliers public et privé (I) et suggère d'accélérer la mise en place des outils de contrôle et d'évaluation de nature à maîtriser les effets financier et organisationnel résultant de la T2A afin d'en assurer la réussite (II).

*

I.- ASSURER LA CRÉDIBILITÉ DE LA RÉFORME EN VIELLANT
À CE QUE LES NOUVELLES MODALITÉS DE FINANCEMENT PERMETTENT DE RÉALISER LES OBJECTIFS FIXÉS
ET MAINTENIR LE CAP DE LA CONVERGENCE

Avant toute chose, il faut insister sur la nécessité d'assurer la crédibilité de la réforme du financement des hôpitaux qui a été engagée il y a deux ans et demi. S'agissant d'un nouveau modèle de répartition des financements, on peut aisément comprendre que cette réforme suscite des interrogations et des inquiétudes. Chaque opérateur se demande s'il va y perdre ou y gagner. La tentation peut donc être grande d'essayer d'infléchir à son avantage les nouveaux outils de la redistribution pour obtenir la meilleure « part du gâteau », dans un contexte marqué par les contraintes budgétaires.

A. VEILLER À CE QUE LES NOUVELLES MODALITÉS DE FINANCEMENT PERMETTENT DE RÉALISER LES OBJECTIFS FIXÉS

Dans son principe, la tarification à l'activité fait l'objet d'un large consensus. Ce nouveau mode de financement d'application aujourd'hui limitée est appelé à être étendu. Comme pour tout système financier complexe, la valorisation des composantes de financement revêt une grande importance.

1. Dans son principe, la tarification à l'activité fait l'objet d'un large consensus

Après une longue période de maturation, la tarification à l'activité est entrée en vigueur en 2004.

a) L'aboutissement de vingt ans de réflexion

La tarification à l'activité avait déjà été mise en place dans une vingtaine de pays étrangers et la France, pour sa part, l'avait déjà expérimentée.

· Un intérêt déjà ancien à l'étranger

Dans le monde, les systèmes de financement hospitalier ont progressivement évolué d'un financement rétrospectif (d'abord un paiement aux frais réels, puis un paiement au prix de journée et/ou au forfait, enfin une dotation globale) à un paiement prospectif de tarification à l'activité, c'est-à-dire un paiement de l'établissement sur la base des pathologies traitées, chacune étant recensée dans une nomenclature et affectée d'un tarif. La prochaine étape pourrait être celle du financement par capitation, c'est-à-dire une forfaitisation plus large que le tarif par séjour et, plus précisément, un paiement de l'établissement selon le coût de revient prévisible de chaque patient.

En 1983, les États-Unis, qui sont précurseurs en la matière, ont mis en place une tarification au séjour dont le champ d'application demeure toutefois limité. Ce système d'allocation ne s'applique en effet qu'à une partie des hôpitaux et une catégorie de personnes : les personnes âgées et les personnes handicapées couvertes par les programmes fédéraux Medicare et Medicaid qui prennent en charge leur assurance maladie. Il s'est substitué à l'ancien système de financement au prix de journée, jugé très inflationniste. On peut noter que les forfaits de séjour n'incluent pas les honoraires ni les prises en charge d'hospitalisation alternatives et les soins de suite qui ne relèvent pas de la sphère hospitalière. Les États-Unis s'orientent aujourd'hui vers un paiement par capitation, couvrant la prise en charge globale du patient, hospitalière et ambulatoire.

Il ne peut pas être tiré de conclusions définitives des expériences de la vingtaine de pays étrangers (en majorité d'Europe de l'Ouest, dont certains ont une pratique récente, comme la France, l'Allemagne et l'Angleterre) qui appliquent la tarification à l'activité selon des modalités et des dosages variables. Chaque pays adapte, en effet, l'outil en fonction des spécificités de son système d'hospitalisation et d'assurance maladie.

Cependant, quelques enseignements peuvent être tirés des expériences étrangères. Aucun pays n'utilise une tarification pure. Dans les pays européens, la part du financement provenant des tarifs par séjour ne dépasse pas 50 % du budget des établissements. En outre, dans de nombreux pays, les tarifs sont différenciés par groupe d'établissements ou par région et, partout, l'application de la réforme a été progressive. La transparence des coûts et des tarifs est généralement assurée et, dans certains pays, comme les États-Unis, un organisme indépendant est responsable de la définition des paramètres techniques et en partie chargé de la régulation économique du système.

· En France, des expérimentations dont toutes les conséquences n'ont pas été tirées

En France, les expérimentations (utilisant les outils du PMSI - programme médicalisé des systèmes d'information - et la valorisation des points ISA - indice synthétique d'activité) de nouvelles modalités de financement prenant en compte l'activité ou de corrections des inégalités entre régions et entre établissements menées depuis plus de vingt ans ont été peu concluantes, en raison de nombreuses insuffisances : absence d'objectifs clairs et constants, fragilité des structures de pilotage, faiblesse des outils d'information, période transitoire trop longue entraînant la perte de crédibilité de la réforme, pratique assez courante des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) consistant à fausser le jeu en recourant à des dotations complémentaires, absence de contrôle.

Tous les enseignements de ces expérimentations ne paraissent pas avoir été tirés - et il faut le regretter - avant la mise en place de la tarification à l'activité dans le cadre de l'ambitieux plan Hôpital 2007 (relance de l'investissement, nouvelle gouvernance, nouvelle planification sanitaire, nouveau mode de financement) destiné à dynamiser et moderniser les établissements hospitaliers.

b) L'adhésion des acteurs hospitaliers aux principes de la réforme

En dépit de certaines critiques, la réforme fait l'objet d'un large consensus au sein de la communauté hospitalière.

· Le constat des insuffisances de l'ancien système

L'ancien système de financement, reposant d'une part sur la dotation globale pour les établissements publics et participant au service public hospitalier (fondé sur un financement des structures) et d'autre part sur le prix de journée et les forfaits liés aux actes réalisés pour les établissements privés, a été remplacé, en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, par un mode d'allocation de ressources lié à la nature et au volume des activités réalisées et valorisées sur la base de tarifs nationaux de prestations. L'ancien mode de régulation sous forme d'autorisation limitative de dépenses a lui aussi été remplacé par une régulation des recettes versées par l'assurance maladie.

Dans un premier temps, le système de dotation globale s'est révélé efficace en permettant la maîtrise des dépenses hospitalières. Cependant, il est apparu qu'il générait des effets pervers et il a fait, dès lors, l'objet de nombreuses critiques : caractère non optimal de l'allocation des ressources (il existe encore aujourd'hui des écarts de + à - 20 % entre les établissements ayant une activité de même nature et de même volume), pénalisation des établissements les plus actifs et les plus dynamiques (confrontés à des difficultés budgétaires structurelles et obligés de procéder à des reports de charges) ou à l'inverse constitution de rentes de situation budgétaires injustifiables, absence d'incitation à la recherche de la performance et à la qualité de gestion, frein à l'adaptation de l'offre de soins et à la diffusion des innovations thérapeutiques.

Dans le secteur privé, régulé par l'objectif quantifié national (OQN), le montant des prestations pour le même acte variait sur l'ensemble du territoire.

Les deux systèmes n'étaient ni comparables, ni compatibles et freinaient, en conséquence, les coopérations nécessaires entre les deux secteurs et la recomposition du paysage hospitalier.

· Les quatre objectifs de la T2A française

Quatre objectifs principaux sont assignés à la tarification à l'activité :

- une plus grande médicalisation du financement ;

- une responsabilisation des acteurs et une incitation à s'adapter ;

- une équité de traitement entre les secteurs public et privé ;

- le développement des outils de pilotage médico-économique dans les établissements.

La mise en œuvre de la réforme doit s'appuyer sur les données produites par le PMSI.

L'objectif majeur de la réforme est d'inciter à développer des outils de gestion dans un but d'efficience médico-économique. La réforme vise à inciter à la productivité et à l'optimisation des ressources pour améliorer les prises en charge. Elle vise également à adapter l'offre de soins nationale et régionale pour mieux répondre aux besoins actuels et futurs de la population. Dans cet esprit, elle constitue un moyen de favoriser les restructurations et les réorganisations des établissements.

· Le consensus des acteurs hospitaliers sur les principes de la réforme

Les auditions conduites par la MECSS ont permis de noter la très forte adhésion - et il faut s'en féliciter - des acteurs hospitaliers aux principes fixés par la réforme. Il faut d'ailleurs rappeler que la plupart d'entre eux étaient bien conscients des insuffisances de l'ancien système et appelaient eux-mêmes au changement et à l'instauration d'un système plus souple, plus juste, plus équitable et plus efficace. La création de la tarification à l'activité a répondu à cette demande.

Les gestionnaires d'établissement ont fait part à la Mission des réactions généralement positives des personnels, en particulier des personnels médicaux.

· Les principales critiques concernent le manque de transparence et de lisibilité

Les auditions ont cependant permis d'enregistrer un certain nombre de critiques, qu'il faudra prendre en compte, concernant la mise en œuvre de la réforme. Elles portent principalement sur le manque de transparence dans la détermination des paramètres de financement (calcul des tarifs et des dotations) et de lisibilité pour les opérateurs (complexité du dispositif et retards dans la publication des données de cadrage budgétaire). Ont été également évoquées des insuffisances de préparation, d'anticipation des problèmes, de concertation, d'information et de formation (en particulier au codage).

· La nécessité d'apporter une attention soutenue à l'accompagnement de la réforme

Sur tous ces points, des améliorations devront être mises en oeuvre. Certaines ont déjà commencé à être apportées dans la dernière année (réduction des retards, mise en place d'une mission d'accompagnement des établissements), mais ces efforts doivent être poursuivis.

La réforme est importante et structurante. Certains la qualifient même de « clé de voûte » du plan Hôpital 2007. Elle est aussi complexe et les enjeux qu'elle recouvre sont multiples. Elle concerne non seulement les gestionnaires des établissements, mais aussi les personnels médicaux. C'est même un des principaux enjeux de la réforme que de rapprocher les gestionnaires et les personnels médicaux et tout particulièrement les médecins pour les faire travailler ensemble et établir un dialogue médico-économique permanent, constructif et porteur de progrès dans l'efficience de la gestion et la qualité des soins.

Autant de raisons qui imposent d'accorder une très grande attention aux conditions de sa mise en œuvre et de veiller à sa bonne appropriation par tous les acteurs. Cela suppose un immense effort d'explication et de mobilisation. Il faut éviter que ne s'installent des incompréhensions et si des incohérences ou imperfections apparaissent, il convient d'effectuer rapidement les ajustements nécessaires. Face à une réforme de cette ampleur qui suppose un changement culturel profond, l'écoute des parties prenantes de la collectivité, si sensible, que représente l'hôpital doit être une priorité. C'est l'une des conditions de la réussite de la réforme de la tarification à l'activité que le Gouvernement a d'ailleurs bien comprise, même si la réalisation n'en est pas toujours aisée.

Ce point est d'autant plus important que le choix a été fait du pragmatisme et d'une montée en charge progressive de la réforme.

2. La T2A repose sur un financement mixte voué à s'étendre

La réforme de la T2A instaure un nouveau mode d'allocations des ressources qui vise à rémunérer les différentes activités hospitalières.

a) Le financement à l'activité doit monter en charge progressivement

· La T2A concerne déjà 70 % des séjours hospitaliers

En 2005, sur un total de dépenses d'assurance maladie de 135 milliards d'euros, les établissements sanitaires représentaient 61,6 milliards, soit 45,6 %. Le secteur public hospitalier consommait 78 % de ces moyens.

En 2003, on dénombrait 2 934 établissements de santé : 997 établissements publics, 564 établissements privés participant au service public hospitalier et 1 373 établissements privés. Au cours des dix dernières années, le nombre d'établissements s'est réduit, essentiellement en raison de la disparition d'établissements privés.

Les établissements de santé avaient une capacité de 457 000 lits d'hospitalisation complète et 48 000 places d'hospitalisation partielle. Le service public hospitalier, qui regroupe les établissements publics et les deux tiers des établissements privés à but non lucratif, représente les trois quarts de l'ensemble des lits et places. Les établissements totalisaient 22,8 millions de séjours répartis en 11,5 millions d'hospitalisations à temps complet et 11,3 millions de prises en charge en hospitalisation partielle ou de moins de 24 heures.

La nouvelle tarification s'applique à tous les établissements publics et privés titulaires d'autorisations de médecine, chirurgie ou obstétrique (MCO), soit environ 2 000 établissements. En 2003, les activités MCO représentaient plus de 15 millions de séjours hospitaliers, soit près de 70 % du total. La durée moyenne de séjour en MCO était de 6,1 jours au lieu de 6,9 en 1998. On peut également noter que la durée moyenne de séjour s'est réduite d'un quart entre 1998 et 2003 dans les cliniques (de 6,6 à 4,9 jours), alors qu'elle n'a que très peu diminué dans les établissements publics (de 7,0 à 6,8 jours), les établissements privés sous dotation globale se trouvant dans une position intermédiaire (de 7,2 à 6,4 jours).

La tarification à l'activité s'applique à toutes les activités de soins MCO quelles que soient leurs modalités : hospitalisation avec ou sans hébergement, hospitalisation à domicile, ainsi que consultations et soins externes.

Lorsque les établissements sont également titulaires d'autorisations de lits ou places de soins de suite et de réadaptation (SSR) ou de psychiatrie, seule la partie des activités de MCO est concernée. Les hôpitaux locaux (342 établissements en 2003) sont, pour le moment, maintenus en dehors du champ de la réforme.

La part de l'activité non concernée par la réforme, à savoir les soins de suite et de réadaptation et la psychiatrie, demeure financée selon l'ancien modèle d'allocation de ressources.

· La coexistence provisoire de trois modes d'allocations au lieu de deux

Le nouveau système de financement à l'activité complique donc le panorama. Aujourd'hui, et pendant la période transitoire de montée en charge de la T2A (2004-2012), trois systèmes, au lieu de deux, vont en effet coexister : le financement par dotation globale, le financement par prix de journée et la tarification à l'activité. Certains établissements, qui exercent simultanément des activités relevant des différents régimes, devront donc appliquer des logiques différentes, peu compatibles sinon opposées, et gérer cette complexité. Cette difficulté, réelle et inhérente au choix d'une mise en œuvre progressive de la T2A, ne doit toutefois pas être surestimée. Dans les hôpitaux publics en particulier, où la réforme de la gouvernance a notamment pour objet de créer des pôles, ces derniers seront spécialisés et relèveront d'un seul régime. En revanche, dans le cas de regroupements d'établissements et d'activités relevant de différents régimes, il faudra, provisoirement, assumer cette diversité (1). Cela met en évidence la cohérence des volets du plan Hôpital 2007. La T2A est bien un outil de mobilisation des équipes susceptible de susciter la nouvelle dynamique de gestion par pôle.

· Le choix d'une application progressive

Les établissements privés, habitués au financement mixte de paiement à l'acte et au prix de journée, ont basculé intégralement dans le nouveau système au mois de mars 2005.

En revanche, s'agissant des établissements sous dotation globale, le choix a été fait d'une montée en charge progressive de manière à laisser le temps aux établissements de s'adapter au nouveau modèle de financement. L'application de la T2A a débuté le 1er janvier 2004. La part de financement reposant sur l'activité doit augmenter progressivement pour atteindre l'objectif de 100 % en 2012. La fraction variable, tarifée en fonction de l'activité, a été la première année, en 2004, de 10 %, puis de 25 % en 2005. La part tarifée a été fixée à 35 % pour l'année 2006. Durant la période de montée en charge, les établissements percevront donc, au titre des activités MCO, un reliquat de dotation globale (65 % en 2006) sous la forme d'une dotation annuelle complémentaire (DAC), fixée par le directeur de l'ARH, et des recettes tirées de l'application des tarifs de séjours en fonction de leur activité.

b) Un financement mixte, principalement fondé sur l'activité

La tarification à l'activité consiste en un financement mixte associant d'une part une dotation pour assurer l'ensemble des missions de service public et d'autre part un dispositif de tarification médicalisée pour l'activité de soins. Ce dernier prend en compte la nature et le volume d'activité de manière à financer la mobilisation de ressources nécessaire aux soins.

Plus précisément, la réforme organise un financement composite fait de tarifs, de forfaits, de majorations, de suppléments et de dotations garanties sans lien avec l'activité.

· Le financement de base : les tarifs des séjours

La tarification à l'activité recouvre 75 % des moyens budgétaires affectés aux activités de MCO.

La prise en charge financière de base, directement liée à l'activité, est adaptée à la nature des soins prodigués, au moyen de tarifs de séjours correspondant à des groupes homogènes de séjours (GHS) qui sont la traduction tarifaire de la classification en groupes homogènes de malades (GHM) issue du PMSI.

L'activité MCO est regroupée en 775 GHS. Une nouvelle version (V11) de la classification est en préparation qui pourrait aboutir à la création de 100 à 200 nouveaux GHM (révision des groupes de médecine et ajout d'un quatrième niveau de sévérité de diagnostic). Les activités d'hospitalisation à domicile sont financées au moyen de 31 groupes homogènes de tarifs (GHT). Les tarifs de GHS et de GHT tiennent compte de la nature des pathologies prises en charge et des soins prodigués pendant les séjours hospitaliers, mais également de la durée moyenne de séjour et de l'âge des patients. Les tarifs de GHT incluent, comme les GHS, la rémunération du médecin traitant, mais ne comprennent pas les honoraires des médecins spécialistes libéraux qui sont pris en charge au titre des soins de ville.

Les tarifs sont actualisés et révisés chaque année.

· Les forfaits journaliers

La reconnaissance des cas les plus lourds donne la possibilité de facturer, en sus des GHS, des suppléments sous la forme d'un forfait journalier pour les séjours en réanimation, soins intensifs, surveillance continue ou néonatologie.

Pour les séjours qui se prolongent - les séjours « extrême haut » - dont la durée moyenne est supérieure à une limite fixée au niveau national, une majoration journalière peut, dans la limite d'un plafond, être facturée. En fixant les bornes à un niveau relativement élevé, on peut inciter les établissements à diminuer, ou au moins à limiter, la durée moyenne de séjour et à permettre de mieux valoriser certains séjours dont la durée au-delà du plafond serait médicalement justifiée. Si la durée du séjour est inférieure à une borne basse (séjour « extrême bas »), l'établissement bénéficie de la moitié du tarif du GHS. Les bornes basses ont été volontairement fixées à un niveau très bas qui s'échelonne de 3 à 7 jours de manière à limiter l'application de ce mécanisme dont l'objectif est de dissuader les établissements de diminuer artificiellement la durée des séjours en dessous d'une limite qui poserait des problèmes de qualité et de sécurité des prises en charge. Les résultats des premières campagnes budgétaires montrent que cet objectif paraît atteint puisque le nombre de séjours « extrême bas » est marginal et même anecdotique.

Cet exemple illustre néanmoins, s'il en était besoin, la difficulté à déterminer des paramètres de financement qui poussent à l'efficience sans dégrader la qualité médicale voire, au contraire, qui permettent de l'améliorer en optimisant l'utilisation des moyens.

c) Certaines activités font l'objet de financements spécifiques

Certaines activités font l'objet de financements spécifiques. En effet, toutes les dépenses de MCO ne peuvent pas - ou pas facilement - être intégrées dans les GHS. En outre, il existe des facteurs d'hétérogénéité qui induisent des différences légitimes de coûts.

Ces différences peuvent justifier la création de modulations tarifaires prenant en compte la spécificité de chaque établissement.

On peut aussi, et c'est le choix qui a été fait, créer plusieurs dispositifs ciblés de corrections (coefficients géographiques), de forfaits annuels (urgences, prélèvement et greffes d'organes...), de suppléments journaliers (réanimation, néonatologie...) et affecter des dotations à la compensation de missions d'intérêt général (enveloppe MIGAC).

· Les activités rémunérées au forfait

Les activités de prélèvement, de transplantations d'organes et de tissus, ainsi que celles d'urgence sont rémunérées par des forfaits.

Depuis 2005, deux forfaits d'accueils et de traitement des urgences (ATU), peuvent être attribués : le premier en fonction du nombre de personnes accueillies qui est modulé selon des tranches de nombre de passages, le second destiné à couvrir les prestations de soins dispensées. Ces forfaits ne sont attribués que si le passage aux urgences n'est pas suivi d'une hospitalisation. Lorsque le passage aux urgences est suivi d'une hospitalisation, les forfaits ne sont pas payés. Ils sont supposés être inclus dans les tarifs de GHS. Cette situation n'est pas satisfaisante, puisqu'elle peut inciter à fractionner la prise en charge en codant un passage aux urgences puis, de manière séparée, une hospitalisation. Dans cette hypothèse, cela revient à payer deux fois le traitement de l'urgence, par le forfait ATU et par le GHS. En l'absence de facturation individuelle, il est très difficile de contrôler ce genre de pratique.

La MECSS souhaite donc que, dans l'attente de la mise en place de la facturation individuelle, la valorisation des passages aux urgences suivis d'une hospitalisation soit extraite des GHS et rémunérée par un forfait urgences.

Elle souhaite également que le financement des services d'urgence autorisés dans les secteurs public et privé soit unifié et que le forfait de petit matériel (FFM), qui a été prévu pour le secteur privé quand les services d'urgence n'étaient ni définis, ni autorisés, soit supprimé. Ce tarif n'a plus lieu d'être aujourd'hui.

À cet égard, on peut rappeler que deux décrets du 22 mai 2006 réorganisent les urgences et que M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, s'est, lors du congrès national des urgentistes, le 9 juin 2006, déclaré « disposé à revoir les GHS et les forfaits qui financent les urgences ».

· Les consultations et actes externes

Les consultations et actes réalisés dans les services de soins externes et ceux réalisés lors des passages dans les services d'urgence sont rémunérés sur la base des nomenclatures et tarifs conventionnels applicables à la médecine de ville (classification commune des actes médicaux - CCAM). Comme pour les prestations d'hospitalisation, cette activité est financée pour partie par le versement d'une partie des tarifs (35 % en 2006) et, pour le solde, par la dotation annuelle complémentaire (DAC) des établissements. Les actes d'imagerie médicale externe sont rémunérés par un tarif correspondant à l'acte et un forfait technique selon l'appareil utilisé.

· Les suppléments journaliers

Les activités de réanimation, de soins intensifs, de surveillance continue et les activités de néonatologie ne sont pas valorisées par des GHS, mais font l'objet de suppléments journaliers facturables en sus des GHS.

· Les dispositifs médicaux implantables et les médicaments onéreux

Les médicaments, tout comme les dispositifs médicaux implantables, ont vocation à être inclus dans le tarif des GHS. Toutefois, certains dispositifs médicaux implantables (prothèses, implants, défibrillateurs...) et médicaments (anticancéreux) innovants et onéreux (les DMI-MO), de nature à introduire des distorsions de coûts, ne sont pas intégrés dans les tarifs de GHS. Ils sont inscrits sur une liste et pris en charge intégralement (remboursement à l'euro l'euro) en sus des GHS. Toutefois, deux mécanismes visent à limiter le risque de dérive des dépenses de DMI-MO.

En premier lieu, un dispositif d'intéressement permet à l'établissement de garder 50 % de la marge entre le prix d'achat réel et le prix de référence (tarifs de référence des médicaments ou tarifs de la liste des produits et prestations).

En second lieu, l'utilisation des molécules onéreuses est soumise à des règles de « bon usage ». Les établissements doivent conclure un contrat de bon usage des médicaments. Ces contrats, conclus pour une durée de trois à cinq ans avec l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH), fixent des objectifs quantitatifs et qualitatifs, ainsi que des indicateurs de suivi et de résultats et font l'objet d'une évaluation périodique. En cas de non respect des engagements souscrits, le taux de remboursement peut être réduit et fixé entre 70 % et 100 %.

· Les MIGAC

Il est considéré que certaines missions ou activités de soins qui participent directement ou indirectement à l'activité médicale ne génèrent pas d'activités quantifiables et valorisables avec les outils actuels de la T2A. Ces missions d'intérêt général, qui correspondent en majorité à des missions de service public hospitalier, ne peuvent être financées au moyen de tarifs de prestations. Des textes réglementaires fixent la liste de ces missions qui sont financées par des dotations spécifiques.

Les dotations MIGAC regroupent les financements dédiés aux missions d'intérêt général (les MERRI et les MIG) et aux aides à la contractualisation.

Les missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation (MERRI) sont classées en trois groupes :

- la recherche médicale et l'innovation, notamment la recherche clinique ;

- la recherche, l'enseignement, la formation, l'expertise, la coordination, l'évaluation des soins relatifs à certaines pathologies et réalisés par des structures spécialisées, et les activités hautement spécialisées des structures assurant un rôle de recours ;

- les activités de soins réalisées à des fins expérimentales ou la dispensation des soins non couverts par les nomenclatures ou les tarifs.

Les missions d'intérêt général (MIG) hors MERRI regroupent deux types de missions : d'une part la participation aux actions de santé publique, d'autre part la participation à la définition et à la mise en œuvre de la politique hospitalière.

Enfin, les aides à la contractualisation (AC) participent principalement au financement des engagements relatifs à la mise en œuvre des orientations du schéma régional d'organisation sanitaire (SROS) et à ceux visant à répondre aux priorités nationales ou locales en matière de politique sanitaire.

Les engagements pris par les établissements en T2A en matière d'investissement, dans le cadre du plan Hôpital 2007 ou des contrats d'objectifs et de moyens, ont vocation à être couverts en partie par cette dotation. Il en va de même des engagements de maintien de certaines activités qui ne peuvent être financées intégralement par les tarifs, du fait notamment de la faible activité, et qui sont pourtant indispensables à l'offre de soins.

Les dotations MIGAC qui sont principalement affectées aux établissements publics en raison de leurs missions spécifiques font l'objet de critiques. Elles sont parfois considérées, en particulier par les établissements privés, comme un moyen de contourner la rigueur du nouveau système tarifaire (voir infra).

d) Les coefficients géographiques

La tarification nationale s'accompagne de plusieurs correctifs destinés à éliminer ou plutôt à compenser les disparités de coûts justifiées.

Dans cette logique, à côté des MIGAC, ont été mis en place des coefficients géographiques qui visent à compenser les facteurs spécifiques qui modifient de manière manifeste, permanente et substantielle le prix de revient de certaines prestations dans une zone géographique considérée. Il s'agit de prendre en compte les spécificités qui pèsent sur les coûts, comme le niveau des charges salariales, le coût de l'immobilier et du foncier, le coût des transports des personnels et des usagers.

Ces coefficients, identiques pour les secteurs public et privé, concernent tous les départements de l'Île-de-France (7 %), la Corse (5 %), les Antilles-Guyane (25 %) et la Réunion (30 %). Ils sont appliqués aux tarifs ainsi qu'aux suppléments journaliers et aux forfaits, mais pas aux MIGAC, ni aux produits facturés en sus et aux consultations et actes externes. Les majorations qui résultent de l'application des coefficients représentent 600 millions d'euros en 2006, soit environ 1,5 % de la dotation T2A.

Cependant, il apparaît que les spécificités en cause sont mal mesurées et que les études sur ce sujet sont insuffisantes. En outre, l'attribution de ces coefficients ne semble pas optimale. Ainsi, la région PACA, qui montre des surcoûts réels importants dans le secteur privé, n'en bénéficie pas alors que la Corse en bénéficie, précisément sur la base des surcoûts mesurés en région PACA et non sur la base des surcoûts de la Corse.

La MECSS souhaite qu'il soit procédé à des études plus précises de recensement et de valorisation des facteurs géographiques de surcoûts et que les coefficients géographiques soient réactualisés régulièrement.

e) La demande d'une montée en charge plus rapide dans le secteur public

La tarification à l'activité, qui a pour objet de réallouer un budget donné en fonction des critères d'activité, est considérée comme un financement plus rationnel et plus équitable que les systèmes antérieurs.

Il convient cependant de s'assurer que la montée en charge dans le secteur public est réalisable et soutenable pour les établissements, en particulier ceux pour lesquels le système antérieur était plus favorable.

Aucune des personnalités auditionnées par la MECSS n'a demandé que la montée en charge de la T2A dans le secteur public soit interrompue ou ralentie. Au contraire, de nombreux responsables d'établissements ont demandé une accélération du rythme de montée en charge de la T2A et une augmentation plus rapide de la fraction tarifée. Cette demande émane surtout des établissements dynamiques dont l'activité se développe ou qui souhaitent créer de nouvelles activités. Le nouveau système de financement, fondé sur l'activité, leur est naturellement plus favorable que le système contraignant de la dotation globale. Il restera à veiller au bon usage de la nouvelle marge de liberté et de souplesse qu'offre la T2A.

En trois ans, de 2004 à 2006, un tiers (35 %) du chemin aura été parcouru. Une stricte progression linéaire aurait conduit à un taux de 37,5 % cette année [(100 : 8) x 3].

La MECSS considère que le rythme adopté est satisfaisant. Elle souhaite que la montée en charge de la tarification à l'activité se poursuive au minimum au rythme des premières années et que le taux de la fraction tarifée soit porté à 50 % en 2007. Elle observe que cet objectif rejoint d'ailleurs la position exprimée par M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, lors du salon Hôpital Expo, le 16 mai dernier. On peut à cet égard rappeler que l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 prévoit que la fraction tarifaire ne peut être inférieure à 50 % en 2008.

La MECSS estime, en outre, qu'il n'y a pas lieu, pour le moment, de forcer l'allure, compte tenu du mouvement de convergence également engagé. Une accélération du rythme de montée en charge de la tarification à l'activité rendrait plus difficile la réalisation de la convergence, en raison du cumul des effets. Par ailleurs, la MECSS suggère qu'une évaluation soit réalisée à mi-parcours, fin 2007.

Dans un souci de clarté et de lisibilité pour les acteurs hospitaliers, il pourrait être souhaitable de rendre publique la programmation pluriannuelle de montée en charge. Celle-ci pourrait être réactualisée lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

f) L'intensification de la préparation de l'extension aux soins de suite ou de réadaptation, à la psychiatrie et à la chirurgie ambulatoire

La tarification à l'activité s'applique actuellement aux séjours de MCO, à hauteur de 35 %, et, depuis le 1er janvier 2006 à 100 % à l'hospitalisation à domicile. Le choix d'une application intégrale à l'hospitalisation à domicile correspond à la volonté de développer cette alternative à l'hospitalisation en établissement. Elle présente en effet l'avantage d'être souvent plus confortable pour le patient, de moins l'exposer aux infections nosocomiales et d'être moins coûteuse pour l'assurance maladie. Comme on l'a vu, la tarification à l'activité favorise le développement de nouvelles activités.

Actuellement, sont maintenus en dehors du champ de la tarification à l'activité, les soins de suite ou de réadaptation (SSR) ou de psychiatrie, ainsi que l'activité de médecine des hôpitaux locaux. Les travaux sur les classifications concernant ces activités sont en cours. Celle des SSR qui devait s'appliquer en 2006 a finalement été retardée. Celle concernant la psychiatrie pose des problèmes de méthodologie encore non résolus.

Ces deux activités continuent donc d'être financées par des dotations annuelles de financement (DAF) pour les établissements du secteur public et par les anciens tarifs pour les établissements privés.

La MECSS, qui souhaite donner la portée maximum au nouveau système d'allocation à l'activité, demande que les études sur ces activités, ainsi que sur la chirurgie ambulatoire, soient accélérées afin de ne pas retarder l'extension prévue de la T2A. Elle demande aussi que tous les enseignements des expérimentations en cours soient tirés.

3. L'équilibre des financements et l'importance de la valorisation de ses composantes

On l'a dit, le nouveau système de financement est un ensemble composite. En conséquence, l'équilibre du système et le plus ou moins grand respect des objectifs de la réforme dépendent de la détermination initiale et des évolutions de chacune des composantes de financement.

Autrement dit, le nouveau système d'allocation ne sera de qualité que si toutes ses composantes sont elles-mêmes de qualité.

Cela met en évidence l'importance de la valorisation des composantes de financement.

a) La fixation des sous-enveloppes qui ne relève pas du législateur permet de faire évoluer l'équilibre des financements

En 2005, près de la moitié de l'objectif total de dépenses des établissements de santé était financé par les tarifs forfaitaires de séjours (28,4 milliards d'euros sur 60 milliards, soit 47,3 %). Cependant, les tarifs représentaient près des deux tiers de l'objectif de dépenses MCO (28,4 milliards d'euros sur 44 milliards, soit 64,6 %).

Le tiers restant de l'enveloppe MCO se répartissait en MIGAC (4,7 milliards d'euros, soit 10,7 %), forfaits, séances et hospitalisations à domicile (3,8 milliards, soit 9,7 %), suppléments pour « séjours extrêmes » (1,2 milliard, soit 2,7 %), autres suppléments (2,1 milliards, soit 4,8 %) et DMI-MO (2,8 milliards, soit 6,3 %).

La loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a permis de réaliser un progrès réel puisque désormais le législateur est appelé à fixer les sous-objectifs de l'ONDAM. Il vote en particulier les deux sous-objectifs de dépenses relatifs aux établissements de santé : d'une part celui concernant les établissements de santé tarifés à l'activité, d'autre part celui se rapportant aux autres dépenses des établissements de santé.

L'enveloppe dédiée aux établissements de santé tarifés à l'activité comprend les MIGAC et l'ODMCO - l'objectif de dépenses pour les activités de MCO. L'ODMCO se décompose lui-même en plusieurs enveloppes destinées à financer les tarifs des séjours hospitaliers, les divers forfaits et suppléments, ainsi que les dispositifs médicaux implantables et les médicaments onéreux qui ne sont pas intégrés dans les tarifs.

En réalité, la part consacrée au financement tarifaire (GHS et autres éléments) est résiduelle. Autrement dit, les MIGAC sont déduites en premier du sous-objectif de dépenses relatif aux établissements de santé.

On comprend que ce mécanisme de précompte est, a priori, favorable aux MIGAC. Cette façon de répartir les sous-enveloppes est une des causes de la suspicion qui pèsent sur les dotations MIGAC. Force est de constater que la très forte augmentation des MIGAC en 2005 et 2006 est de nature à justifier les interrogations exprimées devant la MECSS concernant les transferts entre sous-enveloppes. Fort logiquement, la part du financement consacrée aux tarifs ne connaît pas le même dynamisme.

La tarification à l'activité est un changement majeur de mode d'allocation des financements. Le modèle mis en place est complexe et encore récent. On peut donc comprendre qu'il soit encore nécessaire de le faire évoluer et de procéder à des ajustements. Cependant, il convient de veiller à ce qu'il ne perde pas, sous l'effet de pressions diverses, sa pertinence et son efficacité.

La MECSS s'est interrogée sur la possibilité de renforcer le contrôle du Parlement et de prévoir la possibilité pour celui-ci de se prononcer sur les sous-enveloppes MIGAC et ODMCO. Sauf à modifier la loi organique, il faudrait pour cela que le Gouvernement le décide, puisque l'initiative de la définition des composantes des sous-objectifs est de sa responsabilité (3° du D de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale). Le sous-objectif de dépenses relatif aux établissements de santé tarifés à l'activité pourrait alors être scindé en deux sous-objectifs : ODMCO d'une part, MIGAC d'autre part.

Dans le même esprit, il pourrait être prévu d'interdire les transferts entre les sous-enveloppes de l'ODMCO.

À tout le moins, il conviendrait que le Gouvernement justifie dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale l'évolution des sous-enveloppes, ainsi que des composantes de financement de l'ODMCO. L'annexe 7 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pourrait être complétée à cet effet.

La MECSS entend préserver la crédibilité de la réforme en veillant à ce que soit évitée toute tentation de contournement des objectifs du nouveau dispositif.

b) La valorisation des tarifs : entre vérité des coûts et politique de santé

L'élaboration des tarifs les plus pertinents suppose une connaissance précise du coût de réalisation de l'activité médicale. Toutefois, le principe de la tarification est que le tarif ne rémunère pas les coûts réellement engagés pour chaque séjour par chaque établissement, mais que le tarif est fixé au niveau national à partir de la base nationale des coûts créée en 1992. Ainsi, les tarifs tiennent compte de la nature des pathologies et de la lourdeur des soins prodigués (durée moyenne de séjour, âge, complications et comorbidité, mode de prise en charge...).

Mais le niveau des tarifs dépend aussi de l'objectif de dépenses - en principe limitatif - fixé chaque année pour les activités de MCO. Les tarifs des prestations sont donc interdépendants. La création d'un nouveau GHS ou d'un nouveau supplément journalier ou encore l'augmentation d'un tarif entraîne, en principe, des répercussions sur les autres tarifs. De la même façon, une augmentation des MIGAC ou de nouvelles inscriptions sur la liste des DMI-MO facturables en sus des tarifs conduit à une diminution de la base financière de calcul des tarifs.

On peut également ajouter que les tarifs, comme les autres vecteurs de financement (MIGAC, forfaits, suppléments...) sont des leviers de pilotage de la politique de santé. Ils permettent de mettre en œuvre les priorités nationales de la politique de santé publique et d'accélérer les restructurations de l'offre de soins.

La valorisation des tarifs consiste donc à concilier l'objectif de vérité des coûts avec les priorités de la politique de santé publique.

La MECSS considère que le respect des objectifs assignés au nouveau mode d'allocation des ressources aux établissements de santé suppose d'adapter les outils de la tarification.

Dans ce but, elle souhaite que, par principe, la part tarifaire soit privilégiée par rapport aux autres modalités de financement, c'est-à-dire que la plus grande partie possible de l'activité de soins soit intégrée dans les tarifs.

Dans le même esprit, elle souhaite aussi que soit supprimé le mécanisme du « coefficient de haute technicité » qui permet à un tiers des établissements privés antérieurement financés par un prix de journée (400 sur 1 200) de bénéficier d'un supplément de recettes de 1 % à 25 %, par le biais d'une majoration de l'ensemble des tarifs des GHS et des suppléments journaliers, au titre des lits classés en soins particulièrement coûteux de chirurgie (supplément SPC). Compte tenu de l'évolution de l'organisation de l'activité de réanimation et des divers suppléments de réanimation définis dans le cadre de la T2A, cet avantage financier, maintenu à la demande de la Fédération de l'hospitalisation privée, n'a plus lieu d'être. Les suppléments SPC, qui représentent 200 millions d'euros, soit 2 % de l'ODMCO, devraient disparaître, sans attendre 2012 comme cela était prévu, pour être intégrés dans les tarifs de GHS et suppléments T2A.

La MECSS préconise également que les adaptations de la tarification soient effectuées de manière transparente en fonction de l'évolution de l'activité de soins et des techniques. Il est en effet souhaitable d'assurer la transparence sur la définition et l'évolution des tarifs de GHS. Ces tarifs sont les prix qui servent à rémunérer les établissements et il est normal que ceux-ci puissent en connaître la composition. Cette transparence aurait des vertus pédagogiques, permettrait de lever d'éventuels soupçons de manipulation et répondrait à une demande très forte de la communauté hospitalière, souvent exprimée devant la MECSS.

La MECSS souhaite par ailleurs que la classification des séjours soit réactualisée, mais davantage dans son contenu qu'en ce qui concerne le nombre de groupes de séjours. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la classification actuelle (la version V 10) comporte près de 800 GHM. Une nouvelle version (V 11) est en préparation, qui devrait augmenter de 100 à 200 le nombre de GHM pour le porter à 900 ou 1 000. C'est un nombre assez élevé qui est cependant assez proche des quelque 1 200 groupes de séjours utilisés par nombre de pays étrangers appliquant la tarification à l'activité.

Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale des finances sur le pilotage des dépenses hospitalières, de juillet 2005, évoque le risque inflationniste susceptible de résulter du « sur-raffinement » de la tarification. La tarification, pour être efficace, doit être incitative et, par l'affichage du juste prix, susciter une recherche d'optimisation des coûts avec l'espoir de conserver des gains. L'excès d'affinage peut cacher la volonté d'adapter de manière excessive, et finalement contreproductive, la tarification aux spécialités et aux spécificités des établissements. Il faut éviter que la tarification à l'activité ne revienne à une tarification à l'acte. On peut, à cet égard, rappeler que la classification commune des actes médicaux répertorie 7 200 actes techniques. Affiner la classification fait gagner en précision, mais perdre en incitation.

Cependant, des différences peuvent exister dans les missions et les spécialisations (disciplines, programmation, populations accueillies...) des établissements, qui peuvent entraîner des différences de coûts justifiées. Il serait donc utile d'examiner les moyens de compenser les facteurs d'hétérogénéité justifiés. À cet égard, il y aurait tout intérêt à étudier de manière précise les modalités de financement des facteurs d'hétérogénéité dans les autres pays qui appliquent la tarification à l'activité. Parallèlement, il conviendrait aussi d'approfondir la réflexion sur la possibilité de neutraliser ou de compenser ces facteurs par des mécanismes transparents, efficients et pérennes. L'idée, souvent évoquée, d'une différenciation des tarifs par catégories d'établissements, dont le principe est d'ailleurs déjà énoncé par  l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale, devrait être expertisée et cette question devrait être examinée en lien avec celle relative à la convergence (voir infra I/ B/).

Au total, la MECSS considère que la sur-segmentation des tarifs, pas plus que les MIGAC, ne paraît être l'outil le mieux adapté à la prise en compte des disparités justifiées de coûts entre établissements.

c) Les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) : un moyen de contourner la réforme ?

En 2006, les dotations MIGAC, qui s'élèvent à 5,634 milliards d'euros (contre 4,3 milliards d'euros en 2005), représentent 12,3 % de l'enveloppe MCO.

En 2005, les MERRI, missions d'enseignement, recherche, référence, innovation et recours, représentaient près de 53 % de l'enveloppe MIGAC (2,3 milliards d'euros), les MIG, missions d'intérêt général, 33 % (1,4 milliard d'euros) et les aides à la contractualisation 14 % (600 millions d'euros).

Les dotations MIGAC, en très forte augmentation entre 2004 et 2006 (+ 67 %), constituent un enjeu financier très important qui concentre toutes les attentions. À cet égard, la MECSS a relevé avec intérêt les propos du président de la Fédération de l'hospitalisation privée, qui a exprimé son souhait de voir les établissements privés participer à davantage de MIGAC et indiqué que la Fédération poussait les cliniques à en assumer le plus possible.

Les dotations MIGAC, hors tarifs de GHS, sont souvent considérées comme une cause possible de dérapages et un moyen de contourner la réforme de la tarification à l'activité. De nombreuses personnalités auditionnées par la MECSS ont mis en avant cet argument et ont demandé que des améliorations soient apportées.

Les principales critiques portent sur le périmètre des MIGAC et sur leur mode de calcul. La liste des 75 MIGAC a été fixée en 2005. Cette liste, souvent qualifiée de fourre-tout, est discutée.

La MECSS considère que cette liste peut et doit évoluer et que les MIGAC doivent être intégrées autant que possible dans les tarifs des GHS. Cela suppose de mieux définir les MIG et les MERRI et de mieux distinguer les prestations de soins et les missions. À cet effet, des études relatives au périmètre des MIGAC et à leur valorisation doivent être lancées et celles qui sont en cours doivent être accélérées. Les résultats des études doivent être publiés et l'élaboration de la liste des MIGAC doit s'effectuer en toute transparence.

En application du principe énoncé ci-dessus, il conviendrait d'extraire des MIGAC les activités de soins et de services identifiables pour les introduire dans les tarifs des GHS ou dans les suppléments. Dans un premier temps, le transfert de l'enveloppe MIGAC vers l'enveloppe tarifaire pourrait concerner les mesures (ou au moins certaines d'entre elles) des plans de santé publique (urgences ou cancer, par exemple), les équipes pluridisciplinaires mobiles et les SMUR, ces derniers pouvant faire l'objet d'un financement type urgences (part fixe + part variable). Les missions d'intérêt général relatives à l'accessibilité et la permanence des soins devraient également pouvoir être intégrées dans les tarifs et suppléments.

Il conviendrait en outre de prévoir de nouvelles modalités d'allocation des MERRI qui devraient faire l'objet d'une contractualisation avec les établissements.

Le calcul des MIGAC est aussi discuté.

Jusqu'à 2004, les MERRI étaient financées de manière forfaitaire par une dotation représentant 13 % des charges nettes de l'activité MCO. Ce système de valorisation forfaitaire était considéré comme résultant d'un calcul trop fruste. En 2005, il a été décidé d'introduire une modulation dans l'affectation des financements MERRI. L'enveloppe a été divisée en deux parties : une part fixe (représentant les trois quarts de l'enveloppe) modulée selon l'importance des activités de recherche en trois taux (13,5 %, 12 % et 10,5 %), et une part variable attribuée à partir des dépenses effectives. Les centres de lutte contre le cancer (CLCC), gros consommateurs de médicaments innovants et onéreux, se voient appliquer la même logique avec des taux légèrement différents : 13,5 %, 11 % et 8 %. L'application de ces taux est elle-même encadrée dans des taux plancher et plafond.

Il est regrettable que les conclusions du rapport sur l'expérimentation menée il y a plus de dix ans en Languedoc-Roussillon, qui mettaient en évidence la nécessité d'entreprendre des études afin d'établir des coûts standards et de mieux évaluer ces missions, n'aient pas été réellement suivies d'effet.

La MECSS souhaite que les études engagées concernant la valorisation des MIGAC soient accélérées et que les décisions dans ce domaine soient motivées et prises en toute transparence.

Par ailleurs, dans le même esprit, il conviendrait, d'une part de justifier l'évolution des MIGAC et de leurs composantes dans les annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'autre part de fournir le bilan annuel d'application des MIGAC.

La MECSS considère que cet effort d'objectivation et de rationalisation des MIGAC doit être une priorité.

d) L'intégration, autant que possible, des dispositifs médicaux implantables et médicaments onéreux (DMI-MO) dans les tarifs

La dépense de DMI-MO est très dynamique. Ces consommables, qui représentaient 2,8 milliards d'euros en 2005, soit 15,7 % de l'objectif de dépenses de MCO (ODMCO), constituent comme l'indique la communication de la Cour des comptes : « le risque majeur d'explosion des dépenses ». De fait, l'inscription sur la liste est un moyen d'échapper à la contrainte des forfaits.

La MECSS estime que pour donner sa pleine portée aux tarifs de GHS, il serait souhaitable d'intégrer autant que possible les médicaments et les DMI dans les tarifs de GHS. En outre, la MECSS suggère de définir des critères objectifs économiques (médicaments coûteux) et médicaux (référentiels de bonnes pratiques définis par la Haute Autorité de santé) pour l'inscription sur les listes de DMI-MO facturables en sus des tarifs de GHS. Les listes devraient être aussi unifiées pour les deux secteurs privé et public.

Par ailleurs, la MECSS souhaite, d'une part que les dépenses de produits consommables et facturables en sus soient contrôlées, d'autre part que le dispositif de ristourne sur le prix des médicaments soit évalué dans la mesure où il peut être une arme à double tranchant et inciter les établissements à acheter (le prix d'achat résulte souvent de quantités commandées importantes) et à faire consommer davantage.

La MECSS préconise également que les contrats de bon usage des médicaments soient évalués et que les outils de la régulation soient utilisés en cas de non respect des engagements souscrits.

e) Le partage financier assurance maladie/assuré

La tarification à l'activité pose un autre problème délicat : celui du calcul de la participation légale de l'assuré aux frais d'hospitalisation qui ne sont pas pris en charge par l'assurance maladie, c'est-à-dire du ticket modérateur et du forfait journalier.

Actuellement, le ticket modérateur de 20 %, qui est supporté par les assurés sociaux lorsqu'ils n'en sont pas exonérés, est encore calculé sur les tarifs journaliers de prestations (TJP) dont les montants sont variables selon les disciplines et les établissements. Le nouveau mode de financement à l'activité devrait logiquement conduire à calculer le ticket modérateur sur le tarif des GHS. Cependant, si le ticket modérateur était maintenu au même taux, la masse des tickets modérateurs diminuerait, puisque les MIGAC sont déduites de la base activité ainsi que les actes externes qui sont remboursés à part. En 2005, l'application de la nouvelle règle de calcul aurait fait passer l'assiette du ticket modérateur de 35 milliards d'euros (assiette TJP) à 26,5 milliards (base activité GHS) et aurait, en conséquence, accru sensiblement le montant des dépenses à la charge de l'assurance maladie.

La solution la plus logique pour assurer la neutralité financière entre l'ancien mode de calcul et le nouveau consisterait à augmenter le taux du ticket modérateur.

Par ailleurs, le patient hospitalisé qui supporte le ticket modérateur doit, compte tenu des règles de combinaison du ticket modérateur et du forfait journalier, payer les deux contributions dans la limite de celle dont le montant est le plus élevé. Par exemple, pour une hospitalisation de dix jours, le patient doit 160 euros de forfait journalier et un ticket modérateur de 600 euros. En fait, compte tenu de la règle du plafonnement, le patient se verra facturer non pas 760 euros mais 600 euros dont 160 euros au titre du forfait journalier et 440 euros au titre du ticket modérateur. Cette règle entraîne donc un second effet, indirect, sur le calcul du ticket modérateur.

La MECSS considère que, en raison du nouveau découpage des vecteurs de financement, il est nécessaire de réformer le dispositif de participation de l'assuré pour l'adapter à la T2A. Elle préconise donc de redéfinir les modes de calcul du ticket modérateur et du forfait journalier hospitalier.

La MECSS, dans l'attente de cette réforme et de la facturation individuelle dans le secteur public, demande que soient appliqués aux dépenses encadrées des taux de conversion (utilisés pour le passage des dépenses encadrées aux dépenses d'assurance maladie) actualisés, différenciés et transparents, selon les vecteurs de financement T2A (MIGAC, DMI, tarifs, forfaits annuels), pour calculer les remboursements dus par l'assurance maladie aux établissements.

B. MAINTENIR LE CAP DE LA CONVERGENCE DES TARIFS

Parallèlement à l'augmentation progressive de la part des activités qui fait l'objet d'un financement sur la base des tarifs dans le secteur public, deux autres processus sont prévus, qui doivent être achevés au plus tard en 2012.

Le premier vise à réaliser la convergence des tarifs à l'intérieur de chacun des secteurs, public et privé. C'est la convergence intrasectorielle.

Le second a pour objectif de réaliser la convergence des tarifs entre les deux secteurs. C'est la convergence intersectorielle.

L'objectif est qu'à terme, en 2012, une même activité soit rémunérée de façon uniforme sur la base d'une même référence tarifaire.

1. La convergence intrasectorielle, bien engagée, peut être poursuivie

Actuellement, il existe deux échelles de tarifs nationaux applicables à chacun des deux secteurs et deux mécanismes de progressivité propres à chaque secteur permettant de lisser la redistribution financière entre les établissements jusqu'à 2012.

La convergence s'opère vers les tarifs moyens de chaque secteur.

Le processus, bien qu'un peu plus difficile à conduire dans le secteur public, est bien engagé, et peut donc être poursuivi.

a) Dans le secteur privé, la convergence est soutenable

Dans le secteur privé, le système de financement mixte qui consistait en un paiement à l'acte et à la journée pouvait aboutir à la constitution de rentes ou à un sous-financement pour certaines activités.

Dans ce secteur, qui a basculé intégralement, le 1er mars 2005, dans le nouveau système de financement T2A (remboursement sur la base de GHM, des corrections, suppléments et forfaits) la convergence s'effectue vers la moyenne, mais sur la base des tarifs facturés aux régimes d'assurance maladie et non pas sur les coûts observés, comme pour le secteur public.

Durant la période de transition, qui s'étend sur sept années - de 2005 à 2012 -, la convergence doit être effectuée après application de coefficients de transition au niveau régional, modulés par établissements par l'ARH. Cela permet de lisser la redistribution et de laisser le temps aux établissements « gagnants » (actuellement sous-dotés), mais surtout aux « perdants » (actuellement sur-dotés), c'est-à-dire ceux pour lesquels l'application des nouveaux tarifs à leur activité passée aboutit à une diminution de chiffre d'affaires, de s'adapter à la nouvelle donne. Initialement, il était prévu de faire converger les tarifs sur sept années de manière linéaire pour aboutir à un tarif unique en 2012. Ce dispositif a été assoupli par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 afin d'ouvrir la possibilité aux ARH d'accélérer la convergence, et ainsi d'aller plus vite vers le tarif unique des cliniques.

Un point cependant pourrait être revu. Les coefficients de transition ont été calculés une fois pour toutes à partir de l'activité 2002 valorisée aux tarifs 2004. Or, comme le souligne la Cour des comptes, dans sa communication à la MECSS, la structure d'activité se déforme, en raison en particulier du fait que les établissements privés vont probablement se porter sur les GHS les plus « rentables » pour eux.

En conséquence, la MECSS demande que les coefficients de transition soient actualisés, afin de prendre en compte cet effet de structure susceptible de générer des surcoûts non négligeables pour l'assurance maladie.

L'analyse des écarts de coûts par rapport à la moyenne sur les 1 196 établissements concernés fait apparaître une redistribution de 137 millions d'euros prélevés sur les établissements sur-dotés au profit des sous-dotés, soit 4,69 % du budget initial des sur-dotés, ou encore 0,66 % pour chacune des sept années.

Globalement, l'effet redistributif paraît donc supportable. Pour la grande majorité des établissements, c'est également le cas. En effet, pour 88 % des établissements, l'écart entre le chiffre d'affaires réel et son recalcul en tarifs T2A se situe entre plus et moins 10 %.

À cet égard, on ne peut manquer de rapprocher la masse financière que représente la convergence dans le secteur privé (137 millions d'euros) de celles des coefficients géographiques (93 millions) et des majorations pour soins particulièrement coûteux en chirurgie (200 millions d'euros) qui sont, comme cela a été dit précédemment, maintenues, alors qu'elles sont contraires à la réglementation sanitaire et à la T2A. Force est de constater que le coefficient de technicité pour soins particulièrement coûteux neutralise l'effet redistributif de la convergence à la moyenne. Il conviendrait de l'éviter.

La MECSS considère donc que le rythme de la convergence prévu pour les établissements privés anciennement rémunérés au prix de journée, à l'exception de quelques uns pour lesquels l'effort ou l'effet d'aubaine serait plus important, est correct et que celle-ci devrait pouvoir être menée à son terme sans grande difficulté.

En outre, étant observé que l'écart entre la moyenne et les établissements les plus performants n'est pas considérable, la MECSS estime qu'il est possible de retenir pour cible de la convergence les tarifs des établissements les plus performants. Cela n'aurait pas une incidence massive.

Par ailleurs, la MECSS considère qu'il est nécessaire de mettre en place, le plus rapidement possible, une échelle de coûts pour le secteur privé afin de poursuivre la convergence sur cette base et non plus à partir des facturations passées.

b) Dans le secteur public, la convergence doit être accompagnée

Dans le secteur public, la convergence résulte de la substitution progressive d'un financement calculé en fonction de l'activité de l'établissement à l'ancienne dotation globale. Cette substitution doit s'effectuer au maximum sur une durée de huit années, de 2004 à 2012. Compte tenu des MIGAC, des forfaits et dotations spécifiques, la substitution porte sur environ 80 % du budget des établissements. C'est à cette fraction que sont appliqués les taux de T2A et de dotation annuelle complémentaire (DAC). Ainsi, en 2005, alors que la fraction tarifée en T2A était de 25 %, les recettes facturées sur la base des tarifs des GHS représentaient, en moyenne, seulement près de 20 % des financements de l'établissement (80 % x 25 %), la DAC représentant les 60 % restants.

On le voit, la différence de processus de basculement dans la T2A pour les deux secteurs (basculement intégral la première année pour le privé et progressif sur huit ans pour le public) tend à favoriser le développement des nouvelles activités dans le privé. L'évolution du volume d'activité pour les établissements de ce secteur est en effet totalement prise en compte, alors que celle-ci est limitée à la fraction facturée en T2A pour les établissements du secteur public.

La réflexion de la MECSS concernant la convergence dans le secteur public a été guidée par la volonté de s'assurer que celle-ci était réalisable et soutenable par les établissements, en particulier par les établissements pour lesquels le système antérieur était plus favorable c'est-à-dire les établissements sur-dotés, autrement dit que la redistribution pourra s'effectuer selon une intensité et un rythme supportables par les établissements.

Globalement, la convergence devrait entraîner la redistribution - aux volumes d'activité et tarifs actuels - de 1,2 milliard d'euros des établissements sur-dotés aux établissements sous-dotés, ce qui représente environ 7,5 % du budget initial des sur-dotés ou encore 0,95 % par an durant les huit années de montée en charge.

Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie estime dans son rapport sur la T2A de mars 2006 que, globalement, les ajustements de moyens résultant de la montée en charge de la T2A n'ont pas, d'une année sur l'autre, d'incidence brutale et que les adaptations requises portent chaque année sur une faible fraction du budget total.

Toutefois, l'effet redistributif (gains ou perte) de la convergence est variable selon les établissements. Cet effet peut être apprécié au regard des moyens du seul champ de l'activité MCO ou de l'ensemble des moyens de l'établissement. La seconde approche est plus pertinente puisque dans les établissements perdants les gestionnaires pourront agir sur la totalité du champ d'activité de l'établissement.

Selon cette approche, on observe que 70 % des établissements se situent à plus ou moins 10 % de la référence. Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie estime donc que pour la grande masse des établissements « les ajustements annuels semblent crédibles ».

Cependant, pour satisfaire à l'obligation de convergence, certains établissements sur-dotés devraient être amenés à réaliser des gains de productivité importants. En réalité, l'intensité des ajustements à effectuer dépendra de l'évolution réelle des volumes d'activité et des tarifs. Or, il est peu vraisemblable que, compte tenu de la tendance au ralentissement de l'activité MCO en hospitalisation complète, l'activité des établissements perdants progresse fortement. Il est tout autant peu vraisemblable que, dans un contexte de maîtrise de l'objectif de dépenses hospitalières, les tarifs progressent fortement. Les efforts d'ajustement à effectuer par certains perdants pourraient donc être importants.

La MECSS considère que l'objectif de convergence des tarifs dans le secteur public en 2012 peut être maintenu.

Il lui apparaît cependant nécessaire d'accompagner les établissements « perdants » qui devront produire les efforts les plus importants. Ces mesures d'accompagnement devraient être exceptionnelles, justifiées et contrôlées. Les conditions d'attribution de ces aides par les ARH devraient être précisément définies. Elles devraient faire l'objet d'un compte rendu précis faisant l'objet d'un rapport annuel spécifique au Parlement ou d'un complément dans l'annexe 7 au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Dans cette logique, une réserve de 174 millions d'euros a été précomptée sur l'objectif ODMCO de 2006 pour alimenter des « enveloppes régionales de contractualisation » destinées à soutenir les établissements dans leurs efforts d'adaptation aux réformes et de retour à l'équilibre. La circulaire budgétaire du 24 février 2006 indique également que ces fonds pourront être utilisés pour atténuer les « effets revenu ». Il conviendra de veiller tout particulièrement à la mobilisation des moyens sur ce point précis.

Par ailleurs, la MECSS estime qu'il y a lieu de s'assurer de l'emploi rationnel du surcroît de moyens - qui dans certains cas peut être important (supérieur à 2 %, voire 3 % du budget annuel) - dont vont bénéficier les établissements « gagnants ». À tout le moins, il conviendrait de demander à ces établissements de rendre compte, sous le contrôle des ARH, de l'utilisation de ces moyens supplémentaires.

Au-delà, il pourrait être envisagé de mettre en place durant la période de montée en charge de la convergence, des mécanismes d'écrêtement, de minimum garanti et de plafonnement des gains et pertes. L'Allemagne a mis en place un dispositif de ce type : pour les établissements perdants, la perte est compensée à 95 % ; quant aux établissement gagnants, ils ne reçoivent que 75 % de leurs surplus budgétaire.

Si l'objectif de convergence à l'intérieur de chaque secteur paraît bien engagé et soutenable, celui relatif à la convergence public-privé semble moins évident.

2. Le processus de convergence intersectorielle, actuellement suspendu, doit reprendre

Alors que le principe de la tarification à l'activité a été fixé par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2003, celui de la convergence des tarifs public-privé est apparu deux ans plus tard, puisqu'il a été prévu par la loi de financement pour 2005. La convergence public-privé est un sujet sensible qui soulève de nombreuses questions encore non résolues aujourd'hui.

La LFSS pour 2005 prévoit que les tarifs nationaux des deux secteurs doivent converger durant la période 2005-2012, la convergence devant être réalisée à 50 % en 2008 et « achevée, dans la limite des écarts justifiés par des différences dans la nature des charges couvertes par ces tarifs, au plus tard en 2012 ».

Le législateur s'est donc, pour le moment, limité à fixer un objectif et certaines limites. Il n'a pas fixé toutes les modalités de réalisation de l'objectif.

Il convient tout d'abord d'observer que la convergence entre les secteurs se cumule avec la convergence à l'intérieur de chacun des secteurs, puisque les processus doivent être menés à leur terme sur la même période. Pour le secteur public, il faut aussi ajouter la montée en charge de la fraction tarifée à l'activité qui accroît les effets des convergences.

En 2005, une augmentation des tarifs plus importante pour le secteur privé que pour le secteur public a permis de réaliser un premier pas de convergence. Encore faut-il ajouter que, selon le conseil de l'hospitalisation, l'enveloppe de 20 millions d'euros correspondante a été engagée afin « d'amorcer le processus de convergence et de neutraliser les effets négatifs de la convergence interne au secteur privé »...

Cette année, le processus a été interrompu par le Gouvernement, en dépit de la volonté réaffirmée du législateur, lors de l'examen du PLFSS pour 2006, d'une réalisation de l'objectif de convergence à 50 % en 2008.

La reprise du processus bute sur l'insuffisance de connaissance des écarts de coûts entre les deux secteurs et sur l'insuffisante précision de l'objectif de la convergence.

Sur le sujet difficile de la convergence public-privé trois rapports, dont les analyses et les conclusions sont très largement convergentes, éclairent le débat et ont alimenté la réflexion des membres de la MECSS : le rapport de la mission d'appui de l'IGAS sur la convergence tarifaire public-privé, demandé par le Gouvernement, le rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie qui a déjà été évoqué, et la communication de la Cour des comptes à la MECSS.

Le premier constat est celui d'un déficit d'informations homogènes et fiables.

a) La nécessité d'études complémentaires pour mesurer et analyser les écarts de coûts entre les secteurs

Force est de constater que depuis les premières expérimentations de tarification à la pathologie menées en 1995, peu de progrès ont été faits en matière de connaissance des écarts de coûts entre les deux secteurs. Néanmoins, en dépit de disparités méthodologiques, certaines évaluations permettent de donner des ordres de grandeur sur l'importance des écarts bruts.

Le rapport Marot-Gilardi de 2002, qui s'appuyait sur la comparaison entre l'échelle des coûts établie à partir d'un échantillon d'établissements publics (à la représentativité d'ailleurs contestée) et l'échelle des tarifs du privé, estimait que les coûts du public étaient supérieurs de 66 % aux tarifs du privé (coefficient de 1,66).

La direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) qui a procédé à des chiffrages sur les tarifs appliqués, corrigés, mais n'incluant pas les DMI-MO, estimait l'écart à 69 % (coefficient de 1,69) en 2004. Cette estimation était ramenée à 56 % en 2005 (coefficient de 1,56). La circulaire budgétaire pour 2005 cite le chiffre de 60 %.

Le rapport de la mission d'appui de l'IGAS fait état d'un écart moyen de tarif, pondéré par la part de chaque GHM dans l'activité du secteur public, de 81 %, les tarifs publics étant 1,8 fois supérieurs aux tarifs privés.

Ces écarts donnent une idée de l'ampleur du problème.

Cependant, pour prendre l'exacte mesure des écarts nets à considérer pour réaliser la convergence, des retraitements doivent être effectués, qui ne sont pas contestés dans leur principe, mais dont l'évaluation nécessite des travaux complémentaires. On peut notamment citer la réintégration des honoraires des médecins libéraux dans les tarifs privés et la prise en compte de disparités entre les deux secteurs dans les prestations externalisées (par exemple en biologie et imagerie médicale).

Par ailleurs, les comparaisons ne peuvent être pertinentes que si l'unité de compte est correcte et les écarts de coûts expliqués. La convergence vers un standard de productivité commun doit également être équitable et réalisable. Cela suppose de neutraliser les facteurs exogènes de surcoûts sur lesquels les établissements ne peuvent agir ou qui dépendent de différences réelles dans les missions et productions.

Ainsi, une série de facteurs de surcoûts, le plus souvent rattachés au secteur public, sont recensés : la lourdeur des cas traités, l'influence de l'âge des patients, les multipathologies, la précarité des publics accueillis, les activités non programmées, la permanence des soins, les normes d'emploi applicables, la qualification des emplois, les conditions de gestion du personnel (statut de la fonction publique hospitalière), les écarts de rémunérations, de charges sociales, de fiscalité, les différences de durée du travail.

Sur tous ces sujets, les rares études réalisées manquent de précision ou sont contestées par les acteurs.

La MECSS regrette les retards accumulés en ce qui concerne l'évaluation des charges spécifiques pesant principalement sur le service public hospitalier et souhaite que les travaux désormais programmés par le ministère de la santé et des solidarités soient rapidement menés à bien, de manière à parvenir à un diagnostic objectif et partagé. Les instances chargées de ce travail doivent être dotées des moyens nécessaires.

Les facteurs de disparités justifiés par la nature des prestations délivrées par chacun des secteurs ayant été neutralisés, reste à déterminer le point de convergence.

b) La convergence doit s'opérer vers les tarifs des établissements les plus efficients

Le législateur n'a pas fixé le point de convergence : celui-ci doit-il se référer aux tarifs du public (moyenne, haut, bas), aux tarifs du privé (moyenne, haut, bas), à la moyenne des tarifs des deux secteurs, aux tarifs du plus efficient ou performant ?

Le choix du point de convergence emporte évidemment des conséquences très différentes sur l'effet redistributif et peut, dans certaines hypothèses, comporter des risques inflationnistes. Un chiffrage réalisé par la DHOS à partir de plusieurs scénarios fondés sur un écart de tarifs public-privé de 40 % (retenu comme hypothèse) aboutissait :

- en cas d'alignement des tarifs du privé sur ceux du public, à un coût supplémentaire de 4,7 milliards d'euros pour l'assurance maladie ;

- en cas de convergence à la moyenne (qui a connu un début d'application en 2005) à une redistribution de 3,7 milliards d'euros avec une hausse moyenne des tarifs de 69 % pour le secteur privé et une baisse corrélative de 15 % de ceux du public ;

- en cas d'attribution d'une dotation complémentaire aux établissements publics avec une baisse équivalente de leurs tarifs (démarche également amorcée en 2005 avec l'augmentation des MIGAC) à prévoir une enveloppe complémentaire (MIGAC ou nouvelle dotation spécifique) de 9,3 milliards d'euros.

Les résultats de cette simulation donnent une idée de l'importance de l'enjeu financier que constitue la convergence entre les secteurs. Les montants mentionnés peuvent être rapprochés de ceux en cours de redistribution dans le processus de convergence intrasectorielle : 1,2 milliard d'euros dans le secteur public et 137 millions dans le secteur privé.

Il est à noter que dans la simulation de la DHOS, l'hypothèse d'une convergence des tarifs publics vers les tarifs privés n'était pas évoquée.

Les trois rapports s'accordent cependant pour proposer une convergence vers le plus efficient ou le plus performant.

La mission IGAS retient l'hypothèse que le secteur privé est plus efficient que le secteur public. Elle exclut donc la convergence vers les tarifs du public qui produirait un très important effet d'aubaine pour le secteur privé. Elle conclut, en conséquence, que la convergence devrait s'effectuer vers les tarifs du secteur privé et souligne l'importance de la détermination de ces derniers puisque, dans cette hypothèse, le taux d'évolution des tarifs du secteur privé constituerait un taux directeur. Elle préconise de faire évoluer les tarifs du secteur privé de manière à assurer une rentabilité financière suffisante pour garantir l'attractivité du secteur auprès des investisseurs, sans pour autant constituer des rentes.

La MECSS souhaite que la convergence s'effectue, à partir des écarts de coûts « justifiés », c'est-à-dire après élimination des facteurs de surcoûts liés aux facteurs exogènes et aux disparités tenant à la nature des prestations délivrées, vers les tarifs des établissements les plus performants, c'est-à-dire vers le juste prix. Cela suppose d'établir, à partir d'une échelle commune de coûts, des tarifs uniques complets et homogènes, incluant en particulier l'ensemble des charges de personnels et d'honoraires.

c) Les solutions pour compenser les écarts de coûts « justifiés » : surtarif, grille unique de tarifs différenciés, convergence partielle, dotations

Les travaux menés sur ces sujets devraient permettre de répartir les écarts de coûts en deux catégories : les écarts de coûts « injustifiés » ou « résiduels » qui devraient être réduits par des efforts de productivité à réaliser pendant la période de convergence, et les écarts de coûts « justifiés » résultant de différences de prestations ou de facteurs exogènes qui pourraient faire l'objet d'un financement spécifique. Diverses solutions sont envisageables.

Les deux rapports de l'IGAS et du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie proposent d'introduire une différenciation tarifaire entre les deux secteurs.

L'IGAS suggère de compenser les écarts de coûts « justifiés » entre le secteur public et le secteur privé au moyen de deux modulations tarifaires : d'une part un « surtarif » pour compenser l'écart de coût du travail, d'autre part le maintien d'un écart de tarif pour compenser les autres écarts de coûts.

La communication de la Cour des comptes à la MECSS rappelle seulement la proposition de l'IGAS d'instauration d'un « surtarif ».

On peut ajouter que le rapport de la mission IGAS-IGF sur le pilotage des dépenses hospitalières envisageait une différenciation des tarifs par catégories d'établissements.

D'autres modalités de compensation des écarts résiduels sont envisageables : des dotations spécifiques, une grille unique de tarifs différenciés ou une convergence partielle des tarifs, voire un mélange de ces modalités.

La MECSS, qui souhaite donner sa pleine portée à la logique tarifaire, écarte la solution du recours à un dispositif de dotation. Elle souhaite en revanche que des études complémentaires soient menées sur les trois autres solutions évoquées, parallèlement à celles concernant l'évaluation des différences de coûts.

d) Le calendrier : reprendre la convergence en 2008 et maintenir l'objectif 2012

La Cour des comptes et l'IGAS estiment que les études comparatives de coûts et la mise en place des outils de la convergence (échelle commune de coûts, compensation des écarts « justifiés »...) doivent précéder la détermination du calendrier de la convergence.

Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie considère qu'une démarche pragmatique et prudente est une des conditions de la réussite de la réforme. Il envisage deux hypothèses, à l'issue des travaux sur les écarts de coûts. Si les écarts résiduels sont faibles, le Haut conseil suggère de mettre en œuvre la convergence de manière volontaire en pesant au maximum sur les tarifs publics. Si l'écart résiduel est fort, il propose d'avancer à un rythme de convergence réaliste, voire de renoncer à la convergence totale et de conduire une action interne au secteur public pour résoudre l'écart. Il suggère cependant de ne pas attendre de disposer de toutes les données pour entreprendre les premières étapes de différenciation des tarifs.

La MECSS souhaite assurer une application ferme, mais réaliste, équitable et maîtrisée de la convergence des tarifs entre les secteurs.

Elle rappelle que l'objectif de la tarification à l'activité est d'améliorer l'efficience du système hospitalier et elle estime qu'il est normal que l'assurance maladie rembourse sur la même base les mêmes prestations. Elle considère toutefois qu'il est équitable de tenir compte des surcoûts imposés en raison de facteurs exogènes et de disparités de prestations. Elle demande donc que les études sur les écarts de coûts entre le secteur public et le secteur privé, qui ne paraissent pas poser de difficultés insurmontables, mais nécessitent une ferme volonté d'aboutir, soient menées dans les meilleurs délais. Le contrôle de la qualité des méthodologies utilisées pourrait être assuré par l'Agence technique de l'information hospitalière (ATIH). Des études devraient aussi être engagées concernant les modalités de compensation des écarts de coûts « justifiés » résultant de facteurs exogènes aux établissements et de disparités de prestations.

La MECSS considère par ailleurs que la segmentation des GHS prévue par la version 11 de la classification devrait être de nature à réduire l'impact de la convergence entre les secteurs. Elle demande que des études d'impact de la convergence sur les établissements soient réalisées et communiquées au Parlement et que des indicateurs homogènes et fiables de réalisation et de suivi de la convergence soient définis. Elle estime que des gains de productivité importants peuvent être réalisés, en particulier dans le secteur public. Elle considère que la montée en charge de la T2A et les processus de convergence peuvent donc être menés à leur terme de manière progressive, comme il est prévu.

La MECSS souhaite donc que le processus de réduction des écarts résiduels et de convergence des tarifs entre les secteurs soit résolument repris, sans tarder, au plus tard en 2008 lorsque tous les résultats des études devront être connus, et si possible, de manière mesurée, dès 2007, afin que la convergence soit réalisée comme prévu en 2012.

En outre, la MECSS souhaite que le point de convergence, à savoir les tarifs des établissements les plus performants, et le mécanisme de compensation des surcoûts justifiés soient fixés par le législateur.

II.- LA RÉUSSITE DE LA MISE EN OEUVRE DE LA T2A,
QUI RECOUVRE DE NOMBREUX ENJEUX FINANCIERS
ET D'ORGANISATION, SUPPOSE D'EN RENFORCER
LE CONTRÔLE ET L'ÉVALUATION

La mise en place de la tarification à l'activité a de nombreuses conséquences sur les finances sociales, le fonctionnement interne des établissements de santé et l'organisation de l'offre de soins. Il faut donc que les contrôles et l'évaluation de la réforme permettent d'éviter d'éventuels effets pervers sur la qualité des prestations hospitalières.

A. LA LUTTE CONTRE L'EFFET INFLATIONNISTE ET LA PRÉVENTION DES ÉVENTUELS EFFETS PERVERS SUR L'OFFRE ET LA QUALITÉ DES SOINS

Le nouveau mode de financement de la tarification à l'activité n'est pas encore stabilisé. Le dispositif est complexe, évolutif et donc difficile à appréhender. De nombreux paramètres doivent encore être définis ou redéfinis ; d'autres évoluent ou doivent être modifiés et adaptés, notamment en fonction des réactions des acteurs. Compte tenu de la montée en charge progressive du dispositif, tous les impacts et les effets de la réforme ne sont pas encore connus et mesurables. Cependant, les expériences étrangères fournissent quelques points de repères intéressants sur les effets prévisibles ou réels de la T2A. De fait, la T2A recouvre de nombreux enjeux financiers et organisationnels qui peuvent avoir un impact sur la qualité de l'offre de soins.

1. Les impacts financiers de la réforme doivent être maîtrisés

Dans le contexte durablement contraint de l'ONDAM visant à la réduction du déficit de l'assurance maladie, il est opportun d'examiner les effets potentiels de la T2A sur les dépenses hospitalières et le comportement des établissements.

a) Un risque inflationniste prévisible qu'il convient de réduire

Il est souvent considéré qu'un mécanisme de tarification à l'activité a, lors des deux ou trois premières années d'application, un effet inflationniste ou, à tout le moins, pousse au développement de l'activité apparente.

En 2004, l'ONDAM des établissements de santé a été dépassé de 362 millions d'euros (183 millions d'euros pour les hôpitaux et 179 millions pour les cliniques). Pour 2005, le dépassement prévu s'élève à 670 millions d'euros. Compte tenu du dépassement attendu de 250 millions d'euros imputable à la T2A, le dépassement total 2005 pourrait atteindre environ 900 millions d'euros. L'hypothèse d'une augmentation du volume d'activité de 1 % qui avait été retenue pour 2005 a été sensiblement dépassée puisque la réalisation est de 3,7 %. Le taux d'augmentation des seules activités MCO serait de 3 %.

Pour 2006, l'ONDAM hospitalier est en augmentation de 3,44 % (+ 2,1 milliards d'euros) après rebasage de 625 millions d'euros du dépassement de 2005. Pour 2006, le taux prévisionnel d'évolution d'activité a été fixé à 2,6 %, soit un taux inférieur à la progression constatée en 2005. Il est espéré une diminution de « l'effet codage » (voir infra). Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de provisionner dans les tarifs 250 millions d'euros pour couvrir en 2006 un dépassement 2005 exclusivement imputable à la part tarifée à l'activité et allant au-delà du montant ayant déjà fait l'objet de rebasage à l'issue de la précédente campagne. L'hypothèse d'activité a conduit le Gouvernement à décider une baisse des tarifs de 1 % en 2006 pour les deux secteurs.

Le Comité d'alerte a rappelé, le 31 mai 2006, qu'en dépit d'incertitudes statistiques, l'évolution des dépenses sur les premiers mois de l'année 2006 est inquiétante et a appelé à « la plus grande vigilance » dans le suivi des établissements de santé. La CNAMTS, dans sa note de statistiques sur les cinq premiers mois de 2006, fait état de la faible augmentation des versements aux hôpitaux (+ 1,4 %), mais souligne le rythme élevé de progression des dépenses des cliniques (+ 11,2 %).

En réalité, il est difficile d'isoler précisément l'effet inflationniste qui pourrait résulter de la T2A. À ce stade, il faut d'ailleurs rappeler que les causes structurelles d'augmentation des dépenses liées à l'accroissement des charges salariales (effet 35 heures, même si celui-ci s'amoindrit), à l'accroissement des charges externes comme le coût des médicaments et des dispositifs médicaux facturés en sus des prestations d'hospitalisation, enfin à l'augmentation du volume d'activité, préexistaient à la T2A. On peut cependant penser que la T2A a généré, par elle-même, un surcroît apparent d'activité du fait d'une amélioration quantitative (exhaustivité) et qualitative (optimisation) du codage.

En effet, contrairement au système de la dotation globale, en régime T2A le financement n'est pas limitatif, puisqu'il est en principe attribué en fonction de l'activité réellement produite. La T2A vise en fait à rémunérer chaque séjour facturé par l'établissement de santé sur la base d'un tarif forfaitaire national (ou, dans certains pays, sur la base d'un tarif régional ou local). Elle crée ainsi un intérêt direct au codage des actes et même à un codage exhaustif, voire à des pratiques plus contestables de surcodage ou de fractionnement des séjours (par exemple pour percevoir un forfait d'urgence, plus un tarif d'hospitalisation).

L'observation des expériences étrangères montre en effet que, dans la période d'installation de la tarification à l'activité, l'augmentation (au moins apparente) de l'activité peut être forte (augmentation des hospitalisations de 8 % la première année dans le comté de Stockholm, mais où il existait des listes d'attente). Cependant, simultanément ou très rapidement, l'effet quantité est souvent compensé par des gains de productivité. La régulation par les tarifs permet donc de compenser l'effet volume apparent et, finalement, de maîtriser l'évolution de la dépense.

C'est bien cette orientation que le Gouvernement a commencé d'appliquer en réduisant les tarifs de 1 % en 2006. Cette mesure touche d'ailleurs de manière uniforme les deux secteurs. Elle est emblématique de la volonté d'harmonisation des règles qui leur sont applicables.

À cet égard, et même si la circulaire budgétaire pour 2006 ne l'évoque pas, on peut penser que ce traitement en apparence égalitaire des deux secteurs (qui ne sont pourtant pas touchés de manière identique par la T2A) correspond en fait à des logiques différentes. Pour le secteur privé, deux objectifs pourraient être visés par cette mesure. La diminution de 1 % serait le résultat de deux évolutions de sens opposés. Il s'agirait, d'une part de compenser l'effet volume (ou effet codage pendant la phase de démarrage de la T2A), d'autre part de poursuivre la convergence tarifaire (effet positif sur les tarifs pour les rapprocher de ceux du secteur public). Pour le secteur public, a priori pas encore ou peu concerné par l'effet codage, cette diminution de tarif peut être analysée comme un pas de convergence tarifaire entre les secteurs.

Le Gouvernement a prévu de réunir une première conférence tarifaire au mois de juillet 2006 pour mesurer l'évolution réelle de l'activité des établissements et décider d'un éventuel ajustement des tarifs.

On peut ajouter que la contrainte budgétaire pesant sur les établissements de santé devrait être durable puisque, comme M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, l'a annoncé lors du débat d'orientation budgétaire et du débat sur les orientations des finances sociales pour 2007, le retour à l'équilibre de la branche maladie du régime général en 2009 suppose que les dépenses d'assurance maladie évoluent en moyenne sur la période de 2,2 % en valeur - soit 0,4 % en volume - avec l'hypothèse d'une inflation à 1,8 %. On peut donc se demander comment pourra être concilié cet objectif de maîtrise des dépenses d'assurance maladie avec le dynamisme de la dépense des établissements hospitaliers lié à la montée en charge de la T2A, si ce n'est en utilisant les mécanismes de la régulation prix-volume.

La MECSS rappelle que les objectifs de dépenses des établissements de santé doivent être respectés. Elle souligne qu'avec la montée en charge de la fraction tarifée dans le secteur public, l'intérêt au codage va s'accroître et qu'en cas de risque de dépassement il y a donc lieu de faire jouer la régulation tarifaire.

b) L'accompagnement des établissements « gagnants » et « perdants »

Face à la nouvelle donne de la T2A, chaque établissement procède aux adaptations qui lui semblent les plus appropriées en fonction de sa propre situation, c'est-à-dire son positionnement d'activité et la structure de ses coûts. Il peut chercher soit à maximiser les revenus (en multipliant les actes), soit à minimiser les coûts (par exemple en sélectionnant les risques), soit associer les deux logiques pour accroître l'écart entre les revenus et les coûts (par exemple en spécialisant son activité sur les segments les plus rentables). En outre, le système de financement étant évolutif (augmentation progressive de la fraction tarifée en T2A pour le public), les stratégies d'adaptation des établissements peuvent également évoluer.

· L'intérêt croissant à développer l'activité à mesure qu'augmente la part tarifée

On l'a dit, la tarification à l'activité incite, en principe, à développer l'activité et à créer de nouvelles activités, celles-ci étant directement et immédiatement rémunérées. Plus la fraction tarifée à l'activité est importante, plus l'incitation est forte. Cela peut expliquer le dynamisme de la dépense dans le secteur des cliniques qui ont intégralement basculé dans la T2A.

A contrario, l'intérêt à développer l'activité est moindre pour les établissements publics où la fraction tarifée à l'activité est encore faible. De ce fait, les revenus qui résultent d'un surcroît d'activité ne permettent pas toujours de couvrir les charges variables (les charges qui sont induites par tout séjour supplémentaire dans un service d'hospitalisation existant) et semi-variables qui sont engagées lorsque qu'un seuil d'activité est franchi, par exemple pour recruter du personnel destiné à prendre en charge les patients supplémentaires. Autrement dit, un financement partiel à l'activité n'encourage pas l'activité. Tant que la part financée à l'activité est inférieure à 50 %, un établissement public n'est pas certain de rentrer dans ses frais car le risque est grand que cette part ne couvre pas les dépenses variables et semi-variables auxquelles il a à faire face. La viabilité financière d'une augmentation d'activité n'est totalement assurée qu'à partir de 50 % de financement à l'activité. Si en 2007 la part T2A passe à 50 % dans le secteur public, l'incitation à l'activité devrait être encore modérée dans ce secteur. En revanche, lorsque la fraction T2A s'élèvera de plus en plus au-dessus de ce taux, l'incitation augmentera.

Le découplage des basculements des deux secteurs dans la T2A (intégral pour le privé et progressif pour le public) permet de limiter globalement l'effet incitatif à développer l'activité. En outre, le basculement en premier du secteur le moins important (les établissements privés anciennement rémunérés par un prix de journée représentent environ 20 % de l'activité d'ensemble) permet de limiter l'effet volume. Cela donne également la possibilité de mesurer cet effet et de bénéficier d'un retour d'expérience, avant que l'incitation ne joue, éventuellement, pour le secteur public qui représente un enjeu - ou un risque - plus important. D'autant qu'il faut rappeler que la logique de la tarification à l'activité était assez proche de celle de l'ancien système de financement des cliniques aux prix de journée majorés de forfaits. Il est donc vraisemblable que l'augmentation des versements au secteur privé résulte principalement d'un effet codage plutôt que d'une augmentation réelle de l'activité. Il pourrait en aller différemment pour le secteur public lorsque l'incitation à l'activité sera réelle, c'est-à-dire lorsque la fraction tarifée sera supérieure à 50 %. Les gestionnaires et personnels médicaux auront alors pu s'approprier pleinement le changement de logique et l'incitation pourrait jouer à plein. Les établissements gagnants à la T2A (qui étaient sous-dotés) et qui souhaitent développer de nouvelles activités l'ont bien compris et demandent d'accélérer la montée en charge de la T2A.

Cela explique la démarche adoptée, en deux temps : d'abord basculement intégral d'une petite partie de l'activité pour limiter et observer les effets produits, puis basculement progressif du secteur le plus important de manière contrôlée.

Ce choix, qui traduit la volonté de maîtriser le processus d'ensemble et qui est bien compréhensible sur un plan politique et macro-économique (limiter les effets pervers et l'augmentation des dépenses pendant la phase de démarrage), rappelle toutefois que l'équité entre les deux secteurs (qui est un des objectifs de la réforme de la T2A) n'est pas encore établie.

· La T2A a des effets immédiats sur les établissements

Plus généralement, la réforme a des conséquences immédiates et notables sur les établissements, proportionnelles à leur productivité et à leur efficience. Dans un premier temps, les établissements bénéficiaires sont ceux dont les coûts de production et de réalisation des activités sont inférieurs aux tarifs (de GHS, GHT et autres forfaits), les plus performants ou les sous-dotés. L'impact budgétaire pour les établissements est variable selon l'importance que représentent les activités de MCO et d'HAD. Ces effets vont s'amplifier au fur et à mesure de l'extension de la T2A et de la montée en charge de la part tarifée.

Encore peut-on observer que la T2A, en procédant mécaniquement pour chaque établissement à une augmentation ou à une diminution des moyens budgétaires dont l'importance relative dépend de leur productivité, a pris, avantageusement, le relais de la politique antérieure de réduction des disparités de moyens qui n'avait pas donné de grands résultats. De fait, la T2A transfère directement, au niveau des établissements, la correction des inégalités budgétaires.

Les établissements, qui sont dans l'incapacité de développer une activité suffisante (masse critique, effet de taille et de seuil) pour être au niveau de productivité qu'impose la T2A, seront pénalisés. Il s'agit souvent d'établissements qui cumulent les handicaps : des capacités d'hospitalisation faibles et un volume d'activité peu important, un niveau de technicité et de spécialisation peu élevé se traduisant par une activité moins valorisée par les tarifs, une faible attractivité et un taux d'occupation faible (50 % à 70 %), des charges fixes incompressibles (seuil minimal de personnels médicaux et paramédicaux), une inadéquation des prises en charge qui se traduit par des durées de séjours longues (supérieures à la moyenne nationale) et des surcoûts. Au total, ces structures, qui sont souvent des hôpitaux de proximité, ont donc des coûts de réalisation des activités structurellement élevés et une faible productivité qui n'est pas prise en compte dans la nouvelle tarification. Cela explique d'ailleurs que les hôpitaux locaux sont pour le moment maintenus hors du champ de la T2A.

On peut, à cet égard, noter que les dotations d'aide à la contractualisation ont été sensiblement augmentées en 2006 de manière à ménager une nouvelle marge de manœuvre régionale à disposition des ARH pour accompagner les établissements. Une réserve de 174 millions d'euros a été ainsi constituée à partir d'un prélèvement de 0,25 % sur l'ODMCO, la base des missions d'intérêt général et des mesures nouvelles. Cette « enveloppe régionale de contractualisation » est destinée à soutenir les établissements qui ont conclu un plan de retour à l'équilibre ou de développement dans leurs efforts d'adaptation aux réformes et de retour à l'équilibre.

Cette enveloppe pourra également servir à atténuer les « effets revenu » en 2006, c'est-à-dire à couvrir les besoins de financement temporaires liés au développement d'activités nouvelles, incomplètement financés par les ressources T2A. Il s'agit ainsi de permettre l'attribution d'un financement d'amorçage, dans l'attente des ressources T2A.

La MECSS souhaite qu'une grande attention soit portée à l'évolution de la situation financière des établissements. Elle souhaite aussi qu'il soit veillé à la bonne utilisation des moyens de « l'enveloppe régionale de contractualisation » qui n'ont pas vocation à se substituer aux dotations, ni à combler artificiellement et durablement les déséquilibres financiers, notamment ceux qui pourraient résulter de l'application de la tarification à l'activité.

La MECSS souhaite par ailleurs qu'en matière de suivi financier certaines améliorations soient apportées. Elle demande qu'il ne soit plus possible de corriger de manière rétroactive les codages, que les procédures de transmission des données d'activité soient mieux encadrées, que les délais de transmission de ces données soient réduits afin de permettre un suivi plus précis et continu, enfin que soit fiabilisée la mesure de la dépense et de son évolution.

2. La T2A peut être un puissant levier de modernisation et de réorganisation qui n'est pas sans présenter des risques

La T2A est une réforme structurante dont l'objectif est la modernisation de notre système hospitalier. La conduite des réorganisations que la tarification à l'activité doit susciter suppose une volonté politique forte. Mais pour produire son plein effet, la mise en œuvre de la T2A doit faire l'objet de mesures d'accompagnement. Par ailleurs, il convient de s'assurer que le nouveau mode d'allocations des ressources n'entraîne pas une dégradation de la qualité des soins.

a) La T2A est un levier de modernisation et d'efficience

La mise en œuvre de la T2A devrait entraîner des effets très importants sur le fonctionnement et l'organisation des établissements de santé.

La T2A est un principe directeur de la gestion hospitalière qui suppose, pour obtenir sa pleine efficacité, la mise en place de nouveaux outils d'information et de pilotage, mais aussi de gestion budgétaire, financière et comptable.

· L'instauration d'un nouveau dialogue de gestion médico-économique entre les personnels médicaux et les gestionnaires

La T2A doit tout d'abord permettre d'instaurer un dialogue de gestion médico-économique permanent entre les personnels médicaux et les gestionnaires des établissements. C'est un des enjeux importants de la réforme de la T2A. La réforme de la gouvernance des établissements et la création des pôles doit y contribuer.

Les auditions de la MECSS ont permis de constater que le mouvement paraît bien engagé. Le codage de l'activité peut être perçu comme une charge nouvelle par les personnels médicaux. Il est cependant la porte d'entrée dans la logique de la tarification à l'activité, compte tenu de l'intérêt désormais direct qui lui est lié, puisque de sa bonne exécution dépendent les ressources du pôle et de l'établissement (contrairement au système de financement antérieur par dotation globale). L'accomplissement de cette nouvelle tâche incite à s'intéresser à la gestion et facilite l'appropriation du nouveau mode de financement.

La MECSS soutient la création de dispositifs d'intéressement des personnels soignants à la gestion.

· L'impératif de mise à niveau des systèmes d'information hospitaliers

L'un des premiers domaines touchés par la mise en œuvre de la tarification à l'activité est le système d'information hospitalier. En fixant comme critère de l'allocation de ressources l'activité des établissements, la réforme donne à la production des données médicales une importance nouvelle. En effet, de l'exhaustivité, de la qualité et de la rapidité de production et de transmission de ces informations dépend le niveau de ressources budgétaires et financières (trésorerie) des établissements. Toute omission d'activité, quelle que soit sa nature (GHS d'hospitalisation, suppléments, forfaits, DMI-MO, actes externes, imagerie médicale...) pénalise immédiatement l'établissement en termes budgétaires. Les établissements doivent obtenir le meilleur niveau de qualité du codage et réduire au minimum les anomalies, erreurs et lacunes.

Selon plusieurs personnes auditionnées par la MECSS, la non-qualité, qui pouvait être importante les deux premières années, s'est réduite. Les actions de formation des personnels auront été utiles. Le codage est, maintenant, généralement bien compris et s'est intégré dans les pratiques quotidiennes. La transmission des données médicales va devoir s'effectuer dans les délais les plus brefs possibles (auparavant de six mois et ramenés à 30 jours en 2005) pour permettre aux établissements de recevoir des versements rapides et ainsi bénéficier d'une trésorerie positive.

Les discours incantatoires sur l'informatisation des systèmes d'information hospitaliers n'avaient, jusqu'à présent, produit que très peu d'effet. La T2A, en créant un intérêt financier direct et immédiat à la bonne information médicale et de gestion, constitue un puissant levier de modernisation des systèmes d'information. Pour faire face à cet enjeu essentiel, tous les acteurs hospitaliers doivent s'adapter.

Des progrès importants devront être faits pour y parvenir. Actuellement, moins de 50 % des établissements publics de santé MCO sont en mesure de produire des flux de facturation dématérialisés à destination de la caisse primaire d'assurance maladie (caisse-pivot) de leur lieu d'implantation. Quant aux établissements de santé privés participant au service public hospitalier, ils ne sont pas encore engagés dans ce processus de dématérialisation des échanges, à de rares exceptions près. En raison de retards dans la généralisation de la télétransmission et dans la migration vers une nouvelle infrastructure technique d'échanges par messagerie sécurisée, la facturation directe des soins hospitaliers à l'assurance maladie dans le cadre de la tarification à l'activité a été reportée à 2007.

La MECSS souligne qu'il y a une urgente nécessité à développer rapidement des systèmes d'information médico-économique performants et fiables. Elle demande que la mise à niveau technique préalable à la généralisation de la télétransmission soit achevée cette année, afin que la télétransmission soit effective en 2007. Elle se félicite que l'un des objectifs du plan Hôpital 2012 en préparation prévoie de développer les systèmes d'information hospitaliers et elle souhaite que des investissements massifs soient effectués dans ce domaine. Elle demande en conséquence que les moyens humains, logiciels et matériels soient mis à niveau ou renforcés et que soit déployé un important effort de formation des personnels médicaux et non médicaux.

· La nécessaire généralisation de la comptabilité analytique médicalisée et du contrôle de gestion

Par ailleurs, la tarification à l'activité rend également nécessaire la généralisation du contrôle de gestion et de la comptabilité analytique. La prévision d'activité, et donc les ressources budgétaires dont peuvent disposer les établissements de santé pour mettre en œuvre leurs activités et leurs projets, devient un outil stratégique. Les établissements doivent désormais mener des analyses prospectives de leurs activités, en tenant compte des principaux facteurs et contraintes qui influent sur leur évolution : le SROS, la démographie des professionnels de santé, l'évolution des pratiques médicales et des modes de prises en charge (développement de l'activité ambulatoire par exemple), l'évolution de la prévalence des pathologies. Toutes ces données imposent une réflexion stratégique sur le projet d'établissement.

Parallèlement, la T2A pousse les établissements à s'assurer du partage des informations financières et du retour d'information vers les responsables des unités médicales génératrices des recettes. Cela suppose de disposer des moyens de connaissance et d'analyse de l'activité et d'une comptabilité analytique performante. Or en matière de comptabilité analytique, comme en matière de système d'information, les retards sont encore nombreux et importants. La Mission d'expertise et d'audit hospitalier (MEAH), qui est une des missions créés pour accompagner la mise en œuvre du plan Hôpital 2007, notait ainsi, en 2004, l'utilisation « très variable » de la comptabilité analytique dans les établissements. La situation n'a que très peu changé depuis. Le nombre d'établissements de santé qui disposent aujourd'hui d'une comptabilité analytique fiable et opérationnelle et dont les résultats sont utilisables en matière de gestion est très faible. Sur ce plan, le secteur public semble le plus en retard. Encore faut-il observer que les cliniques, mises à part celles qui relèvent de grands groupes, ne paraissent pas beaucoup mieux outillées.

Le rappel de ces insuffisances regrettables permet de nuancer certaines critiques concernant les inégalités de valorisation des tarifs (GHS mieux valorisés que d'autres). Très peu de systèmes d'information et de comptabilités analytiques d'établissements permettent de connaître les coûts avec suffisamment de précision et de fiabilité pour justifier de telles affirmations. Les discours sur les activités « rentables » et d'autres qui seraient « déficitaires » résultent souvent davantage d'impressions que de démonstrations rationnelles, étayées par des calculs précis et fiables.

La T2A devrait être une puissante incitation pour les établissements à développer de nouveaux outils de suivi et de contrôle de gestion (indicateurs, tableaux de bord) et de nouvelles modalités de management. On peut à cet égard citer l'exemple de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris qui a mis en place des tableaux de suivi de son activité assortis d'une batterie d'indicateurs.

La T2A rendra aussi de plus en plus indispensable le développement d'une comptabilité analytique médicalisée afin de connaître, pouvoir analyser et contrôler les coûts des activités médicales. Avec la montée en charge de la T2A, l'enjeu que représente la connaissance des coûts, de leur formation, de leur structure et de leur évolution ira croissant. Seule la mise en place d'un système de gestion et de comptabilité performant peut en effet permettre d'identifier les causes précises des éventuels surcoûts et la mise en place des actions correctrices, de mesurer l'impact budgétaire des décisions de gestion, d'éclairer celles en matière de choix stratégiques, d'organisation, de développement ou de désengagement de certaines activités médicales et, finalement, d'assurer un pilotage T2A efficace. Certains directeurs d'établissements dynamiques auditionnés par la MECSS ont par ailleurs souligné l'intérêt qu'il y aurait à développer une comptabilité analytique par séjour.

En réalité, la T2A pour produire ses effets, suppose que les établissements connaissent leurs coûts. La T2A est donc, d'abord, une incitation à connaître ses coûts.

La MECSS est consciente des graves lacunes qui subsistent dans ce domaine et souhaite que celles-ci soient comblées dans les meilleurs délais. À cet effet, elle demande qu'une obligation de tenue de comptabilité analytique médicalisée, de tableaux de bords et d'indicateurs de suivi soit prévue pour tous les établissements de santé.

· Le regain d'intérêt pour la gestion financière et de trésorerie

La T2A donne aussi un intérêt nouveau à la gestion de trésorerie. En effet, dans la mesure où les recettes d'un établissement de santé évoluent en fonction de son activité, la gestion des flux financiers prend tout son sens et la gestion de trésorerie devient indispensable. Dans cette matière aussi des actions de formation des personnels doivent être organisées.

Par ailleurs, la T2A, qui introduit une incertitude sur la pérennité des moyens budgétaires, peut avoir pour effet de dégrader le « risque financier hospitalier » et de rendre plus difficile et plus coûteux le recours à l'emprunt.

La MECSS souhaite que les ARH se mobilisent sur ce sujet afin d'éviter que ce qui est gagné d'un côté (effet vertueux de la T2A) soit perdu de l'autre (taux d'intérêt sur les emprunts plus élevé).

· Le nouveau cadre budgétaire et comptable de la T2A

La réforme du financement des établissements de santé a aussi nécessité l'adaptation du cadre budgétaire des établissements. En 2006, ils sont passés de l'ancien système de budget à l'EPRD - l'état prévisionnel de recettes et de dépenses. Compte tenu de l'incertitude introduite par la T2A, l'EPRD présente des recettes et des dépenses évaluatives (et non plus limitatives), sauf exception (frais de personnel permanent, par exemple).

Les dépenses ne sont plus encadrées, puisqu'elles dépendent de l'activité. L'augmentation des ressources peut permettre de gager des dépenses supplémentaires. Les gestionnaires ne sont plus contraints dans un cadre d'autorisation de dépenses limitatives. Il n'y a plus de niveau de recettes ni de dépenses garanti. Il est donc possible de présenter un budget prévisionnel en déficit pour des raisons conjoncturelles.

Avec la nouvelle marge de liberté que donne la T2A aux établissements et le nouveau cadre budgétaire qui en découle, le risque existe donc que des établissements affichent désormais des déficits (et non plus, comme dans l'ancien système de dotation globale, des reports de charges).

La MECSS souhaite que les ARH veillent à ne pas laisser des établissements s'installer dans une situation déficitaire durable.

Il faut enfin souligner que la T2A peut permettre à certains établissements qui étaient en situation de reports de charges, parce que sous-dotés, de revenir à l'équilibre, voire d'être excédentaires.

La T2A incite à la transparence et à la vérité des coûts. Elle vise à impulser une nouvelle dynamique dans la gestion des hôpitaux et à récompenser l'efficience. Elle constitue ainsi une incitation à repenser les processus et à développer de nouveaux outils de gestion déjà utilisés par les entreprises.

b) La T2A peut être aussi un puissant levier de réorganisation

La tarification à l'activité est une incitation à améliorer l'efficience de chaque établissement et l'efficience globale du système de santé.

· La nouvelle liberté de gestion donnée aux établissements favorise le décloisonnement et les réorganisations

La T2A offre une nouvelle liberté de gestion aux établissements. Celle-ci est un puissant stimulant au changement. La tarification à l'activité doit favoriser les réorganisations, les restructurations, les regroupements, le décloisonnement entre les secteurs et les activités, la coordination des soins entre la ville et l'hôpital et le développement des réseaux de soins.

La T2A permet d'accélérer les évolutions nécessaires dans l'organisation de l'offre de soins pour répondre aux défis du vieillissement et à l'évolution de la demande de soins.

La T2A, en favorisant l'émulation comparative, contribue aussi à l'amélioration et à la rationalisation de l'offre de soins, en particulier dans le cadre des schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération (SROS 3) et des territoires de santé. Elle doit en effet être articulée avec les objectifs de la politique nationale et régionale de santé publique dont l'application est confiée aux agences régionales de l'hospitalisation.

· L'évolution du rôle des ARH et les nouvelles relations avec les établissements

Avec la T2A, qui ouvre aux établissements une marge de liberté de gestion, et les réformes qui lui sont attachées (réforme budgétaire, EPRD...), le rôle des ARH évolue et celles-ci doivent développer de nouvelles relations avec les établissements.

Dans un premier temps, il a pu être considéré que les ARH allaient, avec la T2A, perdre du pouvoir. En réalité, elles exercent de nombreuses missions, même si les relations qu'elles doivent entretenir avec les établissements sont modifiées.

Les ARH disposent en premier lieu du pouvoir d'autoriser les créations d'établissement et les regroupements, ainsi que l'installation des matériels lourds.

Elles arrêtent les SROS qui prévoient désormais des objectifs quantifiés d'organisation sanitaire (OQOS). Elles doivent ensuite s'assurer de la conformité au SROS de l'évolution prévisionnelle de chaque établissement, en particulier lors des échanges préalables à l'élaboration du projet d'établissement, du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) et à la préparation des EPRD. Les ARH peuvent ainsi baliser, mieux qu'auparavant, les évolutions d'activités dans une perspective quinquennale qui correspond à la durée de vie d'un projet d'établissement. Les ARH doivent par ailleurs veiller au respect de l'accès aux soins dans les établissements de santé (entrées directes, transferts entre établissements, suivi des activités dans le public et dans le privé). Les agences doivent en outre s'assurer de la sincérité des prévisions de recettes et dépenses lors de la préparation des EPRD.

Les ARH trouvent aussi un nouveau rôle d'aide à la contractualisation, puisqu'elles sont responsables de l'utilisation de la nouvelle « enveloppe régionale de contractualisation » pour soutenir les établissements dans leurs efforts d'adaptation aux réformes et de retour à l'équilibre. Les agences devront ainsi discuter et négocier avec les établissements les contrats de retour à l'équilibre pour les établissements déficitaires, les engagements sur les réorganisations et les restructurations, les atténuations des effets revenu et les contrats relais pour le développement d'activité nouvelles, ainsi que le règlement des situations d'urgence.

Avec les cliniques privées, les ARH devront discuter les coefficients de transition, désormais modulables pour accélérer le processus de convergence. Elles doivent par ailleurs négocier et contrôler l'application des contrats de bon usage des médicaments et des produits et prestations. Au vu des résultats, l'ARH peut moduler le taux de remboursement entre 70 % et 100 %. Par ailleurs, la réforme de la gouvernance prévoit la possibilité pour les ARH de suspendre le directeur d'établissement, le conseil d'administration et le conseil exécutif.

Enfin, les ARH contrôlent et évaluent l'exécution des CPOM, à l'aide d'indicateurs de suivi et de résultats, et les EPRD.

La MECSS sera particulièrement vigilante concernant l'utilisation des marges de manœuvres laissées aux ARH, afin que ne se reproduisent pas certaines dérives passées et que, notamment, l'attribution par les ARH des crédits de l'enveloppe de contractualisation ne conduise pas à amoindrir les effets de redistribution, de corrections des inégalités et de rationalisation de l'offre de soins qui sont attendus de la T2A.

On le voit, les ARH comme les établissements, en particulier sous l'effet de la T2A, sont en mutation. C'est en réalité l'ensemble du système hospitalier qui est mis en mouvement.

· Des interrogations sur la cohérence des SROS avec la T2A

Cependant, certains estiment que la T2A et les SROS, qui fixent des objectifs quantifiés, correspondent à des logiques différentes, voire opposées, et que la coexistence de ces deux outils pose un problème de cohérence. C'est en particulier le cas de la Cour des comptes, mais aussi des membres de l'Inspection générale des finances qui ont participé, en 2005, à la mission d'enquête sur le pilotage des dépenses hospitalières (les membres de l'IGAS qui ont participé à cette mission commune ne partagent pas ce point de vue).

Ils estiment que la planification de l'offre de soins mise en œuvre par les ARH dans le cadre des SROS 3 est contradictoire avec la T2A qui ouvre un espace de liberté pour les établissements. Ils considèrent qu'il serait préférable de laisser la T2A produire ses effets sur l'offre de soins.

Pour sa part, la Cour des comptes souligne que les objectifs quantifiés d'activités définis par les SROS 3 et déclinés au niveau de chaque établissement dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens imposeront aux établissements une structure et un volume d'activités qui sont, par principe, incompatibles avec la dynamique qui devrait justement résulter de la tarification à l'activité. Pour la Cour, il faudrait concevoir les SROS comme des éléments complémentaires ou correctifs par rapport à la T2A.

La MECSS comprend ces interrogations concernant la cohérence entre la tarification à l'activité et l'organisation de l'offre de soins. Elle considère toutefois qu'il est nécessaire de maintenir les deux dispositifs qui contribuent, tous les deux, à améliorer l'efficience de l'organisation sanitaire, tout particulièrement pendant la période de montée en charge de la tarification à l'activité.

La MECSS souhaite, par ailleurs, que, dans la logique des préconisations qu'elle a formulées dans son rapport sur l'organisation et le coût de gestion de la sécurité sociale, les expérimentations d'agences régionales de santé soient multipliées. Elle se félicite que le ministre de la santé et des solidarités se soit également prononcé en ce sens lors de son audition par la MECSS, le 28 juin 2006.

c) La prévention des éventuels effets pervers sur la qualité des soins

La mise en œuvre de la tarification à l'activité suscite des interrogations légitimes. La recherche de la performance et de l'efficience est-elle compatible avec la qualité et l'accessibilité des soins ? Peut-on concilier qualité et efficience ? L'efficience permet-elle d'améliorer la qualité des soins ?

La MECSS a conduit ses travaux sur la tarification à l'activité en ayant toujours à l'esprit ces questions centrales. L'objectif de ses réflexions n'est pas de réduire à tout prix les dépenses hospitalières. Il consiste prioritairement à améliorer l'efficience du système de soins pour en améliorer la qualité d'ensemble et le service rendu aux patients.

Il y a donc lieu de veiller à ce que la tarification à l'activité n'aboutisse pas à une dégradation de l'accessibilité et de la qualité des soins.

· La T2A devrait contribuer à l'amélioration de la qualité des soins

La T2A n'a pas, en tant que telle, pour but d'améliorer la qualité des soins. Mais l'optimisation des moyens et la recherche de la performance médico-économique à partir du recensement des meilleures pratiques et de leur application la plus large ont bien pour résultat d'améliorer la qualité du service rendu par l'hôpital.

La MECSS s'est, tout au long de ses travaux, beaucoup intéressée aux risques potentiels, souvent évoqués, d'effets pervers de la tarification à l'activité : sélection des risques et des patients, réduction de la quantité ou de l'intensité des soins (durée de séjour, médicaments, actes diagnostiques et thérapeutiques), sortie prématurée de patients entraînant un risque de complication et de réhospitalisation, segmentation des séjours.

De ce point de vue, l'analyse des expériences étrangères montre que la tarification à l'activité ne dégrade pas la qualité, et même l'améliore. La T2A a permis, par exemple, de réduire fortement les listes d'attente en Grande-Bretagne et les durées de séjour aux États-Unis sans dégradation de la qualité des soins. Dans ce dernier pays, la tarification à l'activité même a conduit à une diminution de l'activité hospitalière, les établissements ayant fortement externalisé les prises en charge vers des formes financièrement moins contraintes (chirurgie ambulatoire, hospitalisation à temps partiel, médecine de ville). Au total, dans ce pays, la tarification à l'activité a permis d'améliorer l'adéquation des prises en charge.

Globalement, les études mettent en évidence un impact significatif du financement à l'activité sur la diminution de la durée de séjour sans que la sortie plus précoce des patients n'entraîne de conséquence négative sur la mortalité à l'hôpital et après la sortie de l'hôpital. Aucun effet n'a été constaté sur le taux d'infections nosocomiales (la réduction de la durée de séjour devrait, au contraire, le réduire) ni sur la qualité de vie perçue par les patients. La T2A permet également de faire évoluer les modes de prises en charge, mais là encore, sans effet négatif sur la mortalité.

En revanche, à la différence des États-Unis, dans les pays, comme la Norvège et la Suède, où il y avait des listes d'attente avant la mise place de la tarification à l'activité, la T2A a provoqué une augmentation importante de l'activité. En réalité, l'impact de la tarification à l'activité dépend fortement du contexte préexistant à sa mise en œuvre et aux mesures d'accompagnement mises en place. Ainsi, en Norvège, la mise en œuvre de la tarification à l'activité a été accompagnée d'une augmentation simultanée du budget hospitalier.

La tarification à l'activité, en créant un intérêt direct à l'activité et à la multiplication des séjours (chaque séjour ouvre droit au paiement d'un tarif), a permis de lever les goulots d'étranglement et de réduire l'effet de rationnement. Ce faisant, la tarification à l'activité a permis d'améliorer l'accès aux soins, d'éviter certaines complications dues aux retards de traitement et d'augmenter, finalement les chances des patients.

D'une manière générale, et compte tenu des limites méthodologiques actuelles relatives à l'évaluation de la qualité des soins, il apparaît que, dans la vingtaine de pays qui ont mis en œuvre, avant la France, la tarification à l'activité, la qualité des soins à même continué de croître.

De fait, la T2A constitue une forte incitation à modifier et améliorer les processus de production de soins à l'hôpital. Plus qu'un effet de diminution des ressources, la T2A enclenche un processus vertueux de recherche des gisements de productivité et de réallocation de ressources, ce qui permet l'optimisation des moyens. La recherche de la meilleure adéquation des moyens incite à réviser les processus de prise en charge, de manière à mieux les adapter aux pathologies traitées et aux caractéristiques sociales des patients. La T2A permet ainsi de développer les démarches qualité afin de réduire le coût de la non qualité.

La Haute Autorité de santé a un rôle majeur à jouer en matière de qualité des soins. Elle est en effet chargée de l'évaluation des pratiques professionnelles, de l'accréditation des équipes médicales, de la certification des établissements et plus globalement de l'évaluation de la qualité de la prise en charge sanitaire de la population par le système de santé.

On peut enfin rappeler qu'il est prévu de généraliser, en 2007, l'application des indicateurs du projet COMPAQH de coordination pour la mesure de la performance et l´amélioration de la qualité hospitalière. Ces indicateurs sont déjà expérimentés dans une cinquantaine d'établissements.

Amélioration de l'efficience et amélioration de la qualité

Quelques exemples d'actions conduites par la Mission nationale
d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH)

1. La MEAH

La Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers a été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 pour - avec la Mission tarification à l'activité (MT2A) et la Mission  nationale d'appui à l'investissement hospitalier (MAINH) - accompagner la mise en œuvre du plan Hôpital 2007. La MEAH est financée par le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP). Son budget d'audit s'élève en 2006 à 10,5 millions d'euros. Une mission d'appui-conseil dans un établissement coûte, en moyenne, 50 000 euros. La MEAH emploie une petite équipe pluridisciplinaire de 14 personnes (directeurs d'hôpital, médecins, infirmier, pharmacien, ingénieur, juriste) et travaille avec une cinquantaine de cabinets de conseil qu'elle sélectionne. Elle bénéficie en outre de conseils techniques et méthodologiques d'enseignants-chercheurs de l'école des Mines de Paris.

La MEAH vise à rendre plus efficace l'organisation des activités hospitalières des établissements publics et privés volontaires afin d'améliorer, tout à la fois, la qualité du service rendu au patient, l'efficience économique et les conditions de travail du personnel.

La MEAH n'édicte pas de normes ou de standards (c'est la mission de la Haute Autorité de santé dans le domaine médical). Elle formule des propositions d'actions concrètes que les établissements peuvent retenir et adapter à leurs contraintes locales puis elle les diffuse à l'ensemble des établissements et services concernés (site Internet meah.sante.gouv.fr, partage des expériences et diffusion du savoir-faire à toutes les équipes hospitalières de terrain : une dizaine de recueils de bonnes pratiques organisationnelles ont été envoyés à l'ensemble des professionnels).

Depuis 2003, 238 établissements ont participé à un ou plusieurs des chantiers pilotes concernant :

· Le temps d'attente aux urgences

· L'organisation des services de radiothérapie

· Le temps de travail des médecins

· Les achats dans les hôpitaux et cliniques

· L'organisation des services d'imagerie

· La mise en œuvre de la comptabilité analytique

· L'organisation du circuit du médicament dans les hôpitaux et cliniques

· Le temps de travail des soignants et l'organisation des services

· L'appui à l'organisation du temps médical

· L'organisation de la restauration dans les hôpitaux et cliniques

· La gestion et l'organisation des blocs opératoires dans les hôpitaux et cliniques

· La gestion des lits

· L'organisation de la chirurgie ambulatoire

· L'organisation des centres médico-psychologiques

· Le recouvrement des produits hospitaliers

· L'organisation des centres 15

Depuis janvier 2006, la MEAH met en œuvre un plan de déploiement des bonnes pratiques organisationnelles recensées dans ses chantiers pilotes. L'objectif est d'accompagner le changement et de favoriser l'appropriation de nouvelles méthodes de travail par des formations très ciblées sur les besoins des professionnels : pilotage et management, mesure des performances, analyse des processus... Les établissements sont accompagnés sur des périmètres volontairement limités en vue d'obtenir des résultats tangibles dans des délais courts. 230 établissements seront concernés en 2006, 320 en 2007 et 350 en 2008.

2. Exemples de résultats obtenus

· La mission d'appui-conseil pour améliorer la gestion et l'organisation du bloc opératoire au Centre hospitalier du Mans a permis :

- d'augmenter le nombre d'interventions de 10 % ;

- de réduire de 9 % à 2 % le taux de débordement (prolongation des interventions au-delà des heures d'ouverture, générant désorganisation et heures supplémentaires pour les personnels) ;

- de ramener de 23 % à 3 % le nombre des interventions non programmées à J-1 ;

- une réallocation des vacations opératoires et la mise en place d'un outil de suivi des interventions ;

- d'améliorer la gestion du personnel (les activités étant plus prévisibles, la gestion du personnel s'adapte mieux au flux de patients accueillis : rattrapage de tous les jours de congés et de RTT non pris par les personnels avant 2005, soit 2,6 équivalents temps plein).

Ces résultats chiffrés recouvrent aussi des améliorations sensibles en termes de qualité :

- l'amélioration de la programmation apporte une plus grande sécurité de la prise en charge ;

- la diminution des temps de débordement facilite la vie des personnels ;

- le respect des horaires améliore le climat de travail.

Des résultats similaires ont été enregistrés dans les autres établissements du groupe du chantier pilote : CHU de Lyon-Sud, CH de Chambéry, CHU Kremlin Bicêtre...

· La mission d'appui-conseil pour améliorer la gestion et l'organisation du temps de travail des médecins du syndicat interhospitalier de Boulay Forbach Saint Avold

En 2004, le service anesthésie/réanimation avait un important déficit de temps médical (3 postes vacants sur 7), ce qui avait entraîné l'achat de 479 journées d'intérim (1 083 euros la journée). L'établissement souhaitait limiter le recours à l'intérim et maîtriser le volume de temps additionnel à payer à ses praticiens.

L'action a consisté à élaborer une maquette d'organisation médicale s'appuyant sur une analyse de l'activité clinique et des autres activités médicales (en dégageant des profils d'activité saisonnalisés) et sur un recensement des ressources en temps médical disponible (médecins du service plus éventuellement contractuels ou vacataires).

Cela a permis de limiter le recours aux praticiens intérimaires, de réaliser une économie de 350 000 euros par an et les praticiens du service n'ont plus à effectuer qu'une garde par semaine. Le service est devenu plus attractif en termes de conditions de travail, ce qui a permis de stopper la fuite des praticiens et d'envisager de nouveaux recrutements.

Le chantier temps médical a déjà concerné 25 établissements avec des résultats significatifs en termes de gestion du temps, de transparence dans l'application des règles statutaires, d'économies et de rationalisation, d'amélioration de la permanence des soins. 50 services se sont lancés depuis janvier 2006 dans un travail de réorganisation de leur temps médical et bénéficient d'un accompagnement de la MEAH.

· La mission d'appui-conseil pour la réduction des délais de prise en charge aux urgences au Centre hospitalier de Saint-Malo a permis :

- de réduire la durée moyenne de séjour dans l'unité d'hospitalisation de 10 heures (- 25 %) ;

- de réduire le temps d'attente des patients qui doivent être hospitalisés de 40 minutes en moyenne (- 15 %) ;

- de réduire le volume des examens et de diminuer les délais de rendu des résultats.

Des résultats similaires ont été enregistrés sur les 15 autres sites engagés dans les chantiers urgences (par exemple, CHU Ambroise Paré à Boulogne, CHU de Rennes, CH de Mulhouse, Hôpital Saint-Joseph-Saint-Luc à Lyon, CH de Montreuil-sur-Mer, CHI d'Évreux Vernon...). 40 nouveaux établissements seront concernés par cette action, en 2006.

· L'accessibilité aux soins et le respect des obligations de service public

Par ailleurs, il n'a pas été observé de comportements de course aux activités les plus rentables. Cela s'explique par la structuration de l'offre de soins. Dans la plupart des pays étrangers qui ont mis en place une tarification à l'activité, les établissements hospitaliers, publics ou privés, n'ont pas de but lucratif.

Le cas de la France est différent, puisque le poids du secteur des cliniques privées est important. La concurrence peut donc jouer entre les deux secteurs et la plupart des missions de service public sont assurées par les établissements publics. Il convient donc de rester prudent sur ce point. Des études devraient être réalisées sur l'éventuelle déformation de l'offre de soins. Cependant, le risque de dérive paraît limité, compte tenu des outils de planification et de contractualisation sanitaire existants (pouvoirs des ARH, objectifs quantifiés des SROS et CPOM des établissements). En outre, il faut rappeler qu'étant donné l'état des systèmes d'information des établissements de santé, bien peu d'entre eux sont encore en mesure de calculer le prix de revient d'un séjour. Dès lors, le risque d'une spécialisation excessive des établissements sur les activités les plus rentables et, en conséquence, d'un grave appauvrissement de la diversité de l'offre de soins sur un territoire de santé paraît assez faible. Là encore, les ARH et les SROS doivent permettre d'éviter ce risque.

Par ailleurs, des craintes ont pu être exprimées concernant les effets que pourraient avoir la tarification à l'activité sur l'accessibilité aux soins et le maintien d'une offre de soins de proximité sur l'ensemble du territoire. Il convient à cet égard de rappeler que les hôpitaux locaux, qui pourraient très difficilement rentrer dans la logique du système actuel, ne sont pas dans le champ d'application de la T2A. La tarification à l'activité peut toutefois accélérer la prise de conscience sur l'évolution de leurs missions vers la prise en charge des personnes âgées dépendantes et les soins de suite et de réadaptation. La Fédération des hôpitaux locaux a d'ailleurs demandé l'extension de la T2A aux établissements qu'elle représente.

· Veiller à ne pas sacrifier la prévention

Les expériences étrangères ont souvent montré que la mise en place du financement à l'activité pouvait conduire au repli des établissements de soins sur le champ curatif.

En France, depuis la réforme hospitalière de 1991, les hôpitaux sont des établissements de santé qui ne doivent pas se consacrer aux seules missions de soins mais s'impliquer aussi dans la prise en charge globale du patient. Ils doivent intervenir en matière de prévention secondaire, c'est-à-dire de dépistage pour prévenir l'aggravation de l'état de santé, et tertiaire afin d'éviter les rechutes.

Or, la prévention en tant que telle paraît peu valorisée par le mode de tarification. En outre, si les missions de prévention et d'éducation pour la santé figurent bien dans la liste des missions pouvant être financées par les dotations MIGAC, le financement de la prévention reste difficile à isoler au sein de l'enveloppe MIGAC. Une politique à courte vue des établissements pourrait les conduire à sacrifier les activités de prévention, jugées non rentables. Mais le risque paraît limité. En effet, passé les premières années, la situation sanitaire de la zone de desserte de l'établissement se dégraderait et, alors, les malades lui parviendraient dans un état de plus en plus lourd et mobiliseraient des moyens et des ressources plus importants pendant leur séjour (recours aux urgences, hospitalisation non programmées et plus coûteuses). À l'inverse, une prévention de fond, c'est-à-dire régulière, entraînera plus de séjours programmés et, en conséquence, des situations moins lourdes à gérer, et donc moins coûteuses.

· L'évolution des comportements pour offrir le « juste soin » au « juste prix »

L'hôpital est une industrie de services qui, pour satisfaire la demande des patients, doit leur offrir le « juste soin » au « juste prix ». La réforme du financement des hôpitaux ne pourra finalement réussir que si les personnels la comprennent et que si les équipes sont mobilisées au sein des pôles sur des projets d'amélioration de la qualité et de l'efficience.

La gestion de la qualité doit devenir un objectif permanent tout autant que la lutte contre la non qualité qui est coûteuse tant pour l'établissement que pour le patient (séjours trop longs, goulots d'étranglement, liste d'attente, perte de chance, infections nosocomiales...) et la société dans son ensemble. Bien gérer peut être - et l'est en général - synonyme de qualité. Mais pour le comprendre, une prise de conscience est nécessaire, de même que l'évolution de certaines habitudes. Il faut donc déployer des efforts d'information et d'explication tant en direction des futurs patients que des personnels. Dans ce domaine, il y a encore beaucoup à faire.

Cela souligne la modernité de la T2A qui doit permettre de relever le défi du vieillissement et de l'accroissement continu de la demande de soins. Mieux gérer pour mieux répondre à la demande et mieux soigner, tel est bien le l'objectif du nouveau mode d'allocations des ressources aux établissements de santé.

La MECSS considère que le risque de dégradation de la qualité des soins consécutivement à la mise en place de la tarification à l'activité est faible. Elle pense même que la T2A devrait permettre de l'améliorer. Cependant, elle souhaite que des indicateurs de suivi de la qualité des soins soient rapidement définis par la Haute Autorité de santé et mis en place au niveau national ainsi que dans chaque établissement de santé. Elle souhaite par ailleurs qu'il soit exercé une grande vigilance s'agissant du respect des obligations de service public par les établissements de santé et du maintien d'une offre de soins de proximité. Elle demande aussi qu'il soit veillé à ce que le nouveau mode d'allocation des ressources ne pénalise pas la prévention mais, au contraire, l'encourage.

L'analyse des expériences étrangères ne permet pas de valider les hypothèses concernant les effets pervers potentiels de la tarification à l'activité, souvent évoqués. Cependant, à ce stade de l'application de la T2A en France, il est juste de reconnaître que toute conclusion définitive sur ce point serait prématurée. Tout au plus peut-on observer que bien des effets pervers potentiels recensés et attribués aujourd'hui à la T2A existaient avant qu'elle ne soit mise en place.

Afin de mieux appréhender les effets réels de la réforme, il y a lieu d'accélérer les contrôles et l'évaluation de sa mise en œuvre.

B. LA CLARIFICATION DU PILOTAGE DE LA RÉFORME ET L'ACCÉLÉRATION DU CONTRÔLE ET DE L'ÉVALUATION

Le pilotage de la réforme de la tarification à l'activité doit être clarifié et le développement des actions de contrôle ainsi que l'évaluation accélérés.

1. Le pilotage de la réforme doit être clarifié

La bonne définition et la mise en œuvre efficace d'une réforme aussi importante que la T2A suppose la clarté dans le pilotage, la qualité de l'expertise et la maîtrise du calendrier.

a) Des retards et des insuffisances de pilotage qui doivent être corrigés

La réforme de la tarification à l'activité a été décidée dès la fin de 2002. Le choix a été fait d'une mise en œuvre rapide. L'application a commencé en 2004. Le temps pour élaborer ce dispositif novateur et complexe a donc été limité. La conception des nombreux outils à mettre en place et la production des textes, également nombreux, a donc été effectuée dans une relative urgence.

Cela peut expliquer les difficultés du démarrage tant pour les concepteurs de la réforme - c'est-à-dire principalement la direction de l'hospitalisation et de la direction des soins (DHOS) et la Mission T2A (MT2A) - que pour les acteurs hospitaliers.

· La clarification du pilotage de la réforme

La Cour des comptes dresse, dans sa communication à la MECSS, un « constat sévère » de l'organisation et des moyens effectivement mobilisés pour assurer la mise en œuvre de la réforme. Elle note que les rôles effectifs des trois pôles de compétences que sont la DHOS, la MT2A et l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) sont insuffisamment différenciés.

La Mission T2A a été créée, dès l'annonce de la réforme, au mois de novembre 2002. Cette création correspondait à la volonté ministérielle de piloter directement et rapidement la réforme. Peu de temps après, une mission d'audit et d'accompagnement a été créée au sein de la MT2A. Fort logiquement, la MT2A s'est vu assigner une mission de conception et de maîtrise d'ouvrage et la DHOS n'avait, en conséquence, pas la responsabilité du pilotage de la réforme.

En réalité, la DHOS a très rapidement repris le contrôle du pilotage de la réforme au détriment de la MT2A. Cela s'explique en partie par la capacité d'expertise de la direction, que n'avait pas la MT2A en raison de l'insuffisance de ses moyens, pour la rédaction des très nombreux textes à publier dans des délais brefs. Cet empiètement de la DHOS sur les missions de la T2A paraît plus encore d'actualité.

La MECSS n'a pas manqué d'être frappée par le fait qu'il n'a pas été possible d'auditionner la MT2A hors la présence de la DHOS. Encore peut-on ajouter que lors des deux auditions communes de la DHOS et de la MT2A, les représentants de cette dernière n'ont guère eu le loisir de s'exprimer. Au-delà de l'anecdote, cela illustre le rôle désormais secondaire, voire subsidiaire, de la MT2A. La MT2A, dotée de moyens insuffisants et intégrée de fait à la DHOS, paraît avoir perdu sa spécificité et sa justification. On peut d'ailleurs ajouter que le comité de pilotage de l'accompagnement des réformes hospitalières - créé en 2005 et chargé de l'explication, de la communication, de la formation et des missions d'audit et de suivi personnalisés des établissements en difficulté - empiète aussi sur les compétences de la MT2A. L'intégration formelle de la MT2A au sein de la DHOS serait une prise d'acte de l'entrée dans une nouvelle phase de gestion de l'application de la T2A et aurait le mérite de la clarté. Le rôle de pilote de la DHOS serait en conséquence pleinement reconnu.

· Le renforcement de l'expertise

À l'inverse, l'ATIH, qui est chargée d'élaborer les outils informatiques nécessaires au fonctionnement du système partagé d'information hospitalier (PMSI) et du traitement des données qui en sont issues, paraît devoir être confortée dans ses missions et ses moyens. Les travaux menés par l'ATIH, d'apparence technique, sont importants, et même essentiels, pour le bon fonctionnement du nouveau mode de financement à l'activité. Cela est d'autant plus vrai que la classification est désormais tarifante. L'ATIH est également chargée de l'élaboration de l'échelle nationale des coûts (ENC) qui a une importance majeure dans la fixation des tarifs. L'IGAS et l'IGF ont souligné dans le rapport commun, déjà évoqué, les défauts méthodologiques du modèle développé par l'ATIH à ce sujet, lesquels résultent notamment de l'insuffisance des moyens de l'Agence. En outre, là encore, la tendance de la DHOS est de réduire l'autonomie de l'ATIH alors qu'il faudrait, au contraire, la conforter pour lui permettre de garantir la qualité scientifique de ses travaux, lesquels doivent pouvoir être menés sans interférence politique ou pressions excessives.

Il apparaît par ailleurs que les autres directions du ministère de la santé et des solidarités concernées par la réforme (direction de la sécurité sociale et direction générale de la santé) sont insuffisamment impliquées dans le processus de décision et dans la mise en œuvre de la T2A alors qu'elles devraient, au contraire, être davantage associées aux différents travaux concernant la réforme.

Par ailleurs, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) a, certes, produit quelques travaux de recherche sur la tarification à l'activité, mais elle paraît insuffisamment mobilisée sur ce thème. Eu égard au poids croissant des dépenses hospitalières et plus généralement des dépenses de santé ainsi que de l'intérêt des enseignements qui peuvent être tirés des expériences étrangères, il serait souhaitable que la DREES mette en place un observatoire des pratiques étrangères de tarification à l'activité.

La MECSS considère que la relégation de la MT2A, sans doute inopportune dans la phase de démarrage de la réforme, peut aujourd'hui se justifier dans la mesure où l'on entre maintenant davantage dans une phase de gestion et d'accompagnement du dispositif, même si des évolutions devront encore être apportées au modèle et aux outils de financement dans les années à venir. Il lui semble, en conséquence, que la Mission T2A pourrait être intégrée à la DHOS. Le rôle de pilotage de la DHOS serait ainsi clairement affirmé et l'organisation administrative serait plus lisible pour les acteurs concernés. La MECSS souhaite cependant que le recentrage du pilotage de la réforme sur la DHOS ne se traduise pas par un retour à la culture ancienne de la dotation plutôt qu'à l'expression de la logique de la tarification qui sous-tend la T2A.

La MECSS souhaite en outre que les missions de production de données et d'expertise de l'ATIH soient précisées dans un contrat d'objectifs et de moyens, que son autonomie soit assurée afin de garantir la qualité de ses travaux et que, dans cet esprit, ses moyens soient renforcés.

La MECSS demande aussi que la DREES coordonne mieux ses activités de recherche sur la base des données du PMSI avec l'ATIH, mette en place un observatoire des pratiques étrangères de tarification à l'activité, réalise des études sur la typologie des établissements de santé et se mobilise sur des travaux d'études de moyen terme.

Par ailleurs, la MECSS, consciente des difficultés de la période de démarrage, regrette les retards accumulés dans la réalisation de certaines études pourtant indispensables à la bonne application de la réforme, et demande que celles-ci soient menées à leur terme dans les meilleurs délais et en particulier celles concernant l'échelle nationale commune des coûts, les écarts de coûts public-privé et l'évaluation des missions d'intérêt général.

b) La nécessaire concertation ne doit pas servir de prétexte à un retard dans la mise en œuvre de la réforme

Fin 2002, a été créé le comité de suivi et de concertation et, en 2004, le comité d'évaluation de la T2A. Parallèlement, ont été également créés ou constitués un grand nombre de comités et de groupes de travail plus ou moins spécialisés auxquels sont toujours associés les représentants des organisations professionnelles. Ceux-ci ne se limitent d'ailleurs pas à participer aux réflexions et travaux collectifs, mais souvent président ces instances.

L'expertise technique et la concertation sont évidemment nécessaires à la réussite de la réforme. Mais le mélange des genres n'est pas souhaitable car il est susceptible de créer des conflits d'intérêts, de freiner la recherche de l'intérêt général et d'engendrer des retards qui peuvent être préjudiciables à la bonne application de la réforme. Il convient d'éviter que, au prétexte de travaux de nature technique, la confrontation des intérêts n'en vienne à obérer la décision politique ou provoquer l'enlisement.

La MECSS souhaite donc que les travaux d'expertise et la concertation, nécessaires, soient organisés dans un cadre qui permette d'assurer la bonne application de la réforme. Elle demande, en conséquence, que la présidence des groupes de travail et des instances de concertation et de suivi soit confiée à des personnalités indépendantes des organisations professionnelles.

2. Le développement du contrôle et de l'évaluation constitue un enjeu majeur

Toute réforme d'un mode de financement provoque des réactions nombreuses de la part des différents acteurs, des peurs et des craintes, rationnelles ou irrationnelles, ainsi que des effets vertueux ou pervers qu'il convient de mesurer. Une réforme de l'ampleur de la T2A ne peut, évidemment, y échapper. L'importance du contrôle de l'application et l'évaluation continue de ses effets est d'autant plus importante que la réforme est d'application progressive.

a) Le contrôle se généralise en 2006 et commence à donner des résultats

Les contrôles sont nécessaires pour assurer la crédibilité de la T2A. Ils sont également indispensables pour vérifier la bonne application du nouveau dispositif et le bon usage de l'argent public. Ils doivent notamment permettre de détecter des comportements de maximisation des ressources, voire des comportements frauduleux. Il s'agit de s'assurer que l'assurance maladie n'effectue pas de paiements injustifiés. Cela suppose de vérifier que les codages qui génèrent le paiement des tarifs ou, pour le secteur public, de la fraction des tarifs (35 % en 2006) correspondent bien à des activités réelles.

Les contrôles ont commencé dans toutes les régions au mois de février 2006. Enfin, pourrait-on dire, car deux années s'étaient écoulées depuis le début de la réforme.

Il avait été prévu que, dans un premier temps, les contrôles se feraient « à blanc » avec une finalité pédagogique, le contrôle coercitif étant organisé, dans un second temps.

Ce contrôle est organisé au niveau régional par la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation (COMEX), avec l'aide de l'unité technique de coordination régionale (UCR) à laquelle participe l'assurance maladie. Chaque année est établi un programme de contrôle au sein des établissements, par ciblage, à partir des premières observations issues d'un logiciel de recherche des anomalies de codages (DATIM : dépistage des atypies de l'information médicale), des données du système d'informations inter-régimes de l'assurance maladie (SNIRAM) et des relevés de séjours transmis aux ARH par les établissements.

Les contrôles sont effectués par les médecins de santé publique et les médecins conseils de l'assurance maladie (environ 300) et c'est la commission exécutive de l'ARH qui, sur proposition de l'unité de coordination régionale, décide des sanctions.

En cas de manquement aux règles de facturation, d'erreur de codage ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée, les établissements sont passibles de sanctions financières dans la limite de 5 % des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement ou de 50 % si le contrôle a porté sur une activité donnée.

Pour 2006, le contrôle a été centré sur les facturations de prestations délivrées sans autorisation et les facturations d'actes frontières (actes externes, hospitalisation partielle, séjours de courte durée) dans les 1 400 établissements ayant une activité de MCO.

La CNAMTS a fait connaître, au mois de juin 2006, les premiers résultats des contrôles effectués depuis le mois de février de la même année à partir du logiciel de détection des anomalies de facturation et du SNIRAM. Il est estimé que, sur 1 400 établissements concernés par la T2A, 1 100 sont exempts d'anomalie de facturation, tandis que 300 en ont commis (des hôpitaux dans la moitié des cas et des cliniques dans l'autre). Certains établissements auraient par exemple facturé des hospitalisations partielles pour des interventions n'en nécessitant pas. Les indus représenteraient 50 millions d'euros (25 millions d'euros pour les cliniques et 25 millions pour les hôpitaux). Ces premiers résultats provisoires doivent être analysés avec prudence. Ils laissent apparaître que les anomalies dans la facturation sont proportionnellement plus importantes dans les cliniques (25 millions d'euros sur six milliards de financement T2A, soit environ 0,4 %) que dans le secteur public. Encore faut-il observer que cette surreprésentation des cliniques semble résulter d'une différence dans les conditions de transmission des données entre les deux secteurs (différence dans l'exhaustivité et les délais).

Ces données doivent maintenant être vérifiées par des contrôles dans les établissements. Une soixantaine d'établissements ont fait l'objet d'un contrôle sur site au mois de juin. 300 établissements devraient être contrôlés au deuxième semestre 2006. Les résultats des contrôles sont centralisés par la CMAMTS tous les mois.

La MECSS s'était, depuis le début de ses travaux sur la T2A, inquiétée des retards pris dans le lancement des contrôles. Elle considère qu'il n'y a pas lieu, à ce stade, de jeter l'anathème sur tous les établissements. Néanmoins, au vu des premiers résultats, elle s'estime d'autant mieux fondée à demander la généralisation rapide des contrôles et le développement des contrôles au sein des établissements. Elle demande par ailleurs qu'une obligation de contrôle interne du codage soit fixée.

La MECSS souhaite aussi que chaque ARH tienne un tableau de bord et des indicateurs permettant d'assurer le suivi des contrôles effectués par l'assurance maladie.

b) Les retards de l'évaluation

La T2A doit monter en charge progressivement. Encore convient-il de rappeler qu'en réalité la T2A s'applique intégralement. Toutefois, dans le secteur public, le tarif ne fait l'objet que d'un versement partiel, le reste étant encore versé sous forme d'une dotation.

La montée en charge progressive rend d'autant plus importante l'évaluation. Les interrogations, légitimes, sur les effets de la réforme sont, on l'a dit, nombreuses. L'évaluation doit donc permettre, le cas échéant, d'apporter au fur et à mesure les correctifs nécessaires en fonction des effets observés.

Dans ce but, un comité d'évaluation a été créé au mois de mai 2004. Celui-ci a entamé très lentement ses premières réflexions. Les réunions du comité d'évaluation ont été jusqu'à présent peu nombreuses. Des groupes de travail ont été constitués dont la plupart sont dirigés par des représentants de fédérations professionnelles, ce qui n'est pas forcément la meilleure solution pour aboutir à des résultats rapides sur des sujets sensibles. Force est d'ailleurs de constater que les travaux péniblement engagés ne se sont pas encore traduits par des résultats tangibles.

Il faut ajouter que, selon la DREES qui participe au comité d'évaluation, celle-ci ne pourra vraiment commencer qu'en 2008. Autrement dit, avant de disposer des premiers résultats des évaluations réalisées en 2008, il faudra attendre au moins 2009... C'est, on en conviendra, un peu tard pour une réforme entrée en vigueur cinq ans auparavant. Dès lors, on voit mal - c'est une litote - comment, si cela s'avérait nécessaire, on pourrait corriger le dispositif de la tarification à l'activité.

Sans vouloir nier certaines difficultés méthodologiques réelles, la réforme de la T2A, compte tenu de son ampleur et des enjeux importants et multiples qu'elle recouvre (financier, d'organisation des établissements, de l'offre et de la qualité des soins) aurait dû conduire à davantage de célérité dans la préparation des outils et la mise en œuvre de l'évaluation.

À tout le moins, puisque l'évaluation a pour objet de mesurer et d'expliquer des évolutions, il aurait été opportun d'établir un état des lieux, dès le lancement de la T2A. De même, les critères d'appréciation de la qualité d'application de la réforme et des indicateurs de mesure ex post (productivité, surcodage, fractionnement des séjours, évolution des pratiques médicales, déport des patients et des actes, situation financière des établissements, restructuration, réorganisation, performance...) même imparfaits, auraient dû être définis au démarrage. Il est regrettable que tant de capacités d'expertise rassemblée au sein du comité d'évaluation n'aient encore rien produit d'utilisable.

La MECSS souhaite que des indicateurs de productivité soient définis qui permettent d'apprécier les effets de redistribution et de réduction des inégalités ainsi que des indicateurs de performance et de qualité. Elle demande également que les moyens d'évaluation soient mieux coordonnés et que les groupes d'études et de travail ne soient pas placés sous la direction des représentants des établissements. Elle souhaite enfin que soit précisés, sans tarder, la programmation et l'échéancier des travaux et leur réalisation accélérée.

CONCLUSION

La T2A n'est plus aujourd'hui un pari mais une réalité. La tarification à l'activité fonctionne et fonctionne plutôt bien. Sans vouloir se cacher les difficultés qui peuvent exister, ici ou là, on constate que les personnels hospitaliers se sont bien appropriés la réforme et que, à ce stade, même s'il faut encore rester prudent, les attentes ne sont pas déçues. La qualité des soins, qui fut évidemment la préoccupation principale de la MECSS tout au long de ses travaux, ne paraît pas en pâtir, bien au contraire. Parvenu au tiers de la période de montée en charge, c'est un premier constat qui mérite d'être remarqué. Il n'était en effet pas si facile de conduire une réforme de financement de cette ampleur. Cela doit être souligné.

Les investigations de la MECSS ont également permis, même si ce n'étaient pas leur objet principal, de mettre en évidence la cohérence des différents volets du plan Hôpital 2007. Si la réforme du financement des hôpitaux paraît aujourd'hui en bonne voie, c'est très probablement, au moins en partie, en raison de l'effort massif d'investissement que ce plan a rendu possible (plus de 900 opérations financées, 6 milliards d'euros d'aides et plus de 10 milliards d'investissements). Les différentes missions d'accompagnement (MT2A, MEAH, MAINH...), qui sont de nouvelles modalités efficaces de mener l'action publique, auront aussi permis de faciliter l'acceptation de la réforme ainsi que sa mise en œuvre.

Si le malade est bien évidemment au centre du système hospitalier, ce système doit lui garantir la meilleure qualité des soins. La qualité des soins et la qualité de la gestion exigent des efforts constants de tous les acteurs du monde hospitalier. S'agissant de financements publics nous avons l'obligation d'utiliser au mieux chaque euro dépensé.

Dès lors, la T2A n'est pas seulement une réforme financière, mais une réforme structurante qui vise à l'amélioration du système hospitalier dans son ensemble. La T2A est une vraie révolution culturelle qui doit conduire à changer bien des habitudes. Dynamiser les équipes des nouveaux pôles sur des projets et des objectifs de qualité et d'efficience, tel est l'enjeu. Le mouvement est déjà engagé.

Cette réforme, on l'a dit, est moderne en ce qu'elle doit aider, en dépensant mieux, à faire face au défi du vieillissement de la population et aux croissants besoins de soins, eux même de plus en plus coûteux. Elle l'est aussi car elle s'inscrit dans la logique du parcours de soins et de la prise en charge globale de la personne. Cela doit conduire le système hospitalier lui-même à se restructurer et se redéployer pour mieux répondre à la demande de nos concitoyens.

Le plan Hôpital 2012 que prépare le Gouvernement devrait y contribuer.

Au-delà, c'est l'ensemble du système de santé qui est concerné et qui doit se réorganiser de manière décloisonnée. Les frontières entre les secteurs (ville, hôpital, social et médico-social) n'ont aujourd'hui plus beaucoup de sens. Il convient d'élargir le champ et d'avoir une vision globale. Si l'on partage cette approche, il faudrait alors étudier une forme de financement par capitation du parcours de soins de la personne. Nous n'en sommes pas encore là, il faut d'abord réussir la T2A, mais cela ne doit pas nous empêcher d'engager, tranquillement, sereinement, sans hâte excessive, la réflexion sur le prochain mode de financement. C'est ainsi que nous préparerons au mieux l'avenir de la future offre globale de soins, c'est-à-dire un système de soins mieux coordonné et axé sur le parcours de soins de la personne.

L'amélioration continue de la qualité des soins offerte au patient est de nature à conforter la bonne opinion qu'ont les Français pour l'hôpital. Un sondage TNS Sofres du mois de mai 2006 rappelait ainsi que 82 % des français ont une bonne opinion des hôpitaux.

*

La MECSS, comme le prévoit l'article LO 111-9-3 du code de la sécurité sociale, notifiera les préconisations, nombreuses (125), du présent rapport, fruits d'intenses et intéressantes réflexions, au Gouvernement et aux organismes de sécurité sociale concernés, lesquels seront tenus d'y répondre dans un délai de deux mois, et assurera le suivi de ses conclusions.

PROPOSITIONS

PRINCIPALES ORIENTATIONS

1. Assurer la crédibilité et la réussite de la T2A 

2. Respecter l'objectif de dépenses hospitalières

3. Privilégier le financement par les tarifs 

4. Valoriser les éléments de financement conformément aux objectifs fixés

5. Veiller à la bonne utilisation des aides à la contractualisation

6. Faire la transparence sur les paramètres de financement

7. Assurer la lisibilité du dispositif

8. Veiller à la qualité des soins

9. Renforcer l'information et le contrôle du Parlement

10. Améliorer le suivi, le contrôle et l'évaluation

LA MAÎTRISE DE L'ÉQUILIBRE DES FINANCEMENTS

ONDAM hospitalier 2006 : 63,8 milliards d'euros (+ 3,44 %)
dont 45,8 pour les établissements tarifés à l'activité
(40,2 pour l'ODMCO et 5,6 pour les MIGAC)

1. Respecter les objectifs de dépenses et, le cas échéant, faire jouer la régulation tarifaire

2. Éviter les stratégies de contournement de la réforme

3. Confier au Parlement la fixation des sous-enveloppes du sous-objectif de dépenses des établissements tarifés à l'activité (objectif de dépenses de médecine, chirurgie, obstétrique - ODMCO - et dotations des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation - MIGAC)

   ou

   Présenter et justifier dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), l'évolution des sous-enveloppes et des composantes de financement

4. Interdire les transferts entre les sous-enveloppes de l'ODMCO

5. Traduire en tarifs la plus grande partie possible de l'activité de soins

LES MIGAC

5,6 milliards d'euros en 2006 (+ 12,6 %)

A. Définition, valorisation et contrôle des MIGAC

6. Mieux définir les missions d'intérêt général (MIG) et les missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation (MERRI)

7. Accélérer les études sur la définition et la valorisation des MERRI

8. Assurer la transparence sur la définition et la valorisation des MERRI et des MIG

9. Fournir le bilan annuel d'application concernant les MIGAC (MERRI, MIG, AC)

10. Justifier chaque année dans le PLFSS l'évolution des MIGAC et de leurs composantes

11. Contractualiser l'attribution des MERRI

B. Tarifer autant que possible les MERRI et les MIG

12. Sortir des MIGAC les mesures des plans de santé publique (urgences ou cancer par exemple) qui peuvent être intégrées dans les tarifs

13. Sortir des MIGAC les équipes pluridisciplinaires mobiles qui doivent être intégrées dans les tarifs ou faire l'objet de suppléments (cf. réanimation)

14. Sortir des MIGAC les SMUR (services médicaux d'urgence) qui pourraient être financés par un financement type urgence (part fixe + part variable)

C. Encadrer et contrôler l'utilisation des crédits d'aide à la contractualisation

15. Préciser la finalité et l'ampleur à donner à l'enveloppe d'aide à la contractualisation (AC)

16. Préciser les conditions d'attribution des aides à la contractualisation, en particulier au titre de l'atténuation des effets « revenu »

17. Fournir au Parlement un rapport annuel sur l'utilisation de l'enveloppe d'aide à la contractualisation ou l'insérer dans l'annexe 7 au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS)

LA PART TARIFÉE À L'ACTIVITÉ

28,4 milliards d'euros en 2006 et baisse des tarifs de 1 %

A. Principes

18. Assurer autant que possible le financement des activités de soins par les tarifs

19. Faire la transparence sur la définition et l'évolution des tarifs

20. Actualiser la classification des séjours

21. Stabiliser le nombre de groupes homogènes de malades et de groupes homogènes de séjours (GHM/GHS) à environ un millier

22. Étudier la possibilité de différencier les tarifs par catégories d'établissements (cf. art 162.22.10 du code de la sécurité sociale) en prenant en compte les missions et les spécialisations (disciplines, programmation, populations accueillies...)

B. Dans le secteur public

23. Fixer la fraction tarifée à l'activité dans le secteur public à 50 % en 2007

24. Confier au Parlement la fixation du taux de la fraction tarifée des facturations dans le secteur public

25. Annoncer chaque année, au moment de l'examen du PLFSS, la programmation pluriannuelle actualisée de la montée en charge de la part tarifée à l'activité dans le secteur public

26. Procéder à une évaluation à mi-parcours, fin 2007

27. Interdire les transferts entre dotations dotation annuelle de financement (DAF), dotation annuelle complémentaire (DAC) et MIGAC

C. Les activités d'urgences

28. Extraire des GHS la valorisation des passages aux urgences suivis d'une hospitalisation et rémunérer par un ATU (forfait d'accueil et de traitement des urgences) chaque passage aux urgences suivi ou non d'une hospitalisation

29. Unifier le financement des services d'urgences autorisés dans les secteurs public et privé

30. Supprimer le forfait de petit matériel (FFM)

D. Les activités de courte durée

31. Préciser les règles et limites des activités de courte durée : publier l'« arrêté frontières » (précisant l'ouverture du droit aux tarifs de GHS ou forfaits)

E. Les dispositifs médicaux implantables et les médicaments onéreux (DMI-MO)

32. Intégrer autant que possible les médicaments et les DMI dans les tarifs

33. Définir des critères objectifs économiques (médicaments coûteux par exemple) et médicaux (référentiels de bonnes pratiques définis par la Haute Autorité de santé) pour l'inscription sur les listes de DMI-MO facturables en sus des tarifs de GHS

34. Unifier pour les deux secteurs les listes de DMI-MO facturables en sus

35. Contrôler l'évolution des dépenses de produits facturables en sus et évaluer les effets du dispositif de ristourne concernant les médicaments

36. Évaluer les contrats de bon usage des médicaments et utiliser les outils de la régulation (réduction du taux de remboursement en cas de non respect des engagements souscrits)

F. L'extension de la T2A

37. Accélérer les travaux préparatoires à l'extension de la T2A aux soins de suite et de réadaptation, à la psychiatrie et à la chirurgie ambulatoire

LES COEFFICIENTS GÉOGRAPHIQUES

600 millions d'euros en 2006

38. Évaluer (recenser et valoriser) précisément les facteurs géographiques de surcoûts compensés par les coefficients géographiques

39. Réactualiser régulièrement les coefficients géographiques

LA VALORISATION DES ÉLÉMENTS DE FINANCEMENT

A. Les mesures de portée générale

40. Adapter régulièrement la valorisation des tarifs en fonction de l'activité de soins et des techniques en veillant à prendre en compte les innovations

41. Faire la transparence sur les méthodes et calculs de valorisation des vecteurs de financement

42. Mettre en place dans les deux secteurs un échantillon statistiquement représentatif d'établissements et définir des normes d'analyse comptable permettant le calcul fiable des coûts complets par vecteur tarifaire

B. Le partage financier assurance maladie/assuré

43. Réformer le dispositif de participation de l'assuré pour l'adapter à la T2A (réduction d'assiette résultant du nouveau découpage des vecteurs de financement) : redéfinir les modes de calcul du ticket modérateur et du forfait hospitalier journalier

44. Dans l'attente de cette réforme et de la facturation individuelle dans le secteur public, appliquer aux dépenses encadrées des taux de conversion (utilisés pour le passage des dépenses encadrées aux dépenses d'assurance maladie) actualisés, différenciés et transparents selon les vecteurs de financement T2A (MIGAC, DMI, tarifs, forfaits annuels) pour calculer les remboursements dus par l'assurance maladie aux établissements

C. Les mesures concernant les établissements antérieurement financés par prix de journée et forfaits

45. Mettre en place un outil fiable de calcul des tarifs à partir des coûts dans le secteur privé (exploitation de la comptabilité analytique sur un échantillon représentatif d'établissements privés afin de disposer d'une décomposition des charges imputées par GHS)

46. Mettre en place une échelle de coûts des GHM dans le secteur privé

47. Intégrer les honoraires des praticiens et auxiliaires libéraux dans les tarifs

48. Supprimer le « coefficient de haute technicité » pour soins particulièrement coûteux en chirurgie et redéployer les moyens correspondants entre les tarifs

D. Les mesures concernant les établissements anciennement financés par la dotation globale

49. Valoriser les MIGAC au coût réel

LA CONVERGENCE

A. Principes

50. Éviter que la convergence se traduise in fine par un surcoût global

51. Définir précisément les conditions d'octroi des mesures d'accompagnement qui doivent être exceptionnelles, ponctuelles, justifiées et contrôlées notamment par la présentation d'un rapport annuel au Parlement

52. Veiller à l'emploi rationnel du surcroît de moyens par les établissements « gagnants » en prévoyant un compte rendu annuel des établissements aux ARH

53. Étudier la possibilité de mettre en place des dispositifs de mutualisation partielle ou de plafonnement des gains

B. La convergence intrasectorielle

▪ Dans le secteur public

54. Poursuivre la convergence selon l'échéancier prévu

55. Accompagner les établissements les plus perdants : prévoir la possibilité pour les ARH d'attribuer des aides exceptionnelles, justifiées et contrôlées par contractualisation selon des conditions précisément définies

56. Présenter un rapport au Parlement ou insérer un compte rendu dans l'annexe 7 du PLFSS sur l'emploi de ces aides

57. Faire converger vers les tarifs des plus performants

▪ Dans le secteur privé

58. Poursuivre la convergence selon l'échéancier prévu

59. Faire converger vers les tarifs des plus performants

60. Mettre en place une échelle de coûts qui soit la référence pour la convergence

61. Éviter que le coefficient de haute technicité neutralise la redistribution

C. La convergence intersectorielle

▪ Préciser le scénario

62. Confier au Parlement la définition précise du scénario de la convergence intersectorielle 

63. La convergence doit :

a) s'effectuer vers une échelle unique de tarifs ;

b) s'opérer vers les tarifs des établissements les plus performants ;

c) s'appliquer à des tarifs homogènes, après élimination des facteurs exogènes et des disparités tenant à la nature des prestations délivrées par chacun des secteurs

64. Le législateur devrait être appelé à préciser le moyen de compenser les « écarts de coûts justifiés » : surtarifs, tarifs différenciés, convergence partielle ou dotations

▪ Les modalités de réalisation

65. Reprendre la convergence en 2008 et, si possible, de manière mesurée, dès 2007, après neutralisation des écarts de coûts de personnel

66. Mener rapidement les études nécessaires au cadrage de la convergence, en particulier pour mesurer l'ampleur des écarts de coûts « justifiés » et l'écart de coût résiduel entre les secteurs

67. Doter les instances chargées de mener ces travaux des moyens nécessaires

68. Mener des études sur les modalités de financement des « écarts de coûts justifiés »

69. Confier à l'Agence technique d'information sur l'hospitalisation (ATIH) la définition et le contrôle de la qualité des méthodologies utilisées pour réaliser les études, en particulier concernant l'élaboration de l'échelle commune des coûts

70 Mener rapidement des études d'impact de la convergence sur les établissements et communiquer les résultats au Parlement

71. Harmoniser les règles de financement des deux secteurs

72. Intégrer les honoraires médicaux dans les tarifs du secteur privé

73. Intégrer dans les tarifs les prestations actuellement externalisées (actes pratiqués en amont ou en aval de l'hôpital : biologie et radiologie par exemple), les remboursements de prestations versées à l'établissement par les régimes obligatoires, les remboursements de l'ensemble des honoraires sans dépassement et la participation de l'assurance maladie aux cotisations des praticiens

74. Harmoniser les méthodes de valorisation des tarifs dans les deux secteurs

75. Harmoniser les listes de DMI-MO facturables en sus dans les deux secteurs

76. Intégrer dans les tarifs du secteur privé les suppléments tarifaires de SPC (coefficients de haute technicité pour les soins particulièrement coûteux en chirurgie)

77. Faire la transparence sur l'articulation entre les études de coûts constatés et la fixation des tarifs

78. Assurer la représentativité des échantillons d'établissements utilisés pour établir les échelles de coûts

79. Mettre en place une échelle commune des coûts

80. Combler l'important déficit de connaissance des coûts hospitaliers en définissant un programme de recherches et d'études sur les données de l'activité hospitalière des deux secteurs à réaliser dans un calendrier précis

81. Conduire sans tarder une étude sur l'incidence des conditions d'emploi sur les coûts

82. Définir des indicateurs homogènes et fiables de réalisation et de suivi de la convergence

LES MOYENS HUMAINS DE CONCEPTION
ET DE PILOTAGE DE LA RÉFORME

Principes

83. Clarifier la répartition des compétences entre les acteurs et les adapter à la nouvelle phase de gestion du dispositif de tarification à l'activité

84. Respecter les objectifs, renforcer les moyens et éviter les retards

La MT2A

85. Intégrer la Mission à la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS)

La DHOS

86. La DHOS doit être clairement désignée comme pilote de la réforme de la T2A

L'ATIH

87. Préciser les missions de l'ATIH : production de données et expertise 

88. Affirmer l'autonomie de l'ATIH

89. Élaborer rapidement le contrat d'objectifs et de moyens prévu entre l'ATIH et la tutelle

90. Renforcer les moyens de l'ATIH

91. Veiller à maintenir le caractère technique de l'ATIH

LA DSS

92. Impliquer davantage la direction de la sécurité sociale (DSS) dans le processus de décision

La DRESS

93. Mobiliser davantage la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DRESS) sur des travaux de moyen terme

94. Mieux coordonner les activités de recherche sur la base de données du programme médicalisé des systèmes d'information (PMSI) de la DRESS et de l'ATIH

95. Demander à la DRESS de réaliser des études sur la typologie des établissements

96. Mettre en place au sein de la DRESS un observatoire des pratiques étrangères de tarification à l'activité

Les comités et la concertation

97. Éviter l'empiètement des comités techniques sur la sphère décisionnelle

98. Éviter les retards et les dévoiements dans la mise en œuvre de la réforme

99. Confier la présidence des groupes de travail et des instances de concertation à des personnalités indépendantes des organisations professionnelles

LES SYSTÈMES D'INFORMATION ET LE SUIVI FINANCIER

Les systèmes d'information

100. Développer des systèmes d'information médico-économique performants et fiables

101. Accélérer la préparation de la généralisation de la télétransmission des données en 2007

102. Mobiliser les crédits du plan Hôpital 2012 pour renforcer les moyens humains, matériels et logiciels mobilisés par les systèmes d'information

103. Organiser des actions de formation des personnels au codage et à l'utilisation des systèmes d'information

104. Instaurer une obligation de tenue de comptabilité analytique médicalisée, de tableaux de bord et d'indicateurs de suivi

Le suivi financier

105. Interdire la correction rétroactive des codages

106. Mettre en place la facturation individuelle dans le secteur public

107. Encadrer les procédures de transmission des données d'activité et réduire les délais de transmission de celles-ci

108. Fiabiliser la mesure de la dépense et de son évolution

109. Demander aux ARH de veiller à la bonne application de l'état prévisionnel de recettes et de dépenses (EPRD) et prévenir les déséquilibres financiers durables

LE CONTRÔLE ET L'ÉVALUATION

Le contrôle

110. Accélérer la mise en place du contrôle interne de qualité du codage en temps réel

111. Instaurer une obligation de contrôle interne du codage selon des normes à fixer

112. Généraliser les contrôles externes et, en particulier, développer les contrôles sur place

113. Demander aux ARH de tenir un tableau de bord et des indicateurs permettant d'assurer le suivi des contrôles effectués par l'assurance maladie.

114. Étudier la possibilité de transférer des ARH à l'assurance maladie la pleine responsabilité du contrôle externe des facturations

L'évaluation

115. Mesurer l'évolution de la productivité des établissements à partir d'indicateurs (des points ISA affinés rapportant les moyens alloués à la production) pour apprécier les effets de redistribution et de réduction des inégalités

116. Évaluer le rapport coût/efficacité des MIG-MERRI

117. Définir des indicateurs ciblés de performance et de qualité

118. Assurer une meilleure coordination des moyens de l'évaluation

119. Préciser sans tarder la programmation et l'échéancier des travaux d'évaluation

120. Veiller à ce que la participation des professionnels ne freine pas l'évaluation

LA QUALITÉ DES SOINS

121. Confier à la Haute Autorité de santé la définition des indicateurs de qualité des soins

122. Instaurer une obligation de suivi de la qualité des soins au niveau national et dans les établissements

123. Veiller à la prise en compte de la prévention dans les tarifs

LE PILOTAGE RÉGIONAL

124. Veiller à la bonne articulation des objectifs quantifiés fixés par les schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) avec la T2A

125. Développer les expérimentations d'agences régionales de santé

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le rapport d'information présenté par M. Jean-Marie Rolland, rapporteur de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), sur la tarification à l'activité dans les établissements de santé, au cours de sa séance du mardi 11 juillet 2006.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le rapporteur pour la qualité de son travail et les membres de la MECSS pour leurs efforts, soulignant que les travaux de la MECSS doivent constituer le pivot des travaux de contrôle de la commission.

En France, on s'intéresse à la tarification à l'activité (T2A) depuis une vingtaine d'années, alors que de nombreux pays étrangers réfléchissent à un tel mode de financement depuis quarante ans, voire cinquante, et que les États-Unis utilisent depuis longtemps déjà un système équivalent à la T2A. La France avait néanmoins engagé un programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI).

Il faut s'interroger sur la lenteur des pouvoirs publics français à mettre en œuvre une réforme financière comme celle de la T2A dans le milieu hospitalier. Existe-t-il des facteurs internes ou extérieurs à l'hôpital qui expliqueraient ces difficultés ?

Cette lenteur s'observe sur la question de la convergence entre les établissements publics et privés : le législateur a décidé qu'en 2008 le taux de convergence devrait atteindre 50 %. Or le processus est aujourd'hui interrompu. Cela n'est pas normal. Lors du prochain débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, le gouvernement devra expliquer les raisons de cet arrêt du processus : existe-t-il des empêchements techniques, politiques, ... ? Y a-t-il des prises de position de fédérations hospitalières qui anticiperaient sur ce qui pourrait se passer à la suite des échéances électorales du printemps 2008 ?

De même, concernant les agences régionales de santé, il faudra expliquer pourquoi la réforme est aussi lente à se mettre en place. Si l'on peut convenir qu'il est nécessaire d'aller progressivement, aucune explication n'a été fournie sur les absences de démarrage des expérimentations prévues en Poitou-Charentes et en Alsace.

Le rapport présenté par M. Jean-Marie Rolland mériterait d'être repris par les médias car il permet de s'interroger sur les raisons pour lesquelles le système hospitalier français, public et privé, est aussi lent à s'adapter à l'évolution des besoins des patients. La T2A a en fait été conçue pour améliorer l'efficience du système hospitalier et la qualité des soins pour le plus grand nombre. Il faut être conscient que si le déficit continue à augmenter, la qualité des soins baissera, sauf pour ceux qui peuvent se prévaloir d'un « piston ».

Mme Jacqueline Fraysse a regretté de n'avoir pu participer davantage aux réunions de la MECSS. Le travail qui a été effectué est de qualité. Il est vrai que le mode de financement de l'hôpital par la dotation globale était très critiquable et critiqué. Mais le groupe communiste s'est toujours opposé à la philosophie qui sous-tend la réforme de la T2A.

Le rapport de la MECSS pose donc un problème de fond majeur : il ne présente pas une évaluation rigoureuse des effets de la T2A sur la qualité des soins, ni ne discute de la pertinence du choix de ce mode de financement ; il expose la façon dont on va pouvoir accélérer l'application de cette réforme. Cette démarche explique l'invitation qui est faite de tarifer davantage les activités de soins, en particulier les mesures contenues dans les plans de santé publique. Le rapport ne pointe pas certaines difficultés de financement : l'existence de disparités de coûts ; les écarts de coûts entre les hôpitaux publics et les structures privées. Or il est important de montrer que la T2A est une source de désorganisation et peut mettre en cause l'accès aux soins. Sous certains aspects, le rapport pointe ces dérives. Cependant, le rapport de la MECSS, en raison de son a priori positif sur la T2A, se limite à proposer de simples ajustements.

Il est indiqué que le schéma régional d'organisation sanitaire (SROS) et les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) sont là pour limiter les effets pervers de la T2A. Or ces outils sont contraires aux orientations mêmes de gestion de la T2A.

Les informations recueillies lors des auditions du groupe communiste pour préparer l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 sont alarmantes. La Fédération hospitalière de France (FHF) a tenu des propos sévères sur la T2A, qui correspondent à une dure réalité ; selon ses termes, la fédération « se prépare à une vraie poudrière ». Elle estime que les trois quarts des hôpitaux connaissent des difficultés financières majeures et demande plus d'un milliard d'euros de crédits supplémentaires. Selon FO, « le chaudron de l'hôpital public est en train de bouillir ; il va exploser ». La CGT va dans le même sens : « les directeurs des hôpitaux sont très inquiets. ». À titre d'exemple, une dotation exceptionnelle a dû être versée à l'hôpital de Nanterre pour lui permettre de payer les salaires de décembre 2005.

La T2A ne permettra pas de surmonter ces difficultés financières. Il faut trouver des ressources nouvelles pour l'hôpital.

Parmi les 125 propositions du rapporteur, il est difficile d'indiquer celles auxquelles le groupe communiste peut souscrire. La transparence des paramètres financiers et l'amélioration de la lisibilité ne sont pas critiquables mais les propositions sont conçues pour amplifier l'application de la T2A, ce à quoi le groupe communiste est totalement opposé. En particulier, les propositions 12, 13 et 14 sur les MIGAC et la proposition 43 sur la réforme du dispositif de participation de l'assuré soulèvent une forte inquiétude.

Si la convergence entre le secteur public et le secteur privé vise à harmoniser le secteur hospitalier et à établir une meilleure équité entre les établissements, il n'est pas possible de mettre sur le même plan des établissements commerciaux et des établissements publics.

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste votera contre ce rapport, sans état d'âme.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que les hôpitaux publics et les hôpitaux privés sont financés par une même source de financement et que la T2A à pour objectif que l'argent des Français soit dépensé de la meilleure façon possible dans tous les hôpitaux.

M. Jean-Luc Préel a indiqué que, globalement, le groupe UDF approuve le rapport et ses orientations.

Toutefois, le rapport aurait dû affirmer, dès le début et la fin, le principe selon lequel l'objectif de la T2A est d'accueillir et de soigner dans de bonnes conditions les malades. Or il se donne comme objectif d'assurer la crédibilité de la réforme. Les propositions de la MECSS devraient avoir comme objectif la meilleure affectation des recettes qui, en France, sont socialisées.

La mise en œuvre de la tarification à l'activité est un progrès important au regard notamment des insuffisances présentées par le dispositif antérieur du budget global, qui conduisait, de façon peu satisfaisante, à conforter les établissements de santé dont l'activité était modeste et à entraver le développement des établissements les plus dynamiques.

S'il est positif que la T2A fasse l'objet d'une montée en charge progressive dans les hôpitaux publics, avec pour objectif d'atteindre l'application des tarifs à 100 % en 2012 aux activités de MCO, la question demeure toutefois de savoir ce que recouvre précisément cet objectif. Le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), M. Claude Evin, estime en effet qu'il est possible que la part du financement par la T2A atteigne 50 % des dépenses hospitalières, si l'on considère que les MIGAC représentent plus de la moitié de l'activité des établissements de santé. Dès lors, on peut se demander quelle sera en définitive la part consacrée à la T2A, compte tenu des dépenses prises en charge au titre des MIGAC ? Le groupe UDF souhaite que la montée en charge de la T2A soit plus rapide et que l'objectif de 100 % soit atteint avant 2012. En outre, il apparaît nécessaire d'étendre la T2A aux services de soins de suite et de réadaptation et aux activités de psychiatrie, même s'il est vrai que dans ce dernier cas l'activité est plus difficile à mesurer.

Par ailleurs, contrairement à ce qui avait été annoncé par l'ancien ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, M. Jean-François Mattei, la mise en œuvre de la T2A ne facilite pas la préparation par les établissements hospitaliers de leur budget, loin s'en faut. La situation actuelle se caractérise à l'inverse par un niveau de complexité budgétaire, qui semble cette année avoir atteint un paroxysme, s'agissant notamment des différents modes de tarification, lesquels ne sont pas toujours fondés sur l'activité réelle des établissements. Alors que le budget prévu pour 2006 a été partiellement utilisé pour financer des reports de charges intervenues 2005, mais aussi que des incertitudes demeurent sur le montant des recettes mises en réserve, qui pourraient être utilisées le cas échéant d'ici la fin de l'année, on ne peut que s'inquiéter des conditions d'élaboration des états prévisionnels de recettes et de dépenses (EPRD) alors que les établissements ignorent la totalité des recettes qui leur seront affectées en 2006 !

Par ailleurs, il faut déplorer le contrôle tatillon exercé par la tutelle et le peu de marge de manœuvre des conseils d'administration des établissements en matière budgétaire. L'autonomie des établissements hospitaliers devrait au contraire être significativement renforcée, afin qu'ils puissent effectivement élaborer leur budget en fonction de leur activité. En effet, le risque est grand aujourd'hui de porter atteinte à la crédibilité de la T2A, si l'on n'arrive pas d'une façon ou d'une autre à la simplifier. Cette question rejoint d'ailleurs celle de la construction de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), qui doit à l'évidence être davantage médicalisé, afin de mieux prendre en compte l'ensemble des besoins de santé de la population.

S'agissant, d'autre part, de la question de la convergence, il apparaît prioritaire de corriger les inégalités actuelles entre les hôpitaux publics, en particulier au niveau régional, et donc de concentrer les efforts sur la convergence « public-public », d'autant qu'il existe aujourd'hui un certain nombre de lourdeurs et de complexités, liées notamment au fait que près de 70 % des charges des hôpitaux sont constituées par les dépenses en personnel. La convergence entre les cliniques privées doit également être recherchée et seulement ensuite, la convergence intersectorielle « public-privé » car, comme le président Jean-Michel Dubernard l'a souligné, il est vrai que les établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés, sont financés, indistinctement, par l'ensemble de la nation. Il s'agit là cependant d'une question complexe, dans la mesure où les honoraires des médecins ne sont pas actuellement pris en compte dans les tarifs applicables au secteur privé. Par ailleurs, ainsi qu'il a été rappelé par le président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), les établissements de santé privés ont tout leur rôle à jouer dans la mise en œuvre des MIGAC. C'est notamment le cas pour la prise en charge des urgences ainsi que la formation des professionnels de santé, en particulier les chirurgiens, dans la mesure où ces derniers exercent dans leur très grande majorité dans le secteur privé, mais sont aujourd'hui uniquement formés dans les hôpitaux publics.

S'agissant des retards regrettables dans la mise en œuvre des agences régionales de santé (ARS), ceux-ci s'expliquent en grande partie, comme ce fut le cas pour les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), par les résistances très fortes au sein du ministère de la santé, certains services souhaitant conserver le pouvoir qu'ils détiennent actuellement, bien que celui-ci soit sans doute en grande partie utopique. À cet égard, il n'est pas sans intérêt de rappeler que, lors de son audition dans le cadre de la préparation du rapport pour avis de la commission sur les crédits de la santé pour 2003, le président de l'Association du corps préfectoral, qui a également exercé d'éminentes responsabilités au sein du gouvernement, avait alors estimé que la meilleure des solutions était de confier la direction des ARH aux préfets !

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé qu'en 1996 la question de la présidence des ARH avait également été posée par le Haut conseil pour la réforme hospitalière.

M. Gérard Bapt a rappelé l'opposition du groupe socialiste à l'adoption du rapport, en raison notamment de ses dispositions relatives à la convergence intersectorielle, et non pas intrasectorielle, puisqu'il n'y a pas d'opposition au principe même à la tarification à l'activité. C'est d'ailleurs à très juste titre que le rapporteur a souligné « la nécessité d'assurer la crédibilité de la réforme du financement des hôpitaux qui a été engagée », alors qu'il n'y a sans doute jamais eu autant de complexités et surtout d'inquiétudes, au sein notamment des personnels hospitaliers, dans la mesure où l'emploi tend aujourd'hui à devenir la variable d'ajustement, comme le souligne la FHF.

Le président Jean-Michel Dubernard a fait observer que l'indépendance de la FHF paraît parfois mal assurée, à tel point que l'on pourrait se demander, dans certaines circonstances, qui lui donne des directives ?

M. Gérard Bapt a objecté que si politisation il y a, celle-ci s'effectue néanmoins dans le respect de l'alternance, puisque l'ancien président de la FHF, alors sénateur, exerce aujourd'hui des responsabilités ministérielles au sein du gouvernement et que l'actuel président en exerçait au sein d'un précédent gouvernement. Cela confirme ainsi la continuité et le bien-fondé des positions défendues par la FHF concernant tant les conditions de la sauvegarde de l'hôpital public, que ses prévisions en matière budgétaire, puisqu'en 2005, l'augmentation réelle des dépenses hospitalières a correspondu très exactement à l'estimation de la FHF, contrairement à celle fixée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

En particulier, les orientations actuelles en matière de convergence intersectorielle doivent être combattues, et ce d'autant plus qu'un moratoire a été préconisé par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et que le gouvernement a suivi cette position lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Surtout, lors de son audition par la MECSS, la Cour des comptes a pointé les très nombreuses insuffisances actuelles de la T2A, en allant jusqu'à dénoncer le lancement à l'aveugle et le pilotage hasardeux de la réforme, ainsi que le contrôle hypothétique des ARH et l'absence de prise en compte des expérimentations réalisées, en concluant à la nécessité de lancer des études complémentaires sur l'échelle nationale des coûts, en collaboration avec l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) et sur les MIGAC. En définitive, le gouvernement semble avancer beaucoup trop vite sur cette question, alors qu'il serait au contraire nécessaire d'avancer à pas comptés, afin que la réforme de la T2A entre dans les faits, mais aussi dans les esprits.

Par ailleurs, certaines propositions figurant dans le rapport, s'agissant en particulier de l'exclusion des MIGAC des mesures des plans de santé publique, concernant par exemple les urgences ou le cancer, sont difficilement compréhensibles, voire contradictoires avec les positions adoptées par la majorité parlementaire lors de l'examen de précédents textes législatifs dans le domaine de la santé. Il est en effet essentiel de remettre à plat le fonctionnement des urgences dans le secteur public, et ce d'autant plus que les personnes atteintes de troubles psychiatriques représentent parfois jusqu'à 20 % des personnes accueillies dans ces services.

Certaines propositions de ce rapport sont toutefois intéressantes, concernant notamment l'intégration de la mission sur la T2A à la DHOS et la désignation de celle-ci comme pilote de la réforme. Comme l'a souligné le rapport récent de la mission d'information de la commission des finances sur la mise en œuvre du plan cancer, qui propose notamment la fusion de l'Institut national du cancer (InCa) et de la direction générale de la santé (DGS) en une Agence nationale de santé, qui serait à la tête des agences régionales de santé (ARS), il s'avère nécessaire de regrouper, autant qu'il est possible, les différents acteurs concernés par la mise en œuvre d'une réforme, mais aussi de désigner un responsable clairement identifié. Il est également primordial de renforcer les moyens de l'ATIH, comme le préconise le rapporteur, mais l'on pourrait aller plus loin, en proposant son intégration dans une structure commune avec la DHOS.

En conclusion, alors que plusieurs réformes d'envergure ont été engagées dans le domaine de la santé au cours de ces dernières années - qu'il s'agisse de la loi relative à la politique de santé publique, de la réforme de la gouvernance hospitalière ou encore des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) de troisième génération - la mise en œuvre de la tarification à l'activité, qui a été engagée à l'aveugle et d'une façon que l'on pourrait qualifier de « casse-cou », ne peut aujourd'hui que susciter de profondes inquiétudes, de nature à remettre en cause la crédibilité même de cette réforme.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est interrogé sur les raisons qui rendent toute réforme ou adaptation difficiles dans notre pays.

Mme Cécile Gallez a félicité le rapporteur pour la qualité de son travail. Les hôpitaux sont effectivement conscients que des évolutions sont nécessaires pour limiter les coûts liés au fonctionnement des établissements hospitaliers. Ainsi, dans la région Nord-Pas-de-Calais, 25 hôpitaux se sont regroupés pour organiser leurs achats de médicaments et ont ainsi économisé plus de 300 000 euros.

Malgré tout, les charges fixes sont lourdes dans un hôpital, notamment en raison des grilles indiciaires des personnels et il convient également de tenir compte des spécificités de certaines zones géographiquement ou socialement défavorisées.

On ne peut que se féliciter des propositions visant à exclure les urgences des MIGAC et de celles visant à donner davantage de responsabilités aux ARH et à favoriser le pilotage des SROS par les ARH.

Enfin, certains hôpitaux ont exprimé leur crainte concernant l'objectif de réalisation de la T2A en 2012, même s'ils ont bien conscience qu'à prestation égale, il faut tendre vers un coût identique.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- l'ensemble des personnes auditionnées s'est accordé pour dénoncer les insuffisances de l'ancien système de financement des établissements hospitaliers. Si la dotation globale a permis une certaine maîtrise des dépenses, elle a eu des effets très pervers, notamment pour les établissements les plus actifs, alors que d'autres se constituaient des rentes injustifiées. M. Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF), a estimé, lors de son audition par la MECSS le 18 mai dernier, que la T2A est une bonne réforme mais a souligné les difficultés de mise en œuvre.

- la qualité des soins doit être un objectif permanent, car la « non-qualité » est coûteuse (maladies nosocomiales, hospitalisations trop longues, etc.). Un hôpital bien géré est synonyme de qualité. Cela nécessite une prise de conscience et une certaine évolution des habitudes de chacun, mais cela permettra au patient d'être mieux soigné. Le risque de dégradation lié à la mise en place du nouveau modèle de tarification est faible, comme le montrent les expériences étrangères. Il convient cependant d'éviter que, comme on a pu le constater dans certains pays qui ont mis en place la tarification à l'activité, les établissements ne se replient sur le curatif au détriment de la prévention. Ce serait une politique à courte vue qui entraînerait, à terme, des effets pervers pour les établissements. La prévention qui fait partie des missions de l'hôpital doit en réalité permettre de réduire les hospitalisations non programmées et plus coûteuses et d'assurer un meilleur état de santé général de la population.

Dans les pays étrangers, qui ont mis en place la tarification à l'activité, on note une diminution de la durée des séjours, une levée des goulets d'étranglement et une amélioration des processus de production de l'hôpital Les missions d'appui-conseil conduites par la mission d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH) ont permis d'obtenir des résultats tangibles tant en termes d'amélioration de l'efficience que d'amélioration de la qualité des soins. Ainsi, au centre hospitalier du Mans, une meilleure gestion du bloc opératoire a permis d'augmenter de 10 % le nombre des interventions pratiquées, de diminuer largement le taux de débordement des horaires de travail et de passer de 23 % à 3 % d'interventions non programmées à J - 1, tout en améliorant la gestion du personnel. De même, au centre hospitalier de Saint-Avold, les économies générées par une meilleure organisation du temps de travail des médecins sont de l'ordre de 350 000 euros par an. De fait, la T2A permet d'améliorer, tout à la fois, la qualité du service rendu au patient, l'efficience économique et les conditions de travail du personnel et, finalement d'améliorer le respect des obligations de service public et l'accessibilité aux soins.

- s'agissant des propositions n° 12 à 14 concernant les MIGAC, l'objectif est d'éviter une double facturation au titre des urgences lorsque celles-ci sont suivies d'une hospitalisation mais il faut effectivement veiller à ne pas les encombrer.

Le président Jean-Michel Dubernard a cité en exemple l'hôpital Édouard Herriot du CHU de Lyon, qui compte aujourd'hui 59 salles d'opération sous-équipées en matériel et en personnel et qui ne fonctionnent que 2 heures et demi par jour en moyenne ! Pourquoi n'arrive-t-on pas à faire bouger les choses plus vite ? Il conviendrait de déceler les points de blocage qui empêchent les adaptations nécessaires.

Le rapporteur a ensuite poursuivi ses réponses :

- S'agissant de la montée en charge progressive de la réforme, aucune des personnalités auditionnées par la MECSS n'a demandé l'arrêt ou le ralentissement du processus engagé. Le rapport suggère cependant d'accompagner les établissements perdants afin de faciliter leur adaptation.

- Il est nécessaire d'étendre rapidement la T2A aux soins de suite et de réadaptation.

- Il conviendra d'être vigilant afin d'éviter que l'application de la T2A à la chirurgie ambulatoire ne conduise à un déport d'activité.

- La création de l'EPRD va dans le sens d'une responsabilisation des établissements.

- S'agissant des MIGAC, il est important de permettre aux cliniques de participer aux activités d'urgence dans des conditions de financement équitable et d'évaluer la part qu'elles prennent dans l'accueil des urgences et les efforts de formation des personnels médicaux et paramédicaux.

- L'audition de la Cour des Comptes puis celle du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ont permis aux membres de la mission de constater des différences de perception et d'appréciation des problèmes en ce qui concerne la convergence des tarifs.

- Le rapport suggère d'accélérer les études concernant la prise en compte dans les financements de la taille, de la spécialité ainsi que de l'environnement géographique et social des établissements. Il existe déjà des coefficients géographiques appliqués à certaines régions.

- La T2A peut inciter à développer les achats groupés. C'est une évolution qu'il faut encourager, notamment pour les plus petits hôpitaux. Les ARH qui ont, avec la T2A, des responsabilités nouvelles, doivent développer de nouvelles relations avec les établissements et veiller à la cohérence des SROS avec la T2A.

- Il est, somme toute, normal que la T2A qui constitue une vraie révolution culturelle et comptable suscite des inquiétudes et des interrogations. Le rapport formule de nombreuses propositions de nature à y répondre.

Mme Jacqueline Fraysse a souhaité revenir sur les propos du rapporteur affirmant que le passage d'un patient aux urgences ne devait pas être comptabilisé au titre de la T2A lorsqu'il était suivi par une hospitalisation. Dans la mesure où il y a une prise en charge, il est pourtant normal qu'elle donne lieu à une facturation.

Le groupe communiste ne conteste pas l'objectif poursuivi par la réforme de la T2A, à savoir une meilleure utilisation des ressources publiques, mais la philosophie purement financière et comptable qu'elle sous-tend et qui conduit à privilégier la pratique des actes qui rapportent au détriment d'autres, pourtant tout aussi justifiés en matière de santé publique. Au nom de cette logique, l'hôpital Foch de Suresnes, hôpital privé participant au service public hospitalier, a ainsi supprimé les emplois de diététiciennes dans son service de cardiologie. À l'évidence, la T2A porte atteinte à la qualité des soins et comporte des effets pervers puisqu'elle tend à favoriser le curatif sur le préventif alors même que la France est d'ores et déjà très en retard sur ses voisins en matière de prévention.

Le rapporteur a indiqué que la proposition de la MECSS concernant les urgences vise à éviter de payer deux fois un passage aux urgences suivi d'une hospitalisation, par le forfait urgence et par le tarif de séjour d'hospitalisation.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que la mission de la MECSS est d'éclairer les choix du Parlement dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et a invité tous les commissaires à se mobiliser lors de l'examen du PLFSS pour 2007 et à faire référence aux travaux de la mission lors du débat de l'automne prochain.

Mme Jacqueline Fraysse a indiqué que le groupe communiste désapprouvait le contenu du rapport mais que, par respect de la démocratie, il était favorable à sa publication.

En application de l'article 145 du Règlement, la commission a décidé le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

CONTRIBUTION
DU GROUPE DES DÉPUTÉ-E-S COMMUNISTES
ET RÉPUBLICAINS (CR)

Présentée par Mme Jacqueline Fraysse,
Députée des Hauts-de-Seine, membre de la MECSS

Pour tous ceux qui attendaient une évaluation sérieuse et rigoureuse des effets de la mise en place de la tarification à l'activité (T2A) dans les établissements de santé, ce rapport est une cruelle désillusion. Le document qui est soumis à l'approbation des membres de la MECSS est un document partial tout entier bâti sur un parti pris fondamentalement favorable à la T2A.

Puisque « il convient de veiller à ce [que la T2A] ne perde pas, sous l'effet de pressions diverses, sa pertinence et son efficacité », puisque « la MECSS sera vigilante afin d'éviter les tentations de contourner la réforme et d'assurer sa crédibilité », visiblement, tenter de discuter de la pertinence de la T2A devenait hors de propos.

D'ailleurs, ce parti pris est assorti de recommandations destinées à faciliter la montée en charge de la réforme. Pourtant, le rapport, sauf à perdre toute crédibilité, ne peut faire totalement l'impasse sur les difficultés liées à la réforme du financement des établissements de santé même s'il s'emploie à en atténuer la portée (I).

Or, ces difficultés, dont la réalité ne saurait donc être niée, attestent du bien fondé des mises en garde émises par les député-e-s du groupe Communistes et Républicains dès le début de la législature. Préserver et développer l'offre et la qualité des soins dispensés par les établissements de santé suppose de ne pas continuer à suivre le chemin emprunté par ce rapport. Au contraire, cela exige de sortir de la logique de restriction comptable, à laquelle contribue la T2A, et de régler, enfin, le problème de l'insuffisant dynamisme des recettes au moyen d'une réforme ambitieuse et progressiste du financement de la protection sociale (II).

I. Un plaidoyer en faveur de la T2A plus qu'une évaluation rigoureuse des effets de la réforme, en général, et sur l'offre et la qualité de soin, en particulier.

Dès le chapeau introductif de la première partie du rapport, l'accent est mis sur « la nécessité d'assurer la crédibilité de la réforme du financement des hôpitaux ». Cette crédibilité doit être assurée, lit-on : comment mieux signifier qu'elle ne l'est pas ? En effet, si le principe d'une réforme du financement par enveloppe globale était largement partagé, il n'en reste pas moins que de vives critiques sur la T2A et le plan hôpital 2007 avaient été et demeurent formulées par des acteurs aussi différents que la Fédération hospitalière de France (FHF), le Syndicat national des praticiens hospitaliers (SNPH), la Fédération CGT de la Santé et de l'Action sociale... Aussi, faire référence à « un large consensus » est peut-être rassurant pour la majorité mais en aucun cas conforme à la réalité.

Ce parti pris favorable à la T2A a, au moins, le mérite d'être clairement affiché.

Le vocabulaire utilisé promeut la vision d'un hôpital-entreprise, ou plus exactement centre de profits, tout entier orienté vers les impératifs d'efficience, de productivité et de rentabilité.

« Inciter à développer des outils de gestion dans un but d'efficience médico-économique » mais aussi « inciter à la productivité et à l'optimisation des ressources pour améliorer les prises en charge » tels sont les objectifs assignés à la T2A et rappelés par le rapport.

En fait, rarement un rapport traitant d'un élément central de notre système de santé n'aura autant donné l'impression de faire abstraction de la vocation première des hôpitaux et cliniques, à savoir exercer les missions définies à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (complétées par l'article L. 6112-1 du même code, en ce qui concerne les établissements, publics ou non, assurant le service public hospitalier).

Ce parti pris est tel que le rapport devient rapidement un véritable plaidoyer en faveur de l'accélération de la mise en place de la réforme. La volonté de tarifer un nombre accru de prestations de santé (les mesures des plans de santé publique, notamment) ou encore de hâter les convergences intra et intersectorielle (convergence dite « public-privé ») participent de cette ambition.

Il convient toutefois de se demander si cette ambition ne relève pas de l'aveuglement.

Le rapport fait état - même si le recensement établi est loin d'être exhaustif, et pour cause - d'une série de difficultés.

Ces dernières tiennent aux modalités d'application de la T2A avec par exemple :

- le problème à déterminer des paramètres de financement qui poussent à l'efficience sans dégrader la qualité médicale ;

- la nécessité de maintenir (hors T2A) de nombreuses activités faisant l'objet de financements spécifiques ;

- les différences dans les missions et les spécialisations (disciplines, programmation, populations accueillies...) entraînant des disparités de coûts justifiées (ce qui suscite des interrogations sur la pertinence de la fixation des tarifs au niveau national à partir de la base nationale des coûts) ;

- les écarts de coûts importants - dont la connaissance est imparfaite - entre le secteur public et le secteur privé...

Elles mettent également en question le principe même de la T2A, car pointant :

- la désorganisation d'établissements devenus soit « perdants », soit « gagnants », suite à la réforme de leur financement ;

- l'existence d'un risque inflationniste ;

- la modification de la structure d'activité liée au fait que les établissements se portent sur les GHS les plus rentables pour eux ;

- les effets pervers quant à l'accessibilité aux soins et au respect des obligations de service public ;

- l'insuffisante valorisation des activités de prévention...

Ne doutant pas un instant de la pertinence de la réforme, le rapport assimile ces difficultés à de petits couacs tenus pour inévitables compte tenu de l'ampleur du bouleversement induit dans le financement, la gestion, l'organisation des hôpitaux et qualifié de « changement culturel profond » voire de « vraie révolution culturelle ».

La plupart des recommandations visent donc à corriger le tir au moyen de mesures ponctuelles susceptibles de mettre un terme à ces regrettables désajustements. Les moyens au service de la réforme méritent d'être adaptés tandis que le principe de la réforme est fondamentalement bon : tel est le leitmotiv de ce rapport.

Pourtant, peut-on aussi facilement esquiver les questions soulevées par toutes ces difficultés, qu'elles soient recensées par le rapport ou relayées par les acteurs hospitaliers ?

Le rapporteur, lui-même, semble en douter, si bien qu'il en est réduit à formuler, à de nombreuses reprises, des appréciations résolument contradictoires qui, par leur accumulation, viennent saper la cohérence interne du document proposé.

Il est utile de faire état de quelques unes de ces incohérences, véritables maladresses qui traduisent l'embarras des défenseurs les plus ardents de la T2A.

Une première incohérence renforce nos doutes quant au sérieux de l'analyse des effets de l'augmentation de la part tarifée du financement. Elle consiste à louer sans vergogne les vertus de la T2A, dans un premier temps, pour, ensuite, expliquer qu'il convient de maintenir des outils incompatibles (ou pour le moins contradictoires) avec la dynamique propre à la T2A, à savoir les SROS, afin de limiter les effets pervers de cette dernière sur la qualité des soins ! Il s'agit bien là de reconnaître, d'une façon euphémisée, les limites de la T2A.

Une deuxième incohérence tient à l'appréciation des MIGAC.

D'un côté, elles sont sévèrement critiquées, ce qui conduit le rapport à proposer de les redéfinir et d'en réduire le périmètre. De l'autre, leur rôle dans le maintien des activités de prévention, menacées par la T2A, est valorisé.

Avec les SROS, les MIGAC contribuent donc à prévenir les effets dévastateurs de la T2A.

Ce n'est pas là le moindre paradoxe pour deux outils par ailleurs voués aux gémonies car répondant à une logique contradictoire à la T2A.

On le voit, la T2A, y compris à la lecture d'un rapport aussi flatteur que possible pour le Gouvernement, n'est pas la solution à la crise financière de l'hôpital. Les arguments apportés par ce rapport ne parviennent pas à convaincre du contraire. D'ailleurs, il est préconisé d'étudier le passage à une forme de financement par capitation du parcours de soins de la personne. Après avoir brossé un exposé dithyrambique sur la réforme en cours, il nous est maintenant expliqué que « réussir la T2A [...] ne doit pas nous empêcher d'engager, tranquillement, sereinement, sans hâte excessive, la réflexion sur le prochain mode de financement. » !

II. Sortir de la logique comptable à laquelle la T2A participe et engager une réforme ambitieuse et progressiste du financement de la protection sociale.

Les député-e-s du groupe Communistes et Républicains (CR) avaient, dès le début de la législature, attiré l'attention de leurs concitoyens sur les dangers de la réforme du financement des établissements de santé proposée par le Gouvernement. Les débats parlementaires successifs leur ont donné l'occasion de prendre date. « Nous faisons le constat de l'insuffisance des ressources. Le système proposé [la T2A] s'inscrit dans ce contexte, mais sans envisager une nouvelle donne. », déclarait Maxime Gremetz2.

L'année suivante, Jacqueline Fraysse dénonçait les effets pervers de la T2A en ces termes :

« Le groupe homogène de séjour a vocation à s'appliquer sur tout le territoire à n'importe quel établissement de santé. [...] La concurrence incitera les établissements à optimiser leurs coûts. Seuls les établissements obtenant un coût de revient de leurs prestations inférieur au tarif national pourront dégager une marge bénéficiaire, et s'engager alors dans une politique de développement. La finalité de ce nouveau mode de tarification est claire. [...] Il s'agit pour vous [le Gouvernement et sa majorité] tout à la fois de poursuivre une politique de restriction des dépenses de santé [...] et de faire entrer l'économie, en tant que méthode de gestion, dans le fonctionnement de l'hôpital ! [...] Nous considérons que cela va transformer la nature même de l'activité médicale des établissements de santé en calquant leur mode de gestion sur celui des entreprises privées. Ils deviendront des centres de profit qui chercheront à dégager des bénéfices en effectuant des choix de maximisation sous contrainte, comme disent les économistes. Pour toutes ces raisons, le principe même d'une tarification à l'activité nous paraît extrêmement dangereux. [...] Enfin, dernier point qui n'est pas un détail, le personnel. La nouvelle tarification va introduire une concurrence par les coûts entre hôpitaux publics et privés, ce qui aura une incidence directe sur les personnels et les conventions collectives. En effet, les dépenses de fonctionnement sont essentiellement des dépenses de personnel. La mise en concurrence entre établissements, voire entre services, risque dès lors de peser très lourdement sur les personnels de santé et sur les personnels administratifs alors que leur nombre insuffisant nuit déjà au respect de la convention collective de la santé. La systématisation de la logique que vous introduisez pèsera inéluctablement sur leur rémunération et leur qualité. »3.

Pour les député-e-s du groupe CR, sortir de la T2A demeure plus que jamais indispensable.

C'est pourquoi, ils ne sauraient voter ce rapport ni même s'associer à l'une de ses 125 propositions. Évidemment, certaines d'entre elles - en particulier celles visant à Faire la transparence sur les paramètres de financement ou encore à Assurer la lisibilité du dispositif -ne sont pas en soi critiquables. Cependant, étant donné qu'elles répondent à la volonté de poursuivre et d'assurer la réussite de la T2A, les député-e-s du groupe CR ne peuvent, en aucun cas, les faire leurs.

Ils tiennent, par ailleurs, à pointer l'extrême dangerosité d'une partie des préconisations soumises aux membres de la MECSS.

Ils souhaitent, notamment, exprimer leurs plus vives inquiétudes concernant les recommandations :

- n° 12 à 14 proposant d'appliquer la T2A aux mesures des plans de santé publique (urgences ou cancer, par exemple) ;

- n°43 visant à modifier le partage financier assurance maladie/assuré.

Le rapport insiste sur la nécessité « de réformer le dispositif de participation de l'assuré pour l'adapter à la T2A » et préconise « de redéfinir les modes de calcul du ticket modérateur et du forfait journalier hospitalier. ». Cette redéfinition n'est pas neutre : « La solution la plus logique [...] consisterait à augmenter le taux du ticket modérateur. » ;

- n° 62 à 82 portant l'accélération de la convergence intersectorielle dite «public-privé».

Il est inconcevable de mettre sur le même plan de financement les établissements de santé, indépendamment du fait qu'ils soient commerciaux ou non.

Tout d'abord, les tarifs de chacun des deux secteurs ne sont pas bâtis selon les mêmes critères : l'une des différences fondamentales et pénalisantes pour l'hôpital, dans ce mode de financement, concerne la rémunération des médecins.

Ensuite, la répartition d'activité entre le public et le privé diverge considérablement et n'est pas neutre sur le plan tarifaire.

Par ailleurs, il faut prendre en compte l'action sociale de l'hôpital qui échappe à l'activité commerciale.

Enfin, la participation des hôpitaux à de multiples actions de santé publique est également fortement consommatrice de temps et sous-estimée.

Tous ces éléments échappent au mode de calcul des budgets des hôpitaux dans le cadre de la T2A, et ne sont manifestement pas pris en compte dans le rapprochement public-privé que le rapport propose, à la suite du Gouvernement, d'entériner.

***

**

Sortir de la T2A ne signifie pas pour autant revenir au statu quo ex ante.

En effet, la situation des hôpitaux n'a jamais été aussi préoccupante dans toute l'histoire de notre système de santé.

La FHF, rencontrée dans le cadre des auditions du groupe CR en préalable à l'examen du PLFSS pour 2006, souligne que 75 % des établissements publics ou participant au service public sont dans le rouge. Les reports de charges des hôpitaux - c'est-à-dire les dépenses non financées - atteignaient plus d'un milliard d'euros en fin d'année dernière.

Le délégué général de la FHF ajoutait, alors, que « les Français ne se rendent pas toujours compte de la situation budgétaire inédite des hôpitaux car ceux-ci tournent normalement. On soigne les gens comme avant. Pourtant, on est en train de préparer une vraie poudrière. »

Les organisations syndicales n'étaient pas moins inquiètes.

Pour FO, « le chaudron de l'hôpital public est en train de bouillir, c'est en voie d'explosion bien que les personnels hospitaliers fassent preuve d'une conscience professionnelle aiguë. »

Selon la CGT, « les hôpitaux sont dans un cercle vicieux épouvantable du point de vue financier. Les directeurs sont très inquiets, certains expliquent même qu'ils vont devoir emprunter pour pouvoir payer les salaires. »

À ce bilan s'ajoutent les dizaines de milliers de lits supprimés depuis 1990, les centaines de fermeture (passées ou à venir, si l'on en juge par le rapport Vallencien) d'établissements de proximité, les difficultés de recrutement pour les emplois vacants en raison du manque d'attractivité mais aussi des effets du numerus clausus...

Les patients sont déjà confrontés à l'encombrement des urgences, aux délais accrus pour prendre rendez-vous et se voient imposer des dépenses nouvelles (augmentations du forfait hospitalier ; ticket modérateur de 18 euros pour les actes supérieurs à 91 euros...).

L'échec de la politique de santé menée depuis deux décennies est patent.

Pourtant la réforme de la sécurité sociale, dite réforme Douste-Blazy, et le plan Hôpital 2007 n'en tirent pas les conséquences. Au contraire, ils ont accentué la gestion comptable des actes médicaux, ont misé sur une logique de concurrence et non de complémentarité entre l'hôpital public et le secteur privé... Il s'agit là de mesures qui ne sauraient répondre à l'insuffisance structurelle des moyens de notre système de protection sociale.

Sauf à vouloir asphyxier l'hôpital public, ce sont de toutes autres orientations qui doivent être préconisées et mises en œuvre.

Dans l'immédiat, les députés du groupe CR réclament l'instauration d'un moratoire sur les opérations de restructurations et de fermetures d'établissements de santé ainsi que la suspension de l'application de la T2A.

À l'occasion de la discussion du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2007, ils considèrent que le taux de progression de l'ONDAM hospitalier, notoirement insuffisant lors des exercices précédents, devra être adapté aux besoins des établissements.

Par ailleurs, d'autres mesures d'urgence (suppression de la taxe sur les salaires, de la TVA sur les investissements et l'entretien du patrimoine, reconnaissance de la possibilité de contracter des emprunts à taux zéro) sont indispensables et mériteraient d'être inscrites dans le Projet de loi de finances (PLF) pour 2007.

Enfin, ils réclament que, le plus rapidement possible, l'examen sérieux de la réforme du financement de la protection sociale soit engagé. Il s'agit de la question à régler en priorité au regard de l'état des comptes de la sécurité sociale.

Restreindre les remboursements et réduire la prise en charge sont des choix répondant à une ambition politique très précise (saper les bases du système de protection sociale assis sur un financement socialisé pour permettre le transfert d'une partie des fonds vers des formes de protection individualisée, au premier rang desquelles l'assurance privée) portant gravement atteint au pacte républicain et social.

Tout le monde sait que la Sécurité sociale souffre avant tout d'un manque de recettes lié à la fois au refus de réviser l'assiette de financement et à la persistance du chômage de masse.

100 000 chômeurs de moins, c'est 2,5 milliards d'euros de plus pour la sécurité sociale.

1 % d'augmentation de la masse salariale, représente immédiatement 3 milliards d'euros de ressources supplémentaires.

Or, l'entêtement dans la logique d'exonération de charges sociales patronales (autour de 20 milliards d'euros annuels) et d'encouragement à la modération salariale par la mise en œuvre de la précarité économique et sociale, est contraire à l'intérêt de la population.

Les député-e-s du groupe CR demandent la suppression de ces exonérations ainsi que l'abandon de la course au moins-disant social.

Tout en étant parfaitement conscients de la nécessité d'une réforme, ils n'acceptent pas le mensonge récurrent sur la situation financière prétendument insurmontable de la Sécurité sociale, ni la stratégie de privatisation qui sous-tend les mesures proposées, y compris dans le présent rapport.

Ils estiment possible d'engager une politique volontariste et progressiste de réduction des déficits de la Sécurité sociale, et notamment de la branche maladie.

Pour ce faire, ils défendent une reforme structurelle de financement qui consiste à moduler la cotisation sociale des entreprises en fonction du rapport entre la masse salariale et la valeur ajoutée afin d'encourager les entreprises créatrices d'emplois de qualité et bien rémunérés.

Ils proposent également une reforme conjoncturelle de financement, à savoir la création d'une cotisation sociale additionnelle sur les produits financiers, exonérés, à l'heure actuelle, de toute contribution sociale. Avec 165 milliards d'euros en 2002, par exemple, cette mesure aurait pu rapporter 20 milliards d'euros à la Sécurité sociale.

Ces réformes, combinées à la suppression des exonérations de cotisations sociales, permettraient de faire rentrer chaque année des ressources largement suffisantes pour assurer le retour à l'équilibre, éponger progressivement le déficit cumulé de la Sécurité sociale et assurer la satisfaction de besoins de santé insuffisamment pris en charge.

Les député-e-s du groupe CR considèrent donc que les moyens existent pour préserver et développer notre système de sécurité sociale, en général, et le service public hospitalier, en particulier. Cependant, les utiliser suppose de faire des choix radicalement inverses à ceux qui sont imposés et dont la T2A est l'une des expressions les plus abouties.

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA MISSION

Présidents

Mme Paulette Guinchard

M. Pierre Morange

Membres

Mme Martine Carrillon-Couvreur

Mme Marie-Françoise Clergeau

M. Georges Colombier

M. Jean-Pierre Door

M. Pierre-Louis Fagniez

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Cécile Gallez

Mme Catherine Génisson

M. Gaëtan Gorce

M. Maxime Gremetz

Mme Muguette Jacquaint

M. Olivier Jardé

M. Jean-Marie Le Guen

M. Claude Leteurtre

M. Jean-Luc Préel

M. Jean-Marie Rolland

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Pages

9 mars 2006

10 heures

Mme Mireille Elbaum, directrice de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) au ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, et M. Philippe Cunéo, chef de service à la DREES............................................................................................................

107

11 heures

M. Jean Castex, directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) au ministère de la santé et des solidarités, Mme Martine Aoustin, directeur opérationnel de la Mission tarification à l'activité (MT2A) au ministère de la santé et des solidarités, et M. Patrick Olivier, sous-directeur chargé des affaires financières au pôle « Organisation des soins, établissements et financement » de la DHOS.........................................

114

16 mars 2006

9 h 30

MM. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale (DSS) au ministère de la santé et des solidarités et Jean-Philippe Vinquant, sous-directeur du financement du système de soins à la DSS, et Mme Sonia Beurier, chef du bureau établissements de santé et médico-sociaux à la DSS...............................................................................................................

121

11 heures

MM. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et Jean-Marc Aubert, directeur délégué à la gestion et à l'organisation des soins de la CNAMTS.................

132

30 mars 2006

9 h 30

M. Pierre-Louis Bras, inspecteur général des affaires sociales.................

140

10 h 30

Mme Marguerite Bérard, et MM. Gilles Clavreul et Guillaume Sarlat, inspecteurs des finances, M. François Mercereau, inspecteur général des affaires sociales, et M. Gautier Maigne, inspecteur des affaires sociales........

147

11 h 30

Mme Claude-Anne Doussot-Laynaud, directrice des finances et du contrôle de gestion du Centre hospitalier de Saint-Malo, M. Serge Bernard, directeur du Centre hospitalier de la région annecienne, et M. Michel Perrot, directeur du Centre hospitalier d'Auxerre.............................................

153

6 avril 2006

9 h 30

M. Philippe Ritter, directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de l'Île-de-France, et M. Michel Ballereau, directeur de l'ARH de Bourgogne..................................................................................

161

10 h 30

M. Paul Castel, président de la Conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers régionaux et universitaires, M. Jean-Pierre Dewitte, vice-président de la conférence et président de la commission des affaires financières, M. Angel Piquemal, président de la Conférence nationale des directeurs de centre hospitalier, M. Jean Schmid, référent du bureau de la CNDCH pour la commission financement........................................................

167

11 h 30

Mme Rose-Marie Van Lerberghe, directrice générale de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et M. David Schajer, directeur-adjoint chargé des finances à la direction économique et financière de l'AP-HP.........

173

4 mai 2006

M. le Professeur Laurent Degos, président de la Haute autorité de santé (HAS), et M. Alain Coulomb, directeur de la HAS.................................

180

10 h 30

M. Yves Humez, directeur général de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), M. le Professeur Dominique Bertrand, médecin national à la CCMSA, et M. Jacques Portier, directeur de la santé à la CCMSA..............................................................................................................

187

11 h 30

M. Dominique Maigne, délégué général de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLDD), Mme Delphine Caron, responsable du secteur « Stratégie et gestion hospitalière » de la Fédération, M. le professeur Jean-Claude Horiot, directeur du Centre de lutte contre le cancer Georges-François Leclerc de Dijon et M. Gilbert Leroux, secrétaire général......................................................................................

192

18 mai 2006

9 h 30

M. Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF), M. Yves Gaubert, responsable  des  budgets-finances à la FHF, et M. le docteur Bernard Garrigues....................................................

200

10 h 30

M. le docteur Roger Ken Danis, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP)...........................................................

210

11 h 30

M. Jean-Yves Dupuis, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (FEHAP), et M. Jérôme Antonini, directeur du secteur sanitaire de la FEHAP..............................

214

31 mai 2006

9 heures

M. Olivier Toma, président du Syndicat des cliniques spécialisées (SCS)....

220

10 heures

Mme Isabelle Millet-Caurier, chargée des missions d'appui et de coordination, responsable de la cellule politique sanitaire et sociale à la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), M. Mathieu Cousineau, responsable du département information de santé et analyse de santé à la direction des garanties mutualistes et de l'assurance santé de la FNMF, et Mme Jacqueline Hubert, directrice de la clinique mutualiste Jules Verne à Nantes...........................................................................

229

1er juin 2006

9 heures

M. Michel Cretin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Christian Cardon, président de la 3e section de la sixième chambre, et Mme Anny Golfouse-Buet, rapporteure à la sixième chambre....................

239

10 h 30

Mme Maryse Chodorge, directrice de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH).............................................................

250

11 h 30

M. Jean Castex, directeur de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) au ministère de la santé et des solidarités, M. Patrick Olivier, sous-directeur chargé des affaires financières au pôle « organisation des soins, établissements et financement » de la DHOS, M. Jean Pinson, adjoint au directeur opérationnel de la MissionT2A au ministère de la santé et des solidarités, et M. Roland Cash, responsable scientifique de la Mission T2A.........................................................

256

15 juin 2006

9 heures

M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAM) et M. Pierre-Jean Lancry, secrétaire général du HCAAM................................................................................

262

10 h 30

Mme Élisabeth Beau, directrice de la Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH)............................................................

271

11 h 30

Mme Odile Corbin, directeur général du Syndicat national de l'industrie des technologies médicales (SNITEM)................................................

277

28 juin 2006

16 heures

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.....................

283

17 h 30

M. François Carayon, sous-directeur de la 6° sous-direction du budget au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et Mme Florence Gérard-Chalet, directrice d'hôpital, en poste au bureau des comptes sociaux et de santé à la sixième sous-direction du budget.......................................

291

ANNEXE 3 : COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

AUDITIONS DU 9 MARS 2006

Audition de Mme Mireille Elbaum, directrice de la recherche, des études,
de l'évaluation et des statistiques (DREES) au ministère de l'emploi,
de la cohésion sociale et du logement et de M. Philippe Cunéo, chef de service
à la DREES

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir, pour cette première audition consacrée à la tarification à l'activité, Mme Mireille Elbaum, directrice de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, ainsi que M. Philippe Cuneo, chef de service à la DREES. Je leur souhaite la bienvenue, ainsi qu'à Mme Anny Golfouse-Buet, rapporteure à la 6e chambre de la Cour des comptes, qui participera aux travaux de la MECSS consacrés à la tarification à l'activité.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La tarification à l'activité (T2A) est une réforme à la fois ambitieuse et complexe. Pouvez-vous nous présenter le modèle économique qui la sous-tend et nous expliquer le rôle joué par la DREES dans sa conception, sa mise en œuvre, son suivi et son évaluation ?

Mme Mireille Elbaum : Un point très important est que notre système hospitalier a fait l'objet, indépendamment de la mise en œuvre de la T2A et avant même celle-ci, d'évolutions profondes, qui correspondent à des tendances de fond, notamment dans le secteur privé : diminution du nombre d'établissements, diminution continue du nombre de lits, diminution de l'hospitalisation à temps plein, vive progression des alternatives à l'hospitalisation et de l'hospitalisation à temps partiel. Ces évolutions conduisent à une spécialisation très forte des établissements hospitaliers, notamment dans la prise en charge, tant en fonction des clientèles - les nourrissons et les personnes âgées sont surtout pris en charge par le secteur public - que des disciplines - les deux tiers des actes de médecine se font dans le public, les deux tiers des actes de chirurgie dans le privé. On observe même une spécialisation très fine par type de prise en charge et par pathologie, le privé réalisant une forte proportion des examens et des interventions programmées. Il est très important d'avoir en tête ces tendances de fond quand on étudie la tarification à l'activité, et de se demander si celle-ci est de nature à les amplifier encore.

Les critiques que l'on pouvait adresser à la dotation globale sont bien connues, la principale étant qu'elle tendait à consacrer des situations acquises - voire, dans certains cas, des « rentes » de situation - et prenait insuffisamment en compte le dynamisme des établissements. Elle avait en revanche l'avantage de constituer, dans le secteur public, un couvercle budgétaire efficace, freinant l'évolution des dépenses hospitalières et incitant donc à la restructuration des lits. Dans le secteur privé, cependant, il était impossible de continuer ainsi, car le financement des soins était lié à un ensemble de forfaits : une appendicectomie faisait ainsi intervenir six forfaits, 29 prestations différentes, d'où une extrême complexité et des effets pervers.

Pourquoi a-t-on instauré la tarification à l'activité - qui s'est d'abord appelée, d'ailleurs, tarification à la pathologie ? Elle repose sur des analyses économiques - et je vous renvoie, à ce propos, à l'article de Dominique Henriet, auquel a contribué Philippe Cuneo, ici présent, à partir d'un colloque que la DREES avait organisé. Nous sommes, comme souvent dans le domaine de la santé, en situation d'incertitude économique. Le régulateur manque d'informations : il ne sait pas si les prix correspondent à un effort réel de productivité. Le nouveau système est un système de paiements forfaitaires prospectifs, dans lequel la rémunération est censée être indépendante du coût individuel observé, d'où une incitation à rechercher des gains d'efficacité et de productivité, d'où aussi une concurrence par comparaison, qui permet au régulateur de confronter les coûts des établissements entre eux.

Toute la difficulté est de fixer les tarifs et les prix. Le système est efficace quand on raisonne en termes de séjours ou de segments de soins homogènes, sur lesquels l'établissement peut intervenir. Mais quand il s'agit d'une variable d'environnement dont il n'est pas maître, des prix trop bas peuvent conduire à des effets pervers importants, d'où des discussions sur les différentes obligations, les forfaits, les variables régionales. Dans le public, les dépenses de personnel constituent les deux tiers des charges. Peut-on considérer, compte tenu des règles - notamment d'affectation - de la fonction publique hospitalière, que les établissements sont maîtres de cette variable ?

L'avantage essentiel du système, au vu de l'expérience des pays qui l'ont adopté, les États-Unis en particulier, est de révéler un effort qui serait inobservable autrement, et de provoquer une accélération des gains - à condition toutefois que l'ensemble des acteurs de l'établissement aient bien perçu l'enjeu, et que l'établissement lui-même trouve intérêt à ces gains. Mais il y a aussi des effets pervers, sur lesquels l'évaluation doit également porter. Le premier est le risque de sélection des patients : un établissement pourrait avoir intérêt à accueillir les patients les moins atteints, voire à multiplier les soins pour ceux-ci et à les diminuer pour les plus atteints. Il y a également un risque de sur-classement et de dérive du codage, de fragmentation des séjours, ainsi que d'« exportation » des patients vers la médecine de ville ou vers l'hospitalisation de longue durée, qui ne sont pas soumises à la T2A. Se pose aussi le vaste problème de la qualité des soins et de la diffusion de l'innovation. Ce sont autant de clignotants que l'on doit surveiller.

Les pays qui sont allés le plus loin dans la tarification à l'activité sont les États-Unis et la Suède - où elle est maximale dans le comté de Stockholm, mais où il y a tout de même une certaine modulation, à la fois régionale et selon le coût des soins. La tarification n'est donc jamais totalement pure, elle est toujours mixte à des degrés divers. Là où on est allé le plus loin, on peut observer un effet de « marches d'escalier » sur l'activité, avec un retour aux tendances antérieures. Quant aux effets sur la qualité des soins, ils ne sont jamais très perceptibles dans les études internationales.

Un paradoxe est que les objectifs, selon les pays, sont extrêmement différents, voire opposés. Dans certains pays, comme les pays scandinaves ou au Royaume-Uni, l'idée est de développer l'activité, afin d'éviter les listes d'attente dans les hôpitaux, et de redynamiser les établissements en collant à la demande. En Belgique ou en Allemagne, inversement, il s'agissait surtout de maîtriser les coûts. En France, le débat reste ouvert...

Il faut aussi tenir compte du contexte institutionnel. Le rôle et l'identité du régulateur sont très variables selon les pays. Dans certains, le régulateur est un véritable acheteur de soins : c'est le cas au Royaume-Uni, avec les Primary Care Trusts, pour lesquels la tarification à l'activité est un instrument de comparaison. C'est aussi le cas des agences régionales dans les pays scandinaves. En France, où ce rôle est partagé entre l'assurance maladie et les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), on compte en fait sur le système pour fonctionner tout seul.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous un observatoire pour les comparaisons avec l'étranger ?

Mme Mireille Elbaum : Nous n'avons pas d'observatoire, mais nous avons les moyens de suivre ce qui se passe. Nous avons organisé un colloque il y a quelque temps, et la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) a fait un encadré plus technique. Dans les pays dont le système est proche du nôtre, le degré d'avancement est à peu près le même qu'en France : 20 à 30 %, avec des échéances reportées à 2009-2010.

En Scandinavie même, il y a des différences entre pays : la Suède a été très loin, mais sur une base régionalisée ; en Norvège, c'est moitié-moitié ; au Danemark, la tarification à l'activité représente moins de 10 % des budgets. Or, les performances des trois systèmes hospitaliers sont très voisines, ce qui fait réfléchir. Il y a des tendances lourdes à la restructuration, à la productivité, et en tout état de cause la tarification est un élément parmi d'autres.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je crois savoir qu'il y a tout de même un peu moins de listes d'attente au Danemark ?

Mme Mireille Elbaum : Oui.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Et aux États-Unis ?

Mme Mireille Elbaum : Je n'ai pas de fiches actualisées, mais je pourrai vous en fournir. Il est intéressant de noter que, dans le système américain, le nombre des DRG - Diagnosis Related Groups, c'est-à-dire l'équivalent de nos GHM, les groupes homogènes de malades - est très stable. On risque d'évoluer, à mesure qu'on affine le système, vers une tarification à l'acte, qui ferait gagner en précision mais perdre en incitation. Les études américaines s'intéressent à l'effet d'« exportation » des patients hors du système hospitalier, effet qu'il ne faut pas négliger, car nous sommes dans une tendance où le séjour à l'hôpital, de plus en plus bref, devient un élément parmi d'autres d'une filière de soins, elle-même de plus en plus longue. Se pose donc, de plus en plus, le problème du pourtour.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous avez dit, à propos des pays scandinaves, que les résultats sont similaires quel que soit le système de tarification retenu. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Mme Mireille Elbaum : Il faudrait y regarder d'un peu plus près, mais les indicateurs du système hospitalier danois ont évolué parallèlement à ceux du système suédois, malgré l'absence de tarification à l'activité.

M. Pierre Morange, coprésident : Mais les comparaisons portent sur des segments, par sur des filières.

Mme Mireille Elbaum : Personne, que je sache, n'a fait de comparaisons portant sur des filières - sauf peut-être aux États-Unis pour certains aspects du HMO (Health maintenance organisation), mais je n'en suis pas sûre.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous nous avez dit que même en Suède, à l'exception du comté de Stockholm, on est encore, du fait de la progressivité de la mise en place, au milieu du gué. Décèle-t-on ici ou là une tentation de revenir en arrière ?

Mme Mireille Elbaum : Le système britannique se trouve aussi au milieu du gué, le passage est prévu en 2005-2006, ils veulent passer de trois types de contrat à un contrat unique.

M. Pierre Morange, coprésident : Quelle est la durée moyenne du passage à la tarification à l'activité ?

Mme Mireille Elbaum : Elle est généralement prévue sur cinq ans, mais finit par s'étendre sur une durée pouvant atteindre une dizaine d'années. L'Allemagne a commencé en 2003 sur une base volontaire, avec une extension Land par Land jusqu'en 2008 - mais aussi avec des reports.

M. Philippe Cuneo : C'est moins vrai aux États-Unis, mais la mise en place s'est faite dans le cadre du système Medicare, où la tarification à l'activité ne représente qu'une fraction des ressources des établissements.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Peut-être la complexité de la mise en place explique-t-elle que les délais ne puissent être tenus.

Mme Mireille Elbaum : En gros, ça ne marche que si les établissements connaissent leurs coûts. C'est donc, d'abord, une incitation à connaître ses coûts.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous y reviendrons, mais auparavant je voudrais que vous nous parliez du rôle joué par la DREES dans la mise en œuvre de la réforme.

Mme Mireille Elbaum : Nous n'avons pas fait de simulations nous-mêmes : c'est l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation, l'ATIH, qui les a faites. Nous avons contribué à éclairer les autorités et nos collègues sur l'analyse économique et sur les comparaisons internationales. Nous avons fourni les statistiques de base sur le système hospitalier et sur son évolution afin d'éclairer certains points, notamment la spécialisation des établissements de santé, la variabilité du point ISA - l'indice synthétique d'activité -, la typologie des établissements dans leur environnement - pour voir, notamment, si les catégories juridiques sont pertinentes -, la situation économique et financière des cliniques privées - étude que nous sommes sur le point d'étendre à l'hôpital public - et la comparaison - toutes choses égales par ailleurs - des rémunérations entre le public et le privé. Nous avons fait des études préalables sur tous ces points, et mis en évidence à la fois de grandes régularités et des disparités entre établissements.

Parallèlement, notre rôle est essentiel au moment de l'évaluation. Un comité d'évaluation, présidé par le directeur général de la Haute Autorité de santé, a été créé par l'arrêté du 25 mai 2004. Nous avons publié un projet de cahier des charges, qui figure dans le dossier que nous vous avons fait parvenir. Cinq groupes de travail se mettent en place, avec trois grandes rubriques : l'impact sur l'activité et l'offre de soins ; l'efficacité économique de la réforme ; l'équité du système et la qualité des soins.

Il reste à alimenter ces groupes de travail, en réalisant une série d'études sur les indicateurs économiques et financiers, sur les indicateurs de productivité, sur la dérive du codage, sur la performance et la qualité des soins, ainsi qu'une vingtaine de monographies d'établissement permettant de suivre leur réorganisation interne, des monographies régionales sur l'articulation - peu claire du point de vue de la théorie économique - entre tarification et planification, et des études de modélisation. Nous nous efforçons enfin de répondre aux études de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la convergence tarifaire public-privé, sur les salaires et sur la précarité.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quand aurez-vous les premiers résultats ?

Mme Mireille Elbaum : La tarification à l'activité commence à peine à se mettre en place : nous serons à 35 % cette année, et nous étions à 10 % seulement en 2004. J'espère que nous allons bientôt pouvoir publier, mais il ne faut pas non plus évaluer trop tôt, car on attend de la réforme qu'elle rétroagisse sur les comportements des acteurs, et que ceux-ci l'intègrent et se l'approprient. Les premiers résultats seront disponibles à l'horizon 2007-2008, mais je dirais que c'est presque prématuré. Je comprends que l'on soit pressé de mesurer les effets de la réforme, mais il y a aussi des effets structurels : le dépassement de l'ONDAM hospitalier la première année, par exemple, n'était pas lié à la T2A.

M. Pierre Morange, coprésident : J'ai bien compris qu'un temps de latence est nécessaire, mais ne peut-on, au vu des expériences étrangères, déjà tirer des conclusions sur les incidences budgétaires et sur les capacités d'accueil ?

Vous avez dit, par ailleurs, que tout était lié à la connaissance des coûts. Or, il n'y a guère d'interopérabilité informatique entre les établissements : on en est aux balbutiements.

Mme Mireille Elbaum : S'agissant des expériences étrangères, j'ai un peu résumé le processus. Il y a des efforts d'efficacité, de modernisation, mais aussi un net accroissement de l'activité dans les premières années, suivi dans un deuxième temps d'une « exportation » hors de l'hôpital, comme le montre l'exemple des États-Unis. Mais les contextes sont très différents selon que l'objectif recherché est d'accroître l'activité ou de réduire les coûts.

M. Pierre Morange, coprésident : Mais, au-delà, peut-on observer l'esquisse d'une réduction, d'une maîtrise, d'une rationalisation des coûts ?

Mme Mireille Elbaum : Nous avons des évaluations disponibles pour Medicare.

M. Pierre Morange, coprésident : Et pour des systèmes plus proches du nôtre ?

Mme Mireille Elbaum : Non, parce qu'on est partout au milieu du gué - sauf peut-être en Belgique, sous réserve de vérifications.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous avez dit que le dépassement de l'ONDAM hospitalier n'était pas lié à la nouvelle tarification. À quoi est-il dû, selon vous ?

Mme Mireille Elbaum : Au fait que la dotation globale n'a pas suffi à financer l'activité des établissements. D'un autre côté, un effet potentiel de la T2A, ainsi que la mission IGF-IGAS sur le pilotage des dépenses hospitalières l'a d'ailleurs souligné, est de dynamiser et d'accroître l'activité des établissements qui sont déjà les plus dynamiques - sauf recalage prix-volume en début d'année, conduisant à baisser les tarifs. Cela laisse entier le problème des « perdants ».

Les études nationales sur les coûts portent sur une cinquantaine d'établissements publics seulement. Tous les établissements, en effet, ne disposent pas d'une comptabilité analytique qui leur permettrait de connaître leurs coûts, notamment fixes, et de savoir ce sur quoi ils ont réellement prise. Et dans le privé, il n'y a pas d'étude nationale des coûts, puisque les tarifs sont fixés à partir du prix de journée antérieur et non des coûts. La DHOS, dont vous entendrez le directeur tout à l'heure, est en train de lancer une étude, dont le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie était très demandeur.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous évoquiez le rôle de la DREES dans l'évaluation de la T2A. Quels sont vos liens avec la DHOS, et notamment avec la Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH) ?

Mme Mireille Elbaum : C'est très simple : nous intervenons en amont, eux en aval, mais nous avons entre nous une coopération de tous les instants. Nous assumons ensemble le secrétariat de la commission d'évaluation, en nous répartissant les études, sachant que la DREES n'intervient pas dans le suivi de la mise en œuvre. L'articulation n'est pas toujours parfaite, notamment par manque de moyens, mais nous avons plutôt bien fonctionné.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je voudrais revenir sur le système de collecte des données.

Mme Mireille Elbaum : Sur l'ATIH et sur le programme de médicalisation des systèmes d'information, le PMSI, vous serez davantage éclairés par le directeur de la DHOS.

M. Pierre Morange, coprésident : Si le rapporteur en est d'accord, nous demanderons à vous réentendre, car je crains que nous n'ayons pas le temps d'approfondir tous les sujets ce matin.

Mme Mireille Elbaum : Nous avons essayé d'harmoniser les outils en ce qui concerne la description d'activité. Nous avons revu notre enquête statistique annuelle des établissements (SAE) pour ne pas doublonner avec le PMSI et pour mettre l'accent, au contraire, sur les personnels, les moyens, l'organisation des établissements. Nous faisons nos statistiques d'activité à partir du PMSI. Pour la tarification elle-même, ce sont le PMSI et l'ATIH qui recueillent les données.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Et pour la normalisation des données médicales et financières que vous recueillez, le résultat est-il satisfaisant ?

Mme Mireille Elbaum : Pour les données financières, les choses progressent, mais nous avons un peu de mal à rapprocher les notions entre le public et le privé, en raison d'une nomenclature comptable différente. Nous avons aussi commencé un travail sur l'investissement. Nous avons un problème pour les établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH). Pour le PMSI, nous en sommes à la version 10 de la classification GHM, avec environ 780 groupes. La difficulté est de savoir jusqu'où aller dans l'affinement des tarifs, qui est judicieux d'un certain point de vue, mais qui peut poser un problème de stabilité.

M. Pierre Morange, coprésident : Quels sont les critères de sélection des 52 établissements qui composent l'échantillon d'analyse des coûts ?

Mme Mireille Elbaum : Le volontariat et l'existence d'une comptabilité analytique.

M. Pierre Morange, coprésident : Et l'existence de systèmes informatiques opérationnels ?

Mme Mireille Elbaum : C'est moins cet aspect qui a compté que, tout simplement, l'existence d'une comptabilité analytique elle-même.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je voudrais encore revenir sur la mise en place de la T2A. Avez-vous le sentiment que les données produites par le PMSI sont suffisantes ? Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a émis des critiques à ce sujet.

Mme Mireille Elbaum : Ces données permettent de suivre l'activité des établissements et leur spécialisation. Elles sont également très intéressantes en matière de santé publique, bien plus que les enquêtes de morbidité hospitalière. Par contre, elles sont moins parlantes quant à la performance et à la qualité des soins, puisque certains indicateurs sont, par nature, des approximations : certes, le nombre de césariennes ou d'appendicectomies est éclairant, mais il ne s'agit pas d'indicateurs de qualité des soins à proprement parler. Il en existe, comme par exemple le temps d'attente aux urgences, mais, par définition, ils ne sont pas dans le PMSI, puisque celui-ci repose sur des échantillons de séjours. Ces nouveaux indicateurs requièrent des systèmes d'information spécifiques, et on ne peut pas reprocher au PMSI de ne pas les inclure. Il faut aussi disposer de certains indicateurs sur l'environnement, notamment familial et social - la précarité, ou l'isolement, qui joue sur la durée des séjours, naturellement -, indicateurs qui n'ont pas leur place non plus dans le PMSI.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous, sinon une explication, du moins un sentiment sur les écarts de coûts entre public et privé ?

Mme Mireille Elbaum : Nous avons une bonne connaissance de l'écart des salaires, à la fois nets et horaires, selon la qualification, mais non pas du coût complet du travail, de la masse salariale. Des études sont en cours sur l'impact de l'environnement, mais qui ne sont encore que de premières estimations. Il est évident, et divers rapports l'ont d'ailleurs dit, qu'on mesure relativement mal les charges liées à l'obligation de permanence des soins, à celle de dispensation des premiers secours, ou encore aux activités d'enseignement et de recherche - lesquelles représentent un coût pour les centres hospitalo-universitaires (CHU), mais ce coût a pour contrepartie le fait que les internes assurent des soins et des gardes. Tout cela mériterait une comptabilité analytique.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pensez-vous que le rythme de mise en place de la T2A soit trop rapide ou, au contraire, trop lent ?

Mme Mireille Elbaum : Je ne pense pas qu'il soit trop lent.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Y a-t-il un risque inflationniste ? Avez-vous des exemples de surcroît d'activité lié à la T2A ?

Mme Mireille Elbaum : On observe une petite reprise, mais d'une part je n'ai comme base que les chiffres de 2004, et d'autre part la T2A ne joue pas encore à plein, puisqu'on rajuste les tarifs chaque année pour « coller » à l'ONDAM hospitalier. Après, tout dépendra de la façon dont les tarifs seront régulés, et de la crédibilité de cette régulation.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous des retours sur la situation budgétaire des petits hôpitaux ?

Mme Mireille Elbaum : Non. S'il en existe, c'est la DHOS qui en est destinataire.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous vous remercions et, comme je vous l'ai dit, il faudra que nous vous réentendions, car nous aurions encore beaucoup de questions à vous poser.

*

Audition de M. Jean Castex, directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) au ministère de la santé et des solidarités, de Mme Martine Aoustin, directeur opérationnel de la Mission tarification à l'activité (MT2A) au ministère de la santé et des solidarités, et de M. Patrick Olivier, sous-directeur chargé des affaires financières au pôle « Organisation des soins, établissements et financement » de la DHOS

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Jean Castex, directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins au ministère de la santé et des solidarités, Mme Martine Aoustin, directeur opérationnel de la Mission tarification à l'activité au ministère de la santé et des solidarités, et M. Patrick Olivier, sous-directeur chargé des affaires financières au pôle « organisation des soins, établissements et financement » de la DHOS, auxquels je souhaite la bienvenue.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous souhaitons vous entendre exposer les objectifs de la tarification à l'activité et les avantages que vous en attendez.

M. Jean Castex : La très lourde réforme du financement des établissements de santé tend à passer du financement forfaitaire de l'activité hospitalière à un financement davantage fondé sur cette activité. Elle suscite, par son ampleur et par la difficulté de sa mise en œuvre, une attention légitime. Au prix de journée, qui incitait les établissements à garder les patients le plus longtemps possible, a succédé, pour éviter cet écueil, la dotation globale, rapidement apparue inadaptée à l'activité hospitalière. À la suite d'autres pays, nous sommes donc en train de basculer vers un financement à la pathologie mais le législateur, considérant que certaines missions n'entrent pas dans ce cadre, a voulu que la tarification à l'activité ne soit pas la seule modalité de financement des établissements. Nous allons donc vers une tarification à la pathologie qui, parce qu'elle est plus fine et plus précise, est beaucoup plus complexe que la tarification forfaitaire - et j'insiste sur ce qualificatif, car si ce mode de tarification était seulement compliqué, on pourrait le simplifier, mais sa complexité est inhérente au système - et avec cette tarification intrinsèquement complexe on va faire coexister d'autres types de financement. Autant dire que l'architecture globale ne sera pas simple.

Cela étant, si la tarification à l'activité est une réforme importante, elle a été préparée de longue date, puisqu'elle trouve sa genèse dans le programme de médicalisation des systèmes d'information, le PMSI, au début des années 1980. Cela permet au demeurant de mesurer le temps qui a été nécessaire pour que la réforme entre en application. Certes, dès la fin des années 1990, des projets importants avaient vu le jour, mais ils n'avaient pas abouti sur le plan politique. Toutefois, le plan Hôpital 2007 a été défini en 2003. On le voit, la réforme est davantage fondée sur la continuité que sur la rupture.

Aujourd'hui, beaucoup s'inquiètent des modalités de sa mise en oeuvre mais, même si des voix discordantes se font entendre, la communauté hospitalière dans son ensemble est favorable au principe. Alors que la tarification à l'activité suscitait critiques et réticences il y a quelques mois encore, on observe que, finalement, le monde de l'hospitalisation publique s'est déclaré favorable à l'accélération du rythme de son application. Je reçois ainsi régulièrement des demandes tendant à l'application de la réforme aux soins de suite et de réadaptation (SSR) et j'ai même été le destinataire d'un courrier de la Fédération des hôpitaux locaux demandant que soit étudiée l'extension de la tarification à l'activité à ce secteur. Il faut donc relativiser certains commentaires.

Il s'agit d'une réforme structurante, dont l'objectif est la modernisation de notre système hospitalier. Nous souhaitions depuis longtemps le développement de la comptabilité analytique dans les hôpitaux. Les instructions de la direction des hôpitaux à cet effet n'ont pas manqué, mais leur mise en œuvre a été inégale. Pour autant, les hôpitaux n'ont pas un grand retard, en cette matière, sur d'autres administrations publiques. Chacun sait qu'il ne suffit pas de dire ou d'affecter des crédits pour que les choses se fassent parfaitement. Cela vaut particulièrement pour une administration qui regroupe des entités aussi différentes que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et de multiples hôpitaux locaux de toutes tailles. Mais maintenant, avec la tarification à l'activité, il y a un intérêt à agir car les médecins et tous les acteurs de l'hôpital, désormais obligés de s'intéresser aux recettes et de les mettre en regard avec les coûts, ressentiront de plus en plus la nécessité de disposer d'indicateurs performants. J'ai entrepris une tournée des centres hospitalo-universitaires (CHU) pour voir comment se met en place la nouvelle gouvernance, puisque la réforme de la tarification s'inscrit dans une réforme plus vaste. J'ai été frappé de constater que lorsque la tarification à l'activité monte en puissance, les établissements font état de grands problèmes d'adaptation des systèmes d'information, et demandent de l'aide. Aura-t-on les moyens nécessaires ? C'est un autre débat. Mais l'on voit qu'une comptabilité analytique performante s'installe bien plus vite grâce à ce nouveau schéma que par décrets ou objurgations.

Je souhaite appeler l'attention de votre mission sur le nombre et l'ampleur des réformes qui s'abattent sur l'hôpital. Outre la tarification à l'activité, il y a le plan Hôpital 2007 en ses trois volets - relance considérable de l'investissement, allocation des ressources et gouvernance, tous évidemment liés. Alors qu'en 2002 le flux d'investissement à l'hôpital était de 2,5 milliards, il est passé à quelque 5 milliards en 2005 et, en 2006, il sera légèrement supérieur encore. En ce domaine, le terme d'«accélération » est faible. Ce volet du plan a une importance capitale car c'est un acte de foi en l'avenir, d'autant que les travaux ne se limitent pas à la réfection des peintures ou à la mise aux normes mais donnent l'occasion de réfléchir à l'organisation des établissements.

Mais les réformes en cours ne se limitent pas à cela. Il faut mentionner aussi l'élaboration des schémas régionaux de l'organisation sanitaire de troisième génération, dits « SROS 3 », ainsi que tout ce qui a trait à la qualité, l'évaluation des pratiques professionnelles des médecins, le volet de la loi de 2004 relatif au parcours de soins et au dossier médical partagé, et la participation de l'hôpital public au redressement des comptes de l'assurance maladie.

C'est beaucoup. Si l'on veut que ces réformes aboutissent, il faut assumer le fait qu'elles prendront un peu de temps. Vouloir en engranger les fruits immédiatement, c'est dire qu'on ne veut pas la réforme. Il peut y avoir, au début, quelques effets pervers, et quelques difficultés qu'il faudra régler une par une, sereinement, mais qui ne doivent pas détourner de l'objectif visé, qu'il est indispensable d'atteindre pour faire face au défi que pose une population vieillissante qui restera chez elle mais sera amenée à faire des séjours récurrents à l'hôpital.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est, selon vous, le rythme idéal d'application de la tarification à l'activité ? La proportion de 35 % prévue pour 2006 sera-t-elle atteinte ?

M. Jean Castex : Le sur-mesure est compliqué, et faire simple ne donne pas toujours de bons résultats. Il existe 800 tarifs différents à l'hôpital. Il arrive que l'on me dise que tel tarif, inadapté, doit être recalculé mais, dans le même temps, les gestionnaires, qui ont besoin de stabilité, se plaignent que le système bouge sans cesse. Actuellement, la tarification à l'activité ne concerne que le court séjour, ce qui représente 40 milliards d'euros, mais elle ne concerne pas l'ensemble des établissements.

Toutes les cliniques privées à but lucratif sont passées à la tarification à l'activité parce que leur mode de financement facilitait le basculement. Mais, là comme ailleurs, la réforme a fait apparaître des iniquités. Un travail de convergence intra-sectoriel entre cliniques bien dotées et cliniques mal dotées est donc nécessaire, selon un calendrier qui fait curieusement l'objet de divergences selon la situation respective des établissements considérés. Pour ce qui concerne les établissements de santé privés à but lucratif, le passage à la tarification à l'activité a donc eu lieu d'un coup en 2005 et, l'un dans l'autre, même si des problèmes techniques demeurent, même si certains tarifs doivent être revus à la hausse ou à la baisse, la réforme est faite dans ce secteur.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel premier bilan pouvez-vous tirer de l'application de la réforme ?

M. Jean Castex : Pour les établissements qui relevaient de la dotation globale, le choix politique a été fait d'un basculement progressif, à raison de 25 % en 2005 et de 35 % en 2006. Le ministre a annoncé 50 % pour 2007, avec certaines réserves, ainsi qu'une innovation, le passage à la tarification à l'activité à 100 %, dès 2006, pour l'hospitalisation à domicile. Le but recherché est d'obtenir la tarification la plus juste possible, ce qui renvoie à des coûts objectifs qu'il convient donc de mesurer, non sans avoir défini si l'on vise le coût moyen ou le coût le plus faible pour une activité donnée.

Mais, en s'éloignant sciemment de la structure de coût, on peut aussi déterminer les tarifs en fonction des politiques de santé publique. C'est ce que nous avons fait pour l'hospitalisation à domicile, et que nous comptons faire pour multiplier les alternatives à l'hospitalisation complète. C'est un champ d'intervention très intéressant mais techniquement très compliqué car il faut se garder des effets pervers. Cela nous oblige à une bonne articulation avec la planification et l'organisation de l'offre de soins sur l'ensemble du territoire. Comme vous le savez, l'objectif fixé par la loi est de parvenir à 100 % de tarification à l'activité en 2012. Mais, je le rappelle, il ne s'agit pas de 100 % du financement des établissements de santé, puisqu'une enveloppe séparée demeurera pour les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC).

M. Pierre Morange, coprésident : Il est indispensable de décloisonner le secteur sanitaire et le secteur médico-social pour rationaliser le dispositif d'ensemble et optimiser la qualité des soins. À cet égard, avez-vous une idée des capacités d'accueil qui pourraient être potentiellement réaffectées à la prise en charge de la dépendance ?

M. Jean Castex : Les SROS 3 vont être arrêtés sous peu. Ils réalloueront les moyens des services de court séjour. Étant donné le vieillissement de la population, il est vraisemblable qu'en de nombreux points du territoire la réallocation pourrait se faire au bénéfice des services de médecine, de psychiatrie, de soins de suite, et du long séjour sanitaire. La dépendance n'est pas autre chose que l'impact du vieillissement de la population sur nos systèmes médico-social et sanitaire. Il se peut donc que les SROS 3 fassent apparaître un fort impact sanitaire de la dépendance, dont rien n'autorise à dire qu'il pourra être financé par le redéploiement d'autres activités. L'augmentation inéluctable des besoins et donc des dépenses entraîne l'impérieuse nécessité d'optimiser l'offre de soins, soit dans sa distribution territoriale soit au sein des établissements de santé afin que chaque euro dépensé le soit au mieux. Les réformes en cours, dont la tarification à l'activité même si ce n'est pas son objectif premier, auront incontestablement cet effet, puisque tous les acteurs de l'hôpital devront s'interroger sur leur organisation et leur efficacité. Comme le mode de financement antérieur n'y incitait pas, certains le faisaient, mais la pratique n'était pas systématisée. À présent, il faut agir avec détermination, mais sans confondre vitesse et précipitation.

Il faut aussi se garder de généraliser. Il y a des problèmes, c'est vrai, mais il n'y a pas de corrélation directe, pour tous les établissements, entre un faible nombre de points ISA - indice synthétique d'activité - et un déficit ou un report de charges, ce qui signifie qu'il existe des possibilités d'amélioration de la gestion et de la prise en charge des patients. On en a eu un exemple lorsque le ministre a souhaité, par souci de transparence, que soit établi un classement des établissements en fonction du taux d'infections nosocomiales, car on a constaté des disparités qui avaient peu à voir avec l'allocation des moyens en personnel des établissements.

Cela étant, mieux vaudrait pouvoir passer à la tarification à la pathologie avec un peu d'aisance financière. Il se trouve en effet que l'on resserre l'ONDAM hospitalier car il faut améliorer les comptes de l'assurance maladie et que cette coïncidence peut favoriser l'amalgame selon lequel les problèmes tiendraient au nouveau mode de tarification.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Après deux ans d'application de la réforme, savez-vous qui sont les perdants et qui sont les gagnants ?

M. Jean Castex : La réforme a été conçue pour que le nombre de perdants et celui des gagnants s'équilibre. En 2005, les gagnants ont été plus nombreux que les perdants, ce qui s'explique pour partie par la revalorisation du point fonction publique. Pour le reste, on observe couramment que, au cours des premières années où un tel système se met en place, l'activité mesurée dans les établissements augmente fortement. Cela s'explique par le fait que l'activité a pu augmenter dans certains établissements devenus plus dynamiques, et parce que les besoins eux-mêmes ont augmenté. Mais c'est aussi, les premières années, l'effet du codage : les médecins mesurent leur activité puisque c'est à l'activité qu'on les paie. À cette occasion, certains peuvent se tromper, ce pourquoi nous allons augmenter les contrôles.

La tendance à l'augmentation de l'activité dans ce cadre n'est pas propre à la France, elle a été constatée dans tous les pays où la tarification à la pathologie a été introduite. Une fois le codage mis au point, la stabilisation se fait. Nous en avons tiré les conséquences pour 2006 en anticipant un volume d'activité supérieur à ce qui avait été initialement prévu, ce qui a conduit à la réduction de 1 % des tarifs. On touche là du doigt ce qui a pu faire critiquer la tarification à l'activité : elle a un effet restructurant qui la fait rejeter par ceux qui ne veulent pas de restructuration ; par ailleurs, étant donné le dépassement constaté en 2005, certains ont jugé le système inflationniste, alors que la tendance ne durera pas et que des mesures ont été prises pour que le dépassement ne se renouvelle pas en 2006. Non seulement les deux sujets sont déconnectés, mais le dépassement de l'ONDAM hospitalier, qui pourrait signifier une mauvaise gestion, se partage entre établissements privés et établissements publics. Il faut donc raison garder.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel a été le montant du dépassement en 2005 ?

M. Jean Castex : Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, le législateur a procédé à un rebasage de 625 millions d'euros. À l'époque de la dotation globale, les choses étaient très simples : le budget voté était délégué aux agences régionales de l'hospitalisation (ARH), qui déléguaient elles-mêmes les crédits aux établissements. On constatait certes quelques reports de charges, mais il s'agissait bien d'enveloppes fermées. Elles demeurent pour le moyen et pour le long séjour. Des progrès doivent être faits en matière de prévision, mais une partie de l'enveloppe budgétaire est désormais ouverte. Il nous revient de mettre en œuvre un mécanisme de régularisation tel que la réforme du mode de tarification ne contredise pas celle de l'assurance maladie.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quand connaîtra-t-on le montant total du dépassement constaté en 2005 ?

M. Jean Castex : Le secteur privé arrête ses comptes en juin ou en juillet, et la commission des comptes de la sécurité sociale sécurité sociale donnera son estimation en juin.

M. Pierre Morange, coprésident : Les reports de charge sont-ils appelés à perdurer ?

M. Jean Castex : Le report de charges, procédure insatisfaisante, résulte de ce que le budget des établissements de santé était nécessairement voté à l'équilibre. Nous avons modifié leur régime budgétaire et comptable, avec effet au 1er janvier 2006, ce qui leur donne un outil de gestion plus moderne. Désormais, les établissements publics de santé n'auront plus aucun intérêt à afficher des reports de charge, puisqu'ils seront autorisés à afficher un déficit. Mais on ne peut garantir que, dès l'exercice 2006, tous les établissements de santé du territoire se seront complètement approprié le nouvel outil qu'est l'état des prévisions de recettes et de dépenses, l'EPRD. De gros efforts de formation ont été faits à ce sujet au cours du deuxième semestre 2005, mais nous enregistrons encore de nombreuses demandes de précision. Nous considérons donc que le rythme de croisière sera atteint en 2007-2008. Nous savons que l'utilisation de cette nouvelle procédure comptable rendra les comparaisons avec le budget 2005 malaisées pour les élus qui siègent au conseil d'administration des établissements et qu'il y aura sans doute du tangage. De grâce, assumons-le, et admettons que tout ne sera pas parfait du premier coup.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous avez évoqué une certaine dérive dans le codage. Est-elle importante ? De quels moyens de contrôle disposez-vous ?

M. Jean Castex : Les moyens de contrôle ont un peu tardé à se mettre en place. Nous avions prévu, à l'origine, des contrôles « à blanc », effectués par des médecins-conseil de la CNAMTS. Nous tenions à ces contrôles pédagogiques, pour laisser aux acteurs le temps de s'habituer aux nouvelles procédures. Mais la confiance n'exclut pas le contrôle et, maintenant que la tarification à l'activité a démarré, nous allons très vite passer à la phase de sanction et de recouvrement des indus. Ces contrôles ont commencé, et ils feront l'objet d'un rapport. Ils sont indispensables car ils crédibilisent la réforme.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Est-on en mesure de faire des contrôles efficaces à l'échelon régional ?

M. Jean Castex : Rien ne me permet d'en douter.

M. Pierre Morange, coprésident : J'ai puissamment poussé à la mobilisation de l'ensemble des ressources humaines du contrôle médical, et plusieurs centaines de médecins contrôleurs jusqu'à présent occupés à d'autres fonctions vont revenir sur le terrain.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Madame Aoustin, pourriez-vous nous décrire la tâche de la mission « Tarification à l'activité » ?

Mme Martine Aoustin : La mission a été créée fin 2002. L'année 2003 a été consacrée au débat sur le modèle souhaitable, à la collecte des éléments nécessaires à sa définition et à des simulations. Fin 2003, nous avons proposé au Parlement les éléments législatifs permettant à la réforme d'entrer en vigueur le 1er janvier 2004. Si, contrairement à ce qui se pratique ailleurs, nous avons d'emblée choisi un modèle mixte, c'est parce que nous souhaitions respecter les spécificités des établissements, le secteur de l'hospitalisation privée étant très développé en France, et aussi parce que nous tenions à mettre en exergue le volet « enseignement et recherche » de l'activité hospitalière. Tous les travaux ont été menés en étroite concertation avec l'ensemble des acteurs, réunis tous les quinze jours au sein d'un comité de liaison. Un comité de suivi et de concertation a ensuite été installé, qui visait à ce que l'ensemble des professionnels soit régulièrement tenus informés de l'avancée des travaux. En 2004, la réflexion s'est poursuivie sur la réforme comptable, financière et tarifaire définitive du modèle, voué, on le sait, à entrer en vigueur progressivement. Les liens étroits établis avec les établissements dans la phase préparatoire perdurent.

En 2005, des raisons exclusivement techniques ont conduit à repousser au 1er mars la mise en œuvre de la réforme, calée avec le financement des missions d'intérêt général. Les huit cents tarifs sont entrés en vigueur, l'engagement étant pris d'une réforme de la classification en groupes homogènes de malades, ou GHM. Nous souhaitions de longue date faire évoluer la comptabilité analytique dans les établissements hospitaliers mais, comme l'a indiqué M. Jean Castex, nous n'y étions parvenus qu'avec un succès inégal. Il en allait de même pour la classification GHM. Or, alors que nous en étions à la version 9 de la classification lorsque la réforme est entrée en vigueur, l'intérêt à coder qu'elle a induit fait que nous en sommes à la version 10 et que nous sommes sollicités de passer à la version 11 pour favoriser une répartition plus équitable des financements en tenant compte des évolutions technologiques et médicales.

Au 1er mars 2006, le modèle est définitivement calé, sans avoir été modifié. Nous nous attachons cette année à analyser le contenu des champs financés, notamment les missions d'intérêt général, car les informations remontées des établissements font apparaître d'importantes disparités qui justifient un regard plus précis et un cadrage. Nous réfléchirons également au financement des missions d'enseignement et de recherche pour tirer vers le haut les enseignements les plus dynamiques, sur la base de grands indicateurs dont la faisabilité doit être assurée.

M. Jean Castex : Je précise qu'outre la mission « Tarification à l'activité » ont aussi été créées une mission « Appui à l'investissement hospitalier » et une mission « Expertise et audit hospitaliers », dite MEAH. Toutes jouent un rôle essentiel. C'est un enjeu institutionnel que ces missions, créées pour porter la réforme, soient pérennisées dans le cadre du plan « Hôpital 2012 ». Je saisis l'occasion pour souligner le remarquable travail accompli par Mme Aoustin.

M. Pierre Morange, coprésident : Je sais que des expérimentations ont été menées avec succès par la mission « Expertise et audit hospitaliers ». J'ai ainsi entendu dire qu'à l'hôpital Beaujon, à Paris, le temps d'attente au service des urgences a été réduit de quelque 40 %. Les bonnes pratiques doivent être généralisées. Selon quel calendrier cela se fera-t-il ? Une réforme n'a de valeur que si tous les acteurs se l'approprient.

M. Jean Castex : Nous savons opérer les restructurations à l'échelle d'un territoire ou d'un établissement de santé. Incidemment, nous avons su restructurer les maternités et, dans ce domaine, notre situation est meilleure que celle de nos voisins. En revanche, nous n'avons pas l'habitude de décomposer les activités. Ainsi, la MEAH a comparé vingt plateaux techniques de chirurgie et la comparaison a montré des résultats étonnamment disparates. La décomposition des procédés est un gisement d'enseignements. Cela vaut aussi pour les services d'urgence, et cette approche a donné des résultats spectaculaires. On s'est ainsi rendu compte qu'à nombre de patients et de professionnels égal, les choses diffèrent du tout au tout selon que les soignants voient la salle d'attente où qu'ils ne la voient pas. Ce sont donc des questions d'organisation, et la manière dont les malades sont accueillis participe de la qualité de la prise en charge.

Les hôpitaux doivent se faire aider par des professionnels, mais les cabinets d'audit n'ont pas toujours eu bonne réputation dans le secteur, si bien qu'ils ne l'ont pas investi. La MEAH a réuni des panels d'établissements volontaires. En 2006, nous entrons dans la phase de généralisation, et de 40 à 60 services seront concernés, toujours sur la base du volontariat, mais nous avons demandé aux ARH de susciter le volontariat des services qui sont le plus en difficulté. Nous avons aussi mis au point des missions d'appui qui jouent un rôle majeur d'accompagnement des services en difficulté. Des équipes constituées de professionnels hospitaliers se rendent sur place pour expliquer à leurs collègues comment, avec le même budget et pour la même activité, on peut obtenir des résultats très différents. De cet audit partagé ressort un plan d'action. Enfin, nous avons mis au point des outils d'autodiagnostic qui visent, par une sorte d'introspection, à la décomposition des processus.

Tout cela se fait en partenariat avec l'ensemble des acteurs de l'hôpital. Les établissements de santé sont des organisations parmi les plus complexes qui soient, car on y constate un entrecroisement de pouvoirs à nul autre pareil. Il faut donc permettre l'émergence de l'intérêt à agir pour tous les acteurs, ce qui suppose un dispositif d'accompagnement où chacun puisse se retrouver et agir avec détermination. Ce n'est pas simple.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : L'horaire nous empêche de vous interroger plus avant. Nous vous réentendrons donc, car la liste de nos questions n'est pas épuisée.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie.

AUDITIONS DU 16 MARS 2006

Audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale (DSS)
au ministère de la santé et des solidarités,
accompagné de M. Jean-Philippe Vinquant, sous-directeur
du financement du système de soins à la DSS, et de Mme Sonia Beurier,
chef du bureau établissements de santé et médico-sociaux à la DSS

M. Pierre Morange, coprésident : Nous recevons ce matin M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé et des solidarités, accompagné de M. Jean-Philippe Vinquant, sous-directeur du financement du système de soins à la DSS, et de Mme Sonia Beurier, chef du bureau établissements de santé et médico-sociaux à la DSS. Madame, Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Notre rapporteur va vous poser ses premières questions sur ce sujet éminemment stratégique qu'est la tarification à l'activité.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous avons commencé nos auditions sur ce thème la semaine dernière, et nous en sommes donc encore à planter le décor. Je propose que vous nous exposiez la façon dont la T2A s'est mise en place, quels sont ses objectifs, quel rôle a joué la DSS, et que vous nous disiez quelques mots sur les exemples étrangers, dont les représentants de la DREES nous ont également parlé la semaine dernière. Nous souhaitons en particulier que vous nous expliquiez la mise en œuvre de l'expérimentation, les données recueillies pendant la phase expérimentale, les perspectives quant au taux d'application de la nouvelle tarification, le système d'information et de contrôle, ainsi que vos propositions pour développer les bonnes pratiques hospitalières, notamment en matière d'achat de médicaments et de matériels.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous sommes aussi, bien entendu, intéressés de savoir ce que la DSS attend de l'application de la T2A.

M. Dominique Libault : Le passage à la T2A, comme vous le savez, a été décidé par M. Jean-François Mattéi dès son arrivée au ministère en 2002. Nous y avons été associés, mais c'est la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, la DHOS, qui est en charge des hôpitaux. Notre rôle est d'assurer l'adéquation entre la réforme et l'objectif au respect duquel nous devons veiller, c'est-à-dire l'Objectif national de dépenses de l'assurance maladie, l'ONDAM, auquel le Parlement, toutes tendances confondues, est particulièrement attentif. Notre angle d'approche ne couvre donc pas forcément la totalité de la T2A.

La T2A, en tant que telle, a d'abord pour objet d'assurer une plus grande équité dans l'affectation des ressources. Le système de dotation globale de financement figeait la répartition entre établissements, indépendamment de leur niveau de développement. La T2A vise également à responsabiliser les acteurs, et les incite à s'adapter, s'agissant notamment des établissements réputés plus coûteux que la moyenne.

La T2A peut-elle servir aussi à la maîtrise des dépenses ? Oui, par la recherche de l'efficience. Pour autant, elle pose en termes nouveaux la question de la cohérence par rapport à l'objectif voté par le Parlement et celle de la maîtrise de l'objectif. Ce qui est nouveau, c'est que la dépense finale de l'hôpital dépend du tarif de chaque acte et de l'activité. De ce fait, la T2A introduit une incertitude qui n'existait pas auparavant dans le respect de l'ONDAM hospitalier, à savoir l'activité. Les tarifs, on les connaît, mais la construction de l'ONDAM hospitalier se fait à partir de l'activité anticipée ; si l'activité réelle est plus élevée, il y a dépassement. C'est cela qui est nouveau, et qui n'est d'ailleurs pas critiquable en soi, mais qu'il faut gérer dans l'application de la T2A.

M. Pierre Morange, coprésident : Quid des systèmes d'information permettant de suivre l'application de la réforme ? Sont-ils suffisamment exhaustifs, crédibles et opérationnels pour connaître l'activité réelle ?

M. Dominique Libault : Il existe des outils d'information crédibles, mais il faut encore améliorer la réactivité, afin de disposer d'informations en cours d'année. Nous sommes informés plus rapidement sur les soins de ville, tous les mois, par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), que sur l'hôpital. C'est sur ce point qu'il faut progresser.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Mais les systèmes d'informations sont-ils suffisants pour suivre la mise en place de la T2A ?

M. Dominique Libault : Je ne suis pas un grand spécialiste des systèmes d'information hospitaliers, qui sont propres à chaque établissement, mais je sais qu'on cherche à les améliorer, notamment en ce qui concerne leur connexion, afin de disposer plus rapidement de données synthétiques.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a fait des observations à ce sujet.

M. Dominique Libault : C'est exact.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : La DHOS suit-elle ces systèmes d'information ?

M. Dominique Libault : Oui.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est le lien entre la T2A et les procédures de planification de l'offre de soins ? À terme, quelles sont les conséquences prévisibles pour les hôpitaux à faible activité, d'une part, et pour ceux qui ont un dynamisme important, d'autre part ?

M. Dominique Libault : La T2A ne tranche pas la question de l'organisation hospitalière. Il y a plusieurs stratégies possibles. Soit les établissements parviennent, grâce à une meilleure gestion, à s'adapter, soit, dans le contraire, on procède, le cas échéant, à des restructurations, mais la T2A n'entraîne pas de conséquences automatiques. Il faut donc qu'il y ait, à côté, une politique de planification de l'offre de soins. Certains très gros hôpitaux ont certes besoin d'optimiser leur gestion, mais n'ont pas vocation à faire l'objet de restructurations. Nous avons toujours dit que la pression de l'allocation budgétaire ne suffit pas : il faut donner des éléments de bonnes pratiques et d'amélioration de la gestion. Nous comptons sur la Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers, la MEAH, pour fournir ces outils aux établissements.

M. Pierre Morange, coprésident : Dans les pays ayant opté pour des schémas similaires, quels résultats peut-on déjà observer ?

Par ailleurs, a-t-on déjà pu faire des extrapolations permettant d'envisager des redéploiements de potentiels d'accueil afin d'améliorer l'offre de soins là où elle est insuffisante ?

M. Dominique Libault : Ce qui me frappe, c'est de constater que la part de l'hôpital dans les dépenses de santé est plus grande en France que dans les autres pays comparables, où il y a davantage d'ambulatoire, y compris en chirurgie. On pourrait sans doute envisager des reconversions, mais je reste prudent, car les comparaisons internationales sont complexes.

S'agissant de la mise en œuvre de la tarification à la pathologie dans les autres pays, on constate partout où elle est en vigueur une meilleure description de l'activité, ce qui est logique. Il y a un risque inflationniste au départ, puisqu'on constate, comme on l'a fait en France en 2005, une augmentation de l'activité décrite, mais il est transitoire et devrait se résorber.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Comment ?

M. Dominique Libault : Dans la mesure où il s'agit en fait d'une révélation de l'activité réelle, cela n'a lieu qu'une fois. Nous avons souhaité qu'il y ait, sous l'égide de la CNAMTS - et c'est le cas à partir de cette année -, des contrôles portant sur la description de l'activité de l'hôpital.

M. Jean-Luc Préel : J'observerai au passage que la France est l'un des seuls pays où les spécialistes sont nombreux à exercer en libéral. C'est une spécificité française.

S'agissant de la réforme elle-même, je rappelle que le budget global était très critiqué, et que la philosophie de base de la T2A, à laquelle tout le monde adhérait, était que chaque établissement, chaque service, chaque pôle construise son budget en fonction de son activité. On savait cependant que cela poserait des problèmes de trois ordres : le caractère inflationniste du nouveau système ; la difficulté de respecter l'ONDAM ; celle, non moins grande, de faire converger le public et le privé.

Quand la T2A sera en place, nous serons bien loin, à mon avis, de la philosophie de départ. Nous sommes en effet en train de préparer les schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération, les SROS 3, qui enserrent dans des fourchettes l'activité prévue ; chaque établissement signera en outre un contrat d'objectifs et de moyens, et ceux qui dépasseront leur activité seront pénalisés. La tarification sera-t-elle bien liée, demain, à l'activité, ou bien le système ne sera-t-il en fait qu'un nouvel avatar de l'ancien budget global ? À voir la façon dont les choses se présentent, il y aura des dotations particulières, l'activité réelle ne sera guère prise en compte, et les SROS interdiront, en pratique, le développement de l'activité.

Je voudrais, au passage, savoir pourquoi la circulaire budgétaire n'est parue que le 27 février dernier, et pourquoi elle est d'une telle complexité.

Quant à la convergence entre public et privé, atteindra-t-elle vraiment 50 % en 2008, étant donné que les règles de rémunération ne sont pas les mêmes ? Les rémunérations, les ratios de personnel convergent-ils ? Les honoraires seront-ils intégrés dans la T2A des établissements privés ?

Je voudrais, enfin, quelques éclaircissements sur les derniers arrêtés relatifs aux dispositifs médicaux implantables, les DMI, qui étaient intégrés dans les budgets des hôpitaux publics, mais pas dans ceux des établissements privés. Les responsables de ces derniers, chirurgiens ou directeurs, sont très inquiets.

M. Dominique Libault : Je ne suis pas sûr d'être capable de répondre à toutes vos questions, et laisserai à M. Jean-Philippe Vinquant le soin de développer certains points particuliers.

La T2A s'inscrit dans une réforme plus globale, englobant la planification hospitalière, la gestion des ressources humaines et le système budgétaire et comptable. Nous ne sommes plus dans le budget global, la notion de budget fait place à l'état prévisionnel de recettes et de dépenses, l'EPRD, fondé sur une logique de recettes et non plus de dépenses.

Il est vrai que la date du 27 février est tardive, mais c'est tout de même trois mois de moins que l'an dernier. La circulaire est très complexe, j'en conviens, mais la matière est elle-même complexe, et on nous demande de toutes parts de bien prendre garde à tel ou tel aspect particulier. Cela dit, il faut indéniablement aller vers plus de simplicité et de lisibilité, c'est un enjeu majeur.

Pour ce qui est de la convergence, nous en sommes pour l'instant à la recherche d'un diagnostic partagé sur les écarts entre public et privé, avant de savoir quel objectif on se donne. Le calendrier sera fonction de celui-ci : s'il est ambitieux, il est naturel qu'on se donne un peu de temps, mais si la convergence consiste simplement à tout aligner sur le plus cher et à faire payer l'assurance maladie, c'est nettement moins intéressant. Il faut que les travaux en cours se poursuivent, ne serait-ce que pour que tout le monde s'accorde au moins sur les comparaisons.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Sans doute avez-vous tout de même tiré certaines conclusions de l'expérimentation, notamment sur les écarts entre public et privé - à moins que la durée de l'expérimentation ait été insuffisante, ou que l'échantillon d'établissements ait été insuffisamment représentatif ?

M. Dominique Libault : Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a fait le point, et écrit que l'expérimentation n'avait pas permis d'avancer beaucoup sur cette question. On n'a pas encore d'échelles de coûts comparables.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Parmi les établissements, qui sont les perdants et les gagnants dans l'affaire ? En avez-vous une idée, ou est-il encore trop tôt pour le dire ?

M. Dominique Libault : La DHOS le sait à peu près, et nous aussi, avec toutefois quelques nuances, liées à la prise en compte des MIGAC, les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation. Cela dit, il peut aussi y avoir des évolutions de la tarification, et la mise en place de la T2A peut conduire, en cas de sous-cotation avérée, à des revendications assez légitimes. Le tableau n'est donc ni figé ni immuable.

M. Jean-Philippe Vinquant : L'élaboration, en cours, des EPRD constitue un exercice tout à fait nouveau, les recettes étant liées à l'activité pour 35 %, à quoi s'ajoutera une dotation compensant l'ancienne dotation globale, et dont les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) sont en train de préparer la répartition entre établissements. Les EPRD feront apparaître une différence entre des établissements qui dégageront des recettes parce qu'ils étaient antérieurement sous-dotés, et d'autres qui seront perdants parce qu'ils étaient, au contraire, mieux dotés. Il faudra que le dialogue entre les établissements et l'ARH permette de résoudre le problème des seconds, mais aussi de maîtriser la progression de l'activité des seconds, en s'assurant qu'elle est justifiée au regard des besoins et qu'il n'y a pas d'effet d'aubaine.

Comment orienter l'activité des établissements ? L'outil essentiel est le contrat d'objectif et de moyens, que chacun d'eux signera avec l'ARH. La carte sanitaire a disparu pour faire place aux SROS ; ceux de troisième génération comprendront une annexe fixant les besoins d'une population donnée sur un territoire donné. Il reviendra à l'ARH de faire le lien entre le SROS et les contrats d'objectifs et de moyens des différents établissements, afin de piloter finement l'activité en fonction des besoins, et en tenant compte des très fortes disparités qui peuvent exister au sein d'une région. C'est l'ARH, en effet, qui tient les deux bouts de la chaîne, puisque c'est elle qui valide les EPRD, lesquels intègrent à la fois la composante prix et la composante développement de l'activité.

Pour ce qui est des dispositifs implantables, il est exact que certains étaient déjà inclus dans les tarifs des hôpitaux publics, alors que ce n'était pas le cas, dans le privé, de certains matériels ou fournitures comme les agrafes et les sutures en chirurgie orthopédique ou viscérale. Au lieu qu'ils soient facturés en sus à l'assurance maladie, la rémunération du groupe homogène de séjours (GHS) est augmentée de façon à permettre aux cliniques d'acquérir ces matériels sans qu'il leur en coûte davantage que lorsqu'ils figuraient sur la liste dite « en sus ». Le nouveau système est même avantageux pour elles en matière de greffons cornéens, dont les tarifs sont alignés sur ceux pratiqués par la banque des yeux. Deux arrêtés sont parus : le premier modifie la liste des DMI « en sus », l'autre retire les produits concernés de la liste des produits et prestations.

M. Jean-Luc Préel : Vous préparez donc la convergence...

M. Jean-Philippe Vinquant : Nous allons, en tout cas, dans le sens d'un traitement cohérent et homogène entre public et privé.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel est le calendrier prévu pour la présentation des EPRD ?

M. Jean-Philippe Vinquant : Il faudrait poser la question à la DHOS, car le seul établissement avec qui nous ayons des contacts directs est l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui a présenté son projet d'EPRD début mars à son conseil de tutelle et à l'ARH. Je pense toutefois, pour avoir rencontré le président du CHU de Grenoble, que les autres établissements suivront sans trop tarder.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : L'EPRD fait-il partie de la réforme budgétaire ?

M. Jean-Philippe Vinquant : Oui, car le système de la dotation globale obéissait à une logique de coûts historiques, dans lequel la dotation évoluait de 2 à 3 % chaque année et où l'établissement n'avait pas à faire de prévisions pour bâtir un budget à l'équilibre. L'EPRD est donc complètement lié à la T2A.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La DSS est-elle associée à la réforme budgétaire et à la mise en place des EPRD ?

M. Jean-Philippe Vinquant : Oui.

M. Jean-Luc Préel : Si l'activité augmente plus que prévu, baisserez-vous les tarifs ?

M. Jean-Philippe Vinquant : Les tarifs sont fixés au niveau national et non pas établissement par établissement, mais s'il apparaît que c'est par les volumes que le revenu global des établissements a progressé, il est normal d'ajuster les tarifs. C'est la règle du jeu.

M. Dominique Libault : Cela dit, notre objectif n'est pas d'ajuster systématiquement les tarifs en cours d'année. Les établissements ont besoin de visibilité. Nous recherchons plutôt une bonne gestion de l'activité, afin de ne pas avoir à ajuster les tarifs trop souvent.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : S'agissant des appareillages dont la tarification diffère entre le public et le privé, l'expérimentation a-t-elle fait apparaître de fortes différences de prix entre une clinique qui implanterait, par exemple, 30 pacemakers par an, et un hôpital qui en implante 500 ?

M. Jean-Philippe Vinquant : Nous n'avons pas eu d'éléments en ce sens, mais il ressort notamment de nos contacts avec le Comité économique des produits de santé que l'inclusion de certains dispositifs dans les GHS incite les établissements à mieux négocier avec les fabricants, ce qui tend donc plutôt à tirer les tarifs vers le bas.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment être certain que le prix n'est pas le seul élément pris en compte, et que l'on continue de veiller à la qualité des produits ?

M. Jean-Philippe Vinquant : Je crois qu'aucun établissement ne passerait de commandes de DMI sans avoir consulté ses chirurgiens et ses chefs de service sur la réputation des sociétés qui les fabriquent et s'être assuré que les normes sont respectées.

Mme Anny Golfouse-Buet, rapporteure à la 6e chambre de la Cour des comptes : Les arrêtés tarifaires ne sont, je crois, pas encore parus. Or, une circulaire budgétaire faisant simplement état d'une baisse moyenne de l'ordre de 1 % ne permet pas à un établissement de faire son compte d'exploitation en fonction de sa propre activité. Je pose la question parce que j'avais cru comprendre, à la lecture de ladite circulaire, qu'il y avait des différences assez importantes entre les tarifs de GHS, par exemple pour les accouchements dans le privé.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Nous n'avons toujours pas reçu les arrêtés, et certains conseils d'administration, dont celui dont je fais partie, ont été repoussés, faute de disposer d'éléments suffisants pour voter les budgets.

Mme Sonia Beurier : Les arrêtés relatifs à la classification des prestations sont parus, mais les arrêtés tarifaires n'ont pas encore été publiés.

M. Pierre Morange, coprésident : Il faudrait que le ministère publie un document écrit permettant aux conseils d'administration d'établir les budgets.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je voudrais revenir sur le problème des informations médicales, tant du point de vue du recueil des données que de leur contrôle. Quels sont les dispositifs existants de contrôle de la tarification à l'activité ? Les avez-vous renforcés ? La CNAMTS a-t-elle un système de contrôle médical suffisant pour suivre la mise en place de la T2A ? Les actions de contrôle sont-elles coordonnées ?

M. Dominique Libault : Ce contrôle du respect de la tarification est essentiel, et nous avons beaucoup insisté pour qu'il soit mis en place. La CNAMTS dispose de moyens très importants, et si son service médical doit faire face à des tâches multiples, une partie de ce service a toujours suivi de très près les aspects hospitaliers. Il y avait toutefois des éléments nouveaux à appréhender, d'où la nécessité d'une formation spécifique, mais M. Van Roekeghem a veillé à ce qu'elle soit bien dispensée aux agents. J'espère donc que nous aurons les premiers retours d'ici un mois ou deux. J'ajoute que les établissements eux-mêmes étaient demandeurs.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : On nous a dit, dans certaines ARH, que ces contrôles avaient déjà permis de constater certaines dérives.

M. Pierre Morange, coprésident : Parmi ces dérives, y a-t-il pu y avoir, dans certains cas, sélection des risques, multiplication artificielle d'actes, voire manipulation des codages ?

M. Dominique Libault : Ma réponse sera prudente, car nous n'avons pas encore énormément d'éléments, mais je ne crois pas à la sélection des risques. Je crois davantage à la manipulation des codages, mais certains codages inadéquats peuvent avoir été faits de bonne fois. Il peut aussi arriver qu'il y ait un peu moins de consultations externes et un peu plus d'hospitalisation de jour parce que les établissements y ont intérêt. Si l'on constate ce genre de phénomènes, il faut poser des limites.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pour reprendre la question sous une autre forme, les établissements peuvent-ils être tentés d'éviter certaines pathologies qui sont à la limite des GHS, de ne pas prolonger, par exemple, le séjour des personnes âgées et d'encourager plutôt leur retour précoce à domicile ? Certains responsables d'établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes nous disent avoir vu arriver des patients qui étaient sortis un peu prématurément de l'hôpital. Vous a-t-on signalé des effets pervers de ce type ?

M. Dominique Libault : Il est encore un peu tôt pour avoir des données synthétiques sur ce genre de sujets. Auparavant, les établissements se plaignaient plutôt de devoir, faute de lits d'aval, garder des gens qui ne nécessitaient plus de soins aigus et qui auraient été mieux ailleurs. Ce qui est certain, c'est que la T2A amène certains acteurs à changer de comportement, avec des conséquences qui peuvent être positives ou négatives. Cela dit, les tarifs de GHS ne sont pas figés ; si l'on constate des effets pervers, il faudra les modifier.

M. Pierre Morange, coprésident : Les questions du rapporteur montrent la pertinence de notre choix de la T2A comme thème d'études, après celui du mode de prise en charge des personnes âgées dépendantes, qui nous a permis de constater que la T2A pouvait avoir pour effet de modifier les comportements hospitaliers. Il faudrait intégrer cette perception et établir des passerelles entre les modes d'accueil afin de répondre aux besoins de l'ensemble de la population.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Vous avez dit qu'il était difficile d'évaluer et d'identifier les risques potentiels. L'avez-vous fait pourtant, et si oui, quels sont-ils ?

M. Dominique Libault : À ce stade, la démarche est encore un peu conceptuelle. Si un établissement trouve intérêt à telle ou telle tarification, il en tiendra compte dans ses choix. Pour une même pathologie, par exemple, il peut y avoir le choix entre des pratiques chirurgicales ou non chirurgicales. Si la tarification incite à l'un ou à l'autre choix, cela peut faire problème - encore qu'il faille faire confiance à la déontologie des praticiens. En outre, une tarification peut être adéquate à un certain moment, puis cesser de l'être à cause du progrès médical. Il est évident que, si nous voyions les établissements renoncer à telle ou telle pratique à cause de la tarification, nous devrions en tenir compte.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Êtes-vous dotés de moyens d'analyse permettant d'évaluer ce risque ?

M. Dominique Libault : Il existe des moyens, mais tout système d'allocation budgétaire peut avoir des conséquences de ce type. Ce n'est pas propre à la T2A. Le budget global pouvait ainsi dissuader les établissements de développer telle ou telle activité coûteuse.

Mme Catherine Génisson : On a évoqué le risque de surcotation, mais ne peut-il aussi y avoir sous-cotation, faute de temps consacré au codage par ceux qui le font ?

On a constaté, par ailleurs, une augmentation plus forte que prévu des dépenses hospitalières. L'analyse liée à la T2A permet-elle de voir si cette activité supplémentaire est justifiée ou, s'il y a report pour diverses raisons, de l'activité libérale ?

Par ailleurs, la T2A prend-elle suffisamment en compte les critères sociaux des publics accueillis qui jouent sur les modalités de l'hospitalisation ? Les MIGAC, qui donnent lieu à crédits supplémentaires, recouvrent non seulement des missions spécifiques, mais aussi l'accueil global des patients. Ce n'est pas faire injure aux cliniques privées que de dire que, si elles ont le même type de malades et de pathologies à prendre en charge, elles n'ont pas forcément affaire aux mêmes profils sociaux, et n'ont pas la même mission de service public. La T2A prend-elle en compte ces critères ?

M. Dominique Libault : Nous n'écartons nullement le risque de sous-cotation, ni de transferts du libéral à l'hospitalier. Nous disons simplement que la T2A incite davantage que la dotation globale à examiner la légitimité du développement de certaines activités. C'est la même chose, d'une certaine façon, que pour la médecine de ville : le paiement à l'acte a son intérêt, mais il faut vérifier que les actes sont légitimes. La T2A accroît l'intérêt que peut trouver l'hôpital à la maîtrise médicalisée.

M. Pierre Morange, coprésident : Face au constat d'éventuels biais de la classification, du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), de la définition des normes, que se passe-il en pratique ? Quand une anomalie est décelée, qu'il y a un correctif à apporter, qui le fait, avec quels moyens et dans quel délai ?

Mme Catherine Génisson : Je me plaçais surtout dans le cas des hôpitaux qui subissent le développement de leur propre activité. L'analyse de l'activité grâce à la T2A permet-elle de constater un report du libéral sur l'hospitalier, notamment dans le secteur des urgences, où la T2A n'est pas appliquée comme elle l'est dans les autres services d'hospitalisation ?

M. Dominique Libault : Le report vers les urgences hospitalières est un phénomène antérieur à la T2A, et dépasse la question tarifaire, qui est très marginale. C'est la démission de la permanence des soins en libéral, qu'il faudrait renforcer pour diminuer la pression sur l'hôpital.

Mme Catherine Génisson : Bien sûr, mais quand il y a asphyxie des urgences et qu'on sait que la personne ne peut revenir à son domicile, on l'hospitalise, quand bien même son état ne le justifie pas. La T2A peut-elle mettre en évidence ce type de situations ?

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : C'est une très bonne question, qui pose le problème des comportements. La T2A permet-elle d'avoir une meilleure connaissance de ces comportements ? Le problème se pose de la même façon pour la sortie : les gériatres que nous avons rencontrés lorsque nous étudiions notre thème précédent nous ont dit que la façon dont l'hôpital prenait en charge les personnes âgées pouvait accélérer leur grabatisation. Je voudrais donc savoir s'il existe, à l'entrée et à la sortie de l'hôpital, un dispositif permettant d'évaluer le dispositif de soins afin de le faire évoluer. S'il s'agit seulement de connaître les aspects financiers en faisant l'impasse sur les comportements, ce n'est pas très intéressant.

M. Jean-Marie Le Guen : La T2A est certes un mécanisme de financement, mais surtout un mécanisme de gestion, qui a vocation à améliorer l'allocation des ressources. Il est vrai qu'en aval comme en amont, il y a beaucoup de moments où les médecins sont face à un dilemme : soit ils acceptent - ou gardent - un patient parce qu'il y a en aval un déficit social de prise en charge, soit ils le refusent, ce qui est humainement difficile. Ne faudrait-il pas que le système de cotation soit capable d'identifier les cas où le médecin se trouve obligé, pour de bonnes raisons humanitaires et de mauvaises raisons médicales, d'accueillir quelqu'un faute d'autre solution, au risque de faire baisser l'activité de l'établissement ?

Par ailleurs, alors que la T2A a bénéficié d'un assez fort consensus au plan politique et technique, nous constatons tous sur le terrain une incompréhension, assez forte également, des professionnels, qui reprochent au système de favoriser les actes techniques par rapport aux actes « humains ». Ne faudrait-il pas les associer davantage à l'élaboration des GHS ? Si leurs critiques vous paraissent justifiées, vous pourrez ainsi rectifier le tir, et si vous pensez qu'elles ne le sont pas, seule une discussion approfondie, avec les organisations syndicales d'un côté, avec les différentes professions de l'autre, vous permettra de faire comprendre et accepter vos choix par ceux qui auront à appliquer cette tarification, et qui ont souvent le sentiment que celle-ci est orientée, qu'elle n'est pas neutre vis-à-vis de leur exercice.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela rejoint ma question sur la capacité d'ajustement et d'adaptation en cas d'anomalie constatée ou dénoncée.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le problème central est celui de la qualité des soins. La T2A va-t-elle l'améliorer, ou pas ?

Par ailleurs, êtes-vous associés à l'élaboration de la dixième version de la classification des GHS ? Comment faites-vous pour être le plus près possible de la réalité du patient ?

M. Dominique Libault : Si vous voulez me faire dire que la T2A n'est pas le remède miracle à tous les problèmes de l'hôpital, j'en suis tout à fait d'accord ! Tout système a ses avantages et ses inconvénients, et il y a beaucoup de problèmes très importants que la T2A ne réglera pas, comme l'offre de soins, ou encore celle, posée par Mme Guinchard, du suivi des parcours de soins.

Si la DSS a son mot à dire sur les orientations globales, stratégiques du système, autant les tarifs eux-mêmes sont du ressort de la DHOS. Les questions de M. Le Guen sont pertinentes, mais je ne suis pas en situation d'y répondre. Mais dites-vous bien que si un établissement considère que les tarifs sont inadéquats et qu'il n'est pas assez payé pour ce qu'il fait, il n'hésite pas à le faire savoir. Tout n'est donc pas opaque, et nous avons déjà des retours de la part des établissements.

M. Jean-Philippe Vinquant : Il existe plusieurs outils pour prendre en compte les spécificités des publics accueillis. Les coûts fixes liés aux urgences, pour les établissements publics, mais aussi pour les établissements privés qui y participent, sont couverts grâce à la part forfaitaire. En outre, les grilles tarifaires du public et du privé sont différentes : la liste des GHS est identique, mais la rémunération n'est pas la même, de façon à tenir compte du fait que les patients du secteur public sont plus souvent en situation précaire. Enfin, il y a, au sein même des GHS, plusieurs niveaux de gravité de la pathologie ou de l'état du patient.

Mme Catherine Génisson : À pathologie et à gravité égales, la prise en charge est différente dans le public et dans le privé parce que le contexte social est différent, et que ce facteur a une incidence très importante sur la durée de l'hospitalisation. On ne fait pas sortir un patient qui ne peut être accueilli à son domicile. C'est une situation qu'on retrouve beaucoup plus fréquemment à l'hôpital public, qui a vocation à accueillir ce type de patient, et dont les missions d'intérêt général ne se limitent pas aux urgences et à d'autres activités particulières, mais se déclinent aussi dans les services d'hospitalisation. Ce fait est-il pris en compte par la T2A - ou par d'autres dispositifs ?

M. Jean-Philippe Vinquant : Les dotations liées aux MIGAC, qui augmentent de 5 % en 2006, vont notamment financer les permanences d'assistance sociale, qui visent à gérer tout le parcours du patient tant à l'hôpital qu'après sa sortie.

Si je voulais prendre un exemple d'anticipation de l'impact de la T2A sur la durée moyenne de séjour, je ne choisirais pas celui des personnes âgées, qui fait intervenir aussi le médico-social, mais plutôt celui de la chirurgie orthopédique. La T2A conduit en effet à ne pas laisser le patient hospitalisé plus longtemps qu'il n'en a besoin. Nous avons proposé - et le Parlement a voté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 - un dispositif visant à ce que les centres de rééducation fonctionnelle se concentrent sur les publics justifiant le plus une hospitalisation et un suivi - médical, infirmier, kinésithérapique - après leur passage en chirurgie. Le médecin prescripteur se fondera sur les recommandations de la Haute autorité de santé pour décider si la formule la plus adaptée est celle de la prise en charge ambulatoire ou celle du centre de rééducation fonctionnelle. Voilà un exemple d'anticipation de l'impact de la T2A.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons bien compris que les compétences de la DSS étaient surtout d'ordre stratégique, et nous reposerons donc la question aux représentants de la DHOS lorsque nous les réentendrons.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je voudrais que vous nous disiez quelques mots sur les perspectives. Quel est votre programme pour 2006 ? Le rythme de montée en charge vous paraît-il trop rapide, trop lent, ou correct ? L'objectif de 2012 pour l'achèvement de la réforme est-il réaliste ? Quand la T2A s'appliquera-t-elle aux soins de suite et de réadaptation, ainsi qu'à la psychiatrie ? Que comptez-vous faire, enfin, pour développer les bonnes pratiques à l'hôpital en matière de bon usage des médicaments ?

M. Dominique Libault : Nos objectifs sont de mieux assurer la conciliation entre le développement de la T2A, les besoins des établissements publics et privés, et le respect de l'ONDAM. En 2005, selon les premières indications, le résultat n'a pas été totalement satisfaisant : l'ONDAM global a été à peu près respecté, mais le dépassement de l'ONDAM hospitalier n'a été compensé que grâce au ralentissement des dépenses de ville.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quand aurez-vous les chiffres ?

M. Dominique Libault : D'ici la fin du mois.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Quelles seraient vos propositions pour disposer de données nationales plus exploitables ? Sur quels moyens peut-on s'appuyer pour cela ?

M. Dominique Libault : Parmi les objectifs pour 2006 figure celui d'impliquer la CNAMTS dans le suivi de la réforme, afin de mieux suivre ce qui se passe et de réorienter éventuellement le dispositif. Quant aux moyens de pilotage, il y a la mission T2A ; la question s'adresse donc plutôt à la DHOS, mais je milite pour qu'on dégage quelques postes supplémentaires, car lorsqu'il y a un grand projet, la sphère publique souffre généralement d'un manque de moyens de pilotage.

Cela dit, je crois surtout à l'appropriation par l'ensemble des acteurs, car la réforme ne doit pas être vécue au seul niveau central. Notre rôle est de faire que les services travaillent mieux ensemble sur le sujet.

M. Pierre Morange, coprésident : Où en est le Conseil de l'hospitalisation ?

M. Dominique Libault : Il fonctionne, et tient six réunions par an. La prochaine aura lieu le 20 mars. Le fonctionnement a besoin de se rôder, mais cet effort de décloisonnement était indispensable, au niveau central et local, pour faire travailler ensemble les ARH et l'assurance maladie, en s'intéressant au parcours de soins de la personne et pas seulement au financement des établissements.

S'agissant du calendrier, je crois qu'il ne faut pas rester trop longtemps dans un système mixte. Je suis très attentif à ce que l'on mesure la capacité d'adaptation des perdants - car la T2A implique qu'il y en ait, sans quoi ce rôle sera tenu par l'assurance maladie - et que l'on ne crée pas de contraintes insurmontables à certains établissements.

M. Jean-Philippe Vinquant : S'agissant des bonnes pratiques hospitalières, la DHOS et les ARH ont promu deux excellents outils. Le premier est le contrat de bon usage des médicaments à l'hôpital, signé par 60 % des établissements au 15 février. Le second est l'accord de bonnes pratiques, portant sur certains types de médicaments ou de prescriptions, comme l'accord-cadre national sur les antibiotiques, qui a été conclu après des négociations longues et difficiles, et que les ARH et l'assurance maladie tâchent de décliner au niveau local en faisant œuvre de persuasion auprès des établissements. Ceux-ci y ont tout intérêt, car ils bénéficient de 50 % des économies réalisées sur la prescription d'antibiotiques. C'est à la fois un enjeu de santé publique et un enjeu financier. Un accord-cadre est en cours de négociation sur les statines.

M. Jean-Marie Le Guen : L'enjeu de santé publique n'est pas le même...

M. Pierre Morange, coprésident : C'est un euphémisme que de dire que l'assurance maladie et le monde hospitalier sont cloisonnés. Mais, suite aux préconisations du rapport que nous avons rendu en juillet 2005, un amendement du sénateur Alain Vasselle au PLFSS a été adopté, qui tend à associer les médecins-conseils de l'assurance maladie à ce travail commun d'optimisation et de rationalisation.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous ne m'avez pas répondu sur l'application de la T2A aux soins de suite et à la psychiatrie.

Mme Sonia Beurier : C'est envisagé, mais nous ne sommes pas étroitement associés à ces projets, qui sont surtout du ressort de la DHOS.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous leur poserons la question.

M. Jean-Philippe Vinquant : Les exemples étrangers montrent que la réforme a toujours été appliquée en deux temps, en commençant par ce qui est mesurable car lié à un acte. Dans certains pays, la tarification s'applique aussi à la psychiatrie. Mais avant de pouvoir coter et facturer l'activité, il faudrait disposer d'un PMSI, ce qui me paraît très délicat.

M. Pierre Morange, coprésident : Madame, Messieurs, nous vous remercions d'avoir répondu de façon exhaustive à nos questions.

*

Audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général
de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM)
et de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), accompagné de M. Jean-Marc Aubert, directeur délégué
à la gestion et à l'organisation des soins de la CNAMTS

M. Pierre Morange, coprésident : Nous sommes heureux d'accueillir M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, qu'accompagne M. Jean-Marc Aubert, directeur délégué à la gestion et à l'organisation des soins.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comme vous le savez, notre mission consacre ses travaux actuels à la mise en place de la tarification à l'activité. De votre point de vue, quels sont les objectifs et les avantages de ce dispositif ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Les objectifs de la tarification à l'activité sont ceux que le Gouvernement et le Parlement ont fixés dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 après avoir constaté que la dotation globale hospitalière présentait des lacunes, faute, notamment, d'un lien systématique entre les ressources allouées et l'activité réelle des établissements. Voilà pourquoi le Gouvernement a souhaité faire entrer en vigueur progressivement un dispositif permettant d'améliorer la dynamique de l'hôpital public. La question ne se posait pas dans les mêmes termes pour les cliniques privées, pour lesquelles la relation entre ressources et activité était déjà forte.

L'UNCAM attend bien sûr de la tarification à l'activité qu'elle renforce progressivement l'efficacité du système de soins. Déjà, certains établissements s'interrogent sur leurs coûts au regard de la tarification et se comparent à d'autres. Ces comparaisons, si elles sont faites de manière raisonnable et en tenant compte des missions d'intérêt général, permettront d'améliorer l'efficacité générale de l'hôpital public. L'UNCAM est favorable à la mise en place de la tarification à l'activité, mais elle considère que, pendant la période initiale, le nouveau dispositif est susceptible de provoquer des évolutions substantielles dans la répartition des ressources entre établissements et dans leur activité, évolutions qu'il faudra surveiller avec vigilance pour s'assurer qu'elles ne sont pas trop rapides.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La tarification à l'activité a-t-elle déjà commencé à responsabiliser les acteurs hospitaliers de la santé ? Comment s'articule-t-elle avec les nouvelles procédures de planification de l'offre de soins ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Faire évoluer l'offre de soins, c'est le rôle dévolu aux schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération, les SROS 3. La tarification à l'activité peut d'autant moins le faire à elle seule qu'elle ne concerne qu'une partie des activités hospitalières et que sa montée en charge sera progressive. Mais, une fois pleinement déployée, elle peut avoir un effet structurant sur l'offre de soins à long terme. À moyen terme, nous attendons de la T2A qu'elle permette une véritable politique de gestion du risque, davantage axée sur les patients et sur les parcours de soins. Cela suppose, d'une part une connaissance plus individualisée des prescriptions et donc une information mieux coordonnée  sur les actes  accomplis à l'hôpital  et sur les actes réalisés  en médecine de ville - en radiologie par exemple -, d'autre part la recension de toutes ces informations et leur exploitation intelligente au regard des futurs référentiels.

M. Pierre Morange, coprésident : Dans ce schéma, la collecte et l'enregistrement des informations ont une importance capitale. Celles dont vous disposez vous semblent-elles fiables et suffisantes ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Pour des raisons historiques, le niveau d'intégration des informations diffère selon les secteurs de l'offre de soins - cliniques, professionnels libéraux, établissements publics. Il faudra, à terme, créer un système global d'information similaire pour tous les offreurs de soin. Ce n'est pas tout à fait le cas aujourd'hui, mais les responsabilités de cette situation sont partagées et un système de recueil de l'information performant demande de nombreuses années de travail.

M. Pierre Morange, coprésident : Encore faut-il s'accorder sur l'objectif. On a beaucoup travaillé au plan informatique de la CNAMTS ; la même philosophie vaudra-t-elle pour l'hôpital, dans le cadre de parcours de soins cohérents ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Pour améliorer les transferts d'informations entre le système hospitalier et l'assurance maladie, on cherche, d'une part à avoir une meilleure connaissance de la prescription individuelle, d'autre part à passer à une facturation individuelle orientée vers le patient et non plus vers l'offreur de soins. Mais ces évolutions sont longues à mettre en œuvre.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est le calendrier prévu pour la facturation individuelle ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous pensons parvenir à l'identification individuelle des praticiens hospitaliers prescripteurs fin 2006 ou début 2007. La deuxième étape consistera à intégrer ces nouvelles données dans les logiciels des officines, ce qui suppose que les sociétés extérieures mettent au point une nouvelle version. L'évolution est nécessairement longue, et la facturation individuelle se fera par pans.

M. Pierre Morange, coprésident : Les systèmes informatiques hospitaliers, que certains disent obsolètes, permettront-ils de tenir le calendrier prévu pour la première phase, fin 2006 ou début 2007 ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Tout ce qui tend à l'ouverture et à l'amélioration de la rapidité et des échanges entre les établissements hospitaliers et l'assurance maladie va dans le bon sens, celui de la meilleure qualité des soins et d'un meilleur rapport entre qualité et coût.

M. Jean-Luc Préel : Qui, de l'assurance maladie, de la DHOS, de la direction de la santé ou de la direction de la sécurité sociale, a vocation à piloter la tarification à l'activité à l'hôpital ? J'ai entendu dire que vous avez très envie de vous en occuper...

M. Frédéric Van Roekeghem : Un débat a eu lieu à ce propos et les partenaires sociaux ont tranché au sein du conseil de la CNAMTS. En notre qualité d'assureur solidaire dans le domaine de la santé, nous considérons que nous devons améliorer notre action de prévention. L'assurance maladie étant un financeur appelé à contractualiser, il n'est pas absurde qu'elle soit associée à l'élaboration des tarifs.

M. Jean-Luc Préel : Dans ce cas, vous devrez vous rapprocher des assurances complémentaires réunies au sein de l'UNOCAM.

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous n'avons pas pour vocation d'être opérateur hospitalier. En revanche, nous souhaitons avoir une vision claire de la manière dont les soins sont dispensés, pour juger de leur utilité. C'est ce que font déjà les médecins conseil. Les référentiels que la Haute autorité de santé met au point nous y aideront également et, à terme, cela passera par une contractualisation sur l'évolution des coûts. Mais pour la gestion pratique il faut des interfaces organisées par l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation, car l'assurance maladie n'est pas une société de services informatiques.

Comme l'assurance maladie obligatoire, les assurances complémentaires considèrent que les soins remboursés doivent être utiles à la collectivité et que la dépense doit être maîtrisée. Les divergences ne portent pas sur les principes de politique générale mais, parfois, sur la répartition des soins et sur le périmètre d'intervention de chacun.

M. Jean-Marie Le Guen : En ces matières, la précision s'impose, sans laquelle il peut y avoir des incompréhensions. Aussi, j'aimerais savoir quel mandat exact vous a donné votre conseil d'administration, comment ce mandat s'articule avec les dispositions prévues par la loi et quels sont vos souhaits d'évolution. Je vois mal que l'on puisse rester dans une situation où subsisteraient des divergences d'appréciation à ce sujet.

M. Frédéric Van Roekeghem : La loi du 13 août 2004 fait obligation à l'UNCAM d'arrêter les orientations de la politique hospitalière, ce qu'a fait son conseil, en définissant cinq priorités. La première est d'informer les assurés.

M. Jean-Marie Le Guen : Les informer à quel propos ? Sur la qualité de l'hôpital ? Sur son coût ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Il s'agit de leur faire mieux connaître l'offre de soins globale. Il faut donc des indicateurs de qualité, et si l'assurance maladie n'a pas de légitimité pour les élaborer, elle en a une pour les diffuser. La loi nous impose de mieux informer sur les coûts et sur les tarifs, ce qui nous a conduits à ouvrir à titre expérimental aux patients de six caisses le système d'information téléphonique « Infosoins ». Nous comptons généraliser ce dispositif à l'ensemble des caisses d'ici la fin de l'année.

La deuxième priorité définie est de participer à la définition des besoins en santé et à une meilleure concordance entre l'offre et les besoins. Aujourd'hui, les agences régionales de l'hospitalisation s'appuient sur les services régionaux de l'assurance maladie. Un millier d'agents de l'assurance maladie détachés dans le cadre d'un groupement d'intérêt public travaillent à des sujets hospitaliers au sein de ces agences. Nous réaffirmons notre investissement dans les ARH, dont une grande partie du personnel est mis à disposition par l'assurance maladie.

La troisième priorité est l'accompagnement des établissements de santé. À ce sujet, nous réaffirmons vouloir continuer les audits médico-économiques. Ainsi, c'est à la suite d'un audit de la caisse régionale d'Île-de-France que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a fait évoluer le nombre de ses laboratoires de biologie. Notre objectif est de redonner une cohérence d'ensemble à notre dispositif hospitalier en reconstituant, au niveau national, des équipes hospitalières qui avaient été déstabilisées au cours des années précédentes.

Notre quatrième objectif est de faciliter la meilleure adéquation de l'offre aux besoins en aidant les ARH à établir les SROS 3 et en favorisant l'évolution de la tarification à l'activité pour renforcer la chirurgie ambulatoire.

Notre cinquième priorité est de développer la maîtrise médicalisée de la dépense à l'hôpital, indispensable pour faire accepter par les professionnels libéraux les contraintes similaires qui leur sont imposées. Ainsi, la campagne nationale de maîtrise de la prescription d'antibiotiques a donné des résultats probants pour la médecine de ville, et c'est un des projets qui prend corps pour l'hôpital sous la forme d'un accord national signé par le ministre de la santé. Nous avons constaté que si nous voulons mieux maîtriser les postes de dépense, qu'il s'agisse des transports sanitaires ou de l'antibiothérapie, il est indispensable de diffuser l'information au niveau local car, bien souvent, les prescripteurs sont les internes. Cette année, nous diffuserons ce type d'informations au sein des ARH en liaison avec la DHOS, dans le respect des textes. La coordination ne sera pas simple, mais nous devrions y parvenir.

M. Jean-Marie Le Guen : Je suis un peu étonné. L'assurance maladie n'a pas à assumer de responsabilités en matière d'antibiothérapie, puisqu'il s'agit d'un problème de santé publique. On va vers une grande confusion si elle se mêle d'expliquer aux jeunes médecins qu'il ne faut pas prescrire à tort et à travers, alors que ce devrait être le rôle d'une direction « qualité » de la DHOS. Mélanger santé publique et maîtrise des coûts crée des ondes négatives. Je comprends parfaitement le rôle de l'assurance maladie pour ce qui concerne la prescription de transports en ambulance mais, pour l'antibiothérapie, chacun est d'accord sur le fait qu'il s'agit de prescrire mieux et non de prescrire moins.

S'agissant de la T2A, quelle appréciation portez-vous sur la tarification établie ?

M. Frédéric Van Roekeghem : La loi du 13 août 2004 a tenté de clarifier l'articulation entre santé publique et assurance maladie en disposant en son article premier qu'« en partenariat avec les professionnels de santé, les régimes d'assurance maladie veillent à la continuité, à la coordination et à la qualité des soins offerts aux assurés, ainsi qu'à la répartition territoriale homogène de cette offre. Ils concourent à la réalisation des objectifs de la politique de santé publique définis par l'État. » L'interface est nécessairement très forte pour mener à bien les programmes de santé publique. Ainsi, pour mettre en place le dispositif du médecin traitant, il faut mobiliser les moyens de l'assurance maladie pour la négociation conventionnelle et pour l'information des patients. Son action a d'ailleurs été déterminante dans la prise de conscience au sujet de l'antibiothérapie. Pour l'AP-HP, nous intervenons en soutien pour faciliter le bon déploiement du programme dans les hôpitaux, mais cela ne peut réussir que si les patients sont informés. La nation doit pouvoir intervenir sur l'offre de soins mais aussi sur les personnes pour leur donner les explications nécessaires et dans ce domaine la participation de l'assurance maladie est inévitable.

Elle a commencé d'être politiquement associée à la tarification en 2004 et, depuis 2005, des échanges ont lieu entre les directions du ministère et l'assurance maladie à propos de la fixation des tarifs. La disparité apparue en 2005 entre les tarifs et l'évolution réelle de l'activité a conduit le comité ad hoc à proposer une évolution légèrement différente de la tarification.

M. Pierre Morange, coprésident : Je salue l'arrivée de M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : De quels moyens de contrôle de la facturation dispose la CNAMTS ? Quels effectifs se consacrent à cette tâche ? Comment se fait la coordination des contrôles avec les autres caisses ? Faut-il renforcer les contrôles et les sanctions ? Y a-t-il lieu de s'inquiéter de dérives ou de pratiques anormales ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Les contrôles de la tarification à l'activité commencent cette année et ils sont opérationnels. Les dispositifs de sanction et de récupération des indus éventuels sont encore en cours d'élaboration car, dans un premier temps, le Gouvernement a privilégié les contrôles à visée pédagogique. Nous veillons à ce que le codage soit respecté et à ce que les erreurs ne se traduisent pas par des indus. Mais, tout indispensables qu'ils soient, les contrôles ne permettent pas d'assurer la bonne tenue d'un système. Dans le secteur libéral, notre effectif total étant de 2 200 médecins conseil, nous contrôlons environ 1 % des praticiens. Ces contrôles contentieux sont très ciblés. Ils devront l'être aussi pour l'hôpital. Aussi, tout ce qui contribuera à individualiser les prescriptions est de nature à améliorer le management et le contrôle.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous réorganisé vos services à cette fin ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous avons créé une direction nationale du contrôle contentieux et de la répression des fraudes, subdivisée en trois divisions : le droit du contrôle, le contrôle contentieux médical et le contrôle contentieux non médical. Nous avons renforcé notre coopération avec d'autres instances, dont les ministères régaliens, pour lutter contre la fraude organisée, car elle existe. Nous avons aussi créé un mécanisme permettant la remontée des informations depuis les caisses primaires afin d'agir de manière préventive, ce qui renforce la rentabilité des contrôles et de la répression des fraudes.

M. Jean-Michel Dubernard : On a le sentiment qu'à l'hôpital les choses vont extraordinairement lentement. Or il représente 48 % des dépenses de l'assurance maladie, et l'on pourrait obtenir des résultats significatifs en matière de maîtrise médicalisée s'il était enfin concerné. L'esprit de la loi du 13 août 2004 sur l'assurance maladie est respecté en médecine de ville, mais il ne l'est pas à l'hôpital, au point que l'on a l'impression que personne n'y sait ce qu'est la tarification à l'activité. Je n'ose imaginer que la Fédération hospitalière de France puisse freiner. Je ne mets en cause ni les hommes et les femmes ni les directeurs généraux, car je suis persuadé que l'on ne devient pas directeur d'hôpital par hasard, mais parce que l'on a une sorte de vocation, celle d'aider les autres. Je mets en cause des schémas d'organisation.

Mme Catherine Génisson : C'est la loi qui a été votée.

M. Jean-Michel Dubernard : Non, c'est une organisation rigide qui perdure depuis des décennies, et l'on n'arrivera à rien si l'évolution continue d'être aussi lente.

M. Jean-Marie Le Guen : Privatisons, privatisons, tout ira plus vite !

M. Jean-Michel Dubernard : Soyons constructifs. Il faut instaurer au plus vite le dialogue le moins institutionnel possible entre la CNAMTS et les établissements hospitaliers. Comment y parvenir ?

Mme Catherine Génisson : Je constate que le président de la commission rouvre un débat qui a été tranché lorsque la loi sur l'assurance maladie a été adoptée sans que ces hypothèses aient été retenues.

Je souhaite revenir sur le rôle de l'assurance maladie en matière de santé publique pour souligner à mon tour que les logiques à l'œuvre ne sont pas les mêmes pour la médecine de ville et pour l'hôpital. Comment imaginer que les services hospitaliers qui prescriraient moins d'antibiotiques puissent se voir accorder des avantages particuliers par l'assurance maladie, alors que la définition des bonnes pratiques en matière d'antibiothérapie relève de la DHOS ? Pour ce qui est de l'information des assurés, j'imagine peu qu'un patient mal en point voyant arriver un aréopage de quinze médecins de tous grades dans sa chambre, alors qu'il gît au fond de son lit, puisse être valablement informé et s'exprimer. C'est une vue de l'esprit. Il y a matière à réflexion, mais la réalité est tout autre que celle qui a été décrite.

M. Frédéric Van Roekeghem : Pour que les actions engagées dans des institutions aussi nombreuses et aussi diverses que le sont les établissements hospitaliers publics donnent des résultats, il faut du temps. Pour le secteur libéral, le délai nécessaire est de six à neuf mois au minimum. Pour ce secteur, les actions pour 2006 sont toutes définies et je sais que ce qui ne l'est pas ne sera pas mis en œuvre avant 2007 au mieux. Or, l'hôpital est un secteur encore plus vaste et plus complexe, et il est certain qu'une action en profondeur ne peut se concevoir que dans la durée. Par ailleurs, notre système institutionnel, singulièrement pour ce qui a trait aux relations entre l'État et l'assurance maladie, est trop complexe, et cette complexité accroît la lenteur. La prolifération des institutions entraîne un besoin croissant de coordination interne qui freine la réactivité du service public.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelles sont vos suggestions de réforme ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Le Parlement doit mener une réflexion sur l'architecture institutionnelle. Au seul niveau régional, quatre institutions différentes travaillent sur l'hôpital : l'URCAM, les caisses régionales d'assurance maladie, les DRASS et les ARH, elles-mêmes intégrées dans un groupement d'intérêt public qui associe l'assurance maladie à l'État. Nous avons empilé les structures sans permettre que les gens travaillent et que quelqu'un décide vite.

M. Jean-Michel Dubernard : Votre constat rejoint donc le mien. Comment, alors, modifier cette organisation ? Si l'inertie n'est pas bousculée, rien ne changera.

M. Frédéric Van Roekeghem : Il faut réduire le nombre de structures au lieu de les augmenter et il serait raisonnable de simplifier les relations entre l'État et l'assurance maladie. Voilà qui renvoie à la réflexion qui a eu lieu dans votre Assemblée sur l'évolution vers des agences régionales, mais cela suppose de trancher sur des sujets politiques majeurs : les CRAM d'une part, la place et la finalité des agences régionales d'autre part, et leur articulation avec le niveau local. Par ailleurs, notre système institutionnel est trop orienté vers les offreurs de soins. À mon sens, il faut évoluer progressivement vers des agences régionales, rééquilibrer l'offre et les besoins de soins et améliorer l'information des patients.

M. Jean-Michel Dubernard : Quelles conclusions avez-vous tirées des expérimentations qui devaient être menées en Alsace et en Poitou-Charentes ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous avons besoin d'un décret précisant les modalités des expérimentations. Cela ne nous a pas empêchés d'engager, en partant de la situation constatée en Alsace, la réflexion sur ce que devrait être leur contenu.

M. Jean-Marie Le Guen : Et vous considérez que le rapprochement entre ARH et offre de soins va dans le sens d'une meilleure gestion ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Oui, si la chaîne est plus cohérente, depuis le Parlement jusqu'à l'échelon local. La légitimité que donne le vote annuel de la loi est indispensable, mais une vision pluriannuelle est nécessaire. Une volonté forte doit donc se manifester et se traduire par la cohérence entre la loi de financement de la sécurité sociale, la politique de santé publique et sa déclinaison au niveau local.

M. Jean-Michel Dubernard : Le Parlement a manifesté sa volonté à ce sujet.

M. Jean-Marie Le Guen : Dans les discours, pas dans la loi.

M. Jean-Michel Dubernard : Dans la perspective de la création d'agences régionales, la loi sur l'assurance maladie disposait qu'une expérimentation serait menée dans cinq régions. Caisse régionale, ARH et groupement régional de santé publique devaient s'assembler. En Alsace et en Poitou-Charentes, tout le monde était d'accord pour participer à cette expérimentation. Si la volonté du Parlement n'est pas respectée, il n'y a pas lieu de s'étonner de n'obtenir aucun résultat ! Pourtant, de ces expérimentations dépend peut-être le bien-être de tous.

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous espérons que l'expérimentation s'engagera avant la fin de l'année, mais le délai de parution du décret relève du Gouvernement. L'assurance maladie est favorable aux expérimentations qui permettraient d'envisager des modifications institutionnelles de nature à améliorer la qualité des soins et l'équilibre économique général indispensable au maintien du système solidaire. Notre réflexion préparatoire au lancement des expérimentations prévues dans la loi a porté sur différents points : sait-on estimer le montant des dépenses dans une région et son affectation ? Comment améliorer l'efficacité du système de soins pour le traitement du diabète, de l'hypertension artérielle, du cancer du sein et de la sclérose en plaques ? Pour ce qui est du diabète, nous cherchons à mieux organiser la prévention et la prise en charge des patients tout en évitant les hospitalisations inutiles.

M. Jean-Marie Le Guen : Existe-t-il des référentiels ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Non. Ils sont en cours d'élaboration par la Haute autorité de santé.

M. Jean-Marie Le Guen : Et voilà !

M. Pierre Morange, coprésident : Nous interpellerons le ministre à ce sujet.

M. Jean-Marc Aubert : Les modifications institutionnelles ne suffisent pas. Il faut aussi mettre au point de nouveaux outils de gestion permettant d'axer le système de soins sur l'assuré et la pathologie et non plus sur l'offre de soins. Les systèmes d'information actuels ne permettent pas le suivi longitudinal des patients. C'est pourquoi, dans le cadre des travaux entrepris à l'occasion de la mise en place de la tarification à l'activité, nous avons défini un programme d'évolution sur trois ans des systèmes d'information de l'assurance maladie et des hôpitaux, avec des étapes intermédiaires d'ici 2009. Mais la mise au point des outils suppose que soient tranchées la question des rôles respectifs des institutions et celle du pilotage. Quelle part ira à l'assurance maladie et quelle part au ministère de la santé, et en fonction de quels objectifs ? L'évolution est en cours mais tous les outils ne sont pas aboutis, et il faudra avancer.

M. Jean-Marie Le Guen : Il se trouve que la CFDT, qui préside l'UNCAM, considère que l'Union n'a pas vocation à gérer, cette fonction revenant à un directeur nommé par l'État. Nous sommes donc en présence de l'UNCAM, c'est-à-dire de l'État pour 80 %, et de directions ministérielles qui sont aussi l'État. Autrement dit, si problème il y a, il oppose l'État à lui-même. Voilà où nous en sommes. Le seul élément d'espoir, c'est que les outils d'information évoluent assez rapidement, anticipant les évolutions institutionnelles.

M. Pierre Morange, coprésident : Le principal est en effet que l'on avance, mais il apparaît qu'un long chemin reste à parcourir avant que la tarification à l'activité soit véritablement entrée dans les faits.

Messieurs, je vous remercie.

AUDITIONS DU 30 MARS 2006

Audition de M. Pierre-Louis Bras, inspecteur général des affaires sociales

M. Pierre Morange, coprésident : Nous accueillons M. Pierre-Louis Bras, inspecteur général des affaires sociales, sur le rapport de la mission d'appui concernant la convergence tarifaire public-privé, de janvier 2006. Ce sujet important est au cœur des réflexions du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie dont le président, M. Bertrand Fragonard, devrait être entendu prochainement par la MECSS.

Monsieur, je vous souhaite la bienvenue et je laisse immédiatement la parole à notre rapporteur.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Peut-être pourriez-vous commencer par rappeler les enjeux et le poids comparé des deux secteurs, public et privé, avant de présenter les principales analyses et propositions de votre rapport.

M. Pierre-Louis Bras : En 2004, l'objectif de dépenses d'assurance maladie pour les soins de médecine, chirurgie et obstétrique (ODMCO) s'établissait à 39 milliards d'euros, en 2004, dont 30 milliards pour le secteur public et 8 milliards pour le secteur privé.

Pour repérer les enjeux de la convergence tarifaire, nous avons essayé de voir quels étaient les écarts actuels de tarifs. Il nous a donc fallu reconstituer des tarifs puisque ceux du privé n'incluent pas les honoraires et la biologie. Nous avons ainsi estimé que, par GHS, groupes homogènes de séjour, les tarifs du public représentaient 1,8 fois ceux du privé. Mais cela ne préjuge en rien de l'homogénéité de ces GHS et des contraintes particulières qui peuvent peser sur le secteur public.

Notre travail a ensuite été organisé en fonction de l'exigence de convergence posée par la loi. Nous nous sommes donc d'abord demandé si cette convergence devait aller vers le haut, vers le bas ou vers la moyenne. Nous avons constaté qu'elle s'était opérée en 2005 vers la moyenne, c'est-à-dire que ce qu'avait gagné l'un avait été perdu par l'autre. Cela nous est apparu comme une très mauvaise méthode, comme si un acheteur public confronté à deux offres, au lieu de prendre le mieux-disant, l'alignait sur le plus cher. S'il faut augmenter les tarifs des cliniques, il faut le faire au regard de leur situation et non pas de l'inefficience du secteur public. Or, si on continue la convergence vers la moyenne, plus le public sera inefficient, plus les tarifs des cliniques augmenteront, ce qui n'a aucun sens.

Dans la mesure où le sens de la convergence n'était pas précisé dans la loi, nous avons considéré que le législateur n'avait pas voulu d'une convergence inflationniste, d'autant qu'une des difficultés de la tarification à l'activité est de parvenir à récupérer de l'argent chez les perdants. Nous avons donc fortement plaidé pour que la convergence aille vers le plus efficient, c'est-à-dire pour l'instant vers les cliniques.

Cela signifierait que le tarif des cliniques deviendrait taux directeur pour tout le système hospitalier et qu'il faudrait donc le fixer de manière précise, alors qu'il n'y a pour l'instant ni données, ni critères permettant d'asseoir les décisions de tarif vis-à-vis des cliniques sur un indicateur et des objectifs. Le Parlement vote une enveloppe hospitalière décomposée en plusieurs sous-enveloppes, dont une à l'activité. Ensuite, on formule des hypothèses de volume et on en déduit des tarifs. Or, dès lors que l'on prétend réguler un secteur qui obéit aux règles du privé, il importe de prendre en considération sa situation économique. Il nous paraît nécessaire de définir une règle à la fois pour que le contrôle, notamment du Parlement, puisse s'exercer sur le régulateur ; pour que le régulé sache à quoi il doit s'attendre de la part du régulateur ; enfin, pour que le régulateur ait lui-même une règle de décision.

Pour le moment, on est plutôt dans le registre du marchandage. Nous avons essayé de proposer une règle de régulation et de fixation des tarifs pour les cliniques, en partant de l'objectif qui nous semble être celui des pouvoirs publics : si on considère que les cliniques privées sont une composante importante et incontournable de notre système de santé et qu'il faut qu'elles perdurent, il faut que les investisseurs y trouvent une rentabilité suffisante. Mais comme on est dans un secteur où les prix sont fixés par l'administration, il faut aussi éviter de constituer des rentes à ces investisseurs. Pour apprécier cet objectif, nous avons proposé de créer, comme variable de contrôle de la pertinence de la politique hospitalière et de l'attitude du régulateur, le ratio « résultat net sur capitaux propres ». Ce ratio peut être critiqué, mais c'est celui qui donne une meilleure idée de la rentabilité pour un investisseur.

Pour l'instant, les données nécessaires à son établissement font défaut : fin 2005, les données sur la rentabilité des cliniques dataient de 2003. Mais il devrait être possible de construire des modèles permettant d'approcher la rentabilité des cliniques et de prendre en toute connaissance de cause des décisions de tarification transparentes et contrôlables. Toutefois, cela suppose une modification des textes relatifs aux modes de tarification. Aujourd'hui, il est prévu que le Parlement fixe une enveloppe et qu'ensuite l'exécutif fasse une prévision de volume et en déduise les tarifs, mais la manière de fixer l'enveloppe et les contrôles n'obéissent à aucune règle : c'est un arbitrage proposé par le Gouvernement au Parlement, qui tient compte de considérations budgétaires générales n'ayant rien à voir avec la situation économique des cliniques. Selon nous, il faut partir de cette situation et se donner une règle de décision transparente correspondant à un objectif de rentabilité des capitaux propres investis.

Se pose ensuite la question, tout aussi fondamentale, des écarts de coûts salariaux qui sont sans doute à l'origine des écarts de tarifs et de productivité entre les deux secteurs. On peut distinguer un écart de rémunération à qualification équivalente, un écart dans la structure des qualifications, un écart dans le volume de travail et un écart de productivité qui aurait vocation, par la pression que la convergence exercerait sur les hôpitaux publics, à être progressivement réduit. D'ailleurs tout l'intérêt de la convergence est de servir d'étalon de productivité pour le secteur public, pour le pousser vers l'efficience et donc permettre de réaliser des économies au profit du cotisant et du contribuable.

Sur les rémunérations, on dispose des écarts nets, mais pas des éléments sur le coût global du travail, alors que c'est ce qui permettrait des comparaisons. On sait par ailleurs que la qualification est plus élevée en moyenne dans le public. Certes, il s'agit d'écarts globaux qui ne sont pas ramenés à la structure par GHS, mais ils sont tels que l'on peut en tirer des conclusions. En revanche, on est incapable de porter un jugement sur l'écart des qualifications : est-il le signe d'une moindre efficience du public, qui conduit à faire effectuer certains travaux par des gens trop qualifiés ? Est-on, dans le privé, en deçà de la qualité et de la sécurité des soins nécessaires ? Personne ne peut le dire et des études devraient être réalisées dans ce domaine.

Il y a des questions de principe autour des écarts de salaires. Les cliniques, à partir de l'idée que leurs salariés sont moins bien payés que dans le public, prônent l'homogénéisation des rémunérations grâce à une augmentation de leurs tarifs. Dans la mesure où il s'agit de faire respecter le principe « à travail égal, salaire égal », cette homogénéisation relève d'un choix éminemment politique. Dans ce cadre, les pouvoirs publics fixeraient les salaires dans le public, mais aussi dans le privé. On peut également considérer, de façon plus libérale, que, dès lors qu'il existe un secteur privé, les décisions doivent être prises par les gestionnaires des cliniques, que leur recherche de la rentabilité les conduira à maîtriser leur masse salariale et qu'au lieu de vouloir homogénéiser, il faut laisser perdurer ce mode de décision, qui est gage de maîtrise des coûts. Si le privé, handicapé par rapport au public en raison de salaires plus faibles, était amené à les augmenter, la nécessité que je viens d'évoquer de garantir une rentabilité suffisante au privé obligerait les pouvoirs publics à tenir compte de ces hausses de rémunération dans les tarifs futurs. Il y a donc vraiment un choix à faire entre le mode de décision décentralisé actuel pour les salaires et la volonté d'homogénéisation. La Fédération de l'hospitalisation privée plaide pour l'homogénéisation afin de pouvoir augmenter ses tarifs.

A priori, le coût global du travail semble supérieur dans le public. Faut-il homogénéiser les tarifs sans en tenir compte, ou faut-il admettre un sur-tarif ? Ne pas prendre en compte cette différence de coût revient à demander aux établissements publics, qui n'ont pas la maîtrise de leurs rémunérations, de compenser par un surcroît d'efficience le handicap que constituent des salaires plus élevés. Ce peut être une manière de faire pression sur les salaires dans le secteur public, mais les décisions étant prises lors de négociations générales, on n'est pas sûr que cela soit très pertinent. Notre recommandation est donc plutôt que l'on tienne compte des différences de rémunérations et qu'on réalise la convergence au moyen de ce sur-tarif, comme cela a été fait avec les coefficients géographiques, qui tiennent effectivement compte des différences de coûts salariaux entre les régions. Avant de prendre cette décision il faudra décider de l'ampleur qu'on veut donner à la convergence.

De même, il faut décider si la structure des qualifications peut être une variable gérée directement par les établissements publics. La réponse est oui à long terme, mais non à court terme, car cela ne saurait se faire en un an ou deux. Là aussi, un sur-tarif, mais cette fois transitoire, serait nécessaire pour permettre aux hôpitaux publics de rejoindre la structure de qualification du privé. Mais avant même de leur donner cet objectif, il faudrait vérifier - ce que l'on ne sait pas faire aujourd'hui -, par des études monographiques établies à partir de certains GHS, si la structure du privé est optimale ou si l'on n'observe pas une certaine sous-qualification par rapport aux exigences de qualité et de sécurité des soins.

Nous avons aussi constaté que de nombreuses questions se posaient quant aux contraintes spécifiques du secteur public qui pourraient éventuellement justifier des écarts dans les tarifs.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Mais dans le privé il existe aussi une échelle importante de tarifs ; comment les représentants des cliniques l'expliquent-ils ?

M. Pierre-Louis Bras : Les tarifs reposent sur une tarification historique qui n'est pas la tarification par GHS, mais qui mêle des éléments très disparates comme le prix de journée et le forfait salle d'opération. Puisqu'on est passé à la tarification à l'activité, le tarif historique doit tendre progressivement vers le tarif cible. Même si les écarts sont assez limités, les cliniques privées doivent donc converger et un coefficient de transition doit les y amener. Car s'il y a la convergence public-privé, il y en a aussi deux autres, au sein du privé et au sein du public. Et les choses sont plus compliquées dans le privé car nous aurons, fin 2007, une échelle de coûts autour de laquelle devra se faire la convergence. Les établissements privés sont donc en train de converger vers des tarifs historiques dont on n'est pas sûr qu'ils correspondront aux coûts des GHS. Des recalages seront donc peut-être nécessaires à ce moment là.

Notre mission nous a permis de porter une appréciation définitive sur les éléments qui pourraient justifier des écarts de tarif entre le public et le privé, qui doivent faire l'objet d'études cette année et au début de l'année prochaine. On observe toutefois dans le public une part plus importante de l'activité non programmée ; une part plus grande de la précarité ; des obstacles tenant au processus de spécialisation et de gamme ; des variations entre les GHM, les groupes homogènes de malades, ou en leur sein, le privé étant spécialisé dans les cas les moins lourds ; un problème de bonne affectation des MIGAC, les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation ; des problèmes de fiscalité aussi. Je n'y insiste pas.

Nous avons exprimé dans le rapport un certain scepticisme quant à la capacité, dans l'organisation actuelle, de parvenir à objectiver toutes ces données à l'échéance prévue de fin 2007. Le processus de pilotage de tous ces travaux nous paraît bien fragile par rapport aux enjeux. En particulier, le fait que tous ces travaux soient conduits dans une concertation permanente avec les quatre fédérations d'établissements peut être pesant, car elles ont des intérêts directs dans ces études, qui risquent d'être ainsi moins techniques et scientifiques que politiques. Le calendrier pourrait être malaisé à tenir dans ces conditions et il risque d'être difficile de satisfaire l'exigence posée par le législateur d'une convergence à 50 % en 2008.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel serait selon vous le bon rythme ?

M. Pierre-Louis Bras : Même si nous comprenons qu'il faille faire preuve de volontarisme dans ce dossier, nous ne nous risquons pas à fixer un calendrier, dans la mesure où nous ne disposons pas de toutes les données et où la volonté politique n'a pas été clairement exprimée. Tout dépendra de l'écart : s'il y a 5 % d'écart à la fin, la convergence sera sans doute réalisable en cinq ans ; s'il y a 20 %, ce sera impossible, car derrière il y a une question d'emploi. Aujourd'hui, on raisonne sur la convergence sans se demander quelles vont être les exigences d'évolution de l'emploi hospitalier. Afin d'éclairer le débat et, peut-être, de modérer certaines ardeurs, nous proposons simplement que l'on formule des hypothèses sur les emplois qu'il faudra supprimer dans le public en considération des progrès d'efficience qui lui seront demandés. Aujourd'hui, implicitement, la base de tous les modèles de détermination du budget hospitalier est une reconduction des effectifs actuels, tandis qu'on affirme vouloir faire des économies sur les achats. Mais cela fait dix ans que l'on dit cela et, si l'on peut espérer que certaines économies ont déjà été réalisées, elles ne sont pas à la hauteur des progrès d'efficience qu'exigerait une convergence à 20 % ou à 30 % vers le privé. Tout ceci dépend aussi de la générosité générale dont on fera preuve vis-à-vis de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Bien évidemment, plus celui-ci sera élevé dans les années qui viennent, plus il sera facile de réaliser la convergence.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Les écarts de tarifs ne sont pas de 20 à 30 % : dans votre rapport on voit qu'ils vont de 48 à 93 % !

M. Pierre-Louis Bras : Je dis que, quand on aura écarté ce qui justifie une partie de ces écarts, on pourra être bien en deçà, mais je ne sais pas à quelle hauteur d'autant, comme je l'ai rappelé, que de très nombreux facteurs interviennent. Il est prévu un recueil des coûts suivant une méthodologie commune au public et au privé, qui servira de base à l'analyse des écarts. Parallèlement, des études complémentaires seront menées en 2006 et en 2007, l'idée étant que l'on dispose de tous les éléments d'information début 2008. Mais je vous ai fait part de mon scepticisme quant à la possibilité de tenir ce calendrier.

Notre mission s'est déroulée de septembre à décembre 2005 et nous avons observé comment ce dossier était piloté et comment il évoluait. Nous avons constaté des retards, ne serait-ce que parce qu'on regroupe quatre fédérations qui sont elles-mêmes directement intéressées, ce qui rend les discussions techniques très difficiles.

M. Pierre Morange, coprésident : Dans le cadre du processus de convergence, vous avez évoqué la réduction des effectifs. À quelle hauteur devrait-elle intervenir selon vous ?

M. Pierre-Louis Bras : Nous sommes sur l'hypothèse d'une convergence vers le plus efficient. Après qu'on aura pris en compte les écarts de coûts qui pourraient être justifiés, les choses seront très différentes selon que l'écart résiduel sera de 5 ou de 20 %. Cela dépend aussi de la croissance des volumes : sous le régime de la T2A, un accroissement de l'activité hospitalière permettrait d'augmenter les paiements à l'hôpital et de compenser ainsi les effets de la convergence. Pour l'instant l'activité n'évolue guère, mais la convergence elle-même peut y inciter. C'est en prenant en compte tous les facteurs que l'on pourra formuler des hypothèses concernant les effectifs. Nous n'y sommes pas parvenus au cours de notre mission et la balle est maintenant dans le camp de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Précisément, de quels outils devrait se doter la DHOS pour assurer une tarification pertinente des cliniques ?

M. Pierre-Louis Bras : Il faudrait déjà savoir à partir de quels principes et pour quels objectifs on veut tarifer. Nous avons proposé que l'objectif soit de garantir la rentabilité des capitaux investis et de ne pas constituer de rente, avec comme critère le ratio rentabilité nette sur capitaux propres. Il faut donc parvenir à disposer de cette information. Or, fin 2005, les dernières données établies par la DREES portaient sur l'année 2003. Il serait pourtant tout à fait possible, à partir des données que produit le système d'information sur les volumes des facteurs et sur les volumes d'activité, de constituer des modèles, de faire des prévisions, et donc de tarifer en fonction d'un objectif. Mais encore faut-il, je le répète, qu'on se soit donné un objectif et une règle.

Tel n'est pas le cas aujourd'hui, où tout ceci relève surtout du marchandage entre les pouvoirs publics et les fédérations, dans le cadre global des objectifs de dépenses fixés par le Parlement. Si l'on veut que la concertation soit encadrée, qu'il y ait une règle transparente et un étalon permettant de dire si les tarifs sont trop ou pas assez élevés, il faut conduire différemment la politique hospitalière et les politiques de régulation. Pour l'heure, on continue à privilégier la souplesse qui permet à l'État de serrer un peu la vis quand il en a besoin pour maîtriser l'évolution des dépenses de la sécurité sociale et aux fédérations de se prévaloir des résultats obtenus dans le marchandage.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous n'avons pas encore parlé de la qualité des prestations qui est un élément important.

M. Pierre-Louis Bras : Pour le moment, nous n'avons aucun moyen d'évaluer globalement la qualité relative des prestations du secteur public par rapport au secteur privé. Nous disposons uniquement des données établissement par établissement, à travers l'accréditation. De ce point de vue, aucun secteur ne paraît supérieur à l'autre. Nous disposons aussi des appréciations des patients, mais elles sont très générales. Nous avons donc fait l'hypothèse que la qualité était équivalente.

Mais je ne suis pas sûr que la tarification doive être conditionnée par la qualité : d'une part on en est incapable, d'autre part admettre une différence de tarif reviendrait à tolérer une « mauvaise » qualité, ce qui serait contraire aux principes mêmes de notre politique hospitalière. Être bon est normal, être mauvais doit être sanctionné.

M. Jean-Luc Préel : Politiquement, on est obligé d'aller vers la convergence puisque, les recettes étant socialisées, il est insupportable, par exemple, que le coût d'une appendicectomie soit trois fois plus élevé dans un secteur que dans l'autre. Mais on ressent chez vous un grand scepticisme : pensez-vous qu'on y parviendra un jour ?

Par ailleurs, vous l'avez souligné, les différences viennent essentiellement des rémunérations, des qualifications et des ratios de personnels. Quand on sait que les dépenses de personnel représentent environ 80 % des budgets hospitaliers et que le personnel est sous statut de la fonction publique, on voit mal comment un hôpital pourrait réduire ses coûts en jouant sur les rémunérations, d'autant qu'elles sont fixées par des négociations nationales et non établissement par établissement.

Pouvez-vous également nous en dire plus sur la qualité ? Par exemple, alors que le public est quasiment seul à disposer des IBOD, les infirmières de bloc opératoire diplômées, a-t-on constaté plus de mortalité et d'infections nosocomiales dans le privé ? Si tel n'est pas le cas, cela signifie-t-il que le personnel non qualifié obtient des résultats équivalents, donc qu'il est inutile de disposer d'un personnel aussi qualifié ?

Par ailleurs, pratique-t-on aujourd'hui une sélection des malades ? Autrement dit, peut-on aller vers la convergence des tarifications en soignant les mêmes patients ? Et si tel n'est pas le cas, comment en tenir compte dans la tarification ?

Enfin, il y a eu ces derniers jours un débat intéressant sur l'intégration des dispositifs médicaux dans la tarification des cliniques. Peut-on dire que cette intégration joue sur la qualité des soins ?

M. Pierre-Louis Bras : Nous ne disposons pas d'informations sur la qualification, et l'une des propositions du rapport est précisément que des études soient conduites à ce propos, GHS par GHS, afin de s'intéresser à des services qui traitent les mêmes types de patients et d'essayer de voir ce qui est fait par une infirmière dans le secteur public et par un ASH, un agent de service hospitalier, dans le privé. L'idéal serait que l'étude ne soit pas seulement descriptive, mais aussi normative. Je ne mésestime pas la difficulté de ce que je propose, mais il faut absolument avancer. D'un point de vue technique, peut-être faudrait-il couper les GHS, au risque d'alourdir le système. La FHF, la Fédération hospitalière de France, a montré de manière convaincante que le privé se spécialise dans les cas les moins lourds, ce qui ne signifie pas qu'il sélectionne les patients. Je ne dispose d'ailleurs pas de données permettant d'affirmer qu'on procède à une sélection.

M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous des propositions pour rendre l'étalonnage plus fiable afin d'éviter les marchandages dont vous avez parlé ?

M. Pierre-Louis Bras : Nous avons fait nos propositions il y a deux mois et nous n'avons pas encore de retour. J'ignore quel est l'objectif poursuivi pour l'étalonnage des tarifs.

Nous avons par ailleurs souligné le problème que pose le fait que les honoraires des médecins soient régulés de manière distincte dans le privé, alors qu'ils sont dans l'enveloppe de dépenses pour le public. On peut craindre ainsi que des décisions prises dans le cadre de l'UNCAM ne soient en contradiction avec les objectifs généraux de la T2A. On voit quelles seraient les solutions techniques, mais il s'agit d'une question politiquement sensible...

Par ailleurs, les explorations biologiques et radiologiques de péri-hospitalisation peuvent être réalisées en ville, avant ou après le séjour hospitalier, et il semble que cela risque de fausser la comparaison des écarts de coût des GHS entre établissements publics et établissements privés. L'importance du phénomène n'étant pas mesurée avec exactitude à ce jour, nous avons recommandé la réalisation d'une étude de faisabilité du recueil des charges péri-hospitalières rattachables à un séjour. La FHF a en effet demandé que toute étude de convergence se fasse en intégrant un même périmètre d'analyse de ces coûts.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : L'accueil des personnes en situation précaire est-il pris en compte ?

M. Pierre-Louis Bras : L'argument selon lequel les personnes en situation précaire vont à l'hôpital et non dans les cliniques privées est régulièrement avancé, mais il est faux car, dans ce domaine aussi, il existe des « zones de chalandise ». En réalité, on ne sait pas précisément quel surcoût induit l'accueil de cette patientèle. La seule étude réalisée sur ce sujet l'a évalué à un tiers, mais les critères d'analyse retenus ne permettent pas d'emporter la conviction. Et bien que toutes les questions à ce sujet aient déjà été posées par la mission Marrot-Gilardi, il y a cinq ans, nous ne disposons d'aucun élément supplémentaire.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous insistez sur la nécessité d'un coût « tous financeurs ».

M. Pierre-Louis Bras : Une clinique peut avoir des ressources supplémentaires si les praticiens qui exercent en son sein sont en secteur 2. Dans ce cas, la convergence aura été faite sur une base qui n'est pas la bonne. On peut en effet penser que, si la clinique a d'autres ressources, la sécurité sociale doit payer moins. Je ne dis pas que tout le dispositif actuel doive être modifié, mais qu'un regard clair est nécessaire sur tout ce qui est présenté au remboursement, car si certains établissements ont des ressources externes, il y a fort à parier que les autres feront valoir que, puisqu'ils n'en disposent pas, ils doivent percevoir davantage. Cela dit, étant donné l'ampleur des études qu'il nous faut mener à bien, celle-là n'est pas au nombre de nos priorités.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Peut-on imaginer un mécanisme de péréquation pour les perdants ?

M. Pierre-Louis Bras : Si l'on décide qu'il y aura péréquation, ce n'est pas la peine de passer à la tarification à l'activité ! Mais des exceptions seront nécessaires car si l'application de la tarification à l'activité met un hôpital en difficulté, il faudra bien prendre des mesures spécifiques pour assurer sa survie. Pour éviter de trop grandes difficultés, il ne faut pas aller trop vite. À cet égard, ce serait confronter les établissements publics « perdants » à deux problèmes cumulés que d'ajouter à l'obligation de convergence tarifaire public-public la convergence public-privé car, dans ce cas, la moyenne du public devrait converger vers celle du privé.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment s'assurer de la bonne utilisation des marges de manœuvre nouvelles des établissements qui ont gagné à l'application de la tarification à l'activité ?

M. Pierre-Louis Bras : Je ne sais ce qu'ils en font, c'est un vrai mystère Peut-être avaient-ils préalablement des difficultés, qui sont ainsi résorbées.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie.

*

Audition de Mme Marguerite Bérard, et de MM. Gilles Clavreul
et Guillaume Sarlat, inspecteurs des finances, de M. François Mercereau,
inspecteur général des affaires sociales, et de M. Gautier Maigne,
inspecteur des affaires sociales

M. Pierre Morange, coprésident : Madame, Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. La mission a souhaité entendre les auteurs du rapport d'enquête IGF-IGAS concernant le pilotage des dépenses hospitalières, de juillet 2005.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pouvez-vous nous exposer les principales analyses et conclusions de ce rapport d'enquête conjoint ?

M. Guillaume Sarlat : Nous sommes intervenus lors du lancement de la réforme, ce qui explique certaines de nos critiques sur la gestion d'un projet dont les difficultés de réalisation étaient alors patentes. J'espère qu'elles ont été résolues. La tarification à l'activité tend à l'objectivation des prix, qui doit, elle-même, permettre d'améliorer la gestion des établissements hospitaliers. Le dispositif doit donc se caractériser par sa transparence et par sa lisibilité. Or, sa complexité conduit à dire que le mieux est parfois l'ennemi du bien. Nous nous sommes en effet rendu compte que la faible lisibilité du mécanisme sur certains points - calcul des bases, tarifs, évolution des tarifs... - est un obstacle à son efficacité et rend difficile la mise en œuvre de la réforme.

Le changement de mode de rémunération des établissements n'est pas une fin en soi. La tarification à l'activité doit révéler la plus ou moins grande efficacité des établissements, et l'on en attend un gain en matière de gestion et d'organisation. Mais comment traite-t-on les « gagnants » et les « perdants » ? Quel est le rôle des ARH ? Sur ces points aussi, nous avons formulé des critiques et des propositions.

S'agissant de l'organisation globale du système, c'est-à-dire de la régulation des dépenses hospitalières, quelle est la répartition des responsabilités entre l'assurance maladie et l'État en matière de codage, de contrôle des médicaments onéreux (MO) et des dispositifs médicaux implantables (DMI) ? Huit mois se sont écoulés depuis la publication du rapport, mais je pense que ces questions sont toujours d'actualité.

Comment, enfin, s'assurer que la tarification à l'activité permet un meilleur contrôle des dépenses hospitalières et qu'elle s'articule avec l'ONDAM sans faire courir le risque qu'il ne soit pas respecté ?

Le dispositif présente donc certaines fragilités, et les propositions que nous avons avancées tendent à l'encadrer. Cela reste à faire.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : De quelle qualité sont les informations dont dispose la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) ? Comment se fait le contrôle des codages ? Quelles difficultés anticipez-vous ?

M. Guillaume Sarlat : Différentes catégories de données sont nécessaires. Il y a d'abord l'étude nationale des coûts, mais l'échantillon utilisé est restreint et les moyens mis en œuvre ne sont pas véritablement à la hauteur des enjeux. Il y a ensuite le retraitement comptable annuel, mais le gain potentiel d'ajustement à la marge qu'il permet exige une grande mobilisation d'énergie et de temps. Voilà pour l'amont. En aval, il y a le contrôle du codage, sujet qui restait à traiter en juillet 2005, et les remontées macroéconomiques dont la DHOS doit disposer pour prendre des décisions de gestion en milieu ou en fin d'année. Dans ce domaine aussi, j'espère que les choses se sont améliorées.

Mme Marguerite Bérard : Nous avons constaté l'effet positif de la tarification à l'activité sur le programme de médicalisation des systèmes d'information, le PMSI dans les établissements qui s'intéressent vraiment au codage et dont ils perçoivent l'intérêt. Il est manifeste que la pratique du codage s'ancre, mais nous sommes arrivés trop tôt pour observer l'optimisation d'une pratique qui n'était pas encore généralisée. En revanche, nous nous sommes beaucoup inquiétés de constater que le contrôle du codage n'était nullement mis en œuvre et qu'aucune méthode n'était définie, non plus que le rôle des tutelles. Bref, on ne savait pas à qui incombe le contrôle.

M. Gilles Clavreul : Les outils sont moins en cause que la propension des acteurs à les utiliser. En dépit de ses imperfections, le PMSI a permis de repérer des évolutions dans les activités des établissements, avec un décalage d'un trimestre seulement. La question de fond est de savoir quelle utilisation on fait des données.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Les textes réglementaires parus après la remise de votre rapport concernant le contrôle du codage de l'activité et les contrats de bon usage des médicaments correspondent-ils à vos attentes ?

M. Guillaume Sarlat : Tout dépendra des forces investies pour faire respecter les contrats de bon usage. Si l'on veut faire un travail sérieux sur ce sujet, il faudra non seulement des accords de bon usage, mais aussi des accords sur le respect des prescriptions et sur celui des autorisations de mise sur le marché (AMM). Les médecins doivent être investis d'une mission à ce sujet.

M. Pierre Morange, coprésident : Des amendements visant à renforcer les contrôles, établis à la demande de l'assurance maladie, ont été votés au Sénat lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Les problèmes techniques de facturation individuelle ont-ils été résolus ?

M. François Mercereau : Les problèmes auxquels vous faites allusion ont pour l'essentiel touché les établissements privés, qui n'entraient pas dans le champ de ce rapport. Dans les établissements publics, la facturation est encore très parcellaire. Les hôpitaux devront réapprendre un métier largement oublié et mettre au point la télétransmission avec la sécurité sociale, soit par le biais de la carte SESAM-Vitale, soit par celui de la norme B2 - hypothèse qui n'est pas satisfaisante car ce système n'est pas sécurisé. Des chantiers sont en cours, et nous avons constaté l'amorce d'une approche commune à la DHOS et à la sécurité sociale pour la définition des outils nouveaux, à présent nécessaires. Reste en suspens la facturation des séjours, actuellement collective. La question est de savoir si l'on se lance dans la facturation individuelle sur le modèle de ce qui se fait dans les cliniques privées. Nous considérons qu'il faut y réfléchir à deux fois, car la facturation individuelle suppose des connexions informatiques entre l'hôpital et l'assurance maladie, qui sont très loin d'exister. Dans ce contexte, la facturation individuelle sera d'un faible intérêt, si elle ne permet pas que l'assurance maladie puisse renseigner en temps réel les établissements sur l'existence et l'étendue des droits. Lancer cette vaste mécanique aurait un effet perturbant pour des hôpitaux qui n'ont plus l'habitude de facturer depuis l'institution de la dotation globale. On sait que les cliniques ont eu les pires difficultés à instaurer ce système. Le risque serait réel de confusion des factures, d'augmentation des irrecouvrés et d'autres anomalies.

M. Pierre Morange, coprésident : Après que les systèmes informatiques des hôpitaux nous ont été décrits comme obsolètes et parcellaires, vous vous interrogez sur la mise en œuvre et l'efficacité du codage des actes. Cet ensemble ne peut que susciter, au minimum, la perplexité sur la fiabilité de données collectées et sur le suivi du dispositif.

M. Guillaume Sarlat : Si on souhaite contrôler le codage des actes, on dispose des instruments pour le faire. En matière de gestion des dépenses hospitalières, le problème n'est pas tant celui des systèmes d'information, aussi important soit-il, que celui de la clarification des rôles respectifs. Ainsi, celui des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) ne m'est pas apparu clairement.

M. François Mercereau : Je renforcerai ce propos en soulignant que si les outils sont effectivement imparfaits, c'est par leur non utilisation que l'on pêche le plus. Nous rappelons dans le rapport que rien de ce qui est attendu de la tarification à l'activité n'était interdit dans le cadre de la dotation globale, mais que rien n'a été fait.

Il ne faudrait pas, maintenant, chercher à contrebalancer les effets de la tarification à l'activité, dispositif mis au point au terme d'un remarquable travail. Les difficultés de la presque totalité des établissements « perdants » auxquels nous nous sommes intéressés au cours de cette enquête étaient connues et identifiées auparavant. Or, les discours entendus étaient que les médecins devraient mieux coder ; aucun, ou presque, n'en tirait la conclusion qu'ils devraient se restructurer ou améliorer leur gestion, sinon l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

Pour autant, nous plaidons en faveur d'une pause dans la montée en charge de la tarification à l'activité. Vouloir aller vite n'aurait pas d'effet redistributif plus important.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous sommes vraiment dans le vif du sujet...

Vous écrivez dans le rapport que la T2A n'est ni un outil de régulation de la dépense, ni un instrument favorisant la restructuration ou la planification sanitaire et vous jugez les mécanismes de contrôle insuffisants et les enveloppes inflationnistes. Mais pourquoi n'est-elle pas un outil de restructuration ? Est-ce parce que les établissements ne s'en sont pas encore emparés ou y a-t-il d'autres explications ?

M. Guillaume Sarlat : Nous pouvons faire état devant vous de ce que l'on ressent dans les établissements et dans les ARH. On nous avait dit que nous allions rencontrer des directeurs stressés, des perdants qui ne savaient pas comment boucler leurs fins de mois. Or, nous avons plutôt trouvé des gens heureux d'en finir avec l'opacité et le flou quant aux dates de déblocage des enveloppes et assez peu inquiets pour la bonne raison qu'il n'y a eu jusqu'ici que fort peu d'exemples où l'on a utilisé le couperet de la sanction, voire de la fermeture définitive, contre un établissement chroniquement en difficulté. Ils voient donc mal pourquoi la T2A rendrait subitement crédible l'impératif de bonne gestion... D'ailleurs, il n'a été dit nulle part que tous les perdants devraient proposer des restructurations à la fin de l'année et qu'à défaut ils seraient sanctionnés : faute d'une doctrine claire, on ignore ce que deviendront les gagnants comme les perdants. Si nous avons ressenti une certaine tension liée à l'incompréhension technique du système, nous n'en avons donc guère perçu quant aux risques liés à la gestion.

M. Pierre Morange, coprésident : La volonté politique est d'aller vers une optimisation et une rationalisation des moyens.

L'intervention de l'assurance maladie dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de la prescription médicale par les acteurs hospitaliers est un champ qu'elle n'avait jusqu'ici jamais exploré et qui s'ouvre à elle avec la réforme de l'assurance maladie et la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Certes, votre rapport date de juillet 2005 et il ne tient pas compte de cette nouvelle dimension qui va aboutir à une sorte de contractualisation et à un partenariat beaucoup plus fort entre les agences régionales de l'hospitalisation et les caisses régionales d'assurance maladie. Mais, de votre point de vue, s'agit-il de la façon la plus opérationnelle de répondre à votre observation, M. Mercereau, sur le fait qu'il ne suffit pas de mettre cela sur le papier, mais qu'il faut fixer les objectifs et s'y tenir ?

M. François Mercereau : La T2A est inflationniste parce que les chiffres de la première année de fonctionnement l'ont montré et parce que, dans le phasage de sa mise en œuvre, on a fait passer en premier lieu les éléments de libération de dépenses. Au moment de notre mission, aucun des instruments de contrôle n'avait été mis en place, alors qu'ils étaient pourtant déjà prévus par les lois antérieures.

Nous avons aussi trouvé que ces instruments de contrôle des volumes étaient insuffisants, notamment au regard des expériences étrangères. Sur une vingtaine de pays qui se sont engagés dans la tarification à l'activité, la France est le seul qui n'ait pas aussi lancé une planification des volumes ou, comme l'Allemagne, un écrêtement des gains qui fait que 75 % restent à l'établissement, tandis que 25 % sont mutualisés au niveau fédéral. Il est donc tout à fait normal qu'on constate chez nous des dépassements, puisque 25 % du court séjour étaient financés en 2005 en fonction de l'activité ; que les médicaments onéreux, les MO, et les dispositifs médicaux implantables, les DMI, étaient remboursés à l'euro près, sans limitation de montant ; que les MIGAC, les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation, étaient remboursées sur facture, à l'euro près et sur simple déclaration des établissements, sans aucun contrôle.

Dans ces conditions, nous avons constaté, sur la base du simple bon sens, qu'il n'y avait aucune raison pour que nous soyons plus malins que les autres et qu'il était urgent de stabiliser le dispositif et d'en profiter pour le compléter par des instruments de régulation destinés à contrôler les volumes.

En effet, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 a fait en ce sens un pas que nous ne pouvons que saluer. Néanmoins, les techniciens que nous sommes observent que cette planification est pluriannuelle, puisqu'elle se fait dans le cadre des conventions d'objectifs et de moyens et de la nouvelle génération des schémas régionaux d'organisation sanitaire. Or, les budgets, eux, sont annuels et le dérapage est infra annuel. Il y a donc lieu de continuer à réfléchir à une régulation plus courte, avec une bride plus tendue.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Peut-être pourrions-nous revenir sur les normes inflationnistes. Tout le monde a bien le sentiment que la MIGAC payée à l'euro près n'est pas un instrument de régulation. Mais sur les autres enveloppes - les aides à la contractualisation, les missions d'enseignement, de recherche, de recours et d'innovation, ou MERRI -, quel est votre sentiment ?

M. Guillaume Sarlat : Nous avons été frappés que sur des enveloppes aussi importantes que celles des MERRI, les modes de rémunération soient essentiellement forfaitaires et nationaux. Les pays étrangers, notamment les États-Unis, ont fait des choses un peu plus fines. Alors qu'on a préparé une réforme pendant de longues années, on ne dispose toujours pas d'un document de référence sur le coût du service public d'enseignement et de recherche, ni d'une définition précise de ses finalités. Du coup, on a une tuyauterie très raffinée pour 35 % des enveloppes, mais pour le reste on s'en tient à la rémunération forfaitaire.

Quand on met en regard, d'un côté les MERRI et les enveloppes discrétionnaires données aux établissements, et de l'autre la part T2A et la part de modulation des ARH, on se dit que les ordres de grandeur sont assez similaires et qu'on consacre beaucoup d'énergie à des raffinements de classification sans s'intéresser à ce qui se passe juste à côté et qui a un poids très important. On n'a pas vraiment tracé de perspectives à ce sujet : on n'a précisé ni le chemin qu'on allait suivre dans la rémunération, ni les études qu'on allait lancer, ni l'évaluation qui serait conduite, ni le rôle des ARH.

Alors que la T2A est un outil qui se fonde économiquement sur la concurrence entre les établissements et qui repose sur un concept sous-jacent de décentralisation, sa mise en œuvre est très descendante et on explique aux ARH qu'elles ne peuvent jouer que sur une petite partie de leurs bases. Il est quand même un peu étonnant que le régulateur local n'ait qu'un pouvoir restreint sur les MERRI et sur les MIGAC.

Pour les autres MIGAC, notre principale critique tient à la rémunération sur facture sans normalisation des coûts, en dépit des écarts types constatés.

M. Gautier Maigne : Le principal reproche qu'on faisait aux aides à la contractualisation était d'avoir à la fois gelé et sanctuarisé les aides existantes, sans examiner forcément leur pertinence et en restreignant fortement les marges de manœuvre laissées aux agences régionales. Ce qui semblait légitime, c'était qu'il y ait un volant d'aides à la contractualisation et une marge de manœuvre régionale, mais prévue ex ante, avec une sorte de mode d'emploi de ces aides, de façon à ce qu'elles ne servent pas systématiquement à rattraper les perdants et sans que cela n'aide à la restructuration du tissu hospitalier.

M. Guillaume Sarlat : Je peux comprendre le modèle passif dans lequel on fixe des règles : on regarde ce qui se passe, on laisse jouer la concurrence entre les établissements, comme dans le système Medicare, et on compte les survivants à la fin de l'année. Je comprends aussi le modèle plus actif de gestion déconcentrée aux ARH, dans lequel on leur donne une enveloppe, on leur laisse une grande latitude de gestion de cette enveloppe, on leur fixe des objectifs quantifiés et on les suit très précisément.

Ce qui me perturbe, c'est qu'on reste un peu entre les deux : on affiche des tarifs, mais pas de règle ex ante, et on tient aux ARH un discours que je n'avais toujours pas bien compris à la fin de la mission, selon lequel elles disposent d'une part dont elles peuvent faire ce qu'elles veulent, mais avec des bases totalement descendantes. Du coup, l'établissement ne sait pas d'où va venir la sanction : elle ne viendra ni d'une règle brutale, ni de son régulateur de terrain, auquel on n'a pas fixé d'objectif.

M. Pierre Morange, coprésident : C'est un problème qui n'est pas propre aux ARH. L'assurance maladie a aussi observé qu'elle avait, dans sa position de payeur aveugle, uniquement une maîtrise du secteur ambulatoire, mais en aucun cas un droit de regard sur la partie hospitalière.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pour vous, la T2A à la française serait donc plus inflationniste que régulatrice ?

Un de ses buts était aussi la convergence. Compte tenu de tout ce que vous avez dit, peut-on encore imaginer que cet objectif soit réalisable ? Que faudrait-il faire pour qu'il le devienne ?

M. Guillaume Sarlat : Il y a deux éléments de réponse. Le premier, faussement technique, consiste à faire le constat que l'écart type autour des coûts du système hospitalier demeure assez important, même avec une classification relativement fine de l'activité, et à l'expliquer par le fait que la nomenclature n'est pas encore mature et qu'il faut remédier à cette dispersion.

L'autre réponse, davantage gestionnaire, consiste à se demander quel est vraiment notre objectif. En clair, est-ce qu'un hôpital égale un hôpital ? Est-ce qu'un GHM, groupe homogène de malades, égale un autre GHM ? Est-ce qu'il n'y a pas des facteurs objectifs de variation des coûts ? Que doit-on tolérer ou pas ? Doit-on vraiment réaliser à 100 % la convergence public-public ?

Nous avons pensé que le mieux était l'ennemi du bien, que ce dernier objectif était peut-être trop ambitieux, que chercher à l'atteindre risquait de décrédibiliser l'ensemble de la démarche, et qu'il valait sans doute mieux aller vers quelque chose de moins satisfaisant sur le plan esthétique, mais de plus efficace concrètement et de plus clair en terme de message.

Car il y a des facteurs objectifs de variation des coûts entre les établissements : il y a les GHM que l'on cite toujours en exemple à propos de la convergence public-privé, mais il faut bien voir que les thérapeutiques et les actes varient de l'un à l'autre. C'est bien pour cela que du temps du point ISA, on mettait en exergue le poids moyen du cas traité pour prendre en compte le fait que l'on ne pratique pas la même médecine et la même chirurgie selon les établissements.

M. Gilles Clavreul : Il me semble que je n'ai pas assez insisté tout à l'heure sur la difficulté à concilier d'une part les effets de la T2A et l'analyse des gagnants et des perdants, d'autre part l'exercice de la planification sanitaire. Nous avons vu sur le terrain que cette dernière était tellement difficile à conduire que les deux tâches étaient menées de façon parallèle, sans véritablement se croiser. Cela a des effets fâcheux car les facteurs de variations des coûts peuvent être objectifs, mais aussi discrétionnaires, au sens où des priorités de santé publique peuvent conduire à souhaiter spécialiser un hôpital et à conserver à un autre une vocation généraliste que l'hospitalisation privée ne pourrait avoir. Dès lors qu'on a défini ces objectifs, il faut les faire entrer dans la grille de lecture T2A et donc assumer le fait qu'on va faire peser des coûts sur certains établissements, tandis qu'on permettra à d'autres de maximiser leurs gains.

Il me semble important de le souligner car, au moment de notre mission, les ARH n'avaient pas totalement intégré la nécessité de conduire les deux exercices, elles ignoraient selon quels critères elles auraient à arbitrer et quel discours elles devraient tenir aux établissements.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : J'aurais aussi aimé que l'on parle des divergences entre les deux inspections au sujet des éléments macro-économiques de la régulation.

M. Guillaume Sarlat : C'est le seul point sur lequel nous ne nous sommes pas complètement rencontrés, au milieu du tunnel des dépenses hospitalières.

Pour nous, l'une des ambiguïtés de la T2A est sémantique, autour des mots « tarif » et « coûts ». On est sur le principe d'une rémunération selon les tarifs, qui sont calibrés dans leur échelle relative à partir d'une enquête nationale sur un échantillon, puis en valeur absolue pour que cela rentre dans l'enveloppe. Ensuite interviennent diverses mesures, comme la diminution de 1 % des tarifs, la convergence public-privé, etc.

L'objectif de la T2A est de mettre les établissements et leur tutelle en position de s'interroger sur la bonne gestion des établissements, à partir de l'écart entre leurs coûts réels et des coûts cibles. Quant à nous, nous avons voulu faire passer le message que la T2A est inflationniste, mais qu'en utilisant les outils micro-économiques que nous détaillons dans le rapport - bon usage des MO et des DMI, responsabilisation des ARH, bon contrôle du codage - on peut tout à fait tenir la T2A et qu'on n'a donc pas besoin d'un outil macro-économique supplémentaire de régulation prix-volume, qui pourrait avoir comme effet désastreux d'entraîner une décorrélation entre les tarifs et les coûts. En effet, tel est bien le risque, au-delà du manque de visibilité du dispositif, si l'on fait varier les tarifs chaque année pour entrer dans une enveloppe soumise à des impératifs politiques sur l'ONDAM et techniques sur la répartition des mesures nouvelles et sur le calcul des bases. Nous avons donc craint que l'on perde ainsi de vue l'objectif unique de la T2A.

Notre seule divergence porte donc sur la nécessité de garder cette deuxième « lame », que, pour notre part, nous avons jugée ébréchée et dangereuse.

M. François Mercereau : Une seule divergence sur 700 pages, ce n'est pas énorme... Nous sommes d'accord sur l'essentiel, c'est-à-dire sur la nécessité de contrôler les volumes : aucun pays n'a pu s'en passer. La divergence porte sur un aspect tactique, sur notre intuition de la probabilité d'utilisation des outils. Pour notre part, nous avons simplement dit qu'il ne serait pas prudent de se séparer d'un outil avant que les autres n'aient fait la preuve de leur efficacité. Nous ne contestons pas la pertinence de l'analyse de l'Inspection des finances, mais l'expérience nous conduit à nous montrer administrativement plus prudents et à proposer qu'on attende de voir si la régulation des volumes marche, avant de renoncer définitivement à une régulation prix-volume.

Au départ, la T2A n'a pas été conçue comme un moyen d'accroître l'enveloppe ONDAM consacrée aux hôpitaux, mais comme un moyen d'allocation de cette enveloppe. Deux ans après, plus personne ne parle de cet objectif initial. Pour faire coïncider le respect du volume national des dépenses et la liberté pour chaque établissement de moduler selon son activité, on entendait précisément utiliser l'ajustement des tarifs. Nous nous sommes aperçus que cette conséquence de la T2A avait été un peu passée sous silence par l'ensemble des acteurs et nous avons simplement dit qu'il ne serait pas prudent que le législateur en tire la conséquence qu'il faut supprimer ce moyen tant qu'il n'aura pas constaté que les autres instruments mis en place pour contrôler le volume des dépenses hospitalières auront été efficaces, c'est-à-dire tant qu'il n'aura pas vérifié que l'ONDAM qu'il a voté est parfaitement respecté en fin d'année.

M. Pierre Morange, coprésident : Il ne me reste plus qu'à vous remercier d'avoir répondu de façon exhaustive à l'ensemble de nos questions.

*

Audition de Mme Claude-Anne Doussot-Laynaud, directrice des finances
et du contrôle de gestion du Centre hospitalier de Saint-Malo, de M. Serge Bernard, directeur du Centre hospitalier de la région annecienne, et de M. Michel Perrot,
directeur du Centre hospitalier d'Auxerre

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous souhaite à tous la bienvenue et je laisse immédiatement la parole à notre rapporteur.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Après avoir entendu les représentants de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), il est important de revenir à la réalité du terrain, et c'est pour cela que nous vous avons invités.

Pour commencer, j'ai envie de vous demander ce que change la tarification à l'activité pour vos établissements, quels bouleversements elle a entraînés, quelle formation vous avez dû proposer à votre personnel, quelles actions vous avez dû mener vis-à-vis du personnel médical.

Mme Claude-Anne Doussot-Laynaud : Le centre hospitalier de Saint-Malo est un établissement de 1 000 lits et places, dont 40 % seulement de lits de court séjour en médecine, chirurgie et obstétrique, qui représentent 60 % de notre budget et entrent dans le champ de la T2A. Nous avons par ailleurs un gros secteur de psychiatrie, de moyen séjour, et beaucoup de personnes âgées.

Sur le plan budgétaire et financier, la tarification à l'activité a représenté pour nous un gros avantage. En effet, le fonctionnement en dotation globale nous était extrêmement préjudiciable, car il s'agit d'un établissement relativement jeune dans sa configuration actuelle, qui a décollé sur les activités de médecine et de chirurgie après le passage à la dotation globale. Or, le budget global avait tendance à figer les situations. Malgré un accompagnement important de l'autorité de tutelle au moment où les activités se mettaient en place, nous avions vu notre situation budgétaire se dégrader à tel point que nous étions arrivés à 3 % de notre budget en report de charges, ce qui correspondait en fait à un déficit. Nous avions d'ailleurs été l'objet de plusieurs missions d'enquête, dont une de l'Inspection générale des affaires sociales, qui avait montré que l'établissement ne respectait pas ses enveloppes, puisqu'il avait continué à développer une activité qui ne cadrait pas avec sa dotation globale.

Le passage à la tarification à l'activité a donc été tout à fait positif, puisque dès la première année, avec simplement 10 % de T2A, nous avons reçu une dotation supplémentaire très importante. La  deuxième année, nous  avons pu, pour  la première fois depuis douze ans - nous étions entrés en report de charges en 1993 - clôturer un budget sans déficit, tout en améliorant notre situation financière. Certes, nous avons aussi profité d'accompagnements conjoncturels, mais la T2A y est pour beaucoup.

L'établissement est entré, depuis quelques années déjà, dans une politique de contrôle de gestion déconcentré. C'est-à-dire que je rencontre, avec la cellule d'analyse et de gestion, les différents chefs de service pour faire le point des résultats de leur activité par rapport à la prévision et des consommations de ressources qui s'y rapportent. Nous avons des calculs d'unités d'œuvre, en entrées et en journées, pour un certain nombre de dépenses sur lesquelles ils peuvent avoir une influence, et nous avons d'ailleurs passé quelques contrats à ce titre avec certains d'entre eux, avant même d'entrer dans le dispositif de nouvelle gouvernance en pôles. Il est vrai qu'à partir du moment où nous sommes passés à la T2A, avec une possibilité d'objectiver et de valoriser directement l'activité, nous avons senti un regain d'intérêt de la part des chefs de service, qui ne nous ont plus identifiés comme des censeurs, mais comme des partenaires leur permettant de mettre en valeur une activité qui leur était jusqu'alors plutôt reprochée.

Qui plus est, cela a créé une certaine émulation entre les services, qui ont intérêt à doper une activité à meilleur coût, tout en garantissant la qualité de la prestation aux usagers. Donc, avec la T2A, on arrive à quelque chose comme : « Travailler plus, pourquoi pas ? Travailler mieux, bien entendu, et si vous pouvez le faire à moindre coût, on pourra par ailleurs vous financer autre chose ». C'est un discours très positif qui a bien entendu sa limite : nous le gérons avec les chefs de service sur un modèle de tarification 100 % qui n'est pas celui effectivement appliqué. Par ailleurs, il y a quand même un risque de dérive, car une interprétation rapide pourrait amener à dire : « Il faut que je travaille plus à n'importe quel prix pour avoir des recettes ». Or, le message que nous sommes en train de faire passer est qu'il faut travailler plus, non pas à n'importe quel prix, mais en optimisant la ressource dont on dispose.

La T2A a donc eu un effet très positif en termes budgétaires, mais aussi sur la relation de l'équipe de direction avec les chefs de service, les praticiens hospitaliers nous considérant désormais davantage comme des partenaires que comme des « flics ».

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons bien compris qu'il y a eu un rééquilibrage budgétaire grâce à la dotation supplémentaire liée à la mise en œuvre de la T2A. Mais cette dernière doit être un instrument de rationalisation et d'optimisation. Dans la pratique, a-t-elle abouti à une restructuration de l'offre de soins ?

Mme Claude-Anne Doussot-Laynaud : On sent très bien que la communauté médicale s'est approprié la notion et s'interroge sur le maintien de certaines activités redondantes avec des offres existant ailleurs. Mais on n'en est encore qu'au stade de l'interrogation. Et c'est là que nous allons rencontrer la limite du système, qui tient à son caractère extrêmement contraint, notamment en raison des statuts des personnels médicaux et non médicaux, qui rigidifient notre offre de soins.

À l'inverse, on peut se réjouir qu'au sein de chacun des nouveaux pôles, la réflexion sur les orientations soit facilitée par le fait que le développement d'une activité pourra désormais être accompagné, sans se heurter comme auparavant à la barrière du financement.

M. Pierre Morange, coprésident : En dépit de cette contrainte du dispositif statutaire, le coût de prise en charge d'un lit hospitalier classique n'est pas le même que celui d'un lit d'unités de soins de longue durée (USLD), alors qu'ils mobilisent le même personnel, qui relève de la fonction publique hospitalière. La mise en œuvre de la T2A aurait pu être l'occasion de reventiler l'offre de soins et de montrer, par exemple, que des lits disponibles pourraient être reconvertis, en particulier pour répondre aux besoins de prise en charge de la dépendance.

Mme Claude-Anne Doussot-Laynaud : Cela peut être vrai dans des établissements aux profils d'activité différents du nôtre. Dans nos services de court séjour, le taux d'occupation moyen est pratiquement de 90 %. Notre problème est donc plutôt celui du manque de place pour faire face à l'activité de court séjour. Quand nous avons un excédent en chirurgie, les lits sont occupés par des patients médicaux. Mais le besoin que nous avons est surtout en médecine gériatrique aiguë et nous couvrons largement nos besoins en USLD.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : M. Bernard, quel est votre sentiment sur la difficulté de mise en place de la T2A dans votre établissement ?

M. Serge Bernard : Je dirige l'hôpital d'Annecy depuis le 1er août 2005, après avoir exercé les mêmes fonctions à l'hôpital de Mâcon, site expérimentateur de la T2A. L'hôpital d'Annecy regroupe un peu plus de 700 lits de court séjour. Il a aussi un grand service de cardiologie interventionnelle qui réalise 2 000 actes par an, ainsi qu'un service de cancérologie, et il s'engage dans l'hématologie aiguë. Par ailleurs, un projet d'hôpital neuf a vu le jour. Il sera financé pour partie par la vente du site actuel, qui n'est plus fonctionnel. Enfin, sa très importante activité étant mal compensée par la dotation globale, l'hôpital est depuis 2005 l'objet d'un plan de retour à l'équilibre. Le plan est respecté, mais si la part de tarification à l'activité dans le financement permettra de combler le déficit structurel, cela ne se fera pas à une vitesse telle que le retour à l'équilibre puisse être envisagé dès 2006. Et si nous nous félicitons que la part de tarification à l'activité passe à 50 % en 2007, nous savons que nous subirons cette année-là de considérables coûts de déménagement.

Mais nous avons mis à profit ce prochain transfert pour mobiliser l'ensemble de la communauté hospitalière sur les nécessaires réflexes de connaissance des coûts et des dépenses, en essayant d'améliorer les systèmes d'information et en scindant l'activité en neuf pôles. La nouvelle organisation de gestion a dynamisé les équipes, les mentalités ont évolué, et la recherche de valorisation des recettes est désormais patente.

En 2006, il nous faut à la fois suivre le plan de retour à l'équilibre et élaborer l'état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD), exercice particulièrement difficile, puisqu'il est prévu que chaque établissement hospitalier concoure au rééquilibrage des comptes de l'assurance maladie. Nous avons créé des ateliers, rattachés à chaque pôle, dans lesquels a été expliquée la notion de connaissance des coûts. Cet effort pédagogique a produit des effets remarquables tous azimuts et notamment sur le poste « achats ». J'observe que l'on parle peu de ce chapitre de dépenses, sur lequel, pour ce qui nous concerne, des gains substantiels ont pourtant été réalisés.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : En quoi la nouvelle organisation a-t-elle modifié la vie quotidienne des personnels ?

M. Serge Bernard : L'approche des dépenses est désormais faite à l'euro près, et une réelle émulation s'est instaurée. Mais nous sommes encore en phase d'expérimentation et il faut savoir si cette dynamique se perpétuera. À cet égard, 2006 sera une année importante.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vos établissements ont-ils une comptabilité analytique médicalisée ?

M. Serge Bernard : Oui, mais l'obsolescence du logiciel fait que nous éprouvons des difficultés à lui intégrer les nouvelles fonctionnalités qui nous sont nécessaires, tout en assurant la comptabilité courante. C'est un problème majeur et nous attendons avec impatience le changement de logiciel prévu pour 2007, qui devrait nous éviter de nombreuses heures supplémentaires.

Mme Claude-Anne Doussot-Laynaud : Notre système d'information permet une comptabilité analytique médicalisée correcte, mais il n'est pas assez évolué pour donner une comptabilité analytique par séjour, ce qui nous pose problème. Le fait que le logiciel ne soit pas assez abouti a les mêmes conséquences pour nous que pour l'hôpital d'Annecy : le recensement des données demande un très nombreux personnel.

M. Michel Perrot : Nous avons mis en place une comptabilité analytique à l'hôpital d'Auxerre, et les chefs de service sont très attentifs aux coûts et aux recettes, mais cette comptabilité ne va pas jusqu'au coût du séjour, et je ne sais d'ailleurs pas si cela nous apporterait tant d'éléments supplémentaires.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est l'impact de la tarification à l'activité sur la qualité des soins ?

M. Michel Perrot : La T2A a entraîné une restructuration. Notre établissement était en déficit du fait d'une dotation figée depuis un certain temps et sans plus de rapport avec l'activité réelle de l'hôpital. Nous allions à la catastrophe. La tarification à l'activité et son pendant, la comptabilité analytique, ont permis de détecter les services déficitaires, que sont la réanimation, la néonatalogie et la pédiatrie. Nous avons réalisé un audit du service de réanimation pour définir comment le rendre plus rentable, c'est-à-dire plus efficace. Au terme de cet audit, nous avons décidé de réduire le nombre de lits de réanimation, l'idée force étant de raccourcir la durée des séjours dans ce service en ouvrant, en parallèle, des lits de soins intensifs. Nous avons également analysé la situation du court séjour. Avec un taux d'occupation de 90 %, nous sommes constamment débordés. Pour résoudre ce problème permanent, il fallait ouvrir des lits de soins de suite. Nous avons donc décidé de convertir des lits de long séjour - activité dont nous n'avons pas la vocation - en lits supplémentaires de moyen séjour, ce qui a pour effet, par ricochet, que le parc de lits de court séjour est mieux utilisé. Dans la même optique, nous projetons de développer l'hospitalisation à domicile.

Par ailleurs, nous avons ouvert, fin 2005, un service de coronarographie. Si nous étions toujours sous le régime de la dotation globale, je ne doute pas que nous aurions eu l'autorisation de le faire, mais plusieurs années auraient été nécessaires pour disposer des moyens correspondants. En l'espèce, ils ont été immédiatement couverts.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avant l'ouverture de ce nouveau service, les Bourguignons dont l'état de santé demandait la réalisation d'une coronarographie étaient transportés en hélicoptère à Dijon ou à Paris. Avez-vous une idée de l'impact financier qu'a eu l'interruption de ces transports ?

M. Michel Perrot : Je ne saurais vous répondre précisément sur ce point, mais ce dont je suis certain, c'est que la tarification à l'activité nous a permis de répondre rapidement à des besoins évidents, ce que n'aurait pas permis le régime de la dotation globale, et qu'elle a aussi permis un changement bénéfique dans la prise en charge des patients.

M. Pierre Morange, coprésident : Les observations relatives aux services de réanimation et de pédiatrie ont-elles été faites ailleurs ?

Mme Claude-Anne Doussot-Laynaud : Le service de réanimation est structurellement déficitaire, comme le sont certains services de chirurgie. Certaines activités sont déficitaires par nature en raison de contraintes réglementaires d'effectif minimal, parfois disproportionné au regard du niveau d'activité moyen. Actuellement, certains pôles d'activité sont déficitaires, d'autres excédentaires, et je voudrais pouvoir consentir des MIGAC internes à ceux dont le déficit s'explique par des contraintes ou des surcoûts spécifiques. Mais il existe aussi des services déficitaires qui n'ont pas ces contraintes, ce qui doit pousser à s'interroger sur une éventuelle coopération avec le secteur privé ou à maintenir l'activité considérée en réduisant un peu les moyens qui lui sont alloués. Une comptabilité analytique par séjour révélerait les déficits admissibles et ceux qui ne le sont pas ; mais c'est mettre à nouveau l'accent sur les insuffisances du logiciel.

Le service de diabétologie-endocrinologie avait fait état de la forte demande d'hospitalisation de jour exprimée par les patients. Nous y avons répondu. Les tarifs de la tarification à l'activité sont beaucoup moins rémunérateurs dans ce cas, mais nous avons choisi d'accorder des moyens nouveaux - un poste d'infirmière supplémentaire - en tablant sur l'augmentation concomitante du nombre des passages. L'enquête de satisfaction en cours auprès des patients fait apparaître des résultats intermédiaires très favorables, pour une initiative qui n'aurait pas été possible sous le régime de la dotation globale.

M. Serge Bernard : Si nous avons pu mettre au point une organisation performante en cardiologie interventionnelle à l'hôpital d'Annecy, c'est que nous avons géré toute la filière et, après avoir longuement hésité, tranché en faveur d'une coopération étroite avec le secteur privé en établissant des circuits distincts selon la gravité des pathologies.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La tarification à l'activité a-t-elle accéléré la coopération entre le secteur public et le secteur privé ?

M. Serge Bernard : Oui, car quand l'activité est très coûteuse, comme c'est le cas pour la réanimation, ils ont besoin de nous, et nous d'eux pour les cas les moins graves. La proximité et la réactivité sont déterminantes pour le pronostic vital et pour l'agrégation des coûts.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Qu'en est-il de la tarification à l'activité pour les services d'urgence ? Les hôpitaux publics soulignent leur rôle particulier dans l'accueil des populations en situation difficile. Qu'en pensez-vous ?

Mme Claude-Anne Doussot-Laynaud : La tarification à l'activité a permis de mettre en évidence certains coûts jusqu'à présents non valorisés. Pour ce qui concerne plus largement le service des urgences, nos équipements, qui peuvent paraître surdimensionnés, sont en fait sous-dimensionnés pendant les week-ends et les vacances scolaires, ce qui n'est pas pris en compte. Ce qui nous revient au titre des MIGAC est très faible, car le centre hospitalier de Saint-Malo n'est pas un établissement universitaire.

M. Serge Bernard : Il convient en premier lieu de distinguer services d'urgence et SAMU, dont les missions ne sont pas les mêmes. On dénombre quelques 45 000 passages par an à l'hôpital d'Annecy, sans saisonnalité particulière, si ce n'est une baisse de la fréquentation touristique en octobre et novembre. La tarification à l'activité oblige à être très attentifs à la qualité des soins dispensés au service des urgences, et nous avons insisté sur la nécessité d'une réflexion sur les processus et l'organisation. Nous avons analysé le flux de patients et leurs parcours pour mettre au point une organisation très stricte, qui sera encore améliorée dans le nouveau bâtiment. Les urgences pédiatriques et psychiatriques restent une des bases des services d'urgence.

M. Michel Perrot : La tarification à l'activité a mis en évidence des phénomènes déjà connus. Ainsi, l'hôpital d'Auxerre a un service de médecine qui est l'un des grands gagnants de la T2A. C'est heureux, car cela permet de compenser les services qui y perdent mais, quand on se penche sur l'organisation de ce service, on constate que le médecin-chef, dont on savait qu'il n'aime que les activités programmées, n'admet pas les urgences. Il y a donc un hiatus : parce qu'elles désorganisent les services, les urgences contredisent l'objectif de rentabilité absolue, mais elles doivent être prises en charge.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous idée d'autres exemples d'effets pervers pouvant découler de l'application de la tarification à l'activité ?

M. Serge Bernard : Le secteur privé s'oriente vers l'ambulatoire ; ce qui oblige le secteur public à prendre des dispositions particulières. Le plus grand risque est celui-là : que les patients atteints de pathologies graves soient orientés vers l'hôpital public et les autres vers le secteur privé. Mais si c'est le prix à payer pour assurer la qualité des soins, je m'y résoudrai sans état d'âme.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel a été l'impact de la tarification à l'activité sur les achats ?

M. Michel Perrot : Tous les achats sont regroupés au niveau régional et se font sur appels d'offres. La question est donc sans objet pour l'hôpital d'Auxerre.

M. Serge Bernard : Pour l'hôpital d'Annecy, la création d'une direction des achats et la mise au point de procédures tenant compte des nouvelles dispositions du code des marchés publics ont conduit à une économie de 20 %. Cependant, nous ne connaissons pas les bases d'achat du secteur privé et il est probable que sa réactivité, sans doute meilleure, nous prive de quelques occasions.

Mme Claude-Anne Doussot-Laynaud : Pour l'hôpital de Saint-Malo, la tarification à l'activité a été sans effet sur les achats, qui sont également regroupés à l'échelon régional.

S'agissant des éventuels effets pervers de la tarification à l'activité, je constate que le PMSI est un outil de classification qui ne prend pas en considération l'environnement familial et socio-économique des patients. Il en résulte que le secteur privé, anticipant une perte de recettes potentielle, et parce qu'il peut sélectionner sa clientèle, ne recevra pas les patients dont il subodore que le retour à domicile sera difficile, sachant que ces malades occuperont un lit plus longtemps. On ressentait déjà cela dans l'ancien système, mais le phénomène risque de s'aggraver. Le facteur « environnement familial et social » doit être introduit dans le PMSI. Qu'une personne âgée se casse le col du fémur et que sa famille l'entoure, soit prête à s'occuper des suites, c'est une chose, mais s'il en va autrement, elle restera dans le service jusqu'à ce que l'on trouve une structure de soins de suite. Or, on sait que les structures d'aval font défaut.

M. Pierre Morange, coprésident : Est-ce ce qui pousse au développement de la chirurgie ambulatoire ?

M. Michel Perrot : La tarification à l'activité nous impose de développer la chirurgie ambulatoire - à laquelle la dotation globale n'incitait aucunement - pour des raisons qui vont au-delà de la prise en compte de la population en situation précaire. Il s'agit de revoir les habitudes de gestion des blocs et l'organisation générale des services.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Parviendrez-vous sans difficulté à passer à l'EPRD cette année ?

M. Serge Bernard : La première difficulté est le mois de retard de la publication de la circulaire budgétaire, mais on progresse puisque l'an dernier, le retard était de deux mois ! Sur le fond, l'exercice sera assez délicat car l'année 2006 sera celle où se conjugueront les effets significatifs de la tarification à l'activité et des éléments de gestion traditionnelle. L'année 2007 devrait être plus sereine, si l'on a réglé d'ici là la question des reports de charges.

M. Michel Perrot : Mon seul souci est celui de l'augmentation des ressources. Les délais sont de peu d'importance.

Mme Claude-Anne Doussot-Laynaud : L'élaboration d'un EPRD n'est pas un problème en soi. Ce qui est gênant, c'est que la période intermédiaire est complexe car la coexistence des deux systèmes rend les choses peu compréhensibles. De plus, on risque d'imputer à la tarification à l'activité les difficultés budgétaires que créeront les allocations annoncées. Là est le problème de fond.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Dans leur rapport conjoint sur le pilotage des dépenses hospitalières de juillet 2005, l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection des finances décrivent la réforme comme complexe et peu transparente. Avez-vous des suggestions de simplification et d'amélioration ?

M. Serge Bernard : La fonction financière devra se muscler, et particulièrement le contrôle de gestion. Or, les contrôleurs de gestion sont peu nombreux, et le traitement que peut leur offrir la fonction publique hospitalière est dissuasif. Toutefois, une dynamique objective s'est créée au sein des établissements, qui suscite un désir de plus grande transparence. Ce changement de mentalité incite à l'optimisme à long terme.

M. Michel Perrot : Le mélange des objectifs complique une réforme qui pourrait être plus simple. Pourquoi viser déjà la convergence tarifaire avec le secteur privé ? Parvenir à la convergence entre établissements publics serait déjà bien. Il n'est pas bon de poursuivre deux lièvres à la fois. Cela aura pour conséquence que l'on imputera à la tarification à l'activité des difficultés qui n'ont rien à voir avec cette réforme.

M. Serge Bernard : La réforme dans la réforme qu'a été l'obligation de coder montre que les établissements peuvent s'accommoder de ces télescopages, et l'on en est déjà à la version 10 de la classification.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : À ce sujet, qu'en est-il du contrôle du codage ? Les relations avec la tutelle se sont-elles modifiées ? Comment la réforme s'articule-t-elle avec les schémas régionaux d'organisation des soins de troisième génération ?

M. Serge Bernard : Les contrôles sont attendus et normaux, et les établissements ont tout à y gagner. Ceux des chambres régionales des comptes auront lieu au courant de l'année.

M. Michel Perrot : Il y a quand même, dans les SROS 3, une contradiction, puisqu'on prévoit le maintien d'activités dans certains établissements dont on sait pertinemment qu'ils ne seront pas rentables en T2A. Aucune réponse n'a été prévue sur ce point.

Mme Claude-Anne Doussot-Laynaud : La tarification à l'activité est en soi un bon principe, mais elle se télescope avec d'autres réformes qui la rendent moins lisible, surtout dans cette phase de transition, ainsi qu'avec les objectifs quantifiés qui reposent sur un autre raisonnement. On risque ainsi de faire peser sur elle des choses qui n'en relèvent pas directement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je vous remercie. Au cas où vous auriez des éléments supplémentaires à nous apporter ou si vous ressentiez quelque frustration à l'issue de cette audition, n'hésitez pas à nous faire parvenir une note complémentaire.

AUDITIONS DU 6 AVRIL 2006

Audition de M. Philippe Ritter, directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de l'Île-de-France, et de M. Michel Ballereau, directeur de l'ARH de Bourgogne

M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite la bienvenue à M. Philippe Ritter, directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation de l'Île-de-France, et à M. Michel Ballereau, directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation de Bourgogne.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comme vous le savez, notre mission consacre ses travaux actuels à la tarification à l'activité. Nous vous entendrons avec intérêt nous présenter vos agences respectives et nous dire ce que vous attendez du nouveau dispositif.

M. Philippe Ritter : Le budget de l'agence régionale de l'hospitalisation de l'Île-de-France, ou ARHIF, représente 21 % des dépenses hospitalières françaises pour 375 établissements, y compris l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) dont le seul budget équivaut à celui de l'ARH de la région Rhône-Alpes. Le poids des établissements privés non lucratifs est particulièrement fort en Île-de-France, qui en compte 138. Entrent aussi dans le périmètre de l'ARHIF trois centres de lutte contre le cancer, une bonne soixantaine d'établissements publics et 170 établissements privés sous contrat. En 2005, le financement par l'assurance maladie s'est élevé à près de 12 milliards d'euros, répartis entre l'AP-HP pour 4,5 milliards d'euros, les établissements antérieurement sous dotation globale pour 5,6 milliards d'euros et les établissements privés sous contrat pour 1,7 milliard d'euros, hors honoraires. Une des particularités de l'ARHIF est que l'AP-HP ne relève d'elle que pour la planification, et d'un conseil de tutelle ministériel pour les aspects financiers.

Certains établissements de la région gagnent à la tarification à l'activité, mais ils sont 60 % à y perdre, en raison de surcoûts structurels qui se traduisent par un écart de 11 % par rapport à la moyenne nationale. Pour tenir compte de ces surcoûts spécifiques, un coefficient correcteur géographique a été prévu dans le cadre de la tarification à l'activité, mais il est de 7 %. Un effort de productivité est donc demandé aux établissements et des mesures importantes ont été prises en ce sens. Il le fallait, puisque les gains de productivité nécessaires seront de 50 millions d'euros avec la T2A appliquée à 50 % comme il est prévu qu'elle le soit en 2008, et de 90 millions d'euros avec une tarification à l'activité appliquée à 100 %.

De plus, un nombre important de nos établissements, parce qu'ils sont en report de charges, sont contraints à un effort de retour à l'équilibre pour résorber ce déficit et devenir plus compétitifs. Dans ce domaine, l'effort devra être de 150 millions d'euros. À cela s'ajoute l'effet du plan d'économie de l'assurance maladie pour 2006, qui fait que le taux de progression de la dotation des établissements de médecine, chirurgie, obstétrique sera proche de zéro cette année. Vous l'aurez compris, la situation s'est tendue dans nombre d'hôpitaux de la région.

Des contrats de retour à l'équilibre financier, les CREF, ont été définis pour une trentaine d'établissements, souvent parmi les plus gros, qui connaissaient une situation particulièrement difficile. En contrepartie des gains de productivité qui leur sont demandés, l'ARHIF leur accorde un soutien pendant deux ou trois ans. À l'issue de cette période, les efforts de productivité, et parfois l'accroissement de l'activité, devront avoir permis le retour à l'équilibre.

M. Pierre Morange, coprésident : J'admire la diplomatie toute en retenue avec laquelle ces choses ont été dites. Le calendrier de la réforme vous paraît-il réalisable ?

M. Philippe Ritter : L'objectif est certes ambitieux, mais que l'on veuille bien se rappeler que l'AP-HP, qui présentait un grave déficit il y quelques années, a mis au point un plan de redressement prévu pour s'achever fin 2005, et annonce avoir atteint l'équilibre. La situation des établissements qui sont hors du périmètre de l'AP-HP et qui, pour certains, ont bénéficié de CREF, est contrastée. Les hôpitaux Foch, Saint-Joseph et l'Institut Gustave Roussy sont très fortement déficitaires et leur retour à l'équilibre passe par des plans sociaux assez importants, qui demandent du temps. D'une manière générale, le retour à l'équilibre est plus avancé pour les établissements publics que pour les établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH). La majeure partie de la trentaine d'établissements mentionnés respectent les engagements souscrits. Il en est toutefois qui, tels l'hôpital de Poissy-Saint-Germain ou celui du Sud francilien, sont plutôt en retard et devront faire des efforts de productivité soutenus cette année et pendant les deux années à venir.

M. Pierre Morange, coprésident : Je salue l'arrivée de M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Michel Ballereau : Avec une superficie équivalente à celle de la Belgique, la Bourgogne compte 1,6 million d'habitants inégalement répartis entre un axe Nord-Sud normalement peuplé et le Morvan. L'état de santé moyen de la population est bon, mais l'on constate de fortes disparités. Le budget annuel total de l'ARH est de 1,35 milliard d'euros, ce qui correspond à celui des Hospices civils de Lyon. Un quart de ce budget va au centre hospitalo-universitaire (CHU), le reste est ventilé entre cent établissements, dont 65 établissements publics. Le déficit cumulé était de 75 millions d'euros fin 2005.

Aucun établissement public bourguignon ne perd à la tarification à l'activité, mais certains y gagnent et quelques-uns y gagnent beaucoup. L'hôpital de Mâcon est celui qui y gagne le plus : 24 millions d'euros, à rapporter à un budget de 150 millions. Il reste à déterminer s'il s'agit d'un gain net ou si cette évolution reflète une sous-dotation antérieure. Dans le secteur privé, certains établissements gagent à la réforme, d'autres y perdent.

La tarification à l'activité est à la fois un outil de financement des établissements de santé et un outil de gestion. Mais bien que la notion de tarif national uniforme soit très bien reçue, l'application de la réforme suppose une sorte de révolution culturelle dans les établissements. Jusqu'à présent, on additionnait les dépenses jugées nécessaires, que l'on cherchait ensuite à financer par des subventions. Le nouveau dispositif est tout autre, puisque l'on part des besoins. Autant dire que la réforme ne peut se faire qu'en lien avec les schémas régionaux de l'organisation des soins.

L'application de la T2A permet de se poser des questions de fond, la première étant de savoir quel gain ou quelle perte elle induit, et pourquoi. C'est aussi un instrument de mesure de satisfaction : les patients choisissent-ils un établissement plutôt qu'un autre ? Les médecins adressent-ils les malades à un hôpital donné et si oui, pourquoi ? C'est encore un outil d'analyse par pôles, ce qui suppose une comptabilité analytique ; mais l'établissement en a-t-il une et si c'est le cas, avec quel résultat ? La tarification à l'activité est donc indissociable d'autres éléments de la réforme de l'hôpital, dont on sait les contraintes de management. Le nouveau dispositif suppose que l'on passe de l'esprit d'établissement, où l'on part des dépenses, à l'esprit d'entreprise, où l'on part des besoins. Cette évolution doit être liée à une réforme de la gouvernance associant les médecins à l'élaboration du projet d'établissement. Mais l'application de la réforme connaît des difficultés qui tiennent pour partie à ce que les directeurs d'hôpitaux, tous formés à la même école, issus du même sérail et soumis au même statut, tendent à faire persister l'esprit de corps.

M. Pierre Morange, coprésident : J'ai retenu de vos propos que la tarification à l'activité est une réforme positive car elle permet l'accroissement des ressources, mais que la nouvelle gouvernance, souhaitable, n'est pas encore entrée dans les mœurs, et que le nouveau dipositif n'est pas encore pleinement opérationnel. La mise à disposition de ressources accrues se traduira-t-elle par l'amélioration de la productivité et par des réformes structurelles telles que le redéploiement de personnels et de services ?

M. Michel Ballereau : Oui. Nous travaillons actuellement au retour à l'équilibre des établissements qui sont en report de charges, ce qui passera notamment par la réduction de la masse salariale dans certains hôpitaux. Mais la « révolution culturelle », à laquelle je faisais allusion, a déjà eu lieu dans certains établissements qui, tels le centre hospitalier d'Auxerre, peuvent utiliser les gains qu'ils ont réalisés pour recruter. J'observe que ce que l'on appelle « reports de charges » en langage hospitalier se dit « déficit » partout ailleurs et qu'un déficit de 75 millions d'euros sur un budget total de 1,35 milliard doit être résorbé. Mais l'on en revient au problème déjà évoqué de l'endogamie des directeurs d'établissement. Notre objectif est que la moitié au moins des établissements bourguignons soient à l'équilibre mais, pour les raisons exposées par M. Ritter, il sera très difficile à atteindre.

M. Jean-Michel Dubernard : Je ne peux manquer de m'interroger sur la lenteur des réformes structurelles de l'hôpital public. Autrefois, à chaque exercice budgétaire, on partait d'une base 100, on estimait l'inflation à 7 %, on évaluait à 17 % les dépenses d'investissement, et le prix de journée passait mécaniquement à 124, sans qu'aucune décision de gestion n'ait été prise. Quand on s'est avisé que de très importantes économies étaient possibles, on a institué la dotation globale, laquelle, si je puis me permettre, s'est fait un très bel « endo-croche-pied », rendant nécessaire la tarification à l'activité. Mais, au moment où l'on a institué la dotation globale, on a aussi défini le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) et investi des sommes gigantesques pour sa réalisation, sans que l'évolution ne se fasse plus rapide. Ni M. Claude Évin en 1991, ni M. Alain Juppé en 1996, n'ont rien pu y faire. À présent, les pôles d'activité se mettent en place avec une infinie lenteur, ce qui ne respecte pas l'esprit de la loi. Pourquoi cette lenteur ? N'est-ce pas faute d'autorité médicale dans les établissements, ce qui a aussi pour conséquence l'effarante baisse de la qualité du système hospitalier public français ? Vous avez raison de parler de l'endogamie du corps des directeurs. Comment, alors, stimuler le système sinon en réformant l'organisation interne des établissements ? En mars 2003, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales avait confié à M. René Couanau l'élaboration d'un rapport d'information à ce sujet. En le présentant, il avait parlé de « désenchantement ». C'est de désespérance qu'il faudrait parler maintenant. Il y a vraiment de quoi s'inquiéter de constater que, dans un effort sans précédent, dix milliards ont été mis sur la table sans que cela n'ait d'effet immédiat sur la qualité de soins. Et pourquoi ne jamais comparer avec ce qui se fait à l'étranger ? Pour aller de l'avant, il faut repenser l'organisation interne des hôpitaux. Les ARH ont déjà beaucoup apporté, elles doivent persister.

M. Michel Ballereau : Je partage ce point de vue. Il faut sortir de la monoculture actuelle et ouvrir la direction des hôpitaux à d'autres que les directeurs actuels. Diriger un hôpital est un métier difficile, mais c'est aussi un métier où l'immobilisme est possible. Actuellement, un directeur peut demeurer au même poste pendant vingt ans, ce qui ne me paraît pas compatible avec un mode d'administration moderne. Le ministère de la santé doit s'occuper de la gestion des ressources humaines et le fait que les directeurs d'hôpitaux sont logés devrait aider à la mobilité. Il faut, par ailleurs, donner des lignes de conduite claires - par exemple, savoir quel sera le taux de T2A l'an prochain facilite la gestion. La comparaison avec ce qui se passe à l'étranger montre que les tarifs baisseront, puisque cela a été le cas partout où un dispositif similaire a été institué, mais une lisibilité à deux ans au moins est nécessaire.

C'est une bonne chose d'associer les médecins à la marche générale de l'établissement. À ce sujet, les situations sont très variables ; certains hôpitaux ont évolué, mais sur ce point aussi, l'immobilisme peut prévaloir ailleurs. Comme dans toute entreprise, il est indispensable de préserver le moral des personnels des hôpitaux. Cela suppose de dire clairement qu'ils ont deux missions, et deux missions seulement : garantir la qualité de l'offre de soins et contribuer à la maîtrise des dépenses de santé. Cela suppose aussi que leurs efforts se traduisent par des marges de manœuvre supplémentaires.

M. Jean-Michel Dubernard : Mais comment améliorer l'organisation interne de l'hôpital public ?

M. Michel Ballereau : Nous disposons pour cela de deux instruments : les ARH et les schémas régionaux de l'organisation sanitaire (SROS). Si les résultats sont bons, on laisse les établissements œuvrer ; s'ils ne le sont pas, la tarification à l'activité permet d'analyser les déséquilibres et d'y remédier en faisant évoluer les pratiques et les processus.

M. Pierre Morange, coprésident : Au-delà des grandes réformes verticales, le nœud gordien est l'optimisation des moyens par l'organisation du travail. Qu'en est-il, à ce sujet, de la généralisation des expérimentations portant sur l'amélioration de la productivité des services et de la qualité des soins, conduites avec succès par la mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers, la MEAH ?

M. Michel Ballereau : La MEAH devrait gagner en notoriété, car son rôle d'appui dans la mise en œuvre de la réforme est méconnu ; toutefois, son image a quelque peu pâti de la circulaire « achats ». Des expériences réussies ont eu lieu en Bourgogne, mais elles sont loin d'être encore généralisées. Pour ce qui nous concerne, nous considérons que, soit tous les indicateurs sont au vert et les établissements poursuivent leurs missions de manière autonome avec un contrôle a posteriori, soit la tarification à l'activité révèle des difficultés globales ou sectorielles, et des missions conjointes ARH-DHOS s'emploient à les résorber. Nous réalisons aussi des audits sur site avec la trésorerie générale.

M. Pierre Morange, coprésident : Que penseriez-vous d'une évolution législative tendant à une meilleure articulation entre assurance maladie et ARH pour généraliser les bonnes pratiques et pour contractualiser, afin qu'une part des gains de productivité soit affectée au budget des établissements concernés ?

M. Michel Ballereau : L'important est de savoir ce que l'on attend d'une institution, et de quelle institution. En matière de santé - domaine particulier qui associe utilisation importante des ressources publiques, politique et technicité - une administration de spécialité a tout son sens. Mais, au fil des réformes, les approches varient et il est parfois difficile d'y voir clair. L'accent est parfois mis sur les ARH, parfois sur l'assurance maladie... mais qu'en est-il alors des services de l'État ? Parfois, la symétrie manque entre l'assurance maladie et l'État. Or, si l'on souhaite restructurer, les choses doivent être claires pour ces divers interlocuteurs et, qu'il s'agisse des services de l'État ou de ceux de l'assurance maladie, tous doivent savoir qu'ils interviennent au titre de l'ARH. Tout le monde doit être conscient de l'obligation de réussite, y compris au niveau national, car l'enjeu est considérable.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pourriez-vous nous dire plus précisément qui pilote la réforme en Bourgogne ?

M. Michel Ballereau : Lors de mon arrivée, j'ai indiqué que tous les contrats, qu'ils portent sur le bon usage du médicament, sur l'antibiothérapie ou sur la gestion des prescriptions de médecine de ville, entrent dans le cadre de l'ARH.

M. Philippe Ritter : M. Jean-Michel Dubernard se demande pourquoi on n'avance pas plus vite dans les hôpitaux publics. Tout d'abord, on a en général demandé aux directeurs de ne pas faire de vagues plutôt que de faire évoluer l'organisation. Par ailleurs, les sanctions faisaient défaut. Dans le privé lucratif, en cas de déficit prolongé, le dépôt de bilan ne se fait pas attendre. Dans les établissements participant au service public hospitalier, un commissaire aux comptes peut mettre en œuvre une procédure d'alerte, et on peut passer à la phase du règlement judiciaire. On n'a pas souvent, en France, fermé un établissement public parce qu'il n'était pas en équilibre budgétaire.

Certes, le plan global de M. Jean-François Mattéi comportait des éléments nouveaux. Le directeur d'agence peut ainsi évaluer les directeurs d'établissement, ce qui n'était pas le cas jusqu'à l'an dernier.

De surcroît, la tarification à l'activité a eu le mérite de responsabiliser les établissements, quel que soit leur statut, et des dispositifs de mise en demeure, voire d'administration provisoire, sont prévus pour les établissements publics s'ils ne sont pas en état de gérer convenablement. L'introduction d'un certain nombre de réformes dans leur gestion responsabilise les établissements publics, et nous permettra de les obliger à mettre en œuvre des mesures nécessaires, qui ont été jusqu'à présent plutôt éludées, car l'habitude, en fin d'année, était plutôt de tendre la sébile que de prendre les problèmes à bras-le-corps. Au travers de la mise en œuvre de la T2A, la donne a donc changé.

Par ailleurs, dans le cadre des SROS 3, en tout cas pour l'Île-de-France, nous sommes passés d'une approche quantitative à des SROS beaucoup plus organisationnels : organisation interne aux établissements certes, mais surtout organisation entre établissements, dans le cadre des territoires. L'approche est également plus qualitative - qualité des soins, sécurité -, ce qui se concrétisera dans la contractualisation avec les établissements que nous allons mener prochainement.

Le travail de l'Agence évolue considérablement par rapport aux tâches fixées par l'ordonnance de 1996. Elle aura moins un rôle de tutelle - donner des autorisations, vérifier la régularité des décisions - qu'un rôle de suivi et d'accompagnement des établissements dans le changement, ainsi que d'évaluation du respect de leurs engagements. Nous réorganisons complètement l'agence, afin aussi d'être capables de redresser la situation le cas échéant.

En Île-de-France, nous avons essayé d'anticiper. Il y a dix-huit mois, nous avons mis en place un centre régional de ressources associant les établissements, afin de mutualiser les expériences positives en termes de management, de gestion. Depuis un an, les échanges entre établissements leur ont permis de s'inspirer des expériences réussies, en anticipant sur les initiatives de la MEAH, sur un plan sans doute plus pragmatique. La MEAH a eu tendance, dans un premier temps, à fixer des règles nationales, ou à donner des leçons sur un plan national. Pour que les leçons servent, elles doivent être assimilées, partagées, et il est plus facile de demander au DRH, au directeur financier ou au directeur technique de l'établissement de se réunir et d'échanger sur leurs expériences, que de fournir des recettes toutes cuites, rarement adaptées à la réalité d'un établissement particulier.

Nous avons aussi incité les établissements à développer et à homogénéiser leurs systèmes d'information, puisque cela devient un élément important dans le cadre de la tarification à l'activité, et dans la perspective du dossier médical partagé.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous avez raison, l'efficacité passe par l'expérimentation sur le terrain, plus que par des règles générales un peu trop théoriques. Justement, quel est le taux de diffusion de ces expérimentations réussies sur le parc hospitalier ?

M. Philippe Ritter : Nous ne sommes qu'aux débuts d'une expérience, d'une nouvelle culture. Mais les résultats sont encourageants, surtout dans une région comme l'Île-de-France, qui connaît des surcoûts structurels et des établissements plutôt immobilistes. Le choc de la T2A a été salutaire et leur a permis de s'engager dans un processus d'évolution, de changement. Certains établissements franciliens ont profondément bouleversé en deux ans leur mode de gestion et leur appréhension des problèmes d'organisation et de productivité, qui n'est plus un terme tabou. J'essaie de faire passer le message selon lequel il n'est pas indécent de bien utiliser l'argent public. La prise de conscience se généralise, et plus rapidement que je ne l'aurais pensé.

M. Pierre Morange, coprésident : Pourrez-vous nous transmettre une note sur les expérimentations réussies, la diffusion des bonnes pratiques et les moyens de les généraliser ?

M. Jean-Michel Dubernard : La T2A a le mérite de permettre d'aborder tous les aspects du fonctionnement de l'hôpital. Je ne connais pas de parlementaire, de directeur d'hôpital, de médecin hospitalier qui pense que la création des ARH est une erreur colossale. Au contraire, tout le monde se félicite de leur existence.

Par ailleurs, je m'interroge sur la notion de qualité, qui doit être mieux mesurée. J'ai tendance à considérer qu'elle baisse, pas partout, mais de façon globale. Les indicateurs sont rares et difficiles à analyser. Autrefois, on se basait sur la qualité de l'accueil, et j'avais écrit un livre, il y a dix ans, qui s'intitulait « L'Hôpital a oublié l'homme ». Aujourd'hui, ce serait encore pire.

La T2A permet de se pencher sur la question des urgences. Comment se fait-il que l'on ne réussisse pas à réformer dans ce domaine ? Douze millions de Français chaque année se rendent aux urgences, où la durée d'attente est passée de 3 heures 58 en moyenne à 3 heures 52 ! On a gagné six minutes !

Et quand on pose la question à l'Assemblée, on s'entend répondre que ce serait de la faute du privé, des médecins de ville qui ne font plus leur travail, qui préfèrent fumer des cigarettes le samedi et le dimanche, et ne veulent plus travailler la nuit. Ce serait aussi de la faute des patients qui attendent, et la Fédération hospitalière de France mène une campagne contre les incivilités aux urgences. C'est vrai que, si le privé prenait tout en charge et que les patients ne venaient pas à l'hôpital, les choses seraient beaucoup plus simples ! Là encore, on ne voit pas de solution pour améliorer la situation.

Le Conseil économique et social a eu beau produire trois rapports en quinze ans, rien n'avance.

Nous sommes incapables de nous réformer, d'évoluer !

La durée moyenne de vie d'un hôpital aux États-Unis est de vingt-cinq ans ! En France, on fonctionne encore avec des Hôtels-Dieu qui ont trois ou quatre siècles ! J'ai travaillé à Boston dans un hôpital qui a été rasé en 1970 pour en construire un autre, rasé à nouveau en 2002 pour adapter l'hôpital aux besoins des malades et aux progrès de la médecine.

Vous, vous êtes au cœur de la question, mais vous ne devez pas vous contenter de regarder les choses par le haut, vous devez les regarder aussi par en bas, car c'est ce qui se passe au niveau du terrain, au niveau de la région, qui permettra d'avancer.

M. Pierre Morange, coprésident : Que pouvez-vous nous dire sur l'articulation avec l'assurance maladie ? Sur les plans sociaux ?

M. Philippe Ritter : Les plans sociaux ne sont pas une fin en soi. La régulation des effectifs peut se faire dans certains établissements au fil des mouvements de personnels, des départs à la retraite, des mutations. C'est une procédure qui prend un peu plus de temps car on ne joue pas sur le stock existant. En Île-de-France, dans le secteur privé participant au service public hospitalier - PSPH -, les situations peuvent être tellement dégradées que les plans sociaux deviennent nécessaires. Ce fut le cas de plusieurs établissements importants et, parfois, dans des proportions conséquentes, puisque la réduction d'effectifs a pu concerner 15 % du personnel en place, et s'accompagner d'une réorganisation du travail. Ces réductions d'effectifs se sont traduites en général par le maintien ou l'augmentation de l'activité, ce qui montre que le gain de productivité est possible dans les établissements de santé, sans porter préjudice à la qualité. Ces établissements peuvent ainsi revenir à l'équilibre budgétaire malgré les contraintes actuelles.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel serait l'impact, par rapport à la masse globale ? 2 % ? 3 % ?

M. Philippe Ritter : C'est très variable. Dans les établissements où l'activité stagne, voire décline, il est évident que les effectifs devront être adaptés en conséquence, mais beaucoup d'établissements d'Île-de-France voient leur activité augmenter, et des effectifs stabilisés permettent une productivité plus importante si l'organisation est meilleure. Globalement, en Île-de-France, après la mise en œuvre de la réduction du temps de travail, qui a donné des moyens supplémentaires considérables pour augmenter les congés des personnels, nous avons finalement des effectifs relativement stables au niveau régional - environ 200 000 personnes, y compris les médecins.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Messieurs, nous vous remercions.

*

Audition de M. Paul Castel, président de la conférence des directeurs généraux
de centres hospitaliers régionaux et universitaires, accompagné par M. Jean-Pierre Dewitte, vice-président de la conférence et président de la commission des affaires financières, et de M. Angel Piquemal, président de la conférence nationale
des directeurs de centre hospitalier (CNDCH), accompagné par M. Jean Schmid, référent du bureau de la CNDCH pour la commission financement

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Dans le cadre de nos travaux sur la tarification à l'activité, nous avons souhaité vous entendre. Peut-être souhaitez vous présenter quelques propos préliminaires ?

M. Paul Castel : La conférence des directeurs généraux de CHU, qui regroupe 31 établissements, soit environ 35 % de l'hospitalisation publique, se montre très favorable depuis plusieurs années à la mise en place de la tarification à l'activité et a formulé, il y a trois ans, des propositions précises en matière de réforme de la gouvernance.

Notre position n'a pas changé : nous restons attachés à la T2A et nous souhaitons même en accélérer le processus, même si nous devons vous faire part de fortes réserves techniques.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quels avantages en attendiez-vous ?

M. Paul Castel : Nous souhaitions sortir d'un système distributif peu motivant, qui impliquait peu les acteurs hospitaliers, en particulier les médecins, en termes de production et de moyens. La dotation globale avait eu des résultats positifs en matière d'encadrement des dépenses, mais des effets négatifs dans la gestion de nos établissements. L'avantage corrélé était que cela s'inscrivait dans la réforme de la gouvernance qui donnait plus de réactivité et d'implication au corps médical, en partenariat avec les gestionnaires de l'établissement, dans l'évolution de l'établissement.

Il se produit malheureusement l'inverse de ce que l'on espérait, et la T2A évolue avec des effets pervers.

M. Angel Piquemal : Nous étions également favorables à la réforme de la tarification, autour de l'idée de la juste rémunération de nos activités, d'autant plus que le système de la dotation globale ne nous permettait pas d'atteindre cet objectif.

Cela étant, si la T2A est un outil important de la réforme, il n'est pas exclusif et doit être utilisé avec d'autres outils, sinon on lui demandera de remplir des objectifs qui ne sauraient être les siens. Ainsi, on ne peut pas travailler sur la T2A sans travailler sur la structuration de l'offre de soins, car il ne faut pas attendre de la T2A qu'elle structure l'offre de soins, ce serait trop risqué. Les SROS 3 peuvent y contribuer, mais il est important d'aller plus loin.

Nous devons par ailleurs travailler sur la qualité de nos prestations et l'évaluation des pratiques professionnelles.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Monsieur Castel, quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confronté ?

M. Paul Castel : Elles sont nombreuses, et concernent d'abord le calendrier. Nous vous avions déjà alerté sur cette question lors du passage aux 25 % de tarification à l'activité, et la situation n'est pas meilleure aujourd'hui. Imaginez une campagne budgétaire non aboutie en mai, avec pour corollaire des plans de réorganisation, concernant 10 000 à 20 000 salariés et un budget d'un milliard d'euros : vous imaginez les conséquences...

Par ailleurs, je reste critique sur l'opacité des tarifs. Nous avons beau écrire depuis deux ans à des interlocuteurs tout à fait réactifs, tels que la DHOS ou le cabinet du ministre, nous n'arrivons pas à clarifier le mode de calcul des tarifs. Pourquoi varient-ils d'une année sur l'autre ? Quels sont les standards qui nous permettraient, dans les établissements, de nous adapter par rapport au volume des investissements ? Cette opacité est préjudiciable à la T2A.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avec qui un directeur de CHU discute-t-il ?

M. Paul Castel : Avec le directeur de l'ARH, mais il discute aussi beaucoup lors de nos conférences, dont l'une des missions premières est de nous réunir tous les mois pour faire le point. Nous avons treize commissions techniques, dont une commission financière présidée par M. Jean-Pierre Dewitte, et qui examine en détail ces problèmes. Ce sont les interlocuteurs des financiers de la DHOS et des autres services ministériels.

La montée en charge de la T2A est par ailleurs insuffisante.

Je ne suis pas favorable non plus au maintien des crédits fléchés. On arrive aujourd'hui à une situation où, en volume, dans la campagne budgétaire 2006, des réserves sont faites pour des crédits fléchés. On se retrouve, dans nos établissements, au moment où nous allons faire voter nos états prévisionnels de recettes et de dépenses, avec des pourcentages d'évolution bas, voire négatifs, alors que, parallèlement, des réserves sont constituées, sans transparence. C'est démotivant et ne permet pas une gestion budgétaire crédible et réactive.

M. Jean-Pierre Dewitte : Les parlementaires votent un objectif national de dépenses d'assurance maladie, et il y a ensuite une répartition entre les différentes enveloppes, ou pour satisfaire les différents établissements, qu'ils soient publics ou privés.

Dans ces sous-répartitions, certaines règles sont méconnues, comme le prélèvement à la source, ou l'application du plan d'économie, ce qui fait qu'à terme, cette enveloppe est déconnectée de la réalité. On le sait, un tarif n'est pas un coût, mais au départ, il y avait tout de même une échelle nationale de coûts. Un des intérêts de la tarification à l'activité était de mesurer si l'activité médico-économique d'un établissement avait un coût inférieur, supérieur ou équivalent à la moyenne des établissements. À partir du moment où la dissociation est de plus en plus forte entre le tarif et le coût, cela n'est pas compréhensible en interne pour le corps médical et ne permet pas de mettre en œuvre une comptabilité analytique précise par séjour. Les règles de formation de ces tarifs sont elles-mêmes opaques, sans parler du problème de la régulation prix-volume. Aujourd'hui, on ne sait pas quelles activités étaient à l'origine de l'augmentation du volume, et on ne sait pas comment est impactée la régulation.

Les enveloppes ciblées sont incompatibles avec la tarification à l'activité parce qu'elles dérégulent le système. Cette année, c'est particulièrement ubuesque.

Les espoirs des personnels sont aujourd'hui déçus, notamment en ce qui concerne la promotion de leurs activités, lorsqu'elles sont plus importantes ou faites à un coût inférieur au coût moyen.

M. Angel Piquemal : Il faut dissocier l'outil T2A de ce qui relève du plan d'économie ou du plan de maîtrise des dépenses d'assurance maladie. Il n'y a pas lieu de critiquer l'outil T2A pour ce qui ne relève pas de sa responsabilité. L'outil en lui-même est bon, même s'il est largement perfectible.

Par ailleurs, comment opérer la régulation du volume ? Il faut un système de régulation, mais lequel ? Comment le bâtir, et comment faire que les tarifs soient relativement stables et aient du sens ?

Pour les centres hospitaliers, se pose le problème de l'offre de soins. Certains établissements, dont l'activité est croissante et nécessite des moyens en augmentation, ne trouvent pas dans l'application de la réforme de la tarification les marges de manœuvre qu'ils escomptaient.

Il y a par ailleurs les établissements qui y perdent, mais pour des raisons variables. Il peut ainsi arriver que les activités ne correspondent plus aux besoins de la population du territoire qu'ils desservent. Ces activités sont déficitaires, et nous sommes donc obligés, pour préserver l'équilibre budgétaire de ces établissements, tant que la restructuration de l'offre n'est pas faite, d'allouer des crédits. C'est un véritable problème.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : À quel pourcentage les estimez-vous ?

M. Angel Piquemal : Il est impossible d'estimer. On essaie d'évaluer les sites.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous êtes-vous auto-saisis du sujet, ou est-ce une commande du ministère ?

M. Angel Piquemal : Nous nous sommes auto-saisis.

M. Pierre Morange, coprésident : C'est une démarche intéressante. Et vous ne pouvez pas nous dire s'il s'agit, par exemple, de plus ou de moins de 5 % ?

M. Angel Piquemal : Je pense que dans certaines régions, on peut atteindre les 10 %.

M. Pierre Morange, coprésident : Et sur l'ensemble du parc hospitalier ?

M. Angel Piquemal : C'est très difficile à évaluer. On tourne vraisemblablement autour de 5 %.

M. Pierre Morange, coprésident : Cet avis est-il partagé ?

M. Paul Castel : Sur la question des pourcentages, je ne peux pas m'avancer, mais je partage l'analyse qui est faite sur la restructuration territoriale et ses incidences sur les volumes financiers, les volumes de lits....

M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous entamé la même démarche ?

M. Paul Castel : Pour nous, c'est plus facile, parce que nous sommes 31. Depuis deux ans, nous menons une démarche de maillage interrégional entre les CHU. Nous constituons des groupements de coopération sanitaire. Celui de la région Nord fonctionne bien, un autre est en cours de constitution dans le grand Est...On travaille de façon à répartir les activités entre nous. Nous avons cette démarche, mais elle est plus facile à gérer à 31 que sur le volume des centres hospitaliers.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La tarification à l'activité a-t-elle révélé la nécessité de coopérations nouvelles ?

M. Angel Piquemal : Oui. La réforme a notamment fait naître des perspectives de coopération entre secteur public et secteur privé.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel est le nombre de centres hospitaliers en France et de combien de lits disposent-ils ?

M. Angel Piquemal : Il y a 450 centres hospitaliers.

M. Jean Schmid : Et environ 300 000 lits.

M. Pierre Morange, coprésident : Le rapprochement entre ces 300 000 lits et les 5 % précédemment évoqués donne un ordre de grandeur intéressant.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous considérez que le calendrier de mise en œuvre de la tarification à l'activité devrait être accéléré. Les auteurs d'un rapport conjoint de l'IGAS et de l'inspection des finances pensent, eux, que l'on va trop vite. Selon vous, le passage à l'EPRD sera-t-il possible partout ?

M. Jean-Pierre Dewitte : Le problème ne tient pas au rythme, mais à la régulation. Il faut, certes, une période d'adaptation mais, actuellement, nous sommes toujours sous le régime de la dotation globale pour 65 % de notre budget. Si l'on est favorable au principe de la tarification à l'activité, mais qu'après avoir dépensé 100 on ne récupère que 35, cela ne va pas. Le secteur privé réagit beaucoup plus vite que nous, parce qu'il est sous le régime de la tarification à l'activité à 100 %. C'est ce qui lui a permis de s'engager dans l'hospitalisation à domicile dès 2005, ce que nous ne pouvons faire que depuis cette année, parce que la T2A nous le permet désormais. On ne peut demeurer ainsi au milieu du gué pendant encore cinq ou six ans. C'est pourquoi nous sommes favorables à l'accélération du calendrier, tout en sachant que la T2A créera des difficultés dans certains cas.

M. Pierre Morange, coprésident : Quand devrait-on, dans l'idéal, parvenir à 100 % ?

M. Jean-Pierre Dewitte : En premier lieu, nous insistons pour que la tarification demeure limitée à la pathologie.

M. Paul Castel : Nous avons demandé une montée en puissance beaucoup plus rapide que prévue, avec une tarification à l'activité à 50 % cette année et à 100 % en 2008/2009.

M. Jean-Pierre Dewitte : Ce qui suppose des mesures d'accompagnement pour certains établissements.

M. Paul Castel : J'ajoute qu'une approche circonscrite à la seule tarification à l'activité ne peut convenir. L'absence actuelle de transparence des tarifs porte préjudice au dispositif. Lorsqu'on demande aux personnels de travailler beaucoup plus pour accroître les recettes, ils nous demandent pourquoi. L'accélération de l'application de la T2A doit s'accompagner de pré-requis techniques.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous validez donc le dispositif, mais vous souhaitez aussi une réforme de la gouvernance. Comme d'autres personnes auditionnées, les directeurs d'ARH que nous avons entendus estiment que cette réforme passe par la transformation des méthodes de travail. Le fait que des expérimentations aient permis d'accroître la productivité de 30 % plaide en ce sens. Pourquoi ces bonnes pratiques ne sont-elles pas généralisées ?

M. Jean-Pierre Dewitte : L'hospitalisation à domicile et la chirurgie ambulatoire sont insuffisamment développées à l'hôpital public. On aurait pu penser que la tarification à l'activité permettrait leur développement mais, en l'état, nous n'avons aucun intérêt à le faire.

M. Pierre Morange, coprésident : Autrement dit, la T2A n'est pas assez incitative. Mais n'est-il pas troublant de constater que le partage entre chirurgie classique et chirurgie ambulatoire est de 30/70 à l'étranger et que les proportions sont inverses en France ? Pourquoi avoir attendu l'institution de la tarification à l'activité pour s'interroger, quand on sait depuis vingt ans qu'en développant l'ambulatoire on répondrait aux besoins ?

M. Paul Castel : Cela s'explique d'abord par une question de culture et d'enseignement médicaux, mais ce n'est pas tout. Passer à la chirurgie ambulatoire suppose de reconfigurer les plateaux techniques et les services. Le plan Hôpital 2007 donne un coup d'accélérateur mais, il y a quatre ans, nous avions rédigé un Livre blanc pour signaler l'obsolescence criante des plateaux de chirurgie en CHU. La réforme des pratiques suppose aussi des investissements.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Cela signifie-t-il que le passage à une proportion plus forte de chirurgie ambulatoire se traduira par des fermetures de lits ?

M. Jean-Pierre Dewitte : Non, mais il faut mettre au point une organisation complètement différente de la prise en charge, dans un cadre nouveau. Le plan Hôpital 2007 le permet mais si, ce faisant, un établissement perdait 65 % du tarif, pourquoi le ferait-il ?

M. Angel Piquemal : Les freins sont divers. Il y a d'abord la nature des rapports entre les institutions, car on en vient maintenant seulement à la signature d'engagements contractualisés forts avec les ARH. Se pose ensuite le problème de la contractualisation avec les praticiens, qui viennent travailler à l'hôpital sans engagement formalisé ni sur les activités, ni sur le respect des orientations, ni sur l'adhésion à un projet d'établissement. Il y a enfin l'insuffisance de l'évaluation des pratiques professionnelles ; or, si l'on ne s'interroge pas sur ce que l'on fait, on n'a aucune raison d'aller voir ce qui se fait ailleurs. À cet égard, évaluer sa pratique au regard d'indicateurs régionaux ou nationaux est à la fois dérangeant et stimulant. Au-delà de la procédure d'accréditation, la Haute Autorité de santé doit donc s'engager plus fortement en faveur de l'évaluation des pratiques professionnelles, qui a une portée politique. Il y a là un terreau insuffisamment exploité.

M. Jean Schmid : La réforme, radicale et bouleversante, a suscité un immense espoir. Après avoir fini par admettre, difficilement, que la santé, si elle n'a pas de prix, a un coût, les personnels hospitaliers s'y sont faits. À présent, tout le monde est favorable à la tarification à l'activité, mais il ne faut pas poursuivre sur la pente actuelle au risque de faire tout capoter. La réforme peut aussi réussir, car ce sont bien les pratiques qui constituent les coûts et qui, donc, conditionneront le succès. Pour autant, si l'ONDAM doit être respecté, tout dépend de la manière dont l'enveloppe globale est ventilée. Si la réduction d'une fracture des os de la jambe coûte 3 000 euros, mais que le tarif est fixé à 2 000 euros, plus le chirurgien travaillera à réparer tibias et péronés cassés et plus il coûtera au budget de l'établissement, ce qui est inacceptable. Voilà pourquoi il faut pousser la réforme à son terme tout en évaluant plus systématiquement les pratiques professionnelles. À ce jour, chacun peut faire comme il l'entend et contribuer ou non à abaisser les coûts. La tarification à l'activité a donc ses limites, et ce n'est qu'un outil parmi d'autres. Il serait par ailleurs catastrophique qu'elle conduise à une multiplication artificielle des activités uniquement conçue pour générer des recettes. Enfin, on a peu progressé en matière d'équité territoriale dans l'accès aux soins et la population commence à être sensible à cette question. Pourquoi de tels écarts, à impôts égaux ? Or, la régulation prix-volume actuelle ne permet pas de progrès et les SROS ne permettront pas de rééquilibrer l'offre de manière satisfaisante, ce qui est inacceptable.

M. Pierre Morange, coprésident : Cette situation, ancienne, résulte d'une absence de décisions. Nous avons pris acte que vous soutenez un dispositif qui, selon vos propres termes, « a suscité un immense espoir ».

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La réforme est-elle diversement appliquée selon les régions ?

M. Angel Piquemal : Incontestablement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je vous serais reconnaissant de nous transmettre quelques exemples. Le temps nous manque pour poursuivre cette audition, que nous complèterons en vous adressant un questionnaire relatif aux systèmes d'information et aux MIGAC, les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation.

M. Pierre Morange, coprésident : Messieurs, je vous remercie.

*

Audition de Mme Rose-Marie Van Lerberghe, directrice générale
de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), accompagnée par M. David Schajer, directeur-adjoint chargé des finances
à la direction économique et financière de l'AP-HP

M. Pierre Morange, coprésident : Madame Rose-Marie Van Lerberghe, je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu'à M. David Schajer.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pourriez-vous, Madame la directrice générale, nous rappeler brièvement quelques données générales sur l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, nous dire ce que vous attendez de la tarification à l'activité et comment vous la mettez en œuvre ?

Mme Rose-Marie Van Lerberghe : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui réunit 93 000 personnes dans 38 hôpitaux et groupes hospitaliers, en région parisienne, mais aussi, pour des raisons historiques, à Hendaye, Toulouse et Berck, perd considérablement à la réforme du financement. En effet, pour un budget global de 5,8 milliards d'euros et dans l'hypothèse d'une T2A à 100 %, l'écart de convergence, qui était déjà de 350 millions d'euros avec un coefficient correcteur géographique de 10 %, est désormais de 420 millions d'euros, le coefficient étant passé à 7 %.

Cela étant, le passage à la tarification à l'activité est une excellente occasion de moderniser l'hôpital tout en respectant ses missions de service public. Mon arrivée dans ce secteur est récente, mais j'ai été très frappée par le rythme d'évolution des besoins des personnes et du progrès médical. Autant dire qu'en santé publique, le sujet clé est l'allocation des moyens, qui doit permettre l'accès aux soins pour tous. La dotation globale, parce qu'elle figeait les situations, ne répondait plus aux besoins. Chaque établissement de l'AP-HP se considérait d'ailleurs mal doté, alors même que nous l'étions davantage que les autres. Un regard nouveau sur le rapport entre moyens alloués et service rendu était donc nécessaire, et la tarification à l'activité offre, en permanence, cette lisibilité accrue. Certes, dans l'ancien système, les points ISA donnaient des indications mais, à l'époque, le personnel récusait absolument cette approche, estimant que ces considérations ne le concernaient pas. C'est une très bonne chose que les groupes homogènes de séjour, les GHS, permettent d'établir des comparaisons et des références tout en préservant les missions de service public.

Nous sommes parvenus à modifier l'état d'esprit de la maison et les médecins qui prennent des responsabilités au sein de l'AP-HP sont tous très favorables à la T2A, grâce à laquelle on tient enfin compte de l'activité réelle. Jusqu'à présent, lorsqu'il fallait faire des économies, on nous demandait de limiter l'activité, ce qui était très choquant. Ce n'est plus le cas, et c'est pourquoi la nouvelle démarche correspond à l'état d'esprit des soignants. Le fait d'avoir placé les molécules onéreuses et les dispositifs médicaux implantables hors GHS et de les dire remboursables à 100 % signifie qu'il n'y aura pas de rationnement, ce qui est une excellente chose. De plus, le système est vertueux, car le remboursement à 100 % suppose la juste prescription. Comme nous avions déjà fait travailler les Collégiales sur le bon usage des médicaments et produits de santé - approche qui recueille l'assentiment sans réserve de l'ensemble des soignants - la mise en place des nouveaux dispositifs médicaux n'a pas eu d'effet inflationniste et si, en raison du progrès médical, ce poste connaît une augmentation importante, elle est moindre que précédemment.

Comme tout dispositif, la tarification à l'activité a néanmoins quelques effets pervers. Pour l'AP-HP, c'est le risque de sélection. Pour dire les choses crûment, la T2A ne doit pas avoir pour conséquence que les médecins refusent de prendre en charge les vieux et les pauvres. Mais cette considération n'était pas non plus absente du temps de la dotation globale. Nous avons pris les choses très au sérieux, et cela n'a pas eu lieu. On le constate, par exemple, en analysant de manière suivie le pourcentage de personnes âgées de plus de 75 ans dans la population prise en charge. Il faut toutefois prendre garde au risque d'éviction que la tarification à l'activité peut entraîner dans le service public de santé.

Le nouveau dispositif permet de disposer de l'équivalent d'un compte d'exploitation et donc de mesurer s'il est fait bon usage des deniers publics, mais tout dépend de la manière dont il est appliqué. Nous sommes un service public et, comme tel, nous devons accueillir tous les malades et former tous les médecins, mais le fait d'assurer toutes nos missions de service public ne nous interdit pas de jouer sur tous les leviers d'efficacité offerts par la T2A. À cette fin, il est capital de lier la tarification à l'activité à la réforme de la gouvernance et à la création des pôles.

Toutefois, le rythme d'évolution se heurte à la rigidité des organisations. Sait-on que l'on ne peut fermer un service qu'au départ à la retraite de son chef ? Et encore a-t-il souvent formé des élèves appelés à lui succéder... Médecins, techniciens, infirmières, administratifs constituent des corps extraordinairement cloisonnés, au point que l'on peut s'étonner que les choses ne marchent pas plus mal. Comment mettre fin à ce cloisonnement, alors que chacun a un sens aigu du service public, mais que sa vision n'est pas celle des autres, et que toutes ne sont pas spontanément convergentes ? Tout l'intérêt de la réforme hospitalière est de faire se confronter les points de vue dans chaque pôle et au conseil exécutif, à partir d'objectifs communs mesurables et mesurés, ceux-là même que la tarification à l'activité permet de définir objectivement. Nous avons, à cette fin, élaboré un tableau de bord mensuel destiné à notre conseil exécutif. Scindé en quatre cadrans - activité ; efficience ; attractivité, qualité, risques ; projets -, il permet de suivre l'évolution des indicateurs pertinents ventilés dans ces différents domaines. La tarification à l'activité est donc un levier, un outil au service d'un projet plus vaste, qui se met en place.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Que pensez-vous de la qualité de votre système d'information ? Jugez-vous le codage bien fait ?

Mme Rose-Marie Van Lerberghe : Cela fait longtemps qu'à l'AP-HP nous tenons une comptabilité analytique de très bonne qualité, mais nous n'en faisions malheureusement rien. Par ailleurs, le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), que le corps social AP-HP n'a pas vraiment apprécié dans un premier temps, s'était tout de même largement mis en place.

C'est vrai que nous nous demandons aujourd'hui comment mettre en regard l'aspect « contrôle de gestion » géré par la direction économique et financière et l'aspect « données du PMSI » géré par une autre direction.

Le vrai sujet est d'avoir un contrôle de gestion qui travaille étroitement avec le PMSI et le service de santé publique dans les hôpitaux.

On a beaucoup travaillé avec les médecins au sein du conseil exécutif sur le tableau de bord que je vous ai transmis, même si toutes les données ne sont pas encore renseignées. L'un des enjeux est le système d'information, et nous avons justement décidé, dans le cadre du plan stratégique, de moderniser notre système d'information. Nous venons de lancer des appels d'offres. La question clé de ce travail sera l'articulation entre le domaine « patients » qui récoltera les données médicales, et le programme de gestion intégrée (PGI) financier qui mettra en relation les dépenses et les recettes.

S'agissant du codage, j'étais préoccupée ces derniers mois par le fait que l'assurance maladie ne semblait pas déterminée à effectuer les contrôles nécessaires. C'est très important que le codage soit de très bonne qualité, qu'il n'y ait pas de sur-codage. Nous avons donc lancé un travail de contrôle en interne.

M. Pierre Morange, coprésident : Sur ce point, l'assurance maladie va s'investir au travers d'un redéploiement des effectifs du contrôle médical et se mobiliser sur le secteur de la médecine de ville, comme sur le secteur hospitalier.

Mme Anny Golfouse-Buet, rapporteure à la sixième chambre de la Cour des comptes : Vous nous avez donné le montant des écarts en début d'intervention, mais ces chiffres tiennent-ils compte des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) ?

Mme Rose-Marie Van Lerberghe : En 2004, l'écart entre le produit théorique de l'ensemble des tarifs en 100 % T2A avec la dotation historique était d'environ 350 millions d'euros avec un coefficient géographique de 10 % et de 420 millions d'euros avec un coefficient de 7 %. Début 2005, cet écart de convergence est passé à 300 millions d'euros. Ces 120 millions d'euros de différence sont dus pour moitié au plan d'économies structurelles auquel nous nous étions engagés vis-à-vis de l'État pour résorber notre déficit. Ce plan d'économies, jusqu'à présent, a porté uniquement sur les services supports - l'administration, la logistique - et les services médico-techniques, par exemple la biologie. Il était très important, à un moment où nous manquions d'infirmières, de ne pas toucher à la clinique, ce qui ne veut pas dire que la clinique ne doive faire aucun effort. L'idée est d'utiliser les écarts à la moyenne pour la réallocation des moyens sur de nouvelles activités. C'est comme cela que l'on a pu, dans certains hôpitaux, développer certaines activités, sans attendre les crédits fléchés du ministère.

L'écart de convergence constaté début 2004 tenait compte des MIGAC de l'époque. Il nous paraissait important, dans le même temps, d'utiliser la T2A comme élément d'efficacité. Nous avons tenu à documenter précisément les MIGAC et les missions d'enseignement, de recherche, de recours et d'innovation (MERRI), et à en calculer le coût. On l'a fait en 2004, en 2005. Il y a eu des progrès, puisque la liste, au moins des MIGAC, a été stabilisée, mais il reste beaucoup à faire. Aujourd'hui, on a simplement identifié les rubriques des MIGAC ; mais pour l'instant on a le coût brut, alors que la MIGAC pourrait aussi faire l'objet d'une démarche d'efficacité. Les MERRI sont forfaitaires, alors qu'elles pourraient être plus proches des réalités.

En 2006, l'augmentation de nos MIGAC a été assez faible.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous évoquiez, sur le plan des systèmes informatiques, un plan ambitieux pour moderniser le parc. L'assurance maladie a entamé une démarche similaire : travaillez-vous en coordination avec elle ?

Mme Rose-Marie Van Lerberghe : Il y a une partie commune, concernant le dossier médical partagé, pour permettre l'interopérabilité. Le reste, comme la gestion des rendez-vous, ne concerne pas vraiment l'assurance maladie.

Nous pourrions, en revanche, avancer sur le problème des nomenclatures et des référentiels, car nous aurions tous intérêt à adopter les mêmes référentiels.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous avez mené un certain nombre d'expérimentations, les plus récentes aux urgences de l'hôpital Beaujon, et vous avez démontré qu'il était possible en une dizaine de semaines, de réduire le temps d'attente de 5 heures 40 à 3 heures 45, grâce à une approche horizontale sur le terrain, et à une équipe de spécialistes accompagnant l'équipe médicale avec l'approbation des syndicats.

Quelles conclusions tirez-vous de cette expérience réussie sur l'ensemble du parc hospitalier qui est sous votre domaine de compétence ?

Mme Rose-Marie Van Lerberghe : Il ne faut pas sous-estimer l'investissement que cela a représenté, et je ne pense pas que n'importe quel cabinet de consultant serait capable de réaliser un tel travail. Celui dont on parle est d'ailleurs très cher.

Par ailleurs, j'ai été très attentive à la méthode utilisée, car si le temps d'attente aux urgences et le temps d'attente pour obtenir un lit d'hospitalisation, se sont améliorés, ce qui est encore plus extraordinaire, c'est l'enthousiasme de tous les acteurs. Les médecins parlent eux-mêmes de tableaux de bord, à tel point que j'en suis venue à leur demander de m'assurer que ce n'était pas au détriment de la qualité !

Les syndicats, un peu suspicieux au départ, ont fini par se rallier, comme tout le monde.

Mais le prix à payer a été très lourd. Il a fallu passer beaucoup de temps avec les équipes. Des membres du cabinet sont venus, ont observé, ont fait partager à l'ensemble des équipes leurs observations. Ensuite, avec les équipes, ils ont conçu les organisations, et enfin, une fois que l'organisation a été pensée, ils les ont accompagnés dans la mise en œuvre.

Il serait urgent pour nous maintenant d'appliquer cette méthode au bloc opératoire, où tout le monde passe son temps à s'attendre, en faisant appel à un cabinet de cette envergure, mais en formant des gens de chez nous, pour ensuite diffuser les bonnes pratiques.

J'attends de la création des pôles des démarches de cet ordre, car les services sont de plus en plus petits, ils ne mutualisent pas, ils ne réfléchissent pas ensemble. Certains pôles commencent à réfléchir ensemble et ont même mutualisé l'hôpital de jour. Ils en sont aujourd'hui à se dire qu'il serait opportun de pouvoir l'ouvrir aussi le samedi matin. Au niveau de l'AP-HP, c'est une chose que nous ne pouvons pas imposer, alors qu'au niveau du pôle, les personnels se rendent compte des problèmes des patients, et on peut même faire du sur-mesure, avec des arrangements d'organisation, ce que, je le répète, nous ne pourrions pas imposer de notre niveau, notamment du fait de l'application de la RTT.

M. Pierre Morange, coprésident : On pourrait imaginer que ce soit un sujet de conversation avec M. Van Roekeghem.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous avez insisté sur le rôle de service public de l'AP-HP. Avez-vous des éléments permettant de chiffrer les surcoûts liés à l'accueil social ou à d'autres facteurs ?

Mme Rose-Marie Van Lerberghe : Les MIGAC et les MERRI permettent de chiffrer un certain nombre de choses, par exemple le coût de la formation, de la recherche, de la consultation de précarité, etc. En revanche, si l'on peut aujourd'hui coder la précarité, elle n'est pas « tarifante ». Du coup, les gens n'ont pas très envie de la coder. J'ai lancé un travail, dont je n'ai pas encore les résultats, pour mesurer l'impact de la précarité.

Par ailleurs, je rappelle qu'à l'hôpital public, on doit tout faire, des appendicites aux varices, parce que tout le monde ne peut pas aller faire soigner ses varices en clinique privée. Cette différence entre le public et le privé n'est aujourd'hui pas prise en compte.

M. David Schajer : Nous avons deux méthodes pour évaluer les missions d'intérêt général et notre spécificité de service public. Nous nous servons en général de la comptabilité analytique, ce qui est assez simple quand les unités sont entièrement affectées à ces missions. Quand ce n'est pas le cas, et que le calcul est plus compliqué, nous lançons des études pour évaluer les coûts, avant de les soumettre à l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) et d'en débattre.

Nous n'avons pas de réponse, à ce stade, sur tous les facteurs de surcoûts que nous avons pu identifier. Lors de la baisse du coefficient géographique, nous avons ainsi essayé de cerner un certain nombre de surcoûts spécifiques à l'AP-HP, liés soit à la proportion d'agents originaires des DOM et au volume de congés bonifiés, soit au volume des créances irrécouvrables, celles-ci étant supérieures à la moyenne nationale, soit encore à la proportion de praticiens attachés, dans la mesure où il y a plus de consultations à l'AP-HP qu'ailleurs....

Mme Rose-Marie Van Lerberghe : Ces consultations sont de deux sortes : celles requises par notre statut de CHU, mais aussi celles de proximité, du fait du manque de médecins conventionnés en région parisienne.

M. David Schajer : Sur ces éléments de surcoût que nous avons transmis à la DHOS, nous n'avons pas eu d'échange avec la tutelle qui nous permette de conclure.

Mme Rose-Marie Van Lerberghe : Personnellement, je ne crois pas que le vrai sujet soit la convergence public-privé. Ce n'est pas une priorité, tant il y a à faire au sein du public. S'embarrasser de la dimension idéologique de la question est même contre-productif, car les comparaisons montrent que nous n'avons pas les mêmes missions, que le statut de la fonction publique est différent - il faut savoir que je ne peux même pas demander à un médecin de changer de lieu de travail. On sait bien que le privé a aussi ses contraintes, mais nous avons déjà assez à faire en matière de comparaisons internes pour ne pas prendre le risque d'obscurcir encore le débat.

Le vrai enjeu est d'appliquer cette comparaison en interne en regardant les coûts. C'est un travail énorme, qui n'a pas encore été fait, et la réforme dont je parlais va être très compliquée. L'idée est de réallouer les moyens au niveau du pôle. On garde les services, l'équipe médicale responsable des protocoles de prise en charge, mais les moyens, les lits, les infirmières etc. relèveront du pôle. Cela ne veut pas dire que les personnels se promèneront partout dans le pôle en permanence, mais on va mettre fin à un système où certains services hospitaliers sont en permanence débordés et d'autres moins, mais où ces derniers n'aideront pas les premiers de peur que l'on en déduise qu'ils ne servent pas à grand-chose.

Il s'agit aussi de réallouer les moyens au niveau de l'hôpital. Aujourd'hui, par exemple, on peut rencontrer des difficultés du fait du délai d'obtention d'une imagerie par résonance magnétique (IRM). Soit l'on fait ressortir le malade, ce qui n'est pas l'idéal, soit l'on allonge indûment la durée de séjour. Désormais, on va pouvoir mesurer objectivement, et le conseil exécutif pourra discuter pour dégager des moyens et trouver une solution. Les médecins adhèrent à cette méthode, l'un d'eux a même dit : « l'économique, c'est éthique ».

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avec qui faut-il discuter de la régulation prix-volumes ?

Mme Rose-Marie Van Lerberghe : J'ai un peu de mal à voir la cohérence entre la T2A, qui suppose une régulation par le marché, et les objectifs quantifiés, qui procèdent plutôt d'une vision planificatrice. La régulation prix-volumes est essentielle et il n'est pas question de la remettre en cause, mais elle se fait au niveau national, et je ne vois pas comment on peut la concilier avec les objectifs quantifiés.

Quant aux relations avec les ARH et la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), je puis vous dire qu'elles sont excellentes avec M. Philippe Ritter et que nous nous voyons régulièrement, mais c'est, encore une fois, une question de bonne volonté des acteurs concernés.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous des remarques à faire sur le rythme prévu pour la convergence ? Pensez-vous pouvoir le tenir ?

Mme Rose-Marie Van Lerberghe : Nous avons travaillé sur le plan stratégique en 2004 et en 2005, et nous nous sommes attachés à faire un cadrage financier, ce qui nous a permis de faire des choix. À chaque fois que nous avons envisagé des mesures nouvelles, nous avons pu en calculer le coût, et avoir une vision globale.

Nous avons retenu comme hypothèse d'atteindre, fin 2009, les 70 %. Ce n'était pas un souhait, mais une hypothèse. Je considère que je dois m'adapter aux règles, et je n'ai donc pas forcément d'avis.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Certains nous disent que c'est infaisable.

Mme Rose-Marie Van Lerberghe : Ce n'est pas faisable très rapidement, mais si cela s'étale trop dans le temps, ce ne sera pas mieux. L'inconvénient pour le public d'une montée en charge progressive est que nous ne bénéficions pas de l'effet activité à 100 %, contrairement aux cliniques privées. Je considère d'ailleurs qu'il serait préférable que nous soyons traités de la même façon, surtout si l'État devait se ranger à une conception tarifaire des plans de santé publique. Je suis très mal à l'aise avec la logique de la T2A qui m'impose de toujours penser en termes de réallocation des moyens, et avec la logique des crédits fléchés de santé publique.

M. Pierre Morange, coprésident : Sans esprit polémique, avez-vous l'intention de proposer une expérimentation similaire à celle menée à Beaujon, dans un autre service d'urgences d'un autre hôpital parisien célèbre, par exemple Saint-Antoine ?

Mme Rose-Marie Van Lerberghe : J'ai des conversations très constructives avec la personne à laquelle nous pensons tous les deux. Sur les questions d'organisation, nous avons même un projet commun avec l'idée d'utiliser les temps morts pour des formations. De surcroît va arriver un nouveau chef de service qui aura certainement à cœur de revoir l'organisation.

Par ailleurs, je suis convaincue qu'aujourd'hui il y a assez de moyens dans les urgences, ce qui ne veut pas dire que le problème des urgences soit réglé.

Il y a aussi des problèmes d'allocation des moyens. Le vrai mérite de la T2A est de pouvoir mettre en évidence les moyens utilisés et les résultats, et ce n'est pas celui qui crie le plus fort qui obtient des moyens par des canaux divers et variés.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous serions preneurs de toute remarque supplémentaire, notamment si vous avez des suggestions de simplification et de réforme...

Mme Rose-Marie Van Lerberghe : On critique beaucoup la complexité du système, mais ce système est nécessairement complexe, car s'il était simple, il serait injuste.

Par ailleurs, il faut vraiment mettre en place une maintenance du système. Nous avons fait un travail pédagogique énorme vis-à-vis des médecins qui craignaient que leurs activités soient mal tarifées - ce qui était parfois le cas, notamment à chaque fois que de nouveaux modes de prise en charge étaient mis en place. Il faut des mécanismes pour en tenir compte. Puisqu'il s'agit d'un financement mieux tarifé des nouvelles prises en charge, il faut « faire le ménage » dans ce qui devient de la routine.

Il ne s'agit pas de simplifier, mais d'assurer la maintenance technique du système.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pourriez-vous citer des exemples de pathologies concernées ?

Mme Rose-Marie Van Lerberghe : Oui, notamment l'hématologie.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous vous remercions.

AUDITIONS DU 4 MAI 2006

Audition de M. Laurent Degos, président de la Haute Autorité de santé (HAS),
et de M. Alain Coulomb, directeur de la HAS

M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite la bienvenue à M. le Professeur Laurent Degos, président de la Haute Autorité de santé et à M. Alain Coulomb, directeur. Je salue par ailleurs la présence de M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pourriez-vous nous rappeler les principes qui fondent l'évaluation des pratiques par la HAS et nous dire quels en sont les premiers résultats ?

M. Laurent Degos : Vous avez porté la Haute Autorité de santé sur les fonts baptismaux et nous vous en remercions. Cette autorité publique est unique en son genre en ce qu'elle est chargée de l'évaluation des produits, des actes, des pratiques professionnelles et des établissements de soins, mais aussi de la formulation de recommandations de bonnes pratiques et de prise en charge des affections de longue durée, de la contribution à l'information des professionnels de santé et du grand public dans ces domaines et de l'amélioration de la qualité de l'information médicale et de sa diffusion. Elle dispose d'un acquis important, celui de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), celui de la Commission de la transparence et celui de la Commission d'évaluation des produits et prestations, mais la loi lui a aussi conféré de nouvelles missions. Dans un premier temps, nous avons procédé aux fusions nécessaires, nous nous sommes transférés dans de nouveaux locaux et nous nous sommes attachés à mettre en commun les savoir-faire.

Le législateur a confié à la Haute Autorité de santé des missions au titre de la solidarité, de la qualité, de l'information et de l'organisation. Notre système de soin étant fondé sur la solidarité, nous sommes chargés de donner un avis sur la qualité des produits, des prestations et des actes pour aider les décideurs et les financeurs à s'assurer que le service médical rendu est le meilleur possible et justifie le remboursement. Dans la même optique, la HAS doit définir le panier de biens et services remboursables pour les maladies chroniques, établir les critères d'entrée en affection de longue durée et vérifier le bien-fondé des accords de bon usage. Au titre de la « démarche qualité », la HAS est chargée d'organiser l'évaluation des pratiques professionnelles, notamment en recommandant des bonnes pratiques et en certifiant les établissements. Sa troisième mission est d'informer patients et professionnels sur les différents aspects de cette démarche. Il lui revient enfin de participer à l'évaluation de la qualité de l'organisation du système de santé et à son amélioration.

Afin d'assumer au mieux les missions qui nous ont été confiées, nous avons défini plusieurs axes stratégiques. En premier lieu, nous entendons privilégier, plutôt qu'une approche ponctuelle, une évaluation fondée sur une approche transversale globale donnant toute sa place à la pathologie et au patient. Nous souhaitons d'autre part nous appuyer sur une méthode participative. Nous avons souhaité adjoindre à notre fonction d'opérateur une fonction de régulateur. Nous considérons aussi que la valorisation de la qualité est le complément indispensable de la tarification à l'activité, qui ne doit pas être le prétexte à un emballement du nombre d'actes de qualité parfois incertaine. Enfin, nous nous attachons à une insertion internationale, à la fois pour répondre aux questions multiples qui nous sont posées sur le modèle français de labellisation en matière de soins et pour parvenir à des accords européens d'échanges méthodologiques, notamment avec la Grande-Bretagne et avec l'Allemagne, tout en demeurant le garant de l'interprétation nationale des décisions prises au niveau communautaire et international.

Autorité de santé indépendante aux termes de la loi, la Haute Autorité de santé est aussi interdépendante de par sa fonction puisqu'elle se trouve placée entre le décideur, le financeur, le professionnel et le patient, tous acteurs du système de soins dont les logiques ne sont pas les mêmes, ce qui peut créer certaines tensions - le tout, sous l'œil des médias et de la justice. Le rôle de la HAS est donc d'aider aux décisions permettant les adaptations rendues nécessaires par un progrès médical constant. Pour ce faire, nous avons lancé le deuxième cycle de certification des établissements de soins et enclenché l'évaluation des pratiques professionnelles des médecins, qui sera bientôt suivie par celle des biologistes et des masseurs-kinésithérapeutes. La certification de la visite médicale est en cours. Nous avons aussi lancé l'élaboration des fiches de bon usage, rendu des avis sur les accords de bon usage et nous entamons la définition du contour des métiers. Nous avons également évalué le service rendu par certains médicaments en vue de déremboursements, et nous continuons ce travail. Enfin, nous reprenons tous les critères de définition des affections de longue durée.

Pour améliorer le système de soins, trois méthodes sont possibles : l'incitation, la punition et la comparaison au moyen d'indicateurs. À la punition, la France a préféré l'incitation et la comparaison. Les pays anglo-saxons, qui avaient choisi de chercher les erreurs et de les sanctionner, sont en passe d'abandonner cette méthode à la fois parce que lorsqu'on cherche une erreur on la trouve, ce qui suscite une avalanche de procès, et parce qu'en procédant de la sorte on se concentre sur des niches au lieu de s'attacher à améliorer l'ensemble.

M. Pierre Morange, coprésident : Quelle est la proportion d'établissements de soins et de pratiques professionnelles déjà évaluée ?

M. Laurent Degos : Au terme du premier cycle de certifications, qui s'achèvera à la fin de l'année, 2 850 établissements auront été évalués, dont une centaine doivent encore l'être. Le deuxième cycle est engagé. S'agissant des pratiques professionnelles, nous avons accrédité les organismes chargés de l'évaluation, et les organismes agréés sont dès maintenant en nombre suffisant pour que les médecins puissent choisir. Comme je l'ai dit, la Haute Autorité de santé, outre qu'elle est opérateur, a aussi un rôle de régulateur, qu'il s'agisse de l'évaluation des pratiques professionnelles, de la certification de la visite médicale ou de la définition des contours des métiers.

S'il est simple d'être opérateur dans un système fermé, il en va tout autrement lorsqu'on traite de politique de santé. « Toute politique de santé est un mystère », a d'ailleurs coutume de dire le directeur de la politique de santé en Grande-Bretagne, constatant que ces politiques conduisent, quelque soit l'approche, à des résultats imprévisibles et parfois décevants, si bien que l'on se met à copier d'autres modèles de système de soins au moment même où les pays qui en ont été les instigateurs les abandonnent... Il convient de s'appuyer sur les sciences sociales pour définir une approche commune, car la science des structures systémiques complexes nous apprend que le sens accepté par tous fait boule de neige et conduit aux réformes consensuelles.

Je ne saurais conclure sans souligner que les lois qui régissent notre système de soins doivent avoir un sens. Selon moi, ce sens ne peut être que d'aider autrui face à la souffrance. Autrement dit, il faut de la qualité pour aboutir à des choix solidaires. Au-delà, il faut simplifier au maximum un système de soins complexe par nature et non le rendre toujours plus complexe en multipliant les structures. À cet égard, la création de la HAS, qui regroupe les activités d'agences distinctes, est un exemple de simplification dont nous vous remercions, mais cet effort de simplification pourrait être poursuivi dans le futur.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : De quels indicateurs disposez-vous ? Quelles différences y a-t-il entre la première procédure d'accréditation des établissements de santé et la seconde ?

M. Alain Coulomb : La première itération de la procédure de certification, fondée sur un référentiel mis au point par l'ANAES il y a sept ou huit ans, viendra à son terme à la fin de l'année. À ce jour, 90 % des établissements ont été certifiés, dont 12 à 13 % sans réserves ni recommandations et 5 % avec des réserves majeures. Mais si la certification a eu un effet structurant pour tout ce qui entoure le soin - confidentialité, prise en charge, sécurité -, cette première version n'avait pas été conçue pour évaluer la qualité des pratiques cliniques. C'est ce qui a conduit à l'élaboration d'une deuxième version, ainsi complétée. Fin 2006, près de 20 % des établissements de santé auront été certifiés au terme de rapports établis selon la nouvelle version du référentiel, qui traduit l'élévation du niveau d'exigence réglementaire et culturelle et qui demande davantage de précision dans le constat. Alors que, lors de la première itération, de 5 à 7 % des médecins s'étaient impliqués dans le processus d'évaluation, ils sont désormais de 35 à 37 % à le faire.

Parallèlement, comme la loi nous en a donné mission, nous avons élaboré les critères d'agrément des organismes chargés de l'évaluation des pratiques professionnelles de tous les médecins. À ce jour, vingt organismes sont agréés, quarante dossiers d'agrément sont en cours d'instruction et une trentaine d'autres demandes sont en instance. On dénombre deux ou trois organismes commerciaux et deux ou trois organismes universitaires, l'Université ayant rechigné à s'impliquer dans cette démarche. Les autres sont des sociétés savantes ou professionnelles. Aujourd'hui, pratiquement tout le champ des spécialités est couvert et le nombre d'organismes accrédités à l'évaluation permettra aux médecins de choisir. Nous avons, potentiellement, la possibilité d'évaluer les pratiques professionnelles de l'ensemble des médecins, et 10 000 environ auront été évalués à la fin de l'année. Notre objectif aura donc été dépassé ; nous pensions en effet que la difficulté du financement ralentirait la mise en oeuvre du processus. En résumé, il n'y a plus d'obstacle culturel ou de procédure, et celui du financement est en passe d'être levé.

M. Jean-Luc Préel : Ce qui nous intéresse tout particulièrement est de savoir comment la Haute Autorité de santé peut contribuer à la prise en considération de la qualité des soins dans la tarification à l'activité. Entendez-vous,  par exemple, aller vers  une triple garde  chirurgicale - pour le « dur », pour le « mou » et pour l'urologique ? Définirez-vous des critères de maintien des services d'urgences et des plateaux techniques ? Enfin, comment assurer une tarification qui tienne compte de l'intérêt des malades ? Je reprendrai à ce sujet un exemple qui m'a frappé : un cardiologue nous a expliqué qu'une coronaroplastie coûte moins cher et rapporte plus de points si elle est faite par voie thoracique que si elle est réalisée par la voie fémorale, un choix qui serait pourtant davantage dans l'intérêt du malade. Que fera la Haute Autorité pour instaurer un équilibre entre l'intérêt du malade et une juste rémunération qui ne doit pas pousser à l'activité ?

M. Jean-Michel Dubernard : Je fais miennes les interrogations de M. Jean-Luc Préel. J'ajoute que la HAS est une création récente et intéressante mais qu'elle manque pour le moins de notoriété. Il faut faire connaître son action aux professionnels de santé et au public. Quant à l'évaluation des pratiques professionnelles, elle n'est pas dans une situation aussi enthousiasmante que vous l'avez décrite. Selon moi, les médecins étaient déjà prêts à se faire évaluer il y a dix ans et les lacunes tiennent à l'organisation et aux structures de l'évaluation bien davantage qu'à une question culturelle. Une confusion s'est aussi établie entre la « certification », terme utilisé dans la loi pour les établissements, et l'« accréditation », terme qui vaut pour les équipes médicales et dont je n'ai jamais bien compris ce qu'il apporte de plus. Quoiqu'il en soit, accréditer une équipe médicale, pour traiter le cancer par exemple, c'est lui offrir une reconnaissance dont elle est très satisfaite, et c'est un moyen de mobiliser des praticiens hospitaliers qui ne demandent d'ailleurs qu'à se remobiliser, dans une période où, grâce au plan Hôpital 2007, jamais autant d'argent n'a été dépensé pour les hôpitaux et où la nouvelle gouvernance permet de progresser.

M. Jean-Marie Le Guen : L'histoire de la Haute Autorité de santé est singulière. Il y a quinze ans, ses fonctions étaient exercées par la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), puis le législateur a estimé utile d'améliorer la gestion des compétences en créant une agence indépendante chargée d'édicter des règles. Ensuite est venue la loi de 2004, par laquelle le Parlement a notamment souhaité créer une Haute Autorité, autre chose, donc, qu'une agence. De cette Haute Autorité, nous attendions beaucoup, et sur tous les bancs : qu'elle publie des normes de qualité, voire d'équité, et qu'elle les rende applicables. Mais, alors même que vous ne partiez pas de rien, nous n'avons pas l'impression que la très forte impulsion législative, qui a trouvé sa traduction dans la dénomination, la composition du conseil et le budget de la Haute Autorité de santé, ait été suivie d'effet à la hauteur de nos attentes et nous restons un peu sur notre faim. Je mesure la difficulté d'agir, les rétroactions, les effets systémiques et, certes, les sciences sociales sont d'une grande importance pour l'appréhension des politiques de santé. Mais le législateur a eu la faiblesse de penser qu'il existe aussi une philosophie de l'action et que la Haute Autorité de santé devrait bousculer tous les pouvoirs, publics et privés, et singulièrement le pouvoir médical.

S'agissant de vos avis sur les médicaments à service médical rendu insuffisant, j'ai été très étonné que vous ne vous placiez pas sur le terrain de l'efficacité des molécules, ce qui aurait été parfaitement légitime, mais sur celui des moyens alloués à l'assurance maladie dans le cadre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). C'est exactement ce que le Parlement n'avait pas voulu ! Nous sommes favorables à l'expertise médicale et nous acceptons la mesure de l'efficience, mais nous ne sommes pas d'accord pour que la HAS se prononce en matière d'opportunité financière, domaine qui est de notre ressort par le vote de l'ONDAM.

Les personnels hospitaliers ont des difficultés avec la tarification à l'activité. Des craintes se sont exprimées devant nous, et l'on nous dit qu'elle a pour inconvénient de privilégier les actes techniques plutôt que les formes d'action médico-sociales. Je comprends que ceux qui ont structuré la T2A aient pu se tromper lorsqu'ils ont codifié mais, sur le fond, la HAS ne doit-elle pas examiner les conséquences, en termes de qualité et d'efficacité, d'un biais méthodologique qui amènerait à privilégier certains types d'actes plutôt que d'autres ? C'est sur ce terrain-là qu'elle est attendue ! La Haute Autorité doit certes agir de manière pédagogique pour emporter la conviction et stimuler, mais elle a une responsabilité majeure dans la sécurité sanitaire des Français qui l'oblige à faire valoir avant toute chose le principe du primum non nocere - « premièrement, ne pas nuire ». Or, si les médecins s'y appliquent à titre individuel, la logique du développement de biens et de services médicaux n'y conduit pas spontanément, et nous n'avons pas l'impression que la Haute Autorité de santé intervienne avec cette ambition.

M. Laurent Degos : La protection du patient est au coeur de nos préoccupations, et nous allons d'ailleurs être les initiateurs d'une réflexion à ce sujet au niveau européen, mais il faut se garder de confondre le rôle de la Haute Autorité de santé et celui des nombreuses agences de sécurité sanitaire.

Pour ce qui est de la tarification à l'activité, nous avons choisi la valorisation de la qualité comme l'un de nos axes d'action prioritaires. Nous considérons que si quelqu'un s'attache à faire mieux dans ce domaine, il doit être récompensé car, je le redis, c'est une chose de tarifer à l'acte mais encore celui-ci doit-il être de qualité. Je suis parfaitement d'accord avec vous sur le fait que la tarification à l'activité peut avoir des effets pervers. Nous avons donc pris toutes précautions auprès de la DHOS et des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) pour que le dispositif de tarification à l'activité permette de prendre en compte la qualité.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous comprenons quels principes vous animent, mais nous souhaitons des réponses précises aux questions précises qui vous ont été posées.

M. Alain Coulomb : Je préside le comité d'évaluation de la tarification à l'activité. Je puis donc vous dire que nous en sommes pratiquement au point zéro...

M. Pierre Morange, coprésident : Voilà qui est clair !

M. Alain Coulomb : C'est-à-dire que nous sommes prêts, ce qui n'est déjà pas mal, puisque les outils qui nous permettront d'évaluer la T2A sont prêts. C'est une évolution considérable que de modifier un système de tarification. Dans ce contexte, « fabriquer le point zéro » consiste à mettre au point l'instrument de mesure qui permettra d'apprécier les éventuels effets pervers du changement de système alors que, jusqu'à présent, l'État et ses représentants ont eu la tentation permanente de mettre en œuvre plutôt que d'évaluer. La littérature internationale ne permet pas d'établir de manière déterminante si le fait de changer de mode de tarification a pour conséquence la multiplication des actes et des séjours. La réponse à ces questions n'étant pas probante, nous avons défini des indicateurs qui permettront des comparaisons ultérieures.

M. Pierre Morange, coprésident : Selon quel calendrier l'évaluation de la tarification à l'activité se fera-t-elle ?

M. Alain Coulomb : Nous signerons  la semaine  prochaine  un  protocole d'accord - c'est-à-dire une convention de coopération autour du projet COMPAQH - avec la DHOS et la DREES qui sera présenté le 10 mai aux fédérations hospitalières. On aurait, bien sûr, pu imaginer de passer en force, mais nous sommes face à des responsables hospitaliers qui ont le sentiment d'être noyés sous les réformes successives. Nous avons donc pris le parti d'une approche pédagogique pour obtenir une remontée d'informations pertinentes, fiables et relativement légères. Le dispositif sera opérationnel fin mai.

M. Pierre Morange, coprésident : Quand les premiers résultats seront-ils disponibles ?

M. Alain Coulomb : À la fin de l'année, par la généralisation des indicateurs du projet COMPAQH de coordination pour la mesure de la performance et l´amélioration de la qualité hospitalière déjà expérimentés dans une cinquantaine d'établissements, généralisation qui fait l'objet de l'accord mentionné.

M. Jean-Marie Le Guen : Je ne comprends pas. Je ne connais aucune entreprise qui déciderait de modifier sa tarification pour une masse de quelque 65 milliards d'euros et qui ne disposerait des premiers indicateurs d'impact de ce changement que trois, voire quatre ans plus tard. Bien entendu, ce n'est pas la Haute Autorité de santé qui a mis en œuvre la tarification à l'activité ; pour autant, il ne m'apparaît pas qu'elle fonctionne comme je m'y attendais. Pourquoi signer un protocole d'accord avec la DHOS et la DREES, les services mêmes dont le législateur a voulu vous séparer, alors que c'est précisément ce que nous avons voulu éviter en créant une instance indépendante ? Il vient un moment où la Haute Autorité de santé a pour vocation de défendre la qualité. Si, dans trois ans, on se rendait compte que la tarification à l'activité a abouti à privilégier des interventions de chirurgie thoracique avec, en corollaire, leur lot d'affections nosocomiales et leur coût humain, ce serait dramatique. Nous avons conçu un système, et nous avons le sentiment qu'il ne fonctionne pas comme nous le souhaitions.

M. Alain Coulomb : Il fonctionne par le biais d'une procédure de certification que nous souhaitons plus régulière, et par le biais d'une procédure d'accréditation pour laquelle je signale que nous attendons toujours la publication d'un décret.

M. Jean-Marie Le Guen : Mais, en votre qualité de Haute Autorité de santé, vous avez droit à la parole !

M. Alain Coulomb : Une Haute Autorité, toute indépendante qu'elle soit, ne peut appliquer un article de loi qui fait référence à un décret qui n'est pas paru. Nous pensons qu'il sera publié à la fin du mois. Pour ce qui nous concerne, notre dispositif est prêt, mais nous ne pouvons le mettre en oeuvre. Par ailleurs, la création d'une autorité indépendante n'a pas fait disparaître la tutelle de l'État sur le système hospitalier ni mis fin au rôle de gestionnaire des ARH. Nous nous insérons dans un ensemble, et il ne nous est pas possible de donner des instructions aux hôpitaux. Nous nous attachons donc à ce que l'ensemble des dispositifs soit le plus cohérent et le plus léger possible pour obtenir de gens saturés d'exigences diverses la remontée des informations qui nous sont nécessaires.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelles sont les exigences supplémentaires caractérisant la deuxième vague de certification des établissements ? Avez-vous déjà noté des progrès ? S'agissant des dispositifs médicaux implantables, domaine dans lequel les enjeux sont très forts, continuera-t-on par exemple d'avoir des dizaines de prothèses de hanche différentes, et des suppléments sur lesquels on n'a aucun contrôle ?

M. Laurent Degos : La deuxième vague de certification a l'avantage de permettre l'évaluation des professionnels de santé et d'être modulable dans le temps. L'évaluation des pratiques cliniques se fera donc soit par le biais de la certification des établissements, soit par l'évaluation des individus, et nous allons progressivement inclure dans le référentiel des indicateurs permettant de mesurer les progrès ou les reculs éventuels observés d'une année à l'autre. Mais de tels indicateurs ne se définissent pas du jour au lendemain et, en France comme à l'étranger, ils doivent être réfléchis et testés avant d'être généralisés. Nous les mettons au point, et cette démarche a un lien direct avec la tarification à l'activité. Pour autant, nous ne sommes pas les maîtres du jeu, puisque nous sommes conseillers et non pas décideurs et, quand il s'agit de récompenser un établissement qui a mieux fait, nous devons en discuter avec les ARH et la DHOS. La Haute Autorité est, je le répète, une administration indépendante mais aussi interdépendante, et elle n'a pas vocation à se substituer aux autres parties concernées. Notre rôle est l'harmonisation.

M. Jean-Luc Préel : Pouvez-vous nous indiquer si vous comptez vous intéresser aux gardes hospitalières, aux urgences ? Lors du débat parlementaire, j'avais souhaité que la Haute Autorité soit décisionnaire, considérant que si elle ne l'était pas, on créait un organe scientifique dont les membres devraient être nommés par les Académies. Quoiqu'il en soit, vous avez été nommés solennellement et vous vous êtes donné un pouvoir politique. Ainsi, s'agissant du service médical rendu par l'homéopathie, vous pouviez vous autosaisir mais vous ne l'avez pas souhaité, arguant d'un risque politique. Vous auriez pourtant pu donner votre avis sur ce point sans avoir l'autorisation du ministre.

M. Laurent Degos : La Haute Autorité de santé se trouve au centre d'un système traversé par de multiples tensions, mais à quoi servirait-il de rendre un avis sur un sujet à propos duquel la décision est déjà prise, puisque le ministre a dit qu'il ne touchera jamais à l'homéopathie ?

M. Jean-Marie Le Guen : C'est votre rôle !

M. Pierre Morange, coprésident : Je rappelle que la HAS n'a pas à se substituer à d'autres instances, mais aussi que nous souhaitions, en la créant, charger une autorité indépendante d'élaborer des référentiels sur lesquels les autorités de santé publique pourraient s'appuyer. Nous attendons maintenant des réponses précises aux questions qui vous ont été posées sur les biais méthodologiques éventuellement induits par la tarification à l'activité et sur la multiplicité des dispositifs médicaux implantables destinés à remédier à une même pathologie.

M. Alain Coulomb : S'agissant des dispositifs médicaux implantables, nous avons été saisis il y a trois jours pour définir selon quels critères on détermine la pertinence, le nombre et le coût des dispositifs médicaux implantables hors forfait des groupes homogènes de séjours (GHS). Sur de tels sujets, nous pouvons, certes, nous autosaisir, mais ne rêvons pas : nous avons certes des moyens convenables, mais nous ne manquons vraiment pas de travail ! Nous venons de signer une convention avec certains CHU qui nous aideront à organiser des remontées d'information sur les centaines de dispositifs médicaux implantables qu'il faut référencer et évaluer. Cela nous permettra d'établir le plus rapidement possible un référentiel propre à éclairer la décision publique. Nous espérons que nos conclusions à ce sujet seront prêtes en septembre.

M. Laurent Degos : Et encore la liste est-elle évolutive, car les inventions ne cessent pas !

M. Alain Coulomb : Il va sans dire que je parlais du stock existant.

M. Pierre-Louis Fagniez : Vous considérez donc que la Haute Autorité de santé ne doit pas seulement donner des avis mais qu'elle doit aussi tenir compte de la décision politique. De ce fait, on ne sait pas ce qui, dans votre activité, est de l'ordre de l'avis et ce qui est de l'ordre de la décision, alors même que des questions budgétaires sont en jeu. Il existe d'autres Hautes Autorités dans notre pays ; pourriez-vous nous dire quel modèle vous inspire, vers quoi vous pensez aller ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le texte fixant les missions de la Haute Autorité de santé dispose expressément qu'elle « rend les avis, formule les recommandations et propositions ou prend les décisions mentionnées aux articles R. 161-71 à R. 161-75 ». Il lui revient donc bien, à un moment, de dire par exemple que rien ne justifie de continuer d'utiliser des prothèses qui coûtent dix fois plus cher que d'autres.

M. Laurent Degos : La Haute Autorité est appelé à rendre des recommandations bien davantage qu'à prendre des décisions. Lorsqu'il s'est agi d'améliorer le service médical rendu des médicaments, l'avis que nous avons formulé sur les déremboursements était de l'ordre de la décision, mais le prix n'entrait pas dans cette décision. Pour les établissements de soins, nous prenons la décision de donner la certification mais un intervalle demeure avec la décision politique. Quant à savoir si, à l'avenir, la Haute Autorité de santé doit s'approcher de plus près de la décision, c'est une question de nature politique sur laquelle il ne nous revient pas de nous prononcer.

Enfin, il serait préférable de simplifier encore les structures administratives. Ainsi, ce qui touche à la biothérapie d'une part, à la prévention primaire d'autre part, relève de structures indépendantes qui toutes deux pourraient être rapprochées de la Haute Autorité. De nouveaux regroupements me semblent possibles et nécessaires.

M. Pierre Morange, coprésident : Toutes vos suggestions de simplification, de rationalisation et d'optimisation des moyens seront les bienvenues. Messieurs, je vous remercie.

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Audition de M. Yves Humez, directeur général de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), de M. le professeur Dominique Bertrand, médecin national de la CCMSA, et de M. Jacques Portier, directeur de la santé à la CCMSA

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Yves Humez, directeur général de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), accompagné de M. le professeur Dominique Bertrand, médecin national de la CCMSA, et de M. Jacques Portier, directeur de la santé à la CCMSA. Messieurs, je vous remercie de vous être rendus à notre invitation, et je donne tout de suite la parole à notre Rapporteur afin qu'il vous pose une première série de questions.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La mise en place de la tarification à l'activité a pour effet la modification de certaines habitudes. Qu'attend votre caisse de la T2A ? Quelles difficultés rencontrez-vous dans son application ? Que faites-vous pour accompagner sa mise en place ?

M. Yves Humez : La MSA est partie prenante à la mise en place de la T2A. Je ne m'étendrai pas sur le fait qu'il était nécessaire de remplacer la dotation globale, par un principe que l'on peut résumer ainsi : donner leur juste prix aux choses. On voit s'esquisser autour de ce nouveau dispositif une certaine convergence, tant au sein du secteur public qu'entre le public et le privé. Nous avons le souci que, pour une même pathologie, le dispositif permette un financement homogène. Ses grandes lignes nous paraissent donc convenables et intéressantes.

Le principal risque du dispositif est d'entraîner une complexité croissante, l'équité de traitement étant souvent contradictoire avec la simplicité, et cette complexité peut aboutir, in fine, à un dérapage inflationniste.

Un autre risque est que chaque acteur concerné soit tenté de privilégier ce qui, dans son activité, est le plus avantageux pour lui. Il faut donc prendre garde d'éviter les comportements non pertinents, ayant pour effet de limiter l'offre de soins sur le territoire.

La comptabilité analytique peut être un outil intéressant, mais il y a, même dans ce cadre, des charges que l'on peut identifier clairement à une activité et d'autres qui sont plus « transversales ». La montée en puissance de la T2A justifie sans doute qu'une attention particulière soit portée, notamment de la part de l'assurance maladie, à la bonne utilisation des dispositifs de tarification, et que l'on s'interroge sur la bonne application des règles budgétaires, sur le partenariat avec l'hôpital, sur le rôle des différents acteurs - car la recherche de l'efficience peut déstabiliser l'offre de soins.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelles actions mettez-vous en œuvre pour mieux informer et former les personnels à la T2A ? Il peut notamment y avoir des problèmes si le codage n'est pas bien fait.

M. Jacques Portier : Nous faisons un effort d'adaptation de notre outil informatique, en lien étroit avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), bien que nos systèmes d'information ne soient pas exactement identiques. Nous formons également nos agents pour qu'ils sachent l'utiliser.

Ce que nous attendons de la T2A, c'est qu'elle favorise, chez tous les acteurs concernés, une meilleure régulation et une meilleure maîtrise de la dépense, sans pour autant porter atteinte à la nature et à la qualité de l'offre de soins.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelle est votre politique de contrôle de l'application de la T2A ? Comment la MSA coordonne-t-elle ses actions de contrôle avec l'assurance maladie ? Avez-vous relevé des difficultés particulières dans ce domaine ?

M. Dominique Bertrand : En matière de contrôle, nos ressources sont limitées : nous avons entre sept et quinze médecins-conseils par région. Nous avons décidé que, dans chaque région, l'un d'eux se consacrerait plus particulièrement au contrôle des établissements. La complexité du système de la T2A nous oblige à nous associer au régime général. Ce n'est pas très avancé encore, mais nous essayons de progresser, en nous coordonnant avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) dans son ensemble, même si le régime des indépendants est un peu particulier.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous observé des dérives dans l'application de la réforme, telles que des comportements de sélection des risques, de multiplication artificielle des actes ou de manipulation des codages ? Si oui, pouvez-vous en mesurer l'importance ?

M. Jacques Portier : Depuis un an, nous n'avons pas observé - ni vraiment cherché - d'anomalies grossières, car nous avons surtout veillé à la mise en place du nouveau système. Notre action de contrôle en est à ses tout premiers pas. Nous n'avons donc pas d'observations particulières à faire.

M. Dominique Bertrand : Tout nouveau système, même s'il est meilleur que l'ancien, peut être contourné par des gens qui trouvent des parades, l'exemple des États-Unis le montre. Au-delà des erreurs volontaires, qui sont effectivement scandaleuses, le risque est surtout celui des dérives inflationnistes du codage, par souci de mieux décrire l'état du patient. Celui-ci peut se trouver classé dans une catégorie supérieure à celle dans laquelle il aurait été classé deux ans plus tôt, alors même que son état ne nécessite pas, objectivement, de ressources supplémentaires.

M. Jean-Luc Préel : Avez-vous été consultés avant la mise en œuvre de la T2A ? L'êtes-vous pour son application ? Quelle est votre autonomie par rapport à la CNAMTS ? Quel est votre rôle au sein de l'UNCAM ? On sait que son directeur général entend s'intéresser de très près aux établissements, et pas seulement à l'ambulatoire. Qu'en pensez-vous ? De quelle façon allez-vous y participer ? Et quelles sont vos relations avec l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (UNOCAM) ?

M. Pierre-Louis Fagniez : Pour appuyer ce que disait le professeur Bertrand sur l'inflation liée au codage, je dirai que, là où les analyses de comorbidité se contentaient de trois facteurs hier, par exemple le diabète, l'obésité et l'hypertension, on a tendance aujourd'hui à en rajouter sans cesse. Cette inflation peut-elle être déjouée par une meilleure organisation, ou va-t-on continuer de « pinailler » dans la recherche des comorbidités, au risque d'un dévoiement du codage ? 

M. Yves Humez : Nous sommes partie prenante à tous ces travaux. Bien entendu, le petit régime que nous sommes a parfois besoin de s'affirmer, afin de ne pas être oublié, mais les choses, dans l'ensemble, se passent plutôt bien.

Nous avons fait des observations au moment de l'examen et du vote de la loi. Celle-ci s'applique désormais, et nous participons au fonctionnement de l'UNCAM, où nos trois administrateurs sont pleinement associés aux décisions. Je fais partie du collège des directeurs, qui se réunit régulièrement et donne mandat au directeur général pour négocier les conventions.

Pour le reste, nous avons le souci de défendre nos ressortissants et de faire entendre notre différence. C'est ainsi que nous avons rédigé une note sur la répartition de l'offre de soins sur le territoire, car nos idées sur le sujet sont relativement difficiles à faire passer dans les faits. Mais la parole est libre, et la MSA s'exprime...

S'agissant de nos relations avec l'UNOCAM, nous avons une particularité ancienne : nous faisons de la gestion pour compte, en partenariat avec les complémentaires, qu'il s'agisse des mutuelles ou des assureurs, pour le compte desquels nous remboursons aussi la part complémentaire. Il est vrai qu'en relisant la loi, on a le sentiment qu'une relation plus forte aurait pu s'établir entre l'UNCAM et l'UNOCAM, et qu'il faudra sans doute surmonter la distance, la relative frilosité qui caractérise encore cette relation.

M. Dominique Bertrand : Sur le mode de recueil, vous avez raison : il faut essayer de se donner des indicateurs qui soient à la fois simples à recueillir, assez robustes pour ne pas être tributaires d'interprétations subjectives, et reproductibles. Cela n'empêche pas de se montrer de plus en plus précis pour certaines pathologies relativement rares, justifiant la mobilisation de ressources budgétaires et humaines supérieures. Mais si l'on recherche la justice la plus grande possible, on risque d'aboutir à une tarification par pathologie ; il faut donc rester simple. De temps en temps, on modifie le périmètre de la T2A. Mais si l'on change les catégories, le périmètre changera aussi, ce qui rend plus difficiles les comparaisons d'une année sur l'autre. Faut-il être le plus précis possible, ou rechercher un bon équilibre entre le clair et le juste ? Je suis plutôt pour la deuxième solution.

Quant à nos relations avec l'UNCAM, je précise que je la représente au sein du Conseil de l'hospitalisation, dont je suis l'un des neuf membres.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelle est votre appréciation sur le rythme de montée en charge de la T2A, ainsi que sur l'objectif de convergence tarifaire entre le public et le privé ? Que pensez-vous des préconisations du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), selon lequel il faut faire converger les tarifs vers le plus efficient, plutôt que vers la moyenne ?

Vous avez par ailleurs une responsabilité importante envers le monde rural. Êtes-vous favorable à une péréquation en faveur des établissements auxquels leur isolement peut causer des difficultés, ou dont la présence est jugée nécessaire par la MSA ?

M. Yves Humez : Le rythme de montée en charge est-il bon ? Il y aurait quelques inconvénients à aller trop vite. La difficulté est d'apprécier la capacité des établissements hospitaliers à intégrer et à appliquer les nouvelles règles du jeu.

Rechercher la convergence vers l'efficience plutôt que vers la moyenne paraît de bon sens, mais encore faut-il s'assurer que les conditions sont équivalentes et que cette convergence est légitime, car l'influence de l'environnement social est à prendre en compte - je pense notamment à la présence d'une population précarisée plus ou moins nombreuse.

La péréquation est une bonne mesure quand elle repose sur des arguments concrets. La question que l'on peut se poser est celle du lien entre la T2A et l'organisation des soins sur le territoire. Il peut y avoir, par endroits, des désengagements, une offre de soins réduite, et la péréquation peut être une solution dans certaines situations.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Au niveau national ou régional ?

M. Yves Humez : Je ne crois pas qu'il y ait de règle absolue. Il faut considérer les situations concrètes.

Ce qui nous interpelle, c'est qu'il reste, à côté des établissements soumis à la T2A, des établissements locaux non soumis à elle. Quels seront les efforts d'organisation de l'offre de soins dans ces deux catégories ? Y aura-t-il interaction entre eux ? C'est un argument de plus qui milite, à mon sens, en faveur d'une montée en puissance progressive de la T2A.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Souhaitez-vous que les hôpitaux locaux soient aussi soumis à la T2A ?

M. Yves Humez : Sur le principe, oui, mais l'application doit être progressive et réaliste.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Ce matin, le ministre de la santé a déclaré que la T2A aurait davantage de conséquences que trente plans de restructuration hospitalière. Avez-vous observé des décloisonnements, des coopérations, des spécialisations d'établissements, qui seraient liés à la T2A ?

M. Yves Humez : C'est un peu tôt pour en juger. D'une certaine façon, le principe de la T2A est le même que nous appliquions déjà à la gestion de nos caisses, auxquelles nous donnions les moyens correspondant à leur volume d'activité. Mais il y a eu un phénomène de complexification, car le système n'était pas assez juste. On a bien vu que les établissements « trop coûteux » vont d'abord chercher en eux-mêmes les moyens de se rééquilibrer, puis, lorsque les possibilités sont épuisées, à l'extérieur. La question qui se pose est de savoir quelle sera l'influence de cette recherche de l'équilibre économique sur les établissements. Y aura-t-il des regroupements, des mutualisations ? Il est possible que cela aboutisse à des transformations assez radicales.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Est-ce que vous soutenez une telle évolution, est-ce que vous l'encouragez ? Ou bien le fait d'être une caisse relativement modeste vous met-il dans une situation un peu difficile ?

M. Yves Humez : Nous n'avons pas de difficulté de principe à faire valoir notre point de vue. Notre particularité est de représenter la ruralité, de vouloir le maintien d'une offre de soins jusque dans les territoires les plus reculés. Ce que nous revendiquons, c'est la capacité à être un acteur de plein exercice, aussi bien pour ce qui est du contrôle médical qu'en tant que caisse-pivot.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Que pensez-vous de la facturation directe aux caisses ? La mission conjointe de l'IGAS et de l'Inspection générale des finances (IGF) n'est pas convaincue de sa pertinence.

M. Jacques Portier : La T2A va un peu changer la vie des caisses, car la dotation globale avait fait disparaître le système de factures que nous connaissions avant 1983. L'assurance maladie va devoir traiter et gérer des factures individuelles. Notre position est que le nouveau système doit être conçu de façon à ce que l'hôpital ne rencontre pas de difficultés budgétaires ou de trésorerie, qu'il y ait néanmoins des flux de l'hôpital vers les caisses, avec un interlocuteur unique de l'établissement pour l'ensemble des régimes.

La bonne technique, c'est sans doute celle qui a fait ses preuves en ambulatoire, celle de SESAM-Vitale, c'est-à-dire des échanges électroniques sécurisés, permettant de débloquer les paiements dans des conditions acceptables. Nous travaillons, notamment dans le cadre de l'inter-régime, avec la DHOS et la direction de la sécurité sociale (DSS), à mettre au point une solution satisfaisante pour les différentes parties, en s'appuyant sur ce qui a bien fonctionné en ambulatoire. Un des problèmes tient à la multiplicité des régimes, dont certains ont quelque difficulté à répercuter l'ensemble des factures dans des délais brefs ; peut-être la gestion pour compte est-elle une solution à envisager.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Que pensez-vous des systèmes d'information comptable et financière des établissements ? Ont-ils les moyens nécessaires pour répondre à vos interrogations ? Les aidez-vous à acquérir de nouveaux matériels ?

Question subsidiaire : le passage à l'état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) est-il possible en 2006 ?

M. Jacques Portier : Les échanges entre établissements et caisses sont au cœur du problème. Il y a beaucoup à faire pour mettre en place un vrai système d'information, partagé et organisé. Il y a un certain nombre d'étapes à franchir, tant du côté des hôpitaux que de l'assurance maladie, pour constituer des infrastructures techniques minimales. Il nous faut définir entre nous quelles informations échanger et sous quelle forme, et nous passons beaucoup de temps à nous mettre d'accord sur l'ensemble de ces éléments.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous êtes-vous donné un calendrier ?

M. Jacques Portier : Des échéances ont été fixées, mais elles tendent malheureusement à être remises en question au fil du temps. Actuellement, on envisage le courant de l'année 2007, mais au départ, c'était 2006... Je crois que les conditions ne sont pas réunies aujourd'hui pour que cela fonctionne de façon acceptable.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le rapport conjoint de l'IGAS et de l'IGF évoque un trop grand raffinement de la tarification. Est-il normal que les financements affectés aux MIGAC soient en forte augmentation ? Comment appréciez-vous les missions spécifiques des établissements publics ou participant au service public ?

M. Dominique Bertrand : L'enveloppe hospitalière est constante  - ou devrait l'être. S'il y a, dans cette enveloppe, 75 % de T2A, cela veut dire que les 25 % restants financent autre chose : les MIGAC - elles-mêmes subdivisées en un volet « missions d'intérêt général » et un volet « aide à la contractualisation », dont la finalité est très différente du premier -, mais aussi les médicaments onéreux et les dispositifs médicaux implantables (DMI). Si, au sein de l'enveloppe hospitalière, on décide de privilégier les MIGAC, cela veut dire que la part de la T2A sera diminuée, puisqu'on ne peut pas diminuer celle des DMI et des médicaments dits onéreux. Et comme la T2A tient compte du prix unitaire, ce prix est appelé à baisser si l'activité augmente. Cela pose un problème de fond, un problème conceptuel, mais il faut être conscient que tout système a des aspects critiquables.

Les missions d'intérêt général sont importantes, et devraient être en nombre réduit. Quant à l'aide à la contractualisation, elle est devenue une variable d'ajustement, ce qui pénalise les ARH. On ne peut plus laisser les missions d'intérêt général évoluer sans essayer de faire une analyse micro-économique de la formation des prix.

La MSA a été chargée de régler un tout petit détail : la question des centres de dépistage anonyme et gratuit du VIH. C'est relativement simple, car le nombre de cas de figure est assez réduit, de l'ordre de trois ou quatre. La question est de savoir s'il faut payer au coût réel. C'est une option qui peut se défendre, mais pas systématiquement. Partout où on pourra trouver un peu de logique, où on arrivera à faire quelque chose de simple, on saura si on doit payer au coût moyen ou en fonction du nombre de personnes qui se présentent. Une fois qu'on aura la réponse sur ce premier point, on pourra aller plus loin.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Les centres de dépistage anonyme et gratuit du VIH, qui étaient sous la responsabilité des départements, sont depuis le 1er janvier dernier sous celle de l'État. Cela risque de fausser un peu votre étude.

M. Dominique Bertrand : Il y a deux types de centres : ceux qui font partie du système antivénérien classique relèvent des départements, tandis que les autres ont basculé en 2000 dans le budget global hospitalier.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Et les établissements de lutte contre le cancer, qui sont soumis à une tarification particulière ?

M. Yves Humez : Nous n'avons pas d'observations particulières à faire à leur sujet.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous des propositions d'améliorations de la réforme de la T2A ?

M. Yves Humez : Nous sommes convaincus que le dispositif évolue vers une plus grande complexité, au risque de devenir illisible et inflationniste. Il faut qu'une autorité se penche sur la situation, et examine les effets du dispositif, tant du point de vue budgétaire que de celui de la qualité.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous vous remercions d'avoir apporté des réponses précises à toutes nos questions.

*

Audition de M. Dominique Maigne, délégué général de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC), accompagné de Mme Delphine Caron, responsable du secteur « Stratégie et gestion hospitalière »
de la Fédération, de M. le professeur Jean-Claude Horiot, directeur
du Centre de lutte contre le cancer Georges-François Leclerc de Dijon,
et de M. Gilbert Leroux, secrétaire général

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Dominique Maigne, délégué général de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer, accompagné de Mme Delphine Caron, responsable du secteur « Stratégie et gestion hospitalière » de la Fédération, ainsi que M. le professeur Jean-Claude Horiot, directeur du centre de lutte contre le cancer Georges-François Leclerc de Dijon, et M. Gilbert Leroux, secrétaire général.

Je vous souhaite la bienvenue, et je vous prie de nous expliquer ce que vous attendez de la tarification à l'activité.

M. Dominique Maigne : Je suppléerai M. le professeur Tursz, président de la Fédération, empêché. La FNCLCC a toujours été favorable à la tarification à l'activité, seul outil permettant de financer les centres, qui enregistrent une augmentation d'activité de 2 à 3 points chaque année. Nos établissements sont de ceux dont l'accroissement d'activité est structurellement le plus fort, l'étude épidémiologique menée par l'Institut de veille sanitaire en liaison avec le Réseau français des registres du cancer (FRANCIM) montrant une augmentation annuelle de 1,5 % de l'incidence des cancers. Aussi, la rémunération à l'activité nous convient-elle. Encore faut-il cependant décomposer le volet économique, ventilé entre le financement des molécules, l'enseignement et la recherche, la classification et la représentation des pathologies selon les coûts.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Que pensez-vous du pilotage de la tarification à l'activité au niveau régional ?

M. Jean-Claude Horiot : Je vous donnerai la perception qu'en a le directeur d'un centre de moyenne importance situé dans une des régions de France les moins bien dotées. Pour ces raisons, bien avant l'institution de la tarification à l'activité, nous avions subi un entraînement à la productivité sans sacrifier la qualité. De ce fait, la valeur du point ISA - indice synthétique d'activité - était, pour ce qui nous concerne, inférieure à la moyenne des centres de lutte contre le cancer et même des établissements hospitaliers généraux de la région. Nous étions donc dans une situation qui nous rendait très accueillants à la tarification à l'activité, laquelle ne pouvait que nous être très favorable et, dès l'origine, nous avons fait un effort considérable pour associer l'ensemble des cadres, médecins et non médecins, à la compréhension de ce nouveau mécanisme. Toutefois, la tarification à l'activité ne concerne qu'une partie de notre activité, puisque nous avons un très fort investissement en recherche, formation et applications techniques innovantes pour les praticiens de la région. La rémunération des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) et des missions d'enseignement, de recherche, de recours et d'innovation (MERRI) est donc pour nous d'une importance capitale.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Rencontrez-vous des difficultés spécifiques d'application de la tarification à l'activité ?

M. Dominique Maigne : Pour la FNCLCC, les problèmes de fond sont le financement des molécules et la constitution des MERRI. Sur le premier point, la tarification à l'activité avec un financement à l'euro consommé a changé la donne, nos dépenses étant désormais garanties en ressources, ce qui n'était pas le cas auparavant. Mais cette modification a induit l'obligation de définir un outil de maîtrise d'une dépense qui augmente de 30 % par an, car il faut s'assurer de la juste prescription des molécules qui expliquent 60 % de notre consommation médicale. C'est pourquoi nous avons, dès 2004, défini des grilles permettant aux cliniciens de s'assurer de la bonne prescription, ainsi qu'un mécanisme d'audit rigoureux de nos vingt centres, avec leur accord. Ces audits ont montré un taux de conformité de 80 %, ce qui ne signifie pas que 20 % ne sont pas conformes mais que des éléments de gestion doivent être expliqués. Les référentiels sont aujourd'hui repris dans les contrats de bon usage, arrivés un peu tardivement - en 2006 et non en 2005. Ils s'appuient en grande partie sur nos travaux antérieurs. En particulier, comme nous avons participé aux travaux de l'Institut national du cancer, notamment pour les protocoles de traitement temporaire, nous élargissons les recommandations de bon usage à l'ensemble des prescriptions. C'est un volet sur lequel nous considérons avoir réussi à contenir la dépense. Le pari était ambitieux en raison du risque de dérive inflationniste, mais il n'y a eu ni inflation ni pratiques déviantes au cours de la période récente de l'« après-T2A », alors que nous sommes dans un cycle d'innovation médicale assez fort.

S'agissant des MERRI, nous avons travaillé avec la DHOS à définir des prototypes qui pourraient être généralisés dans le secteur médico-universitaire, le calcul se faisant en partant du plancher des anciens 13 %. Il s'agit d'une démarche compétitive et évaluative fondée sur des indicateurs mesurables tels que les publications, l'inclusion dans les essais thérapeutiques, la promotion, l'existence d'unités labellisées... En fonction de ces indicateurs, nous avons classé nos centres en catégories, selon lesquelles la rémunération prévue pour les MERRI s'étage désormais de 15 % à 23 %, sur justifications. On rompt donc avec le plafonnement antérieur, fixé à 20 %, la contrepartie du déplafonnement ainsi obtenu étant d'avoir accepté de rendre compte sur pièces des besoins de financement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous des contacts avec le comité d'évaluation de la mise en œuvre de la tarification à l'activité ?

M. Dominique Maigne : Bien sûr, comme toutes les fédérations hospitalières.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : M. Alain Coulomb, qui préside le comité, nous a dit qu'on en est pour l'instant au point zéro de l'évaluation. Qu'en pensez-vous ?

M. Dominique Maigne : Après un temps mort, des objectifs ont été assignés aux groupes de travail, et la mobilisation est générale pour évaluer l'impact de la tarification à l'activité sur les établissements, mais il faudra un peu de temps pour se mettre d'accord sur les modèles experts, car il est malaisé de définir comment mesurer la production d'un hôpital.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est votre sentiment sur la montée en puissance de la réforme d'une part, sur la qualité de la collecte des informations d'autre part ? Que pensez-vous de l'objectif de convergence tarifaire public-privé ?

M. Dominique Maigne : Nous souhaitons une proportion significative de tarification à l'activité et nous avions d'ailleurs demandé qu'elle s'établisse à 40 % en 2006. Avoir la garantie qu'elle sera de 50 % en 2007 va dans le bon sens. Toutefois, nous serions opposés à une T2A à 100 % immédiatement, non par frilosité mais parce que le système n'est pas encore calé. En effet, dans nos centres, les MERRI représentent 80 % des MIG. Comme on le sait, la tarification à l'activité fonde le financement sur trois volets : objectifs évalués, tarif et molécules. S'agissant des MERRI, le taux moyen est pour nous de 18 %, avec, je l'ai dit, un écart qui va de 15 à 23 %. Or, les comparaisons internationales montrent que pour les établissements comme les nôtres, les taux s'établissent, à l'étranger, entre 20 et 30 %. Des ajustements sont donc encore nécessaires.

S'agissant des tarifs, la nouvelle version de la classification a permis des progrès, mais il faut encore l'affiner. En matière de convergence, on oppose souvent raffinement et complexité. Pour ce qui nous concerne, une trentaine de groupes homogènes de séjours (GHS) représentant 85 % de notre activité, passant à une cinquantaine ne poserait pas de problème. Pour autant, il est impératif de prendre en considération la rémunération des missions de service public, la prise en compte de la précarité et la composante « coûts salariaux ». Tous ces éléments demandent que les calculs soient précisés. En particulier, aussi longtemps que l'on n'aura pas mesuré le différentiel de charges sociales, qui doit être financé, la convergence ne sera pas acceptable. Mais si les MERRI sont rémunérées comme il se doit et si, au terme d'études complémentaires, on parvient à des constats partagés, il n'y a pas de raison de principe de s'opposer à la convergence. Je souligne que tout ce qui est de l'ordre du recours très spécialisé, qui constitue un gros tiers de l'activité en cancérologie métastatique, doit être payé au titre des MERRI, puisque cela ne peut être valorisé dans les tarifs. Si c'est le cas et si les préalables sur les autres plans ont été réglés, je ne vois pas de raison de ne pas admettre le principe de la convergence sur la part tarifaire pure.

Mme Delphine Caron : Nous allons proposer un manuel de codage car, en cancérologie, il n'est pas toujours très simple et tout le monde a intérêt à ce qu'il soit fait correctement pour garantir un financement correct. Pour ce qui est des travaux de classification, il ne faut pas confondre tarification à l'activité et tarification à l'acte. Néanmoins, si une part importante de l'activité est mal valorisée dans les groupes homogènes des malades (GHM), il est difficile de refuser aux médecins de les évaluer à leur juste valeur.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Certains centres rencontrent-ils des difficultés particulières ? Les systèmes d'information comptable et financière de vos établissements leur permettront-ils de présenter un état prévisionnel de recettes et de dépenses (EPRD) en 2006 ?

Mme Delphine Caron : Nous tenons à mettre au plus vite nos systèmes d'information en adéquation avec les contraintes réglementaires. Pour le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), les équipes s'étaient mobilisées pour fournir des données de qualité satisfaisante et, globalement, les choses fonctionnent. Par ailleurs, les gestionnaires ont déployé des efforts considérables pour que les EPRD puissent être présentés aux conseils d'administration de chaque centre dans les jours qui viennent, et ils le seront tous d'ici la mi-mai.

M. Dominique Maigne : Le groupe de travail des directeurs de système d'information définit les mesures nécessaires à l'adaptation de la chaîne de facturation des séjours. Ce sera moins compliqué pour nos centres que pour les établissements du secteur public car il n'y a pas d'interaction avec l'administration du Trésor, mais différents problèmes demeurent irrésolus, qu'il s'agisse du reste à charge, de l'euro par consultation ou du ticket modérateur.

M. Gérard Bapt : Dans le cadre de la tarification à l'activité, la prise en charge spécifique des cancers par les MERRI suffit-elle ? Qu'en est-il, par exemple, de la consultation d'annonce ? Que pensez-vous de la revendication exprimée par un directeur de centre, selon lequel tout acte concernant spécifiquement le cancer devrait bénéficier d'un coefficient majorant ? Enfin, quelle est l'incidence du plan cancer sur le fonctionnement des équipes ? Avez-vous constaté des difficultés d'application particulières ? Ce plan a eu des retombées très positives, mais votre fédération est-elle en mesure d'évaluer ses conséquences budgétaires ?

M. Dominique Maigne : Tous les dispositifs transversaux de prise en charge, dont la consultation d'annonce fait partie, relèvent des missions d'intérêt général et ont donc vocation à être financés dans le cadre des MERRI.

Mme Delphine Caron : L'étude de l'ATIH - Agence technique de l'information sur l'hospitalisation -  montre qu'à chaque fois qu'il y a cancer, les GHS, notamment chirurgicaux, sont tirés vers le haut, le surcoût étant de 15 %. Aussi sommes-nous en négociation avec la DHOS et la mission T2A pour obtenir un coefficient spécifique à la cancérologie afin que la classification représente bien les coûts. Sur un plan général, il est assez difficile de distinguer ce qui relève de la T2A et ce qui est lié au plan cancer dans les financements, particulièrement dans le financement des molécules. La situation financière de nos centres s'est globalement améliorée entre 2003 et 2005, ce qui signifie que nous avons assez sensiblement réduit les déficits. La part des financements sur programme - radiothérapie, soins de support, soins palliatifs - a été relativement correcte, davantage, d'ailleurs, en 2004 qu'en 2005, année chaotique pendant laquelle les financements sont arrivés tardivement. Nous avons engagé une collaboration très étroite avec la DHOS pour mettre au point un reporting sur la T2A et sur le plan cancer et, alors que nous n'avions pas l'assurance que le financement des molécules suivrait tant le dépassement - de 15 à 20 % selon les centres - était important d'une année à l'autre, le plan cancer a permis un financement substantiel.

Quant aux investissements, ils font l'objet d'un financement croisé entre le plan Hôpital 2007 et le plan cancer. Il s'agissait notamment d'éliminer le cobalt, ce qui a été fait dans nos centres, qui comptaient environ cent appareils sur un parc total de 440, secteur public et secteur privé confondus.

M. Jean-Luc Préel : Lorsqu'il a été question de la convergence, vous n'avez pas évoqué le statut du personnel ; pensez-vous le faire évoluer ou pensez-vous aller vers la convergence sans le faire évoluer ? Par ailleurs, comment évaluer la qualité des soins dans la tarification à l'activité ? Enfin, est-ce un avantage que les directeurs de centre soient des médecins ? Cette double qualité ne le contraint-elle pas à un grand écart permanent - le médecin souhaitant prescrire la dernière molécule sortie et le directeur se demandant si cela vaut bien la peine si c'est une survie de quelques semaines qui est en jeu ?

M. Dominique Maigne : Le personnel de nos centres est soumis à une convention collective remaniée dans la douleur en 1999, et qui prévoit des mécanismes d'évaluation discriminants pour l'ensemble des salariés et une évolution de carrière non pas à l'ancienneté mais en fonction de critères tels que, par exemple, la formation continue. Nous voulons conserver cette convention collective, mais nous voulons aussi un financement équitable. Autrement dit, nous ne souhaitons pas importer la convention collective du secteur public mais nous souhaitons les financements correspondants dans un dispositif différent.

Nos vingt centres ont adhéré en bloc au projet COMPAQH de coordination pour la mesure de la performance et l'amélioration de la qualité hospitalière. Dans ce cadre, nous avons engagé en 2005 la définition d'indicateurs de progrès propres à la cancérologie qui mesurent aussi les résultats thérapeutiques.

Nous sommes très attachés à ce que les directeurs de nos centres soient des praticiens ou des chercheurs compétents en cancérologie et à ce que, dans chaque établissement, la direction fonctionne en binôme, un gestionnaire étant nommé directeur adjoint auprès de ce médecin. Mais ce modèle, qui s'explique par la spécificité et le statut de nos centres, me semble difficilement exportable.

M. Jean-Claude Horiot : Homme de terrain et chercheur, je ne suis venu à la direction qu'à l'âge de 58 ans. Cette démarche me semble importante en cette époque de grandes mutations, caractérisée par la nécessité d'une implication croissante des médecins dont il faut s'assurer la coopération. La situation d'un directeur-médecin n'est pas assimilable à celle d'un président de Commission médicale d'établissement qui, par corporatisme et souci de défendre le corps médical, résistera puissamment au changement. Le directeur-médecin fait partie de l'équipe de direction, mais le fait qu'il soit cancérologue lui apporte une crédibilité indispensable face à l'équipe médicale, lui donne aussi l'autorité de dire: « Ce sera comme ça et pas autrement », quand il le faut, et lui permet de convaincre au moins une partie de ceux qui peuvent ne pas être d'accord. Nous recevons une aide précieuse de la fédération, car les réunions qui rassemblent les vingt directeurs de centres, les directeurs adjoints et l'équipe fédérale permettent l'harmonisation des politiques au niveau national, ce qui contribue à faire admettre des points difficiles aux équipes.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quels sont les effets de la tarification à l'activité sur un centre de moyenne importance ? Le récent rapport d'audit du centre Georges-François Leclerc de Dijon indique que, entre 2003 et 2004, le nombre de séjours et de journées soumis à tarifs « extrêmes hauts » a diminué dans ce centre et dans tous les établissements comparables, « probablement par effet T2A ». Pourriez-vous préciser quel est cet effet ?

M. Gilbert Leroux : Je ne pense pas qu'il y ait eu un « effet T2A ». L'évolution soulignée résulte des progrès médicaux et des caractéristiques de notre patientèle. Strictement aucune directive n'a été donnée au corps médical pour qu'il modifie ses pratiques dans le sens d'une tarification plus avantageuse.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous ne partagez donc pas le point de vue des auditeurs. Le fait que le centre Georges-François Leclerc soit le seul centre de lutte contre le cancer de la région complique-t-il les choses ? D'autre part, l'ARH de Bourgogne a vu se succéder en peu de temps plusieurs directeurs. Avez-vous eu le sentiment que les politiques menées étaient différentes selon les hommes ?

M. Jean-Claude Horiot : Le fait d'être le seul centre bourguignon de lutte contre le cancer a pu nous causer préjudice en ce que nous étions dans la norme depuis longtemps et que le soutien financier a été accordé préférentiellement aux établissements qui devaient se remettre à niveau, si bien que nous avons été réduits à la portion congrue.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Ce qui revient à dire qu'en quelque sorte une prime a été donnée à ceux qui avaient fait le moins d'efforts.

M. Jean-Claude Horiot : Oui. S'agissant de l'ARH, les problèmes ne sont pas tant venus de la succession des hommes ou de la variation des politiques que des périodes d'intérim, pendant lesquelles aucune décision ne pouvait être prise. Nous avons des dossiers entiers de questions posées et répétées, qui tendaient à une meilleure intégration de la tarification à l'activité dans nos calculs, et qui sont restées sans réponses à cause de ces périodes de stagnation.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avec qui discutez-vous de votre dotation MIGAC ?

M. Gilbert Leroux : C'est précisément ce qui pose problème. Notre interlocuteur devrait être le directeur de l'ARH mais, entre deux nominations, bien des courriers restent sans réponse. Nous sommes donc soulagés d'avoir des interlocuteurs pour l'EPRD 2006, et d'être enfin écoutés. Sans doute le rapport d'audit de gestion a-t-il permis cette écoute. De plus, la Bourgogne part de très loin en matière de santé et la construction du nouveau CHU pèse beaucoup sur la répartition des fonds dans la région, si bien qu'il nous faut justifier point par point toutes nos demandes. Ainsi, faute d'avoir pu trouver un financement, nous avons été conduits à supprimer le recours à l'hébergement à la Résidence Saint-Étienne, un « hôtel de malades » qui était une alternative à l'hospitalisation. Nous avons connu des difficultés en 2003, 2004 et encore en 2005, mais le déficit se résorbe grâce à la tarification à l'activité, car la valeur du point ISA était pour nous inférieure à la moyenne. Nous verrons d'un bon œil la T2A à 50 %, voire davantage, à condition que les MIGAC soient rémunérées à leur juste valeur. Le risque est là, et les médecins en sont conscients. Si la rémunération des MIGAC n'est pas correcte, on ne pourra pas assumer une hausse d'activité, car le personnel est essoufflé et, si elle doit avoir lieu, elle se fera au détriment des missions d'intérêt général. Ainsi, on ne trouve nulle part mention du dépistage et de la prévention et, pour ne citer que cet exemple, les mammographies de dépistage faites par les hôpitaux à dotation globale ne sont pas prises en considération. De plus, aucune activité libérale n'est possible pour ce qui est des scanners ou de la médecine nucléaire, si bien que les centres ne peuvent escompter de ressources provenant du secteur libéral.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le financement de l'hébergement à la Résidence Saint-Étienne n'est donc pas considéré comme faisant partie des missions d'intérêt général ?

M. Gilbert Leroux : Cela nous a été refusé. J'ai reformulé la demande sous la dénomination « hospitalisation à domicile », puisque c'est ce à quoi correspond la Résidence pour les malades venus de loin. Nous avions appliqué pendant plusieurs années un système illégal en facturant un prix de journée global qui comprenait la partie hôtellerie et restauration mais aussi le coût du transport des patients de la résidence vers notre centre ou vers le CHU, ainsi que les frais administratifs de tenue de dossier.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Mais les patients auxquels est prescrite une radiothérapie de cinq jours rentrent désormais chaque jour chez eux, avec les frais de transport en véhicule sanitaire léger (VSL) que cela implique ?

M. Gilbert Leroux : Oui.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous discuté de cette question avec l'ARH ?

M. Gilbert Leroux : Non seulement avec l'ARH, mais aussi avec la Caisse régionale d'assurance maladie, et depuis cinq ans.

M. Jean-Claude Horiot : Nous connaissions la fragilité du montage. Aussi, nous avions souhaité assurer un taux d'occupation plein en ouvrant la résidence aux patients du secteur privé, ce qui aurait garanti sa rentabilité, mais les négociations ont échoué en raison de la réticence des caisses d'assurance maladie, qui refusent de rembourser ces prestations alors qu'elles règlent des frais de VSL équivalents.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment articulez-vous l'application de la tarification à l'activité avec la réforme de la gouvernance et les SROS 3 - les schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération ? Avez-vous des propositions d'amélioration et de simplification de la réforme à formuler ?

M. Dominique Maigne : Nous continuerons de travailler avec la DHOS comme nous l'avons toujours fait. La synergie est le gage de la pérennité de la tarification à l'activité. Il faut donc créer des liens entre rémunération et production et notre rôle est d'inciter nos médecins à exercer une activité fondée sur des référentiels garantissant la qualité. Nous avons défini, dans le cadre du projet COMPAQH, des outils de mesure de la qualité plus robustes que fins. Lorsqu'ils auront été généralisés, on verra qu'il existe des disparités, que la qualité est un défi permanent et que la progression importe plus que la sanction. Au-delà, il nous faut déterminer comment rémunérer l'engagement de nos praticiens dans leurs missions et dans l'amélioration de la qualité, ce qui n'est pas simple. Il faut mettre au point un système d'évaluation et de mesure des objectifs. Nous y travaillons, et nous avons par ailleurs signé il y a quelques semaines avec les partenaires sociaux un avenant à la convention collective qui généralise la part variable de la rémunération pour l'ensemble des médecins. Nous en sommes encore à l'exploration des pistes, mais nous n'attendons pas pour démarrer et, dans ce contexte, la frilosité que l'on observe dans le secteur public est un mauvais message pour nous, car les choses sont compliquées. Notre approche est en effet celle du projet d'établissement, mais nos médecins sont les mêmes qu'ailleurs et les marqueurs traditionnels d'une culture médicale individualiste persistent. Pour autant, nous essayons de progresser et nous avons des espoirs.

Enfin, je ne m'aventurerai pas sur le terrain de la simplification, car je ne défends pas l'idée que la tarification à l'activité serait meilleure si elle était plus simple.

M. Gilbert Leroux : Les médecins redoutent que la part variable de leur rémunération ne soit un miroir aux alouettes et qu'il n'y ait rien à distribuer si la T2A diminue ou si les MIGAC sont mal calculés. Il y a là un problème de fond, car nos établissements fonctionnent plutôt avec une logique d'entreprise.

Mme Delphine Caron : Nous avons suivi très attentivement les travaux relatifs à la tarification à l'activité depuis 2003. L'important est que les établissements puissent établir des constats d'impact de la mise en œuvre de la réforme, qu'ils soient écoutés lorsqu'ils en font état et que la tarification évolue dans le temps dans ses diverses composantes : GHM, MIG, financement des molécules, bon usage... Sur l'ensemble de ces points on en est resté au schéma global défini initialement mais, s'il y a ajustement, cela ne doit pas se faire de manière chaotique. Même si le modèle n'est pas parfait, même s'il faut accepter une part d'arbitraire, nous devons savoir où nous allons, tout en travaillant à améliorer ce qui pose problème.

M. Dominique Maigne : Plus que la simplicité, c'est la lisibilité de la réforme qui importe pour tous les personnels soignants. Or, des interrogations subsistent sur le dispositif. Tout le monde accepte le principe de la régulation mais chacun souhaiterait que son application soit plus claire. À cet égard, le fait que 2,5 % de la régulation de l'effet volume soient d'ores et déjà préemptés n'est pas de bonne pédagogie. De même, les sanctions doivent être clairement définies. Par exemple, l'application des contrats de bon usage des molécules qui vont entrer en vigueur doit être véritablement discriminante : s'il est acquis que la plage est de 70 % à 100 %, les ARH ne doivent pas signer des contrats moyens de 85 % avec tous les établissements mais bien de 100 % avec ceux qui s'inscrivent dans la démarche d'évaluation et de 70 % avec ceux qui ne le font pas. Enfin, tous les établissements se livrent désormais à une planification prospective et si tous savent que la T2A sera à 50 % en 2007, tous ont besoin de connaître le calendrier complet de la réforme.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Madame, Messieurs, je vous remercie.

AUDITIONS DU 18 MAI 2006

Audition de M. Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière
de France (FHF), de M. Yves Gaubert, responsable des budgets-finances à la FHF,
et de M. le docteur Bernard Garrigues

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin M. Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France, ainsi que M. Yves Gaubert, responsable des budgets et des finances de la FHF, et le docteur Bernard Garrigues.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue, et donne tout de suite la parole à notre rapporteur afin qu'il vous pose une première série de questions.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous en sommes à peu près à la moitié de nos auditions consacrées à la tarification à l'activité, et les avis sont passablement différents selon les personnes que nous rencontrons. Nous voudrions donc connaître le sentiment de la FHF, et savoir si celle-ci a été associée à la mise en place de la tarification à l'activité (T2A).

M. Gérard Vincent : Notre président, M. Claude Évin, étant député, il a souhaité, afin de ne pas être juge et partie, que je présente moi-même les positions de la FHF. Je voudrais en outre préciser que le docteur Garrigues, qui préside la commission médicale du centre hospitalier d'Aix-en-Provence, est également président du collège des responsables des départements d'information médicale, et apporte à ce titre à la FHF ses compétences en matière de systèmes d'information médico-hospitaliers.

C'est probablement la FHF qui a relancé, il y a sept ans, le débat sur ce qu'on appelait alors la tarification à la pathologie. Je me souviens de discussions, entre son président de l'époque, M. Gérard Larcher, et M. Claude Évin avant un conseil d'administration, devant lequel ils ont décidé ensemble de porter le sujet. M. Claude Évin, lorsqu'il était ministre, avait fait inscrire le principe dans la loi de 1991, mais son application est restée en sommeil pour différentes raisons, sur lesquelles je ne m'étendrai pas. C'est donc la FHF qui a ressorti le débat des limbes, et même si je suis assez critique, je continue de penser que la T2A est un bien meilleur système que l'ancienne dotation globale hospitalière.

La T2A visait, dans un contexte économique assez tendu, à impulser une nouvelle dynamique, dans une logique de redynamisation des hôpitaux. Lorsque j'explique cela aux personnels hospitaliers, j'utilise volontiers la métaphore de la « pelote de laine » : on tire sur un fil, et tout vient. La T2A n'est pas seulement une réforme du financement, mais appelle, à terme, une refonte en profondeur du fonctionnement et de l'organisation des hôpitaux. En tirant un premier fil, on aboutit à la mise en place d'une comptabilité analytique et à la pratique du benchmarking, c'est-à-dire au fait de se comparer à la fois à soi-même - au fil du temps - et aux autres. Et sans doute un jour débouchera-t-on sur les problèmes statutaires - sans remise en cause, bien sûr, du service public, auquel nous sommes tous attachés.

Lorsque la T2A a été mise en place, le seul désaccord fondamental entre la FHF et les pouvoirs publics tenait à la convergence entre le public et le privé. Je crois qu'on a voulu trop en faire en même temps, et que cette question a complètement pollué le dossier, faute d'avoir su définir les missions spécifiques au service public, et qui le différencient du privé commercial. Le dossier de la T2A est gravement mis à mal par le principe de la convergence, sur lequel on a insisté pour diverses raisons, et qui aura plutôt pour effet de bloquer les choses que de les faire progresser. Deux ans après la mise en place de la T2A, d'ailleurs, la réforme n'est pas perçue comme positive par le milieu hospitalier, même si la FHF considère toujours, je le répète, qu'il s'agit d'une bonne réforme, en dépit de ses difficultés de mise en œuvre.

Cette réforme arrive, il est vrai, à un mauvais moment, où l'hôpital souffre d'une insuffisance globale de financement, que le monde hospitalier, public et privé, gestionnaires et médecins confondus, met sur le compte de la T2A, alors que celle-ci est neutre quant au montant global des ressources. Il y a une enveloppe nationale, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) hospitalier, votée par le Parlement ; elle est, depuis deux ou trois ans, nettement insuffisante, du moins en début d'exercice, mais des rallonges permettent de tenir bon. Je précise au passage que nos prévisions budgétaires n'ont jamais été démenties par la réalité. Ainsi, l'an dernier, nous avions estimé que les dépenses hospitalières, à moyens constants, c'est-à-dire sans création d'emplois, progresseraient de 5 %, et c'est bien ce qui s'est passé, quoi qu'on nous en ait dit - et qui va sans doute se reproduire cette année. La raison en est que les mesures qui auraient permis de tenir l'objectif de progression de 3,44 % fixé par les pouvoirs publics, n'ont pas été prises. Par « mesures », j'entends évidemment les compressions d'effectifs : le ministre a beau dire qu'on ne touchera pas à l'emploi et qu'on fera des économies sur les achats, il sait bien que cela ne suffit pas.

La T2A risque également d'être mise à mal parce qu'elle est potentiellement très inflationniste, toujours faute de prendre les mesures qui permettraient de rester dans l'enveloppe. Les établissements qui gagnent au nouveau système dépenseront l'argent qu'ils auront en plus, et ceux qui doivent rendre de l'argent ne le pourront pas, si bien que cela se traduira par des dépenses supplémentaires pour l'assurance maladie.

Nous avons essayé d'évaluer l'impact budgétaire des baisses de tarifs de 1 % décidées uniformément pour le public et le privé par le Gouvernement pour tenir compte du dépassement observé en 2005 - ce qui, au demeurant, est bien dans la logique de la T2A. Sur la base de l'activité 2004 et des tarifs 2006, le chiffre d'affaires des hôpitaux publics baissera de 1,9 % pour la partie tarifée - et de 1,6 % seulement si l'on prend pour référence l'activité 2005. C'est plus difficile à calculer pour les cliniques commerciales, car il faut réintégrer les honoraires, qui viennent en sus des tarifs ; nous sommes en train de nous y efforcer, et avons d'ailleurs des relations franches et loyales avec la Fédération de l'hospitalisation privée, qui sait très bien que nous n'avons pas un couteau entre les dents et que nous sommes respectueux de l'attachement des Français à un système hospitalier pluraliste.

L'hypothèse du Gouvernement est que l'activité progressera de 2,6 % en 2006, et que cela permettra aux hôpitaux de s'y retrouver. Mais cela n'a rien de certain : nous avons bien enregistré une hausse de 3 % de l'activité en 2005, mais elle est surtout due à un effet codage, qu'on ne retrouvera sans doute pas cette année. Si toutefois l'activité progressait effectivement de 2,6 %, cela atténuerait beaucoup l'impasse budgétaire. Pour autant, on resterait très loin de l'augmentation des ressources qui serait nécessaire pour simplement maintenir l'existant.

Je souligne que, depuis plusieurs années, la FHF ne demande pas de moyens supplémentaires, y compris en personnel, car elle est consciente de la situation de l'assurance maladie et de ses effets sur les grands équilibres, notamment dans le contexte européen. Nous prenons le soin de vérifier nos prévisions budgétaires avec la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) et avec les services du ministère des finances : jamais elles n'ont été démenties, ni par ceux-ci ni par celle-là, et les chiffres que nous annonçons ne comportent jamais d'augmentation des effectifs, ce que certains nous reprochent d'ailleurs, les hôpitaux étant, selon les sondages, le seul secteur où les gens veulent qu'il y ait plus de fonctionnaires et non pas moins.

On a dit que la partie « gestion » de la T2A manquait de lisibilité. La régulation prix-volume est appliquée uniformément et aveuglément à tous les groupes homogènes de séjours, ce qui est regrettable. Quand l'activité chirurgie progresse, il est normal de baisser les tarifs de chirurgie, publique et privée, mais pas ceux de médecine ni de gynécologie-obstétrique.

Tout cela, plus les modifications sensibles, d'une année sur l'autre, des tarifs et des montants supplémentaires qui s'y ajoutent, et la modification des règles de facturation, interdit toute gestion prévisionnelle. Les gestionnaires hospitaliers, et j'entends par là aussi le corps médical, à travers la commission médicale d'établissement (CME), gèrent pendant toute une partie de l'année avec des ressources incertaines. Imaginons un hôpital insuffisamment productif, qui devrait prendre des mesures dès le début de l'exercice pour « réduire la voilure » : ses gestionnaires, qui ne connaissent pas le montant de leurs recettes et espèrent toujours obtenir une rallonge, auront tendance à attendre, car s'ils compriment les effectifs en début d'année et reçoivent en cours d'année des enveloppes qui leur auraient permis de l'éviter, de quoi auront-ils l'air ? Même aujourd'hui, à la mi-mai, un hôpital ne sait pas de combien il aura finalement disposé en fin d'exercice.

M. Pierre Morange, coprésident : Pour les uns, la montée en puissance de la T2A est trop rapide, mais pour d'autres, et non des moindres, comme le président de la Conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers régionaux et universitaires (CHRU) ou comme certains responsables d'agence régionale de l'hospitalisation (ARH), il faudrait justement accélérer pour sortir de cette situation d'incertitude.

M. Gérard Vincent : C'est un débat que nous avons tous les jours au sein de la FHF. Ceux qui savent que la T2A va leur rapporter de l'argent parce que, soit du fait de leur bonne gestion, soit pour des raisons historiques, ils ont des coûts inférieurs aux tarifs - ce qui est le cas, grosso modo, de la moitié des établissements - ont intérêt à une montée en charge très rapide, et ils dépenseront cet argent supplémentaire. Inversement, ceux dont les coûts sont supérieurs aux tarifs, et qui constituent l'autre moitié des établissements, devront alors rendre des moyens beaucoup plus vite, et supprimer des emplois, non pas en licenciant, bien sûr, mais en profitant du turnover, très élevé, des personnels pour ne pas remplacer tous les départs. Or, ils ne le pourront pas, notamment pour des raisons politiques : les maires de grandes villes, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition, le leur interdisent, ce que l'on peut comprendre, étant donné la situation de l'emploi. Faute, donc, de pouvoir faire les économies nécessaires pour tenir dans l'enveloppe globale, le système sera inflationniste. Je comprends ceux qui veulent aller vite, mais il faut aussi comprendre les autres. Si l'on demande un effort trop brutal à certains établissements, on court à la catastrophe. Nous sommes donc plutôt pour une montée en charge progressive que pour une accélération que personne ne serait capable de gérer.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel serait donc, selon vous, le calendrier le plus approprié ?

Par ailleurs, vos propos recoupent notre réflexion sur la globalisation de l'offre sanitaire. Nous préconisons en effet, dans notre rapport sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées, de décloisonner l'offre sanitaire et médico-sociale dans le cadre des schémas régionaux de l'organisation sanitaire de troisième génération (SROS 3), et de mener une politique de reconversion permettant à la fois de répondre aux besoins de la population et de sortir du débat social sur les compressions de personnel.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : J'ai une question complémentaire : dispose-t-on d'une carte géographique des établissements hospitaliers dont les coûts sont au-dessus et au-dessous des tarifs ?

M. Pierre Morange, coprésident : C'est une question importante, en effet, du point de vue de l'aménagement du territoire. Je voudrais également savoir le degré de précision de votre estimation lorsque vous dites que la moitié des établissements ont des coûts au-dessous et l'autre moitié au-dessus des tarifs.

M. Gérard Vincent : Contrairement à ce que l'on pense, les petits établissements ne sont pas les plus coûteux, et ce n'est pas là que l'on fera d'importantes économies. On les réalisera dans les gros établissements, par des efforts de réorganisation, et non pas en fermant la maternité ou le service de chirurgie de telle ou telle petite ville. Certes, il faut continuer à se battre pour améliorer la qualité des petits établissements, mais si on le fait dans le seul but de trouver de l'argent, on fait fausse route.

Peut-on dire quels hôpitaux seront « gagnants » et quels hôpitaux seront « perdants » ? Nous, oui, mais le ministère, peut-être pas...

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Pourrez-vous nous communiquer la carte des établissements ?

M. Gérard Vincent : Le Parlement a tous les droits - si mon président en est d'accord, naturellement... Nous avons fait des simulations qui nous ont permis de donner à la directrice de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) une évaluation, pour chacun de ses établissements. Pour prendre des décisions de gestion, il faut en effet disposer de ce type d'informations, qui seules permettent de faire du benchmarking. Nous avions autrefois un indicateur synthétique assez commode, le point ISA (indice synthétique d'activité), qui pondérait les différentes pathologies les unes par rapport aux autres. Quand on comparait les établissements entre eux, on voyait ainsi lesquels étaient à la moyenne, lesquels étaient au-dessus et lesquels étaient au-dessous. C'est la même chose aujourd'hui. Les choses ont un peu bougé, mais pas tellement. Comme les tarifs ont été recalculés à partir de la moyenne, nous avons dit à l'époque de la mise en place de la T2A qu'il y avait à peu près une moitié d'établissements « gagnants » et une moitié d'établissements « perdants ».

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Mais ce prix moyen, qui est la moyenne des tarifs appliqués, n'est-il pas, finalement, le meilleur prix du meilleur soin ?

Nous sommes passés un peu trop rapidement sur la mise en place de la T2A, et nous aimerions avoir des éléments sur la part que vous y avez prise, sur les difficultés techniques, de recueil notamment, liées à l'informatique, dont la mission conjointe IGF-IGAS (inspection générale des finances-inspection générale des affaires sociales) a parlé, et qui expliquent peut-être les divergences d'opinion entre l'AP-HP, les CHU, les hôpitaux généraux, etc.

M. Gérard Vincent : Les tarifs fixés par arrêté ne sont pas des moyennes. Ils sont construits à partir d'une étude de coûts sur un échantillon d'établissements, supposé assez représentatif de l'ensemble. Pour dire aujourd'hui, objectivement, si tel établissement a des coûts supérieurs aux tarifs encaissés, il faudrait disposer d'une comptabilité analytique. Or, une des grandes faiblesses de l'hôpital est justement l'absence de comptabilité analytique, due au fait que, pendant longtemps, aucun établissement n'a  trouvé intérêt  à  en  développer une - hormis certaines exceptions, comme l'hôpital de l'Hôtel Dieu, à l'époque où j'y étais. Mais maintenant, cet intérêt existe, car pour piloter un établissement, il faut pouvoir comparer ses propres coûts aux tarifs.

Quant aux difficultés techniques rencontrées, la question est délicate, et je laisserai la parole à mes collaborateurs, qui ont suivi le dossier de façon plus précise et concrète.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Y a-t-il des progrès dans la mise en place d'une comptabilité analytique ? Quand sera-t-elle opérationnelle ?

M. Pierre Morange, coprésident : Et quel serait, selon vous, le calendrier idéal de montée en puissance, par rapport à celui que la représentation nationale avait prévu, soit un taux de 50 % en 2008 ?

M. Gérard Vincent : Cela dépendra de notre capacité collective à gérer les redéploiements. Les « perdants » vont devoir - et il n'est pas sérieux de prétendre le contraire - rendre des effectifs, ce qui n'est d'ailleurs pas choquant en soi, car il n'y a pas de raison pour que certains établissements aient beaucoup plus de moyens en personnel que d'autres. Nous nous battons pour que l'hôpital public garde ses moyens parce qu'il n'est pas globalement surdoté : quand on interroge les gens, qu'il s'agisse des patients, de leurs familles, des médecins, des syndicats, des personnels, ils disent tous que l'on manque d'effectifs. Mais pour en ajouter ici, il faudra en retirer là, sans quoi le système sera éminemment inflationniste. C'est donc de notre capacité à gérer l'évolution des effectifs dans les établissements qui devront rendre des moyens que dépend la réponse à votre question. Mais sans doute souhaitiez-vous une réponse plus précise...

M. Pierre Morange, coprésident : En effet ! Plutôt que de parler de « gagnants » et de « perdants », je trouve plus approprié de raisonner en termes de redéploiements et de reconversions, ce qui permettrait en outre d'apporter une réponse concrète à des souffrances et à des besoins qui, compte tenu de la démographie, sont réels. Il faut savoir que le coût journalier d'un lit hospitalier est huit fois celui d'un lit en unité de soins de longue durée. Nous avons enfin lu avec une grande attention l'article de notre collègue Claude Évin, président de la FHF, qui souligne le caractère hautement positif du plan Hôpital 2007, lequel a permis de corriger l'insuffisance historique de l'investissement hospitalier.

M. Gérard Vincent : C'est vrai, mais s'il y a eu un plan de relance de l'investissement, c'est parce que les hôpitaux, soumis à des tensions budgétaires, avaient dû puiser dans leurs réserves d'autofinancement. Or, le phénomène risque de se reproduire. Peut-être l'exercice en cours se terminera-t-il sans trop d'encombre, car si l'impasse budgétaire a été estimée à un milliard d'euros, certains établissements ont des réserves. Ils pourront y puiser pour financer d'éventuels déficits, ainsi que la réglementation l'autorise, mais les réserves, c'est aussi ce qui permet d'investir. Le risque existe donc d'assécher l'autofinancement, et donc l'investissement hospitalier.

Nous nous sommes demandé si le ministre, conscient de ce risque, n'était pas en train d'anticiper cette baisse de l'autofinancement en préparant d'ores et déjà un nouveau plan « Hôpital 2012 ». Il nous a répondu que non, qu'il avait d'autres priorités, notamment les systèmes d'information, pour lesquels il y a un retard à combler. Le risque est donc que, cette année, l'impasse se trouve réduite par rapport à ce qu'elle aurait été sans ponction sur les réserves d'autofinancement, mais que la capacité d'investissement soit mise à mal. Ce n'est pas un problème lié directement à la T2A, mais à l'insuffisance de financement.

Pour en revenir à la question du calendrier, l'objectif d'atteindre 50 % en 2008 nous paraît raisonnable. Nous avions applaudi lorsque le ministre avait fixé le taux à 35 % pour 2006 ; nous avions même envisagé 40 %, mais le ministre a décidé de s'en tenir à 35 %. Nous souhaiterions que la montée en puissance soit aussi rapide que possible, mais cela pourrait compromettre l'équilibre budgétaire des hôpitaux. Si l'on était certain que les établissements qui doivent rendre de l'argent pourront le faire, il faudrait évidemment aller plus vite, car la lenteur de la montée en puissance handicape l'hôpital public. Mais faute d'en avoir la certitude, il ne serait pas responsable d'accélérer.

M. Jean-Luc Préel : À quel pourcentage êtes-vous d'avis de fixer l'objectif final ? Êtes-vous prêts à aller jusqu'à 100 % ? Combien réservez-vous pour les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) ?

M. Gérard Vincent : Quand on dit 50 %, cela veut dire 50 % de ce qui est tarifable.

Pour en revenir à la montée en charge, nous avons une position responsable, mais nous avons accueilli assez favorablement la décision du ministre de porter la T2A à 100 % pour l'hospitalisation à domicile, ainsi que son annonce, faite à Hôpital Expo, qu'il en sera de même l'an prochain pour la chirurgie ambulatoire. La tarification est un moyen puissant pour faire évoluer un système, et la chirurgie publique - mais aussi privée - a tout à y gagner.

M. Yves Gaubert : Si l'on a pu évaluer, la première année, qui seraient les « gagnants » et les « perdants », c'est par comparaison des budgets globaux avec des recettes théoriques sur la base d'une une T2A à 100 %. On peut en principe refaire les calculs à partir du résidu du budget global, c'est-à-dire de la dotation annuelle complémentaire, mais il risque d'y avoir un différentiel par rapport à la situation initiale, dans la mesure où les évolutions attendues ont pu être corrigées par des mesures ministérielles. C'est important, car cela joue aussi sur le rôle d'amortisseur que devait jouer la montée en charge progressive. Théoriquement, en 2005, la T2A représentait 25 % et la dotation globale résiduelle 75 %. En 2006, elles représentent respectivement 35 % et 65 %. Il était initialement prévu que le taux de la dotation annuelle complémentaire soit égal au taux initial, multiplié par 65 %, et revalorisé dans les mêmes proportions que l'ONDAM, c'est-à-dire de 3,44 %. Mais en réalité, la dotation globale complémentaire diminue, de l'ordre de 0,7 %, à cause de l'effet amplificateur de certaines mesures techniques sur la partie activité, ainsi que de charges croisées qui ne sont pas réparties au prorata comme elles le devraient. Ainsi, les mesures nouvelles en matière de personnel pèsent, selon les informations officieuses que nous avons, à 65 % sur la partie tarifaire et à 35 % sur la dotation complémentaire, ce qui explique la baisse de cette dotation et fait apparaître un tarif plus élevé, dans les faits, que ce qu'il devrait être, favorisant les établissements qui développent de nouvelles activités. Mais ces effets ne sont pas tout à fait neutres non plus sur ces nouvelles activités, qui seront payées à 35 % cette année pour les établissements publics, rendant quasiment impossibles certains développements nécessaires, faute de financement complémentaire et de marge sur le reste des dotations. L'hôpital se trouve donc figé dans sa situation antérieure.

Un dernier point sur l'aspect tarifaire : certains éléments non spécifiques à l'activité sont intégrés dans les tarifs applicables. Il y a, dans l'échelle des coûts, la répartition de certaines charges d'ordre général, comme les gardes ou la permanence des soins, qui ne sont pas comprises dans les MIGAC, mais intégrées dans les tarifs et réparties au prorata de ceux-ci. Il en est de même des capacités que l'hôpital doit maintenir ouvertes, par exemple pour le cas où il y aurait une canicule ou une épidémie pendant l'été, et qui pèsent sur toute l'activité d'un établissement - et, partant, sur les tarifs.

Le docteur Garrigues va maintenant vous parler des systèmes d'information.

M. Bernard Garrigues : La mise en place de la T2A a constitué un vrai bouleversement. N'oublions pas que tous les établissements, publics et privés à but non lucratif, étaient financés par une dotation globale depuis vingt ans, ce qui n'incitait guère à mesurer l'activité ni à élaborer des indicateurs de suivi. Au total, la montée en charge s'accompagne d'un raccourcissement important des délais de production, s'accompagnant nécessairement d'une évolution qualitative du codage, vers une plus grande exhaustivité. Autrement dit, le recueil de tous ces éléments est une charge importante, à laquelle les établissements font face, mais avec un certain délai, car il est difficile de rompre avec vingt ans d'une organisation différente.

Les systèmes d'information ne se sont pas adaptés, au fil des ans, à cette évolution, et ce pour diverses raisons. La première est que l'intérêt pour agir n'existait pas. La seconde est sans doute la faiblesse du marché de l'édition de logiciels informatiques répondant aux exigences particulières des établissements. La T2A constituera une incitation à créer un tel marché.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Dans quel délai pourra-t-on mettre en place une comptabilité analytique ? Et avoir un recueil satisfaisant des données ?

M. Bernard Garrigues : Sur le premier point, ce n'est pas à moi de répondre. Sur le second, beaucoup de choses ont été faites, même si des problèmes subsistent. Donner un délai serait hasardeux, mais il faut sans doute compter deux ou trois ans encore pour que les adaptations se fassent. Quant à changer complètement le système d'information d'un très gros établissement, c'est très lourd et très compliqué.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment évaluer les MIGAC sans comptabilité analytique ?

M. Yves Gaubert : L'outil existe : c'est le retraitement comptable, qui est en usage depuis de nombreuses années, et qui a servi de base à l'élaboration des enveloppes initiales. Ce n'est pas une comptabilité extrêmement détaillée, mais elle suffit à identifier les missions d'intérêt général.

M. Gérard Vincent : C'est une comptabilité analytique partielle, portant sur certains éléments de coûts, mais sans aller jusqu'au bout de la logique de la comptabilité analytique.

M. Pierre-Louis Fagniez : J'ai bien compris que la FHF dénonce aujourd'hui les effets inflationnistes de la T2A, mais j'ai trouvé un peu paradoxal que vous disiez que le problème ne vient pas des petits hôpitaux, mais des gros, car la tendance générale est en effet à fermer les petits hôpitaux, et j'y vois quelque contradiction. Je connais de l'intérieur les problèmes des grands établissements, où l'arrivée de la T2A a provoqué, chez les médecins notamment, des mouvements divers. Un de ses grands intérêts est cependant l'organisation en pôles, dont on attend beaucoup pour faire les économies que seuls les grands hôpitaux, selon vous, peuvent faire. Quelle est votre position à ce sujet ?

Vous nous dites par ailleurs que la T2A ne permet plus de savoir combien on aura dans l'année, faute de savoir quel sera le volume de l'activité. Je n'ai pas bien compris ce que vous entendiez par « réduire la voilure », ni comment on peut, selon vous, résoudre le problème - à moins qu'il ne s'agisse d'une simple constatation du fait qu'il n'y a pas de solution ?

M. Jean-Luc Préel : Mon interprétation de la différence entre les 3,44 % et les 1,5 ou 2 % délégués aujourd'hui est qu'une partie a été mise en réserve pour fin 2006, et qu'une autre a servi à financer les reports de charge 2005. Dois-je comprendre que vous demandez que l'on délègue les 3,44 % aux hôpitaux ?

M. Gérard Vincent : Vous avez quasiment répondu à M. Pierre-Louis Fagniez... Dans la mesure où le ministre décide de ne répartir en début d'année qu'une partie de l'enveloppe, comment voulez-vous que le gestionnaire sache à quoi s'en tenir ? Il attend donc pour prendre une décision, y compris de compression d'effectifs, le cas échéant. Mais s'il attend octobre pour supprimer un poste, c'est trop tard, car cela ne fait économiser que trois mois de salaire.

M. Pierre-Louis Fagniez : Quel est votre souhait ?

M. Gérard Vincent : Que les établissements aient, le plus tôt possible, une bonne visibilité de leur enveloppe. Les choses se sont améliorées, et je ne jette pas la pierre à la DHOS, qui n'a pas la tâche facile, mais nous sommes dans notre rôle en disant que, pour gérer, il nous faut de la visibilité, et le plus tôt possible dans l'année. C'est élémentaire.

Le problème des petits établissements est que l'activité y est souvent faible, tandis que les gros compensent leurs moyens supplémentaires par une production - et donc une productivité - plus élevée. On ne réglera pas le problème en fermant les petits hôpitaux. Il ne s'agit d'ailleurs pas de les fermer, mais de les reconvertir, et nous y incitons nos adhérents. Pour vaincre les réticences culturelles, nous faisons actuellement, avec M. Claude Évin, président de la FHF, et les équipes responsables des finances et de l'offre de soins, un tour de France, afin de rencontrer les présidents de conseil d'administration, les présidents de commissions médicales d'établissement et les directeurs, pour les inciter à avoir une stratégie de groupe, pour leur dire que tout n'est pas perdu, qu'il y a des perspectives de développement, des parts de marché à conquérir dans le domaine du handicap, dans celui des personnes âgées. Nous leur montrons, cartes à l'appui, que les activités de médecine, de chirurgie et d'obstétrique (MCO) représentent, en pourcentage du nombre de lits de leur région, environ 15 %. Cela signifie qu'il y a une vie à côté de la médecine, de la chirurgie et de l'obstétrique, qui va dans le sens de l'intérêt général.

Je voudrais enfin dire quelque chose qui n'est pas facile, car j'ai connu de l'intérieur le fonctionnement du ministère, et je connais la difficulté de l'exercice. Je voudrais dire que nous avons assez mal vécu l'opacité dans laquelle nous avons été maintenus lors de la mise en place de la T2A. Il nous était très difficile d'obtenir des éléments, notamment sur les méthodes de travail, de calcul des tarifs. Le dossier est accaparé par deux ou trois personnes, on a l'impression que les autres hauts fonctionnaires ne le maîtrisent pas, et le manque de transparence fait planer un doute sur l'objectivité et l'impartialité de l'administration. Nous avons eu l'impression, par exemple, que certains changements brutaux de tarifs par rapport à ce qui avait été annoncé ont été décidés à la suite de tractations secrètes qui ne sont pas de bon aloi dans un dossier de cette nature. Les choses s'améliorent, mais il faut encore se battre pour obtenir des informations, ce qui n'est pas normal. La FHF n'est pas là pour embêter le ministère : elle veut, comme lui, que la T2A fonctionne.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : J'aurais voulu avoir votre sentiment sur la question des achats, et aussi sur celle des médicaments génériques, dont le ministre a dit, je crois, qu'ils représentaient 3,6 % des dépenses de médicaments dans les hôpitaux. Avez-vous des remarques à faire à ce sujet ?

Je voudrais également revenir sur la convergence public-privé, à laquelle votre dernière remarque semblait liée. Et sans doute pourrez-vous, sur tous les points que nous n'avons pas eu le temps de traiter, nous faire parvenir des notes complémentaires ?

M. Gérard Vincent : Le médicament constitue une part croissante des dépenses hospitalières. J'ai connu une époque où il en était un élément modérateur, mais il est passé, depuis quelques années, de 3 ou 3,5 % à 6,5 % de l'enveloppe budgétaire totale, du fait notamment des nouvelles molécules, qui sont testées en priorité à l'hôpital. Les prix, vous le savez, y sont libres, sauf ceux des médicaments rétrocédés. Les hôpitaux se sont donc organisés pour acheter aux meilleures conditions possibles : l'AP-HP, par exemple, obtient des prix très intéressants, les CHU ont fait de même, et les autres établissements s'organisent, avec notre encouragement. Or, alertés par des gens plus ou moins bien intentionnés, nous avons appris la semaine dernière - je n'ai malheureusement pas eu le temps d'en parler à M. Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de santé (CEPS), que j'ai croisé à Hôpital Expo le jour de la venue du ministre -, que l'on s'apprêterait à administrer totalement les prix des médicaments à l'hôpital. Ce serait très dangereux, car il n'y aurait alors plus aucune marge de négociation, les prix s'imposeraient à l'hôpital comme en ville. Il faudrait alors que les pouvoirs publics assument leur responsabilité. J'en parle sous toutes réserves, naturellement, mais le bruit est assez insistant pour que je me permette de le faire. Certes, cela nous ôterait un fardeau, mais cela ne nous satisferait guère, car nous ne sommes pas des gens qui fuient leurs responsabilités. On nous dit qu'il faut maîtriser les dépenses, mais 68 % de ces dépenses sont constitués par la masse salariale, et le coût croissant des molécules nouvelles, qui augmentent de 12 à 20 % par an, balaie toutes les économies que nous pouvons faire par ailleurs sur les achats et la logistique.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Et les génériques ? En outre, le prix du médicament à l'hôpital doit être moins élevé que dans les pharmacies d'officine, puisque vous l'achetez au prix que vous avez négocié.

M. Gérard Vincent : Certains laboratoires nous disent qu'ils ne peuvent plus faire de ristournes parce que le Comité économique des produits de santé leur a annoncé son intention de baisser au même niveau, dans ce cas, le prix pour la médecine de ville. Au total, l'hôpital sera perdant, puisqu'il peut actuellement obtenir des prix inférieurs en achetant des grandes masses.

M. Bernard Garrigues : Depuis longtemps, les hôpitaux et les pharmacies hospitalières, grâce à la liberté des prix, achètent les médicaments moins chers à molécule identique. De fait, l'augmentation du coût des médicaments à l'hôpital résulte de la hausse du prix des médicaments innovants issus des progrès du génie génétique.

Mme Jacqueline Fraysse : Pouvez-vous en dire plus sur la convergence ?

M. Pierre Morange, coprésident : Ce sera la dernière question.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Mais vous pourrez compléter votre réponse par une note supplémentaire...

M. Pierre Morange, coprésident : Nous serons, en outre, très attentifs à toute recommandation pragmatique que vous pourriez nous faire par écrit, et que nous aurons à cœur de défendre.

M. Gérard Vincent : La convergence, je l'ai dit dans mon propos liminaire, porte un mauvais coup à la T2A, car les personnels travaillant dans les hôpitaux publics ont l'impression qu'on sacrifie le service public. Je ne fais pas de procès au privé. Nous avons un système dualiste que les Français apprécient, et dont la diversité fait la force. La T2A ne doit pas avoir pour effet d'affaiblir le service public. Nous sommes le seul pays d'Europe où existe un secteur hospitalier commercial si développé : même dans des pays bien plus libéraux, comme les Pays-Bas, il n'y a que des établissements privés non lucratifs. Si la convergence consiste à spolier un système hospitalier qui, contrairement à ce que l'on dit, n'est pas en crise, dont l'activité ne baisse pas, qui évolue et dont les Français sont contents, s'il s'agit de donner plus d'argent à un secteur commercial qui en gagne déjà beaucoup, le système s'en trouvera affaibli dans son ensemble. Si, en revanche, la convergence veut dire que l'hôpital public doit être plus performant, plus efficient, et alignera progressivement ses prix sur le moins cher s'il est le plus efficient, vive la convergence. Mais si cela signifie prendre, par principe, de l'argent au public pour le donner au privé, accroître ses bénéfices et la rémunération du capital, je ne crois pas que ce soit conforme à l'intérêt de la santé publique. Je ne tiens pas là un discours politique : ce n'est pas une question de droite et de gauche. Notre pays a besoin d'un service public fort, qui reconquière, par exemple, des parts de marché en chirurgie, non pas pour embêter le privé, mais parce que si la chirurgie publique disparaît, c'est toute la chirurgie française qui périclitera. Il n'y a pas d'idée de vengeance, de rancœur ou d'agressivité de notre part. Nous voulons simplement qu'on ne fasse pas l'erreur de dire que le public est trop doté - car ce n'est pas globalement vrai - ou qu'il faut donner de l'argent au privé pour qu'il se développe au détriment du secteur public, car c'est notre système de santé tout entier qui serait affaibli.

M. Gérard Bapt : Avec l'autorisation de la présidence, car je ne suis pas membre de la MECSS, je voudrais poser une question : s'il y a convergence sans fongibilité, le Parlement décidant en fonction de données objectives l'évolution des enveloppes du privé et du public, cela serait-il plus acceptable par ce dernier ? Il n'est pas normal qu'il y ait de telles disparités entre établissements pour un même acte.

M. Gérard Vincent : Je partage ce point de vue. Le service public n'a pas vocation à être plus cher que le privé, mais à être meilleur et moins cher. Il a des valeurs et des missions que n'a pas le secteur commercial. Malheureusement, la notion d'enveloppe unique a beaucoup perturbé. Comme le dit souvent le président Claude Évin : quand il y a un pépin, l'hôpital est présent, et cela a un coût. Un service de pédiatrie est vide toute une partie de l'année, mais il faut bien que le personnel soit là le jour où survient une crise de bronchiolite. Il n'y a pas de service de pédiatrie dans les cliniques privées, et c'est normal, car ce n'est pas leur rôle. Sachons raison garder, n'attaquons pas les uns ou les autres, mais n'affaiblissons pas le service public, car tout le monde y perdrait, y compris les cliniques privées. Les présidents successifs de la FHP me l'ont toujours dit : ils n'ont pas intérêt à voir le service public s'affaiblir.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie de vos réponses, dont je retiens notamment que le secteur public a pour objectif d'être le meilleur et le moins cher.

*

Audition de M. Roger Ken Danis, président de la Fédération
de l'hospitalisation privée (FHP)

M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite la bienvenue à M. Roger Ken Danis, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP).

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Après que vous nous aurez présenté la Fédération de l'hospitalisation privée, nous souhaitons vous entendre exposer comment les établissements que vous représentez ont appliqué la tarification à l'activité (T2A), quels avantages vous en attendez et quelle appréciation vous portez sur la collecte des informations.

M. Roger Ken Danis : La Fédération de l'hospitalisation privée représente les 1 250 établissements privés français, dont 750 établissements de court séjour. Ils assurent ensemble un peu moins de la moitié des soins hospitaliers, mais 60 % des interventions chirurgicales. La tarification à l'activité s'est appliquée d'un seul coup à tous les établissements, pour l'ensemble de leurs activités, en mars 2005. Fut-ce une révolution ? Non, car de tout temps l'hospitalisation privée a facturé en fonction de son activité ; mais, avant mars 2005, cette facturation, opaque, ne permettait pas de distinguer précisément ce qui relevait du soin. Avons-nous éprouvé des difficultés ? Oui, car les articulations nécessaires n'ont pas toujours été parfaites et parce que les prestataires informatiques ont été prévenus au dernier moment. Ces difficultés sont maintenant derrière nous, et je persiste à dire que c'était une bonne réforme. Mais elle demeure inachevée.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Que pensez-vous du pilotage régional de la réforme ? Comment vos relations avec les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) s'établissent-elles ?

M. Roger Ken Danis : Les relations entre les établissements du secteur privé et les ARH sont globalement bonnes. L'installation des agences a constitué un progrès car leur directeurs d'ARH connaissent bien les établissements, et ce qui est au plus près du terrain est mieux à même de prendre des décisions éclairées. Mais depuis l'entrée en vigueur de la réforme, la tarification est pour l'essentiel fixée par le ministère de la santé et le pouvoir laissé aux directeurs d'adapter les tarifs selon les établissements est relativement faible. Leur intervention est bien plus forte pour ce qui est de la convergence entre établissements privés car la grille tarifaire nationale établie pour chaque groupe homogène de séjours (GHS) est assortie de coefficients de transition conçus pour éviter que la réforme ne se traduise par une catastrophe économique pour certains établissements. La loi prévoit que tous devront être parvenus au coefficient 1 en 2012. En mars 2005, nos établissements avaient donc sept ans pour réaliser l'effort de convergence nécessaire, effort qui a été engagé sans aucun retard. On ne peut en dire autant pour ce qui a trait à « l'autre » convergence.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelle est votre opinion sur les différences tarifaires entre le secteur public et le secteur privé ? Que pensez-vous de l'évaluation des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) ?

M. Roger Ken Danis : C'est une grande victoire d'être parvenu à instituer la tarification à l'activité et d'aller de l'avant. Mais si les cliniques privées l'appliquent à 100 %, ce n'est pas le cas, loin s'en faut, pour les hôpitaux publics. Surtout, le secteur public ne s'est pas encore lancé dans la facturation par patient, prévue pour 2007 mais dont il semble, si l'on en croit les gazettes, qu'elle sera retardée, les systèmes informatiques n'étant pas prêts. Il faudra pourtant bien y venir.

On a présenté la tarification à l'activité comme un outil de gestion, ce qu'il est et n'est pas. On l'a aussi présenté comme un outil de mesure de la qualité, ce qu'il n'est sûrement pas. C'est avant tout un instrument qui permet une facturation transparente, selon un principe simple : un GHS est défini, et il a un tarif. Mais l'objectif, qui était de distinguer clairement les missions de soins des autres missions, n'est pas atteint à ce jour et, alors que la dépense hospitalière représente près de la moitié de la dépense globale d'assurance maladie, il est dommage que l'opacité dénoncée par la Cour des comptes persiste.

Le Parlement a voté un objectif de convergence qui n'est pas atteint, mais l'on abonde le Fonds MIGAC à hauteur d'un milliard. Sans doute est-ce justifié, mais l'on aimerait connaître l'affectation des ressources et en mesurer l'efficacité. L'obligation légale est qu'en 2012 le même soin soit facturé au même tarif où qu'il soit prodigué. Je sais que la chose est difficile et que cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais on pourrait imaginer d'appliquer des coefficients de transition aux hôpitaux publics comme on l'a fait pour les cliniques privées. Bien que la tarification à l'activité soit entrée en vigueur, l'opacité demeure pour l'affectation de 50 milliards d'euros. Sans esprit polémique, je considère que la démarche de clarification doit progresser, et il ne me semblerait pas anormal que le législateur ait son mot à dire. Le Parlement vote l'ONDAM et l'ONDAM hospitalier, mais ce sont les services du ministère de la santé et des solidarités qui décident l'enveloppe des MIGAC. Pourquoi ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la convergence tarifaire suggère la création d'un « sur-tarif » appliqué au secteur public pour compenser l'écart de coût du travail entre le public et le privé. Quel est votre avis à ce sujet ?

M. Roger Ken Danis : Il ne peut être très favorable ! Selon la DREES - direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé et des solidarités -, les soins coûtent 80 % plus cher dans le secteur public que dans le secteur privé et la masse salariale représente 70 % des coûts à l'hôpital public et entre 51 et 55 % dans les cliniques privées. Certes, les salaires des médecins sont intégrés dans le premier cas et pas dans le second mais, même si l'on tient compte de cette donnée, une différence persiste.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous aimerions connaître la ventilation de la masse salariale dans vos établissements.

M. Roger Ken Danis : Quelle qu'elle soit, lorsque l'on compare la dotation faite au public et la dotation faite au privé, c'est après avoir réintégré les honoraires des médecins.

Dans un contexte de relative pénurie de personnel soignant, la différence des niveaux de salaire entre le secteur privé - qui emploie 120 000 personnes - et le secteur public crée un problème grave, les salariés du secteur hospitalier privé étant payés 15 % de moins que ceux du secteur hospitalier public. "Augmentez les salaires !", me direz-vous sans doute. Certes. Mais la rentabilité globale du secteur privé de la santé étant de 0,7 %, si l'on augmentait les salaires de 15 %, il n'y aurait plus de cliniques. Nous demandons donc la correction des distorsions qui pénalisent l'hôpital privé, alors même qu'il remplit sa mission en étant économe des deniers publics. Comment y parvient-il ? Grâce à un effort massif de restructuration, qui a porté, en sept ans, sur le quart de son parc et qui le rend beaucoup plus performant. L'hôpital public souffre de n'avoir pas accompli un effort semblable.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment accompagnez-vous la convergence entre les établissements privés ? Suggérez-vous des restructurations ? Avez-vous un rôle de conseil ?

M. Roger Ken Danis : Oui. Nous avons accompagné la réforme en favorisant les restructurations par des discussions avec les directeurs des ARH.

M. Pierre Morange, coprésident : L'application de la T2A dans les cliniques privées a-t-elle induit une sélection du risque par des redéploiements d'activités favorisant certains secteurs de soins au détriment d'autres ? Nul procès d'intention dans ma question, mais le sujet a été abordé très souvent devant nous. Par ailleurs, est-ce que, par méconnaissance ou volontairement, des anomalies se sont produites dans la codification des actes ? A-t-on constaté des surcotations, voire des multiplications d'actes ?

M. Roger Ken Danis : On parle beaucoup de surcotations, et l'assurance maladie a diligenté des contrôles qui me paraissent parfaitement normaux, puisqu'il s'agit de facturation déclarative. Indiscutablement, parce qu'un certain vide juridique subsistait, des établissements, publics et privés, ont pu facturer dans des GHS des actes de petite chirurgie qui, autrefois, étaient pratiqués gratuitement ou assumés par d'autres. Cet effet d'aubaine va prendre fin, puisque des négociations sont en cours avec le ministère, qui tendent à ce que ces actes soient faits et honorés par un tarif correct.

M. Pierre Morange, coprésident : Le phénomène était donc conjoncturel, et va se résorber. Mais quelle a été son ampleur ?

M. Roger Ken Danis : Les pourcentages cités devant moi - 1, 2, voire 3 % - n'ont aucune valeur scientifique, et cet épiphénomène ne doit pas entacher la tarification à l'activité qui, dans son principe, améliore la transparence. Quant aux très rares cas de surcotations frauduleuses, ils doivent être sanctionnés.

Je sais la grande crainte qui s'exprime : que les établissements choisissent de n'exercer que les activités rentables. Encore faudrait-il, pour commencer, qu'ils disposent d'une comptabilité analytique leur permettant de définir quelles sont les activités rentables. Or, ils ne s'en sont pas dotés, parce qu'ils n'ont pas cette idée-là, qui est irréaliste. La réputation d'un établissement de santé se fait sur un territoire, et si vous dites à vos médecins correspondants que vous ne prenez plus en charge une certaine pathologie, c'est toute leur clientèle qu'ils vous retireront. Les domaines dans lesquels, aujourd'hui comme hier, il peut y avoir une réflexion stratégique sont la médecine et la maternité, autrement dit un pan entier d'activité et non un GHS particulier, et si l'on veut favoriser la médecine interne dans le secteur privé, la tarification par GHS permet de le faire. Je ne pense donc pas qu'il faille garder en tête cet inconvénient supposé et à ce jour, je n'ai eu aucun écho que la stratégie redoutée par certains se soit traduite dans les faits.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le rapport IGF-IGAS sur le pilotage des dépenses hospitalières parle du « sur-raffinement » de la tarification. Avez-vous des propositions de simplification à formuler ?

M. Roger Ken Danis : Par « GHS » on entend bien groupements « homogènes », et ils ne le sont pas parfaitement. Si l'on en vient à des groupements hétérogènes, tout le système s'écroule. Je ne sais que penser de la simplification dans ce domaine, mais je sais qu'il ne peut y avoir de tarification forfaitaire s'il n'y pas homogénéité.

Mme Jacqueline Fraysse : Dans le cadre de la nécessaire transparence que vous préconisez, pouvez-vous nous dire quelle est la part du secteur hospitalier privé détenue par les grands groupes tels que la Générale de santé ou Capio, qui dégagent une très forte rentabilité ?

M. Roger Ken Danis : La Générale de santé représente 13 % du système hospitalier privé, et la totalité des groupes représentent un peu moins de 20 % de l'ensemble des capacités privées de court séjour, pour l'ensemble du territoire. On assiste à l'émergence de petits groupes régionaux, le plus souvent propriétaires de trois à six établissements de taille humaine qui, selon moi, sont promis à un bel avenir.

Pour ce qui est de la rentabilité, il ne faut pas fantasmer. Le président de la FHP que je suis, qui représente l'ensemble des établissements, comprend que le directeur général de la Générale de santé puisse avoir tendance à enjoliver le trait, mais il ne faut pas s'en tenir à cela. Si des investisseurs s'intéressent au secteur de la santé, c'est bien davantage pour son avenir que pour sa rentabilité actuelle : ils savent que la population va augmenter et vieillir, que la technologie va progresser et que le marché ne se délocalisera, ni ne disparaîtra. Mais la rentabilité totale actuelle du secteur est de 0,7 %, et de 2,2 % pour la Générale de santé, contre 3,7 % pour l'ensemble des entreprises de prestation de services.

M. Jean-Luc Préel : Nous souhaitons que les recettes financent les soins de manière équilibrée, et c'est pourquoi nous sommes attachés à la convergence public-privé. Les cliniques privées sont passées à la tarification à l'activité à 100 % et s'en portent plutôt bien. Vous nous avez expliqué que la différence de coûts observée dans les deux secteurs tient à ce que les honoraires des médecins ne sont pas intégrés dans le coût du secteur privé, et aux différences de rémunération - et, à mon avis, de ratio - des personnels. Faut-il alors revenir sur la convention collective du secteur hospitalier privé ? Comment rémunérer les infirmières pour éviter les fuites du secteur privé ? Comment mieux séparer soins et MIGAC ? À quelles MIGAC souhaitez-vous participer davantage, qu'il s'agisse de la permanence des soins ou de la formation des chirurgiens, qui exercent en majorité dans le privé après avoir été formés par le public ? S'agissant de la sélection des patients par vos établissements, vous avez habilement répondu à la question de notre président mais, dans la pratique, on constate que les cliniques privées ont tendance à se spécialiser et, ce faisant, à abandonner la gynécologie et l'obstétrique au bénéfice de la chirurgie. On déduit de votre réponse que les GHS, en médecine, sont mal rémunérés, ce qui expliquerait de façon inhabituelle la différence de tarification entre secteur public et secteur privé.

M. Roger Ken Danis : Les tarifs de maternité sont tels que seuls les établissements qui ont une très grosse activité chirurgicale par ailleurs peuvent tenir, et c'est en conséquence de décisions prises par les tribunaux de commerce que les cliniques privées ont perdu entre 5 et 6 points de distribution dans la maternité. Nous le regrettons profondément et nous voulons regagner des points dans ce secteur - d'ailleurs, les ARH nous le demandent. La situation actuelle ne résulte pas d'un choix assumé, mais d'une aberration de la tarification. Il en va de même pour la médecine car les tarifs des GHS ne sont pas fondés sur le coût économique, mais sur les tarifs qui étaient en vigueur précédemment, si bien que ce n'est pas parce qu'un GHS est tarifé 100 qu'il a coûté 100 à l'établissement. Certains groupes de GHS, telle la réanimation médicale, sont très nettement sous-tarifés, si bien que les établissements qui auraient vocation à ouvrir de tels services ne peuvent pas le faire, car cela entraînerait des pertes considérables. De même, les honoraires, en médecine, sont inadaptés : comment attirer des internistes, si tout ce que l'on peut leur proposer est un C08 ? Ces anomalies ponctuelles de tarification doivent être corrigées.

S'agissant des rémunérations, nous avons proposé l'année dernière au ministre de la santé de reprendre ce que nous avions engagé avec Mme Élisabeth Guigou, avec qui nous avions signé un accord pluriannuel de comblement du différentiel salarial, qui n'a malheureusement été appliqué que pendant un an. Nous souhaitons le réactiver, la Fédération s'engageant à revaloriser la convention collective à concurrence de l'effort de l'État. Notre demande n'a pas été suivie d'effet pour l'instant, mais nous la réitérerons. Nous vous ferons parvenir notre plan d'évolution salariale dans ce cadre.

M. Gérard Bapt : Très bien.

M. Roger Ken Danis : L'hospitalisation privée souhaite participer à de plus nombreuses MIGAC, et la Fédération pousse les établissements à en assumer le plus possible. Lorsqu'on pratique 60 % des actes chirurgicaux dans un pays, on ne peut se limiter à fermer la caisse le vendredi soir en considérant que l'on en a assez fait. Je rappelle à cet égard que les établissements hospitaliers privés ont créé 120 centres d'urgences en moins de cinq ans. Par ailleurs, j'ai proposé au bureau des doyens que, par conventionnement avec les universités, certains services du secteur privé puissent recevoir des stagiaires d'internat en chirurgie, cardiologie et anesthésie. Ce serait une reconnaissance de la qualité des soins que nous prodiguons. Mais nous ne revendiquons nullement des fonctions d'enseignement théorique, qui ne sont pas de notre ressort.

La tarification à l'activité a été créée pour rendre transparente l'allocation des ressources, car on ne peut gérer ni, donc, améliorer, ce qui est opaque. La transparence est une obligation. Le Fonds MIGAC est justifié, puisque toutes les missions qui ne sont pas des GHS doivent être financées. Mais avant d'honorer ces missions il faut les décrire et non se contenter d'accroître leur financement d'une année à l'autre sans savoir pourquoi.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie. Nous vous invitons, comme tous ceux que nous recevons, à nous transmettre les propositions qui viendraient à compléter nos échanges.

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Audition de M. Yves-Jean Dupuis, directeur général de la Fédération
des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (FEHAP),
et de M. Jérôme Antonini, directeur du secteur sanitaire de la FEHAP

M. Pierre Morange, coprésident : M. Emmanuel Duret, président de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif, étant retenu à Bruxelles, je souhaite la bienvenue à M. Yves-Jean Dupuis, directeur général, et à M. Jérôme Antonini, directeur du secteur sanitaire de la FEHAP.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est le poids de votre Fédération dans le domaine de la santé en France ?

M. Yves-Jean Dupuis : La Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif regroupe environ 850 établissements dans le champ médecine, chirurgie, obstétrique (MCO), soit 14,5 % de l'ensemble des lits. La FEHAP constitue la principale composante des établissements privés à but non lucratif, secteur beaucoup moins représenté en France que dans les autres pays occidentaux. Notre présence diffère selon les activités : nos établissements représentent 10 % du court séjour mais 30 % en psychiatrie, quelque 40 % en soins de suite ou de réadaptation, plus de 40 % pour la dialyse et plus de 50 % pour l'hospitalisation à domicile. La Fédération rassemble des établissements de toutes tailles - le groupe hospitalier de Lille, l'Hôpital Foch de Suresnes, l'Hôpital Saint-Joseph ou l'Institut mutualiste Montsouris à Paris, et tant d'autres à Lyon, Marseille... La FEHAP regroupe en tout 2 900 établissements œuvrant dans le champ médico-social et social.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous été associés à la définition de la tarification à l'activité ? Un système de collecte des données satisfaisant a-t-il été créé dans vos établissements ?

M. Yves-Jean Dupuis : La FEHAP, qui souhaitait une tarification à l'activité, a été l'un des moteurs de la réforme, dont elle souhaite l'application rapide. Nous avons participé à la réflexion engagée au sein de l'Agence technique de l'information hospitalière (ATIH) et de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) sur la création de ce nouvel outil et nous étions favorables à ce qu'il soit expérimenté dans nos établissements. Mais la manière dont la réforme est entrée en vigueur nous a, sinon mécontentés, du moins surpris, qu'il s'agisse du manque de concertation et du retard pris ou de l'opacité de la construction des tarifs, qui a perturbé le fonctionnement de nos établissements et qui continue de le perturber. Nous aurions souhaité qu'une fois l'outil défini, on procède à des expérimentations donnant lieu à une analyse critique et aux corrections éventuellement nécessaires avant que le dispositif soit généralisé. Nous aurions aussi souhaité que, dans le même temps, un dispositif de contrôle soit créé. Ç'eût été d'autant plus nécessaire que nos systèmes d'information sont imparfaits, ce qui rend difficiles la mise en œuvre et le suivi de la réforme. D'ailleurs, lorsque le ministre nous a interrogés sur ce que devrait apporter le plan Hôpital 2007, nous avons insisté sur les investissements nécessaires en systèmes d'information.

Au sein de la FEHAP, certains établissements sont dans la phase de tarification à l'activité à 35 %, et soixante ont basculé en totalité vers la T2A en mars 2005, avec des coefficients de transition. Nous souhaitons que la réforme soit appliquée intégralement, le plus vite possible, dans tous les établissements, mais avec des réserves, en raison de problèmes spécifiques liés à notre statut, qui nous distingue aussi bien de l'hôpital public que du secteur privé à but lucratif. Ainsi, pour une même rémunération versée aux infirmières, nos charges salariales sont de 10 % supérieures à celles qui pèsent sur l'hôpital public ; par ailleurs, à la différence de ce qui se passe dans le secteur marchand, certains de nos médecins sont salariés. La convergence doit avoir lieu dans ces domaines aussi. Il faut donc commencer par estimer les coûts propres à notre secteur et, pour éviter que la convergence ne pénalise nos établissements, effacer les différences par l'application de coefficients de transition lors du passage à la T2A intégrale.

M. Pierre Morange, coprésident : Qu'entendez-vous par « le plus vite possible » ?

M. Yves-Jean Dupuis : Le ministre vient de donner mission à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de calculer le différentiel de charges entre les secteurs d'hospitalisation. Nous sommes favorables au basculement à 100 % avec l'application de coefficients de transition aussitôt ce calcul achevé, car le fonctionnement des établissements est beaucoup plus satisfaisant avec la tarification à l'activité qu'avec la dotation globale.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous êtes donc favorables à un basculement intégral d'ici deux ou trois ans ?

M. Yves-Jean Dupuis : Oui, si les réserves dites ont été levées.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelle appréciation portez-vous sur le pilotage régional de la réforme ? Constatez-vous des différences de traitement régionales ? Quelles sont vos relations avec les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) ? Considérez-vous, comme l'IGAS, que la tarification est « sur-raffinée » ?

M. Yves-Jean Dupuis : Les relations avec les directeurs des ARH sont globalement bonnes mais d'une part, l'égalité de traitement n'est pas toujours la règle, les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) n'étant pas toujours équitablement réparties entre les établissements publics et les nôtres. Ce problème doit donc être résolu. D'autre part, les relations diffèrent selon les régions, comme on l'a vu lors de la définition des schémas régionaux de l'organisation sanitaire de troisième génération (SROS 3) : nous avons parfois été consultés, mais en certains cas nous avons été, sinon écartés, du moins peu associés à la réflexion. Les relations sont donc satisfaisantes dans l'ensemble, mais il y a parfois des tensions régionales.

Quant à la tarification, je considère qu'elle devrait être affinée.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pourriez-vous nous donner des exemples de groupes homogènes de séjours (GHS) qui seraient particulièrement sous-évalués ?

M. Yves-Jean Dupuis : Tout ce qui concerne la cardiologie interventionnelle et la chirurgie cardiaque. Certains établissements qui s'étaient engagés dans ces activités à la demande des pouvoirs publics, recrutant pour cela des médecins et installant des plateaux techniques, éprouvent avec la cotation actuelle des difficultés financières telles, qu'elles peuvent entraîner des licenciements, voire la fermeture des structures considérées.

M. Jérôme Antonini : Les actes techniques sont mieux cernés que les prestations intellectuelles, si bien que les GHS de médecine sont moins bien mesurés et valorisés que la chirurgie. Les mouvements parfois erratiques de la tarification, comme il s'en est produit pour la chirurgie cardiaque, créent des difficultés supplémentaires. Un service qui voit ses ressources brusquement diminuées de 9 % ne peut adapter ses dépenses aux recettes qui lui sont allouées. Les biais de la construction tarifaire conjugués au manque de lisibilité de la classification, qui empêche d'anticiper, ont des effets contraires à l'un des objectifs visés, puisque ces incertitudes conduisent les établissements à diversifier les risques, alors que, par la tarification à l'activité, on souhaite les inciter à développer les activités dans lesquelles ils excellent.

M. Pierre Morange, coprésident : La tarification à l'activité peut-elle conduire des établissements qui perdent à la réforme, à favoriser des reconversions de personnel qui permettraient de développer la prise en charge de la dépendance et les traitements en ambulatoire ?

M. Yves-Jean Dupuis : La tarification à l'activité aura bien sûr des conséquences financières pour nos établissements selon qu'ils sont actuellement sous-dotés ou surdotés, l'objectif étant dans tous les cas qu'en fin d'exercice les comptes soient équilibrés. Une série de restructurations est en cours. À Paris, par exemple, trois établissements se regroupent pour faire des économies d'échelle.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Ce mouvement n'aurait pas eu lieu sans la T2A ?

M. Yves-Jean Dupuis : Si, mais elle l'accélère.

M. Pierre Morange, coprésident : Quelle est l'ampleur des économies d'échelle attendues ?

M. Yves-Jean Dupuis : Il s'agit pour commencer de résorber des déficits qui sont de l'ordre de 5 % du budget, et pour cela de mettre les activités en commun en recherchant la complémentarité plutôt que la concurrence. Le même mouvement se dessine à Metz, où trois cliniques prévoient de mettre leurs moyens en commun - plateaux techniques ou gestion de la restauration et du linge -, mais aussi à Marseille, au nord de Paris et ailleurs. Par ailleurs, nos établissements souhaitent effectivement passer du court séjour à l'hospitalisation à domicile, offrir des structures alternatives à l'hospitalisation et privilégier le maintien à domicile.

M. Pierre Morange, coprésident : Selon vous, quelle marge de manœuvre raisonnable les établissements peuvent-ils escompter en matière de ressources humaines pour procéder à ces redéploiements ?

M. Yves-Jean Dupuis : Je suis incapable de l'estimer. Les moyens dont nous disposons doivent servir à mieux répondre, à coûts constants, aux besoins de la population. Or, dans les établissements de court séjour, on trouve aujourd'hui des personnes qui relèvent de structures de gériatrie et nous n'avons pas toujours de moyens à redéployer pour couvrir ces besoins. Aussi, plutôt que de parler d'économies potentielles sur le système de soins, voyons comment, par redéploiements, nous pourrons répondre aux besoins auxquels nous sommes actuellement incapables de faire face.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel pourcentage de reconversions possibles, même s'il n'est qu'approximatif, vous semble le plus plausible ? 5 %, 10 %, 15 % ? Selon nos interlocuteurs, les proportions citées varient de 5 à 18 %.

M. Yves-Jean Dupuis : Disons de 5 à 18 %, mais je n'en suis pas sûr. D'ailleurs, aucun économiste de la santé ne peut déterminer précisément les économies potentielles ou les moyens que l'on peut redéployer, d'une part parce que les systèmes d'information ne permettent pas de mesurer exactement le coût des dysfonctionnements, d'autre part parce qu'on n'a pas défini jusqu'à quel degré d'utilité on est capable de dépenser les moyens.

M. Pierre Morange, coprésident : Ce qui nous ramène effectivement à des questions d'ordre déontologique et aux valeurs que se donne une société.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous modifié votre politique d'achats en général, et celle des médicaments et des dispositifs médicaux implantables (DMI) en particulier ?

M. Yves-Jean Dupuis : Nous avions de longue date incité les établissements à se rapprocher des hôpitaux publics ou d'autres établissements de la FEHAP pour optimiser les achats, mais ils n'y ont jamais été contraints. S'agissant particulièrement des médicaments, les relations avec les fournisseurs varient selon la taille des établissements et les types d'activité et, en fonction des prix qui leur sont faits, il n'est pas certain que tous les établissements, même si nous les y incitons, aient intérêt à se regrouper. Nous sommes favorables à l'intégration des médicaments onéreux et des dispositifs médicaux implantables dans les tarifs, à condition qu'il s'agisse d'une intégration raisonnée et que l'on ait eu le temps de procéder à des expérimentations permettant d'en mesurer l'impact.

M. Jérôme Antonini : Nous sommes favorables au principe de la convergence, mais la mesure d'impact de l'intégration des DMI dans les tarifs n'a pas été faite, et l'on n'a pas tenu compte de ce que les techniques chirurgicales sont très diverses. Ces loupés méthodologiques risquent de désenchanter ceux des professionnels qui étaient les plus chauds partisans de la réforme, laquelle leur paraissait plus équitable dans l'allocation des ressources et facteur d'une plus grande efficience du système de santé.

M. Yves-Jean Dupuis : Ainsi, en 2005, le ministre a demandé à l'ensemble des établissements d'économiser 10 % sur les achats. Cette demande a eu un impact catastrophique. Elle a été très mal ressentie dans nos établissements, qui avaient déjà réalisé les économies nécessaires et qui se sont trouvés devoir rogner sur l'essentiel. Dans ce domaine comme dans les autres, il faut tenir compte de ce qui avait déjà été fait.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La FEHAP est très présente dans les soins de suite ou de réadaptation (SSR) et en psychiatrie. Comment faire pour que l'extension de la tarification à l'activité à ces secteurs se passe bien ?

M. Yves-Jean Dupuis : En premier lieu, que les propositions transmises à la DHOS par nos commissions spécialisées soient prises en considération ! Nous souhaitons que l'application de la tarification à l'activité à ces secteurs soit plus réfléchie, que la réforme ne soit pas enclenchée sans que sa validité ait été testée dans les établissements. Nous demandons une année d'évaluation à blanc, qui permettra une analyse critique et les correctifs nécessaires avant la généralisation du dispositif.

M. Jérôme Antonini : Si l'on étend la tarification à l'activité à la psychiatrie et aux SSR, il faudra éviter de reproduire ce qui a été fait jusqu'à présent. En particulier, on ne peut construire un modèle tarifaire uniquement sur les actes techniques. Les soins de suite comprennent notamment des missions de réinsertion qui conduisent par exemple les professionnels à se rendre au domicile du patient pour voir comment le logement est adapté à son handicap. Toutes les missions de ce type doivent être reconnues et intégrées dans la tarification. Il faut d'autre part créer des référentiels solides permettant d'évaluer la qualité de la prise en charge professionnelle. Enfin, le financement devra sûrement être mixte, une part étant liée à l'activité, l'autre rémunérant les responsabilités liées à la sectorisation, puisqu'il faut assurer la continuité de la prise en charge psychiatrique.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous des suggestions particulières à formuler pour la rémunération des MIGAC et des missions d'enseignement, de recherche, de recours et d'innovation (MERRI) ?

M. Yves-Jean Dupuis : En psychiatrie, nous n'en sommes pas encore aux MERRI, car il faut trouver un outil de mesure, et toutes sortes de questions se posent qui n'ont pas trouvé de réponses à ce jour, si bien qu'il n'y a pas de points de vues réellement convergents. Nous sommes donc moins pressés pour la psychiatrie que pour les SSR.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Que retenez-vous de l'impact qu'a eu la tarification à l'activité dans les pays voisins ?

M. Yves-Jean Dupuis : Nous avons constaté que plusieurs phases se succèdent : la période de mise en place est suivie d'une dérive des coûts, puis un tassement se produit. Ce qui est préoccupant en France est l'absence d'instrument de mesure. Les dérives qui nous sont reprochées sont bien davantage dues au manque de contrôle dans l'organisation de la tarification qu'à nos établissements qui, globalement, ont créé les meilleurs instruments possibles pour répondre le mieux possible aux attentes des usagers et à celles du tarificateur. Il faut tenir compte des dérives constatées à l'étranger, mais aussi du fait qu'ensuite l'augmentation des coûts s'est stabilisée. Aussi faut-il éviter de procéder, pour prévenir la répétition potentielle d'une dérive des coûts, à des réductions budgétaires importantes. C'est ce qui s'est passé cette année, après que l'on eut mis en avant l'évolution en volume des activités, par prélèvement d'une partie de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) hospitalier. Si, de ce fait, certains de nos établissements ne reçoivent leurs crédits qu'en fin d'exercice, ils auront déjà dû licencier.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie. Nous vous invitons à nous transmettre toutes propositions d'améliorations qui compléteraient nos échanges.

AUDITIONS DU 31 MAI 2006

Audition de M. Olivier Toma, président du Syndicat des cliniques spécialisées (SCS)

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous demanderai tout d'abord comment on vous avait présenté la tarification à l'activité dans les établissements de santé (T2A) et ce que vous en attendiez.

M. Olivier Toma : La T2A nous avait été présentée comme un système plus équitable pour le monde de l'hospitalisation en général et pour les cliniques en particulier puisque le Président de la République avait dit que les établissements seraient financés en fonction de tarifs établis sur la base des coûts de revient, sur les coûts de réalisation des actes, et qu'à terme il y aurait une rémunération identique pour l'hospitalisation publique et les cliniques privées.

Mais l'aventure a rapidement mal tourné, et j'imagine que je ne suis pas le premier à vous dire que la mise en place de la T2A a été totalement chaotique. Changer de tarification au mois de mars entraîne nombre de problèmes par la suite. Il est ainsi quasiment impossible de tenir des tableaux de bord comparés d'une année sur l'autre. J'ajoute que, contrairement à ce qui est dit, il n'y a absolument aucune concertation et que l'on apprend souvent du jour au lendemain ce qui doit être mis en œuvre. Ainsi, on nous a donné le 28 février 2005 les tarifs à appliquer le 1er mars ! On imagine comme il est facile de gérer une entreprise de la sorte... Cette année encore, on nous annonce 1 % de diminution de manière globale ce qui est totalement faux : c'est beaucoup plus que cela, car tout dépend du « mix » d'activités qu'on peut avoir. Je vous fournirai tous les chiffres à ce propos.

Le bilan montre donc un manque de pilotage et de concertation qui perdure. Vous trouverez un certain nombre d'exemples dans le document que je vous ai fourni. Ainsi, depuis le 15 mars 2006 et avec la nouvelle liste des groupes homogènes de séjour (GHS), certains petits actes de dermatologie ne peuvent plus être facturés en établissement privé. Les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) nous disent qu'ils doivent être accomplis en cabinet, tandis que les dermatologues affirment qu'un risque septique et anesthésique l'empêche. Finalement, les actes sont bien accomplis en clinique, qui fournit le bloc opératoire et le personnel médical, mais sans aucune rémunération puisque l'établissement ne peut rien facturer. Et quand on s'adresse à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ou au ministère de la santé, ils bottent en touche ou ne répondent pas.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pourrez-vous nous donner des chiffres très précis et nous indiquer quelles lésions ne peuvent plus être opérées ?

M. Olivier Toma : Je vous transmettrai les résultats de l'étude que nous avons réalisée à ce propos avec le syndicat des dermatologues.

Autre illustration caricaturale du manque de concertation : auparavant, lorsque le patient qui était sur la table d'opération devait subir un deuxième acte, il était possible de le facturer, divisé par deux ; aujourd'hui, c'est impossible, et tant pis si cela doit entraîner des comportements illogiques dans le monde médical. On nous parle de contrôle et de sanctions, mais il n'y aurait pas de dérapage si le système était bien fait au départ ! Voilà deux ans que nous demandons la reconnaissance du deuxième acte mais nous n'avons aucune réponse.

Autre exemple : si l'idée de rémunérer un acte au GHS par forfait est une bonne chose en soi, à laquelle nous ne sommes pas hostiles, on ne fait plus aujourd'hui la différence entre un accouchement avec et sans péridurale. On nous parle de « plan de prise en charge de la douleur » mais on refuse de reconnaître que le coût n'est pas du tout le même. La décision comptable stupide serait de renoncer à toute péridurale. Ce n'est évidemment pas la bonne, mais il est aberrant de ne pas pouvoir distinguer deux actes en fonction de leur qualité.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous mettez donc en évidence les actes pour lesquels la T2A est susceptible d'entraîner des situations contraires à l'intérêt du patient.

M. Olivier Toma : Absolument. Je peux vous donner l'exemple très simple de l'opération des varices : aujourd'hui si vous traitez les deux jambes, vous n'êtes payé que pour une. La mauvaise logique consiste alors à réhospitaliser, réanesthésier, réopérer...

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Et quand vous faites savoir cela, par exemple à la Mission T2A (MT2A), quelles sont les réactions ?

M. Olivier Toma : Les réactions sont toujours les mêmes depuis deux ans : on botte en touche en nous disant qu'on attend les résultats de l'étude nationale de coûts. Or cette étude a déjà beaucoup de plomb dans l'aile. L'établissement qui m'emploie y participe et je puis vous dire qu'il s'agit d'un travail énorme car passer à la comptabilité analytique sur des actes chirurgicaux est extrêmement complexe. On devait avoir les résultats en novembre 2005, puis en février 2006, puis en avril et on - « on », c'est-à-dire la Direction de l'hospitalisation et l'organisation des soins (DHOS) aussi bien que le cabinet INEUM Consulting, chargé de l'étude - nous dit maintenant qu'on ne les aura pas en 2006. Cela signifie que nous aurons peut-être en 2007 les résultats d'une étude basée sur les chiffres de 2004, ou au mieux de 2005.

On prétend que cela tient au fait que les cliniques n'ont pas fourni les éléments en temps et en heure, alors que je sais fort bien que nombre des établissements qui sont dans l'étude, dont le mien, ont donné tous les renseignements. Mais la méthode de recueil des données n'est pas au point et ils n'arrivent pas à s'en sortir. Pourtant, il existe d'autres études, avec des résultats sur l'ensemble des 750 groupes homogènes de malades (GHM), mais dont personne ne veut entendre parler. C'est le cas de celle qu'a réalisée le cabinet CTC Conseil, qui repose pourtant sur la méthodologie édictée par le ministère de la santé.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Que vous demande-t-on exactement : de fournir, sur une certaine durée, toutes les données dont vous disposez sur les actes accomplis dans des cliniques volontaires pour participer à l'étude ? Les informations sont-elles fournies sur papier ou par l'Internet ?

M. Olivier Toma : Les cliniques ont été choisies par la DHOS, même si certaines ont fait acte de candidature parce qu'elles disposaient déjà d'une comptabilité analytique.

S'agissant de données comptables établies souvent à partir des mêmes logiciels, elles peuvent aisément être transmises par l'Internet.

Sur un échantillon de 50 cliniques, peut-être 10 n'ont pas respecté les délais parce qu'il s'agit vraiment d'un exercice très lourd, mais le cabinet CTC est bien parvenu à mener une étude sur 100 établissements privés.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Cette étude a-t-elle été effectuée à votre demande ?

M. Olivier Toma : Non. Le cabinet CTC, qui a monté avec la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) un Observatoire économique des cliniques, a demandé aux établissements qui y figurent s'ils souhaitaient aussi participer à une étude des coûts, sur la base de la méthodologie du ministère.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Lors de leur audition, les représentants de la FHP ne nous ont pas parlé de cette étude.

M. Olivier Toma : Elle confirme que la T2A n'est pas acceptable si elle n'est pas basée sur la réalité des coûts de revient. On a une base de tarifs qui repose sur une étude de coûts dans le secteur public - c'est très bien -, mais pas dans le secteur privé. Or, établir des tarifs sans tenir compte de la réalité des coûts, c'est une faute de gestion !

J'ai apporté les chiffres pour 20 GHM traceurs, c'est-à-dire pour des actes effectués en grande quantité. Nous avons intégré les honoraires des médecins, afin de pouvoir véritablement comparer les tarifs accordés au secteur public et au secteur privé. Le problème n'est pas l'échelle des tarifs mais le fait que, sur 20 actes, 14 sont rémunérés au-dessous de leur coût de réalisation.

Prenons l'exemple de l'accouchement, qui est un acte qui nous tient à cœur, puisque le secteur privé en réalise encore 250 000, soit plus de 30 % des naissances. Selon l'étude réalisée en novembre dernier à la demande du ministère de la santé par le cabinet INEUM, un accouchement normal par voie basse - soit 80 % de l'obstétrique française - qui respecte les normes, les textes et la qualité de la prestation, coûte aujourd'hui 2 300 euros à une clinique, hors honoraires. Ce coût intègre tout ce qui fait le compte d'exploitation d'un établissement de santé : la main-d'œuvre - qui représente environ la moitié des dépenses dans le secteur hospitalier - les médicaments, les consommables, l'hôtellerie pour une durée moyenne de séjour de 4,5 à 5 jours, et tout ce qui a trait au bâtiment. Or, en tant qu'établissement de santé, nous sommes payés 1 700 euros. Au vu de ces chiffres, le ministère nous a accordé ce que j'appellerai davantage une discussion qu'une véritable négociation, qui a abouti, après des mois de réunions, à l'annonce d'une revalorisation de 60 euros du GHS du nouveau-né.

Mais cela ne peut pas marcher ! En effet, si faute d'une rémunération suffisante des établissements privés ferment, cela entraîne un report vers les établissements publics ou le même acte est rémunéré 1 000 euros de plus. Prenons l'exemple de la ville de Béziers, où je travaille : mon établissement réalise 1 500 accouchements par an, et si nous fermons - car nous sommes dans une situation économique dramatique, au bord du dépôt de bilan -, les patientes iront à l'hôpital d'en face, pour un surcoût d'exploitation de 1,5 million d'euros par an, sans même parler du coût de la construction d'une trentaine de chambres et d'un nouveau bloc d'obstétrique.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Disposez-vous de comparaisons poste par poste entre le public et le privé ?

M. Olivier Toma : Nous pouvons vous dire exactement comment se décomposent les 2 300 euros dans le privé, mais absolument pas effectuer de comparaisons avec le public. Notre discours ne se veut pas polémique vis-à-vis de la rémunération de l'hôpital public et nous comprenons tout à fait qu'il puisse y avoir des rémunérations différentes. Le problème est que quand on nous parle de convergence, il faut converger vers le coût de réalisation de l'acte.

Nous sommes d'ailleurs de ce point de vue dans une relation conflictuelle avec le corps médical. Nous avons récemment écrit à la CNAMTS pour lui demander des précisions sur la part que représente la rémunération du praticien dans l'acte CCAM (Classification commune des actes médicaux) et dans le forfait GHS de l'établissement. Je vous lis sa réponse : « La répartition des charges entre les médecins et l'établissement relève exclusivement de la relation contractuelle entre le médecin et l'établissement (...) et ne modifie(nt) en rien la situation antérieure. Le coût de la pratique qui couvre les charges incombant en propre au praticien, directement ou indirectement, pour réaliser son activité a été évalué à partir des données observées. (...) Les coûts liés à l'introduction de nouvelles techniques seront dorénavant intégrés aux GHS ». Mais personne ne sait comment et nous pouvons vous dire que c'est même totalement faux ! Aucune nouvelle technique médicale, aucun nouveau procédé n'entraîne de réévaluation du GHS.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pour la sécurité sociale, il y a facturation de 1 760 euros pour l'accouchement, plus le remboursement des honoraires des praticiens. Y a-t-il en plus un forfait de bloc opératoire ?

M. Olivier Toma : Les 1 760 euros représentent le forfait global sans rien de plus. Quant aux honoraires, en prenant en compte un taux de 100 % de péridurales, on arrive à 650 euros tout compris : médecin, gynécologue, anesthésiste, échographiste, pédiatre. Le coût global pour l'assurance maladie d'un accouchement réalisé dans le secteur privé est donc aujourd'hui de 2 410 euros. Le coût du même accouchement à l'hôpital public est de plus de 3 300 euros. Tout transfert de l'activité du premier vers le second entraînerait donc une forte augmentation des dépenses.

S'agissant de la prise en compte des nouvelles techniques médicales, on peut prendre l'exemple des implants multifocaux qui permettent, au moment de l'opération de la cataracte, de traiter aussi la presbytie. C'est une avancée extraordinaire, mais le GHS n'existe pas. Et quand vous vous tournez vers la CNAMTS ou vers la DHOS on vous répond « pour l'instant c'est comme ça ». L'implant pour la cataracte coûte entre 120 et 180 euros, inclus dans le GHS. L'implant multifocal coûte 400 euros.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : En ce qui concerne les dispositifs médicaux (DMI) implantables, quelle est la situation du public et du privé ?

M. Olivier Toma : Pour la partie facturée en T2A par l'hôpital public, une nouvelle liste de GHS a été édictée, dans laquelle sont inclus les dispositifs implantables.

Mais c'est aussi un domaine où l'on s'est moqué de nous. On nous a annoncé des augmentations tarifaires très importantes au 15 mars, par exemple de plus de 27 % pour l'opération du genou. Mais dans la mesure où on y inclut un dispositif implantable à hauteur de 716 euros, en réalité le GHS diminue de 24 % ! Quand on nous dit que les GHS ont été calculés sur des coûts moyens constatés, c'est complètement faux !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : On nous a dit qu'il y avait de grandes différences de coûts entre les prothèses de hanche, sans que cela apparaisse justifié. En revanche, entre un dispositif implantable simple pour la cataracte et un autre qui traite en même temps la presbytie, on peut comprendre qu'il y ait un surcoût. J'aimerais connaître votre sentiment sur les écarts de prix pratiqués d'un établissement à l'autre.

M. Olivier Toma : Dans la mesure où les achats d'un millier d'établissements passent par deux centrales - CAPE et Club H - et où tout est négocié au niveau national pour l'ensemble de nos matériels, qu'il s'agisse d'une prothèse ou d'une chaise, il n'y a pas de tarifs différents selon les établissements.

Les chirurgiens font clairement la différence de qualité entre tel ou tel matériel. Mais d'autres facteurs peuvent intervenir. Par exemple, pour le traitement de la cataracte, des ophtalmologistes nous disent que poser un anneau intra-capsulaire en plus de l'implant garantit un bien meilleur résultat. Mais cela représente un surcoût de 182 euros, que l'on ne prend absolument pas en compte dans la fixation des tarifs. Pour ma part, je suis bien incapable de vous dire si le surcoût est justifié.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous été associés au départ à la détermination des GHS ?

M. Olivier Toma : Pas du tout. Dans la mesure où notre syndicat n'est pas reconnu par la FHP, le ministère est ravi d'une situation qui nous empêche de faire des vagues... Non seulement nous ne sommes pas associés, mais on ne tient absolument pas compte des études que nous produisons. Or il est grave de prétendre que le secteur privé se désengage de l'obstétrique, alors que c'est l'État qui nous prive des moyens de continuer à faire un travail de bonne qualité, ce qui va à l'encontre d'une bonne économie de la santé publique.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Où en êtes-vous du processus de mise aux normes dans le cadre du plan périnatalité, qui pèse lourdement sur les comptes d'un certain nombre de cliniques ?

M. Olivier Toma : La plupart des établissements sont aujourd'hui aux normes. Hélas dirais-je, car la Cour des comptes a considéré ces normes comme peu réalistes, l'État n'ayant pas les moyens de les appliquer. En effet, l'État nous impose des normes en matériel, personnel, dispositifs médicaux tout en fixant un tarif à un niveau bien inférieur. C'est totalement incohérent !

L'an dernier, on a annoncé un plan périnatalité de 270 millions d'euros précisément pour la mise aux normes des établissements, publics et privés. Nous avons donc fait auprès de chaque agence régionale de l'hospitalisation des demandes au prorata de l'activité des établissements. Mais on nous a partout répondu que la totalité de l'enveloppe disponible avait été attribuée au secteur public pour sa mise en conformité. Outre le problème financier, à l'heure où l'on nous parle de partenariat, de coopération public-privé, où on nous dit que les professionnels de santé devraient travailler main dans la main, comment cela serait-il possible lorsque des établissements concurrents sont rémunérés 1 000 euros de plus par accouchement, qu'ils perçoivent des subventions dans le cadre du plan périnatalité et qu'ils sont les grands bénéficiaires des missions d'intérêt général (MIG), puisque, sur les 4,671 milliards d'euros attribués l'an dernier, les établissements privés n'ont reçu que 14 millions. Cela signifie qu'alors que nous assurons la moitié des soins MCO (médecin-chirurgie-obstétrique, dont 30 % pour cette dernière) dans notre pays, nous ne nous voyons affecter que 2 % des MIG. Et on nous annonce cette année une diminution de 1 % des GHS et une augmentation des MIG de 12 %...

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le secteur public justifie cela par le fait que c'est lui qui supporte l'enseignement, qui participe à la recherche, qui accueille les publics très défavorisés. Qu'avez-vous à répondre ?

M. Olivier Toma : S'agissant des publics défavorisés, nous traitons les gens exactement de la même façon que l'hôpital public : quand quelqu'un vient pour se faire opérer ou pour accoucher, nous ne lui demandons pas s'il a une carte Visa Premier ou s'il est au RMI... 46 % des bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) sont traités dans le secteur privé.

S'agissant de la formation, il ne faut pas oublier que les établissements privés accueillent en stage les infirmières des instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Une clinique de 100 lits assure ainsi 14 000 heures de formation des élèves infirmiers, sans compter le temps que leur consacrent le ou la chef de service et les autres infirmiers. Si le secteur privé renonce demain à ces stages, plus un seul IFSI ne fonctionnera.

Nombre de choses qui font partie du cœur des MIG sont faites dans le secteur privé. Pourtant, j'attends encore la réponse aux demandes de MIG que mon établissement a déposées l'an dernier. Nous sommes pourtant plutôt cohérents dans notre démarche globale puisque l'établissement est accrédité et certifié, mais on ne nous répond pas.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous sommes contraints par le temps. Aussi, je vous propose de parler maintenant de l'indice santé que vous proposez de créer. Nous en viendrons ensuite au pilotage, en particulier à vos relations avec les ARH.

M. Olivier Toma : Nous proposons en effet la création d'un indice santé, qui s'appuierait sur une liste de GHS basée sur les coûts et qui tiendrait compte de l'évolution annuelle des charges. J'ai apporté un certain nombre de chiffres quant à l'augmentation des charges de nos comptes d'exploitation en 2005 et en 2006 : fioul respectivement + 39 % et + 23 % ; gaz + 3 % et + 8 % ; eau + 5 % et + 17 % ; déchets 0 et + 33 % en raison de l'obligation pour les centrales de traitement des déchets contaminés de se mettre aux normes européennes ; oxygène + 7 % et + 7 % ; produits frais en cuisine + 15 % en 2006 ; responsabilité civile + 40 % en 2005 et + 40 % en 2006 ; ensemble des contrats de maintenance + 3 % et + 3 % ; maintenance des ascenseurs + 7 % et + 7 %.

Et je ne compte ni l'impact des 35 heures ni celui de cette très belle idée qu'est la journée de solidarité, qui nous impose depuis le 1er juillet 2004 une surtaxe de 0,30 % de la masse salariale, alors que nous avons toujours travaillé le lundi de Pentecôte. Quand on sait que la masse salariale représente au minimum la moitié de nos dépenses, on mesure l'importance de cette charge. J'ajoute qu'au 1er janvier 2006, la cotisation vieillesse a augmenté de 0,20 %.

Nous assistons donc à une forte augmentation de nos charges, la plupart du temps sans que nous puissions négocier avec des fournisseurs en situation de monopole. Et on voit le risque qu'il y aurait à fonder les tarifs sur une étude des coûts réalisée en 2004. C'est pourquoi nous souhaitons inventer un système qui fasse évoluer les tarifs en fonction notamment de l'évolution des charges, mais aussi bien sûr des techniques.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je vous propose donc d'en venir au pilotage. Comment recueille-t-on les données ? Comment les établissements les communiquent-elles à la CNAMTS et à la DHOS ?

M. Olivier Toma : La CNAMTS dispose des factures et, dans la mesure où nous sommes à 100 % de T2A, elle sait exactement combien d'actes a effectués un établissement donné et quelle est la répartition entre les 750 GHS.

M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous le sentiment que la maîtrise de la codification des actes suivant la nouvelle nomenclature est parfaitement assurée ? Car nous avons cru comprendre, au cours d'auditions précédentes, que tel n'était pas tout à fait le cas dans certains établissements du secteur public. Cette impression est-elle partagée dans le secteur privé ? Cela a-t-il une incidence sur le fonctionnement de vos établissements ?

M. Olivier Toma : Au départ on a fait n'importe quoi : quand on vous annonce le 28 février vos nouveaux tarifs pour le 1er mars... ! Les conditions de facturation ne sont plus du tout les mêmes qu'auparavant : il a fallu mettre des secrétaires dans les blocs opératoires pour saisir immédiatement la totalité des actes réalisés. Mais cela n'a pas modifié en profondeur l'organisation des établissements dans la mesure où nous étions déjà payés à l'acte, et au bout de deux ans les choses fonctionnent correctement. Bien évidemment, nous cherchons la meilleure codification pour éviter de perdre des sommes trop importantes sur certains actes.

M. Pierre Morange, coprésident : On a fait état à plusieurs reprises devant nous de problèmes liés à la collecte des informations, que cela tienne à la nouvelle nomenclature ou à un système informatique peu opérationnel ou vieillissant dans le parc hospitalier public. Êtes-vous confrontés aux mêmes difficultés ?

M. Olivier Toma : Pour l'instant, cela fonctionne très bien. Dans la mesure où, pour être payés, nous devons être capables de facturer rapidement, nos fournisseurs informatiques se sont mobilisés comme l'ensemble de la profession. Nous avons pris au début deux à trois mois de retard de facturation, qui ont failli conduire mon établissement à cesser son activité. Mais nous avons embauché du personnel et tout est rentré dans l'ordre. Le problème auquel nous sommes confrontés, et que j'ai déjà évoqué, est plutôt de savoir ce qu'on met dans un GHS.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous avez des établissements sur l'ensemble du territoire, qui relèvent tous de la T2A. S'agissant du pilotage régional, quelles sont vos relations avec les ARH ? Observez-vous des différences entre les régions ?

M. Olivier Toma : Il y a 22 directeurs ou directrices d'ARH et donc, bien évidemment, des approches différentes. Mais, même si chacun gère sa région comme il le souhaite, ils sont sous l'autorité du ministère et contraints par les budgets alloués à chaque spécialité. Dans ces conditions, on peut tenir toutes les réunions que l'on veut sur les coûts dans les régions, au bout d'un moment la seule solution est de faire remonter la demande à Paris.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Êtes-vous favorable à un renforcement du rôle des ARH, notamment en ce qui concerne la tarification et les crédits ou préférez-vous un traitement national ?

M. Olivier Toma : Si l'on renforce les ARH, il faut que ce soit dans le cadre d'une politique nationale de santé publique connue de tous. Ce n'est pas le cas aujourd'hui : il n'y a pas de logique entre la politique annoncée et la réalité du terrain. Quand nous menons un travail d'éducation à la santé, quand nous engageons des actions destinées à améliorer la santé publique, on ne nous répond jamais.

Ainsi, dans les trois régions pilotes pour le dépistage précoce de la surdité du nouveau-né, on constate que l'appareillage donne d'excellents résultats. En Languedoc-Roussillon, nous nous sommes engagés dans cette voie cette année et, grâce à ce dépistage, 10 enfants sur 1 500 naissances vont pouvoir être appareillés et retrouver ainsi une audition totale. Ce n'est pas rien, ni pour la qualité de leur vie à venir, ni en termes d'économies de dépenses de santé ! Or il n'y a aucune prise en charge de ce dépistage.

Donc, donner des responsabilités aux régions, oui, mais dans une transparence parfaite. Or, quand on nous dit que le plan périnatalité est doté mais que les ARH ne peuvent rien nous donner parce qu'elles ont tout distribué au secteur public, c'est regrettable et cela braque les acteurs sur le terrain. J'ai appris hier qu'en Languedoc-Roussillon, en plus de rémunérations à l'acte importantes, 21 millions d'euros de MIG avaient déjà été distribués au secteur public. Pourquoi ? Comment ? Qui a donné les ordres ?

SCS a écrit en recommandé aux 22 ARH pour leur demander la répartition des MIG entre le public et le privé, nous n'avons reçu que deux réponses. Personne ne serait capable de nous dire comment, à qui et sur quels sujets ont été distribués l'an dernier les 4,671 milliards de MIG ?

Je vais vous donner une illustration concrète de nos relations avec la tutelle : j'ai reçu le 15 août dernier un courrier de l'ARH me donnant jusqu'au 30 août pour renvoyer mon dossier de demande de MIG. Même si demander cela à cette date revient à se moquer du monde, nous nous sommes exécutés : j'attends toujours la réponse !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous des propositions à faire en vue de la simplification du système ?

M. Olivier Toma : Le système de tarification à l'activité n'est pas compliqué et il fonctionne.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La mission conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF) a quand même parlé de « sur-raffinement de la tarification ». Pour vous, ce n'est pas un problème ?

M. Olivier Toma : Non. Désormais, la tarification à l'activité est acquise. Bien sûr, le système n'est pas parfait : en raison d'un bug informatique sur la rémunération de l'orthopédie, pendant tout le mois d'août dernier nous n'avons plus été payés pour les prothèses de hanche.

Simplifier le système consisterait à nous donner la possibilité de disposer d'une vision à moyen terme. Aujourd'hui, nous pilotons des bateaux sans aucune visibilité : comment préparer un plan d'investissement dans ces conditions ? D'autant que je vous ai montré à quel point les charges augmentaient et que nous savons bien que dans la santé les investissements sont lourds, qu'ils soient immobiliers ou matériels.

On parle beaucoup de subventions, maintenant du plan « Hôpital 2012 ». Une nouvelle commission de l'investissement va être créée. Mais si un acte coûte 1 000 euros à réaliser, que ce soit dans le secteur public ou privé, il faut qu'il soit payé 1 000 euros, alors qu'aujourd'hui il est payé entre 500 et 3 000 euros par l'assurance maladie. Et on continue dans cette logique.

Au lieu de s'engager dans la seule voie qui permettrait de réaliser des économies de santé publique en laissant les établissements réaliser des actes s'ils ont de la demande et s'ils sont efficients et en les rémunérant pour cela, on est en train de faire exactement l'inverse dans le cadre des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS), en fixant des quotas par l'intermédiaire de ce nouveau « machin » que sont les objectifs quantifiés de l'offre de soins (OQOS). Cela empêche tout développement d'un établissement : si vous embauchez aujourd'hui un jeune chirurgien, il ne pourra pas s'associer demain puisque vous serez contraint par votre quota, avec des sanctions en cas de dépassement. C'est un système soviétique ! Cela va aller à l'encontre des économies de santé : on va m'empêcher de pratiquer des accouchements à 2 300 euros pour qu'ils aient lieu en face à 3 400 euros ! Continuons de la sorte et les dépenses d'assurance maladie vont exploser !

Si je prends position auprès de l'ARH pour créer un service de soins palliatifs car je suis dans la seule région où il n'en existe aucun, le dossier que je déposerai au comité régional d'organisation sanitaire (CROS) fera l'objet d'une étude administrative, mais d'aucun examen médico-économique. C'est n'importe quoi ! Quand on crée un service il faut bien tenir compte du critère économique : si en répondant aux normes de qualité pour l'accréditation je suis plus économique qu'un autre établissement, je ne vois pas pourquoi on favoriserait ce dernier.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous êtes donc pour une convergence vers le plus efficient et non vers la moyenne.

M. Olivier Toma : Je suis dans une logique de convergence vers le coût. Car l'efficience telle qu'elle est présentée dans le rapport de l'IGAS est celle des établissements qui perdent de l'argent. Si l'efficience consiste à payer l'accouchement 2 300 euros, surtout pas ! Il ne faut ni emmener l'hôpital à ce niveau-là, ni nous fixer pour objectif de continuer à perdre autant d'argent.

Je reviens donc à l'idée qu'il faut soit « booster » l'étude nationale de coûts, soit en réaliser une autre, soit prendre celle de CTC Conseil qui existe. Mais continuer à ne pas tenir compte de ces coûts, c'est aller droit dans le mur et y rester car quand on ferme une structure, il n'est vraiment pas évident de la recréer.

L'étude FHP est celle qui a été réalisée par INEUM selon la méthodologie du ministère. Elle ne sort pas pour de fausses raisons et je crois en fait que personne n'a intérêt à ce qu'elle sorte. Mais il existe aussi cette étude réalisée par CTC Conseil sur 100 établissements, selon la même méthodologie. Je ferai en sorte qu'elle vous soit transmise rapidement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Faute de temps, nous nous voyons contraints de clôre cette audition. Il me restait un certain nombre de questions à vous poser et je me propose de le vous les faire parvenir par écrit afin que vous répondiez de même.

Merci pour votre exposé très complet ainsi que pour les documents que vous nous avez remis, qui stimuleront encore notre réflexion.

M. Olivier Toma : Un dernier mot pour déplorer qu'il n'y ait pas d'indice qualitatif dans la fixation des tarifs. Quand on demande au président de la Haute Autorité de santé si l'on pourrait allouer des ressources en fonction de la qualité de l'établissement, il répond : « Pour l'instant on ne le fait pas, on fait même l'inverse : celui qui est le plus mauvais est celui qui reçoit le plus d'argent pour être mis au niveau des autres »... Or c'est une erreur majeure car cela tire le système vers le bas.

*

Audition de Mme Isabelle Millet-Caurier, chargée des missions d'appui et de coordination, responsable de la cellule politique sanitaire et sociale à la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), accompagnée par M. Mathieu Cousineau, responsable du département information de santé et analyse de santé à la direction des garanties mutualistes et de l'assurance santé de la FNMF, et de Mme Jacqueline Hubert, directrice de la clinique mutualiste Jules Verne à Nantes

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale.

Je vous propose que nous envisagions la tarification à l'activité (T2A) des établissements de santé sous l'angle de la Mutualité française, d'une part en tant que partenaire du ministère de la santé, d'autre part en tant que gestionnaire d'établissements.

J'aimerais tout d'abord savoir si vous avez été associés à la mise en oeuvre de la T2A.

Mme Isabelle Millet-Caurier : Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Daniel Lenoir, directeur général de la FNMF, qui ne peut malheureusement participer à cette audition.

Vous connaissez l'attachement de la Mutualité française à la qualité du système de santé. Ce sera d'ailleurs un des sujets essentiels de notre congrès qui se tiendra la semaine prochaine à Lyon avec pour thème central le parcours de santé mutualiste, dont l'objectif prioritaire est la recherche de la qualité du système de santé et de la prise en charge de ses usagers.

Dans le champ de l'hospitalisation, un établissement est de qualité s'il satisfait le besoin de ses clients et de ses utilisateurs, en respectant les normes de sécurité, d'efficacité et d'efficience. Et quand on parle d'efficience, on a bien sûr immédiatement à l'esprit la notion de bonne utilisation des moyens.

Dans ce contexte, la T2A est bien évidemment un sujet important d'observation et, sous certains aspects, de préoccupation pour la Mutualité.

Avons-nous été associés à sa mise en place ? Oui, en partie. La Mutualité française a pris publiquement position en faveur de la mise en œuvre de ce dispositif, au regard de son principe d'adaptation des moyens à l'activité et de son objectif de plus d'équité et d'efficience du système. La Mutualité française est donc clairement favorable à la T2A et à l'évolution des modalités de financement liée au nouveau dispositif.

Pour autant nous avons, comme d'autres acteurs du système, observé les risques de dérive du dispositif, sur lesquels nous sommes vigilants : risque de dérive inflationniste liée à la progression de l'activité, qui peut être combattu par l'amélioration qualitative et quantitative du codage des actes ; risque de sélection.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Des informations à ce propos sont-elles déjà remontées jusqu'à vous ?

Mme Isabelle Millet-Caurier : Nous avons trop peu de recul pour le dire. Nous observons certaines évolutions, en particulier en ce qui concerne la cotation d'un certain nombre d'actes et de séjours, mais il serait prématuré de conclure à un lien avec une approche sélective de la clientèle.

Il existe également un risque que l'on cherche à limiter les coûts en réduisant la durée des séjours. Mais là aussi, nous manquons de recul pour parler de sorties précoces.

L'ensemble de ces risques peut avoir un impact sur la qualité des soins, qu'il faudra évaluer avant d'envisager éventuellement une régulation du système.

Comme vous l'avez proposé, je suggère que nous abordions à la fois le point de vue de la Mutualité française en tant qu'assurance maladie complémentaire et gestionnaire du premier réseau d'établissements de santé.

En tant qu'assureur complémentaire, nous pouvons d'ores et déjà formuler quelques remarques sur le système d'information relatif à la facturation. Dans les relations entre mutuelles et cliniques privées sous objectif quantifié national (OQN), nous disposons d'un bordereau de facturation qui est encore sous forme papier. La T2A a simplement conduit à faire évoluer ce bordereau, mais pas la nature de ces relations. Nous travaillons à une dématérialisation des flux avec ces établissements, car le système papier n'est satisfaisant, ni pour les couvertures complémentaires, ni pour les établissements. La dématérialisation permettrait d'accélérer la liquidation des prestations, au bénéfice des établissements, et d'améliorer la fiabilité.

Quelle que soit la forme du support de transmission, nous pointons les limites de l'exercice : nous ne disposons aujourd'hui, en tant que couverture complémentaire, que d'une information limitée, certes codée mais qui ne nous permet pas d'aller vers la politique de gestion du risque que nous appelons de nos vœux. Pour que l'assurance maladie complémentaire puisse réellement jouer son rôle dans le système de santé, il faudrait que nous ayons accès à une information plus détaillée, bien évidemment dans le respect de la confidentialité des informations de nature médicale, qui ne sont destinées qu'à l'assurance maladie obligatoire.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : À qui confiez-vous un éventuel contrôle ? Comment les choses se passent-elles en cas de contestation ?

M. Mathieu Cousineau : En ce qui concerne la facturation, dans le système actuel nous demandons à l'établissement de reproduire les éléments qu'il transmet à l'assurance maladie obligatoire. Le contrôle est donc opéré par cette dernière.

Mme Isabelle Millet-Caurier : En ce qui concerne les établissements qui ne sont pas régulés dans le cadre de l'OQN, c'est-à-dire qui étaient auparavant sous dotation globale, nous n'avons pas aujourd'hui de support de facturation. La facturation n'est donc pas standardisée : chaque établissement adresse le support de facturation à la couverture complémentaire des patients qu'il accueille. Là aussi nous recherchons une évolution vers des échanges électroniques, à partir d'une forme existante, toujours dans l'objectif d'améliorer la fiabilité de la transmission et d'accélérer la liquidation.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Les représentants des établissements privés nous ont dit que, compte tenu des conséquences que cela avait sur le paiement, ils avaient été extrêmement réactifs et qu'ils disposaient aujourd'hui d'un système informatique efficace. Partagez-vous ce sentiment ?

Mme Isabelle Millet-Caurier : Tant du côté des établissements et des fédérations, que nous avons rencontrés et avec lesquels nous avons passé accord, que du côté de la Mutualité, nous sommes prêts à avancer rapidement vers la dématérialisation des flux avec les établissements privés. Nous sommes plus en retard avec les établissements publics. Certes, nous avons eu un écho favorable de la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) sur le principe, mais l'actualité hospitalière est chargée et diverse et la dématérialisation paraît importante mais peut-être pas prioritaire dans les préoccupations du ministère. Je pense que nous allons y arriver, mais il reste encore à faire.

S'agissant du pilotage de la réforme et du système, nous sommes l'un des partenaires de l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (UNOCAM) et nous avons à cœur d'être plus largement associés à l'évaluation et à l'amélioration du dispositif T2A. Pour cela, nous souhaitons vivement être intégrés dans les instances de pilotage et d'évaluation au niveau ministériel et devenir membre du Conseil de l'hospitalisation. Pour l'instant, nous n'avons malheureusement pas été entendus par le ministère et par la DHOS.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous observé d'autres difficultés d'application, comme le « sur raffinement » dont parle l'inspection conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF) ?

Mme Isabelle Millet-Caurier : Je l'ai dit, nous n'avons que peu de recul sur un certain nombre d'effets systèmes. Nous mesurons toutefois, dès à présent, des évolutions en matière de tarification et de financement. Mais nous ne sommes pas capables de vous dire aujourd'hui si ce sont des effets ponctuels ou plus pérennes. Des établissements publics ou privés sous dotation globale ont déjà fait évoluer leur prix de journée du fait de leurs propres modalités d'évolution de tarification. La quote-part T2A, la quote-part dotation globale et la présentation de budgets en équilibre les ont amenés à revoir à la hausse les prix de journée qui sont parfois encore utilisées dans les établissements comme base de calcul des tickets modérateurs. Cela a un effet d'augmentation des dépenses des couvertures complémentaires qui prennent en charge le ticket modérateur. Nous ne sommes pas capables aujourd'hui de le mesurer globalement, mais le ticket modérateur, comme les 18 euros, auront à terme un impact sur les dépenses des couvertures complémentaires.

Mme Jacqueline Hubert : Je dirige la clinique mutualiste Jules Verne à Nantes, établissement de 300 lits - 250 en chirurgie et 50 en maternité - qui présente la particularité d'être né de la fusion de deux cliniques mutualistes et de deux cliniques ex-OQN. Cela signifie qu'au sein de la même entité, j'ai deux modes de financement : la T2A des établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH) et la T2A des ex-OQN.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelles sont les difficultés que vous avez ressenties pour la mise en place de la T2A dans la partie PSPH ?

Mme Jacqueline Hubert : Elles tiennent essentiellement aux grands changements dans la tarification, qui sont très rapides et peu annoncés. Depuis le 1er janvier 2006, nous sommes soumis à l'état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD). Les textes sont sortis très tardivement, les tarifs en mars et nous n'avons pas encore de retour quant aux EPRD que nous avions présentés à nos instances fin mars suite aux premières notifications de dotation annuelle complémentaire par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) : la fin juin approche et nous n'avons toujours pas de budget...

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous n'étiez pas établissement expérimentateur ?

Mme Jacqueline Hubert : Non.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quand avez-vous commencé à mettre en place la T2A ?

Mme Jacqueline Hubert : Notre établissement n'a que dix-huit mois d'existence, mais la mise en place date du 1er janvier 2004 pour tous les établissements PSPH.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : On nous a dit que des tarifs avaient été modifiés le 28 février pour une application le 1er mars, vous le confirmez ?

Mme Jacqueline Hubert : Tout à fait.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Du point de vue du fonctionnement, des médecins et des partenaires de l'établissement, la T2A a-t-elle été une révolution culturelle ? A-t-il fallu improviser ou bien avez-vous eu le temps de faire une formation et de sensibiliser votre personnel à ce nouveau mode de financement ?

Mme Jacqueline Hubert : On est un peu dans l'improvisation depuis le 1er janvier 2004, les textes sortent très tardivement et tout ceci nécessite bien une révolution culturelle. Nous travaillons avec des médecins salariés qui ne comprennent pas toujours l'intérêt du codage, ce qui défavorise les établissements. Dans les établissements ex-OQN, les médecins sont très sensibles au codage car leur rémunération y est liée, mais pour notre part nous subissons des retards et des mauvais codages. Nous devons donc mener un travail d'information sur le terrain. La communication sur l'EPRD a été très difficile dans la mesure où nous n'avons eu que très tardivement confirmation de leur mise en place. Or tout dépend des recettes que nous encaissons. Beaucoup d'établissements ont présenté des EPRD en déficit, les ARH vont-elles être capables d'élaborer des plans de redressement ? Et que se passera-t-il en fin d'année si les déficits sont confirmés ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Tous vos médecins sont salariés ?

Mme Jacqueline Hubert : Tous les médecins du côté PSPH.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Cela concerne le secteur à but non lucratif. Dans l'autre partie, comparable au secteur privé, les choses sont-elles plus faciles ?

Mme Jacqueline Hubert : Il s'agit en effet d'une clinique privée, avec des chirurgiens rémunérés à l'acte. Les choses sont donc infiniment plus simples : pour moi qui viens du public, passer dans le privé ex-OQN entièrement rémunéré à l'activité est extrêmement aisé puisque, lorsqu'on met en place une nouvelle activité, on est capable de prévoir le chiffre d'affaires donc d'engager les moyens correspondants. Le secteur PSPH est beaucoup plus compliqué dans la mesure où nous n'avons su qu'au dernier moment, avec la publication de la loi de financement, que le taux était fixé à 35 %, alors que nous espérions qu'il serait plus élevé. 65 % proviennent donc toujours de la dotation annuelle complémentaire, ce qui signifie qu'à chaque fois que nous voulons mettre en œuvre ou développer une activité, nous sommes dépendants des crédits de l'ARH, alors que les agences ont des moyens extrêmement limités. On a donc d'un côté un secteur qui peut se développer dans la mesure où il est facile d'anticiper le chiffre d'affaires, de l'autre côté c'est beaucoup plus difficile.

Ainsi, si je veux développer une activité de procréation médicalement assistée, je dépends totalement de crédits de l'ARH - qui n'arrivent pas -, alors qu'une clinique privée totalement à but lucratif peut le faire très aisément. Cela crée des déséquilibres entre les secteurs.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je suppose que la maternité est dans la partie PSPH, avec un tarif fixé par l'ARH ?

Mme Jacqueline Hubert : Absolument. Nous encaissons 35 % du séjour. Cette année les tarifs sont intéressants et nous sommes plutôt gagnants.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous aimerions que vous nous transmettiez des renseignements plus précis sur les tarifs, en particulier pour un accouchement par voie basse sans complication. En effet, nous avons reçu tout à l'heure un représentant des cliniques privées qui font encore l'obstétrique, qui s'est inquiété de la différence entre ce qu'il estime être le coût de l'accouchement dans ces établissements et celui qui est pratiqué dans les hôpitaux publics. Nous souhaitons donc pouvoir faire nous-mêmes la comparaison.

Pour vous, qui travaillez avec les deux types d'établissements et d'organisations, qu'est-ce qui justifie les différences de coût entre le public et le privé ?

Mme Jacqueline Hubert : C'est un terrain extrêmement sensible. D'ailleurs, peut-on vraiment dire qu'il y a des différences ? L'étude nationale des coûts prévoit des échelles différentes pour le public et pour le privé. Pour les ex-OQN, les honoraires sont à part des tarifs, tandis que le GHS qu'encaisse la clinique PSPH tout est compris, honoraires inclus. Les choses ne me paraissent donc pas comparables.

Vous parliez par ailleurs de sélection de clientèle. Bien sûr, je souhaite connaître mes coûts et développer la comptabilité analytique, et je devrais bientôt être en mesure de le faire. Nous avons en effet besoin de savoir sur quels séjours nous gagnons et sur quels séjours nous perdons : nous ne pouvons pas être perdants pour toute une filière de soins. Mais je crois vraiment que les établissements mutualistes sont attachés à accueillir tous les patients et refusent toute idée de sélection.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Dans ces conditions, comment, arriver à la convergence ?

Mme Jacqueline Hubert : Il faut arriver à une convergence de tarifs. Pour le vivre depuis six mois au sein de la clinique, je trouve qu'il est beaucoup plus facile de développer une activité et de motiver les médecins dans un secteur ex-OQN où l'on peut vraiment prendre des mesures, tandis que du côté PSPH on est freiné par l'obligation d'attendre que les moyens soient débloqués par l'ARH. Pourtant, nous sommes quand même sur la même enveloppe de l'assurance maladie ! Mais force est de constater que nous marchons à des rythmes extrêmement différents.

M. Pierre-Louis Fagniez : Quand on vous écoute, on voit bien que vous êtes issue du public et que vous travaillez avec des gens qui ont des cultures complètement différentes, mais aussi avec des abondements budgétaires de nature différente. Mais à vous entendre, on a l'impression qu'on n'arrivera jamais à la convergence, ne serait-ce que parce qu'on veut faire converger des personnels qui ne codent pas de la même façon. Et vous avez l'air de nous dire que le paiement à l'acte reste fondamental si l'on veut faire une très bonne gestion. Vous nous expliquez aussi que la comptabilité analytique fait défaut dans les hôpitaux.

Pensez-vous qu'on va s'en sortir en voulant rapprocher deux mondes qui resteront totalement différents et dont on va maintenir la distinction, ne serait-ce que par la tarification à l'acte ? Vous l'aurez compris, il s'agit d'une question politique, très importante pour nous.

Mme Jacqueline Hubert : Nous avons en effet deux types de médecins, les uns rémunérés à l'acte, les autres salariés. Dans ma clinique, après dix-huit mois de fonctionnement, je ne suis pas certaine d'être parvenue à insuffler une culture d'établissement, mais les choses se font, ce ne sont pas deux mondes qui ne communiquent pas : nous avons ce soir une commission médicale commune et nous arrivons à faire travailler les gens des deux types d'établissements sur les mêmes thèmes et à les rapprocher. Je pense qu'une partie de la rémunération des médecins doit être liée à l'intéressement et au développement d'activités.

Par ailleurs, je suis persuadée que, grâce à une politique de terrain et à de bonnes explications, on amènera les médecins PSPH à coder. Pour ma part, je vais régulièrement voir les médecins, avec nos spécialistes du département d'informatique médicale (DIM), pour leur expliquer l'intérêt du codage, et comment il faut coder, pour leur donner des outils. Pour cela, il est important que nous disposions de matériels spécialisés là où se font les actes, dans les blocs opératoires, dans les consultations.

Le problème est que nous avons à chaque fois peu de temps pour anticiper les réformes et j'avoue que communiquer sur la logique inversée de l'EPRD, qui veut qu'on établisse les dépenses en fonction des recettes, constitue quand même une révolution culturelle.

M. Pierre-Louis Fagniez : Vous avez, au sein d'un ensemble particulier mais qui a la même philosophie générale, deux groupes différents de praticiens. Le problème est de savoir comment se rapprocher de l'hospitalisation publique au travers des Missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC), qui ne pourront jamais être exactement les mêmes. D'ailleurs elles n'auront pas chez vous le même impact puisque vous n'allez pas faire des MIGAC différentes pour les PSPH et pour les autres.

Mme Jacqueline Hubert : Si. Mais pour l'instant, nous avons très peu de MIGAC.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je propose que nous voyions les MIGAC sous l'angle national, avec l'avis de la Mutualité française, avant d'en venir à l'application sur le terrain.

Mme Isabelle Millet-Caurier : Je souhaite revenir un instant sur le paiement à l'acte des professionnels de santé. Dans le cadre de la réflexion en cours sur la mise en place du parcours de santé mutualiste, indépendamment de l'offre qui y est liée, nous touchons du doigt la limite de ce paiement à l'acte et nous voyons que la réflexion sur l'évolution des modalités de financement est peut-être à resituer dans une approche plus globale.

Nous allons devoir trouver collectivement des solutions au problème de la démographie médicale : certes, il va falloir faire travailler ensemble des professionnels de santé issus d'entités juridiques différentes et avec des modes de fonctionnement différents, mais les coopérations et les rapprochements vont s'imposer puisque la démographie médicale nous obligera à trouver des moyens pour fédérer les structures et les professionnels.

Nous sommes encore dans une période charnière compliquée où nous nous demandons comment converger avec la T2A. Mais le contexte va nous amener à accélérer la réflexion parce que les rapprochements vont pousser à la convergence. Je pense donc que les solutions vont être assez rapidement étudiées et mises en œuvre et que le paiement à l'acte va évoluer. C'est une forte demande de la Mutualité, qui rejoint là l'assurance maladie obligatoire.

J'en viens aux MIGAC. Je crois qu'on a bien compris aujourd'hui leur raison d'être qui est liée aux missions spécifiques de certains établissements. Qu'il s'agisse des populations prises en charge, des missions assumées par les établissements, des normes techniques de fonctionnement, des positionnements dans la planification sanitaire, les établissements de santé assurent un service rendu à la population de plus en plus comparable. Donner à certains un financement spécifique impose que nous soyons tous très au clair sur cette spécificité. Tel ne nous semble pas le cas aujourd'hui, faute d'une vraie lisibilité des MIGAC.

Si l'on prend l'exemple de la recherche, la Fondation de l'avenir, rattachée à la Mutualité française, a recensé dans le mouvement mutualiste un grand nombre de projets de recherche et d'expérimentation en santé qui ne sont pas reconnus en tant que tels parce qu'ils sont assurés par des établissements qui n'ont pas le statut public mais celui de PSPH. De ce fait, bien qu'impliqués dans des dispositifs innovants, ils n'ont pas accès aux MIGAC. Cela montre qu'il faut bien davantage expliquer à quoi servent ces dernières.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : J'allais vous interroger sur l'augmentation importante des enveloppes de MIGAC, apparemment vous n'en avez pas profité...

Mme Isabelle Millet-Caurier : Très peu. Je pourrai vous faire savoir plus précisément sur quels éléments.

Mme Jacqueline Hubert : Nous en avons un peu bénéficié pour l'aide à l'investissement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : S'agissant de l'enseignement, j'imagine que vos établissements sont des lieux d'accueil pour les infirmières, les étudiants et les internes.

J'ose espérer par ailleurs, s'agissant de l'accueil des publics en difficulté, que la Mutualité se garde de toute pratique sélective.

Mme Isabelle Millet-Caurier : Il est évident que notre mouvement voit le parcours de santé mutualiste comme un facteur de lutte contre l'inégalité d'accès aux soins. Nous essayons, au travers de l'offre mais aussi des garanties et des couvertures que nous assurons, de favoriser l'égal accès aux soins : nous n'avons donc pas de sélection de clientèle au sein de nos établissements.

Mme Jacqueline Hubert : Je confirme que les MIGAC sont distribuées avec parcimonie. Il est compliqué de les obtenir, car cela suppose une comptabilité analytique très détaillée, qui permet par exemple d'identifier clairement les réseaux, la prévention, l'éducation. La clinique Jules Verne reçoit ainsi des MIGAC au titre de l'enseignement. Je demande aussi une aide à l'investissement, que je n'ai pas obtenue à ce jour.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment pourrions-nous proposer d'équilibrer le système de financement entre l'activité, les prestations supplémentaires, les dispositifs, les MIGAC ? Avez-vous des idées à ce propos, en particulier sur le rôle des ARH.

Mme Isabelle Millet-Caurier : Le dispositif T2A ne pourra être vécu de façon isolée. Pour équilibrer le système, il faut prendre en compte l'ensemble des volets, c'est-à-dire non seulement les modalités de financement, mais aussi la régulation régionale de la planification sanitaire et les schémas de troisième génération, ainsi que la négociation des contrats et la définition des objectifs par les établissements. La difficulté est aujourd'hui de combiner ces trois éléments afin de répondre à votre question.

On vit l'évolution de la tarification à travers les orientations nationales de l'assurance maladie ; on vit l'évolution de l'offre et de la planification à travers les schémas et les agences ; on vit la contractualisation également à travers les agences. Notre souhait est d'avoir plus de liens entre ces trois composantes, au sein des agences régionales de santé ou des missions régionales, afin de mieux adapter les moyens aux objectifs donnés aux établissements.

Mme Jacqueline Hubert : De façon très concrète, je pense que, pour harmoniser cet ensemble, il faut que nous ayons très rapidement des deux côtés une tarification identique et complète, afin de régler le problème des honoraires médicaux. Car on prend aujourd'hui le très grand risque de voir toute l'activité chirurgicale partir dans le secteur privé, qui peut beaucoup plus facilement développer ses activités. La convergence des tarifs est donc bien une priorité.

Je pense également que les ARH doivent répartir les MIGAC en fonction des missions et qu'elles doivent avoir une certaine latitude dans leur distribution, afin par exemple de pouvoir soutenir un établissement au titre de l'isolement géographique, en équilibrant son budget.

M. Pierre-Louis Fagniez : On sait qu'aujourd'hui 60 % de la chirurgie est faite dans le privé et on peut tout à fait imaginer que cette part augmente. Mais au-delà de la facilité pour les établissements privés de développer leur activité, ne pensez-vous pas que les universitaires, dans les CHU, ne sont finalement pas trop mécontents de ne garder que la chirurgie « noble » ? Jamais la chirurgie de transplantation ou de réanimation n'ira dans les cliniques : pratiquer une greffe de foie, c'est quand même mieux que d'opérer dix hernies... N'y a-t-il pas de facto un partage dangereux pour l'équilibre des soins en France et une responsabilité des professeurs des CHU, qui abandonneraient d'eux-mêmes l'activité dont le privé s'emparerait, et donc l'enseignement de cette chirurgie ?

Mme Jacqueline Hubert : Je connais bien le sujet, car mon passé en CHU est récent, et je sortirai un peu, dans ma réponse, de mon rôle de responsable d'un établissement mutualiste.

Je crois que les hospitaliers universitaires sont attachés à la mission d'enseignement. Et si l'enseignement dont nos médecins ont besoin doit y être dispensé, il faut bien que l'on pratique l'ensemble de la chirurgie dans les CHU. Ce sont des lieux d'excellence, dans lesquels on fait de la médecine qu'on ne fait pas ailleurs. Il serait dommage de détruire cette médecine d'excellence qui, une fois banalisée, passe très facilement dans nos établissements. Mais une greffe en hématologie sur un enfant ne se fera pas en PSPH parce que c'est trop onéreux. Or y renoncer serait très grave.

Mme Isabelle Millet-Caurier : Du point de vue national, la position de la Mutualité française est que le système ne sera de qualité que si toutes ses composantes sont elles-mêmes de qualité. Il serait illusoire d'imaginer que l'un des secteurs va reprendre la totalité de l'activité au détriment de l'autre. Si l'un des maillons, qu'il s'agisse du public, du PSPH ou du privé lucratif, est trop faible ou n'a plus les moyens d'assumer ses missions, c'est l'équilibre général du système qui est menacé.

Dans la mise en place du parcours de santé mutualiste, dont l'hôpital est une composante importante, nous voulons que le patient ait accès à des soins de qualité, où qu'il se trouve sur le territoire. Cela peut impliquer, au regard de sa pathologie - rare, chronique ou compliquée - qu'il aille vers une structure d'excellence de type universitaire, mais nous devons aussi veiller à ce que le maillage du territoire se fasse aussi avec les institutions de qualité, qu'elles soient publiques, privées ou PSPH.

Claude Évin a récemment déclaré que le transfert de la chirurgie à l'hospitalisation privée aurait à terme un effet de déséquilibre très fort, que le secteur privé lui-même regretterait. Pour notre part nous affirmons, je le répète, que le système sera de qualité si l'ensemble de ses composantes est de qualité, et que tout déséquilibre serait dramatique pour la prise en charge des patients.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Certains de vos établissements ont-ils souffert de la mise en place de la T2A ? Si tel est le cas, que faites-vous pour les accompagner ?

Mme Isabelle Millet-Caurier : La Mutualité française a dans son réseau des établissements ex OQN, et d'autres ex dotation globale qui voient donc une montée en charge progressive de la T2A - 35 % cette année et éventuellement 50 % l'an prochain. Certains, dont le déficit menace même la pérennité - je pourrai vous fournir des éléments chiffrés puisque le dossier a été adressé au cabinet du ministre - seraient dans une situation financière beaucoup plus équilibrée s'ils étaient passés immédiatement en totalité à la T2A.

La Fédération accompagne ces établissements en jouant un rôle de relais avec les ARH, dans la mesure où la réponse passe par la négociation de contrats de retour à l'équilibre avec les agences.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Tout ceci a-t-il déjà entraîné des modifications de la carte sanitaire, des décloisonnements entre les secteurs, des nouveaux partenariats ou est-il trop tôt pour le dire ?

Mme Isabelle Millet-Caurier : La T2A arrive dans une histoire qui a commencé avant elle. Ce n'est pas la Mutualité française qui gère les établissements, mais des mutuelles, nationales ou locales, ou bien des groupements mutualistes, et cet ensemble forme aujourd'hui le premier réseau d'établissements de santé. Nous avons donc eu besoin de réfléchir au rapprochement de ces structures et à la fédération des moyens, afin de gagner en pertinence et en qualité de prise en charge des patients. C'est la réflexion que nous conduisons actuellement, dont la presse s'est récemment fait l'écho, autour de la constitution d'un réseau d'établissements mutualistes, afin de consolider sur l'ensemble du territoire une offre indispensable pour mener à bien le parcours de santé mutualiste.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Madame Hubert, vous avez participé, j'imagine, à l'élaboration du SROS 3 des Pays-de-la-Loire. Avez-vous un mot à nous dire à ce propos ?

Mme Jacqueline Hubert : En ce qui concerne les SROS, notre inquiétude porte sur les objectifs quantifiés. Il ne faudrait quand même pas que ce système nuise aux établissements : les malades sont là, on ne va pas les chasser ! Réduire l'activité peut être très pénalisant pour les établissements.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous devons malheureusement interrompre cette audition, mais n'hésitez pas à nous faire parvenir tout complément d'information que vous jugeriez utile sur les thèmes que nous avons abordés ce matin. Nous sommes en particulier preneurs de tout ce qui a trait à l'expérience concrète de Mme Jacqueline Hubert, dont la clinique présente la particularité d'associer les deux types d'établissements.

Merci à tous.

AUDITIONS DU 1er JUIN 2006

Audition de M. Michel Cretin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, de M. Christian Cardon, président de la troisième section de la sixième chambre,
et de Mme Anny Golfouse-Buet, rapporteure à la sixième chambre

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Michel Cretin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Christian Cardon, président de la troisième section de la sixième chambre, et Mme Anny Golfouse-Buet, rapporteure à la sixième chambre.

Monsieur le président, je vous remercie pour la qualité et la précision de la communication établie par la Cour des comptes, à la demande de la MECSS, sur la mise en œuvre de la réforme du financement des établissements de santé publics et privés.

Vous avez la parole pour nous présenter cette communication, après quoi les membres de la MECSS pourront vous poser des questions pour approfondir certains sujets.

M. Michel Cretin : Je vous remercie de nous avoir invités à vous présenter cette communication. C'est la première fois que je suis amené à le faire devant vous après la promulgation de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005.

Cette communication est le résultat d'une longue enquête menée par Mme Golfouse-Buet et contredite avec les administrations. La technicité du sujet, la longueur de l'enquête et les exigences de la contradiction expliquent que nous ayions été amenés à vous présenter cette communication un peu plus tard que ce que vous auriez souhaité.

Le champ couvert par l'enquête est beaucoup plus large que celui de la plupart des autres rapports établis sur le sujet : elle couvre en effet tous les aspects de l'introduction de la tarification à l'activité (T2A) dans le financement des établissements de santé, depuis les grands principes organisateurs jusqu'à la mise en œuvre de ces derniers : l'établissement des tarifs, le dispositif de financement hors tarifs, les circuits financiers et l'organisation administrative du pilotage de la réforme.

J'aborderai successivement trois points : la conduite de la réforme ; le dispositif financier de la T2A ; l'économie générale de la réforme, à savoir la convergence des tarifs et les rapports entre la T2A et la planification hospitalière.

S'agissant de la conduite de la réforme, je souligne que, traditionnellement, la Cour fait plutôt des observations critiques, et je souhaite donc situer le cadre dans lequel il faut comprendre ces observations.

Premièrement, même si la T2A est récente, puisqu'elle date de 2004, elle est déjà devenue l'élément structurant des réformes hospitalières.

Deuxièmement, nous avons pu constater les efforts considérables des administrations, au niveau national et régional, et de leurs supports techniques : je pense aux différentes missions qui ont été créées à cette occasion pour mettre en œuvre la réforme. Mais bien que considérables, ces efforts pourraient être dirigés avec une vision plus claire, plus ferme et plus réaliste des objectifs à atteindre.

Cela posé, notre première observation porte sur la répartition des responsabilités pour la conduite de la réforme. Cette répartition ne nous paraît pas optimale. Tout d'abord, la Mission T2A (MT2A) n'est pas parvenue à jouer son rôle de conception et de maîtrise d'ouvrage pour lequel elle avait été conçue. L'Agence technique de l'information hospitalière (ATIH) ne dispose pas de l'indépendance technique et des moyens, notamment humains, pour jouer pleinement son rôle d'expertise. La Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) est devenue responsable de la quasi-totalité du déploiement de la réforme, sans disposer non plus des moyens nécessaires. Enfin, les autres directions du ministère ont été assez peu associées aux réflexions et aux décisions.

Notre deuxième observation porte sur les organisations professionnelles. Celles-ci nous ont paru trop présentes à tous les niveaux de la conception et de la mise en œuvre de la réforme. Il n'est pas du tout dans mon intention de critiquer la concertation, surtout sur un tel sujet. Mais en l'occurrence, la concertation a pris une très grande ampleur et, surtout, elle se situe très en amont dans le processus de décision. Et cela risque de menacer le bon aboutissement et la cohérence de la réforme.

Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos. Sous l'égide des comités de suivi et de concertation, ainsi que du comité d'évaluation, ont été créés une multitude de groupes de travail. Les organisations professionnelles font partie de tous les groupes de travail consacrés à la convergence intersectorielle, mais pas la direction de la sécurité sociale. Cela me semble aller un peu trop loin, d'autant que figure parmi ces groupes un groupe dit « d'études complémentaires », dont un sous-groupe examine une question cruciale pour les hôpitaux publics, celle des personnels hospitaliers. Deuxième exemple, les groupes consacrés à l'évaluation ont été placés sous la responsabilité des représentants professionnels qui en sont ainsi devenus les animateurs. Or ces questions d'évaluation relèvent de l'expertise. Le rôle d'animation aurait dû revenir à la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) ou à la Haute Autorité de santé (HAS).

Notre troisième observation concernant le pilotage de la réforme porte sur les dispositifs d'évaluation et de contrôle externe de l'activité, qui ne nous semblent pas satisfaisants.

La mise en œuvre du dispositif d'évaluation n'a pas commencé. Or, un tel dispositif est indispensable, et ce dès le début de la mise en place de la réforme. Aussi bien les critères de l'évaluation que les indicateurs qui seront utilisés ou que les références permettant de juger des progrès doivent avoir été définis. Dans le cas de la T2A la mise en place rapide des outils et des moyens d'évaluation est d'autant plus indispensable que la réforme comporte des risques élevés de dérapage, qu'il faut pouvoir repérer le plus vite possible. La mise en œuvre des moyens d'évaluation de la réforme nous apparaît donc comme une priorité.

Notre bilan est assez négatif également s'agissant du dispositif de contrôle externe des bases de facturation soumises à l'assurance maladie. Le programme de contrôle externe de la facturation a pris beaucoup de retard ; à l'heure actuelle, il n'en n'est qu'au stade du démarrage. Ce retard est dû à diverses raisons, notamment à des conflits avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). La responsabilité du contrôle de la facturation a été confiée à la commission exécutive des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) au lieu de l'être à l'assurance maladie. La Cour a pris acte de cette organisation, mais note que ce dispositif prive l'assurance maladie de la pleine responsabilité du contrôle des facturations qui lui sont adressées, au moment même où la branche assurance maladie doit établir des comptes que nous aurons à certifier. D'un point de vue pratique, au surplus, la capacité des ARH à assumer cette responsabilité n'est pas évidente.

Je voudrais enfin souligner l'insuffisance de l'organisation du circuit de règlement des dépenses, retenu à titre provisoire en 2005 et prorogé en 2006. En particulier, le règlement des dépenses du secteur public repose non pas sur des factures individuelles pour chaque malade, mais sur un système de versements agrégés trimestriels ; en outre, le système d'avances et d'acomptes mis en place en 2005 dans les deux secteurs n'a pas permis de savoir en cours d'exercice, si la première année de fonctionnement avait entraîné les conséquences inflationnistes que l'on redoutait. Et, alors que l'on estime que le dépassement de l'ONDAM hospitalier en 2005 sera de l'ordre de 900 millions d'euros, on est incapable de dire avec précision quelle part de ce dépassement pourrait être attribuée à la mise en place de la T2A.

La mise en place d'un processus de règlement des dépenses à partir de factures individuelles par les hôpitaux publics demeure un objectif incontournable pour l'application de la T2A, qui devra être atteint le plus tôt possible, c'est-à-dire en 2008. Cela suppose que des travaux techniques très importants soient réalisés dans le secteur des établissements anciennement sous dotation globale.

Le deuxième point que je souhaite aborder est celui de la conception du dispositif de financement des établissements dans le cadre de cette réforme.

Dans son principe, la T2A constitue un nouveau système d'allocation des ressources entre tous les hôpitaux, publics et privés, mais seulement en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO). Il ne s'agit pas de créer un marché de l'hospitalisation. Les ressources à redistribuer sont les dépenses consacrées à l'hospitalisation par la branche maladie, mais sous contrainte : c'est une somme d'argent à redistribuer d'une autre manière. C'est ainsi que sur un objectif total de dépenses maladie consacrées à l'hospitalisation de 60 milliards d'euros pour 2005, 44 sont destinés au paiement des soins MCO. Le but de la réforme est de répartir ces 44 milliards d'une autre manière qu'auparavant - pour les établissements publics par le biais d'une dotation globale ou pour les établissements privés sous forme d'un prix de journée et de compléments -, c'est-à-dire en fonction de l'activité des établissements. La rémunération des établissements reflètera leur activité, ce qui sera plus efficace et plus juste que jusqu'à présent.

Cela m'amène à faire trois observations. Premièrement, la tarification n'a été étendue qu'à une partie de l'activité MCO. C'est normal, dans la mesure où l'activité de soins ne représente qu'une partie des missions des établissements. D'où la constitution de deux blocs : les activités de soins, couvertes par les tarifs ; les autres missions, financées par les dotations affectées aux missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC).

Les MIGAC recouvrent les missions d'enseignement et de recherche, les missions d'intérêt général - ensemble assez hétéroclite, dont certaines activités pourraient parfaitement être tarifées -, et les missions d'aide à la contractualisation entre les établissements et les ARH. C'est ce dernier ensemble qui nous paraît très critiquable. En effet, il est très mal défini et risque - le terme est faible - d'être utilisé pour compenser les baisses de revenus qui pourraient résulter, pour certains établissements, de la mise en œuvre de la T2A.

Par ailleurs, la partie activités de soins, couvertes par des tarifs, est elle-même assez complexe. Le socle est constitué par les tarifs forfaitaires de séjours, fixés par groupe homogène de séjours (GHS) qui sont la traduction tarifaire des groupes homogènes de malades (GHM), et qui résultent de l'application de la classification des soins établie à partir des données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI). Mais interviennent plusieurs autres dispositifs : les tarifs spécifiques pour certaines activités, comme l'hospitalisation à domicile, la dialyse ou l'IVG ; une combinaison de tarifs spéciaux et de forfaits annuels pour des activités comme les urgences ou les greffes ; des suppléments aux tarifs des GHS pour tenir compte de certaines particularités de traitement, comme la réanimation ou les durées extrêmes de séjour ; des facturations en sus de certaines prestations : dispositifs médicaux implantables et molécules onéreuses. En outre, les coefficients géographiques, qui sont destinés à tenir compte de la localisation des établissements, se traduisent par une modulation des tarifs forfaitaires de séjours.

Nous ne critiquons pas la complexité de cet ensemble tarifaire, qui reflète une réalité elle-même complexe. Mais il se trouve d'une part que des activités non tarifées devraient être incluses dans les tarifs ; d'autre part que les différents dispositifs que je viens d'identifier pourraient être mieux définis et de manière plus stricte. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, et le risque de surtarification - en faisant passer certains actes dans des groupes de tarifs plus intéressants - est élevé. Sans compter un risque d'illisibilité pour le payeur, à savoir l'assurance maladie. Par exemple, cette dernière est incapable de savoir ce que coûtent les urgences, compte tenu de la diversité des canaux par lesquels sont rémunérées leurs activités.

D'un autre côté, la tarification est devenue une variable d'ajustement dans le système de financement des hôpitaux, alors qu'elle devait en être le noyau dur. La redistribution se fait sous la contrainte de l'ONDAM, plus précisément de l'objectif des dépenses de MCO (ODMCO). Mais sur cette enveloppe de soins MCO, on commence par imputer les dotations, c'est-à-dire ce qui ne relève pas des tarifs - MIGAC, forfaits annuels, etc. Il reste une enveloppe destinée aux tarifs ; et c'est sur cette enveloppe que sont calculés les tarifs. Autrement dit, si l'on augmente, par exemple, la dotation des MIGAC, on diminue la part réservée aux tarifs. Il en résulte que l'élément directeur de la réforme n'est plus constitué par les tarifs, mais par les dotations. On court donc le risque d'annuler complètement les effets de la réforme.

En 2005, l'enveloppe MCO a augmenté de 3,5 % par rapport à 2004, mais l'enveloppe « tarifs » a diminué de 2,8 %. Au sein de cette enveloppe « tarifs », l'enveloppe à partir de laquelle on calcule les tarifs des GHS, a diminué de 8,5 %, alors que les tarifs complémentaires, que j'ai énumérés tout à l'heure, ont augmenté de 100 %. On risque donc vraiment de voir se réduire de façon excessive l'enveloppe réservée aux tarifs.

Enfin, les tarifs sont trop déconnectés des coûts de production. Dans le secteur privé, ils ont été calculés sur la base des montants facturés avant la réforme. Dans le secteur public, les coûts ont été établis à partir d'un échantillon d'établissements qui n'est pas représentatif ; les méthodes d'imputation des coûts nous semblent très contestables ; les tarifs ainsi obtenus sont ensuite retraités pour les faire rentrer dans l'enveloppe réservée aux tarifs. En fin de compte, les tarifs n'ont plus de rapports avec les coûts de production réels supportés par les établissements, alors qu'ils sont supposés les représenter. Et les signaux que ces tarifs peuvent adresser aux directeurs d'établissement sont peu lisibles et ne les aident pas pour l'organisation de leur établissement - d'autant qu'ils varient tous les ans.

Selon nous, les méthodes d'établissement et de modification des tarifs devraient être bien documentées et publiées, être régulièrement mises à jour, et les changements de méthode explicités et justifiés. Or, aujourd'hui, cela se passe dans la plus grande confusion.

Notre troisième point concerne l'économie générale de la réforme.

L'objectif de la réforme est de réduire les fortes inégalités de ressources entre les établissements. Pour atteindre cet objectif, les tarifs de tous les établissements doivent converger vers une grille tarifaire unique en 2012, échéance fixée dans la loi. Mais en même temps qu'on développe la T2A, une autre réforme de l'activité hospitalière est menée parallèlement, à travers l'élaboration des schémas régionaux de l'organisation des soins de troisième génération (SROS 3) et des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) passés entre les établissements et les ARH. Or la cohérence entre cette réforme et la réforme du financement reposant sur la T2A n'est pas évidente.

La convergence a deux aspects : intrasectoriel, c'est-à-dire à l'intérieur du secteur public et à l'intérieur du secteur privé, et intersectoriel, c'est-à-dire entre le secteur public et le secteur privé. Le fait qu'il s'agisse de redistribuer un montant de moyens qui variera peu en volume dans les années qui viennent fera qu'il y aura des gagnants et des perdants. D'où la vigueur d'éventuels conflits au moment de la redéfinition des règles de la redistribution.

L'idée de la convergence intrasectorielle est de faire converger les tarifs vers les tarifs moyens des établissements de chaque secteur. Dans son principe, cette idée nous paraît déjà critiquable. Mieux vaudrait les faire converger vers les tarifs des établissements les plus efficaces. Sinon, les gagnants gagneront sans que cela corresponde à un effort productif particulier.

L'application des tarifs convergeant vers les tarifs moyens devrait engendrer, à terme, c'est-à-dire en 2012, une redistribution de l'ordre de 1,2 milliard d'euros au sein du secteur public entre les établissements considérés comme sous-dotés et ceux considérés comme sur-dotés. Dans le secteur privé, il y aurait aussi une redistribution, mais beaucoup moins importante, de l'ordre de 140 millions d'euros.

Cette redistribution sera particulièrement importante dans le secteur public, où les écarts de situation de départ sont les plus importants entre les hôpitaux les plus productifs et les moins productifs. Les effets de cette redistribution vont s'ajouter à ceux de la stabilité de l'ONDAM pour créer des situations particulièrement difficiles dans certains établissements. La tentation sera forte pour ces établissements de compenser les effets de la tarification, soit par des dotations MIGAC, par des coefficients géographiques ou par des démarches de contournement : report d'une partie des charges sur le budget hors MCO, sur les assurés, spécialisation de l'activité dans les segments les plus rentables, augmentation artificielle du volume d'activité pour obtenir de meilleures ressources. D'où l'importance de l'évaluation pour pouvoir repérer ces effets pervers dans l'application de la T2A le plus tôt possible, afin de pouvoir les corriger.

L'idée d'une convergence entre les deux secteurs est apparue très tôt, mais elle n'a été inscrite officiellement dans la loi que lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, qui a précisé qu'un tel objectif devrait être atteint à 50 % en 2008. Or la réalisation de cet objectif va se heurter à d'énormes obstacles, et jusqu'à présent aucun progrès n'a été accompli dans le traitement des principaux problèmes rencontrés.

Premier obstacle : on ne connaît pas l'amplitude des écarts à réduire au départ entre le secteur public et le secteur public. Il faudrait notamment connaître les « surcoûts » de personnel dans le secteur public.

Deuxième obstacle : la définition du périmètre de la convergence. Est-ce que les tarifs du secteur privé vont inclure ou non les honoraires des médecins ?

Troisième obstacle : le sens de la convergence. Veut-on converger vers les tarifs les plus hauts, les tarifs les plus bas ou les tarifs moyens ? Selon nous, ce devrait être vers les tarifs les plus bas. Sinon, aura lieu un effet d'aubaine formidable pour les cliniques privées, ce qui ne me semble pas être le but recherché par la réforme.

Un bilan objectif des études en cours montre que les résultats de telles études ne pourront être disponibles, au mieux, qu'en 2008. On s'est aperçu, notamment, que certaines d'entre elles étaient inutilisables et qu'il fallait les recommencer.

La Cour estime donc qu'un certain nombre de conditions préalables doivent être remplies pour que l'on puisse s'engager dans la voie de la convergence intersectorielle :

- fixer comme cible la convergence vers les tarifs les plus bas ; c'est aussi la conclusion à laquelle est arrivée le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) dans son avis de mars 2006 ;

- couvrir par les tarifs l'ensemble des coûts de soins, et en particulier inclure les honoraires des médecins ;

- enfin, fixer des tarifs homogènes, c'est-à-dire couvrant des prestations homogènes, après élimination des disparités dans la nature des prestations livrées par chacun des deux secteurs.

Je terminerai par la cohérence entre la T2A et les SROS. La préparation des SROS 3 repose sur l'idée d'une planification de l'offre mise en œuvre par les ARH, ce qui est un peu contradictoire avec la logique d'optimisation par les tarifs introduite par la T2A.

Au niveau du financement, les SROS définissent une couverture cible du territoire. Mais cette couverture est sans lien avec les perspectives financières qui découlent de l'ONDAM et sans lien non plus avec les activités que les établissements souhaiteront produire au vu des tarifs fixés.

Au niveau de la mise en œuvre, les objectifs quantifiés d'activités définis par les SROS se déclinent au niveau de chaque établissement dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, qui imposeront aux établissements une structure et un volume d'activités, lesquels seront incompatibles avec la dynamique qui devrait justement résulter de l'application d'une tarification.

La combinaison de la planification et de la T2A n'est pas évidente, mais elle peut néanmoins être recherchée. Si l'on considère que l'orientation de base est la mise en œuvre de la T2A, il faut concevoir les SROS comme des éléments complémentaires ou correctifs par rapport à la T2A.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie. Nous avons écouté avec une grande attention l'ensemble de vos observations, et je suis frappé de constater, au travers des différentes thématiques que nous avons abordées, le même déficit de connaissances, la même difficulté à collecter de l'information, à assurer l'évaluation, à modéliser un certain nombre de projections, tout cela aboutissant à fragiliser la pertinence de l'ensemble des dispositifs législatifs qui ont été votés.

Pourriez-vous me dire comment vous analysez cette difficulté à mettre en place des systèmes d'informations fiables et performants, qui amélioreraient la qualité de notre service de soins ?

M. Michel Cretin : Selon moi, c'est un problème de pilotage de la réforme, qui gêne la mise en place des instruments : conflits de compétences, insuffisance de clarté dans la répartition des responsabilités.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je souhaiterais aborder ce sujet complexe en quatre parties, pour reprendre votre plan : le problème de la conduite de la réforme, la répartition des moyens financiers et les problèmes de valorisation des tarifs, l'économie générale de la réforme, enfin la T2A et la réforme hospitalière.

Sur la conduite de la réforme, sa mise en place, le pilotage, l'expertise, on a l'impression qu'il y a beaucoup d'intervenants - peut-être un peu trop - dont les rôles n'ont pas toujours été clarifiés. Lorsque nous avons reçu les représentants des ARH, le rôle de contrôle de celles-ci dans la facturation n'a pas été évoqué. J'observe aussi que le rôle des ARH a été minimisé par les autres personnes que nous avons entendues. Notre sentiment était que tout se décidait dans un petit cénacle plutôt parisien. L'efficacité du rôle des ARH sur le terrain nous apparaissait des plus modestes.

Avez-vous le même sentiment ? Les ARH auraient-elles dû profiter de la T2A pour accroître leur importance stratégique dans une politique de santé régionale ?

M. Michel Cretin : Les ARH sont des organes d'exécution. Elles interviennent dans la mise en œuvre de la T2A, mais aussi dans celle des SROS. Elles participent donc de cette contradiction entre les deux politiques de réformes menées parallèlement. Ce sont elles qui ont pris la responsabilité du contrôle externe des factures.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : En ont-elles les moyens ?

M. Michel Cretin : Elles ne les ont toujours pas.

Elles ont par contre une certaine latitude pour modifier la dotation complémentaire attribuée à chaque établissement public ou participant au service public hospitalier (PSPH). Comme le financement de ces établissements par la tarification n'intervient pas à 100 % dès la première année, la partie complémentaire de la tarification est en effet versée sous la forme d'une dotation annuelle complémentaire (DAC).

Ces dotations complémentaires sont notifiées par l'échelon central pour la région, et les ARH procèdent à la répartition au niveau régional. Elles disposent alors d'une certaine marge de manœuvre.

Dans la mise en œuvre de l'autre réforme, elles sont chargées de la signature des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens avec les hôpitaux, ce qui est un travail considérable.

Mme Anny Golfouse-Buet : Je ferais, pour ma part, une distinction entre le problème du contrôle externe que vous avez soulevé et le reste de la gestion de la T2A que l'on a confié aux ARH.

Pour le contrôle externe, les ARH ont toujours utilisé le personnel de l'assurance maladie, en l'occurrence les médecins-conseil. Ce n'est pas tant un problème de moyens quantitatifs qui se pose qu'un problème de transfert de compétences ; la commission exécutive de l'ARH se trouve maintenant en position de définir quels établissements seront contrôlés, et quand.

Ce transfert s'est fait par le biais d'une procédure nouvelle : au contrôle normal des factures, on a ajouté pour la T2A un deuxième volet de sanctions financières, au cas où l'on constaterait que les établissements ont tendance à introduire de nombreuses erreurs dans leurs codages et leurs facturations. On a profité de ce deuxième volet de contrôle pour transférer la totalité de la compétence à la commission exécutive de l'ARH, ce qui n'a d'ailleurs pas été sans poser de problèmes relationnels entre les caisses nationales d'assurance maladie et la DHOS.

Pour le reste de la gestion de la T2A, en 2005, les ARH se sont senties un peu dépossédées puisqu'on était encore davantage dans la phase de conception à laquelle elles ne participent pas et qu'en outre, pour aller vite, la DHOS est allée dans une gestion assez fine, en notifiant de manière très précise aux ARH un certain nombre de choses qui leur incomberont ensuite. C'est par exemple ce qui s'est passé pour les dotations des MIGAC qui ont été calculées in fine au niveau de la DHOS et notifiées aux ARH ou du calcul du taux de conversion.

À l'inverse, dans l'économie du dispositif, on voit bien que toutes les zones « à risque » que l'on a soulignées tout à l'heure, comme les produits facturés en sus, sont supposées être régulées et maîtrisées par le biais de contrats spécifiques passés entre les ARH et les établissements. Or, il y a 3 000 établissements et parfois plus d'un contrat par établissement ; sans compter qu'il y a parfois urgence, notamment pour les contrats de bon usage des médicaments et des dispositifs médicaux implantables. C'est la seule façon de contrôler et de maîtriser cette source de financement qui n'est pas intégrée dans les tarifs. En 2005, cela représentait plus de 3 milliards d'euros. Pour les MIGAC, c'est la même chose, celles-ci devant faire l'objet d'un contrat entre l'établissement et l'ARH.

On peut s'interroger sur les moyens dont disposeront les ARH pour gérer tous ces contrats. Les ARH n'ont pas été conçues pour remplir ces missions de gestion.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous avons bien mesuré les difficultés du pilotage et de l'évaluation. Je voudrais maintenant aborder la question de la répartition des moyens financiers, de la valorisation des tarifs de GHS, des missions d'intérêt général (MIG) et des missions d'enseignement, de recherche, de recours et d'innovation (MERRI).

Nous avons déjà rencontré les différents partenaires de ce dispositif de la T2A, parmi lesquels des représentants des organisations syndicales hospitalières, du secteur privé comme du secteur public. Nous avons constaté chez eux une méconnaissance un peu étonnante de paramètres pourtant essentiels dans le réglage du dispositif, s'agissant notamment de l'évaluation des moyens à accorder aux établissements.

Je suis très frappé par le fait que l'on n'est pas en mesure aujourd'hui de justifier les différences de tarifs entre le privé et le public. Comment faudrait-il travailler pour en avoir une juste appréciation et connaître les facteurs spécifiques au service public et au secteur privé ?

Mme Anny Golfouse-Buet : Je partage assez votre sentiment, dans la mesure où il ne faut pas perdre de vue que, si la réforme de la T2A a été mise en œuvre très rapidement, elle repose sur quelques années d'expérimentation et de réflexion. Deux expérimentations, notamment, ont fait l'objet de rapports très détaillés et ont mis clairement en exergue, depuis 1995, certaines questions qui ne sont toujours pas résolues aujourd'hui. Ces deux expérimentations - celle menée en Languedoc-Roussillon et celle initiée par la loi de 1999 créant la couverture maladie universelle (CMU) - avaient pour objectif l'étude de l'applicabilité d'une tarification à l'activité. Elles traitaient déjà des relations entre le secteur public et le secteur privé. On avait mis en évidence, qu'il s'agisse des dotations ou des tarifs, des écarts suffisamment conséquents pour qu'il faille y regarder de plus près. Il apparaissait d'emblée qu'il fallait se mettre à l'œuvre immédiatement pour mener certaines études destinées à mettre en place une échelle de coûts dans les deux secteurs, suffisamment précise pour savoir si on comparait des éléments homogènes ou non. Or il a fallu attendre 2005 pour initier une étude de coûts dans le secteur privé et pour réfléchir à une comparabilité des coûts dans les deux secteurs. En outre, on vient d'apprendre que cette seule étude n'avançait pas aussi bien que prévu et qu'elle serait même recommencée par l'ATIH.

Pourquoi le travail n'a-t-il pas été fait alors que la demande avait été posée depuis dix ans ? C'est un peu la politique de l'autruche. On savait très bien qu'on ne pouvait pas aller vers une convergence effective tant qu'on n'aurait pas analysé de manière fiable tous ces sujets.

Pour les MIGAC, c'est un peu la même chose. Dès le départ, on a bien compris que dans la logique d'une tarification il fallait introduire une rémunération parallèle de missions de service public. Encore fallait-il bien préciser ce qu'on entendait par là, surtout ne pas se contenter d'une photographie de coûts historique, mais réfléchir sur des coûts standard. Cela se trouve dans le rapport de l'expérimentation menée en Languedoc-Roussillon en 1995 et l'on se dirigera vers ce type d'étude l'année prochaine. En attendant, comment rémunère-t-on les MIGAC ? Sur un constat historique, déclaratif de chaque établissement.

Ces sujets fondamentaux ne risquaient pas de se régler tout seuls. L'application de la réforme ne fait que les rendre plus évidents et plus vifs.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Je rejoins complètement M. Pierre Morange sur l'absence d'outils de connaissance et de culture de la transparence dans l'ensemble du secteur social. Je remarque qu'en fait, vous avez posé ces deux questions très simples : « Qu'est-ce qu'on définit ? » et « Qui définit ? »

J'ai été frappée par votre référence aux groupes de travail qui prennent une place très importante. Que proposeriez-vous pour répondre à la question « qui définit » ?

M. Michel Cretin : C'est une question très importante en effet. Fondamentalement, c'est au niveau politique que cela doit se faire. La MT2A, la mission qui a été créée pour cela, était, au départ, directement rattachée au cabinet du ministre. Puis les choses ont évolué et aujourd'hui, c'est la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins qui, dans les faits, a pris la place principale dans la conduite de la réforme.

Une telle réforme doit se conduire comme un projet particulier, avec un chef de projet et une administration de projet. C'est un peu ce qui avait été prévu avec la MT2A. Que la responsabilité principale soit passée à la DHOS ne poserait pas de problème. Mais il faudrait que, dans le cadre de ses activités, la part de conception et de définition des objectifs et des moyens prenne plus d'importance qu'elle n'en a actuellement. C'est un problème de répartition des moyens. La DHOS est une administration qui n'a pas beaucoup de moyens, en terme de conception, et qui, en tous cas, n'en a pas assez pour conduire un projet de cette nature.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je voudrais revenir sur les problèmes de tarification. Les établissements privés nous disent qu'un accouchement coûte 1 000 euros de moins que dans le public, hors honoraires, et ils ajoutent une certaine valeur d'honoraires. Actuellement, il y a de nombreuses fermetures d'établissements privés, de maternités notamment. Nous courons le risque que certaines pathologies soient assurées par le secteur public, et d'autres par le secteur privé. Cela me semble être un sujet de réflexion important. Hier, un de nos collègues se demandait si la haute chirurgie n'allait pas être réservée au secteur public, tandis que la chirurgie « courante » serait assurée par le secteur privé. Ne retrouve-t-on pas en germe ce genre de difficultés dans la valorisation des tarifs ?

M. Michel Cretin : Si. À partir du moment où l'activité des établissements sera conduite par les tarifs, les établissements s'adapteront à la structure des tarifs et réorganiseront leur activité dans ce but. Il faut faire très attention aux effets que pourra avoir la T2A, afin de les corriger dès que possible. D'où la nécessité d'une évaluation rapide.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Cette tendance à la spécialisation risque d'entraîner un démaillage du territoire. De la même manière, les SROS 3, dont certains paramètres, notamment les objectifs quantifiés, peuvent être un obstacle à la mise en place de la T2A dans la mesure où l'augmentation de l'activité n'aura plus d'effet bénéfique. Faut-il revoir la T2A ou revoir les SROS 3 ?

M. Michel Cretin : Nous avons deux réformes, qu'il faut situer l'une par rapport à l'autre. Le développement de toutes leurs conséquences est en effet incompatible entre elles. Mais il est clair que l'élément directeur aujourd'hui est la T2A, sans qu'il faille revenir là-dessus. Les SROS et les CPOM doivent alors être considérés comme des éléments correcteurs des effets pervers d'une application brutale de la T2A.

Mme Anny Golfouse-Buet : Sur une telle question, on a parfois tendance à mélanger des sujets un peu différents. Prenez l'exemple de l'accouchement : comme les tarifs ont été calculés sur une ancienne tarification et d'une manière différente dans le public, on a aujourd'hui pour des prestations apparemment équivalentes des écarts de tarifs qui ne se justifient pas. Cela fait partie des ajustements qui devront avoir lieu assez rapidement. Et il n'y a pas lieu de spécialiser tel ou tel secteur sur les accouchements « normaux ».

La question de la spécialisation, qui n'a pas été créée par la T2A, existe déjà. Elle rend justement difficile l'application de tarifs identiques. C'est l'exemple favori de la fédération qui représente les établissements publics. Elle explique qu'en matière d'interventions sur le rachis ils ne font pas du tout le même travail, que le public est spécialisé sur le lourd, sur le non-programmé, et le privé sur le courant, le programmé et donc le moins cher.

Cela nous ramène à une question évoquée depuis 1991 : tout établissement, public ou privé est-il susceptible de tout faire ? Bien sûr que non. On ne peut pas imaginer, par exemple, que tout établissement puisse procéder à des greffes.

Il ne faut pas mélanger le problème de la concurrence entre le secteur privé et le secteur public, celui du niveau de soins - courants ou non - et celui d'une spécialisation qui existe d'ailleurs déjà et dont il faut tenir compte. On n'a peut-être pas intérêt, d'ailleurs, à la remettre en question. Si l'hospitalisation privée est parfaitement rodée s'agissant de la chirurgie ambulatoire, par exemple la cataracte, pourquoi pas ?

M. Gérard Bapt : Nous rencontrons à l'heure actuelle de grands problèmes s'agissant de la convergence intersectorielle. Il règne une grande confusion en matière de pilotage, en l'absence d'information, d'évaluation, en raison du fait que des problèmes soulevés en 1995 n'ont commencé à être examinés qu'en 2005. Le calendrier de mise en place de la T2A est à l'évidence trop serré. Et la convergence public/privé prend une telle complexité qu'on va à la catastrophe.

Je voudrais qu'on parle de la place du patient. Mettre la cataracte en ambulatoire dans le privé et laisser le lourd à l'hôpital fait la litière du dépassement d'honoraires. Des patients ne peuvent plus s'adresser au privé.

Je suis stupéfait de constater tous ces obstacles, ces incohérences et ces incertitudes, qui s'ajoutent à une contradiction certaine avec les objectifs de la planification de l'offre de soins. Je regrette qu'on n'en ait pas tiré de conséquences avant que vous ne fassiez de tels constats.

N'en concluez-vous pas qu'il faut décider un moratoire, procéder à des évaluations et reconsidérer le problème de la convergence privé/public ?

M. Michel Cretin : Telle a été, en gros, ma conclusion. Nous pensons qu'il n'y a pas d'urgence à établir une convergence intersectorielle avant d'avoir rempli certaines conditions préalables, qui ne le sont pas aujourd'hui. Il faut commencer à travailler pour connaître les écarts à résorber, avant de s'appliquer à les résorber. La convergence intersectorielle a d'ailleurs été mise en stand by en 2006.

M. Gérard Bapt : Cela n'était pas si net dans la lettre de M. Philippe Séguin, qui semblait dire que les délais pouvaient être tenus, mais que cela impliquait un effort.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : C'est une formulation qui s'inscrit dans la philosophie et la sémantique de la Cour des comptes.

M. Michel Cretin : Cette lettre fait explicitement référence à un certain nombre de conditions.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : On a parlé tout à l'heure d'une redistribution dans le public d'environ 1,2 milliard d'euros sur une enveloppe de 44 ou de 60 milliards. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?

M. Michel Cretin : Il ne faut pas accorder trop d'importance à ces chiffres. Ils sont très théoriques et basés sur des données de 2004. La structure de l'activité des établissements va évoluer.

Le problème principal introduit par la T2A est la création d'une nouvelle dynamique dans la gestion des hôpitaux, qui devront s'adapter à une structure de tarifs gouvernant leur activité. C'est plus important que le montant de la redistribution.

Ces chiffres sont également dépendants du fait que jusqu'à présent l'objectif est d'aboutir à une convergence à la moyenne. Si on avait pris comme hypothèse une convergence vers les tarifs les plus bas, c'est-à-dire les hôpitaux les plus efficaces, il n'y aurait pas eu de redistribution du tout !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous évoquez dans votre rapport les expériences étrangères. Tous les grands pays se penchent en effet sur leur système hospitalier. Mais au moment où les Britanniques et les Allemands ont adopté une démarche un peu comparable à la nôtre, les Américains reviennent à un système de forfaitisation. Pensez-vous que nous devrons y revenir aussi ? Pensez-vous que la qualité de l'appréciation des coûts nous permettra d'avoir des tarifications adaptées à chaque établissement et pour chaque pathologie ?

Mme Anny Golfouse-Buet : Je ferai d'abord une réserve : les commentaires de la Cour sur les expériences étrangères sont de nature purement théorique. Je répondrai ensuite que, dès lors que vous partez d'un tarif à l'acte, que vous essayez de forfaitiser pour encadrer la dépense, vous vous dirigez vers un forfait par séjour. C'est ce qui est en train de se passer dans les différents pays. Mais on s'aperçoit rapidement que si l'on forfaitise le séjour, on assiste à des déports sur l'ambulatoire et sur ce qui est autour de l'hôpital, et il faut raisonner par capitation.

Les États-Unis commencent à se poser ce genre de question ; ils se disent qu'il est bon de maîtriser les forfaits hospitaliers, mais qu'il faut aussi maîtriser les dépenses ambulatoires. C'est une démarche presque évidente de basculement.

En France, la question qu'il faudra se poser est la suivante : dès lors que l'on met en place ce système de forfait par séjour, il faut être capable d'apprécier les effets de déport qui vont se produire.

En outre, les comparaisons avec les pays étrangers sont un peu difficiles à faire. Même si les outils se ressemblent, les objectifs, notamment en matière de T2A, sont particulièrement différents. Aux États-Unis, les honoraires sont hors forfait ; et tout ce qui relève chez nous de la sphère hospitalière en ambulatoire se trouve chez eux hors sphère hospitalière.

Je trouve que l'utilisation des expériences devrait être beaucoup plus pratique. Il faudrait se rendre sur place.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous vous remercions pour la précision de vos réponses.

*

Audition de Mme Maryse Chodorge, directrice de l'Agence technique
de l'information sur l'hospitalisation (ATIH)

M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite la bienvenue à Mme Maryse Chodorge, directrice de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelles sont les missions de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation ? La Cour des comptes estime les moyens de l'ATIH insuffisants ; est-ce votre opinion ?

Mme Maryse Chodorge : Le décret du 26 décembre 2000 portant création de l'Agence la chargeait de travaux techniques concourant à la mise en œuvre du système d'information commun à l'État et à l'assurance maladie et au traitement de ces données, et lui donnait aussi mission de participer aux travaux relatifs aux nomenclatures de santé. À cette fin, l'ATIH, qui agit en soutien de la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), a repris, lorsqu'elle a été installée, en 2002, les travaux de trois équipes préexistantes : le pôle d'expertise et de référence national de nomenclature en santé, la mission chargée du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) et le centre de traitement des informations du PMSI. Dans ce cadre, nous concevons et mettons à jour les logiciels qui permettent de mettre en forme les données du PMSI.

Mais la création de la tarification à l'activité nous a fait passer à un registre plus délicat, celui du recueil d'informations stratégiques pour les établissements de santé. Pour améliorer la fluidité du flux d'informations, nous avons alors créé une plateforme de service sécurisée sur Internet, qui permet aux établissements de renvoyer plus commodément leurs données. Pour les établissements du secteur public, cela va jusqu'à l'arrêté de versement. Le système leur permet de valider les données, qui le sont ensuite par l'ARH. Parallèlement, nous faisons des études et des statistiques d'activité à la demande du ministère et des caisses d'assurance maladie. Par ailleurs, nous avons élaboré des outils destinés à permettre les contrôles externes pris en charge par l'assurance maladie au niveau régional et nous préparons, à partir de l'échelle nationale de coûts (ENC), des éléments techniques de calcul des tarifs ; c'est l'« échelle de prétarifs », qui sert à la définition finale des groupes homogènes de malades (GHM) par la DHOS. Nous préparons également la généralisation du recueil des données médicalisées relatives aux soins de suite ou de réadaptation (SSR) et à la psychiatrie, secteurs, pour lesquels le passage à la tarification à l'activité est prévu.

L'Agence travaille aussi, avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), chef de file dans ce domaine, à la mise à jour de la classification commune des actes médicaux. Enfin, lors de la création de l'Agence, nous avons repris deux dossiers qui étaient, à la DHOS, « orphelins » de maître d'œuvre : l'un permet de restituer une information documentaire aux commissions exécutives des ARH, l'autre de suivre l'évolution des pandémies de sida et d'hépatite.

L'ATIH rassemblait 40 personnes à sa création et 46 en 2003. Elle en compte 48 cette année, la direction du budget s'étant rendu compte que les missions de l'Agence s'étaient élargies et que son effectif était un peu juste. Il l'est encore, mais nous ne sommes pas les seuls à éprouver des difficultés. Notre effectif est principalement composé de médecins - souvent diplômés de santé publique, ou qui ont travaillé de nombreuses années à l'élaboration du PMSI -, de statisticiens et d'informaticiens ; il comprend aussi quelques gestionnaires. Trente-cinq personnes travaillent à Lyon, ville siège de l'Agence, et notre antenne parisienne, qui regroupe 13 salariés, nous permet de participer aux nombreuses réunions qui se tiennent au ministère. La visioconférence nous évite beaucoup de déplacements.

L'objectif de la tarification à l'activité est que les établissements de santé soient rémunérés de manière équitable, en fonction des prises en charge. Les enjeux de la classification et de la préparation des tarifs sont donc très importants, et très discutés par les fédérations hospitalières qui, par ailleurs, souhaitent à la fois que la classification soit mieux décrite et que les tarifs évoluent pour leur permettre d'équilibrer leur budget. Cela n'est pas simple, car lorsque la classification évolue l'échelle des tarifs évolue aussi. Le débat sur les tarifs est donc complexe, mais l'ATIH reste neutre et objective car, en sa qualité d'agence technique, elle n'a pas à s'engager sur le terrain de la politique administrative.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Dans sa communication à notre mission, la Cour des comptes indique que la DHOS a tendance à réduire le rôle de l'ATIH à celui de pourvoyeur de données, sans que son expertise soit utilisée. Qu'en pensez-vous ?

Mme Maryse Chodorge : C'est un peu caricatural. Nous sommes d'abord un « moulineur de chiffres », puisque nos missions sont de recueillir des données, de les traiter et de mettre les nomenclatures à jour. Cela dit, notre expertise s'exerce dans l'élaboration de la classification des GHM et surtout dans la production d'outils d'assistance à la maîtrise d'ouvrage. Dans le cadre de la convention d'objectifs et de moyens en cours de négociation, nous discutons le positionnement de l'Agence qui a, comme je l'ai dit, repris les tâches de trois équipes. Cette création était nécessaire et, selon moi, nous avons très largement rempli la mission qui nous était assignée, mais il faut donner un sens à l'ATIH, qui ne peut continuer d'être vue uniquement comme un outil, et il est exact que les discussions sont animées.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quels objectifs proposez-vous de fixer dans la convention d'objectifs et de moyens de l'Agence ?

Mme Maryse Chodorge : La mise en œuvre de la tarification à l'activité pour les SSR. Mais trois personnes seulement peuvent être affectées à cette tâche, alors que douze ont travaillé à la mise en œuvre de la tarification à l'activité pour le court séjour. Nous ne pourrons donc atteindre cet objectif sans que l'équipe de l'Agence soit renforcée. Si elle ne l'est pas, les échéances ne seront pas tenues car les établissements et les fédérations hospitalières discutent, à juste titre, la validité des classifications, et un temps de réflexion est nécessaire. Il en ira de même pour la psychiatrie, car passer du recueil des données à la valorisation de l'activité en vue de la tarifer modifie complètement notre domaine d'action.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quels moyens nouveaux vous seraient nécessaires ?

Mme Maryse Chodorge : Simplement pour poursuivre l'existant, 28 personnes supplémentaires sur trois ans. Mais la DHOS nous demande aussi de travailler à des indicateurs de qualité des établissements et, dans le cadre de la création des observatoires des médicaments et de l'innovation thérapeutique, à un recueil de médicaments qui n'existe pas aujourd'hui. À mon avis, le sens de notre action devrait être d'exercer un certain « leadership » sur les données hospitalières, qu'il est important de centraliser, et de mettre en cohérence les recueils existants pour fournir au ministère et aux acteurs du système de santé des indicateurs et des données agrégées sous une forme lisible.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La Cour des comptes propose de faire de l'ATIH un « pôle de référence et d'expertise ». Avez-vous actuellement un rôle d'interface avec les professionnels, et notamment avec les fédérations hospitalières ?

Mme Maryse Chodorge : Á la demande de la DHOS, nous avons créé un comité technique de maintenance de la classification en GHM. Il s'agit bien de réunions techniques, car l'Agence doit être neutre et objective. L'ancienne de l'Insee que je suis a tendance à penser que l'ATIH doit aussi être indépendante, ce qui, pour moi, ne signifie pas « autonome ». De même que l'indice des prix est préparé par l'Insee selon une méthode discutée par le Conseil national de l'information statistique, l'ATIH doit s'asseoir sur une expertise scientifique pour mettre au point des outils neutres et objectifs, qu'il s'agisse de l'échelle des coûts, des prétarifs, des classifications ou des données agrégées. C'est sans doute l'optique dans laquelle se place la Cour des comptes lorsqu'elle parle de valoriser notre expertise, et cela ne fait d'ailleurs pas débat avec la DHOS. Dans le même temps, les outils techniques doivent s'inscrire dans une politique administrative donnée. Ainsi avons-nous discuté avec la DHOS pour fixer les orientations à donner à la classification, car la manière dont elle est établie n'est pas neutre. On sait en effet, d'expérience étrangère, que plus on crée de groupes plus on favorise la dépense hospitalière. Comme pour toute nomenclature, il faut définir des niveaux de regroupements. C'est d'autant plus nécessaire que 12 000 pathologies et 7 200 actes étant recensés, les possibilités de croisements, et donc de groupes, sont de l'ordre du milliard. Les groupes sont actuellement au nombre de 800, ce qui paraît raisonnable au regard des pratiques étrangères, mais certains pays en ont défini jusqu'à 1 200. On peut donc imaginer raffiner un peu, mais point trop, sans quoi la dépense en volume croîtra inévitablement, ce qui n'est pas l'objet de la tarification à l'activité.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous souhaitez donc faire jouer à l'ATIH un rôle comparable, dans son domaine, à celui de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), mais vous n'imaginez pas que l'Agence soit chargée de l'intégralité de la tarification et de la répartition financière.

Mme Maryse Chodorge : L'INSEE prépare les données nécessaires au calcul des comptes de la nation mais ne décide ni les orientations fiscales ni les dépenses de l'État. De même, l'ATIH, pour rester objective et neutre, doit être à l'abri du débat politique.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comme la Cour des comptes, nous sommes frappés par la multiplicité des services, organismes et groupes de travail impliqués dans la mise en œuvre de la tarification à l'activité, ce qui ne fait pas gagner en simplicité un dispositif complexe par nature. Voilà pourquoi j'insistais sur l'idée que l'Agence puisse éventuellement être désignée comme le maître d'ouvrage essentiel.

Selon vous, quelles sont les difficultés d'application de la T2A dans les établissements ? Qu'en est-il en particulier du recueil des données ?

Mme Maryse Chodorge : Dans le secteur qui était anciennement sous dotation globale, le dispositif de recueil de l'information médicale ayant été créé en 1996, les établissements étaient rodés. La difficulté tient à ce que de données informatives on est passé aux données de fait, ce qui implique une collecte exhaustive. Elle était inaboutie, et il a fallu y travailler pour garantir l'affectation équitable des recettes. On a aussi constaté des problèmes de codage mais, dans les établissements publics, ce circuit-là était très bien structuré. La difficulté actuelle tient aux liens entre les services médicaux et le secteur financier dans les établissements. Ils ne peuvent plus s'ignorer, et chacun doit participer à l'élaboration de l'information médicale en partenariat avec l'administration.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Les établissements sont-ils dans leur ensemble dotés d'une comptabilité analytique adéquate ?

Mme Maryse Chodorge : C'est le point faible, et c'est pourquoi seuls cinquante-deux établissements et services sur 600 figurent dans l'échantillon national utilisé pour définir l'échelle nationale des coûts (ENC).

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment cet échantillon a-t-il été composé ?

Mme Maryse Chodorge : Sur la base du volontariat.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : On pourrait en déduire que se sont portés volontaires les établissements les plus dynamiques, les mieux gérés et les plus informatisés.

Mme Maryse Chodorge : Nous avons procédé à l'audit du système d'information des établissements qui se sont portés candidats, car tous ne sont pas en mesure de produire une comptabilité analytique par séjour. Nous avons aussi vérifié qu'ils disposaient de ressources humaines suffisantes pour affecter les moyens nécessaires à cette tâche. La représentativité de l'échantillon fait débat. Il est vrai qu'il n'a pas été constitué de manière aléatoire, et nous espérons pouvoir approcher un « coût moyen France entière » par sondages à partir de la fin de l'année mais, en l'état de la comptabilité analytique des établissements, ce n'est pas envisageable actuellement. Nous avons malgré tout fait quelques travaux à cette fin, mais la difficulté méthodologique est grande. Nous appliquons le « coût ENC » à l'ensemble du recueil national et observons si on retrouve ainsi l'enveloppe hospitalière dépensée. L'écart moyen est de 3 %, ce qui montre que nous ne sommes pas très loin, mais il existe des groupes sur lesquels on a très peu d'observations. C'est le cas pour les greffes, activité autorisée dans certains établissements seulement. Si l'on prend l'exemple de la greffe du pancréas, dont il se pratique environ 80 par an, et dont nous ne comptons que 29 dans l'ENC, on se rend compte que le coût moyen ne sera pas statistiquement très significatif. Pour certains groupes de ce type, on pourrait imaginer travailler à dire d'expert ou en fonction de coûts standard. Mais pour cela, il faut du temps.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment contribuez-vous à la valorisation des missions d'enseignement, de recherche, de recours et d'innovation (MERRI) et des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) par la DHOS ?

Mme Maryse Chodorge : L'ATIH n'a pas de responsabilité particulière à ce sujet et nous nous limitons à faire remonter les données nécessaires à l'évaluation des missions d'intérêt général (MIG).

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Qu'en est-il des médicaments onéreux et des dispositifs médicaux implantables (DMI) ?

Mme Maryse Chodorge : Pour le secteur hospitalier public, le système d'information ne permet qu'une remontée globale des données car les établissements ne sont pas encore en mesure de tarifer par patient. La mise en place de la tarification individuelle est repoussée de proche en proche parce que c'est une opération compliquée. On constate d'ailleurs que dans le secteur privé, qui a basculé à la tarification à l'activité en mars 2005, les difficultés persistent, et que la liaison entre les systèmes de gestion qui permettent de facturer un patient et le recueil de l'information médicale n'est pas encore tout à fait au point.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Mais est-ce faisable ?

Mme Maryse Chodorge : Oui, et à mon avis ce n'est pas si compliqué que cela, puisqu'il existe des identifiants séjour et, de plus en plus, des identifiants permanents du patient. Nous avons donc imaginé un dispositif d'anonymisation, et je ne doute pas que l'on réussira à lier les deux sous-ensembles.

M. Pierre Morange, coprésident : Est-il établi que les logiciels de collecte d'informations que vous concevez sont d'utilisation obligatoire dans les 3 000 établissements de France ?

Mme Maryse Chodorge : Nous diffusons systématiquement et gratuitement tout ce qui a trait à la transmission des données du PMSI à tous les établissements, et nous vérifions que la version utilisée est la bonne. Par ailleurs, les logiciels sont effectivement utilisés par tous les établissements.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est le pourcentage d'anomalies relevé, et de quel type sont-elles ?

Mme Maryse Chodorge : Théoriquement, les établissements corrigent les anomalies avant de transmettre les données. Toutefois, la règle du PMSI est que l'on ne modifie aucune donnée recueillie, même si l'erreur est flagrante - par exemple, imputer à une patiente un acte concernant une prostate... Nous intégrons le maximum de contrôle dans les outils transmis aux établissements, mais ces contrôles devraient figurer dans les systèmes d'information des établissements ; c'est relativement simple, si ce n'est que 12 000 pathologies sont recensées. Il est plus compliqué d'assurer la cohérence entre les actes et la pathologie déclarée. Aussi avons-nous mis au point un système qui permet de repérer une partie des anomalies, et de les signaler au ministère lorsque les données lui sont transmises.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La codification est bien faite à l'acte, et non en C et en K ?

Mme Maryse Chodorge : Oui.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est votre sentiment sur le rythme de montée en charge de la réforme et sur le calendrier de la convergence public-privé ?

Mme Maryse Chodorge : Tel que le dispositif a été conçu en accord avec les fédérations hospitalières, la convergence tarifaire suppose une méthodologie commune pour l'étude nationale de coût. Nous sommes en train de l'élaborer, car celle qui existe déjà dans le secteur public n'est pas directement applicable au secteur privé, et nous souhaitons y parvenir au terme le plus rapproché possible. La DHOS pilote une étude faite dans le secteur privé. Bien que les établissements qui y participent soient volontaires, on observe qu'ils ne sont pas encore tout à fait au point, et le même constat vaut pour les secteur public, où le PMSI est mis en œuvre depuis dix ans... L'étude de coût est la pierre angulaire des travaux sur la convergence, mais c'est une opération compliquée pour les établissements, pour l'ATIH et pour le ministère. S'agissant du calendrier, la phase de concertation est achevée. La deuxième étape consiste à définir l'affectation des recettes et des dépenses et nous espérons y parvenir d'ici le 15 juin. La troisième étape sera la méthodologie commune, que nous espérons avoir achevé de définir fin juillet, pour une application en fin d'année. Mais il est très difficile de faire une étude de coûts a posteriori.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous un rôle particulier en matière de contrôle ?

Mme Maryse Chodorge : En matière de contrôle externe, oui, puisque nous avons fourni aux établissements les logiciels qui permettent de repérer les atypies. Nous en avons aussi fourni à l'assurance maladie, et je n'entrerai pas dans la polémique selon laquelle les retards constatés dans le démarrage des contrôles nous seraient imputables. Le fait est qu'actuellement on peut repérer les atypies et qu'en tirant au sort un court séjour, on peut remonter jusqu'au dossier du patient. En réalité, la demande nous a été faite un peu tardivement de modifier la plateforme de services qui permet aux contrôleurs nationaux de suivre ce qui se passe au niveau régional.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous un moyen de repérer les dérives, les contournements de procédures, les refus de prise en charge de certaines pathologies ?

Mme Maryse Chodorge : Nous n'avons aucun moyen de repérer les refus de prise en charge à un moment donné, mais on peut suivre l'évolution des prises en charge sur plusieurs années. La prise en charge est très différente dans le secteur privé et dans le secteur public, qui a une vocation beaucoup plus généraliste. Mais nous manquons de recul pour l'instant puisque la première collecte de données a eu lieu en 2004 et qu'elle concernait 10 % seulement de l'activité hospitalière publique. Le Comité d'évaluation est chargé de vérifier que les comportements que vous décrivez ne se produisent pas.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le temps nous manquant pour poursuivre, je vous serais reconnaissant de nous transmettre par écrit vos éventuelles propositions de simplification. Je vous remercie.

*

Audition de M. Jean Castex, directeur de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) au ministère de la santé et des solidarités, accompagné de M. Patrick Olivier, sous-directeur chargé des affaires financières au pôle « organisation des soins, établissements et financement » de la DHOS, de M. Jean Pinson, adjoint au directeur opérationnel de la Mission T2A au ministère de la santé
et des solidarités, et de M. Roland Cash, responsable scientifique de la Mission T2A

M. Pierre Morange, coprésident : Messieurs, Je vous souhaite la bienvenue, et j'aimerais, pour commencer, savoir quelles réflexions vous inspirent les commentaires du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie.

M. Jean Castex : Lors de ma première audition par votre mission, en mars, j'avais dit que le dépassement de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) hospitalier en 2005 tient pour partie à ce que le volume d'activité en fonction duquel les dépenses avaient été calculées avait été sous-estimé. Il en est résulté un surcroît de dépenses pour l'assurance maladie. Pour l'exercice 2006, l'estimation d'activité a été beaucoup plus réaliste puisque l'on a tablé sur une augmentation de 2,6 %, si bien que les tarifs ont baissé de 1 %. Par ailleurs, certains établissements estimant que leur volume d'activité n'augmenterait pas dans les proportions prévues, le Gouvernement a décidé, pour sécuriser l'exécution en 2006, de constituer des réserves de précaution et de ne pas déléguer en début de campagne l'ensemble des crédits relatifs à la part non tarifaire de l'activité. Cela a conduit certains conseils d'administration à voter des états prévisionnels de recettes et de dépenses (EPRD) en déficit, ce qui a suscité les interrogations du Comité d'alerte. Le ministre réunira en juillet une conférence tarifaire qui statuera au vu de l'activité constatée au cours du premier semestre. Soit l'augmentation prévue aura été dépassée et une nouvelle baisse des tarifs sera nécessaire, soit notre prévision de progression du volume d'activité se sera révélée excessive et l'on pourra envisager d'accroître les tarifs. Enfin, le ministre pourrait décider de "dégeler" les crédits non encore délégués, l'objectif demeurant de respecter l'enveloppe de l'ONDAM hospitalier voté en progression de 3,44 % par le Parlement.

Avant l'introduction de la tarification à l'activité, nous étions dans une enveloppe fermée, si bien qu'il y avait, hors reports de charges, une stricte adéquation avec les réalisations.

M. Pierre Morange, coprésident : À cela près que le rebasage étant systématique, cette « stricte adéquation » me semble assez virtuelle.

M. Jean Castex : Le décalage, rebasage inclus, entre l'ONDAM initialement voté et la réalisation était bien plus raisonnable pour l'hôpital que pour la médecine de ville. C'est en 2005 que la tendance a paru s'inverser, et je comprends que cela fasse désordre. Mais, avec un recul de dix ans, on constate que l'autorisation parlementaire globale a été respectée, et il est même arrivé une ou deux fois que la réalisation soit inférieure à l'autorisation. L'écart s'expliquait par les reports de charge, puisque nous vivions sinon dans un cadre budgétaire fictif du moins dans un cadre qui nous interdisait de présenter un budget en déséquilibre. La commission des comptes de la sécurité sociale, qui se réunira le 8 juin, dira qu'un dépassement significatif a effectivement eu lieu en 2005, mais les comptes des années antérieures montrent la sagesse de la dépense hospitalière au regard des autorisations données et, pour en revenir aux préoccupations exprimées par le Comité d'alerte, notre objectif est bien de respecter l'enveloppe votée.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quels sont, à ce jour, 1er juin 2006, les effets de la tarification à l'activité sur les comptes et sur l'exécution de l'ONDAM ?

M. Jean Castex : Je ne peux malheureusement répondre à cette question, car les systèmes d'information ne sont pas assez réactifs pour permettre le suivi mois par mois de l'activité des établissements. Nous aurons les résultats du premier trimestre 2006 dans les tout prochains jours. Il aurait évidemment été préférable de pouvoir en disposer plus tôt, mais étant donné l'hétérogénéité des établissements et la diversité des statuts, ce n'est pas encore le cas. Normalement, le délai de production des comptes va s'accélérer et nous disposerons fin août des résultats du deuxième trimestre. Nous verrons alors si l'effet initial de la tarification à l'activité s'est poursuivi au premier semestre 2006.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Qu'en est-il de l'effet de la tarification à l'activité sur les comptes de 2005 ?

M. Jean Castex : Nous sommes à peu près au clair. Nous nous demandions s'il n'y aurait pas dépassement du rebasage mais finalement il n'en sera rien, ou pour très peu de chose.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : En quoi le modèle T2A a-t-il évolué en 2006 ? Sur quoi ont porté les ajustements ?

M. Jean Castex : Il s'agit d'une réforme complexe, faite dans la douleur et en marchant. Nous en sommes toujours aux évolutions, pas encore aux ajustements... La campagne 2006 se caractérise d'abord par la poursuite de l'application de la tarification à l'activité, portée à 35 %. C'est aussi l'année de l'introduction de la dixième version de la classification, qui a une incidence très significative sur les groupes homogènes de séjours (GHS). De nombreux ajustements ont eu lieu en cancérologie et en radiothérapie. Ils ont emporté l'adhésion, mais ceux qui en sont satisfaits sont restés silencieux, au contraire des mécontents, ceux qui ont estimé que les ajustements ne leur étaient pas favorables. Enfin, nous avons poursuivi l'intégration de certains tarifs médicaux dans les GHS, ce qui ne s'est pas fait tout seul. Quand on conduit une réforme de ce type, soit on répond aux attentes des professionnels secteur par secteur, le plus finement possible - et nous sommes déjà passés de 500 à 800 GHS -, soit on adopte une vision plus globale, car le mouvement permanent fait perdre en lisibilité et complique l'ajustement des dépenses à des recettes en évolution incessante. Je crains que trois ou quatre années ne soient encore nécessaires pour stabiliser le modèle avant de pouvoir l'ajuster.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Dans la communication qu'elle nous a adressée à propos de la mise en œuvre de la tarification à l'activité, la Cour des comptes fait diverses observations. Ses remarques portent sur le pilotage de la réforme ; sur son calendrier, que tout le monde s'accorde à trouver un peu rapide ; sur le rôle des agences régionales de l'hospitalisation (ARH), et l'on a du mal à comprendre l'importance du rôle qui leur est donné dans le contrôle de la facturation, alors que nombreux sont ceux qui s'interrogent sur l'intérêt de l'échelon régional dans la réforme ; sur les missions d'enseignement, de recherche, de recours et d'innovation (MERRI) et les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) ; sur la convergence ; enfin, sur le rôle de l'agence technique de l'information hospitalière (ATIH). À ce sujet, l'Agence, dont la Cour recommande qu'elle devienne le maître d'ouvrage de la gestion du système de paiement prospectif de la T2A, n'est-elle effectivement pour la DHOS qu'un « moulineur de chiffres », ou lui attribuez-vous un rôle d'expertise et d'évaluation ?

M. Jean Castex : On s'est focalisé, à mon sens de manière excessive, sur la question du contrôle des facturations et des séjours. Les contrôles sont indispensables lorsque de l'argent public est en jeu, ils le sont pour assurer la crédibilité du système, ils le sont pour éviter toute tentation d'« optimisations » entendues comme « fraudes ». Mais il avait été prévu, alors que je n'occupais pas encore les fonctions qui sont à présent les miennes, que dans un premier temps les contrôles seraient faits « à blanc », avec une finalité pédagogique, pour que les établissements s'habituent à une réforme que la Cour des comptes qualifie à juste titre de « nécessairement complexe », et parce que la réglementation pouvait parfois être sujette à interprétation, notamment pour les actes « frontières ». La décision politique a donc été que le contrôle coercitif - les décrets portant sanctions et recouvrement de l'indu - viendrait dans un deuxième temps.

Par ailleurs, il a toujours été prévu que les contrôles seraient faits par les médecins conseils de l'assurance maladie, qui ont toutes les compétences requises pour cela. Jamais il n'a été envisagé autre chose. M. le député Gérard Bapt, ici présent, connaît le budget du ministère des affaires sociales et les effectifs des médecins inspecteurs de santé publique, et il sait qu'il aurait été difficile d'avoir des ambitions autres. L'assurance maladie est le bras armé du contrôle, et je rappelle qu'elle participe à part entière à l'activité des ARH. Je ne partage donc pas le point de vue de la Cour des comptes et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), selon lequel nous voulons conduire les contrôles de manière distincte et en dehors des ARH. Le débat sur ce point nous a occupés un certain temps, ce qui explique le retard dans le démarrage des contrôles. Mais la représentation nationale a tranché dans le sens que j'indique lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 et dit que les médecins conseils de l'assurance maladie conduisent les contrôles, dont les résultats sont ensuite examinés par la commission exécutive de l'ARH. Les choses sont donc simples et ne prêtent pas à polémique : de par la loi, les ARH, dont l'assurance maladie fait partie, sont les régulateurs régionaux de la politique hospitalière et elles ont un droit de regard sur les contrôles. Le Conseil de l'hospitalisation s'est réuni la semaine dernière, il a constaté que les contrôles s'effectuent, que nous en attendons les résultats et que nous en tirerons les conséquences. Tout cela suit son cours, et j'écrirai aux fédérations pour leur dire ce que nous faisons.

M. Pierre Morange, coprésident : Quand les contrôles commencent-ils ?

M. Jean Castex : Après que des commissions ad hoc ont défini des échantillons par établissements et par thèmes, ils ont démarré partout le 1er février. Je tiens à votre disposition le planning par région, qui fait ressortir le nombre des contrôles et les sites visités.

Le débat relatif au rôle des ARH dans la mise en œuvre de la tarification à l'activité me semble plus important, puisque les tarifs sont fixés au niveau national, et que peu de cas étrangers illustrent le fait que l'on peut avoir des tarifs modulés régionalement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Il y a des coefficients géographiques.

M. Jean Castex : Oui, mais ils sont décidés à Paris.

Toutes les missions des hôpitaux ne sont pas solubles dans la tarification à l'activité, ce qui a conduit à la définition des MIGAC. Le ministre nous a expressément demandé de restituer, au bénéfice des ARH, 170 millions de crédits de l'enveloppe aide à la contractualisation (AC) pour le court séjour. Nous l'avons fait, en liant l'octroi de ces crédits à la réforme, ce qui poussera les établissements « perdants » à se restructurer. Or, les restructurations ne se font pas en un jour car il est compliqué de réunir des sites dispersés ou des plateaux techniques qui font doublons, et la procédure de marchés publics est longue. Il y a donc des coûts transitoires que la tarification à l'activité ne peut supporter. Les crédits AC, en redonnant une marge de manœuvre régionale, permettent d'accompagner les restructurations. Là est le rôle des ARH, ainsi que dans le lien entre schéma régional de l'organisation sanitaire (SROS) et T2A, et dans le contrôle.

S'agissant du pilotage, le paysage institutionnel n'est effectivement pas des plus simples, puisque coexistent la DHOS, qui agit au nom du ministre, l'ATIH, établissement public à caractère administratif, et la Mission T2A, qui n'est pas dotée de la personnalité morale et qui a été créée par la loi pour penser et lancer la réforme. La Cour des comptes dit qu'il faut « réinternaliser » la Mission T2A. Ce serait possible et nécessaire mais, pour l'instant, la situation ne gêne en rien la conduite des opérations, puisque la Mission T2A, intégrée dans la DHOS, travaille main dans la main avec nous, sans aucune incohérence.

L'ATIH n'est pas le concepteur mais plutôt le bras armé qui, en effet, « mouline » des chiffres, et qui a vraiment beaucoup à faire. Il n'est pas dans l'intention du ministre de déléguer la maîtrise d'ouvrage à l'Agence. Nous devons progresser dans la conceptualisation de ce que l'on attend d'elle, ce que nous faisons dans le cadre de l'élaboration de la convention d'objectifs et de moyens, en lui laissant son rôle d'opérateur, le pilotage de la réforme devant demeurer à l'administration centrale.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous ne souhaitez pas confier à l'ATIH des missions d'expertise ou de choix techniques sur les tarifs ?

M. Jean Castex : L'évaluation ne doit dépendre ni de nous, ni de l'ATIH qui rassemble surtout des informaticiens et des statisticiens, mais doit relever d'instances extérieures.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Les opérateurs se plaignent du manque de transparence dans le calcul des forfaits et des MIGAC. Quelle réflexion ces remarques vous inspirent-elles ?

M. Jean Castex : Si l'on en croit la Cour des comptes, la concertation avec les organisations professionnelles est indispensable, mais elles sont alors parties prenantes à la réforme, si bien que les pouvoirs publics sont en porte-à-faux, et ce mode de pilotage nuit gravement à la mise en œuvre de la tarification à l'activité. La Cour nous reproche presque de faire trop de concertation, nous reproche presque d'être vendus aux organisations professionnelles. Dans le même temps, j'entends fréquemment les Fédérations dire qu'elles ne sont pas assez informées. J'ai la faiblesse de penser que la vérité est au milieu de ces deux assertions divergentes. Le ministère est très ouvert à la concertation permanente, mais voyez ce qui s'est passé avec les dispositifs médicaux implantables (DMI) : si l'on arrive à un accord global, c'est que la concertation a été bien menée, mais si l'administration n'est pas d'accord, cela signifie que la concertation a été mal faite ! Or, on ne peut être d'accord avec tout le monde. Comme le disent l'Inspection générale des finances (IGF) et la Cour des comptes, nous manquons peut-être de moyens, et peut-être aussi de pédagogie, et sur ce point nous devons sans doute nous améliorer. Mais pour cela, il faut du temps.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : La question de l'expertise revient de manière récurrente dans les propos de nos interlocuteurs. À quel niveau se fait-elle ? Qui doit participer au montage du système ? Peut-on mêler expertise technique et négociation, ou est-ce facteur de dérapages ?

M. Patrick Olivier : Sur le fond, la complexité du système est telle qu'il est illusoire de penser que nous pouvions prévoir toutes les difficultés techniques ; lors de chaque campagne budgétaire nous en découvrons de nouvelles, auxquelles nous apportons des solutions. Pour rassurer les observateurs, je rappelle que les compétences techniques sont présentes à l'ATIH et à la DHOS et qu'elles s'articulent très logiquement pour travailler ensemble, notre objectif étant de permettre à chacun d'exercer sereinement ses responsabilités. Il faut définir le périmètre d'action de l'ATIH. Nous avons commencé de le faire, pour clarifier ce qui est le produit de son action technique et de l'action tarifaire du ministère, pour déterminer où la technique s'arrête et où la décision commence. L'intérêt de l'Agence est aussi de garder sa tranquillité technique, et il nous revient d'assumer la décision.

M. Jean Castex : En Angleterre, l'organisme homologue de l'ATIH rassemble beaucoup plus d'experts. Pour ce qui nous concerne, lorsque nous allons chercher le spécialiste de tel ou tel sujet dans le monde hospitalier pour l'associer à nos travaux, s'agit-il de concertation ou de préparation experte de la décision, sachant que ces personnalités choisies intuitu personae représentent aussi telle ou telle Fédération ? C'est une richesse pour nous, puisque la finalité de la tarification à l'activité est de parvenir à financer les activités le plus finement possible. Peut-être peut-on faire différemment, mais j'aimerais que l'on me démontre en quoi ce processus aboutit à des surcoûts ou à des effets pervers. Si l'on veut changer la donne, il faudra renforcer soit la Mission T2A, soit l'ATIH.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : En 2006, les dotations MIGAC ont fortement progressé. Où en êtes-vous sur ce plan, et ne peut-on craindre de voir repris d'une main ce que l'autre a donné ?

M. Jean Castex : C'est une des difficultés de la réforme. Le ministère étant tenu par l'ONDAM hospitalier, il faudra bien que quelque chose baisse si l'on décide d'augmenter les tarifs. Pour leur part, les centres hospitalo-universitaires (CHU) disent qu'il faut augmenter les MERRI, et ils ont de bons arguments en ce sens - mais tout le monde a de bons arguments ! Les tarifs risquent alors d'être la variable d'ajustement. Et si l'on veut faire passer les soins de suite ou de réadaptation (SSR) et la psychiatrie à la tarification à l'activité puisque, étant donné le vieillissement de la population, c'est là que seront les besoins, il faudra augmenter un peu la dotation de ce qui n'est pas le court séjour. Or, d'aucuns ont cru comprendre que le passage à la tarification à l'activité signifiait l'augmentation des moyens affectés aux établissements de santé ; ils ont pu concevoir quelque déception, puisque la T2A, c'est un financement plus juste, mais pas une source de financement supplémentaire. Puisque l'enveloppe est unique, il y a bel et bien un effet de vases communicants.

Le chantier des MIGAC est immense. Ces missions ont fait l'objet d'une liste arrêtée postérieurement au moment où la réforme a été engagée. Nous avons en quelque sorte fait un instantané à partir des comptes administratifs retraités. Ce qui a principalement augmenté, en 2006, c'est la part d'aide à la contractualisation laissée aux ARH, et non les MERRI, ce que les CHU nous reprochent. Mais il existe des différences singulières. Par exemple, le financement des centres anti-poison, qui se fait sur base déclarative, montre des différences de coût spectaculaires. De même, pour ce qui est des MERRI, il existe de grandes disparités selon les CHU, et un rapport resté célèbre a montré qu'il faut un socle forfaitaire et une part de financement variable en fonction des résultats de la recherche. Nous avons donc engagé une série de travaux sur le financement de la recherche universitaire, que nous vous communiquerons. Nous espérons avancer en 2006, sans être certains de pouvoir en tirer déjà des conclusions pour la campagne budgétaire 2007.

M. Roland Cash : Nous travaillons sur un modèle à trois niveaux : un socle fixe sur la base du personnel médical, une part modulable en fonction d'indicateurs de résultats, un niveau variable lié aux appels à projets ou à la contractualisation. La concertation vient de commencer ; l'enquête va partir auprès des établissements et ses résultats seront analysés à l'automne. Peut-être parviendrons-nous à utiliser ces conclusions en 2007, mais plus sûrement en 2008.

M. Jean Castex : Je dois gérer une contradiction. Les grands CHU très chercheurs pensent gagner à la modulation et jugent que la réforme doit être accélérée. D'autres, nombreux, trouvent que nous allons trop vite car il s'agit d'une révolution culturelle qui, pour réussir, demande du temps. Nous avons travaillé sur la base du rapport auquel j'ai fait allusion, et qui avait été très mal vécu par la recherche médicale. Nous avons maintenu le cap, sur une base expertale concertée. Mais que l'on ne me dise pas que les conséquences doivent en être tirées dès la campagne budgétaire 2007, car j'en suis incapable, à moins que l'on ne quadruple nos moyens.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Où en sont l'élaboration de l'échelle de coûts pour le secteur privé et celle de l'échelle commune de coûts ?

M. Jean Castex : L'échelle de coûts pour le secteur privé n'existait pas. Nous avons donc dû en construire une rétrospectivement, et il aurait fallu pouvoir la prendre en compte dans la campagne 2006, mais il y a eu du retard. Faut-il le regretter ? Cela aurait eu une incidence encore plus grande sur les tarifs et, au vu de la volée de bois vert que nous avons reçue pour avoir introduit quelques DMI dans les GHS, j'en suis à me demander s'il est judicieux d'appliquer cette échelle de coûts quand elle sera disponible, en 2007. Faut-il imposer un nouveau changement aux établissements du secteur privé ? C'est une question d'ordre politique.

L'autre débat porte sur la convergence intersectorielle. Pour moi, il est capital de réussir la convergence à l'intérieur des deux secteurs. Je n'ignore pas les échéances que nous a fixées le Parlement, mais je suis heureux que la Cour des comptes, après l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et après le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, ait écrit que des études approfondies étaient encore nécessaires. Elles le sont d'autant plus que l'on touche là à un débat politique et idéologique qui doit être soigneusement éclairé. Nous les avons engagées, et j'ai préparé à votre intention un document qui fait le point sur l'état de notre réflexion. Notre objectif est que toutes les études techniques soient finies - et surtout validées, car il est capital d'obtenir des Fédérations hospitalières un consensus sur le fondement technique - fin 2007, puisque la convergence intersectorielle doit être achevée en 2012 et qu'un objectif intermédiaire a été fixé à 2008.

M. Pierre Morange, coprésident : Peut-être serons-nous amenés à nous revoir, car tout le champ de ce vaste sujet n'a pas été balayé. Je vous remercie

AUDITIONS DU 15 JUIN 2006

Audition de M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil
pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM)
et M. Pierre-Jean Lancry, secrétaire général du HCAAM

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Nous accueillons ce matin M. Bertrand Fragonard et M. Pierre-Jean Lancry, respectivement président et secrétaire général du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue à cette audition consacrée à la tarification à l'activité (T2A) dans les établissements de santé.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je vous remercie d'être venus faire part de votre expérience et de vos remarques. Vous avez rappelé, dans l'avis du 23 mars 2006, que, si le Haut Conseil considère le nouveau système de tarification comme positif, encore faut-il que deux conditions soient réunies : que les outils d'évaluation, notamment ceux de la qualité du service rendu, soient améliorés, et que les gestionnaires disposent d'instruments de gouvernance renforcée et d'une souplesse de gestion accrue sur l'ensemble des chapitres budgétaires. Je voudrais que nous commencions cette réunion en évoquant ce point.

M. Bertrand Fragonard : Je rappelle tout d'abord que cet avis n'exprime pas mon point de vue personnel, mais celui du Haut Conseil, lequel, fait assez inhabituel, n'a pas été unanime - et j'essaierai d'expliquer au passage pourquoi ni les représentants de la CGT, ni M. Jean-Marie Le Guen ne se sont pas associés à l'avis majoritaire.

Le Haut Conseil considère en effet que la mise en œuvre de la T2A pour les activités de médecine, de chirurgie et d'obstétrique (MCO) est un élément positif. Étant donné qu'il faut bien qu'il y ait un processus d'allocation budgétaire, les différents pays ont adopté, soit un système de dotation globale, soit un instrument du type T2A. Ce dernier a pour premier mérite de donner de la lisibilité aux gestionnaires, qui savent à peu près à quoi s'attendre : même s'ils ignorent comment évoluera, dans le détail, l'indicateur principal, c'est-à-dire l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), ils connaissent en gros la trajectoire. Il introduit, en second lieu, une certaine rationalité dans l'affectation des moyens, pour autant, bien entendu, que les instruments de calcul soient pertinents. C'est donc un progrès. La CGT est le seul syndicat à marquer son opposition ; non qu'elle soit indifférente à ce qu'il y a de positif dans la nouvelle tarification, mais parce qu'elle en redoute les effets pervers, comme la sélection des clientèles ou des spécialités, et c'est pourquoi elle a annoncé, dès le début des travaux, qu'elle ne s'associerait pas à l'avis du Haut Conseil. Les autres membres, en revanche, ont considéré que la T2A était un progrès.

Un progrès, donc, mais à quelles conditions ? La première est que la construction intellectuelle soit pertinente, sans pousser toutefois le raffinement jusqu'à multiplier les unités de compte. Or, nous avons constaté avec une grande perplexité la persistance d'une sorte de gêne autour du mode de calcul de ces unités : doit-il rendre compte de toute la subtilité des prises en charge thérapeutiques, ou conserver une certaine rusticité ? Ce à quoi il faut veiller, c'est à ne pas induire de comportements ou de pratiques discutables. Sous ces réserves, toutefois, nous avons estimé que la T2A était une bonne chose.

La T2A est naturellement plus facile à mettre en œuvre quand on est dans l'aisance, quand chacun a un peu de marge pour s'ajuster, pour améliorer sa gestion. Mais il se trouve que, depuis un certain nombre d'années, les arbitrages globaux reposent sur la nécessité de contenir les dépenses d'assurance maladie, et que la progression de l'ONDAM hospitalier est à peine supérieure à celle de l'indice des prix. Le fait de devoir gérer la montée en charge de la T2A dans un cadre aussi contraint crée donc une certaine émotion, notamment pour les établissements qui constatent qu'ils sont considérés comme sur-dotés et devront revenir, lentement mais sûrement, vers le point de convergence.

Peut-on, dès lors, parier sur la capacité de la plupart des établissements à se couler dans ce cadre conceptuel et opératoire et à rejoindre ce point de convergence à l'horizon 2012, sans créer trop de tensions et sans multiplier les effets pervers, tels que la surfacturation ou la sélection des niches les plus profitables ? En d'autres termes : la T2A est certes un système intelligent, conceptuellement astucieux, mais est-il crédible ? Est-on capable, notamment dans le public, d'assumer l'idée que des établissements verront leurs moyens au titre du MCO n'évoluer que lentement ?

Nous avons considéré qu'il y avait sans doute assez de marge de productivité dans les hôpitaux publics pour répondre par l'affirmative, et nous avons donc écrit que la démarche était non seulement intellectuellement pertinente, mais soutenable. À condition, cependant, que les gestionnaires sur lesquels pèse la responsabilité de gérer ce processus budgétaire compliqué et austère aient davantage de liberté d'action - aspiration qui revient de façon lancinante dans leur discours, sans que personne, toutefois, n'explicite de façon trop précise en quoi consiste cette liberté d'action. Vous connaissez le débat sur l'affectation des praticiens : que signifie la « fongibilité des moyens », qui décide du tableau des emplois à l'intérieur de l'hôpital, etc. ? Nous n'avons pas encore approfondi cet aspect, mais je suis frappé de voir que tout le monde, y compris les gens favorables au principe de la T2A, disent que celle-ci fonctionnera mieux s'il y a une meilleure maîtrise de la gestion.

Nous avons ajouté que, les contraintes étant fortes, il faudra éviter qu'on les contourne. Or, c'est ce qui se produira si l'on veut forcer l'allure. Il y aura des contournements internes, que l'on peut observer dans les pays étrangers qui ont mis en place des systèmes analogues, mais aussi des négociations avec l'administration, le ministère, le cabinet, en vue d'obtenir une petite dotation d'accompagnement, une petite enveloppe autonome, ou de jouer sur tel coefficient géographique, de façon à desserrer la contrainte... C'est une tentation très forte dans un pays régalien et centralisé comme le nôtre.

Ce qu'il faut, c'est rester réaliste, tenir le cap, et surtout éviter de feindre la vertu tout en pratiquant des ajustements grâce à la partie non couverte par la T2A, et en particulier aux MIGAC. Or, s'il y a eu de grands progrès dans l'explicitation des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC), on est encore loin du compte, et elles sont encore, à bien des égards, une boîte noire, ainsi que vos interlocuteurs vous l'ont probablement dit. La Fédération de l'hospitalisation privée, pour sa part, nous a dit redouter que l'on précompte sur l'enveloppe de l'ONDAM hospitalier une enveloppe excessive au titre des MIGAC, enveloppe qui ne bénéficierait qu'aux seuls établissements publics, réduisant d'autant la partie affectée aux tarifs, et partagée, elle, entre tous les établissements. Il ne faut donc pas forcer l'allure, car ce serait inéluctablement créer des tensions qu'on ne saurait pas gérer.

Je ne dis pas qu'il n'y a pas, objectivement, une forte marge de productivité, mais il faut être réaliste dans l'application. C'est une préoccupation exprimée notamment par la CGT, qui n'est pas hostile au principe même de la T2A, mais qui ne veut pas que la T2A soit mise en œuvre à un rythme tel que la vie concrète des hôpitaux et des personnels soit chahutée, ni que soit menacée la qualité de l'outil hospitalier, ni que soient remis en cause des principes comme la non-sélection des patients, etc.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Une des grandes priorités devrait être l'évaluation des coûts réels, notamment en vue de la convergence entre public et privé. Quel est votre sentiment sur sa faisabilité, sur les délais, sur la précision qu'il est possible d'atteindre ?

M. Bertrand Fragonard : Hormis les représentants de la CGT, seul M. Jean-Marie Le Guen a refusé, en termes d'ailleurs mesurés, l'objectif de convergence public-privé, qu'il juge trop hasardeuse. A priori, il n'y a pas de raison, et le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) l'a d'ailleurs dit très clairement, de refuser ce principe de convergence - indépendamment du fait qu'il a été voté et confirmé par le Parlement. Il n'est pas choquant qu'un assureur veuille que toutes les prestations soient réalisées au meilleur prix, sur des bases tarifaires unifiées. Le principe est donc généralement accepté - après, il est vrai, un débat un peu vif cet automne lorsque le Gouvernement a présenté un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) visant à distendre l'horizon temporel de la convergence, amenant la majorité à se raidir et à confirmer la date de 2012.

Le Parlement a, cela dit, très sagement précisé que cette convergence devait s'entendre « pour des prestations comparables ». Or, chacun des secteurs concernés - le public, le privé, les établissements participant au service public hospitalier - fait de lui-même une description très différente, chacun affirmant qu'il est pour la convergence, mais invoquant des chiffres qui rendent celle-ci problématique. C'est ainsi que la Fédération hospitalière de France explique que l'écart est très loin d'atteindre 40 % comme on le prétend, et refuse de s'engager dans un processus sur cette base qu'elle conteste, tandis que la Fédération de l'hospitalisation privée affirme qu'il y a un écart objectif important, notamment du fait des coûts salariaux horaires, et que les spécificités de l'hôpital public ne sont pas telles qu'elles justifient cet écart. Il y a donc un désaccord sur la réalité et l'ampleur de l'écart. Si celui-ci est excessif, il faut naturellement le réduire, mais si l'on constate, toutes choses égales par ailleurs, en éliminant les éléments qui ont trait à une autre manière de servir, qu'il n'est pas si important qu'il y paraît, la convergence en sera facilitée. Or, nous manquons d'évaluations : il existe bien des études sur le facteur précarité, sur la justesse des groupes homogènes de séjour (GHS), sur le caractère programmable des activités, mais elles n'ont pas été exploitées dans des conditions qui permettent de disposer de certitudes.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : La question des outils d'évaluation est centrale, en effet, car elle conditionne notre vision même de l'organisation hospitalière en France. La question des MIGAC, dont vous avez dit qu'elles ne devaient pas être utilisées pour contourner la T2A, l'est tout autant. Où en sont les travaux menés actuellement sur les outils d'évaluation ?

M. Bertrand Fragonard : Nous ne sommes pas aux manettes. Nous cherchons à interpréter les travaux conduits par les administrations avec les organisations professionnelles. On ne peut qu'être dépité de constater, depuis le temps que l'on travaille avec le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), que subsistent des inconnues en si grand nombre. Il existe d'excellentes études de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) sur les écarts de coûts horaires du personnel, mais lorsque l'on recherche des éléments plus subtils sur le profil de la clientèle, le facteur âge, la précarité, ou sur la programmation des interventions, on s'aperçoit qu'on manque de matériaux statistiques et économétriques précis. La majorité du Haut Conseil a néanmoins considéré qu'il y avait suffisamment d'éléments fiables pour dire qu'il existe un écart de coûts entre le public et le privé et qu'il faut engager le processus de convergence.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous calculé une fourchette pour cet écart ?

M. Bertrand Fragonard : Très franchement, je n'ai pas de certitude. J'ai une intuition, confirmée par diverses analyses qui nous amènent à dire qu'il y a un écart. Mais de combien est-il et, surtout, à quoi est-il dû ? C'est difficile à mesurer, notamment pour le facteur qui est probablement le plus central, c'est-à-dire le pourcentage plus ou moins élevé d'interventions programmables.

Les écarts bruts sont certes importants, de l'ordre de 60 %. Quand nous aurons estimé les facteurs de distorsion, ce sera évidemment moins, mais actuellement, les gens se disent que l'objectif 2012 n'est pas tenable si l'écart est trop important - à moins d'ouvrir plus largement l'ONDAM, ce qui n'est pas envisageable, car il faut inciter les gestionnaires à trouver des marges de productivité. Nous avons eu une discussion sémantique très longue, à laquelle M. Claude Évin a participé en personne. Ma position était qu'il fallait commencer le processus de convergence, en fixant des étapes, car nous disposons des éléments pour dire qu'il y a bien un écart. M. Claude Évin était un peu réticent, mais le consensus s'est fait sur cette formulation, que l'on retrouve page 6 de l'avis du Haut Conseil :

« La priorité dans ce chantier consiste à déterminer l'ampleur et la nature des écarts.

« La Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins a entrepris un important travail d'harmonisation avec les fédérations hospitalières. (...). Les résultats sont attendus au cours du second semestre 2007. Cela signifie clairement qu'on ne disposera pas d'analyse précise sur les écarts de coûts avant cette date.

« Nous serons, au terme de ce programme d'études, proches de l'échéance intercalaire de 2008. Être en mesure, à cette date, de mesurer objectivement les écarts non fondés sur des différences dans la nature des charges, permettra de vérifier si l'on est loin ou proche de l'objectif de 50 % de résorption des écarts. »

La majorité du Haut Conseil a donc estimé que l'on pouvait commencer la convergence en 2007, et que l'on verrait en 2007-2008, compte tenu des études qui arriveront à maturité d'ici là, si le pari fait par le Parlement est réaliste ou non. La plupart des gens que nous avons entendus sont tout de même dubitatifs quant à l'échéance, mais, faute de connaître l'ampleur de l'écart à prestations identiques, peut-être s'en font-ils une montagne. Si les écarts se révèlent moins importants que le chiffre brut, il est clair que la convergence est réalisable en quatre ou cinq ans.

Mme Rose-Marie Van Lerberghe, directrice de l'Assistance-publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) nous a dit clairement que ce n'était pas son problème, mais celui des pouvoirs publics et des fédérations professionnelles. Et de fait, le travail d'un gestionnaire d'hôpital public est de suivre sa trajectoire au titre de la T2A : c'est à la superstructure - Parlement, Gouvernement, fédérations professionnelles - chargée de piloter la convergence intersectorielle de voir si elle est réaliste.

L'hôpital public est tout de même un trésor formidable, notamment grâce à la réforme Debré : il n'est pas du tout dans la misère que l'on décrit ici ou là. Nous n'allons tout de même pas mettre en péril la qualité de l'hôpital pour un demi-point de PIB, même si, bien sûr, un demi-point de PIB, c'est beaucoup, notamment au regard des autres besoins à satisfaire. Nous n'aurons jamais d'instruments de mesure incontestables, il nous faut donc avancer avec des idées claires, dans un esprit de grand réalisme.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Certains pays qui ont mis en œuvre un système comparable à la T2A ont finalement décidé d'avoir des tarifications différenciées selon les établissements. Quel est votre sentiment sur ce sujet ?

M. Bertrand Fragonard : Je n'en ai pas. Le Haut Conseil a un champ d'études immense, mais certains sujets dépassent nos capacités, et nous laissons d'autres institutions, plus compétentes, y travailler. Je dirai cependant qu'avant de songer à différencier davantage, il faut vérifier que l'on tient le cap, gérer correctement les MIGAC, mieux les expliciter.

Ce qui me frappe, c'est qu'à l'hôpital, contrairement à d'autres domaines de la vie sociale, il n'y a pas de vulgarisation des problématiques, de réflexion commune à tout le monde, encore moins de consensus. C'est ainsi qu'on voit les uns affirmer, en toute bonne foi, que l'hôpital public est en voie de paupérisation avancée, montrer à la télévision des couloirs encombrés de brancards, et les autres dire, avec la même bonne foi, que le public reçoit trop d'argent et coûte beaucoup plus cher que le privé. Contrairement à ce qui se passe pour le médicament, sujet hautement complexe, il n'y a pas de lieu où ces questions sont discutées démocratiquement, hormis le Conseil de l'hospitalisation, instance purement technocratique qui réunit des représentants des administrations et les fédérations. Il s'agit pourtant d'un enjeu considérable, aussi bien pour les finances publiques que pour le million de personnes qui travaillent dans les hôpitaux et pour la santé des malades. Nous payons très cher le fait qu'il n'y ait pas d'instance de dialogue, car cela prête à tous les procès d'intention. Le privé dit : « le public nous ruine », et le public dit : « Nous n'avons pas à sacrifier les vertus de l'hôpital public pour le profit capitaliste »...

Il y a, sur tous ces sujets, des études très subtiles, mais très technocratiques, d'une lecture aussi ardue que celle des circulaires budgétaires. Nous avons cependant deux ans pour accumuler de la connaissance et la livrer au débat public, afin qu'elle ne soit pas réservée aux seuls spécialistes, lesquels font leur miel des détails et peuvent mettre à profit l'opacité du système pour tordre un peu la T2A dans tel ou tel sens. S'il n'y a pas plus de transparence et de débat, nous ne pourrons pas réduire la fourchette d'incertitude. Or, c'est cette incertitude qui alimente les réticences, celles de la Fédération hospitalière de France en particulier.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : En d'autres termes, si la différence de coût était relativement faible, de l'ordre de 15 % par exemple, on pourrait atteindre l'objectif plus rapidement ?

M. Bertrand Fragonard : Il est très difficile de répondre, car tout dépend de l'ONDAM. Nous avons fait, sans les rendre publiques, des simulations selon que l'écart était de 10, de 15, de 20 ou de 30 %. Il en ressort que l'objectif n'est pas tenable si l'écart était fort et l'évolution de l'ONDAM faible, car cela nous expose à coup sûr soit à un blocage, qui nous ferait reculer de quelques années, soit à un contournement des disciplines. Il y a un optimum à trouver, mais avancer l'échéance à 2010 est irréaliste, à moins d'être convaincu à la fois que l'écart réel est très modeste et qu'il existe une forte productivité latente dans le secteur public.

Nous ne devons pas surestimer nos moyens d'agir. Le service public, dont je suis un fervent défenseur depuis toujours, a d'immenses vertus, mais aussi des défauts, comme le manque d'audace, ou la lenteur des processus. L'action publique consiste à savoir jusqu'où on peut aller et à quel rythme. Il n'y aurait pas de sens à mettre en péril les valeurs du secteur public pour gagner une année sur la convergence. Mais si celle-ci est réalisable, il faut la faire.

Le problème est que le débat n'est pas assez clarifié pour prendre des options fermes. Nous avons eu des discussions informelles avec un certain nombre de parlementaires pour leur demander pourquoi ils avaient non seulement repoussé l'amendement du Gouvernement retardant la convergence, mais encore ajouté une étape intermédiaire. Ils nous ont expliqué que, si l'on ne fixait pas un cap et une échéance, tout le monde allait mollir. Il faut tirer parti des deux ans qui restent, et qui sont un peu atypiques sur le plan politique, pour acquérir les outils qui permettront le moment venu de valider ou de corriger la trajectoire fixée.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Derrière la convergence, il y a aussi l'idée de restructurer le système autour des parcours de soins. Disposons-nous pour cela des indicateurs suffisants ?

M. Bertrand Fragonard : Ce que nous sentons mal, c'est l'articulation entre la T2A des établissements et les schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS). Mais c'est une problématique sur laquelle nous n'avons guère travaillé, et que nous ne dominons pas.

Nous avons le sentiment qu'il y a des problèmes généraux d'organisation au sein de l'hôpital. Nous allons travailler, l'année prochaine sur les marges de productivité, et trouvons très positifs les travaux qui ont été faits et qui montrent qu'à égalité de contraintes, la dispersion des performances à l'intérieur du service public est élevée. Reste que l'investissement intellectuel consacré à ces questions, et c'est là un problème très général, est dérisoire si on le rapporte aux volumes financiers en cause. Il n'est pas normal que nous ayons aussi peu d'analyses fouillées sur les écarts de coûts, leur explication, leur éventuelle relation avec l'organisation de l'hôpital. Il existe des études sur la gestion des blocs opératoires, sur celle des urgences, sur les politiques d'achat, mais il nous faut continuer à accumuler de la connaissance. Mme la directrice de l'AP-HP nous l'a dit avec beaucoup de sagesse : même si les technocrates ont raison, ce qui est souvent le cas, ils n'arriveront pas à convaincre les personnels, y compris médicaux, en se contentant d'affirmations péremptoires. Convaincre qu'on peut faire des économies sans affecter la qualité, cela passe par l'accumulation de la connaissance collective. On a progressé sur ce plan, j'en témoigne, depuis le lancement du PMSI, mais pas assez.

Il y a aussi le problème de la répartition du pouvoir au sein de l'hôpital, qui n'est pas optimale. Nous n'avons pas travaillé là-dessus, mais nous avons la conviction que l'on irait plus facilement vers la convergence si l'on progressait sur ce point. Cela dit, une fois posée cette affirmation consensuelle, tout le monde n'est pas d'accord sur ce que doit être, concrètement, la répartition du pouvoir entre les personnels médicaux et les administratifs, sur la conception des pôles, etc.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Certains membres du Haut Conseil ont souligné le danger de sélection des risques. Avez-vous le sentiment que la T2A risque de créer des trous dans le maillage du territoire ? Avez-vous connaissance de cas où l'on aurait modifié des SROS à partir d'éléments de tarification ?

M. Bertrand Fragonard : Le Haut Conseil, à l'exception de la CGT, a considéré que les risques d'effets pervers, tels qu'inflation, sélection des risques ou déséquilibre géographique, n'étaient pas majeurs. Qu'il puisse y avoir un problème de cohérence entre la trajectoire qu'un gestionnaire d'hôpital s'assignera en fonction de la T2A et le schéma régional, c'est possible, mais on ne peut pas considérer a priori que ce soit un problème tel qu'il ne faille pas s'engager dans la T2A. Dès lors que nous ne sommes pas dans un système de concurrence libre et débridée, que nous n'appelons évidemment pas de nos vœux, il faut bien qu'il y ait une régulation publique. Il peut certes y avoir, pour telle ou telle activité, un déséquilibre géographique, mais qui peut se corriger, et je ne vois pas que la T2A fasse peser une menace sur l'équilibre global de l'armature.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : S'agissant des tarifications différenciées par établissement, sur quelles bases pourrait-on procéder, au cas où l'on retiendrait cette piste ?

M. Bertrand Fragonard : Il ne faut pas commencer par dire qu'on va différencier, mais essayer de se tenir à l'échelle de tarification, car à force de sophistication, le risque de manipulation sera trop fort. Personne, d'ailleurs, ne propose ces tarifications différenciées, pas plus la DHOS que les fédérations d'établissements. Il faut sans doute mieux appréhender les coûts dans l'échelle des GHS, mais le principe de base est qu'il y a une grille tarifaire, avec des valeurs unitaires de référence et une hiérarchie des coûts. Il faut s'y tenir, quitte à faire des ajustements à la marge, et faire aussi en sorte que les MIGAC soient justifiées. Si on commence à faiblir sur ces deux principes, c'est reparti pour un tour.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La mission conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF) a parlé de « sur-raffinement de la tarification ». Et il semble que, dans la onzième version des GHS, en préparation, on pourrait compter plus de 1 000 GHS...

M. Bertrand Fragonard : Puisque les GHS deviennent un instrument aux conséquences objectives majeures pour les hôpitaux, je comprends qu'on veuille qu'ils soient précis, mais il doit y avoir des limites au raffinement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Y a-t-il aussi des risques de contournement ?

M. Bertrand Fragonard : Ce n'est pas exclu. Le raffinement peut être lié au fait qu'on a voulu réintégrer des prestations à l'intérieur des GHS, ce qui est sans doute normal. Mais si l'on attend, pour démarrer, de tout savoir sur les coûts et d'avoir 2 000 GHS, on ne démarrera jamais... Je crois qu'il vaut mieux commencer sans attendre, et améliorer peu à peu, plutôt que de vouloir trop raffiner dès le départ. Je me souviens que, lorsque nous avions lancé le PMSI, nous avions accumulé, grâce à l'expérimentation en Languedoc-Roussillon, un matériau considérable, qui est resté inutilisé. Le consensus auquel nous étions parvenus sur la T2A reposait sur l'idée, plutôt optimiste, qu'il faut « y aller » sans attendre, afin de conserver un bon hôpital public, et même de l'améliorer par endroits.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Que pensez-vous du financement des médicaments onéreux et des dispositifs médicaux implantables (DMI) ?

M. Bertrand Fragonard : Nous n'avons pas pris position nettement. Quand on rembourse à l'euro près, c'est toujours dangereux, car il peut y avoir une poussée inflationniste. Dès lors, on se dit qu'il faut internaliser, mais il y a la crainte que cela ne marche pas parce que les GHS sont trop « rustiques » et les thérapeutiques de plus en plus sophistiquées et coûteuses, c'est ce qui explique qu'on veuille raffiner davantage. C'est un exercice difficile. On essaie, si j'ai bien compris, d'internaliser un peu plus de choses, mais je ne suis pas sûr d'être complètement au courant des termes du débat.

M. Pierre-Jean Lancry : Le problème des molécules onéreuses est devant nous, notamment pour les traitements anti-cancéreux. Il faudrait, dès lors qu'il y ait un protocole pour un traitement, intégrer la molécule au GHS, mais toute la difficulté est de négocier les prix de cette molécule. C'est un mode de gestion des tarifs différent de la T2A.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : S'agissant des DMI, le Haut Conseil s'est-il penché sur la diversité des prothèses, les accords de bonnes pratiques ?

M. Bertrand Fragonard : Vous surestimez grandement nos possibilités...

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comptez-vous le faire ?

M. Bertrand Fragonard : Nous avons prévu, dans les mois à venir, de travailler sur les conditions d'exercice et les revenus des grandes catégories de professions libérales, sur l'aspiration à une plus grande liberté de gestion et à une autre répartition du pouvoir dans l'hôpital sur les DMI au sens large, sur les transports... Je ne sais pas dans quel ordre nous allons traiter ces sujets, ni si nous allons tous les traiter, car certains sont trop pointus, eu égard à la composition du Haut Conseil. La question du périmètre des molécules onéreuses était un peu confuse, mais la vocation du Haut Conseil est plutôt de dégager des références pour structurer la réflexion des autres. De même que nous nous interdisons de commenter l'actualité, ou de dire aux uns et aux autres ce qu'ils devraient faire, nous ne voulons pas nous emparer de sujets trop techniques, car notre capacité n'est pas suffisante, et nous ne nous réunissons qu'une fois par mois.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment équilibrer le nouveau système de financement entre la partie tarifée à l'activité, les MIGAC, les dispositifs dont nous venons de parler, les suppléments, les mesures d'accompagnement ou de régulation prises par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) ?

M. Bertrand Fragonard : La partie financée par les tarifs constitue déjà un bloc important, et en progression. Les MIGAC sont un énorme « paquet », qui a encore augmenté de 12,6 % cette année. Les réinternaliser n'est pas si facile, et peut être un moyen pervers de contourner la difficulté. Beaucoup de gens disent d'ailleurs que l'AP-HP ne s'en sort que comme cela ; je ne le crois pas, mais le fait qu'on le dise est un problème en soi. Le taux initial de 13 % n'est peut-être pas sorti du chapeau, mais il n'était pas non plus étayé par des éléments incontestables. Il y a eu certes un effort d'explicitation, mais qui reste à poursuivre, afin que l'on comprenne mieux le pourquoi de ces 12,6 % d'augmentation. M. Jean Castex a dit qu'il pouvait tout expliquer ligne par ligne ; je n'en doute pas, car il connaît son métier.

Il faut, donc, mieux expliciter les MIGAC, en réinternaliser certaines sans trop chahuter la gestion budgétaire des hôpitaux, mais il n'est pas anormal qu'une partie soit gérée selon une autre logique que la T2A, ne serait-ce que parce que les hôpitaux sont tributaires d'une histoire. Tout le problème est de mieux expliquer à quoi correspondent les MIGAC, car rien n'est pire que l'opacité.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est votre sentiment sur le rôle des ARH ?

M. Bertrand Fragonard : Nous n'avons pas travaillé là-dessus.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous eu des remontées d'informations sur des mouvements d'activité entre la ville et l'hôpital ?

M. Bertrand Fragonard : Non.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Est-il nécessaire de mettre en place une comptabilité analytique par séjour ? Quelles seraient les difficultés de l'exercice ?

M. Bertrand Fragonard : Étant issu de la Cour des comptes, je peux difficilement vous répondre non... M. Bruno Durieux, qui est membre du Haut Conseil, nous a expliqué la difficulté qu'il y avait à mettre en place une telle comptabilité. Nous avons de très nombreuses données, toute la difficulté est de les exploiter. Mais tout ce qu'on pourra faire en vue de la mise en place d'une comptabilité analytique sera un progrès, car c'est à cela que sert la T2A : que les gens comprennent mieux où sont les facteurs de coûts, les gisements de productivité. La T2A ne peut pas vivre sans que les gestionnaires aient des instruments de mesure.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Que pensez-vous de la facturation directe aux caisses ? Des erreurs de codage importantes vous ont-elles été signalées ? Que pensez-vous du contrôle de la mise en place de la T2A ?

M. Bertrand Fragonard : Nous n'avons pas du tout travaillé là-dessus. Nous avons constaté que les choses s'étaient un peu échauffées, mais cela tend à prouver que c'est un vrai sujet...

M. Pierre-Louis Fagniez : J'ai été très intéressé par ce que vous avez dit des MIGAC. Vous avez bien montré qu'elles sont entourées d'un grand flou, aussi bien en ce qui concerne leur volume que l'interprétation qu'on en fait, dans le public comme dans le privé. Dans l'esprit de la profession médicale, elles étaient surtout faites, au départ, pour les hôpitaux publics, notamment universitaires, mais elles sont progressivement devenues une sorte de gâteau, justifié par l'histoire, et qui devrait se partager de la même façon entre le public et le privé. Nous voyons émerger un discours qui vise à étendre aux cliniques ce qui a été prévu pour les CHU, en faisant fi de ce qu'il y a de radicalement différent dans l'organisation des deux systèmes. Je veux bien qu'on nous dise qu'on fera de l'enseignement et de la recherche dans les cliniques, mais ce qui plombe les budgets des hôpitaux, ce sont toutes ces missions qui les rendent incomparables. Je ne dis pas qu'il n'y ait pas de MIGAC dans le privé, mais ne risque-t-on pas, à vouloir les étendre, de leur faire perdre leur vocation initiale ?

M. Bertrand Fragonard : Les MIGAC, quoi qu'on en dise, c'est le public. Il y en a un peu dans le privé, c'est vrai, mais c'est marginal. Elles sont surtout liées, comme vous l'avez dit, aux fonctions assumées par les CHU, qui représentent le poste le plus important. C'est ce poste qui a pris la suite du coefficient initial de 13 %, après quoi on a vu se développer d'autres techniques, comme les « crédits fléchés » à l'époque de la dotation globale, et il est vrai qu'aujourd'hui, l'enveloppe totale pèse très lourd : 4,3 milliards d'euros. Je ne crois pas qu'on puisse prétendre qu'elle soit répartie de façon très différente demain.

Nous ne contestons pas l'armature globale des MIGAC : nous disons simplement qu'il ne faut pas réaliser la convergence en disant que l'on respecte la discipline budgétaire tout en la contournant à l'aide des MIGAC. C'est pour cela qu'il est indispensable de mieux les expliciter. M. Jean Castex vous aura dit que l'effort de reclassement a été fait de façon honnête, à partir des retraitements comptables, mais la question est si complexe et si peu documentée que les gens - dans le privé, mais aussi dans le secteur public non universitaire -se disent forcément qu'il s'agit d'une manière oblique de revenir sur la T2A.

Je ne crois pas qu'il faille à tout prix réintégrer les MIGAC, sauf à faire exploser la machine, mais il n'est pas mauvais qu'on surveille tout cela d'un peu près, car après tout, il s'agit de redistribuer de l'argent public. Cela passe, une fois de plus, par davantage d'explication. Si le ministre se contente de dire : « Ça fait tant, circulez, il n'y a rien à voir », cela renforce la suspicion. C'est pour cela que nous jugeons très positif l'effort accompli depuis deux ans par la DHOS pour introduire plus de rationalité.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous vous remercions de toutes les précisions que vous nous avez apportées. Si vous avez des propositions précises ou des informations complémentaires, n'hésitez pas à nous les faire parvenir.

*

Audition de Mme Elisabeth Beau, directrice
de la Mission d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH)

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Elisabeth Beau, directrice de la Mission d'expertise et d'audit hospitaliers, à qui je souhaite la bienvenue. La MEAH est chargée de « changer les habitudes » - vaste programme ! Pourriez-vous préciser vos missions, vos moyens et vos méthodes de travail ?

Mme Elisabeth Beau : La MEAH, que je dirige depuis mai 2003, a été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. Elle compte 14 personnes. Elle vise à accroître à la fois la qualité du service rendu aux personnes, l'efficience des établissements et les relations sociales car si l'on recherche une amélioration durable, ces trois facteurs ne peuvent être dissociés. Nous partons des réalisations des établissements, qu'elles soient pré-existantes à la création de la MEAH ou qu'il s'agisse de méthodes de travail que nous les avons aidées à acquérir. Ce sont les chantiers qui nous intéressent, aussi petites soient les actions entreprises, et non les études, car nous cherchons à faire bouger les choses.

Nos moyens sont importants, puisque notre budget d'audit est de 10 millions d'euros. Il nous permet de faire intervenir dans les hôpitaux publics et privés qui le souhaitent des cabinets de conseil que nous sélectionnons par appels d'offres. Ces consultants vont observer le fonctionnement des services volontaires et les aident à mettre en œuvre de nouveaux modes d'organisation. Nous n'intervenons qu'à la demande, car on ne peut imposer une réorganisation.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Les demandes d'intervention qui vous sont faites sont-elles en relation avec les procédures d'accréditation ?

Mme Elisabeth Beau : Oui, dans certains cas, soit qu'une visite d'accréditation ait suscité des réserves, soit que, conscients de certaines faiblesses, les établissements cherchent à y remédier avant de demander l'accréditation. La Haute Autorité de santé (HAS), et l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) avant elle, ont beaucoup facilité notre tâche en créant une culture de l'évaluation qui a rendu les professionnels beaucoup moins réticents qu'ils ne l'étaient à des comparaisons évaluatives.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Le nombre des cabinets conseil est-il suffisant ?

Mme Elisabeth Beau : Ni les hôpitaux ni les cliniques n'ont beaucoup fait appel à eux au cours des dix à quinze dernières années, et nous contribuons de fait à la constitution d'un marché. En faisant appel à une cinquantaine de cabinets, du très grand au très petit, nous contribuons à renforcer leurs compétences en matière d'organisation hospitalière, pour qu'ils rendent service aux hôpitaux.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quels sont les thèmes le plus fréquemment abordés ?

Mme Elisabeth Beau : Sur proposition du comité de pilotage, qui en a sélectionné une quinzaine, le ministre arrête chaque année cinq ou six thèmes. Je citerai, de manière non exhaustive, les urgences, le bloc opératoire, la chirurgie ambulatoire, la comptabilité analytique, la gestion des lits, l'optimisation des achats, la radiothérapie, le temps de travail des médecins et celui des soignants, la restauration... Vous le constatez, tout a trait à l'organisation logistique. Pour chaque thème retenu, des appels à candidatures sont lancés, auxquels répondent les établissements volontaires. Nous essayons de réunir des hôpitaux très divers et fortement désireux de modifier leur fonctionnement de manière tangible : il ne s'agit pas d'agiter des idées abstraites, puisque notre objectif général est de diffuser les meilleures pratiques à l'ensemble des établissements. La comparaison des modes d'organisation et de leurs performances en termes de qualité de prise en charge des patients, d'efficience et d'emploi des personnels médicaux et infirmiers permet de mettre les différences en lumière. Il s'ensuit la prise de conscience que l'on peut procéder autrement en employant mieux les ressources existantes. Un plan d'action est alors défini pour corriger les dysfonctionnements, et il est mis en œuvre avec l'aide des consultants. Ensuite a lieu une évaluation qui met à jour les bonnes pratiques. Elles sont alors diffusées sur notre site mais aussi dans un recueil mis gratuitement à la disposition des établissements, et encore lors de l'organisation de colloques, tel celui que nous venons de consacrer à la restauration hospitalière.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Qui définit les paramètres de qualité ?

Mme Elisabeth Beau : Nous les définissons collégialement, avec les cabinets de conseil et les professionnels.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelle est la nature de vos relations avec les ARH ?

Mme Elisabeth Beau : Nous essayons de leur fournir les indicateurs leur permettant de s'orienter vers l'introduction de nouveaux modes de gestion - des gardes et des astreintes au niveau régional, par exemple - plutôt que vers l'accroissement systématique des moyens en locaux, matériels ou personnel.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : En quoi vos missions se différencient-elles de celles de la Haute autorité de la santé (HAS) ?

Mme Elisabeth Beau : La HAS émet des recommandations en vue de l'accréditation. La MEAH aide, par des actions concrètes - comment mieux répartir les vacations, par exemple -, les hôpitaux à remplir les objectifs sur lesquels ils buttent parfois depuis des années, ce qui pose problème lors de l'accréditation. La HAS et la MEAH sont donc complémentaires.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Combien d'établissements ont été audités ?

Mme Elisabeth Beau : Nos interventions ne portent pas sur l'ensemble d'un établissement, elles sont toujours partielles. Depuis sa création, la MEAH a ouvert 238 chantiers, et nous lançons un programme de déploiement des bonnes pratiques, non seulement par les canaux précédemment décrits mais par une action massive de conseil et de formation pour 230 établissements volontaires. Fin 2006, nous aurons travaillé avec 500 établissements environ.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : L'efficacité de vos actions est-elle évaluée ?

Mme Elisabeth Beau : Oui. Nous sommes en train de mettre en place un système d'évaluation plus global de l'utilisation de nos ressources, mais nous avons déjà atteint des résultats tangibles. Ainsi, dans les services d'urgence, on observe une réduction  significative - de quelque 25 % - du délai de prise en charge des patients de plus de 75 ans et des patients qui vont être hospitalisés, ceux sur lesquels nous nous sommes focalisés. De même, s'agissant de la radiothérapie, les femmes atteintes d'un cancer du sein subissaient une attente excessive au regard des pratiques internationales ; nous sommes parvenus à la réduire de 20 % à 40 % selon les sites. Dans les blocs opératoires, le nombre des interventions non programmées, qui témoignent d'une mauvaise organisation plus que d'une situation d'urgence, a diminué, et en corollaire les temps de débordement. Tout cela a des conséquences positives pour les patients mais aussi pour les personnels car, en évitant des heures supplémentaires, on peut leur restituer des congés non pris ; de plus, les professionnels peuvent mieux se concentrer sur leurs tâches premières au lieu qu'elles soient parasitées par d'autres. L'efficience générale des établissements en est renforcée, et ils récupèrent une marge de manoeuvre qu'ils peuvent redéployer.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Avez-vous constaté des différences entre le secteur public et le secteur privé ?

Mme Elisabeth Beau : Oui. Les établissements privés utilisent leurs ressources de manière nettement plus efficiente, sans que cela induise de problèmes de qualité graves - ce qui confirme qu'efficience et qualité vont de pair. Cela étant, on note de considérables différences de qualité et d'efficience selon les établissements publics, dans tous les domaines. Ces différences, tangibles, constituent un très bon moteur car elles aident les intéressés à prendre conscience que l'organisation peut être pensée autrement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Doit-on considérer que lorsqu'un service connaît des difficultés, il en va de même pour les autres services de l'établissement ?

Mme Elisabeth Beau : Il m'est difficile de me prononcer, puisque chacune de nos interventions concerne un chantier donné et que nous n'avons pas de renseignements sur les autres services.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Quels sont, à votre avis, les principaux gisements d'amélioration de l'efficience ?

Mme Elisabeth Beau : La gestion des lits et la durée des séjours offrent les marges de manœuvre les plus importantes. Il existe des goulots d'étranglement, qui obligent à veiller à la durée optimale des séjours. Il faut aussi lisser la présence des patients tout au long de la semaine pour éviter des à-coups préjudiciables à une bonne gestion. L'organisation du temps de travail des médecins et des personnels de soin est un autre très gros chantier. De grands progrès doivent être réalisés pour que la présence des médecins soit programmée en fonction de la saisonnalité. On peut y gagner beaucoup sur le plan économique mais aussi pour ce qui est des relations de travail, du confort des praticiens et de la gestion de la pénurie.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pouvez-vous nous donner un exemple significatif d'amélioration des pratiques à la suite d'un audit ?

Mme Elisabeth Beau : Dans un certain service d'anesthésie-réanimation, la réorganisation du temps de travail médical a permis de réduire considérablement le recours au personnel intérimaire - recours très coûteux, puisque ces prestations sont facturées 1 000 euros par jour -, ce qui a permis une économie de 350 000 euros par an. De surcroît, le service, redevenu attractif, a pu recruter.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La MEAH a-t-elle été associée à la définition de la tarification à l'activité ? L'est-elle à son évolution ?

Mme Elisabeth Beau : Pas directement, mais nous en percevons tous les jours les effets positifs. C'est, très nettement, un aiguillon qui pousse les directeurs d'établissement, les médecins et les cadres soignants à mieux gérer. Ils nous approchent avec l'idée qu'il faut améliorer l'organisation, et nous les aidons à faire face à cette nouvelle contrainte de façon intelligente. La tarification à l'activité a donc un rôle très utile.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelles sont, selon vous, ses difficultés d'application ?

Mme Elisabeth Beau : Les établissements les plus dynamiques attendent beaucoup de la montée en charge de la tarification à l'activité (T2A) pour développer leur activité ou pour renforcer un service, mais d'autres la redoutent. Par ailleurs, on constate, en aidant les établissements à mettre au point une comptabilité analytique, à quel point le dispositif est complexe ; il faut veiller à sa lisibilité.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous travaillé aux politiques d'achat de médicaments et de dispositifs médicaux implantables (DMI) ?

Mme Elisabeth Beau : En 2004, nous avons ouvert avec une quinzaine d'établissements volontaires un chantier pilote, qui concernait en particulier les achats de certains médicaments anticancéreux. Nous avions obtenu de bons résultats, mais le fait que ces médicaments aient ensuite été inclus dans le champ de la tarification à l'activité change la donne, puisqu'ils ont désormais un tarif de remboursement. En 2005, nous avons travaillé sur certains dispositifs médicaux implantables (DMI) utilisés en cardiologie, tels les stents et les ballonnets, et constaté que l'on peut agir sur les prix, les coûts d'achat variant considérablement. Les cardiologues étaient tout à fait favorables à une politique d'achat.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Que pensez-vous de l'objectif de convergence tarifaire entre secteur public et secteur privé ?

Mme Elisabeth Beau : Je n'ai pas d'idée à ce sujet, sinon que les modalités de fonctionnement des établissements des deux secteurs sont encore très différentes. Peut-être conviendrait-il de préparer la convergence public-privé par une bonne convergence intrasectorielle, et il y a encore beaucoup à faire à ce sujet.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Les modes d'organisation sont-il très différents à l'intérieur de chaque secteur, ou tend-on à l'homogénéisation ?

Mme Elisabeth Beau : Le secteur des cliniques est plus homogène que les autres.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous observé des transferts d'activités liés à la T2A, tels que certains établissements ne pratiquent plus certains soins ou qu'ils ont au contraire développé certaines activités ?

Mme Elisabeth Beau : De par notre mode d'intervention, je ne suis pas bien placée pour apprécier de manière pertinente l'évolution de l'activité globale des établissements.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous relevé des facteurs de surcoût dans le secteur public par rapport au secteur privé ?

Mme Elisabeth Beau : Ils résultent de la mauvaise adéquation de la ressource au travail réalisé, et très souvent du mauvais positionnement horaire des équipes, qui peuvent être inutilement pléthoriques à certaines heures et squelettiques tard le soir.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Se produit-il que les qualifications ne soient pas les qualifications ad hoc ?

Mme Elisabeth Beau : Non. On a facilité la réorganisation en dispensant des formations qui donnent de nouvelles compétences. En revanche, on constate parfois une surreprésentation de personnel qualifié due à la mauvaise articulation des plannings ; ainsi de ces équipes présentes au complet au bloc opératoire, alors que les chirurgiens participent à un congrès...

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : A-t-on une idée des gains de productivité obtenus ?

Mme Elisabeth Beau : Ils varient en fonction de la situation de départ et peuvent être très importants.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Qu'en est-il des services de psychiatrie ?

Mme Elisabeth Beau : Nous venons d'ouvrir un chantier relatif aux centres médico-psychiatriques.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Travaillez-vous sur les centres de long séjour ?

Mme Elisabeth Beau : Non, sinon à l'hôpital Bretonneau sous l'angle plus général de la gestion des effectifs et de l'organisation des plannings.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Selon vous, la tarification à l'activité peut-elle avoir un impact sur la relation entre médecine de ville et médecine hospitalière ?

Mme Elisabeth Beau : Je ne suis pas en mesure de l'apprécier, mais on voit bien, au cours des chantiers, qu'une meilleure articulation permettrait de raccourcir le délai de prise en charge des patients ou d'orienter plus vite les personnes âgées vers des structures adaptées à leur état, au lieu qu'elles soient contraintes de rester dans des services d'urgence où elles n'ont pas leur place et qu'elles encombrent. Cela faciliterait le travail des établissements.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous participé au codage ?

Mme Elisabeth Beau : Non, mais à la demande de la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), nous avons ouvert un chantier consacré au recouvrement des produits hospitaliers et, dans le cadre de nos chantiers « comptabilité analytique », nous aidons les établissements à mettre au point des outils de gestion de la tarification à l'activité permettant de rapprocher recettes et dépenses par pôles d'activité.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Selon vous, y a-t-il articulation entre tarification à l'activité et parcours de soin ?

Mme Elisabeth Beau : La tarification à l'activité peut inciter les établissements à revoir certaines situations insuffisamment maîtrisées, les séjours excessivement longs sans raison médicale évidente par exemple. Dans ce cas, une articulation avec la médecine de ville pour les soins de suite contribuerait à la qualité de la prise en charge globale, puisque l'important pour un patient est d'être hospitalisé au bon endroit.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelles remarques pouvez-vous faire sur l'organisation des services d'urgence ?

Mme Elisabeth Beau : Globalement, le délai moyen de prise en charge, qui va de 2 heures à 5 heures, n'est pas excessif ni, donc, scandaleux. En revanche, le temps de passage, pour les gens âgés, est en moyenne de 10 heures ; il est aussi très long pour les personnes qui doivent être hospitalisées. Tous ceux qui se présentent sont vus par l'infirmière d'accueil en quelques minutes et par le médecin urgentiste moins d'une heure plus tard, ce qui montre que les services sont très réactifs. C'est ensuite que les choses se gâtent, les délais s'allongeant de plusieurs heures. Nous avons donc aidé les établissements à desserrer les goulots d'étranglement en prenant les mesures les plus simples possible.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Pensez-vous être bien connus pour ce que vous êtes, une mission d'appui ?

Mme Elisabeth Beau : Nous déployons de grands efforts pour être connus mais il m'est arrivé de constater avec désolation que nous ne l'étions pas toujours. Je pense que nous sommes effectivement perçus comme une force d'appui, comme en témoigne le nombre de candidatures que nous recevons lorsque nous ouvrons de nouveaux chantiers. Nous voulons en rester à ce positionnement, très bien compris, qui consiste à régler les problèmes des établissements sans leur faire la leçon.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Travaillez-vous à la question de la prise en charge des personnes âgées à l'hôpital ? Pensez-vous que l'on peut par ce biais renforcer l'efficacité des établissements ?

Mme Elisabeth Beau : Ce thème a été proposé à notre comité de pilotage il y a deux ans. Le chantier n'a pas encore été ouvert mais je pense que le sujet figurera un jour à notre programme de travail. La question est d'une très grande importance ; certains hôpitaux, tel le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges, ne s'y sont pas trompés et ont engagé des travaux spécifiques. Je ne doute pas que les hôpitaux se porteraient candidats en masse si le thème leur était proposé.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Existe-t-il des organismes similaires à la MEAH dans les pays qui ont mis en place des dispositifs équivalents à la T2A ?

Mme Elisabeth Beau : Nous nous attachons à développer les liens avec les services étrangers. Nous sommes ainsi en relation avec le National Health service (NHS), avec lequel nous avons ainsi organisé une Journée franco-britannique d'organisation en radiothérapie.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : De qui votre équipe est-elle constituée ?

Mme Elisabeth Beau : Elle se compose de deux directeurs d'hôpital, deux médecins spécialisés en santé publique et en économie de la santé, un pharmacien, plusieurs ingénieurs, un juriste, une secrétaire et un comptable. L'approche des ingénieurs est très éclairante, car elle renouvelle les observations sur les organisations, par comparaison avec les modes de fonctionnement dans l'industrie.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous signé une convention d'objectifs et de gestion (COG) ? Quels ont vos objectifs ?

Mme Elisabeth Beau : Notre objectif est de parvenir à plus de mille opérations de déploiement en trois ans. Comme je vous l'ai dit, 230 auront eu lieu en 2006, il y en aura 370 en 2007 et un peu plus l'année suivante, si bien que nous devrions avoir atteint l'objectif à l'horizon 2008.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Êtes-vous rattachés à la DHOS ?

Mme Elisabeth Beau : Oui.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est votre plus beau succès ?

Mme Elisabeth Beau : Le CHU du Mans avait de grosses difficultés à gérer son bloc opératoire. Une profonde réorganisation a été conduite en deux ans. Elle a permis d'augmenter de 10 % l'activité opératoire tout en divisant par quatre les temps de débordement, si bien que l'on a pu restituer au personnel les journées de récupération et de vacances qui s'étaient accumulées, à hauteur de 2,6 équivalents temps plein. Désormais, les interventions chirurgicales commencent à l'heure et le nombre des opérations non programmées a été divisé par quatre. C'est un beau résultat.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Avez-vous des remarques ou des suggestions à formuler ?

Mme Elisabeth Beau : La principale attente des établissements, c'est la lisibilité et la prévisibilité de la réforme, nécessaires à une anticipation correcte. Il faudrait en particulier clarifier la tarification des Missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) et expliquer la construction et l'évolution des tarifs. Les établissements en ont besoin pour pouvoir appliquer la tarification à l'activité de manière intelligente.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Une audition de qualité s'achève. Madame, je vous remercie.

*

Audition de Mme Odile Corbin, directeur général du Syndicat national
de l'industrie des technologies médicales (SNITEM)

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Madame Odile Corbin, je vous souhaite la bienvenue, et je vous prie de bien vouloir nous présenter le SNITEM.

Mme Odile Corbin : Le SNITEM regroupe 215 entreprises de l'industrie des technologies et dispositifs médicaux. Elles emploient 23 000 salariés et sont à l'origine de quelque 5 000 emplois induits. Leurs fabrications vont de la seringue aux matériels d'imagerie par résonance magnétique (IRM), aux dispositifs implantables et aux produits pour les soins à domicile. Le chiffre d'affaires cumulé des membres du SNITEM est de quelque 6 milliards d'euros et, toutes technologies médicales confondues, le marché s'élève à 13 milliards environ.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le SNITEM a-t-il été associé à la définition de la tarification à l'activité ? Participe-t-il aux instances de concertation ?

Mme Odile Corbin : Nous n'avons pas été associés à la définition de la tarification à l'activité (T2A), nous nous y sommes associés... Quatre-vingt-dix pour cent des produits mis sur le marché par nos adhérents sont utilisés dans les établissements hospitaliers, et beaucoup sont attachés à des actes. Aussi, lorsque nous avons entendu parler d'une réforme du mode d'allocation des ressources aux établissements, nous avons créé un groupe de travail ad hoc, mais nous n'avons pas été associés à la définition de la réforme dans sa partie structurelle. Toutefois, Mme Martine Aoustin, directeur opérationnel de la Mission T2A (MT2A), et M. Roland Cash, responsable scientifique, ont été d'un abord aisé. Ils nous ont écoutés, et parfois entendus. C'est aussi que, pour dépasser le stade de l'incantation, nous avions fait réaliser des études qui nous ont permis de défendre nos positions par des arguments étayés.

Le SNITEM est favorable au principe de la tarification à l'activité, réforme du reste annoncée de longue date par la création du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) et l'établissement de la première version des groupes homogènes des malades (GHM), mais il émet des réserves sur sa mise en œuvre. Le diable est dans les détails et ici, il y a en beaucoup. La structure de la réforme paraissait plutôt réaliste, et les mesures d'accompagnement prévues à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale intéressantes. Toutefois, nous aurions souhaité, et je réitère cette demande, qu'une procédure précise de concertation soit décidée pour assurer la transparence. Nous avons certes pu présenter nos études, très en amont, à la MT2A mais malgré cela, la version 9 de la classification a laissé subsister une très forte hétérogénéité économique pour certains GHM. Nous avons fini par être entendus, et c'est en se fondant sur les études que nous avions fait réaliser que la segmentation du GHM 295 - « intervention majeure sur les articulations et greffes de membres : hanche, genou, épaule » - a finalement été acquise.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Participez-vous au groupe opérationnel constitué en avril dernier ?

Mme Odile Corbin : Non. Nous avons constaté, en commençant d'étudier dans le détail la constitution des GHM, que l'algorithme de groupage contenu dans le PMSI est très largement responsable de l'hétérogénéité structurelle d'une classification qui, en réunissant au sein d'un même groupe des actes simples et des actes complexes, associés ou non à la pose de dispositifs, conduit à les rémunérer tous de manière identique. C'est que le travail de définition fait par l'agence technique de l'information hospitalière (ATIH) dans le cadre du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) est un travail technique, fondé sur une approche statistique sans rapport avec l'activité réelle. On ne peut dire que ce qui est « perdu » sur une épaule sera « gagné » sur une hanche. Les choses ne se passent pas ainsi, car les établissements sont spécialisés et, selon le case mix, l'impact de la tarification sera radicalement différent. Certains y gagneront, mais d'autres seront largement perdants. Nous nous en sommes ouverts à l'ATIH, à la MT2A et au cabinet du ministre, qui nous a reçus plusieurs fois. Nous leur avons fait part des conclusions de nos études, réalisées en mars, au moment où les nouveaux tarifs des GHM ont été publiés, provoquant un tollé général au sein des fédérations hospitalières, chez les professionnels de santé et, par notre intermédiaire, chez les fabricants. À la suite de cette bronca, un protocole a été signé entre le ministre et la Fédération de l'hospitalisation privée, et un groupe opérationnel a été constitué, chargé d'analyser l'impact de la tarification et de proposer d'ici juillet 2006 des mesures correctrices, pour application en septembre.

Je déplore que le groupe opérationnel ne comprenne aucun représentant des sociétés savantes. Il est dommage de ne pas médicaliser un peu une nomenclature qui aurait besoin de l'être, car l'approche technique est à l'origine de quelques aberrations. De plus, derrière les choix techniques, il y a très souvent des choix politiques. Veut-on, par exemple, que les cœlioscopies chirurgicales sous arthroscopie continuent d'être pratiquées en France ? Selon la tarification se poseront la question de la compétence des équipes et celle du positionnement de notre pays. La T2A, mode d'organisation et de régulation, est en réalité porteuse de beaucoup d'autres choses, et le fait d'en avoir confié la définition à des techniciens, qui ont d'ailleurs très bien travaillé, a créé un syndrome d'appropriation, les empêchant de voir que l'on aurait pu envisager la question différemment.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quels sont vos souhaits en matière de tarification ?

Mme Odile Corbin : Je tiens à la disposition de votre mission l'ensemble des études que nous avons fait réaliser. Les tarifs ont été décomposés et la comparaison faite entre ce qu'ils étaient en 2005, année où les dispositifs médicaux implantables (DMI) n'étaient pas inclus dans les GHS, et 2006, année où ils le sont, montre l'extrême difficulté de financer les dispositifs utilisés. Ce n'est pas avoir une attitude purement corporatiste de dire cela, car le déficit de financement qui ressort de nos tableaux indique qu'il y aura probablement aussi difficulté à financer les actes eux-mêmes. Ainsi du GHM 19z : le coût moyen, pour l'ensemble des séjours, est de 37 euros, mais si l'on se concentre sur les séjours au cours desquels une prothèse a été posée, on se rend compte que le montant moyen réel est de 230 euros ; or, le tarif est de 50 euros... Pourquoi de tels écarts ? Parce que la tarification ne distingue pas des autres les séjours au cours desquels des dispositifs médicaux sont utilisés ; c'est un autre exemple du fait que l'approche statistique ne correspond pas à la pratique réelle.

Nous serons reçus le 23 juin par le cabinet du ministre. Nous dirons que nous souhaitons l'instauration d'une procédure de consultation organisée et transparente de toutes les parties concernées, concertation qui ne limiterait en rien la liberté de décision de l'administration. Nous dirons que nous voulons avoir une vision précise de la manière dont les tarifs ont été définis, et que celle-ci soit rendue public. Nous demanderons à être consultés sur la liste des dispositifs médicaux voués à être remboursés en sus des forfaits hospitaliers, et nous demanderons que les critères d'évolution de cette liste soient précis et transparents. Nous soulignerons que le déficit de financement des dispositifs médicaux est porteur d'effets plus larges, en ce qu'il peut empêcher le développement de techniques chirurgicales non invasives. Nous demanderons que les GHM soient segmentés de manière pertinente, en tenant compte des actes réalisés, de leur simplicité ou de leur complexité, et de ce que l'utilisation de dispositifs médicaux y est ou non associée. Nous demanderons aussi que l'on tienne compte, dans la définition des GHM, de la technique chirurgicale utilisée, parce que les dispositifs médicaux ne sont pas tout à fait les mêmes selon les pratiques et parce que certaines augmentent la durée moyenne de séjour.

La segmentation est indispensable, mais nous craignons que le groupe opérationnel ne soit pas en mesure de mener en trois mois le travail considérable qui aurait dû être fait très amont sur 103 GHM. Si les mesures correctrices nécessaires ne sont pas rapidement mises en œuvre, et pour ne nuire ni aux industriels ni aux patients - les grands absents de cette réforme -, il faudra maintenir la facturation des dispositifs médicaux en sus des forfaits.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le pilotage des dépenses hospitalières parle de « sur-raffinement » de la tarification. Vos propositions ne vont pas dans le sens de la simplification...

Mme Odile Corbin : Il n'y a pas « sur-raffinement » ! Pourquoi rémunérer au même tarif un acte qui ne demande pas l'utilisation d'un dispositif médical et un autre qui l'exige, un séjour simple et une hospitalisation coûteuse ? La segmentation permettrait une allocation de ressources qui correspondrait bien mieux à la réalité de l'activité, et l'allégement de certains tarifs permettrait de financer des activités onéreuses réalisées par des établissements d'excellence qui risquent, sinon, d'être pénalisés.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous remarqué des modifications dans la politique d'achats des établissements ?

Mme Odile Corbin : La publication des tarifs datant de mars, je ne puis vous répondre précisément. Ce que nous savons, c'est qu'en dépit des assurances données par le ministre, les établissements sont dubitatifs. De plus, des problèmes techniques se posent aux fabricants, auxquels on a demandé de faire figurer un ancien code sur leurs produits pour la période de trois mois pendant laquelle le groupe opérationnel surveille le marché, alors que les logiciels avaient déjà été modifiés pour tenir compte de la réforme... Tout le monde s'interroge. En ophtalmologie, par exemple, la tendance est à ne pas utiliser les implants de dernière génération. Les conséquences de ce choix ne sont pas immédiatement perceptibles, mais le fait est que les implants d'anciennes générations peuvent, après quelques mois, induire des cataractes secondaires, qu'il faudra ensuite traiter par laser, ce qui n'est pas sans présenter d'inconvénients pour les patients.

D'une manière générale, l'introduction des produits d'innovation est beaucoup plus lente qu'auparavant lorsque ces produits sont inclus dans un GHS, car si le prix des nouvelles productions est supérieur au tarif, il ne peut être financé. La question se pose donc de l'accès du patient à l'innovation. Nous avons appelé l'attention du cabinet du ministre et de Mme Martine Aoustin sur ce point, la seule solution étant que les dispositifs innovants soient facturés en sus des forfaits, mais nous n'avons pas de réponse à ce jour. Comme on s'en rend compte en ophtalmologie, c'est un peu préoccupant.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : S'agissant des prothèses, on a observé une grande diversité et de grandes différences de prix. Progresse-t-on vers le consensus et l'établissement de guides de bonnes pratiques ?

Mme Odile Corbin : C'est le cas dans certains secteurs. Mais je rappelle que nous sommes sous un régime de prix de vente administrés. Conformément aux dispositions du décret du 23 décembre 2004, la nomenclature va être revue et de plus en plus médicalisée. Nous sommes extrêmement favorables à l'établissement d'un référentiel de bonnes pratiques, et nous y travaillons avec les sociétés savantes.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous avez évoqué la qualité des soins et le confort du malade. Avez-vous le sentiment de grands risques dans certains domaines ?

Mme Odile Corbin : Oui, et nous avons abordé le sujet très souvent avec la Mission T2A sans obtenir de réponses très précises. Dans un système très contraint, avec un tarif très juste, la tentation est grande de ne pas acheter le produit du dernier état de l'art. En tant que citoyenne et en tant que patiente potentielle, je m'interroge : hormis la confiance que j'ai en mon médecin, quelle certitude ai-je qu'on me posera bien l'implant dont j'ai besoin ? Je ne pense pas que le système permette de répondre à cette question.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous des remarques ou des propositions à formuler ?

Mme Odile Corbin : Nous ne sommes en rien consultés sur les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC), mais j'observe que la définition en est si floue que bien des activités pourraient y être intégrées. Par ailleurs, dialogue et transparence manquent parfois quand les dossiers sont très techniques et traités par des techniciens qui se sentent experts et ne pensent pas que d'autres puissent l'être. Enfin, l'un de mes regrets, je l'ai dit, est l'absence de concertation organisée.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelle est votre opinion sur l'objectif de convergence tarifaire public-privé ?

Mme Odile Corbin : Si nous étions relativement favorables au principe de la tarification à l'activité, c'est que nous pensions que le mode de fonctionnement des établissements publics et celui des établissements privés en serait rapproché, ce qui simplifierait les choses pour l'industrie.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quel est le nombre des centrales d'achat, et avec combien d'entre elles vos membres négocient-elles ?

Mme Odile Corbin : Tout ce qui a trait aux relations commerciales entre les fabricants et les clients est hors du champ de compétence du SNITEM. Pour l'hôpital public, les achats se font après appels d'offres. Un système d'achats groupés est en cours de création, auquel nous sommes très défavorables car il porte en germe de grands inconvénients pour la sécurité et la continuité des approvisionnements, et une grande insécurité pour les petites et moyennes entreprises françaises qui constituent la moitié de nos membres. Quel sera l'avenir d'une société qui aura recruté après avoir remporté un marché une année, et qui n'aura plus ce marché l'année suivante ? Il ne s'agit pas de produits de grande consommation, et ce qui peut se concevoir pour les fournitures administratives ne vaut pas pour les DMI, qui doivent répondre à toutes sortes de considérations de modèles et de tailles. Je vois mal comment on peut procéder par achats groupés pour le matériel médical ; c'est une très mauvaise approche, et je ne suis pas sûre que l'intérêt des patients soit au cœur de la réflexion.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment peut-on, dans ce domaine, apprécier la qualité du service rendu ?

Mme Odile Corbin : La qualité des matériels médicaux est évaluée. La Haute autorité de santé (HAS) publie des avis sur son site, la Fédération hospitalière de France (FHF) a créé un recueil, et il existe un système d'homologation européenne. On ne peut donc dire que les établissements hospitaliers manquent d'informations. Pour l'évaluation des pratiques, des travaux sont en cours à la HAS.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : S'agissant de l'innovation, dans quels domaines l'industrie française est-elle en pointe ? Quelles craintes la réforme peut-elle inspirer à ce sujet ?

Mme Odile Corbin : En ophtalmologie, les innovations sont fréquentes ; le problème est celui de leur intégration à notre marché. Les grandes innovations portent sur l'imagerie, de plus en plus employée, et sur les matériaux utilisés dans la fabrication des prothèses. Elles concernent aussi l'électronique et l'informatique « embarquées » dans les stimulateurs cardiaques et les défibrillateurs. L'apparition de la télémétrie permettra des consultations « délocalisées ». La spécificité du secteur, c'est le compagnonnage entre l'industrie et les professionnels de santé, source de créativité constante qui en fait l'un des plus innovants.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Madame, je vous remercie.

AUDITIONS DU 28 JUIN 2006

Audition de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités

M. Pierre Morange, coprésident : Monsieur le ministre, nous vous souhaitons, ainsi qu'à vos collaborateurs, la bienvenue à la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Monsieur le ministre, je me propose de faire avec vous un point d'étape après deux ans et demi d'application de la tarification à l'activité (T2A). Quel a été l'effet de la T2A sur la dépense hospitalière ? Quelles principales difficultés d'application pose-t-elle dans les établissements ?

M. Xavier Bertrand : Épargnons-nous les discours préliminaires et entrons dès maintenant dans les détails en commençant par le point d'étape.

En mai 2006, le premier président de la Cour des comptes disait que la réforme de la T2A n'en était qu'à ses débuts, et le sénateur Alain Vasselle en avril 2006 qu'elle était au milieu du gué. L'un et l'autre ont raison. Le passage à la tarification à l'activité n'en est qu'à ses débuts et il reste encore à faire pour passer d'un financement par dotation annuelle à un financement plus dynamique.

Entrée en vigueur en 2004 pour le secteur public et au 1er mars 2005 pour le secteur privé, la T2A est un modèle simple dans sa définition, mais plus complexe dans sa mise en œuvre, compte tenu notamment du dispositif de transition prévu jusqu'en 2012. Il faut donc tout à la fois un temps de communication - même si les acteurs semblent d'ores et déjà s'être approprié la T2A -, un temps de concertation et un temps de réglage durant lequel nous devons être particulièrement attentifs à toutes les remontées. Ajoutons que ce modèle nouveau a suscité beaucoup de demandes de transparence sur la T2A proprement dite, sa mise en place et ses incidences. Le débat sur la transparence a du reste eu lieu dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) entre le ministre et l'Assemblée nationale et même entre le ministre et la majorité parlementaire, notamment sur le périmètre des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC).

Nous avons également fixé un calendrier volontariste en insistant notamment sur la qualité de la prévision, particulièrement pour ce qui touche à la progression de l'activité, afin de pouvoir garantir le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Mais nous avons également besoin de nous ménager une capacité d'adaptation, afin que le système ne soit pas figé dès le début de l'année et qu'il reste vivant, et surtout pertinent. Nous devons enfin nous garder de mésestimer l'impact dans les établissements de santé d'une T2A qui suppose la mise en place d'un réel contrôle de gestion, la nécessité d'un renouvellement du dialogue de gestion, sans oublier l'indispensable coordination du fait de la montée en charge des pôles : il n'est pas possible de dissocier les différents éléments du plan Hôpital 2007.

Le premier président de la Cour des comptes et M. Alain Vasselle ont tous deux raison : nous n'en sommes qu'aux débuts de la T2A, même si j'ai tenu l'engagement pris d'atteindre une part tarifée dans le secteur public de 35 % dès cette année. Contrairement à ce que prédisaient certains, nous n'avons mis aucun coup d'arrêt : l'objectif pour l'an prochain est de 50 %.

Venons-en à la dépense hospitalière. Le système de la T2A permet une plus juste allocation des ressources entre les établissements. Il n'y a plus lieu de revenir sur le débat entre budget global et tarification à l'activité dont chacun reconnaît désormais qu'elle est facteur de transparence dans les budgets hospitaliers, ce dont personne ne se plaint.

On reproche souvent à la tarification à l'activité d'être inflationniste par nature. Elle ne l'est pas en soi : si la régulation prix-volume est correctement exercée, il y a peu de risques de dépassement de l'ONDAM. En revanche, c'est un mode de financement plus risqué car fortement dépendant des prévisions d'activité et des volumes, contrairement au régime par dotation. Mais je reste persuadé que l'avantage l'emporte sur l'inconvénient, le système de la T2A étant incontestablement plus juste.

Il est vrai que, dans un premier temps, la T2A peut induire une augmentation des dépenses hospitalières, une augmentation de l'activité, ne serait-ce que par l'amélioration du codage. Ajoutons que le développement des outils de contrôle et de gestion se traduit par une surargumentation des établissements sur certaines activités. Mais dans un deuxième temps, nous devrions assister à une stabilisation de l'effet « codage » et les réorganisations engagées pour rapprocher les coûts de la moyenne jouer dans le sens d'une déflation, au moins dans les établissements historiquement surdotés. Les phénomènes inflationnistes observés tiennent finalement moins à la T2A en tant que telle qu'aux questions de codage.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La convergence tarifaire public-privé est un des points essentiels de la mise en œuvre de la tarification à l'activité. Bon nombre d'études sont actuellement menées sur les écarts de coûts entre public et privé. Quel est votre avis ? Quand espérez-vous disposer de données précises en la matière ? Pensez-vous qu'il faille accélérer ou ralentir le calendrier de la convergence ?

M. Xavier Bertrand : Je m'en tiens à ce qu'a souhaité le législateur : le Parlement s'est exprimé et le ministre n'a pas à y revenir. En tout état de cause, je préfère une convergence réussie à une convergence précipitée. Nous attendrons d'avoir tous les éléments en main pour nous prononcer et avancer. Il n'est pas question de faire n'importe quoi n'importe comment.

Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) partage la démarche entreprise, qui tend à réaliser un programme d'études pour mesurer, et surtout bien qualifier les écarts de coûts, afin de ne comparer que ce qui est comparable. Il a également insisté sur le fait que le processus de convergence doit se dérouler à un rythme supportable pour le secteur public. Cela mérite d'être rappelé quand on connaît la composition, mais également l'autorité du HCAAM. Les études de coût seront disponibles au plus tard en 2007, peut-être un peu avant. Il est difficile, sous peine d'avancer à l'aveugle et d'être contraint de faire machine arrière par la suite, de proposer un effort de convergence sans avoir tous les éléments en main.

Quoi qu'il en soit, la convergence doit se faire vers le système le plus efficient, ce qui exclut a priori une convergence vers un tarif moyen. Le programme d'études en cours a un double but : la quantification des écarts de coûts, objet de l'étude nationale des coûts commune, et surtout leur qualification, objet d'études complémentaires.

L'étude nationale des coûts commune comprend trois volets : la définition d'une méthodologie commune, la constitution de l'échantillon d'établissements publics et privés participant à l'échelle nationale des coûts (ENC), la collecte et l'exploitation des données recueillies. Les travaux de définition de la méthodologie devraient s'achever au tout début du mois de juillet 2006. La mise en œuvre portera sur les coûts 2006 des établissements sélectionnés ; les données seront collectées au cours de la première partie de 2007, l'objectif étant de disposer d'une échelle de coûts au plus tard à la fin de l'année.

Les études dites complémentaires ont fait l'objet d'un premier examen d'ensemble avec les fédérations d'établissements et l'Agence technique de l'information hospitalière (ATIH) en février dernier ; les travaux, actuellement en phase préparatoire, permettront de définir les surcoûts liés à la précarité - nous travaillons avec la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) sur le sujet - et aux soins péri-hospitaliers, en concertation cette fois-ci avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Le but est de comparer ce qui est comparable et de ne pas trop charger la barque d'un secteur particulier. De son côté, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a procédé à un examen de faisabilité des travaux à réaliser.

Voilà pour ce qui est des modalités, des procédures et des délais sur lesquels je peux m'engager, même si j'aimerais bien pouvoir les raccourcir et disposer au plus tôt d'un maximum d'éléments afin de respecter la volonté du législateur.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le rapport conjoint de l'IGAS et de l'Inspection générale des finances (IGF) évoque le « sur-raffinement » de la classification. Or la version 10 ajoute une centaine de groupes homogènes de séjours (GHS), et la version 11, en préparation, devrait en rajouter 500... N'est-ce pas contradictoire avec la logique de la T2A et cela ne risque-t-il pas de compliquer sa mise en place, sachant les difficultés que posent le codage et son contrôle ?

M. Xavier Bertrand : Spontanément, j'aurais tendance à reconnaître que cela fait beaucoup. Reste que, sans entrer dans une logique de tarification à l'acte, nous avons besoin d'avoir une vision assez fine des choses. Il n'y a clairement pas de sur-raffinement de la classification des activités de court séjour, particulièrement en médecine, chirurgie et obstétrique. Les nouvelles versions visent tout simplement à mieux prendre en compte la diversité des pratiques, à la demande des acteurs hospitaliers eux-mêmes. Cela dit, la T2A, par principe forfaitaire, perdrait son intérêt si elle était trop raffinée et se rapprochait d'une tarification à l'acte. Il est important de préserver les qualités distributives de la T2A pour garantir une offre de soins équilibrée, en évitant surtout la spécialisation sur les secteurs « rentables ». Nous devons particulièrement veiller à éviter la moindre dérive dans ce sens, en restant très attentifs aux remontées de certains secteurs dont les acteurs pourraient se sentir délaissés parce qu'insuffisamment rentables.

La version 11 devrait rajouter 500 GHS, dites-vous. Sur quoi vous basez-vous pour avancer un tel chiffre ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Sur ce qui existait dans la version 10...

M. Xavier Bertrand : Il n'est pas prévu d'ajouter 500 GHS à proprement parler : leur nombre serait plutôt de 150 à 200 au maximum, ce qui devrait couper court à la critique de sur-raffinement. Il faut effectivement préserver la logique redistributive de la T2A.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La part des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) dans le financement de la T2A est devenue plus importante. Pourquoi a-t-elle si fortement augmenté et selon quels critères ?

M. Xavier Bertrand : Parce que j'avais le sentiment que le compte n'y était pas. D'où cette augmentation de 12 % cette année. L'essentiel reste que la part des missions d'intérêt général corresponde véritablement à la réalité des besoins, de façon à faire cesser les craintes et taire les tout derniers sceptiques, au demeurant beaucoup moins nombreux. À ressources d'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) inchangées, une progression des dotations MIGAC provoque inévitablement une baisse des tarifs : cet argument ne peut être ignoré. Mais, au-delà, il faut s'interroger sur l'objet des financements par dotations. Les MIGAC financent des missions d'intérêt général ; et si l'hôpital répond bel et bien à des missions d'intérêt général, comme c'est mon sentiment, il faut lui donner les moyens de les assumer, d'autant qu'elles n'étaient pas du tout prises en compte en tant que telles dans le cadre de la dotation globale. La progression des MIGAC en 2005, et surtout en 2006, est le résultat d'un effort de comptabilité analytique des établissements, qui a permis non seulement d'y voir plus clair sur la nature et la fréquence de ces missions, mais également de les normer et de les standardiser en termes de coûts. Contrairement à la dotation à la contractualisation, dispositif de transition, les MIGAC, qui concernent, rappelons-le, les deux secteurs, n'ont pas vocation à s'estomper : encore convient-il de définir rapidement et clairement les missions que l'on souhaite financer en dehors des dotations annuelles complémentaires (DAC). N'oublions pas enfin qu'il nous faut gérer le legs historique de la dotation globale où ces missions n'étaient pas différenciées ; aussi avons-nous entrepris un travail d'analyse du champ des MIGAC pour faire évoluer certaines vers un financement à l'activité et surtout définir le cadre de rémunération des autres. C'est en donnant réellement aux MIGAC les moyens nécessaires que nous parviendrons à l'équilibre avec la T2A et bénéficierons de ses avancées.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment intégrer les dispositifs médicaux implantables (DMI) et les molécules onéreuses (MO) à leur juste valeur dans les tarifs sans pénaliser l'innovation ?

M. Xavier Bertrand : Je vous renvoie à ce que j'ai dit hier soir à l'assemblée générale du Syndicat national de l'industrie des technologies médicales (SNITEM).

Mme Catherine Génisson : La question de la convergence rejoint quelque part celle des MIGAC. S'il est effectivement très important d'identifier et de reconnaître à leur juste niveau les missions d'intérêt général, il faudra également - vous-même y avez fait allusion en parlant de la précarité - intégrer la prise en compte de l'environnement social et économique des patients dans les critères d'évaluation de la T2A.

Le codage et la définition de critères les plus exacts possibles exigent un énorme travail de la part des professionnels de santé privés comme publics. Le secteur privé a le plus souvent décidé de spécialiser des personnels dans le codage pratiquement à temps plein, contrairement au secteur public. Je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure solution ; reste que l'évolution prévisible de la démographie des professions de santé interdira de consacrer un temps aussi important au codage. Ne pourrait-on faire appel à des modèles qui permettraient de mesurer de manière suffisamment exacte l'activité des uns et des autres sans qu'il soit besoin de l'identifier à 100 % ? J'invite le ministère à y travailler. Il nous sera de moins en moins possible de consacrer 30 à 40 % de notre temps au codage.

M. Xavier Bertrand : Au-delà du problème démographique, les praticiens aspirent à consacrer le maximum de leur temps à l'activité médicale proprement dite. L'activité de codage prend naturellement plus le temps en période de démarrage ; nous devrions pouvoir en économiser au fur et à mesure. Je suis ouvert à toutes les propositions des syndicats et des acteurs de terrain en la matière. Je crois important que les professionnels eux-mêmes puissent effectuer le codage, mais il doit être possible, passé les premiers pas, de recourir à des outils techniques et informatiques. Normalement, le codage est l'affaire du praticien, authentifié comme tel. Je cherche à simplifier les choses, tout en préservant l'exhaustivité et la précision. Reste à trouver les solutions... Elles peuvent venir d'initiatives du ministère, mais également des établissements. Le but est de libérer du temps au profit de l'activité médicale, comme le demandent les praticiens.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : La question du codage a été posée hier au conseil d'administration du CHU de Besançon. Je n'ai pu m'empêcher de penser au film « Les invasions barbares » dans lequel une infirmière explique le temps que lui prend l'activité administrative et le codage au détriment de son travail proprement dit. Là est toute la difficulté : autant l'on conçoit que les praticiens n'aient pas envie de passer tout leur temps devant leur outil informatique à coder, autant l'on comprend que la véritable question de confiance que posent le codage - certaines agences régionales d'hospitalisation semblent le remettre en cause - et la fiabilité des informations enregistrées. Qui plus est, certains craignent des dérives dans leur utilisation, parlant de surfacturation ou de surcodage. Il y a là une question de fond, qu'il ne faut pas se cacher : toute la légitimité de la réforme en dépend. Une plus grande prudence s'impose.

M. Xavier Bertrand : La remise en cause ne me paraît pas porter sur la légitimité, mais plutôt sur l'application et ses conséquences.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : C'est avant tout une question de confiance.

M. Xavier Bertrand : La légitimité ne me semble plus faire de doute sur différents bancs.

M. Pierre-Louis Fagniez : Il me semble y avoir dans le codage une partie incompressible qui ne peut relever de personne d'autre que du médecin.

M. Xavier Bertrand : Vous avez raison.

M. Pierre-Louis Fagniez : Cette partie-là mérite toute l'attention dont parlait notre collègue : c'est ainsi que nous assurerons la légitimité de la T2A et couperons court à toutes les tentatives de remises en cause. En revanche, il reste toute une partie du codage qui peut être confiée aux assistants du médecin. Nous avons des secrétaires formées pour cela et dont l'aide nous est très précieuse. Faisons la part entre ce qui revient au seul médecin et à personne d'autre sous peine de remettre en question toute la légitimité du codage, et le reste, dont il faut le débarrasser afin de libérer un maximum de son temps au profit de son activité médicale proprement dite.

M. Xavier Bertrand : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Cela dit, la crédibilité du codage dépend également de la qualité des contrôles. Ceux-ci ont commencé en janvier 2006 et j'ai demandé à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) de me rapporter des éléments chiffrés plus précis que les informations générales retransmises par la presse, afin de bien faire la part des choses entre les erreurs de bonne foi et les fraudes.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Ces risques de surcodage ou de mauvais codage peuvent réellement amener à une dérive de la réforme. Nous devons nous en inquiéter et considérablement renforcer le travail d'accompagnement, faute de quoi les informations dont la presse de fait l'écho créeront un doute énorme sur le dispositif. Et comment faire en sorte que les établissements ne soient petit à petit tentés de recentrer leurs activités sur les secteurs les plus faciles ou les plus rentables ? En fait, les deux questions sont liées.

Une des conditions de réussite de la réforme reste de ne pas faire la part trop belle aux enveloppes forfaitaires, qui doivent être réellement contenues : cela amène effectivement à la question des MIGAC et de leur bonne définition. Mais je suis surprise d'entendre plusieurs agences régionales de l'hospitalisation (ARH) laisser entendre que des « enveloppes préélectorales » pallieraient les éventuels manques d'argent. Où va-t-on si l'on peut ou si l'on espère jouer sur des enveloppes forfaitaires au gré des pressions ?

M. Xavier Bertrand : Ce que vous dites est éminemment grave, et je demande communication de l'ensemble des comptes rendus d'auditions pour savoir quelles ARH ont pu tenir ces propos.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Cela n'a pas été dit ici. Mais ce sont les termes exacts...

M. Xavier Bertrand : Je vous saurais gré de m'indiquer de qui il s'agit. Ce n'est en tout cas pas la logique qui guide mes pas. Ou alors, je ne sais pas si la logique préélectorale s'applique au CHU de Lille, au centre hospitalier de Tulle comme à Strasbourg ou ailleurs... La logique préélectorale n'est jamais entrée en compte dans mon action. Certains établissements ont besoin d'être aidés : il n'y a que cela qui compte. C'est ce que j'ai répondu à une question similaire posée par le président de la Fédération hospitalière de France à Hôpital Expo ; si certains directeurs d'ARH persistent dans ce type démarche, je ne le tolérerai pas. Je n'ai jamais regardé la sensibilité publique ou politique d'un président de conseil d'administration d'établissement avant de me déterminer sur la nécessité ou non d'aider un établissement dans le cadre d'un plan de retour à l'équilibre ; je n'entends pas déroger à cette ligne de conduite. Il est dommage que je n'aie pas eu vent de votre information hier soir, au moment où je m'entretenais avec tous les directeurs d'ARH. Je m'en entretiendrai avec M. Jacques Métais, président de la conférence des directeurs d'ARH.

Ce qui est certain en revanche, c'est que bon nombre d'acteurs de terrain comme les ARH souhaitaient pouvoir disposer d'aides à la contractualisation au niveau régional. Aussi ai-je décidé de déléguer 265 millions d'euros aux ARH, afin qu'elles puissent juger elles-mêmes des sommes à débloquer en fonction des besoins plutôt que d'agir par le biais d'une réserve ministérielle. Cette solution m'a paru tout à la fois plus facile et plus souple d'utilisation. Cela faisait longtemps que l'on n'avait pas délégué de telles sommes aux ARH pour faire face aux demandes locales : j'ai tendance à croire que l'on se rend un peu mieux compte des situations en région que derrière un bureau, avenue de Ségur.

M. Pierre Morange, coprésident : Je peux porter témoignage de l'impartialité de vos choix, monsieur le ministre, de même qu'une de nos collègues socialiste qui, grâce à votre intervention, a obtenu gain de cause.

M. Xavier Bertrand : Et certains membres de ma famille politique ne sont pas toujours contents de mes choix - mais j'assume.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Cette information m'a été rapportée par certains milieux syndicalistes, mais votre réponse est de nature à clarifier les choses. Ma question n'aura pas été inutile.

M. Pierre-Louis Fagniez : La question du lien entre l'offre de soins et la T2A se pose partout, sans doute de façon différente en fonction de la nature des établissements, privés ou publics - tout cela ira sans doute en se normalisant. Cela dit, je n'ai pas l'impression que l'offre de soins soit à l'avenir influencée par ce que cela va rapporter, alors qu'elle me paraît beaucoup plus liée pour l'instant à des considérations d'intérêt intellectuel ou pratique : j'observe que mes collaborateurs préfèrent effectuer des greffes de foie qu'opérer des hernies inguinales, alors que les besoins sont beaucoup plus importants. Peut-être l'arrivée de la T2A permettra-t-elle de mieux adapter l'offre de soins à la demande.

M. Xavier Bertrand : Vous avez tout à fait raison, mais il reste un risque que je ne veux pas évacuer. Les urgentistes s'inquiètent à l'idée que la T2A puisse donner lieu à une dérive qui jouerait au détriment de l'activité d'urgence ; je leur ai répondu que si un phénomène de ce genre était relevé d'une façon non isolée, il nous faudrait alors clairement poser, sans aucun tabou, la question du niveau moyen des groupes homogènes de séjours (GHS). Si nous voulons que le système soit pleinement accepté, nous devons anticiper tout risque de dérive.

S'agissant des dispositifs médicaux implantables (DMI), seules quelques dizaines de dossiers ont posé problème, notamment en orthopédie. Mais c'est évidemment de cette trentaine-là que l'on parle, et non des centaines qui n'ont posé aucune difficulté ! Le groupe opérationnel mis en place suite au protocole signé début février 2006 se réunira demain, puis le 5 juillet pour me transmettre des propositions afin de vérifier si, oui ou non, le compte y est. Je n'admettrai pas, je le dis solennellement, de dérives sur la qualité des actes et des dispositifs proposés. En clair, si le niveau moyen ne correspond pas aux besoins, je n'ai pas envie que l'on opère à l'économie et que l'on rogne sur la qualité. Je l'ai dit suffisamment clairement lorsqu'un rapport a été publié sur les blocs chirurgicaux : la seule chose qui guide mes pas, c'est la qualité. Je ne transigerai pas sur le niveau moyen des GHS : s'il y a des imperfections et des corrections à apporter, j'y suis prêt. Encore faut-il s'en assurer et jouer cartes sur table. La question de l'inscription sur la liste des dispositifs rémunérés en sus des tarifs m'offre également des possibilités pour remédier aux erreurs ou procéder aux ajustements nécessaires. Je ne réunis pas un groupe de travail pour enterrer un problème, mais bien pour le régler.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Ne faudrait-il pas clarifier le rôle des ARH dans le pilotage ? Jusqu'à quel point peuvent-elles intervenir dans l'attribution des enveloppes complémentaires ou dans le domaine de l'organisation ou de l'implantation ? Enfin, la T2A a-t-elle déjà produit des effets sur l'offre et la qualité des soins ? Peut-on les mesurer ?

M. Xavier Bertrand : Vous posez en fait le problème de l'articulation entre la T2A et la planification sanitaire. Beaucoup de craintes avaient été exprimées sur les schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) ; en fin de compte, les choses se sont plutôt bien passées, à croire ce qu'en disent la presse régionale, comme les élus locaux. Permettez au ministre de le souligner.

Les SROS ont pour objet de proposer une offre de soins qui corresponde aux besoins de la population, au vu notamment des évolutions démographiques. La première étape a consisté à procéder à un chiffrage homogène des SROS, afin d'évaluer l'évolution des dépenses qu'ils sont susceptibles de générer et procéder à des comparaisons entre régions. J'y suis très attaché car il faut savoir mettre un terme aux inégalités territoriales : ainsi la région Picardie vient juste après le Nord-Pas-de-Calais pour ce qui est de la morbidité et de la faiblesse de l'espérance de vie ; ces disparités territoriales ne doivent plus être considérées comme une fatalité.

Dans un deuxième temps, il faudra tirer les conséquences de cette analyse eu égard à la progression des dépenses d'assurance maladie dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale. Il ne s'agit pas de déshabiller l'un pour habiller l'autre, mais de se ménager les moyens de donner davantage à celles et ceux qui souffrent d'un handicap en matière de santé. On le dit depuis longtemps ; il est temps de le faire et j'ai bien l'intention de proposer une série d'orientations nouvelles dans le cadre du projet de loi de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, tout en continuant à ramener l'assurance maladie à l'équilibre. En moins de trois ans, nous aurons réussi à diviser son déficit par quatre ; il n'est que temps de mettre un terme aux inégalités territoriales.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela ira-t-il de pair avec un décloisonnement de l'offre hospitalière et du secteur médico-social ?

M. Xavier Bertrand : Je pense depuis longtemps que l'un des principaux maux de notre système de santé au sens large reste le cloisonnement.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela correspond tout à fait à nos conclusions.

M. Xavier Bertrand : N'oublions pas que la seule chose qui compte pour nos patients, c'est la prise en charge. J'ai demandé hier aux ARH de solliciter certains accords locaux : il est grand temps de passer la surmultipliée à propos des agences régionales de santé (ARS), en commençant par répondre à la seule question qui vaille : une ARS, pour quoi faire ? Mais je souhaite également que, pour ce qui touche à la régionalisation, on aille encore plus loin. La loi a été votée, il n'y a plus qu'à l'appliquer. Encore faut-il trouver des partenaires et ne pas s'en tenir aux déclarations d'intention : il faut passer aux actes, déposer des candidatures, trouver des expérimentations différentes, avec une philosophie, des moteurs différents.

Les ARH jouent un rôle essentiel dans la coordination des programmes de contrôles, en matière de sécurité sanitaire - dans les établissements réalisant moins de 2 000 actes par an comme dans les autres, je continuerai de prendre mes responsabilités dès lors que la sécurité est en cause - comme en matière de tarification. Si l'assurance maladie a vocation à contrôler, elle n'a pas pour autant vocation à décider des sanctions à la place des ARH : tout le monde doit travailler ensemble. Les amendements qui avaient été introduits à cet effet dans le PLFSS au Sénat n'ont finalement pas été retenus à l'issue des débats. Les ARH sont devenues un interlocuteur privilégié des établissements de santé publics et privés et la T2A renforce encore leur implication dans la gestion du système hospitalier, qu'il s'agisse d'analyser les projections d'activités, d'apprécier le niveau de charge des établissements ou la façon dont elles mènent la négociation sur les DMI. Les 265 millions d'euros que je leur ai délégués témoignent de mon souci de leur donner davantage de marge de manœuvre.

L'ARH a vocation à agir à deux niveaux : premièrement, à celui de l'organisation des soins dans le cadre des SROS, deuxièmement, à celui de la contractualisation avec les établissements, c'est-à-dire des financements afin de pouvoir faire du sur-mesure, traduire et concrétiser les SROS. En tout état de cause, elle a un rôle essentiel à jouer, y compris en termes de contrôle.

M. Pierre Morange, coprésident : Monsieur le ministre, il ne nous reste plus qu'à vous libérer en vous remerciant de la précision de vos réponses.

*

Audition de M. François Carayon, sous-directeur de la sixième sous-direction
du budget au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie,
et Mme Florence Gérard-Chalet, directrice d'hôpital, en poste au bureau
des comptes sociaux et de santé à la sixième sous-direction du budget

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir M. François Carayon, sous-directeur de la sixième sous-direction du budget au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, accompagné par Mme Florence Gérard-Chalet, directrice d'hôpital, en poste au bureau des comptes sociaux et de santé à la sixième sous-direction du budget.

M. Jean-Marie Roland, rapporteur : Comment la direction du budget a-t-elle été associée à la conception, à l'application et désormais à l'évaluation de la tarification à l'activité ?

M. François Carayon : Je suis heureux de me retrouver devant vous : nous sommes désormais des habitués de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.

Notre rôle est d'intervenir comme conseiller financier du Gouvernement au moment de l'élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale et de lui donner un avis sur la majorité des textes à incidence financière - dont évidemment ceux qui ont instauré la tarification à l'activité (T2A). Nous intervenons par ailleurs en tant que tutelle financière de plusieurs structures concernées, notamment les agences régionales de l'hospitalisation et l'Agence technique de l'information hospitalière (ATIH), mais également l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Cette dernière, qui représente 10 % de la dépense hospitalière en France, est pour nous un excellent thermomètre.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : À ceci près que l'AP-HP n'est pas forcément représentative de l'ensemble.

M. François Carayon : Cela étant, nous ne sommes évidemment pas le service gestionnaire des crédits en question, qui relèvent du ministre de la santé. Nous n'avons pas de compétences en matière d'expertise technique ni de statistiques et nous ne participons pas au Conseil de l'hospitalisation. Notre vision reste avant tout macro-économique ; nous avons été amenés à suivre la mise en place de cette affaire, à intervenir dans les discussions de cadrage et à négocier, comme chaque année, l'évolution de la part hospitalière de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM).

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelle est votre appréciation des impacts financiers de la T2A ? Deux ans et demi après sa mise en place, a-t-elle eu les effets que vous en attendiez ? Avez-vous pu évaluer la partie du dépassement de l'objectif de dépenses de médecine, chirurgie et obstétrique (ODMCO) imputable à la T2A ?

M. François Carayon : La T2A est désormais une réalité : on en parlait depuis quinze ans dans divers cercles et beaucoup disaient qu'on n'y arriverait jamais. C'est déjà un premier point qu'il faut saluer. Cela dit, sa mise en œuvre est encore très partielle et l'on ne peut que relever le décalage entre, d'une part, les principes et le déploiement de la réforme et, d'autre part, la mise en œuvre des dispositifs de régulation nécessairement associés à un ONDAM hospitalier voté par le Parlement, pour peu qu'on veuille le voir respecté.

Le Comité d'alerte, composé de trois personnalités indépendantes, a observé un dépassement de l'ONDAM hospitalier de 700 millions d'euros en 2005. Nous ne sommes pas en mesure d'en chiffrer la part imputable à la T2A, mais il est certain qu'il existe des risques de surcroît d'activité, d'une course au volume pour bénéficier de recettes, d'autant que la T2A n'est pas en soi un dispositif de régulation. Un système de dotation globale - c'est tant, point final - est de ce point de vue plus efficace... La T2A doit être associée à des dispositifs de régulation - c'est le but du codage et du contrôle du codage - et avoir pour objectif d'inciter les établissements à réaliser des gains d'efficacité et à mettre en œuvre des restructurations internes, mais également externes par le biais de la planification de l'offre de soins. Autrement dit, ce n'est qu'un outil parmi d'autres qui doit s'inscrire dans une réflexion globale sur l'offre de soins.

Ajoutons qu'il y a également dans la T2A un aspect de mobilisation de l'ensemble de la communauté médicale : loin de rester l'affaire de quelques experts financiers, elle doit devenir un outil de pilotage interne des services ou des pôles d'activité, ce qui suppose de répondre à une double exigence de lisibilité et d'explication. Ce grand projet, qui repose sur un nouveau mode de management par la performance, nécessite, par définition, l'adhésion de tous, et donc un énorme travail de pédagogie.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le risque inflationniste avait souvent été évoqué lors de la mise en place de la T2A. Quel est votre sentiment ?

M. François Carayon : Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF), comme celui de la Cour des comptes s'accordaient sur le fait que, mécaniquement, toute tarification à l'activité a un effet inflationniste. Toutefois, le Comité d'alerte a rappelé dans son avis qu'il existait des outils à mettre en œuvre dans le cadre du codage et du contrôle du codage, mais également des outils de planification hospitalière, les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), notamment devant négocier les contrats avec les établissements sur les activités cibles et vérifier si celles-ci ont bien été déterminées en fonction des besoins de la population, et enfin des outils infra-annuels : non seulement une réserve de précaution de 250 millions d'euros, non prise en compte dans la fixation des tarifs, a été constituée au niveau national, mais encore un certain nombre d'enveloppes sont déléguées en cours d'année, sans oublier la possibilité toujours ouverte d'ajustements tarifaires. Autrement dit, et le Comité d'alerte l'a expressément rappelé, nous ne manquons pas d'outils d'ajustement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le codage et la transmission des données ont fréquemment été l'objet de remarques au cours des dernières auditions. Quel est votre sentiment ? Pensez-vous que cela ait pu nuire à une bonne appréciation de la T2A ? Quelle est à vos yeux l'importance des contrôles dans la mise en place de ce nouveau système de financement des établissements ?

M. François Carayon : Certes, la synchronisation n'a pas été parfaite du fait de la complexité de tous les outils à mettre en œuvre. Le codage et la qualité des contrôles ont évidemment une importance de premier ordre. Cette compétence relève de l'assurance maladie pour ce qui est des soins de ville et des cliniques et il appartient de mettre en place ce même contrôle dans l'ensemble des établissements en procédant aux adaptations et aux décloisonnements nécessaires. Non seulement les contrôles et la qualité du codage ont déjà donné lieu à des textes réglementaires, mais la future convention d'objectif et de gestion entre l'État et la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) en fait explicitement une priorité.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Avez-vous regardé si, dans les autres pays, les ministères des finances avaient été associés à des réformes de ce genre ?

Mme Florence Gérard-Chalet : Nous avons, sinon des comptes rendus sur les nouvelles modalités de financement mises en place en Allemagne ou en Angleterre, en tout cas des correspondants que nous pouvons mobiliser sur tel ou tel point ponctuel pour répondre à un besoin d'expertise particulier ou tout simplement enrichir notre réflexion au vu des difficultés observées chez nos voisins. Cela étant, la mise en œuvre de la T2A ayant donné lieu à des choix très spécifiques, nous n'avons pas de documents particuliers à vous remettre ; mais des échanges sont organisés avec les principaux pays qui, eux-mêmes, ont mis en place un système de tarification quelque peu analogue au nôtre.

M. Pierre Morange, coprésident : Sur le plan qualitatif, pensez-vous que la T2A ait d'ores et déjà pu avoir une incidence sur les déplacements d'enveloppes sanitaires et les mouvements d'activité de l'hôpital vers la ville ou inversement, dans quels secteurs et pour quelles raisons ?

M. François Carayon : Vous vous placez sur le terrain de la qualité et non plus de la performance... Nous attendons beaucoup de la T2A sur ce terrain-là. Le système de la dotation globale était une sorte de « boîte noire » : non seulement l'État prescripteur avait du mal à voir ce qu'il finançait et quelle était la réalité de l'activité, mais les établissements eux-mêmes étaient victimes d'un effet pervers puisqu'il leur était impossible de se comparer entre eux, si ce n'est par le biais du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) et des points ISA (indice synthétique d'activité), etc., mais tout cela reste technique, pour ne pas dire technocratique. Surtout, qui dit boîte noire dit sentiment d'impuissance en voyant s'empiler des milliards sans pouvoir connaître véritablement l'usage de l'euro dépensé. La grande force du raisonnement qui a présidé à la T2A tient au fait qu'il permet de se rendre compte que beaucoup de choses sont possibles, à condition toutefois de le rendre compréhensible par la communauté médicale, afin qu'elle devienne acteur du changement. Mettre la réalité de l'activité au centre du financement, rendre la T2A accessible au médecin, permettre les comparaisons, trois idées qui ne demandent qu'à devenir des leviers puissants.

Nous n'avons pas encore suffisamment de recul pour dire si la T2A a généré des effets de déplacement d'activité entre la médecine ambulatoire et l'hôpital. On pourrait penser que, par le fait qu'il développe son activité, l'hôpital en prendra une part à la médecine de ville, mais on pourrait tout aussi bien soutenir à l'inverse que, faute de pouvoir continuer à exercer des activités non rentables, il s'en délestera sur d'autres. Aucun indicateur ne permet pour l'instant de confirmer l'une ou l'autre thèse, mais la possibilité d'observation très fine qui nous est désormais donnée nous apportera effectivement des enseignements très intéressants.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela m'avait amené à demander au ministre s'il confirmait bien sa volonté de décloisonner le secteur sanitaire et le secteur médico-social, dans une philosophie de globalisation de l'offre de soins visant à répondre à tous les types de souffrances, quelle que soit la tranche d'âge.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le rythme de montée en charge de la T2A vous paraît-il satisfaisant ? Les objectifs de convergence intrasectorielle ou intersectorielle ont-ils à votre avis été correctement estimés ?

M. François Carayon : Pour ce qui est des délais, la loi a arrêté des choix qu'il ne nous appartient pas de contester, et ce d'autant moins que nous sommes convaincus de l'intérêt du pilotage par la performance. Le calendrier de mise en œuvre de la T2A est pour nous un objectif que nous devons nous attacher à tenir.

Et les perdants ? La question a été posée. Reprenant ma casquette de financier, je me reporte aux estimations officielles du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), selon lesquelles 4 % des établissements seraient contraints à un effort d'efficience supérieur à 2,3 % de l'ensemble de leur budget par an. Est-ce beaucoup, est-ce peu ? Vu d'en haut en tout cas, on peut penser que cela ne devrait pas soulever de préoccupation particulière, pour peu évidemment qu'il y ait sur le terrain une réelle volonté d'améliorer l'efficience du système et de faire des progrès au sein de la structure. Les mêmes évaluations font apparaître deux tiers de « gagnants » et un tiers de « perdants » avec le nouveau système. On peut toutefois se demander si un tel vocabulaire est bien adapté. Premièrement, l'objectif global reste tout de même de rendre la dépense de santé française plus efficace, alors même qu'elle est supérieure à celle des autres pays. Autrement dit, le gain d'efficacité profite à tous, aux « gagnants » comme aux « perdants ». Deuxièmement, l'idée est évidemment de privilégier les meilleures pratiques, et non de considérer que, au motif qu'il serait « gagnant », un établissement devrait engranger de l'argent en plus. Autrement dit, qu'il doit faire la même chose, mais en coûtant plus cher !

Pour ce qui est de la convergence tarifaire public-privé, le Parlement a fixé un objectif et le ministre a rappelé la nécessité d'une bonne connaissance des facteurs objectifs d'écart, qu'il faut mettre à plat, expliquer, analyser à partir de panels et d'études ciblées qu'il faudra encore parfaire.

Enfin, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a indiqué que la priorité devait être donnée à la convergence intrasectorielle : là encore, l'idée est de parvenir à des gains d'efficacité globale sur l'ensemble du système, afin que les euros aillent là où c'est le plus utile, et donc de converger vers les meilleurs. Reste à déterminer ce que l'on entend par « les meilleurs » ; en tout cas, il faudra faire mieux que la moyenne : le but n'est pas de dépenser 1,30 euro là où d'autres arrivent à faire la même chose avec un euro.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : De nombreux organismes s'efforcent comme nous de mieux comprendre les tarifs du public et ceux du privé, et l'exercice n'est pas facile. Avez-vous identifié des facteurs de surcoût dans le public ? Comment les chiffrer ?

Mme Florence Gérard-Chalet : La direction du budget n'a pas plus d'études que d'autres. Beaucoup d'informations circulent dans le domaine public et surtout beaucoup d'hypothèses sont avancées par les uns et les autres pour évoquer les surcoûts : situation sociale des patients, pathologies, rémunérations, charges, modalités d'achat, organisation. Autant d'arguments qui font souhaiter le lancement d'une étude dans les meilleurs délais, afin que nous ayons rapidement une vision tout à la fois du juste prix et de la prestation équivalente, deux éléments qui pour l'instant font débat et bloquent toute convergence public-privé.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Au moment où nous souhaitons obtenir le meilleur rapport qualité-prix plutôt que le prix moyen, est-il inimaginable de déterminer une base de coûts pour savoir quel serait le meilleur tarif et bien comprendre toutes les composantes du prix d'un soin ou d'un acte de manière à faciliter les convergences entre secteur privé et secteur public ?

M. François Carayon : C'est bien à cela que devront servir les études évoquées. Toute la difficulté est d'aboutir, à travers la tarification, à un système objectif et compréhensible sans pour autant aller trop loin dans le raffinement au risque d'aboutir pratiquement à une tarification au patient. Les professionnels de santé répètent souvent que chaque patient est différent, avec ses particularités, ses besoins, ses pathologies et ses complications spécifiques ! Entre la dotation et une tarification à l'euro près qui n'aurait plus rien de forfaitaire, la T2A apparaît finalement comme un équilibre en proposant un système tout à la fois responsabilisant pour les gestionnaires et la communauté médicale, fondé sur des groupes homogènes pas trop nombreux ni trop compliqués pour rester compréhensibles, mais suffisamment représentatifs de la diversité des situations et des activités. Encore faudra-t-il à un moment donné stabiliser le système, afin justement de préserver sa lisibilité par la communauté médicale et l'assurer d'une réelle stabilité de la règle du jeu. Pour l'instant, nous sommes encore dans la phase d'adaptation.

Mme Florence Gérard-Chalet : En fait, vous auriez aimé pouvoir reconstituer pour chaque pathologie une sorte de prix d'achat théorique en fonction d'une série de paramètres prédéterminés - chirurgien, consommables, etc. Le choix de principe sur lequel repose notre T2A est un peu différent, en ce qu'elle procède d'abord du terrain et du constat de ce qui y est fait : c'est également une question de légitimité et de confiance pour la communauté hospitalière. Même si la question est posée de savoir s'il faut se référer au coût moyen constaté ou s'il ne serait pas possible de prendre des coûts plus bas, la démarche consiste à se référer à ce qui est possible, à ce qui se fait, afin de permettre aux acteurs de réfléchir à leurs pratiques, à leur organisation, à leur fonctionnement, à leur productivité et, partant de là, à améliorer leur efficience. C'est elle qui donne du sens et de la cohérence au système et nous perdrions certainement à tenter de faire appel à des constructions exogènes, étrangères au secteur.

M. Pierre Morange, coprésident : Toute la philosophie de la T2A vise à établir un cadre de référence tarifaire marqué par la transparence et l'équité, ce qui renvoie immédiatement à la problématique de la collecte de l'information, afin d'éclairer les zones d'ombre jusqu'alors masquées avec la dotation globale. Cela dit, les systèmes d'information comptables et financiers des établissements permettront-ils de passer à l'EPRD dès cette année ? L'objectif de la comptabilité analytique, évoqué de façon parfois obsessionnelle, exigera-t-il des adaptations particulières ou le dispositif en place vous paraît-il suffisant ?

M. François Carayon : La question du système d'information est effectivement cruciale. Pour ce qui est de la facturation, par exemple, les paiements sont effectués par douzième aux hôpitaux et une régularisation intervient tous les trimestres. Les établissements doivent faire remonter les informations avant la fin du mois suivant la régularisation, les ARH ont quinze jours pour les centraliser et tout est collationné au niveau de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS). De ce fait, je n'ai encore aucune donnée sur le premier trimestre 2006, puisque l'information ne remonte pas à la direction du budget et doit se trouver entre les ARH et la DHOS. On comprend dès lors l'intérêt que pourrait présenter une facturation « au fil de l'eau » dans laquelle l'établissement facturerait en même temps au patient et à l'assurance maladie la part qui incombe à chacun. De ce fait, l'assurance maladie connaîtrait en permanence non seulement le montant financier, mais également le codage, autrement dit l'activité correspondante, ce qui permettrait un suivi en temps réel.

M. Pierre Morange, coprésident : L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ne paraît pas convaincue des mérites d'une facturation directe aux caisses, dont vous venez de décrire les avantages sur le plan de la réactivité et des possibilités d'adaptation en temps réel, à l'opposé de l'inertie de l'actuel système. Quelle est la bonne posture ?

M. François Carayon : Il faut insister sur la connaissance de la nature du séjour. Il est fondamental pour l'activité de l'assurance maladie, a fortiori dans un contexte de régulation médicalisée, de savoir exactement quelle est la nature des pathologies traitées entre ville et hôpital. Cela dit, plutôt que de laisser quelque 3 000 établissements adresser individuellement leurs factures à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ou à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), on peut fort bien imaginer un système avec un point nodal, une caisse centralisatrice qui répercuterait ensuite l'information : c'est une simple question de tuyauterie, qui ne remet absolument pas en cause d'intérêt d'une facturation en temps réel.

Mme Florence Gérard-Chalet : L'important est ensuite de connaître la nature de l'activité, afin de pouvoir poser des hypothèses quant aux dépenses hospitalières de l'année suivante en minimisant les risques de dérapage. La pertinence des hypothèses initiales dépendra de la bonne connaissance de l'activité, et donc de la qualité de l'information.

La question de la comptabilité analytique est effectivement posée de manière récurrente ; mais, à moins d'y trouver un plaisir intellectuel, on en vient à se demander à quoi sert un tel brassage de données, qui mobilise énormément de temps. La Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH) y a consacré un de ses chantiers, afin de montrer l'intérêt des établissements à se mobiliser sur ce sujet. On parle de « gagnants » et de « perdants », sachant qu'un tiers des établissements sont dits « perdants ». Et les autres ? Tout le monde a intérêt à agir pour connaître ses coûts et ses activités, et l'on ne donnera pas d'argent à certains établissements sans leur demander de contreparties et d'efforts supplémentaires.

Contrairement à une idée répandue, il n'y a pas plus d'avantage à mettre en œuvre la comptabilité analytique dans le secteur privé lucratif que dans les hôpitaux publics ; en revanche, on a observé que les cliniques privées s'y mettaient dans une optique directement opérationnelle : on cherchera immédiatement à savoir, en orthopédie par exemple, le coût d'implantation de telle prothèse dans tel bloc opératoire, et les moyens de mieux le maîtriser. À l'hôpital, on cherche le Saint Graal de la comptabilité analytique, qui permettrait de reprendre l'intégralité des éléments de coûts et d'activité et que l'on pourrait interroger à loisir. À trop vouloir sophistiquer un outil, à exiger qu'il réponde à toutes les interrogations, on en reste, dans bon nombre d'établissements, à ces questions techniques. Il faut commencer par leur donner de l'intérêt à agir ; ensuite, ils agiront.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Ont-ils seulement compris l'intérêt ?

Mme Florence Gérard-Chalet : Je crois qu'ils l'ont compris.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je m'aperçois à vous entendre que l'on n'est pas près d'arriver à une appréciation précise des coûts et des gains de productivité, et à la détermination de tarifs uniques complets, incluant les honoraires et le reste, applicables à tous les secteurs !

M. François Carayon : Je m'en voudrais de vous donner ce sentiment... Nous nous en tenons à une action certes modeste, mais extrêmement proactive et de nature à encourager le mouvement. Il ne faut pas viser l'exhaustivité ni la perfection absolue, ne serait-ce que parce que la tarification idéale n'existe pas. Il faut un système utilisable, adaptable aux cas particuliers, visible, et surtout compris pour être responsabilisant. Ajoutons qu'il est parfaitement possible de travailler sur la base d'études et d'échantillons ; pour peu que l'échantillon soit bien construit par de bons experts travaillant dans un cadre et un calendrier bien définis, avec obligation de produire pour une date donnée, il sera tout à fait applicable. Ce sont là les pratiques très habituelles de toute organisation.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Partagez-vous l'avis du Haut conseil, qui suggère de ne pas attendre ?

M. François Carayon : Totalement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Plusieurs pays, qui s'étaient lancés dans la tarification à l'activité, ont finalement préféré mettre en place des systèmes de tarification différenciée selon les établissements. Serait-ce une solution de repli envisageable ou reste-t-on à l'idée que nous avons suffisamment de données et que nous devons essayer de parvenir à la convergence ?

M. François Carayon : Là encore, nous partageons l'avis du Haut conseil : le principe est bon, adoptons une démarche pragmatique en commençant par des gros efforts au sein de chaque secteur et en gardant à l'esprit l'objectif de convergence tel qu'il a été fixé.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La Cour des comptes, dans sa communication à la MECSS, a été assez critique sur le pilotage de la réforme. Peut-on envisager en France qu'un organisme indépendant soit chargé des aspects techniques de la classification, mais également des aspects économiques, ou faut-il garder le dispositif actuel, où plusieurs organismes interviennent, qui dans la définition des groupes homogènes de séjours (GHS), qui dans celle des groupes homogènes des malades (GHM), qui dans la mise en place des financements complémentaires, missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) et autres, au risque de rendre moins lisibles les buts de l'opération ?

M. François Carayon : Je vous épargne le recensement des multiples organismes parties prenantes dans cette affaire, mais je le tiens à votre disposition ! On peut comprendre une démarche pragmatique qui, face à un concept révolutionnaire, consiste à mettre au plus vite en place des structures dédiées. Du reste, trois missions dédiées ont été simultanément mises sur pied concernant la T2A, l'appui à l'investissement et l'audit-expertise. Cela dit, en régime de croisière se pose tout naturellement la question de l'organisation des moyens dans un triple but : premièrement, clarifier le rôle de chacun - agence technique de l'information, missions diverses, direction centrale, ARH, CNAMTS, etc. -, deuxièmement, mettre en commun des moyens qui parfois se recoupent, troisièmement, aller élaborer les règles les plus lisibles possible. Ce à quoi il faut ajouter la question de l'amélioration de l'articulation entre les différents secteurs, notamment entre la ville et le médico-social. On peut légitimement se demander comment la tarification à la pathologie peut se comparer avec les coûts exposés dans d'autres secteurs, ou quelles modalités de prise en charge retenir dans le cas d'une personne traitée pour une part en ville, pour une part à l'hôpital. Il serait paradoxal d'en rester à une expertise technique uniquement centrée sur les traitements en MCO ; une expertise sur le codage devrait logiquement s'inscrire dans une vision transversale du patient et des pathologies.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La même question vaut pour le pilotage régional : le rôle des ARH, notamment, n'apparaît pas toujours très clair à nos interlocuteurs et notamment aux fédérations hospitalières et aux responsables d'établissements. Quel est leur rôle en particulier dans la détermination des enveloppes complémentaires ?

M. François Carayon : Les ARH fêtent cette année leur dixième anniversaire et tout le monde s'accorde à reconnaître leur bilan positif. Ces groupements d'intérêt public associant très étroitement l'assurance maladie ont montré leur pertinence au niveau régional, notamment sur le plan de la visibilité - et il ne faudrait pas que des enveloppes nationales se traduisent par une perte de visibilité -, mais également sur celui de l'analyse économique. Loin de les remettre en cause, il s'agit surtout de les conforter dans un nouveau rôle directement lié à la T2A, davantage tourné vers l'offre de soins, un rôle de planification au sens large et d'articulation avec les autres secteurs et l'assurance maladie. Les ARH ont vocation à devenir des acteurs tout à fait centraux.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Certaines fédérations nationales ont trouvé que la clarté n'était pas des plus évidentes dans l'attribution des allocations de financement, par exemple, chaque directeur d'ARH ayant ses priorités et sa politique propre en la matière. Avez-vous eu des retours à ce sujet ?

M. François Carayon : Non, car nous n'avons aucun contact direct à ce niveau. La première question, soulevée du reste par le Haut conseil, se situe plutôt au niveau de l'objectivation des enveloppes des MIGAC, jusque-là établies sur la base des déclarations, ou plutôt des justifications avancées par les hôpitaux. La deuxième question est celle de l'évolution dans le temps, pour ne pas laisser s'introduire de disparités de traitement entre les hôpitaux avec MIGAC et les hôpitaux sans MIGAC : le fait qu'une activité soit financée par une dotation spécifique ne signifie pas pour autant qu'il n'y ait pas de souci d'efficacité. Il faudra assurer un suivi dans le temps pour démontrer l'absence de « fuites » entre les divers éléments du système : une part de la crédibilité de la réforme en dépend et les pouvoirs publics doivent en avoir conscience.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Dans le domaine des médicaments et des dispositifs médicaux implantables, peut-on dire que la T2A ait favorisé une meilleure politique des achats des hôpitaux ? On nous a rapporté des différences de tarifs impressionnantes, qu'il s'agisse de prothèses, d'oxygène ou d'autres produits. La T2A a-t-elle permis d'améliorer cette situation ?

Mme Florence Gérard-Chalet : Dans le système précédent, les hôpitaux étaient confrontés à des difficultés de financement de bon nombre de dispositifs ou médicaments particulièrement coûteux, qui obligeaient à des redéploiements de crédits. L'objectif de la T2A est d'introduire un peu de clarté, en considérant soit que le dispositif médical ou médicament en question est couramment utilisé pour tous les séjours liés à la même pathologie, auquel cas il a vocation à entrer dans la rémunération de séjour, soit que son utilisation n'est pas systématique, auquel cas celle-ci devra être justifiée ponctuellement et le remboursement interviendra en sus du séjour, à l'euro près. Le financement des médicaments et dispositifs médicaux avait effectivement connu une forte progression - presque 30 % - la première année. Cela dit, quel que soit le financement choisi, l'exigence en matière d'efficience doit être toujours la même : on doit notamment veiller, conformément aux bonnes pratiques hospitalières usuelles, à la bonne prescription du produit, et seulement lorsque c'est nécessaire. Les modalités de régulation au travers du contrat de bon usage des médicaments doivent normalement garantir que la souplesse ainsi offerte ne donne lieu à aucune dérive. Il se produit un petit décalage entre la mise en œuvre de la réforme elle-même et la signature des contrats de bon usage, dont un tiers seulement ont été signés durant le premier trimestre. Chaque signataire doit être très précis dans ses choix, entre ce qu'il mettra dans les séjours ou ce qu'il laissera hors de la liste, et quel que soit le mode de financement choisi, se montrer tout aussi exigeant dans l'application des bonnes pratiques dans l'établissement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous eu vent de choix particuliers exercés par certains établissements tendant à privilégier certaines pathologies ou certains soins par rapport à d'autres ?

M. François Carayon : Nous n'avons pas eu de remontées d'informations de ce genre. Cela dit, les données qui nous remonteront sur l'évolution de l'activité des hôpitaux seront l'occasion de se poser la question de fond du rôle de l'hôpital dans le parcours de soins. Premièrement, quelle est la place de l'hôpital X, situé à tel endroit, dans une carte sanitaire par rapport aux hôpitaux Y et Z à côté, à la médecine de ville, à la permanence de soins et aux établissements médico-sociaux de la zone ? Deuxièmement, quel est le rôle des hôpitaux publics et privés en général ? La réflexion autour du parcours de soins développée sur la médecine de ville ne vaut-elle pas également pour l'hôpital ?

Ne voyez là aucune critique de l'hôpital, bien au contraire : on n'y va pas par plaisir, mais dans le cadre d'un parcours de soins ; on y est envoyé, on y passe un moment de sa vie, on en ressort, on y revient, on passe en médico-social, etc. L'hôpital apparaît comme un moment dans un parcours de vie, ce qui pose trois questions. Premièrement, celle de l'accès à l'hôpital : qui  oriente  vers  l'hôpital ? Quelle  est  la  place  des  consultations  hospitalières  - actuellement 12 % des consultations en France ? Quelle est la place des urgences, dont 20 % sont suivies d'une hospitalisation, et 30 % seulement sont médicalement justifiées ? Deuxièmement, la question du « pendant », c'est-à-dire de la durée du séjour, des pratiques et du coût de la non-qualité - champ d'investigation considérable, qui nécessiterait des travaux de quantification passionnants ; troisièmement, la question de l'aval : l'hôpital est-il vraiment la structure la plus adaptée pour certains types de patients ? Quelles solutions alternatives peut-on imaginer et quelles reconversions mettre en œuvre ? Le Centre d'analyse stratégique, ex-Commissariat général du Plan, a sorti hier un rapport très intéressant sur les personnes âgées posant la question de savoir si l'hôpital était le plus adapté pour certaines personnes actuellement en long séjour. On voit bien la foule de réflexions que la T2A peut générer, qui pourraient être pour la décision publique une mine extrêmement précieuse dans le domaine de l'allocation des moyens.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : La T2A n'est-elle pas essentiellement perçue comme un outil de connaissance et de maîtrise financières ? Croyez-vous réellement que l'on soit prêt à analyser l'ensemble des informations qui remonteront ? Des outils ont-ils été mis en place à cet effet ?

M. François Carayon : Il faut le souhaiter, et le HCAAM lui-même y a encouragé en soulignant l'intérêt d'une facturation à l'assurance maladie plus rapide et plus détaillée. Tout cela prendra sûrement du temps, mais cela revêt un intérêt proprement stratégique. Il peut vous paraître paradoxal qu'un représentant du ministère des finances s'intéresse moins à l'aspect financier qu'à l'activité. Notre exigence porte avant tout sur la performance des milliards d'euros investis dans le système ; et de l'amélioration de nos connaissances dépendront les évolutions structurelles, en profondeur, de notre offre de soins.

M. Pierre Morange, coprésident : Vos propos s'inscrivent parfaitement dans la philosophie de notre mission. La T2A, on le voit, n'est qu'un élément d'un puzzle plus vaste, celui de la globalisation d'une offre visant à répondre aux besoins de notre société.

Madame, Monsieur, nous vous remercions d'avoir participé à cette audition. Nous vous remercions de nous faire parvenir les informations et les propositions précises qui viendraient compléter notre échange de ce matin.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Et particulièrement la liste des organismes concernés par la T2A.

M. François Carayon : Je reste à votre disposition.

ANNEXE 4 : LISTE DES SIGLES UTILISÉS

Sigle

Libellé

AC

Aide à la contractualisation

ARH

Agence régionale de l'hospitalisation

ARS

Agence régionale de santé

ATIH

Agence technique de l'information hospitalière

Case mix des établissements

Activités des établissements

CCAM

Classification commune des actes médicaux

CDAM

Catalogue des actes médicaux

CHR

Centre hospitalier régional

CHU

Centre hospitalo-universitaire

CM

Catégorie majeure (de diagnostic)

CM 24

Catégorie majeure 24 concernant les séjours de 0 à 1 nuit

CMA

Co-morbidité associée

CMD

Catégorie majeure de diagnostic

CNAMTS

Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés

COG

Convention d'objectifs et de gestion

COM

Contrat d'objectifs et de moyens

COMPAQH

Coordination pour la mesure de la performance et l'amélioration de la qualité

CPAM

Caisse primaire d'assurance maladie

CPOM

Contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens des établissements de santé

CRAM

Caisse régionale d'assurance maladie

CRE

Contrat à retour d'équilibre

DAC

Dotations annuelles complémentaires

DARH

Directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation

DCI

Dénomination commune internationale

DDASS

Direction départementale de l'action sanitaire et sociale

DG

Dotation globale (de financement)

DHOS

Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins

DIM

Département de l'information médicale

DMI

Dispositifs médicaux implantables

DMS

Durée moyenne de séjour

DREES

Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques

DRG

Diagnosis related group (classification US des GHM)

DSS

Direction de la sécurité sociale

ENC

Échelle nationale des coûts

EPRD

État prévisionnel de recettes et de dépenses

FASMO

Fonds d'accompagnement social pour la modernisation hospitalière

FEH

Fonds pour l'emploi hospitalier

FIMHO

Fonds d'investissement pour la modernisation hospitalière

FMCP

Fonds de modernisation des cliniques privées

FMES

Fonds de modernisation des établissements de santé

GHM

Groupe homogène des malades

GHS

Groupe homogène de séjours

GCS

Groupement de coopération sanitaire

HCAAM

Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie

HAS

Haute autorité de santé

IGAS

Inspection générale des affaires sociales

IGF

Inspection générale des finances

INSEE

Institut national de la statistique et des études économiques

IRM

Imagerie par résonance magnétique

ISA

Indice synthétique d'activité

LFSS

Lois de financement de la sécurité sociale

LPPR

Liste des produits et des prestations remboursées

MCO

Médecine, chirurgie, obstétrique

MEAH

Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers

MERRI

Missions d'enseignement, de recherche, de recours et d'innovation

MIG

Missions d'intérêt général

MIGAC

Mission d'intérêt général et d'aide à la contractualisation

MO

Médicaments onéreux

MSA

Mutualité sociale agricole

NGAP

Nomenclature générale des actes professionnels

OCDE

Organisation pour la coopération et le développement économiques

ODD

Objectif des dépenses déléguées

ODSV

Objectif délégué des soins de ville

ONDAM

Objectif national de dépenses d'assurance maladie

OQN

Objectif quantifié national

PIB

Produit intérieur brut

PLF

Projet de loi de finances

PLFSS

Projet de loi de financement de la sécurité sociale

PMSI

Programme de médicalisation des systèmes d'information

PSPH

(Établissements) privés participant au service public hospitalier

RRS

Réseau santé-social

RTC

Retraitement comptable

SAMU

Service d'aide médicale urgente

SMR

Service médical rendu

SMUR

Service mobile d'urgence et de réanimation

SROS

Schéma régional de l'organisation sanitaire

SSR

Soins de suite ou de réadaptation

T2A

Tarification à l'activité

TIPS

Tarif interministériel des prestations sanitaires

TJP

Tarifs journaliers des prestations

UNCAM

Union nationale des caisses d'assurance maladie

UNOCAM

Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie

URCAM

Union régionale des caisses d'assurance maladie

USLD

Unité de soins de longue durée

V 10

Dixième version de la classification GHS

ANNEXE 5 : LETTRE DE LA COUR DES COMPTES À LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES
ET SOCIALES ET À LA MISSION D'ÉVALUATION
ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Paris, le 29 mai 2006

Monsieur le Président,

Madame la Co-présidente,

Monsieur le Co-président,

Par votre lettre du 21 juin 2005, vous avez demandé à la Cour des comptes de procéder, en application de l'article LO 132-3-1 du code des juridictions financières, à une enquête consacrée à la réforme du financement des établissements de santé.

J'ai l'honneur de vous communiquer, ci-jointes, les observations de la Cour dont les principales constatations vous sont ici présentées.

Le but de la réforme introduisant la tarification à l'activité (T2A) est de répartir les ressources financières entre les établissements de santé en fonction de leur activité réelle, c'est-à-dire de manière à la fois plus équitable pour les structures hospitalières et plus efficace pour l'assurance maladie que par le passé. Dans son principe, le nouveau dispositif est de nature à faire évoluer favorablement le secteur hospitalier.

Cette réforme n'en est qu'à ses débuts : annoncée en novembre 2002 par M. MATTEI, ministre chargé de la santé, comme l'une des composantes du plan Hôpital 2007, inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, elle a été appliquée de manière embryonnaire dans le secteur public dès le 1er janvier 2004 et déployée dans les secteurs public et privé à compter du 1er mars 2005 seulement. Elle ne s'applique pour l'instant qu'aux disciplines hospitalières de court séjour (médecine, chirurgie et obstétrique). Par rapport à un objectif de dépenses d'assurance maladie consacrées à l'hospitalisation fixé à 60 Md€ pour 2005, ces disciplines représentaient un montant de 44 Md€.

Toutefois, grâce aux efforts soutenus de l'ensemble des acteurs, administration, organismes et établissements, la réforme est devenue l'élément structurant de la gestion du secteur hospitalier. C'est dans ce contexte que s'inscrivent les constatations de la Cour.

Monsieur Jean-Michel DUBERNARD

Président de la commission des affaires culturelles

familiales et sociales de l'Assemblée Nationale

Madame Paulette GUINCHARD

Co-Présidente de la mission d'évaluation et de contrôle

des lois de financement de la sécurité sociale de l'Assemblée Nationale

Monsieur Pierre MORANGE

Co-Président de la mission d'évaluation et de contrôle

des lois de financement de la sécurité sociale de l'assemblée Nationale

La rapidité de conception et de mise en place du nouveau dispositif peut expliquer une partie des défauts relevés par la Cour, la période de réglage de transformations de cette ampleur étant au minimum de l'ordre de cinq ou six ans. Mais, dans l'attente de cette stabilisation, le manque de clarté des règles de fixation des tarifs et leur modification fréquente (et le plus souvent inexpliquée) gênent les établissements dans leur démarche d'anticipation et de prévision.

Plus fondamentalement, le scénario cible de la réforme présente encore d'importantes incertitudes portant notamment sur l'un de ses objectifs, celui de convergence intersectorielle. De même, sa mise en cohérence avec les deux autres volets de la politique hospitalière que sont la régulation financière imposée par le respect de l'ONDAM et le nouveau dispositif d'organisation de l'offre de soins ne paraît pas suffisamment clarifiée.

1. S'agissant de la conduite de la réforme, il apparaît que l'organisation mise en place en 2002, ne débouche pas sur une répartition optimale des tâches.

D'une part, la conception et la maîtrise d'ouvrage ont été confiées à une mission spécifique, la MT2A, qui rend compte directement au ministre alors que la Direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins (DHOS), en charge de la quasi-totalité du déploiement, n'apparaît que comme maître d'œuvre. Quant aux autres directions du ministère, et particulièrement la Direction de la sécurité sociale (DSS), elles sont assez peu associées aux décisions.

D'autre part, les organisations professionnelles ont été systématiquement associées aux multiples groupes de travail dérivés du comité de concertation et de suivi créé en 2002. La concertation est en effet indispensable à la réussite de la réforme : il est nécessaire d'expliciter les choix stratégiques et techniques à l'ensemble des acteurs et de recueillir leurs réactions de gestionnaires. Mais ces organisations sont devenues en réalité partie prenante à toutes les décisions, parfois même chargées d'animer ou de mener à bien certains travaux de nature apparemment technique. Compte tenu des enjeux financiers et politiques que recouvre chacune des questions ouvertes de manière précoce à la négociation, ce mode de pilotage nuit gravement au déploiement rapide de la réforme et lui fait courir des risques significatifs en termes de conformité à ses objectifs initiaux.

Enfin, les effectifs consacrés à ces tâches sont insuffisants, notamment dans les services de la DHOS et de l'Agence technique de l'information hospitalière (ATIH). Il en est résulté que les travaux techniques n'étaient pas toujours suffisamment fiables et devaient souvent être modifiés (règles de gestion, évaluations financières), entraînant ainsi des retards fréquents dans l'échéancier général.

L'absence en 2005 d'un contrôle externe des factures des établissements et, plus généralement, l'absence de dispositifs opérationnels d'évaluation font obstacle à une première appréciation des effets de la réforme. Ainsi, les informations comptables et statistiques disponibles en cours d'exercice n'ont pas permis d'observer si le nouveau mode de financement entraînait les conséquences inflationnistes redoutées ni quelle part du dépassement de l'objectif de dépenses hospitalières pour 2005, estimé à environ 900 M€ en mars 2006, incombait à la nouvelle tarification.

Dans ces conditions, tout jugement catégorique et global sur les effets de la réforme serait prématuré.

2. S'agissant du nouveau dispositif d'allocation des moyens financiers, il vise à fonder l'essentiel de cette allocation sur l'activité de soins produite par chaque établissement. Cette activité est décrite dans le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) qui permet de classer tous les séjours hospitaliers en groupes homogènes.

Toutefois, comme dans la vingtaine de pays étrangers qui ont introduit une tarification à l'activité, le nouveau dispositif ne se limite pas à la fixation de tarifs forfaitaires par séjour (ces tarifs sont dénommés groupes homogènes de séjour ou GHS). Il comprend, en outre, diverses formes de contributions destinées à financer des activités spécifiques : la dotation relative aux missions d'intérêt général indépendantes de l'activité de soins, les tarifs spécifiques et les forfaits annuels rémunérant certaines activités comme les urgences, les greffes ou l'hospitalisation à domicile et, enfin, la compensation de charges considérées comme supplémentaires aux coûts normaux couverts par les tarifs forfaitaires (par exemple, les passages en réanimation ou les surcoûts résultant, notamment, de la localisation géographique des établissements).

Pour 2005, moins de la moitié de l'objectif total de dépenses des établissements de santé était financé par le biais des tarifs forfaitaires par séjour (28,4 Md€ sur 60 Md€, soit 47,3 %). Ces derniers représentaient cependant 64,6 % de l'objectif de dépenses MCO (28,4 Md€ sur 44 Md€).

La réalité de la mise en œuvre de nouvelles règles d'allocation des moyens peut donc s'apprécier sur la base de deux critères principaux : d'une part, les contributions spécifiques mentionnées ci-dessus doivent être strictement définies et, d'autre part, la valorisation des différents tarifs forfaitaires et des contributions spécifiques doit être fondée sur des méthodes reconnues comme pertinentes. Or, sur ces deux points, le dispositif actuel présente des défauts qui, s'ils n'étaient pas corrigés, contrediraient les principes mêmes de la réforme et pourraient priver l'introduction de la T2A de l'effet incitatif recherché.

En premier lieu, les missions d'intérêt général et d'accompagnement des contrats (MIGAC) présentent, au stade actuel de leur définition, trois faiblesses graves. Elles rassemblent un ensemble disparate de missions dont moins de la moitié a été définie dans une liste arrêtée tardivement et qui comporte des activités pouvant relever des tarifs. En outre, les missions d'intérêt général proprement dites ne sont pas valorisées avec la rigueur qui devrait s'appliquer à des contributions spécifiques. Un montant (38 % de la dotation MIGAC totale) correspondant à une fraction des missions d'enseignement et de recherche a été fixé par application d'un taux forfaitaire au budget MCO des CHU et des centres de lutte contre le cancer et une autre partie (50 % de la dotation) du montant des missions d'intérêt général a été déterminé sur la base des coûts déclarés par les établissements après divers retraitements comptables. Enfin, les MIGAC comportent un troisième sous-ensemble (12 % de la dotation) destiné à accompagner la signature des contrats entre les établissements et les ARH et principalement réservé à la mise en œuvre des schémas régionaux d'organisation des soins. Ce dernier sous-ensemble, dont l'objet n'est pas clairement défini, risque de servir à compenser les baisses de revenu résultant pour certains établissements de l'application de la T2A. La dotation MIGAC a été fixée à 4,7 Md€ pour 2005 (soit 10,6 % de l'objectif des dépenses MCO concernées par la réforme). La forte croissance de cette dotation (+ 67 % de 2004 à 2006) ne laisse pas d'inquiéter.

En second lieu, les coefficients géographiques mentionnés ci-dessus (qui représentent une contribution d'environ 600 M€, dont 100 M€ pour le secteur privé) se traduisent par une majoration des tarifs des établissements destinée à prendre en compte « des facteurs spécifiques qui modifient de manière manifeste, permanente et substantielle le prix de revient de certaines prestations dans une zone géographique considérée ».

Identiques dans les deux secteurs public et privé, les coefficients retenus ne reflètent pas la réalité des disparités de coûts constatées dans les études réalisées et leur application favorise la seule région Île-de-France (en dehors de la Corse et des DOM), alors que d'autres régions subissent des surcoûts réels importants. Les coefficients fixés pour 2005 et non modifiés en 2006 sont les suivants : 7 % en Île-de-France, 5 % en Corse, 25 % aux Antilles Guyane et 30 % à la Réunion. La fixation de tels coefficients devrait reposer sur des travaux approfondis, périodiques et documentés.

Enfin, la tarification elle-même connaît une nette tendance à la réduction de la partie forfaitaire (GHS) au profit des tarifs complémentaires et repose sur des méthodes de valorisation très imparfaites.

Dans le secteur privé, les nouveaux tarifs forfaitaires ont en effet été calculés sur la base des montants facturés avant la réforme, faute de données comptables disponibles sur les coûts. Ils reflètent donc les imperfections de l'ancien système tarifaire et, en outre, excluent les honoraires des praticiens et auxiliaires médicaux (hors infirmières) et les frais de biologie, soit près de 25 % du coût d'un séjour pour l'assurance maladie.

Dans le secteur public, l'objectif général a été de fixer les tarifs à partir des coûts moyens constatés. Toutefois la méthode, peu transparente, a conduit à fixer des tarifs nationaux déconnectés de la réalité des coûts. Cette méthode a comporté trois étapes : d'abord le calcul des coûts complets par groupe homogène de malades (GHM), ensuite le calcul des « prétarifs » par redistribution de ces coûts complets entre les tarifs forfaitaires par séjour et les tarifs complémentaires, enfin le calcul de l'ensemble des tarifs nationaux.

Les deux premières étapes ont été réalisées sur la base des données d'un petit nombre d'établissements volontaires constituant un échantillon non représentatif (ils étaient 22 en 1992 et 58 en 2004) et selon des méthodes comptables définies par l'ATIH mais insuffisamment contraignantes pour garantir l'homogénéité et la fiabilité des traitements. Ainsi, selon les GHM, la part des charges comptables imputées directement aux coûts des séjours variait entre 5 % et 93 %. Le principal défaut de la démarche résulte de ce que l'imputation indirecte des charges de personnel est faite au prorata de la durée moyenne de séjour de chaque groupe et non en fonction de l'importance des soins réellement dispensés. La troisième étape a consisté à calculer les tarifs nationaux en ajustant les prétarifs issus des coûts de l'échantillon d'une part à la structure de la production de soins au niveau national et, d'autre part, à l'enveloppe budgétaire nationale des dépenses MCO.

Toutefois, ce n'est pas l'enveloppe budgétaire MCO totale qui a été retenue pour calculer les tarifs nationaux : celle-ci a d'abord été diminuée du montant de la dotation des MIGAC et de certaines contributions spécifiques hors forfaits (forfaits annuels et produits facturables en sus). Autrement dit, l'augmentation importante en 2005 des montants ainsi soustraits a fait baisser mécaniquement l'enveloppe allouée aux tarifs et donc les tarifs de 2005 eux-mêmes par rapport à ceux de 2004 : globalement la base de dépenses MCO a augmenté de 3,7 % en 2005, mais la base affectée à l'ensemble des tarifs a baissé de 2,8 % ; cette baisse a elle-même résulté d'une diminution de 8,5 % des tarifs forfaitaires de séjour proprement dits et d'une augmentation de 100 % des divers tarifs complémentaires.

La méthode de valorisation des éléments de financement a ainsi eu pour conséquence de déconnecter les tarifs fixés des coûts du secteur public. Ces tarifs sont ainsi réduits au rôle d'une variable d'ajustement, dénuée de lisibilité et de sens pour les établissements. En ce qui concerne le secteur privé, une base fiable de coûts par GHM calculée sur un échantillon représentatif d'établissements et régulièrement actualisée devrait être rapidement mise en place.

3. S'agissant de l'économie générale de la réforme, elle vise principalement la réduction des fortes disparités de ressources financières (pour une activité identique) entre les établissements de santé. Cette réduction est recherchée par l'intermédiaire d'une convergence des tarifs vers des tarifs nationaux. Présentée comme devant garantir une « équité de traitement entre les établissements », elle aboutit en réalité à uniformiser pour l'assureur les tarifs correspondant à des prestations identiques car la convergence ne porte que sur les tarifs opposables à l'assurance maladie et non sur la totalité des recettes des établissements, ni d'ailleurs sur la totalité du coût pour l'assurance maladie (puisque les charges sociales des praticiens continuent à être financées directement par l'assurance maladie).

La convergence des tarifs revêt deux aspects : la convergence intra sectorielle (propre à chaque secteur) déjà entrée en vigueur et la convergence intersectorielle qui devrait se traduire à terme par une seule grille tarifaire pour l'ensemble des établissements de santé.

La convergence intrasectorielle s'opère progressivement vers les tarifs moyens de chaque secteur et doit engendrer à terme (en 2012) une redistribution de l'ordre de 1,2 Md€ prélevés sur les établissements considérés comme surdotés au profit des sous-dotés dans le secteur public et de 137 M€ dans le secteur privé. L'évaluation des effets redistributifs, aussi bien en montants globaux qu'en incidence sur les ressources de chaque établissement, se limite aux recettes tarifaires et repose sur des données de 2004 : elle ne tient compte ni des redistributions opérées par le biais des dotations MIGAC et des coefficients géographiques, ni des modifications importantes introduites dans la définition des éléments tarifaires en 2005.

Cette redistribution financière, particulièrement significative dans le secteur public où les écarts de ressources entre établissements sont plus importants, doit s'opérer sur une courte période et suppose de ce fait des efforts soutenus qui s'ajoutent aux efforts qu'impose par ailleurs l'évolution prévisible de l'ONDAM dans les années qui viennent (croissance zéro à activité constante). On peut s'interroger sur les capacités des établissements publics, dont les dépenses de personnel représentent 70 % des charges, à générer les gains de productivité nécessaires pour faire face à la baisse de tarifs et redouter qu'ils ne soient conduits à substituer à cette recherche de productivité des démarches de contournement, soit en déportant une partie des charges sur les budgets hors MCO ou sur l'assuré (ménages et assurances complémentaires), soit en spécialisant excessivement leur activité sur des segments rentables, soit encore en augmentant, réellement ou artificiellement, leur volume d'activité.

Par ailleurs, les mécanismes destinés à assurer la progressivité de la mise en œuvre de la réforme sont différents dans les deux secteurs : les mécanismes appliqués au secteur public ont pour conséquence de limiter la prise en compte de l'évolution du volume d'activité dans la détermination des recettes au contraire des mécanismes retenus pour le secteur privé.

La convergence intersectorielle, introduite dans la LFSS de 2005, doit être mise en œuvre dans un calendrier très contraint. Or, faute d'informations objectives et en raison des difficultés méthodologiques et politiques que soulève le sujet, elle n'est pas définie dans ses principes essentiels : amplitude de l'écart à réduire, définition du périmètre des tarifs à faire converger (incluant ou non les honoraires), sens de la convergence (vers les tarifs les plus bas, les tarifs moyens ou les tarifs les plus hauts).

Une première étape de convergence vers la moyenne a été mise en oeuvre « à l'aveugle » en 2005 par différenciation des hausses tarifaires accordées à chacun des secteurs, différentiation qui s'est traduite par un transfert de 35 M€ du secteur public vers le secteur privé.

Bien que le Parlement ait réaffirmé, lors du vote de la LFSS 2006, son souhait de voir le calendrier respecté (avec l'objectif d'une convergence réalisée à 50 % en 2008 et à 100 % en 2012), une pause dans le processus a été décidée pour la campagne 2006, afin de permettre la réalisation d'études seules à mêmes d'éclairer le sujet de manière pertinente et de conduire à une définition précise de ses modalités de mise en œuvre.

Or, un bilan objectif des études en cours et des difficultés récentes auxquelles elles se sont heurtées (particulièrement en ce qui concerne l'échelle des coûts commune aux secteurs public et privé) montre que leurs résultats ne pourront être disponibles qu'en 2008, ce qui semble incompatible avec l'objectif d'une convergence réalisée à 50 % en 2008.

Indépendamment des difficultés soulevées par le calendrier et compte tenu des éléments d'information déjà disponibles, la Cour estime que la poursuite de l'objectif de convergence intersectorielle n'a de sens que si les conditions suivantes sont remplies : la convergence doit s'opérer vers les tarifs des établissements les plus performants et non vers une moyenne constatée, comme cela est le cas dans la démarche de convergence intrasectorielle et comme cela a été mis en œuvre en 2005 ; elle doit aboutir à des tarifs uniques complets, incluant en particulier l'ensemble des charges de personnel et d'honoraires, à l'exception des produits facturables en sus ; enfin, elle doit s'appliquer à des tarifs homogènes, ce qui nécessite que soient préalablement éliminés les facteurs éventuels de disparité tenant à la nature des prestations délivrées par chacun des secteurs.

Les principes de la convergence intersectorielle ainsi définis devraient en conséquence être rapidement explicités et faire l'objet d'une large communication aux organisations professionnelles des différents secteurs.

4S'agissant de l'articulation du dispositif désormais moteur de la T2A avec les autres volets de la politique hospitalière, la Cour relève certaines incohérences avec la régulation macroéconomique de la dépense et l'organisation de l'offre de soins.

En effet, pour maintenir ou accroître leur revenu, les établissements peuvent réagir à la fixation des tarifs soit en augmentant le volume des soins dispensés, soit en spécialisant leur activité sur les segments les plus rémunérateurs pour eux, soit par une combinaison de ces deux comportements. L'effet inflationniste qui pourrait résulter de ces comportements mettrait en cause l'objectif de maîtrise des dépenses d'assurance maladie inscrit dans l'ONDAM (évolution tarifaire zéro à activité constante dans les prochaines années).

De même n'apparaît pas clairement la cohérence des nouveaux outils que sont la T2A et les procédures d'organisation de l'offre hospitalière, fondées sur la définition des SROS de 3e génération en 2006 et la signature des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens en 2007. En particulier, la fixation d'objectifs quantifiés d'activité par établissement semble s'opposer à la logique de la T2A qui vise à dynamiser l'offre de soins. La combinaison harmonieuse de ces deux dispositifs devrait être recherchée. Dans une telle perspective, les SROS déclinés en CPOM devraient être utilisés (et il n'est pas trop tard pour ce faire) comme des instruments d'accompagnement de la T2A ou de correction des effets pervers ou trop brutaux qu'elle pourrait engendrer.

Le législateur a souhaité que la réforme de la T2A soit achevée en 2012 : cela implique un effort d'adaptation très soutenu de la part des établissements qui ne peuvent le mener à bien que si certaines conditions sont réunies, en particulier l'existence de règles de gestion transparentes et d'un scénario cible précis, lisible, cohérent et soutenable économiquement. L'ensemble des constats résumés ci-dessus montre que ces conditions ne sont pas entièrement réunies pour l'instant. Une clarification du scénario cible s'impose donc rapidement pour redonner visibilité et confiance aux établissements.

J'adresse également cette communication au président de la commission des affaires sociales du Sénat qui en avait fait la demande à la Cour en décembre 2004.

Je tiens à vous indiquer que la Cour se réserve la possibilité de publier une insertion dans un de ses rapports sur les thèmes traités dans la présente communication.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Co-présidente, Monsieur le Co-président, l'assurance de ma haute considération.

Philippe SÉGUIN

ANNEXE 6 :

COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES

graphique

COMMUNICATION A LA COMMISSION
DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES
ET SOCIALES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS
DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Article LO 132-3-1 du code des juridictions financières


ENQUÊTE SUR LA MISE EN œUVRE DE LA RÉFORME DU FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ PUBLICS ET PRIVÉS

mai 2006

1 () Voir le compte rendu de l'audition du 31 mai 2006 de Mme Jacqueline Hubert, directrice de la clinique mutualiste Jules Verne.

2  Intervention sur l'article 12 du PLFSS pour 2003 (3e séance publique du jeudi 29 octobre 2002).

3 Intervention sur l'article 20 du PLFSS pour 2004 (2e séance publique du jeudi 30 octobre 2003).