N° 3406 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 novembre 2006. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 86, alinéa 8, du Règlement PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES sur la mise en application de la loi de programme n° 2006-450 ET PRÉSENTÉ PAR M. Jean-Michel DUBERNARD, Député. -- INTRODUCTION 5 I. LA LOI DE PROGRAMME DU 18 AVRIL 2006 POUR LA RECHERCHE NÉCESSITE UN NOMBRE PEU ÉLEVÉ DE MESURES RÉGLEMENTAIRES D'APPLICATION 7 II. UNE MISE EN œUVRE RAPIDE DES DISPOSITIONS DE LA LOI 9 III. LA PUBLICATION DES TEXTES RÉGLEMENTAIRES MANQUANT VA INTERVENIR DANS LES PLUS BREFS DÉLAIS 11 IV. LE DÉCRET PRÉCISANT L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DE L'AGENCE D'ÉVALUATION DE LA RECHERCHE ET DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (AERES) 13 TRAVAUX DE LA COMMISSION 15 ANNEXE : TABLEAU RÉCAPITULATIF DE LA PUBLICATION DES TEXTES D'APPLICATION 21 La loi n° 2006-450 de programme pour la recherche du 18 avril 2006 a constitué le point d'orgue d'un vaste dispositif, voulu par le gouvernement soutenu par sa majorité, désigné sous le nom de Pacte pour la recherche, en vue de moderniser le dispositif de recherche français. Riche de 51 articles, la loi nécessite pour son application un nombre relativement peu élevé de textes réglementaires puisque seulement douze dispositions règlementaires, dix décrets, dont sept nécessitant un passage en Conseil d'État, et deux arrêtés, étaient attendus pour mettre en œuvre la réforme. En outre, parmi ces dispositions règlementaires, deux ne constituent en fait qu'une faculté ouverte par le législateur au gouvernement de recourir à un arrêté. Enfin, ce nombre ne tient pas compte des décrets nécessaires pour la création des établissements publics de coopération scientifique (EPCS) et l'approbation des statuts fondations de coopération scientifique (FCS), décrets dont la publication n'interviendra qu'une fois que les projets de pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) et de réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) seront finalisés. Afin d'exercer la mission d'évaluation et de contrôle dont est investi le Parlement, notamment pour s'assurer de la publication des textes réglementaires nécessaires à l'application des dispositions législatives votées, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a, en application de l'article 86, alinéa 8, du Règlement de l'Assemblée nationale, a confié à M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur du projet de loi de programme pour la recherche, le soin de présenter un rapport sur la mise en application de la loi du 21 août 2003. Conformément à cette disposition du Règlement issue de la résolution adoptée par l'Assemblée nationale le 12 février 2004, « ce rapport fait état des textes réglementaires publiés et des circulaires édictées pour la mise en œuvre de ladite loi, ainsi que de ses dispositions qui n'auraient pas fait l'objet des textes d'application nécessaires. » Le présent rapport dresse donc un bilan quantitatif des textes d'application de la loi du 18 avril 2006, commente les conditions de mise en application de la loi et analyse les causes des retards de publication de certains règlements. Le rapporteur a en outre examiné la conformité des textes d'application publiés aux intentions du législateur. Six mois après la publication de la loi, on peut d'ores et déjà constater que la moitié des mesures règlementaires attendues ont été publiées ce qui, compte tenu des consultations préalables nécessaires et, le cas échéant, de l'examen par le Conseil d'État, démontre la volonté du gouvernement de mettre rapidement en œuvre la réforme. I. LA LOI DE PROGRAMME DU 18 AVRIL 2006 POUR LA RECHERCHE NÉCESSITE UN NOMBRE PEU ÉLEVÉ DE MESURES RÉGLEMENTAIRES D'APPLICATION Sur les 51 articles de la loi de programme pour la recherche, seuls 10 articles, soit moins de 20 %, renvoient expressément à un ou plusieurs arrêtés, décrets simples ou décrets en Conseil d'État, pour la détermination des modalités d'application de tout ou partie de leurs dispositions. État de la publication des textes nécessaires à l'application de la loi du 18 avril 2006
Encore faut-il ajouter que, parmi ces articles, deux ouvrent simplement la faculté au gouvernement de prendre un arrêté, soit pour convoquer les docteurs et les employeurs en vue de permettre la discussion des conditions de la reconnaissance, dans le cadre d'une convention de branche ou d'un accord interprofessionnel, du titre de docteur (article 7), soit pour définir les conditions dans lesquelles un établissement d'enseignement supérieur peut être habilité, pour une durée limitée, à organiser des formations doctorales et à délivrer le doctorat à la suite d'une évaluation nationale périodique (article 41). II. UNE MISE EN œUVRE RAPIDE DES DISPOSITIONS DE LA LOI Les six textes d'application de la loi, d'ores et déjà publiés, l'ont été à la fin du printemps et au cours de l'été, soit un délai extrêmement rapide - quatre mois - compte tenu du fait, notamment, que deux de ces décrets nécessitaient un passage devant le Conseil d'État. Ont ainsi été publiés, par ordre chronologique : - le 15 juin : le décret n° 2006-698 précisant les missions, l'organisation et le fonctionnement du Haut conseil de la science et de la technologie créé par l'article 3 de la loi (décret en Conseil d'État) ; - le 29 juin : le décret n° 2006-752 autorisant la création de l'agence ITER-France (1) au sein du Commissariat à l'énergie atomique (décret en Conseil d'État) ; - le 1er août : le décret n° 2006-963 portant organisation et fonctionnement de l'Agence nationale de la recherche (décret simple) ; - le 7 août : l'arrêté relatif à la formation doctorale ; - le 21 août : le décret n° 2006-1035 fixant les délais de conclusion des contrats prévus aux articles L. 413-1 et L. 413-8 du code de la recherche pour l'application (décret simple). Il est à noter que, pour l'application de cette dernière disposition, la loi prévoyait deux décrets que le gouvernement a réunis en un seul. On remarquera également que deux mesures, parmi les plus importantes de la loi, la création du Haut conseil de la science et de la technologie (HCST) et celui portant organisation et fonctionnement de l'Agence nationale de la recherche (ANR), figurent au nombre des mesures d'application d'ores et déjà publiées. Le Haut conseil de la science et de la technologie (HCST), dont la mission est d'éclairer le Président de la République et le Gouvernement sur toutes les questions relatives aux grandes orientations de la Nation en matière de politique de recherche scientifique, de transfert de technologie et d'innovation, a ainsi pu être installé par le Chef de l'État dès le 25 septembre dernier. Conformément à la volonté du législateur, le décret a prévu que le Haut conseil, composé de vingt membres nommés par le Président de la République, dispose d'un droit d'autosaisine (sur décision prise à la majorité des deux tiers de ses membres) concernant toute question sur laquelle il estime urgent d'appeler l'attention du législateur. L'Agence nationale de la recherche (ANR) n'est quant à elle pas une création puisqu'elle existait déjà, depuis le 7 février 2005, sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP). Conformément aux dispositions de l'article 16 de la loi, le décret précise les modalités de transformation du GIP en établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre de la recherche. Le délai rapide dans lequel le décret a été publié doit tout particulièrement être salué, puisque le texte du décret devait faire l'objet, avant sa publication, d'une consultation obligatoire du Comité technique paritaire du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (CTPMESR), lequel a rendu son avis le 12 juillet 2006, et le gouvernement a également sollicité l'avis, facultatif, du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT) qui a rendu ses conclusions le 19 juin 2006. III. LA PUBLICATION DES TEXTES RÉGLEMENTAIRES MANQUANT VA INTERVENIR DANS LES PLUS BREFS DÉLAIS Six textes règlementaires, soit la moitié de ceux prévus par le législateur, manquent encore à l'appel pour que toutes les dispositions de la loi de programme pour la recherche puissent s'appliquer complètement. Cette analyse, purement comptable, doit toutefois être nuancée, pour plusieurs raisons. Le décret précisant l'organisation et le fonctionnement de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (article 9), vient d'être renvoyé par le Conseil d'État au gouvernement et devrait être examiné lors du Conseil des ministres du 2 ou du 8 novembre. La rédaction de ce décret nécessitait la consultation du Comité technique paritaire du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (CTPMESR) et du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). Le décret précisant la composition et les règles de fonctionnement de l'Académie des technologies, transformée en établissement public administratif (article 20), est actuellement en cours d'examen par le Conseil d'État et sa publication devrait donc intervenir sous peu. Comme pour le décret précédent, le retard pris s'explique par l'obligation de consulter le Comité technique paritaire du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (CTPMESR) qui a rendu son avis le 12 juillet 2006. La rédaction du décret précisant dans quelle mesure les établissements publics à caractère administratif, ayant une mission de service public, peuvent ne pas être soumis à l'application du code des marchés publics pour les achats de fournitures, de services et de travaux destinés à la conduite de leurs activités de recherche (article 30), impliquait deux ministères : le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l'économie et des finances. Les arbitrages viennent d'être rendus et le projet de décret, qui a été soumis à la consultation du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), devrait être transmis, pour examen, au Conseil d'État dans les prochains jours. S'agissant des deux décrets précisant les modalités d'application des dispositions de la loi de programme relatives à l'Institut et aux académies qui le composent (article 38), ceux-ci sont actuellement en phase de rédaction avec les parties concernées. En effet, en l'espèce les décrets prévus n'ont pour objet que d'approuver les statuts de l'Institut et de chaque académie, de valider les règlements fixant les conditions particulières de leur gestion administrative et financière et d'autoriser les dons et legs avec charges dont ils bénéficient. La rédaction de ces décrets fait donc actuellement l'objet de discussions entre le gouvernement et les représentants des académies. En tout état de cause, leur publication n'interviendra qu'au moment du renouvellement des statuts de l'Institut soit à la fin de l'année 2006 ou au début de l'année 2007. Enfin, concernant l'arrêté relatif à la convocation des représentants des docteurs et des employeurs en vue de permettre la discussion des conditions de la reconnaissance, dans le cadre d'une convention de branche ou d'un accord interprofessionnel, du titre de docteur (article 7), le gouvernement a entamé des discussions avec les associations représentatives des docteurs. On le voit, le retard pris pour la publication de certains textes nécessaires à l'application de la loi de programme pour la recherche est très largement trompeur : - trois d'entre eux nécessitaient en effet une procédure lourde - consultation obligatoire et passage devant le Conseil d'État - de telle sorte que leur publication, désormais imminente, dans un délai excédant de peu les six mois après l'adoption de la loi par le Parlement ne peut être considérée comme excessivement longue ; - le délai observé pour la publication des décrets relatifs à l'Institut s'explique quant à lui par la nature même des dispositions à prendre ; - enfin, s'agissant de l'arrêté pour la reconnaissance du titre de docteur dans le conventions collectives ou les accords de branche, il ne s'agissait que d'une simple faculté ouverte par le législateur au pouvoir règlementaire. IV. LE DÉCRET PRÉCISANT L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DE L'AGENCE D'ÉVALUATION DE LA RECHERCHE ET DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (AERES) Le décret précisant l'organisation et le fonctionnement de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (article 9) - qui constitue l'une des réformes majeures de la loi de programme -, et dont la publication devrait intervenir dans les jours à venir, présente un intérêt particulier. Dans son récent rapport pour avis (n° 3364 tome 6) sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », M. Jean-Jacques Gaultier a mis en lumière le risque que le décret pris pour l'application des dispositions de l'article 9 de la loi de programme pour la recherche ne traduise qu'imparfaitement la volonté du législateur. En effet, pour éviter de créer une gigantesque « usine à gaz » - les missions de l'AERES la conduisant théoriquement à veiller à la qualité du travail d'environ 140 000 personnes réparties dans des milliers de laboratoires relevant eux-mêmes de plusieurs centaines d'établissements -, le législateur avait souhaité décliner les missions de l'agences : - l'évaluation directe des établissements et organismes de recherche ; - l'évaluation directe des formations et des diplômes des établissements d'enseignement supérieur ; - la validation des procédures d'évaluation des personnels et un avis donné sur les conditions dans lesquelles elles sont mises en œuvre ; - enfin, au niveau des unités de recherche, l'habilitation soit à évaluer directement les laboratoires, soit à les évaluer en s'appuyant sur les établissements et organismes selon des procédures validées par l'agence. Cette dernière précision a été expressément introduite par le législateur dans un souci de bonne gestion de l'agence afin, tout à la fois, de ne pas trop étendre les missions de l'agence, au risque de paralyser son fonctionnement, et de préserver les structures d'évaluation existantes qui ont fait la preuve de leur efficacité. Avec la création de l'AERES, la volonté du Parlement était clairement de permettre une harmonisation et une élévation qualitative de l'évaluation du dispositif de recherche français, non d'aboutir à une uniformisation génératrice de lourdeurs. Le rapporteur, en sa qualité de rapporteur du projet de loi, s'était lui-même fait l'écho de cette recommandation puisque c'est sur son initiative que le texte a été modifié afin de mettre en place ce principe de subsidiarité. Or le projet de décret transmis au Conseil d'État ne traduisait que très imparfaitement l'équilibre du dispositif voulu par la représentation nationale. Sollicité pour donner son avis sur le texte, le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT), instance de concertation et de dialogue avec les acteurs et les partenaires de la recherche consultée sur tous les grands choix de la politique scientifique et technologique du gouvernement, avait lui aussi jugé important d'attirer l'attention du gouvernement sur « l'utilisation de la possibilité, prévue par la loi, de délégation par l'Agence, sous certaines conditions, de l'évaluation des entités à des instances existantes, sa mission se limitant dans ce cas à veiller à l'harmonisation et à la qualité des procédures. » Les membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale seront donc très vigilants lors de la parution du décret et observeront attentivement si leurs recommandations et celles du CSRT ont bien été suivies. En application de l'article 86, alinéa 8 du Règlement, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, au cours de sa réunion du mardi 31 octobre 2006, en présence de M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, le rapport de M. Jean-Michel Dubernard sur la mise en application de la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche. Un débat a suivi l'exposé du rapporteur. M. Denis Jacquat, président, a félicité, quant à lui, le ministre délégué d'avoir reçu les compliments du rapporteur, qui n'est pas connu pour en être prodigue... M. Pierre Cohen a émis un double regret : il est dommage que la commission des affaires économiques, à laquelle il appartient, n'ait pu entendre le ministre délégué et que -sans rouvrir le débat sur son contenu - la loi de programme ne soit pas une vraie loi de programmation et ne soit pas suivie d'effets concrets. Ainsi, le nombre de créations nettes d'emplois sera, en 2007, nettement inférieur aux 4 000 à 4 500 qui seraient nécessaires chaque année, durant toute la période de la programmation, pour faire face aux départs à la retraite prévisibles. L'évaluation avait fait l'objet d'un débat très approfondi lors de la discussion du projet de loi et un large consensus s'était fait non seulement sur la nécessité d'évaluer les organismes et les universités, mais aussi sur la nécessité de réserver l'intervention de l'AERES aux cas où aucune procédure validée d'évaluation n'existait. Or il semble que cet aspect soit remis en cause dans la rédaction du décret, donnant prise aux soupçons de mainmise de l'agence sur toute la recherche française. Le ministre s'était par ailleurs engagé à ce qu'à partir du 1er janvier 2007, l'allocation de recherche pour les doctorants soit au moins égale à une fois et demie le SMIC, mais force est de constater - sans mettre du tout en doute sa sincérité personnelle - qu'aucune dotation budgétaire n'est prévue à cet effet. Enfin, l'essentiel des moyens de pilotage de la recherche est dévolu à l'ANR, tandis que les organismes et les universités devront se contenter des enveloppes strictement nécessaires pour assurer leur fonctionnement, ce qui leur interdira d'accroître leur production de savoirs et de connaissances en dehors des projets retenus par l'Agence. Toutes les inquiétudes formulées par les membres du groupe socialiste lors de la discussion du projet de loi demeurent donc. M. Jean-Jacques Gaultier a rappelé que la loi avait créé, afin d'éviter bureaucratie et uniformisation, un dispositif d'évaluation à deux niveaux : validation simple par délégation là où les procédures fonctionnent bien, missions dépêchées par l'AERES dans le cas contraire. Il est en effet des secteurs où de bonnes pratiques existent déjà. Ainsi l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) ou l'Institut Pasteur sont des références mondiales y compris en matière d'évaluation et n'hésitent pas à arrêter des projets, voire à fermer des unités, lorsque les résultats sont mauvais. Dans d'autres entités, comme le CNRS, l'évaluation existe, mais tire peu à conséquences : lorsque les meilleurs ne reçoivent que 10 % de plus que les moins bons, ce n'est guère stimulant. L'AERES s'appuiera sur des moyens déjà existants, - ceux du Comité national d'évaluation (CNE), du Comité national d'évaluation de la recherche (CNER) et de la Mission scientifique, technique et pédagogique (MSTP) -, moyens dont le total devrait avoisiner 5 ou 6 millions d'euros, mais quel sera le mode de financement ? Des précisions supplémentaires seraient nécessaires, enfin, sur l'articulation entre l'AERES et l'ANR. La règle générale, dans les grands pays de recherche - Japon, États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Finlande -, semble en effet la fusion des missions de financement et d'évaluation. D'autre part, étant appelée à sélectionner les dossiers (un quart environ des quelque 6 500 présentés chaque année sont retenus), l'ANR a dans les faits un rôle d'évaluation. Comment se fera le partage des tâches ? M. Pierre Lasbordes s'est associé aux éloges du rapporteur à l'endroit du ministre, et a estimé que les premiers effets de la loi de programme n'étaient sans doute pas étrangers au calme qui semble régner, après une période de tension, dans les milieux scientifiques. Y contribue aussi, sans doute, le projet de budget de la recherche, qui est bon et devrait être adopté sans grandes contestations par l'Assemblée le vendredi 3 novembre. Pour autant, il conviendra d'être très attentif aux conditions de la mise en place de l'AERES, et en particulier à la transparence de l'évaluation et de son suivi, ainsi qu'à la maîtrise de ses coûts en principe facilitée par le fait qu'elle prend appui sur des entités existantes. M. Pierre-Louis Fagniez a félicité le ministre délégué d'avoir fait voter non seulement une bonne loi, mais une loi nécessitant, une fois n'est pas coutume, un nombre réduit de textes d'application, de sorte que l'essentiel de ceux-ci ont pu être pris en l'espace de six mois seulement. Sans rouvrir le débat sur le contenu de la loi, M. Pierre-Louis Fagniez a souligné qu'il s'agit bien, n'en déplaise à M. Pierre Cohen, d'une loi d'orientation et de programmation et indiqué que, lorsque le ministre aura annoncé le montant des financements prévus et le nombre d'emplois créés, lui-même et son collègue socialiste ne manqueront pas de s'en faire l'écho dans leurs circonscriptions respectives... Le Haut conseil de la science et de la technologie (HCST), installé par le Président de la République le 25 septembre dernier, comprend vingt personnalités éminentes, dont le dernier en date des lauréats français de la médaille Fields de mathématiques - qui n'a donc pas eu besoin de l'AERES pour être évalué... On sait bien que la recherche universitaire est déjà évaluée, quant à elle, par le nombre de publications, mais l'enjeu de la création de l'AERES était d'évaluer l'enseignement supérieur dans son ensemble, ce qui est tout autre chose. Enfin, il semble malheureusement que l'on parle moins des PRES depuis quelque temps, alors qu'ils étaient censés être un élément clé du dispositif. Qu'en est-il ? M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, a apporté les éléments de réponse suivants : - Le projet de décret relatif à l'AERES est bien inscrit à l'ordre du jour du conseil des ministres du jeudi 2 novembre. - Le projet de décret relatif à l'Académie des technologies a été transmis au Conseil d'État le 3 août. Le retard pris n'est pas imputable au gouvernement. - La négociation avec le ministère de l'économie et des finances sur l'adaptation de la réforme des marchés publics a été relativement longue, mais elle est maintenant achevée, et le texte sera transmis prochainement au Conseil d'État. Il est loisible, cela dit, d'observer que certaines administrations ont la fâcheuse habitude de freiner la mise en œuvre de réformes qui résultent pourtant de la volonté, clairement exprimée, du législateur. - Les académies ayant l'éternité devant elles, les deux décrets en attente ne revêtent pas un caractère d'urgence, mais ils devraient néanmoins être pris prochainement. - S'agissant de la reconnaissance du titre de docteur, il était naturellement indispensable de consulter les organisations représentatives des docteurs avant d'agir. - L'appel à projets des réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA), qui résultait d'une disposition d'application directe de la loi, a pu être lancé avant l'été, et la liste des projets retenus a été arrêtée le 4 octobre. Quant aux centres thématiques de recherche et de soins (CTRS), ils devraient bénéficier de financements du même ordre, leur nombre étant moindre que celui des RTRA. Ils mériteraient d'ailleurs, comme l'a suggéré le rapporteur, de s'appeler « réseaux » thématiques de recherche et de soins (RTRS), car leur intérêt scientifique est comparable à celui des RTRA et leur philosophie semblable, qui consiste non pas à sacrifier certains domaines de la recherche française mais à conforter les pôles d'excellence en leur donnant des moyens accrus. L'appel à projets des CTRS est prêt et sera lancé dans les tout prochains jours, de sorte que le dispositif devrait être opérationnel avant la fin de l'année. - La création nette de 2 000 emplois, si elle paraît insuffisante à M. Pierre Cohen, est considérable eu égard au contexte budgétaire actuel et permettra, compte tenu des départs prévus, de recruter le même nombre - élevé - de chercheurs en 2007 qu'en 2006. Aller au-delà serait prendre le risque d'une baisse de la qualité du recrutement. - Il n'est pas exact de dire qu'il n'y aura point de salut, pour les organismes de recherche, hors de l'ANR. Ce dont il s'agit en vérité, c'est d'ajouter aux procédures actuelles de financement des procédures nouvelles, reposant sur un principe d'émulation et de compétition, que l'on a le droit de critiquer, mais qui contribue à rééquilibrer le système. Dans certains pays étrangers, les financements passent exclusivement ou principalement par l'appel à projets ; dans d'autres - comme c'était le cas en France jusqu'à présent -, ils étaient permanents et sujets à une augmentation régulière, mais relativement faible. L'équilibre recherché par le gouvernement paraît sage car un organisme public a besoin à la fois de stabilité, de visibilité à long terme, et de compétition organisée - comme c'est désormais le cas dans le cadre de l'ANR, des RTRA ou des CTRS. - L'article 11 de la nouvelle rédaction du projet de décret relatif à l'AERES dispose bien que celle-ci « conduit l'évaluation soit directement, soit en s'appuyant sur les établissements et organismes selon les procédures qu'elle a validées ». L'esprit de la loi et la volonté du législateur sont donc parfaitement respectés. Quant aux moyens financiers de l'agence, ils font simplement masse de l'existant, dans une logique d'économie de moyens, afin de parer au risque inflationniste, toujours présent lorsque l'on crée un organisme nouveau, mais aussi de faire bénéficier l'agence de l'expérience acquise tout en évitant les doubles emplois. Il est essentiel que l'Agence ait la possibilité d'aller voir elle-même - non pas systématiquement, mais de temps à autre - ce qui se passe sur le terrain, car un organisme qui évalue ses propres équipes manque parfois de recul et l'intervention d'un œil extérieur apporte à l'évaluation une bonne garantie d'indépendance et de qualité. Il y aurait d'autre part, si l'agence considérait tout du point de vue de Sirius sans jamais se déplacer dans les organismes, un risque de déconnexion par rapport au réel. Il est vrai qu'il y avait une maladresse de rédaction dans la première version du projet de décret, qui omettait de reprendre cette disposition législative, mais elle a été corrigée. Reste que l'évaluation est chose relativement complexe : on sait grosso modo ce qui est bon et ce qui l'est moins, mais un travail plus approfondi, comportant notamment des comparaisons dans le temps, requiert de grandes compétences. C'est pourquoi une grande attention sera portée à la qualité des hommes et des femmes à qui sera confiée la charge de cet organisme nouveau, dont le travail servira de base aux politiques publiques de recherche. Aussi importante, en effet, que l'évaluation, est l'utilisation que l'on en fait : évaluer pour évaluer ne sert à rien, et une évaluation non suivie de conséquences perd sa densité et sa raison d'être. Lorsque, par contre, les évaluateurs savent que les dirigeants des organismes de recherche, que les pouvoirs publics prennent leurs décisions ou fixent leurs orientations en tenant compte de leurs évaluations, cela donne du sens à leur tâche et accroît leur sens des responsabilités. Il ne s'agit évidemment pas d'instaurer un quelconque automatisme, de supprimer ou de diminuer les crédits dès lors que les évaluations seront mauvaises ou en baisse, mais d'améliorer le pilotage de l'appareil de recherche, car on pilote mieux les yeux ouverts que fermés. - Le gouvernement a choisi de faire de l'ANR et de l'AERES deux instances séparées. On peut naturellement contester ce choix, invoquer les exemples étrangers contraires, mais le gouvernement tient beaucoup à ce que l'ANR conserve sa place, qui au demeurant n'est pas excessive, dans le financement de la recherche française. L'AERES ne se confond pas avec l'ANR, car elle est au service de l'ensemble de l'appareil de recherche, et ses travaux serviront notamment aux arbitrages budgétaires annuels. L'ANR a pour mission, quant à elle, de suivre les projets qu'elle a financés, et elle entre par ailleurs dans le champ de compétences de l'AERES. Cela dit, l'architecture du système n'est pas encore définitive et donnera lieu à quelques concertations entre les responsables des deux entités, en vue des ultimes réglages. Pour l'heure, la direction générale de la recherche et de l'innovation a commencé d'examiner avec l'ANR les choix thématiques, en liaison avec les organismes, les universités, les ministères concernés, éventuellement les milieux professionnels s'agissant de la recherche finalisée. Le bilan de ces premiers contacts est plutôt positif, et tend à confirmer qu'il est bon qu'une administration soit chargée d'organiser les échanges et de les synthétiser avant que soient faits les choix. - S'il a été possible d'aller vite pour les RTRA et pour les CTRS, il y a eu, s'agissant des PRES, par rapport à la floraison de projets constatée en début d'année, sinon un ralentissement, du moins des discussions plus longues que prévu pour délimiter les contours des pôles, ce qui n'a rien d'anormal. Plusieurs pôles, parmi lesquels ceux de Lyon et de Marseille, seront prêts avant la fin de l'année : la préfiguration sera en place, le choix des périmètres et des modes de fonctionnement arrêté. Pour d'autres, cela prendra un peu plus de temps. Le gouvernement s'est donné pour ligne d'attendre qu'il y ait des propositions, plutôt que d'imposer des modalités de coopération. - Les responsables d'organismes, comme les chercheurs eux-mêmes, semblent avoir admis les choix du gouvernement. Certaines universités se réjouissent ouvertement de l'existence de l'ANR, car c'est la reconnaissance par l'ANR qui permet à de nouvelles équipes d'émerger. Même les responsables d'organismes qui étaient réticents au départ s'aperçoivent que la nouvelle organisation bénéficie à la recherche dans son ensemble, qui reçoit des crédits supplémentaires dans le cadre de l'ANR ou des RTRA. Les modes d'attribution sont respectés dans l'ensemble, le Gouvernement s'étant bien gardé d'imposer des diktats : s'agissant des RTRA, par exemple, il n'a en rien modifié la liste des projets établie par une commission composée de scientifiques. Le monde de la recherche a ainsi pu constater que la loi était mise en œuvre avec clarté, honnêteté et transparence. En conclusion, le ministre a remercié les membres de la commission de s'être investis, au-delà de la discussion du projet de loi, dans le suivi de son application et s'est dit sensible à l'appréciation positive qu'ils ont, pour la plupart, portée. M. Denis Jacquat, président, a remercié le ministre pour ses réponses. * * * La commission a autorisé le dépôt du rapport sur la mise en application de la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche. TABLEAU RÉCAPITULATIF DE LA PUBLICATION LOI N° 2006-450 DE PROGRAMME POUR LA RECHERCHE DU 18 AVRIL 2006
1 () Projet international de réaction expérimental de pression thermonucléaire, dit projet « ITER ». |