N° 3335 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 septembre 2006. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 146 du Règlement PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN relatif à l'enquête de la Cour des comptes ET PRÉSENTÉ PAR M. Pierre MÉHAIGNERIE, Député. -- INTRODUCTION Dans la lutte contre le chômage, les mesures d'allègement de charges pesant sur les salaires les moins élevés sont toujours présentées comme un moyen d'action efficace. Mais leur prise en charge par le budget de l'État pose aujourd'hui une question de principe : cette dépense, supportée par l'ensemble des contribuables, est-elle efficace ? L'article 56 du projet de loi de finances pour 2006 a été l'un de ceux qui a donné lieu, lors des discussions budgétaires, aux débats les plus nourris. Cet article transférait aux régimes de sécurité sociale tout ou partie du produit de neuf impositions - dont 95 % de celui de la taxe sur les salaires - pour compenser les charges dues à l'application de la réduction du temps de travail et à la loi « Fillon » du 17 janvier 2003. Il a fait apparaître qu'au terme du processus, l'allégement du coût du travail par la réduction des cotisations patronales de sécurité sociale s'élevait, alors, à 18,9 milliards d'euros. Le rapport d'enquête de la Cour des comptes, publié dans le présent document, comporte des données similaires : le montant du total des exonérations de cotisations sociales - compensées ou non - s'élève en 2005 à 19,8 milliards d'euros, alors qu'il n'était que de 3 milliards d'euros en 1993. Les mesures sur les bas salaires et la RTT, à elles seules, atteignent un montant de 16,45 milliards d'euros. Cette évolution pose une question fondamentale : celle de l'efficacité des dispositifs en cause. La LOLF implique que soit évaluée l'efficacité même de la dépense publique : - au regard des crédits, les objectifs sont-ils atteints ? - et sur son efficience : quels sont les effets induits par les moyens mis en œuvre ? S'agissant de crédits qui ne correspondent pas à des dépenses régaliennes, mais qui sont destinés à orienter l'activité des acteurs économiques, cette question est essentielle : la dépense publique ne « va pas de soi », et c'est bien à l'aune de ses résultats qu'il faut l'apprécier. Sur ce thème comme sur d'autres - qu'on pense aux frais de justice ou à l'immobilier de l'État - la mesure de la performance apporte une incontestable amélioration dans l'appréciation des politiques publiques. L'article 56 de la loi de finances pour 2006, relayant cette démarche, avait d'ailleurs demandé au Gouvernement de fournir : - avant le 30 avril 2006, un rapport sur l'intégration des allégements dans le barème des cotisations ; - avant le 30 juin 2006, un rapport sur la politique d'allégement des cotisations sociales. Le second de ces rapports n'a pas encore été remis à votre Commission, mais, à la lecture du rapport rédigé par les corps d'inspection, publié lui aussi dans ce document, comme du travail accompli par la Cour des comptes, on comprend mieux la difficulté du sujet, à la fois en termes d'impact sur les emplois peu qualifiés, d'incidences sur le pouvoir d'achat, mais aussi de recherche d'équité, par les conséquences des allégements sur l'échelle des salaires et sur le pouvoir d'achat des ménages les moins favorisés. Est ainsi posée la question des effets de seuil. Votre Président tire du travail, très dense, de la Cour au moins une conclusion : il faut désormais marquer une pause dans la politique d'exonérations. Les sommes en cause, proches de 20 milliards d'euros, doivent conduire à s'interroger sur l'impact des allègements de cotisations. Cette pause est nécessaire, et doit s'accompagner d'une évaluation, la plus incontestable possible, notamment des mesures ponctuelles, dans la double perspective de leur incidence sur l'emploi et de leur effet sur le salaire disponible des ménages. Un complément d'enquête a d'ailleurs été demandé à la Cour sur ce point en octobre 2006. Il faut rapidement donner aux entreprises une visibilité à moyen terme et ne pas changer en permanence la structure des coûts de production, en particulier lorsqu'il s'agit de hausses. * * * La diffusion des enquêtes demandées à la Cour en application de l'article 58-2° de la LOLF n'a pas, jusqu'ici, suivi de règles strictes. Après les fuites constatées s'agissant des enseignants qui ne sont pas en situation de « face à face pédagogique », il avait été décidé que l'enquête ferait l'objet d'un premier examen par le Rapporteur spécial compétent, puis, sauf opposition de celui-ci ou du bureau de la Commission, serait diffusée à la demande. À la réflexion, ce système paraît perfectible. Il n'empêche pas les risques de fuite, met la Cour, qui n'est plus « propriétaire » de son travail, dans une situation délicate - l'auteur ne peut que s'en remettre au demandeur - et limite la diffusion de travaux souvent riches. Il paraît donc préférable, passé un délai où l'enquête, transmise à votre Président, est adressée par ses soins au Rapporteur de la commission des Finances concerné, que celle-ci fasse en principe l'objet d'une publication, assortie, si nécessaire d'un débat au sein de votre Commission. Dans la mesure où votre Président a été à l'origine de la demande de la présente enquête, et où celle-ci est particulièrement riche, il ne peut qu'être heureux d'inaugurer cette formule de publication systématique, et, ainsi, d'alimenter le débat. Les annexes de ce rapport d'information ne sont disponibles qu'en format PDF. |