N° 3530 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 décembre 2006. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES sur la conservation et l'entretien du patrimoine monumental ET PRÉSENTÉ par M. Christian KERT, Député. ___ INTRODUCTION 7 I.- À COURT TERME : PARER À L'URGENCE FINANCIÈRE 11 A. UN ÉTAT DES LIEUX FINANCIER PRÉOCCUPANT 11 1. Un budget de l'État « en dents de scie » 12 a) Un historique budgétaire chaotique 13 b) Les répercussions au niveau déconcentré 19 2. Des collectivités locales qui tentent d'amortir le désengagement de l'État 21 a) Des budgets importants... 21 b) ... mais qui ne peuvent compenser intégralement le désengagement de l'État 23 3. Des propriétaires privés soumis à une charge financière croissante 24 a) Les conséquences fâcheuses des variations du budget de l'État 25 b) Des ressources propres souvent limitées 26 c) L'intérêt d'un soutien renouvelé 26 4. Un intérêt croissant des mécènes pour le patrimoine monumental 27 a) Une action et un soutien croissant au patrimoine monumental 27 b) Quelques améliorations techniques du dispositif à promouvoir 33 B. LA RÉPONSE PARTIELLE DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2007 35 1. Une réévaluation du budget global du patrimoine monumental encore difficile à mesurer 35 2. L'affectation de recettes au Centre des monuments nationaux 37 a) Un intérêt certain pour les monuments de l'État 37 b) Des interrogations persistantes 38 3. Les monuments n'appartenant pas à l'État : les oubliés de ce budget ? 39 a) Des mesures nouvelles qui ne bénéficieront pas directement à ces monuments 39 b) L'intérêt de la création d'une recette affectée pour les monuments appartenant aux collectivités 39 c) L'« amendement Marini » : une avancée en faveur du patrimoine privé 41 C. LA NÉCESSITÉ D'UNE STABILITÉ DES MOYENS BUDGÉTAIRES ET D'UNE MEILLEURE GESTION PRÉVISIONNELLE DES DÉPENSES 44 1. L'importance de la stabilité des moyens budgétaires pour le patrimoine monumental 44 2. La mise en place d'une véritable gestion prévisionnelle de l'entretien et des restaurations 46 a) Une pratique comptable et financière encore artisanale mais qui tend à se normaliser 46 b) Le ministère de la culture et la construction d'une véritable politique de suivi des monuments historiques protégés 48 II.- À MOYEN TERME : AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DES OUTILS LÉGAUX ET FISCAUX 51 A. UNE REFONTE PROFONDE ET RÉCENTE DE L'ARCHITECTURE LÉGALE ET RÉGLEMENTAIRE DU SECTEUR 52 1. Un rappel : de nombreux intervenants étatiques dans le domaine de la protection et de l'entretien du patrimoine monumental au niveau local 52 a) Le conservateur régional des monuments historiques 52 b) L'architecte en chef des monuments historiques 52 c) L'inspecteur général des monuments historiques 52 d) Les services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP) 53 e) L'architecte des bâtiments de France 53 2. Le toilettage de la loi du 31 décembre 1913 par l'ordonnance du 8 septembre 2005 54 a) La loi de 1913 : fondement de notre régime de protection et d'intervention sur le patrimoine monumental 54 b) Des modifications législatives bienvenues... 54 c) ... mais déstabilisatrices dans un contexte budgétaire tendu 57 3. La réforme du Centre des monuments nationaux 62 a) Une réforme indispensable 62 b) ... mais la contribution à la clarification de l'architecture institutionnelle reste à prouver 64 B. DES DISPOSITIFS FISCAUX INTÉRESSANTS MAIS MAL ÉVALUÉS 65 1. Les dispositifs fiscaux en faveur des propriétaires de monuments historiques 65 a) L'avantage fiscal en matière d'impôt sur le revenu 65 b) Les déductions afférentes à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) 67 c) L'exonération des droits de mutation et l'impôt sur les plus values 68 d) La question de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) 72 2. L'importance de l'évaluation : fiscalité ou budget de l'État, que privilégier ? 74 III.- À LONG TERME : ÉLARGIR LA RÉFLEXION SUR L'AVENIR DU PATRIMOINE PROTÉGÉ 77 A. UN DÉBAT PRÉALABLE : DOIT-ON TOUT CONSERVER ? 77 1. La nécessaire protection du patrimoine 77 2. Un patrimoine monumental protégé qui ne cesse de croître 79 3. Demain, pourra-t-on protéger encore tous les monuments ? 82 B. UN IMPACT ÉCONOMIQUE NON NÉGLIGEABLE 83 1. Un impact économique global et régional encore mal appréhendé 83 2. Des conséquences importantes sur la filière du bâtiment 85 3. De l'intérêt d'une meilleure valorisation économique du patrimoine 87 C. LA TRANSFORMATION DES COLLECTIVITÉS EN VÉRITABLES PARTENAIRES 88 1. Une suspicion croissante à l'égard de l'État 88 2. L'accompagnement par l'État des politiques de mise en valeur développées par les collectivités territoriales 91 D. UNE MEILLEURE MISE EN VALEUR LE RÔLE DES PARTENAIRES PRIVÉS : BÉNÉVOLES, ASSOCIATIONS, FONDATIONS, ENTREPRISES 95 1. Le bénévolat associatif : une piste à explorer 96 a) Un dynamisme à mieux exploiter 96 b) Le développement du rôle des associations de protection du patrimoine : l'intérêt du service civil volontaire dans ce secteur 96 c) Les associations d'amis au service du développement du mécénat pour le patrimoine privé 97 2. La Fondation du patrimoine : un acteur de terrain à soutenir 98 a) Le cadre juridique et l'organisation de la Fondation 98 b) L'activité de la Fondation : une progression régulière 100 c) Un rôle fédérateur dans le développement des politiques partenariales 102 d) L'importance du soutien au développement de son activité pour le patrimoine classé et inscrit 103 3. Le mécénat : mieux valoriser les mécènes et développer des formules innovantes 105 a) Une meilleure coordination des efforts 105 b) La valorisation des mécènes 106 c) L'encouragement au développement de formules innovantes 107 TRAVAUX DE LA COMMISSION 109 ANNEXES 111 ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA MISSION 111 ANNEXE 2 : PROPOSITIONS DE LA MISSION 112 ANNEXE 3 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 117 ANNEXE 4 : CHRONOLOGIE DE LA POLITIQUE DU PATRIMOINE 123 ANNEXE 5 : PLAN NATIONAL POUR LE PATRIMOINE 129 ANNEXE 6 : LISTE DES CHANTIERS REDÉMARRÉS AU 20 DÉCEMBRE 2006 145 « Il faut des monuments aux cités de l'homme, autrement où serait la différence entre la ville et la fourmilière ? » Victor Hugo, Choses vues En 2002 et 2003, déjà, le constat avait été fait, à la lumière de plusieurs rapports, parlementaires ou administratifs, d'un certain nombre de carences dans la politique du patrimoine. Tous s'accordaient à souligner que l'état sanitaire des monuments faisait peser une menace sur notre patrimoine, qu'il convenait de mieux définir la répartition des compétences entre les collectivités publiques, qu'il était urgent de réduire la complexité des procédures et la lenteur de la gestion publique et de développer la part prise par l'initiative privée (1). C'est la raison pour laquelle le gouvernement avait entrepris une action volontariste afin de remédier aux insuffisances constatées. Le « Plan national pour le patrimoine » (2), présenté en conseil des ministres le 17 septembre 2003, était ambitieux et comprenait de nombreuses propositions et réformes en faveur du patrimoine, largement inspirées des rapports précités, et en particulier de celui de la commission « Patrimoine et décentralisation » présidée par M. Jean-Pierre Bady, conseiller maître à la Cour des Comptes, remis en novembre 2002 au ministre de la culture. De nouveau, en 2005, dans la continuité du « Plan national pour le patrimoine », lors d'une communication en Conseil des ministres du 13 septembre, le ministre de la culture et de la communication avait présenté les orientations du gouvernement en faveur du patrimoine. Pourtant, en 2006, le secteur est encore en crise. L'état sanitaire des monuments ne s'est pas amélioré, loin s'en faut, la lisibilité des budgets alloués au patrimoine monumental fait défaut, les acteurs du secteur sont inquiets et il semble exister une contradiction persistante entre les intentions et les déclarations du ministère et la réalité vécue sur le terrain par les services de l'État, les collectivités et les propriétaires privés. Comment expliquer ce paradoxe ? C'est la question que s'est posée la mission d'information comme, avant elle, celle créée l'an passé au Sénat, présidée par M. Philippe Richert et dont le rapporteur était M. Philippe Nachbar. En France, la politique du patrimoine résulte de deux épisodes marquants de l'histoire française : la Révolution et la séparation de l'Église et de l'État. Dans un premier temps, la Révolution, en réaction au pillage et à la destruction, décide le transfert massif des propriétés monumentales à la République. Mais la première liste des monuments historiques, et donc protégés, est seulement établie en 1840. Selon l'article 1er de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, un monument historique est un « immeuble dont la conservation présente, du point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public ». Dans un deuxième temps, la séparation de l'Église et de l'État en 1905 confie à l'État et aux collectivités locales la responsabilité des lieux de culte et affirme la prépondérance de l'État dans le domaine du patrimoine. Le périmètre de la mission, constituée le 9 juin 2006 par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, recouvre uniquement le patrimoine monumental. La notion de patrimoine est définie à l'article L. 1er du code du patrimoine. Il s'agit « de l'ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique ». La notion de patrimoine monumental est plus restreinte. N'est pris en compte que le patrimoine bâti ou immeuble, protégé au titre des monuments historiques, c'est-à-dire les monuments immeubles classés ou inscrits. Selon la hiérarchie opérée par la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, complétée par la loi du 23 juillet 1927, aujourd'hui codifiées : - le classement est opéré lorsque la conservation du monument « présente, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public » (article L. 621-1 du code du patrimoine) - l'inscription est opérée pour un monument présentant « un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation » (article L. 621-25 du code du patrimoine). La politique du patrimoine a toujours eu pour triple objectif de préserver - c'est-à-dire conserver, entretenir, restaurer et transmettre -, de gérer et de valoriser ce patrimoine. Le périmètre de la mission d'information se limite stricto sensu à l'évaluation de la mise en œuvre du premier objectif : la préservation du patrimoine monumental. Préserver, c'est à la fois entretenir ce patrimoine pour le maintenir en bon état, mais également le restaurer lorsqu'il s'est dégradé. Au cours des dernières décennies, la restauration, souvent dans l'urgence, avait pris le pas sur l'entretien et la conservation ; heureusement, ce courant s'est inversé depuis une dizaine d'années environ. Dans ce domaine, l'ampleur de la tâche est telle que la participation d'autres acteurs que l'État est indispensable, même si ce dernier s'est progressivement doté d'une administration, de crédits et d'instruments juridiques qui lui permettent d'assumer cette responsabilité. Dans ce secteur, une législation abondante, contraignante et exceptionnelle - par les atteintes qu'elle porte à la propriété privée - s'est progressivement développée et, dans ce domaine comme dans d'autres, la décentralisation est en marche. Depuis le vote de la loi n° 2004-809 relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004, les collectivités locales ont ainsi la possibilité de demander à leur bénéfice le transfert de propriété de certains monuments historiques appartenant à l'État. D'un point de vue statistique, le patrimoine monumental concerne 42 310 monuments historiques, dont 14 282 sont classés (34 %) et 28 290 inscrits (66 %). L'État ne détient que 4 % des édifices protégés (les 87 cathédrales et les palais nationaux comme Versailles, Chambord, etc. et un important patrimoine militaire), les communes 44 % (notamment les églises construites avant 1905), les propriétaires privés 49 % (principalement des demeures historiques), les 3 % restants revenant aux autres collectivités publiques ; 34 % de ces monuments sont des habitations et 31 % des édifices religieux. Dans le cadre du périmètre qui lui a été assigné, la mission a donc étudié la pertinence et l'efficacité de la politique de préservation du patrimoine monumental et tenté de répondre à la question suivante : les moyens (budgétaires, fiscaux et légaux) dont disposent les propriétaires (publics ou privés) et les pouvoirs publics pour assurer la préservation du patrimoine monumental leur permettent-ils de maintenir ce patrimoine en bon état, de le préserver de l'altération et de ne pas le laisser disparaître ? Pour répondre à cette question, le rapporteur a procédé en trois temps : - il a effectué dans la première partie de son rapport un état des lieux financier (budget de l'État consacré à la préservation du patrimoine, apports financiers des collectivités locales et des propriétaires privés, importance financière du mécénat) ; - il a évalué, dans la deuxième partie de son rapport, la pertinence des dispositifs fiscaux applicables aux propriétaires privés et les conditions d'application des réformes en cours ; - il a tenu, dans la dernière partie de son rapport, à élargir sa réflexion sur l'avenir de notre patrimoine protégé, afin de répondre à une double question fondamentale à l'heure où notre patrimoine s'enrichit jour après jour de nouveaux monuments : Doit-on tout protéger ? Ne faut-il pas mieux mettre en valeur le rôle des partenaires « non institutionnels » que sont les associations, les fondations et les particuliers qui œuvrent, par milliers, en faveur de notre patrimoine ? La mission a également tenu à évaluer l'intérêt des actions menées par certaines régions en France, en auditionnant des directeurs régionaux des affaires culturelles, en envoyant un questionnaire à ceux qui ne pouvaient être présents et en se rendant à Angers et dans le département du Maine-et-Loire. Elle s'est également intéressée à ce qui se fait dans d'autres pays européens. Elle s'est ainsi rendue à Londres, Édimbourg et Rome. Le rapporteur formule ici un ensemble de propositions afin de répondre à l'urgence de la situation, mais également pour que la préservation du patrimoine monumental redevienne une véritable cause nationale pour les pouvoirs publics, mais aussi pour nos concitoyens. En effet, le patrimoine monumental français est d'une incroyable richesse et sa préservation est celle de notre mémoire collective. Par ailleurs, une politique active de soutien à la restauration des monuments historiques favorise des emplois non délocalisables, encourage l'accès des jeunes à des formations de terrain qualifiantes, développe l'économie locale et concourt à l'attractivité de notre pays. I.- À COURT TERME : PARER À L'URGENCE FINANCIÈRE Comme le rappelle M. Gilles Carrez dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2007, « dans un contexte où l'évolution des dépenses de l'État est soumise à une norme stricte, les crédits ouverts pour le financement de l'entretien et de la restauration des monuments historiques sont passés de 540 millions à 335 millions d'euros entre 2000 et 2005, alors que dans le même temps les crédits d'intervention du ministère de la culture et de la communication passaient de 749 millions à 890 millions d'euros, notamment en faveur du spectacle vivant. Cet arbitrage se traduit aujourd'hui par l'arrêt et le report de quelque 300 chantiers alors même que, selon la direction de l'architecture et du patrimoine, 20 % des 15 000 monuments classés seraient en péril » (3). Sur ce point, le rapporteur partage le constat du rapporteur général de la commission des finances, mais également de la mission d'information sénatoriale sur l'entretien et la sauvegarde du patrimoine monumental (4) : l'état des lieux budgétaire est préoccupant et l'ensemble des acteurs de la filière - collectivités, propriétaires et mécènes - est « déboussolé » par l'absence de visibilité à moyen terme des crédits budgétaires. Si les mesures annoncées par le Premier ministre à Amiens sont un premier pas positif, le rapporteur ne peut que s'associer à la recommandation des sénateurs : le ministère de la culture doit absolument mettre en œuvre une véritable gestion prévisionnelle de ses crédits et mettre en place une réelle programmation des travaux d'entretien et de restauration des monuments historiques, qu'ils soient publics ou privés, qu'ils appartiennent à l'État ou aux collectivités. Parallèlement, le patrimoine doit disposer de moyens budgétaires plus stables que par le passé et ne plus être soumis aux aléas de la régulation budgétaire. « L'amateurisme comptable et budgétaire » qui a longtemps prévalu ne peut perdurer car, si la réévaluation du montant des crédits budgétaires alloués à l'entretien et à la restauration des monuments historiques est un premier pas fondamental, leur saine gestion et un déblocage rapide de l'ensemble des chantiers arrêtés sont indispensables à la restauration de la confiance entre l'État, les collectivités, les propriétaires privés et les mécènes. A. UN ÉTAT DES LIEUX FINANCIER PRÉOCCUPANT La filière s'accorde à le reconnaître, le patrimoine français va aujourd'hui relativement mal. Déjà, en janvier 2003, la direction de l'architecture et du patrimoine (DAPA) évaluait à 20 % la proportion des monuments classés en situation de péril, soit environ 2 800. Les édifices en question appartiennent principalement à des communes de moins de 2 000 habitants qui, à de rares exceptions près, ne disposent pas de ressources suffisantes pour financer les investissements nécessaires, sans l'aide de l'État ou d'autres collectivités publiques. Parallèlement, depuis 2003, de nombreux chantiers ont dû être arrêtés, faute de crédits disponibles. Avant l'annonce par le Premier ministre des mesures en faveur du patrimoine, près de 300 chantiers avaient dû être arrêtés faute de crédits, ce qui représente environ 7,5 % des 4 000 chantiers en cours, et la dette de l'État vis-à-vis des entreprises travaillant sur les chantiers s'élevait à 100 millions d'euros en 2004. Elle est encore de 40 millions d'euros en 2006 ! De fait, c'est l'ensemble du dispositif financier d'entretien et de restauration du patrimoine monumental qui vacille : les collectivités, qui investissent des sommes importantes dans le secteur, hésitent à compenser, ou ne peuvent pas, le désengagement de l'État ; les propriétaires privés, soutenus par un dispositif fiscal certes envié dans les autres pays européens, ne peuvent pas toujours en tirer grand bénéfice du fait de revenus insuffisants pour participer aux travaux de restauration ; enfin, les mécènes, dont l'action est croissante dans le secteur réclament, eux aussi, une véritable vision et une programmation des travaux d'entretien et de restauration, afin de pouvoir inscrire leur participation dans un cadre clair. 1. Un budget de l'État « en dents de scie » Alors que le gouvernement avait présenté un ambitieux « Plan national pour le patrimoine » en septembre 2003, « la poursuite de cet objectif de moyen terme a malheureusement été compromise par le recadrage budgétaire que le gouvernement a dû opérer, non sans une certaine précipitation, en 2003 », comme le souligne M. Nachbar dans son rapport (5). Le rapporteur ne peut qu'approuver sans réserve la conclusion du sénateur Nachbar : « ces perturbations prouvent par l'absurde l'inadéquation de toute politique de régulation conjoncturelle, s'agissant d'une politique comme celle du patrimoine qui, par nature, doit s'inscrire dans le long terme, et nécessite une grande régularité dans son financement ». Dans le secteur du patrimoine, comme dans tout secteur où des investissements lourds sont nécessaires, l'absence d'une vision de long terme de la politique menée conduit tout droit à des échecs. Si le gouvernement souhaite que l'État reste le garant d'une politique nationale forte dans le secteur des monuments historiques où il contribue à hauteur de plus de 300 millions d'euros au financement de 4 000 chantiers, employant 10 000 personnes, et réalisant un chiffre d'affaire de 460 millions d'euros, comme le rappelait le ministre devant la mission - les pouvoirs publics ne peuvent plus se permettre ce type de décision à l'emporte pièce, dont les conséquences dramatiques sont sensibles bien des années plus tard. Comment sont répartis les crédits budgétaires ? Les crédits consacrés au patrimoine monumental (dont ceux pour l'entretien et la restauration des monuments historiques) se trouvent dans l'action 01 « Patrimoine monumental et archéologique » du programme 175 « Patrimoines » du budget du ministère de la culture. Les crédits budgétaires de cette action sont répartis en trois titres : - Titre 3 : pour les crédits d'entretien sur les monuments appartenant à l'État ; - Titre 5 : pour les crédits d'investissement sur les monuments qui appartiennent à l'État et/ou dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par l'État ; - Titre 6 : crédits d'interventions (subventions d'investissement versées aux collectivités ou aux propriétaires privés / crédits d'entretien pour les monuments appartenant aux collectivités ou aux propriétaires privés). S'agissant de la répartition entre monuments classés et monuments inscrits, chaque directeur régional des affaires culturelles propose une répartition à son préfet. Cette répartition validée est ensuite soumise au contrôleur financier. La gestion de ces crédits est entièrement déconcentrée. a) Un historique budgétaire chaotique Interrogé par un parlementaire en janvier 2006, le ministère reconnaissait déjà que « le niveau des crédits de paiement délégués est demeuré à un niveau insuffisant face à l'ampleur des besoins » et que les mesures « obtenues, dans un contexte de très forte tension sur les finances publiques, ne constituent qu'une réponse partielle aux difficultés rencontrées par le secteur des monuments historiques » (6). Lors de son audition devant la mission, Mme Hélène Eyssartier, sous-directrice en charge des questions de culture à la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, a rappelé l'origine des difficultés budgétaires actuelles. Jusqu'en 2003, les crédits budgétaires, d'un niveau relativement stable à 320-330 millions d'euros, étaient éclatés et l'on assistait à un énorme décalage entre l'investissement - c'est-à-dire les crédits engagés - et les crédits réellement consommés. Ce décalage ne pouvait être uniquement imputé aux capacités d'absorption déficientes des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), car plusieurs facteurs étaient en cause, qui ont introduit une réelle viscosité dans le système : il a toujours été beaucoup plus facile d'engager les travaux que de les payer, puisque les chantiers de restauration durent en moyenne cinq ans. Il existe donc un découplage important dans le secteur du patrimoine monumental entre le niveau annuel des autorisations d'engagement et celui des crédits de paiement. L'origine de la crise budgétaire actuelle remonte en réalité à l'année 2000. En effet, suite à la tempête de la fin 1999, des crédits très importants avaient été débloqués début 2000 pour remettre en état un certain nombre de monuments historiques affectés par cette catastrophe, entraînant une hausse conséquente des autorisations d'engagement, parallèle à une sous-consommation des crédits du fait qu'un chantier débutant en année n n'est souvent terminé qu'en n+4 ou 5. Devant l'ampleur des reliquats constatés fin 2000 et fin 2001, le ministre de la culture avait commandé au début de l'année 2002 un rapport à M. Rémy Labrusse, conseiller référendaire à la Cour des comptes, sur la consommation des crédits d'investissement alloués au ministère de la culture et de la communication. Sur la base de ce rapport, plusieurs mesures avaient été prises afin, à la fois, d'accroître la pertinence de l'ouverture des crédits et d'accélérer la consommation des crédits ouverts, tout en rationalisant la programmation des travaux. Les reports restant très importants, le gouvernement issu des élections de 2002 a dû procéder à une résorption rapide des crédits non consommés afin de rétablir la vérité des comptes. Par ailleurs, la mise en œuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) limitait à terme les possibilités de reports d'une année sur l'autre à 3 % des crédits inscrits en loi de finances initiale, ce qui a lourdement pénalisé les chantiers (qui par essence ne sont pas calés sur une année budgétaire). Ainsi, le montant des reports a baissé de 43 % entre 2004 et 2005 et de 50 % sur l'ensemble de la période 2000-2005. Montants des crédits reportés « monuments historiques » Source : ministère de la culture et de la communication Cet apurement accéléré des reports a permis le rétablissement, dès 2004, de taux de consommation des crédits certes beaucoup plus satisfaisants d'un point de vue strictement budgétaire, mais a fortement perturbé la conduite des politiques en faveur du patrimoine monumental. Les tableaux ci-dessous retracent l'évolution des crédits de paiement et montrent effectivement une diminution sensible et continue de leurs montants entre 2000 et 2005 (1) : Financement des monuments historiques, entretien et restauration entre 2000 et 2005 Année 2000
Année 2001
Année 2002
Année 2003
Année 2004
Année 2005
(1) Source : ministère de la culture et de la communication. * Rappel : Chap. 35-20/20 : entretien monuments État Chap. 43-30/40 : entretien monuments non État Chap. 56-20 : restauration maîtrise d'ouvrage État Chap. 66-20 : subvention d'investissement pour restauration maîtrise d'ouvrage non état (2) Le montant de crédits ouverts se calcule en agrégeant à la dotation LFI (loi de finances initiale) l'ensemble des mouvements externes et internes (reports, annulations, transferts, rattachements de fonds de concours, etc...). (3) Hors DRAC expérimentatrice mode LOLF (chapitre 59-04). (4) DRAC expérimentatrice sur l'ensemble des crédits « Patrimoine ». - Les crédits votés en loi de finances initiale ont baissé de plus de 40 % entre 2000 et 2003 et de 4,35 % entre 2000 et 2005. - l'ensemble des crédits ouverts (crédits de la loi de finances initiale + reports, annulations, transferts et rattachement de fonds de concours) a baissé de 15,51 % entre 2004 et 2005 et de 100,11 % entre 2000 et 2005... Monuments historiques : crédits ouverts depuis 2000 Source : ministère de la culture et de la communication _ Dans ce contexte, les crédits consommés ont effectivement été stables entre 2000 et 2005, tout en restant amplement insuffisants pour couvrir le financement de l'ensemble des chantiers lancés. Évolution des crédits de paiements (CP) destinés aux monuments historiques Source : ministère de la culture et de la communication Cette année, la situation a atteint son paroxysme en dépit d'un abondement supplémentaire de crédits, issus des recettes de privatisation, suite à l'engagement du ministre lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, à ce que 100 millions d'euros soient affectés au patrimoine. Répartition des 100 millions d'euros des recettes de privatisation (en millions d'euros)
Source : ministère de la culture et de la communication. À la fin du mois de décembre 2005, 89,3 millions d'euros ont effectivement été versés à l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC), afin de financer une série d'opérations réalisées dans le cadre de conventions de mandat signées entre l'EMOC et le ministère de la culture, puis 10,7 millions d'euros à l'établissement public de Versailles, pour financer son schéma directeur de travaux. On ne peut que regretter que les crédits versés aient été affectés à des chantiers, certes importants, mais le plus souvent de construction ou d'aménagement de nouveaux établissements (cinémathèque française, cité de l'architecture et du patrimoine, musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée) ou à des travaux pour les écoles d'architecture. Les chantiers arrêtés en région, ou dont le lancement avait dû être retardé, n'ont donc pas directement bénéficié des 100 millions d'euros débloqués. Le rapporteur le déplore. b) Les répercussions au niveau déconcentré Dans ce cadre, les variations budgétaires brutales ont été beaucoup plus dramatiques au niveau déconcentré qu'en central. Comme le souligne M. Nachbar dans son rapport, « si tous les secteurs de la politique en faveur du patrimoine monumental ont été affectés par la crise budgétaire, ce sont cependant les projets financés en région par des crédits déconcentrés qui ont été les plus touchés », le service national des travaux (SNT) et l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC) voyant leurs dotations couvrir de manière relativement complète leurs besoins.
C'est donc au niveau des crédits déconcentrés, mis à la disposition des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), que la régulation budgétaire a fait les plus gros dégâts. La couverture des besoins exprimés par les DRAC, qui s'était maintenue à un niveau relativement satisfaisant jusqu'en 2004, a ensuite connu une forte dégradation, comme l'illustre le tableau ci-dessous. Couverture des besoins des DRAC (en millions d'euros et en pourcentage)
Source : Rapport d'information sénatorial n° 38, M. Philippe Nachbar, octobre 2006 Ainsi, en Languedoc-Roussillon, selon les informations fournies à la mission par la DRAC, la dotation de crédits de paiement notifiée en 2004, d'un montant de 10,1 millions d'euros répondait à une demande estimée au plus près à 11 millions d'euros (soit 92 % de la demande). En 2005, à une demande de 11,5 millions d'euros ont répondu une notification de 7,45 millions d'euros et une délégation définitive de 6,87 millions d'euros (soit seulement 60 % de la demande). En 2006, pour 12 millions d'euros demande (hypothèse basse), 6,55 millions d'euros ont été notifiés et 8,24 millions d'euros finalement délégués (essentiellement grâce à un complément obtenu en octobre pour les monuments historiques appartenant à l'État), soit moins de 70 % de la demande. Pour 2007, 12 millions d'euros (hypothèse basse) ont été demandés ; en l'état des informations dont dispose la DRAC, la dotation s'élèverait seulement à 7,8 millions d'euros (en incluant les « crédits Centre des monuments nationaux » reversés au budget en 2007 pour les monuments de l'État), soit une baisse de plus de 5 % par rapport à 2006, en contradiction avec les mesures de soutien en faveur du patrimoine annoncée à Amiens par le Premier ministre. De même, en Alsace, selon les informations communiquées à la mission par la direction régionale des affaires culturelles, « plusieurs opérations attendent une remise à niveau des moyens ; mais des opérations très avancées, pour lesquelles nous disposons des projets architecturaux et techniques approuvés pour que le maître d'ouvrage consulte les entreprises, ne peuvent être engagées. Les politiques de fond, autour du patrimoine des châteaux forts (thème majeur dans la région) sont remises en cause ». Participation financière de l'État aux travaux de restauration sur le patrimoine protégé des propriétaires privés et des collectivités - pour le patrimoine classé, elle varie de 25 à 50 % du montant des travaux ; - pour le patrimoine inscrit, elle varie de 0 à 40 % du montant des travaux. La dégradation de cette situation financière a eu des conséquences d'autant plus sérieuses que les crédits déconcentrés dans les directions régionales des affaires culturelles portent très souvent sur des travaux dans des monuments appartenant aux collectivités ou à des propriétaires privés. Or le déblocage des financements des autres partenaires dépend du financement de l'État, qui joue un effet de levier conséquent. Ainsi, selon La Demeure Historique, association de propriétaires privés, lorsque l'État investit 22 millions d'euros dans le patrimoine monumental privé, les collectivités participent à hauteur de 12 millions d'euros, générant un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros de travaux. À l'inverse, l'incapacité de l'État à financer sa contribution provoque un effet de multiplicateur négatif, accentuant par là même la chute du secteur. 2. Des collectivités locales qui tentent d'amortir le désengagement de l'État Dans ce cadre, les collectivités tentent parfois de pallier le désengagement de l'État, comme l'a rappelé M. François Scellier, député et président du conseil général du Val d'Oise, à la mission. Le rapporteur déplore que les outils informatiques actuellement en place ne permettent pas de disposer de statistiques fiables sur la participation des partenaires de l'État à la restauration du patrimoine monumental. Selon les informations transmises au rapporteur par la direction de l'architecture et du patrimoine, « les crédits de subvention pour travaux sur les monuments n'appartenant pas à l'État (titre 6) ne distinguent pas entre collectivités territoriales et propriétaires privés. Nous ne pouvons donc aujourd'hui vous donner cette information ». Il ne paraît pas concevable qu'une politique publique soit mise en œuvre sans une certaine visibilité financière sur les montants investis par les différents partenaires. Le rapport y reviendra ultérieurement. Malgré tout, selon une estimation communiquée au rapporteur par le ministère de la culture et de la communication, pour l'année 2005, le montant de la participation des collectivités territoriales et des propriétaires privés peut être évalué, tous types d'opérations confondues, à 235 millions d'euros, pour un montant d'aides allouées par l'État pour l'entretien et la restauration des monuments n'appartenant pas à l'État de 139 millions d'euros. Le coefficient multiplicateur des dépenses affectées à la restauration du patrimoine n'appartenant pas à l'État peut ainsi être estimé à environ 2,7. ● L'exemple du département du Val-d'Oise Dans le département du Val d'Oise, qui compte 312 monuments historiques protégés au titre de la loi du 31 décembre 1913 (153 classés et 159 inscrits), les dispositifs d'aide du conseil général sont nombreux. Ils permettent de couvrir tous les champs de l'entretien et de la restauration du patrimoine monumental, mais également du patrimoine non protégé. Mais, comme M. François Scellier l'a rappelé à la mission, les crédits du conseil général ne sont pas indéfiniment extensibles et « du fait du nombre croissant de demandes et de la stagnation des crédits de paiement de l'État, les taux de subvention [de L'État, habituellement de 50 % pour les monuments classés et de 25 % pour les monuments inscrits] peuvent descendre à 30 % pour les monuments classés et à 15 % pour les monuments inscrits ». Le nombre de dossiers de restauration reportés d'une année sur l'autre augmente. Plusieurs communes ont sollicité des subventions départementales dérogatoires au dispositif, c'est-à-dire sans l'aide de l'État, et certains élus ont eu recours à la réserve parlementaire pour compléter le financement... Par ailleurs, des projets de restauration de monuments historiques entrent de plus en plus souvent dans les contrats ruraux et régionaux signés entre les communes, la région et le département pour pallier la défection de l'État. S'agissant des crédits d'entretien, la situation n'est pas meilleure, puisque la subvention de l'État pour l'ensemble des monuments protégés, qui était auparavant d'environ un tiers du coût de l'entretien, est passée à 25 % pour les monuments inscrits. L'aide du conseil général a été maintenue à 33 %. ● L'exemple la région Pays-de-la-Loire De même, dans la région des Pays de la Loire, la politique des collectivités en faveur du patrimoine monumental semble relativement cohérente et complète. Les cinq conseils généraux et le conseil régional participent financièrement quasi automatiquement aux travaux sur le patrimoine monumental classé ou inscrit, sous condition que l'État participe lui aussi financièrement ou, à défaut, qu'il ait donné un avis favorable aux travaux conformément au code du patrimoine. Cette situation permet pour un monument inscrit pour lequel est prévue une participation de 15 % de l'État d'avoir un financement public total de l'ordre de 45 % à 55 % du montant des travaux. Le département de la Vendée module ses aides en fonction du potentiel fiscal des communes et les 55 % peuvent être dépassés. Sur un édifice classé, chacune des collectivités territoriales subventionne en moyenne à hauteur de 20 %, ce qui permet parfois d'avoir un financement allant jusqu'à 90 % lorsque l'État aide à hauteur de 50 % des propriétaires aux faibles ressources. Par ailleurs, des réunions ont lieu chaque année avec chacun de ces acteurs et une ou deux réunions annuelles rassemblent l'ensemble des acteurs, à l'initiative de l'État ou de la région. Mais, dans cette région, selon les informations communiquées par la DRAC, « depuis plusieurs années, les demandes budgétaires [faites au niveau de la DRAC] tiennent compte des restrictions budgétaires, et il y a de ce fait une certaine forme d'autocensure dans nos demandes d'autorisations d'engagement, considérant le manque de crédits de paiement. Il existe, en stock à la DRAC 44 études préalables à travaux qui n'ont pu être suivies de travaux, dont une grande majorité est due à l'absence de possibilités financières de l'État ». b) ... mais qui ne peuvent compenser intégralement le désengagement de l'État Toutes les personnes auditionnées par la mission s'accordent à le reconnaître et les exemples évoqués ci-dessus le confirment : il existe une grande disparité des politiques des collectivités locales en faveur de la restauration et de l'entretien du patrimoine monumental, en termes tant de territoires et de types de biens couverts que de critères d'attribution. Ainsi, selon La Demeure Historique, un quart des départements n'a aucune action financière en faveur des monuments historiques privés, tandis que les régions ciblent en priorité leurs interventions sur les monuments classés et ouverts au public. Dans la réponse que la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Languedoc-Roussillon a fournie au questionnaire envoyé par la mission, le constat n'est pas différent : « l'attachement des collectivités territoriales à leur patrimoine monumental est très variable et ce sont des villes moyennes qui s'illustrent, fortement aidées (50%) par l'État (Narbonne, Beaucaire, Lodève) et deux villes chefs-lieux de département (Perpignan, Nîmes, 40 à 50 %). Le conseil régional et les conseils généraux ne conduisent pas des politiques de soutien budgétaire pérennes et clairement identifiables, à l'exception de celui de l'Hérault ». À l'opposé, en Pays de la Loire, comme dans le Val d'Oise, la politique des collectivités en faveur du patrimoine monumental est cohérente et complète. On le voit, la politique des collectivités est donc très variable d'une région à l'autre et ce risque d'inégalité croissante doit conduire l'État à conserver un important rôle régulateur dans la conservation du patrimoine protégé. Pour autant, il conviendrait parallèlement de réfléchir au développement de financements plus autonomes des travaux de restauration par les collectivités qui le désirent. En effet, aujourd'hui, les collectivités attendent trop souvent que l'État prenne un arrêté de subvention pour déterminer non pas tant le montant de leur contribution que le principe même de cette contribution. Ainsi, dans le Val d'Oise, comme le rappelait M. Scellier, « la notification de la subvention d'État par la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) est nécessaire à l'instruction du dossier [de demande de subvention auprès du conseil général], aussi bien pour les communes que pour les propriétaires privés ». Or il n'existe aucun lien juridique ou légal de principe, mais une pratique ancienne en la matière, l'idée implicite étant sans doute que la décision de subvention signifie que l'opération est « viable » et approuvée scientifiquement par l'État. Cela permet par ailleurs aux collectivités de justifier leur choix de financer ou non un projet. Proposition n° 1 : Sur des monuments d'intérêt régional ou local, permettre le développement de projets de restauration et de mise en valeur financés uniquement par les collectivités, sans financement de l'État, après avis favorable de l'État aux travaux conformément au code du patrimoine. Pour autant, les collectivités, comme les mécènes, ne sont pas là pour se substituer à un État qui ne parviendrait pas à faire face à ses missions. À l'opposé, comme le rapporteur le développera ultérieurement, elles doivent être des partenaires de premier plan de la politique du patrimoine et les règles du jeu financières doivent être clairement fixées à l'avance, dans le cadre d'une pratique concertée et contractualisée. Le Premier ministre le soulignait d'ailleurs lors de son discours du 14 septembre dernier à Amiens. « L'État doit jouer tout son rôle. Certainement pas celui de prescripteur, mais plutôt le rôle d'allié, attentif aux besoins et aux aspirations des Français ainsi que des acteurs de la culture ». On ne peut que partager ce point de vue et plaider pour que le ministère de la culture et plus largement l'ensemble des services de l'État jouant un rôle dans le domaine du patrimoine mettent quotidiennement en pratique ce principe. 3. Des propriétaires privés soumis à une charge financière croissante La problématique des monuments privés est particulière et fondamentale pour l'avenir du patrimoine monumental dans notre pays puisqu'ils représentent près de la moitié des monuments historiques et sont plus représentés parmi les monuments inscrits (65 % appartiennent à des propriétaires privés) que parmi les monuments classés (35 %). Il convient également de rappeler que les servitudes et règles spécifiques grevant la jouissance de ce patrimoine sont à l'origine du soutien budgétaire et fiscal particulier de la puissance publique en faveur des propriétaires privés, qui investissent leur temps et leur argent afin de valoriser ces « biens collectifs ». Ainsi, pour ne prendre qu'un exemple de contrainte particulière, selon les dispositions de l'article L. 621-9 du code du patrimoine les propriétaires de monuments classés ne peuvent engager aucune rénovation, réparation ou modification de leur bien sans l'accord de l'administration. Les propriétaires de monuments inscrits ne peuvent engager ces travaux ou modifications sans en avoir informé le préfet quatre mois auparavant. Le rapporteur partage le diagnostic du sénateur Nachbar et estime qu'il existe effectivement une crise « chronique et spécifique aux monuments privés. Celle-ci tient à l'aggravation des coûts d'entretien et de restauration qui accentue le caractère déficitaire de leur gestion, au point de faire peser une sourde menace sur la propriété et la transmission de ce patrimoine ». La mission a pu le constater lors de son déplacement en Maine-et-Loire, où elle a rencontré le marquis de Brissac, propriétaire du château de Brissac. Ce lieu, remarquablement animé par la seule volonté de son propriétaire - qui s'y consacre à temps plein - a par le passé bénéficier des subventions de l'Etat pour restaurer certaines parties de la bâtisse, classée au titre des monuments historiques. Aujourd'hui, l'état de la toiture du château est plus que préoccupant, et chaque tranche de travaux coûterait au bas mot 200 000 euros... Même avec les revenus qu'il tire de l'exploitation du château (droits de visite, locations pour mariage ou séminaires, chambres d'hôtes, etc.), le propriétaire seul ne peut faire face à cette dépense. De même, l'état des huisseries des fenêtres s'est considérablement dégradé suite aux retards pris dans l'octroi des subventions. Il convient de ne pas sous-estimer « le risque que constitue la tentation, pour certains propriétaires, de céder un patrimoine auquel ils sont certes d'autant plus attachés qu'il est dans leur famille depuis des générations, et que leur histoire se nourrit de la sienne, mais qui représente une charge financière et une dépense de temps et d'énergie intimidantes pour eux, et plus encore pour leurs éventuels héritiers », comme le souligne le sénateur Nachbar. Malgré tout, notre dispositif budgétaire et fiscal (7) en faveur des propriétaires privés est très envié à l'étranger, comme le rapporteur a pu le constater à l'occasion du déplacement de la mission au Royaume-Uni et en Italie. S'il reste perfectible, il convient de souligner qu'il vise uniquement les résidents français, contrairement à d'autres systèmes de soutien étrangers, et a permis jusqu'à maintenant à la France de conserver son patrimoine dans de bonnes conditions (ouverture au public, participation à la vie locale, etc.). a) Les conséquences fâcheuses des variations du budget de l'État Comme l'ont souligné les associations de protection du patrimoine devant la mission, les travaux d'entretien sur les édifices privés protégés, et notamment sur le patrimoine inscrit, font de moins en moins l'objet de concours de l'État, même s'il est aujourd'hui impossible de disposer d'un chiffrage précis de la répartition du titre 6 des crédits du patrimoine entre monuments inscrits et classés. Selon les informations communiquées par le ministère, « la gestion de ces crédits est entièrement déconcentrée et l'outil comptable actuel ne permet pas de suivre l'évolution de ces crédits par catégorie ». Mais, dans le contexte actuel de pénurie budgétaire, il est logique que les services du ministère orientent leurs efforts sur le patrimoine classé. Ainsi, M. Jean de Lambertye, président de La Demeure Historique, rappelait à la mission que si, depuis 1988, d'importantes mesures ont été prises pour régler le problème de la transmission, il n'en va pas de même du financement. En effet, alors que c'est quasiment toujours à la suite d'une intervention de l'État que les collectivités locales s'investissent à leur tour, le mouvement de pénurie actuel risque de réduire la part déjà faible accordée aux monuments historiques privés (8 % de l'enveloppe totale en 2003 selon La Demeure Historique). La DRAC de la région Centre confirme ce constat : « plus qu'un effet de levier, l'aide de l'État a un rôle de déclencheur. Son absence amène presque toujours l'annulation ou le report des opérations dont elle constitue souvent la principale source de financement ». b) Des ressources propres souvent limitées Un monument a plusieurs sources de financement : ses ressources propres - tourisme culturel, développement de la petite hôtellerie, tourisme d'affaire -, des financements publics, le mécénat et le financement personnel par le propriétaire. Or, contrairement à l'image d'Épinal souvent véhiculée, les propriétaires privés ne sont pas uniquement de « riches propriétaires terriens ». Ils disposent le plus souvent d'un métier salarié, hors de leur propriété, et les recettes engrangées par cette propriété, quand elles existent, ne couvrent que très rarement les frais d'entretien et de restauration des bâtiments. Proposition n° 2 : Mieux informer et soutenir les propriétaires privés dans leurs démarches de développement de leurs ressources propres (ouverture à la visite, location pour tournages, mariages, séminaires d'entreprises, etc.). Dans ce cadre, leur permettre d'utiliser le chèque emploi service universel pour l'emploi de travailleurs saisonniers dans leur monument. c) L'intérêt d'un soutien renouvelé Il convient ici de réaffirmer la nécessité de consacrer une part significative des crédits budgétaires au patrimoine protégé privé, qui est souvent le parent pauvre de la politique du patrimoine : alors que les monuments privés connaissent des difficultés financières particulièrement lourdes, les montants engagés pour les restaurations dépassant souvent de très loin les possibilités financières de leurs propriétaires. Garantir une proportion minimale de 10 % des crédits budgétaires, soit 30 à 40 millions d'euros par an, comme le propose le sénateur Nachbar, ne paraît donc pas disproportionné, eu égard aux servitudes particulières qui grèvent ces biens et à l'effet de levier important généré par le déblocage des crédits budgétaires. Par ailleurs, le rapporteur tient à rappeler que la France à tout intérêt à soutenir les propriétaires privés afin qu'ils puissent continuer à entretenir ces monuments, en termes tant de budget - il est bien plus coûteux pour l'État d'entretenir et de mettre en valeur un bien qui lui appartient - que d'animation et de dynamisme du territoire, ces monuments constituant des repères et des lieux de « convivialité » locale. Proposition n° 3 : Garantir aux monuments historiques privés une proportion minimale de 10 % des crédits budgétaires alloués à la restauration et à l'entretien du patrimoine monumental. Il convient également de souligner l'intérêt de ne pas exclure, par dogmatisme, dans la négociation des contrats de projet à venir, successeurs des contrats de plan, pour la période 2007-2013, certains monuments historiques privés majeurs et donc structurants au niveau régional, d'autant plus que les fonds structurels européens, qui ont participé au financement de certains chantiers, transitent par ces contrats. Ainsi, en Languedoc-Roussillon, selon les informations fournies par la DRAC à la mission, les crédits européens ont, jusqu'en 2006, participé efficacement à des programmes thématiques (par exemple, le programme « pays cathare » dans l'Aude) ou croisés (par exemple, fonds du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) pour des toitures traditionnelles en Lozère). Proposition n° 4 : Mieux prendre en compte les opérations de restauration et de mise en valeur du patrimoine monumental d'intérêt régional, qu'il soit public ou privé, dans les contrats de projets 2007-2013. 4. Un intérêt croissant des mécènes pour le patrimoine monumental Le mécénat patrimonial émerge en France depuis plus d'une dizaine d'années. Les causes de son développement sont multiples : volonté de l'État d'encourager l'implication dans la vie culturelle des acteurs de la société civile, intégration de la notion de responsabilité sociale dans la stratégie des entreprises ou sentiment de proximité des Français à l'égard du patrimoine, partie intégrante de leur cadre de vie. Par ailleurs, comme le rappelait le ministre de la culture devant la mission en septembre, si le ministère cherche à susciter des partenariats, ce n'est pas pour couvrir un désengagement de l'État, mais plutôt pour développer des formes alternatives de mise en valeur du patrimoine monumental et contribuer à son rayonnement national, mais également international. a) Une action et un soutien croissant au patrimoine monumental La loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations a constitué une véritable innovation dans notre pays et a favorisé l'essor de pratiques de mécénat variées. La place des structures privées et associatives agissant en faveur du mécénat patrimonial prend de l'ampleur sous l'effet de cette loi, à travers différents acteurs : les entreprises et les fondations, mais également les associations. Rappel des dispositions de la loi du 1er août 2003 en faveur du mécénat - Réduction d'impôt sur le revenu de 66 % pour les particuliers, avec un plafond de 20 % du revenu imposable et report de l'excédent possible sur les cinq années suivantes. La réduction est également accordée aux dons faits par les salariés à leur fondation d'entreprise (article 200 du code général des impôts). - Réduction sur l'impôt sur les sociétés égale à 60 % des dons aux œuvres d'intérêt général pour les entreprises, dans la limite de 0,5 % du chiffre d'affaires, avec possibilité de report sur cinq exercices en cas de situation déficitaire (article 238 bis du code général des impôts). Comme le soulignait devant la mission Mme Nathalie Sauvanet, déléguée générale adjointe de l'Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL) « en s'impliquant dans la société civile par le biais de la culture, les entreprises s'intéressent à un fondement de la société dans laquelle elles évoluent. Fonds commun de savoirs et de mythes mais aussi passerelle de création et d'innovation, la culture sous toutes ses formes et dans tous ses développements permet des actions de mécénat variées. L'entreprise se rapproche ainsi de son histoire et de son patrimoine ». En perpétuelle mutation, l'environnement de l'entreprise paraît, à première vue, « en apparente contradiction avec le choix de s'associer à des projets de mécénat de très longue haleine : le mécénat patrimonial nécessite temps et persévérance pour mener à bien des dossiers de long, voire de très long terme. Il traduit la volonté d'entreprises d'inscrire durablement leur politique de mécénat dans leur stratégie globale. Les différentes actions existantes en matière de mécénat financier et de mécénat de compétences témoignent de l'attachement réel des acteurs économiques à la richesse et à la diversité du patrimoine français ». ● Les entreprises et le mécénat patrimonial L'intérêt manifesté par les entreprises à l'égard du patrimoine a récemment pris une nouvelle dimension grâce à la mise en œuvre de deux chantiers historiques par l'étendue de leur calendrier et en termes financiers : la restauration de la Galerie des Glaces et la Galerie d'Apollon. On peut dans ce cadre noter le développement du mécénat de compétence, choisi par de grandes entreprises, mais également par les PME. En 2002, le groupe de bâtiment et travaux publics Vinci a entrepris de participer à la sauvegarde de la Galerie des Glaces du château de Versailles, dont la fin des travaux de restauration est prévue en mai 2007. Cette opération d'ampleur se déroule dans le cadre d'un mécénat de compétences : toutes les entreprises intervenant sur le chantier, spécialisées dans la restauration de monuments historiques, sont des filiales de Vinci : Dumez Île-de-France, Lefort-Francheteau, Socra, DBPM et les Ateliers Saint-Jacques. Cette opération a valu à Vinci la distinction de « grand mécène » du ministère de la culture et de la communication. Achevée en 2004 après cinq années de travaux, dont deux de préparation, la restauration de la Galerie d'Apollon du musée du Louvre, deuxième grand chantier, a bénéficié du soutien de Total. La mise en valeur du patrimoine culturel constituant un engagement important du mécénat de Total, le groupe a répondu à l'appel du musée du Louvre pour restaurer la Galerie d'Apollon. Située au cœur du musée, cette galerie reflète l'histoire culturelle et architecturale de la France. Elle abrite depuis 1861 les Diamants de la Couronne et des collections d'émaux et d'orfèvrerie. Depuis 1851, aucune restauration globale de la galerie n'avait été réalisée. Après une expertise qui s'est achevée en septembre 2000, la Galerie d'Apollon a été fermée au public le 9 janvier 2001, pour un programme de restauration et de mise aux normes techniques. La galerie a rouvert ses portes le 27 novembre 2004. Total a souhaité poursuivre son action en faveur du musée du Louvre en participant au financement du nouveau département des Arts de l'Islam. Il s'agit d'un projet majeur qui vise à conforter la vocation universelle du musée du Louvre et rappeler l'apport essentiel des civilisations de l'Islam. L'engagement de Total comporte deux volets : outre un soutien financier de 4 millions d'euros sur trois ans, Thierry Desmarest, président directeur-général de Total, a accepté de prendre la présidence du « Comité du mécénat pour les Arts de l'Islam du musée du Louvre », chargé de réunir les contributions financières des entreprises intéressées par le projet. Pour ce qui est du patrimoine monumental, Total s'est engagé, dans le cadre d'une convention de mécénat triennale (2006-2008) signée en décembre dernier, à apporter à la Fondation du patrimoine un soutien de 8 millions d'euros sur la période, destiné à contribuer au financement de projets liés à la sauvegarde et à la valorisation du patrimoine de proximité en France. Les projets soutenus par Total seront situés dans les principales régions d'implantation du groupe et concerneront le patrimoine industriel et artisanal ainsi que des édifices anciens présentant un intérêt culturel ou touristique. Au titre de ce mécénat, un premier soutien financier global de 600 000 euros est dès à présent alloué par Total, pour contribuer à la réalisation de quatre projets proposés par la Fondation du patrimoine : - La restauration des remparts de la ville de Lectoure (Gers). Construites aux XVIIe et XVIIIe siècles, ces murailles doivent être réhabilitées, souffrant notamment d'éclatement des pierres, d'envahissement de la végétation et du déversement des eaux pluviales. - Le maintien à flot et la mise en valeur de la bigue (8) du port de Dunkerque (Nord-Pas-de-Calais). Construite au début des années 1960, cette bigue a accompagné le développement de ses années d'industrialisation lourde. Constitué d'un ponton flottant, d'une plate-forme de travail, d'une grue proprement dite et de câbles et treuils de manœuvre, cet ouvrage exceptionnel mérite d'être conservé. - La valorisation et l'aménagement de la rotonde ferroviaire de Longueville (Seine-et-Marne). Construits en 1911, le dépôt de Longueville et sa rotonde de bois abritent une importante collection de locomotives à vapeur, de voitures et de wagons, représentant un siècle d'évolution du chemin de fer de 1850 à 1950. Restauré partiellement depuis une vingtaine d'années, le site nécessite des travaux complémentaires pour l'aménagement du musée et l'accueil du public. - La restauration de la Halle au blé de Bray-sur-Seine (Seine-et-Marne). Édifiée en 1841, cette halle abrite toujours un marché hebdomadaire, ceux spécialisés en céréales ou en bestiaux ayant aujourd'hui disparu. Il s'agit notamment de réparer la charpente et les piliers en pierre de l'édifice qui constitue un lieu public de rencontre. D'autres exemples de mécénat patrimonial sont également intéressants : la fondation d'entreprise Gaz de France a reconduit pour la troisième fois sa convention avec la direction de l'architecture et du patrimoine du ministère de la culture afin de sauvegarder douze vitraux dans neuf régions, sur la période 2003-2007. Cette collaboration a permis la création ou la restauration des vitraux de l'abbaye de Fontfroide à Narbonne et du musée de Cluny à Paris, en 2005. En vingt-sept ans d'activité, la fondation Crédit Agricole - Pays de France s'est attachée à soutenir des actions de proximité dans toute la France, associées à une dynamique locale créatrice d'emplois. L'intervention de la fondation s'organise autour de trois axes : préservation, restauration, réutilisation du patrimoine bâti ; création, agrandissement, enrichissement de musées et d'écomusées ; sauvegarde du patrimoine artistique et culturel. La Caisse d'Épargne d'Auvergne et du Limousin a créé sa fondation d'entreprise, baptisée « Pour l'art et la culture », qui aide à la sauvegarde du patrimoine régional. ● Le rôle des associations et des particuliers dans le mécénat culturel Le club des partenaires de l'association « Lunéville château des Lumières », dont la majorité des membres est issue de la région Lorraine, s'est fixé l'objectif de reconstruire le château de Lunéville, incendié en 2003. Pour ses statues, le château de Versailles a lancé l'opération « Adoptez une statue », afin que des mécènes contribuent de façon individuelle à leur restauration. De nombreuses PME, mais également des commerçants versaillais ou des particuliers, ont répondu présents. De même, les associations du groupe national d'information et de concertation sur le patrimoine ou encore La Demeure Historique se mobilisent pour défendre le patrimoine auprès des mécènes. Citons enfin l'action exemplaire de deux grandes associations, « Chartres, Sanctuaire du monde » et « l'Association des Amis de la cathédrale de Chartres » qui depuis plus de dix ans collectent des fonds auprès du public et de mécènes privés et mettent ainsi en place des programmes de restauration en étroite collaboration avec les services de l'État. Le rapporteur tient également à souligner le rôle très positif joué par les associations d'amis de monuments privés. Ainsi, l'association des amis du château de Brissac a permis il a quelques années la restauration du petit théâtre du château. Son président attend d'ailleurs beaucoup des nouvelles dispositions prévues par l'amendement Marini, puisqu'il avait très clairement indiqué à la mission que l'interprétation des dispositions relatives au mécénat par l'administration fiscale empêche jusqu'à maintenant l'association de collecter des fonds pour participer aux travaux de restauration de la toiture ou des huisseries du château. ● Bilan de l'impact de la loi de 2003 dans le secteur de la culture et du patrimoine Toujours selon la dernière étude de l'Admical, pour près de 50 % d'entre elles, les actions de mécénat culturel sont le fait du secteur des banques et des assurances. Les services et l'industrie constituent le deuxième groupe, avec des parts beaucoup plus faibles (environ 6 %). L'énergie, avec 5 %, occupe une place significative compte tenu du nombre limité d'entreprises qui composent le secteur. Quant à l'agroalimentaire, sa percée dans le domaine est à souligner. Très naturellement, l'Île-de-France mobilise un tiers des actions de mécénat culturel. Forte de son dynamisme et de sa créativité, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) arrive en première place des régions hors Île-de-France avec près de 9 % des actions engagées. La région Rhône-Alpes profite également de l'implication des entreprises. La Basse-Normandie vient ensuite, puis la région Midi-Pyrénées, forte de son patrimoine et de ses activités diversifiées. Répartition par région des actions de mécénat de la culture en 2005 (en % du total des actions de mécénat de la culture)
Source : Admical Alors que, globalement, le mécénat des particuliers représente 800 millions d'euros de dons et le mécénat des entreprises 150 millions d'euros, selon l'évaluation fournie par le ministère de la culture au rapporteur la participation de mécènes à la restauration du patrimoine s'est élevée en 2005 à 0,478 million d'euros. Mais ces chiffres ne comprennent pas le mécénat à destination des établissements publics du ministère de la culture, très actifs dans ce domaine, ni le mécénat des particuliers. Ainsi, pour Versailles, le mécénat en faveur des travaux de restauration a représenté 3,855 millions d'euros en 2004, 3,351 millions d'euros en 2005 et 5,763 millions d'euros en 2006, soit une hausse de près de 49,5 % en deux ans. On ne peut que déplorer que les seuls éléments statistiques fiables dont le ministère dispose ressortent d'une enquête menée sur l'année 2005 par Admical avec l'organisme de sondage CSA et publiée début 2006 (9). Ainsi, si l'ensemble des acteurs du patrimoine reconnaît que la loi de 2003 a favorisé l'essor de pratiques de mécénat variées, il est aujourd'hui impossible de disposer de données chiffrées précises sur les montants investis chaque année dans le patrimoine monumental par les mécènes, cette enquête ne permettant par ailleurs pas de disposer de données fiables sur le mécénat des particuliers ou des associations, puisqu'elle ne recouvre que le mécénat des entreprises. On ne peut donc que souhaiter que le ministère de la culture et de la communication lance le plus rapidement possible, en collaboration avec le ministère de l'économie et des finances, une étude sur l'impact de la loi de 2003. Proposition n° 5 : remettre en 2007 au Parlement un rapport sur l'impact financier de la loi de 2003 en faveur du mécénat dans le secteur de la culture, et notamment dans le secteur de la restauration et la mise en valeur du patrimoine. b) Quelques améliorations techniques du dispositif à promouvoir Seuls sont abordés dans cette partie que les freins financiers au développement du mécénat ; les freins plus structurels à ce développement sont abordés dans le III. L'ensemble des personnes auditionnées par la mission ou rencontrées lors de ses déplacements, en France comme à l'étranger, s'accordent à reconnaître que l'on a atteint un bon niveau en ce qui concerne la fiscalité du mécénat, la réduction actuellement en vigueur - de 66 % pour l'impôt sur le revenu et de 60 % pour l'impôt sur les sociétés - étant un mécanisme tout à fait intéressant et inégalé à l'étranger. Cela étant, même si les grandes entreprises ne l'atteignent jamais, il faut être conscient que le plafond de 0,5 % du chiffre d'affaires, prévu par l'article 238 bis du code général des impôts, peut-être un obstacle à un engagement plus important des petites et moyennes entreprises dans le domaine du patrimoine, car elles s'en tiennent en général à ce pourcentage annuel, sans s'intéresser aux possibilités de report du montant de leur don qui dépasserait ce plafond sur cinq ans. Les personnes auditionnées l'ont clairement souligné : ce plafond est un frein au développement du mécénat de proximité. Proposition n° 6 : afin de favoriser le développement du mécénat des petites et moyennes entreprises, supprimer le plafonnement annuel de la réduction d'impôt sur les sociétés à 0,5 % du chiffre d'affaires pour les entreprises de moins de 500 salariés. Par ailleurs, l'introduction d'une dérogation en faveur de l'affichage publicitaire sur les échafaudages des monuments historiques en cours de restauration permettrait d'obtenir un soutien élargi des entreprises privées. Il bénéficierait ainsi à la restauration des monuments historiques, des plus renommés aux plus modestes. En l'état actuel du droit, l'article L. 581-4 du code de l'environnement interdit d'utiliser comme support publicitaire les immeubles classés ou inscrits. En revenant de manière limitée sur cette interdiction, l'exception ainsi faite pour les bâches d'échafaudages sur les monuments historiques ne gagnerait pas d'autres champs de l'affichage publicitaire, comme pourrait le craindre le ministère de l'environnement. Pour éviter tout phénomène de contagion, le dispositif d'autorisation doit être complètement intégré au code du patrimoine et soumis aux services du ministère chargés d'autoriser les travaux et à une autorisation instruite en même temps que l'autorisation de travaux elle-même. Par ailleurs, les recettes perçues doivent être intégralement affectées au financement des travaux et non au propriétaire du bien. Les entreprises mécènes bénéficieront par la même occasion d'une véritable lisibilité de leur concours sur les monuments ayant bénéficié de leur soutien. Cela permettrait de résoudre une des difficultés du mécénat dans le domaine du patrimoine monumental, souligné par Mme Nathalie Sauvanet, déléguée générale adjointe de l'Admical : compte tenu du délai de cinq à huit ans nécessaire pour que les travaux de restauration soient menés à leur terme, on demande souvent à une entreprise de s'engager fortement dès le début pour ne pouvoir communiquer sur cet engagement que cinq à huit ans plus tard, puisque la plupart des demandes de soutien portent sur des monuments historiques sur lesquels il est interdit d'afficher et où il n'apparaîtra donc même pas sur une bâche qu'une entreprise est en train de participer à l'opération. En Italie, Mme Arianna Cajano, architecte responsable des travaux de restauration de la façade de la Trinité des Monts, a indiqué à la mission que plus de 90 % du montant des travaux avait été financés par l'affichage publicitaire sur les échafaudages de l'église. Ce monument emblématique de Rome est en effet très régulièrement filmé et photographié. En France, de nombreux monuments sont dans ce cas. Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, définitivement adopté le 19 décembre 2006, cette proposition de la mission a trouvé une traduction législative puisque l'article 103 du projet de loi de finances crée un article L. 621-29-8 au sein du code du patrimoine qui dispose que « par dérogation à l'article L. 581-2 du code de l'environnement, dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisation de travaux sur les immeubles classés ou des demandes d'accord de travaux sur les immeubles inscrits, l'autorité administrative chargée des monuments historiques peut autoriser l'installation de bâches d'échafaudage comportant un espace dédié à l'affichage. Les recettes perçues par le propriétaire du monument pour cet affichage sont affectées par le maître d'ouvrage au financement des travaux ». Les modalités d'application de cet article devront être clairement détaillées par décret en Conseil d'État car la rédaction retenue par les sénateurs est relativement lacunaire sur les conditions et les modalités de l'autorisation délivrée par les conservations ou les directions régionales des affaires culturelles. Proposition n° 7 : publier rapidement le décret d'application de l'article 103 du projet de loi de finances pour 2007 afin d'autoriser l'affichage publicitaire sur les échafaudages des travaux de restauration des monuments historiques et affecter les recettes au financement de ces travaux. Ce décret devra décrire très précisément les modalités et les conditions de l'autorisation délivrée. Enfin, en France, lorsque l'on parle de mécénat, on ne pense qu'aux entreprises. Or, dans tous les pays, les montants engagés au titre du mécénat individuel sont trois fois supérieurs à ceux du mécénat d'entreprise, comme le rappelait Mme Nathalie Sauvanet devant la mission. En France, bien qu'aucun chiffrage précis n'ait été établi, l'Admical estime que seulement 5 à 7 % des Français soutiennent financièrement la culture alors que l'on atteint 30 % dans des pays comparables. Cela tient principalement à la conception que se font nos concitoyens de la politique du patrimoine. Le rapporteur reviendra dans la troisième partie du rapport, plus prospective, sur ce point fondamental. B. LA RÉPONSE PARTIELLE DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2007 Le 14 septembre dernier, en visite à Amiens, le Premier ministre a annoncé que l'État « mobilisera les moyens nécessaires à une meilleure valorisation du patrimoine ». À cette fin, il a déclaré que le gouvernement souhaitait « inscrire dans la durée un effort supplémentaire : 24 millions d'euros vont être dégelés immédiatement sur les crédits du budget 2006 qui avaient été mis en réserve. Ils permettront la reprise et l'accélération de chantiers importants qui avaient été interrompus. [...] Par ailleurs, lors du vote du projet de loi de finances pour 2007, le gouvernement proposera au Parlement la création d'une recette pérenne nouvelle de 70 millions d'euros par an, prélevée sur les droits de mutation perçus par l'État. Cette recette viendra s'ajouter aux crédits budgétaires. Elle sera versée au Centre des monuments nationaux, qui se verra conférer par la loi une mission de maîtrise d'ouvrage élargie qu'il mènera en complémentarité avec les équipes de maîtrise d'ouvrage des DRAC. Cette recette sera versée rétroactivement dès 2006 [...] ». Ces mesures sont les bienvenues. Elles étaient attendues par l'ensemble des acteurs du secteur. Comme les sénateurs, la mission se réjouit que le Premier ministre se soit saisi du dossier car la situation devenait intenable. Pour autant, si la réponse est intéressante, elle reste partielle et suscite de nombreuses interrogations, qu'il convient de ne pas éluder. 1. Une réévaluation du budget global du patrimoine monumental encore difficile à mesurer Les crédits budgétaires consacrés aux monuments historiques sont rattachés, dans le programme 175 « Patrimoines » de la mission « Culture », à l'action n° 01 intitulée « Patrimoine monumental et archéologique ». Les crédits de paiement, hors dépenses de personnel, consacrés en 2006 à cette action s'établissent à 250 millions d'euros contre 242 millions d'euros en 2006, soit une hausse nominale de 3,3 %. Répartition des crédits en faveur du patrimoine monumental et archéologique
Source : ministère de la culture et de la communication * Dépenses de personnels incluses Par ailleurs, le dégel immédiat de 24 millions d'euros sur les crédits du budget 2006 mis en réserve devrait permettre une relance significative et rapide des chantiers. Ainsi, selon les informations communiquées par le ministère, plus de 18 millions d'euros ont déjà été engagés pour redémarrer un certain nombre de chantiers (10) : les principales cathédrales, la basilique de Saint-Denis, les abbayes de Jumièges et de Fontevraud, le château de Chaumont, le château d'If ou celui de Compiègne, etc. Toutefois, comme l'indique l'intitulé de l'action, celle-ci n'est pas uniquement consacrée au patrimoine monumental. Il convient notamment de soustraire à ce montant les crédits destinés à l'archéologie préventive (subvention de 9 millions d'euros en faveur de l'Institut national de recherches archéologiques préventives) ainsi que des crédits destinés à des actions de diffusion qui ne bénéficient pas directement aux monuments historiques. Selon la direction de l'architecture et du patrimoine, 220 millions d'euros seront affectés au patrimoine monumental proprement dit l'année prochaine. Par ailleurs, la comparaison à périmètre constant avec les crédits de 2006 est quasi impossible du fait de changements de périmètres et d'affectation de ressources extra-budgétaires (fonds de privatisation ou droits de mutation). On ne peut que le déplorer et insister pour que le ministère de la culture présente aux parlementaires un document budgétaire sincère et dont les évolutions seront plus facilement lisibles au cours des prochaines années. Pour autant, en additionnant les crédits budgétaires et la recette affectée, qui sera de 140 millions d'euros en 2007, le montant global des crédits d'État pour le patrimoine monumental devrait s'élever l'an prochain à 360 millions d'euros. On ne peut qu'être satisfait du niveau de ces crédits, qui se situe dans la fourchette de 350 à 400 millions d'euros annuels estimée nécessaire par l'ensemble des acteurs du secteur au maintien en bon état de notre patrimoine monumental. On ne peut que se féliciter de la hausse conséquente de la ligne budgétaire dédiée à l'entretien du patrimoine appartenant à l'Etat. Un entretien régulier et bien mené évite des travaux de restauration, bien plus coûteux en termes financiers, mais également plus « traumatisants » pour le monument. Le rapporteur plaide pour que la même attention soit apportée à l'entretien du patrimoine monumental n'appartenant pas à l'Etat. Par ailleurs, comme le sénateur Nachbar, le rapporteur estime que cet effort important consenti par le gouvernement, très positif dans l'immédiat, ne lève pas toutes les inquiétudes dans l'avenir. 2. L'affectation de recettes au Centre des monuments nationaux Le Centre des monuments nationaux (CMN) est le successeur de la Caisse nationale des monuments historiques. Créé sous forme d'établissement public administratif (EPA) par décreten 2000, il a pour mission « de présenter au public les monuments nationaux ainsi que leurs collections, dont il a la garde, d'en développer la fréquentation et d'en favoriser la connaissance ». Il s'agit de 90 monuments nationaux appartenant à l'État, dont l'abbaye du Mont-Saint-Michel (Manche), l'Arc de Triomphe (Paris), la Sainte-Chapelle (Paris), le Panthéon (Paris), le Château de Pierrefonds (Oise), celui du Haut-Koenigsbourg (Bas-Rhin), etc. qui accueillent environ huit millions de visiteurs par an. Son budget s'est élevé à 68,4 millions d'euros en 2006. a) Un intérêt certain pour les monuments de l'État Les crédits consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques augmentent notamment grâce à la création de cette recette « pérenne », provenant de l'affectation d'une partie du produit de l'impôt sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), décidée par le Premier ministre. L'article 30 du projet de loi de finances prévoit d'affecter au Centre des monuments nationaux, à compter du 1er janvier 2007, une fraction égale à 25 % du produit de ces DMTO, plafonnée à 70 millions d'euros par an. L'article prévoit également que la taxe est affectée de manière rétroactive, dans la même limite, au titre de l'année 2006. Cette nouvelle recette de 140 millions d'euros en 2007 vient s'ajouter aux crédits budgétaires. Selon le ministère de la culture et de la communication, elle permettra d'assurer au financement des travaux de restauration des monuments historiques appartenant à l'État une stabilité suffisante, grâce à l'élaboration et au suivi d'un programme cohérent de travaux de restauration pluriannuel et à la réforme du Centre des monuments nationaux, affectataire de cette nouvelle recette. Pour 2007, étant donné que le Centre des monuments nationaux ne pourra pas encore exercer ses nouvelles missions de maîtrise d'œuvre, sur les 140 millions d'euros prévus, 10 millions seulement resteront à sa disposition, les 130 autres seront reversés, selon les informations dont dispose le rapporteur, sous forme de fonds de concours, au ministère de la culture, pour financer les travaux sur les monuments historiques appartenant à l'État. b) Des interrogations persistantes Cette décision soulève malgré tout quelques interrogations. ● Pourquoi plafonner la recette affectée au Centre des monuments nationaux ? Contrairement au rapporteur général du Sénat, M. Philippe Marini, qui a proposé la suppression de l'article 30 du projet de loi de finances lors de son examen au Sénat, le rapporteur est favorable à cette affectation de crédits, même si elle contredit la philosophie budgétaire française. Elle permettra aux monuments historiques appartenant à l'État de bénéficier d'une certaine sécurité financière. Pour autant, le plafonnement de cette recette à 70 millions d'euros ne permettra pas à la recette d'évoluer, si ce n'est à la baisse, en cas de contraction du produit de la taxe ! D'ailleurs, selon les informations dont dispose la commission des finances du Sénat, le produit de la taxe devrait atteindre 308 millions d'euros en 2006. 25 % de cette somme correspondrait alors à 77 millions d'euros. La fixation d'un plafond aura donc un effet dès 2006. Comme le sénateur Nachbar, le rapporteur estime qu'il convient de supprimer ce plafond de 70 millions d'euros en définissant la recette affectée au Centre des monuments nationaux par son seul taux. Proposition n° 8 : supprimer le plafond de 70 millions d'euros des droits de mutation affectés au Centre des monuments nationaux pour ne conserver que la référence au 25 % du produit de ces droits de mutation. ● Le budget du patrimoine monumental pour 2008 permettra-t-il de compenser la perte de 70 millions d'euros de crédits de paiement par rapport à 2007 ? On peut en effet soulever la question puisqu'en 2008, le patrimoine monumental appartenant à l'État et sous maîtrise d'ouvrage « CMN » ne bénéficiera que d'une affectation de 70 millions d'euros, contre 140 millions d'euros en 2007. 3. Les monuments n'appartenant pas à l'État : les oubliés de ce budget ? a) Des mesures nouvelles qui ne bénéficieront pas directement à ces monuments Sur ce point, le rapporteur partage l'inquiétude de la mission sénatoriale et celle exprimée par le rapporteur général M. Philippe Marini lors des débats budgétaires au Sénat : « Les retards de crédits concernant les travaux affectent l'ensemble des monuments historiques et non pas seulement le patrimoine de l'État. La meilleure façon de répondre à ce besoin est-elle véritablement de réserver des dotations au patrimoine de l'État ? Certes, il existe une fongibilité des crédits », le ministère a d'ailleurs indiqué que les 130 millions d'euros qui lui seraient reversés iraient principalement aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Mais ces fonds seront semble-t-il « fléchés » vers les monuments de l'État et ne seront donc pas utilisés en faveur des monuments privés et des monuments des collectivités territoriales. Bien sûr, ces crédits affectés aux monuments appartenant à l'État devraient permettre de dégager des marges de manœuvres financières sur les autres lignes du budget (entretien et restauration des monuments n'appartenant pas à l'État), mais le rapporteur partage sur ce point les interrogations de M. Yann Gaillard, rapporteur spécial pour les crédits de la culture au nom de la commission des Finances du Sénat (11). En effet, les documents budgétaires ne mettent pas vraiment en évidence « la « réallocation » de 70 millions d'euros de la dotation budgétaire de l'action 1-175 vers l'entretien, la réparation et la restauration de monuments dits « hors grands projets », c'est-à-dire en dehors du périmètre des monuments qui devraient bénéficier de l'affectation d'une partie des droits des mutations à titre onéreux ». Au contraire, les crédits du titre 6 baissent de plus de 18 %... On peut par ailleurs craindre un certain nombre de redéploiements en ces temps de restrictions budgétaires. b) L'intérêt de la création d'une recette affectée pour les monuments appartenant aux collectivités Dans le projet de budget pour 2007, on ne peut que constater que les crédits de paiement du titre 6, qui recouvrent les crédits d'intervention principalement destinés à subventionner les travaux d'entretien ou de restauration de monuments n'appartenant pas à l'État et dont les propriétaires assurent eux-mêmes la maîtrise d'ouvrage, sont en baisse de 18,5 % pour 2007, à 101 millions contre 124 millions d'euros en 2006... Or ces crédits devraient être amenés à se développer puisque l'État se décharge peu à peu de la maîtrise d'ouvrage sur les monuments qui ne lui appartiennent pas. Il y a là une contradiction flagrante, qui constitue une source d'inquiétude importante pour les propriétaires privés et les collectivités, alors même que l'État annonce régulièrement sa volonté de soutenir le secteur ! C'est pour cette raison que le rapporteur soutient la proposition n° 7 de la mission d'information sénatoriale, tendant à créer une recette affectée assise sur le produit de la Française des Jeux. Proposition n° 9 : créer une recette d'au moins 90 millions d'euros, assise sur le produit de la Française des jeux, en faveur des monuments classés et inscrits des collectivités territoriales. Le rapporteur a pu constater que ce mode de financement a fait ses preuves au Royaume-Uni, où les fonds de la loterie nationale constituent la première source de financement public de la restauration des monuments protégés. Dans le système britannique, cette politique est financée à 90 % par les recettes des loteries, à hauteur de 375 millions d'euros par an environ, et le reste sur crédits budgétaires classiques (45 millions d'euros), ce qui permet d'atteindre un montant de 420 millions d'euros environ chaque année. De même, en Italie, les fonds de la loterie nationale sont utilisés depuis plus de dix ans pour de grandes opérations de restauration du patrimoine monumental. Ainsi, au Palais Barberini, à Rome, ces fonds ont permis de financer une première tranche de 12 millions d'euros de travaux (salles, escaliers, jardins) et une deuxième tranche du même montant est prévue pour les trois prochaines années. On le voit, ce type de recettes permet de financer des projets de grande ampleur qui n'auraient sans doute jamais pu voir le jour autrement. Il s'agit en Italie d'un dispositif réactivé au cours des années 90 mais, selon les informations communiquées au rapporteur, la tradition est plus ancienne puisque les papes investissaient déjà les recettes de la loterie dans la restauration et l'entretien de leur patrimoine monumental. La France aussi a eu ses papes, en Avignon. Le rapporteur espère que leurs pratiques financières, qui ont permis la transmission d'un patrimoine de première importance pour notre pays, influenceront demain les pouvoirs publics en faveur du patrimoine monumental ! Certes, comme le rappelle le sénateur Nachbar, « en France, le produit de la Française des Jeux fait déjà l'objet d'un certain nombre de prélèvements publics, au profit du budget de l'État, des comptes sociaux et au profit du sport. Mais « compte tenu de l'importance du chiffre d'affaires de la Française des jeux - près de 9 milliards d'euros en 2005 - un très faible taux garantit un apport financier appréciable [...] Un taux de 1 % permettrait aux monuments publics que sont les monuments des collectivités territoriales, de bénéficier, à l'image des monuments nationaux, d'une recette affectée de 90 millions d'euros ». Dans une étude réalisée pour l'association European Lotteries par la London School of Economics, il ressort que les loteries nationales des 25 pays de l'Union européenne participent en moyenne à hauteur de 33 % de leur chiffre d'affaires au financement de causes d'intérêt général (sport, recherche, santé, éducation, culture, jeunesse, patrimoine). En France, seuls 2 % des mises des joueurs de la Française des jeux sont affectés au Centre national pour le développement du sport (ex-Fonds national pour le développement du sport), ce qui représente 173 millions d'euros en 2006. On est bien loin de ces 33 %... Même si, dans le cadre de notre architecture budgétaire, une affectation directe de produit doit demeurer exceptionnelle car elle contrevient au principe d'unité budgétaire, ce système semble parfaitement fonctionner chez nos voisins européens, où un certain nombre de causes d'intérêt général (dans le secteur de la santé ou le secteur social par exemple) sont financées de cette façon. Il s'agit ici d'un choix politique, en faveur du patrimoine, et le rapporteur, peut-être un peu optimiste, estime que les Français qui parient chaque année seraient d'autant plus incités à le faire s'ils savaient que l'argent qu'ils misent sert ce type de cause. c) L'« amendement Marini » : une avancée en faveur du patrimoine privé Si l'on veut que l'état sanitaire global de notre patrimoine monumental s'améliore, il convient d'agir sur l'ensemble des maillons du système. Les monuments appartenant à l'État bénéficieront en 2007 d'une ressource affectée. Si la proposition de la mission est reprise, les monuments des collectivités devraient rapidement bénéficier du même type de disposition. Seuls les monuments appartenant à des propriétaires privés ne disposent pas à l'heure actuelle de nouvelles ressources, si ce n'est par un hypothétique redéploiement des crédits budgétaires en leur faveur. Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances 2007, l'amendement de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, voté à l'article 10 du projet de loi, constitue une avancée intéressante en faveur du patrimoine privé. Cet article a été adopté avec quelques modifications rédactionnelles en commission mixte paritaire et entrera donc définitivement en vigueur au début de l'année 2007. En effet, en l'état actuel de la législation, le mécénat n'est pas accessible de façon significative aux monuments historiques privés. La « documentation de base » (DB 5 B 331), c'est-à-dire l'interprétation du ministère des finances, sur les organismes d'intérêt général, qui s'applique pour le mécénat, fait une interprétation restrictive de la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations et précise clairement que les dons versés aux monuments privés n'ouvrent pas droit aux réductions d'impôt précitées. Comme l'association des amis du Château de Brissac l'a confirmé au rapporteur, il lui est impossible de participer dans ce cadre aux restaurations de gros œuvre du château (toitures, fondations, etc.) puisque l'administration fiscale considère que cela contribuerait à augmenter la valeur du château, qui en l'occurrence appartient à la famille de Brissac. Or, selon les informations communiquées à la mission, le montant de la première tranche de travaux sur les toitures, qui sont dans un état aujourd'hui inquiétant et mettent donc en péril l'étanchéité de l'édifice, est évalué par les entreprises compétentes et les services de l'État à 200 000 euros... Un propriétaire privé ne peut seul assumer cette charge, même seulement à 50 %. Extrait de la documentation de base du ministère des finances « Les dons doivent être effectués à des œuvres ou organismes qui répondent aux conditions suivantes : « - Être d'intérêt général. « Cette condition est remplie si une activité n'est pas lucrative, si la gestion est désintéressée et si aucun avantage n'est procuré à ses membres. « · Activité non lucrative et gestion désintéressée. « (...) Il est admis que l'existence d'activités lucratives ayant fait l'objet d'une sectorisation ne remet pas en cause la qualification d'intérêt général d'une association ou d'une fondation. La sectorisation permet ainsi à ces organismes de bénéficier des mesures en faveur du mécénat bien qu'ils exercent une activité lucrative. « Pour bénéficier de l'avantage fiscal, les versements doivent cependant être affectés directement et exclusivement au secteur non lucratif de l'organisme bénéficiaire. « Sont exclus les organismes qui fonctionnent au profit d'un cercle restreint de personnes, même s'ils remplissent les deux conditions précédentes. « Seraient considérés comme exerçant leur activité au profit d'un cercle restreint de personnes, des organismes qui auraient pour objet par exemple de servir les intérêts d'une ou plusieurs familles, personnes ou entreprises, de faire connaître les œuvres de quelques artistes, ou les travaux de certains chercheurs, etc. ». Pourtant, l'article 238 bis du code général des impôts ne le prévoit pas explicitement puisqu'il dispose qu'ouvrent droit à la réduction d'impôt les versements au profit notamment « d'œuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique ». De même, pour les dons des particuliers, l'article 200 du même code prévoit que la réduction d'impôt est ouverte pour les versements au profit « de fondations ou associations reconnues d'utilité publique lorsque ces organismes répondent aux conditions fixées au b », c'est-à-dire lorsqu'il s'agit « d'œuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l'achat d'objets ou d'œuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France accessibles au public ». Cette interprétation de « l'intérêt général » par l'administration fiscale est relativement restrictive, puisque les associations d'amis sont le plus souvent reconnues d'intérêt général. Par ailleurs, dans le cas particulier du patrimoine monumental, elle conduit à des incohérences : n'est-il pas moins coûteux pour la collectivité qu'un monument soit conservé et entretenu par son propriétaire, avec l'aide d'associations reconnues d'intérêt général et de mécènes, plutôt que par l'État ? Dans ce contexte, l'amendement voté par le Sénat permettra à l'avenir, par l'intermédiaire de la Fondation du patrimoine ou de toute autre association ou fondation reconnues, que les dons versés à des monuments privés ouvrent droit aux réductions d'impôt prévues par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts. Le dispositif est relativement complet et permet de contourner la difficulté évoquée ci-dessus : la Fondation du patrimoine et d'autres fondations ou associations reconnues d'utilité publique et agréées par le ministre chargé du budget auront dans ce dispositif un rôle d'intermédiaire. La réduction d'impôt pour mécénat sera ouverte lorsque des dons seront versés à ces fondations ou associations, pour subventionner les travaux de conservation, de restauration ou d'accessibilité de monuments privés, le donateur pouvant affecter son don à un monument précis. Les travaux de restauration envisagés par le propriétaire privé devront être détaillés dans la convention signée entre la fondation ou l'association et la personne physique ou société civile immobilière (SCI) propriétaire du bâtiment à restaurer. Le code du patrimoine est également modifié pour prévoir que la Fondation du patrimoine puisse conclure avec les propriétaires privés de monuments classés ou inscrits ce type de convention, alors que son action se limitait jusqu'à maintenant au patrimoine non protégé. Le dispositif est très strictement encadré puisqu'il prévoit que le donateur et le bénéficiaire du don doivent être strictement différents. Les donateurs, les membres de leur foyer fiscal, les ascendants, descendants et collatéraux ne doivent pas avoir eux-mêmes conclu une convention avec la Fondation du patrimoine et être propriétaires du monument bénéficiant du don. Des dispositions similaires sont prévues lorsque le donateur ou le propriétaire du monument privé sont des entreprises (les associés de l'entreprise ou les personnes qui la composent doivent être distingués des bénéficiaires du mécénat). Enfin, deux conditions supplémentaires encadrent cette possibilité de mécénat en faveur des monuments privés : - le propriétaire du monument privé ayant bénéficié d'un versement doit ouvrir le monument au public pendant dix ans à compter de la date d'achèvement des travaux ; - il doit s'engager à conserver pendant dix ans l'immeuble ayant bénéficié d'un don de ce type. En cas de revente, le propriétaire devra reverser le montant de la subvention, réduit d'un abattement de 20 % pour chaque année, au-delà de la cinquième année de conservation de la propriété de l'immeuble. Le rapporteur se félicite de l'adoption définitive de cet amendement car il permettra, dès janvier 2007, un développement du rôle de la Fondation du patrimoine et donne également un rôle accru aux associations et fondations œuvrant dans le secteur, deux points auxquels la mission est particulièrement attachée. Le rapporteur tient malgré tout à souligner deux limites potentielles à la bonne application du dispositif : - s'agissant de la condition d'ouverture au public : seuls les monuments les plus importants pourront dans ce cadre bénéficier de la mesure, les autres ne pouvant pas ouvrir au public, sauf dans des conditions économiques désastreuses ; - s'agissant de l'agrément par le ministère des finances, obligatoire pour les associations et les autres fondations : le rapporteur estime qu'il est redondant avec leur « utilité publique » déjà reconnue par le ministère de l'intérieur et qu'il constitue à la fois un alourdissement inutile de la procédure, mais procède également d'une suspicion mal venue à l'égard de ces partenaires essentiels. C. LA NÉCESSITÉ D'UNE STABILITÉ DES MOYENS BUDGÉTAIRES ET D'UNE MEILLEURE GESTION PRÉVISIONNELLE DES DÉPENSES Dans le cadre de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, le ministère de la culture doit, sur la base des objectifs et des indicateurs de performance qu'il présente au Parlement chaque année, pouvoir rendre compte de ses choix politiques et de ses choix de gestion. Or l'instabilité chronique des moyens budgétaires, les perpétuels redéploiements de crédits et les carences actuelles de l'évaluation de cette politique constituent des freins à cette évaluation. 1. L'importance de la stabilité des moyens budgétaires pour le patrimoine monumental Il convient en effet de rappeler ce qui peut paraître une évidence : les chantiers de restauration des monuments historiques sont des opérations de longue haleine, qui s'étendent sur plusieurs années et nécessitent donc une grande stabilité financière de la part de l'ensemble des parties pour être menés à leur terme. Comme le rappelle le sénateur Nachbar dans son rapport, « les cinq années qui viennent de s'écouler ont démontré jusqu'à l'absurde les conséquences extrêmement négatives des fluctuations budgétaires ». Pour ne donner qu'un exemple, la direction régionale des affaires culturelles souligne ainsi qu'en Alsace, « les besoins de travaux sont nombreux mais gérables pour peu qu'on dispose des moyens financiers réguliers et cohérents (...) et qu'on puisse engager les projets nouveaux. Ce n'est pas le cas aujourd'hui ». Le rapporteur plaide ici avec fermeté pour cette stabilité, dût-elle passer par le vote d'une loi programme et par l'affectation, proposée précédemment, d'une part croissante de recettes fiscales à cette politique. Par ailleurs, il convient de rappeler que les variations brutales des crédits budgétaires ont un coût que ni les services du ministère de la culture, ni ceux du ministère des finances n'ont sans doute évalué mais qui est loin d'être négligeable : celui de la location des échafaudages sur les chantiers arrêtés, ainsi que la révision des prix sur les marchés suspendus. Ainsi, en Alsace, la direction régionale des affaires culturelles évalue à 100 000 euros le coût de location des échafaudages pour la cathédrale de Strasbourg et à 12 000 euros ceux de l'église Saint-Pierre et Paul de Rosheim. Tous les marchés suspendus ont par ailleurs fait l'objet d'une révision de prix. En Picardie, la DRAC a évalué en mars 2006 à 407 000 euros le surcoût de la location des échafaudages pour les chantiers et à 227 000 euros les indemnités dues aux entreprises (sur un montant de travaux de 3,250 millions d'euros) sur la durée de l'année budgétaire... En région Centre, en 2003-2004, la conservation régionale a dû interrompre cinq chantiers, entraînant 50 000 euros de surcoûts, alors même que « les chantiers arrêtés ont été choisis parmi ceux qui entraînaient le moins de préjudice possible aux entreprises (celles qui pouvaient occuper leurs moyens sur d'autres chantiers) et les pénalités les moins coûteuses pour l'État ». L'efficacité de la dépense publique est ici bel et bien mise à mal, d'autant plus que des fonctionnaires, dont ce n'est pas le métier, sont mobilisés de manière importante pour gérer ces arrêts intempestifs et répétés de chantiers, effectuer ces simulations et gérer les variations récurrentes de budgets. Il conviendrait à l'avenir d'évaluer ce type de coût avant de prendre des décisions aussi brutales. S'agissant de la programmation de l'effort financier de l'État, une meilleure lisibilité à moyen terme permettrait aux autres partenaires de prendre position et d'être rassurés sur les intentions de ce bailleur souvent impécunieux. L'exemple de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, dans un domaine très différent mais où les fluctuations de l'intervention de l'État ont fait jusqu'à récemment de gros dégâts, ne peut que conforter ce point de vue : chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître l'importance de cette programmation dans le développement actuel des opérations de rénovation urbaine depuis le vote de cette loi. Dans ce cadre financier stabilisé et protégé, chaque partenaire dispose d'une vision claire de son engagement. Le rapporteur plaide pour une telle lisibilité dans le domaine de la politique du patrimoine. Proposition n° 10 : prévoir dès le début de la prochaine législature l'examen d'un projet de loi de programmation en faveur du patrimoine monumental, récapitulant les engagements de l'État et des autres partenaires pour les cinq années suivantes. Par ailleurs, comme le souligne le sénateur Nachbar dans son rapport, « cette stabilisation paraît aujourd'hui d'autant plus indispensable que, sous l'empire de la LOLF, qui limite drastiquement les reports de crédits, le ministère ne peut plus compter sur des réserves de crédits non consommés des exercices antérieurs, qui lui permettaient autrefois d'amortir les contrecoups des dépenses imprévues ou des fluctuations budgétaires conjoncturelles ». 2. La mise en place d'une véritable gestion prévisionnelle de l'entretien et des restaurations Si, selon les informations fournies au rapporteur par le ministère et les directions régionales des affaires culturelles, une programmation très fine des priorités est établie par les services centraux et déconcentrés du ministère de la culture, en tenant notamment compte de l'état sanitaire des monuments, la situation reste aujourd'hui insatisfaisante dans ce domaine également. Or dans le cadre de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, les administrations publiques doivent justifier « au premier euro » leurs demandes de crédits. Cette obligation, certes récente, doit aujourd'hui trouver sa traduction opérationnelle dans les documents transmis par le ministère de la culture au Parlement. Le rapporteur a en effet été très surpris de constater que le ministère ne dispose que depuis peu d'outils performants, centralisés et informatisés de gestion financière et comptable et qu'il ne dispose pas précisément d'une évaluation des besoins et des moyens financiers nécessaires à la restauration et à l'entretien du patrimoine monumental. En effet, les applications informatiques « Arpège » et « Agrégée », qui permettront de suivre la consommation tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement et d'avoir une vision pluriannuelle des opérations d'investissement, ne seront mises en place qu'en 2007 et 2008... Dans ce contexte, comment distinguer de manière pertinente les priorités et fixer un échéancier raisonnable pour leur réalisation ? a) Une pratique comptable et financière encore artisanale mais qui tend à se normaliser La pratique comptable et financière du ministère de la culture, si l'on se fie aux informations communiquées par le ministère au rapporteur, révèle un caractère que le rapporteur qualifierait volontiers d'artisanal. Or les échanges parfois polémiques entre le ministère et les acteurs du patrimoine sur les données budgétaires justifient plus que jamais la mise en œuvre d'un tableau de bord efficace. L'administration centrale du ministère est encore dans l'impossibilité pratique de faire remonter rapidement les informations comptables et budgétaires en provenance des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et du Centre des monuments nationaux. Pour ce dernier, la situation semble meilleure, même si, jusqu'en 2004, il ne pouvait disposer de telles informations en provenance des monuments qu'il gérait ! Mais, selon les informations fournies par le Centre au rapporteur, « le renforcement du dialogue de gestion entre le siège et les monuments » est en cours et des procédures normalisées ont été mises en place depuis 2005. Ces efforts de normalisation des procédures (par l'élaboration d'un recueil des procédures budgétaires et comptables, la mise à disposition et la formation des personnels compétents) ont fourni des outils appelés à devenir des références quotidiennes et partagées dans le dialogue des monuments avec le siège. Par ailleurs, le Centre des monuments nationaux dispose depuis 2004 d'un logiciel de suivi budgétaire, « Infoview », mis à disposition des monuments pour leur permettre via internet, un accès sécurisé à des états de suivi budgétaire fiabilisés et actualisés en temps réel. Le logiciel donne aujourd'hui une information précise sur le budget disponible (consultation des taux d'engagement et de mandatement), ainsi que sur l'état de traitement de chaque commande et de chaque mandat (date de paiement du fournisseur par l'agence comptable du siège notamment), mais offre aussi un accès à l'ensemble des données nécessaires à une maîtrise détaillée de l'exécution budgétaire : ventilation analytique des dépenses, suivi des seuils du code des marchés publics par famille de nomenclature, historique des mouvements budgétaires, suivi des régularisations des charges à payer, etc. La situation n'est pas aussi satisfaisante au niveau de l'administration centrale du ministère. S'agissant par exemple de la répartition du budget entre monuments inscrits et classés, chaque directeur régional des affaires culturelles propose une répartition à son préfet et la gestion de ces crédits est entièrement déconcentrée. Mais selon les informations communiquées par le ministère au rapporteur, « l'outil comptable actuel, " India ", ne permet pas de suivre l'évolution de ces crédits par catégorie » au niveau central, alors même que le rôle de pilote et de coordonnateur de l'administration centrale du ministère de la culture et de la communication est fondamental, dans un système où les décisions opérationnelles sont normalement prises en DRAC. Par ailleurs, « les outils informatiques actuellement en place ne permettant pas de disposer des statistiques sur la participation des partenaires de l'État ». Dans ce cadre, comment évaluer la pertinence de la politique du patrimoine et des efforts de chacun ? Le ministère de la culture s'est tout de même attelé à la tâche puisqu'un important chantier de développement de nouveaux outils informatiques est en cours. Selon les informations communiquées au rapporteur par le ministère, « les années 2007 et 2008 devraient voir le déploiement des logiciels en réseau destinés à la gestion des crédits des DRAC en mode LOLF d'une part (Arpège) et au suivi des opérations menées sur les monuments historiques d'autre part (Agrégée) ». Agrégée sera déployé en DRAC à partir d'avril 2007. Cela permettra notamment de distinguer les crédits de subvention pour travaux sur les monuments n'appartenant pas à l'État (titre 6) alloués aux collectivités territoriales et ceux alloués aux propriétaires privés et de disposer de statistiques consolidées sur la part des collectivités et des propriétaires dans les travaux d'entretien et de restauration de monuments historiques. On ne peut que soutenir cette action et plaider pour une mise en œuvre rapide et complète de ces outils de gestion financière et comptable. Il conviendra par ailleurs de veiller à ce que les personnels chargés de ces questions disposent d'une formation approfondie et rapide sur ces nouveaux outils. Proposition n° 11 : accélérer le déploiement des logiciels de gestion financière et comptable en réseau au sein de l'ensemble des services centraux et déconcentrés du ministère de la culture, et de ses établissements publics, et veiller à la formation rapide et complète des personnels en charge de ces dossiers. b) Le ministère de la culture et la construction d'une véritable politique de suivi des monuments historiques protégés L'efficacité de la gestion financière et comptable est un premier pas, la mise en place d'un véritable contrôle de gestion et d'un suivi global des monuments protégés devraient compléter ce premier aspect. Selon les informations fournies à la mission par la DRAC de Languedoc-Roussillon, jusqu'à ces dernières années, la direction de l'architecture et du patrimoine tenait un fichier sanitaire informatisé de chaque monument classé. Or ce document a été abandonné par la direction de l'architecture et du patrimoine sans transfert du fichier informatique aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC). On ne peut que le regretter, puisqu'en l'absence de fichier national, c'est le système de gestion de chaque conservation régionale des monuments historiques ou de chaque DRAC qui enregistre ces données, mais de manière non automatique et différente selon les régions. Ainsi, en région Centre, la DRAC a indiqué à la mission que « le fichier de l'état sanitaire des 823 monuments historiques classés de la région » a été mis à jour en mai 2005 et qu'il « montre qu'un tiers (34,5 %) est concerné pour tout ou partie par une urgence sanitaire, soit 284 monuments ». À l'inverse, en Basse-Normandie, « l'état sanitaire du patrimoine [protégé] n'est pas connu avec précision pour chaque monument, l'établissement d'un fichier sanitaire s'étant jusqu'ici heurté à l'absence de normes en la matière et à l'insuffisance des moyens humains pour le mener ». La DRAC des Pays de la Loire estime, quant à elle, que le succès des réformes actuellement en cours, notamment celle du transfert de la maîtrise d'ouvrage, dépendra largement de la possibilité de mettre en place une circulation de l'information efficace et de la capacité des DRAC et des services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP) à jouer un véritable rôle de centre de ressources. Or, dans la réponse au questionnaire de la mission fournie par la DRAC des Pays de la Loire, celle-ci estime que « les évolutions ne dépendent pas de la seule bonne volonté de la DRAC mais aussi largement de l'évolution des outils informatiques nationaux et des moyens mis à la disposition des DRAC pour développer toute forme utile de technologies nouvelles en matière de circulation de l'information ». Proposition n° 12 : mettre en place un fichier sanitaire centralisé et informatisé sur l'ensemble des monuments classés, listant l'ensemble des interventions d'entretien et de restauration et l'état actuel du bâtiment. II.- À MOYEN TERME : AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DES OUTILS LÉGAUX ET FISCAUX Le « Plan pour le patrimoine » de 2003 comportait un certain nombre de mesures budgétaires, dont on vient de souligner l'intérêt, mais aussi les insuffisances persistantes. Mais son action se développait également dans les domaines légaux et fiscaux, et notamment : - par le biais d'incitations juridiques et fiscales pour favoriser l'action des propriétaires privés et des associations. Les mesures ont concerné le régime d'exonération des droits de mutation, la déductibilité des primes d'assurance, des assouplissements juridiques, notamment en matière de déclaration de la valeur des biens assurés dans les contrats d'assurance et l'adaptation des textes régissant les conditions d'ouverture au public. L'adoption de ces dispositions fait l'unanimité chez l'ensemble des acteurs du patrimoine. - par le biais d'une modification des procédures en matière de protection et de travaux sur les monuments historiques. Celle-ci a été amorcée par l'ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés, qui pose notamment le principe du retour de la maîtrise d'ouvrage sur les travaux aux propriétaires et affectataires de monuments historiques. Les décrets d'application de cette ordonnance sont actuellement en cours de finalisation avant leur examen par le Conseil d'État. Ils ont, selon les informations communiquées au rapporteur par le ministère, pour objectif « de simplifier les procédures pour le propriétaire, avec l'instauration d'un « guichet unique », d'un délai unique de réponse et d'une autorisation ou d'un accord tacite de l'administration si celle-ci n'a pas donné de réponse à l'issue du délai ». Par ailleurs, les conditions d'assistance à la maîtrise d'ouvrage du propriétaire par les services de l'État doivent y être définies, les conditions d'exercice de la maîtrise d'œuvre y sont réformées et les modalités du contrôle scientifique et technique des services de l'État sur les travaux y sont précisées. Selon le ministère, « l'exercice de la maîtrise d'œuvre des travaux sera facilité en donnant le choix de l'architecte en chef des monuments historiques aux propriétaires privés et publics et en permettant l'accès à d'autres architectes français ou européens pouvant justifier de références et d'une expérience équivalente ». Mais le rapporteur ne retire pas ce sentiment des différentes auditions et du déplacement que la mission a pu effectuer en Maine-et-Loire. Si un certain nombre d'évolutions étaient nécessaires, il s'interroge sur l'opportunité de la multiplication des réformes, conjointes et concomitantes, dans un secteur déjà secoué par les difficultés budgétaires. A. UNE REFONTE PROFONDE ET RÉCENTE DE L'ARCHITECTURE LÉGALE ET RÉGLEMENTAIRE DU SECTEUR 1. Un rappel : de nombreux intervenants étatiques dans le domaine de la protection et de l'entretien du patrimoine monumental au niveau local Ce rappel, certes très descriptif, est fondamental pour comprendre le fonctionnement des services de l'État en charge du patrimoine en région et l'ampleur des réformes en cours. a) Le conservateur régional des monuments historiques Il est placé sous l'autorité du directeur régional des affaires culturelles. Il dirige la conservation régionale des monuments historiques (CRMH), veille au respect de la législation du secteur et réalise le recensement et l'étude du patrimoine à protéger. Il coordonne le suivi de l'état sanitaire des monuments. Il élabore sur les plans technique et financier les programmes de restauration des monuments protégés. Enfin, il assume le contrôle des travaux de restauration sur les monuments historiques classés dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par les propriétaires et surveille ceux dont l'exécution est assurée par les services du ministère. b) L'architecte en chef des monuments historiques Recruté par un concours d'État, il est nommé par le ministre chargé de la culture dans une circonscription géographique. Il a un statut particulier puisque c'est un professionnel libéral avec obligation de service public. Il est principalement rémunéré par honoraires. Il assiste la conservation régionale des monuments historiques pour la programmation annuelle des travaux. Conformément aux orientations définies par le propriétaire du monument, en liaison avec la CRMH, il élabore les propositions d'études préalables aux travaux de restauration des monuments historiques classés. Il établit les dossiers d'études préalables et de restauration des monuments historiques classés en concertation avec le maître d'ouvrage. Ses dossiers sont approuvés par l'administration après avis de l'inspection générale des monuments historiques. Il est chargé, en tant que maître d'œuvre, de diriger les travaux sur les immeubles classés si les propriétaires reçoivent une aide financière de la DRAC pour la réalisation des travaux mais il peut également intervenir sur tout édifice à la demande de son propriétaire, en tant que professionnel libéral. c) L'inspecteur général des monuments historiques L'inspection générale des monuments historiques s'articule en deux spécialités, intervenant fréquemment ensemble, en fonction de leurs spécificités : l'inspecteur général des monuments historiques - conservateur général du patrimoine, qui est un historien d'art de formation et l'inspecteur général des monuments historiques - architecte en chef des monuments historiques. Ils rendent conjointement, selon leurs compétences respectives, leurs avis aux DRAC sur les études et projets de restauration du patrimoine monumental, sur les projets de programmation de travaux, ou tout sujet important nécessitant une expertise approfondie dans le domaine du patrimoine. Ils contrôlent tous deux la mise en œuvre des travaux de restauration approuvés et peuvent se voir confier par le ministre toute mission d'expertise ou de conseil relevant de leur spécificité. d) Les services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP) Les SDAP sont des services déconcentrés du ministère de la culture et de la communication, à l'échelon départemental. Par décret n° 79-180 du 6 mars 1979, ces services ont succédé aux agences des bâtiments de France, nées dans l'immédiat après-guerre. Auparavant sous la tutelle du ministère de l'équipement, ils ont été administrativement rattachés en 1996 au ministère de la culture, mis à disposition du ministère chargé de l'environnement pour les sites et « rebaptisés » services départementaux de l'architecture et du patrimoine. Les SDAP exercent trois grandes missions : le conseil, le contrôle et la conservation. Ils jouent un rôle de premier plan de conseil et de promotion d'une architecture et d'un urbanisme de qualité. Ils délivrent des avis sur tous les projets qui ont pour effet d'apporter des modifications dans les espaces protégés bâtis ou naturels. Enfin, ils sont conservateurs des monuments historiques placés sous la responsabilité de la direction de l'architecture et du patrimoine (cathédrales, châteaux...) et assurent la maîtrise d'œuvre pour ce qui concerne les travaux d'entretien des édifices classés. À un bout de la chaîne, le SDAP conseille, oriente les politiques d'aménagement et prend part à l'élaboration des documents d'urbanisme. À l'autre bout, il règle des cas concrets sur le terrain. Les responsables des SDAP sont des architectes, le plus souvent architectes des bâtiments de France (ABF). e) L'architecte des bâtiments de France Recruté par un concours d'État, l'architecte des bâtiments de France est un fonctionnaire d'État. Sa mission est double : - faire appliquer les législations sur l'architecture, l'urbanisme, les sites, les monuments historiques et leurs abords ; les projets de construction aux abords de monuments historiques doivent notamment recueillir son avis conforme ; - diriger les travaux d'entretien sur les édifices classés monuments historiques lorsqu'ils sont subventionnés par l'État et contrôler les travaux sur les édifices inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Il est en outre conservateur des monuments historiques appartenant à l'État dans le département et affectés au ministère chargé de la culture. 2. Le toilettage de la loi du 31 décembre 1913 par l'ordonnance du 8 septembre 2005 a) La loi de 1913 : fondement de notre régime de protection et d'intervention sur le patrimoine monumental Au XIXe siècle, et alors que plusieurs listes de monuments classés avaient déjà été établies (en 1840, 1846, 1862, 1875, 1889 et 1900), une première loi sur les monuments historiques fut adoptée le 30 mars 1887(12). Elle avait le mérite de donner au classement une portée juridique alors qu'il n'avait précédemment qu'une valeur indicative. Le dispositif retenu était alors encore assez restrictif : seuls les biens présentant un « intérêt national d'art ou d'histoire » pouvaient être classés, le classement des immeubles appartenant à des propriétaires privés n'était possible qu'avec leur accord. C'est dans ce contexte qu'une nouvelle loi est apparue nécessaire. À cet égard, la loi du 31 décembre 1913 comble certaines lacunes de la loi de 1887 avec, comme principales innovations, la substitution de l'intérêt public à l'intérêt national pour justifier le classement d'un bien, l'institution de la possibilité de classer des biens immeubles ou meubles, même en l'absence de consentement du propriétaire, la création de l'inscription à l'inventaire supplémentaire pour les édifices qui, sans justifier un classement immédiat, présentent cependant un intérêt suffisant pour en demander la conservation. Par ailleurs, la loi entérinait tous les classements intervenus avant sa promulgation. Ceux-ci ont été publiés au Journal officiel le 18 avril 1914. Au cours du XXe siècle, la loi de 1913 a été modifiée et complétée à de nombreuses reprises. Ses dispositions, qui ont été intégrées dans la partie législative du code du patrimoine (livre VI) publiée le 20 février 2004, demeurent le fondement du système d'intervention de l'État pour la protection et la sauvegarde des monuments historiques. b) Des modifications législatives bienvenues... Si le bilan d'application de la loi est incontestablement très positif, le patrimoine français étant l'un des mieux préservés au monde, il n'en reste pas moins qu'au fil du temps, ce régime est devenu complexe, mais aussi inadapté sous plusieurs aspects. Il était donc devenu nécessaire de procéder à des aménagements « pour rendre le droit plus lisible et compréhensible pour le citoyen, mais aussi plus cohérent et plus efficace », selon les informations communiquées au rapporteur par le ministère. C'est à ce titre qu'un important travail a été engagé depuis trois ans, qui vise d'une part à codifier les textes existants, d'autre part à actualiser, simplifier et moderniser le dispositif. Après la publication de la partie législative du code du patrimoine en 2004, la réforme engagée par l'ordonnance n° 2005-1128 relative aux monuments historiques et espaces protégés du 8 septembre 2005 est une réforme de fond qui vise, « sans renoncer au principe de protection et de traitement exceptionnel des monuments classés, à moderniser et libéraliser les procédures d'intervention sur ce patrimoine » sur quatre aspects principaux. ● La restitution au propriétaire du monument historique de la maîtrise d'ouvrage des travaux En premier lieu, la maîtrise d'ouvrage des travaux est réaffirmée comme une prérogative du propriétaire, qu'il soit public ou privé, ou de l'affectataire des locaux. L'article L. 621-29-2 du code du patrimoine affirme cette prérogative, mettant fin à une interprétation et une pratique de la loi du 31 décembre 1913 qui autorisent les services de l'État à assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les monuments classés, quel que soit leur propriétaire. Cette restitution tire les conséquences du mouvement continu vers l'autonomie juridique des collectivités territoriales, notamment depuis les lois de décentralisation qui se sont succédé depuis 1982. L'État ne peut plus, dans ce nouveau cadre, se positionner en tant que maître d'ouvrage sur des monuments qui ne lui appartiennent pas, même s'il contribue au financement des travaux. Cette réforme ne fait en réalité qu'appliquer au propriétaire de monument classé le droit commun de la maîtrise d'ouvrage et s'inspire directement de recommandations du rapport du sénateur Gaillard d'octobre 2002. D'ailleurs, dans la pratique, le ministère a demandé dès 2003 aux directions régionales des affaires culturelles de se dessaisir progressivement de la maîtrise d'ouvrage de ces monuments. ● La création d'une possibilité d'assistance à la maîtrise d'ouvrage Cette mesure se double de la possibilité - aujourd'hui encore relativement théorique puisque le décret d'application de cette mesure n'est toujours pas paru - pour les propriétaires ne disposant pas des moyens d'assurer eux-mêmes l'intégralité des missions de maîtrise d'ouvrage ou de la faire réaliser par des intervenants extérieurs spécialisés, de demander l'assistance des services de l'État, assistance qui pourra leur être accordée à titre gratuit sous conditions, qui vont être fixées par le décret. L'article L. 621-29-2 permet en effet aux services de l'État d'assurer à titre gratuit des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage lorsque le propriétaire ne dispose pas, du fait de la faiblesse de ses ressources ou de la complexité de l'opération, des moyens d'assurer seul sa mission de maître d'ouvrage. Selon les informations communiquées au rapporteur par le ministère, le décret d'application précisera, d'une part, les critères d'accès à ces prestations d'assistance à maîtrise d'ouvrage gratuite et, d'autre part, les modalités d'exercice des missions de maîtrise d'ouvrage dans les différentes situations, ainsi que le mode de rémunération des services de l'État lorsque celui-ci interviendra à titre payant, selon le principe de la facturation au coût complet. L'assistance des services de l'État pourra également être accordée lorsque le propriétaire se trouvera confronté à la carence avérée de l'offre privée en matière d'assistance à maîtrise d'ouvrage. Cette prestation sera alors payante à l'instar de l'ingénierie des directions départementales de l'équipement (DDE) pour les collectivités locales. C'est le préfet de région qui appréciera la situation au cas par cas, l'objectif général étant de garantir que toute intervention sur un monument historique pourra se faire « dans des conditions garantissant le respect du monument ». ● La réforme de la maîtrise d'œuvre L'ordonnance prévoit l'obligation pour le propriétaire d'un immeuble ou objet classé de recourir pour les travaux d'entretien et de restauration à des catégories de professionnels déterminés par décret, quel que soit leur propriétaire ou le mode de financement. Il est ainsi mis fin à l'actuelle et incompréhensible différence de régime applicable : - aux monuments de l'État, soumis ou non à l'intervention de l'architecte en chef des monuments historiques, selon que l'immeuble est ou non affecté au ministère de la culture ; - aux monuments des collectivités locales et des propriétaires privés, selon que les travaux sont ou non subventionnés par le ministère de la culture. Dans ce nouveau cadre, l'ordonnance organise surtout la fin du monopole territorial des architectes en chef des monuments historiques (ACMH) pour la maîtrise d'œuvre des travaux sur les monuments n'appartenant pas à l'État. Lors de son audition par la mission, M. Michel Clément, directeur de l'architecture et du patrimoine, a très clairement exposé les raisons de cette réforme. D'une part, la restitution de la maîtrise d'ouvrage au propriétaire implique que celui-ci puisse choisir son maître d'œuvre. D'autre part, depuis 2004, la Commission européenne interpelle régulièrement la France sur ce régime particulier et vient de notifier un avis motivé sur les restrictions à la maîtrise d'œuvre aux seuls architectes issus du concours des architectes en chef. La concertation menée au sein d'un groupe de travail conduit par la direction de l'architecture et du patrimoine avec les architectes en chef a abouti à ce que les architectes en chef acceptent effectivement d'abandonner leur monopole territorial pour la maîtrise d'œuvre des travaux sur les monuments n'appartenant pas à l'État. Le rapporteur n'a pas eu communication du projet de décret mais M. Clément lui a indiqué que la réforme visait à ouvrir la possibilité, à d'autres architectes français ou européens, pouvant justifier de compétences et l'expérience équivalentes pour les travaux en cause, de récupérer la maîtrise d'œuvre des travaux de restauration sur monuments classés. ● Le renforcement du contrôle scientifique et technique de l'État sur les monuments historiques Enfin, l'ordonnance prévoit le repositionnement de l'État sur ses missions de contrôle des travaux de restauration et d'entretien des monuments protégés. Le nouveau partage de la maîtrise d'ouvrage entre de nombreux acteurs, ainsi que la possibilité reconnue au propriétaire de choisir librement son maître d'œuvre, « rendent nécessaire une formalisation et un renforcement des procédures de contrôle des services de l'État sur la réalisation des travaux sur immeubles et objets », comme l'a rappelé M. Clément. Mais cette réflexion sur les missions des services déconcentrés s'inscrit également dans le cadre de la réforme entreprise pour rapprocher les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et les services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP). Le contrôle scientifique et technique devrait à l'avenir être renforcé par une plus grande « formalisation », selon les informations transmises par la direction de l'architecture et du patrimoine à la mission. Le rapporteur regrette de ne pas avoir pu prendre connaissance de l'ensemble de ces projets de décrets, au motif qu'ils sont encore au stade de la négociation interministérielle. La direction de l'architecture et du patrimoine (DAPA) a indiqué que : « L'ensemble des décrets d'application de l'ordonnance du 8 septembre 2005 doivent être publiés ensemble et en tous cas entrer en vigueur en même temps. L'ordonnance fixe la date butoir au 1er janvier 2008. Ce travail est complexe à mener sur tous les fronts en même temps, d'où ce délai assez long ». Il conviendrait que la représentation nationale puisse être destinataire de ces documents, notamment lorsqu'elle met en place une mission d'information sur un thème bien précis. Les décrets d'application devraient être publiés dans le courant de l'année prochaine. Selon les informations communiquées par le ministère au rapporteur, « l'ensemble du chantier de révision du dispositif s'achèvera en 2008 avec la publication de la partie réglementaire du code du patrimoine ». c) ... mais déstabilisatrices dans un contexte budgétaire tendu L'intérêt du toilettage de la loi de 1913 ne fait aucun doute et le rapporteur ne conteste pas l'importance des réformes en cours. Mais il s'interroge suite aux différentes auditions qu'il a menées, dans le cadre de cette mission comme dans le cadre de la préparation du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) (13), durant lesquelles les mêmes inquiétudes se sont fait jour. Le secteur semble avoir perdu ses repères et le rapporteur plaide pour une pause dans les réformes, afin de parachever sereinement ce qui a été commencé et de prendre le temps d'assurer une certaine stabilisation budgétaire. Vouloir mener de front l'ensemble de ces chantiers lui semble hasardeux. Les personnes auditionnées par la mission, ou rencontrées lors des déplacements, et les directions régionales des affaires culturelles qui ont répondu au questionnaire du rapporteur s'accordent pour s'inquiéter de plusieurs conséquences de ces réformes, mais également sur l'absence de visibilité liée à la non-parution des décrets, plus d'un an après la parution de l'ordonnance et plus de trois après le transfert « de fait » de la maîtrise d'ouvrage aux propriétaires... Or l'ordonnance fixe la date butoir de parution des décrets d'application au 1er janvier 2008 ! En premier lieu, s'agissant du rapprochement entre les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et les services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP), les acteurs du secteur ne disposent pas de suffisamment d'information pour concevoir l'organisation future des services déconcentrés de la culture et la répartition des tâches entre directions régionales des affaires culturelles (DRAC), et en leur sein conservations régionales des monuments historiques (CRMH), services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP) et Centre des monuments nationaux. Proposition n° 13 : accélérer la parution du décret sur les DRAC et de la circulaire relative au regroupement des DRAC et des SDAP et à l'organisation de ces services en matière de patrimoine et d'architecture. En deuxième lieu, la réforme de la maîtrise d'ouvrage, comme le souligne la DRAC de Picardie, « inquiète particulièrement les petites communes qui n'ont pas les moyens techniques ni humains pour assurer elles-mêmes cette réforme notamment dans le rôle de maître d'ouvrage. Le montage d'une opération de travaux même de faible importance sur un monument historique est un métier en soi, dont les compétences nécessaires ne sont pas disponibles dans les petites communes, le coût d'une assistance à maîtrise d'ouvrage effectué par un prestataire privé est dissuasif ». Si les conditions de mise à disposition de l'assistance à maîtrise d'ouvrage gratuite sont trop restrictives, cela risque d'aggraver les différences entre les villes moyennes qui peuvent disposer des compétences nécessaires via les services techniques et les petites communes qui ne peuvent disposer de tels services. La DRAC du Nord-Pas de Calais confirme ce constat : « Seules quelques grandes villes (Lille, Douai) ont accepté relativement facilement la maîtrise d'ouvrage lorsque les services techniques ont déjà traité des restaurations de monuments (ce qui est rare) ou lorsque ces services emploient un architecte du patrimoine. Dans les autres cas, notamment les petites communes rurales (très nombreuses dans le Pas-de-Calais et en Flandres), l'inertie est certaine : on citera par exemple les cas de deux églises en péril à Rocquigny et à Barly où les communes se sont trouvées dépassées à la fois par l'ampleur et la complexité des programmes, des documents préliminaires, des appels d'offres, de leur analyse ou du suivi des travaux ». On peut s'étonner qu'alors que la réforme semble bien engagée dans de nombreuses régions, le décret sur l'assistance gratuite à maîtrise d'ouvrage ne soit pas encore paru. La DRAC de Basse-Normandie souligne ce paradoxe : « Le principe de cette réforme est apparu brusquement, sans que depuis plusieurs années le cadre réglementaire devant l'accompagner et gérer ses conséquences n'ait été fixé. La maîtrise d'ouvrage a, dans les faits, été transférée sans que le nouveau contour des missions de l'État ait été défini, sans, concrètement, que les décrets relatifs à la mise en œuvre de ce transfert, à l'assistance à maîtrise d'ouvrage et au contrôle scientifique et technique de l'État aient encore été publiés ». Il convient malgré tout de souligner que la réforme semble moins inquiéter les propriétaires privés que les collectivités. Ainsi, en Basse Normandie « les propriétaires privés ont mieux vécu cette réforme que les propriétaires publics. Attachés à leur patrimoine, y vivant souvent en permanence, ils ont souvent pris à cœur leurs nouvelles responsabilités, notamment quant au choix des entreprises et au suivi des chantiers », même s'ils « n'ont pas pris la pleine mesure de la totalité de l'exercice de la maîtrise d'ouvrage, dès lors qu'ils peuvent toujours compter sur l'aide de fait des services de l'État ». Par ailleurs, comme le souligne la DRAC de Basse-Normandie à l'unisson avec de nombreux conservateurs et architectes, lorsque le propriétaire exerce sa maîtrise d'ouvrage, l'opération échappe souvent totalement au contrôle des services de l'État, « non seulement parce que les conditions de son contrôle scientifique et technique, elles non plus, n'ont pas été redéfinies, mais aussi parce que de nombreux propriétaires ne respectent pas les dispositions mêmes des conventions qu'ils signent » : pas d'invitation des services au choix des entreprises, pas de communication sur les entreprises retenues, sur le calendrier prévisionnel des opérations, ni sur les dates des réunions de chantier. Ces dates sont souvent connues des services uniquement car l'architecte en chef des monuments historiques, maître d'œuvre, en lien constant avec la DRAC, les transmet... Proposition n° 14 : accélérer la parution du décret sur l'assistance à maîtrise d'ouvrage gratuite et sur le contrôle scientifique et technique de l'État. Par ailleurs, un problème financier majeur risque de se poser à l'avenir, comme le soulignent un certain nombre de DRAC, mais également les élus locaux rencontrés, notamment en Maine-et-Loire. L'abandon de la maîtrise d'ouvrage par l'État oblige les communes, mais également les propriétaires privés, à faire l'avance de la totalité du financement des travaux, la subvention étant ensuite versée par l'État. La plupart des communes vont devoir recourir à l'emprunt bancaire dans ce nouveau cadre et le coût de l'opération se trouvera augmenté du fait du recours à l'emprunt, alors même que la dépense pour l'État via sa participation financière est la même. Selon la DRAC de Picardie, « ce dispositif concourt fortement à ce que les petites communes abandonnent totalement l'entretien du patrimoine monumental ». Le remboursement de la TVA sur ces chantiers risque également d'aggraver les difficultés de ces communes, puisqu'il intervient en moyenne 24 mois après la dépense... Selon les informations fournies par la direction de l'architecture et du patrimoine au rapporteur, afin d'éviter que les collectivités et les propriétaires ne fassent eux-mêmes l'avance sur de longs mois du coût des travaux et ne soient remboursés par le versement des subventions que plus tard, un des projets de décret d'application prévoit de déroger au droit commun pour permettre aux DRAC de verser des acomptes sur opérations supérieurs aux 5 % actuellement autorisés dès le démarrage du chantier. Ce pourcentage sera de l'ordre de 30 %. Enfin, les services de l'État en région s'inquiètent également d'une possible perte de contrôle sur le calendrier d'exécution des travaux et donc sur le calendrier de versement des aides de l'État, ce qui pourrait avoir des conséquences dramatiques, comme le souligne la DRAC de Picardie : « En se privant de la possibilité de décision directe sur le lancement des opérations, le conservateur régional des monuments historiques voit une possibilité de « lissage » de la programmation en fonction des crédits de paiements disponibles lui échapper. Dès lors, en mode LOLF, comment parvenir à équilibrer autorisations d'engagement et crédits de programme si l'on n'est plus maître de la consommation des crédits ? La possibilité d'une faillite du dispositif est alors envisageable par exemple si un grand nombre de communes lance des travaux simultanément ». La DRAC de Basse-Normandie fait un constat identique : « Certains propriétaires font de très fréquentes demandes de petits montants, générant ainsi la mise en œuvre de procédures comptables et administratives importantes au regard des sommes concernées, d'autres présentent, au contraire, leur demande d'un bloc, créant, quand elle peut être honorée, une consommation irrégulière des crédits de paiement mis à disposition de la DRAC ». En Languedoc-Roussillon, comme dans la plupart des régions, la direction régionale des affaires culturelles a commencé à transférer la maîtrise d'ouvrage aux propriétaires depuis trois ans. Le constat est le même : « Ce transfert s'est traduit par une perte de contrôle réel dans l'exécution des travaux ». Il s'est également « traduit par la mise en panne de démarrage de chantiers ou de nette (doublement voire triplement) augmentation des délais. Dans certains cas, une conduite d'opération de fait par la conservation régionale des monuments historiques a pallié des situations de blocage ». La DRAC du Nord-Pas de Calais fait le même constat puisqu'elle signale que le transfert a retardé les travaux programmés, voire reportés certains chantiers (à Boulogne-sur-Mer, Calais, Wormhout, etc.). Enfin, de nombreuses directions régionales s'inquiètent de l'articulation entre l'assistance à maîtrise d'ouvrage, à titre gratuit ou payant, prévue par l'ordonnance, et le transfert au Centre des monuments nationaux de la maîtrise d'ouvrage sur les monuments historiques de l'État (avec les transferts de personnel qu'il implique). Selon la DRAC du Centre, ces transferts potentiels de personnels « risque de la rendre définitivement impossible ». Il conviendrait que le ministère se positionne clairement sur ce dossier et le rapporteur regrette, une fois encore, de n'avoir pu être destinataire des projets de décrets sur ce sujet. En troisième lieu, la future réforme de la maîtrise d'œuvre et de la réforme du statut des architectes en chef des monuments historiques est plutôt bien perçue en région, les propriétaires privés ayant le sentiment qu'ils pourront enfin choisir leur architecte. Elle aura effectivement l'avantage d'assouplir un système très rigide. Mais elle soulève un certain nombre d'interrogations, chez les principaux intéressés et également les autres acteurs du secteur (fonctionnaires du patrimoine en région et associations), notamment en ce qui concerne la notion de mise en concurrence. Les architectes eux-mêmes reconnaissent que le principe est sain, mais les personnes rencontrées par la mission s'interrogent sur la meilleure façon de l'appliquer dans le domaine de la maîtrise d'œuvre des monuments historiques. Déjà, en 2002, M. Yann Gaillard faisait ce constat pour les travaux sur monuments historiques, « la mise en œuvre d'un nouveau code des marchés, plus adapté aux produits et prestations courantes qu'aux monuments historiques, a abouti à une complexité croissante et à un allongement de la durée des opérations »(14). Cette « libéralisation » a en effet des conséquences qu'il faut bien mesurer. Si le code des marchés publics est effectivement relativement adapté à la fourniture de produits bien définis ou à l'exécution de prestations précises dans leur contenu et leurs caractéristiques, « la forte charge qualitative du contenu des opérations de restauration, reposant plus sur la qualité des intervenants que sur la précision du cahier des charges rend aléatoire l'application des règles courantes de concurrence », comme le rappelait M. François Botton, président de la Compagnie des architectes en chef des monuments historiques, à la mission lors de son audition. En outre, on ne peut nier que ce type de procédure alourdira encore la dévolution de la maîtrise d'œuvre aux propriétaires, aujourd'hui déjà en difficulté. Or l'ordonnance de 2004 avait pour principal objectif de simplifier le droit... M. Botton l'a souligné devant la mission, et le rapporteur a pu le constater, « les nouveaux maîtres d'ouvrage découvrent leur nouvelle tâche, constituent des équipes, et se reposent largement sur nous pour constituer la mémoire de leur patrimoine ». Cette notion de mémoire est fondamentale pour le patrimoine monumental car, en l'absence de mémoire, les décisions prises peuvent avoir des conséquences sanitaires dramatiques sur le monument, lorsque le maître d'œuvre ne dispose par exemple pas de toutes les données sur ses fondations ou sur certaines fragilités non visibles à l'œil nu, mais détectées lors de précédents travaux. Comme M. Botton le soulignait lors de son audition : « il m'arrive souvent d'être en réunion, mairie ou conseil général, la personne la plus ancienne sur un dossier et donc le point stable et référence dans le montage d'une opération ». C'est pour cette raison que le rapporteur plaide ici encore pour que des fiches sanitaires précises soient établies pour chaque monument et accessibles à tous les intervenants. Par ailleurs, on ne peut occulter le fait que la disparition de la « garantie de revenus » que constituait l'obtention du diplôme d'architecte en chef des monuments historiques, du fait de la mise en concurrence avec d'autres architectes, risque rapidement de dissuader les vocations alors que le concours est très difficile. On peut s'interroger sur le risque d'une disparition, de ce fait, d'une maîtrise d'œuvre hautement qualifiée qui constituait une spécificité du système français. Proposition n° 15 : toiletter le statut des architectes en chef des monuments historiques en introduisant des souplesses à l'entrée vis-à-vis des architectes privés et des architectes européens, ce qui répondrait au souhait en outre de la Commission européenne, et suspendre l'application des autres aspects de la réforme de la maîtrise d'œuvre (notamment la mise en œuvre d'éventuels appels d'offre) tant que la réforme de la maîtrise d'ouvrage n'est pas stabilisée. 3. La réforme du Centre des monuments nationaux Si le CMN est aujourd'hui chargé d'assurer la gestion courante et l'ouverture au public des monuments nationaux, la maîtrise d'ouvrage des travaux d'entretien et de restauration sur les monuments qu'il gère est actuellement assurée par deux services de l'État : - les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) dans les régions autres que l'Île-de-France, où cette responsabilité est partagée avec le service national des travaux (SNT) ; - le service national des travaux (SNT), service à compétence nationale créé en 1990 pour assurer cette responsabilité au niveau national, qui concentre aujourd'hui son activité presque exclusivement sur l'Île-de-France. De toute évidence, cette séparation des responsabilités de gestion et d'investissement n'est effectivement pas optimale. Dès 2001, un rapport de la Cour des Comptes soulignait que « les travaux relevant de la compétence de l'établissement impliquent en règle générale une double maîtrise d'ouvrage et une double maîtrise d'œuvre », au point que « les lenteurs inhérentes à de tels montages viennent s'ajouter aux délais de procédures liés à la réglementation sur les monuments historiques mais aussi à ceux dus aux carences internes à l'établissement ». Le rapport soulignait d'ailleurs qu'« aucune des formules successivement retenues n'a permis de trouver la solution équilibrée qui assurerait la prééminence du maître d'ouvrage, tout en garantissant le fonctionnement efficace d'une équipe compétente chargée de traduire techniquement ces demandes et de surveiller la façon dont les maîtres d'œuvre et les entreprises les satisfont ». Cette idée a ensuite été reprise par le rapport Bady sur la décentralisation du patrimoine en 2002, comme par le rapport Gaillard de la même année. Ces rapports mettaient en avant l'intérêt de confier à un seul acteur la responsabilité de concilier la présentation des monuments (au profit des générations actuelles) et leur conservation (au profit des générations futures). C'est pour cette raison que, parallèlement à l'affectation des 70 millions d'euros annuels au Centre des monuments nationaux, l'article 30 du projet de loi de finances fait du CMN le maître d'ouvrage des travaux sur les monuments nationaux, mais il lui permet également d'assurer des missions de maîtrise d'ouvrage pour d'autres monuments de l'État, moins importants. Cette réforme nécessite une modification préalable du décret statutaire du CMN, mais surtout une réorganisation de ses services qui ne sont pas actuellement dotés des compétences nécessaires à un tel élargissement de ses missions. La mise en place de cette réforme est en cours et a fait l'objet d'un rapport d'audit conjoint des inspections du ministère. b) ... mais la contribution à la clarification de l'architecture institutionnelle reste à prouver Le rapporteur estime pourtant que cette réforme ne contribue pas à clarifier l'architecture de la maîtrise d'ouvrage pour les monuments appartenant à l'État. Plus grave, elle disperse des moyens déjà difficiles à mobiliser entre quatre acteurs, contre trois auparavant, et recentralise une partie de la maîtrise d'ouvrage. Quels seront les rôles respectifs du Centre des monuments nationaux (CMN), de l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC), du SNT et des DRAC dans la future architecture ? Le rapporteur n'a pu obtenir de réponse du ministère sur cette question... Or une unification et une déconcentration des responsabilités seraient d'autant plus souhaitables qu'elles s'inscriraient dans la continuité des évolutions que connaissent actuellement les activités d'entretien et de restauration du patrimoine. Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, M. Philippe Marini, a d'ailleurs proposé la suppression de l'article 30 du projet de loi de finances qui modifie les dispositions légales relatives aux statuts du Centre des monuments nationaux, au motif qu'il s'agit là de « la création d'un maître d'ouvrage supplémentaire, en concurrence avec deux autres maîtres d'ouvrage au sein des services du ministère de la culture [...] Nous préférerions de beaucoup une réforme globale du système de maîtrise d'ouvrage, car la proposition qui nous est soumise aboutit à un enchevêtrement supplémentaire de compétences, dans un monde de la culture où les choses sont déjà relativement complexes. [...] En réalité, on met en place un système dans lequel les services de maîtrise d'ouvrage vont se marcher sur les pieds. C'est tout simplement du gaspillage de fonds publics ! C'est donc un problème de bonne administration ». Comme le souligne la DRAC du Languedoc-Roussillon, à la conservation régionale des monuments historiques (CRMH), « les agents, sans manifester de signes de blocage, sont plutôt perplexes, du fait des imprécisions sur les répartitions nouvelles de responsabilités et de moyens, du fait aussi de l'accumulation des mesures diverses envisagées ou constatées, dont la cohérence et l'efficacité opérationnelles n'apparaissent pas clairement pour le moment, indépendamment du rapprochement DRAC/SDAP.[...] Le transfert annoncé de la maîtrise d'ouvrage sur les monuments historiques de l'État au Centre des monuments nationaux inquiète les personnels qualifiés de la CRMH qui l'assurent, d'autant que cette maîtrise d'ouvrage porte sur les opérations les plus importantes ou les plus délicates. Il touche au cœur de leur métier et de leur mobilisation, de leur substance professionnelle. Ces personnels, conservateurs, techniciens ou administratifs, voire documentalistes, et parmi eux les plus expérimentés, envisagent leur départ volontaire pour cet établissement public, sous réserve d'une meilleure lisibilité de cette réforme et de l'organisation des structures d'intervention ». Proposition n° 16 : donner au Centre des monuments nationaux (CMN) la maîtrise d'ouvrage uniquement sur ses monuments. Par ailleurs, transmettre au Parlement en mars 2007 un rapport sur la répartition des taches et des effectifs entre le CMN, les DRAC, les conservations régionales des monuments historiques (CRMH) et les autres établissements responsables de la maîtrise d'ouvrage sur les monuments historiques. B. DES DISPOSITIFS FISCAUX INTÉRESSANTS MAIS MAL ÉVALUÉS Les atouts du système français sont reconnus à l'étranger et le rapporteur a pu constater que les dispositifs fiscaux français sont bien plus complets et bien plus intéressants qu'au Royaume-Uni ou en Italie car ils couvrent l'ensemble de la fiscalité. Mais l'interprétation toujours très tatillonne de la loi par l'administration fiscale et une très grande complexité des systèmes de déductions sur l'impôt sur les revenus induisent un certain nombre de risques de contentieux. Par ailleurs, notre système pourrait utilement être complété par quelques mesures intéressantes développées Outre-Manche. 1. Les dispositifs fiscaux en faveur des propriétaires de monuments historiques Le système fiscal français permet aux propriétaires d'immeubles qui font partie du patrimoine national de bénéficier d'avantages fiscaux variés. a) L'avantage fiscal en matière d'impôt sur le revenu Un avantage fiscal en matière d'impôt sur le revenu est accordé aux propriétaires d'immeubles classés ou inscrits. L'avantage fiscal se traduit par la possibilité d'imputer les déficits fonciers sur les revenus globaux. Toutefois, pour déterminer le montant de l'imputation, le calcul est complexe et source d'interprétations parfois divergentes, voire de contentieux entre l'administration fiscale et les propriétaires de monuments protégés. Il convient de distinguer trois situations. ● Le bien ne génère aucune recette Qu'il soit ou non ouvert à la visite, occupé ou non par son propriétaire, s'il ne génère aucune recette, les charges foncières qui le concernent sont déductibles du revenu global du propriétaire(15). Il s'agit notamment de : - la totalité des cotisations de strict entretien versées à l'administration des affaires culturelles et des participations à des travaux exécutés par cette administration ; - la totalité du montant des travaux subventionnés diminué de la subvention ; - la totalité des autres charges foncières(16), toutefois pour une proportion différente selon que le bien est ouvert ou non à la visite. La déduction est ainsi égale à : - 100 % si l'immeuble classé ou inscrit est ouvert à la visite au moins cinquante jours par an dont 25 (dimanches et jours fériés inclus) au cours des mois d'avril à septembre inclus ou 40 jours pendant les mois de juillet à septembre ; - 50 % si l'immeuble classé ou inscrit est fermé au public. ● Le bien n'est pas occupé et génère des recettes (loyers, recettes des visites) La totalité des charges foncières s'impute alors d'abord sur les revenus fonciers (loyers perçus, recettes de visite, etc.) et au-delà, si le bien est loué, sur le revenu global sans limitation. Si le bien n'est pas loué mais génère des recettes à titre accessoire (notamment visites payantes), le revenu net foncier est déterminé dans les mêmes conditions que précédemment, mais en déduisant des recettes de visite les charges (rémunération du personnel chargé de recevoir les droits d'entrée et de guider les visiteurs, déduction forfaitaire (17) couvrant les frais de gestion, etc.). En cas de déficit, celui-ci est déduit du revenu global dans les mêmes conditions que précédemment. ● Le bien est occupé et génère des recettes Dans ce cas, les charges foncières qui se rapportent à la partie de l'immeuble dont le propriétaire se réserve la jouissance sont imputables en totalité sur le revenu global. Quant aux autres charges liées notamment au droit de visite ou à l'occupation partielle, elles sont prises en compte pour la détermination de revenu net foncier. En cas de déficit, celui-ci vient s'imputer sans limitation sur le revenu global. Si le bien est ouvert à la visite, il est admis que la fraction correspondant à l'ouverture est égale à 75 % du total des charges, les 25 % restants revenant au propriétaire qui les déduit directement de son revenu global. ● Dispositions communes Les primes d'assurances afférentes aux monuments historiques ouverts au public (ainsi qu'aux objets mobiliers attachés à perpétuelle demeure à de tels immeubles) sont déductibles pour leur montant réel, que l'immeuble soit ou non productif de revenus. Lorsque le classement ou l'inscription à l'inventaire supplémentaire ne porte que les parties extérieures des édifices, telles que les façades et les toitures, la protection, au sens de la loi du 31 décembre 1913, n'est pas pour autant restreinte aux seules fractions inscrites ou classées, mais s'étend en fait à l'ensemble du monument. Il en est de même pour les déductions de charges. Ce n'est que lorsque la protection ne porte que sur des éléments isolés ou dissociables (un escalier, certaines salles) que sont prises en considération les seules charges afférentes à ces éléments. b) Les déductions afférentes à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) Le principe retenu est celui d'une exonération totale de TVA pour les sommes encaissées à titre de droit d'entrée dans les monuments historiques classés ou inscrits. Il en va de même pour les produits commerciaux annexes : photographies, cartes postales, brochures réalisées par le propriétaire. Cette exonération a été étendue à tous les immeubles présentant un caractère historique ou artistique dont l'aménagement n'a pas été effectué dans un but commercial et reste dans les limites d'une simple mise en valeur artistique du domaine. Cela étant, l'exonération ne permet pas de récupérer la TVA sur les travaux d'entretien et de restauration. Les propriétaires peuvent donc, s'ils y ont intérêt, renoncer à cette exonération. L'option est irrévocable. La déduction de la TVA ne peut pas concerner les dépenses afférentes aux parties privatives de l'immeuble. La clé de répartition utilisée pour calculer le montant de la déduction résulte d'un rapport entre surfaces accessibles et non-accessibles au public. Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 95-858 du 28 juillet 1995 qui a modifié l'article 278 du code général des impôts, le taux de TVA sur le droit d'entrée est de 5,5 % mais le taux applicable aux produits annexes est de 19,6 %. Enfin, une instruction du 28 août 2000 du ministère des finances parue au Bulletin officiel des impôts prévoit l'application du taux réduit de TVA (5,5 %) aux travaux sur les monuments historiques dans les cas suivants : - lorsque la maîtrise d'ouvrage est assurée par l'État ; - lorsque les travaux sont effectués sur des locaux à usage d'habitation dès lors que ceux-ci représentent plus de 50 % de la superficie totale, déduction faite des éventuelles dépendances, soumises au taux normal ; toutefois les travaux sur les dépendances usuelles des locaux d'habitation ainsi que les dépendances particulières de bâtiments hors normes ou exceptionnels (chapelles de châteaux) bénéficient du taux réduit ; - lorsque les travaux concernent les murs de clôture ou d'enceinte ainsi que les douves ; - les prestations de maîtrise d'œuvre, même lorsqu'elles sont réalisées par une entreprise ou un architecte indépendants lorsqu'elles se rattachent à des travaux éligibles eux-mêmes au taux réduit. c) L'exonération des droits de mutation et l'impôt sur les plus values ● L'exonération des droits de mutation pour les biens « conventionnés » L'article 795 A du code général des impôts, issu de la loi n° 88-12 du 5 janvier 1988 relative au patrimoine monumental, permet aux propriétaires de monuments historiques d'être exonérés de droits de succession sur leur immeuble, ainsi que les biens meubles et immeubles par destination qui en constituent le complément historique ou artistique, en contrepartie de la signature d'une convention avec le ministère de la culture. Cette convention impose des obligations précises à son signataire, mais également à ses héritiers, bénéficiaires de l'exonération, notamment l'ouverture au public un certain nombre de jours dans l'année (60 à 80 jours selon la période choisie) et le maintien sur place des éléments meubles qui ont été exonérés. Toute demande fait l'objet d'une double instruction par les ministères chargés des finances et de la culture et aboutit, si elle est agréée, à la signature d'une convention à durée indéterminée entre le demandeur d'une part, et chacun des ministres intéressés d'autre part. Le non-respect d'une des conditions engendre la taxation de la transmission. Ce régime d'exonération mis en place en 1988 était présenté comme contraignant (notamment du fait de l'importance des jours d'ouverture au public). De ce fait les conventions signées étaient peu nombreuses (77 à ce jour). Dès lors, des mesures ont été prises pour assouplir ce dispositif. La durée minimale d'ouverture à la visite de ces biens a été ramenée à 80 jours, au lieu de 100, au cours des mois de mai à septembre inclus, dont les dimanches et jours fériés, ou 60 jours, au lieu de 80, du 15 juin au 30 septembre, y compris les dimanches et jours fériés. Par ailleurs, le dispositif a été adapté en cas d'« accident de la vie » du donataire ou légataire. Les « accidents de la vie » s'entendent des événements graves qui sont de nature à empêcher la participation personnelle du donataire ou légataire à l'accueil des visiteurs et au déroulement des visites ou de ceux qui ont une incidence sur sa capacité financière à les organiser. Il peut s'agir, notamment, d'une maladie grave, d'une infirmité ou d'une perte d'emploi. Lorsque le donataire ou le légataire se trouve confronté à l'une de ces situations, l'obligation d'ouverture au public du monument peut, durant les trois années suivant la constatation ou la survenue de l'événement considéré, se limiter à l'organisation de la réception des visiteurs, sur rendez-vous, durant les mois de juillet et d'août. Le rétablissement de la situation du donataire ou légataire avant le terme du délai de trois ans qui lui est imparti entraîne immédiatement la fin de l'aménagement de la condition d'ouverture au public. Enfin, la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations a modifié substantiellement l'article 795 A afin de préciser qu'en cas de non-respect de la convention, les intérêts de retard des droits de mutation sont calculés non plus à la date de l'entrée en vigueur de la convention mais à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel la convention n'a plus été respectée. On peut attendre, à terme, de ces nouvelles dispositions une augmentation du nombre de conventions signées puisque si, à ce jour, 77 conventions sont en vigueur, 79 dossiers sont en cours d'instruction. ● L'exonération des droits de mutation pour les biens inaliénables Plus récemment, une autre mesure intéressante a été votée dans la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. Cette loi a aménagé l'article 829 du code civil et inséré un article L. 621-29-7 au sein du code du patrimoine, créant un dispositif spécifique exonératoire pour la transmission des monuments historiques privés faisant l'objet d'une clause d'inaliénabilité (18). Si l'héritier attributaire d'un monument classé ou inscrit est tenu de le conserver en raison d'une clause d'inaliénabilité, la fixation de la valeur du bien dans l'acte de succession ou de donation est diminuée du montant des charges, y compris d'entretien, nécessaires à la préservation de l'immeuble durant toute la durée de la clause. En clair, étant donné le montant des charges en question, la valeur de l'immeuble devient quasiment nulle, ce qui supprime toute taxation lors de la transmission, sans que les bénéficiaires soient soumis à une quelconque obligation. Cette disposition doit entrer en vigueur au 1er janvier 2007, mais suscite encore, selon l'Association des notaires de France, « quelques interrogations sur son application ». Il conviendra que les ministères concernés fassent rapidement le nécessaire pour éclairer les personnes concernées sur les modalités d'application de cette nouvelle disposition légale. Ces outils constituent désormais des instruments complémentaires et très intéressants pour faciliter la transmission des monuments historiques privés. ● Des dispositifs intéressants développés au Royaume-Uni Pour autant, suite à son déplacement au Royaume-Uni, le rapporteur estime que l'on pourrait utilement compléter ces avancées par quelques mesures intéressantes développées avec succès Outre-Manche. Deux dispositifs intéressants au Royaume-Uni · Principe de « douceur » La « douceur » est une mesure qui incite les propriétaires privés à vendre à des organismes publics. Il s'agit d'une concession fiscale qui permet aux propriétaires privés de biens historiques de bénéficier d'une réduction de 25 % sur les droits de succession et de taxe sur les plus-values redevable suite à une vente. · « Acceptance in lieu » Système équivalent au système de dation en paiement en France, selon lequel un propriétaire privé britannique qui hérite d'un objet historique peut le donner à l'État, ou à une fondation reconnue, au moment de l'héritage au lieu de payer les droits de succession normalement redevables. Un système complémentaire - « in situ arrangement » - permet au propriétaire de garder les objets dans la propriété s'il existe un fort lien historique entre les deux, afin de permettre au public de découvrir les objets dans leur contexte historique. Le propriétaire peut également effectuer cette donation en nue-propriété avant son décès, à l'État ou à une fondation reconnue (comme le National Trust), en conservant l'usufruit jusqu'à son décès. S'agissant de la « douceur », selon les informations fournies par l'administration fiscale française au rapporteur, il n'existe pas de dispositions spécifiques permettant une réduction de l'impôt sur les plus-values dû par des propriétaires privés en cas de cessions de biens historiques à des organismes publics. Les plus-values réalisées par les particuliers lors de la cession à titre onéreux de biens ou droits immobiliers sont soumises au régime d'imposition des plus-values immobilières, prévu aux articles 150 U et suivants du code général des impôts. Les plus-values sont imposées au taux proportionnel de 16 %, majoré de 11 % au titre des prélèvements sociaux. Par contre, l'article 34 de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale a mis en place une exonération temporaire en matière de plus-values immobilières des particuliers au profit des contribuables qui cèdent un bien avant le 31 décembre 2007 à un organisme en charge du logement social et l'article 15 de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement étend cette exonération temporaire aux biens cédés à une collectivité territoriale en vue de leur cession à un organisme en charge du logement social. Proposition n° 17 : appliquer le principe de « douceur » britannique en France en permettant une réduction de l'impôt sur les plus-values dû par des propriétaires privés qui cèdent leurs biens protégés à la Fondation du patrimoine. S'agissant de la dation en paiement, en France, actuellement, l'article 1716 bis du code général des impôts dispose que les dations en paiement s'appliquent aux biens immobiliers suivants : - terrains situés dans les zones d'intervention du Conservatoire du Littoral et affectés au conservatoire ; - immeubles en nature de bois et forêts et destinés à être affectés à l'Office national des forêts (ONF) ; - immeubles bâtis ou non destinés à être affectés à une collectivité territoriale ou un de ses établissements publics ou à un organisme HLM pour utiliser les biens à titre de logement social. Il n'existe aucun système de dation pour des immeubles classés monuments historiques ou inscrits. Seuls des biens meubles (œuvres d'art) classés ou inscrits peuvent être remis à l'État par voie de dation. Proposition n° 18 : mettre en place un système de dation en paiement pour le patrimoine monumental privé au profit de la Fondation du patrimoine ou des collectivités locales qui le souhaitent. Un autre système est envisageable dans le cadre légal existant. Un propriétaire privé de monument historique peut décider de faire don de son bien à une fondation, un établissement public (local ou national) ou une collectivité, tout en en gardant l'usufruit jusqu'à sa mort. En effet, selon les dispositions du code général des impôts relatives aux mutations à titre gratuit, sont exonérés de droits de mutation : - les dons et legs faits aux régions, départements, communes et leurs établissements publics (article 794-I du code général des impôts) ; - les dons et legs consentis aux établissements publics ou reconnus d'utilité publique dont les ressources sont exclusivement affectées à des œuvres scientifiques, culturelles ou artistiques à caractère désintéressé (article 795 du code général des impôts). Les dons de monuments historiques entrent donc dans ce cadre. Par ailleurs, le fait que le don porte sur la nue-propriété du bien seulement est sans incidence sur l'absence de taxation. Sa vie durant, le donateur continuera à avoir la disposition du bien. Au décès du donateur, l'usufruit s'éteint et aucun droit de succession n'est dû, la propriété ayant déjà été transférée au moment de la donation à la collectivité publique, la fondation ou l'établissement public. Il conviendrait peut-être également d'étudier un système sans doute plus complexe, mais envisageable puisqu'il existe au Royaume-Uni : une donation de nue-propriété avec maintien dans les lieux du donateur puis de ses héritiers, moyennant le paiement d'un loyer. d) La question de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) Il n'existe actuellement aucune disposition spécifique pour le patrimoine immobilier protégé, alors qu'aux termes de l'article 885-I du code général des impôts, les œuvres d'art sont exonérées de même que les droits des artistes interprètes. Le rapporteur estime que cette situation est illogique, d'autant plus que l'évaluation des immeubles protégés pour le calcul de l'impôt pose problème. C'est d'ailleurs pour cette raison que le sénateur Nachbar a invité le gouvernement à examiner les difficultés qui résultent, pour les propriétaires de monuments historiques privés ouverts au public, de l'évaluation de la valeur vénale du bien, et plus particulièrement de l'assujettissement à l'impôt de solidarité sur la fortune de la partie du monument ouverte à la visite. En l'état actuel du droit, l'article 666 du code général des impôts et l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, qui traitent à la fois des mutations à titre gratuit et de l'impôt de solidarité sur la fortune, précisent que, quelle que soit leur nature, les immeubles sont estimés à leur valeur vénale au jour du fait générateur de l'impôt. La notion de valeur vénale est définie par la Cour de cassation comme « le prix qui pourrait être obtenu pour le bien en cause sur le marché, compte tenu des facteurs juridiques et physiques qui le caractérisent » (Cass. com. 23 octobre 1984, GFA Plaimpied). Cette valeur est déterminée par comparaison avec plusieurs ventes de biens similaires, prises dans un secteur géographique proche du lieu de situation du bien à évaluer. Selon les informations communiquées par l'administration fiscale au rapporteur, « dans le cas des biens exceptionnels, ce qui est une occurrence fréquente pour les monuments historiques, l'administration est autorisée à élargir le champ de recherche des cessions de biens comparables et, le cas échéant, à utiliser d'autres méthodes d'évaluation, sans que la valeur qui en résulte puisse s'écarter de la valeur réelle du bien. Le juge de l'impôt s'assure de la régularité de l'évaluation réalisée par l'administration, au besoin en ordonnant une expertise judiciaire ». Les propriétaires de monuments historiques sont effectivement traités de manière spécifique, mais ce traitement est largement dépendant de la bonne volonté et de l'interprétation de l'administration fiscale locale, voire de la subjectivité du ou des fonctionnaires localement compétents, puisque, selon les informations transmises par l'administration fiscale, afin de prendre en considération les particularités de cette catégorie de biens, la doctrine administrative (en l'occurrence la documentation de base éditée par le ministère des finances à l'attention des agents de l'administration fiscale (19)) recommande aux services fiscaux de faire preuve de prudence lors de la révision de la valeur des biens déclarée par les propriétaires redevables de l'ISF et de tenir compte de la contrainte que peut représenter pour eux l'ouverture au public, dans des termes d'une précision toute relative : « Eu égard à la diversité des situations, tenant notamment à la fréquence des périodes d'ouverture, aux surfaces laissées à la disposition du public, à leur nature, aux conditions de leur entretien, il ne serait pas équitable d'évaluer cette contrainte forfaitairement et de manière uniforme. C'est dans le cadre de la procédure d'évaluation, des méthodes et des biens comparables qu'il retient, que le service des impôts tient compte de l'ensemble des paramètres utiles et que les ajustements se trouvent réalisés ». Mais, selon l'administration fiscale, la rareté des litiges dont les commissions départementales de conciliation ont eu à connaître en la matière confirme la cohérence des modes d'évaluation retenus. Dans ce cadre, la piste retenue par le sénateur Nachbar ne semble pas forcément la plus pertinente : l'ouverture au public étant un choix personnel du propriétaire pour entretenir ou améliorer son bien, on ne saurait tenir compte de ce seul fait pour minorer la valeur du bien imposable. Proposition n° 19 : exonérer les biens immeubles protégés (inscrits ou classés) qui constituent la résidence principale de la personne imposable de l'assiette de l'impôt sur la fortune, par parallélisme avec l'exonération s'appliquant aux œuvres d'art (biens meubles protégés), à la condition que le propriétaire s'engage à entretenir son bien. 2. L'importance de l'évaluation : fiscalité ou budget de l'État, que privilégier ? Le rapporteur fait siennes les interrogations de M. Yann Gaillard sur ce sujet : « La tendance à accroître la part des dépenses fiscales dans le financement de la politique culturelle nationale pose des vraies questions qui ne sont pas traitées en tant que telles. Si des dépenses fiscales sont plus efficaces que les financements budgétaires, faudrait-il réduire ses derniers ? Peut-on définir une telle évolution sans en avoir évalué l'impact ? » (20) Inversement, s'ils sont moins efficaces, ne faut-il pas réduire les dépenses fiscales pour privilégier la dépense budgétaire ? Ou bien, les deux outils sont-ils complémentaires et quel est le meilleur équilibre entre les deux types de dépenses ? Or il n'existe actuellement aucune évaluation du coût fiscal des nombreux dispositifs en vigueur, tant au niveau du mécénat que des dispositions fiscales plus directement en faveur des propriétaires privés. Selon la réponse fournie par le ministère de la culture au rapporteur, ce dernier « n'est pas en mesure de fournir des données chiffrées sur le coût pour l'État de l'ensemble de ces mesures fiscales. La collecte de ces données relève de la compétence du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ». En effet, la liste des dépenses fiscales figurant dans le projet annuel de performance du programme « Patrimoines » du budget du ministère de la culture pour 2007 est aujourd'hui très lacunaire pour les dépenses spécifiques en faveur du patrimoine monumental, alors qu'il l'est beaucoup moins pour les dépenses fiscales en faveur du patrimoine mobilier et des objets d'art. Parallèlement, lors de son audition, M. Frédéric Iannucci, sous-directeur de la législation fiscale à la direction générale des impôts du ministère de l'économie et des finances, a indiqué aux membres de la mission que le chiffrage de ces dispositions est difficile. La dépense fiscale tournerait, selon lui, autour de quelques dizaines de millions d'euros pour les monuments historiques procurant des recettes. On ne dispose d'aucune donnée sur les monuments qui ne procurent pas de recettes, car ils ne donnent pas lieu à déclaration spécifique. S'agissant du dispositif Malraux, elle s'élèverait à 50 millions d'euros. M. Iannucci a également souligné qu'il est aujourd'hui très difficile de connaître le nombre de bénéficiaires, mais « il semble qu'environ 4 000 foyers fiscaux soient concernés par le dispositif Malraux ». Les difficultés d'évaluation du ministère des finances viennent du fait que le détail des différentes déclarations n'est aujourd'hui pas saisi informatiquement, et qu'aucun regroupement de données n'a été effectué par le ministère des finances. On peut espérer que les déclarations sur Internet fourniront une nouvelle piste si les données sont correctement saisies et les dispositifs spécifiques au patrimoine protégé clairement identifiés dans les déclarations. Selon les informations communiquées à la mission, le ministère des finances reçoit aujourd'hui 5,7 millions de télé déclarations pour un total de 34 millions de foyers fiscaux, mais la proportion augmente assez vite. Le rapporteur plaide donc pour une évaluation globale et sincère de l'ensemble des dépenses fiscales afférentes au patrimoine monumental, avant toute remise en cause de ces dispositifs. Proposition n° 20 : transmettre au Parlement au plus tard en 2009 une évaluation de l'ensemble des dépenses fiscales afférentes au patrimoine monumental. Aucun dispositif n'est supprimé avant évaluation de son coût fiscal. III.- À LONG TERME : ÉLARGIR LA RÉFLEXION SUR L'AVENIR DU PATRIMOINE PROTÉGÉ A. UN DÉBAT PRÉALABLE : DOIT-ON TOUT CONSERVER ? Le patrimoine est un monde heureusement mouvant, en constante évolution et donc en constante augmentation. Symbole de la richesse de notre culture, il constitue par une sorte « d'effet retour » un redoutable privilège car la mise à jour, la restauration, l'entretien le gardiennage d'un nouveau site ont un coût et chaque nouvelle opération patrimoniale alourdit la charge que l'Etat ou les collectivités doivent assumer. De fait, au-delà des dispositions administratives, on peut raisonnablement se poser la question de savoir s'il faudra à l'avenir continuer à tout conserver. Déjà dans un précédent rapport parlementaire dédié aux méthodes de restauration des œuvres d'art et du patrimoine (21), le rapporteur avait amplement relayé cette problématique évoquée de manière récurrente par les professionnels du secteur. Dès 1832, Victor Hugo affirmait l'importance de la préservation du patrimoine monumental pour la nation et exposait très clairement la philosophie qui préside aujourd'hui encore à sa protection en France : « Quels que soient les droits de la propriété, la destruction d'un édifice historique et monumental ne doit pas être permise à ces ignobles spéculateurs que leur intérêt aveugle sur leur honneur (...) Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde ; c'est donc dépasser son droit que le détruire ». 1. La nécessaire protection du patrimoine Pourtant, la protection des monuments n'est pas intrinsèquement liée à la notion de « civilisation » car il existe des cultures ou des époques qui ne protègent pas. Ainsi, comme le rappelle Krzystof Pomian dans un article de la revue Patrimoines (22), « nous connaissons des sociétés qui ont atteint un très haut niveau de civilisation mais où l'on ignorait toute protection des monuments - et ce pendant des siècles. (...) Le Moyen-Âge européen (...) utilisait les anciens marbres comme des matériaux de construction, remployait des sarcophages antiques pour y mettre des morts ou les incorporer dans des autels, décorait les reliquaires ou les reliures des livres saints avec des pierres gravées porteuses des figures mythologiques ou des divinités païennes, en exposait certaines, à l'instar des icônes, pendant les offices et les promenait dans des processions, intégrait les inscriptions et les sculptures anciennes dans les murs des églises, en faisait des signes des lieux d'exécutions capitales ou des sièges de pouvoir - en imposant chaque fois à des scènes et des personnages représentés une signification chrétienne, quitte à les retoucher au besoin ». La notion de protection est donc toute relative, même en Europe, et relativement récente. C'est d'abord le patrimoine mobilier, puis au XIXe siècle le patrimoine monumental, qui prend une nouvelle valeur, justifiant ainsi sa protection : « En Italie du Nord - à Vérone, à Padoue -, les lettrés et les artistes commencent à s'intéresser de plus en plus aux monnaies anciennes, aux inscriptions, aux sculptures. Ils les recherchent, les réunissent, les utilisent comme modèles, calquent les monnaies dans les marges des manuscrits, copient des inscriptions. Et ils ne visent pas à remployer ces antiquités, bien que cela ait encore lieu. Les lettrés veulent surtout pouvoir faire correspondre des représentations adéquates aux propos des anciens auteurs : connaître l'apparence des hommes et des femmes illustres dont ils lisent les hauts faits, et savoir à quoi ressemblaient les objets dont les noms ne sont pour eux, sans cela, que des mots vides » (23). Et donc, selon Krzystof Pomian, nous protégeons les monuments car « comme toute société humaine, nous sortons certains objets de la sphère utilitaire et affirmons de la sorte notre croyance en une réalité extérieure au monde de la perception sensorielle et différente de lui dans son principe - et telle qu'en la reconnaissant en tant que réalité, précisément, nous constituons un espace que désigne le mot « culture » et qui nous différencie des animaux. Mais, dans le cadre de cette croyance adoptée universellement par les humains, notre société - et elle seule - confère aux objets extraits de la sphère utilitaire le statut des monuments, parce qu'elle seule situe la réalité invisible non pas dans l'au-delà mais dans le passé et dans l'avenir, en assignant à chaque présent successif le rôle d'un pont entre les deux. En protégeant les monuments, nous établissons un lien entre le passé et l'avenir, comme nos ancêtres, jadis, en protégeant les reliques en établissaient un entre l'au-delà et le monde visible. Ce faisant, nous intégrons l'histoire, comme eux, jadis, intégraient l'être » (24). Le rapporteur partage cette analyse et estime qu'il convient effectivement de protéger notre patrimoine monumental, car il est porteur d'avenir et permet à notre pays de se développer sur des racines solides. Pour autant, la protection doit s'appliquer de manière stricte et faire régulièrement l'objet d'évaluation, voire de révision, notamment en cas de modification irréversible du bâtiment. 2. Un patrimoine monumental protégé qui ne cesse de croître Le nombre total d'immeubles protégés au titre des monuments historiques est aujourd'hui de 42 310, dont 14 282 sont classés (34 %) et 28 290 inscrits (66 %), selon la base de données officielle « Mérimée ». Au XIXe siècle, l'intérêt s'est plutôt porté sur la sauvegarde des monuments antiques et du Moyen Age, mais, au XXe siècle, la notion de monument historique n'a cessé de s'élargir. Pendant la plus grande partie de ce siècle, ce sont essentiellement des monuments antérieurs au XIXe siècle qui ont été protégés puis, à partir de 1975, un effort important a été fait en direction des immeubles du XIXe siècle. Par ailleurs, depuis les années 1980, les parcs et jardins historiques sont considérés en fonction de leur intérêt propre et non plus comme accompagnant les édifices. Enfin, la plupart des immeubles relevant du patrimoine industriel, scientifique ou technique (usines notamment, mais également gares) ont été protégés après 1985 et enfin, depuis 1990, une attention particulière est portée à la sauvegarde des immeubles les plus remarquables de l'architecture contemporaine.
L'histogramme suivant montre que deux époques ont été très actives en matière de protection : les années 1910-1930 et 1980-2000. On observera toutefois que, depuis 1995, le rythme a considérablement ralenti par souci d'une plus grande rigueur dans la sélection. Classement des immeubles par décennie Source : ministère de la culture et de la communication Depuis deux ans, le nombre des protections est descendu à un niveau inférieur à 400 mesures par an. La sélection est donc devenue particulièrement rigoureuse puisque, par rapport à 1995, le nombre de classements et d'inscriptions a diminué de plus de moitié. Depuis 1998, le nombre des classements reste inférieur à 80 mesures par an. Le nombre des inscriptions se situe désormais à 300 mesures par an. Protection d'immeubles prises depuis 10 ans
Source : ministère de la culture et de la communication On remarquera sur le graphique suivant que, depuis 1970, le nombre total annuel des protections n'a été inférieur à 400 mesures qu'en 1982, 1985, 2004 et 2005. La moyenne annuelle de la décennie se situe à 484 mesures alors que celle de la précédente, qui était une période de forte croissance, était de 864. Cette moyenne a donc diminué de moitié entre les deux périodes. Sur l'ensemble des immeubles protégés, la période de construction la plus représentée est l'époque moderne (XVIe-XVIIIe siècles) avec 46,5 % du total puis suivent le Moyen-Âge avec environ un tiers du total, l'époque contemporaine (XIXe-XXe siècles) avec 14 % et les antiquités historiques et préhistoriques avec 5,5 %. Malgré un effort important fait au cours des dix dernières années, le patrimoine du XXe siècle reste sous-représenté : le nombre des immeubles protégés, inférieur à 200 en 1985, est passé à 1000 en 1995 et à 1500 en 2005 mais ce chiffre ne représente encore que 3,5 % du total. On peut sans difficulté imaginer qu'au cours des prochaines décennies, ce patrimoine fera l'objet d'une attention soutenue. Or il présente des problématiques de conservation particulières (effritement du béton, structures métalliques fragilisées, etc.), et donc engendre souvent des travaux relativement coûteux. Dans ce cadre, les difficultés budgétaires actuelles risquent de se trouver accentuées. Si l'on ne peut envisager la problématique de la protection sous l'angle de son coût budgétaire, il convient malgré tout de poser la question : Pourra-t-on demain tout protéger ? Et d'ailleurs, doit-on tout protéger ?
Source : ministère de la culture et de la communication 3. Demain, pourra-t-on protéger encore tous les monuments ? Le rapporteur partage sur ce point la position que M. Yann Gaillard exprimait déjà en 2002(25) : « Aujourd'hui, si tout est digne d'intérêt, si tout mérite d'être conservé, ne serait-ce qu'à titre de témoin de son époque, d'un temps révolu constitutif de notre mémoire collective, il devient difficile de se fixer une ligne conduite réaliste et, pour reprendre un anglicisme, « soutenable » à long terme. « La destruction et la ruine de l'inutile sont une loi de la nature. La culture intervient pour donner un sens nouveau à des biens ayant perdu leur fonction originelle. Mais la culture ne peut durablement aller à l'encontre des lois de la nature à un coût supportable et acceptable par la Nation, que si les biens sauvegardés conservent une fonction - tel est bien le problème que pose le parc immense des chapelles et églises de France, peu à peu privées de support naturel qu'est la présence des fidèles - ou en retrouve une, ce qui, on l'a vu, peut s'avérer coûteux. « Si pour les quelques centaines de monuments phares du génie de la France, la question ne se pose pas, pour les autres, elle est bien souvent de savoir, en se plaçant du point de vue des finances publiques, s'il faut encourager le maintien fictif de fonctions originelles, au risque de faire paraître bien lourdes les dépenses engagées pour maintenir un temple vide, ou s'il faut prendre le risque -financier - de créer des fonctions nouvelles pas forcément indispensables pour maintenir en vie l'organe. » « La patrimonialisation du territoire national et de ses coutumes, demain peut-être de toutes ses pratiques, est porteuse d'un double risque : la montée des coûts de fonctionnement, surtout lorsqu'il est fait appel à l'État pour faire vivre revivre ou survivre des monuments traditionnels mais aussi de plus en plus des implantations industrielles ; le gel des paysages, au sein desquels la modernité aurait de plus en plus de mal à se faire une place au soleil. Il faut faire ces choix et en l'occurrence faire un tri dans l'héritage patrimonial avec l'idée, qu'il ne faut pas s'enliser comme l'a fait dans une certaine mesure l'Inventaire général dans une approche trop horizontale, trop objective, insuffisamment qualitative. » Le rapporteur se saisit volontiers de cette idée qualitative des grands choix patrimoniaux. L'héritage patrimonial doit être respecté, mais il ne doit pas faire l'objet de systématisme sauf à encourir ce double risque, financier et attentatoire à la modernité. Conserver, c'est témoigner. Ce n'est pas « cristalliser ». En effet, les besoins dans ce secteur doivent être clairement évalués et les choix clairement tranchés au risque pour l'État de devoir, dans le cas contraire, comme Sisyphe, renouveler perpétuellement son effort sans résultat tangible. Il s'agit clairement d'un choix politique, au sens noble du terme. Proposition n° 21 : afin de redonner tout leur sens aux procédures de déclassement et de suppression d'inscription, mettre à disposition des données claires sur l'état sanitaire du patrimoine protégé. La création d'une base recensant ces données, préconisée dans la première partie du rapport, permettra peut-être de se rendre compte de l'absence d'intérêt de certaines protections. Quels que soient les monuments que l'on décidera de conserver, tous les intervenants auditionnés par la mission s'accordent à reconnaître que c'est effectivement une meilleure mise en valeur, voire une « réutilisation », qui permettra demain leur préservation dans de bonnes conditions. Cette mise en valeur contribue en effet à l'indispensable valorisation économique du patrimoine, piste aujourd'hui encore trop peu exploitée. Si l'on ne peut peut-être pas, contrairement à ce que le rapporteur a pu constater en l'Écosse, imaginer transformer des églises en restaurant ou en brasserie, il convient malgré tout de s'interroger sur les possibilités « d'utilisation » économiquement viables de certains monuments protégés. B. UN IMPACT ÉCONOMIQUE NON NÉGLIGEABLE Il convient en effet de considérer le patrimoine comme un atout économique, lorsqu'il est correctement valorisé, et non uniquement comme une charge. On oublie trop souvent que le patrimoine participe à la vie économique du pays en termes d'emplois et d'activités, par les liens qu'il entretient avec l'industrie touristique − la France est la première destination mondiale d'accueil avec 75 millions de visiteurs annuels −, le secteur du bâtiment et l'aménagement du territoire. Comme le rappelait le ministre devant la mission « le patrimoine est un enjeu déterminant de l'économie et de l'attractivité des territoires. Il est un facteur de création d'emplois important. Il participe pleinement à la politique de soutien à l'emploi culturel menée par le gouvernement ». 1. Un impact économique global et régional encore mal appréhendé Le ministre l'a clairement souligné devant la mission : il faut avant tout gagner « la bataille de l'amont », c'est-à-dire réaffirmer l'importance du patrimoine monumental que l'on voudra conserver demain en s'interrogeant sur le capital que cela représente pour notre pays. Le patrimoine monumental ne contribue pas marginalement au dynamisme de notre économie, bien au contraire, mais son impact est encore mal appréhendé. C'est ce qui a amené en 2003 le département des études et de la prospective du ministère de la culture et de la communication à confier à M. Xavier Greffe, professeur d'économie à l'université Paris-I, une étude pour apprécier les enjeux économiques de la mise en valeur du patrimoine(26) Selon cette étude, ce sont 43 880 emplois directs qui sont générés par le patrimoine (monuments et musées, publics et privés), si l'on tient compte du nombre d'emplois sur les sites patrimoniaux (ouverture, accueil et entretien courant), des emplois d'animation et des guides conférenciers employés par exemple par les villes et pays d'art et d'histoire. Par ailleurs, 41 714 emplois indirects sont générés par la filière. Il s'agit des emplois liés aux travaux de conservation ou de restauration qui sont effectués dans le patrimoine et mobilisent une main-d'œuvre spécialisée d'entreprises de travaux publics ou d'artisans (en ne retenant que la part correspondant à leur activité patrimoniale, lorsqu'elles ont également des activités de BTP « classiques »). Enfin, on estime à 176 8000 emplois les emplois induits par le patrimoine dans l'hôtellerie, les transports ou la restauration. Dans ce cadre, au total et au niveau national, ce sont plus de 260 000 emplois qui sont générés par la filière. Ces conclusions sont confirmées au niveau régional par une étude de janvier 2005 réalisée par l'agence régionale du patrimoine de Provence-Alpes-Côte d'Azur, menée par le biais de sondages auprès des 274 gestionnaires de monuments de la région. L'agence estime à près de 50 000 les emplois générés par le patrimoine dans la région, soit environ 3 000 emplois directs au sein des monuments et des sites et au sein des administrations en charge de la protection et de la valorisation du patrimoine, entre 27 000 et 28 000 emplois dans les activités de restauration du patrimoine bâti et dans le tourisme et 18 000 à 19 000 emplois induits dans l'hôtellerie, les transports et la restauration. L'agence évalue par ailleurs à plus de 19 millions d'euros les recettes d'exploitation des monuments (13,6 millions d'euros de billetterie, 2,1 millions d'euros pour les boutiques, 1,2 million d'euros pour les visites guidées, 1,2 million d'euros au titre de l'organisation d'événements et 1 million d'euros de recettes diverses). L'agence a également estimé l'impact économique indirect du patrimoine : 37,6 millions d'euros pour les travaux de restauration (sur la base du chiffre d'affaires pour 2004 des entreprises du groupement français des entreprises de restauration des monuments historiques (GMH) communiqué par le groupement) et 1,275 milliard d'euros pour le tourisme patrimonial. En comparaison, la dépense publique en faveur du patrimoine dans la région ne s'est élevée sur la même période qu'à 42 millions d'euros (27 millions d'euros pour les financements de l'État en faveur des monuments classés ou inscrits effectivement dépensés dans la région en 2004 et 15 millions de crédits publics provenant des collectivités territoriales, du fonds national pour l'aménagement du territoire ou des fonds européens). On le voit, l'effet multiplicateur de la dépense publique en faveur du patrimoine est loin d'être négligeable et le secteur n'a rien à envier en termes de « puissance économique » à d'autres dont les retombées économiques sont mieux « vendues » auprès des pouvoirs publics. Proposition n° 22 : réaliser sur l'ensemble du territoire des études régionales sur l'impact économique de la valorisation du patrimoine. 2. Des conséquences importantes sur la filière du bâtiment Comme le soulignait le ministre devant la mission, « la richesse du patrimoine, c'est aussi celle de ses entreprises et de ses professionnels, de leurs métiers, de leurs savoir-faire d'excellence ». L'entretien et la restauration des monuments, ce sont des milliers d'entreprises et des centaines de restaurateurs. Les restaurateurs français et les entreprises qui les emploient ou leur passent commande possèdent un savoir faire qui est reconnu et sollicité par un grand nombre de pays dont le patrimoine nécessite des soins. La formation de nos restaurateurs et le dynamisme de nos entreprises spécialisées confèrent à ce secteur d'activité un sérieux et une capacité d'adaptation sur laquelle tout politique en faveur du patrimoine peut se reposer. Il n'est pas inutile de rappeler que la France possède plusieurs écoles d'archéologie et de restauration dans le monde (notamment à Delphes en Grèce et Angkor au Cambodge). Les pays qui les accueillent leur ont confié la mise en valeur et la restauration de ces sites prestigieux. En France, les besoins en entretien et restauration des monuments historiques sont immenses et il existe une marge considérable de développement dans le secteur du bâtiment, selon les informations fournies par le ministère au rapporteur. Ainsi, d'après une étude diligentée en 2002 par le ministère auprès du Centre d'études et de recherche sur les qualifications (CEREQ) et du Centre d'études, de recherches et de formation institutionnelles du sud-est (CERFISE) qui ont interrogé près de 280 architectes spécialisés dans la restauration du patrimoine architectural, il existe un déficit d'entreprises capables d'exécuter les travaux dans le domaine de la restauration du patrimoine protégé (53 % des répondants) comme dans la restauration du patrimoine non protégé (44 %). De même, l'enquête menée auprès de 70 entreprises de différents corps d'état a mis en évidence un développement intéressant du marché, en particulier dans le domaine du patrimoine de pays. En effet, la France dispose non seulement d'un patrimoine protégé, mais également d'un patrimoine non protégé d'une grande diversité et d'une grande richesse, dont la pérennité et la mise en valeur dépendent de la perpétuation des connaissances techniques qui ont permis leur construction et des précautions qui sont prises lors des interventions sur ces édifices. On a pris conscience très récemment de l'importance qu'il y avait à prendre en considération le patrimoine de pays. La Fondation du patrimoine, sur laquelle le rapporteur reviendra ultérieurement, décompte 400 000 bâtiments répondant à cette appellation, dont 40 % appartiennent à des propriétaires privés. Paradoxalement, alors que les besoins sont immenses, le secteur continue à vivre une période très difficile en raison de l'insuffisance de crédits de paiement dans le secteur du patrimoine protégé. M. Christophe Eschlimann, président du Groupement des entreprises de restauration des monuments historiques (GMH), le rappelait devant la mission : les entreprises ont souvent été contraintes à des licenciements de salariés, notamment les plus jeunes aux rémunérations les moins élevées. Les plus petites structures, et à plus forte raison celles dont l'activité se concentre sur les monuments historiques (restaurateurs d'œuvres d'art, maîtres verriers, etc.) sont les plus touchées car elles n'ont pas la trésorerie nécessaire pour faire face. Les corps d'état intervenant sur le patrimoine monumental sont nombreux et variés : maçonnerie, pierre de taille, restauration d'enduits anciens, sculpture, couverture et ornements de couverture, charpente, menuiserie, plâtrerie, staff et stuc, ferronnerie d'art, métallerie, serrurerie, peinture, horticulture, etc. Mais, en fait, les chantiers de maçonnerie et pierre de taille et de charpente-couverture représentent 70 à 80 % du volume des travaux de restauration sur les monuments historiques, la maçonnerie-pierre de taille comptant à elle seule pour 50 à 60 % de ce volume global. Quelque 1800 entreprises constituent ce réseau très diversifié d'artisans, d'ateliers, de petites et moyennes entreprises et de filiales de grands groupes, souvent hautement spécialisées et en même temps soucieuses de mettre l'innovation technologique au service de la restauration des monuments historiques. Toutes attachent une grande importance à la formation et à la transmission de savoir-faire au sein de l'entreprise, comme le rapporteur a pu le constater en visitant les Ateliers Perrault Frères à Saint-Laurent de la Plaine. Lors de la préparation de son rapport sur les techniques de restauration des œuvres d'art et la protection du patrimoine face aux attaques du vieillissement et des pollutions(27), les mêmes problématiques avaient été exposées au rapporteur par l'entreprise Lanfry à Rouen et l'Atelier Jean-Loup Bouvier aux Angles, près d'Avignon. Selon les informations communiquées par le ministère, près d'un millier d'entreprises, représentant 9 000 salariés, travaillaient en 2005 sur les 4 800 chantiers de restauration de monuments protégés, dont 3 500 chantiers d'entretien des monuments historiques que le ministère de la culture subventionne ou finance directement. Le marché des travaux pour la restauration des monuments historiques se caractérise par un taux de main-d'œuvre particulièrement élevé. Il varie de 80 à 90 % selon les secteurs d'activité. On estime à 9 000 le nombre d'emplois relevant du secteur de la restauration des monuments historiques au sens strict, dont 5 000 compagnons spécialisés (maçons-tailleurs de pierre, charpentiers, couvreurs, maîtres verriers, menuisiers, restaurateurs de sculptures, de fresques, de mosaïques, doreurs, etc.) travaillant exclusivement sur les chantiers de monuments historiques et 4 000 emplois de spécialistes du bâtiment travaillant sur des monuments historiques, mais non exclusivement (peintres, électriciens, plombiers, climaticiens). La plupart des professionnels compétents sont aujourd'hui encore formés dans l'entreprise familiale, par le compagnonnage, grâce aux organisations de sauvegarde du patrimoine ou encore par le recours à la formation continue. Ces professionnels sont cependant peu nombreux au regard de l'importance du marché potentiel. Le ministère de la culture et de la communication, extrêmement attentif à cet enjeu prioritaire, a multiplié les rencontres entre les professionnels du patrimoine et les ministères concernés par les formations, et a encouragé la création de diplômes, tel celui de « maçon du patrimoine ». Le rapporteur se félicite de l'attention portée à ce secteur clé et du fait que le ministère ait obtenu la création d'un baccalauréat professionnel d'intervention sur le patrimoine bâti dont le référentiel doit être mis au point pour juillet 2007. En effet, si 140 000 salariés entrent chaque année dans le secteur du bâtiment, 58 % ne sont pas qualifiés. Or les difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises artisanales viennent en particulier de ce décalage entre le niveau de qualification recherché et le profil des candidats à la recherche d'un emploi. Les entreprises ne parviennent aujourd'hui pas à satisfaire leurs besoins de recrutement en ouvriers qualifiés et très qualifiés. Proposition n° 23 : mettre en œuvre rapidement le baccalauréat professionnel d'intervention sur le patrimoine bâti. 3. De l'intérêt d'une meilleure valorisation économique du patrimoine M. Xavier Greffe le souligne très clairement dans son étude (28), « en France, la prééminence des valeurs d'existence sur les valeurs d'usage induit des dynamiques qui réduisent la capacité du système patrimonial à tirer parti de son potentiel économique ». Le terme de « valorisation économique » n'est pas péjoratif et ne relève pas d'une approche purement utilitaire, qui s'opposerait à une tradition française selon laquelle le patrimoine « vaut pour ce qu'il est », indépendamment de ce qu'il peut apporter à la société. Cet état d'esprit ne doit absolument pas empêcher de prendre en considération les effets économiques des choix qui sont faits pour le patrimoine. Le patrimoine peut contribuer au développement artistique, éducatif ou social de la société. Il est source de valeurs et implique des mouvements économiques. Comme le rapporteur vient de le rappeler, le potentiel économique existe et il est très important, à condition que la valorisation soit menée de façon intelligente. Le travail réalisé par M. Greffe à la demande du ministère est donc fondamental, car au-delà d'une analyse chiffrée sur l'impact économique du patrimoine, il dresse le constat des spécificités économiques du patrimoine, véritable écosystème au mode de fonctionnement bien particulier. À l'heure actuelle, les monuments publics et privés rencontrent très souvent des difficultés pour atteindre « l'équilibre économique ». Cette étude liste un certain nombre « d'outils stratégiques » qui permettront demain de mieux valoriser les monuments : projet de monument, approche stratégique du prix, mise en œuvre d'une démarche marketing, gestion adaptée des différents services, etc. En ce sens, elle devrait consister un véritable « vade-mecum » pour les collectivités et les gestionnaires de monuments. La démarche entreprise en Provence-Alpes-Côte d'Azur, que le rapporteur expose ci-après, se base d'ailleurs sur cette méthode. C. LA TRANSFORMATION DES COLLECTIVITÉS EN VÉRITABLES PARTENAIRES Comme souligné précédemment, les collectivités ne sont pas là pour suppléer les absences financières de l'État, d'autant plus que la démarche volontariste initiée par le gouvernement en termes de décentralisation ne pourra être couronnée de succès dans ce secteur sans un minimum de transparence sur les enjeux financiers et sans une collaboration soutenue et de long terme entre l'État, aussi bien en central qu'au niveau déconcentré, et les collectivités. 1. Une suspicion croissante à l'égard de l'État Comme le soulignent la plupart des intervenants rencontrés, les collectivités vivent mal les difficultés actuelles (faiblesse des budgets alloués par l'État, transfert de la maîtrise d'ouvrage et décentralisation). Elles considèrent qu'il s'agit là d'un désengagement de l'État dans le secteur, sans disposer d'aucune visibilité sur sa volonté et sa politique en faveur du patrimoine monumental à long terme. Trois épisodes sont venus conforter ce sentiment. ● La répercussion des variations budgétaires du ministère sur les volets « culture » des contrats de plan Le volet « culture » des contrats de plan État-régions (CPER) 2002-2007 s'élevait à 441,95 millions d'euros répartis comme suit : - 387,07 millions d'euros pour les contrats de plan au sens strict ; - 17,99 millions d'euros pour les programmes spécifiques arrêtés lors de la réunion des ministres du 22 novembre 1999 (plan Loire, conventions interrégionales de massifs, Mont Saint-Michel et programme de reconversion des zones minières). Le ministère de la culture du programme est concerné au titre du rétablissement du caractère maritime du Mont Saint-Michel, des conventions interrégionales de massifs central et pyrénéen, ainsi que du plan Loire grandeur nature classé en PITE (programme des interventions territoriales de l'État en 2005). - 36,89 millions d'euros pour les avenants « tempête et marée noire » décidés lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire du 18 mai 2000 ; Or, selon les informations communiquées au rapporteur par le ministère, « la phase de lancement du volet culturel des contrats de plan s'est traduite par des délais dans la mise en place des crédits ». S'agissant notamment de la restauration du patrimoine monumental ou de l'ouverture de musées, « certains programmes se sont trouvés ralentis par la complexité de mise en place des projets », ce qui implique leur prolongation dans la nouvelle programmation 2007-2013. Le ministère souligne qu'il est certain « que le déficit en crédit de paiement intervenu dès 2003 sur les opérations d'investissement (...) a très certainement freiné l'exécution des CPER, notamment sur le secteur du patrimoine, particulièrement en 2005 et 2006 ». Dans ce cadre, on comprend que les collectivités puissent douter de la parole de l'État et aient du mal à s'investir dans un domaine où les engagements budgétaires sont extrêmement lourds ? Dans ce secteur, l'absence de visibilité budgétaire explique sans doute que les deux opportunités ouvertes par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales - transferts des crédits d'entretien et de restauration des monuments n'appartenant pas à l'État et transfert gratuit de propriété - n'aient pas connu le succès attendu. ● La décentralisation des crédits L'article 99 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales prévoyait une possibilité d'expérimentation volontaire du transfert de gestion des crédits d'entretien et de restauration des monuments historiques classés et inscrits n'appartenant à l'État. Les conseils régionaux et généraux pouvaient se porter candidats auprès du préfet de région pour cette expérimentation d'une durée de quatre ans. Alors qu'en avril 2006, quatre collectivités avaient fait connaître leur intérêt pour l'expérimentation et demandaient des informations pour se prononcer définitivement (région Provence-Alpes-Côte d'Azur, département d'Eure-et-Loire, département du Lot et département de la Savoie), seul le département du Lot a confirmé son intérêt pour cette possibilité. Le projet de convention a été transmis courant août au ministre par le préfet avec un avis favorable. Il est en cours d'expertise en particulier sur le montant des crédits à transférer. Le transfert des crédits sera effectué en début de gestion 2007 au profit de la collectivité. Mais l'on peut s'interroger sur la portée de cette expérimentation dans la mesure où elle ne concerne qu'un seul département. Comment pourra-t-on en tirer des conclusions pour une éventuelle généralisation ? ● Le transfert de propriété des monuments historiques aux collectivités territoriales L'article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a ouvert aux collectivités territoriales la possibilité de demander le transfert gratuit de propriété de monuments historiques et de sites archéologiques appartenant à l'État, en vue d'en assurer la conservation et la valorisation culturelle. Sur la base du rapport remis en novembre 2003 au ministre de la culture et de la communication par M. René Rémond, qui présidait une commission d'élus et d'experts du patrimoine, une liste de 176 monuments et sites « transférables » a été publiée, par décret n° 2005-836 du 20 juillet 2005 relatif aux conditions de transfert de la propriété de monuments historiques aux collectivités territoriales. Aux termes de la loi, les collectivités disposaient d'un délai d'un an à compter de la publication de ce décret pour faire acte de candidature. Seuls 70 candidats se sont fait connaître. Conformément à la loi, ces candidatures ont été notifiées, au fur et à mesure, aux autres collectivités territoriales dans le ressort territorial desquelles se situaient les monuments, qui disposaient, à compter de cette notification, d'un délai de trois mois pour déposer une candidature concurrente. Les transferts devraient être réalisés à la date du 1er janvier 2007, afin de faciliter les procédures de gestion et d'apporter au plus tôt des certitudes aux agents concernés. Outre les personnels en poste dans les monuments (les agents fonctionnaires bénéficiant du traditionnel droit d'option), les collectivités bénéficiaires des transferts se verront également attribuer les crédits de fonctionnement et d'entretien consacrés par l'État aux monuments transférés. Mais lorsqu'on connaît leur niveau actuel, on peut comprendre leurs inquiétudes et la réticence de certaines collectivités à s'engager, alors même que les conventions de transfert peuvent prévoir un programme quinquennal de travaux de restauration cofinancé par la collectivité bénéficiaire et par l'État. Il conviendrait peut-être de mieux communiquer sur ce dernier point. Cette inquiétude quant aux transferts financiers explique sans doute que les préfets de région n'aient reçu que 70 candidatures, concernant 67 monuments et sites (deux monuments ayant fait l'objet de candidatures multiples). Le transfert concerne potentiellement des monuments aussi divers que les châteaux du Haut-Koenigsbourg et de Chaumont-sur-Loire, les abbayes de Jumièges et de Silvacane, les vestiges du temple de Mercure au sommet du Puy-de-Dôme (pour lequel le département du Puy-de-Dôme a d'ores et déjà été désigné comme bénéficiaire du transfert, ayant fait acte de candidature dès le 12 septembre 2005), le dolmen de la Pierre-Levée à Poitiers ou la chapelle Saint-Jean-du-Liget à Sennevières. 2. L'accompagnement par l'État des politiques de mise en valeur développées par les collectivités territoriales Cette frilosité relative des collectivités en matière de décentralisation est explicable, comme le rapporteur l'a déjà souligné, mais regrettable. En effet, de leur côté, elles développent souvent de remarquables politiques de mises en valeur des sites qu'elles possèdent et gèrent. Ainsi, la mission par exemple a pu se rendre compte du passionnant travail réalisé par le conseil général de Maine-et-Loire dans l'église collégiale Saint-Martin. Acquise par le conseil général en 1986, elle est aujourd'hui réhabilitée et remarquablement mise en valeur à l'issue de près de 20 ans de travaux. Elle résume en un seul lieu quinze siècles d'architecture religieuse. Sa restitution a permis de retrouver l'intégrité du bâtiment et s'inscrit dans un vaste projet de réutilisation culturelle de la collégiale (expositions, concerts, etc.). La lisibilité de chaque partie restituée ou remontée par rapport aux parties authentiques a été volontairement marquée. Elle permet au visiteur de saisir l'étendue de la restauration. Des « fenêtres archéologiques » laissent visibles les vestiges les plus significatifs de la nécropole mise au jour et présentée dans la crypte archéologique créée sous le chœur. Ce parti pris de restauration et de présentation permet de dégager le sol intérieur de l'édifice et de disposer, avec le parvis, d'un espace culturel de près de 1 000 m². Comme le souligne l'étude réalisée par le département d'études et de prospective du ministère de la culture, « mettre en valeur le patrimoine (...) pour les collectivités territoriales, ce peut être une façon de donner une image positive à leur territoire et d'améliorer le cadre de vie »(29). Le rapporteur estime que le rôle des collectivités locales est fondamental dans cette mise en valeur du patrimoine au niveau local (information des visiteurs sur le patrimoine local, coordination, voire partenariats, entre les monuments, animation, échanges avec les écoles et les associations locales, etc.). Elles sont les seules à même d'impulser une réelle dynamique en faveur du patrimoine au niveau local et les mieux à même de fédérer les énergies sur un territoire. Pour ne prendre qu'un exemple, qui peut sembler anecdotique, mais qui est dans le droit fil de la volonté exprimée par le ministre d'une meilleure valorisation des sites patrimoniaux, plusieurs régions ont mis en place des associations qui présentent aux producteurs cinématographiques et audiovisuels les sites monumentaux à leur disposition. Si les crédits d'impôt dans ce secteur ont été votés à l'initiative du ministre de la culture et de la communication, les régions ont pour la plupart relayé cet effort et des structures cofinancées ont progressivement vu le jour. C'est le cas en Auvergne ou en Basse-Normandie. Dans cette région, la « Maison de l'image » est une association cofinancée par le conseil régional, le centre national de la cinématographie et la direction régionale des affaires culturelles. Elle a pour vocation de mettre à la disposition des structures de production de films (longs et courts métrages, documentaires, publicités, voire clips) tous les services nécessaires à l'accueil de tournage et, en particulier, une aide à la recherche de décors bâtis et naturels. Dans ce cadre, un certain nombre de monuments importants de la région sont présentés sur le site Internet de l'association. Cela permet aux structures de production de prendre connaissance des principales caractéristiques des monuments, favorise la prise de contact et l'accueil par les propriétaires, qu'ils soient publics ou privés, et permet à ces derniers de bénéficier de ressources nouvelles et non négligeables. Ainsi, selon la direction régionale des affaires culturelles des Pays-de-la-Loire, « pour les propriétaires privés, notamment de châteaux, les tournages de films représentent un apport financier conséquent, même s'il reste très aléatoire. Ils ont déjà permis par le passé à quelques propriétaires de monuments de s'engager dans des travaux importants de restauration (le château du Plessis-Bourré en Maine-et-Loire en est un exemple pour ses couvertures) ». Il convient de développer tous les outils qui permettent d'améliorer la « co-responsabilité ». En Provence-Alpes-Côte d'Azur, une structure partenariale fort intéressante s'est mise en place : l'Agence régionale du patrimoine. Créée en 2001 par le ministère de la culture et de la communication et par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à l'occasion du lancement du plan de restauration du patrimoine antique, elle a vu ses missions élargies à l'ensemble du patrimoine au début de l'année 2005. Elle est dans cette région chargée de développer le rôle joué par les monuments dans la vie culturelle, économique et sociale de la région. Ses missions se développent dans les différents domaines de la mise en valeur du patrimoine : - Concernant la sensibilisation des publics, l'agence réfléchit à une meilleure adaptation de l'offre patrimoniale aux exigences des différents publics (scolaires, touristes étrangers ou français, publics spécifiques). Elle réalise des expositions, passe des commandes à des artistes, développe des opérations pédagogiques autour de thématiques questionnant le rôle du patrimoine dans la société (monuments et paysages, patrimoine et imaginaire littéraire, monuments et mémoire, etc.). Elle organise également des colloques avec la communauté scientifique qui permettent de diffuser la connaissance des monuments et les acquis de la recherche. - Après avoir suscité une première étude sur les publics du patrimoine antique, l'agence régionale du patrimoine de Provence-Alpes-Côte d'Azur a mis en place un Observatoire du patrimoine permettant une étude en continu de l'économie du patrimoine (fréquentation, dépenses publiques, recettes, retombées directes et indirectes, emploi) afin d'établir une photographie des évolutions de ce secteur. - À l'international, en collaboration avec les organisations internationales, l'agence développe des actions sur trois champs : échanges dans les domaines de l'ingénierie (comparatif des modes de gestion du patrimoine, méthodologie sur l'observation économique, etc.) ; participation aux actions des réseaux d'agences et de fondations du patrimoine présents dans l'Europe du sud ; coopération technique avec les pays de la rive sud de la Méditerranée. - Au titre de l'insertion, de la formation et de l'accueil, l'agence facilite l'organisation de chantiers d'insertion en faveur des publics en difficulté. Dans le cadre de la formation professionnelle et en accord avec les organismes compétents, elle contribue à l'organisation d'actions de formation dans le secteur. Elle conseille également les propriétaires publics dans les champs suivants : réalisation de diagnostics sur les territoires (avant d'orienter vers des organismes compétents pour des études plus lourdes) ; aide au recadrage ou à la définition de plans d'animation ; communication des éléments relatifs aux retombées économiques du patrimoine ; mise en lien des acteurs locaux avec des structures ou des institutions (régionales, nationales ou européennes). - S'agissant du mécénat, dans le cadre des nouvelles dispositions fiscales, l'agence conduit directement des opérations de mobilisation du mécénat ou peut contribuer au montage de ce type de dossier. Ces agences pourraient prendre la forme d'établissements publics de coopération culturelle, puisque, suite au vote de la loi n° 2006-723 du 22 juin 2006 modifiant le code général des collectivités territoriales et la loi n° 2002-6 du 4 janvier 2002 relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle (EPCC), la création de ce type de structure est simplifiée. Selon les dispositions de l'article L. 1431-1 du code général des collectivités territoriales, ces EPCC sont créés à l'initiative des collectivités territoriales et de leurs groupements, l'État pouvant être un des partenaires, et sont chargés « de la gestion d'un service public culturel présentant un intérêt pour chacune des personnes morales en cause et contribuant à la réalisation des objectifs nationaux dans le domaine de la culture ». Proposition n° 24 : développer la co-responsabilité État-collectivités locales dans le cadre de structures du type de l'Agence régionale du patrimoine créée en PACA, dont les compétences seraient élargies au financement de l'entretien et de la restauration. Ces EPCC sont donc particulièrement adaptés aux politiques partenariales dans le domaine du patrimoine, d'autant plus qu'ils pourraient mettre en place un système de financement des restaurations complémentaire intéressant, appelé « fonds de dotation », présenté à la mission par M. Éric Giuly, président de Publicis Consultants, dans le cadre d'une étude réalisée par l'organisme à la demande d'un mécène étranger et d'une institution culturelle française, étude qui semble avoir retenu l'attention du ministère de la culture. Les fonds de dotation pourraient en effet être une voie complémentaire de financement intéressante pour la restauration du patrimoine en France. Comment fonctionnent les fonds de dotation aux États-Unis ? Une institution (hôpital, université, musée) décide de collecter des dons essentiellement auprès de grands donateurs pour atteindre une surface financière critique. L'argent recueilli ne sert pas directement à financer l'institution. Seuls les revenus des capitaux placés financent le fonctionnement et les investissements de l'institution. Le fonds est un démembrement de l'institution-mère et place les actifs collectés auprès des donateurs. Il existe un lien « filial » entre l'institution fondatrice et la structure financière. Des gestionnaires professionnels, internes ou externes, gèrent les actifs, en accord avec les objectifs et la politique d'investissement définie par l'institution. Le fonds de dotation est sous la supervision du conseil d'administration (Board of Trustees) de l'institution-mère et applique « l'Investment policy statement ». Le fonds perçoit donc des revenus réguliers de ces placements, qui sont utilisés pour le fonctionnement ou les investissements de l'institution-mère, le capital n'étant jamais utilisé. Ces revenus financent les projets définis au préalable par l'institution : frais engendrés par une restauration ou une extension de bâtiment, frais de fonctionnement (salaires compris), acquisitions... Ce système est d'autant plus intéressant que, contrairement à celui des fondations ou des associations, il n'y a pas de collecte annuelle de fonds, avec envoi de coupons-réponses et donc coûts récurrents. C'est uniquement lorsque de nouveaux projets voient le jour que l'institution lance une nouvelle campagne de collecte. Les donateurs choisissent parmi les priorités définies par l'institution et affectent leur don à une action en particulier. On constate de forts taux de rendement: Taux de rendement (données 2005) Source : Publicis Consultants En France, étant donné la faible « surface financière » de certains monuments d'intérêt régional ou local, voire de certaines collectivités, l'intérêt est clairement de mutualiser les moyens. Un établissement public de coopération culturelle pourrait être porteur d'un tel projet, d'autant plus que les fondations peuvent faire partie des membres fondateurs d'un EPCC. Proposition n° 25 : faire réaliser par le ministère de la culture et de la communication et le ministère des finances une étude sur la possibilité pour des EPCC de créer des fonds de dotation et transmettre les résultats au Parlement en vue d'une éventuelle modification législative. D. UNE MEILLEURE MISE EN VALEUR LE RÔLE DES PARTENAIRES PRIVÉS : BÉNÉVOLES, ASSOCIATIONS, FONDATIONS, ENTREPRISES Si l'État doit mettre en place une véritable politique partenariale avec les collectivités locales, les acteurs publics doivent également s'appuyer de manière croissante sur l'initiative privée, foisonnante dans notre pays, et qu'il convient de mieux valoriser. Le succès des Journées du patrimoine le montre. Les Français aiment leur patrimoine. Selon une étude réalisée par BVA pour la Fondation du patrimoine en septembre 2006, 71 % des Français continuent d'estimer urgent de s'occuper du patrimoine de proximité. Les associations et les bénévoles sont nombreux, mais mal connus, la Fondation du patrimoine va être amenée à jouer un rôle croissant, qu'il convient d'accompagner. Mais il faut également mieux valoriser le mécénat dans notre seul pays et ne plus considérer que la préservation du patrimoine est une charge que seul l'État doit assumer. Elle est au contraire de la responsabilité de tous. Selon une étude réalisée par BVA pour la Fondation du patrimoine, 55% des Français estiment que c'est à l'État de participer le plus - en premier ou en deuxième - à l'entretien et à la restauration du patrimoine, avant les régions (50 %), les communes (39 %), les départements (32 %), les fondations (12 %) et enfin les particuliers (seulement 8 %). Les mentalités doivent clairement évoluer sur ce point car chacun, à son niveau, a un rôle à jouer. 1. Le bénévolat associatif : une piste à explorer a) Un dynamisme à mieux exploiter Comme le rapporteur a pu le constater au Royaume-Uni, le dynamisme du secteur du patrimoine dans ce pays est en grande partie assis sur l'important investissement des bénévoles au sein des associations et fondations œuvrant dans le secteur. Ainsi, le National Trust, fondation qui possède, entretient, restaure et met en valeur près de 350 propriétés historiques, se repose très largement sur ces bénévoles pour l'accueil et la surveillance des sites. Elle encadre ainsi près de 43 000 bénévoles sur ses sites. Elle développe une politique de communication très intensive à l'égard des potentiels bénévoles et leur propose différentes activités au sein de la fondation, mais également dans les monuments qu'elle gère. Les postes peuvent être réguliers (à temps plein, tous les week-ends ou un jour spécifique de la semaine), mais aussi saisonniers. Le National Trust propose un programme très intéressant, « Working Holiday », qui permet à des bénévoles de partir en vacances pour une somme relativement modique (de 35 livres sterling pour un court séjour à 150 livres) tout en travaillant pour l'organisme (accueil de visiteurs, rénovation des peintures d'un phare, plantations d'arbres, etc.). Les bénévoles travaillent en équipe, encadrés par des personnels qualifiés employés par le National Trust. En France, l'action de la Fondation du patrimoine en région repose très largement sur le bénévolat. La Fondation dispose donc déjà d'une forme d'expertise et de relais territoriaux dans ce domaine. Il conviendrait simplement de rationaliser son action. Proposition n° 26 : en adaptant le modèle anglais du National Trust, faire jouer à la Fondation du patrimoine un rôle d'incitateur et de pilote dans le développement du bénévolat en faveur des monuments, en coopération avec les associations de protection du patrimoine. b) Le développement du rôle des associations de protection du patrimoine : l'intérêt du service civil volontaire dans ce secteur Les associations de protection du patrimoine sont nombreuses, mais encore mal connues. Pourtant, elles sont très actives. Ainsi, l'association « Vieilles Maisons Françaises », créée en 1958, compte aujourd'hui près de 20 000 adhérents et édite une revue tirée à 25 000 exemplaires. De même, l'association « Union Rempart », également auditionnée par la mission, a pour objectif de participer à la sauvegarde des monuments du patrimoine français dont elle n'est pas propriétaire. La Fédération nationale des associations de sauvegarde des sites et ensembles monumentaux regroupe quant à elle quelque 7 000 associations et a chargé 400 de ses adhérents de se mettre au service de ces associations, de les organiser en réseaux, de mettre en place des manifestations pour le patrimoine - en particulier, la journée du patrimoine de pays -, de mener des actions de partenariat et de sensibilisation. La vie associative est donc très active dans le domaine du patrimoine et du cadre de vie, où se créent environ deux associations par jour. Les associations locales sont essentielles à la sauvegarde du petit patrimoine et regrettent souvent que les acteurs publics ne les accompagnent pas plus. Par ailleurs, les associations gérant des chantiers de bénévoles doivent être revalorisées et le rapporteur soutient le développement du service civil volontaire dans ce secteur. Le service civil volontaire est destiné à aider les jeunes à trouver un emploi en leur permettant d'intégrer différents corps de métier dans la défense, mais également les secteurs de l'environnement, de la santé, de la culture, et plus largement dans le secteur associatif. Près de 50 000 jeunes pourraient être concernés en 2007, sur une durée de six à douze mois. Les organismes qui voudront participer à ce dispositif devront être labellisés par l'Agence de la cohésion sociale et de l'égalité des chances. Dans les secteurs de l'environnement, de la santé, de la culture, ces jeunes sont recrutés sur des contrats d'accompagnement vers l'emploi (CAE). Dans les associations, les jeunes bénéficient du statut de « volontaire associatif ». Proposition n° 27 : développer le service civil volontaire dans le secteur de la restauration du patrimoine monumental et permettre aux associations gérant des chantiers de bénévoles de recruter ces volontaires. On pourrait très bien imaginer que les collectivités ou les associations de sauvegarde du patrimoine utilisent ce type de volontaires sur les chantiers. Il conviendra qu'ils ne soient pas trop nombreux, afin qu'ils soient véritablement immergés et correctement encadrés sur les chantiers par le personnel technique, mais également scientifique. c) Les associations d'amis au service du développement du mécénat pour le patrimoine privé Le rapporteur soutient le développement du rôle des associations d'amis de monuments privés dans le domaine du mécénat. L'adoption de « l'amendement Marini » est un grand pas que les pouvoirs publics se devront d'accompagner en informant ces associations des nouvelles possibilités qui leur sont ouvertes. Ces associations ont un rôle complémentaire à celui de la Fondation du patrimoine que le rapporteur entend développer, car elles sont proches du terrain et sont d'utiles « relais » et des informateurs précieux pour les structures de plus grande taille. 2. La Fondation du patrimoine : un acteur de terrain à soutenir La Fondation du patrimoine doit devenir un acteur de premier plan dans le secteur du patrimoine monumental au cours des prochaines années. Créée en 1996, sa montée en puissance a été progressive et son action repose encore très largement sur les bénévoles qui la soutiennent. Mais, mieux structurée et dotée de nouvelles missions, elle devrait à l'avenir contribuer au dynamisme du secteur privé dans le domaine et fédérer les énergies en faveur du patrimoine, qu'il soit ou non protégé. a) Le cadre juridique et l'organisation de la Fondation La Fondation du patrimoine, fondation d'utilité publique spécifique a été créée par la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996. D'après les dispositions de l'article L. 143-2 du code du patrimoine, elle a pour but de promouvoir la connaissance, la conservation et la mise en valeur du patrimoine national. Une quinzaine d'entreprises compose les fondateurs, parmi lesquelles la Fondation EDF, AXA, le Crédit Agricole, Fimalac ou Michelin. L'origine de sa création vient de la prise de conscience des pouvoirs publics de la dégradation du patrimoine non protégé dans notre pays. La Fondation du patrimoine, par le biais de son label, permet aujourd'hui à un propriétaire privé détenteur d'un bien immobilier « particulièrement représentatif » en matière de patrimoine et non protégé au titre des monuments historiques de bénéficier de déductions fiscales à l'occasion de travaux de sauvegarde ou de restauration. Son action s'est surtout développée à partir de l'année 2000, après l'élargissement du champ d'application du label aux bâtiments habitables. Après une période expérimentale de trois ans, le ministère des finances a décidé de pérenniser ce dispositif. Ainsi, depuis le 1er janvier 2003, en application de l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 2002, l'agrément fiscal formel a été supprimé et le label délivré par la Fondation du patrimoine emporte désormais de plein droit le bénéfice des déductions fiscales (30). Les conséquences fiscales de l'attribution du label sont les suivantes : Les propriétaires privés peuvent déduire: - de leur revenu global imposable, si l'immeuble ne produit pas de recettes : ● 50 % du montant TTC des travaux de restauration afférents au clos et au couvert du bâtiment (toiture, charpente, façade, huisserie...) ; ● 100 % du montant TTC des travaux de restauration du clos et du couvert lorsque ceux-ci ont obtenu au moins 20 % de subventions publiques et de la Fondation du patrimoine. - de leurs revenus fonciers, lorsque l'immeuble est donné en location : ● 100 % du montant TTC des travaux du clos et du couvert, avec report du déficit foncier éventuel sur le revenu global sans application du seuil des 10 700 €, pendant les cinq ans de champ d'application du label. Parallèlement, pour les collectivités locales et les associations propriétaires de patrimoine, protégé et non protégé, la Fondation peut lancer des souscriptions en cas de fonds insuffisants, afin permettre de recueillir les sommes nécessaires à l'aboutissement de projets de restauration. La collecte est réalisée par la Fondation auprès de donateurs mécènes (particuliers et entreprises) et elle reverse au maître d'ouvrage l'intégralité des sommes ainsi rassemblées (moins 3 % de frais de gestion). En 2005, la Fondation a ainsi lancé 220 souscriptions pour un montant de 29,5 millions d'euros de travaux. Evolution du nombre de souscriptions lancées depuis 1999 Source : Fondation du patrimoine Par ailleurs, depuis la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, la Fondation dispose pour financer ses opérations d'une fraction du produit des successions en déshérence appréhendées par l'État, qui est de 50 % du produit encaissé l'année précédente depuis cette année (contre 30 % en 2003 et 40 % en 2004 et 2005). 261 projets ont été soutenus à ce titre en 2005, pour un montant de 5,729 millions d'euros. Depuis 2003, 713 projets ont été soutenus. La Fondation du Patrimoine s'appuie sur un réseau de délégués régionaux et départementaux bénévoles, qui constituent la clef de voûte de son action sur le terrain, et sur une équipe de seulement une dizaine de personnes salariées à l'échelon national, chargée de l'animation, de la gestion administrative et financière et du contrôle de gestion. Le conseil d'administration de la fondation est constitué des membres fondateurs, de représentants d'institutions nationales (ministères de l'intérieur, de la culture, de l'environnement, Sénat, Assemblée nationale, Institut de France) et locales (communes, départements, régions). Source : Fondation du patrimoine b) L'activité de la Fondation : une progression régulière Comme les statistiques évoquées ci-dessus le soulignent, l'activité de la Fondation du patrimoine a progressé entre 2000 et 2005, avec une forte augmentation en 2004, qui se poursuit en 2006, tant en ce qui concerne ses interventions auprès des propriétaires privés que des propriétaires publics. Selon les informations communiquées au rapporteur par le ministère de la culture, « cette forte progression s'est appuyée sur une structuration croissante des délégations régionales, l'embauche de salariés permanents dans l'ensemble des délégations régionales, la suppression de l'instruction des dossiers d'agrément fiscal par les services fiscaux, l'ancrage de plus en plus fort de la fondation au niveau local et le développement des partenariats avec les collectivités territoriales ». En pratique, cette évolution s'est traduite par une augmentation importante et régulière du nombre de labels accordés par la fondation, comme en témoigne le graphique suivant : Source : Fondation du patrimoine En 2005, le nombre de labels délivrés a donc augmenté de 40 % par rapport à 2004 et a dépassé pour la première fois l'objectif de 1000 labels annuels. Le montant des travaux « labellisés » s'est élevé à 60 688 961 euros en 2005. Au total 3 430 labels ont été attribués entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2005, générant 157,427 millions d'euros de travaux. Source : Fondation du patrimoine En 2006, le rapport d'étape réalisé par la fondation montre des résultats comparables à ceux de 2005 à la même époque, soit 415 dossiers de labels au 15 juin 2006. L'objectif pour la fin 2006 est d'environ 1 200 labels. Parallèlement, une augmentation sensible du nombre de souscriptions en faveur de monuments appartenant aux collectivités ou aux associations a été constatée par rapport à la même période en 2005. c) Un rôle fédérateur dans le développement des politiques partenariales Le développement du mécénat d'entreprises ou de particuliers à destination du patrimoine non protégé, mais également de l'ensemble du patrimoine, protégé et non protégé, des collectivités, était déjà un objectif prioritaire pour la Fondation. Avec l'adoption de l'amendement Marini, la Fondation va, demain, jouer également un rôle de pivot pour le mécénat en faveur du patrimoine privé protégé. Dans le domaine du mécénat, l'activité de la Fondation du patrimoine s'est déjà manifestée par la mise en œuvre d'opérations de mécénats exemplaires réalisées grâce à l'apport de mécènes particuliers (53 édifices cultuels restaurés avec le mécénat de la Fondation Bettencourt-Schueller, des partenaires locaux et des souscriptions auprès du public) ou d'entreprises telles que Motul, Air Liquide ou Michelin. Deux conventions de partenariats ont été conclues pour la période 2006-2008 en fin d'année 2005 avec la Fondation Veolia Environnement et Total (31). Plus récemment, le 18 octobre 2006, Lafarge Granulats a signé une importante convention de mécénat quinquennal (2006-2010). L'objectif fixé par la Fondation du patrimoine aux délégués régionaux en 2006 est de valoriser le mieux possible les dispositions de la loi du 1er août 2003 sur le mécénat auprès des potentiels mécènes locaux. Parallèlement, la Fondation du patrimoine développe des accords de partenariat avec les collectivités locales (15 avec les conseils régionaux et 72 avec les conseils généraux, dont 8 nouveaux accords conclus en 2005 et 1 500 adhésions ou d'engagements de communes), ainsi que différents partenariats avec des associations de défense du patrimoine (Maisons paysannes de France, Vieilles maisons françaises, Parcs et jardins de France, la FNASSEM, la SPPEF, Union Rempart, etc.). Le partenariat avec la région Centre est un exemple très intéressant. Depuis une quinzaine d'années, la région Centre soutenait des projets de restauration et de mise en valeur du patrimoine régionale non protégé et inscrit. À partir de 2006, elle conforte cette action dans le cadre d'un partenariat avec la Fondation du Patrimoine. Depuis 2005, la région apportait un soutien financier aux bâtiments ruraux non habitables de propriétaires privés ayant obtenu le label de la Fondation et se trouvant dans un parc naturel régional. La région a voulu étendre son action aux collectivités publiques et aux associations. Dans cet esprit, a été institué un fonds alimenté par la région et la Fondation du patrimoine. Ce fonds commun permet aux collectivités publiques de moins de 3 000 habitants ou aux associations d'obtenir une subvention de 20 % du montant de leurs travaux (dans la limite de 200 000 euros de travaux) à condition d'avoir mis en place une souscription qui atteigne 5 % du montant hors taxes des travaux. Dans ce nouveau cadre, depuis le début de l'année, une soixantaine de projets sont parvenus à la Fondation du patrimoine via le conseil régional. La Fondation est donc amenée à devenir un acteur pivot dans le secteur, pour peu qu'elle dispose des moyens humains, techniques et financiers pour mener à bien l'ensemble de ses missions, qu'elle travaille en étroite collaboration avec le ministère de la culture et qu'elle continue à développer ses partenariats avec les collectivités locales. Si le rapporteur ne peut que se féliciter du chemin déjà parcouru depuis la création de la fondation, il plaide pour un développement de son activité pour le patrimoine classé et inscrit des propriétaires privés. d) L'importance du soutien au développement de son activité pour le patrimoine classé et inscrit La Fondation développe déjà son action en faveur du patrimoine classé et inscrit des collectivités et des associations. Début 2007, après l'entrée en vigueur de l'article 4 quater du projet de loi de finances pour 2007, elle aura la lourde tâche de fédérer les énergies des mécènes en faveur du patrimoine classé et inscrit des propriétaires privés. Le rapporteur se félicite de l'adoption de cet amendement, mais cette nouvelle mission dévolue à la Fondation implique qu'elle se structure encore davantage afin de répondre à la très forte attente des propriétaires privés dans ce domaine. Ces derniers plaidaient en effet de longue date pour que le mécénat leur soit accessible. Ce sera le cas dès le 1er janvier 2007. Proposition n° 28 : le rapporteur, lui-même administrateur de la fondation en tant que représentant de l'Assemblée nationale, estime qu'un renforcement des structures de coordination de la Fondation du patrimoine sera nécessaire au niveau national, mais également l'embauche de personnels spécialisés dans le secteur du mécénat auprès des délégués régionaux - uniquement chargés de ces dossiers complexes - qui devront travailler en étroite coordination avec le siège de la fondation pour valider les dossiers et débloquer les fonds. Si les autres associations et fondations reconnues collecteront également des fonds à destination des monuments privés, le rapporteur tient à souligner l'intérêt de disposer d'une structure pilote et efficace de recherche active de mécènes pour les propriétaires privés. Comme le rappelait M. Jacques Bonnechaux, président du Comité national de coordination mécénat-patrimoine, on ne peut plus aujourd'hui se contenter d'attendre passivement que les donateurs se manifestent. Il convient au contraire d'être particulièrement proactif et de croiser les demandes des propriétaires et les centres d'intérêt des entreprises importantes, mais également des PME, afin de proposer régulièrement des projets à l'ensemble des entreprises potentiellement intéressées sur un territoire donné. Lors de la table ronde organisée par la mission avec des mécènes, M. Christophe Cevasco, chargé des relations avec le parlement de Total, estimait d'ailleurs que, « sans créer une structure de plus, [peut-être] manque-t-on des moyens de mettre en contact les différents interlocuteurs afin simplement de voir ce qu'il serait utile de faire dans un territoire ». Proposition n° 29 : mettre en place, au sein de la Fondation du patrimoine, une base de données exhaustive permettant de croiser les centres d'intérêt des entreprises situées sur le territoire français et les demandes des propriétaires privés et des collectivités. Parallèlement, la Fondation pourrait sans doute également étudier l'intérêt de créer un fonds de dotation sur le modèle de ceux existant aux États-Unis, en collaboration avec les collectivités qui le voudraient, ce qui leur éviterait de lancer des souscriptions, coûteuses, sur chaque projet. Proposition n° 30 : étudier la possibilité pour la Fondation du patrimoine de créer un fonds de dotation en collaboration avec les collectivités locales volontaires. Enfin, si, comme le rapporteur le préconise, la Fondation devient propriétaire de monuments protégés, à l'image du National Trust et du Fondo per l'ambiente italiano créé en 1975 sur le modèle du National Trust, elle disposera alors d'une « panoplie » complète au service du patrimoine monumental. Le rapporteur a pu constater le travail incroyable accompli par le National Trust au Royaume-Uni, il est vrai depuis plus d'un siècle. Cette fondation dispose de 3,4 millions de membres qui, moyennant le paiement d'une cotisation annuelle, entrent gratuitement dans les 350 monuments qu'elle gère. Cette cotisation rapporte chaque année plus de 9 millions de livres sterling au National Trust. Son budget annuel s'élève à plus de 337 millions de livres sterling, dont plus de 27 millions tirés de ses placements financiers. On comprend là tout l'intérêt d'un fond de dotation... Elle investit chaque année plus de 40 millions d'euros dans les monuments (entretien, restauration, aménagements divers). Ses propriétés sont dans un excellent état de conservation et elles sont remarquablement mises en valeur. Le site Internet du National Trust(32) permet de disposer d'une vision exhaustive de l'ensemble du patrimoine de la fondation, de connaître les activités de chaque site, ainsi que les différentes possibilités de location des sites (pour des tournages, des séminaires, des mariages, etc.). La mutualisation de l'information est ici remarquable. Le FAI italien dispose quant à lui de 60 000 membres et gère une vingtaine de propriétés dans toute l'Italie. Il fonctionne sur le modèle du National Trust, mais avec un succès moindre, le bénévolat étant très peu développé en Italie dans le secteur du patrimoine monumental. Le rapporteur soutient une telle évolution de la Fondation du patrimoine, d'autant plus qu'elle disposerait alors d'une force qui lui permettrait de jouer pleinement son rôle vis-à-vis des mécènes privés. 3. Le mécénat : mieux valoriser les mécènes et développer des formules innovantes Si les quelques améliorations techniques qu'il conviendrait d'apporter au dispositif fiscal ont déjà été abordées dans la première partie du rapport, on reviendra ici sur les freins plus structurels qui ont jusqu'à présent ralenti la croissance du mécénat dans notre pays. a) Une meilleure coordination des efforts L'efficacité dans la recherche des dons passe en effet par une plus grande coordination des différents acteurs publics et privés en quête de mécènes. En effet, dans ce secteur encore plus que dans d'autres, des actions multiples et isolées ont nettement moins de chances d'aboutir qu'une action coordonnée et systématique. Les services chargés de rechercher des mécènes pour le patrimoine se sont multipliés au cours des dernières années : − Fondation du patrimoine et, demain, associations et fondations reconnues d'utilité publique pour les propriétaires privés ; − mission mécénat du ministère de la culture et de la communication, cellule mécénat de la direction de l'architecture et du patrimoine du ministère, personnels du Centre des monuments nationaux et des établissements autonomes du ministère (Versailles, Chambord, etc.), collectivités locales et Fondation du patrimoine pour les monuments publics. Leur action doit être mieux coordonnée. En effet, comme le rappelait devant la mission Mme Nathalie Sauvanet, déléguée générale adjointe de l'Admical, alors que le mécénat, notamment local, en faveur du patrimoine, a un certain potentiel de développement, son association reçoit des responsables de PME qui ont envie d'agir mais qui sont un peu perdus. C'est par exemple le cas dans le bâtiment et l'immobilier, où les entreprises souhaitent intervenir dans leur domaine d'activité et où elles peuvent faire beaucoup dans l'animation du patrimoine. Les responsables de ces entreprises ont des idées mais ne savent pas à qui s'adresser pour sélectionner un monument à aider. Cela ne représente sans doute pas des sommes très importantes, mais il s'agit bien d'un potentiel qui est à l'heure actuelle inexploité. La coordination est indispensable si l'on ne veut aboutir une dépense d'énergie et de moyens humains supérieure à ce que le mécène peut apporter au monument. On citera à titre d'exemple l'anecdote fournie par la DRAC de Basse-Normandie à la mission. « Un grand opérateur de téléphonie mobile a été sollicité pour la restauration d'une église en contrepartie de l'autorisation donnée d'installer ses antennes dans le clocher ; la commune propriétaire, le SDAP et la CRMH ont déjà tenu, séparément ou ensemble, pas moins de cinq réunions pour essayer d'arracher 20 000 euros de mécénat audit opérateur... ». Le rapporteur plaide pour que, demain, la Fondation du patrimoine soit « pilote » ou « référent » pour les monuments privés et le mécénat en faveur des monuments des collectivités et la mission mécénat du ministère de la culture pour patrimoine de l'État. Les autres acteurs pourraient se rapprocher de ces deux structures pour toute information sur le sujet et elles devraient disposer d'une base de données recensant les besoins des monuments et les offres des mécènes. Proposition n° 31 : faire de la Fondation du patrimoine le « pilote » ou « référent » pour le mécénat en faveur des monuments privés et des monuments des collectivités et de la mission mécénat du ministère de la culture le « pilote » pour le patrimoine de l'État. Elles devraient pour ce faire disposer d'une base de données recensant les besoins des monuments et les offres des mécènes. À ce titre, le rapporteur regrette de ne pas avoir eu communication des rôles respectifs de la mission mécénat du ministère et de la cellule en charge de cette question à la direction de l'architecture et du patrimoine. Le ministère doit en effet se montrer exemplaire et développer une action cohérente, en ne multipliant pas les structures chargées de démarcher les potentiels mécènes. Par ailleurs, cette coordination permettrait sans doute de pallier une difficulté actuellement rencontrée par les mécènes et exposée à la mission par M. Patrick Palem, directeur des monuments historiques de Vinci. Suite à l'engagement de l'entreprise à Versailles, le ministère de la culture leur a par la suite proposé de restaurer d'autres édifices, mais, selon M. Palem, « il ne suffit pas de nous donner le nom d'une cathédrale : il faut savoir ce qu'on y fera, en termes pas seulement de travaux mais aussi d'exposition ou de concerts. C'est vraiment avec cette idée d'accompagnement que l'on parviendra à faire fonctionner davantage le mécénat pour les grands monuments ». b) La valorisation des mécènes Au Royaume-Uni, alors qu'il n'existe aucune incitation fiscale en faveur du mécénat, il est relativement plus présent qu'en France dans le domaine du patrimoine monumental. À l'inverse, en France, alors que les incitations fiscales sont aujourd'hui parmi les meilleures au monde, le mécénat n'est pas encore très bien perçu. Ainsi, selon l'étude BVA commandée par la Fondation du patrimoine, seuls 28 % des Français pensent que les fondations financées par le mécénat interviennent aujourd'hui davantage dans le secteur du patrimoine. Selon la Fondation du patrimoine, ce score s'explique avant tout par la faible notoriété de ces fondations (30 % des personnes interrogées ne les évoquent même pas comme acteur du secteur). Il existe bien un problème de perception, souligné par les mécènes eux-mêmes lors de leur audition devant la mission. Ainsi, M. Yves Le Goff, directeur de la communication externe de Total, estimait que les réticences des Français tenaient beaucoup plus aux mentalités qu'au dispositif légal : il convient de réaliser un travail de fond pour faire comprendre à nos concitoyens que la sauvegarde du patrimoine n'est pas uniquement du domaine de l'État mais doit être prise en charge par l'ensemble de la société. Dès lors qu'un mécène finance la restauration ou la mise en valeur de notre patrimoine monumental, il convient de valoriser son geste en expliquant clairement aux visiteurs son engagement et les conséquences de ce don. Proposition n° 32 : dès lors qu'un mécène participe au financement de la restauration ou de la mise en valeur d'un monument, l'indiquer de manière claire et visible dès l'entrée de ce monument puis à l'endroit où les travaux sont effectués. c) L'encouragement au développement de formules innovantes Parallèlement au mécénat « classique », le rapporteur estime qu'il convient également de favoriser le développement de formules innovantes qui donnent des résultats intéressants. Ce type de mécénat n'éclipsera bien sûr pas les associations ou fondations existantes, mais, sur certaines thématiques ou pour certains monuments, il peut constituer une bouffée d'oxygène non négligeable. La recherche de partenariats avec l'étranger est en effet une solution complémentaire à regarder de près. Comme le rappelait le ministre de la culture et de la communication le 16 septembre, à l'occasion du lancement du projet de fondation « The American Friends of the Loire Châteaux », nous avons « tous en mémoire ce que la résurrection de Versailles, au lendemain de la Première Guerre mondiale, puis dans les années cinquante, doit à John D. Rockfeller Jr ». Aujourd'hui, à Versailles, cette action se poursuit grâce aux « American Friends » du château qui ont participé à la restauration du Bosquet des Trois-Fontaines. Des associations américaines se sont également constituées autour de l'Opéra de Paris, du Centre Pompidou, du musée du Louvre. Dans le domaine du patrimoine, l'action de la French Heritage Society est également importante puisque cette association de droit américain lève des fonds pour la restauration de nombreux monuments français. La mission a pu également pu constater l'intérêt du mécénat étranger à Chantilly, où le domaine doit subir une rénovation dont le coût est estimé à 70 millions d'euros. La Fondation pour la sauvegarde et le développement du domaine, créée au début de l'année 2005 par l'Agha Khan - grand propriétaire de pur-sang, il avait précédemment participé à la restauration de l'hippodrome -, ambitionne de redonner son éclat à cette propriété de l'Institut de France (7 800 hectares de forêt et de parc, château, écuries, jardin dessiné par Le Nôtre). Créée pour dix ans, la fondation associe l'Institut au prince ismaélien, mais aussi à l'État, la région et le département. L'Agha Khan s'engage à apporter 30 millions d'euros, l'Institut de France 15 millions d'euros, l'État 15 millions d'euros également, la région 5 millions et le département 5 millions. Dans ce cadre, l'État, comme l'Institut, ne financeront chacun que 20 % des travaux. De même, le projet de fondation « The American Friends of the Loire Châteaux », organisme de droit américain lancé par le ministre le 16 septembre dernier, en liaison avec M. Craig Stapleton, l'ambassadeur des États-Unis en France, répond à une problématique bien particulière : la restauration et la valorisation des châteaux classés publics et privés de la Loire, hauts lieux du tourisme, notamment américain, en France. Cette fondation aura également pour but « de favoriser et d'organiser, dans le strict respect de l'indépendance et des possibilités des différents sites, l'accueil de personnalités et de mécènes dans les châteaux de la Loire, et plus largement d'y développer un tourisme américain haut de gamme. Les fonds seront levés, non pour alimenter une caisse commune mais pour permettre la réalisation de projets précis sur tel ou tel site, ce qui suppose l'élaboration préalable de dossiers, en liaison avec les services des monuments historiques des directions régionales des affaires culturelles », selon les termes du ministre. * En conclusion, le rapporteur tient à rappeler que le projet de loi n° 2718 ratifiant l'ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés, déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale le 30 novembre 2005, n'a toujours pas été formellement ratifiée par le Parlement. Une telle ratification aurait pourtant le mérite de permettre à la représentation nationale de débattre quelques heures du patrimoine et, peut-être, par la même occasion, de donner une traduction législative à certaines propositions de ce rapport. Proposition n° 33 : inscrire à l'ordre du jour avant la fin de la législature le projet de loi n° 2718 ratifiant l'ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le présent rapport d'information au cours de sa séance du 19 décembre 2006. Un débat a suivi l'exposé du rapporteur. M. Patrick Bloche a vivement félicité le rapporteur pour son état des lieux détaillé, son analyse objective et ses propositions dynamiques, prenant en compte toutes les difficultés du problème par-delà les clivages politiques. Soit dit en passant, le fait que 70 millions d'euros de crédits aient été rétroactivement versés pour 2006 et autant pour 2007, soit 140 millions d'euros disponibles début 2007, risque de constituer, pour le gouvernement qui sera issu des élections du printemps prochain, un cadeau empoisonné en 2008. Il est temps d'apporter aux collectivités, qui craignent, sans avoir forcément tort, que l'État se décharge sur elles de ses dépenses, une clarification des règles du jeu. Le rapporteur a eu raison, par ailleurs, de s'interroger sur le caractère réellement incitatif des dispositions fiscales comme des encouragements au mécénat privé, qui peinent pourtant à produire leurs effets. Permettre l'affichage publicitaire sur les chantiers ne sera pas forcément facile à faire admettre - notamment par certains groupes politiques au sein du Conseil de Paris... - mais l'on peut observer que nombre d'immeubles de bureaux sont recouverts, lorsqu'ils sont en travaux, de panneaux publicitaires portant le nom de la société qui les occupe. Enfin, l'exonération d'ISF préconisée par le rapporteur devrait être subordonnée à l'entretien effectif des biens par leur propriétaire. Le président Jean-Michel Dubernard a approuvé cette dernière remarque et a rappelé que le mécénat ne concernait pas seulement la sphère culturelle, mais aussi d'autres secteurs comme celui de la recherche. S'il reste insuffisant, est-ce à cause d'un défaut dans l'application des dispositifs ou simplement d'une mauvaise communication ? M. Dominique Richard a salué le travail du rapporteur, qui servira de référence aux réflexions à venir, car il a su dépasser la question financière pour défricher des voies inexplorées jusqu'à présent. Si l'on constate actuellement de fortes tensions dans les milieux du patrimoine, c'est du fait de la baisse importante des crédits constatée ces dernières années - et le fait que le Premier ministre ait récemment annoncé de nouvelles mesures a paradoxalement compliqué la tâche de la mission -, mais aussi en raison du volume croissant de ce patrimoine et le rapporteur a raison de poser la question taboue du déclassement. Il a eu en outre le mérite de briser l'image d'Épinal du propriétaire nanti ou profiteur, quand il n'est souvent que conscient de ses devoirs envers le passé comme envers l'avenir. M. Claude Leteurtre a dit apprécier, en tant qu'ancien maire d'une ville riche en patrimoine à restaurer, les pistes tracées par le rapport, notamment sur le plan financier. Se rappelant avec une certaine amertume les réunions auxquelles il a assisté au sein des commissions supérieures des sites et des monuments historiques, il a souhaité que l'on clarifie enfin le rôle de chacun des innombrables intervenants étatiques : commissions supérieures, inspecteurs généraux, direction du patrimoine et de l'architecture, sans oublier les architectes des bâtiments de France, qui se comportent parfois comme des « ayatollahs », faute de contre-pouvoirs. Il a enfin rendu hommage à la Fondation du Patrimoine, qui fait un très bon travail, notamment au bénéfice du patrimoine de proximité. Le président Jean-Michel Dubernard s'est associé à cet hommage, ainsi qu'aux propos de l'orateur sur les architectes des bâtiments de France. M. Yves Boisseau a insisté sur la question, trop allusivement évoquée selon lui par le rapporteur dans sa présentation, de la transmission et de la survie des métiers d'art. Le rapporteur a apporté les éléments de réponse suivants : - la publicité n'est actuellement interdite que sur les monuments inscrits et classés ; - l'exonération de l'ISF devra évidemment être assortie de conditions ; - la nécessaire pérennité des métiers d'art sera favorisée par la plus grande ouverture des écoles à l'apprentissage, ainsi que par le développement de la formation continue au sein de l'Institut national du patrimoine ; - la réforme intervenue récemment devrait répondre au moins en partie aux préoccupations de M. Claude Leteurtre car les décisions des architectes des bâtiments de France sont aujourd'hui susceptibles d'appel. M. Claude Leteurtre a objecté que l'appel ne donnait jamais raison aux requérants, du fait d'une grande solidarité de corps. * La commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication. M. Christian Kert, député des Bouches-du-Rhône (UMP), président, rapporteur M. Patrick Bloche, député de Paris (SOC) M. Yves Boisseau, député du Calvados (UMP) Mme Chantal Bourragué, députée de Gironde (UMP) Mme Martine Carillon-Couvreur, députée de la Nièvre (SOC) M. Frédéric Dutoit, député des Bouches-du-Rhône (CR) M. Gaëtan Gorce, député de la Nièvre (SOC) M. Michel Herbillon, député du Val-de-Marne (UMP) M. Claude Leteurtre, député du Calvados (UDF) M. Dominique Richard, député de Maine-et-Loire (UMP) M. Dominique Tian, député des Bouches-du-Rhône (UMP) 1. Sur des monuments d'intérêt régional ou local, permettre le développement de projets de restauration et de mise en valeur financés uniquement par les collectivités, sans financement de l'État, après avis favorable de l'État aux travaux conformément au code du patrimoine. 2. Mieux informer et soutenir les propriétaires privés dans leurs démarches de développement de leurs ressources propres (ouverture à la visite, location pour tournages, mariages, séminaires d'entreprises, etc.). Dans ce cadre, leur permettre d'utiliser le chèque emploi service universel pour l'emploi de travailleurs saisonniers dans leur monument. 3. Garantir aux monuments historiques privés une proportion minimale de 10 % des crédits budgétaires alloués à la restauration et à l'entretien du patrimoine monumental. 4. Mieux prendre en compte les opérations de restauration et de mise en valeur du patrimoine monumental d'intérêt régional, qu'il soit public ou privé, dans les contrats de projets 2007-2013. 5. Remettre en 2007 au Parlement un rapport sur l'impact financier de la loi de 2003 en faveur du mécénat dans le secteur de la culture, et notamment dans le secteur de la restauration et la mise en valeur du patrimoine. 6. Afin de favoriser le développement du mécénat des petites et moyennes entreprises, supprimer le plafonnement annuel de la réduction d'impôt sur les sociétés à 0,5 % du chiffre d'affaires pour les entreprises de moins de 500 salariés. 7. Publier rapidement le décret d'application de l'article 103 du projet de loi de finances pour 2007 afin d'autoriser l'affichage publicitaire sur les échafaudages des travaux de restauration des monuments historiques et affecter les recettes au financement de ces travaux. Ce décret devra décrire très précisément les modalités et les conditions de l'autorisation délivrée. 8. Supprimer le plafond de 70 millions d'euros des droits de mutation affectés au Centre des monuments nationaux pour ne conserver que la référence au 25 % du produit de ces droits de mutation. 9. Créer une recette d'au moins 90 millions d'euros, assise sur le produit de la Française des jeux, en faveur des monuments classés et inscrits des collectivités territoriales. 10. Prévoir dès le début de la prochaine législature l'examen d'un projet de loi de programmation en faveur du patrimoine monumental, récapitulant les engagements de l'État et des autres partenaires pour les cinq années suivantes. 11. Accélérer le déploiement des logiciels de gestion financière et comptable en réseau au sein de l'ensemble des services centraux et déconcentrés du ministère de la culture, et de ses établissements publics, et veiller à la formation rapide et complète des personnels en charge de ces dossiers. 12. Mettre en place un fichier sanitaire centralisé et informatisé sur l'ensemble des monuments classés, listant l'ensemble des interventions d'entretien et de restauration et l'état actuel du bâtiment. 13. Accélérer la parution du décret sur les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et de la circulaire relative au regroupement des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et des services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP) et à l'organisation de ces services en matière de patrimoine et d'architecture. 14. Accélérer la parution du décret sur l'assistance à maîtrise d'ouvrage gratuite et sur le contrôle scientifique et technique de l'État. 15. Toiletter le statut des architectes en chef des monuments historiques en introduisant des souplesses à l'entrée vis-à-vis des architectes privés et des architectes européens, ce qui répondrait au souhait de la Commission européenne et suspendre l'application des autres aspects de la réforme de la maîtrise d'œuvre (notamment la mise en œuvre d'éventuels appels d'offre) tant que la réforme de la maîtrise d'ouvrage n'est pas stabilisée. 16. Donner au Centre des monuments nationaux (CMN) la maîtrise d'ouvrage uniquement sur ses monuments. Par ailleurs, transmettre au Parlement en mars 2007 un rapport sur la répartition des taches et des effectifs entre le CMN, les DRAC, les conservations régionales des monuments historiques (CRMH) et les autres établissements responsables de la maîtrise d'ouvrage sur les monuments historiques. 17. Appliquer le principe de « douceur » britannique en France en permettant une réduction de l'impôt sur les plus-values dû par des propriétaires privés qui cèdent leurs biens protégés à la Fondation du patrimoine. 18. Mettre en place un système de dation en paiement pour le patrimoine monumental privé au profit de la Fondation du patrimoine ou des collectivités locales qui le souhaitent. 19. Exonérer les biens immeubles protégés (inscrits ou classés) qui constituent la résidence principale de la personne imposable de l'assiette de l'impôt sur la fortune, par parallélisme avec l'exonération s'appliquant aux œuvres d'art (biens meubles protégés), à la condition que le propriétaire s'engage à entretenir son bien. 20. Transmettre au Parlement au plus tard en 2009 une évaluation de l'ensemble des dépenses fiscales afférentes au patrimoine monumental. Aucun dispositif n'est supprimé avant évaluation de son coût fiscal. 21. Afin de redonner tout leur sens aux procédures de déclassement et de suppression d'inscription, mettre à disposition des données claires sur l'état sanitaire du patrimoine protégé. La création d'une base recensant ces données, préconisée dans la première partie du rapport, permettra peut-être de se rendre compte de l'absence d'intérêt de certaines protections. 22. Réaliser sur l'ensemble du territoire des études régionales sur l'impact économique de la valorisation du patrimoine. 23. Mettre en œuvre rapidement le baccalauréat professionnel d'intervention sur le patrimoine bâti. 24. Développer la co-responsabilité État-collectivités locales dans le cadre de structures du type de l'Agence régionale du patrimoine créée en Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), dont les compétences seraient élargies au financement de l'entretien et de la restauration. 25. Faire réaliser par le ministère de la culture et de la communication et le ministère des finances une étude sur la possibilité pour des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) de créer des fonds de dotation et transmettre les résultats au Parlement en vue d'une éventuelle modification législative. 26. En adaptant le modèle anglais du National Trust, faire jouer à la Fondation du patrimoine un rôle d'incitateur et de pilote dans le développement du bénévolat en faveur des monuments, en coopération avec les associations de protection du patrimoine. 27. Développer le service civil volontaire dans le secteur de la restauration du patrimoine monumental et permettre aux associations gérant des chantiers de bénévoles de recruter ces volontaires. 28. Renforcer les structures de coordination de la Fondation du patrimoine au niveau national, mais également embaucher des personnels spécialisés dans le secteur du mécénat auprès des délégués régionaux - uniquement chargés de ces dossiers complexes - qui devront travailler en étroite coordination avec le siège de la fondation pour valider les dossiers et débloquer les fonds. 29. Mettre en place, au sein de la Fondation du patrimoine, une base de données exhaustive permettant de croiser les centres d'intérêt des entreprises situées sur le territoire français et les demandes des propriétaires privés et des collectivités. 30. Étudier la possibilité pour la Fondation du patrimoine de créer un fonds de dotation en collaboration avec les collectivités locales volontaires. 31. Faire de la Fondation du patrimoine le « pilote » ou « référent » pour le mécénat en faveur des monuments privés et des monuments des collectivités et de la mission mécénat du ministère de la culture « le pilote » pour le patrimoine de l'État. Elles devraient pour ce faire disposer d'une base de données recensant les besoins des monuments et les offres des mécènes. 32. Dès lors qu'un mécène participe au financement de la restauration ou de la mise en valeur d'un monument, l'indiquer de manière claire et visible dès l'entrée de ce monument puis à l'endroit où les travaux sont effectués. 33. Inscrire à l'ordre du jour avant la fin de la législature le projet de loi n° 2718 ratifiant l'ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés. LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES (par ordre chronologique) À Paris ¬ M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication ¬ Mme Hélène Eyssartier, sous-directrice en charge des questions de culture à la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ¬ M. Michel Clément, directeur de l'architecture et de patrimoine du ministère de la culture et de la communication ¬ Mme Isabelle Maréchal, directrice adjointe de l'architecture et du patrimoine du ministère de la culture et de la communication ¬ Mme Danièle Déal, sous-directrice des monuments historiques et des espaces protégés de la direction de l'architecture et du patrimoine du ministère de la culture et de la communication ¬ M. Christophe Vallet, président du Centre des monuments nationaux, et M. Denis Berthomier, directeur ¬ M. Philippe Preschez, chef de l'inspection de l'architecture et du patrimoine au ministère de la culture et de la communication ¬ M. Frédéric Didier, architecte en chef des monuments historiques, président du Collège des monuments historiques ¬ M. Frédéric Néraud, directeur général de la Fondation du patrimoine ¬ M. Benoit Gold, délégué du Club des partenaires de la Fondation du patrimoine ¬ M. Jean de Lambertye, président de l'association La Demeure historique ¬ M. Philippe Toussaint, président de l'association Vieilles maisons françaises ¬ M. Kléber Rossillon, président de la Fédération nationale des associations de sauvegarde des sites et ensembles monumentaux (FNASSEM) ¬ M. Charles Bourély, secrétaire général de la Ligue rurale et urbaine ¬ M. Henri de Lépinay, président de l'association Union Rempart ¬ M. Olivier de Rohan Chabot, président de l'association Sauvegarde de l'art français ¬ M. Pierre Jaillard, secrétaire général de l'association Patrimoine sans Frontières ¬ Mme Claire Ceccon, M. Yannick Morvan, association Patrimoine sans Frontières ¬ M. Marcel Stefanaggi, association de la Section française de l'Institut international de conservation (SFIIC) ¬ M. Christophe Eschlimann, président du Groupement des entreprises des monuments historiques (GMH), et Mme Catherine Charbonneau, chargée des relations parlementaires ¬ M. François Scellier, député, président du conseil général du Val d'Oise ¬ Mme Chantal Ernoult, adjointe au maire du Havre, vice-présidente de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) ¬ M. Eric Giuily, président de Publicis Consultants, Mme Florence Lepany-Duval, associée, et M. François Chardon, consultant ¬ M. Philippe Cieren, architecte des bâtiments de France, responsable du service départemental de l'architecture et du patrimoine de l'Essonne, vice-président de l'association des architectes des bâtiments de France (ANABF), et M. Lorenzo Diez, architecte des bâtiments de France, responsable du service départemental de l'architecture et du patrimoine de Meurthe-et-Moselle ¬ M. François Botton, architecte en chef des monuments historiques, inspecteur général des monuments historiques, président de la Compagnie des architectes en chef des monuments historiques ¬ M. Jean-Paul Mauduit, architecte du patrimoine, président de l'association des architectes du patrimoine ¬ M. Pierre André Lablaude, architecte en chef des monuments historiques, inspecteur général des monuments historiques ¬ M. Frédéric Iannucci, sous-directeur de la législation fiscale à la direction générale des impôts du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Jean-Luc Lopez, directeur divisionnaire à la direction générale des impôts, et M. Philippe Pascal, inspecteur principal ¬ Mme Nathalie Sauvanet, déléguée générale adjointe de l'Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL) ¬ Mme Nathalie Bazoche, chargée de mission de la Fondation EDF ¬ M. Yves Le Goff, directeur de la communication externe de Total, et M. Christophe Cevasco, chargé des relations avec le Parlement ¬ M. Patrick Palem, directeur des monuments historiques de Vinci ¬ M. Philippe Richert, sénateur, président de la mission chargée d'étudier l'entretien et la sauvegarde du patrimoine architectural du Sénat ¬ M. Jean-François de Canchy, directeur régional des affaires culturelles d'Île-de-France ¬ M. Jean-Luc Bredel, directeur régional des affaires culturelles de la région Provence-Alpes-Cote d'Azur ¬ M. Jacques Bonnechaux, président du Comité national de coordination Mécénat-Patrimoine ¬ Mme Genevière Gallot, directrice de l'Institut national du patrimoine ¬ Mme Ségolène Bergeon-Langle, chargée de mission à la direction de l'architecture et du patrimoine du ministère de la culture et de la communication À Chantilly, le 21 novembre 2006 ¬ M. Hubert Monzat, administrateur, membre du conseil d'administration de la Fondation pour la sauvegarde et le développement du domaine de Chantilly ¬ Mme Danièle Clergeot, directrice générale de la Fondation pour la sauvegarde et le développement du domaine de Chantilly ¬ Mme Nicole Garnier, conservateur en chef du patrimoine chargée du musée Condé de Chantilly ¬ M. Claude Charpentier, premier adjoint au maire de Chantilly À Londres, les 22 et 23 novembre 2006 ¬ M. Andy Copestake, directeur des finances du National Trust ¬ M. David Warrellou, chef des services fiscaux du National Trust ¬ Mme Louise Lane, directrice de la communication du National Trust ¬ M. Stephen Johnson, directeur des opérations du National Trust ¬ M. Duncan McCallum, directeur des opérations d'English Heritage ¬ Mme Alexandra Coxen, conseillère senior en politique internationale d'English Heritage ¬ Mme Gwyn Miles, directrice de Somerset House ¬ M. Gérard Errera, ambassadeur de France à Londres ¬ Mme Laurence Auer, conseillère culturelle de l'ambassade de France à Londres et directrice de l'Institut français de Londres ¬ Mme Sophie Claudel, attachée culturelle à l'ambassade de France à Londres À Édimbourg, les 23 et 24 novembre 2006 ¬ M. Pierre-Antoine Berniard, consul général de France à Edimbourg ¬ M. John Graham, président de Historic Scotland ¬ M. Robin Harper, député du Parlement écossais ¬ M. Chris Ballance, député du Parlement écossais ¬ M. Philippe Meyer, homme de lettres français ¬ M. Denis-Charles Courdent, directeur de l'Alliance Française de Glasgow ¬ Mme Corinne Fauveau, consule adjointe de France à Edimbourg ¬ M. Douglas Thornton, administrateur principal de la commission Entreprise et Culture du Parlement écossais À Rome, les 29 et 30 novembre 2006 ¬ M. Roberto Cecchi, architecte, directeur de la direction générale des biens architecturaux et du paysage du ministère des biens et des activités culturels ¬ M. Pietro Folena, président de la commission de la culture de la chambre des députés italienne ¬ M. Maurizio Galletti, architecte, surintendant des biens architecturaux et du paysage de la ville de Rome ¬ Mme Arianna Cajano, architecte, responsable du chantier de l'ensemble conventuel de la Trinité des Monts ¬ M. Pierre Cochard, ministre-conseiller de l'ambassade de France près le Saint-Siège ¬ M. François-Charles Uginet, administrateur des Pieux Etablissements à Rome ¬ Sœur Marie-Antoine, prieure des sœurs des Fraternités monastiques de Jérusalem ¬ Frère Nicolas-Marie, prieur des frères des Fraternités monastiques de Jérusalem ¬ M. Richard Peduzzi, directeur de la Villa Médicis, et M. Jérôme Bascher, secrétaire général À Angers, les 6 et 7 décembre 2006 ¬ M. Christophe Béchu, président du conseil général de Maine-et-Loire ¬ M. François Chanteux, vice-président du conseil général de Maine-et-Loire en charge de la culture ¬ Mme Isabelle Leygue, responsable de la collégiale Saint-Martin ¬ M. Guy Massin Legoff, conservateur des antiquités et objets d'art ¬ Mme Sophie Clappier, chargée de mission au cabinet du président du conseil général ¬ Mme Elisabeth Dreyfus, ancienne administratrice du château d'Angers ¬ M. Jean Perrault, président-directeur général des Ateliers Perrault Frères ¬ M. et Mme Charles-André de Brissac, propriétaires du château de Brissac ¬ M. et Mme Roger Couffin, propriétaires du Logis de la Constantinière ¬ M. Luc Codreau, chargé du patrimoine à la direction régionale des affaires culturelles des Pays-de-la-Loire. ¬ M. François Jeanneau, architecte en chef des monuments historiques ¬ M. Dominique Latron, architecte des bâtiments de France ¬ M. Michel Lerays, maire de St Rémy la Varenne ¬ M. Sylvain Lalanne, Président de l'association pour la sauvegarde et la valorisation du Prieuré de St Rémy la Varenne CHRONOLOGIE DE LA POLITIQUE DU PATRIMOINE 1. 1789-1830 : invention de la notion de patrimoine 1789 Le 2 novembre, les biens de l'Eglise sont mis à la disposition de la Nation par décret de l'Assemblée constituante. 1790 Le décret du 7 septembre crée les Archives nationales. Intervention de Charles de Talleyrand, à l'Assemblée constituante le 13 octobre, sur la conservation des chefs d'oeuvre des arts. L'Assemblée crée la commission des monuments, chargée d'étudier le sort des « monuments des arts et des sciences ». Instruction du 22 novembre, concernant la conservation des manuscrits, monuments, statues, tableaux, dessins, et autres objets provenant du mobilier des maisons ecclésiastiques, et faisant partie des biens nationaux 1792 Le 14 août, l'Assemblée vote un décret autorisant la destruction des symboles de l'Ancien régime. Le 16 septembre, l'Assemblée législative vote la conservation des « chefs d'oeuvre des arts » menacés par la tourmente révolutionnaire. 1793 Dans son rapport du 4 juin sur la protection des monuments des Beaux-Arts, présenté au nom du Comité d'instruction publique, Joseph Lakanal demande la pénalisation des dégradations sur les monuments publics. Décret du 27 juillet concernant le Muséum de la République. Rapport de Charles-Gilbert Romme, à la séance de la Convention nationale du 24 octobre, au nom du Comité d'instruction publique, concernant le vandalisme officiel. Adoption le même jour d'un décret pour limiter les abus visant à faire disparaître tous les signes de la royauté et de la féodalité dans les jardins, parcs, enclos et bâtisses. 1794 Instruction proposée par la Commission temporaire des arts et adoptée par le Comité d'instruction publique, le 15 mars, sur la manière d'inventorier et de conserver tous les objets qui peuvent servir aux arts, aux sciences et à l'enseignement. La loi du 25 juin (7 messidor an II) concernant l'organisation des archives établies auprès de la représentation nationale instaure la centralisation des archives de la Nation, leur publicité en opposition au secret d'Etat qui les régissait antérieurement, et la création d'un réseau national d'archives. Le 31 août (14 fructidor an II), l'Abbé Grégoire prononce devant la Convention nationale, son « Rapport sur les destructions opérées par le vandalisme et sur les moyens de le réprimer » et plaide pour la conservation de la « propriété du peuple ». Adoption le même jour du décret concernant le vandalisme. 1795 Rapport de François-Toussaint Villers, à la séance du 17 octobre (25 vendémiaire an IV) de la Convention nationale, et décret adopté le même jour concernant l'organisation de la Bibliothèque nationale. 1796 La loi du 26 octobre (5 brumaire an V) crée un service d'archives par département. 1801 Présentation aux consuls de la République, le 31 août (13 fructidor an IX), par le ministre de l'Intérieur, Jean-Antoine Chaptal, de son rapport sur la création des musées de province et adoption le 1er septembre d'un arrêté consulaire. 1816 Ordonnance royale du 22 juillet 1816 portant réorganisation des musées. Publication du premier Inventaire des monuments. 2. 1830 - 1930 : naissance de la politique du patrimoine 1830 Rapport de François Guizot, ministre de l'intérieur, présenté au roi le 23 octobre, sur la création d'une Inspection générale des monuments historiques en France. 1837 Institution le 28 septembre de la Commission supérieure des monuments historiques qui est à l'origine de la première liste des monuments protégés établie en 1840. 1855 Décret du 22 décembre, prescrivant le dépôt aux archives de l'Empire de tous les documents d'intérêt public dont la conservation est jugée utile. 1882 Rapport du ministre des arts, Antonin Proust, sur l'organisation des musées et la création de l'Ecole du Louvre (Ecole d'administration des musées), et décret du 24 janvier, soumis à l'approbation du président de la République, Jules Grévy, organisant notamment la division des musées en deux catégories, musées de l'Etat et musées des villes et des départements. 1887 Loi du 30 mars sur la conservation des monuments et objets d'art ayant un intérêt historique et artistique national, qui normalise les règles de la conservation du patrimoine et détermine les conditions de l'intervention de l'Etat pour la protection des monuments historiques. Toutefois, sa portée est limitée car elle restreint le classement aux monuments appartenant à des personnes publiques, le consentement des propriétaires privés étant exigé en cas de classement. Elle instaure également le corps des architectes en chef des monuments historiques. Décret du 14 mai, prescrivant que les administrations centrales versent directement aux Archives nationales tous les documents qui ne leur sont plus nécessaires. 1905 La loi du 9 septembre sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat place les édifices cultuels anciens sous la juridiction de l'Etat : elle transfère à l'Etat et aux collectivités locales la propriété des édifices de culte construits avant cette date. 1906 Publication de la loi du 21 avril sur la protection des sites et des monuments naturels de caractère artistique, résultant de l'action menée par le Club alpin français et la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de France (SPPEF). Elle représente la première loi de protection des sites naturels. 1913 Loi du 31 décembre sur les monuments historiques qui complète et améliore les dispositions de la loi de 1887, en instaurant l'instance de classement et en définissant le cadre et le statut des monuments historiques. Elle prévoit également une nouvelle mesure de protection, l'inscription à l'Inventaire supplémentaire, remplace la notion d'intérêt national par celle d'intérêt public et porte atteinte pour la première fois au droit de propriété en étendant le classement à la propriété privée. 1914 Loi du 10 juillet portant création de la Caisse nationale des monuments historiques et préhistoriques. 1924 Décret du 18 mars organisant les procédures de protection, classement et inscription, prévues par la loi de 1913. 1927 La loi du 23 juillet complète le dispositif de la loi de 1913 en instaurant l'inscription à l'Inventaire supplémentaire des immeubles qui présentent « un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation ». Elle prévoit deux niveaux de protection : le classement pour un monument présentant un intérêt public majeur et l'inscription pour un monument d'intérêt suffisant. 3. 1930 - 1960 : élargissement de la protection du patrimoine 1930 Loi du 2 mai relative à la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque. La sauvegarde et la protection s'étendent au patrimoine naturel ; la loi instaure le site protégé et prévoit à l'instar des monuments historiques un double niveau de protection, le classement et l'inscription. 1936 Rapport du président du Conseil, Léon Blum, et du ministre de l'éducation nationale, Jean Zay, et décret du 21 juillet sur les versements dans les dépôts d'archives d'Etat des papiers des ministères et administrations qui en dépendent. 1941 Loi du 27 septembre dite loi « Carcopino » portant réglementation des fouilles archéologiques terrestres. Elle fixe les conditions d'exploitation des chantiers de fouilles archéologiques et de sauvegarde des objets et des monuments que l'on peut y découvrir. 1943 La loi du 25 février complète la loi de 1913 en instituant un périmètre de 500 mètres (les « abords ») autour des monuments protégés et un régime de contrôle des travaux effectués dans ce périmètre, par l'architecte départemental des bâtiments de France. 1945 L'ordonnance du 13 juillet portant organisation provisoire des musées des beaux-arts distingue deux catégories de musées, les musées classés et les musées contrôlés. Par décret du 18 août, création au sein du ministère de l'éducation nationale, d'une direction générale de l'architecture en charge des monuments historiques et des sites, des bâtiments civils et palais nationaux, des fouilles archéologiques ainsi que de l'architecture. L'ordonnance du 13 septembre valide la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques et crée les circonscriptions archéologiques. 4. 1960-1980 : une protection complétée et élargie 1962 Loi de programme n° 62-880 du 31 juillet, relative à la restauration de grands monuments historiques pour la période 1962-1966. Loi n° 62-903 du 4 août (dite loi Malraux) sur les secteurs sauvegardés, qui étend aux ensembles urbains historiques la notion de patrimoine et permet de gérer ceux-ci au moyen d'un « plan de sauvegarde et de mise en valeur » (PSMV). 1964 Décret n° 64-94 et arrêté du 29 janvier portant création d'un Bureau des fouilles et antiquités et portant transfert d'attributions. Il est chargé de traiter l'ensemble des problèmes administratifs, financiers et techniques relatifs à l'application de la législation et de la réglementation sur les fouilles et découvertes archéologiques. Décret n° 64-203 du 4 mars instituant une commission nationale chargée de préparer l'établissement de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. 1967 Deuxième loi de programme n° 67-1174 du 28 décembre relative à la restauration de monuments historiques et à la protection des sites. 1968 La loi n° 68-1251 du 31 décembre tend à favoriser la conservation du patrimoine artistique national. La dation d'oeuvres d'art en paiements de droits de succession et les exemptions des droits de mutation et des taxes annexes dans l'intérêt des bénéficiaires permettent d'enrichir le patrimoine national. 1974 Programme de réhabilitation de 100 centres urbains et premiers classements d'immeubles du XIXe siècle et du début du XXe siècle en qualité de monuments historiques. 1978 L'année 1980 est déclarée « Année du Patrimoine » lors du conseil des ministres du 9 août. 1979 Décret n° 79-180 du 6 mars instituant les services départementaux de l'architecture et du patrimoine. PLAN NATIONAL POUR LE PATRIMOINE TABLEAUX DE SUIVI DE LA MISE EN œUVRE DES MESURES ADOPTÉES EN CONSEIL DES MINISTRES LE 17 SEPTEMBRE 2003 SOMMAIRE ----- Chantier n° 1 : Engager un effort budgétaire durable en faveur des monuments historiques p. 131131 Chantier n° 2 : Mettre en place un nouveau dispositif pour le patrimoine de proximité p. 132 Chantier n° 3 : Favoriser l'action des propriétaires privés et des associations p. 133 Chantier n° 4 : Développer l'intervention des collectivités territoriales pour le patrimoine p. 135 Chantier n° 5 : Réorganiser les services de l'état et ses établissements publics et moderniser la gestion p. 137 Chantier n° 6 : Moderniser la maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'œuvre des travaux sur les monuments historiques p. 140 Chantier 7 : Simplifier significativement les procédures p. 142 NB : - Les actions achevées figurent sur fond gris, celles qui ont été abandonnées ou qui ont reçu un arbitrage négatif figurent en italique sur fond grisé. - Chiffres actualisés au 1er septembre 2006 Engager un effort budgétaire durable en faveur des monuments historiques
(1) programme à ajuster du fait du retour à l'établissement public des surfaces du Congrès Mettre en place un nouveau dispositif pour le patrimoine de proximité
Favoriser l'action des propriétaires privés et des associations
Développer l'intervention des collectivités territoriales pour le patrimoine
* Une circulaire, qui est prête, sera diffusée aux préfets de région dès la publication des décrets d'application de la loi Réorganiser les services de l'état et ses établissements publics et moderniser la gestion
Moderniser la maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'œuvre des travaux sur les monuments historiques
Simplifier significativement les procédures
* : taux d'affectation des autorisations de programme/d'engagement en DRAC LISTE DES CHANTIERS REDÉMARRÉS AU 20 DÉCEMBRE 2006
Source : ministère de la culture et de la communication 1 () Voir notamment Yann Gaillard, rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la mission de contrôle sur l'action en matière de patrimoine, Sénat, 2001. 2 () Voir en annexe l'état d'avancement de ce Plan. 3 () Rapport général n° 3363 déposé le 12 octobre 2006 - Article 30 du projet de loi de finances. 4 () Rapport d'information n° 38 (2006-2007) de M. Philippe Nachbar, fait au nom de la mission d'information de la commission des affaires culturelle du Sénat, déposé le 24 octobre 2006. 5 () Rapport d'information n° 38 (2006-2007) de M. Philippe Nachbar, fait au nom de la mission d'information de la commission des affaires culturelles du Sénat, déposé le 24 octobre 2006. 6 () Question écrite n° 82681 de M. Dominique Caillaud, député de Vendée _ Réponse du ministère de la culture en date du 31 janvier 2006 7 () Le dispositif fiscal sera développé dans la deuxième partie du rapport. 8 () Grue puissante formée de deux ou trois montants réunis au sommet et soutenant un palan, utilisée spécialement dans les ports et sur les navires pour soulever de très grosses charges. 9 () Enquête sur un échantillon d'environ 640 entreprises de 200 salariés et plus. 10 () Liste complète en annexe. 11 () Rapport général n° 78 de M. Yann Gaillard, fait au nom de la commission des finances du Sénat, 23 novembre 2006. 12 () Voir en annexe la chronologie détaillée. 13 () Rapport n° 3167 de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, 15 juin 2006. 14 () Yann Gaillard, rapport d'information fait au nom de la mission de contrôle de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l'action de l'Etat en matière de patrimoine, Sénat, 2001. 15 () - En cas de dépenses supérieures au revenu global déclaré, le déficit est imputable sur les revenus des cinq années suivantes. 16 () - dépenses de réparation et d'entretien, frais de gérance et de rémunération des gardes et concierges ; - dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ; - dépenses d'amélioration afférentes aux locaux professionnels et commerciaux destinés à favoriser l'accueil des handicapés à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ; - impositions autres que celles incombant normalement à l'occupant, en raison desdites propriétés, au profit des collectivités locales, de certains établissements publics ou d'organismes divers ; - intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés. 17 () de 1 525 euros s'il n'y a ni parc ni jardin et de 2 290 euros dans le cas contraire. 18 () La clause d'inaliénabilité fait exception au principe de la libre disposition des biens donnés ou légués. C'est le propriétaire donateur qui prend la décision. Elle interdit au bénéficiaire : d'aliéner les biens reçus (les donner, les vendre) et, parfois, de les gager ou les hypothéquer. 19 () DB 7 S 351, n° 16. 20 () Rapport général n° 78 de M. Yann Gaillard, fait au nom de la commission des finances du Sénat, 23 novembre 2006. 21 () Rapport n° 3167 de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, 15 juin 2006. 22 () « Pourquoi protégeons-nous les monuments ? », Revue de l'Institut national du Patrimoine, n° 1, 2005. 23 () Idem. 24 () Idem. 25 () Yann Gaillard, rapport d'information de la mission de contrôle sur l'action en matière de patrimoine de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, Sénat, 2001. 26 () La valorisation économique du patrimoine, Xavier Greffe, La documentation française, 2003 (synthèse dans Développement culturel, n° 141, septembre 2003). 27 () Rapport n° 3167 de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, 15 juin 2006. 28 () La valorisation économique du patrimoine, Xavier Greffe, La documentation française, 2003 (synthèse dans Développement culturel, n° 141, septembre 2003). 29 () « La valorisation économique du patrimoine : mesure et outils », Développement culturel, n° 141, septembre 2003. 30 () L'instruction fiscale de la direction de la législation fiscale, publiée le 1er février 2005 au bulletin officiel des impôts, en détermine les conditions d'application. 31 () Les projets avec Total sont exposés dans la première partie du rapport. 32 () www.nationaltrust.org.uk. |