N° 3670 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 février 2007. RAPPORT D'ACTIVITÉ AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES Octobre 2005 - Février 2007 FAIT en application de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ET PRÉSENTÉ PAR Mme Marie-Jo Zimmermann Députée. -- La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente ; Mme Anne-Marie Comparini, M. Édouard Courtial, Mmes Geneviève Levy, Danielle Bousquet, vice-présidents ; Mmes Brigitte Barèges, Muguette Jacquaint, secrétaires ; Mme Patricia Adam, M. Pierre-Christophe Baguet, Mme Chantal Bourragué, Chantal Brunel, Martine Carrillon-Couvreur, M. Richard Cazenave, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Patrick Delnatte, Mmes Catherine Génisson, Claude Greff, Arlette Grosskost, M. Mansour Kamardine, Mmes Conchita Lacuey, Marguerite Lamour, Gabrielle Louis-Carabin, Hélène Mignon, Françoise de Panafieu, Béatrice Pavy, Valérie Pecresse, Bérengère Poletti, Josette Pons, Marcelle Ramonet, MM. Jacques Remiller, Bernard Roman, Jean-Marc Roubaud, Martial Saddier, Mmes Michèle Tabarot, Béatrice Vernaudon. S O M M A I R E Pages INTRODUCTION 7 PREMIÈRE PARTIE : FEMMES ET PRÉCARITÉ 9 I. DE PLUS EN PLUS DE FEMMES EN SITUATION PRÉCAIRE DANS UN CONTEXTE DE MUTATION DE LA PAUVRETÉ 13 A. LE DÉVELOPPEMENT D'UNE PAUVRETÉ « DANS LE SYSTÈME » 13 1. Quelle approche de la notion de pauvreté ? 13 2. « Nouvelle pauvreté » et précarisation des classes moyennes 15 B. LES FEMMES DE PLUS EN PLUS EXPOSÉES À LA PAUVRETÉ ET À LA PRÉCARITÉ 19 1. Des statistiques peu nombreuses mais éloquentes viennent corroborer le constat des acteurs de terrain 19 a) Des chiffres éloquents 19 b) Le constat unanime des acteurs de terrain 20 2. Lutter au quotidien contre la précarité 22 II. LA PRÉCARITÉ DES FEMMES, RÉSULTAT DE LA CONJONCTION DE FACTEURS PROFESSIONNELS ET PERSONNELS 25 A. LA PRÉCARISATION DES FEMMES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL 25 1. L'essor du travail féminin ne doit pas masquer la persistance d'inégalités et la fragilité des femmes sur le marché du travail 25 a) Des femmes de plus en plus actives mais toujours pénalisées sur le marché du travail 25 b) La concentration de l'emploi féminin : une source de précarité 29 2. Femme au foyer ou travailleuse pauvre ? 33 a) La tentation de quitter le marché du travail 33 b) La montée des inégalités entre les femmes 35 B. DES SITUATIONS ACCROISSANT LE RISQUE DE PRÉCARITÉ 37 1. Les femmes chefs de famille monoparentale confrontées au risque de paupérisation 37 a) Des femmes chefs de famille monoparentale de plus en plus nombreuses et fragilisées sur le marché de l'emploi 38 b) Un niveau de vie souvent modeste et une dépendance économique forte 39 2. La précarisation des femmes âgées 41 a) Vers une paupérisation des femmes retraitées ? 42 b) Solitude et pauvreté des femmes âgées 44 3. Les femmes en situation de grande précarité et d'exclusion 46 a) De plus en plus de femmes victimes de l'exclusion 46 b) Des réponses sociales perfectibles 48 III. COMBATTRE LES SITUATIONS DE PRÉCARITÉ DES FEMMES 51 1. Promouvoir la mixité dans l'orientation et la formation initiale 51 2. Faciliter l'accès des femmes à la formation continue 51 3. Améliorer la situation des femmes travaillant à temps partiel 52 4. Structurer et professionnaliser les filières d'emplois d'aide à la personne 53 5. Favoriser une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale 54 6. Corriger les effets négatifs pour les femmes des modes de calcul des retraites 57 7. Améliorer la prise en charge des femmes en situation d'exclusion 58 TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 59 RECOMMANDATIONS ADOPTÉES 63 COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 65 DEUXIÈME PARTIE : L'ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION DE NOVEMBRE 2005 À FÉVRIER 2007 171 I. LE RAPPORT D'ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION (OCTOBRE 2004 - NOVEMBRE 2005) 173 A. L'ÉTUDE SUR LES FEMMES DE L'IMMIGRATION 173 1. La situation difficile de la femme immigrée 173 2. Les recommandations de la Délégation 173 3. De réelles avancées législatives 177 a) S'agissant des mariages forcés et des mariages de complaisance 177 b) S'agissant du renforcement de la politique d'intégration des nouveaux immigrants 179 c) S'agissant de la lutte contre les discriminations 179 d) S'agissant des mutilations sexuelles 180 B. L'ÉTUDE SUR L'IVG ET LA CONTRACEPTION 180 1. Le suivi de la loi du 4 juillet 2001 180 2. Les recommandations de la Délégation 180 3. Des évolutions encore trop lentes 181 II. LES AUTRES RAPPORTS DE LA DÉLÉGATION ET LEUR SUIVI 182 A. LE RAPPORT SUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DES VIOLENCES AU SEIN DU COUPLE 182 1. Une unanimité contre les violences 182 2. Les recommandations de la Délégation 183 3. Des avancées positives 184 B. LE SUIVI DE LA LOI SUR L'ÉGALITÉ SALARIALE 186 1. Un texte novateur adopté par le Parlement 186 2. La censure du Conseil Constitutionnel et la proposition de loi constitutionnelle de Mme Marie-Jo Zimmermann 186 C. LE RAPPORT SUR LE PROJET DE LOI TENDANT À PROMOUVOIR L'ÉGAL ACCÈS DES FEMMES ET DES HOMMES AUX MANDATS ÉLECTORAUX ET FONCTIONS ÉLECTIVES 187 1. Un nouveau projet de loi sur la parité 187 2. Les recommandations de la Délégation 188 3. Un nouvel élan de la parité 189 III. L'ACTIVITÉ INTERNATIONALE DE LA DÉLÉGATION 189 A. LES RÉUNIONS DE COMMISSIONS EUROPÉENNES CHARGÉES DES DROITS DES FEMMES 189 1. La mission de la présidente de la Délégation à Rome (24 novembre 2005) 189 2. La Conférence des commissions parlementaires chargées de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes des pays de l'Union Européenne (Helsinki, 31 octobre et 1er novembre 2006) 190 B. LE VOYAGE D'ÉTUDE DE LA DÉLÉGATION À MADRID ET AU MAROC (DU 23 AU 28 AVRIL 2006) 193 1. En Espagne des avancées réelles et globales en faveur de l'égalité hommes-femmes 196 a) Dans le domaine politique, une forte progression de la parité 196 b) Une prise en compte globale de la problématique hommes-femmes 197 c) Une mise en œuvre efficace 198 2. Au Maroc, des avancées formelles encourageantes en faveur des droits des femmes 202 a) Dans le domaine politique, des avancées sensibles en 2002 grâce à un système de quota 203 b) La révolution culturelle de la « moudawana » 204 c) Un long chemin encore à parcourir pour parvenir à l'égalité réelle 206 C. LES RENCONTRES INTERNATIONALES DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMMES 209 1. La réception de parlementaires afghanes 209 2. La conférence parlementaire internationale de Moscou du 6 juin 2006 210 3. La conférence parlementaire internationale de Bangkok des 21 et 22 novembre 2006 210 Mesdames, Messieurs, Promouvoir une culture paritaire dans l'ensemble de la société, aussi bien dans le domaine politique que dans les domaines professionnels et familiaux, voilà un objectif mobilisateur pour les femmes et les hommes d'aujourd'hui. Depuis sa création en 1999, les membres de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale partagent ce projet et se retrouvent unis pour œuvrer à sa réalisation effective. En cette fin de législature, sans vouloir dresser un bilan exhaustif de l'activité de la Délégation aux droits des femmes, mais pour montrer la transversalité de ses missions, il n'est pas inutile de rappeler ses sujets d'intérêt, dérivés à la fois des projets et propositions de loi examinés par l'Assemblée nationale en séance publique et des thèmes que la Délégation a elle-même choisis et approfondis. La première préoccupation de la Délégation a été, et est restée au cours de cette législature, de favoriser la parité en politique. Après la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 et la loi du 6 juin 2000, d'autres réformes électorales ont poursuivi, ou malheureusement parfois freiné, la parité en politique. La Délégation est restée très vigilante sur ce dossier. Après deux rapports en 2003 portant sur la réforme des élections régionales, européennes et sénatoriales, elle vient de remettre en janvier 2007 son rapport sur le projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Avec cette dernière réforme, définitivement adoptée par l'Assemblée nationale, le 18 janvier 2007, l'objectif de parité est presque atteint pour les élections au scrutin de liste ; il convient de s'en réjouir fortement, car cela concerne beaucoup d'élections : européennes, sénatoriales à la proportionnelle, régionales, municipales dans les communes de 3 500 habitants et plus, exécutifs régionaux et municipaux dans ces mêmes communes. Pour autant, il faudra poursuivre les réformes pour les élections au scrutin uninominal (législatives et cantonales) afin que la France ne soit plus au 86ème rang mondial pour le taux de féminisation de l'Assemblée nationale. Ce combat pour la parité, qui transcende tous les clivages politiques, a été mené dans le but de rendre normale une représentation équilibrée des femmes, tant dans le domaine politique que dans le domaine professionnel. Ce deuxième axe de travail a mobilisé l'attention de la Délégation tout au long de ces cinq années : égalité professionnelle dans les entreprises, conditions de travail pénalisant particulièrement les femmes, comme le travail à temps partiel, égalité des salaires, égalité pour les retraites. Enfin, la Délégation s'et également intéressée aux droits propres des femmes (IVG et contraception), à leurs droits civils (divorce), à la protection contre les violences conjugales, et à la situation des femmes de l'immigration. Sur cette large palette de sujets, la Délégation a présenté des rapports qui analysent les conséquences sur les droits des femmes et sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes des politiques suivies. Aujourd'hui, la Délégation aux droits des femmes, conformément aux missions que lui a confiées la loi du 12 juillet 1999, a choisi comme thème d'étude annuel, celui de la précarité des femmes. Force est de constater que si la précarité frappe les hommes comme les femmes, celle-ci présente cependant des caractéristiques spécifiquement féminines qui s'expliquent par les discriminations subies par les femmes dès l'orientation professionnelle et la formation, ensuite sur le marché du travail, puis au moment de la retraite. Le rapport retrace également l'activité de la Délégation de novembre 2005 à février 2007, les rapports adoptés et leur suivi, ainsi que son activité internationale, notamment la participation de ses membres à diverses conférences parlementaires. Lieux de rencontre entre parlementaires de tous pays, ces conférences sont des occasions d'échanges fructueux qui permettent de mieux connaître les législations et les actions en faveur des femmes de pays similaires au nôtre. A cet égard, il ne faut pas oublier l'impulsion décisive donnée par les directives européennes et la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes en matière d'égalité de traitement entre hommes et femmes. Beaucoup de nos lois nationales ont en effet été des transpositions de normes européennes. Aujourd'hui, alors que la France va présider l'Union européenne au deuxième semestre 2008, il faudra que le prochain gouvernement issu des urnes se mobilise et prépare des avancées nouvelles pour les femmes, non seulement en France mais aussi à l'échelle européenne. PREMIÈRE PARTIE : FEMMES ET PRÉCARITÉ Dégradation des conditions de travail, sentiment de baisse du pouvoir d'achat, pénurie et cherté du logement, inégalité d'accès aux soins, montée de l'exclusion : alors que la pauvreté se diffuse, la précarité se fait de plus en plus menaçante. En effet, selon un récent sondage Emmaüs - BVA - La Vie - L'Humanité, 48 % des Français estiment être menacés de devenir un jour sans-abri ; ils sont 62 % des 35-49 ans et 74% des ouvriers à le penser. Pourquoi cette inquiétude ? La pauvreté n'est pas un fait nouveau, mais celle-ci a changé de visage. Alors qu'il y a quarante ans la pauvreté était, dans un pays en période de croissance, un phénomène résiduel, touchant la frange la plus fragile de la population, celle-ci est devenue, avec les années de crise économique, un phénomène susceptible de concerner l'ensemble de la population. À la pauvreté traditionnelle est venue s'ajouter la précarité, c'est-à-dire la fragilité dans l'emploi, la situation familiale, ou encore le logement. Avoir fait des études ne prévient plus contre le chômage ; travailler ne prévient plus contre la pauvreté. Parallèlement, notre système de protection sociale connaît de grandes difficultés de financement, alors même que le nombre de bénéficiaires potentiels s'accroît. Les chiffres sont alarmants. Ce sont près de 8 millions de personnes dont 1 million d'enfants qui vivent aujourd'hui en France au-dessous du seuil de pauvreté, c'est-à-dire qui ne peuvent se nourrir, se loger et subvenir correctement à leurs autres besoins élémentaires. Parmi elles, se trouvent 14% des familles monoparentales, et même plus de 30 % de celles dont le chef de famille est une femme inactive. Le nombre d'allocataires du RMI ne cesse d'augmenter ; il a plus que doublé entre décembre 1990 (500 000 allocataires) et décembre 2005 (1,26 million d'allocataires). Le nombre d'allocataires de minima sociaux (RMI, API, ASS...) a quant à lui augmenté de 100 000 (+ 2,9 %) en 2005, pour atteindre 3,5 millions. Selon les associations, quelque 3 millions de personnes sont sans logement ou mal logées en France. À Paris, un ménage sur vingt touche le RMI, et plus de 10 000 personnes survivent sans domicile fixe. En outre, selon l'INSEE, la France compte aujourd'hui 3,5 millions de pauvres, dont 1,8 million de « travailleurs pauvres », c'est-à-dire de personnes, qui bien qu'actives, composent un ménage vivant - survivant est-on tenté d'écrire - en dessous du seuil de pauvreté. Pour ces « travailleurs pauvres », le risque est grand de basculer dans l'exclusion, tant le revenu qu'ils tirent de leur travail ne leur permet pas une insertion sociale correcte. Beaucoup sont des femmes. Dans le même temps, la société française demeure très inégalitaire : 20 % des familles les plus aisées détiennent 37 % de la masse des revenus et 46 % du patrimoine total, tandis que 20 % des ménages les plus pauvres doivent se contenter de moins de 10 % des revenus globaux, et détiennent un patrimoine moyen d'environ 1 000 euros. Une fois de plus, la Délégation ne peut que déplorer le manque de statistiques sexuées. Il est toutefois apparu, à l'issue de ses auditions, que si elles touchent les femmes comme les hommes, la pauvreté et la précarité ont aussi, malheureusement, un visage spécifiquement féminin. Dans un contexte de mutation de la pauvreté et de précarisation des classes moyennes, les femmes sont en effet de plus en plus exposées à la pauvreté et à la précarité : la maternité, le fait d'avoir des enfants ou de les élever seules, leur fragilité particulière sur le marché du travail, l'inégalité salariale et professionnelle, sont autant de facteurs qui peuvent l'expliquer. Au niveau plus spécifique du marché du travail, les femmes sont les premières victimes du développement du « précariat », pour reprendre le terme avancé par le sociologue Robert Castel, exprimant ainsi tout à la fois le type de salariat caractérisé par les formes d'emploi précaire (CDD, emplois intérimaires, différentes formes d'emploi aidés ou de quasi-emplois - stages rémunérés, etc.) ainsi que la part de la population salariée durablement installée, par choix ou par contrainte, dans ce type d'emploi. En outre, certaines situations accroissent le risque d'exposition à la précarité : être une femme chef de famille monoparentale, être une femme âgée, ou avoir subi une série de ruptures professionnelles, familiales, ou de santé. En bout de chaîne se trouve parfois, malheureusement, l'exclusion, dont le visage est, de l'avis de tous les acteurs concernés, de plus en plus féminin. Face à ces constats, il apparaît urgent de tout mettre en œuvre pour combattre la précarité des femmes, et ce d'autant plus que lutter contre la pauvreté des femmes, c'est aussi s'attaquer à la pauvreté des enfants. I. DE PLUS EN PLUS DE FEMMES EN SITUATION PRÉCAIRE DANS UN CONTEXTE DE MUTATION DE LA PAUVRETÉ A. LE DÉVELOPPEMENT D'UNE PAUVRETÉ « DANS LE SYSTÈME » 1. Quelle approche de la notion de pauvreté ? Si chacun a intuitivement conscience de ce que peut être la pauvreté, celle-ci demeure une notion difficile à définir. De fait, et comme le souligne le dernier rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, « il n'existe pas de définition consensuelle de la pauvreté, que ce soit parmi les économistes, les sociologues ou les responsables administratifs et politiques ». Une façon de définir la pauvreté consiste cependant à considérer comme pauvre celui dont les revenus se trouvent en deçà d'un certain niveau, défini conventionnellement : le seuil de pauvreté monétaire. Les personnes ayant des revenus inférieurs à ce seuil sont considérées comme ayant un niveau de vie inférieur au niveau de vie jugé minimal. Le seuil de pauvreté monétaire est défini en France comme la moitié du revenu médian, soit 645 euros par mois pour une personne vivant seule. En 2004, 3,6 millions de personnes vivaient sous ce seuil, soit environ 6 % de la population. L'Union européenne retient un seuil plus élevé, fixé à 60 % du niveau de vie médian, soit pour la France 788 euros par mois pour une personne vivant seule. Au seuil de 60 %, ce ne sont plus 3,6 mais 6,86 millions de personnes, soit environ 12 % de la population, qui étaient pauvres en 2004 (1). Une variation dans la définition retenue correspondant à 143 euros par mois pour une personne seule, aboutit ainsi quasiment à un doublement du nombre de personnes considérées comme pauvres. Les seuils de pauvreté tiennent en outre compte de la configuration familiale. SEUILS DE PAUVRETÉ EN 2003 SELON LA COMPOSITION DES MÉNAGES
La pauvreté est également un phénomène multidimensionnel, qui ne se réduit pas à l'indicateur du taux de pauvreté monétaire. L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale utilise ainsi d'autres indicateurs comme l'indicateur de pauvreté en condition de vie - accès au logement, à la santé... - ou l'indicateur présentant le nombre d'allocataires des minima sociaux. Il convient de noter que les personnes considérées comme pauvres en conditions de vie ne recoupent pas nécessairement celles qui sont pauvres selon l'indicateur de pauvreté monétaire, même si 95 % des personnes pauvres au sens des conditions de vie le sont également selon l'indicateur de pauvreté monétaire. En outre, il existe autour de ces seuils un « halo » de pauvreté, constitué par les personnes qui bien que disposant de revenus supérieurs à ceux conventionnellement déterminés pour caractériser la pauvreté, n'ont pas de revenus suffisants pour assumer les charges de leur ménage, quelle qu'en soit la composition. Au-delà des difficultés de définition, on peut considérer comme pauvre celui qui est dépourvu du nécessaire, c'est-à-dire des moyens de se loger, se nourrir, se vêtir, se soigner et de subvenir à ses besoins élémentaires. Mais dans notre société de consommation, être pauvre, c'est aussi ne pas avoir accès à la consommation de masse ; dans notre société individualiste, c'est encore souffrir d'isolement ; dans notre société de compétition, c'est enfin ne pas avoir la bonne formation ou la bonne éducation. Reprenons aussi les mots de Mme Véronique Mougin, journaliste : « Savons-nous encore ce que c'est d'être pauvre ? (...) C'est vivre sans savoir de quoi demain sera fait. C'est devoir se raconter et se justifier sans cesse pour avoir accès à l'assistance. C'est aussi, pour toutes les précaires, être l'objet d'un éternel soupçon (est-elle bien capable d'élever ses enfants ? ne profite-t-elle pas du système ?) et léguer sa précarité à sa progéniture. » (2) 2. « Nouvelle pauvreté » et précarisation des classes moyennes Sur les cinquante dernières années, la pauvreté en France a reculé, du fait notamment de la conjonction pendant les Trente Glorieuses de la croissance économique et de la mise en place de l'État Providence. La population française a ainsi bénéficié d'une élévation de son niveau de vie. Le tableau suivant permet de constater que le taux de pauvreté monétaire a connu une décrue de 1970 à 2004, permettant de conclure, en miroir, à une amélioration du niveau de vie moyen. ÉVOLUTION DU TAUX DE PAUVRETÉ MONÉTAIRE
En 1970, 12 % des ménages vivaient sous le seuil de pauvreté monétaire à 50 % du revenu médian ; ils n'étaient plus que 6,9 % en 1997, et 6,2 % en 2004. En trente ans, la proportion de ménage en dessous du seuil de pauvreté retenu en France a donc été quasiment divisée par deux. Cette évolution s'explique essentiellement par la baisse de la pauvreté des personnes âgées, les nouvelles générations de retraités bénéficiant de droits à la retraite plus importants que les générations précédentes. On notera que la France occupe ainsi une position intermédiaire en Europe en matière de pauvreté monétaire, avec 12 à 13 % de personnes au-dessous du seuil à 60 % du niveau médian pour une moyenne de 15 % dans l'Union européenne, entre les pays du Nord et l'Irlande qui se trouvent dans une meilleure situation, et les pays du Sud, dans une situation plutôt moins favorable. À l'encontre du constat de l'augmentation du niveau de vie moyen domine toutefois le sentiment d'une intensification de la pauvreté et d'une précarisation généralisée, la perception de la réalité quotidienne semblant en total décalage avec ce que nous enseignent ces évolutions chiffrées. L'explication de ce paradoxe réside dans la modification de la nature de la pauvreté. Moins importante en termes relatifs, la pauvreté est aujourd'hui plus diffuse, dans la mesure où elle touche, outre les personnes traditionnellement concernées, des catégories qui étaient jusque-là épargnées, notamment les personnes en activité, parmi lesquelles les femmes sont particulièrement nombreuses. Une pauvreté « au cœur du système », pour reprendre les mots de M. Martin Hirsch, président d'Emmaüs France, vient donc se surajouter à la pauvreté à la marge, dont le développement avait conduit en 1988 à la création du revenu minimum d'insertion (RMI). « L'analyse de la pauvreté dans la France des années 2000 met en évidence, d'une part, la subsistance de cette pauvreté des marges - par ailleurs aggravée par l'immigration -, et, d'autre part, l'apparition d'une pauvreté au cœur du système (...). Cette pauvreté au cœur du système se traduit par des souffrances d'un autre type. De plus, elle n'est pas nécessairement visible. Le haut fonctionnaire travaillant dans un ministère pourra croiser le matin, dans son bureau, des agents d'entretien sans même soupçonner qu'ils sont frappés par cette pauvreté » (3). La pauvreté ne touche plus uniquement aujourd'hui les exclus, les sans domicile fixe, les marginaux. Travailler ne prévient plus contre la précarité et les travailleurs pauvres (4), que « nous n'avons pas l'habitude de prendre en compte, qui sont dérangeants » (5), sont de plus en plus nombreux (un salarié sur sept selon l'INSEE). Lors de son audition devant la Délégation, Mme Michelle Biaggi, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail - Force ouvrière, a indiqué que 50 % des salaires mensuels à temps partiel seraient inférieurs à 750 euros, et 25 % seraient inférieurs à 450 euros. Comment dans ces conditions s'étonner que de plus en plus de salariés n'aient pas les moyens de se loger et vivent dans des caravanes ou dans leurs voitures (6)... La nouvelle pauvreté est donc celle de personnes qui travaillent tout ou une partie de l'année, mais dont le labeur n'est pas suffisant pour vivre correctement et faire vivre dignement leur famille. Avec la multiplication des CDD et autres contrats précaires, la frontière entre travail et inactivité est de plus en plus floue. Le constat des associations caritatives est unanime : leur public compte de plus en plus de travailleurs, salariés en contrats précaires ou même en CDI, mais qui ne peuvent subvenir à leurs besoins et aux besoins de leur famille, que ce soit en matière de logement, de santé ou d'alimentation. Qui se doute que le SDF qui installe sa tente dans la rue est peut-être titulaire d'un emploi ? Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, trop peu nombreux, on le sait, sont aussi pour certains salariés une solution extrême lorsque, dans un contexte d'inflation des prix de l'immobilier, le salaire n'est pas suffisant pour trouver et se payer un toit. Comme l'expose Mme Maryse Marpsat, sociologue à l'INED, si les SDF ne sont pas nouveaux (ils existaient déjà dans les années 1950), « ils sont devenus visibles, parce que l'espace urbain n'a plus d'interstices. La nouveauté, ce sont les difficultés économiques durables et les tensions sur le marché du logement, l'insuffisance des logements bon marché et en particulier des logements sociaux » (7). Les journaux, tout comme de nombreux ouvrages (8) se font régulièrement l'écho de cette triste réalité, qui s'explique notamment par une dégradation générale de la situation des salariés, mais aussi par la difficulté à sortir de la pauvreté. La moitié des ménages considérés comme pauvres une année le sont encore l'année suivante ; de même, la rotation est faible pour les titulaires de minima sociaux. La persistance dans la pauvreté est une réalité. Le Secours catholique estime ainsi à 40 % la proportion de personnes bénéficiaires qui avaient déjà fait appel à l'association la ou les années précédentes ; l'aide apportée est donc loin d'être ponctuelle, et s'inscrit souvent dans la durée. Étant en bout de chaîne, les travailleurs pauvres sont les plus touchés mais la précarisation touche aussi les classes moyennes du fait de la stagnation du pouvoir d'achat et de la dévalorisation du travail salarié. Les employés, « cols blancs que l'on croyait définitivement acquis à la « classe moyenne », subissent un processus de régression sociale qui tend à les rapprocher des ouvriers. L'explosion des emplois non-qualifiés dans les services confirme cette tendance. Les niveaux de revenus rapprochent ainsi ouvriers et employés, dont les salaires sont inférieurs de 25 % au salaire moyen. Ce salariat d'exécution, dont les conditions de travail et de vie se confondent souvent, constitue de fait une nouvelle classe populaire » (9). Les mouvements de population sont à cet égard particulièrement éloquents. On assiste actuellement à Paris comme dans la plupart des grandes villes françaises à une relégation des classes moyennes en grande banlieue, tandis que les couches supérieures se concentrent dans les centres villes, y compris dans les quartiers populaires, où elles côtoient les couches populaires immigrées qui se maintiennent dans les logements sociaux ou insalubres. Le renchérissement du prix des logements dans les centres et la spécialisation du logement social dans l'accueil des plus précaires ne permettent donc plus à la classe moyenne de demeurer dans les villes-centres alors même que ses membres sont parmi les premières victimes du chômage de masse et de la précarisation. Lors de son audition devant la Délégation, M. Louis Chauvel, sociologue, professeur à l'IEP de Paris, a ainsi mis en relief le déclassement subi par la classe moyenne, et notamment par les personnes les plus jeunes qui la composent. La précarité menace de plus en plus les jeunes sur un marché du travail dégradé, même quand ceux-ci sont titulaires d'un diplôme. « Alors que les générations entrées dans le monde du travail en 1973 avaient un taux de chômage dans les deux ans suivant la fin des études de 6 % pour les hommes et de 10 % pour les femmes, ces taux sont en 1984-1985 passés respectivement à 33 % pour les hommes et à plus de 40 % pour les femmes. » L'impact en terme de déclassement est énorme. « Avec trois années d'études en plus en moyenne par rapport à leurs parents, les jeunes sont, à leur entrée dans la vie professionnelle, dans une situation sociale moins favorable que leurs parents à qui le baccalauréat permettait d'accéder aux professions intermédiaires, voire de devenir cadres supérieurs. Aujourd'hui, nombre de jeunes, dont les parents furent cadres à 21 ou 22 ans, sont encore, à 27 ans, employés ou dans la catégorie C de la fonction publique. » De par la pyramide des âges, les générations du baby-boom étant particulièrement fournies, les jeunes éprouvent de grandes difficultés à s'insérer sur le marché du travail. « Les nouvelles générations sont sur le front du changement du régime de système économique. Elles sont les premières victimes du chômage de masse à l'entrée dans la vie active, des problèmes de logement, et de la dévalorisation salariale » (10). Cette situation ne peut être à terme que porteuse d'instabilité sociale, du fait notamment de la dichotomie entre la position de l'élite, qui continue à développer des stratégies pour « s'en sortir » et le reste de la population. Comme l'exprime M. François Dubet, sociologue, professeur à l'Université Victor Segalen (Bordeaux II) et directeur d'études à l'EHESS, « notre marché du travail est de nature dualiste : les uns sont protégés, alors que les autres ne le sont pas par un État-Providence qui fut bien plus corporatiste qu'universel. On peut craindre que l'écart entre ces deux mondes se creuse, comme le montre d'ailleurs le cas de l'école ou « l'élite de l'élite » reste très protégée alors que les élèves les plus moyens sont voués à la précarité, et les plus faibles à l'exclusion (...). Cette situation est moralement inacceptable et socialement dangereuse » (11). B. LES FEMMES DE PLUS EN PLUS EXPOSÉES À LA PAUVRETÉ ET À LA PRÉCARITÉ 1. Des statistiques peu nombreuses mais éloquentes viennent corroborer le constat des acteurs de terrain Quelle est la spécificité féminine dans ce contexte de persistance de la pauvreté et de diffusion de la précarité ? Même si, « de manière générale, les statistiques portant sur la pauvreté sont trop parcellaires et trop peu régulièrement mises à jour »,(12) les quelques données disponibles font apparaître que les femmes sont plus exposées que les hommes à la pauvreté et à la précarité. La majorité des allocataires des minima sociaux sont des femmes. Les femmes représentaient, au 30 juin 2004, 51,8 % des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI), 51 % de ceux de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), 61,6 % de ceux du minimum vieillesse et 98,5 % de ceux de l'allocation de parent isolé (API). On constate en outre que les femmes vivent plus souvent que les hommes sous le seuil de pauvreté, et que, parmi elles, les jeunes femmes (de 18 à 29 ans) sont les plus touchées. NOMBRE DE PERSONNES VIVANT SOUS LE SEUIL DE PAUVRETÉ PAR ÂGE EN 2000
Concernant les personnes âgées, le taux de pauvreté des plus de 75 ans est plus de deux fois plus important chez les femmes que chez les hommes. Cela s'explique largement par les différences concernant les retraites. Beaucoup de femmes de plus de 75 ans n'ont pas exercé d'activité rémunérée au cours de leur vie, ou n'ont réalisé qu'une carrière incomplète, et ne bénéficient donc pas d'une retraite équivalente à celle des hommes. Comme les femmes vivent également plus âgées que les hommes, ce sont souvent elles qui subissent la perte de revenu résultant du décès du conjoint. Au total, alors que les femmes comptent pour 51 % de la population, elles représentent 53 % de la population pauvre. Cet état de fait n'est toutefois pas propre à la France. En moyenne, le taux de situation à risque de pauvreté des femmes dans l'Union européenne à 15 pays est de 21 % contre 16 % pour les hommes, et de 10 % pour les femmes contre 6 % pour les hommes dans les nouveaux États membres. Dans les années d'après-guerre, la figure du pauvre était essentiellement une figure masculine, ce qui explique que M. Martin Hirsch, président d'Emmaüs France, ait exprimé le « paradoxe apparent que (revêtait) son audition par la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Emmaüs était (...) à l'origine, un mouvement exclusivement masculin. La pauvreté, à l'époque de la création de ce mouvement, épargnait les familles. L'extrême pauvreté était caractéristique des personnes seules, le plus souvent des hommes, ayant vécu une situation de rupture autour de l'âge de 45 ans. » (13) La nouvelle pauvreté a aujourd'hui un visage féminin. « La figure emblématique de cette pauvreté est la travailleuse pauvre, c'est-à-dire la femme avec enfants, à la tête d'une famille monoparentale, ayant un travail à temps partiel, et dont les revenus cumulés - salaire et allocations - ne lui permettent pas de franchir le seuil de pauvreté. » De même, interrogé par la Délégation, M. Jean-Pierre Richer, président national du Secours catholique, après avoir rappelé que le premier facteur de précarité était, « à l'évidence, l'insuffisance d'un revenu régulier »(14), soulignait que les femmes qui travaillent occupent « pour beaucoup des emplois à temps partiel et que, même lorsqu'il s'agit de travail à temps complet, c'est très souvent un travail à temps éclaté - emplois d'entretien le matin et le soir, caissières de supermarché... - très difficilement compatible avec la présence d'enfants. Les femmes ont, plus souvent que les hommes, des emplois réguliers, mais ce sont aussi, plus souvent, des emplois à temps partiel qui leur procurent des ressources plus faibles. » Depuis une vingtaine d'années, les acteurs de terrain constatent ainsi l'émergence d'une pauvreté et d'une extrême pauvreté féminines. Dans une étude extrêmement détaillée (15), Mme Sylvie Célérier, maître de conférences en sociologie à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne, a ainsi montré que les femmes représentent 20 à 25 % des usagers des services aux « sans-domicile ». Elles constituent 37 % des personnes hébergées dans des hôtels sociaux et 57 % de celles accueillies dans des studios ou appartements gérés par des institutions sociales. Plus que les hommes, les femmes tentent d'échapper à l'univers violent de la rue ; elles n'y parviennent pas toujours. De plus en plus de femmes appellent le 115, le numéro gratuit de l'urgence sociale à Paris. Les effectifs de ces femmes précaires connaissent une courbe malheureusement ascendante, et les femmes concernées sont de plus en plus jeunes (70 % des SDF de 16 à 18 ans sont des filles) (16). Les centres d'hébergement d'urgence n'abritent ainsi qu'une infime minorité de femmes totalement désocialisées ; 31 % des SDF femmes ont un emploi dans les services d'aide aux particuliers (17). En outre, les CHRS, saturés, sont peu adaptés à la féminisation de la pauvreté, et il n'est pas facile d'y trouver une place pour les femmes. La pauvreté des femmes demeure toutefois moins visible que celles des hommes, du fait, d'une part, des stratégies qu'elles développent pour masquer leur pauvreté, ainsi que, d'autre part, du fait d'une meilleure prise en charge que celle des hommes, surtout en présence d'enfants. Comme l'a notamment exposé devant la Délégation Mme Geneviève Gueydan, directrice de l'action sociale, de l'enfance et de la santé de la ville de Paris, « il y a une grande différence entre les femmes qui ont un enfant et les autres » dans les dispositifs de prise en charge. La ville de Paris, par exemple, a mis en place d'importants dispositifs sociaux pour les femmes avec enfants, qui bénéficient d'un accès privilégié à tous les « amortisseurs sociaux » de la ville. « Beaucoup est fait (...) en direction des femmes précaires avec enfants, en particulier dans le domaine de la prévention » (18). Ainsi la présence d'enfants est-elle pour les femmes précaires porteuse d'ambiguïté ; donnant accès à une plus large prise en charge, elle constitue cependant un facteur supplémentaire d'enlisement dans la précarité, du fait de son impact financier et des handicaps qu'elle génère pour l'accès à l'emploi. 2. Lutter au quotidien contre la précarité Une des grandes difficultés de la précarité est qu'elle entraîne dans son sillage un profond sentiment d'insécurité, accru encore par les aléas d'une vie professionnelle alternant périodes d'activité à faibles revenus et d'inactivité à revenus de remplacement encore plus faibles. À ce sentiment d'insécurité vient souvent s'ajouter celui d'isolement, mis en lumière notamment par le rapport sur les statistiques d'accueil de 2005 du Secours catholique (19). Insécurisées, isolées, les femmes précaires vivent avec cette angoissante et quotidienne antienne : comment lutter contre la misère, pour soi-même et pour sa famille ? Dans un contexte de situation sociale dégradée, notre propos n'est pas d'affirmer que la précarité se vit mieux lorsque l'on est un homme, mais de souligner que la spécificité de la précarité des femmes est indéniable. Celle-ci tient d'une part aux handicaps que les femmes cumulent sur le marché du travail, et, d'autre part, au fait qu'elles ont encore en charge, de par la répartition traditionnelle des tâches domestiques, la gestion quotidienne du foyer. Comment survivre quand on dispose de trop faibles revenus ? Contraintes et forcées, les femmes précaires font fonctionner le « système D », s'adressent aux amis, aux voisins, aux associations, aux collectivités locales. Leur but : tenir quoiqu'il arrive, pour elles, pour leurs familles, et rester dignes. La tâche est titanesque. N'ayant pas de sécurité financière, les femmes précaires doivent gérer au quotidien une trésorerie qui dépend trop de crédits les menant rapidement au surendettement. Notons à cet égard que selon le rapport de la Commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté » (20), les deux tiers des dossiers de surendettement concernent des personnes en surendettement passif, c'est-à-dire lié à « la faible capacité des plus vulnérables à s'assurer ou à restructurer leur endettement ». Le manque de ressources financières implique en outre une précarité dans d'autres domaines, tels que le logement, l'alimentation ou l'accès à la santé. De par l'augmentation du prix du foncier, la question du logement devient cruciale. Selon la Fondation Abbé Pierre, plus d'un million de personnes vivent en France dans des conditions de logement très difficiles, c'est-à-dire sans le confort de base (salle de bains, toilettes, chauffage). Les quatre millions de logements gérés par les organismes de logement social ne sont pas suffisants, et les plus pauvres vivent dans des logements insalubres du parc privé. Malgré la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) qui les oblige à offrir un « logement décent » à tout locataire, certains propriétaires continuent de louer des logements qui ne répondent pas aux normes, parfois même en touchant directement l'allocation-logement. La situation en matière de logement est critique ; l'offre de logements abordables est trop faible. Comme le notait le rapport Hirsch, « la crise du logement est particulièrement grave. Avec le chômage, elle représente l'un des deux problèmes majeurs des familles en situation de pauvreté. Toutes les situations sont désormais rencontrées par les familles : depuis l'errance- phénomène que chacun s'accorde à considérer comme nouveau pour des familles avec enfants- le surpeuplement, l'habitat indigne, l'habitat précaire jusqu'au surendettement lié aux impayés de loyer ». En outre, vivre dans un logement insalubre conduit à s'isoler encore un peu plus socialement, car lorsqu'on a honte de son logement, on n'invite ni famille ni amis. À cela viennent s'ajouter des problèmes de malnutrition et d'inégalités d'accès à la santé. Selon le rapport Hirsch, les dépenses alimentaires des populations en situation de pauvreté sont particulièrement contraintes, les ménages vivant sous le seuil de pauvreté à 60 % disposant en moyenne de 3,7 euros par personne et par jour alors que le coût minimal d'une alimentation permettant de répondre aux besoins nutritionnels est de 4 à 5 euros par jour. Cette contrainte amène à privilégier les produits les moins chers et de qualité médiocre ; ne pas avoir les moyens de se nourrir correctement conduit donc ainsi paradoxalement à l'obésité, du fait d'une très faible consommation de fruits et légumes et de poisson. À terme, les risques de souffrir de pathologies cardiovasculaires ou de cancers sont accrus. Cela est particulièrement inquiétant pour les enfants et les adolescents, qui ont besoin de nutriments de qualité, tout comme les nourrissons. Il n'est pas simple d'assumer un ou plusieurs enfants lorsqu'on est une femme en situation de précarité ou d'extrême précarité. Problèmes de logement et d'accès à une nourriture correcte se cumulent. « À l'issue de grossesses peu suivies, les mères se trouvent en grande vulnérabilité médico-psycho-sociale. Nés prématurés ou de petits poids de naissance (...), les enfants sont déjà fragilisés et leurs conditions de vie précaire les exposent à des pathologies graves, comme la tuberculose (...) ou le saturnisme (...). Ils sont aussi à la merci d'accidents domestiques, de morsures de rats et même d'incendies, comme ceux qui ont eu lieu l'année dernière. Ces enfants présentent souvent des troubles du sommeil. Les plus grands ont beaucoup de mal à faire leur travail scolaire. » Ainsi, « tous les gestes de la vie quotidienne sont compliqués pour les mères. Elles doivent nourrir leur bébé. Même si elles l'allaitent au début, cela ne dure pas bien longtemps, car elles sont fatiguées et s'alimentent mal. Certaines associations comme Paris tout petit leur fournissent du lait, des petits pots, des couches. Mais les mères elles-mêmes se nourrissent aux Restos du cœur. Quand les enfants grandissent, elles ne peuvent pas faire la cuisine. Et le comble est que ces enfants, qui ne peuvent acquérir de bonnes habitudes alimentaires, sont particulièrement exposés au risque d'obésité » (21). Malgré la généralisation de la couverture maladie, les inégalités en matière de santé demeurent fortes, au détriment en premier lieu des personnes les plus précaires. Un ouvrier non-qualifié a un risque de mortalité entre 35 et 60 ans deux fois et demie plus élevé qu'un ingénieur ; la mortalité des hommes de 45 à 59 ans exerçant une profession manuelle dépasse de 71 % celle des hommes de la même tranche d'âge exerçant une profession non manuelle. Ces disparités s'expliquent certes par les conditions de travail, mais aussi par l'effet d'autres facteurs d'inégalité, tels que le niveau d'éducation et les conditions de logement. En outre, si la CMU est un progrès, elle laisse de côté tout ceux qui sont juste au-dessus du seuil, et qui n'ont pas forcément les moyens de se soigner. Selon le rapport Hirsch, 5 % des Français, soit près de 3 millions de personnes, renonceraient à se soigner en l'absence de complémentaire santé. Dans ces conditions, que se passe-t-il si les femmes rencontrent un incident de parcours, comme la perte d'emploi, le divorce, la séparation ou encore le veuvage ? L'insuffisance de revenus, due à l'instabilité de l'emploi, a des conséquences dans l'ensemble de la vie sociale. Lorsque l'équilibre est précaire, le moindre sable dans les rouages peut faire basculer la femme et sa famille dans l'extrême précarité, voire l'exclusion. Il y a là un problème pour ces femmes, en premier lieu, mais aussi pour la société dans son ensemble ; si le coût individuel est énorme, le coût collectif ne l'est pas moins. II. LA PRÉCARITÉ DES FEMMES, RÉSULTAT DE LA CONJONCTION DE FACTEURS PROFESSIONNELS ET PERSONNELS A. LA PRÉCARISATION DES FEMMES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL 1. L'essor du travail féminin ne doit pas masquer la persistance d'inégalités et la fragilité des femmes sur le marché du travail Longtemps invisible car cantonné à la sphère domestique et ne donnant pas le plus souvent lieu à une contrepartie monétaire (22), le travail des femmes a subi une profonde mutation au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, les femmes investissant massivement le marché du travail. Sous l'action conjointe des besoins du marché et du combat des femmes pour l'égalité, ainsi que de l'élévation du niveau d'études des femmes, « la norme est devenue celle du travail, non celle de la femme au foyer » (23). De fait, depuis les années 1950, le taux d'activité des femmes (24) a été en constante progression, ce phénomène n'étant pas par ailleurs spécifiquement français mais commun à la plupart des pays occidentaux. La féminisation de l'emploi en France a été spectaculaire : en 2002, 12,1 millions de femmes et 14,2 millions d'hommes étaient actifs, contre respectivement 6,7 millions et 12,6 millions en 1962. À partir du milieu des années 1970, bien que le contexte fut marqué par la montée du chômage de masse, le travail féminin a continué de croître. « Au bout de vingt-cinq ans de crise de l'emploi, envers et contre toute prévision, l'activité féminine (n'a cessé) de croître »(25). Contrairement à l'emploi masculin, en stagnation ou déclin, l'emploi féminin n'a pas vu sa croissance bridée par la crise économique. Reprenons les mots de M. Francis Vennat, sous-directeur de l'emploi et du marché du travail de la DARES : « alors que le taux d'activité des hommes a chuté entre 1975 et 2004, passant de 82 % à 75 %, celui des femmes est passé de 51 % à 64 % environ. Ce sont les femmes qui ont surtout bénéficié des créations d'emploi. Entre 1982 et 2002, l'emploi des femmes a augmenté de 25 %, alors que celui des hommes n'a augmenté que de 1 %. La part des femmes dans l'emploi est passée de 40 % en 1982 à 46 % en 2004 »(26). Les femmes auraient-elles été les grandes gagnantes sur le marché de l'emploi des trente dernières années ? La réalité est plus nuancée. Que ce soit en matière d'emploi, de chômage ou de salaire, ainsi que d'accès à l'emploi à temps plein ou à des postes à responsabilités, les femmes demeurent inégales aux hommes sur le marché du travail. Alors que depuis les années 1990, la résorption des écarts a tendance à ralentir, un écart significatif demeure entre le taux d'emploi (27)des hommes et celui des femmes (respectivement 68,1 % et 56,7 % en 2004), tandis que le taux de chômage (28) des femmes demeure supérieur à celui des hommes (il était en moyenne de 10,6 % début 2004, contre 8,7 % pour les hommes). Par ailleurs, dans la mesure où elles ne tiennent pas compte des temps partiels, les statistiques concernant le taux d'emploi par sexe surestiment l'emploi féminin. Comme l'a indiqué lors de son audition Mme Monique Meron, chef du département « métiers et qualifications » de la DARES, « si les statistiques mettent en évidence l'augmentation forte de l'emploi des femmes, il s'agit de l'emploi au sens du BIT, (au moins une heure de travail par semaine) (29) ». En 2003, le temps partiel représentait 30 % de l'emploi des femmes, soit plus de trois millions d'actives. Parmi elles, 52 % travaillaient moins de 30 heures par semaine, et 14,6 % avaient une durée du travail inférieure à 15 heures par semaine. Si l'on se rapporte à l'ensemble des femmes actives, ce sont plus de 20 % de la population active féminine qui travaillent moins de 30 heures par semaine. POPULATION ACTIVE OCCUPÉE À TEMPS PARTIEL
Champ : population active occupée au sens du BIT, à temps partiel. Lecture : en moyenne en 2003, 485 000 femmes ont un emploi à temps partiel, dont la durée hebdomadaire est inférieure à 15 heures, contre 88 000 hommes. Les femmes occupent 84,7 % des emplois à temps partiel de moins de 15 heures hebdomadaires. 4,4 % des femmes en emploi ont un emploi à temps partiel dont la durée hebdomadaire est strictement inférieure à 15 heures. Source : INSEE, enquête emploi, 2003, in F. Milewski, 2005. Au total, si l'on raisonne en équivalent temps plein, l'insertion des femmes sur le marché du travail, du fait de l'explosion du temps partiel, a cessé de progresser. D'autre part, si les femmes ont bénéficié des créations d'emploi des trente dernières années (du fait de la montée en puissance du secteur tertiaire, seul secteur à créer des emplois en période de crise), les emplois créés ont souvent été des emplois dits atypiques : travail à temps partiel (le plus souvent contraint) mais aussi emplois précaires, tels que travail à durée déterminée, temporaire, ou intérimaire. Tous ces emplois ayant pour caractéristique commune d'être le plus souvent peu rémunérés et de n'offrir en règle générale que peu de sécurité d'emploi, ils sont pour leurs titulaires source de précarité. RÉPARTITION SECTORIELLE DES EMPLOIS, FRANCE, 1955-1996 (EN %)
Source : Olivier Marchand et Claude Thélot, Le travail en France 1800-2000, Nathan, Paris, 1997, cité par Margaret Maruani, Travail et emploi des femmes, La Découverte, 2003. RÉPARTITION SECTORIELLE DES EMPLOIS FÉMININS, FRANCE, 1955-1996 (en %)
Source : Olivier Marchand et Claude Thélot, Le travail en France 1800-2000, Nathan, Paris, 1997, cité par Margaret Maruani, Travail et emploi des femmes, La Découverte, 2003. Plus sujettes au chômage, ayant un taux d'emploi certes élevé mais inférieur à celui des hommes et masquant la prégnance des temps partiels, les femmes sont en outre confrontées à une structuration sexuée des emplois, tant du point de vue de la répartition des hommes et des femmes dans les secteurs économiques que de leurs profils socio-professionnels. Les femmes pâtissent ainsi à la fois d'une ségrégation horizontale et d'une ségrégation verticale. Les femmes n'ont pas les mêmes emplois que les hommes. Sous-représentées parmi les cadres (près de trois quarts des postes de cadres du secteur privé sont occupés par des hommes et moins de deux dirigeants sur dix sont des dirigeantes), les femmes sont en revanche plus nombreuses que les hommes à occuper des emplois temporaires tels que CDD, stages et emplois aidés (11 % contre 6 % en 2004). Elles travaillent cinq fois plus souvent à temps partiel que les hommes et sont aussi quatre fois plus nombreuses que les hommes à être dans une situation de sous-emploi (8,4 % en 2004, contre 1,9 % pour les hommes). La féminisation de l'emploi est surtout sensible au sein de l'emploi non qualifié, dont les femmes représentent près des deux tiers des effectifs. Alors qu'il y a vingt ans encore, la population des emplois non qualifiés était majoritairement ouvrière, masculine et industrielle, elle est aujourd'hui essentiellement employée, féminine et tertiaire. Les professions féminines les plus nombreuses en 2002 sont celles d'assistantes maternelles, gardiennes d'enfants et travailleuses familiales : avec les employées de maison et les femmes de ménage chez les particuliers, elles sont environ 935 000. L'importance de ces emplois de service explique en partie la part de l'emploi à temps partiel chez les femmes. Occupant des emplois moins qualifiés et travaillant plus souvent à temps partiel, les femmes ont donc au total en moyenne des salaires inférieurs de 25 % à ceux des hommes. En effet, en toute logique, les inégalités en terme d'emplois se répercutent sur les salaires : 80 % des bas salaires sont perçus par des femmes, qui travaillent à 74 % à temps partiel. À l'opposé, parmi les 10 % des salariés les mieux rémunérés, 72 % sont des hommes. L'évolution de ce point de vue n'est pas favorable, l'écart entre les salaires des hommes et des femmes étant le même que dans les années 1990, la réduction des écarts de rémunérations tendant à s'interrompre. b) La concentration de l'emploi féminin : une source de précarité La concentration des femmes dans certains secteurs d'activité est un phénomène ancien. Déjà, lors du recensement de 1896, alors qu'un tiers des femmes était compté dans la population active, cinq secteurs d'activité regroupaient près de 90 % des femmes : l'agriculture, le travail des étoffes et le vêtement, le service domestique, le commerce et l'industrie textile (30). À l'heure actuelle, si la concentration professionnelle des femmes n'est pas aussi radicale, elle n'en est pas moins réelle. Les femmes représentent plus de 40 % des actifs dans huit grands secteurs d'activité : elles constituent ainsi 60 % des effectifs des services aux particuliers et 73,2 % des effectifs des secteurs de l'éducation, de la santé et de l'action sociale. Plus de la moitié des emplois occupés par des femmes (51,6 %) sont concentrés dans dix des quatre-vingt-quatre familles professionnelles, contre 30 % des emplois pour les dix premières familles professionnelles occupées par des hommes (31). LES DIX FAMILLES PROFESSIONNELLES COMPTANT LE PLUS DE FEMMES
* Données peu significatives Source : enquête emploi INSEE, calculs DARES, in F. Milewski, 2005. Cette concentration est préjudiciable à un double titre. D'une part, en laissant les jeunes filles s'orienter dans des filières prédéterminées, notre pays se prive d'une ressource importante, cette segmentation professionnelle entraînant une sous-utilisation des compétences des femmes et une déperdition de l'argent investi dans leur formation. D'autre part, la question de la concentration de l'emploi féminin est étroitement liée à celle de la précarité féminine. « Les métiers des femmes sont, dans les nomenclatures, plus flous que ceux des hommes, moins négociés, leurs compétences sont moins claires, et s'agissant des emplois non qualifiés, leurs perspectives d'évolution de carrières sont plus réduites. Un homme qui occupe un emploi non qualifié a plus de chances qu'une femme d'évoluer vers un emploi qualifié, les hommes étant plutôt ouvriers alors que les femmes sont souvent dans les services » (32). Les secteurs d'emploi « féminins » conjuguent de fait trois caractéristiques défavorables aux femmes : emplois faiblement rémunérés, perspectives de progression professionnelle réduites, et fort recours au temps partiel. Dans les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, de la grande distribution, des services aux personnes et aux entreprises, la flexibilité et la précarité ont de fait étroitement été corrélées au développement du temps partiel (33), notamment parce que l'État a mené par le passé une politique financière incitative en la matière (par le biais d'allègements de charges sociales) (34). Les métiers dits ou réputés féminins sont toujours, par ce qui ne peut être le fait du hasard, ceux où les salaires sont les moins élevés. A contrario, lorsqu'un secteur se « masculinise », la tendance à l'augmentation des salaires est plus marquée. En outre, la concentration de l'emploi féminin va de pair avec une sur-représentation des femmes dans l'emploi peu qualifié. En 2002, la France comptait cinq millions de salariés dits non qualifiés, soit un peu plus d'un actif sur cinq. Les femmes représentaient 45 % de la population active, mais 61 % des emplois non qualifiés. Aujourd'hui, 30 % des femmes ont un emploi non qualifié. Depuis vingt ans, l'emploi non-qualifié s'est fortement féminisé : si de plus en plus de femmes occupent des emplois qualifiés, les emplois non qualifiés sont également de plus en plus féminins, car les emplois d'ouvriers non qualifiés diminuent, alors que ceux d'employés non qualifiés augmentent. De fait, les professions non-qualifiées ayant connu la croissance la plus forte sur la période 1992-2002 sont des professions dites féminines : assistantes maternelles, employées de maison, serveurs de café/restaurant, coiffure/esthétique, caissiers, employés de libre-service. PRINCIPALES FAMILLES PROFESSIONNELLES D'EMPLOYÉS NON QUALIFIÉS
Source : enquête emploi INSEE, calculs DARES, in F. Milewski, Rapport remis à Mme Nicole Ameline, 2005. Les femmes travaillant à temps partiel par contrainte, et non par choix, se retrouvent tout particulièrement dans les secteurs de l'hôtellerie-restauration, de la grande distribution, de l'aide aux personnes, de l'entretien, et de la santé et de l'action sociale. Dans ces secteurs, les femmes sont à la fois numériquement plus nombreuses et plus soumises au temps partiel que la moyenne des femmes, puisque l'effectif des femmes à temps partiel y dépasse les 50 %. Cette situation est particulièrement défavorable aux femmes, qui cumulent ainsi plusieurs handicaps : horaires courts et/ou irréguliers et/ou atypiques, amplitudes horaires élevées, employeurs multiples (35), fort taux de sous-emploi, faibles rémunérations. Au total, les femmes travaillant dans ces conditions sont les premières victimes de la précarité au travail. Conditions de travail dégradées et horaires atypiques ont un impact tant sur leur niveau de vie que sur leur vie familiale. L'éloignement du domicile et du lieu de travail est d'autant plus fort que leurs faibles niveaux de rémunération ne leur permettent pas la plupart du temps d'être logées près de leur emploi ; l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle en est compliquée, notamment quand ces femmes ont des enfants (les horaires atypiques du petit matin, de nuit ou de fin de semaine n'étant pas toujours propices à la conciliation entre le travail et la famille). À cela vient s'ajouter la pauvreté d'encadrement et de perspective des emplois de service - notamment en matière d'évolution de carrière et de reconnaissance professionnelle - dont il est de surcroît difficile de sortir. Dans la mesure, en outre, où les femmes acceptent, souvent pour des raisons familiales, des emplois moins attrayants (près de 60 % des femmes à bas salaires sont ainsi des mères de famille), celles-ci souffrent in fine d'une stabilité dans l'emploi précaire. L'emploi est une condition nécessaire mais non suffisante pour éviter la précarité. L'instabilité de l'emploi et la stabilité dans le sous-emploi constituent ainsi des handicaps d'autant plus lourds qu'ils se conjuguent avec une concentration de l'emploi féminin dans des secteurs certes porteurs d'emplois, mais d'emplois le plus souvent précaires. Or, la concentration de l'emploi féminin ne peut que s'accroître dans les années à venir. Constituant le secteur économique dont la croissance, en terme d'effectifs employés, a été la plus forte depuis quinze ans (36), le secteur des services à la personne va, selon toute vraisemblance, connaître encore une très forte croissance dans les années à venir. En effet, un certain nombre de facteurs se conjuguent pour alimenter la vitalité de ce secteur. Alors qu'on assiste à l'allongement de la durée de vie et à un relatif dynamisme de la natalité, les tâches que les femmes effectuaient autrefois dans la sphère privée, notamment les soins à la petite enfance et aux personnes âgées, sont à présent externalisées hors de la sphère familiale. Ce phénomène est encore accru par l'individualisation de notre société : si autrefois les solidarités familiales jouaient à plein en ces matières, aujourd'hui, le nombre de personnes devant faire face seules aux nécessités de la vie quotidienne (personnes âgées, chefs de familles monoparentales) ne cesse d'augmenter. L'isolement rend ainsi indispensable le recours à une aide extérieure. Cette évolution a par ailleurs été accompagnée par les pouvoirs publics, qui ont aidé dès le début des années 1980 à solvabiliser la demande, et ainsi à démocratiser l'accès aux services à la personne, par la conjugaison d'allègements de charges, de prestations familiales et sociales (notamment l'allocation personnalisée d'autonomie - APA) et de réductions d'impôts. Parallèlement, le souci de simplifier les formalités administratives s'est traduit par le chèque-emploi-service (CES) puis le chèque-emploi-service-universel (CESU). Appelé à se développer, le secteur souffre toutefois d'une attractivité insuffisante, qui s'explique par la précarité des emplois offerts cumulant de nombreux handicaps et pour lesquels la faiblesse des taux horaires de rémunération se conjugue à l'ampleur du temps partiel et à la quasi-absence de perspectives d'évolution. 2. Femme au foyer ou travailleuse pauvre ? Dans son rapport annuel sur les statistiques d'accueil de 2005, le Secours catholique a noté que la hausse de 5,71 % en un an des situations traitées concernait un grand nombre de femmes « ayant besoin de travailler après une période d'inactivité et dont la formation est inadéquate ou insuffisante (...). Appartenant aux catégories les plus touchées par le chômage et n'ayant souvent qu'un faible niveau de formation, (celles-ci) ont du mal à retrouver un emploi dans le délai d'indemnisation, si bien qu'elles présentent tous les risques de se retrouver au chômage non indemnisé ». De fait, la notion de « femme au foyer » est porteuse d'ambiguïté. Si certaines femmes restent au foyer par choix, beaucoup d'autres y demeurent en effet par contrainte, ce qui s'apparente en fait à du chômage caché. Pour reprendre l'expression de M. Thomas Deltombe, journaliste (37), les femmes au foyer constituent alors des « chômeuses de l'ombre ». Ceci est particulièrement vrai dans les catégories populaires, surtout quand les femmes sont aussi mères et qu'elles ne parviennent pas à s'insérer sur un marché du travail de plus en plus sélectif. Quand le foyer gagne peu d'argent, la question du coût de la garde d'enfants devient en effet cruciale. La conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle est alors proche de la quadrature du cercle. Les difficultés rencontrées par les mères pour avoir une activité professionnelle ne sont certes pas nouvelles. Il est intéressant de constater que, comme l'ont montré les historiens L. Tilly et J. Scott dans une étude de 1978 (38), la question de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle se posait déjà dans les années 1860-1900. À l'époque, l'activité féminine des ouvrières ou domestiques de Roubaix, Anzin, ou Amiens dépendait de leur statut de femme avec ou sans enfant. Alors que les jeunes femmes cessaient toute activité salariée après la naissance des enfants et ne la reprenaient que par intermittence en cas de maladie de leur mari ou de veuvage, les emplois les plus réguliers et les mieux rémunérés étaient réservés aux femmes célibataires. Bien évidemment, beaucoup de chemin a été parcouru depuis en matière de protection des femmes enceintes et d'égalité professionnelle. Toutefois, en ce début de XXIe siècle, la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, ou en d'autres termes, la gestion quotidienne de leur foyer par les mères qui travaillent, demeure un problème fondamental pour l'accès au travail des femmes. Facteur d'émancipation ou nécessité économique, le travail des femmes ne s'arrête plus aux portes de la maternité. Aujourd'hui, les taux d'activité des mères sont importants, la France faisant même figure de modèle en la matière. Plus de 80 % des femmes de 25 à 49 ans (39), c'est-à-dire dans la période de leur vie où les obligations familiales sont les plus fortes, travaillent. Bien que l'on constate un écart de près de 14 % avec le taux d'activité des hommes de cette même tranche d'âge, lequel s'élève à 94,3 %, ce taux demeure important. Ce taux d'activité est toutefois fortement corrélé au nombre et à l'âge des enfants. En 2005, le taux d'activité des femmes vivant en couple et ayant un seul enfant de moins de trois ans était de 80,2 %, tandis que celui des mères de deux enfants dont un de moins de trois ans était de 59,8 %, et celui des mères de trois enfants dont un de moins de trois ans de 37,1 % (40). Par ailleurs, dans une enquête publiée en septembre 2006 (41), Mmes Ariane Pailhé et Anne Solaz, chercheuses à l'INED, ont confirmé que l'arrivée d'un enfant dans un couple dont les deux membres travaillent n'a que peu d'influence sur l'activité des pères, tandis que les mères connaissent une modification de leur situation professionnelle : « Dans les douze mois qui suivent une naissance (...) les changements sont très différents chez les pères et les mères : 39 % des mères qui travaillent déclarent que leur activité professionnelle a été modifiée par la naissance, qu'il s'agisse d'un changement de statut, d'horaires, d'intensité du travail ou d'un retrait du marché du travail. Ce n'est le cas que de 6 % des pères. » En outre, lorsque les pères modifient leur vie professionnelle suite à une naissance, les changements professionnels qu'ils opèrent ne sont pas de même nature que ceux effectués par les mères. Les réductions de temps de travail concernent 22 % des femmes et 6 % des hommes tandis que 54 % des femmes quittent leur emploi contre seulement 7 % des hommes. À l'inverse, les changements d'horaire sans modification de la durée du temps de travail sont plus fréquents chez les pères (30 %) que chez les mères (7 %), cette étude confirmant en outre que les naissances se traduisent souvent pour les pères non par un investissement de la sphère privée, mais par un surinvestissement professionnel (23 % des hommes qui connaissent une transition professionnelle au moment d'une naissance augmentent leurs activités ou responsabilités, contre seulement 5 % des femmes). Question du mode de garde des enfants, gestion des tâches ménagères : le problème est encore amplifié lorsque la femme qui travaille n'obtient qu'un salaire modeste et que les politiques publiques l'incitent indirectement à se retirer du marché du travail. La création en 1985 de l'Allocation parentale d'éducation (APE) pour les mères de trois enfants, étendue à celles de deux enfants en 1994 et refondue dans le dispositif de la prime d'accueil du jeune enfant (PAJE) a conduit au retrait du marché du travail de nombreuses femmes. Plus de 98 % de ses bénéficiaires sont des femmes, la plupart en situation de précarité sur le marché du travail (chômage, temps partiel ou autres formes de travail précaire) ce qui a conduit Mme Margaret Maruani, sociologue, à qualifier cette allocation de « prime à l'inactivité maternelle ». Permettre aux femmes de s'occuper de leurs enfants jusqu'à leurs trois ans, c'est-à-dire jusqu'à l'entrée à l'école, est un acquis incontestable pour les femmes. Une des conséquences cependant est la difficulté rencontrée par certaines d'entre elles à retrouver un emploi après une période relativement longue à l'écart du marché du travail. C'est une des raisons qui a poussé le Gouvernement, dans le cadre de la mise en place de la PAJE, à créer une allocation mieux rémunérée pour un congé parental non pas de trois mais d'un an. Malheureusement, ce congé n'est offert qu'aux mères de trois enfants ; en outre, le montant de l'allocation reste modeste (578,08 euros en cas de perception de l'allocation de base de la PAJE, 746,26 euros en cas de non-perception de cette allocation) et il n'est pas réellement d'une durée d'un an plein, puisqu'il ne court pas à compter de la date de fin du congé de maternité (42) mais de la naissance de l'enfant. En première analyse, on pourrait déduire de cet état de fait que le congé parental et l'allocation qui l'accompagne, en éloignant trop longtemps les femmes du marché du travail, tendent à les précariser. Toutefois, si les femmes peinent à trouver un emploi, c'est aussi du fait des difficultés actuelles du marché du travail, et notamment d'une discrimination due à leur condition de femmes en général, et de mères en particulier, qui les cantonne aux emplois les moins bien rémunérés. En un mot, la situation du marché du travail est telle que, les femmes et les mères sont pour beaucoup, comme l'exprimait très justement M. Jean-Pierre Richer, président national du Secours catholique, « réduites à vivre des transferts sociaux et, dans ce cas, il y a un grand mérite à se remettre au travail car, une fois couverts les frais de garde des enfants et de transport, les ressources sont moindres...» (43) Que dire des mères célibataires, qui ne peuvent se reposer en partie sur leur conjoint pour s'occuper de leurs enfants ? b) La montée des inégalités entre les femmes Le combat pour l'accès au travail des femmes s'est longtemps focalisé sur la notion d'égalité entre les hommes et les femmes. S'il demeure justifié et nécessaire, il apparaît toutefois aujourd'hui que de nouvelles inégalités s'établissent sur le marché du travail, non pas entre hommes et femmes, mais entre femmes elles-mêmes. Ces nouvelles inégalités, certes moins visibles, doivent faire l'objet d'une attention particulière. La situation des femmes sur le marché du travail est en effet contrastée : entre les « gagnantes » (bien insérées, disposant d'emplois stables et correctement voire très bien rémunérés) et les « perdantes » (travailleuses à bas salaires et subissant le plus souvent un temps partiel contraint), l'écart est abyssal. Comme l'a exposé devant la Délégation Mme Françoise Milewski, rédactrice en chef de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), « les inégalités entre les femmes et les hommes produisent davantage de précarité pour les femmes, mais conduisent aussi à creuser les inégalités entre les femmes elles-mêmes, entre celles qui ont accédé à un diplôme élevé et qui parviennent à s'insérer correctement sur le marché du travail, et les autres. Ces inégalités sont visibles sur les temps partiels (choisis ou contraints, longs ou courts, réversibles ou non), les qualifications, l'accès aux différents modes de garde, les salaires et les retraites. » (44) Archétype de la précarisation des femmes sur le marché du travail, le développement du temps partiel contraint est sans aucun doute un des facteurs majeurs de créations d'inégalités entre les femmes. Trop utilisé (dévoyé est-on tenté d'écrire), le temps partiel multiplie ses effets négatifs sur la situation économique des femmes, qu'il transforme en travailleuses pauvres. Il conduit en outre beaucoup de femmes à faire des choix contraints en matière de recours au congé parental. Cette inégalité est d'autant plus inacceptable qu'elle en génère d'autres, par répercussion, au moment de la retraite. Une femme ayant travaillé toute sa vie à temps partiel, et donc ayant cotisé toute sa vie sur des bases faibles, disposera au moment de la retraite de revenus de remplacement modiques voire dérisoires, le plus souvent tout à fait insuffisants, et ce alors même que la modicité des revenus touchés pendant la période d'activité a interdit toute constitution de patrimoine. De même, une femme ayant interrompu son activité (dans la majorité des cas pour charge de famille et non pour formation ou chômage, contrairement aux hommes), sera gravement pénalisée au moment du calcul de ses droits à retraite (45). Que dire de celles qui cumulent interruptions d'activité et longues périodes de travail à temps partiel ? Des inégalités sont en outre visibles en fonction des régimes d'affiliation (46). La situation des salariés du secteur privé est particulièrement pénalisante depuis que la réforme des retraites de 1993 a prévu que le calcul du salaire moyen pris en compte au moment de la liquidation se fasse sur la base des vingt-cinq meilleures années et non plus des dix meilleures. La règle des dix meilleures années était beaucoup plus favorable aux femmes, pour lesquelles les périodes d'inactivité et de temps partiel subi au long d'une carrière sont plus fréquentes et nombreuses que pour les hommes. La situation est différente pour les femmes fonctionnaires, dont la pension est calculée sur la base du traitement de fin de carrière à temps complet. Les années de temps partiels restent cependant pénalisantes, dans la mesure où les durées validées sont proratisées en tenant compte du temps partiel. Par ailleurs, les femmes fonctionnaires bénéficient de pensions de réversion dont les montants, quoique toujours inférieurs de 20 %, sont plus proches de celles de leurs homologues masculins que les femmes ayant travaillé dans le secteur privé. L'inégalité dans les retraites est encore plus marquée entre anciennes salariées et anciennes non-salariées, la pension de droit direct des femmes ayant été salariées étant deux fois supérieure en moyenne à celles des non-salariées (hors profession libérale). Malgré l'amélioration de ces dernières années (il faut à cet égard se féliciter des dispositions adoptées dans le cadre de la loi de finances de la sécurité sociale pour 2007, qui a abaissé la durée minimale d'activité requise pour bénéficier de la revalorisation des petites retraites agricoles), le montant des retraites agricoles demeure modeste et insuffisant. Les agricultrices ou femmes d'agriculteurs représentent ainsi 32 % des retraités percevant moins de 520 euros par mois. En 1997, 90 % des anciennes agricultrices étaient dans ce cas, tandis que la retraite moyenne des agricultrices, hors pensions de réversion, s'élevait à l'équivalent de 274,50 euros (1 800 francs). B. DES SITUATIONS ACCROISSANT LE RISQUE DE PRÉCARITÉ 1. Les femmes chefs de famille monoparentale confrontées au risque de paupérisation Bien que les femmes soient de plus en plus nombreuses à travailler, une proportion non négligeable d'entre elles n'est pas présente sur le marché du travail. Actuellement, si 80 % des femmes âgées de 25 à 49 ans et 54 % des femmes âgées de plus de 50 ans travaillent, cela implique, a contrario, que 20 % de la tranche d'âge 25-49 ans et 46 % de la tranche d'âge supérieure à 50 ans ne travaillent pas. Qu'advient-il de ces femmes lors d'une séparation, d'un divorce, d'un décès ? Si les plus chanceuses d'entre elles arrivent à ne pas sombrer dans la pauvreté, beaucoup se retrouvent paupérisées, notamment les femmes chefs de famille monoparentale, c'est-à-dire vivant seules avec un ou plusieurs enfants, sur qui reposent de lourdes responsabilités. De fait, bien que la monoparentalité ne soit pas un phénomène uniforme, celle-ci va souvent de pair avec des conditions de vie plus difficiles, tant d'un point de vue matériel (ressources financières, logement) que d'un point de vue psychologique ; les femmes chefs de famille monoparentale souffrent de l'exacerbation des problèmes généralement rencontrés par les femmes en situation de précarité. Cela est particulièrement marquant en matière d'emploi, d'une part, car ces femmes sont sur-représentées dans la catégorie des emplois non-qualifiés, et d'autre part, car la présence d'enfants, spécialement en bas âge, est un facteur handicapant pour trouver un emploi ou se maintenir dans l'emploi. De tout cela résulte une réelle précarité et une dépendance économique forte pour un grand nombre d'entre elles. a) Des femmes chefs de famille monoparentale de plus en plus nombreuses et fragilisées sur le marché de l'emploi Cette situation est d'autant plus préoccupante que la part des familles monoparentales dans le nombre total de familles ne cesse de croître. En 1999, on dénombrait 1,98 million de familles monoparentales contre 1,6 million en 1990, soit un taux d'évolution de plus de 23 % (47). Parmi celles-ci, elles étaient près de 1,5 million à comprendre au moins un enfant de moins de 25 ans, soit 15 % des enfants de moins de 25 ans, contre 1,17 million entre 1990. Plus des quatre cinquième (86 %) des chefs de ces familles monoparentales étaient des femmes. En outre, la monoparentalité, qui résultait le plus souvent autrefois d'une situation de veuvage, a changé de visage. Si 55 % des situations de monoparentalité étaient dues à un décès dans les années 1960 (contre 11 % en 1999), 75 % sont aujourd'hui la conséquence d'une séparation. Dans 15 % des cas, les enfants n'ont jamais vécu avec leur autre parent. Cependant, comme l'a indiqué Mme Hélène Michaudon, chef du bureau « démographie et famille » de la DREES, lors de son audition devant la Délégation (48), « si les épisodes de monoparentalité sont assez fréquents - une femme sur trois ou quatre devrait y être confrontée au cours de sa vie -, ils restent souvent transitoires, d'où la grande diversité des situations ». En outre, le fait qu'un enfant vive avec un seul de ses parents n'implique pas nécessairement que ce dernier soit le seul à le prendre en charge, que ce soit d'un point de vue matériel ou affectif. Toutefois, on ne peut ignorer les difficultés particulières auxquelles les chefs de famille monoparentale, à 86 % de sexe féminin, doivent faire face, notamment en matière d'emploi. Si la proportion des mères de famille monoparentale occupant un emploi est légèrement supérieure à celle des mères en couple (80 % contre 74 %), leur taux de chômage est presque deux fois plus élevé. Les femmes « monoparentales », du fait de l'absence d'un deuxième revenu dans le ménage, travaillent moins souvent à temps partiel que les mères en couple (26 % contre 36 %) ; parmi celles-ci, elles sont même la moitié à souhaiter travailler davantage (47 %), contre un quart des mères en couple. Elles forment le gros bataillon des femmes ayant un emploi à temps partiel subi. Par ailleurs, le taux d'activité des mères de famille monoparentale dépend plus fortement du nombre et de l'âge des enfants que pour les mères en couple. Seules les mères de famille monoparentale ayant un seul enfant de plus de trois ans sont aussi souvent en situation d'emploi que les mères en couple dans le même cas. Du fait notamment des difficultés de mode de garde, la présence d'enfants de moins de trois ans, tout comme le nombre d'enfants, réduit pour les mères de famille monoparentale la probabilité d'occuper un emploi, surtout lorsque les femmes sont plus jeunes et peu qualifiées, et alors même que ces femmes sont en moyenne moins qualifiées que les mères en couple (parmi celles qui ont un enfant de moins de trois ans, elles sont 35 % à avoir un diplôme de niveau baccalauréat ou supérieur, contre 53 % pour celles en couple). En outre, parmi les moins de 35 ans, 33 % sont sans diplôme et 14 % ont un diplôme de l'enseignement supérieur, contre respectivement 20 et 30 % pour les mères en couple du même âge. Les mères célibataires qui ont un emploi occupent plus souvent un emploi non qualifié (37 % des moins de 25 ans) que celles en couple (27 %). Ce cumul de difficultés contraint les mères de famille monoparentale à renoncer fréquemment à leur activité lorsqu'elles ont de jeunes enfants, et alors même que le fait d'avoir à assumer leur enfant renchérit le coût de leur vie, ce qui peut, au total, avoir pour conséquence de les faire plonger ou les enfoncer un peu plus dans la précarité. Plus encore que pour les autres mères, la question du mode de garde est ainsi cruciale pour l'accès des mères monoparentales à l'emploi, surtout quand leurs enfants ne sont pas en âge d'aller à l'école. La conciliation entre vie professionnelle et vie familiale étant pour ces femmes singulièrement compliquée, près de 60 % de celles ayant un enfant de moins de trois ans sont soit au chômage soit inactives, contre 46 % pour celles qui vivent en couple. Elles sont les premières à souhaiter bénéficier du congé parental. Une fois scolarisés, leurs enfants demeurent le plus souvent à leur charge quotidienne. Selon l'enquête « Modes de garde » réalisée en 2002 par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), près des trois quarts des enfants de moins de sept ans qui vivent seuls avec leurs mères durant la semaine ne voient pas leur père, et sont donc à la charge de leur seule mère. Dès lors, 90 % des mères de famille monoparentale sont contraintes de recourir à une tierce personne pour s'occuper de leurs enfants lorsqu'ils ne sont pas à l'école. Confiant moins souvent que les autres mères leurs enfants à une nourrice, trop onéreuse, les mères monoparentales qui travaillent ont plus souvent recours que les autres aux garderies périscolaires (54 % contre 38 %) et aux centres aérés (42 % contre 31 %). Le fait d'être une mère « en solo » n'est pas synonyme de précarisation. Bien entendu, de nombreuses mères célibataires se rencontrent dans les classes supérieures et dans les classes moyennes aisées. Toutefois, le fait d'être en situation de monoparentalité est un facteur de précarisation pour les femmes les plus fragiles. « La monoparentalité est surreprésentée dans les couches populaires (...). Ce sont bien les femmes jeunes, mères de famille monoparentale, qui peuvent constituer un public "fragilisé" par les cumuls liés à leur faible qualification et aux charges familiales qui pèsent sur elles » (49). Les familles monoparentales ont un niveau de vie inférieur d'environ 25 % à celui de l'ensemble des ménages avec enfants. Toutefois, elles ont un niveau de vie inférieur de 8 % seulement à celui d'un couple mono-actif avec enfants. En 2004, six femmes sur dix déclaraient avoir dû restreindre leur train de vie après une séparation ; la moitié d'entre elles déclarant même avoir juste de quoi vivre. De fait, parmi les 80 % de mères célibataires actives, beaucoup n'ont pour revenu primaire que les revenus de leur travail, lesquels, de par les caractéristiques particulières d'emploi déjà exposées, sont souvent modestes. Par ailleurs, les mères isolées d'enfants de moins de trois ans semblent encore les plus fragiles. Selon l'étude de la DREES précitée, les parents isolés avec au moins un enfant à charge de moins de trois ans déclarent des revenus dans seulement un cas sur deux. En outre, quand ils ont perçu des revenus d'activité, près de la moitié sont inférieurs au SMIC. A contrario, les parents isolés n'ayant pas de jeunes enfants à charge sont près de 80 % à avoir déclaré des revenus d'activité, lesquels sont dans seulement un tiers des cas inférieurs au SMIC. Enfin, 8 % des mères isolées n'ont aucune ressource initiale - c'est le cas de près d'un quart de celles qui ont un enfant de moins de trois ans. Dotées de revenus modestes, les mères chefs de familles monoparentales dépendent fortement de revenus autres que les revenus de leur travail, que ce soit les pensions alimentaires ou les revenus issus des transferts sociaux. Un tiers des mères isolées reçoivent des pensions alimentaires, lesquelles constituent une source importante de revenu initial. Selon la DREES, les pensions alimentaires déclarées représentent pour un tiers des familles monoparentales l'équivalent de 290 euros par mois, soit près de 18 % de leur revenu initial ; pour les parents isolés n'ayant pas déclaré d'activité, ces pensions représentent 38 % du revenu initial. Les transferts sociaux sont fondamentaux pour les mères isolées. Fin 2003, 480 000 parents isolés étaient allocataires de minima sociaux - 188 000 au titre de l'allocation de parent isolé (API) et 290 000 au titre du revenu minimum d'insertion (RMI). Plus du quart des allocataires du RMI étaient des parents isolés. Avant transferts sociaux, 42 % des mères isolées vivent sous le seuil de pauvreté (soit en dessous du niveau de vie médian) contre 18 % des couples avec enfants. En revanche, le niveau de vie des familles monoparentales augmente de 20 % grâce aux minima sociaux, alors que celui des couples avec enfants n'augmente que de 1 %. Cette situation s'explique par l'existence d'allocations spécifiques (allocation pour parent isolé - API -, allocation de soutien familial - ASF), un barème d'impôt sur le revenu plus favorable (demi-part ou part fiscale supplémentaire), et l'existence de conditions de ressources pour nombre de prestations. En effet, en raison de ressources initiales souvent plus faibles, les familles monoparentales bénéficient plus que les autres de prestations sous condition de ressources telles que l'allocation de base de la PAJE, les aides aux logements, ou les minima sociaux (API et RMI). À cela s'ajoutent les prestations familiales sans et sous conditions de ressources. Le taux de pauvreté des familles monoparentales comprenant des enfants de moins de trois ans passe ainsi de 70 % avant transferts à 8 % après transferts (contre 14 % pour l'ensemble des familles monoparentales). Néanmoins, comme le souligne la DREES, le risque de pauvreté monétaire demeure élevé lorsque les familles monoparentales n'ont pas d'activité : le taux de pauvreté monétaire atteint alors 40 %, contre 9 % pour les 87 % de familles monoparentales ayant déclaré des revenus d'activité, des allocations chômage ou des indemnités journalières. Plus pauvres, les familles monoparentales demeurent aussi plus longtemps dans la pauvreté. « Pour un nombre croissant de familles monoparentales, le niveau de revenus d'activité est trop faible pour élever leurs ressources au-dessus du seuil de pauvreté : il s'agit donc d'un effet de l'augmentation du nombre de travailleuses pauvres parmi ces familles. La précarisation d'un nombre croissant de familles monoparentales, qui est réelle, ne fait que manifester le cumul de handicaps dans un contexte macro-économique dégradé »(50). 2. La précarisation des femmes âgées La pauvreté des femmes âgées concerne à la fois des femmes qui ont été pauvres durant leur vie et des femmes pour lesquelles la retraite ou le veuvage sont synonymes de paupérisation. Du fait du chômage et de la précarisation de l'emploi, la pauvreté des personnes âgées en général, et des femmes âgées en particulier, va certainement augmenter. Deux mouvements antagonistes sont en effet actuellement à l'œuvre. D'une part, l'amélioration du niveau de vie des retraités, du fait de l'arrivée à l'âge de la retraite de générations ayant cotisé sur longue période et de l'augmentation de l'emploi féminin, conduit à ce que la proportion de femmes ne disposant à la retraite que de pensions de réversion est moindre que le passé. On estime à 4 %, soit environ 600 000 personnes, les retraités ne percevant que des droits dérivés (c'est-à-dire des pensions de réversion), lesquelles sont presque en totalité de femmes. D'autre part, la paupérisation des titulaires du minimum vieillesse depuis les années 1990 est réelle ; indexé sur les prix, celui-ci progresse moins vite que le niveau de vie médian. Parallèlement, la perte de pouvoir d'achat concerne aussi les titulaires de pension depuis le changement de mode d'indexation des pensions en 1993, lesquelles sont maintenant indexées sur les prix et non plus sur le salaire moyen. « Au total, le taux de pauvreté des personnes de plus de soixante ans ne se réduit plus. Il s'accroît même pour les personnes seules dont le taux de pauvreté, en particulier celui des retraités de droit dérivé, est supérieur à celui des couples. » (51) a) Vers une paupérisation des femmes retraitées ? Malgré l'existence d'avantages familiaux améliorant les droits propres des femmes et de pensions de réversion qui leur reviennent majoritairement, les femmes continuent de percevoir des retraites inférieures à celles des hommes. En effet, ces mesures ne parviennent pas à effacer le principal handicap dont souffrent les femmes, celui d'une moindre position sur le marché du travail, tant en termes de salaires que d'instabilité dans l'emploi, qui se répercute au bout du compte dans le montant de leurs retraites. Carrières plus courtes et chaotiques ainsi que moindres salaires expliquent la persistance d'écarts importants entre les pensions mensuelles moyennes servies aux femmes et aux hommes. MONTANT MOYEN DES PENSIONS ET PROPORTION DE RETRAITÉS
Source : Études et Résultats, DREES, n° 82, septembre 2000. Selon une récente étude de la DREES (52), le montant de retraite des femmes dans le secteur privé était en 2004 inférieur de 38 % à celui des hommes (1 007 euros contre 1 622 euros en moyenne). La même année, trois quarts des femmes retraitées avaient une pension globale inférieure à 1200 euros par mois, contre 37% des hommes. (53) Près de la moitié des femmes ont validé moins de 100 trimestres pour le calcul de leur pension. Concernant les seuls avantages de droit direct (c'est-à-dire hors avantages familiaux et pensions de réversion), les femmes bénéficiaient de 732 euros mensuels en moyenne contre 1 535 euros en moyenne pour les hommes. Il est vrai que l'écart entre les retraites des hommes et des femmes s'est atténué, du fait de l'augmentation de l'activité des femmes et de la réduction des écarts de salaires. Toutefois, les caractéristiques de l'emploi des femmes emportent toujours des inégalités in fine au moment de la retraite. Seules 44% des femmes retraitées ont pu faire valider une carrière complète, soit moins d'une femme sur deux, contre 86 % des hommes. Parallèlement, la part des femmes polypensionnées progresse (30 % pour celles âgées de 65 à 69 ans, contre 26 % pour celles âgées de 80 à 84 ans), ce qui montre bien la plus grande instabilité de leur emploi sur le marché du travail. Deux mécanismes permettent aux retraités précaires, en majorité des femmes, de percevoir une pension minimale : le minimum contributif, et l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) dite « minimum vieillesse ». Créé en 1983 et réformé en 2003, le minimum contributif s'adresse aux assurés bénéficiant d'une retraite à taux plein mais ayant cotisé sur la base de salaires modestes ; en cas de montant trop faible, ceux-ci peuvent voir leur retraite portée à un minimum, dit « minimum contributif », s'élevant à 6 760,82 euros en 2006, soit 563,40 euros par mois, pour les pensions attribuées avant le 1er janvier 2004. Une femme sur deux du régime général voit ainsi sa pension portée à ce minimum contributif, contre un homme sur quatre, ce qui est éloquent quant à la modicité des pensions versées aux femmes. L'ASPA concerne des personnes dont les ressources annuelles, ASPA comprise, sont inférieures à 7 500,53 euros pour une personne seule et 13 137,69 euros pour un ménage ; ces personnes peuvent demander à bénéficier du « minimum vieillesse » (54) dont le montant s'élève à 7 323,48 euros par an pour une personne seule et 13 137,69 euros par an pour un couple. Les plus de 600 000 allocataires du minimum vieillesse, à 70 % des femmes, vivent donc avec 625 euros par mois s'ils vivent seuls, ou 1 095 euros par mois pour deux personnes ou plus. Si le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse baisse chaque année, toutes les conditions sont réunies pour qu'il s'accroisse à nouveau lorsque les femmes précaires, notamment celles travaillant à temps partiel, atteindront l'âge de la retraite, et que leurs faibles temps de travail et durées de cotisation ne leur permettront pas de prétendre à des retraites d'un niveau correct. Si la part des femmes ayant effectué une carrière complète est aujourd'hui en augmentation, la situation des femmes sur le marché du travail, caractérisée par la précarité de l'emploi et la faiblesse des salaires, conduit légitimement à craindre, à moyen terme, une nouvelle dégradation de la situation des femmes retraitées et donc une augmentation de la pauvreté des femmes âgées. b) Solitude et pauvreté des femmes âgées Le constat des acteurs de terrain est alarmant : alors que la pauvreté des femmes âgées semblait en recul, celles-ci sont de plus en plus nombreuses à frapper à leurs portes. On commence aussi à voir des femmes âgées qui font des « petits boulots », comme sortir le chien, arroser les plantes, faire les courses... pour parvenir à survivre. La modicité des pensions féminines est évidemment le premier des facteurs explicatifs de cette situation. Mais le basculement dans la pauvreté s'opère lorsque la femme doit faire face à un événement tel que la maladie, la séparation ou le deuil. La fragilité économique des femmes est alors patente. Du fait des différences d'espérance de vie (84 ans pour les femmes contre 76 ans pour les hommes), la solitude des personnes âgées touche essentiellement les femmes. Nombreuses sont les femmes qui doivent pour survivre compter uniquement sur la pension de réversion de leur époux, ou qui n'ont aucun revenu de réversion au décès d'un concubin (la Sécurité sociale ne reconnaissant pas les veuves hors mariage) et survivent ainsi grâce au minimum vieillesse, ou qui doivent compter sur leur maigre retraite ou partager la pension de réversion avec une autre ex-épouse. La situation financière des femmes seules et âgées dépend ainsi de plusieurs facteurs qui se combinent, comme la possibilité ou non de bénéficier d'une pension de réversion, l'existence de droits à pension propres ou d'un patrimoine personnel ou commun. Les femmes les plus fragilisées sont celles pour qui l'ensemble de ces facteurs se révèlent négatifs, l'archétype en étant la femme de milieu modeste, sans patrimoine, ayant le plus souvent consacré une grande partie de sa vie à son foyer au détriment de son activité, et se retrouvant avec des montants insuffisants pour assurer le confort de ses vieux jours. Autre archétype : la conjointe d'artisan, d'avocat, de médecin, de commerçant, ou d'agriculteur, qui ayant travaillé toute sa vie aux côtés de son époux, n'a pas officiellement cotisé et ne bénéficie donc pas de droits propres. La loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises tout comme la loi d'orientation agricole de 2005 ont certes prévu le rattachement obligatoire du conjoint à un statut, mais leurs effets ne vont pas se faire sentir immédiatement. Ainsi, mêmes les femmes de milieux favorisés peuvent-elles basculer dans la pauvreté, en cas de divorce notamment, mais aussi du fait de l'allongement de la durée de vie et, en corollaire, de l'accroissement des problèmes de santé. La faiblesse des revenus est ainsi particulièrement problématique lorsque les personnes âgées doivent intégrer une maison de retraite, médicalisée ou non, où le prix de journée est trop élevé (rappelons à ce propos que le coût moyen d'une maison de retraite est de 400 euros supérieur à la pension de retraite moyenne). Cette situation est tout à fait préoccupante, dans la mesure où les caractéristiques particulières de l'emploi des femmes et l'allongement de la durée de vie, si rien n'est fait, vont se conjuguer pour accroître la précarité des femmes âgées et très âgées. 3. Les femmes en situation de grande précarité et d'exclusion Le constat de l'augmentation du nombre de femmes accueillies par les organisations caritatives et de réinsertion sociale est malheureusement unanime. Si la présence des femmes dans la rue est de plus en plus forte, celle-ci ne concerne plus uniquement des personnes totalement exclues, mais aussi des femmes, de plus en plus jeunes, qui peuvent éventuellement avoir un emploi, qui se retrouvent à la rue. L'image traditionnelle de la clocharde « qui jure, qui boit, qui sent, dont on oublie qu'elle est femme et qui l'oublie elle-même » (55) ne reflète plus l'entière réalité de la grande exclusion féminine. L'Observatoire du Samu social a ainsi noté, depuis 1999, une part croissante de jeunes et de couples, mais aussi de femmes parmi les personnes accueillies dans les centres d'hébergement d'urgence parisiens. En 2004, 20 % des personnes reçues étaient des femmes, contre 15 % en 1999. Comme l'exprimait aussi M. Martin Hirsch, président d'Emmaüs France, lors de son audition, « sur le terrain, l'on constate l'émergence d'une pauvreté féminine. Des femmes vivent aujourd'hui dans la rue, parfois avec leurs enfants. En Seine-Saint-Denis, on estime que 5 000 enfants sont sans domicile. » (56) À Paris, ce sont 10 000 personnes qui sont logées chaque jour en famille à l'hôtel par le SAMU social et la Coordination d'accueil des familles de demandeurs d'asile (CAFDA). Même si l'on manque de statistiques, il apparaît clairement que les femmes sont nombreuses parmi ces personnes, notamment du fait d'une pauvreté « importée », Paris comptant un quart des demandeurs d'asile de toute la France et un grand nombre de familles et personnes immigrées sans logement. Comment le glissement de la précarité à l'exclusion s'opère-t-il ? À l'origine se trouvent une série de ruptures, les situations de grande exclusion résultant en effet dans la grande majorité des cas d'un passé traumatique, marqué par des violences et des ruptures familiales et/ou conjugales. Un incident de trop, un traumatisme de plus dans un parcours chaotique, en général la perte du logement, et la femme tombe dans l'exclusion. La perte du logement fait le plus souvent suite à une mésentente ou un conflit familial : mésentente avec une tierce personne, famille ou connaissance, qui hébergeait une nouvelle venue (cas fréquent pour les femmes étrangères ou issues des DOM-TOM) ; rupture conjugale, qu'elle soit ou non due à des violences ; perte d'emplois et de revenus entraînant une incapacité à payer un loyer ; obligation de quitter un logement suite à une expulsion pour fin de bail ou impayés. Les femmes se retrouvent ainsi à la rue, parfois avec leurs enfants. Il semble que la part de la violence à l'origine de cette situation soit prépondérante. Dans son rapport de juin 2006, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) relevait ainsi que pour la grande majorité des femmes hébergées, « l'arrivée en centre (était) provoquée par une situation de violence familiale, qu'il s'agisse de violences exercées par le conjoint, le père, un oncle ou un frère », avant d'ajouter que « si les violences conjugales sont la cause première de précarité féminine, d'autres formes de violences apparaissent quand on retrace le parcours des femmes en situation de détresse, et en particulier des violences familiales pendant l'enfance ». Ce passé traumatique est souvent accompagné d'une grande fragilité économique. Pour échapper à leur milieu, nombreuses sont les femmes qui se sont mariées ou ont décidé de vivre en couple, et qui, in fine, se sont trouvées privées de ressources financières. Sans ressources, les femmes peuvent être contraintes de ne pas quitter leur foyer, quelles que soient les violences qu'elles y subissent. Ainsi, « pour les femmes, l'errance prend une forme particulière » qui ne « s'exprime pas nécessairement sur l'espace public (...). Le manque de ressources propres est évidemment l'une des raisons importantes qui empêchent les femmes de partir malgré la dégradation des relations familiales. Cette absence de revenu peut être le résultat même de la détérioration des relations. Elle peut être aussi la conséquence d'une division du travail librement consentie dans le ménage, mais qui enregistre l'inégale situation de l'homme et de la femme sur le marché de l'emploi » (57). Le poids de l'histoire familiale est également déterminant, certaines femmes exclues étant issues d'un « monde clos avec des difficultés qui se transmettent de génération en génération » (58). L'isolement familial et affectif est une caractéristique constante. Enfin, nombreuses sont les femmes de la rue présentant des problèmes psychiatriques dont on ne sait pas toujours s'ils sont antérieurs ou postérieurs à leur situation. Au total, « ces événements sont souvent la porte d'entrée pour une surconsommation d'alcool, de drogue quand cela ne débouche pas vers la prostitution »(59). En quoi est-il différent d'être une femme lorsque l'on se retrouve dans la rue ? Si les femmes, plus que les hommes, cherchent coûte que coûte à éviter la rue, c'est qu'elle constitue pour elles un univers de violences multiples, que ce soit du fait de la stigmatisation qu'elles y subissent ou de l'omniprésence des pressions exercées par les hommes, qu'ils soient SDF ou non, qui leur promettent notamment protection ou domicile en échange de relations intimes. De plus, outre la précarité économique qu'elles endurent, les exclues souffrent le plus souvent de problèmes de santé récurrents, qu'ils soient d'ordre physique (manque d'hygiène, malnutrition, absence de suivi médical,...) ou psychique (alcoolisme, toxicomanie, pathologies mentales,...), que les structures d'accueil ont du mal à prendre en charge. Il convient toutefois de noter que, concernant les femmes, le terme de SDF est trompeur. « Les sans-domicile, parfois, ont un toit sur leur tête. L'État, la région, la ville ou le tiers-secteur s'arrange pour dénicher un abri à ces femmes sans abri, dont la présence dans la rue heurte les sensibilités. » (60) Les femmes bénéficient ainsi d'un traitement de faveur par rapport aux hommes. Les réseaux sociaux et familiaux se mobilisent plus volontiers pour éviter à une femme d'être sans abri, surtout quand elle a des enfants.Toutefois, si « l'enfant stabilise l'errance, (il) ne guérit pas de la précarité ». Un million d'enfants de moins de 18 ans stagne sous le seuil de pauvreté ; 600 000 enfants ont des parents au RMI. Surpeuplement, bruit, insécurité, errance : les enfants des exclues reçoivent la précarité en héritage... « Les enfants pauvres deviennent des adultes pauvres : la filiation est évidente pour nombre de femmes interrogées (...) Le dénuement financier suffit à saper l'avenir de générations de gamins. Outre qu'il les prive d'un confort « normal », il les empêche de se constituer ce petit pactole nécessaire, social, culturel, scolaire, ce capital de savoirs et de santé dont l'absence peut être une bombe à retardement. » (61) En outre, la lutte pour la réinsertion sociale de ces femmes souffre du manque de locaux adaptés et de moyens financiers pour créer des espaces permettant une implication a minima des femmes, afin de les amener à prendre soin d'elles-mêmes d'un point de vue psychologique, médical et social. Enfin, le problème majeur demeure celui de la grave pénurie de logements stables, mais aussi d'urgence. Le dispositif d'hébergement d'urgence, historiquement organisé sur les besoins a minima des hommes, est en effet très faiblement adapté aux femmes. Les femmes rencontrent ainsi de grandes difficultés à prendre soin d'elles-mêmes. L'exemple de la difficulté à suivre les grossesses de ces femmes est en outre particulièrement éloquent. Lors de son audition, Mme Geneviève Roche, médecin de PMI, a souligné tous les handicaps qui se font alors jour : logement, accès aux droits par manque de connaissance, suivi médical. Concernant les grossesses proprement dites, « tout ceci a des conséquences médicales sur les grossesses, avec une fréquence plus élevée de la prématurité et des petits poids à la naissance, ainsi qu'une vulnérabilité psychique rendant difficile la relation entre la mère et l'enfant, ce qui aura des effets ultérieurement » (62). Exclues, errantes ou à la rue, les femmes n'ont plus de maîtrise de leur destin. La conjugaison du manque de ressources financières et des difficultés d'accès au logement freine toute sortie de l'exclusion. « La disposition d'un logement n'empêche pas l'adoption de pratiques qu'on attribue aux gens de la rue. La manche, notamment, ou encore le recours aux Restos du cœur ou aux restaurants sociaux, sont quelques-unes des solutions adoptées par celles qui vivent leur précarité à domicile. » (63) Avoir un logement permet toutefois de ne pas diriger tous ses efforts quotidiens dans la recherche d'un hébergement pour la nuit. Du fait de la surcharge des structures d'hébergement fleurissent les marchands de sommeil, proposant le plus souvent des logements hors normes d'hygiène et de sécurité et à des prix prohibitifs. À Paris, « les places en CHRS font aussi cruellement défaut, la DDAS n'ayant plus aucune marge de manœuvre pour en financer, alors qu'il faudrait absolument avoir moins recours aux hôtels. L'hébergement d'urgence pour les demandeurs d'asile et les sans-papiers est aussi de plus en plus souvent géré au quotidien grâce aux hôtels et il est temps d'envisager de sortir de ce système. C'est un problème social d'autant plus important que, dans ce contexte, les enjeux de santé deviennent écrasants. On manque aussi de places dans les centres maternels, qui sont bondés. Les femmes y restent jusqu'au bout de la période de trois ans, parfois renouvelée lorsqu'elles font un deuxième bébé » (64). Les problèmes à affronter, nombreux, sont d'autant plus difficiles à résoudre que les réponses traditionnellement déployées semblent inopérantes. Comme l'exposait M. Martin Hirsch, président d'Emmaüs France, du fait des caractéristiques particulières de la très grande pauvreté, « les réponses sociales classiques ne sont plus adaptées à ces personnes parce qu'elles n'ont pas été prises en charge suffisamment tôt, ce qui a pour effet de provoquer une plongée dans des situations qui les conduisent soit à la rue ou dans des centres d'urgence, soit à l'hôpital psychiatrique, soit à la prison. (...) Cette situation explique en partie la crise de ces différentes institutions : les centres d'hébergement d'urgence ne sont pas destinés à accueillir cette population, ce qui explique pourquoi ils sont débordés ; les prisons sont faites pour répondre à la délinquance et non pour soigner les pathologies sociales, les hôpitaux psychiatriques ont vocation à soigner les malades mentaux et non pas la souffrance sociale » (65). Or, comme le relève l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, « beaucoup d'organismes témoignent d'une lassitude des intervenants sociaux aussi bien dans les associations qui gèrent les structures d'urgence sociale ou d'insertion que dans les collectivités territoriales ou les organismes de protection sociale. Face à l'ampleur et à la complexité des situations de pauvreté (...), les intervenants sociaux "de première ligne" doivent « se débrouiller » dans un contexte souvent marqué par l'insuffisance des réponses disponibles (notamment en matière de logement) » (66). III. COMBATTRE LES SITUATIONS DE PRÉCARITÉ DES FEMMES 1. Promouvoir la mixité dans l'orientation et la formation initiale Meilleures à l'école, au collège, au lycée... et pourtant in fine surreprésentées dans l'emploi précaire : la dichotomie entre les bons résultats scolaires des filles et la situation inégalitaire des femmes sur le marché du travail indique combien les efforts à accomplir en matière de formation initiale puis continue demeurent importants. Les filles représentent 80 % des effectifs en filière littéraire, 95 % dans la série médico-sociale. Dans le domaine de la production, les filières sont quasi exclusivement masculines. À niveau égal dans les disciplines scientifiques, les filles ne s'engagent pas autant que les garçons dans cette voie porteuse d'emplois : 64 % des filles qui jugeaient avoir un très bon niveau en mathématiques en fin de collège sont allées en terminales S, contre 78 % de garçons du même profil. Par la suite, les filles sont sous-représentées dans les filières sélectives de l'enseignement supérieur : IUT, où elles ne représentent que 39,5 % des effectifs, mais aussi classes préparatoires scientifiques, où elles ne représentent que 28,5 % des effectifs (et 25 % des effectifs des écoles d'ingénieurs). À l'université, les femmes sont majoritaires (56,4 % des effectifs en 2003-2004), mais se concentrent dans les filières littéraires (71,1 % contre 58,6 % pour les filières économiques et 43 % pour les filières scientifiques). La surreprésentation des femmes dans l'emploi précaire est d'abord imputable à l'orientation scolaire des filles et à la permanence de stéréotypes intériorisés tant par les filles que par les garçons. Délaissant les emplois réputés masculins au profit d'emplois réputés féminins, les filles s'orientent ou sont orientées vers des filières moins rentables les plaçant dans des situations plus instables. La Délégation recommande ainsi que soit mise en œuvre une politique visant à favoriser l'orientation des filles dans les filières scientifiques, ainsi que dans les filières d'apprentissage, pour permettre l'entrée des femmes dans des métiers et des fonctions dits masculins et de lutter contre la ségrégation professionnelle qu'elles subissent. 2. Faciliter l'accès des femmes à la formation continue Les taux d'accès à la formation continue des femmes restent très proches de ceux des hommes (21,1 % des femmes salariées avaient en mai 2003 suivi un stage financé ou organisé par leur employeur, contre 22,6 % des hommes). Toutefois, l'inégalité entre les femmes est réelle en matière d'accès à la formation professionnelle, notamment lorsque les femmes travaillent à temps partiel. Le taux d'accès à la formation continue des salariés à temps partiel (à plus de 80 % des femmes) est de 28 %, contre 38 % pour les salariés à temps complet. Cet écart varie en outre selon les catégories socioprofessionnelles auxquelles les salariés appartiennent. Si les femmes cadres ou exerçant une profession intermédiaire parviennent à accéder à la formation continue, tel n'est pas le cas des employées et ouvrières, le temps partiel étant alors associé aux emplois les moins qualifiés. Temps partiel et faible accès à la formation sont liés. La promotion de la formation auprès de ces femmes est toutefois rendue plus complexe par le fait qu'elles ont à leur charge, sur leur temps libre, l'entretien de leur ménage. Faut-il le rappeler : 80 % des tâches domestiques sont encore assumées par les femmes... Soumises à la double contrainte de leurs responsabilités familiales et professionnelles, les femmes qui travaillent à temps partiel sont ainsi peu enclines à suivre des formations, se tenant le plus souvent en fin de journée ou le week-end, et qui impliquent une réorganisation de leur vie personnelle (20 % des femmes salariées sont amenées à réorganiser leur vie personnelle afin de suivre une formation, contre 14 % des hommes salariés). Si les femmes cadres ou exerçant une profession intermédiaire disposent de revenus leur permettant d'assumer une telle réorganisation, tel n'est pas le cas des employées et des ouvrières, qui sont pourtant celles qui auraient le plus besoin de formation. La Délégation recommande ainsi que soit entreprise une réflexion en profondeur des pouvoirs publics et des partenaires sociaux sur l'amélioration de l'accès à la formation professionnelle des femmes, notamment celles travaillant à temps partiel. 3. Améliorer la situation des femmes travaillant à temps partiel Fortement féminisé, le travail à temps partiel concerne plus de trois millions de femmes, soit un tiers des femmes salariées, qui représentent 80 % des effectifs à temps partiel. Il est, en partie, non seulement responsable de l'écart moyen de 25 % entre les rémunérations des hommes et des femmes, mais aussi de celui de 40 % entre les niveaux de retraite des hommes et des femmes. De plus, dans de nombreux cas, le temps partiel est subi par les femmes, du fait des pressions économiques (un emploi à temps partiel étant préférable à l'absence d'emploi) et sociales (organisation de la vie familiale, garde d'enfants, ...). En outre, le temps partiel peut être d'autant plus synonyme de précarité pour les femmes lorsqu'il se conjugue avec un emploi du temps décousu et peu prévisible. Dans son rapport d'activité portant sur la période d'octobre 2003 à juillet 2004, la Délégation avait déjà recommandé un certain nombre de mesures afin d'améliorer la situation des femmes travaillant à temps partiel. Ces recommandations n'ayant malheureusement pas été suivies d'effet, il apparaît nécessaire de les réitérer. La Délégation recommande ainsi : - que les pouvoirs publics veillent à la bonne application des dispositions existantes en droit du travail, notamment celles concernant l'accès prioritaire des salariés à temps partiel aux emplois à temps plein ; - que soit menée une réflexion sur les conditions de mise en œuvre du temps partiel dans certains secteurs d'activité, où les amplitudes horaires sont trop fortes, les horaires souvent décalés et la prévisibilité des horaires parfois peu respectée. Il serait par exemple envisageable de prévoir une compensation financière pour les heures travaillées très tôt ou très tard, ou dans le cas d'amplitude horaire trop forte. 4. Structurer et professionnaliser les filières d'emplois d'aide à la personne Le secteur des services à la personne est, de l'avis de tous, appelé à se développer fortement dans les années à venir. Potentiellement créateur d'emplois, il porte dans le même temps en germe un fort risque de précarisation pour les personnels. « Si l'on n'y prend garde, une orientation générale d'extension des emplois de proximité d'aide à la personne, sans autre précision ni garantie, nous conduira à constater que les inégalités entre les femmes et les hommes se sont étendues et que la précarité de l'emploi des femmes s'est développée. » (67) La situation est d'ores et déjà critique. Dans un article paru dans le journal Libération (68), M. Loïc Adessa, directeur de la fédération Adessa (qui regroupe les employeurs associatifs) s'en faisait ainsi l'écho, déclarant qu'il « n'est pas possible de continuer à avoir des gens qui ne travaillent que trois heures par semaine », avant d'ajouter : « comment vivre avec douze heures de travail par mois ? » À l'avenir, les besoins en aide à la personne vont croître de façon exponentielle : c'est un des défis qui nous attend que de savoir y répondre dans la préservation de la dignité de tous et de toutes. L'enjeu est ainsi de parvenir à concilier solvabilisation de la demande, performance économique du secteur et exigence sociale. Cette évolution est fondamentale tant pour les femmes qui travaillent dans le secteur que pour l'ensemble de la société. Le secteur de l'aide à la personne (ménage, gardiennage, soins à domicile, aide aux devoirs, jardinage, etc.), pour beaucoup constitué d'emplois humainement difficiles et effectués dans des conditions complexes (notamment du fait d'horaires hachés et de temps de transport importants) doit gagner en attractivité, par une amélioration des conditions de travail, une reconnaissance des compétences, une organisation des filières et la mise en place de groupements d'employeurs. Toute initiative visant à développer les groupements d'employeurs, les coopératives, les associations ou les enseignes dans ces secteurs doit être encouragée, de façon que les employés puissent bénéficier d'un maximum d'heures de travail hebdomadaires, avec des plannings cohérents (évitant par exemple d'avoir trop de trajet dans une même journée, ou une amplitude horaire trop forte) et de varier si elles le souhaitent les types d'activités. La DGEFP (69) travaille ainsi actuellement avec le CNCE GEIQ (70) afin d'étudier les possibilités de création de GEIQ dans le secteur des services à la personne, en prenant en compte les spécificités du secteur considéré. L'Agence nationale des services à la personne (ANSP) a, de son côté, signé en juillet 2006 un accord avec la Confédération générale des sociétés coopératives ouvrières de production et le Crédit coopératif. Il convient, en outre, de professionnaliser la filière, en offrant aux personnes motivées les possibilités de progresser au sein même de la filière, par la validation des acquis de l'expérience, certes, mais aussi par l'accès à des formations spécifiques. La Délégation recommande que toute initiative visant à professionnaliser et structurer les filières d'emplois d'aide à la personne et à renforcer leur attractivité soit encouragée, et que cette question soit considérée comme prioritaire tant par les pouvoirs publics, et particulièrement les collectivités territoriales, que par les partenaires sociaux. 5. Favoriser une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale Si la proportion de femmes avec enfants qui sont sans emploi rémunéré est bien supérieure à celle des hommes dans la même situation, il convient toutefois de noter que la situation française se caractérise par un fort taux d'activité féminin et une natalité qui demeure élevée (taux de natalité d'environ 12 naissances pour mille habitants en 2006 et taux de fécondité de 1,96 enfant par femmes), la France se situant ainsi au deuxième rang de l'Union européenne en matière de croissance démographique. Le modèle français est donc fondé sur une double aspiration : favoriser le maintien d'un taux d'activité des femmes élevé sans pénaliser la croissance démographique. De ce fait, la politique familiale en matière de petite enfance s'est développée selon deux axes : permettre aux femmes de continuer leur activité professionnelle (aides à la garde d'enfants) tout en leur donnant aussi les moyens de se retirer du marché du travail (APE, puis PAJE). Toutefois, l'alternative entre le foyer ou l'activité ne se pose pas de la même façon selon la catégorie socio-professionnelle à laquelle les femmes appartiennent. ACTIVITÉ, EMPLOI ET CHÔMAGE DES FEMMES SELON LE TYPE DE MÉNAGE
Champ : France métropolitaine, personnes de référence et éventuel conjoint de 15 à 59 ans Source : www.insee.fr Selon une étude de 2003 de la DARES (71), les taux d'activité des femmes, contrairement à ceux des hommes, restent conditionnés par la présence et l'âge des enfants. Les femmes cessant de travailler à la naissance d'un enfant sont ainsi majoritairement ouvrières ou employées, moins diplômées et avec plus d'enfants que celles ayant conservé une activité professionnelle. Le fossé se creuse encore plus avec l'arrivée du troisième enfant. La moitié des femmes ayant opté pour le retrait du marché du travail invoque comme raison la volonté de se consacrer à leurs enfants, l'autre moitié mettant en avant des motifs d'ordre financier lié au coût de la garde d'enfants. Dans un avis rendu en février 2003, le Haut Conseil de la population et de la famille s'exprimait en ces termes : « le choix entre les différents modes de garde n'est malheureusement pas proposé à tous les parents, en raison de la très grande variété territoriale de la politique d'accueil des jeunes enfants et compte tenu des coûts pour les parents des différentes formules disponibles. Cet état de fait est la source d'une inégalité excessive, qui va au-delà de ce qui résulterait de la diversité des situations locales. » (72) Malgré la grande diversité de la politique en faveur de l'accueil du jeune enfant, les dispositifs sont encore perfectibles. Offrir aux parents en général, et aux mères en particulier, une aide qui s'adapte à leurs besoins et qui leur permette de faire un vrai choix parmi les différents modes de garde est une façon de lutter contre la précarité des femmes. Une attention toute particulière doit être portée aux mères célibataires, du fait du lien entre emploi, ou plutôt absence d'emploi, et risque de pauvreté pour celles-ci. Il est en effet indispensable de tout mettre en œuvre en matière de résolution de problèmes de garde d'enfants, pour leur permettre d'avoir accès à l'emploi. L'exemple nordique devrait être médité, dans la mesure où l'amélioration de la situation des femmes et la lutte contre leur précarité ne peuvent passer que par un changement en profondeur des mentalités quant à la répartition des charges du ménage en général et des soins donnés aux enfants en particulier. Le modèle nordique (Finlande, Danemark, Norvège, Suède) repose sur un congé partageable entre les deux parents et rémunéré proportionnellement au salaire sur une durée limitée (entre un an et un an et demie, congé de maternité compris). À cela s'ajoute une flexibilité maximale (possibilité de partager le congé entre les deux conjoints et de prendre des périodes de congé jusqu'aux douze ans de l'enfant en Norvège, huit ans de l'enfant en Suède). De fait, la réflexion sur la possibilité de fractionner le congé parental au-delà des trois ans de l'enfant et celle sur une meilleure rémunération de ce congé doivent être relancées. En effet, il apparaît que si les petits enfants ont besoin d'une présence parentale, ce peut être aussi le cas de plus grands enfants, à des moments cruciaux de leur existence (besoin de soutien scolaire ou psychologique, par exemple...). En outre, offrir la possibilité de ce fractionnement permettrait d'inciter les parents, en pratique les mères, à ne pas utiliser en une seule et longue période leur droit à congé parental et aboutirait ainsi indirectement à raccourcir les périodes de retrait du marché du travail, tandis que les pères pourraient être tentés d'utiliser aussi ce droit s'il était possible de le faire sur des périodes plus courtes. Enfin, une meilleure rémunération de ce congé permettrait d'inciter les hommes à le prendre et participerait ipso facto de la lutte contre la précarité féminine, en gommant les discriminations subies par les femmes qui arrêtent leur activité professionnelle pour s'occuper de leurs enfants. L'incitation à l'emploi des femmes est un des moyens de lutter contre leur précarité, dans la mesure où seul le travail assure leur autonomie et leur permet de faire face aux ruptures familiales. La Délégation recommande ainsi qu'une réflexion en profondeur soit entreprise tant sur l'amélioration du système de garde des enfants que sur l'aménagement d'un congé parental plus flexible, partagé entre les deux parents et mieux rémunéré. 6. Corriger les effets négatifs pour les femmes des modes de calcul des retraites Ayant souvent interrompu leur activité professionnelle pour élever leurs enfants, occupant des emplois plus précaires et moins bien rémunérés, subissant parfois le temps partiel, les femmes bénéficient en fin de carrière de retraites inférieures de 50% en moyenne à celles des hommes. Ainsi, malgré l'existence d'avantages familiaux améliorant leurs droits propres, et dans certains cas de droits dérivés, la faiblesse des revenus perçus par les femmes en fin de carrière demeure la norme. On observe ainsi que les femmes sont souvent contraintes de travailler plus longtemps que les hommes pour améliorer le niveau de leur retraite. La situation est encore plus difficile pour les salariées du secteur privé depuis la réforme des retraites de 1993, qui a prévu jusqu'en 2008 le passage progressif du calcul de la retraite sur la base du salaire annuel moyen des vingt-cinq meilleures années, et non plus des dix meilleures comme cela était le cas auparavant. Cette réforme a été particulièrement pénalisante pour les femmes, dont les carrières sont accidentées. Les règles actuelles de calcul des droits à retraite sont défavorables aux femmes, notamment celles à temps partiel, du fait de la faiblesse des salaires de référence, voire même totalement handicapantes pour les salariées à très faible temps partiel, puisqu'en deçà de 200 heures mensuelles au SMIC horaire, la validation des trimestres n'est pas possible. La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a certes prévu des possibilités de rachat des années incomplètes ainsi que de cotisation sur la base d'un temps plein, mais ces possibilités demeurent limitées et onéreuses. La Délégation recommande ainsi que soit engagée une réflexion : - sur l'aide financière à apporter aux salariés à temps partiel qui souhaiteraient cotiser sur la base d'un temps plein. On pourrait par exemple envisager que la sur-cotisation soit supportée pour un tiers par le salarié, pour un tiers par l'employeur, et pour un tiers par l'État, ou encore que l'employeur la supporte en contrepartie d'exonérations accordées par l'État ; - sur l'absence de prise en compte des activités à temps partiel de faible durée par le régime général de la Sécurité sociale. Il serait souhaitable de permettre aux salariés concernés de capitaliser les cotisations versées de façon à pouvoir bénéficier d'une validation des droits correspondants. 7. Améliorer la prise en charge des femmes en situation d'exclusion Si le monde de la rue demeure encore fortement masculin, les femmes y constituent malheureusement une minorité qui ne cesse d'augmenter. Beaucoup souffrent de problèmes de santé, notamment psychiatriques ; toutes, en « galère », en « errance », souffrent de la violence de l'univers de la rue. En outre, nombreuses sont celles, avec ou sans enfants, qui malgré leur travail, ne parviennent pas à assumer les charges d'un logement, dans un contexte de pénurie et de renchérissement des loyers. Actuellement, la prise en charge de l'exclusion n'a pas pris toute la mesure de la féminisation des populations exclues, et les réponses sociales classiques sont ainsi peu adaptées à la prise en charge de l'exclusion féminine. En outre, la crise du logement bloque la sortie du dispositif d'urgence et les parcours d'insertion, alors même que les publics bénéficiaires s'accroissent. Les centres d'hébergement d'urgence sont saturés, tandis que les intervenants sociaux se sentent impuissants du fait de l'absence de places disponibles. La Délégation recommande ainsi : - pour prendre en compte la réalité des travailleuses pauvres, de mettre en place des lieux d'accueil adaptés aux femmes qui travaillent, avec notamment des durées de séjour plus longues que dans les centres d'hébergement ou de réinsertion classiques, éventuellement en contrepartie d'un loyer modeste ; - de renforcer la prise en charge psychologique et psychiatrique des femmes à la rue ; - d'améliorer les conditions de financement des associations qui n'ont pas toujours les moyens de développer un travail social approfondi ni de prendre en compte les caractéristiques propres à l'exclusion des femmes. La Délégation aux droits des femmes s'est réunie, le mercredi 6 février 2007, sous la présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, pour examiner le présent rapport annuel. Mme Muguette Jacquaint a souhaité en préalable remercier Mme Marie-Jo Zimmermann pour le travail remarquable effectué par la Délégation tout au long de la législature et pour l'esprit de concertation qui a toujours présidé à ses travaux. Elle a cependant regretté que les recommandations formulées par la Délégation n'aient guère été suivies d'effet, même lorsqu'elles n'étaient pas coûteuses. Elle a invité le prochain gouvernement non seulement à maintenir et renforcer l'action de la Délégation aux droits des femmes, laquelle devrait comporter plus de membres masculins, mais aussi à créer un véritable ministère aux droits des femmes. Elle a en effet indiqué que, malgré les progrès réalisés, beaucoup de combats restent à mener en terme de parité politique et économique mais aussi de violences. Elle a cependant mis en garde contre le risque de victimisation des femmes. Les femmes ont été les actrices de leur propre destin, que ce soit dans le monde politique, associatif ou dans la société dans son ensemble. Les avancées législatives actuelles sont le résultat des luttes et actions diverses du passé. Il faudra néanmoins se garder de toute régression à l'avenir. Les attaques récurrentes contre le droit à l'avortement attestent combien rien n'est jamais acquis. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a confié être elle-même peu optimiste, tous les sujets traités par la Délégation étant lourds de conséquences pour l'avenir. Elle a estimé nécessaire aujourd'hui la création d'un ministère à part entière, qui puisse régler les problèmes spécifiques des femmes, et notamment celui de l'accroissement de leur précarité. Mme Béatrice Vernaudon, évoquant deux livres récemment écrits par des femmes qui, privées de ressources suffisantes, sont devenues SDF, a convenu de l'intensification de la précarité des femmes, et, en bout de chaîne, de l'accroissement du nombre de femmes exclues, en raison du délitement des solidarités familiales. Elle a rappelé le courage et la dignité dont ces femmes font preuve pour se reconstruire, ainsi que leur lutte contre l'alcool, principal ennemi du retour à une vie normale. Mme Mugette Jacquaint a indiqué que le problème du travail des femmes était malheureusement lié à celui de l'absence d'une politique économique globale de création d'emplois. En outre, elle a rappelé qu'elle était très favorable à l'adoption d'une loi-cadre pour les femmes. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a dit avoir toujours été en faveur d'une telle loi. Si le projet de codification des lois concernant les femmes, préparé par Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, est un premier pas important, il ne sera in fine rien d'autre qu'un état des lieux, tandis qu'une loi-cadre permettrait de se projeter dans l'avenir. Elle a également souligné la nécessité d'un effort pédagogique en direction des jeunes générations, moins conscientes des enjeux. Mme Muguette Jacquaint a pour sa part estimé qu'il y avait parmi les femmes de la nouvelle génération un réelle conscience des enjeux féministes, mais a concédé que la perception de ces enjeux était masquée par la nécessité de toiletter la notion de féminisme, qui ne recoupe plus exactement les mêmes problématiques aujourd'hui. A présent, les jeunes femmes ont accédé à l'autonomie, elles ont fait des études ; leur militantisme ne se dirige pas vers ces questions mais plutôt vers les problèmes de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Mme Béatrice Vernaudon, estimant que les questions d'environnement et de consommation étaient les préoccupation premières des jeunes, a constaté cependant une réelle conscience des enjeux d'égalité entre hommes et femmes dans cette génération. Elle a ajouté que l'enjeu crucial est actuellement celui de la conciliation des vies familiale et professionnelle et du pouvoir d'achat des jeunes ménages, le plus souvent obéré par les coûts de logement et de garde d'enfants. Elle a estimé que la France pouvait être en effet une référence en Europe, et même au-delà, notamment en ce qui concerne la coexistence d'un taux d'activité féminin et d'un taux de natalité élevés. Ceci s'explique par une politique familiale, qui doit être confortée, et qui permet aux femmes de travailler et d'avoir des enfants. Concernant la question de la précarité, il est sûr qu'il est nécessaire d'aller plus loin dans la lutte contre la précarité et pour le respect de la dignité. Mme Muguette Jacquaint a rappelé que les femmes sont attachées à leur travail non seulement en raison de son importance financière, mais aussi de son rôle social. Mme Béatrice Vernaudon a ajouté qu'un des combats à l'avenir serait de lutter pour les retraites des femmes qui se sont occupé de leurs enfants. Un autre enjeu sera d'essayer de limiter l'utilisation de la contraception d'urgence aux cas de stricte nécessité. A l'heure actuelle, nombre de jeunes filles l'utilisent comme contraception régulière, car, contrairement à la contraception classique, elle est gratuite, ce à quoi Mme Muguette Jacquaint a ajouté que le lien entre les jeunes filles et les médecins était rompu en matière de contraception depuis l'utilisation massive, et légitime du fait de la propagation du SIDA, des préservatifs. Mme Béatrice Vernaudon s'est réjouie de l'annonce faite par M. Nicolas Sarkozy de promouvoir, s'il était élu, la recherche dans la lutte contre toutes les formes de dépression et troubles de la personnalité des adolescents, comme l'anorexie et le suicide, qui frappent de plus en plus de jeunes de tous milieux. Mme Muguette Jacquaint, sans nier l'importance de cette recherche, a souligné que ces pathologies et addictions étaient aussi grandement liées à la situation économique, particulièrement chez les jeunes, qui s'inquiètent terriblement pour leur avenir. La machine économique ne fonctionne plus, même pour ceux d'entre eux qui ont fait l'effort de faire des études, parfois longues, et qui ne peuvent se loger ou fonder une famille. L'absence de perspectives d'avenir est le premier facteur anxiogène. Mme Béatrice Vernaudon a fait part de l'importance de promouvoir en France au niveau universitaire les formations sur les questions de genre, qui sont fort développées chez les anglo-saxons. Elle a également estimé qu'il faudrait à l'avenir décentraliser les politiques, et renforcer la solidarité des députées avec les élues locales, qui font un travail remarquable. A l'instar de Mme Muguette Jacquaint, elle a estimé urgent d'essayer de redonner un sens aux solidarités, aujourd'hui disparues, et qui structuraient notre société. Elle a émis l'espoir que la nouvelle loi sur la parité permette à plus de femmes d'entrer en politique, et qu'ainsi les solidarités, thématiques traditionnellement féminines, soient à nouveau valorisées. En guise de conclusion, elle a souhaité à son tour exprimer le grand intérêt qu'elle a tiré à faire partie de cette Délégation, qui permet un travail approfondi au-delà des clivages traditionnels. Mme Muguette Jacquaint a à son tour estimé qu'une des richesses de la Délégation réside dans la liberté d'expression qui y a cours. L'absence de tabous et de non-dit, la franchise qui y règne, sont un bien très précieux. Alors que Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, indiquait qu'il y aurait beaucoup de travail pour les parlementaires de la nouvelle législature, Mme Béatrice Vernaudon, gageant que cette législature compterait un nombre accru de femmes, a estimé qu'il faudrait que les parlementaires plus anciennes, et notamment les anciens membres de la Délégation, les entraînent dans leur sillage et les sensibilisent à l'importance du combat pour la parité. La Délégation a ensuite adopté les recommandations suivantes : 1) Afin de promouvoir la mixité dans l'orientation et la formation initiale, il convient de mettre en œuvre une politique visant à favoriser l'orientation des filles dans les filières scientifiques, ainsi que dans les filières d'apprentissage, pour permettre l'entrée des femmes dans des métiers et des fonctions dits masculins et de lutter contre la ségrégation professionnelle qu'elles subissent ; 2) La formation professionnelle des femmes, notamment celles travaillant à temps partiel, doit faire l'objet d'une réflexion en profondeur des pouvoirs publics et des partenaires sociaux ; 3) Afin d'améliorer la situation des femmes travaillant à temps partiel : - les pouvoirs publics doivent veiller à la bonne application des dispositions existantes en droit du travail, notamment celles concernant l'accès prioritaire des salariés à temps partiel aux emplois à temps plein ; - une réflexion sur les conditions de mise en œuvre du temps partiel dans certains secteurs d'activité, où les amplitudes horaires sont trop fortes, les horaires souvent décalés et la prévisibilité des horaires parfois peu respectée doit être menée ; il serait par exemple envisageable de prévoir une compensation financière pour les heures travaillées très tôt ou très tard, ou dans le cas d'amplitude horaire trop forte ; 4) Toute initiative visant à professionnaliser et structurer les filières d'emplois d'aide à la personne et à renforcer leur attractivité doit être encouragée ; cette question doit être considérée comme prioritaire tant par les pouvoirs publics, et particulièrement les collectivités territoriales, que par les partenaires sociaux ; 5) L'incitation à l'emploi des femmes étant un des moyens de lutter contre leur précarité, dans la mesure où seul le travail assure leur autonomie et leur permet de faire face aux ruptures familiales, une réflexion en profondeur doit être entreprise tant sur l'amélioration du système de garde des enfants que sur l'aménagement d'un congé parental plus flexible, partagé entre les deux parents et mieux rémunéré ; 6) Afin de corriger les effets négatifs pour les femmes des modes de calcul des retraites, il faut engager une réflexion : - sur l'aide financière à apporter aux salariés à temps partiel qui souhaiteraient cotiser sur la base d'un temps plein ; on pourrait par exemple envisager que la sur-cotisation soit supportée pour un tiers par le salarié, pour un tiers par l'employeur, et pour un tiers par l'État, ou encore que l'employeur la supporte en contrepartie d'exonérations accordées par l'État ; - sur l'absence de prise en compte des activités à temps partiel de faible durée par le régime général de la Sécurité sociale ; il serait souhaitable de permettre aux salariés concernés de capitaliser les cotisations versées de façon à pouvoir bénéficier d'une validation des droits correspondants ; 7) L'amélioration de la prise en charge des femmes en situation d'exclusion nécessite : - la mise en place, pour prendre en compte la réalité des travailleuses pauvres, de lieux d'accueil adaptés aux femmes qui travaillent, avec notamment des durées de séjour plus longues que dans les centres d'hébergement ou de réinsertion classiques, éventuellement en contrepartie d'un loyer modeste ; - le renforcement de la prise en charge psychologique et psychiatrique des femmes à la rue ; - l'amélioration des conditions de financement des associations qui n'ont pas toujours les moyens de développer un travail social approfondi ni de prendre en compte les caractéristiques propres à l'exclusion des femmes. Personnalités entendues par la Délégation sur le thème de la précarité Pages
Audition de Mme Françoise Milewski, rédactrice en chef de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), et des membres de la mission, coauteures du rapport : « Les inégalités entre les femmes et les hommes : les facteurs de précarité » Réunion du mardi 6 décembre 2005 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rendu hommage, au nom de la Délégation, à Mmes Françoise Milewski, Sandrine Dauphin, Nadia Kesteman, Marie-Thérèse Letablier, Dominique Méda, Françoise Nallet, Sophie Ponthieux et Françoise Vouillot, c0oauteures du rapport « Les inégalités entre les femmes et les hommes : les facteurs de précarité », commandé en septembre 2004 par Mme Nicole Ameline, alors ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Elle a regretté que ce travail extrêmement complet, remis dans des délais très rapides - en mars 2005 -, n'ait pas été suffisamment médiatisé, d'autant que la Délégation, en 2006, se penchera précisément sur le thème « femmes et précarité ». Le problème le plus épineux rencontré par les femmes est celui de la précarité, comme en attestent notamment les rapports du Secours catholique. Or le législateur ne peut certes pas faire de miracles, mais il a obligation d'écouter et de formuler des propositions pour s'efforcer de préparer l'avenir à partir de la réalité. Mme Françoise Milewski a identifié cinq idées forces mises en relief par le rapport de la mission. Les analyses traditionnelles de la précarité négligent le mode d'insertion spécifique des femmes sur le marché du travail : la précarité n'est certes pas spécifique aux femmes, mais elle les concerne davantage (instabilité de l'emploi et ruptures de parcours ; stabilité dans le sous-emploi ; fragilité de l'insertion et de la réinsertion). Ce sont les inégalités entre les hommes et les femmes qui génèrent le risque de précarité pour ces dernières : la précarité des femmes n'est pas similaire à celle des hommes, car aux fondements communs de précarité s'ajoutent pour elles des fondements spécifiques. Des inégalités entre les femmes elles-mêmes existent et se développent, dans la formation, l'emploi, les salaires, les retraites, etc. Les politiques publiques peuvent beaucoup pour contrecarrer la précarité, mais elles sont souvent contradictoires : par exemple, la politique de développement du temps partiel, l'extension du congé parental, la réforme des retraites, etc., ont renforcé le risque pour certaines femmes de basculer vers la précarité. Enfin, la précarité des femmes influe en retour sur l'ensemble du marché du travail. Depuis les années 1950, les taux d'emploi et d'activité des femmes se sont fortement accrus : 80 % des femmes en âge de travailler sont actuellement actives. Il n'empêche qu'un écart significatif - de l'ordre de 15 points - demeure entre le taux d'emploi des hommes et des femmes pour la tranche des 25-54 ans, et que, depuis les années 1990, la résorption des écarts a tendance à ralentir. De plus, si l'on raisonne en équivalent temps plein, l'insertion des femmes a cessé de progresser, à cause de l'explosion du temps partiel. L'emploi est une condition nécessaire pour éviter la précarité, mais elle ne suffit pas. L'instabilité de l'emploi et la stabilité dans le sous-emploi constituent des handicaps. Les frontières entre emploi et sous-emploi, activité et inactivité fluctuent. Par exemple, ce sont surtout des femmes qui sont concernées par les contrats à durée déterminée ou par les dispositifs d'attente des politiques de l'emploi, et elles sont moins nombreuses que les hommes à en sortir vers l'emploi stable. Cela se vérifie également pour les sorties du chômage : si les femmes restent moins longtemps au chômage que les hommes, c'est parce qu'elles en sortent plus souvent vers l'inactivité que vers l'emploi, et, lorsqu'elles en sortent vers l'emploi, c'est plus souvent que les hommes vers un contrat à durée déterminée que vers un contrat à durée indéterminée. La relation au marché du travail est donc lâche et discontinue, ce qui peut s'avérer dramatique en cas de rupture familiale. La stabilité dans l'emploi précaire est un autre phénomène préoccupant. Les femmes représentent 80 % des temps partiels ; 30 % d'entre elles travaillent à temps partiel, souvent contraint et souvent aussi à horaires atypiques, ce qui complique encore plus l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale. Par ailleurs, 78 % des employés non qualifiés sont des femmes, et 30 % des femmes ont un emploi non qualifié. Au total, 80 % des salariés à bas salaire sont des femmes et la réduction des écarts de rémunérations tend à s'interrompre. Les femmes sont donc surreprésentées dans l'emploi précaire ; il existe une surexposition au risque d'occuper un emploi précaire et de demeurer dans cet emploi. Les mères de famille monoparentale, les femmes immigrées et les femmes bénéficiaires des minima sociaux sont particulièrement fragilisées. Cette situation est d'abord imputable à l'orientation scolaire des filles. Bien que leurs parcours scolaires soient plus rapides et qu'elles présentent de meilleurs taux de réussite au baccalauréat, elles sont souvent orientées vers des filières moins rentables qui les placent dans des situations plus instables. Ensuite, l'essentiel de la responsabilité de l'articulation des tâches familiales et professionnelles repose le plus souvent sur leurs épaules ; à cet égard, la politique familiale et les modes de garde de la petite enfance sont fondamentaux afin d'éviter les conflits entre fécondité et emploi, particulièrement pour les femmes les moins qualifiées, qui, lorsqu'elles se retirent du marché du travail, ont les plus grandes difficultés à se réinsérer. Enfin, les femmes subissent des discriminations sur le marché du travail, de la part des entreprises publiques comme privées. La relation des femmes à l'emploi est le produit de multiples tendances, imbriquées. Dans les années 1960 et 1970, la satisfaction de la volonté d'indépendance financière des femmes a été facilitée par le contexte économique de fortes créations d'emplois. Mais depuis les années 1980 et surtout 1990, les femmes sont les premières atteintes par le ralentissement de la croissance et la montée du chômage. En outre, le contexte structurel de développement du secteur tertiaire a eu des conséquences contradictoires pour les femmes, à la fois négatives et positives : ce sont les hommes qui ont le plus pâti du repli de l'emploi industriel, tandis qu'un grand nombre de femmes profitaient du développement de l'emploi tertiaire ; ces emplois sont néanmoins souvent instables ou stables dans le sous-emploi - c'est-à-dire à temps partiel ou à horaires atypiques. L'évolution des structures familiales conditionne aussi leur insertion sur le marché du travail : le taux d'emploi des mères chefs de famille monoparentale est supérieur, bien sûr, au taux d'emploi moyen des femmes. Les notions d'instabilité, de trajectoires, de ruptures de parcours, de stabilité dans le sous-emploi, de fragilité de l'insertion et de la réinsertion sont donc majeures pour comprendre les phénomènes de précarité croissante. Les femmes ont été les premières victimes de la déstructuration du marché du travail. Les inégalités entre les femmes et les hommes produisent davantage de précarité pour les femmes, mais conduisent aussi à creuser les inégalités entre les femmes elles-mêmes, entre celles qui ont accédé à un diplôme élevé et qui parviennent à s'insérer correctement sur le marché du travail, et les autres. Ces inégalités sont visibles sur les temps partiels (choisis ou contraints, longs ou courts, réversibles ou non), les qualifications, l'accès aux différents modes de garde, les salaires et les retraites. Mais ces différenciations résultent en grande partie des inégalités entre les hommes et les femmes, dans la sphère professionnelle comme dans la sphère privée. Le groupe de travail n'avait pas reçu mission de fournir un corps de propositions, mais les auteures du rapport ont souhaité, au terme de leurs réflexions, formuler des « pistes de réflexion pour la politique publique ». Trois thèmes majeurs ont été mis en exergue et des interrogations émises. Les thèmes majeurs concernent l'emploi des femmes, qu'il convient de favoriser car la précarité est la conséquence directe des difficultés d'insertion sur le marché du travail, donc de l'absence d'indépendance. Mais il faut également prendre en compte la nature des emplois et les trajectoires professionnelles. Enfin, les structures d'accueil de la petite enfance jouent un rôle primordial pour faciliter l'emploi des femmes. Les interrogations concernent la cohérence des politiques publiques. Deux exemples permettent de l'illustrer. Le temps partiel s'est développé du fait des politiques publiques, à partir du début des années 1990, afin de partager le travail et de lutter ainsi contre le chômage ; or, de fait, cette mesure générale a principalement touché les femmes. L'extension du congé parental, en 1994, a fait considérablement chuter le taux d'activité des mères de deux enfants, en particulier parmi les moins qualifiées d'entre elles, c'est-à-dire celles qui rencontrent par la suite des difficultés de réinsertion accrues ; on peut comprendre les femmes qui choisissent d'interrompre leur activité parce qu'elles ne s'en sortent pas ; ce qui est regrettable, c'est que les politiques publiques conduisent certaines femmes à se retirer du marché du travail, au lieu de créer les conditions pour améliorer leur insertion. Il importe aussi de veiller à la cohérence des politiques publiques de court et de moyen termes. Les manifestations les plus néfastes de la précarité doivent être corrigées, par exemple en prévoyant des mesures comme la réservation d'emplois à plein-temps pour les femmes occupant un poste à temps partiel ou la réduction de l'ampleur des horaires atypiques. Mais les politiques publiques n'ont pas simplement des objectifs de court terme ; elles doivent s'assigner des objectifs de moyen terme et, de ce point de vue, la politique de développement du temps partiel a été très négative. En conclusion, on peut souligner que les évolutions économiques ont déterminé de nouvelles formes d'inégalités entre les femmes et les hommes, notamment l'essor massif de l'instabilité dans l'emploi des femmes et leur surreprésentation dans l'emploi précaire. Or, les femmes constituant 46 % de la population active, toute aggravation de leur précarité a un effet en retour sur l'ensemble du marché du travail : ce qui détermine leur mode d'insertion dans l'emploi a un impact d'ensemble. Les voies du sous-emploi et de la précarité ne peuvent rester limitées à une partie significative de la population active sans s'étendre aux autres. Dans nombre de débats, la dimension spécifique du travail des femmes est oubliée. Par exemple, le potentiel d'emplois de services à la personne est considérable : les estimations les plus basses évaluent leur nombre à plusieurs centaines de milliers. Or, ils sont de fait majoritairement occupés par des femmes. Les politiques publiques doivent favoriser la qualification progressive des salariés-ées, le contrôle de l'amplitude des horaires - en particulier quand les employeurs sont multiples, etc. Sinon, on constatera dans quelques années que, certes les femmes ont bénéficié de ce gisement d'emplois, mais que leur précarité se sera encore accrue. Autre exemple, les très petites entreprises emploient majoritairement des femmes, particulièrement hors encadrement, et surtout sur les postes à temps partiel et les CDD. Le contrat nouvelles embauches (CNE) concernera donc majoritairement des femmes. Or cette dimension n'a jamais été intégrée dans la réflexion. La problématique du genre est négligée dans les politiques publiques ; on l'avait déjà vu à propos des mesures qui ont favorisé le temps partiel, ou lors de la réforme des retraites de 1993, qui, en allongeant la durée de référence, a surtout pénalisé les femmes, dont les parcours professionnels sont plus discontinus. Le jour où cette dimension sera prise en compte dans toutes les décisions publiques, la société aura fait un grand pas. Mme Claude Greff a observé que, dans sa circonscription, les CNE étaient majoritairement signés par des hommes. Puis elle a demandé à Mme Françoise Milewski ce que celle-ci pensait de sa proposition de loi tendant à instaurer un revenu minimum d'éducation, c'est-à-dire une indemnisation permettant aux mamans de s'arrêter de travailler, en particulier lorsqu'elles occupent un emploi sous-qualifié, n'ont pas de perspectives d'évolution et se trouvent confrontées à des difficultés matérielles pour faire garder leurs enfants. Mme Patricia Adam, à la lumière de son expérience de vice-présidente de conseil général, a abondé dans le sens de l'analyse de l'OFCE : les femmes ne doivent surtout pas s'arrêter de travailler, pour rester indépendantes et progresser dans leur carrière professionnelle. Mais elle a déploré que les travailleurs sociaux et l'ANPE n'encouragent pas les femmes à aller vers l'emploi, surtout dans un contexte où elles se voient surtout proposer des postes à temps partiel et où il est donc plus avantageux pour elle de toucher les minima sociaux. Il est très difficile de faire évoluer les cultures ; or, avant de faire intervenir des politiques publiques, qu'elles soient étatiques ou centralisées, il convient de modifier les comportements des professionnels. Le secteur des services à la personne crée des petits boulots, souvent avec plusieurs employeurs et sans aucun contrôle des horaires. De plus, il s'agit de services mandataires, les collectivités territoriales étant dans l'impossibilité juridique d'imposer des services prestataires. Mme Martine Carrillon-Couvreur a constaté la même évolution dans son département, la Nièvre. Les femmes en situation précaire depuis longtemps traversent des difficultés dont elles ne parviennent plus à sortir alors qu'elles pouvaient suivre naguère des parcours qui leur permettaient de s'en sortir. Il arrive même désormais de plus en plus que des jeunes femmes en situation plus confortable, diplômées et pourvues d'une première expérience, choisissent de rester à la maison parce que la société ne garantit plus l'équilibre entre vie familiale et professionnelle. La situation générale des femmes devient inquiétante. Certaines professions sont certes accessibles aux jeunes femmes dans de meilleures conditions qu'autrefois mais seule une petite minorité est concernée. Des études existent-elles sur cette évolution ? Mme Danielle Bousquet s'est étonnée que le dispositif rectoral des chargés de mission pour l'orientation des filles et la formation des professeurs principaux à la diversification de l'orientation ait produit aussi peu d'effets. Elle s'est dite atterrée par l'épouvantable retour en arrière que constitue l'émergence d'une nouvelle philosophie remettant complètement en question tout ce qui a été fait jusqu'à présent : les filles auraient des compétences de filles et devraient être confortées dans ces domaines. Le rapport émet-il des propositions à destination de l'Éducation nationale, lieu où se situe l'un des nœuds essentiels du problème ? Mme Claude Darciaux a ajouté que les enseignements scientifiques et techniques, plus particulièrement les filières de la physique et des mathématiques perdaient leur crédit à l'université comme dans les grandes écoles, que les jeunes filles s'en détournaient encore davantage que les garçons et qu'elles s'intéressaient de moins en moins aux métiers dits masculins, comme ceux du bâtiment ou du génie civil. Les filles qui ont choisi une carrière d'ingénieur par le passé ont rencontré d'énormes difficultés pour s'insérer sur le marché du travail, et le tri commence très tôt, dès le collège. Mme Chantal Brunel a noté que les politiques publiques censées favoriser l'emploi des femmes donnaient parfois le résultat inverse : leur intégration dans le monde du travail est rendue plus difficile encore. Certes, la précarité des femmes se développe, l'absence d'indépendance financière est un drame qui favorise les violences conjugales, mais tout ce qui vise à protéger la femme revient un peu à l'exclure. En effet, les mesures de protection dissuadent les entreprises de recruter des femmes. Il s'agit d'un problème de fond important, pour tous les députés, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent. Mme Françoise Vouillot a déclaré que les chargés de mission à l'égalité des chances placés auprès des recteurs n'avaient pas vraiment les moyens, faute qu'une volonté politique se soit manifestée en ce sens, de modifier les stratégies d'orientation, et que la formation des enseignants, sur ce point, était pratiquement inexistante. L'idée de l'existence de « talents spécifiques » n'est pas plus présente dans l'Éducation nationale que dans le monde du travail. Les compétences n'ont pas de sexe car elles s'acquièrent et il n'existe pas non plus de qualités « innées » féminines ou masculines. La clé est la formation initiale et continue des acteurs du système éducatif. Il conviendrait peut-être aussi d'imposer aux recteurs, avec obligation de résultats, d'augmenter le degré de mixité dans chaque filière en favorisant plus l'orientation des garçons vers les sections littéraires et sociales, et un peu plus celle des filles vers les sections techniques, industrielles et scientifiques. Mme Claude Greff a objecté que certaines filières offraient un nombre insuffisant de places et cité sa circonscription, où des sections de sciences médico-sociales, SMS, ne sont proposées que dans deux établissements et n'accueillent que 27 élèves. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a reconnu que la section SMS alimentait les emplois à la personne mais a conseillé de ne pas l'ériger en exemple. Mme Françoise Vouillot a affirmé qu'il ne se passera pas grand-chose tant que les cadres supérieurs de l'Éducation nationale ne se « mouilleront » pas : des résultats ne seront obtenus qu'ici ou là, à la marge. Les filles représentent 46 % des élèves de terminale S et réussissent mieux que les garçons dans cette filière. Le problème apparaît après le bac. Les classes préparatoires les attirent moins car elles véhiculent une image « masculiniste » : c'est le règne de la compétition qui peut engendrer toutes formes de violences. Elles sont moins obligées que les garçons de répondre à cette pression. Quant aux filières scientifiques universitaires, elles n'offrent pas la même valorisation sociale que d'autres. Il est difficile pour les femmes de s'insérer dans le monde du travail (dans certains métiers et certaines fonctions) car celui-ci obéit à des stéréotypes de sexe et aux normes de masculinité et de féminité, ce qui dicte les conduites d'orientation des garçons et des filles, mais également le comportement des parents et des enseignants. Mme Marie-Thérèse Letablier a insisté sur le fait que toute interruption d'activité est néfaste pour la carrière professionnelle, les droits sociaux puis la retraite. Les femmes dépourvues d'emploi sont protégées à très court terme, mais certainement pas à moyen et long terme. Il convient de distinguer les femmes bénéficiant d'un congé parental, parce qu'elles occupent un emploi stable doté d'un statut relativement protecteur, des autres, engluées dans une précarité dramatique. Il n'en demeure pas moins qu'une interruption de trois ans, éventuellement renouvelée, c'est très long. Mme Danielle Bousquet ayant souligné que les femmes dont les conditions de travail sont les plus dures devraient pourtant être les mieux protégées, Mme Marie-Thérèse Letablier a confirmé que les écarts entre femmes tendent à s'approfondir, les fenêtres permettant de sortir de la précarité s'étant refermées depuis les années 1990, à cause de la conjoncture économique. Mme Chantal Brunel a estimé que l'accueil de la petite enfance était bien plus important pour lutter contre la précarité que l'égalité salariale hommes-femmes. Des zones géographiques entières où sont implantées de nombreuses entreprises restent dépourvues de structures d'accueil de la petite enfance. Il importe de créer des établissements, crèches interentreprises ou autres, ouverts aux mêmes horaires que les entreprises, éventuellement jusqu'à minuit. Mme Marie-Thérèse Letablier ayant considéré que la comparaison avec les pays nordiques démontrait que le travail des femmes était étroitement corrélé au développement des services d'accueil des enfants, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a expliqué que les tâches étaient plus justement partagées dans d'autres pays, tout en préconisant une diversification de l'offre de modes de garde en France. Mme Françoise Milewski est revenue sur la dégradation des conditions de travail des femmes. Les progrès en matière de partage des tâches familiales sont restés très ténus et le marché du travail leur a été défavorable, avec la montée du chômage et l'essor d'emplois à temps partiel, non qualifiés, mal payés, préparant ainsi une future catégorie de retraitées pauvres. L'idée ambiante passe alternativement, selon les modes du moment, du recours massif aux femmes pour renouveler la population active à l'occasion du départ à la retraite des générations du baby-boom, à l'appel pour que des mesures soient prises en faveur de la natalité. Une distinction s'impose à cet égard entre les choix individuels des femmes et les orientations des politiques publiques. Comment jeter la pierre à une femme qui, parce qu'elle est confrontée à un emploi pénible, avec des horaires atypiques l'empêchant de voir ses enfants, finit par opter pour un congé parental ou un temps partiel ? Mais il incombe aux pouvoirs publics de voir plus loin : cette femme, après trois ou six ans de congé parental, rencontrera de grandes difficultés pour se réinsérer, et se trouvera en grande difficulté en cas de rupture conjugale, avec pour seul recours les minima sociaux. Les pouvoirs publics doivent agir du côté de l'amélioration des conditions de travail ; par exemple, si l'on ne peut empêcher tout travail à horaires atypiques - car certains métiers, en relation avec le public, y contraignent - il faut condamner la malléabilité des horaires, souvent pratiquée par les entreprises ; on peut aussi, autre exemple, imaginer d'autres formules de congé parental, plus courtes et mieux rémunérées, pour attirer davantage de pères ; et enfin faire évoluer les mentalités. L'enjeu d'un meilleur accueil de la petite enfance est crucial à court terme, parce que la population active va se renouveler. Or, l'offre de places pour les enfants de zéro à trois ans, en France, est très nettement insuffisante, et les mesures incitatives telles que les déductions d'impôts ne concernent finalement pas les catégories les plus défavorisées. Il convient de ne pas dissocier le débat sur l'emploi des femmes et celui sur les politiques familiales. Quelle que soit la répartition des contrats CNE entre hommes et femmes dans telle ou telle circonscription, il demeure que les très petites entreprises recrutent majoritairement des femmes, selon les statistiques officielles. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est émue que les statistiques, dans tous les domaines, soient trop rarement sexuées et que les progrès en la matière ne soient obtenus que sous la pression. La plupart des services à la personne seront assumés par des femmes, au travers notamment des CNE, et bien des femmes travaillant actuellement à temps partiel percevront à peine le minimum vieillesse. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que les membres de la Délégation, animés par la volonté de susciter des mesures législatives en amont des difficultés, avaient déjà tiré la sonnette d'alarme sur le temps partiel et les retraites, et qu'ils le referaient dans leur prochain rapport, l'idéal étant d'aboutir avant 2007. Mme Sophie Ponthieux a indiqué que la marche vers l'égalité ne se décrétera pas et qu'elle nécessite des efforts de très longue haleine, en matière éducative et culturelle. La focalisation sur les écarts de salaires peut être trompeuse car il suffirait d'éjecter les femmes les moins qualifiées du marché du travail pour réduire mécaniquement leurs effectifs, comme les Allemandes de l'Est en firent les frais. Il n'en reste pas moins qu'il est utile d'étudier les causes des écarts de salaires. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié les journalistes, qui abordent régulièrement les thèmes des inégalités salariales ou de la petite enfance. Elle a rappelé que c'est grâce à une campagne de presse que l'Espagne s'est dotée d'une législation sur les violences conjugales. Il faut donner mauvaise conscience à ceux qui ne font rien. Enfin, elle a remercié toutes les intervenantes et proposé de les revoir au terme des auditions de la Délégation. Audition de Mme Anne-Marie Brocas, secrétaire générale Réunion du mardi 17 janvier 2006 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mme Anne-Marie Brocas, secrétaire générale du Conseil d'orientation des retraites (COR). Le COR ayant fait de la recherche de l'égalité entre hommes et femmes en matière de retraites son thème d'études pour 2006, la Délégation entendra avec intérêt Mme Anne-Marie Brocas exposer les orientations qui en guideront les travaux. Mme Anne-Marie Brocas a indiqué qu'une équipe associant Mme Buffeteau et M. Godefroy de l'INSEE et Mme Bonnet, chercheure à l'INED, avait rédigé un document de travail, qui sera prochainement publié, dans lequel elle évalue, par des projections réalisées à l'aide d'un modèle de simulation, l'évolution comparée des droits à pension des hommes et des femmes par génération, s'attache à déterminer les effets des mesures prises en 1993 et de la réforme adoptée en 2003, et analyse l'évolution et la dynamique des inégalités entre femmes. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est émue de ce qu'aux inégalités entre les femmes et les hommes s'ajoutent des inégalités entre femmes. Mme Anne-Marie Brocas a indiqué que cela justifiait, précisément, deux démarches analytiques distinctes, afin de ne pas se référer uniquement à une situation moyenne qui gouvernerait la visibilité du groupe des femmes les plus fragiles. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que, les emplois à temps partiel étant occupés à 85 % par des femmes, il s'ensuivrait une inégalité mécanique entre hommes et femmes lors de la retraite. Quel est l'élément le plus pertinent à défendre lorsque des femmes expliquent que travailler à temps partiel leur convient ? Mme Anne-Marie Brocas a répondu que la question a été posée lors du récent colloque « Retraites : droits individuels et droits familiaux, la recherche de l'égalité entre les hommes et les femmes », organisé par le COR. Il est difficile d'y répondre si l'on ne commence pas par s'interroger sur les objectifs visés. Se fixe-t-on pour but l'évolution vers une similitude rigoureuse des parcours professionnels des hommes et des femmes avec, en corollaire, le partage accru des tâches domestiques ? Mme Chantal Bourragué a observé qu'une telle évolution ne se décrétait pas. Mme Anne-Marie Brocas a indiqué qu'une autre approche est de constater, d'une part, que la situation des hommes et celle des femmes se rapprochent sans converger, d'autre part, que la différenciation des rôles sociaux subsiste dans la vie privée, et ainsi de considérer que cette situation est appelée à durer. Dans ce dernier cas, on adoptera probablement une position différente sur la manière dont les dispositifs sociaux devraient évoluer. Lors du colloque, les intervenants se sont interrogés sur le point de savoir quelle perspective choisir, de manière à définir, en fonction de ce choix, le rôle alloué aux dispositifs sociaux. Ceux-ci doivent-ils relever d'un accompagnement destiné à compenser les disparités en tout ou partie ? Doivent-ils avoir un rôle incitatif, voire fortement incitatif, ce qui peut conduire à les remettre en cause pour partie, sans danger pour les femmes ? On ne peut éluder ces questions, pour lesquelles l'analyse des choix faits à l'étranger est utile. On constate ainsi que certains pays ont privilégié la perspective de l'indifférenciation des rôles. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé qu'il s'agissait d'une question d'ordre culturel et s'est demandé si une évolution était réellement possible. Mme Anne-Marie Brocas a suggéré à la Délégation de se reporter aux contributions présentées lors du colloque sur les réformes en matière de protection sociale dans les pays d'Europe continentale et du Sud organisé par la Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (DREES). Jane Lewis, chercheuse britannique, qui jusqu'alors s'était toujours faite le champion d'une vision très égalitariste, a semblé évoluer vers des solutions plus prudentes. L'Américaine Janet Gomick a, quant à elle, intégré dans sa réflexion sur l'égalité entre les hommes et les femmes les implications des différents modèles pour les enfants, s'arrêtant en particulier au temps que les parents peuvent leur consacrer. Elle a mis en avant la très grande différence qui existe selon les modèles. Dans le modèle scandinave, alors que le partage des tâches est très égalitaire, il existe un service public de prise en charge des enfants très efficace, organisé de telle façon que les parents peuvent continuer à leur consacrer un temps important. Ce modèle est à l'opposé du modèle américain dans lequel une assez grande égalité de droits faciliterait la carrière des femmes, mais où l'absence de structures de prise en charge des enfants oblige à recourir à des services domestiques, accessibles seulement aux parents les plus aisés, lesquels auraient malgré tout peu de temps à consacrer à leurs enfants. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a donné pour exemple l'introduction, dans une entreprise mosellane, d'une organisation de travail à l'américaine par une directrice des ressources humaines qui a débuté sa carrière aux États-Unis et transposé en France les méthodes appliquées outre-Atlantique. Dans ce schéma, tous les cadres rentrent chez eux à des heures « normales ». Une évolution est donc possible. Ce qui est dérangeant, c'est que les parents attendent tout des services publics de garde, ce qui les dispense de s'investir dans l'éducation des jeunes enfants. Il faut reconnaître que l'on manque d'informations sur ces questions. Mme Anne-Marie Brocas a indiqué que, pour préparer ses travaux prévus en 2006, le secrétariat général du COR avait commencé à rassembler de la documentation, qu'elle s'est proposée de transmettre à la Délégation, dans lesquelles figurent notamment des comparaisons menées à l'échelle européenne sur les budgets temps. Par ailleurs, une étude sur les modèles d'organisation familiale et d'emploi des couples, qui reflète les situations les plus fréquemment rencontrées et qui donne des indications précieuses sur la répartition des rôles sociaux, figurait dans le dossier du colloque organisé par le COR. Il existe aussi des enquêtes « emploi du temps » européennes, qui seront également utilisées pour éclairer les futurs débats du COR. Les contributions entendues au cours de ces colloques récents font apparaître une évolution chez les femmes à l'étranger. Ainsi a-t-on entendu chez les Scandinaves un questionnement auquel on ne s'attendait pas et perçu chez les femmes du Sud des modifications de comportement radicales. En particulier, les jeunes espagnoles ont désormais des modes d'implication professionnelle qui n'ont rien à voir avec ceux de leurs mères ; le changement est allé très vite. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné l'exemple donné par le Gouvernement espagnol, au sein duquel femmes et hommes sont à parité - et il ne s'agit pas de femmes « alibi », puisque toutes ont des compétences reconnues. De même, l'Espagne a une longueur d'avance dans sa législation réprimant les violences faites aux femmes. Mme Chantal Bourragué a rappelé que des hommes fonctionnaires avaient attaqué la France devant la Cour de justice des Communautés européennes pour se voir reconnaître, comme aux femmes, le droit à une bonification de pension de retraite liée à l'éducation de leurs enfants. Où en est ce dossier ? Mme Anne-Marie Brocas a répondu que, par son arrêt du 29 novembre 2001, la Cour de justice des Communautés européennes, se fondant sur le principe de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, avait fait droit à la requête de M. Griesmar qui demandait le bénéfice de la majoration de durée d'assurance pour enfant, avantage à l'époque exclusivement réservé par la législation française aux agents féminins. Cette jurisprudence européenne a conduit le législateur français à modifier la réglementation en ouvrant le droit à la bonification d'un an par enfant aux hommes et aux femmes indifféremment, mais à condition qu'ils justifient d'une interruption d'activité, ces nouvelles dispositions ne s'appliquant toutefois que pour les enfants nés avant 2004. Pour les enfants nés après le printemps 2004, un nouveau dispositif identique pour les hommes et les femmes a été mis en place. Ces nouvelles dispositions ont suscité un vif débat car elles avaient pour conséquence paradoxale que les femmes qui ont eu des enfants pendant qu'elles poursuivaient leurs études ou avant d'entrer dans la fonction publique ne pouvaient plus se prévaloir du droit à majoration de la durée d'assurance. Les protestations ont conduit à la définition de mesures correctrices qui ne sont pas de caractère législatif mais qui ont pour effet que, dans la plupart des cas, les femmes qui avaient un droit avant la réforme l'ont conservé. D'autres solutions législatives que celles qui ont été adoptées à la suite de l'arrêt Griesmar sont-elles possibles ? On peut en douter, car de nombreux juristes se sont mobilisés sur cette question après que l'arrêt de la Cour de justice européenne a été rendu, mais cette interrogation resurgit périodiquement. Mme Chantal Bourragué a considéré comme une anomalie le fait que certaines femmes ne puissent plus valider l'année consacrée à l'éducation d'un enfant. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a abondé en ce sens, observant que la charge de l'éducation du jeune enfant pèse bien davantage sur la mère que sur le père. Mme Anne-Marie Brocas a ajouté que la présence d'un enfant avait pour effet que les hommes travaillent plus, avec une accélération de leur carrière, alors qu'à l'inverse les femmes devenues mères travaillent moins et voient leurs carrières freinées. Mais, telle que la conçoit Bruxelles, l'égalité consiste à dire que l'on ne peut présumer que, dans un couple, la femme se consacre davantage que l'homme aux enfants et à la vie du foyer, si bien que l'homme doit avoir accès aux mêmes droits que la femme. On cherchera sans doute à trouver des marges de manœuvre dans la jurisprudence, mais celles-ci semblent bien minces. Mme Chantal Bourragué a souligné que c'était là une demande constante des femmes. Mme Anne-Marie Brocas a indiqué que le COR consulterait des juristes à ce sujet. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité que parmi les juristes consultés, il y ait autant d'hommes que de femmes. Mme Anne-Marie Brocas a souligné qu'il fallait aussi déterminer la capacité de la France à influer sur les normes et sur la doctrine européenne. Dans le cas de l'arrêt Greismar, le juge s'est prononcé en l'absence de directive. Une directive permettrait-elle une évolution ? Est-elle concevable sur le plan politique ? Puisque la législation française ne peut s'abstraire du droit communautaire, elle doit s'inscrire dans une démarche active : il faut tenter de faire évoluer la norme commune. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé si cela paraissait concevable. Mme Anne-Marie Brocas a répondu que c'était tout l'intérêt des comparaisons européennes. Elles permettent de savoir quels États membres peuvent avoir la même démarche ou les mêmes demandes que la France dans une Union européenne où les modèles familiaux et les attentes diffèrent. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, ayant demandé qui portait ces questions, Mme Anne-Marie Brocas a répondu que c'était le rôle des pouvoirs publics mais aussi des réseaux de femmes. C'est pourquoi le COR avait invité à son colloque de décembre Mme Sacha Prechal, présidente néerlandaise du comité des expertes européennes sur l'égalité professionnelle, qui n'était malheureusement pas disponible. Mme Chantal Bourragué a souligné que la ministre française chargée de la condition féminine pouvait prendre des initiatives. Si l'on accepte une Europe nivelée par le bas, les Français ont raison de ne pas en vouloir. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que l'arrêt Griesmar avait posé un grave problème au moment de la réforme des retraites, et que les femmes ont bonne mémoire. Mme Anne-Marie Brocas a indiqué que le COR entretenait des contacts avec les experts de la Commission européenne et qu'il travaillerait en liaison avec les administrations communautaires chargées des droits des femmes. Elle a ensuite fait le point sur les activités du COR depuis sa première audition par la Délégation, en mai 2003, au moment de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites. La réforme a beaucoup occupé le secrétariat général. Depuis lors, le COR a donné son avis sur les pensions de réversion. En 2004, dans son second rapport, consacré à une comparaison internationale, il a publié en annexe l'état de sa réflexion relative à l'égalité entre les hommes et les femmes en matière de retraite. Le COR a ensuite décidé de faire de cette question un chantier majeur. Plusieurs réunions auront lieu à ce sujet à partir de mars, l'objectif étant la publication d'un rapport fin 2006 ou début 2007. La réflexion sur ce point ne fait donc que s'amorcer. Entre-temps, le COR a souhaité connaître l'évolution des droits des hommes et des femmes après la réforme, sachant que certaines situations doivent faire l'objet d'un examen particulier. Les membres du Conseil ont beaucoup insisté sur le temps partiel et sur son impact sur le droit à pension. Le Conseil a, par ailleurs, ouvert des pistes de réflexion concernant les validations de durée d'assurance pour enfants qui résultent de dispositifs très variés actuellement juxtaposés. Cela conduit à des interrogations de principe si l'on recherche une certaine cohérence : faut-il poser une condition d'inactivité ? Quel doit être le niveau de compensation ? Comment financer le dispositif ? Peut-on envisager un droit modulé, les périodes d'inactivité courte étant fortement compensées, les périodes d'inactivité longue l'étant plus faiblement ? Souhaite-t-on inciter les hommes à participer davantage à l'éducation des enfants en instituant un dispositif aussi incitatif que celui qui est en vigueur en Scandinavie ? La réflexion du COR porte également sur le droit à la pension de réversion. Dans ce domaine, on constate une grande diversité de dispositifs selon les régimes. Deux philosophies prévalent. Dans la première, la réversion, sorte de minimum vital, est réservée à ceux qui ont de faibles ressources. Dans le second cas, elle est conçue pour permettre le maintien du niveau de vie du couple pour le conjoint survivant ; dans cette optique, il n'y a pas de conditions de ressources et le droit est rattaché à celui qui aurait été accordé à la personne décédée. Pour ce qui est de l'adaptation du dispositif de réversion à la diversité des situations matrimoniales, le COR a considéré que la réflexion devait s'articuler avec l'évolution du droit civil. Une grande convergence de vues s'est faite sur l'idée que les différences de règles qui existent aujourd'hui selon les régimes sont difficilement justifiables même si, au total, la combinaison du régime de base et des régimes complémentaires aboutit en moyenne au maintien du niveau de vie du couple pour celui qui reste seul. L'inégalité entre les hommes et les femmes perdurant, si le COR souhaite le maintien du principe de la réversion, il souhaite aussi qu'une réflexion s'engage sur un dispositif cible vers lequel l'ensemble des régimes pourrait converger. Pour ce qui est des travaux futurs, le colloque organisé en décembre dernier a été très ouvert, des non-spécialistes des retraites ayant été sollicités pour traiter de l'évolution des couples et de la situation respective de l'homme et de la femme dans le couple. Les travaux de 2006 comprendront, on l'a dit, un volet européen très important, ainsi que des études sur l'impact de l'évolution du marché du travail et du droit civil sur les droits à pension. Pour être complet, le COR se propose d'explorer tous les facteurs d'évolution de la retraite très en amont, en prenant en considération les modèles de familles, les modèles d'activités et les évolutions qu'il faut anticiper. L'objectif est à la fois ambitieux et modeste. Il est ambitieux parce que le COR a souhaité traiter de questions de principe et qu'il a privilégié une approche prospective de l'évolution des situations selon les générations. Mais il restera modeste car le rapport ne débouchera pas sur des préconisations. Le choix a été fait de travailler à des scénarios, pour indiquer quelles mesures seraient cohérentes avec tel choix de principe ou telle évolution vraisemblable. Comme il n'y a unanimité ni sur les principes ni sur les évolutions anticipées au sein de la société, on ne peut formuler de recommandations qui seraient soit ambiguës - car ces ambiguïtés devraient être levées tôt ou tard - soit minimalistes puisqu'il faudrait s'en tenir au plus petit commun dénominateur. Il faut, avant toute chose, débattre des principes à privilégier. Si l'on pense que les hommes et les femmes doivent avoir une activité professionnelle identique et partager les tâches domestiques de manière strictement égalitaire, cela a une autre incidence sur les dispositifs sociaux que si l'on pense que les différences d'implication subsisteront - ou qu'elles doivent subsister. Dans un autre domaine, on ne choisit pas la même approche si l'on pense qu'il faut inciter les femmes à des interruptions d'activité plutôt brèves pour éduquer leurs enfants ou si l'on estime préférable qu'elles s'arrêtent de travailler plus longtemps. On voit que ces questions débordent sur le champ des dispositifs de la famille ; aussi le COR entend-il articuler sa réflexion avec la CNAF pour ce qui est de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. À l'échéance d'un an, le travail par scénarios permettra plus facilement de parvenir à des conclusions. L'année 2008 marquera une nouvelle étape dans la mise en œuvre de la réforme des retraites. C'est pourquoi les organisations syndicales ont voulu que ces travaux aient lieu maintenant : ainsi, les réflexions conduites permettront aux uns et aux autres de préparer ce rendez-vous institutionnel, au début d'une nouvelle mandature. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné l'opportunité de ce calendrier puisque c'est avant le début d'un mandat que des engagements sont pris. Actuellement, les Français ne sont pas conscients que la réforme des retraites engagée n'est pas suffisante et que la réflexion se poursuit. Mme Anne-Marie Brocas a rappelé que la réforme se faisait par étapes, chaque étape supposant une discussion. Après une phase de moindre investissement de la réflexion des femmes sur les sujets sociaux, on a le sentiment d'une réactivation, et des demandes s'expriment. Un autre champ semble insuffisamment exploré : celui des aspirations et des représentations, dont il n'est pas certain qu'elles soient les mêmes pour toutes les générations et dans toutes les catégories de la population. Les quinquagénaires se sont beaucoup exprimées, constituant une doctrine de référence, et ce sont des femmes plutôt actives, souvent des cadres. Mais l'on ne sait pas ce que les femmes âgées de vingt-cinq à trente ans pensent de cette doctrine et l'on ignore quelles sont leurs représentations et leurs attentes. On imagine aussi que les différences sociales entraînent des différences de perception. Il est donc important de se référer aux conclusions d'enquêtes d'opinion, tout en étant conscient de la difficulté de l'exercice. Le secrétariat général du COR a donc demandé des compléments à l'enquête quantitative Famille et Individu menée par l'INED, fondée sur un questionnaire croisant les questions sur la situation des gens, leurs valeurs et leurs choix de vie. Diverses questions relatives aux retraites en nombre limité ont ainsi été posées : que savez-vous des droits que vous aurez au titre de la période d'éducation des enfants ? Que savez-vous des droits de réversion ? Que trouvez-vous juste en ces matières ? Les conclusions de l'enquête fourniront à n'en pas douter un éclairage très utile. D'autre part, le COR a demandé la réalisation d'une enquête qualitative, beaucoup plus modeste. Des groupes ont été constitués, auxquels on demande ce qu'ils savent de leurs droits à la retraite en cas de décès du conjoint ou en relation avec l'éducation des enfants, si ce qui existe leur paraît adapté, et quels dispositifs leur paraissent justes. Ces groupes ont été formés par âge, ce qui permettra de voir si ce type d'enquête permet d'éclairer des différences d'approches éventuelles selon les générations. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Anne-Marie Brocas et s'est proposée de l'inviter à présenter le rapport du COR à la Délégation dès sa publication. Audition de M. Martin Hirsch, président d'Emmaüs-France, Réunion du mardi 24 janvier 2006 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a exprimé, au nom des membres de la Délégation, le plaisir qu'elle avait d'accueillir M. Martin Hirsch, président d'Emmaüs-France, à un moment où il n'est plus possible d'ignorer la « nouvelle équation sociale », pour reprendre le titre du rapport qu'il a remis en 2005 au ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Ce rapport souligne combien les nouvelles formes de précarité touchent les femmes. M. Martin Hirsch a insisté sur le paradoxe apparent que revêt son audition par la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Emmaüs était en effet, à l'origine, un mouvement exclusivement masculin. Les communautés Emmaüs sont encore aujourd'hui masculines dans une proportion de 92 %. La pauvreté, à l'époque de la création de ce mouvement, épargnait les familles. L'extrême pauvreté était caractéristique des personnes seules, le plus souvent des hommes, ayant vécu une situation de rupture autour de l'âge de 45 ans. Au cours des vingt dernières années, il a fallu organiser de nouvelles formes d'accueil afin de s'adapter à de nouvelles formes de pauvreté frappant les femmes ou les familles. Les associations de terrain, d'une part, et les statistiques, d'autre part, font apparaître deux facettes d'une même réalité. Sur le terrain, l'on constate l'émergence d'une pauvreté féminine. Des femmes vivent aujourd'hui dans la rue, parfois avec leurs enfants. En Seine-Saint-Denis, on estime que 5 000 enfants sont sans domicile. Les statistiques, quant à elles, montrent que les femmes, qui représentent 52 % de la population française, constituent 54 % des personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté. La pauvreté d'après-guerre était caractérisée par le manque et la pénurie. Elle s'est résorbée au fur et à mesure que la croissance permettait au marché d'absorber toute une catégorie de la population qui en était exclue. Parallèlement subsistait la pauvreté des plus de 60 ans, liée à l'absence d'un système de retraite. Les « trente glorieuses » ont conduit à diviser par deux le taux de pauvreté. Cette évolution a correspondu à la diminution de la pauvreté des plus de 60 ans, due à la mise en place des systèmes de retraite ainsi qu'à l'augmentation du taux d'activité féminine. Elle a cependant masqué l'augmentation de la pauvreté dans les tranches d'âge d'activité, touchant principalement les femmes. Dans les années 1980, la « nouvelle pauvreté » correspond aux failles des systèmes de protection sociale. Ce phénomène a fait naître une réflexion et des débats qui ont conduit à la création du revenu minimum d'insertion. Celui-ci était destiné aux personnes qui se situaient aux marges des systèmes de protection sociale. L'analyse de la pauvreté dans la France des années 2000 met en évidence, d'une part, la subsistance de cette pauvreté des marges - par ailleurs aggravée par l'immigration -, et, d'autre part, l'apparition d'une pauvreté au cœur du système. La figure emblématique de cette pauvreté est la travailleuse pauvre, c'est-à-dire la femme avec enfants, à la tête d'une famille monoparentale, ayant un travail à temps partiel, et dont les revenus cumulés - salaire et allocations - ne lui permettent pas de franchir le seuil de pauvreté. L'expérience de terrain semble montrer que ce phénomène relativement récent est en expansion. Les statistiques ne permettent pas de le confirmer, car les chiffres dont on dispose remontent à cinq ans. L'absence de statistiques annuelles sur les travailleurs pauvres est particulièrement dommageable. De manière générale, les statistiques portant sur la pauvreté sont trop parcellaires et trop peu régulièrement mises à jour. Cette pauvreté au cœur du système se traduit par des souffrances d'un autre type. De plus, elle n'est pas nécessairement visible. Le haut fonctionnaire travaillant dans un ministère pourra croiser le matin, dans son bureau, des agents d'entretien sans même soupçonner qu'ils sont frappés par cette pauvreté. La travailleuse pauvre subit donc une situation combinant un temps partiel subi, un salaire faible correspondant à un travail peu qualifié, et les complications liées aux nécessités de la garde des enfants. Le rapport de mission remis en mars 2005 à Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, « Les inégalités entre les femmes et les hommes : les facteurs de précarité », montre que l'une des caractéristiques de la pauvreté des femmes en France est l'importance du travail non qualifié, avec, en corollaire, des salaires horaires plus faibles. Quand cela se conjugue avec un temps partiel, les femmes plongent dans la pauvreté. Un débat a eu lieu en 2005 sur ce qu'on a appelé la « taxe Emmaüs ». Emmaüs a développé toute une série d'entreprises d'insertion dans le secteur du tri et de la collecte des textiles, qui correspond très bien à des emplois non qualifiés féminins. Par ailleurs, la conséquence des quotas chinois a été que les entreprises commercialisant les textiles ont vu leur prix d'approvisionnement en matières premières baisser de 30 %. Le consommateur, lui, n'a vu les prix baisser que de 1 %. Une partie de la marge bénéficiaire de ce secteur économique devrait donc alimenter les entreprises d'insertion qui réemploient une partie des personnes que ce même secteur licencie. Tel était l'enjeu de la taxe Emmaüs. Faire baisser le nombre des enfants vivant dans la pauvreté exige trois choses : que les parents travaillent ; que leurs revenus leur permettent d'accéder à un logement digne ; que les différents services publics puissent apporter des réponses adaptées à leurs problèmes. Dans cette perspective, certains leviers échappent au moins partiellement à l'action des pouvoirs publics, notamment la politique des salaires. D'autres, par contre, dépendent de leur action. Si une femme ayant deux enfants ne peut prétendre, soit compte tenu de l'offre de travail, soit en raison des conditions de la garde de ses enfants, à autre chose qu'à un emploi à mi-temps payé au SMIC, elle se retrouvera rapidement au-dessous du seuil de pauvreté. Les pouvoirs publics peuvent agir sur un premier levier : toutes les études montrent que les conditions de garde des enfants constituent un obstacle très important au travail des femmes. Le deuxième levier est la combinaison des revenus du travail et de ceux issus de la solidarité, dont le cumul doit être suffisant pour franchir le seuil de pauvreté. Il convient donc de sortir du système du RMI plafonné. À cet égard, si le I d'insertion a souvent fait l'objet de critiques, le M de minimum a été trop négligé. Le RMI est, pour beaucoup de personnes, un revenu maximum. Pour mettre fin à cette situation, il faut donc pouvoir conjuguer revenus du travail et revenus de solidarité. Le système actuel ne permet ce cumul que pendant six mois ou un an, ce qui veut dire que les personnes qui retrouvent un travail doivent faire face à la perspective d'avoir, dans un an, des revenus inférieurs à leurs revenus actuels. Cette baisse de revenus risquera de les entraîner dans la spirale du surendettement si les prêts à la consommation sont le seul moyen à leur disposition pour maintenir leur niveau de dépenses. Il convient donc de passer d'un système d'allocations différentielles à un système dans lequel les revenus de la solidarité seraient conçus comme un complément au revenu du travail. Plus le revenu du travail est élevé, plus ce complément doit être faible. Cela ne dispense pas, par ailleurs, d'agir sur les différents paramètres permettant d'augmenter le revenu du travail : discuter avec les partenaires sociaux pour que le temps partiel subi ne se développe pas ; agir sur les conditions de développement du salariat ; travailler dans le sens d'une plus grande qualification des personnes concernées. La très grande pauvreté présente des caractéristiques spécifiques. Les réponses sociales classiques ne sont plus adaptées à ces personnes parce qu'elles n'ont pas été prises en charge suffisamment tôt, ce qui a pour effet de provoquer une plongée dans des situations qui les conduisent soit à la rue ou dans des centres d'urgence, soit à l'hôpital psychiatrique, soit à la prison. Récemment, une femme a purgé une peine de six mois de prison à la suite de 26 procès-verbaux : elle avait pris le train sans payer ses billets. Cette situation explique en partie la crise de ces différentes institutions : les centres d'hébergement d'urgence ne sont pas destinés à accueillir cette population, ce qui explique pourquoi ils sont débordés ; les prisons sont faites pour répondre à la délinquance et non pour soigner les pathologies sociales ; les hôpitaux psychiatriques ont vocation à soigner les malades mentaux et non pas la souffrance sociale. La première chose à faire est d'enrayer la destruction des emplois non qualifiés. Si le secteur marchand ne le fait pas, il convient de le faire contribuer à des actions menées dans le secteur non lucratif, et dont l'objectif ultime est d'obtenir ce résultat. S'agissant de l'immigration, il importe de distinguer deux aspects. D'une part, les populations immigrées sont plus vulnérables que les autres sans que cette vulnérabilité s'explique par des facteurs spécifiques. D'autre part, il existe une pauvreté spécifique à l'immigration, liée à l'impossibilité administrative d'accéder au travail. M. Patrick Delnatte a souhaité revenir au débat relatif à la taxe Emmaüs. Le département du Nord a été sinistré par les pertes d'emplois dans le secteur textile. La situation est telle qu'une taxe supplémentaire aurait pour effet d'affaiblir la compétitivité des entreprises concernées. Une chose est de reconnaître que le principe d'une telle taxe se justifie, autre chose est de considérer qu'il est opportun de l'appliquer aux entreprises d'un secteur particulièrement fragile. Il a également souligné que la présence d'immigrés en situation irrégulière pouvait conduire à paralyser les institutions destinées à répondre aux situations d'urgence. M. Martin Hirsch a rappelé que les différents secteurs économiques avaient accepté le principe d'une taxe à condition qu'elle soit acquittée par d'autres qu'eux-mêmes. La distribution y était favorable dès lors que les entreprises de production la paieraient... La lutte entre les différents acteurs était similaire à celle que l'on constate autour de la pratique des marges arrière. Il importe que les entreprises d'insertion ne soient pas victimes de ces combats. Emmaüs ne préconisait pas l'instauration d'une subvention, mais d'un « visible fee » répondant à une logique économique. Car ce sont bien les entreprises d'insertion qui prennent en charge l'élimination des textiles de mauvaise qualité. Enfin, il a estimé que la prise en charge de la pauvreté au sein des populations immigrées ne se faisait pas au détriment des actions en direction de la pauvreté autochtone. La proportion des personnes immigrées dans les centres d'accueil peut être importante. Dans certains centres, elles peuvent être majoritaires. La question est de savoir si l'on doit faire payer aux pauvres immigrés les défaillances de la politique d'immigration. Par ailleurs, il n'est guère envisageable de vaincre la pauvreté dans les pays riches si les écarts entre ceux-ci et les pays pauvres ne se réduisent pas. Mme Martine Carrillon-Couvreur a insisté sur le décalage entre le constat dramatique de la situation de pauvreté frappant les enfants et l'insuffisance des réponses qui y sont apportées. Les chiffres sont inquiétants. Des efforts sont déployés an niveau local, mais l'ampleur du phénomène appelle la mise en œuvre de politiques nationales. M. Martin Hirsch a souligné que les enseignants étaient conscients du problème. Devant les efforts que déploient les enfants pauvres pour cacher leur pauvreté, ils sont placés devant un dilemme : doivent-ils faire semblant de ne rien voir ou tenter de mettre en œuvre des solutions ? La fréquentation des cantines scolaires est inversement proportionnelle à la pauvreté des familles. Dès le plus jeune âge, on constate des différences dans les soins que reçoivent les enfants selon la catégorie sociale à laquelle appartiennent leurs parents, qu'il s'agisse de problèmes dentaires, de problèmes de vue, d'obésité ou de malnutrition. Les classes sociales aisées développent, quant à elles, des stratégies d'évitement. Le recours aux cours privés connaît une augmentation spectaculaire. La mise en œuvre de politiques publiques est urgente. Il importe par exemple qu'elles puissent, dans deux ou trois matières stratégiques, dont l'anglais, remédier aux insuffisances du système scolaire, lesquelles ne sont évidemment pas dues aux défaillances personnelles des enseignants. Mme Hélène Mignon a souligné que certaines familles refusaient la participation de leurs enfants aux classes de découverte dans le souci d'éviter que leur pauvreté ne devienne visible, par exemple en voyant leurs pyjamas rapiécés. Elle a fait observer que la pauvreté en milieu rural était beaucoup plus importante qu'on ne le croit. Beaucoup d'enseignants ont toujours des biscuits dans leur bureau, parce qu'ils s'aperçoivent souvent, en fin de matinée, que certains enfants n'ont pas mangé depuis la veille au soir. Beaucoup de familles ne peuvent trouver du travail faute de moyens de transport. Déménager dans les zones où les parents pourraient se voir offrir un travail est parfois impossible, faute de pouvoir y trouver un logement. Il est vrai que certains centres d'hébergement sont encombrés par des personnes immigrées qui sont dans l'attente d'une régularisation. Cela empêche parfois les professionnels d'effectuer le travail d'insertion qu'ils souhaitent. Mais lorsque ce travail est fait malgré tout, et que les personnes concernées sont prêtes à redevenir autonomes, elles sont souvent en butte à l'impossibilité de trouver un logement. On constate également des phénomènes de ségrégation dans l'attribution des logements. Mme Hélène Mignon a interrogé M. Martin Hirsch sur l'expérience britannique en matière d'aide aux femmes en situation de pauvreté. Elle paraît séduisante, mais les salaires de certains Britanniques sont bas, parfois même inférieurs au seuil de pauvreté. Les ministères fournissent des chiffres encourageants, mais qui ne semblent pas confirmés par la réalité du terrain. M. Martin Hirsch a souscrit aux remarques de Mme Hélène Mignon sur l'importance cruciale des difficultés liées au logement. Il a ajouté que la pauvreté actuelle diffère des celle d'hier en ceci qu'elle renvoie à une pluralité de causes : le logement, l'emploi, le surendettement, les problèmes de santé, d'autres encore. Le problème est d'organiser le croisement des différentes politiques publiques. Quand une famille est confrontée à six problèmes différents, n'en traiter qu'un seul revient en fait à n'en traiter aucun. Il vaut mieux aujourd'hui être pauvre en France qu'au Royaume-Uni. Mais la situation outre-Manche est en voie d'amélioration, même si les problèmes de pauvreté y ont longtemps revêtu une plus grande acuité qu'en France. À l'inverse, la France a longtemps été préservée, mais la situation y est en voie de détérioration. Pour schématiser, les Britanniques sont passés par une phase de démantèlement des systèmes de protection qui a accru la pauvreté et n'a offert d'autres ressources aux pauvres que celles des revenus du travail. Ils peuvent aujourd'hui reconstruire des systèmes d'aide sociale. La France, elle, connaît une détérioration à petit feu et à bas bruit. Mme Hélène Mignon a fait observer qu'au Royaume-Uni, une jeune femme enceinte et isolée était prise en charge dès le début de la grossesse. Elle est conseillée dans la manière d'élever son enfant avant même qu'il soit né, puis accompagnée de manière régulière. M. Martin Hirsch a souligné l'importance de ce point, en ajoutant que les travailleurs sociaux français se rendaient beaucoup moins souvent aux domiciles des personnes. Ils n'y vont que quand la situation se détériore, de sorte qu'ils sont mal perçus. Par ailleurs, les femmes pauvres ont très peur qu'on leur retire la garde de leurs enfants, ce qui les conduit à adopter des stratégies d'évitement. Mme Hélène Mignon a précisé que c'était justement la raison pour laquelle ces femmes en sont venues à se tourner beaucoup plus vers les associations que vers les services sociaux. De plus, elles se plaignent souvent de n'avoir avec les travailleurs sociaux aucun échange humain, ceux-ci ne s'occupant de leur situation qu'à travers la gestion d'un dossier informatisé. M. Martin Hirsch a déploré cette relation de guichet. Il convient de récuser l'idée de guichet unique parce qu'il convient de récuser l'idée même de guichet. Mme Béatrice Vernaudon a estimé essentiel de s'engager dans une politique de prévention en accompagnant les familles avant que des problèmes apparaissent. Il convient surtout d'accompagner les couples au moment de la naissance, en repérant les difficultés qui peuvent survenir, que ce soit du point de vue du logement ou de l'insertion professionnelle. L'action de proximité est la clé d'une lutte efficace contre la pauvreté. M. Martin Hirsch a souscrit à cette analyse, qui le conduit à ressentir un certain scepticisme devant le contrat de responsabilité parentale que prévoit le projet de loi pour l'égalité des chances dont le Parlement aura prochainement à débattre. Non pas que la logique des droits et des devoirs soit choquante. Elle est d'ailleurs au cœur des structures associatives animées par le mouvement Emmaüs. Mais le projet de loi prévoit de déclencher la responsabilité parentale une fois que des problèmes sont apparus, alors qu'il conviendrait de mobiliser les différents services sociaux, publics et associatifs pour accompagner les familles avant la survenue de problèmes importants. En outre, les familles qui ont longtemps été laissées à elles-mêmes et traversent une situation critique n'ont d'autres ressources que les allocations sociales. Soit on ne suspendra pas le versement de celles-ci, auquel cas le « contrat » relève de la gesticulation, soit on le suspendra, auquel cas les conséquences pour ces familles pourront être catastrophiques. L'intervention sociale doit donc être située beaucoup plus en amont. Il convient de résister à la tendance qui consiste à déverser des trains de mesures nationales sans les avoir expérimentées. Il est inutile d'accumuler les textes législatifs à un rythme soutenu sans avoir les moyens de les appliquer. M. Patrick Delnatte a jugé important de définir les faits qui doivent déclencher la prise en charge des familles en amont. M. Martin Hirsch a souligné qu'il était nécessaire d'intervenir avant que des problèmes aigus ne surviennent. Les familles doivent être informées, par exemple lors de la naissance d'un enfant, que des dispositifs d'écoute existent, auxquels ils peuvent faire appel. Par ailleurs, la détection de problèmes relevant de la pauvreté et non de la délinquance doit aboutir à la proposition de mesures de suivi et d'accompagnement, que ce soit auprès d'associations, auprès de services sociaux ou, le cas échéant, de l'équipe enseignante. Les expérimentations locales ne sont jamais généralisées. À l'inverse, les ministères souhaitent mettent en œuvre des dispositifs dont il est avéré qu'ils ne sont pas à même de répondre à des problèmes nouveaux. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déploré qu'à chaque alternance, la nouvelle majorité s'attache à mettre en œuvre une politique qui lui permette de se démarquer de la majorité précédente. M. Pierre-Christophe Baguet a insisté sur le poids des attentes sociétales. Quand la population demande un renforcement de la lutte contre les incivilités, les pouvoirs publics ont tendance à définir une politique sociale répondant à cette attente. Mme Martine Carrillon-Couvreur a estimé que le socle de la solidarité nationale était en voie d'effritement. La politique sociale a tendance à se disperser en mesures diverses qui sont autant de bribes de politique, dont les associations éprouvent sans doute des difficultés à apercevoir la cohérence. M. Martin Hirsch a souligné qu'à un problème déterminé, les pouvoirs publics avaient tendance à réagir en faisant une annonce et non en proposant une solution. Il est également frappant de constater l'écart entre les grands chiffres annoncés par les ministères et la réalité du terrain, qu'il s'agisse des emplois aidés ou des chantiers d'insertion. M. Patrick Delnatte a insisté sur le fait que les crédits ne sont souvent pas délégués à temps, ce qui limite la capacité d'agir des préfectures. M. Martin Hirsch a regretté l'extension d'une logique de déresponsabilisation. Les administrations et les collectivités se renvoient trop souvent la balle. Enfin, il a fait observer qu'historiquement, les systèmes de solidarité se sont construits par substitution aux solidarités associatives, locales, familiales. La France, contrairement à d'autres pays, n'a pas su penser la complémentarité entre ces deux formes de solidarité. Si les associations prennent en charge un problème donné, les pouvoirs publics ont tendance à leur rendre hommage tout en y voyant une bonne raison ne plus intervenir eux-mêmes, et quand les pouvoirs publics interviennent, les solidarités associatives ou familiales semblent ne plus avoir leur place. Une meilleure articulation est nécessaire. Qu'une personne ait droit à la couverture maladie universelle n'empêche pas qu'elle doive être orientée dans ses différentes démarches, au besoin par une association. À l'inverse, en cas de canicule, les services d'urgence de l'État doivent jouer leur rôle, mais il n'appartient pas au préfet de se substituer aux individus dans leurs relations de voisinage, notamment quand il s'agit d'intervenir auprès des personnes fragiles. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié M. Martin Hirsch pour sa contribution aux travaux de la Délégation. Audition de M. Jean-Pierre Richer, président national du Secours Catholique Réunion du mardi 7 février 2006 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à M. Jean-Pierre Richer, président national du Secours Catholique. L'association affronte en permanence les maux que sont la pauvreté et la précarité, et ses derniers rapports statistiques ont contribué à orienter la direction des travaux de la Délégation pour l'année. Elle a donc souhaité connaître la perception qu'a M. Jean-Pierre Richer de la précarité en France, particulièrement celle qui touche les femmes, et entendre ses suggestions sur les mesures que le législateur pourrait prendre pour en enrayer l'essor. M. Jean-Pierre Richer a remercié la présidente et la Délégation de l'intérêt qu'elle porte à l'action du Secours Catholique, association reconnue d'utilité publique et service d'Église, qui va célébrer son soixantième anniversaire. Son budget est de 120 millions d'euros, sans compter la considérable solidarité qui s'est manifestée après le tsunami en Asie du Sud-Est et qui s'est traduite par le versement de 35 millions de dons. Le Secours Catholique compte 70 000 bénévoles, nombre qui demeure stable ; en font partie davantage de retraités que de jeunes, et les femmes sont plus présentes à partir de 40 ou 45 ans, lorsque leurs enfants sont élevés. L'association compte également un peu moins d'un millier de salariés qualifiés, dont deux tiers de femmes ; la répartition des salariés par sexe n'est pas entièrement satisfaisante à mesure que l'on monte dans la hiérarchie... Le Secours Catholique tente de féminiser son conseil d'administration, actuellement composé de 6 femmes et de 14 hommes. On y compte 4 femmes sur 9 personnalités qualifiées, mais les présidents des délégations régionales sont en majorité des hommes. Le Secours Catholique ne travaille pas seulement sur le plan national. Sur le plan international, et s'agissant de la situation des femmes, il combat le trafic d'êtres humains, met à l'honneur les « Femmes acteurs de paix. » Il a aussi publié un manifeste condamnant le viol comme tactique de guerre pour lequel il espère l'appui des autorités politiques, militaires et religieuses. Le fonctionnement de l'association repose pour 90 % sur les dons et legs et pour 10 % sur les subventions. Ses actions, très diverses, dépendent des besoins locaux, de la perception qu'en ont les bureaux des délégations et les équipes. Cela peut donner une impression de dispersion, mais cette diversité est cultivée par choix, le Secours Catholique ayant une mission de proximité. Il s'agit principalement d'aide aux familles et à la jeunesse, d'aide à la grande exclusion - prisonniers, errants, SDF, gens du voyage, et beaucoup d'étrangers, qui constituent 28 % des personnes reçues. Le Secours Catholique s'intéresse aussi à tout ce qui a trait à l'économie du logement, au travail et à la réinsertion. Il a ainsi signé avec plusieurs établissements financiers une convention permettant de manière expérimentale l'accès à de petits prêts personnels pour les projets des personnes en difficulté qu'il accueille. Le Secours Catholique agit aussi dans l'urgence, comme il l'a fait en France après l'explosion de l'usine AZF de Toulouse et après les inondations qui ont frappé le Sud-Est, et aussi à l'international (Tsunami par exemple). Mais il s'attache par ailleurs à agir sur les causes de la pauvreté, notamment en sensibilisant les élus locaux et nationaux. En dehors des instances d'Église auxquelles il collabore, le Secours Catholique participe à de très nombreux collectifs et à beaucoup de commissions d'État nationales. Quels sont les facteurs de pauvreté ? En premier lieu et, à l'évidence, l'insuffisance d'un revenu régulier, plutôt en baisse si l'on considère l'évolution du coût de la vie ; soixante-dix pour cent des gens en contact avec le Secours Catholique sont en dessous du seuil de pauvreté. Ensuite, l'insuffisante éducation, l'illettrisme, la mauvaise connaissance du français pour les étrangers. On citera encore la difficulté d'accès au logement, mais aussi les causes sociétales, dont la rupture des liens familiaux. Le lien entre exposition à la pauvreté et famille monoparentale est d'ailleurs déterminant. Les rapports statistiques du Secours Catholique ne prétendent pas à l'exactitude scientifique, mais leur crédibilité tient à la permanence des critères analysés depuis onze ans, et à l'importance de la base chiffrée sur laquelle ils sont établis. Et s'ils ne donnent pas une photographie de la population pauvre en France mais de celle qui s'adresse à l'association, les chiffres recensés se recoupent avec les données de l'INSEE et celles de l'Observatoire de la pauvreté. Le rapport statistique pour 2003 avait constaté une augmentation de 0,5 % de la pauvreté. Le rapport pour 2004 constate un nombre un peu moins élevé de personnes accueillies, mais indique que leur revenu baisse légèrement. Les personnes qui entrent en contact avec le Secours Catholique sont donc un peu plus pauvres. Bon an mal an, l'association accueille 1,5 million de personnes dont 810 000 adultes, et sur ce nombre 55 % de femmes pour 45 % d'hommes. Elle s'efforce de les aider par des actions à court et à moyen terme. On ne peut en effet se dispenser d'une action purement distributive, mais celle-ci ne change rien à elle seule. Aussi le Secours Catholique l'assortit-elle d'une action d'accueil et de réinsertion, en commençant par la convivialité. L'association s'efforce aussi de trouver un logement, d'aider à la recherche d'embauche, d'assurer un soutien scolaire, d'alphabétiser. Le Secours Catholique a eu une action plutôt orientée vers la distribution, après la guerre, mais il fallait répondre aux besoins de l'époque et le retour de balancier ne doit pas être trop marqué. Soixante-dix pour cent de la « clientèle » du Secours Catholique lui est adressée par les services sociaux. S'ils ne pouvaient plus laisser espérer une aide immédiate de la part du Secours Catholique, la fréquentation des centres d'accueil baisserait et autant d'occasions de réinsertion seraient perdues. Il faut donc préserver un équilibre entre l'action de court terme et l'action de moyen terme, de réinsertion d'abord, mais qui doit aussi être institutionnelle et structurelle. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a demandé comment le Secours Catholique envisage l'action de long terme. M. Jean-Pierre Richer a répondu qu'en matière de logement par exemple, l'action de long terme est la démarche pour le droit au logement opposable, ce qui suppose de fixer un objectif et un calendrier. Il faut évidemment commencer par construire des logements, mais cette phase est de moyen terme. De même, pour l'immigration, la politique de court terme est de fermer les portes, celle de moyen terme est de choisir les immigrants. Mais quelle sera, à long terme, l'évolution démographique, et comment pourra-t-on faire l'impasse sur la légitimité, dans un ensemble mondialisé, d'une immigration purement économique ? Dans l'intervalle, les personnes qui s'adressent au Secours Catholique sont peu sensibles à ces questions ; elles ont besoin d'une aide immédiate, sous des formes aussi terre-à-terre, et à très court terme, qu'un ticket de métro. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite très inquiète de la pauvreté persistante, sinon croissante. M. Jean-Pierre Richer a observé que, depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, la pauvreté demeure une notion relative en France. Calculée par rapport à la moyenne des revenus, qui ont beaucoup augmenté, elle est donc moindre en valeur absolue et, en toute hypothèse, ne peut être comparée à la pauvreté totale que connaissent ceux des Africains qui vivent, depuis 15 ans et sans que rien ne change, avec 1 dollar par jour, 2 dollars dans le meilleur des cas. À long terme, sauf bouleversements liés à la mondialisation qui entraîneraient des redistributions drastiques, on peut donc être optimiste pour l'évolution nationale. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que la mondialisation fait déjà sentir ses effets. M. Jean-Pierre Richer s'est dit convaincu qu'elle peut se faire au bénéfice de tous. Il a indiqué que sur 445 000 femmes reçues par le Secours Catholique, environ 170 000 sont chefs de famille monoparentale, 125 000 sont en couple avec enfants, 43 000 en couple sans enfant et 107 000 sont des femmes seules. La moitié des enfants accueillis par l'association vivent avec un seul parent, leur mère pour 170 000 familles, leur père pour 20 000 familles. Mais le nombre d'hommes seuls avec enfants qui prennent contact avec le Secours Catholique augmente. Les adultes reçus par l'association ont pour 12 % moins de 25 ans, pour 40 % de 25 à 39 ans, pour 25 % de 40 à 49 ans, pour 15 % de 50 à 59 ans et, pour 5 %, 60 ans et plus. Il y a autant de jeunes femmes errantes que de jeunes hommes. Hormis celles-là, les jeunes femmes âgées de moins de 25 ans qui s'adressent au Secours Catholique sont en majorité inactives parce qu'elles ont charge d'enfants. N'ayant pu travailler, elles ne peuvent non plus être inscrites au chômage indemnisé. Les accueillants du Secours Catholique s'attachent à leur faire connaître leurs droits, dont beaucoup n'ont pas connaissance. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé des précisions sur la situation de ces femmes. M. Jean-Pierre Richer a répondu qu'elles sont à 70 % françaises et à 30 % étrangères. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait part de son admiration pour les bénévoles. M. Jean-Pierre Richer a indiqué que la tâche la plus ardue est la permanence d'accueil. Comme le savent les travailleurs sociaux et les élus, la plus grande difficulté est de pouvoir répondre aux demandes de logement ou d'emploi. Mais l'on peut malgré cela faire connaître les droits et apporter un peu de convivialité. La grande différence entre l'action des services sociaux et celle du Secours Catholique c'est que les premiers traitent le plus souvent la pauvreté de manière sectorisée, chaque difficulté devant recevoir sa réponse technique séparée, alors que l'association a une vocation généraliste. La convivialité vient en prime et elle compte beaucoup, même si elle ne remplace par l'efficacité de l'accès au droit. Parmi les femmes en contact avec le Secours Catholique et en âge de travailler, 20 % ont un emploi, 45 % sont inactives et 35 % sont au chômage. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé quel type d'emplois occupent les femmes qui travaillent. M. Jean-Pierre Richer a répondu que ce sont pour beaucoup des emplois à temps partiel et que, même lorsqu'il s'agit de travail à temps complet, c'est très souvent un travail à temps éclaté - emplois d'entretien le matin et le soir, caissières de supermarché... - très difficilement compatible avec la présence d'enfants. Les femmes ont, plus souvent que les hommes, des emplois réguliers, mais ce sont aussi, plus souvent, des emplois à temps partiel qui leur procurent des ressources plus faibles. Beaucoup sont réduites à vivre des transferts sociaux et, dans ce cas, il y a un grand mérite à se remettre au travail car, une fois couverts les frais de garde des enfants et de transport, les ressources sont moindres... De surcroît, beaucoup des femmes au chômage, bien qu'inscrites à l'ANPE, ne sont pas indemnisées car elles ont interrompu leur travail pour élever leur enfant. Et, conséquence du PARE, on constate une augmentation exceptionnellement forte du nombre de chômeurs non indemnisés. Au nombre des familles reçues, on distingue 10 % de familles sans aucune ressource - dont deux tiers de familles étrangères - et 42 % de familles qui ont pour seules ressources les transferts sociaux. Il y a aussi 13 % de familles sans allocations alors qu'elles y sont éligibles mais qu'elles n'y prétendent pas par méconnaissance de leurs droits, illettrisme, ou parce qu'elles sont incapables de s'adresser aux administrations en français ; cette proportion est considérable. Enfin, l'association reçoit des familles dont les adultes travaillent et perçoivent les transferts sociaux mais qui ont été victimes d'accidents ou de maladies, et d'autres qui travaillent et qui perçoivent les transferts sociaux mais qui ont de nombreux enfants. En effet, le risque d'exposition à la pauvreté croît avec le nombre d'enfants. Un couple avec deux salaires et deux enfants s'en sort même si les salaires ne sont pas extraordinaires, mais s'il n'y a qu'un salaire ou des enfants plus nombreux, un déséquilibre se crée et la pauvreté apparaît. La vulnérabilité des femmes à la pauvreté s'explique en premier lieu par les conditions de leur accès au travail. Pour commencer, on recrute au masculin. Puis, il y a une inégalité double dans le maintien au travail. D'une part, lorsqu'un enfant paraît, c'est le plus souvent la femme qui s'arrête de travailler, ce dont elle pâtira si le couple se dissout puisqu'elle ne sera pas indemnisée. D'autre part, son niveau de rémunération est inférieur à celui des hommes, et c'est encore plus sensible pour les immigrés. Ensuite, la progression de carrière des femmes est moins bonne que celle des hommes parce qu'elles cumulent tâches professionnelles et tâches domestiques. Elles ont également un accès inéquitable aux revenus du ménage, l'homme s'en réservant souvent la plus grande part - et ce n'est pas seulement un phénomène africain ! Enfin, elles sont victimes de violences. L'évolution sociologique contribue à leur vulnérabilité. La multiplication des ruptures de vie de couple allonge les périodes de vie solitaire, d'autant que, selon certaines statistiques - contredites par d'autres - il faudrait plus longtemps aux femmes qu'aux hommes pour retrouver une vie de couple. Quoiqu'il en soit, cette solitude, si elle est assortie de la charge d'enfants, est un facteur patent d'exposition accrue à la pauvreté. Il est difficile de savoir si la pauvreté des femmes présente des caractéristiques particulières en France mais il est certain que son mode de calcul est spécifique à la France. Si l'on adoptait les normes de calcul européennes, on ne compterait pas 3,6 millions de pauvres en France mais bien plus probablement le double. Eurostat publie des tableaux comparatifs détaillés et ventilés par sexe, et le réseau associatif European antipoverty network a défini un programme politique qui a été repris dans les critères d'attribution des fonds européens au titre de la marche vers l'égalité. Les comparaisons avec les pays de l'Union à vingt-cinq sont difficiles parce que les nouveaux États membres sont beaucoup plus pauvres que les anciens membres et leur économie beaucoup plus agricole. Si l'on s'en tient à l'Union à quinze, on constate que les transferts sociaux sont très importants en France. En observant la situation en Allemagne, on constate l'absence d'écoles maternelles et de garderies d'enfant et, de par l'importance des transferts sociaux, le sort des familles monoparentales est meilleur en France qu'au Royaume-Uni. Enfin, dans les pays du Sud de l'Europe, la solidarité familiale continue de jouer davantage. Mais, en remettant son dernier rapport statistique au Premier ministre, le Secours Catholique a souligné qu'en dépit des efforts réalisés et malgré des transferts sociaux correspondant à 30 % de son PIB, ce qui la place en tête des pays de l'Union, la France n'est pas le pays qui obtient les meilleurs résultats dans la lutte contre la pauvreté. Comment le Secours Catholique peut-il mesurer l'efficacité de son action ? Par le fait que les services sociaux continuent de lui adresser 70 % de sa première « clientèle », et aussi en constatant que de nombreux anciens accueillis deviennent bénévoles. Il n'y a guère d'autres éléments d'appréciation. Sur le plan politique, que faire ? En premier lieu, il est essentiel de consacrer la parité en politique et dans les représentations élues. Il faut aussi promouvoir une politique familiale générale, sachant qu'une politique familiale n'est pas une politique sociale. Il y a d'ailleurs eu quelques frottements quand le Secours Catholique a évoqué la fiscalisation des allocations familiales, l'association étant accusée de vouloir rompre le principe d'égalité qui les fonde. Un débat a lieu à ce sujet au sein du Secours Catholique qui soutient son option préférentielle pour les pauvres, avec l'UNAF et au sein d'autres associations familiales catholiques. Il faut aussi s'attaquer à la cause essentielle de la pauvreté qu'est la monoparentalité, et la prévenir en redonnant sa valeur à l'engagement durable ; en rappelant le rôle social du mariage ; en défendant l'idée que quand l'État-providence disparaît, la pauvreté règne si la famille ne lui fait pas rempart ; en développant la médiation familiale pour éviter les ruptures. Pour remédier aux effets de la monoparentalité et de la solitude, il faut commencer par les identifier ; agir contre la discrimination à l'embauche fondée sur le sexe ; améliorer les dispositifs permettant de concilier emploi et garde des enfants ; adapter les rythmes de travail quand faire se peut ; faciliter la garde des enfants en en allégeant le coût ; associer au RMI et à l'allocation de parent isolé une allocation de soutien à la formation. Il faut aussi assurer une certaine continuité aux revenus, car 15 % des personnes qui entrent en contact avec le Secours Catholique ont des droits mais sont en attente de leur liquidation. Il conviendrait encore d'apporter un soutien matériel et psychologique aux femmes les plus abattues et de renforcer les dispositifs d'hébergement des femmes en difficulté. Enfin, tout ce qui peut favoriser la coopération ente associations, pouvoirs publics et entreprises est constructif. M. Patrick Delnatte lui ayant demandé si la durée moyenne d'accompagnement d'une famille est connue, M. Jean-Pierre Richer a dit ne pouvoir répondre, compte tenu de la variété des situations et du caractère peu quantifiable de cet accompagnement. M. Patrick Delnatte a demandé si le Secours Catholique a les moyens de prévenir le « nomadisme » que peuvent susciter ses activités distributives. M. Jean-Pierre Richer a répondu que les bénévoles, expérimentés, s'y efforcent, en liaison avec les CCAS, l'effet d'aubaine éventuel étant assez maîtrisable puisque, par exemple, les bons pour l'aide alimentaire ne sont pas alloués deux fois. M. Patrick Delnatte a constaté que l'on parle beaucoup d'« accompagnement », au risque de voir la responsabilité individuelle se perdre dans le cumul de différents dispositifs. M. Jean-Pierre Richer a rappelé que le Secours Catholique veut redonner de la valeur à l'idée de « projet personnel ». Par exemple, il est la seule association qui a signé, dans le cadre du plan de cohésion sociale, une convention avec certains établissements financiers tendant à l'octroi de microcrédits sociaux. Mais l'association considère que les projets des emprunteurs ne peuvent réussir que s'il existe une capacité de remboursement, l'objectif étant que ce dispositif s'intègre au droit commun bancaire. Un accompagnement est nécessaire pour présenter le dossier, mais il faut avant tout un projet car, sans projet, on en reste au distributif et au don ; en d'autres termes, le Secours Catholique n'accompagne que ceux qui peuvent distinguer où ils veulent aller. Il ne s'agit donc pas d'assistanat. Il ne serait pas dans son rôle s'il n'insistait pas sur l'accroissement de la pauvreté de ceux qui s'adressent à lui, mais, encore une fois, du fait des efforts conjoints de l'État, du législateur, des collectivités locales, des associations et des entreprises, il y a eu création d'emplois et de richesses et une élévation considérable du niveau de vie. Il faut donc rester optimiste même si certains, au sein même du Secours Catholique, pourraient sans doute tenir un langage un peu différent. M. Patrick Delnatte a demandé si tous les étrangers accueillis par le Secours Catholique sont en situation irrégulière. M. Jean-Pierre Richer a répondu par la négative, précisant que beaucoup des étrangers accueillis sont en attente de régularisation. Le nombre des demandeurs d'asile ayant diminué, le nombre de personnes en attente a diminué aussi. En revanche, il y a beaucoup de déboutés du droit d'asile, qui ne sont pas expulsés pour autant et qui s'adressent au Secours Catholique et doivent être traités avec humanité. Que faire d'eux ? Les priver du droit d'être régularisés s'ils sont en France depuis dix ans, n'est pas une bonne solution. C'est les condamner à la clandestinité, car ils ne partiront pas. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié M. Jean-Pierre Richer. Audition de Mme Geneviève Gueydan, directrice de l'action sociale, Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mme Geneviève Gueydan, directrice de l'action sociale, de l'enfance, et de la santé de la Ville de Paris, accompagnée des docteurs Geneviève Roche et Martine Chochon, médecins de PMI, ainsi que de Mme Odile Morilleau, responsable de l'Observatoire de l'égalité femmes-hommes à la mairie de Paris. Elle a rappelé que la Délégation avait choisi cette année de se pencher sur le douloureux problème de la précarité des femmes, sujet qui préoccupe peu de gens, mais qui lui est apparu comme très important à l'occasion des travaux récents de l'Assemblée sur les textes relatifs au divorce, aux retraites et à de nombreux problèmes que rencontrent les femmes dans leur vie quotidienne. Certes, la pauvreté n'est pas un fait nouveau, mais elle a changé de visage : alors qu'elle était il y a quarante ans, dans un pays en période de croissance, un phénomène résiduel touchant la frange la plus fragile de la population, elle est devenue, en ces temps de crise économique, un phénomène susceptible de toucher toute la population. Les parlementaires doivent donc mener un véritable travail en amont pour répondre à une demande de prévention. C'est pour cela que, tout au long de la législature, la Délégation a voulu insister sur la grande fragilité des femmes, qui tient bien sûr à des situations familiales sur lesquelles il est difficile d'agir, mais aussi à des phénomènes aggravants comme le temps partiel. Ce dernier n'est pas mauvais en soi, mais il est impératif de prévoir un accompagnement pour éviter qu'il ne conduise dans quelques années à une nouvelle pauvreté des femmes, d'autant qu'il est particulièrement inquiétant de constater que certaines, tout en ayant travaillé, vont se retrouver au minimum vieillesse. À la pauvreté traditionnelle est venue s'ajouter la précarité, c'est-à-dire la fragilité dans l'emploi, la situation familiale ou le logement. Les chiffres sont alarmants. Un million d'enfants vivent aujourd'hui en France dans la pauvreté. En 2003, 12,7 % des personnes seules vivaient sous le seuil de pauvreté. C'était aussi le cas de 14,1 % des membres de familles monoparentales et même de 30 % d'entre eux lorsque le chef de famille était une femme inactive. Tout cela montre qu'il faut aujourd'hui faire des recommandations pour que les choses changent en profondeur. En la matière, Paris est un laboratoire où l'on travaille énormément sur tous les sujets relatifs aux femmes, qui préoccupent beaucoup la municipalité. C'est pourquoi la Délégation a souhaité savoir comment ses services travaillaient et s'il était possible de tracer quelques pistes de réflexion à partir de leurs actions. Car ce dont les femmes ont besoin, ce n'est pas qu'on fasse en sorte qu'il y ait quelques conseillères municipales de plus, mais qu'on mène un combat quotidien pour améliorer leur sort. Mme Geneviève Gueydan a souligné que trois directions s'occupent plus particulièrement de ces questions à la mairie de Paris : - la direction de l'action sociale, qui traite de ce qui relève des compétences départementales, notamment du RMI, des personnes âgées, des personnes handicapées, de la protection de l'enfance et de la santé ; - la direction de la famille et de la petite enfance, créée en 2004, dont relèvent les crèches et la Protection Maternelle et Infantile (PMI), qui exerce également une fonction de pilotage sur les questions relatives à la vie quotidienne des familles ; - le centre d'action sociale, dont dispose la Ville de Paris en tant que commune et dont une des principales missions est de gérer les aides facultatives, quelques-unes étant destinées aux familles monoparentales. S'y ajoute l'Observatoire de l'égalité, qui a une mission transversale sur ces questions. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, ayant demandé si cet Observatoire avait été créé à l'initiative de Mme Claire Bernard, Mme Odile Morilleau a répondu que sa création avait répondu au souhait exprimé par le maire de Paris dès 2002 et qu'il avait été symboliquement rattaché à la première adjointe en charge de l'égalité et au secrétariat général, qui dirige tous les services de la ville et du département. Son objectif est de mener un travail transversal sur la veille et la prospective, sur tous les sujets touchants, de près et de loin, à l'égalité. Il analyse donc tous les projets que la ville peut présenter, y compris lorsqu'ils visent à l'ouverture de nouveaux équipements, sous l'angle de l'égalité, mais aussi des temps des femmes, dont on sait combien ils sont différents de ceux des hommes. Il a ainsi à se prononcer sur le plan des transports parisiens ou sur le rythme d'ouverture des équipements municipaux. Il fait aussi un gros travail en ce qui concerne les crèches et les bibliothèques. Bien évidemment, l'Observatoire travaille en partenariat avec l'État, la région, d'autres institutions et avec les associations. Mme Geneviève Gueydan a souhaité insister sur le contexte socio-démographique parisien. Les femmes représentent 53,5 % de la population parisienne. À l'image de cette dernière, elles sont globalement plus qualifiées que dans le reste du pays. Elles ont aussi un taux d'activité deux fois supérieur à la moyenne nationale. Elles sont 20 % à travailler à temps partiel contre 30 % dans le reste de la France. Mais si elles sont plus favorisées que dans le reste du pays sous certains aspects, cela n'empêche pas qu'existent aussi à Paris des phénomènes de grande précarité qui concernent les femmes. Le profil familial est également original, avec beaucoup de personnes isolées puisque 600 000 Parisiens vivent seuls, soit 52 % des ménages. Alors que plus de 410 000 autres vivent en couple sans enfant, ce sont, au total, la moitié des 2 millions de personnes vivant à Paris qui n'ont pas d'enfant. Cela se retrouve dans le profil de la population par âge puisqu'on dénombre beaucoup de jeunes, étudiants ou au début de leur vie professionnelle, et beaucoup de personnes âgées. Pour autant, le dynamisme démographique est fort, ce qui exerce une forte pression sur les modes de garde que doit gérer la direction de la petite enfance. Autre spécificité parisienne, le taux de familles monoparentales est extrêmement élevé puisqu'il atteint 25 % du total des familles avec enfants contre 16 % en moyenne nationale. Un tiers de ces familles sont en situation de pauvreté, proportion s'élevant à la moitié pour celles qui ont au moins trois enfants. Paris se caractérise également par une forte polarisation sociale, avec d'un côté un revenu moyen par unité de consommation le plus fort de France, et de l'autre 12 % de foyers en dessous du seuil « bas revenu », ce qui place la capitale au deuxième rang en Île-de-France derrière la Seine-Saint-Denis. On a donc d'une part des gens plutôt aisés, dont on dit qu'ils se « boboïsent », d'autre part un grand nombre de personnes isolées et de familles qui vivent dans une grande pauvreté, à tel point que l'écart entre le premier et le dernier décile est de 1 à 10 à Paris contre 1 à 5 dans le reste du pays. C'est cela que les services de la Ville de Paris ont à gérer. Le logement joue particulièrement dans cette situation, avec 100 000 demandes de logement social en attente et un très faible turn-over du parc social. Bien évidemment, la Ville de Paris essaie de développer ce dernier mais elle se heurte au fait que la capitale est une des villes les plus denses au monde. Cela pèse sur toutes les politiques sociales, notamment sur la prise en charge de la précarité. Paris compte aussi beaucoup de pauvreté « importée » avec des flux migratoires extrêmement importants puisqu'on trouve, intra-muros, un quart des demandeurs d'asile de toute la France. Paris compte par ailleurs la moitié des places d'hébergement d'urgence d'Île de France qui accueillent beaucoup de personnes sans papiers. C'est aussi cela qui conduit les différents services, le Samu social et la Coordination d'accueil des familles demandeurs d'asile (CAFDA) à loger chaque jour 10 000 personnes en famille à l'hôtel. Dans ce contexte général, on manque de données sexuées sur la situation des femmes précaires à Paris et il convient donc de combiner approches statistique et plus qualitative. Parmi les facteurs de risque, on retrouve bien évidemment l'isolement, particulièrement important à Paris. On sait également que les problèmes psychiques pèsent lourdement sur les femmes qui se retrouvent à la rue. Cela renvoie au problème général de la psychiatrie en France, qui s'ajoute aux phénomènes classiques liés à la précarité de l'emploi et au logement. Dans les dispositifs de prise en charge, il y a une grande différence entre les femmes qui ont un enfant et les autres. Même s'il est difficile d'apporter des réponses adaptées à toutes les situations, les dispositifs sociaux sont assez importants pour les femmes avec enfants, les personnes les plus isolées ayant beaucoup moins accès à tous les « amortisseurs sociaux ». Parmi les femmes précaires, on trouve toutes celles qui sont aux minima sociaux. Si le RMI concerne majoritairement les hommes, qui représentent 56 % des 62 000 allocataires, les 44 % de femmes sont des femmes isolées (26 % vivent seules), 12 % sont chefs de famille monoparentale et 5 % vivent en couple avec des enfants. Globalement, les femmes ayant charge de famille sont assez peu représentées. Ces femmes présentent des profils très divers, on y trouve beaucoup d'artistes, de diplômées ayant connu un accident de parcours, de femmes étrangères n'ayant aucune activité professionnelle et souvent analphabètes, de femmes confrontées à de lourdes difficultés sanitaires et sociales. Il convient donc d'essayer d'adapter les actions d'insertion à ces profils, ce qui passe, en particulier, par une ouverture des modes de garde à ces femmes, par ailleurs assez peu nombreuses à bénéficier de l'Allocation pour parent isolé (API). Si l'on manque d'informations sur les femmes isolées hors minima sociaux, on sait toutefois qu'il s'agit pour beaucoup de jeunes, qui n'ont pas encore accès au RMI mais au Fonds d'aide aux jeunes (FAJ), dont 45 % des bénéficiaires sont les filles, 25 % d'entre elles seulement vivant chez leurs parents. Il y a moins de filles SDF que de garçons. Il y a aussi des femmes isolées plus âgées qui se tournent vers les services sociaux, qui perçoivent de petits revenus parce qu'elles occupent des emplois précaires et à temps partiel, et qui présentent une très grande fragilité au moindre incident comme une grosse facture ou un problème de santé. Elles « plongent » essentiellement pour dettes de loyers. Comme le montre le rapport de Martin Hirsch, peu d'aides sont à la disposition de ces femmes, en dehors du RMI et des allocations exceptionnelles du Centre d'Action Social (CAS-VP). Les familles monoparentales posent un problème majeur. Alors qu'elles constituent 25 % des familles avec enfants à Paris, le taux de pauvreté atteint 33 % en leur sein, voire 50 % pour les familles de trois enfants et plus. Il est frappant de constater que 44 % des signalements judiciaires faits au parquet concernent des familles monoparentales, ce qui montre la très grande fragilité économique et éducative dans laquelle elles se trouvent. Même s'il s'agit d'un phénomène qui les dépasse très largement, il paraît évident que les dispositifs sociaux doivent davantage pouvoir jouer le rôle de filet de sécurité. S'il y a moins de femmes SDF, arrivées ainsi au bout de la précarité, il y a aussi relativement peu de structures pour les accueillir même si elles se sont développées ces dernières années. Elles représentent environ 10 % des appels du 115. Beaucoup d'entre elles ont des problèmes psychiatriques. Or, alors qu'on a réduit le nombre de lits dans les hôpitaux psychiatriques, on n'a pas mis en œuvre dans le même temps de dispositif alternatif nécessaire. Certes, il y a parfois une prise en charge des soins, mais c'est tout le dispositif de vie qui fait défaut. Bien sûr, l'asile n'était pas une meilleure solution, mais l'absence d'asile sans autre prise en charge conduit à mettre ces personnes à la rue. Or, on sait qu'un tiers des SDF ont des problèmes psychiques, soit antérieurs, soit qui se sont développés à cause de leur situation. Mme Hélène Mignon a fait observer qu'il y avait dans le dernier numéro de Convergence, mensuel du Secours populaire français, un article très intéressant sur la psychiatrie dans la rue. Mme Geneviève Gueydan a souligné que le problème du nombre de places est ancien, même si les choses s'améliorent, avec 520 places spécifiquement destinées aux femmes sur les 4 000 places d'hébergement d'urgence et d'insertion. Deux espaces de solidarité et d'insertion offrent un accueil de jour d'une part aux femmes SDF très « cassées » et d'autre part aux victimes de violences. On trouve aussi à Paris un grand nombre de femmes étrangères en grande précarité, en particulier parmi les demandeurs d'asile. À l'issue d'une procédure de 18 à 24 mois, les demandeuses sont en général déboutées et deviennent des sans-papiers. Or, si certaines disposaient d'une allocation de pré-demande d'asile, une fois déboutées elles n'ont plus rien et relèvent alors plutôt de la survie, grâce à l'aide publique (cf. hôtels payés par l'État via le Samu social), au travail au noir et aussi parfois à la prostitution. La Ville de Paris essaie de prendre en compte ces situations de précarité en apportant un certain nombre de réponses. Dans le cadre de ses allocations facultatives, le Centre d'action sociale mène des actions importantes à travers des dispositifs de complément de ressources destinés à essayer de compenser un coût de la vie particulièrement élevé, essentiellement en matière de logement. En 2002 a été créée par exemple, l'allocation logement pour familles monoparentales, d'un montant de 122 € par mois. En 2005, l'allocation logement « familles nombreuses » a été étendue aux familles de deux enfants. Il existe également des dispositifs « EDF Familles » et « EDF précarité ». Beaucoup est fait également en direction des femmes précaires avec enfants, en particulier dans le domaine de la prévention. La PMI joue un rôle essentiel ; c'est le cas aussi du développement des modes de garde. Des aides sont aussi destinées aux enfants, en particulier pour le périscolaire. La ville mène également de nombreuses actions de soutien à la parentalité. Un certain nombre de structures, comme Enfant présent, s'investissent dans le champ de la prévention. Se situant davantage dans le champ de l'urgence sociale, les internats scolaires permettent de prendre en charge des enfants en difficulté issus de familles monoparentales à très faibles ressources. Pour les enfants de classes primaires, la ville entretient une relation privilégiée avec un internat particulièrement adapté à l'accueil d'enfants ayant de gros retards scolaires. Pour les collèges et les lycées, elle fait appel à différents internats banalisés mais la ressource, déjà peu importante, tend à se tarir. En réponse à Mme Martine Carrillon-Couvreur, qui demandait si cette action relevait de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), Mme Odile Morilleau a indiqué que tel n'était pas exactement le cas, que les parents conservaient l'autorité parentale pleine et entière et qu'il s'agissait d'une action préventive et non d'un placement judiciaire. Mme Geneviève Gueydan a ensuite insisté sur le rôle de la médecine scolaire en primaire en matière de prévention avant d'en venir à l'hébergement d'urgence, qui est un autre aspect de l'urgence sociale. Le centre d'action sociale gère deux CHRS accueillant des femmes avec enfants, pour un total de 330 places. Ils sont toujours pleins. 40 places sont également disponibles dans un centre d'hébergement d'urgence. La Ville aide des opérateurs associatifs à ouvrir des places supplémentaires à destination des femmes et cinq centres devraient ouvrir grâce à une aide à l'investissement. La ville cofinance également, à parité avec l'État, deux accueils de jour pour femmes SDF. L'action dans le domaine de l'emploi et de l'insertion est liée à la compétence en matière de RMI ainsi qu'à l'action de développement économique, qui finance des formations-insertion. Paris a décidé d'insister particulièrement sur l'emploi à domicile et sur l'alphabétisation : 68 % des bénéficiaires du programme départemental d'aide à l'emploi sont des femmes. Un certain nombre d'actions sont également menées dans les champs de l'égalité professionnelle et de la lutte contre les violences faites aux femmes. Parmi les difficultés rencontrées, on peut citer les problèmes des femmes isolées sans enfant, l'emploi précaire et le temps partiel, en particulier parce qu'on continue à favoriser le temps partiel subi. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait observer qu'il y avait des moments où cette formule pouvait être intéressante mais qu'il fallait absolument prévoir un dispositif d'accompagnement financier par celui qui utilise la flexibilité. Mme Odile Morilleau a indiqué qu'une récente enquête auprès d'un échantillon de 600 personnes travaillant à temps partiel montrait que 18 % d'entre elles ne l'avaient pas choisi et aimeraient changer de statut professionnel. Elle fournira à la Délégation cette étude, qui montre également la répartition du temps partiel par catégories socioprofessionnelles. Revenant sur la question du logement, Mme Geneviève Gueydan a insisté sur le problème de la solvabilité et lancé un appel à une revalorisation régulière des allocations logement, qui offrent un filet de sécurité essentiel pour l'accès et le maintien dans le logement des familles comme des isolés. Les places en CHRS font aussi cruellement défaut, la DDAS n'ayant plus aucune marge de manœuvre pour en financer, alors qu'il faudrait absolument avoir moins recours aux hôtels. L'hébergement d'urgence pour les demandeurs d'asile et les sans-papiers est aussi de plus en plus souvent géré au quotidien grâce aux hôtels et il est temps d'envisager de sortir de ce système. C'est un problème social d'autant plus important que, dans ce contexte, les enjeux de santé deviennent écrasants. On manque aussi de places dans les centres maternels, qui sont bondés. Les femmes y restent jusqu'au bout de la période de trois ans, parfois renouvelée lorsqu'elles font un deuxième bébé. Il conviendrait de rendre le dispositif plus fluide. Il faut aussi mentionner les difficultés d'accès des femmes précaires aux structures de garde collective. La psychiatrie est également un gros problème. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déclaré qu'elle en avait sans doute eu insuffisamment conscience jusqu'ici. Mme Martine Chochon a souligné combien il était difficile d'approcher ces femmes, qui ne vont pas d'elles-mêmes consulter un psychiatre. Mme Geneviève Gueydan a indiqué que la ville avait passé un partenariat avec cinq grands hôpitaux psychiatriques et que la direction de l'habitat essayait de réserver quelques places dans des résidences sociales aux personnes suivies dans ces hôpitaux. C'est une bouffée d'oxygène, mais elle est insuffisante. Mme Martine Carrillon-Couvreur a insisté sur la nécessité de se préoccuper de ce problème. Il aurait absolument fallu que la fermeture des lits de psychiatrie dans les hôpitaux, que l'on peut comprendre, s'accompagnât d'un développement des formules d'accompagnement, en particulier en appartements thérapeutiques. Car, partout en France, les personnes précaires qui souffrent de troubles graves, après avoir été hospitalisées en urgence, sont à nouveau livrées à la rue quand elles en sortent. Quand on arrive dans une gare parisienne, on est frappé par la grande désocialisation de ces personnes et on se dit qu'un coup de folie est tout à fait possible. Il est vraiment temps de prendre conscience que la pauvreté et la précarité entraînent obligatoirement des difficultés d'ordre psychique. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est demandé si ces personnes présentaient déjà ces troubles ou s'ils s'étaient développés avec la précarité. Quand on les voit, prostrées dans les gares, on se demande si tout lien familial est rompu. Mme Martine Chochon a répondu que si ces troubles sont parfois anciens, la situation de ces personnes les aggrave indéniablement. Mme Geneviève Gueydan a ajouté qu'il s'agit de personnes malades. Incapables de prendre en charge une vie normale, n'arrivant pas même à conserver le RMI, elles subissent une véritable dégringolade, jusqu'à la rue. La moitié des personnes qui se trouvent en dessous du seuil de pauvreté sont isolées et les études montrent qu'elles n'ont aucun réseau social. L'isolement est donc un facteur aggravant Mme Geneviève Roche a souligné que les facteurs de vulnérabilité et de précarité s'entretiennent mutuellement et qu'au bout d'un moment on ne sait plus comment rompre ce cercle vicieux et même simplement apporter un soutien à ces personnes. Mme Odile Morilleau a rappelé qu'une grande partie des personnes en situation de précarité ont vécu une série de ruptures, plus ou moins involontaires, familiales, professionnelles, mais aussi dans leurs traitements médicaux. Mme Geneviève Roche a indiqué qu'elle traiterait essentiellement des problèmes avant la naissance, avant que Mme Chochon n'en vienne aux questions liées à l'enfant. Travaillant dans le nord du 18e arrondissement, elle a affaire à deux types de populations précaires. Les premières sont des femmes françaises, installées depuis des générations dans des HLM, qui se trouvent en situation de précarité parce qu'elles ont peu de ressources financières et éducatives. Elles présentent des pathologies compliquées, psychiques et addictives. Dans leur cas, on ne peut pas vraiment parler d'isolement social mais d'un monde clos avec des difficultés qui se transmettent de génération en génération. Les secondes sont les femmes étrangères que l'on rencontre dans les hébergements précaires. L'instabilité est une de leurs caractéristiques : elles passent fréquemment d'un hébergement chez des compatriotes ou dans la famille à l'hôtel et au centre d'hébergement. Il est donc particulièrement difficile d'organiser un suivi, en particulier en cas de grossesse et on voit encore des femmes arriver aux urgences pour y accoucher. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que le fait de ne pas parler le français était pour ces femmes un handicap supplémentaire. C'est pourquoi elle insiste souvent sur la nécessité d'un apprentissage de la langue dès l'arrivée en France. Mme Geneviève Roche a souligné que le premier handicap était le problème de survie, qui empêche de reconnaître l'état de grossesse et même de formuler une demande d'aide. La femme étrangère enceinte est obligée ensuite de suivre une sorte de parcours du combattant car elle ne sait ni où elle doit aller ni ce qu'il faut faire. Certaines accouchent à domicile : une étude portant sur deux mois en 2005, dans le 18e arrondissement, montre qu'elles sont environ une dizaine sur 250 accouchements. Mais elles sont aussi souvent contraintes d'accoucher en clinique car, quand la grossesse est découverte tardivement, il est très difficile d'obtenir une place dans une maternité et de bénéficier d'une prise en charge hospitalière. Bien évidemment, l'instabilité du logement complique encore le suivi pendant la grossesse. Dans ces conditions, la PMI est amenée à collaborer fréquemment avec le Samu social, la CAFDA et Médecins du monde, qui reçoivent des femmes enceintes en première intention. Tout ceci a des conséquences médicales sur les grossesses, avec une fréquence plus élevée de la prématurité et des petits poids à la naissance, ainsi qu'une vulnérabilité psychique rendant difficile la relation entre la mère et l'enfant, ce qui aura des effets ultérieurement. Face à ces situations, une convention entre la PMI et les hôpitaux de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a créé au sein des hôpitaux des structures d'accueil auxquelles n'importe quel intervenant médico-social peut adresser les femmes. Ces structures sont chargées de faire avec elles le point sur l'accès aux droits et de leur chercher une place en maternité, ce qui est d'autant plus compliqué qu'on manque cruellement de lits. Au-delà de cinq mois de grossesse, il est extrêmement difficile de trouver une place. Certaines maternités demandent aujourd'hui des lettres de motivation aux futures mamans. Or, on ne peut pas être suivi dans une maternité si on ne doit pas y accoucher. Actuellement se développe le réseau périnatalité, dans lequel des médecins extérieurs prennent en charge la femme en fin de grossesse. Les hôpitaux de l'AP-HP se sont engagés à assurer le suivi des Parisiennes mais ils sont également sollicités par des femmes qui habitent la banlieue. Dans ces conditions, la durée de séjour à la maternité après l'accouchement est extrêmement réduite. Or, il est bien sûr plus difficile de quitter la maternité quand on est seule avec son enfant et hébergée de façon précaire. Le réseau Solipam, anciennement Solidarité Paris Mamans, vise à assurer la continuité du suivi, l'accès aux soins et une relative stabilité de l'hébergement, depuis la fin de la grossesse jusqu'aux trois mois de l'enfant. Mme Hélène Mignon a souligné combien il est difficile pour une femme vivant à l'hôtel de s'organiser, ne serait-ce que pour fournir une nourriture adaptée à l'enfant. Mme Geneviève Roche a indiqué qu'il existe, pour les femmes qui ont pu être inscrites à l'hôpital, ce qu'on appelle les staffs de périnatalité ou de parentalité, qui réunissent, au sein de l'hôpital, des professionnels issus de la PMI, des services sociaux, des services psychiatriques, afin d'anticiper les difficultés. Ils se réunissent une fois par mois pour évoquer les situations qui posent problème en cours de grossesse et qui présentent un risque de dégradation ultérieure. Ils peuvent proposer un suivi adapté, y compris après la sortie de l'hôpital, afin de coordonner les différentes interventions. Mme Martine Chochon a souhaité expliquer ce que signifie être mère dans la précarité. Elle a indiqué qu'elle intervenait actuellement dans les 8e et 9e et qu'elle avait travaillé dans les 10e et 20e arrondissements. Vivre sans le père de l'enfant dans un squat, dans un hôtel social, dans un centre d'hébergement, dans des logements insalubres, sans sécurité, dans une grande promiscuité a un impact sur la santé des mères et des enfants. À l'issue de grossesses peu suivies, les mères se trouvent en grande vulnérabilité médico-psycho-sociale. Nés prématurés ou de petits poids de naissance (ou hypotrophiques), les enfants sont déjà fragilisés et leurs conditions de vie précaire les exposent à des pathologies graves, comme la tuberculose, qui touche encore certaines populations parisiennes, ou le saturnisme, qui persiste en dépit de l'action engagée depuis une quinzaine d'années par la ville. Ils sont aussi à la merci d'accidents domestiques, de morsures de rats et même d'incendies, comme ceux qui ont eu lieu l'année dernière. Ces enfants présentent souvent des troubles du sommeil. Les plus grands ont beaucoup de mal à faire leur travail scolaire. Tous les gestes de la vie quotidienne sont compliqués pour les mères. Elles doivent nourrir leur bébé. Même si elles l'allaitent au début, cela ne dure pas bien longtemps, car elles sont fatiguées et s'alimentent mal. Certaines associations comme Paris tout petit leur fournissent du lait, des petits pots, des couches. Mais les mères elles-mêmes se nourrissent aux Restos du cœur. Quand les enfants grandissent, elles ne peuvent pas faire la cuisine. Et le comble est que ces enfants, qui ne peuvent acquérir de bonnes habitudes alimentaires, sont particulièrement exposés au risque d'obésité. Ces mères rencontrent d'énormes difficultés à se procurer le matériel de première nécessité : lit, poussettes, vêtements. Même si elles peuvent bénéficier de l'aide des services sociaux, encore faut-il qu'elles soient capables de faire la démarche. Pour soutenir et accompagner ces familles, la Ville de Paris et le Service de Protection maternelle et infantile disposent d'un certain nombre de ressources et mobilisent l'ensemble de ses services médico-sociaux. On sait l'importance du repérage précoce de ces situations pendant la grossesse, afin de mener des actions de prévention notamment sur les troubles du lien mère-enfant et du développement de l'enfant. C'est un secteur qui fonctionne bien, la bonne collaboration entre les différents intervenants permettant une intervention très en amont. Ces femmes au parcours traumatique présentent souvent des troubles psycho-pathologiques graves et sont fréquemment en état de dépression latente. Il est donc important que les équipes professionnelles se mobilisent pour leur offrir un appui. Le service de PMI dispose de puéricultrices qui interviennent à domicile. L'intervention auprès de ces populations ciblées est une priorité pour le service. Ce mode d'action est préféré aux visites systématiques chez les primipares. Il permet de se rapprocher de ces femmes et de créer un point d'ancrage avec un des 60 centres de PMI, auquel elles demeurent ensuite fidèles même lorsqu'elles déménagent. Certaines situations associent à la précarité des problèmes d'addiction ou des psychopathologies qui nécessitent l'intervention d'équipes mobiles spécialisées. Même si ces services doivent être étoffés, il faut citer l'action de l'association Horizon, qui a créé un réseau d'aide en direction des femmes qui n'ont pas accès aux soins. La grossesse est un moment privilégié pour entrer en contact avec elles et ce travail donne des résultats intéressants. Il existe aussi à Paris des équipes mobiles de psychiatrie du nourrisson (composées de pédopsychiatres) qui se rendent à domicile, car on se situe dans ce qu'on appelle la « clinique de la non-demande ». Tout ce travail est fait en lien avec la PMI, qui essaie de prévenir les troubles de l'attachement, la maltraitance et d'assurer la protection de l'enfance et l'évaluation des situations. Bien évidemment, la précarité ne doit pas être une cause de signalement judiciaire. La PMI dispose aussi de lieux d'accueil pour les enfants. Les inscriptions dans les crèches et les haltes-garderies ne sont pas toujours faciles pour ces familles sans ressources, sans travail, parfois sans papiers, et qui bougent d'un arrondissement à l'autre. Ce sont les maires d'arrondissement qui attribuent les places en crèche, normalement réservées aux enfants dont les deux parents ont une activité. Certains se montrent néanmoins sensibles aux difficultés de ces femmes et l'on a dans ces arrondissements des expériences très intéressantes de parents qui se sont réinsérés, réussissant ainsi à sortir du cercle infernal. Cet accueil a bien évidemment aussi un effet bénéfique sur les enfants. La crèche Enfant Présent est un dispositif particulier à Paris qui permet d'accueillir des enfants de 0 à 3 ans dont les parents sont en situation de vulnérabilité psychosociale. À mi-chemin entre la PMI et l'ASE, ce mode d'accueil préventif, souple et modulable conjugue accueil collectif et familial. Il apporte soutien et accompagnement aux familles et permet une intervention précoce auprès de l'enfant en organisant en accord avec les parents une suppléance familiale plus ou moins intensive. Cette structure pluridisciplinaire participe à l'évaluation des liens parents-enfants et des risques de dangers concernant l'enfant. Mme Geneviève Gueydan a jugé surprenant, alors que le projet de loi sur la protection de l'enfance devrait prochainement être soumis au Parlement et que le ministre insiste beaucoup sur l'importance de la prévention de la protection de l'enfance, que certaines caisses d'allocations familiales semblent aujourd'hui hésitantes à prendre en charge des structures innovantes comme celles qui assurent ponctuellement un accueil 24 heures sur 24. Il conviendra donc de veiller à ce que les CAF, qui ont joué le jeu de l'expérimentation locale depuis plusieurs années, restent bien partenaires de toutes ces expériences. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué que les parlementaires sauraient se montrer vigilantes. Mme Hélène Mignon a considéré cette crainte comme légitime dans le cadre du désengagement actuel des CAF d'un certain nombre de projets, faute de financements suffisants. Mme Martine Carrillon-Couvreur a souligné que ce problème se retrouvait dans les contrats éducatifs locaux, avec la prise en charge des actions de formation à l'alimentation et au goût. Mme Odile Morilleau a ajouté que la volonté de recentrer les CAF sur leurs missions de base risquait d'avoir aussi des conséquences négatives sur les fonds d'aide aux jeunes dans bon nombre de départements. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a invité Mme Odile Morilleau à présenter l'action de l'Observatoire de l'égalité femmes-hommes de la mairie de Paris. Mme Odile Morilleau a souhaité insister rapidement sur l'impact de la précarité et des violences sous l'angle de l'accès aux droits des femmes, et sur les difficultés particulières que rencontrent les femmes étrangères, en particulier en raison des dispositions du droit de la famille et du droit au séjour. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que le rapport de la Délégation a porté l'an dernier sur les femmes de l'immigration et souligné une fois de plus toute l'importance qu'elle accorde à l'apprentissage du français. Il y a vraiment un travail essentiel à accomplir en la matière, car ce n'est que quand les femmes sont capables de s'exprimer que l'on peut aller vers elles. Mme Odile Morilleau a observé que le contrat d'accueil et d'intégration comporte certaines avancées sur ce point, mais que beaucoup des femmes qui arrivent ne souhaitent pas suivre immédiatement un stage de langue, soit parce qu'elles doivent avant tout se préoccuper de trouver un emploi, soit parce qu'elles n'en reçoivent pas l'autorisation, soit encore parce qu'elles doivent s'occuper d'abord de l'éducation de leurs enfants. C'est pour cela qu'on trouve à Paris beaucoup de femmes qui sont parfois là depuis quinze ans et qui ne parlent absolument pas le français. Pourtant, des actions intéressantes sont menées par les associations et par les services de la ville, notamment en faveur de l'alphabétisation, vue comme le début de la marche vers l'autonomie. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a insisté sur la nécessité de se battre pour que toutes les femmes qui arrivent aient accès à la langue française, en particulier parce qu'elles seront d'autant plus exploitées qu'elles la connaîtront mal. Et s'il est nécessaire de l'imposer, il faut en passer par là car on ne saurait admettre comme explication que les femmes n'en ont pas reçu « l'autorisation » ! C'est pour cela que, lors de l'entretien prévu par le contrat d'accueil et d'intégration, on peut admettre la présence d'un interprète mais pas celle du mari. Mme Odile Morilleau a répondu que tout le monde était d'accord sur le constat, mais qu'il était difficile de faire évoluer les choses. Le contrat d'accueil et d'intégration est très positif, mais on voit bien que c'est souvent à travers les enfants qu'on peut toucher les femmes. Les associations en sont extrêmement conscientes, qui mènent des actions d'apprentissage du français parallèlement à leur travail d'accompagnement scolaire. Il convient aussi de privilégier les actions de proximité en direction de femmes qui sortent peu de chez elles. C'est un travail de longue haleine. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que des expériences intéressantes sont menées dans les quartiers nord de Marseille. Mme Odile Morilleau a observé que le droit de la famille et du séjour a des effets directs sur les violences à l'encontre des femmes, empêchées de se plaindre parce que la loi leur fait obligation de résidence commune avec leur époux. C'est ce qui a conduit la Cimade à ouvrir une permanence spéciale à destination des femmes. Les violences vont assez souvent de pair avec la précarité. Or, les femmes qui quittent le domicile conjugal sont confrontées à des difficultés d'accès aux droits. Le rôle des associations est très important pour leur expliquer la loi. Mais elles sont confrontées au manque de centres d'hébergement et de centres d'accueil pour les victimes de violence, qui se retrouvent souvent dans des hôtels payés par les services sociaux, ou au milieu d'autres populations dans les CHRS et les centres d'urgence. Un projet de création de places est engagé, afin au moins de mettre ces femmes à l'abri et de leur permettre de commencer leur travail de reconstruction personnelle. Enfin, un certain nombre d'associations et d'élues locales des pays du Maghreb, qui ont beaucoup lutté contre les mariages forcés s'étonnent qu'ils se pratiquent encore et soient reconnus en Europe. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié l'ensemble des participantes à cette audition. Contribution écrite communiquée en remplacement d'une audition annulée le 9 mai 2006 de M. Xavier Emmanuelli, président du Samu social de Paris (73) Situation des femmes en grande précarité prises en charge par le 115 de Paris et éléments pour la réflexion sur les actions à mettre en œuvre Je vais vous exposer brièvement les données dont nous disposons sur les femmes faisant appel au 115, en considérant dans un premier temps les femmes « isolées », et dans un second temps, les femmes en famille. Puis, je vous présenterai rapidement les résultats d'une enquête qualitative menée par l'observatoire du Samu social de Paris auprès de trente femmes hébergées en centre d'hébergement d'urgence, et enfin, les recommandations que nous avons formulées suite à cette étude. Au préalable, il me faut tout d'abord préciser quelques points concernant le numéro d'urgence, 115, et les modes de prises en charge, nécessaires à la compréhension de cet exposé. I. Préalables Le 115 de Paris est un numéro d'urgence géré par le Samu social de Paris qui a pour missions l'écoute, l'évaluation, l'information et l'orientation (dont l'hébergement) des appelants. Le 115 ne régule qu'une partie des places d'hébergement d'urgence parisiennes (25 %). D'autres structures notamment via le plan Atlas gèrent également des places d'accueil d'urgence sans avoir forcément recours à une régulation téléphonique. Dès l'année 1997, le 115 de Paris constate des demandes d'hébergement faites par des familles, principalement issues des flux migratoires internationaux. En 1999, les pouvoirs publics mandatent le Samu social de Paris pour gérer l'hébergement des familles hors du droit commun avec une prise en charge systématique dès qu'un mineur fait partie de la demande et sous certaines conditions. Le 17 août 2000, la plate-forme CAFDA (Coordination d'Accueil des Familles Demandeuses d'Asile) est créée pour endiguer l'afflux de demandes des familles au 115. Cependant, cette plate-forme a pour mission de prendre en charge uniquement les demandeurs d'asile politique ou territorial à Paris (ou en recours). Ainsi, l'hébergement des déboutés, des sans papiers et de ceux qui n'ont pas effectué de démarche reste de la responsabilité du 115. Malgré cela, les appels de personnes en famille continuent à croître. Pour faire face à cette évolution, un Pôle Famille est créé au 115 de Paris en juin 2001. Ce dernier permet aux familles d'appeler et d'être appelées via un numéro spécifique. En ce qui concerne l'attribution de places, régulée par le 115 de Paris et les équipes mobiles d'aide, elle a donné lieu à une collecte informatisée de données indispensables à leur bonne gestion. Chaque appel passé auprès du 115 de Paris fait l'objet d'une fiche. Celle-ci contient des renseignements d'une part sur la personne demandant un hébergement (âge, sexe, données sociales, ...) et d'autre part sur le type de solution qui lui a été proposé. Nous distinguons alors les demandes effectuées par les personnes auprès des permanenciers du 115 des hébergements qui correspondent à des demandes ayant abouti à l'attribution d'un hébergement pour la nuit. Il est important de signaler dès à présent que chaque année et ce, quelle que soit la saison, des demandes sont non pourvues ; et, notamment l'été du fait de la fermeture de nombreux centres durant la période estivale. Au sein de la population demandeuse d'hébergement, on distingue donc deux grandes catégories avec des problématiques et des modes de prise en charge propres : les personnes en famille dont la demande inclut au moins un mineur, et les personnes faisant la démarche à titre individuel désignées sous l'appellation « isolées ». Les familles sont prises en charge de façon quasi systématique et le plus souvent en hôtel alors que les autres personnes sont hébergées, dans la limite des places disponibles, dans des centres (les hébergements en hôtel sont exceptionnels). II. Évolution des caractéristiques et du nombre de femmes « isolées » hébergées par le 115 de Paris (74) Je vais vous présenter quelques chiffres relatifs aux personnes hébergées au sein du dispositif d'urgence parisien. Avant cela, il est important de vous signaler qu'entre 2000 et 2004, à peu près 40 % des demandeurs se voient chaque année refuser un hébergement du fait d'un manque de places disponibles. La proportion de femmes qui ont vu au moins une de leurs demandes d'hébergement ne pas aboutir augmente avec le temps. Ainsi, parmi les « demandeuses » elles étaient un cinquième (542/2 870) à se voir refuser un hébergement du fait de manque de places en 1999, et un tiers (1 392/3 966) en 2004. Nous allons à présent nous intéresser aux personnes ayant bénéficié d'au moins un hébergement entre 1999 et 2004. Concernant l'évolution du nombre d'isolés hébergés entre 1999 et 2004, elle est très différente selon le sexe. Tout d'abord, quelle que soit l'année considérée, les femmes sont largement moins nombreuses que les hommes. De plus, lorsque l'on observe l'évolution générale de l'effectif des femmes entre 1999 et 2004, on remarque une certaine stabilité. Celui-ci passant de 1 962 en 1999 à 1 863 en 2004. Parallèlement à cela, les hébergés masculins sont de moins en moins nombreux entre 1999 et 2004 (diminution de 33,2 % en 6 ans). Ainsi, même si la tendance générale est une certaine stabilité de l'effectif des femmes hébergées au cours du temps, les femmes sont en proportion croissante parmi les personnes hébergées. Elles représentaient un peu plus d'un hébergé sur huit en 1999 contre un sur six en 2004. Si nous nous intéressons à la nationalité des femmes hébergées au cours de cette même période, nous constatons que, parmi celles dont on dispose de l'information (75), la proportion de femmes de nationalité étrangère est relativement stable entre 2000 et 2004 et avoisine les 50 %. Si l'on observe l'âge des personnes selon leur sexe, on a pu remarquer que les femmes hébergées dans le dispositif d'hébergement parisien étaient, en moyenne, légèrement plus jeunes que les hommes quelle que soit l'année d'hébergement. En effet, en 1999, l'âge moyen des femmes hébergées était de 35,7 ans et celui des hommes de 37,2 ans. En 2004, les âges moyens respectifs étaient de 37 et 38,9 ans. L'évolution de ces âges moyens indiquerait, toutefois, un vieillissement de la population hébergée dans le dispositif d'urgence. Lorsque l'on observe plus précisément la répartition des femmes hébergées selon les classes d'âge, nous remarquons qu'entre 1999 et 2004 la proportion de femmes âgées de 18 à 25 ans n'a pas évolué et correspond à un cinquième des femmes hébergées, par contre, la proportion de celles âgées de plus de 50 ans est passée de 11 % en 1999 à 19 % en 2004. Concernant l'effectif global annuel des individus hébergés, sa diminution va de pair avec une augmentation régulière sur les 6 ans du nombre annuel de nuitées par personne. Toutefois cette augmentation du nombre moyen de nuitées (76) attribuées par personne se fait plus rapide pour les femmes que les hommes. Entre 1999 et 2004, pour les femmes, ce nombre moyen a presque quadruplé en passant de 10 à 35 nuitées (+ 250 %) ; alors qu'il a été multiplié par 2 pour les hommes en passant de 13 à 26 nuitées. Cependant, les chiffres moyens ne tiennent pas compte de la diversité des situations. Si l'allongement de l'hébergement concerne les deux sexes, il est plus visible chez les femmes. Ainsi, entre 1999 et 2004, l'effectif de personnes hébergées durant plus de 90 nuitées dans l'année augmente de 72 % chez les hommes (passant de 458 à 790 personnes) et de 436 % chez les femmes (passant de 41 à 220 personnes). Le nombre de personnes hébergées une seule nuitée diminue de 45 % chez les hommes (passant de 5 871 à 3 227 individus) entre 1999 et 2004, et de 42 % chez les femmes (passant de 833 à 483 personnes) au cours de cette même période. Cette augmentation du nombre de nuitées attribuées aux femmes entre 1999 et 2004 ainsi que la relative stabilité de l'effectif féminin au cours du temps révèleraient une augmentation parallèle du nombre de places d'hébergement pour les femmes. Toutefois, le nombre non négligeable de demandes non pourvues indique que si un effort a été fait pour agrandir la capacité d'hébergements offerts aux femmes, celui-ci est loin de répondre à la totalité des demandes. Il est à noter que ces chiffres ne tiennent pas compte des femmes enceintes isolées hébergées par le dispositif qui, lorsqu'elles répondent aux critères d'éligibilité, bénéficient alors d'une prise en charge à l'image de celles en famille c'est-à-dire en hôtel. En effet, les femmes enceintes depuis plus de quatre mois possédant un certificat de grossesse sont aussi hébergées via le Pôle Famille, même si leur demande ne comprend pas encore de mineurs. Ces femmes se trouvent à la frontière entre une situation de personne isolée (sans mineur dans la demande) et une situation de personne en famille (avec un mineur dans la demande). Notons toutefois qu'elles étaient 26 en 2001 (dont neuf en couple), et 299 en 2004 (dont 58 en couple) à être hébergées par le 115 de Paris. Ce qui représente une multiplication de l'effectif par 11,5. Si on s'intéresse maintenant aux femmes qui font appel au 115 de Paris pour la première fois, on constate qu'elles représentent 61 % des femmes isolées hébergées en 2004 (soit 1 126 personnes). Celles qui ont été hébergées chaque année depuis 1999 sont au nombre de 72 en 2004 et représentent 4 % des femmes hébergées. Aussi, on constate que parmi les femmes isolées hébergées, la part des primo appelantes diminue avec les années, passant de 80 % en 2000 à 61 % en 2004, ce qui est cohérent avec le fait que les femmes restent plus longtemps dans le dispositif. En conclusion, le nombre de femmes hébergées dans le dispositif d'hébergement d'urgence parisien est relativement stable entre 1999 et 2004. Cette stabilité résulte de trois phénomènes : l'accroissement des demandes féminines, l'augmentation marginale du nombre de places d'hébergement, et l'allongement de l'étendue de l'hébergement dans le dispositif d'urgence. Toutefois, il convient d'insister sur le fait que l'accroissement important entre 1999 et 2004 de demandes d'hébergement non pourvues chez les femmes indique que l'offre d'hébergement est loin d'être suffisante pour faire face à la demande. III. Les caractéristiques des femmes en famille faisant appel au 115 de Paris (77) Entre 1999 et 2004, le 115 a enregistré 14 297 demandeurs adultes accompagnés d'environ 15 700 enfants. Parmi ces adultes en famille, 72 % ont obtenu au moins un hébergement dont plus des deux tiers sont des femmes. Nous remarquons que les hommes et femmes en famille se distinguent par leur situation vis-à-vis du couple. En effet, 84 % des hommes sont en couple, tandis que seulement 41 % des femmes le sont. Si l'on s'intéresse à l'évolution des demandeurs en fonction du sexe, le constat est légèrement différent. En effet, le nombre de femmes a connu une baisse entre 2000 et 2001 de 9 % contre 33 % pour les hommes. La demande masculine évolue plus lentement que la demande féminine. Les femmes représentent 62 % des adultes en famille demandeurs d'hébergements en 2000 contre 71 % en 2004. Cette augmentation relative du nombre de femmes en famille demandeuses d'hébergement est liée à la part décroissante des couples dans la demande. En effet, 44 % des familles demandeuses sont menées par un couple en 1999 contre 39 % en 2004. Par ailleurs, en observant l'âge des adultes en famille en 2004, la moyenne d'âge des femmes est de 32 ans contre 37 ans pour les hommes. Ainsi, la féminisation de la population s'accompagne d'un rajeunissement. En effet, l'âge moyen des adultes demandeurs est de 39 ans en 1999, contre 34 ans en 2004. Lorsque l'on compare les familles prises en charge par le 115 avec celles immigrées (78) résidant à Paris, en Île-de-France et en France, on remarque que les familles monoparentales sont beaucoup plus représentées dans les familles hébergées via le 115 (43 % versus 19 % en France (79). Par ailleurs le chef de famille est une femme pour 92 % des familles monoparentales hébergées par le 115 contre 85 % pour les autres. Lorsque l'on observe les caractéristiques des chefs de famille, nous constatons que la part de femmes et d'hommes constituant les chefs de famille a évolué avec une féminisation de la population. En effet, en 1999, 47 % des chefs de famille sont des femmes, contre 59 % en 2004. Chaque année, ces chefs de famille sont un peu plus jeunes que l'année précédente (80). Or, nous avons remarqué que de plus en plus de familles restaient dans le dispositif d'accueil plusieurs années consécutives. En effet, 9,5 % des familles hébergées en 2000 l'étaient déjà l'année précédente, 12,9 % en 2001, 23,1 % en 2002, 28,8 % en 2003 et enfin 40 % en 2004. Ainsi, la population se rajeunit par le biais des « primo hébergés » de plus en plus jeunes. En conclusion, les deux-tiers des adultes en familles hébergés sont des femmes. Les chefs de familles hébergées sont de plus en plus souvent des femmes et des jeunes. Ils sont accompagnés de moins en moins d'enfants. Ainsi, en 2004, près de deux familles sur 5 sont des familles monoparentales dirigées par une femme avec un seul enfant. Synthèse de l'enquête qualitative effectuée auprès de trente femmes hébergées en Centre d'Hébergement d'Urgence simple (81) Les femmes privées de logement représentent une faible part de la population des personnes sans domicile, une personne sur cinq à Paris en 2004, mais cette part est en progression depuis plusieurs années. Ainsi, le dispositif d'hébergement d'urgence, organisé sur les besoins a minima des hommes, est très faiblement adapté aux femmes. Malgré le vaste programme de recherches développé depuis la fin des années quatre-vingt-dix, en sciences sociales et en santé publique sur la question des « sans-domiciles » et sur les problèmes de recours aux soins des personnes précaires, peu d'études ont été consacrées aux femmes. Or, les femmes privées de logement doivent faire face, aussi, à la gestion de leur vie sexuelle et reproductive. Pour tenter d'améliorer leur accès aux soins, des consultations rapprochées de gynécologie ont été mises en place dans des centres d'hébergement du Samu social de Paris. Le faible recours à ces consultations, malgré le travail de sensibilisation conduit par les gynécologues, a été le point de départ de ce projet. Une étude qualitative a donc été menée avec comme objectif principal de comprendre les déterminants du recours passé et présent aux soins gynécologiques et obstétricaux, les besoins ressentis et les difficultés d'accès des femmes sans domicile. L'objectif secondaire consistait en l'élaboration de recommandations afin d'adapter l'offre de soins dans les centres d'hébergement et les associations qui procurent des services aux personnes sans domicile, et d'inciter les femmes à fréquenter des lieux qui leur seraient spécifiquement dédiés. La méthodologie de l'étude a reposé sur la réalisation de 30 entretiens semi-directifs réalisés auprès de femmes prises en charge par le Samu social de Paris. L'analyse du matériel a été réalisée dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire (anthropologique, sociologique, psychosociale). Le résultat principal de cette étude est que les femmes sans domicile ont les mêmes désirs, comportements et besoins que les femmes de la population générale concernant leur vie affective, sexuelle et reproductive. Elles doivent néanmoins faire face à plus de difficultés du fait de leurs conditions de vie et de leurs trajectoires pour pouvoir continuer d'assumer leur identité de femme. Elles vivent un quotidien rempli d'incertitudes dans lequel elles doivent gérer de multiples risques (violences physiques, sexuelles, risques sanitaires,...). Être une femme dans la rue Les femmes rencontrées témoignent d'une bonne connaissance des lieux où elles peuvent se rendre et des services auxquels elles peuvent recourir pour parer à leurs besoins les plus immédiats : manger, dormir, se laver, aller aux toilettes, se procurer des vêtements propres. L'enquête souligne également les compétences développées par les femmes pour s'adapter aux conditions de vie dans la rue, pour tenter de préserver leur estime d'elles-mêmes, pour jouer de leur féminité en la voilant dans un souci de protection ou au contraire en la montrant pour paraître « normale » ou pour susciter la pitié. Cependant, l'enquête a mis en évidence que les lieux et services à la disposition des femmes sans domicile présentent certains manques ou inconvénients et demanderaient à être réaménagés. En outre, il apparaît au regard des entretiens que si la prise en charge sociale des besoins primordiaux est assurée, tout un pan des besoins perçus comme étant moins légitimes et qui ne relèvent pas de l'urgence est laissé de côté. Il en est ainsi de ce qui concerne les soins apportés au bien-être du corps (toilette intime, hydratation de la peau, soins des cheveux, épilation...) et à la présentation de soi (maquillage, vêtements, coiffure, manucure...). Il en est de même en ce qui concerne la culture, la lecture, ces « petits plaisirs simples ». La sexualité et le bien-être des couples sont également totalement ignorés. Par ailleurs, l'enquête montre la multiplicité des violences auxquelles les femmes sans domicile sont exposées et la diversité des acteurs à l'origine de ces violences, et la manière dont des pratiques quotidiennes sont mises en œuvre pour tenter d'y échapper. La stigmatisation sociale et le regard dépréciatif des autres (personnes insérées, acteurs sociaux, famille...) constituent une première violence. Un second type de violence vient de l'omniprésence du regard masculin et des pressions constantes exercées par des hommes (sans domicile ou insérés) qui tirent parti de la vulnérabilité de ces femmes en obtenant d'elles de la sexualité contre un hébergement, une protection ou simplement l'espoir d'un avenir meilleur ou d'une normalité sociale (avoir un conjoint et des enfants). Les violences conjugales infligées aux femmes rencontrées, dans la situation d'exclusion ou en amont ; les risques d'agression dans la rue et les espaces publics ; l'agressivité des personnes hébergées dans les centres ; les violences institutionnelles sont autant de violences auxquelles les femmes sans domicile sont quotidiennement confrontées, qui s'ajoutent parfois à des situations de violences physiques, sexuelles et psychologiques vécues dans l'enfance et au cours de leur vie. Le recours aux soins Concernant leur santé, la moitié des femmes rencontrées se sentaient en mauvais état de santé. Un premier groupe de femmes a montré une attitude préventive dans son utilisation du système de soins. Certaines n'avaient aucun problème de santé en cours et déclaraient réaliser des bilans de santé annuels, d'autres plus jeunes étaient fidélisées dans des centres de soins gratuits privilégiant une approche humanitaire. D'autres femmes, encore, ayant vécu une rupture sociale à l'âge adulte, et privées de logement depuis peu de temps, déclaraient des maladies chroniques ou des handicaps avec un suivi régulier dans des services hospitaliers spécialisés. Elles bénéficiaient de ressources personnelles leur permettant de faire face à leur situation, et d'un soutien social composé notamment de personnes de leur famille ou d'amis insérés. Un second groupe de femmes avait un recours curatif aux soins. Il s'agissait de femmes ayant passé de nombreuses années en situation de grande précarité, où de jeunes femmes ayant des vécus d'errance. Elles avaient des antécédents médicaux lourds liés aux conditions de vie à l'extérieur, à des addictions (alcool ou drogues), à des troubles psychiatriques, à des violences physiques ou sexuelles subies. Ces femmes cumulaient ainsi tous les risques liés à l'exclusion sociale. Elles avaient néanmoins acquis antérieurement des savoir-faire dans la gestion de leur santé et utilisaient le système de soins en cas de symptômes. Le mode de recours aux soins en général était l'hôpital. Pour les plus jeunes, le recours se faisait aussi volontiers par le biais des centres de soins gratuits. Ces femmes bénéficiaient d'un soutien social centré sur leur compagnon et des personnes insérées. Un troisième groupe était caractérisé par un recours tardif aux soins. Il se différenciait du groupe précédent par la persistance d'une addiction à l'alcool chez des femmes depuis longtemps privées de logement. Ces femmes cumulaient de nombreux risques vis-à-vis de leur santé, avec une sous-estimation de leurs besoins de soins. Elles recouraient aux soins le plus tard possible, dans le cadre des urgences hospitalières. Leur support social était composé essentiellement de personnes sans domiciles qui partageaient les mêmes comportements de santé (addiction à l'alcool, recours tardif aux soins). Le recours aux soins gynécologiques Le recours aux soins en général n'explique pas complètement le recours aux soins gynécologiques chez les femmes que nous avons rencontrées. La dimension préventive des soins gynécologiques ne favorise pas le recours dans un contexte de déstructuration du rapport au temps. Un autre élément accentuant la tendance au non-recours est la mise à mal de la féminité chez ces femmes, que ce soit pour se protéger des hommes ou par abandon au cours du temps du « souci de soi ». Malgré ces difficultés, un certain nombre de femmes avaient un recours préventif aux soins gynécologiques. Il concernait, d'une part, des femmes ayant vécu une rupture sociale à l'âge adulte, depuis peu de temps sans domicile, qui avaient un suivi gynécologique régulier auparavant et présentaient au moment de l'entretien un recours préventif aux soins médicaux ; d'autre part, des jeunes femmes qui avaient vécu des placements en foyer ou une expérience de vie à la rue très jeune, sans antécédents de comportements addictifs. Ces jeunes femmes avaient bénéficié du travail actif d'éducation à la santé gynécologique des acteurs de soins oeuvrant dans les associations. Un autre mode de recours actif mais seulement curatif concernait des femmes qui avaient un recours actuel préventif aux soins médicaux, avaient été suivies régulièrement sur le plan gynécologique avant leur rupture sociale, mais qui placées dans ce nouveau contexte social, avaient perdu leur attitude préventive face à leur santé sexuelle. Elles consultaient néanmoins rapidement au premier symptôme. Ce même type de recours était observé chez des jeunes femmes ayant subi des violences sexuelles et qui avaient du mal à supporter l'examen gynécologique, en particulier lorsqu'il était réalisé par un gynécologue de sexe masculin. Elles portaient généralement beaucoup d'attention à leur santé, ce qui générait une consultation en cas de symptôme. Parmi les femmes ayant des recours gynécologiques, nous avons isolé un troisième type de recours, préventif ou curatif, mais passif. Il s'agissait de femmes qui participent aux campagnes publiques de dépistage ou de celles qui sont la cible des acteurs de soins des associations. Ce dernier groupe était composé de femmes en errance depuis longtemps, chez lesquelles un travail de restauration de la féminité et donc de l'identité peut être réalisé, ou des plus jeunes qui sont les plus en danger par rapport aux risques infectieux ou de grossesse car plus actives sexuellement. Enfin, certaines femmes n'avaient pas recours aux soins gynécologiques. Elles formaient un ensemble plus hétérogène. On retrouvait les femmes sans domicile depuis plusieurs années, qui n'avaient accès aux soins que par le biais des urgences hospitalières et qui ne voyaient pas la nécessité de consulter même en présence de symptomatologie. Certaines femmes qui montraient une démarche préventive du fait du suivi d'une pathologie chronique « pensaient » que leur médecin les suivait aussi sur le pan gynécologique. Ceci concernait des femmes qui n'avaient pas de suivi avant le diagnostic de leur maladie ou des femmes ménopausées. Et enfin des femmes, victimes de traumatisme sexuel et/ou psychologique, présentaient un rapport au corps, ou à la pénétration sexuelle, perturbé pouvant engendrer une résistance à l'examen gynécologique. Fertilité Concernant le contrôle de leur fertilité, les femmes que nous avons rencontrées paraissent avoir toutes été socialisées a minima à l'usage de contraceptifs type pilule et/ou préservatif. Si leur perception des effets potentiellement dissuasifs à l'adoption d'un contraceptif (effets secondaires somatiques et psychologiques) ne semble pas se distinguer de celle des femmes en population générale, la contrainte temporelle, associée à la prise quotidienne de la pilule, a été évoquée comme particulièrement pesante dans le contexte de vie d'une personne sans domicile. Les femmes « sexuellement actives » et souhaitant contrôler leur fertilité au moment de l'interview, citaient les méthodes contraceptives préférentiellement utilisées en population générale : pilule et préservatif. L'implant était par ailleurs évoqué et bien perçu par celles qui l'avaient adopté. Toutefois, le discours de certaine mettait en exergue une difficulté à réguler, maîtriser sa fertilité de façon prolongée. Elle faisait partie de ces femmes qui, consommant des produits psycho-actifs et/ou de l'alcool, se retrouvent fréquemment, sinon constamment, dans un état psychiquement altéré et ne seraient pas en capacité d'utiliser un contraceptif à usage quotidien ou lors de chaque rapport sexuel. Par ailleurs, si les femmes interviewées ont eu tendance à se présenter comme maîtrisant leur fertilité, elles sont nombreuses toutefois à avoir évoqué au moins un recours à l'IVG. Pour la majorité, ces grossesses interrompues n'étaient pas prévues, et sont survenues en amont de leur phase « d'errance ». Concernant le désir d'enfant de ces femmes, en dehors des éléments similaires à ceux évoqués par les femmes en population générale, une dimension semblait toutefois être plus caractéristique de ces femmes considérées comme « exclues », « en marge » : celle renvoyant à cette volonté de rentrer dans la « norme » véhiculée par notre société, et donc d'échapper à la stigmatisation. Grossesse Les femmes ayant mené à terme une grossesse dans un contexte d'hébergement d'urgence n'ont pas fait référence à d'éventuelles difficultés inhérentes à leurs conditions de vie. Elles avaient la particularité d'avoir vécu l'expérience de structures collectives (notamment foyer Ddass) et de la rue avant leur grossesse. Elles paraissaient avoir développé des tactiques de survie dans la rue, et avoir appris à se « débrouiller » dans cet environnement, y développant de nombreux savoirs et savoir-faire. Cependant, celles qui se sont dites enceintes au moment de l'entretien ont évoqué des difficultés, notamment : les carences en matière de prise en charge de femmes gestantes. Des femmes ont rapporté avoir « découvert » leur grossesse au-delà du délai légal d'avortement. Il est probable qu'elles aient dénié partiellement leur grossesse, et alors pu ainsi la mener à terme. Cet enfantement venant alors répéter un élément supplémentaire de l'histoire de leur mère. Cette perception d'une répétition transgénérationnelle d'une problématique parentale est évoquée par plusieurs d'entre elles. Parfois même cette répétition se joue au niveau de leur descendance, lorsque leurs enfants sont placés comme elles ont été placées auparavant. Enfin, il semblerait que la grossesse apporte un bénéfice à ces femmes, les nourrissant, les soutenant à différents niveaux. Elle réduirait un sentiment de solitude ressenti par certaines, apporterait une « motivation », une force de vie et de combativité et la possibilité de se projeter dans un avenir heureux, ainsi qu'elle favoriserait l'accès à de nouveaux services offerts aux femmes enceintes et/ou accompagnées d'enfants. Maternité Elles sont nombreuses à avoir eu des enfants avant de se retrouver dans le contexte d'hébergement d'urgence. Pour certaines dont les enfants sont gardés par un proche, leur quotidien était rythmé notamment par la visite à leurs enfants. Ces derniers représenteraient alors pour elles « le projet », « la raison » de retrouver rapidement une situation stable ; elles sembleraient alors bénéficier d'une force de vie, et de combativité. D'autres femmes de notre échantillon, plus désocialisées, cumulant parfois difficultés socio-économiques et psychiatriques, se sont vues séparées de leurs enfants quelques mois après l'accouchement. Elles n'ont que très peu verbalisé leurs sentiments à l'égard de ce placement. Il semble que cela soit mis de côté, à distance, mais la culpabilité et la honte de ce placement (parfois réactualisant le souvenir de leur propre placement) ainsi que la souffrance de leur absence paraissent être bien présentes. Elles sont par ailleurs quelques-unes à avoir investi affectivement un animal de compagnie, dont elles s'occupent comme de leur propre enfant, et qui leur apporte cette nourriture affective dont elles semblent tant manquer. Risques vécus La plupart des femmes interrogées ayant une activité sexuelle au moment de l'entretien n'utilisaient pas de préservatif ou du moins pas systématiquement. Parmi celles-ci, certaines étaient en couple et avaient fait un test de dépistage, d'autres ne l'utilisaient pas se basant sur la confiance qu'elles portaient à leur partenaire. D'autres enfin, justifiaient parfois cette absence d'utilisation par des contre-indications médicales ou ne le justifiaient pas clairement. Ces femmes, bien qu'ayant des connaissances réelles sur les mesures de prévention des infections sexuellement transmissibles (IST), ne les mettaient pas forcément en application. Certaines utilisaient des mécanismes de « protection imaginaire », comme la propreté, ou la connaissance de leur partenaire pour justifier cette absence de protection. Ainsi elles préféraient s'attacher aux risques qu'elles pouvaient représenter pour leur partenaire plutôt que de remettre en cause la relation par des exigences de protection. Ceci n'était pas indépendant de la quête affective dans laquelle certaines se trouvaient, liée à un fort désir d'accès à la normalité. Cela les poussait à s'engager rapidement dans des relations amoureuses, qu'elles n'avaient souvent pas choisies, et dans lesquelles elles plaçaient tous leurs espoirs. Dans cette situation d'absence de maîtrise de la relation, il était difficile pour elles de négocier l'utilisation du préservatif. Quelques femmes, présentant des troubles psychiatriques, montraient des comportements sexuels à risques avec des partenaires multiples, des conduites suicidaires et addictives. Les femmes, chez qui ces troubles étaient apparemment très anciens, souffraient d'un rapport au corps et à la sexualité très perturbé. La plupart déclaraient avoir subi des viols et des maltraitances dans l'enfance. Une sexualisation traumatisante, comme l'a décrit A. Zemp (82) chez des femmes handicapées mentales, entraîne un conditionnement dans lequel l'activité sexuelle est associée à des souvenirs d'affects négatifs. Ceci peut entraîner une aversion à l'égard de l'intimité et de la stimulation sexuelle ou exactement l'inverse, des femmes qui s'offrent sans réticence et se prostituent quasiment. De manière générale, ces femmes nous ont exposé de multiples scénarii de violences. Elles présentaient un vécu de maltraitance particulièrement important et diversifié. Dans de nombreux cas, elles cumulaient des maltraitances dans l'enfance, des agressions sexuelles et des violences conjugales à l'âge adulte. À la honte et la culpabilité liées aux viols et aux maltraitances subies s'ajoutait la vulnérabilité entraînée par leurs conditions de vie. Ainsi, certaines montraient de grandes failles dans leurs assises narcissiques, induisant un manque de représentation positive d'elles-mêmes, ne pouvant que les freiner dans l'adoption d'un comportement préventif ou dans la protection de soi de manière générale. Recommandations Les modalités d'hébergement des femmes Les centres d'hébergements et les lieux d'accueil sont perçus par les femmes sans domicile comme des lieux non sécurisants : elles s'y sentent en danger physique (risque de vol) et moral (agressivité des hébergé(e)s, fait de côtoyer des personnes « différentes » : « clochards », « alcooliques »...). La sécurité des femmes qui fréquentent ces centres devrait davantage être assurée. Par ailleurs, la propreté de ces lieux (chambres ou dortoirs, salles communes, toilettes et douches) doit être assurée, non seulement dans un souci d'hygiène, mais aussi dans le souci du respect de ces personnes et de leur intégrité. Des lieux d'accueil de jour et d'hébergement spécifiquement dédiés aux femmes seraient souhaitables. En effet, les entretiens soulignent la rareté des endroits et des moments où les femmes peuvent se soustraire au regard des hommes, aux menaces masculines et aux dangers de la rue. Des lieux réservés aux femmes, accessibles le jour et/ou la nuit, devraient leur permettre, d'une part, d'échapper pour un moment à ces pressions masculines et, d'autre part, de prendre soin d'elles et de s'extraire de cette pression environnante. Alors que l'accueil indifférencié des femmes et des hommes peut être considéré comme un moyen de ne pas enfermer les unes et les autres dans leurs rôles sociaux respectifs, dans un souci de neutralité à l'égard des sexes, l'expérience montre que la cohabitation désavantage parfois les plus faibles. « Les femmes isolées sont l'objet de sollicitations et d'agressions diverses, le plus souvent verbales. Dans les locaux, elles ne peuvent trouver aucune zone de repli. » (83) En outre, « l'entre-soi » féminin, loin de contribuer à réinscrire les femmes dans leur rôle social de femmes sans leur donner la possibilité d'accéder à des activités ou des emplois masculins, peut leur permettre de se retrouver, de se réapproprier leur corps et de reprendre confiance en elles. « L'entre-soi féminin est alors considéré comme un lieu de ressourcement et de reconstruction de l'intégrité de la personne. » (84) Dans les centres d'accueil et dans les centres d'hébergement mixtes, les douches et les toilettes devraient être systématiquement non mixtes et elles devraient toujours pouvoir être fermées à clé, pour assurer aux femmes un plus grand sentiment de sécurité. Elles devraient être accessibles pendant des plages horaires plus larges afin d'éviter l'affluence et de permettre aux femmes sans domicile de prendre mieux soin de leur hygiène et de leur corps. Elles devraient également être plus propres, et éventuellement plus spacieuses et en plus grand nombre. En ce qui concerne plus précisément les périodes de règles, des protections hygiéniques (serviettes et tampons) ainsi que des lingettes destinées à la toilette intime devraient être mises à disposition des femmes dans les centres d'accueil et dans les centres d'hébergement (sans qu'elles aient à les demander car cela peut les gêner, lorsque le personnel est masculin notamment). La vie affective et sexuelle des personnes sans domicile ne doit pas être déniée, ces dimensions de leur vie continuent d'exister malgré la difficulté de la situation qu'elles peuvent vivre. Mettre des préservatifs à disposition des personnes hébergées dans les centres ne revient pas à leur donner l'autorisation d'avoir des rapports sexuels dans ces lieux mais simplement à reconnaître que, comme tout un chacun, elles ont des désirs sexuels et sont parfois amenées à les mettre en acte. Davantage d'hébergements pour couple sont également à prévoir. Trop peu de choses sont faites pour aider les couples à se maintenir. Or, le couple peut être le lieu d'une reconstruction de soi et il peut être le moteur d'une réinsertion sociale. À l'image des centres d'hébergement avec lits infirmiers, pensés et élaborés pour des personnes sans logement dont l'état sanitaire nécessite une convalescence et non une hospitalisation, nous pourrions imaginer des offres d'hébergement prolongé pour des femmes sans abri qui mènent une grossesse difficile. Par ailleurs, il semble nécessaire d'augmenter le nombre de centres maternels accueillant les femmes sans abri enceintes et les hébergeant avec leurs nouveau-nés après l'accouchement, dans un cadre stable et rassurant les aidant à se socialiser à la parentalité. Il serait important de pouvoir socialiser des femmes ayant passé de nombreuses années sans domicile dans des communautés positives par le biais d'activité (formation, petit travail, autre) leur permettant de retrouver le souci de soi et l'engagement dans des actes de santé. La diversification de leur support social, exclusivement composé de personnes ayant le même vécu et partageant les mêmes comportements de santé (recours tardif aux soins, alcoolisme), pourrait leur permettre de changer l'image qu'elles ont d'elles-mêmes et de retrouver une estime de soi préalable à la possibilité d'un changement de comportement. Les soins gynécologiques Il faut augmenter le nombre de lieux associatifs où des consultations de gynécologie sont proposées aux femmes. La démarche active des acteurs de soins dans ces lieux, c'est-à-dire le fait d'aller au devant de ces femmes pour les inciter à participer à la consultation, est fondamentale dans un contexte où les problèmes gynécologiques ne sont pas considérés comme des évènements de santé et où le recours aux soins médicaux peut être, pour certaines, limité. Il faudrait aussi prévoir des équipes mobiles pour aller au devant de ces femmes qui fréquentent rarement les hébergements d'urgence ou de façon furtive (dorment dans des lieux non prévus pour l'habitation) et qui ont le plus de besoins en matière de santé. Par ailleurs, il est important que les femmes puissent être fidélisées dans des lieux de consultation, le fait d'avoir un lieu stable où l'on est « connu » est un élément favorisant le recours aux soins de façon préventive ou curative. Par ailleurs, il est important que les gynécologues soient de sexe féminin pour favoriser des processus d'identification permettant aux femmes de se sentir en confiance, ce d'autant qu'elles sont nombreuses a avoir subi dans leur passé des violences sexuelles. Il serait aussi souhaitable de constituer un véritable réseau de prise en charge qui inclut les centres de planning familial, peu fréquentés jusqu'alors par ces femmes, et de parfaire la formation des personnels, afin de proposer une prise en charge adaptée à leurs différents profils (jeunes errantes, addictions, grande désocialisation, etc.) avec plus de tolérance pour des comportements qui ne sont pas dans la « norme ». Par ailleurs, il serait souhaitable que les données médicales d'une personne puissent être partagées entre les différents praticiens (médecine générale, gynécologie, etc.) de façon à améliorer la cohérence de leur rapport aux soins. Le champ de ces consultations doit être ouvert aux questions plus générales ayant trait notamment à leur sexualité. Des actions d'information et de prévention concernant la sexualité, les risques sexuels, les abus sexuels dont elles ont pu être victimes au cours de leur vie et auxquels elles peuvent être exposées dans la rue, seraient souhaitables, d'une part, dans un souci de prévention, d'autre part dans un souci de mieux-être individuel. Des gynécologues, mais également des psychologues devraient être impliqués dans de telles actions. Les femmes présentant, ou ayant des antécédents d'addictions (alcool, drogue) ou présentant des troubles psychologiques ou psychiatriques sont les plus à risque en terme de grossesses non désirées, d'infections sexuellement transmissibles et de violences sexuelles. Elles doivent donc être des cibles prioritaires des acteurs de soins dans ces consultations. Le soutien psychologique Il est nécessaire d'intégrer dans la prise en charge sanitaire de ces femmes une offre en terme de soutien psychologique. Une approche psychologique est nécessaire pour qu'elles puissent élaborer leur vécu difficile en lien avec leur situation actuelle afin de les aider à ne pas répéter leurs expériences. De nombreuses femmes l'ont exprimé, leur priorité est de faire évoluer leur situation sociale. Cependant la souffrance est alors souvent cachée et dissimulée derrière des demandes d'ordre économique. Le logement étant une priorité, ces femmes sont prises en charge au niveau social mais plus rarement au niveau psychologique. En outre, comme nous avons pu le remarquer chez certaines femmes interviewées, le placement de leurs enfants vient répéter leur propre placement et dans leur relation à leurs descendants se rejoue « quelque chose » de leur propre filiation. Dans ce contexte, il serait nécessaire de mettre en place un cadre thérapeutique permettant, autant que faire se peut, d'aider ces femmes à casser cette répétition transgénérationnelle. Il semble important de développer des actions auprès de ces femmes sans abri qui se sont vues séparées de leur progéniture, afin de rétablir une relation mère-enfant « suffisamment bonne ». Ces actions pourraient prendre la forme d'une médiation au cours de laquelle elles pourraient être au contact de leurs enfants et développer la qualité de leurs échanges avec ces derniers. Ce pourrait être un « espace-temps » au sein de la structure dans laquelle les enfants sont placés. Elles (ré)apprendraient, à l'aide d'un éducateur, à s'occuper de leurs enfants et à développer un lien avec eux. Dans ce cadre, il serait envisageable que ces femmes bénéficient d'un soutien psychologique leur permettant, outre de restaurer leur image d'elle-même, de se réconcilier avec « la mère » qu'elles ont en elles ou d'« accomplir » leur rôle de mère. Des consultations pour couples devraient également être proposées. Prendre en charge la pathologie de la conjugalité aiderait ces personnes à surmonter les difficultés de la rue, permettrait de limiter les conflits qui pourraient dégénérer en violences conjugales ou de résoudre des situations de violences, d'alcoolisme... Par ailleurs, la résolution de relations conflictuelles permet de rendre au couple son action bénéfique de support social en améliorant le bien-être, l'estime de soi et en rendant leur cohérence aux actes de santé. Une prise en charge psychologique des violences physiques, sexuelles et psychologiques subies dans la rue, les centres, les espaces publics devrait être systématiquement proposée aux femmes qui fréquentent les lieux d'accueil. Les violences subies dans l'enfance et au cours de la vie devraient également faire l'objet d'une prise en charge psychologique. Pour finir, la forte proportion de femmes sans domicile rencontrées atteintes de troubles psychiatriques, nous rappelle encore l'insuffisance de la prise en charge psychiatrique chez ces personnes. Audition de Mme Bernadette Malgorn, préfète de la région Bretagne, Réunion du mardi 16 mai 2006 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mme Bernadette Malgorn, préfète de la région Bretagne, et rendu hommage à la personne vers qui elle se tourna lorsque, orateur du groupe RPR sur le projet de loi constitutionnelle relative à l'égalité entre les femmes et les hommes, elle voulut insuffler à ses premiers discours cette fibre que Mme la préfète avait su développer au sein de sa propre administration mais aussi de l'Association des femmes diplômées d'université (AFDU), à laquelle toutes deux adhéraient. La Délégation travaille cette année sur le thème de la précarité des femmes, et a souhaité entendre les observations de Mme Bernadette Malgorn, présidente du conseil d'orientation de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS). Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a relevé les différents passages du rapport de l'Observatoire centrés sur les problèmes spécifiques des femmes dans les ZUS. Dans le secteur de l'emploi, où les statistiques sont les plus développées, il est fait état d'une évolution actuellement moins favorable du marché du travail pour les femmes habitant en ZUS que pour les hommes ainsi que du risque accru de chômage pour les femmes des ZUS (supérieur de 7 points à celui des femmes de même caractéristiques habitant dans d'autres quartiers). Par ailleurs, dans les zones franches urbaines, on peut noter que les embauches en ZFU concernent plus fréquemment les femmes, ce qui s'explique par un fréquent recours au temps partiel (28 % des embauches contre 20 % pour l'ensemble des embauchés). À cet égard, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que la Délégation s'était penchée sur la question du travail à temps partiel qui reste l'une de ses grandes préoccupations et pour lequel une politique en amont devrait être menée. Elle a enfin observé qu'elle avait largement évoqué le problème des femmes au sein de ces quartiers sensibles avec la ministre déléguée chargée de la communauté marocaine résidant à l'étranger, lors de la mission qu'elle vient de conduire dans ce pays avec des parlementaires de la Délégation aux droits des femmes. Après avoir remercié la Délégation pour son accueil, Mme Bernadette Malgorn a rappelé que l'ONZUS a été créé par la loi du 1er août 2003, qui a eu le mérite de définir les objectifs de la politique de la ville : réduire les écarts entre les zones urbaines sensibles et les agglomérations auxquelles elles appartiennent, « ramener ces quartiers dans la République ». Ayant constaté que pas un seul des 21 objectifs ni des 65 indicateurs de cette loi ne se réfère spécifiquement à la situation des femmes, elle a pour sa part oeuvré pour introduire le plus possible de données sexuées dans le rapport. Cela étant, et sans vouloir excuser le législateur, rares sont les données disponibles qui mettent en exergue les différences entre les hommes et les femmes. Dans tous les domaines possibles, l'Observatoire s'est attaché à demander les statistiques sur la situation des hommes et des femmes dans les ZUS. C'est dans le domaine de l'emploi qu'il a été le plus aisé d'établir des comparaisons. En revanche, cela a été singulièrement difficile en matière d'éducation, alors même que tous les enfants de six à seize ans résidant en France doivent être scolarisés, que leurs parents soient ou non en situation régulière. Alors que le milieu scolaire rassemble l'ensemble de la population et devrait se prêter aux observations, l'Observatoire n'a pu produire que quelques données, qui se retrouvent aux pages 91 et suivantes du rapport. L'on peut notamment y retrouver un tableau sur les retards scolaires qui fait apparaître que 21 % des filles hors ZUS ont un an de retard ou plus en sixième, contre 41 % des garçons en ZUS. On ne peut que déduire de ces chiffres que l'institution scolaire, qui devrait pourtant être une machine à fabriquer de l'égalité, ne remplit pas ce rôle. Pour ce qui est des autres indicateurs de la loi - nombre d'enseignants pour cent élèves, nombre moyen d'élèves, proportion d'enseignants en poste depuis deux ans, indicateurs de résultats, etc. -, l'Observatoire n'a pu établir de comparaison sexuée. Il s'en est étonné auprès du ministère de l'Éducation nationale qui a fait état de nombreuses difficultés, ce qui est surprenant, car le législateur devrait exiger ces données. Le soutien de la Délégation aux droits des femmes serait sans doute décisif. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a reconnu que la tâche était ardue et que ce n'était qu'au prix de grandes difficultés que la Délégation parvenait à obtenir des données sexuées. Mme Bernadette Malgorn a ajouté que, de manière générale, et sans même parler des statistiques sur le parcours différencié des hommes et des femmes, il était compliqué d'obtenir des différentes administrations des données comparatives sur la situation en ZUS et hors ZUS. Il est temps de les sensibiliser à cette question. L'un des derniers chapitres du rapport, « L'observation en construction », se rapporte du reste à cet état de fait. Dans les quartiers, selon que l'on est une femme, ou un habitant d'une zone urbaine sensible, ou d'origine étrangère, il y a un facteur principal de discrimination au regard de l'emploi, de la formation, de la scolarité. Pour les filles des ZUS, ce facteur est le sexe. Sur ce point, leur situation ressemble à celle des filles hors ZUS. Avec des taux de réussite scolaire plutôt plus élevés que les garçons, elles profitent moins des mesures prises dans le cadre de la politique de l'emploi - le rapport présente d'ailleurs une carte qui montre que les politiques volontaristes portent leurs fruits. Par exemple, que l'on soit en ZUS ou hors ZUS, les dispositifs mis en place dans le secteur non marchand - CEC, CES - concernent davantage les filles que les garçons. Ce sont ainsi surtout des filles que l'on retrouve dans les associations, les collectivités locales, à occuper notamment des fonctions de secrétariat. Ces fonctions, peut-être occupationnelles, débouchent rarement sur des emplois durables. Inversement, en ZUS comme hors ZUS, les dispositifs dans le secteur marchand Ainsi, au regard de l'emploi et de la formation, la situation entre les filles et les garçons des ZUS ressemble à celle des filles et des garçons hors ZUS, avec des effets positifs pour les filles, tels qu'une meilleure réussite scolaire. Toute discrimination n'est pas forcément négative. En revanche, le fait d'habiter dans une ZUS est pour les garçons le principal facteur de discrimination. Au regard de l'emploi, de la formation, leur profil est nettement différent des garçons hors ZUS. Au sein des ZUS, le fait d'être d'origine étrangère est relativement peu discriminant pour les garçons. Même titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur, les garçons auront du mal à échapper à leur profil de garçon des ZUS. Mme Bernadette Malgorn a par ailleurs appelé l'attention de la Délégation sur les notions de taux de chômage et de taux d'activité des jeunes, et sur l'apparente contradiction qui peut ressortir entre les taux de chômage et les taux d'activité comparés des garçons et des filles. Le taux de chômage des moins de 25 ans est très élevé dans les ZUS, puisqu'en 2004, plus d'un jeune homme actif de cette tranche d'âge sur trois - 36 % - est au chômage. Pour éviter toute erreur d'appréciation, il convient de rappeler que ce taux est calculé sur la fraction active de la population - qui, pour les jeunes, ne constitue qu'une minorité de ces générations. Il faut par ailleurs s'interroger sur le taux d'inactivité. Certains peuvent poursuivre volontairement des études, ce qui est plutôt positif. Cela étant, d'autres peuvent se réfugier dans des études longues par peur de ne pas trouver d'emploi, et d'autres encore, notamment des filles, peuvent être contraints de rester chez eux à vaquer à des tâches domestiques. L'Observatoire n'a pu détailler ces éléments, faute de données suffisamment précises. Tous ces éléments se traduisent par un taux de chômage en 2004, en ZUS, pour les garçons entre 16 et 25 ans de 39 % et pour les filles de la même tranche d'âge de 30,9 %. Dans la partie hors ZUS des agglomérations qui comptent des ZUS, ces taux passent respectivement à 34,4 % et 29,7 %. Le chômage touche environ 14 % des jeunes hommes et un peu plus de 12 % des jeunes femmes de ces générations d'habitants des ZUS. Le chômage des jeunes par rapport à l'ensemble des jeunes de leur génération est donc plus faible que celui des adultes. Mais on a beaucoup de mal à faire prendre en compte ce phénomène par les économistes. Pourtant, si, quand on parle de chômage, on ne cherche pas à décortiquer un peu, on ne trouvera pas forcément la bonne réponse. D'autre part, on a souvent le sentiment que les zones urbaines sensibles sont des ghettos, alors que ce sont plutôt des sas. Il est vrai que tout le monde n'en sort pas - y restent ceux qui sont dans une situation trop défavorable - mais les sorties traduisent dans l'ensemble une amélioration de la situation. En réalité, les zones urbaines sensibles réfléchissent comme un miroir grossissant les difficultés de la société française, et une part de ces difficultés tient à ce qu'il n'y existe aucun dispositif assez différencié pour tenir compte de ce que la société est composée d'hommes et de femmes. Le problème particulier des zones urbaines sensibles tient aussi à ce qu'elles comptent une part élevée de populations d'origine étrangère dont les références culturelles sont différentes des nôtres. Mais comment défendre et illustrer les principes républicains dans les quartiers sensibles si ceux qui représentent la République ont tous figure masculine, alors même que les travaux sur la ségrégation sociale mettent en évidence le rôle des femmes dans le développement ? Au fil du temps, dans la société française agricole, puis industrielle, et encore après les Trente Glorieuses, ce rôle était implicite. Il participait du travail invisible et bénévole qui a longtemps été celui des femmes et dont on mesure à présent toute l'ampleur, puisqu'on éprouve le plus grand mal à prendre en charge le handicap et le vieillissement, tâches auparavant assumées silencieusement par les femmes et qui, maintenant qu'elles sont externalisées, posent de graves problèmes de financement et d'organisation. Dans les zones urbaines sensibles, le maintien des femmes dans leur rôle social implicite est un facteur assez important de l'écart de développement constaté. Au cours du colloque Quand les femmes s'engagent, organisé le 20 mars sous l'égide de la Délégation interministérielle à la ville, l'accent a été mis sur la « non-visibilité » des femmes. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que les conclusions des travaux de la Délégation sur les femmes de l'immigration vont dans le même sens. Mme Bernadette Malgorn a souligné que l'attention ne se porte sur les femmes des zones urbaines sensibles que lorsqu'elles sont victimes de violences, ou rebelles ; sinon, elles semblent ne pas exister. Or, par certains aspects, les politiques publiques de la ville admettent cette conception. Parler de "grands frères" et subventionner leurs associations, n'est-ce pas une manière d'acheter la paix sociale ? Ramener la République dans les quartiers par des moyens contraires aux principes républicains est fâcheux, et il faudrait des assurances. Ne pourrait-on exiger, sinon une parité exacte, au moins la présence significative des femmes dans les instances dirigeantes des associations subventionnées ? Certes, cela ne signifiera pas qu'elles y seront actives, mais au moins l'action publique, au lieu d'être presque complice par abstention de s'émouvoir, irait dans le sens d'une représentation de la République exprimant l'égalité entre les hommes et les femmes. Le Conseil d'orientation avait espéré que la seconde « loi Borloo » serait l'occasion de faire évoluer le champ d'observation de l'ONZUS, mais il n'en a finalement rien été. Il serait pourtant judicieux de lui permettre de mesurer aussi les discriminations à l'égard des femmes. Outre que l'Observatoire pourrait ainsi évaluer la situation des femmes dans les zones urbaines sensibles, une obligation légale de production d'indicateurs sexués modifierait les observations de tous les ministères, ce qui permettrait d'affiner les politiques. Après les événements qui ont secoué les banlieues, ils n'ont aucune raison de s'y opposer. Quel que soit le texte porteur, il conviendrait d'élargir l'éventail des indicateurs. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a estimé que la question pourrait être abordée lors de l'examen du projet de loi de finances, quand on en viendrait au budget de la ville. Mme Bernadette Malgorn a indiqué que Mme Anne-Marie Charvet, déléguée interministérielle à la ville (DIV), est sur la même ligne, et que l'attention de M. Pierre André, rapporteur de la mission d'information sur les banlieues, a également été appelée sur cette question. Les indicateurs doivent sans conteste être améliorés. Pour ne donner qu'un exemple, ceux qui ont été retenus en matière de sécurité ne permettent pas de distinguer auteurs et victimes de violences... Plus généralement, l'observation des zones urbaines sensibles met en évidence les lacunes du système d'observation français, étonnantes après vingt-cinq années de politique de la ville. Il est d'ailleurs surprenant en soi qu'il ait fallu attendre la loi du 1er août 2003 pour que soit créé un Observatoire chargé d'évaluer l'effet de la politique publique de la ville. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite convaincue de la nécessité d'améliorer encore l'observation, mais aussi de mieux exploiter les données contenues dans le rapport annuel de l'Observatoire. Mme Bernadette Malgorn a souligné que la mise en œuvre de la LOLF pourrait être l'occasion de progresser. La difficulté vient de ce que la politique de la ville est conçue pour faire levier sur l'ensemble des dispositifs de droit commun éparpillés dans les programmes de tous les ministères. Or, si l'on étudie l'évolution du point de vue de l'Observatoire, on se rend compte que, jusqu'à une date assez récente - car la loi de programmation pour la cohésion sociale a fait bouger les choses - les politiques publiques n'avaient pas pour principal objectif la réduction des inégalités et des écarts. Ainsi, les services du ministère de l'Éducation nationale interrogés sur l'apport des politiques de droit commun dans la réduction des inégalités, notamment dans les zones urbaines sensibles, peuvent expliquer qu'à chaque structure socio-professionnelle est lié un « taux de réussite prévisible », et que l'Éducation nationale a fait son travail lorsque le taux de réussite atteint est conforme au taux de réussite attendu... Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite horrifiée par une telle conception. Mme Bernadette Malgorn a remarqué que l'application de la LOLF pourrait être l'occasion de réviser les objectifs des politiques publiques. Il y a là un vaste chantier pour le législateur, et singulièrement pour la Délégation, puisque toute politique publique devrait tenir compte des hommes et des femmes. Ainsi, il y a des causes structurelles au fait que le taux de chômage des femmes est plus élevé que celui des hommes. Mme Béatrice Majnoni d'Intignano, membre du Conseil d'analyse économique, a d'ailleurs publié un excellent rapport sur les aspects économiques de l'égalité entre femmes et hommes. Il faut y regarder de plus près, et mettre en œuvre une discrimination positive. C'est particulièrement nécessaire dans les zones urbaines sensibles, où les modèles masculins et féminins sont encore plus stéréotypés que dans les autres villes et villages. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé comment l'Observatoire est organisé. Mme Bernadette Malgorn a indiqué que l'ONZUS est composé d'une équipe permanente de la DIV qui, lorsqu'elle est au complet, comprend six statisticiens et chercheurs, et d'un conseil d'orientation constitué de représentants du Parlement - pour l'Assemblée, ce sont M. Georges Mothron et M. Jean-Yves Le Bouillonnec - et de représentants de tous les ministères, des établissements publics, des collectivités territoriales et du Conseil national des villes, ainsi que de personnalités qualifiées. Grâce à Mme Catherine Vautrin, quatre femmes et deux hommes siègent au titre des personnalités qualifiées, ce qui rééquilibre légèrement un conseil d'orientation par ailleurs peu féminisé. L'équipe reçoit des commandes de l'assemblée plénière et Mme Bernadette Malgorn organise des réunions intermédiaires pour impulser les travaux. Il est ainsi apparu qu'en matière de santé notamment, les données disponibles étaient peu nombreuses. Un conventionnement a donc été engagé avec l'Assurance maladie, qui vise à permettre d'observer la réalité de l'accès aux soins par les populations des zones urbaines sensibles. Pour chaque question posée à l'Observatoire, la présidente du conseil d'orientation demande si l'on peut différencier la situation des femmes de celle des hommes. Souvent, ce n'est pas possible, car les données contenues dans les fichiers d'observation des administrations ne sont pas sexuées, et les retravailler est un exercice long et fastidieux, mais aussi cher pour un organisme dont le budget d'études s'établit à environ un million d'euros. On se rend compte que même la manière dont les recensements sont faits rend l'observation difficile : la notion de « chef de famille » a certes légalement disparu, mais il lui a été substitué statistiquement celle de « chef de ménage », donc il y a toujours un chef. Le système d'observation de droit commun est lacunaire, si bien qu'il n'est pas facile de faire apparaître la situation des femmes dans les zones urbaines sensibles. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué qu'elle tentait en permanence de convaincre le Gouvernement de la nécessité d'affiner les statistiques pour collecter des informations plus précises. Mme Bernadette Malgorn a souligné que si l'on a autant de mal à trouver des solutions aux problèmes sociaux les plus graves, c'est que l'on ne prend pas suffisamment en considération le fait que les femmes et les hommes ont eu pendant des siècles des rôles différents mais que les choses bougent. Cette question est pourtant d'une importance fondamentale à tous égards. Alors que chaque pays est confronté à une exigence de compétitivité, la France peut-elle se satisfaire que la proportion des filles dans les écoles d'ingénieurs ne soit que de 15 % ? Valorise-t-on ainsi toutes les compétences ? Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déclaré partager ce constat, et s'interroger sur les moyens de faire comprendre la nécessité absolue d'un changement. Il faut batailler de manière incessante, a-t-elle ajouté. Mme Bernadette Malgorn en a convenu, soulignant qu'une participation accrue des femmes à la préparation des grandes échéances électorales renforcerait la prise en compte de ces questions. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'en est dite convaincue. Mme Bernadette Malgorn a jugé souhaitable que les instances dans lesquelles on traite de la parité soient elles-mêmes paritaires. Mais le colloque Quand les femmes s'engagent, pour ne citer que celui-là, n'a rassemblé que des femmes... Abandonnant sa « casquette » de présidente du conseil d'orientation de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles pour coiffer, a-t-elle dit, le tricorne du préfet, Mme Bernadette Malgorn a indiqué avoir mis l'égalité entre hommes et femmes au nombre des priorités de l'État en Bretagne. La région, qui comprend le Finistère, seul département français dont les députés sont en majorité des femmes, est plus ouverte que d'autres en cette matière. Un Observatoire régional de la parité a été créé, et Mme la préfète a tenu à ce qu'il soit paritaire, y compris pour ce qui concerne ses « correspondants égalité » au sein des ministères. Mais sur ces questions, dont beaucoup ignorent tout, il a fallu instituer une formation, dispensée par Mme Annie Junter, par ailleurs membre de l'Observatoire national de la parité. De même, Mme Bernadette Malgorn tient à ce que les propositions d'attributions de décorations soient paritaires. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déploré que l'accent n'ait pas été suffisamment mis à son gré sur l'égalité entre hommes et femmes dans la loi d'orientation scolaire. Mme Bernadette Malgorn a souligné qu'il convenait de créer des points de passage obligés. Il n'y a pas une volonté délibérée d'écarter les femmes, c'est seulement qu'on ne pense pas à elles. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a estimé qu'en politique en tout cas, les choses n'étaient pas aussi claires. Mme Bernadette Malgorn a répondu que la situation était sans doute différente dans les sphères de pouvoir mais que, dans la vie courante, la persistance de schémas anciens s'expliquait par la prégnance des stéréotypes. Or, l'égalité entre hommes et femmes est l'un des leviers du progrès social. Comment, alors, mener une politique efficace dans les zones urbaines sensibles si cette notion ne se traduit pas dans l'action publique ? De même que la Délégation interministérielle à la ville a été un exemple de rénovation des politiques publiques, les zones urbaines sensibles, qui concentrent les difficultés, ne pourraient-elles pas être les lieux du renouveau ? Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite persuadée de la nécessité d'agir. En remettant le rapport de la Délégation consacré aux femmes de l'immigration, quelques jours avant que ne se déclenchent les violences en banlieue, la présidente avait insisté auprès du premier ministre sur cet aspect des choses, évident pour tous les élus concernés. Depuis lors, elle n'a cessé de répéter, à Matignon et place Beauvau, qu'il faut mettre au point un plan d'action fondé sur la capacité des femmes des banlieues à les régénérer. Mme Bernadette Malgorn a fait état de ses rencontres, en Lorraine, avec des femmes immigrées, surprises que l'on reconnaisse leur droit à participer, au même titre que les hommes, à la construction de leur quartier, et qui ne semblaient pas imaginer qu'elles pouvaient agir directement. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est déclarée convaincue de leurs capacités d'intervention, soulignant que lorsque la tension était à son comble, à l'automne dernier, c'étaient les femmes qui descendaient des immeubles pour ramener les jeunes gens à la raison. Mme Bernadette Malgorn a souligné que la présentation médiatique des zones urbaines sensibles ne traduit pas la réalité des difficultés, mais donne le sentiment qu'il y a d'un côté ceux qui bougent trop et d'un autre côté une inertie due à la pesanteur des phénomènes sociaux. Les politiques publiques ne devraient pas ne tenir compte que de ceux qui bougent trop... Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Bernadette Malgorn, dont l'audition, d'un intérêt particulier, a mis en exergue le travail qui reste à accomplir pour que l'on intègre la situation spécifique des femmes dans la réflexion politique. Audition de Mmes Annie Thomas, secrétaire nationale de la Confédération française démocratique du travail CFDT Réunion du mardi 30 mai 2006 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mmes Annie Thomas, secrétaire nationale de la CFDT et Marylou Robert, secrétaire confédérale, chargée de mission, qui s'occupe plus particulièrement de la formation et de l'égalité professionnelles. Elle a souligné que le phénomène de la précarité, qui apparaissait comme résiduel il y a quarante ans, semble réapparaître et toucher tout spécialement les femmes, pour des raisons professionnelles ou personnelles (femmes seules et chefs de familles monoparentales). Lorsque, d'ici quelques années, ces femmes arriveront à l'âge de la retraite, la situation risque d'être très difficile à gérer. C'est la raison pour laquelle la Délégation s'est saisie du problème, qui recoupe de nombreux aspects : la ségrégation professionnelle ; le temps partiel, subi ou choisi, qui s'avère pénalisant à terme ; l'impact des 35 heures sur l'emploi féminin ; la conciliation de la fluidité du marché du travail et de la protection du travailleur. Mme Annie Thomas a remercié la Délégation de l'avoir invitée à s'exprimer sur ce thème, car pour la CFDT, la précarité a malheureusement un genre : le genre féminin. Certaines évolutions du monde du travail se sont révélées positives pour les femmes, notamment l'accès aux emplois, mais la place qui leur est faite révèle de profondes inégalités. Les syndicalistes avaient l'habitude de travailler sur des inégalités verticales, entre le haut et le bas de l'échelle ; mais de nouvelles inégalités sont apparues au sein même de chaque catégorie de travailleurs, inégalités qui concernent plutôt les femmes. Une attention particulière doit être portée au problème de la conciliation de la fluidité du marché de l'emploi et de la protection des salariés. Le sujet est d'actualité. On parle aujourd'hui de sécurisation des parcours professionnels. Il ne faudrait pas, dans le débat actuel, ne pas se préoccuper des différences de genres. La CFDT soutiendra la démarche de la Délégation. Mme Marylou Robert s'est attachée à mettre en évidence, à travers les chiffres, l'analyse que fait la CFDT de la précarité. Les femmes sont davantage touchées que les hommes par les discriminations au travail. Elles sont surtout concernées par le temps partiel contraint et les CDD, notamment celles, en forte augmentation, qui élèvent seules leurs enfants. Il en résulte pour elles des difficultés de logement, de garde d'enfants, de transports, d'accès à la vie civile, à la formation et à la culture. 11 % des femmes actives sont au chômage. À l'intérieur de cette catégorie, on compte 25 % de femmes immigrées, phénomène qui se vérifie dans toutes les régions. 30 % des femmes en activité sont à temps partiel, contre 5 % des hommes. Elles constituent ainsi une main-d'œuvre d'ajustement du marché du travail, ce contre quoi nous protestons vivement. Peut-on parler de temps partiel choisi ? C'est parfois le cas dans la fonction publique. Il s'agit alors de répondre à la garde des enfants. Mais dans un cas sur deux, il s'agit d'un temps partiel contraint, d'emplois peu qualifiés, plus que médiocrement rémunérés. 57 % des employées sont en CDD, alors qu'il y a plus de 70 % de femmes parmi les employés. 17 % des femmes sont au SMIC, et 64 % des salariés payés au SMIC sont des femmes. Alors même que leurs résultats scolaires sont supérieurs en moyenne à ceux des hommes, les compétences des femmes sont sous-utilisées dans les entreprises. 86 % des familles monoparentales sont constituées de femmes élevant seules leurs enfants. Celles-ci ont peu de qualification ou pas de diplômes, et vivent, dans 36 % des cas, au-dessous du seuil de pauvreté, pourcentage qui est d'ailleurs sans doute en augmentation. Mme Annie Thomas a observé l'existence d'un lien avec les chiffres de la délinquance, la précarité étant un terreau de pauvreté, de difficultés d'éducation et d'échec scolaire. Mme Marylou Robert a précisé que près de 30 % des femmes occupent des emplois à temps partiel et que 61 % des emplois peu qualifiés sont occupés par des femmes. S'il y a bien eu, au cours des dix dernières années, un million et demi d'emplois créés, notamment dans le secteur des services à la personne, un tiers seulement l'a été à temps complet. Les deux autres tiers l'ont donc été à temps partiel, ne dépassant parfois pas 21 ou 22 heures par semaine. Mme Annie Thomas a admis que les services à la personne puissent constituer un gisement d'emplois, mais a souligné le risque d'accélération de la précarité pour les femmes. Si on peut se féliciter de ces créations d'emplois, on doit s'inquiéter du fait qu'il s'agisse d'emplois précaires. Mme Marylou Robert a précisé que les chiffres qu'elle a cités sont des chiffres officiels de l'INSEE, datant d'octobre 2005. M. Patrick Delnatte a demandé s'il s'agissait de créations nettes d'emplois, et s'est interrogé sur le nombre des emplois détruits et des emplois créés. Mme Annie Thomas a répondu que, dans le secteur des services à la personne, il n'y avait pas d'emplois à détruire, à la différence de l'industrie ou du BTP. Mme Marcelle Ramonet a observé qu'il était difficile d'offrir des emplois à temps plein dans le domaine des services à la personne. Mme Annie Thomas a répliqué qu'il était possible de trouver des solutions par le biais de groupements d'employeurs, et que si l'on n'y arrivait pas, personne ne voudrait aller vers ce type d'emplois - ou seulement à contrecœur. Mme Marylou Robert s'est inscrite en faux contre le fait que ces postes doivent être considérés comme peu qualifiés, car les personnes qui les occupent sont souvent elles-mêmes qualifiées, par exemple pour s'occuper des personnes âgées. Il existe donc un problème de reconnaissance des compétences, s'expliquant notamment par le fait que, lors des négociations de branches, l'examen des postes de travail ait été fait essentiellement par des hommes. Or, qu'il s'agisse des assistantes maternelles ou des personnes qui s'occupent des personnes âgées, les compétences exigées, qui ne sont ni naturelles ni innées, sont réelles. S'agissant toujours des compétences inutilisées, il faut savoir que les jeunes filles attendent en moyenne sept ans pour trouver un travail stable en CDI, contre quatre ans pour les jeunes gens, et qu'il existe un décalage de plus en plus important entre l'emploi obtenu et le diplôme acquis. Il faut s'inquiéter également du cumul des sous-emplois - temps partiel, CDD, emplois aidés. 62 % des emplois aidés sont occupés par des femmes, mais 31 % seulement des apprentis sont des femmes. Mme Marcelle Ramonet a insisté sur le fait que les emplois aidés sont destinés à remettre le pied à l'étrier à certaines personnes, et que l'intérêt du plan Borloo est de faire en sorte que ces emplois aidés débouchent sur une formation. Mme Annie Thomas a regretté que ces emplois aidés soient davantage des emplois occupationnels que d'insertion dans l'emploi. Il existe des voies royales d'insertion dans l'emploi comme l'apprentissage, la formation par alternance, les contrats de professionnalisation, voire l'intérim, mais les femmes y sont très minoritaires. Les partenaires sociaux sont en partie concernés par ces problèmes liés à l'apprentissage et à la formation par alternance, dans la mesure où ils gèrent les systèmes de formation par alternance. Au moment des discussions sur la formation et l'égalité professionnelle, certaines organisations, dont la CFDT, ont demandé que les accords de branche réservent des proportions identiques aux garçons et aux filles dans les voies d'apprentissage. Mais le résultat ne se fera pas sentir immédiatement, et tant que les femmes représenteront 60 % des emplois aidés et 30 % seulement des apprentis, le problème subsistera : elles ne seront pas dans les vrais circuits d'insertion dans l'emploi. Mme Marylou Robert s'est dite inquiète de la prégnance du sous-emploi chez les jeunes femmes : entre vingt et vingt-quatre ans, 15,7 % des femmes sont en situation de sous-emploi, contre 4,6 % des hommes. Mme Annie Thomas a reconnu que les pouvoirs publics travaillaient beaucoup à l'insertion des jeunes, mais a souligné que les solutions trouvées ne règleront pas tous les problèmes par miracle. Il y a des différences entre les jeunes qui sont diplômés et ceux qui ne le sont pas ; et il y a aussi des différences de genre, qui n'apparaissent pourtant jamais dans les politiques publiques - voire dans celles des partenaires sociaux... Mme Marylou Robert a indiqué que le nombre des CDD avait été multiplié par six et celui des contrats d'intérim par quatre au cours des dernières années. Actuellement, sur quatre emplois actifs, on compte un chômeur, un précaire et deux emplois à temps plein. Les femmes sont les plus touchées par la précarité ; parmi elles, les jeunes femmes le sont deux fois plus. Il convient d'y être très attentif, car cela aura des conséquences au moment de la retraite. Avant, les différences entre les hommes et les femmes étaient liées aux périodes d'interruption d'activité liées à la maternité et aux enfants ; maintenant s'y ajoutent l'intérim et la précarité. Mme Annie Thomas a ajouté que la CFDT s'était plus particulièrement intéressée au temps partiel contraint. Les professions les plus féminisées - assistantes maternelles, grande distribution - sont celles qui connaissent le plus fort taux d'enfermement dans le temps partiel contraint et dans les emplois non qualifiés. Cela est dû à l'organisation du travail et à certains impératifs de productivité. Voilà pourquoi il faut agir pour revaloriser de telles professions. Il apparaît au passage que le développement du temps partiel est lié historiquement à celui des aides aux entreprises, par exemple lors de l'instauration des 35 heures. Mme Marcelle Ramonet a relevé que la grande distribution, pour éviter la contrainte des 35 heures, était passée aux contrats à 22 heures et que les femmes avaient été frappées de plein fouet par cette évolution. Ce n'est vraiment pas du temps partiel choisi ! Mme Annie Thomas a répondu que les exonérations de charges étaient antérieures aux 35 heures et que certaines aides avaient été supprimées. Il faudrait faire un bilan global des aides, examiner les conséquences qu'elles ont eues sur l'organisation du travail et sur les individus, et les réorienter vers les métiers qualifiés et la création d'emplois. La faiblesse des salaires des femmes étant surtout liée aux faibles durées de travail et aux types d'emplois occupés, la recherche de solutions doit privilégier l'autonomie plutôt que l'assistance, y compris dans les systèmes d'insertion. Une allocation doit s'accompagner inévitablement d'une recherche d'emploi, de qualification, d'une formation, d'une VAE, etc. Lutter contre la précarité, c'est aussi rechercher le plein-emploi. Tout est lié. Il faut éviter de créer une barrière entre la politique économique et la politique sociale. On peut tenter de faire respecter l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes en partant du principe « à travail égal, salaire égal ». Mais dans les secteurs très féminisés, l'égalité avec les hommes tombe : 90 % des personnes concernées sont des femmes, et les emplois sont décrédibilisés. Dans ces cas-là, la négociation est difficile à mener. Il convient également d'ouvrir les entreprises aux personnes éloignées de l'emploi. La pénurie de main-d'œuvre peut constituer une chance, mais aussi une faiblesse liée aux conditions de travail. Les chambres consulaires doivent insister sur ce point auprès de leurs mandants, ainsi que sur la nécessité d'une politique de recrutement mixte, que les entreprises n'ont généralement pas. S'agissant des nouveaux emplois et des services à la personne, il conviendra de veiller à la durée du travail, à l'accès à la formation et aux conditions d'exercice. Mme Marylou Robert a indiqué que certains contrats, en raison du temps de travail requis, ne permettent même pas de bénéficier d'une protection sociale. Mme Annie Thomas a ajouté que certains contrats ne permettaient pas d'accéder à la retraite. En dessous de 22 ou 23 heures, en effet, le salarié cotise à une caisse de retraite, mais lorsqu'il sera à la retraite, il n'aura que le minimum vieillesse. En général, les intéressés ne sont même pas informés de cette situation, qui est indécente. Il ne devrait pas y avoir de contrats inférieurs à l'ouverture des droits. Mme Marylou Robert ayant observé que la loi permettait aux salariés à temps partiel de cotiser à temps plein et Mme Annie Thomas ayant précisé que l'entreprise pouvait s'acquitter elle-même du différentiel, M. Patrick Delnatte s'est demandé s'il ne serait pas possible d'instituer une surcotisation. Mme Annie Thomas a suggéré qu'il n'y ait plus de contrats à temps partiel en dessous de 22 ou 23 heures. Le problème des « jobs » d'étudiants pourrait être réglé en créant pour eux un statut spécifique. La question de la durée horaire des contrats est capitale, le reste relève de problèmes classiques d'organisation du travail de façon à éviter les longues coupures dans la journée, d'accès à la formation professionnelle, etc. Mme Marylou Robert a souligné que certains temps partiels tronçonnés ont une amplitude horaire égale à celle d'un temps plein, du fait des déplacements qu'ils suscitent. S'agissant de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, Mme Annie Thomas a fait part du souhait de la CFDT que les financements sociaux soient prioritairement orientés vers les modes de garde des enfants, avec un accès privilégié aux modes collectifs pour les personnes les plus défavorisées. Ces dernières, en effet, n'ont pas la possibilité de faire garder leurs enfants à domicile, et il est vital pour elles de travailler. Pourquoi la plupart des familles monoparentales sont-elles en dessous du seuil de pauvreté ? Parce que ces femmes ont des difficultés à travailler et à concilier leur vie familiale et que de ce fait, bien souvent, elles ne travaillent pas. Les modes de garde dépendent beaucoup des politiques des municipalités. Certaines ont tendance à évacuer le problème en écartant les familles dont elles pensent qu'elles ne pourront pas payer et provoqueront des difficultés. Or, il est très important pour une mère isolée d'avoir accès à un service de garde, sans quoi elle va décrocher du marché du travail, multiplier les heures de ménage et ne plus pouvoir s'occuper de ses enfants. Certaines femmes cumulent même les handicaps en étant chef de famille et issues de l'immigration. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que, lorsque l'on parle d'immigration, on fait souvent l'impasse sur certains problèmes spécifiques aux femmes. Tout au plus parle-t-on de l'insertion des jeunes en général et des jeunes filles en particulier. C'est pourquoi il faut parler des femmes dans leur ensemble, jeunes ou moins jeunes. Mme Marylou Robert a insisté sur le fait que le tissu industriel français a évolué : en Lorraine, près de 60 % des salariés, et 70 % des femmes, travaillent dans des entreprises de moins de 200 salariés. Or on est resté sur des schémas de grosses entreprises. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné qu'en Lorraine comme dans le Nord, les femmes ont payé un lourd tribut aux licenciements, ce qui peut expliquer qu'on y aborde différemment le problème de l'emploi féminin. Mme Marylou Robert a déploré qu'on ne mette pas l'accent sur la formation initiale et professionnelle, car beaucoup de jeunes femmes ou de jeunes filles dynamiques et compétentes, se trouvent privées de perspectives de carrière. Mme Annie Thomas s'est dite optimiste concernant la place des femmes dans la société, mais a estimé qu'il fallait porter un regard lucide sur la situation. La société a envers elles un devoir de transparence et d'information. Lorsque l'on constate une injustice inadmissible, il faut le dénoncer et agir, notamment par la voie législative. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a répondu que la question de l'emploi à temps partiel avait été abordée dans le cadre de la loi sur l'égalité salariale. Mme Annie Thomas a posé la question de l'avenir des articles de la loi sur l'égalité salariale censurés par le Conseil constitutionnel, notamment ceux sur la place des femmes dans les instances professionnelles. Elle s'est dite opposée au cumul entre-temps partiel et intérim, proposé par le Gouvernement à l'article 24 du projet de loi sur la participation, expliquant que ce cumul n'est pas possible matériellement, et que l'article, introduit à la demande de certains secteurs du patronat, ne précise même pas que la durée légale du travail doit être respectée. D'autres dispositions du projet de loi, en revanche, conviennent aux partenaires sociaux. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déploré que l'on retrouve dans un nouveau projet de loi l'article 14 de la loi sur l'égalité salariale censuré par le Conseil constitutionnel. S'agissant des dispositions censurées concernant la composition des conseils d'administration, elle a indiqué qu'elle allait déposer une proposition de loi constitutionnelle pour permettre à la loi de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales. M. Patrick Delnatte a observé que la décision du Conseil constitutionnel sur l'article 14 se fondait sur des raisons de forme, et a souligné la difficulté avec laquelle le principe de parité avait été introduit dans la Constitution. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé qu'elle avait été l'orateur du groupe UMP dans la discussion du projet de loi constitutionnelle sur la parité en politique et que les débats avaient eu à l'époque une teneur philosophique. La question de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine économique et social devra être abordée au moment de la campagne présidentielle. Elle a ensuite remercié Mme Annie Thomas et Mme Marylou Robert. Audition de M. Didier Gelot, secrétaire général de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, de Mme Hélène Michaudon, chef du bureau « démographie et famille » de la DREES, de M. Francis Vennat, sous-directeur de l'emploi et du marché du travail de la DARES, et de Mme Monique Meron, chef du département « métiers et qualifications » de la DARES Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la Délégation aux droits des femmes, a souhaité la bienvenue à M. Didier Gelot, secrétaire général de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, à Mme Hélène Michaudon, chef du bureau « démographie et famille » de la DREES, à M. Francis Vennat, sous-directeur de l'emploi et du marché du travail de la DARES, et à Mme Monique Meron, chef du département « métiers et qualifications » de la DARES, invités par la Délégation aux droits des femmes à débattre de la situation de plus en plus précaire des femmes pour tenter de dégager des solutions. Il s'est agi notamment de faire le point sur le problème de la ségrégation des femmes dans certains emplois peu qualifiés, de l'accès des femmes aux postes à responsabilité et de leur formation professionnelle, du temps partiel, et de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. M. Didier Gelot a tout d'abord rappelé que le seuil de pauvreté monétaire était défini en France comme la moitié du revenu médian, soit 645 euros par mois pour une personne vivant seule, mais que la pauvreté était un phénomène multidimensionnel qui ne se réduisait pas à l'indicateur du taux de pauvreté monétaire. L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale utilise ainsi d'autres indicateurs comme l'indicateur de pauvreté en condition de vie - accès au logement, à la santé... - ou l'indicateur présentant le nombre d'allocataires des minima sociaux. En France, un peu plus de 6 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, soit 3,7 millions d'individus. En revanche, selon l'institut de statistique européen Eurostat, qui fixe le seuil de pauvreté à 60 % du revenu médian, ce sont 12 % de la population, soit 7 millions de personnes, qui sont considérés comme pauvres. Si l'on retient le seuil de 50 %, le nombre de personnes pauvres a augmenté, passant de 5,9 % en 2002 à 6,3 % en 2003 après une longue période de baisse continue, mais il est resté stable selon les critères d'Eurostat. La France se situe plutôt au-dessous de la moyenne européenne, entre les pays du Nord et l'Irlande qui se trouvent dans une meilleure situation, et les pays du Sud, dans une situation plutôt moins favorable. En revanche, le taux de pauvreté mesuré en fonction des conditions de vie des ménages - contraintes budgétaires, retards de paiement, restrictions de consommation, difficultés de logement - a plutôt diminué entre 1998 et 2004. Le nombre d'allocataires des minima sociaux a également augmenté en 2004 et 2005 ; la majorité des allocataires sont des femmes - 7,2 % de femmes contre 6,5 % d'hommes pour l'ensemble des 8 minima sociaux -, et elles sont notamment essentiellement représentées pour l'allocation de parent isolé (API). D'une manière générale, la pauvreté des femmes tend à augmenter, ce qui s'explique par le fait que les emplois à temps partiel sont essentiellement occupés par des femmes, et que les différences de salaire entre les hommes et les femmes sont encore importantes. De surcroît, les familles monoparentales (essentiellement des femmes) sont plus particulièrement touchées par la pauvreté. Par ailleurs, les pensions de retraite des femmes sont en général inférieures à celle des hommes, du fait de carrières plus courtes et souvent plus discontinues et de rémunérations plus faibles. Si l'on ne tenait compte que des carrières complètes, l'écart resterait cependant de 35 %. Du fait de la montée du taux d'activité des femmes, ces écarts tendent à se réduire, mais ils seraient encore de 25 % en 2040. Mme Martine Carrillon-Couvreur s'est inquiétée des effets de la réforme des retraites pour les petits revenus. M. Didier Gelot a confirmé que les premières années d'application de la réforme avaient montré une légère augmentation du taux de pauvreté des retraités (ce phénomène méritant d'être nuancé dans les années à venir) et que les associations notaient également une accentuation des demandes d'aide de la part des personnes âgées. S'agissant des familles monoparentales, Mme Hélène Michaudon a mis en évidence leur augmentation puisqu'en 1999, 17 % des familles étaient monoparentales et 15 % des enfants de moins de 25 ans vivaient dans une famille monoparentale. - la proportion des enfants dans une telle situation augmentant avec leur âge. Par ailleurs, 86 % des chefs de famille monoparentale étaient des femmes. Si les épisodes de monoparentalité sont assez fréquents - une femme sur trois ou quatre devrait y être confrontée au cours de sa vie -, ils restent souvent transitoires, d'où la grande diversité des situations. Si 55 % des situations de monoparentalité étaient dues à un décès dans les années 1960, 75 % sont aujourd'hui la conséquence d'une séparation. Dans 15 % des cas, les enfants n'ont jamais vécu avec leur autre parent. Les parents qui ont eu un enfant sans vivre en couple sont plus jeunes et plus souvent hébergés au sein de leur propre famille. Les parents qui vivaient en union libre avant de se séparer sont en moyenne plus jeunes que ceux qui étaient mariés. Concernant la situation des mères de famille monoparentale sur le marché du travail, la proportion de celles occupant un emploi est la même que parmi les mères en couple, mais leur taux de chômage est presque deux fois plus élevé. Elles travaillent moins souvent à temps partiel que les mères en couple, mais la moitié de celles travaillant à temps partiel souhaiterait travailler davantage. Par ailleurs, le taux d'activité des mères de famille monoparentale dépend fortement du nombre et de l'âge des enfants. La présence d'enfants de moins de trois ans réduit la probabilité d'occuper un emploi, surtout lorsque les femmes sont plus jeunes et peu qualifiées. Ceci nous renvoie aussi à la question des modes de garde et à leur coût. Les mères de famille monoparentale renoncent ainsi plus souvent à leur activité en présence de jeunes enfants, et celles qui ont un emploi ont plus souvent recours à une combinaison de modes de garde formels et informels. Pour ce qui est des sources de revenu initial, un tiers des mères isolées reçoivent des pensions alimentaires ; 78 % déclarent des revenus d'activité professionnelle, lesquels représentent 83 % du revenu initial des familles monoparentales. Les mères isolées actives qui ont un enfant de moins de trois ans à charge ont des revenus d'activité plus faibles. 8 % des mères isolées n'ont aucune ressource initiale - c'est le cas de près d'un quart de celles qui ont un enfant de moins de trois ans. Avant transferts, 42 % des mères isolées vivent sous le seuil de pauvreté, contre 18 % des couples avec enfants. En revanche, le niveau de vie des familles monoparentales augmente de 20 % grâce aux minima sociaux, alors que celui des couples avec enfants n'augmente que de 1 %. Cette situation s'explique par l'existence d'allocations spécifiques, un barème d'impôt sur le revenu plus favorable, et l'existence de conditions de ressources pour nombre de prestations. Parmi les familles monoparentales, celles dans lesquelles les enfants sont en bas âge bénéficient de transferts plus importants que les autres. Après transferts, le taux de pauvreté est ramené à 14 %. Fin 2003, 480 000 parents isolés étaient allocataires de minima sociaux - 188 000 au titre de l'allocation de parent isolé (API) et 290 000 au titre du revenu minimum d'insertion (RMI). Plus du quart des allocataires du RMI étaient des parents isolés. Entre 30 et 40 % des parents isolés allocataires de l'API passent au RMI deux ans plus tard, et 60 % des parents isolés allocataires du RMI le sont encore deux ans plus tard. 80 % des bénéficiaires ou anciens bénéficiaires de l'API « longue » (versée jusqu'aux 3 ans de l'enfant le plus jeune) qui ne recherchent pas d'emploi invoquent une indisponibilité pour raisons familiales. M. Francis Vennat s'est attaché à décrire l'évolution de la situation de l'emploi des femmes. Selon le dispositif de suivi des flux de main-d'œuvre, plus de 1,5 million de salariés sont embauchés chaque trimestre dans les établissements de dix salariés ou plus du secteur privé mais les sorties sont d'un niveau équivalent. Ces flux d'entrées et de sorties sont traditionnellement liés à la conjoncture, mais leur niveau est cependant resté élevé après le retournement de conjoncture en 2001-2002. La conjoncture oriente également la qualité de l'emploi. Ainsi, entre 1998 et 2001, la part des CDD dans les embauches a baissé dans chacun des trois grands secteurs - industrie, construction et tertiaire. Elle s'est stabilisée dans la construction et l'industrie avec la reprise du chômage courant 2001, mais elle continue d'augmenter globalement sous l'effet de sa progression dans le tertiaire. En vingt ans, les formes particulières d'emploi - apprentissage, intérim, stages et contrats aidés, CDD - ont doublé, passant de 6 % de l'emploi total en 1982 à 12 % en 2005. Les jeunes sont les plus touchés, et parmi eux, aussi bien les hommes que les femmes car ils ont en commun le manque d'expérience professionnelle. En revanche, les différences se précisent après 25 ans, les femmes étant alors plus exposées aux formes particulières d'emploi, et notamment au CDD. Depuis 1975, la mobilité professionnelle des salariés - changement d'employeur ou alternance emploi-chômage - s'est accrue. Signe d'une insécurité professionnelle croissante, la proportion des personnes qui sont restées trois années de suite dans des situations alternées de chômage ou d'emploi précaire a sensiblement augmenté. Par ailleurs, alors que le taux d'activité des hommes a chuté entre 1975 et 2004, passant de 82 % à 75 %, celui des femmes est passé de 51 % à 64 % environ. Ce sont les femmes qui ont surtout bénéficié des créations d'emploi. Entre 1982 et 2002, l'emploi des femmes a augmenté de 25 %, alors que celui des hommes n'a augmenté que de 1 %. La part des femmes dans l'emploi est passée de 40 % en 1982 à 46 % en 2004. Si le taux de chômage des femmes reste plus élevé que celui des hommes, l'écart a diminué. Plus diplômées que leurs aînées, les femmes sont aujourd'hui plus présentes dans l'emploi qualifié. Alors qu'en 1982, un cadre sur quatre était une femme, la proportion est d'un sur trois aujourd'hui. La féminisation de l'emploi est surtout sensible au sein de l'emploi non qualifié Mme Monique Meron a souhaité approfondir la question du travail des femmes. Les femmes n'ont pas les mêmes emplois que les hommes - 80 % des temps partiels sont occupés par des femmes, 80 % des bas salaires sont perçus par des femmes -, elles sont souvent contraintes de travailler à temps partiel - 30 % des femmes employées à temps partiel souhaitent travailler davantage -, elles sont plus souvent au chômage que les hommes et elles occupent l'essentiel des emplois non qualifiés. Les différences entre les hommes et les femmes sur le marché du travail restent très importantes, se réduisent très peu, et les prévisions à l'horizon 2015 ne sont pas optimistes. Les métiers des femmes sont, dans les nomenclatures, plus flous que ceux des hommes, moins négociés, leurs compétences sont moins claires, et s'agissant des emplois non qualifiés, leurs perspectives d'évolution de carrières sont plus réduites. Un homme qui occupe un emploi non qualifié a plus de chances qu'une femme d'évoluer vers un emploi qualifié, les hommes étant plutôt ouvriers alors que les femmes sont souvent dans les services. Par ailleurs, si les statistiques mettent en évidence l'augmentation forte de l'emploi des femmes, il s'agit de l'emploi au sens du BIT, (au moins une heure de travail par semaine). En équivalent temps plein, le diagnostic serait plus nuancé. Mme Danielle Bousquet a rappelé que telle était la situation des femmes employées dans les cantines des écoles. Mme Monique Meron a ajouté que ces emplois de quelques heures par semaine étaient de plus en plus déclarés, et partant, comptés comme emplois. Ils auraient de surcroît tendance à se développer, du fait de la place grandissante des métiers d'aide à la personne. Si de plus en plus de femmes occupent des emplois qualifiés, les emplois non qualifiés sont également de plus en plus féminins, car les emplois d'ouvriers non qualifiés diminuent, alors que ceux d'employés non qualifiés augmentent. Il s'ensuit une polarisation particulièrement importante des emplois féminins et qui risque de s'accroître dans les années à venir. Depuis que le travail de nuit et du soir est ouvert aux femmes, il augmente surtout chez les femmes, en particulier dans les services. Plus d'un million de salariés, dont 85 % de femmes, ont plusieurs employeurs. La situation des femmes doit être envisagée dans son ensemble et non seulement au regard de l'emploi, car la très grande précarité dans laquelle elles peuvent se retrouver résulte souvent d'une série d'événements - perte d'emploi, rupture familiale, perte du logement etc. -, d'où la nécessité d'une approche pluridisciplinaire (historique, économique, sociologique, juridique) pour mieux comprendre et appréhender leurs difficultés. Il s'avère ainsi que si le salaire des femmes est souvent considéré comme un salaire d'appoint, c'est au contraire ce revenu qui sert d'abord aux dépenses essentielles quotidiennes de la famille. Mme Monique Meron en a déduit qu'il était important de faire une place aux femmes pour un vrai emploi et un vrai revenu car il serait dangereux de laisser se développer les emplois dits « en miettes ». Une étude a par ailleurs révélé que les 35 heures avaient dégradé les conditions d'emploi de femmes aux horaires atypiques, notamment lorsque les employeurs ne respectaient pas la prévisibilité des horaires. Mme Danielle Bousquet a rappelé que la loi le leur prescrivait pourtant expressément. Les politiques familiales, a souligné Mme Monique Meron, peuvent aller à l'encontre de la sécurisation des femmes sur le marché du travail. Les congés parentaux sont ainsi très majoritairement pris par les femmes, souvent peu qualifiées, ce qui ne facilite pas leur retour à l'emploi, faute d'encadrement. Le législateur devrait intervenir pour accompagner le retour à l'emploi et la possibilité de passer de temps partiel à temps plein. Mme Martine Carrillon-Couvreur a approuvé cette idée. M. Patrick Delnatte a suggéré de raccourcir le congé parental et de mieux le rémunérer. Mme Monique Meron a également préconisé de se pencher davantage sur la question de la garde des enfants, et pas seulement des moins de trois ans. Parce qu'il est par ailleurs avéré que les femmes étaient sous-représentées dans les élections professionnelles, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a espéré que sa proposition de loi constitutionnelle visant à favoriser l'accès des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales serait prise en compte par le prochain président de la République. Mme Monique Meron a insisté aussi sur la nécessité d'un changement des mentalités en matière d'orientation scolaire. M. Francis Vennat a déploré par ailleurs la pauvreté d'encadrement et de perspective des emplois de service - absence de conventions collectives, d'évolution de carrière, de reconnaissance professionnelle - dont il est de surcroît difficile de sortir. Mme Martine Carrillon-Couvreur a ajouté que l'imprévisibilité des horaires d'une semaine sur l'autre ne permettait pas à de nombreuses femmes de concilier vie professionnelle et vie familiale. Estimant que le développement des services à la personne était inéluctable, M. Patrick Delnatte a souhaité que l'on travaille davantage à leur encadrement et à leur professionnalisation. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a considéré qu'il s'agissait même d'une urgence. M. Francis Vennat a par ailleurs signalé que, si le Comité d'orientation de l'emploi travaillait sur la question de la sécurisation des parcours professionnels, il n'avait pas abordé en tant que tel le cas particulier des femmes. Mme Danielle Bousquet a dénoncé les nouveaux « emplois Borloo », qui lient directement l'employeur au salarié, celui-ci étant rémunéré par chèques emploi service, et qui sont de nature à précariser encore la situation des femmes, obligées de multiplier les employeurs pour recevoir un salaire décent, contrairement à celles, embauchées par le biais d'associations, qui parvenaient jusqu'ici à un temps plein en travaillant pour un nombre relativement réduit d'employeurs. M. Patrick Delnatte a tenu à relativiser ce propos en signalant que de nombreuses entreprises privées allaient s'engager dans cette direction dans le cadre de cette nouvelle législation et que les associations n'étaient pas les seules capables d'assurer la professionnalisation et la sécurisation de ces services. À la question de Mme Martine Carillon-Couvreur sur la situation de pauvreté de certains employés du secteur public, parfois contraints de travailler en parallèle pour compléter leur salaire, Mme Monique Meron a répondu que ces situations nouvelles commençaient seulement à faire l'objet d'études, et M. Francis Vennat a ajouté que la croissance des emplois précaires dans la fonction publique concernait essentiellement la fonction publique territoriale. Mme Danielle Bousquet a observé que les femmes en situation très précaire étaient prêtes à accepter des emplois de deux ou trois heures par jour, souvent à l'heure du déjeuner, ce qui bloque toute la journée et empêche de travailler ailleurs, surtout en province où il faut obligatoirement un véhicule pour se déplacer. Mme Monique Meron a insisté à nouveau sur la nécessité d'une approche pluridisciplinaire de la situation de ces femmes, confrontées de surcroît au problème de garde de leurs enfants. Pourquoi l'école (et le collège) ne pourrait-elle s'organiser pour les garder mieux et plus longtemps en dehors des cours, notamment en fin de journée ? Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a approuvé cette proposition, puis a remercié les personnes invitées pour la richesse de leurs interventions. Audition de Mme Gabrielle Simon, secrétaire générale de la Confédération française Réunion du mardi 13 juin 2006 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mme Gabrielle Simon. En préambule, Mme Gabrielle Simon a remis à la Délégation une brochure élaborée par la CFTC intitulée « Le statut du travailleur », en indiquant qu'il s'agit en fait de propositions englobant toute la vie du travailleur. La première partie est consacrée à la sécurisation du parcours de vie, dès l'entrée du jeune dans la vie active, avec un certain nombre de propositions relatives à l'orientation professionnelle, à la formation, en particulier avec l'idée d'un chèque formation inversement proportionnel à la durée d'études, qui a été reprise par Mme Martine Aubry lors d'une émission télévisée. Des propositions sont également destinées à éviter à tout prix les licenciements mais aussi à prévoir, lorsqu'ils interviennent, un accompagnement personnalisé destiné à aider à retrouver le plus rapidement possible un emploi. Des dispositions spécifiques sont enfin prévues pour les bassins d'emploi sinistrés où le taux de chômage est supérieur à la moyenne. Une autre partie est consacrée au développement de la participation aux prises de décisions dans l'entreprise, par l'intermédiaire des comités d'établissement et grâce à une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Il y est aussi question de l'intéressement. La dernière partie porte sur la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, indispensable au bien-être des salariés donc au bon fonctionnement de la société. En présentant ce statut, la CFTC est partie d'exemples concrets, avant de se livrer à une analyse conceptuelle, de dresser un état des lieux et de faire des propositions. Ce document n'est pas exhaustif mais appelé à évoluer. Ainsi, les propositions peuvent être adaptées à des situations spécifiques. Un certain nombre d'entre elles ont été reprises lors de la négociation de la convention de reclassement personnalisé afin d'aller vers l'accompagnement et le maintien de la rémunération pour offrir aux travailleurs une certaine sécurité qui leur permette de se projeter dans l'avenir. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité connaître la position de la CFTC sur l'article 14 de la loi sur l'égalité salariale, qui permettait à des personnes travaillant à temps partiel d'exercer des missions d'intérim. Cette disposition, qui vient d'être censurée par le Conseil Constitutionnel pour des raisons de procédure, est reprise à l'article 24 du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié. Mme Gabrielle Simon a répondu que la CFTC avait rencontré le Premier ministre à ce propos. S'il était déjà possible de procéder de la sorte, l'inscrire dans la loi installait en fait davantage encore les femmes à temps partiel dans la précarité, sans les aider en quoi que ce soit à en sortir. Il s'agit donc d'un vrai sujet qui doit faire l'objet d'une réflexion en profondeur et d'une négociation. Pour sa part, en particulier dans le cadre de l'accord UNEDIC, la CFTC a constaté qu'il était très difficile de distinguer temps partiel choisi et temps partiel subi, mais qu'on pouvait partir du postulat que ceux qui l'ont choisi n'ont pas envie de changer, à la différence de ceux qui y ont été contraints. Il convient donc de leur proposer davantage de formations de reconversion, sous la forme de droits et de congés individuels, afin qu'ils puissent postuler à des emplois à temps plein. La CFTC s'est déjà émue de la possible reprise de cette disposition dans l'article 24 de la loi sur la participation et a publié un communiqué de presse à ce propos. La CFTC est prête à travailler, à faire des propositions, à participer à des négociations, en particulier pour améliorer l'accompagnement des femmes à temps partiel qui souhaitent changer et l'on rejoint d'ailleurs là le thème initial de cette audition sur les femmes et la précarité. Tout le monde est opposé à la précarité, tout le monde se rend compte des abus du recours au temps partiel à des fins de flexibilité. À l'origine, la CFTC était favorable au temps partiel car il peut permettre de concilier les temps de vie, mais il s'est développé comme un outil de flexibilité pour les entreprises. D'ailleurs ces dernières n'embauchent pas quelqu'un qui a déjà un emploi à temps partiel car ce qu'elles recherchent, c'est de pouvoir utiliser cette personne au moment qui leur convient le mieux. Le MEDEF prône le développement du temps partiel pour pouvoir bénéficier de cette flexibilité. Mais, si l'on peut concevoir que les entreprises en aient besoin, cela ne doit pas se traduire par de la pauvreté et de la précarité pour les salariés. Mme Martine Carrillon-Couvreur a observé que l'on a beaucoup accru la flexibilité ces dernières années et que c'est plutôt de sécurité que les salariés ont besoin aujourd'hui. Mme Gabrielle Simon a répondu que si la CFTC a pris acte de la demande du MEDEF, pour sa part elle prône la sécurisation des parcours en amont : c'est tout l'objet du statut de travailleur. Une fois cela acquis, une fois que la personne aura vu sa rémunération maintenue, qu'elle bénéficiera d'un bilan de compétences et de la validation de son expérience, elle aura les moyens de rebondir, de se reconvertir, de prendre sa vie en main et l'on pourra discuter du reste. C'est dans ce cadre que la CFTC propose que toutes les entreprises ne paient pas les mêmes cotisations salariales. En effet, alors que certaines, quand bien même elles ignorent ce que sera leur avenir, font des efforts pour employer des salariés en CDI, d'autres usent et même abusent de tous les dispositifs possibles - contrats précaires, CDD, temps partiel - et demandent à la collectivité de prendre en charge tout le côté social. Elles savent très bien qu'elles ont à faire à des personnes dociles, très souvent des femmes, qui n'ont pas d'autre emploi et qui acceptent tous les changements d'horaires, ce qui se répercute sur leur vie familiale et sur la société tout entière. Dans la mesure où cela empêche aussi les femmes de prendre un autre emploi, cela crée des travailleuses pauvres. C'est pour cela que la CFTC considère que les entreprises qui utilisent la flexibilité doivent la financer en supportant des cotisations plus importantes, modulées en fonction de la précarité. Ainsi, le service public de l'emploi disposerait de davantage de ressources pour accompagner ces personnes, en particulier en leur permettant de suivre des formations de reconversion afin de postuler à des emplois à durée indéterminée. Il n'est pas possible de rester dans le rapport de forces qui fait que les femmes, qui ont souvent la charge d'une famille monoparentale et même des ascendants, subissent cette flexibilité qui prive leurs enfants d'un simple cadre horaire. Cela a des répercussions sur leurs études et même sur leur comportement à l'adolescence : comment veut-on qu'un enfant soit stable quand il a été élevé de façon instable, parce que sa mère ne pouvait pas faire autrement ? C'est pour cela que quand on envisage de retirer les allocations familiales aux parents qui n'ont pas « su » élever leurs enfants, outre qu'il n'est jamais facile d'élever un enfant, il ne faut pas oublier que la situation est encore bien pire quand on n'a pas de quoi subvenir aux besoins de sa famille, quand on a un contrat précaire, quand on se demande de quoi demain sera fait, quand on est soumis à des horaires flexibles. Les enfants, qui sont malins, jouent de cela en culpabilisant les parents, ce qui revient à les priver d'une partie de leur pouvoir. Au total, la pauvreté et la précarité ont donc des effets non seulement sur les familles elles-mêmes, mais elles concourent aussi à préparer les générations futures de façon tout à fait explosive, parce qu'elles ne connaissent aucun cadre. La CFTC est donc en colère contre le fait que l'on se serve d'une loi à la préparation de laquelle elle a participé, en ayant le sentiment d'être écoutée, pour introduire en catimini une disposition aussi dommageable. C'est toute l'image de ce qui aurait pu être une bonne loi qui s'en trouve altérée. Mais au stade où en est aujourd'hui ce texte, les syndicats ont un certain sentiment d'impuissance et il faut que les parlementaires se mobilisent pour faire à nouveau échec à cette disposition. Elle ne ferait qu'alimenter une situation explosive. Aujourd'hui, il faut véritablement cesser d'installer les gens dans la précarité. S'agissant donc plus précisément de la précarité, objet initial de cette audition, elle a d'abord souhaité dresser un constat. Elle a insisté sur le fait que les femmes jeunes, surtout étrangères et sans diplôme, cumulent les handicaps au regard de l'emploi. Ce sont elles qui sont majoritairement victimes du sous-emploi et d'un temps partiel subi souvent inférieur à 20 heures par semaine. Les étrangères sont 7,6 % à être sous-employées, contre 4,7 % des Françaises. On voit bien les effets que cela produit dans les banlieues. Qui plus est, 30 % des emplois occupés par les femmes - contre 19 % pour les hommes - sont des emplois peu qualifiés. Sur les 5 millions de salariés peu qualifiés, 61 % sont des femmes. Les femmes sont employées plus fréquemment en contrat précaire, sous forme de CDD, dont 65 % concernent des femmes, de contrats saisonniers, de contrats aidés. Dans les très petites entreprises, 4 salariées sur 10 sont en CDD ou en contrat aidé et 4 salariées sur 10 sont à temps partiel. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé qu'on entendait dire qu'un emploi, même à 20 heures, était quand même un emploi. Mme Gabrielle Simon a répondu que tel était effectivement le cas et que l'on pouvait se dire que, pour des gens totalement exclus de l'emploi, faire 20 heures signifiait s'inscrire dans emploi et ainsi tisser des liens sociaux. Mais il faudrait aussi que ceux qui sont en temps partiel ou en contrat précaire et qui le souhaitent puissent bénéficier d'un accompagnement de l'UNEDIC ou au moins de l'ANPE, qui leur permettrait de suivre des formations de reconversion et de postuler à un autre emploi. Il conviendrait également de mettre en place, au sein des bassins d'emploi, des observatoires de l'emploi afin d'aller vers une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Mme Martine Carrillon-Couvreur a souligné qu'à l'origine le temps partiel avait été conçu pour permettre à une personne d'accéder à l'emploi et qu'en particulier les femmes y avaient vu une voie d'insertion professionnelle. Mais on touche aujourd'hui, avec le temps partiel subi, les limites de ce dispositif et il faut en effet chercher les moyens de permettre aux femmes de sortir de ces emplois. La Délégation devrait aussi faire des propositions en la matière. Mme Gabrielle Simon a répondu qu'il fallait surtout leur mettre le pied à l'étrier et leur permettre de postuler à des emplois à temps plein. Il faut aussi être conscient que dans la course aux statistiques, l'important est que quelqu'un qui a un emploi, quelles qu'en soient les conditions, n'est plus considéré comme un demandeur d'emploi. On se satisfait donc d'une gestion à très court terme sans voir que l'on fabrique ainsi une bombe à retardement à moyen terme. Les femmes constituent 46 % de la population active et elles sont très bien représentées dans 10 familles de métiers sur 84, essentiellement dans le tertiaire, où l'on trouve 91 % des salariés à temps partiel. C'est en particulier le cas dans la distribution, où le temps partiel est un moyen de gestion du personnel. Les entreprises qui en abusent de la sorte n'assument pas leur responsabilité sociale et font supporter la société ce qui devrait leur incomber. Parmi les femmes à temps partiel 46 % souhaiteraient travailler plus. Les femmes sont majoritairement présentes dans les branches les plus touchées par la flexibilité des horaires et la précarisation des contrats de travail. Ce qui est grave, c'est que la proportion des salariées à temps partiel augmente car les nouveaux emplois créés sont majoritairement de ce type. C'est pour cela qu'on ne peut pas accepter que l'on institutionnalise la précarité en permettant à ces femmes de faire en plus d'intérim. 32 % des salariés travaillent à temps partiel faute d'avoir trouvé un emploi à temps complet. Et si 11 % seulement des salariés à temps partiel recherchent un autre emploi, il faut y voir surtout les effets de leur découragement. A l'opposé, 3 % des salariés actifs, souvent des cadres, sont en situation de suremploi et souhaitent réduire leur temps de travail. Mme Martine Carrillon-Couvreur a observé que dans les postes à responsabilités, en effet, les gens se fatiguent et aspirent à plus de temps libre. Mme Gabrielle Simon a souligné que, pour ces personnes, les 35 heures sont complètement illusoires. S'agissant des horaires et des conditions de travail, il faut savoir que l'aménagement du temps de travail des salariés à temps partiel est plus contraignant qu'à temps complet, avec des horaires plus irréguliers et un travail plus fréquent le samedi et le dimanche, ce qui pose d'importantes difficultés aux familles monoparentales. Ainsi, 40 % des employés non qualifiés ne disposent pas de deux jours de repos consécutifs. Le sentiment d'insécurité dans les transports en commun à certaines heures peut dissuader les femmes d'accepter des emplois, d'autant que le prix des logements éloigne de plus en plus les personnes de leur lieu de travail. Les femmes sont massivement présentes dans les travaux où l'amplitude de travail journalière est la plus importante et où les conditions de travail sont les plus dures. Qui plus est, qui dit temps partiel dit faible rémunération. Près de 80 % des salariés à bas salaire sont des femmes et près de 60 % des femmes à bas salaire sont des mères de famille. Une femme sur quatre touche un bas salaire ; 50 % des salariés à temps partiel ont une rémunération nette inférieure à 750 euros et 25 % inférieure à 480 euros. Que peut-on faire avec un tel salaire ? La persistance des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes s'explique par un marché du travail compartimenté - 60 % des emplois féminins se concentrent sur seulement 6 groupes socioprofessionnels -, un profil de carrière des femmes plus discontinu, en raison de la nécessité de concilier vie familiale et vie professionnelle, mais aussi de fortes réticences des employeurs pour recruter des femmes à des postes à responsabilité. Des études ont montré que lorsque les emplois sont occupés à plus de 70 % par des femmes, les salaires ont tendance à baisser. Inversement, lorsque des hommes arrivent dans une filière typiquement féminine, comme celles des sages-femmes ou des pédicures, les salaires augmentent. Aujourd'hui, plus de 22 % des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage - 24,1 % des femmes contre 21 % des hommes. Le chômage frappe 41 % des jeunes filles des quartiers défavorisés. Bien évidemment, les femmes à temps partiel, qui sont considérées comme ayant un emploi, n'apparaissent pas dans ces statistiques. À l'âge de la retraite, selon l'OCDE, une femme de 64 à 75 ans a six fois plus de probabilités d'être pauvre si elle vit seule que si elle vit en couple. Le fait d'avoir eu une activité professionnelle discontinue, donc très souvent insuffisante, renforce ce phénomène. L'écart des pensions entre les hommes et les femmes atteint ainsi 44 % pour les retraites moyennes. On le voit, il est aujourd'hui nécessaire de briser le cercle vicieux de la précarisation qui fait que, plus on vient d'un milieu social défavorisé, moins on fait d'études, moins on a de chances d'occuper de bons emplois, plus on a de contrats précaires, plus on subit le temps partiel, moins on s'occupe de ses enfants, et moins ces derniers peuvent faire d'études. On retrouve ainsi la théorie de la reproduction chère à Pierre Bourdieu, dont le pessimisme est bien déprimant. La progression des emplois à bas salaires constatée depuis une vingtaine d'années est très liée au développement des emplois précaires et à temps partiel. De plus, les salaires n'ont pas augmenté aussi vite que l'inflation et que le prix des logements. Autrefois un seul salaire suffisait pour s'en sortir, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Mme Martine Carrillon-Couvreur a observé que cela valait aussi pour un certain nombre de femmes et d'hommes seuls travaillant à temps complet. Mme Gabrielle Simon a souligné que l'éloignement lié au prix du logement accroît le temps et le coût du transport des parents et prive les enfants d'activités, donc d'encadrement. Certes, le logement est moins cher, mais toutes les difficultés s'aggravent. Dans ces conditions, on peut affirmer que l'emploi n'est plus un rempart contre l'exclusion. On sait que certains salariés vivent aujourd'hui dans leur voiture : les responsables d'associations caritatives rencontrent des personnes qui ne peuvent pas se loger avec un salaire de 1300 euros par mois. Pour encadrer les contrats de travail précaires et responsabiliser les dirigeants qui y ont recours, la CFTC propose en premier lieu d'informer le salarié en contrat précaire avant la fin de son contrat que celui-ci ne va pas être renouvelé. Cela paraît la moindre des choses. Il faut également rendre les contrats précaires plus onéreux : si recourir à deux emplois précaires leur revient plus cher que d'embaucher un salarié à temps plein, on peut se dire que les entreprises feront le choix du second. Cela passe par une généralisation de la prime de précarité et par une augmentation des cotisations salariales sur les emplois précaires. Il convient aussi de faire respecter les délais de carence. Il faudrait par ailleurs que le régime d'assurance-chômage prenne en charge les contrats de moins de six mois, afin que ses salariés puissent bénéficier de l'accompagnement de l'ANPE. Les négociations qui s'ouvrent seront l'occasion, si ce n'est de remettre à plat l'UNEDIC, du moins de prévoir un certain nombre d'aménagements en ce sens, tout en empêchant le MEDEF de revenir comme il le souhaite à la dégressivité. Car l'argument selon lequel la dégressivité incite à rechercher un emploi ne vaut que quand il existe des emplois disponibles. Or chacun sait que tel n'est plus le cas aujourd'hui. L'accompagnement personnalisé par une personne référente que propose la CFTC tient compte de cette évolution : dans le contexte de la mondialisation, il faut aller vers la production de biens à forte valeur ajoutée par des salariés disposant d'une vraie compétence, donc formés pour cela. Face à la concurrence des entreprises qui embauchent des salariés chinois il faut miser sur l'innovation, sur la recherche fondamentale et appliquée. Qui plus est, c'est en développant l'information que l'on développera l'appétence pour la formation chez les salariés. La CFTC propose également que l'on facilite l'accès au logement, qui est encore plus difficile pour les gens en contrat précaire. On pourrait prévoir la cotisation des entreprises à un fonds mutualisé par l'intermédiaire du 1 % logement. Toujours dans le cadre du statut du travailleur, qui est en fait composé de droits attachés à la personne ce qui signifie que les salariés ont les mêmes droits dans les TPE que dans les grandes entreprises, il conviendrait d'instituer un chèque formation inversement proportionnel à la durée d'études, transférable d'une entreprise à l'autre ou d'un emploi à l'autre et abondé - par l'entreprise, la CAF ou les ASSEDIC selon la situation du salarié - tout au long de la vie professionnelle. Il faut aussi faciliter l'accès aux transports des personnes les moins qualifiées qui habitent loin des centres économiques et des infrastructures. On peut imaginer des aides financières pour passer le permis de conduire afin de pouvoir accepter un travail loin de chez soi. Cela paraît onéreux, mais il faut aussi tenir compte des coûts induits par le fait qu'un grand nombre de personnes conduisent aujourd'hui sans permis. Autre forme d'action de ce type : des associations prêtent des mobylettes aux personnes qui acceptent un travail loin de chez elle. Sans doute pourrait-on les soutenir davantage, mais aussi conditionner les aides octroyées aux entreprises à l'organisation de transports pour les salariés. Pour réduire le temps partiel contraint, le statut du travailleur prévoit que les heures complémentaires seraient majorées de 15 % dans la limite de 10 %, ce qui éviterait les contournements de la législation sur le temps de travail. Il faudrait aussi que tout emploi à temps plein se libérant dans une entreprise fasse l'objet d'une proposition individualisée aux salariés à temps partiel susceptibles de l'occuper. Développer les bourses d'emploi, favoriser les reclassements, miser sur la validation des acquis, développer les formations, tout ceci doit être fait, par exemple au niveau des branches professionnelles, pour éviter les licenciements. On pourrait aussi envisager l'accompagnement des salariés à temps partiel qui recherchent un emploi à temps plein par un professionnel de l'ANPE. Généraliser cette disposition favoriserait indéniablement la mobilité. Dans le cas où un salarié, ayant cumulé plusieurs emplois à temps partiel, est licencié de l'un de ces emplois, il devrait percevoir des allocations de chômage. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Gabrielle Simon pour cet échange, qui sera fort utile à la Délégation. Audition de Mme Ghyslaine Richard, membre de la commission exécutive confédérale de la Confédération générale du travail (CGT), accompagnée de Mme Pierrette Crosemarie, animatrice de l'espace syndicalisme et société, membre du Conseil économique et social Réunion du mardi 27 juin 2006 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mme Ghyslaine Richard. Elle a rappelé que cette audition s'inscrivait dans le cadre du travail que réalise cette année la Délégation sur la précarité des femmes. Cette précarité risque de s'accentuer encore si rien n'est fait rapidement car les femmes cumulent de plus en plus emploi précaire et charge de famille monoparentale, devenant ainsi des travailleuses pauvres. C'est un sujet sur lequel la CGT a beaucoup travaillé, et c'est pourquoi la Délégation a souhaité qu'elle l'aide à exercer son devoir d'alerte, mais aussi à faire des propositions pour essayer d'améliorer les choses. Mme Ghyslaine Richard a jugé inutile de revenir sur un constat largement partagé et a proposé d'insister davantage sur quelques idées et propositions concrètes destinées à améliorer la situation de ces femmes La précarité concerne tout particulièrement une population féminine concentrée dans quelques professions et quelques secteurs d'activité, notamment les services aux personnes et le commerce. Cette concentration des emplois féminins précaires marque une véritable ségrégation qu'il convient aujourd'hui de combattre, d'autant que ces secteurs sont aussi les principaux utilisateurs des contrats à durée déterminée précaires, qui concernent principalement les femmes, dans le public comme dans le privé. Si des campagnes ont été menées pendant des années sur le thème du temps partiel choisi, force est de constater qu'il est aujourd'hui essentiellement subi, en particulier dans ces filières. Il s'agit donc d'un champ d'intervention particulièrement important pour les syndicats, afin notamment que les textes existants, comme l'accord national interprofessionnel ou la loi sur l'égalité salariale, soient véritablement appliqués. La CGT a fait une série de propositions en ce sens. On peut faire de l'obligation de négocier inscrite dans la loi sur l'égalité salariale un bilan en demi-teinte : la cinquantaine d'accords déjà signés concerne essentiellement les grandes entreprises, qui cherchent ainsi à améliorer leur image, et il faudra en vérifier les effets concrets dans la durée. Plus généralement, il convient de faire de l'égalité salariale une obligation effective avant la date prévue de 2010. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que l'égalité salariale ne pouvait être effective que si les femmes avaient le même parcours professionnel que les hommes. Or, tel n'est à l'évidence pas le cas, en particulier parce que les carrières ne peuvent être identiques dès lors que les femmes sont contraintes d'opter pour le temps partiel. Les discriminations interviennent dès l'embauche et il conviendrait de faire mieux appliquer la « loi Génisson » sur l'égalité professionnelle, car on constate des progrès dans les entreprises qui ont passé des accords sur la base de ce texte. Une autre grande difficulté est de parvenir à une égalité en fin de carrière afin de ne pas plonger les femmes dans une précarité plus grande encore au moment de la retraite. Mme Ghyslaine Richard a rappelé que la CGT avait fait un certain nombre de propositions, notamment en ce qui concerne le temps partiel. La notion de sécurité sociale professionnelle a été au cœur des travaux de son dernier congrès : il s'agit d'attacher des droits à la personne, donc aux femmes, afin que le contrat de travail ne soit pas rompu en fonction des aléas de la vie professionnelle et personnelle. Ainsi, la personne resterait salariée lorsqu'elle serait en formation, au chômage, contrainte à la mobilité. Cela permettrait en particulier de prendre en compte la maternité, qui est déjà considérée comme une activité professionnelle mais qui n'en marque pas moins souvent un coup d'arrêt dans la carrière des femmes. Mme Muguette Jacquaint a souligné que le temps partiel est bien plus souvent imposé que choisi et que cela empêche l'égalité du déroulement de la carrière. C'est un sujet sur lequel le législateur devrait se pencher, d'autant que l'on peut dire que les femmes paient deux fois le temps partiel, car elles sont aussi privées de la possibilité de se former, donc de sortir de ce type d'emploi. Mme Ghyslaine Richard a rappelé que la CGT souhaitait qu'il soit bien plus facile de revenir au temps plein, alors que les entreprises y sont souvent réticentes, souhaitant profiter d'un personnel qui leur revient moins cher et qui est plus flexible. C'est un véritable combat pour les organisations syndicales. La CGT propose que le temps partiel ne soit pas rémunéré prorata temporis, mais tienne compte des caractéristiques de l'emploi, avec un système de bonification comme il en existe déjà dans certains accords d'entreprise, en particulier dans les secteurs de l'assurance, de l'hôtellerie et de la fonction publique. Dans l'immédiat, l'application de la jurisprudence communautaire du 27 mai 2004 aux salariés à temps partiel permettrait de neutraliser la période de carence et d'appliquer une majoration de 25 % pour heure complémentaire dès la première heure et de 50 % à partir de la huitième heure. Cela inciterait probablement à modifier les contrats. Sans doute conviendrait-il aussi de limiter le nombre des salariés à temps partiel à un certain pourcentage des effectifs d'une branche d'activité : on peut comprendre que le commerce ait recours à un certain nombre de contrats à temps partiel, mais il est anormal qu'ils représentent près de 90 % des emplois. On pourrait également prévoir une pénalisation financière des entreprises qui abusent du temps partiel, notamment celles qui développent des contrats atypiques - par exemple trois heures le matin et deux 2 heures l'après-midi - incompatibles avec les contraintes familiales. Les salariées à temps partiel subissent par ailleurs des inégalités de traitement dans l'accès à la formation et la promotion. Il faut chercher les moyens de lutter contre ces discriminations indirectes. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité savoir comment s'exerçaient concrètement ces discriminations. Mme Pierrette Crosemarie a répondu qu'elles étaient souvent masquées : il suffit d'organiser les formations le mercredi, comme cela se fait beaucoup dans la fonction publique, ou le soir, comme on le voit dans le secteur bancaire, pour dissuader les salariées à temps partiel d'y participer. C'est pour cela que la CGT appelle à une action collective en faveur d'une égalité effective. Il existe dans le droit communautaire des outils permettant de montrer l'existence de discriminations spécifiques à l'égard des femmes, mais ils ne sont pas suffisamment utilisés. Il faut aussi davantage faire connaître les bonnes pratiques. Dans un certain nombre de cas, la comparaison des carrières des hommes et femmes montre qu'il y a bien eu discrimination. Dans le cadre de l'accord interprofessionnel, certaines grandes entreprises se sont engagées dans des mesures de rattrapage, mais les femmes travaillent souvent dans des PME ou des TPE, où les organisations collectives éprouvent de grandes difficultés à rencontrer les salariées. Aujourd'hui, outre l'avantage de la flexibilité, il est plus intéressant financièrement pour une entreprise d'employer deux personnes à temps partiel qu'une seule à temps plein. C'est pourquoi la CGT considère qu'il ne faut absolument pas aider le temps partiel quand il est ainsi détourné de sa finalité initiale. Bien sûr, on peut favoriser le temps partiel réellement choisi, mais quand on interroge les femmes, on constate qu'elles sont nombreuses à vouloir travailler autrement. Mme Ghyslaine Richard a rappelé qu'il s'agit de métiers où les salariées sont particulièrement fragiles, et que leur précarité conduit très souvent à la pauvreté. La CGT demande qu'au moins 10 % du temps de travail soit consacré à une formation rémunérée car organiser les formations en dehors du temps de travail est une façon d'écarter les femmes. Il faut s'inspirer des mesures concrètes qui figurent dans certains accords, avec des formations adaptées, des lieux accessibles, une durée modulable, un développement de l'apprentissage par Internet, une prise en charge du coût de la garde des enfants. Bien évidemment, les bas salaires aggravent la précarité, or, 80 % des smicards sont des femmes. La CGT propose donc une application stricte et immédiate - dès aujourd'hui et non en 2010 - des sanctions prévues par la loi du 23 mars 2006 en cas de non-ouverture de négociations sur les écarts de salaires. Sans doute conviendrait-il également d'aider les entreprises - en particulier les plus petites où travaillent les femmes qui subissent le plus la précarité - à réaliser le diagnostic sur les écarts salariaux car il s'agit d'un exercice assez complexe. Il faut aussi réfléchir à des mesures qui concernent plus l'organisation de la société que la vie en entreprise, comme le partage du temps de travail et l'accueil des enfants après le congé de maternité, qui est souvent un frein au travail à temps complet des femmes. Sans doute faudrait-il revoir l'allocation de libre choix d'activité qui permet aux femmes, à partir du deuxième enfant, de se retirer de l'activité professionnelle pendant trois ans, une étude récente montrant que les femmes se trouvent très souvent en situation d'inactivité à l'issue de cette période. Pour limiter les risques d'exclusion du marché du travail, on pourrait envisager de fractionner cette allocation et d'inciter le père et la mère à la partager. La précarité frappe aussi tout particulièrement les femmes retraitées qui, pour beaucoup, ont eu une carrière incomplète et qui, subissant aussi les effets des lois Balladur et Fillon, ne perçoivent qu'une pension bien faible. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que la situation était véritablement dramatique pour les femmes ayant travaillé à temps partiel, qui vont se retrouver avec un revenu bien moindre que le minimum vieillesse. Mme Ghyslaine Richard a rappelé qu'il était tout de même plus facile de trouver dix bonnes années sur l'ensemble d'une carrière que vingt-cinq, comme la loi l'exige désormais. D'ores et déjà, de nombreuses femmes sont en dessous du seuil de pauvreté au moment de la retraite et les choses ne vont vraiment pas s'arranger à l'avenir. La CGT considère qu'il faut donc modifier les textes en question. Améliorer la carrière des femmes suppose aussi de lutter contre les représentations culturelles et les stéréotypes de genre. Considérer que les femmes font usage de leurs qualités naturelles dans les métiers d'aide à la personne dispense de reconnaître leur qualification et de leur accorder le salaire qu'elles méritent. Pourtant la valorisation de ces métiers, appelés à se développer fortement, suppose aussi une qualification et des salaires à la hauteur. Mme Muguette Jacquaint a rappelé que le drame de la canicule a montré la nécessité d'un personnel bien formé. Si l'on en tient compte désormais dans les structures d'accueil, c'est bien moins le cas lorsque ces métiers sont exercés à domicile. Il s'agit pourtant d'une activité éprouvante, exigeant une vraie qualification et un effort qui doit être rémunéré en conséquence. On ne peut pas parler de « qualités naturelles » pour un métier aussi difficile ! On a longtemps utilisé aussi cette expression à propos de l'accueil des jeunes enfants, oubliant tout le travail d'éducation indispensable à l'épanouissement de l'enfant : on ne s'occupe pas des enfants comme on pousse un chariot dans un supermarché ! On a développé toute une gamme de formations en la matière, en particulier avec le CAP petite enfance ; il faut faire de même pour l'aide aux personnes. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite particulièrement préoccupée par les conditions d'exercice de ces nouveaux emplois de service à la personne : on n'y accomplit pratiquement jamais 35 heures, c'est un emploi sans vraiment en être un, et c'est une nouvelle forme de précarité qui est ainsi en train de s'installer. S'il convient bien sûr de développer la formation, il ne faut pas oublier qu'elle relève désormais des régions, qui doivent assumer de plus en plus de charges financières. Mme Danielle Bousquet a rappelé que les diplômes et les qualifications sont toutefois définis de manière nationale et que les régions, confrontées à la nécessité d'encadrer une population vieillissante, ont besoin de cette main-d'œuvre. Elles ont donc intérêt à se préparer avant de se trouver avec des milliers de personnes âgées dépendantes sans personnel qualifié pour s'en occuper. Car l'aide aux personnes, c'est bien autre chose que de leur préparer la cuisine, cela exige une véritable qualification. En Bretagne, le conseil régional a pris cette question à bras-le-corps. Une des difficultés tient au fait que les personnes âgées ont connu l'époque où les plus anciens étaient accueillis à la maison et où les femmes de la famille s'en occupaient et qu'elles ont du mal à accepter de devoir payer cher pour ce service et pour la formation de celles qui le rendent. Mme Ghyslaine Richard a souligné qu'il s'agit d'une question culturelle, mais aussi d'une question de moyens. Beaucoup de personnes âgées ne sont pas opposées à l'idée de payer pour qu'on les aide dans les actes de leur vie quotidienne, mais comment le pourraient-elles quand elles n'ont que le minimum pour vivre ? Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Ghyslaine Richard et Mme Pierrette Crosemarie d'avoir participé à cette audition. Audition de M. Louis Chauvel, sociologue, Réunion du mardi 27 juin 2006 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Louis Chauvel, sociologue, professeur à l'Institut d'Études Politiques de Paris, qui a fait paraître un article dans Le Monde, le 3 mai dernier, intitulé « Classes moyennes, le grand retournement ». J'ai été particulièrement intéressée par cet article ainsi que par le livre récent de Thierry Desjardins sur l'état de la société française, livre qui reprend certaines de vos propositions. Pourquoi la génération des 30-35 ans est-elle victime d'une « panne prolongée de l'ascenseur social » ? C'est une question préoccupante à laquelle le législateur devra répondre. Quelles sont vos analyses sur la précarisation, la paupérisation des classes moyennes, et en particulier de la jeunesse et des femmes ? M. Louis Chauvel : L'article du Monde auquel vous faites référence s'appuie notamment sur l'un de mes ouvrages, Le destin des générations, structure sociale et cohortes en France au XXe siècle. Je suis un sociologue plutôt quantitativiste, c'est-à-dire que je pars avant tout de résultats chiffrés avant d'émettre des interprétations. Je travaille moins sur les représentations, les attitudes, les opinions, les identités que sur les supports d'identité que sont les statuts sociaux les plus concrets comme le niveau de vie, le nombre de pièces dans un logement, le nombre d'individus par pièce dans le logement, les dépenses, les revenus, les diplômes. Il faut en effet étudier les réalités avant de déterminer si les représentations de ces réalités sont en continuité avec la réalité ou en totale contradiction. Bien que n'étant pas un sociologue du « genre » comme Margaret Maruani, Jacqueline Laufer, ou Jacqueline Heinen, j'ai consacré un article à cette question, dans la revue de l'OFCE de juillet 2004 : « Vers l'égalité des genres, les tendances générationnelles sont-elles réversibles ? » J'ai par ailleurs écrit, dans la revue Éducation et sociétés, « L'école et la déstabilisation des classes moyennes. » La société française est marquée, sur le long terme, par le progrès social mais aussi par un paradoxe. Depuis 1982, le taux de pauvreté relatif n'a pas évolué - environ 12 % -, contrairement à ce que l'on pourrait croire en parcourant les rues de Paris, ou en empruntant le métro. Cependant, au début des années 1980, les pauvres étaient essentiellement des personnes de plus de 70 ans, nées avant 1920, trop tôt pour bénéficier vraiment de la société salariale, de l'expansion de l'État-providence et de la montée en puissance des systèmes de solidarité publique. De manière générale, la génération d'avant 1920 a eu quelques difficultés à intégrer cette société salariale stabilisée. Aujourd'hui au contraire, la majorité des pauvres ont moins de 35 ans - plus précisément moins de 30 ans en 1995, moins de 40 ans en 2005. Cette dynamique ne traduit pas des effets d'âge qui voudraient qu'à certains âges correspondent certains statuts sociaux, mais plutôt des remplacements de générations. Alors que naguère, les pauvres, nés avant 1915-1920, étaient destinés à disparaître du fait du remplacement générationnel, les jeunes pauvres d'aujourd'hui sont pleins d'avenir dans la pauvreté. Les générations nées après 1955-1960 sont marquées par un nouveau système social, fort différent de celui des générations entrées dans le monde du travail entre 1945-1950 et 1975, à savoir le plein-emploi. Alors que les générations entrées dans le monde du travail en 1973 avaient un taux de chômage dans les deux ans suivant la fin des études de 6 % pour les hommes et de 10 % pour les femmes, ces taux sont en 1984-1985 passés respectivement à 33 % pour les hommes et à plus de 40 % pour les femmes. Entre les générations nées autour de 1953 - les toutes dernières à passer entre les gouttes - et celles qui, nées à partir de 1960, sont entrées dans le monde du travail au début des années 1980, les conditions de socialisation, d'intégration dans la vie adulte, ont profondément changé. Alors que la société salariale avait pu intégrer, grâce au plein-emploi, une part massive de la population française, il n'en va plus de même à partir de 1975. Les gouvernements ne sont pas en cause. Tous, au contraire, ont été marqués par ces difficultés, beaucoup plus civilisationnelles que politiques. Quelles sont les séquelles de ces entrées variées dans le monde du travail ? En 1977, le décalage entre le salaire à trente ans et le salaire à cinquante ans était de 15 %. À partir de la fin des années 1990, il passe à 40 %. Les conditions de vie des trentenaires en ont été bouleversées, ne serait-ce qu'en matière de logement. Dans Paris intra-muros, une année de salaire net à temps plein en 1984 équivalait à l'achat de 9 m2. Aujourd'hui, ce ne sont plus que 4 m2. Toutes les villes de grande dimension, celles où les jeunes sont bien obligés de vivre s'ils veulent travailler, ont connu cette évolution, même si elle a pris des proportions caricaturales à Paris. Les jeunes doivent alors habiter des logements plus petits, plus éloignés des centres-villes, s'endetter plus longtemps, et espérer avoir des parents en mesure de leur fournir la mise de fonds qui leur permettra de négocier avec les banques. D'un point de vue économique, les nouvelles générations sont sur le front du changement du régime de système économique. Elles sont les premières victimes du chômage de masse à l'entrée dans la vie active, des problèmes de logement, et de la dévalorisation salariale. En termes de déclassement, l'impact est énorme, simplement parce que les nouvelles générations qui ont aujourd'hui entre 30 et 35 ans sont les enfants des premières générations du Baby-Boom, nées entre 1945 et 1950, lesquelles ont connu une accélération extraordinaire. La génération née en 1948 a bénéficié d'une très grande ouverture de l'université, et d'une très forte progression des diplômes sans dévalorisation sociale des titres scolaires. Le taux d'accès au baccalauréat a doublé entre la génération née en 1945 et celle née en 1968 bien que le bac obtenu en 1967 ait la même valeur que celui obtenu dix ans plus tôt. Avoir le bac à cette époque permettait ainsi d'être instituteur, alors que la plupart des professeurs des écoles d'aujourd'hui ont cinq années d'études supérieures derrière eux. La génération actuelle est victime d'un déclassement social énorme, contrairement à celle de leurs parents qui avait connu une ascension sociale extraordinaire par rapport à leurs propres parents. Les impacts psycho-sociologiques sont considérables. Avec trois années d'études en plus en moyenne par rapport à leurs parents, les jeunes sont, à leur entrée dans la vie professionnelle, dans une situation sociale moins favorable que leurs parents à qui le baccalauréat permettait d'accéder aux professions intermédiaires, voire de devenir cadres supérieurs. Aujourd'hui, nombre de jeunes, dont les parents furent cadres à 21 ou 22 ans, sont encore, à 27 ans, employés ou dans la catégorie C de la fonction publique. Dans La seconde révolution française, 1964-1984, Henri Mendras s'est intéressé à la dynamique de « moyennisation », c'est-à-dire à l'ascension des classes moyennes - enseignants, chercheurs, journalistes, intellectuels supérieurs ou intermédiaires, techniciens ou ingénieurs « maison ». Ce phénomène, qu'Alain Touraine appelait en son temps la dynamique des nouvelles classes moyennes salariées, typiquement centrée autour de la catégorie B de la fonction publique, des travailleurs sociaux, des infirmières, a très bien fonctionné des années 1960 aux années 1980. En France aujourd'hui, 60 % de la population active est constituée d'employés ou d'ouvriers. Prenons par ailleurs deux personnes strictement équivalentes de cette catégorie moyenne, entre 30 et 35 ans, titulaires d'une Licence AES (Administration économique et sociale). L'un est un vrai méritant, ses parents sont de Longwy, ils ne savent pas même ce qu'est Sciences Po, ils ne sont jamais allés à Nancy. Il gagne 1 500 euros net par mois, et est obligé de se loger en région parisienne alors même que ses parents ne sont pas en situation de l'aider financièrement. Considérons un non-méritant (ou « moins méritant », au sens où, en partant de cette origine sociale, il aurait pu progresser plus), enfant de journalistes par exemple, ou d'enseignants, à qui ses 1 500 euros de salaire serviront d'argent de poche parce que les parents ont eu des stratégies patrimoniales d'accumulation de logements, et ont installé leur enfant dans un trois-pièces d'un arrondissement à un chiffre de Paris. Quelle est la valeur du travail qui émerge dans cette société de classes moyennes, entre ces « fils de » ou « filles de », de plus en plus nombreux, dont la motivation au travail est très relative puisqu'ils gagnent à peu près autant par le logement mis à disposition par les parents et par leurs aides régulières, et ceux qui ont vraiment cravaché pour parvenir à entrer dans ce cercle plus ou moins fermé ? Cela pose de vraies questions. S'agissant des inégalités hommes-femmes, maintenant, depuis la génération née autour des années 1960, les femmes sont plus diplômées que les hommes, même si elles demeurent moins nombreuses qu'eux dans les grandes écoles scientifiques comme Polytechnique. En termes de position dans la société, de statut du poste, les générations nées autour de 1985-1990 devraient accéder à la parité professionnelle, mais en termes de rétribution, les analyses générationnelles montrent une quasi-absence de progression par rapport aux hommes pour les générations récentes sorties depuis 15 ans du système scolaire. Sans évoluer au niveau des diplômes, les hommes gardent de l'avance en matière de salaire. Les disparités se font moins ressentir dans le public - à travail égal, salaire égal - que dans le privé, même si, dans le public, les hommes, en moyenne, essaient beaucoup plus souvent que les femmes de passer des concours internes. Cela étant, depuis une vingtaine d'années, les catégories moyennes sont bien moins recrutées dans le public que dans le privé, où les femmes ont beaucoup plus de mal à faire valoir leur place, notamment dans des carrières d'ingénieurs technico-commercial, par exemple, où mieux vaut travailler 50 heures que 35, ce qui est difficilement compatible avec les charges familiales. Les carrières des femmes sont alors remises en cause et elles ne les rattrapent que très partiellement vers 45 ou 50 ans lorsque les enfants sont grands. Se pose alors une autre question aujourd'hui, celle de la prise en charge, pour ces enfants devenus grands, de leurs parents qui commencent à avoir des problèmes de santé. Alors que les enfants représentaient le fardeau d'antan, les parents au quatrième âge seront celui de demain, et l'on sait qu'il pèsera essentiellement sur les femmes. Mme Danielle Bousquet : Les chercheurs travaillent-ils dans des laboratoires communs sur ces problématiques ? Des pistes de réflexion ont-elles émergé ? M. Louis Chauvel : Je commence misérablement à pouvoir financer des doctorants. Les idées neuves portées par des personnes nouvelles suscitent une absence de velléité de suivre de la part des institutions ! Je l'ai personnellement vécu, même si aujourd'hui le CPE ou la grogne des jeunes chercheurs ont fait prendre conscience que la société française était confrontée à un véritable problème. Plus généralement, en termes d'ébauche de solution, des études, des travaux existent - je peux vous citer ceux de Dominique Méda, par exemple, ou d'Hélène Périvier. Je suis de mon côté en contact avec « la République des idées ». Il existe des auteurs nombreux et des groupes de recherche, mais mon constat général est que rien de construit et d'un peu articulé n'émerge sur les problèmes notamment générationnels de long terme de la société française. Il y a une prise de conscience des difficultés, mais tardive, par rapport à l'urgence de la situation qui date d'une dizaine d'années. Malheureusement, mes premiers travaux datent de la bulle Internet qui laissait croire que c'était reparti pour trente ans de croissance comme au temps des Trente Glorieuses. Ce n'est qu'à partir de 2002 que l'on a pris conscience que nous n'allions pas sortir du tunnel. Voici 28 ans, vers 1978, j'ai pu visiter l'Assemblée Nationale : à l'époque déjà on promettait la sortie du tunnel pour demain. Les lieux n'ont pas changé, et les idées ont eu du mal à se renouveler. En termes de solution, la comparaison sociologique internationale peut également être une véritable ouverture. S'agissant de la représentation syndicale et politique en France, l'âge médian des députés a vieilli de quatre ans et demi entre 1997 et 2002. En 1981, 32 % des députés avaient moins de 45 ans. Ils ne sont plus que 12 % en 2002. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Sont-ce véritablement les jeunes députés qui ont conscience de ces problèmes, ou ceux d'un certain âge ? M. Louis Chauvel : La question est de parvenir à une représentation véritablement intergénérationnelle de la société, partageant un diagnostic un peu partagé de l'avenir. Quand j'ai présenté ces premiers travaux en 1997 au Conseil économique et social, les représentants des partenaires sociaux, qui avaient entre 55 et 75 ans, m'ont regardé avec un intérêt plus ou moins limité, alors que leurs assistants comprenaient très bien : ils vivaient ces difficultés. Depuis 1997, les salaires des jeunes ont stagné et le prix des logements s'est accru de plus de 30 %. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous avons beau être de cette génération-là, nous sommes tout de même informés. M. Louis Chauvel : Un problème se pose lorsque l'essentiel du corps syndical et politique est représentatif de la même génération, avec très peu d'ouverture sur l'extérieur - surtout lorsqu'il s'agit de jeunes énarques, ou de « fils de ». Pour représenter les jeunes, ne serait-ce que ceux des classes moyennes à 1800 euros de salaire par mois, cela pose de vraies difficultés. Le problème n'est finalement pas tant l'âge des gens que le manque de représentativité de la variété des intérêts de l'ensemble des électeurs. L'instrument générationnel permet d'ouvrir sur tout un ensemble de problématiques politiques de long terme qui, je le crains, n'ont pas du tout été prises en compte au cours des vingt dernières années, et qui ne sont pas davantage prises en compte aujourd'hui dans le débat sur les retraites. Outre qu'elles furent les premières à être « bizutées » à leur entrée dans la vie active - remise en cause des salaires, entrée plus tardive dans la vie active, renégociation des retraites -, les générations qui ont aujourd'hui 45 ans seront les retraités de 2020, seront beaucoup plus concernés par le minimum vieillesse que les générations précédentes, parce que leurs carrières auront été trop courtes, souvent à temps partiel, avec des rétributions trop basses. Lorsque le minimum vieillesse, qui représentait à l'époque un tiers du SMIC, a été étendu à l'ensemble de la population en 1959-1960, il concernait la moitié des plus de 65 ans. En 2000, seuls 5 % des 65 ans étaient au minimum vieillesse, qui équivalait aux deux tiers du SMIC : les autres étaient au-dessus du fait de leur niveau de retraite. En revanche, ce taux de population au minimum vieillesse a toutes chances d'augmenter pour les générations qui ont aujourd'hui 45 ans. J'ai malheureusement peu de temps pour la comparaison. D'une manière générale, la situation des pays latins est pire que la nôtre. La chance des Italiens est finalement de ne plus avoir de problèmes de jeunes du fait d'un taux de fécondité de 1,3 depuis vingt ans ! En revanche, ils seront confrontés à un grave problème de retraites. Les pays nordiques ont réussi une réforme à même d'assurer un certain équilibre sur le long terme, grâce à une sorte de responsabilité sociale qui a rassemblé syndicats et patronat, jeunes et moins jeunes, riches et moins riches, femmes et hommes. Ce modèle est-il pour autant importable en France ? Les pays anglo-saxons ont été marqués par la montée en puissance d'un modèle de société de marché dans lequel quelques femmes, avec peu d'enfants et d'excellents diplômes, ont réussi à obtenir la parité avec les hommes. Mais pour l'essentiel, la pauvreté des femmes a gagné du terrain. En moyenne la situation des femmes s'est plus rapprochée de celle des hommes qu'en France, mais les écarts entre le haut et le bas de la société sont plus marqués, et les inégalités sont croissantes, surtout au détriment des femmes pauvres avec enfants. Dans ce modèle, de nombreux enfants sont éduqués dans des conditions de plus en plus déplorables. Cela engage mal l'avenir. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous vous remercions. Audition de M. Jean Gaeremynck, délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, accompagné de Mmes Marine Pardessus et Laurence Richard, Procès-verbal de la réunion du 26 septembre 2006 Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a prié les représentants de la DGEFP de présenter leur analyse de la précarité des femmes, et plus précisément de développer les thèmes du retour à l'emploi, du travail à temps partiel et des nouveaux services à la personne, dont la plupart des postes sont occupés par des femmes. L'emploi au féminin est une réalité : mais si les femmes accèdent largement à l'emploi, leur quotidien est plus difficile qu'il n'y paraît ; si l'égalité entre les hommes et les femmes n'est plus utopique, la précarité des femmes est profonde. Les pouvoirs publics, insuffisamment conscients de cette réalité, ne pourront néanmoins faire l'économie d'une réflexion et devront même trouver des solutions. Les femmes ont toujours des difficultés au moment de leur retraite mais, pour celles qui ont travaillé à temps partiel, la situation est dramatique : quoiqu'ayant été actives, elles ne touchent guère que le minimum vieillesse. Quel est le sentiment de la DGEFP sur ces questions ? A-t-elle des recommandations à formuler pour résoudre le problème de précarité des femmes, actuelle et surtout future ? M. Jean Gaeremynck a d'abord rappelé quelques données sur le travail des femmes. Le taux d'activité des femmes a beaucoup augmenté pour atteindre 46,5 % fin 2005, soit un taux supérieur à celui de la moyenne de l'Union européenne, alors que dans d'autres domaines la France est plutôt à la traîne. L'écart entre le taux de chômage des hommes et celui des femmes s'est sensiblement réduit : il est inférieur à deux points - 8,8 % pour les femmes, 10,5 % pour les hommes -, son plus bas niveau depuis le début des années 1960. Sur les 2,2 millions d'emplois créés depuis 1990, plus de 1,6 million sont revenus à des femmes, dont 520 000 à temps complet, soit le tiers. Pour le reste, il s'agit d'emplois à temps partiel, temps partiel souvent subi par les femmes. Mme Marine Pardessus a précisé qu'en 2005, 33,5 % des femmes actives occupaient des emplois à temps partiel et que 92,1 % des salariés travaillant à temps partiel étaient des femmes. Entre 2004 et 2005, la précarité féminine s'est développée. Mme Hélène Mignon a observé que les services à la personne étaient souvent requis à des heures précises - le matin, pour la toilette et la préparation des repas -, ce qui rendait le temps partiel incontournable dans ce secteur, à moins de développer la polyvalence des salariées. M. Jean Gaeremynck a préconisé que des carrières soient organisées dans le domaine des services à la personne : les métiers doivent se professionnaliser et il faut trouver des formules juridiques pour qu'un même salarié puisse avoir plusieurs employeurs et ainsi travailler à temps complet. L'action de l'Agence nationale des services à la personne (ANSP), la structuration de l'offre et la solvabilisation de la demande, grâce au chèque emploi service universel (CESU), devraient créer une dynamique. La formule du portage par des groupements d'employeurs peut constituer également une solution. Les groupements d'employeur pour l'insertion et la qualification (GEIQ) sont sollicités mais ils n'en sont qu'aux balbutiements sur le thème des services à la personne et se sont plutôt affirmés jusqu'ici dans le secteur du bâtiment. Mme Laurence Richard a souligné qu'une convention avait été passée avec le Comité national de coordination et d'évaluation des GEIQ (CNCE GEIQ). Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est interrogée sur les délais dans lesquels des résultats étaient espérés. Mme Laurence Richard a annoncé que les assises de la professionnalisation des services à la personne, en cours d'organisation, se dérouleraient en deux temps : à l'issue d'une phase de bilan et d'analyse de l'état des besoins, une réflexion sur la feuille de route et le plan d'action débutera début 2007. M. Jean Gaeremynck a relevé qu'il serait paradoxal que le développement des services à la personne accentue la précarité des femmes, alors que leur objectif essentiel était de favoriser l'emploi. Il a indiqué que les employeurs de ce secteur étaient à 80% constitués de particuliers. Des points d'ingénierie juridique restent à mettre au point. Il a proposé qu'une réponse complémentaire soit apportée sur ce point, conjointement avec l'Agence nationale des services à la personne. Mme Marine Pardessus a indiqué qu'il existait une étude dressant le panorama des emplois et des diplômes existants, de façon à trouver des correspondances et à faire en sorte que les personnes travaillant dans le secteur des services à la personne puissent faire reconnaître leur expérience en s'inscrivant dans une démarche de validation des acquis de l'expérience (VAE). Mme Hélène Mignon a estimé qu'il était indispensable de trouver des complémentarités horaires entre les différents services à la personne - auprès des personnes âgées, des personnes handicapées ou des enfants dont les parents travaillent - pour que les salariés de ce secteur parviennent à un temps complet ou s'en rapprochent le plus possible. M. Jean Gaeremynck est revenu sur la VAE, qui fait l'objet d'une mission d'animation interministérielle. La VAE est très concentrée sur certains métiers et diplômes. Pour plus de 70 %, ce sont les femmes qui font acte de candidature pour un accès à la certification par la voie de la VAE. Les métiers d'assistant de vie et d'aide-soignant, dans lesquels les femmes sont surreprésentées, prédominent : en 2005, 14 000 candidatures ont été enregistrées dans le premier et 13 000 dans le second. Acquérir un diplôme, un titre ou une certification reconnue consolide et sécurise un parcours, une personne qui en est dépourvue éprouvant davantage de difficultés à changer de poste. Et il est vraisemblable que les diplômes ou titres en question favoriseront la complémentarité entre plusieurs emplois à temps partiel. M. Jacques Remiller a témoigné de l'existence d'une telle complémentarité dans sa commune : plus de la moitié de l'emploi du temps des femmes affectées à la restauration scolaire est consacrée à la garde des enfants des écoles et au ménage des classes. Il a estimé nécessaire de continuer dans cette voie. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a jugé que le niveau élevé du temps partiel était le signe d'un problème de gestion. Les bilans n'aboutissent jamais et les femmes concernées vivent une précarité croissante. Dans 80 % des cas, ce sont des femmes qui répondent aux propositions d'embauche à temps partiel. Mme Laurence Richard a expliqué que, le monde associatif mis à part, la plupart des entreprises qui se lançaient dans les services à la personne étaient de petites structures unipersonnelles. Celles-ci recrutaient d'abord une première assistante de vie à temps partiel car elles commençaient à monter en puissance et avaient du mal à évaluer leur volume d'activité potentiel. Les refus d'agrément des structures sont souvent motivés par leurs moyens humains, insuffisants pour remplir les critères de qualité dans le domaine de la prise en charge des personnes dites « fragiles », âgées ou dépendantes. Ces structures sont vouées à développer leur clientèle et à diversifier leurs activités, ce qui devrait les conduire à augmenter le temps de travail de leurs salariées ; c'est en tout cas à espérer. M. Jacques Remiller a déclaré que, dans sa fonction de maire, il s'efforçait de diversifier les activités des agents municipaux employés dans les services à la personne afin de lutter contre la précarité. Le Parlement doit légiférer, à moins que les entreprises ne s'organisent. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a considéré que le Parlement avait l'obligation de légiférer pour que la situation des futures retraitées ne soit pas dramatique et ingérable. Mme Hélène Mignon a déploré que les agents municipaux employés à temps partiel dans la collectivité ne puissent plus, une fois titularisés, compléter leur temps de travail à l'extérieur, ce qu'ils faisaient auparavant. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a incité la DGEFP à faire passer un message visant à améliorer la situation des femmes au travail. M. Jean Gaeremynck a évoqué un rapport du Centre d'analyse économique (CAE) en préparation sur ce sujet, qui devrait offrir une masse d'informations, notamment par comparaison avec des exemples étrangers. Il s'est référé au système britannique qui connaît moins de chômage et plus de temps partiel. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que, dans le modèle britannique, la gestion de l'emploi sans considération pour la précarité permet certes de produire des statistiques favorables, mais qu'elle génère beaucoup de pauvreté. Mme Hélène Mignon a souligné que la réflexion publique, en se polarisant sur l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, avait négligé les inégalités entre femmes et leurs conséquences sur la vie sociale. M. Jean Gaeremynck a confirmé que le temps partiel frappait les femmes de façon discriminante selon leur niveau de qualification, mais a refusé de se prononcer sur l'opportunité de légiférer. La pluriactivité est sans doute une piste de solution pour ces salariés, mais il faut l'expertiser techniquement. Il a observé que les femmes, compte tenu des pesanteurs des orientations professionnelles et de la structure de leurs qualifications, étaient nettement mieux représentées que les hommes dans les contrats aidés du secteur non marchand, conçus spécialement pour aider les personnes en difficulté d'accès à l'emploi. S'agissant des contrats initiative emploi, contrats aidés du secteur marchand, l'accès des femmes est favorisé par le biais de modulations des aides de l'État, notamment au niveau des taux, dans le cadre d'une enveloppe unique régionale et pilotée par le préfet : dans une douzaine de régions, le préfet a fixé des taux spécifiques en faveur des femmes. Il conviendrait d'approfondir l'analyse en se plongeant dans une analyse par région. Les données disponibles aujourd'hui restent un peu générales mais la DGEFP est engagée dans un dialogue de gestion avec les directeurs régionaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de toutes les régions afin d'analyser leurs plans d'action respectifs. Il a souligné la nécessité d'une analyse différenciée car la situation de nombreuses femmes sur le marché de l'emploi et en matière d'accès aux formations est bonne ; tout dépend des qualifications. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a insisté sur le fait que, pour un très grand nombre de femmes, l'ascenseur social ne fonctionnait plus. Mme Hélène Mignon a souligné qu'il était également bloqué pour les enfants des femmes percevant un petit salaire et travaillant à temps partiel, car elles n'ont jamais l'esprit libre et ne sont pas disponibles aux horaires où leurs enfants ont besoin d'elles. Elle a pris position en faveur de mesures d'accompagnement social. Mme Marine Pardessus a vanté les mérites de la loi sur l'égalité salariale, qui comporte plusieurs mesures positives en faveur des femmes. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a objecté que si ce texte contenait d'excellentes mesures, comme celles concernant le congé de maternité dans les petites et moyennes entreprises, il se bornait en fait à transposer des directives européennes. Pour améliorer la condition des femmes, il aurait fallu commencer par appliquer de manière pragmatique la loi de 2001 sur l'égalité professionnelle, en lui apportant les correctifs nécessaires, notamment pour les petites et moyennes entreprises. Elle a confié qu'elle sortait extrêmement inquiète de deux mois et demi d'immersion totale dans sa circonscription : la situation des femmes est mauvaise, surtout dans les familles monoparentales. M. Jean Gaeremynck a confirmé que les mères de familles monoparentales étaient très dépendantes vis-à-vis du temps partiel. Il a également observé que l'emploi féminin est très fortement concentré sur une dizaine de secteurs professionnels. L'enjeu consiste à faire accéder les femmes à d'autres secteurs d'activité, notamment à travers des actions ciblées de l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Seuls quelques milliers de femmes seront touchées, mais cela permettra de lancer le mouvement en faveur du désenclavement des femmes. Le sujet peut du reste être relié à celui de l'orientation : les femmes, au cours de leurs études, n'ont sans doute pas accès à une gamme suffisante de filières d'études ou de formations professionnelles. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a dénoncé l'autocensure familiale ainsi que les écarts de salaires à diplôme égal lors de l'embauche, notamment pour les jeunes sortant d'une école d'ingénieur. M. Jean Gaeremynck s'est dit surpris que de tels écarts existent encore de nos jours : vu la combativité des filles et leur comportement scolaire - notamment chez celles qui sont issues de l'immigration -, la situation va nécessairement évoluer. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a douté de la justesse de cette prédiction, dont elle était pourtant convaincue voici deux ou trois ans. M. Jean Gaeremynck a indiqué que l'orientation était un thème d'action publique : pourquoi les femmes devraient-elles rester relativement sous-représentées dans les métiers scientifiques ou commerciaux par rapport aux métiers traditionnellement féminins ? La fonction publique, de ce point de vue, est pionnière ; le processus y est déjà largement amorcé. Le problème de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle est prégnant mais de nouvelles pistes s'ouvrent avec la réduction du temps de travail ou les services de garde des tout-petits. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a répondu que la situation n'était pas si simple : lorsqu'une femme se présente à l'embauche sur un poste de cadre, le directeur des ressources humaines (DRH) lui demande si elle vit maritalement et si elle veut des enfants. Cette question ne serait jamais posée à un homme ! Toute la société n'a pas évolué, et Paris n'est pas la province. M. Jean Gaeremynck ayant demandé si une femme DRH se comporterait de la sorte, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a estimé que oui, car elle se sera battue pour obtenir son poste. M. Jean Gaeremynck a ajouté que la création d'entreprise était un domaine intéressant. Sur les 200 000 entreprises créées récemment, 30 % l'ont été par des femmes. Elles ont bénéficié des aides de l'État, d'un fonds de garantie spécifique ainsi que des réseaux d'aide et d'accompagnement des créateurs. La situation très contrainte conduit ainsi des femmes à se placer en dehors de l'entreprise. À cet égard, la création de sa propre activité constitue une piste intéressante. La France a intérêt à affermir encore ce point fort. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite très préoccupée par la place des femmes dans la société et a jugé indispensable d'émettre quelques recommandations pour consolider les acquis des femmes dans le domaine de l'emploi, de la formation ou de la création d'entreprise. C'est un perpétuel recommencement. M. Jean Gaeremynck s'est également engagé à fournir des informations sur la formation professionnelle. D'une façon générale, les femmes accèdent autant que les hommes à ces dispositifs. Au bas de l'échelle, les formations de base - lutte contre l'illettrisme, ateliers de pédagogie personnalisée, rattrapage des fondamentaux - font spontanément une très large place aux femmes. Mais les femmes qui accèdent mal aux formations sont celles qui présentent les qualifications les plus modestes. Mme Marine Pardessus a abondé dans ce sens : la différence entre les femmes cadres et les autres est flagrante. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a exprimé son souci de rétablir l'égalité entre les femmes. Pour se rapprocher au plus près de la problématique des femmes, le ministère chargé de l'emploi devrait orienter sa réflexion dans cette direction. M. Jean Gaeremynck a expliqué qu'il était dans l'impossibilité de porter une appréciation générale sur la spécificité des femmes dans le service public de l'emploi, qui répartit les chômeurs en trois parcours : parcours 1, les personnes ayant une bonne perspective de retour à l'emploi ; parcours 2, celles présentant un profil plus standard ; parcours 3, celles qui sont les plus éloignées du marché du travail. Il n'est pas certain que les femmes soient plus représentées dans les parcours 3. La DGEFP a fixé des indicateurs spécifiques différenciant hommes et femmes, qui portent notamment sur la sortie du chômage des chômeurs de très longue durée. Les résultats obtenus montrent que le service public arrive à relever le défi de la prise en compte de la question des femmes. L'embellie actuelle sur le marché de l'emploi profite aux catégories les plus en difficulté : les jeunes, les seniors et les femmes, notamment les chômeuses de longue durée. Mme Laurence Richard a précisé qu'un observatoire serait mis sur pied pour mesurer les retombées du dispositif. M. Jean Gaeremynck a signalé que 130 000 personnes avaient fait valoir leur droit individuel à la formation (DIF) en 2005, mais qu'il ne connaissait pas les pourcentages respectifs d'hommes et de femmes. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que la France n'avait pas encore pris l'habitude de sexuer les données, alors que la fourniture de données sexuées permettrait de mettre en lumière les discriminations. M. Jean Gaeremynck a noté que 260 000 jeunes étaient entrés en apprentissage en 2005. Les contrats d'apprentissage, excellentes formations de base, concernaient des garçons à 70 %. L'apprentissage étant en plein essor, la proportion féminine augmente légèrement, mais sera-t-il possible d'accentuer le mouvement ? Le contrat de professionnalisation est également un succès. 116 000 ont été conclus en 2005. La DGEFP ne dispose pas encore des chiffres pour les femmes et de leur évolution mais elle se les procurera. Enfin, sur les 90 000 personnes entrées dans une démarche de validation des acquis de l'expérience en 2005, 65 % étaient des femmes et nombre d'entre elles devraient sortir de la précarité. Les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) rencontrent toutefois des problèmes de force de travail pour traiter les dossiers. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié la DGEFP pour son travail. Audition de Mmes Michelle Biaggi, secrétaire confédérale de la cgt-F.O. Réunion du 10 octobre 2006 Présidence, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mme Michelle Biaggi, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail - Force ouvrière, et à Mmes Valérie Chartier et Cristelle Gillard, assistantes confédérales. Elle les a remerciées d'avoir accepté de venir témoigner sur le thème des femmes et de la précarité. Elle s'est déclarée très inquiète du sort des femmes, plus exposées au temps partiel que les hommes - 80 % des postes à temps partiel sont occupés par des femmes - et partant, à la précarité, surtout à l'âge de la retraite. Elle a demandé à Mme Michelle Biaggi son avis sur la ségrégation professionnelle des femmes dans certains emplois peu qualifiés, et dits « féminins », sur l'avenir du temps partiel, et sur la façon de concilier la fluidité des marchés de l'emploi avec la protection des travailleurs. Mme Michelle Biaggi a rappelé que la cgt-FO abordait le problème du temps partiel, qui touche essentiellement les femmes et les jeunes, de manière globale. La Confédération a beaucoup travaillé ces dernières années pour faire tomber les tabous et changer les mentalités des hommes, mais aussi de certaines femmes, sur cette question. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a approuvé, en donnant l'exemple de ces « femmes d'exception » citées par Les Echos, qui n'ont jamais contribué à faire avancer la cause des femmes. Elle s'est par ailleurs félicitée de n'avoir pas été invitée au forum national des femmes de Deauville, dont elle a par ailleurs jugé les conclusions affligeantes, préférant défendre la cause de toutes les femmes sur le terrain plutôt que de glorifier la carrière de quelques-unes. Elle s'est également montrée très critique sur la loi relative à l'égalité salariale, soutenue sur ce point par Mme Michelle Biaggi, pour qui cette loi ne saurait être efficace sans sanctions. Par ailleurs, à partir du moment où les augmentations de salaire sont individuelles, personnalisées, à la discrétion de l'employeur, les femmes qui s'arrêtent momentanément de travailler pour s'occuper de leurs enfants ne sont plus compétitives. Revenant à la question du temps partiel, Mme Michelle Biaggi a dénoncé l'utilisation du chèque emploi-service, qui constitue, selon elle, un moyen détourné de mettre fin à la mensualisation du salaire. Elle a également abordé le problème culturel de la formation des femmes à qui l'on a appris dès l'école maternelle à bien se coiffer, à bien se tenir, et que l'on a ainsi orientées, d'une certaine manière, vers des métiers dits « féminins ». Peu de femmes occupent aujourd'hui des métiers dits « masculins » alors que les conditions de travail sont devenues moins pénibles ; celles qui occupent ces postes y sont souvent arrivé parce qu'il manquait de main-d'œuvre masculine, du fait des départs à la retraite. À Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, qui s'en est étonnée, Mme Michelle Biaggi a réaffirmé que, dans le secteur privé, les mentalités n'avaient pas évolué autant qu'il aurait été possible de l'espérer. Mme Martine Carrillon-Couvreur a donné l'exemple d'un centre de formation en métallurgie et sidérurgie, dans sa circonscription, qui incitait les femmes à s'orienter vers ces métiers. Elle a reconnu qu'il s'agissait sans doute là d'un moyen de pallier le manque de main d'œuvre, mais qui permettrait néanmoins de faire évoluer les mentalités. Mme Hélène Mignon a rapporté le cas de jeunes femmes qui, bien que s'étant distinguées au cours d'un stage en aéronautique, n'avaient pas été embauchées dans ce milieu très masculin. D'autres, parvenues à franchir le cap, sont soumises à une pression psychologique très lourde de la part de leurs collègues qui estiment qu'elles ont pris la place d'un homme. Mme Valérie Chartier a souligné que les filles, en moyenne plus diplômées que les garçons, accédaient moins facilement à l'emploi, d'où une déperdition pour toute la nation de l'investissement dans la formation. Mme Hélène Mignon a indiqué que Mme Martine Lignières-Cassou avait mis en place à Pau une formation destinée à accompagner des femmes au chômage depuis un certain temps et sans formation initiale, vers des métiers d'hommes. Beaucoup avaient accepté d'intégrer cette structure, mais peu s'étaient finalement intéressées et engagées vers ces métiers. Mme Martine Carillon-Couvreur a relevé une légère évolution des mentalités dans le secteur du bâtiment, mais Mme Hélène Mignon a observé qu'embaucher des femmes sur un chantier coûtait cher car il fallait alors prévoir deux vestiaires, deux toilettes, etc. Mme Michelle Biaggi a cité le site de production de l'AIRBUS A 380, où elle n'a pas vu une seule femme travailler sur l'avion en construction qu'elle a visité, alors même que l'entreprise a obtenu le « label égalité ». Les salariées travaillent sans doute dans le secteur de la restauration, de la communication et du secrétariat. Abordant la question de la formation professionnelle, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est demandé si la loi sur l'égalité professionnelle du 9 mai 2001 qui prévoyait des indicateurs spécifiques en matière de formation était correctement appliquée. Mme Michelle Biaggi a répondu que la majorité des entreprises en France comptaient entre dix et cinquante salariés et n'étaient donc pas tenues de rendre le rapport de situation comparée prévu par la loi du 9 mai 2001. Mme Valérie Chartier a ajouté que, selon un rapport de la Délégation aux droits des femmes du Sénat, beaucoup d'entreprises de plus de cinquante salariés ne rendaient pas ce rapport, alors qu'elles en avaient l'obligation, et qu'il arrivait souvent que les rapports rendus soient inexploitables, faute d'analyse de l'employeur. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est indignée de ce que la loi du 9 mai 2001 ne soit toujours pas appliquée, et a regretté qu'en 2002, la majorité n'ait pas adapté cette loi aux PME et assuré le suivi de son application. Elle a souhaité que les organisations syndicales se mettent d'accord sur cette question pour opposer au MEDEF une position commune. Mme Michelle Biaggi lui a répondu que chaque syndicat devant soutenir les revendications de ses syndiqués, il n'était pas toujours évident d'aboutir à un consensus de toutes les organisations syndicales. À Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, qui l'a interrogée sur la part consacrée dans les négociations à l'égalité professionnelle et au temps partiel, Mme Michelle Biaggi a rétorqué qu'il n'y en avait aucune, à moins que la réunion ne porte spécifiquement sur ce thème. Il existe en revanche des négociations au niveau des branches. Mme Cristelle Gillard a ajouté qu'en 2005, seuls cinq accords de branche avaient été conclus sur le travail à temps partiel (sur un total de 55 accords de branche relatifs au temps de travail en général) contre douze accords de branche conclus en 2004. Le contenu des accords est de surcroît souvent très succinct. Il est d'autant plus paradoxal que les branches ne se soient pas saisies de la question que la loi sur les 35 heures donnait des garanties aux salariés à temps partiel, et répondait à certaines revendications des syndicats - notamment sur la priorité à accorder pour la prise de congés en présence de personnels cumulant deux temps partiels. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que, grâce aux efforts de la Délégation aux droits des femmes, l'article 25 du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié visant à permettre le cumul d'un travail à temps partiel et d'un travail en intérim venait d'être supprimé par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Mme Christelle Girard ayant émis le souhait qu'une telle disposition, qui aggrave la précarité, ne réapparaisse pas au détour d'un nouveau projet de loi, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a appelé ses invitées à la plus extrême vigilance en la matière. Mme Michelle Biaggi a observé que, sur le sujet de l'égalité salariale, le MEDEF était partagé entre deux courants : les services, dont est issue Mme Laurence Parisot, et l'industrie, où les hommes sont davantage prédominants. Ce conflit interne ne permet pas d'aboutir à de bons accords, et les organisations syndicales rencontrent de plus en plus de difficultés, ne serait-ce que pour imposer un sujet de négociation. La cgt-FO réclame depuis de nombreuses années un droit de saisine des organisations syndicales. Cela ne lui a pas été accordé ; aussi, actuellement, les syndicats n'ont-ils pas la possibilité d'inscrire un sujet à l'ordre du jour, avec obligation de réponse des employeurs. Revenant sur les accords de branche signés en 2005 sur le temps partiel, Mme Cristelle Gillard a expliqué que l'un d'eux, signé dans le secteur de la pâtisserie, prévoyait une durée minimale de travail d'une heure par semaine. Mme Michelle Biaggi a dénoncé cette utilisation perverse du système, qui allait priver ces salariés, faute d'un nombre d'heures suffisant, d'assurance-maladie, d'assurance-chômage, et bien sûr de retraite. De nombreuses femmes qui auront travaillé toute leur vie à temps partiel, pour des salaires de misère, se retrouveront à la retraite à la charge de la société ! Selon une étude de la DARES, 50 % des salaires mensuels à temps partiel seraient inférieurs à 750 euros, et 25 % seraient inférieurs à 480 euros. De plus en plus de salariés n'ont plus les moyens de se loger, et vivent dans des caravanes ou dans leur voiture. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que les conditions de travail en intérim étaient également déplorables. Mme Michelle Biaggi a abondé dans son sens, ajoutant que les conditions étaient encore pire dans le secteur du commerce et de la grande distribution, d'autant que « la loi Fillon » du 4 mai 2004 a permis de déroger aux garanties apportées par la loi sur les 35 heures. Il est dorénavant possible de signer des accords dérogatoires sur l'amplitude et le nombre de coupures - des salariés peuvent ainsi travailler deux heures le matin et deux heures l'après-midi -, mais aussi sur les délais de prévenance, en passant de sept à trois jours, ce qui complique encore davantage la situation de ces personnes obligées de cumuler plusieurs emplois pour gagner suffisamment leur vie. Mme Hélène Mignon a rappelé que, dans une grande surface où s'était rendue la Délégation, la direction avait eu l'idée perfide de confier aux salariées elles-mêmes le soin d'organiser le temps de travail de chacune. Elle a par ailleurs appelé les députés à plus de cohérence dans l'élaboration des textes : comment aborder la question de la délinquance des jeunes sans se préoccuper des conditions dans lesquelles eux et leurs parents vivent ? Mme Michelle Biaggi s'est à son tour interrogée sur l'avenir de ces personnes qui n'auront bientôt plus les moyens de survivre. Le temps partiel, a souligné Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, ne devrait plus être subi, mais choisi en toute connaissance de cause, y compris quant aux conséquences sur le montant de la retraite. Mme Michelle Biaggi a dénoncé le fait que les entreprises qui ont choisi de faire du temps partiel leur mode de fonctionnement n'offrent pas de dignes contreparties : pourquoi ne pas obliger les employeurs, par exemple, à payer la totalité des cotisations retraites, des cotisations d'assurance maladie, etc. ? La cgt-FO est très inquiète pour la renégociation des retraites en 2008. De nombreuses personnes risquent fort d'être obligées de trouver un travail pour compléter leur retraite. Mme Hélène Mignon a confirmé ce fait : elle est déjà sollicitée, dans sa circonscription par des personnes à la retraite qui ne peuvent plus payer leur loyer et cherchent un travail. Le travail au noir ne peut que se développer dans ces conditions. Elle a cité le cas d'une aide ménagère payée par chèque emploi-service, à qui l'employeur, qui n'avait plus besoin de ses services, n'avait pas payé d'indemnité de licenciement. Celui-ci n'avait pas conscience qu'il était tenu par un contrat de travail. Pour les salariés pauvres, il ne reste in fine que les allocations du RMI. Mme Michelle Biaggi a par ailleurs attiré l'attention de la Délégation sur le cas des groupements d'employeurs, lesquels ont largement recours au temps partiel. Invitée il y a un an à négocier une convention collective générale destinée à couvrir les salariés de ces groupements, la cgt-FO a soulevé tant de problèmes que le dossier est toujours en attente aujourd'hui. Mme Valérie Chartier a souligné, plus généralement, le manque de fonctionnaires de contrôle et d'inspection du travail, surtout en matière de travail temporaire, où la loi est systématiquement contournée. De surcroît, les salariés à temps partiel ne sont que rarement syndiqués, notamment par crainte de perdre leur emploi. Mme Michelle Biaggi a confirmé qu'il arrivait à sa confédération de faire intervenir des inspecteurs du travail, non pas dans les agences d'intérim, mais chez les clients de l'agence. La cgt-FO essaie d'être la plus présente possible au sein des entreprises qui recourent au travail en intérim. Elle a du reste édité un guide spécifique du salarié intérimaire, qui est distribué aux délégués syndicaux. Beaucoup de travail reste à faire en matière de temps partiel, notamment sur la rémunération des heures complémentaires. Pour Mme Cristelle Gillard, il conviendrait ainsi de prévoir une majoration dès la première heure complémentaire. À Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, qui lui demandait si elle gardait un peu d'espoir, Mme Michelle Biaggi a répondu que tout dépendrait du courage du législateur à voter les lois nécessaires et surtout à suivre leur application. Ainsi, 70 % des entreprises ne rendent pas le rapport de situation comparée, ce qui empêche d'évaluer les écarts de salaire. De surcroît, le MEDEF fait obstacle à l'examen par les syndicats des écarts de salaire. Mme Valérie Chartier a relevé que le recours au temps partiel expliquait en grande partie les écarts de salaire, et que l'on était toujours sans nouvelle du chantier lancé sur cette question par M. Gérard Larcher et Mme Catherine Vautrin en avril dernier. Mme Michelle Biaggi s'est élevée contre l'idée de compléter les salaires des personnes à temps partiel par des participations à l'actionnariat. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié les représentantes de la cgt-FO pour leur contribution. DEUXIÈME PARTIE : I. LE RAPPORT D'ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION (OCTOBRE 2004 - NOVEMBRE 2005) La Délégation a adopté le 29 novembre 2005 le rapport (n° 2714) de Mme Marie-Jo Zimmermann présentant le bilan d'activité de la Délégation d'octobre 2004 à novembre 2005, ainsi que deux études, la première intitulée : « Agir pour les femmes de l'immigration », la deuxième portant sur le suivi de la loi du 4 juillet 2001 relative à l'IVG et à la contraception. Une conférence de presse a été organisée le 7 décembre 2005 pour présenter ce rapport annuel. A. L'ÉTUDE SUR LES FEMMES DE L'IMMIGRATION 1. La situation difficile de la femme immigrée Après une série d'auditions de chercheurs, d'experts, de responsables d'associations sur le thème des femmes immigrées et issues de l'immigration, la Délégation a dressé un constat alarmant des violences subies par ces femmes (répudiation, polygamie, mariages forcés, mutilations génitales) et des difficultés qu'elles rencontrent pour prendre toute leur place dans la société, notamment en matière professionnelle. 2. Les recommandations de la Délégation Le rapport contient un certain nombre de recommandations visant à conforter leur autonomie juridique et à lutter contre les violences qu'elles subissent. Pour faciliter leur intégration économique, il propose également diverses mesures visant à lutter contre la discrimination et à les aider à une meilleure maîtrise de la langue française. Concernant le statut juridique des femmes immigrées : 1. Dénoncer les conventions bilatérales qui méconnaissent le principe d'égalité entre les hommes et les femmes ; 2. Limiter la portée de l'application du statut personnel, notamment en prévoyant que la nationalité du pays de résidence l'emporte lorsqu'elle est plus favorable aux droits des personnes, ou, de manière plus générale, en prévoyant l'application de la loi du domicile pour les immigrés installés de façon durable en France ; Concernant l'amélioration de l'information sur les droits des femmes immigrées et le suivi de ces femmes : 3. Améliorer la formation des personnes en contact avec les femmes immigrées : personnel des ambassades et consulats, travailleurs sociaux, magistrats, policiers ; 4. Favoriser une diffusion dans le plus grand nombre de langues étrangères des informations délivrées lors de l'accueil sur les plates-formes de l'ANAEM et des journées d'information civique ; 5. Insister sur l'interdiction de la polygamie et des mutilations sexuelles lors de l'accueil des primo-arrivants ; 6. Améliorer le fonctionnement de la journée d'instruction civique, par la constitution de groupes homogènes du point de vue de la langue et du niveau de formation ; 7. Rendre obligatoire la signature du contrat d'accueil et d'intégration (CAI) ainsi que le suivi de la journée d'information « Vivre en France » ; 8. Obliger les femmes à se rendre seules, éventuellement avec un interprète, aux différentes étapes de la procédure d'accueil ; 9. Rendre obligatoire une cérémonie en préfecture lors de la signature des contrats d'accueil et d'intégration ; 10. Généraliser la diffusion aux communes des listes des personnes ayant signé les contrats d'accueil et d'intégration ; Concernant la lutte contre la polygamie : 11. Verser les prestations familiales à un tuteur extérieur à la famille ; 12. Favoriser la coopération avec les pays d'origine, afin notamment d'améliorer l'information relative à l'interdiction de la polygamie en France ; Concernant la lutte contre les mutilations sexuelles : 13. Organiser une campagne de prévention à destination des familles en France, et, à l'étranger, aux personnes en demande de visas ; 14. Sensibiliser les médecins, le personnel scolaire, les magistrats et les policiers, sur la question des mutilations sexuelles ; 15. Soumettre à une visite médicale obligatoire les enfants au cours de la dernière année d'école primaire ; 16. Modifier la loi pour permettre de sanctionner les parents pour les mutilations commises à l'étranger sur leurs enfants mineurs étrangers résidant habituellement en France ; 17. Allonger le délai de prescription d'action publique à vingt ans et à compter de la majorité de la victime ; Concernant les mariages forcés : 18. Former et sensibiliser les officiers d'état civil, les magistrats et les policiers à la reconnaissance des mariages forcés ; 19. Rendre obligatoire l'audition séparée des futurs époux par les autorités consulaires lors des mariages célébrés à l'étranger ; 20. Désigner, dans chaque consulat, un responsable des mariages forcés à qui les jeunes filles ou femmes françaises, ou les jeunes filles mineures étrangères résidant habituellement en France, victimes de mariages forcés, pourraient s'adresser ; 21. Harmoniser l'âge nubile des filles et des garçons à 18 ans ; 22. Instaurer un délit de contrainte au mariage ; 23. Modifier le code civil pour permettre que le ministère public soit habilité à demander en justice l'annulation d'un mariage lorsque le consentement d'un époux a été obtenu par fraude, violence ou contrainte ; 24. Prévoir un dispositif d'accueil spécifique pour les jeunes filles et femmes fuyant les mariages forcés ; 25. Organiser des campagnes au sein de l'Éducation nationale, à destination tant des filles que des garçons, dans les medias à destination des parents ; Concernant la lutte contre le sexisme, notamment dans les cités : 26. Rendre obligatoire dans l'enseignement les droits de l'homme, l'histoire de la pensée et des idées ; 27. Mettre en place une journée d'éducation civique à l'école, au collège et au lycée, axée sur les droits de l'homme, sur l'égalité entre les hommes et les femmes et sur les droits de l'enfant ; 28. Former les étudiants et professeurs stagiaires des IUFM aux problèmes spécifiques des zones d'éducation prioritaires (ZEP), notamment en organisant des stages obligatoires en ZEP, et mettre en place un tutorat lors des primo-affectations dans ces zones ; 29. Favoriser l'affectation en ZEP de professeurs expérimentés par une politique réellement incitative en terme de carrière et de rémunération. Les années passées en ZEP pourraient par exemple compter plus que les autres dans le calcul de la retraite (deux années comptant pour trois) ; 30. Organiser des campagnes d'information à destination des jeunes, afin d'apprendre aux filles et aux garçons à vivre dans le respect réciproque ; 31. Organiser des campagnes d'information à destination de l'ensemble de la société, afin de réaffirmer le principe de l'égalité et la nécessité du respect mutuel entre les hommes et les femmes ; Concernant l'apprentissage de la langue française : 32. Soumettre la délivrance de la carte de résident à une bonne maîtrise de la langue française ; 33. Rendre obligatoire la formation à la langue française organisée dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration ; Concernant la lutte contre les discriminations dans l'entreprise : 34. Encourager les enquêtes sur la diversité dans l'entreprise, prenant notamment en compte le caractère sexué des discriminations ; 35. Soutenir les femmes immigrées dans leurs parcours d'insertion professionnelle, de formation et de création d'entreprise. 36. Favoriser la diversification des parcours des jeunes filles issues de l'immigration en améliorant l'information sur l'orientation à l'école et en valorisant les parcours de réussite. 37. Mettre en place une réelle diversité dans le recrutement des fonctionnaires, et encourager cette même diversité au sein des entreprises, notamment par l'adoption d'une charte de l'égalité et de la diversité. 38. Valoriser la différence comme facteur d'enrichissement. 39. Conforter le rôle de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), notamment en la dotant d'un pouvoir propre de sanction. 40. Encourager les magistrats à la plus grande vigilance face aux délits de discriminations. 3. De réelles avancées législatives a) S'agissant des mariages forcés et des mariages de complaisance Deux mesures recommandées par la Délégation ont été (partiellement) adoptées en 2006 : - l'harmonisation de l'âge nubile des filles et des garçons à 18 ans ; - l'audition séparée des futurs époux : la Délégation avait souhaité qu'elle soit obligatoire. Elle reste une possibilité, sauf pour le futur conjoint mineur (dans ce cas, elle est obligatoire). Trois lois sont venues renforcer la lutte contre les mariages forcés et les mariages de complaisance. · La loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs : Elle introduit l'harmonisation de l'âge nubile. Désormais, l'âge du mariage pour les jeunes filles françaises est fixé à 18 ans minimum. Elle donne à l'officier d'état civil, en France ou à l'étranger, la possibilité de déléguer à des fonctionnaires titulaires chargés de l'état civil l'audition commune des époux ou des entretiens séparés. Cette délégation a pour objectif d'éviter que les entretiens séparés n'aient pas lieu, faute de moyens administratifs. Elle permet au ministère public d'attaquer en nullité un mariage pour lequel une contrainte a été exercée sur les époux ou l'un deux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant. Enfin, elle facilite l'annulation des mariages forcés : l'action en annulation est désormais ouverte au ministère public, tandis que le délai de cohabitation continue au-delà duquel l'action en nullité n'est plus recevable a été porté à 5 ans après le mariage ou 5 ans après la majorité pour les époux mineurs. · LA LOI DU 14 NOVEMBRE 2006 relative au contrôle de la validité des mariages est allée encore plus loin dans la lutte contre les mariages forcés. Les mesures principales de ce texte portent sur : - le renforcement du contrôle des mariages en France et à l'étranger par l'accroissement des formalités préalables. Le texte modifie ainsi l'article 63 du code civil, exigeant plus de documents à fournir, le renforcement du contrôle de l'identité des futurs époux et l'audition systématique des deux époux en cas de doute sur le libre consentement des intéressés ou la réalité du projet matrimonial. - le renforcement de la lutte contre les mariages forcés de mineurs. Il est précisé que l'audition du futur conjoint mineur se fera hors la présence des père, mère, représentant légal ou futur conjoint. - pour les mariages contractés par les ressortissants français à l'étranger, le renforcement des formalités de vérification préalables au mariage et du contrôle effectué dans le cadre de la transcription de l'acte à l'état civil. Les ressortissants français souhaitant se marier à l'étranger devront solliciter auprès des autorités diplomatiques un certificat de capacité à mariage qui leur sera délivré après remise d'un dossier complet et une audition destinée à vérifier la sincérité de leur intention matrimoniale et la régularité du mariage au regard du droit français. Si l'audition des futurs époux fait naître un doute sur la validité du mariage envisagé, l'agent diplomatique ou consulaire en informera le procureur de la République compétent pour qu'il s'oppose au mariage. La mainlevée de l'opposition peut être demandée à tout moment devant le tribunal de grande instance par les futurs époux. La transcription de l'acte de mariage sur les registres de l'état civil qui, dans le droit actuel, n'était pas nécessaire pour faire valoir les droits familiaux, successoraux et patrimoniaux, devient une condition de son opposabilité en France. Lorsque les formalités préalables au mariage auront été respectées, la transcription de l'acte de mariage sera acquise six mois après la demande. Toutefois si l'officier de l'état civil décèle, au moment de la demande de transcription, des éléments nouveaux permettant de suspecter un cas de nullité, il devra, après avoir procédé à l'audition des époux, saisir le procureur de la République pour qu'il se prononce sur la transcription du mariage. Lorsque le mariage a été célébré en dépit d'une opposition formée par le ministère public, la transcription sera impossible, sauf si les époux obtiennent l'autorisation du tribunal de grande instance. Dans le cas où l'époux français se marie à l'étranger sans avoir sollicité la délivrance du certificat de capacité à mariage, il est procédé à une audition par l'agent diplomatique ou consulaire et si des indices laissent suspecter une fraude, le procureur de la République pourra s'opposer à la transcription, cette opposition ne pouvant être levée que par une décision du tribunal de grande instance saisi par les époux. · La loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration précise (article 37) que la carte de résident ne sera accordée au conjoint de Français qu'après trois ans de mariage au lieu de deux. De plus, en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 7, la décision d'accorder cette carte est subordonnée au respect de la condition d'intégration républicaine dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect définitif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française. Elle prévoit (article 79) de porter le délai de communauté permettant aux conjoints de Français d'acquérir la nationalité par voie de déclaration de deux à quatre ans, et à cinq ans en l'absence de résidence en France pendant trois ans. Le conjoint étranger doit en outre justifier d'une connaissance suffisante de la langue française. Deux mesures recommandées par la Délégation ont été adoptées : l'obligation de signature du contrat d'accueil et d'intégration et la prise en compte d'une bonne maîtrise de la langue française pour la délivrance de la première carte de résident. C'est la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration qui comporte des avancées sensibles en ces domaines. L'article 5 de la loi du 24 juillet 2006 prévoit que les étrangers admis pour la première fois au séjour en France ou qui entrent régulièrement en France entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui souhaitent s'y maintenir durablement préparent leur intégration républicaine dans la société française. Ils devront signer un contrat d'accueil et d'intégration par lequel ils s'obligent à suivre une formation civique et, lorsque le besoin en est établi, une formation linguistique. La formation civique comporte une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, notamment l'égalité entre les hommes et les femmes. La formation linguistique est sanctionnée par un titre ou un diplôme reconnu par l'État. Lors du premier renouvellement de la carte de séjour, il peut être tenu compte du non-respect des stipulations du contrat d'accueil et d'intégration. Par ailleurs, l'article 7 de la loi du 24 juillet 2006 prévoit que la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect définitif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française. Enfin, les articles 86 et 87 de la loi du 24 juillet 2006 instituent une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française organisée par le préfet, ou, s'il en fait la demande, par le maire, sur autorisation du préfet. Cette cérémonie est ouverte aux personnes ayant acquis la nationalité française dans un délai de 6 mois à compter de la délivrance du certificat de nationalité. La recommandation de la Délégation de conforter le rôle de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), notamment en la dotant d'un pouvoir propre de sanction, s'est trouvée concrétisée par la loi du 31 mars 2006 sur l'égalité des chances. Désormais, en application de l'article 41 de cette loi, la HALDE dispose d'un pouvoir de transaction amiable lui permettant de proposer à l'auteur des faits de discrimination le versement d'une amende transactionnelle, dont le montant ne peut excéder 3 000 euros s'il s'agit d'une personne physique et 15 000 euros s'il s'agit d'une personne morale et, s'il y a lieu, l'indemnisation de la victime. L'article 14 de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs permettra de lutter contre une pratique en plein développement, celle de l'excision de jeunes filles lors d'un retour au pays d'origine, généralement à l'occasion de vacances. Elle prévoit l'extension de la répression de l'excision et des autres mutilations sexuelles à celles commises à l'étranger à l'encontre d'une victime résidant habituellement en France. Le délai de prescription d'un tel acte est également allongé (délai de 20 ans, à compter de la majorité des mineurs). Le secret professionnel n'est pas applicable à ceux qui informent les autorités judiciaires, médicales ou administratives d'une telle mutilation. B. L'ÉTUDE SUR L'IVG ET LA CONTRACEPTION 1. Le suivi de la loi du 4 juillet 2001 La commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, n'ayant pas souhaité créer de commission d'enquête sur l'accès effectif à l'IVG et à la contraception, a confié à la Délégation aux droits des femmes la mission d'étudier cette situation. La Délégation a donc entrepris une série d'auditions destinées à assurer un suivi de la loi du 4 juillet 2001 relative à l'IVG et à la contraception. Cette étude, qui figure en deuxième partie du rapport annuel, fait le point des avancées de la loi et des difficultés qui subsistent, s'agissant notamment des IVG médicamenteuses. Le nombre annuel d'IVG se maintenant à un niveau élevé, elle souligne également la nécessité d'une politique de contraception mieux ciblée. 2. Les recommandations de la Délégation 1. Lancer le plus rapidement possible une nouvelle campagne nationale d'information sur la contraception afin de mieux faire connaître la variété des méthodes contraceptives à la disposition des femmes ; renouveler régulièrement de telles campagnes de manière à délivrer des messages actualisés à un public féminin et masculin en constant renouvellement ; 2. Renforcer l'information sur les contraceptifs hormonaux de la troisième génération et favoriser leur diffusion, notamment les implants, les patchs et les anneaux vaginaux, particulièrement adaptés aux besoins de la tranche d'âge des femmes de 20 à 30 ans qui est celle où les oublis de pilule sont les plus fréquents et où le taux d'IVG est le plus élevé ; 3. Faire élaborer par le ministère de la santé des plaquettes informatives, simples, claires sur les différentes méthodes de contraception, les contraceptifs hormonaux de la troisième génération, la conduite à tenir en cas d'oubli de pilule, la contraception d'urgence, l'IVG et l'IVG médicamenteuse ; mettre ces plaquettes à disposition des professionnels de santé concernés (médecins généralistes et gynécologues, infirmières scolaires, centres de planning familial, centres de PMI) pour une large diffusion auprès des femmes ; 4. Faire élaborer par le ministère de la santé un guide du prescripteur en matière de contraception, dans lequel il conviendrait de sensibiliser les médecins à la nécessité d'adapter la contraception proposée au mode de vie et à l'âge des femmes ; 5. Attirer l'attention des professeurs de SVT sur l'importance des informations qu'ils communiquent concernant les périodes de fécondité humaine et s'assurer que les manuels scolaires véhiculent les messages appropriés, notamment que le 14e jour du cycle n'est qu'une date d'ovulation théorique, que l'ovulation peut intervenir à n'importe quel moment du cycle et que la période de fécondité est plus large que la date d'ovulation ; 6. Élargir à l'ensemble des médecins généralistes la possibilité de pratiquer l'IVG médicamenteuse en ville, dès lors qu'ils auraient suivi une formation spécifique ; 7. Activer la mise au point d'un protocole d'accord entre le ministère de la santé et celui de l'Éducation nationale pour assurer aux mineures s'absentant pour des démarches relatives à une IVG la garantie de confidentialité prévue par la loi du 4 juillet 2001. 3. Des évolutions encore trop lentes Selon le bilan dressé par le ministère de la santé et de la cohésion sociale, la légère baisse des interruptions volontaires de grossesse en 2003 ne s'est pas confirmée en 2004 ; 210 700 femmes y ont eu recours en 2004 (203 000 en 2003). Parmi l'ensemble de ces IVG, on constate une augmentation des IVG médicamenteuses, celles qui doivent être pratiquées au tout début de la grossesse : 1 500 en juin 2006, contre moins de 1 000 par mois en 2005, 42 % d'entre elles étant pratiquées par la médecine de ville. Selon le Haut conseil de la population et de la famille, chez les jeunes filles de moins de 18 ans, trois grossesses sur cinq aboutissent à une interruption volontaire de grossesse, soit 13 400 IVG en 2004 (dont 700 avant 15 ans), chiffre qui n'a pas baissé depuis 15 ans. S'agissant de la contraception d'urgence, selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) sur l'année 2004, un tiers des jeunes filles entre 15 et 24 ans ont déjà eu recours à la pilule du lendemain. Plus d'un million de comprimés de Norlevo ont été vendus en 2005, soit six fois plus qu'en 1999. Selon Mme Nathalie Bajos, chercheure à l'INSERM, il est cependant important de souligner que le recours à la contraception d'urgence, qui intervient après un rapport mal protégé ou non protégé, n'a pas modifié pour autant les pratiques contraceptives. II. LES AUTRES RAPPORTS DE LA DÉLÉGATION ET LEUR SUIVI A. LE RAPPORT SUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DES VIOLENCES AU SEIN DU COUPLE En 2004, on a recensé 35 000 cas de violences conjugales, dont 154 mortels. Leur nombre ne cesse d'augmenter. Au cours des neuf premiers mois de l'année 2006, en moyenne, un décès de femme est intervenu tous les trois jours des suites de violences au sein du couple, a indiqué Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, lors de sa communication au Conseil des ministres du 25 novembre 2006. 1. Une unanimité contre les violences Le Sénat a adopté le 29 mars 2005 une proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple. Elle visait essentiellement à renforcer l'arsenal pénal en matière de violences au sein du couple. Cette proposition de loi, élaborée par la commission des lois du Sénat, prévoyait : - l'extension de la circonstance aggravante pour les violences commises par le conjoint ou le concubin au partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ainsi qu'à l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien pacsé ; - l'application de la circonstance aggravante au meurtre ; - l'incrimination explicite du viol entre conjoint, concubin ou pacsé ; - la définition d'une obligation spécifique d'éloignement de l'auteur de violences du domicile commun. Au cours de l'examen du texte en séance publique au Sénat, un amendement a été adopté visant à relever l'âge nubile des femmes de 15 à 18 ans. 2. Les recommandations de la Délégation La Délégation a adopté le 6 décembre 2005 le rapport (n° 2724) de Mme Chantal Brunel sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple. Elle a constaté que cette proposition, adoptée à l'unanimité par le Sénat, constituait une avancée positive en matière de lutte contre les violences au sein du couple. Elle était donc favorable à l'ensemble des dispositions du texte. Elle a également proposé que soient complétées les mesures protectrices à l'égard des femmes de l'immigration, ce qui a été fait dans la version définitive du texte, suite à l'adoption de plusieurs amendements. Elle a également rappelé que le volet pénal ne saurait à lui seul résoudre le problème de la violence au sein des couples et que les actions de prévention et les mesures d'accompagnement devaient être renforcées. Les recommandations suivantes ont été adoptées : 1. Mettre en oeuvre des actions spécifiques de prévention en milieu scolaire, afin d'obtenir une évolution en profondeur des mentalités et des représentations concernant les relations entre les hommes et les femmes, en insistant particulièrement sur la notion de respect de l'autre, sur le principe d'égalité entre les hommes et les femmes et en formant progressivement les élèves aux méthodes de résolution pacifique des conflits ; 2. Élaborer des modules de formation englobant tous les aspects de la prise en charge des violences au sein du couple (psychologie des agresseurs et thérapie, parcours et démarches à accomplir pour faire cesser la violence, mesures d'accompagnement permettant aux femmes de recouvrer leur autonomie). Ces modules, adaptés au rôle spécifique de chaque catégorie d'intervenants (travailleurs sociaux, médecins, policiers, gendarmes, magistrats, avocats) doivent être intégrés aussi bien dans la formation initiale que dans la formation continue ; 3. Créer des outils statistiques permettant de recenser annuellement les violences non pas uniquement en fonction de leur nature, mais également en précisant le sexe de la victime, l'âge et s'il existe ou existait une relation de couple entre l'agresseur et la victime. Ces données chiffrées précises permettraient de mesurer de manière exacte l'ampleur et les caractéristiques des violences subies par les femmes au sein du couple et d'apprécier l'efficacité des actions entreprises pour lutter contre ce phénomène ; 4. Limiter à une fois la possibilité de recourir à la médiation pénale en matière de violences au sein du couple. Il s'agit, en effet, d'une alternative aux poursuites qui obtient peu de résultats concrets puisque l'agresseur est placé sur le même plan que la victime. La médiation apparaît donc bien souvent à l'agresseur comme un moyen d'échapper aux sanctions, sans subir la moindre contrainte ; 5. Rendre plus systématique le recours à l'injonction de soins dans le cadre des mesures alternatives aux poursuites, notamment en le préconisant fortement dans le guide de l'action publique du ministère de la Justice relatif à la lutte contre les violences au sein du couple. Ces thérapies permettent d'obtenir des résultats beaucoup plus tangibles en matière de comportement de l'agresseur que la médiation pénale, laquelle banalise les actes de violence car elle en fait un élément du conflit relationnel au sein du couple. À cet égard, les expériences pilotes menées à Paris et à Nîmes ont obtenu des résultats positifs dans ce domaine et mériteraient d'être étendues ; 6. Développer les capacités d'accueil en urgence pour les femmes victimes de violences au sein du couple, que ce soit dans des centres d'hébergement ou bien dans des familles d'accueil, les deux dispositifs pouvant être utilisés de manière complémentaire ; 7. Autoriser le versement en urgence, à la demande du procureur de la République, des prestations à caractère social ou familial auxquelles les femmes peuvent prétendre. En effet, celles qui sont totalement démunies de ressources sont actuellement dans l'incapacité de faire face aux dépenses immédiates lorsqu'elles doivent quitter le domicile, du fait de la violence de leur compagnon ; 8. Favoriser la mobilité géographique des femmes ayant un emploi qui s'efforcent de limiter, voire de supprimer les contacts avec leur agresseur. Cela nécessite, à partir du moment où une procédure judiciaire est en cours pour violences commises par le compagnon ou l'ex-compagnon, d'ouvrir le droit aux allocations de chômage aux femmes travaillant dans le secteur privé lorsqu'elles démissionnent pour s'éloigner de leur agresseur et de reconnaître aux femmes fonctionnaires un droit prioritaire à la mobilité géographique ; 9. Renforcer la lutte contre les mariages forcés qui constituent une violence caractérisée contre les femmes, en instituant un contrôle systématique de la réalité du consentement des jeunes filles mariées à l'étranger, la transcription du mariage en France devant être notamment subordonnée à une autorisation qui ne pourra être délivrée qu'après que la jeune fille ait été entendue séparément par les autorités consulaires ; 10. La polygamie constituant une violence faite à des femmes souvent en situation précaire et parfois mineures, s'assurer, dans le cas de familles vivant en état de polygamie, que les prestations familiales bénéficient bien aux enfants en les versant à un tuteur extérieur à la famille. Au cours de la fin de l'année 2005 et de l'année 2006, ont eu lieu de réelles avancées dans la lutte contre les violences. - En premier lieu, la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple a été définitivement adoptée le 23 mars 2006. Au cours de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale de cette proposition de loi, le 15 décembre 2005, Mme Chantal Brunel a présenté deux amendements reprenant les recommandations de la Délégation. Le premier visait à limiter à une seule fois le recours à la médiation pénale. Au cours de l'examen en séance publique du texte en première lecture à l'Assemblée nationale, Mme Chantal Brunel a retiré son amendement, après une intervention du garde des Sceaux estimant que cette disposition, qui faisait consensus, relevait plutôt de la circulaire. Repris par Mme Muguette Jacquaint, cet amendement a été adopté par l'Assemblée nationale le 15 décembre 2006. Supprimée par le Sénat en seconde lecture, le 24 janvier 2006, la disposition a été réintroduite par la commission des lois de l'Assemblée nationale, mais a finalement été rejetée en seconde lecture à l'Assemblée nationale le 21 février 2006. Le second amendement visait, au cas où les enfants sont élevés par des parents vivant en état de polygamie, à permettre au juge des enfants de faire verser les prestations familiales à un tuteur, c'est-à-dire à une personne physique ou morale qualifiée extérieure à la famille. Il a été repoussé en première lecture à l'Assemblée nationale le 15 décembre 2006, au motif qu'il serait dangereux de reconnaître incidemment la polygamie dans un texte de loi, alors qu'elle est interdite et que l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale permet au juge des enfants - mais sans lui en faire obligation - de désigner un tiers pour gérer l'argent des prestations familiales. Ces amendements n'ont pas été adoptés mais l'ensemble du texte de loi constitue néanmoins une avancée positive. Le texte définitif fait ainsi de la qualité de conjoint une circonstance aggravante du viol et des agressions sexuelles commises au sein du couple et étend la disposition prévoyant l'éloignement du domicile conjugal aux anciens conjoints, anciens concubins ou anciens pacsés - En second lieu, dans sa communication au Conseil des ministres du 25 novembre 2006, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a indiqué que, dans le domaine du travail et de l'emploi, la nouvelle convention d'assurance-chômage permettait aux victimes de violences de bénéficier de l'assurance chômage si elles démissionnent de leur emploi à la suite d'un déménagement consécutif à des violences. - En troisième lieu, aux articles 15 et 16 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 5 décembre 2006, figurent deux dispositions visant à lutter contre les violences conjugales. La première prévoit un suivi socio-judiciaire pour les auteurs de violences, qui peut être accompagné d'une injonction de soin, dans le but de prévenir la récidive. Il sera obligatoire en matière correctionnelle, lorsqu'il s'agit de violences habituelles, sauf en cas de condamnation à une peine avec sursis ou par décision spécialement motivée ; en matière criminelle, la cour d'assises devra délibérer de façon spécifique sur le prononcé d'un tel suivi. La seconde disposition, qui ne se limite pas aux violences conjugales, délie le médecin de l'obligation de secret professionnel : le secret médical pourra être levé sans l'accord de la victime, lorsque celle-ci est mineure ou n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique. B. LE SUIVI DE LA LOI SUR L'ÉGALITÉ SALARIALE 1. Un texte novateur adopté par le Parlement La loi sur l'égalité salariale a été adoptée définitivement par le Parlement le 23 février 2006. Un rapport de Mme Marie-Jo Zimmermann sur ce projet de loi avait été adopté par la Délégation aux droits des femmes le 12 avril 2005. Il comportait un certain nombre de recommandations permettant notamment de faire progresser la représentation des femmes dans les instances professionnelles et les instances de décision. Ces recommandations avaient été reprises par Mme Marie-Jo Zimmermann et déposées sous forme d'amendements au texte. À l'issue de l'examen du texte par le Parlement, Mme Marie-Jo Zimmermann pouvait légitimement se réjouir d'avoir réussi à faire progresser la présence des femmes dans les conseils d'administration des entreprises (communiqué de presse du 24 février 2006). En effet, elle était à l'origine de plusieurs dispositions visant à faire progresser la présence des femmes, non seulement dans les conseils d'administration mais aussi sur les listes électorales des comités d'entreprises et des délégués du personnel. Le texte adopté définitivement par le Parlement prévoyait ainsi que, dans un délai de cinq ans, les conseils d'administration et de surveillance des sociétés anonymes devraient être composés en recherchant une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes et surtout devraient comprendre un minimum de 20 % de femmes. Par ailleurs, la composition des listes présentées par les organisations syndicales représentatives pour les élections des comités d'entreprise et des délégués du personnel devait, dans un délai de cinq ans, refléter la proportion de femmes et d'hommes de chaque collège électoral. 2. La censure du Conseil Constitutionnel et la proposition de loi constitutionnelle de Mme Marie-Jo Zimmermann Le 17 mars 2006, le Conseil constitutionnel a censuré comme contraires à l'égalité et non couvertes par les dispositions constitutionnelles relatives à la parité en matière d'élections politiques, ces dispositions instaurant des règles de composition contraignantes fondées sur le sexe des personnes. La présidente de la Délégation aux droits des femmes a réagi dans deux communiqués à la presse des 17 et 24 mars 2006 à cette décision du Conseil constitutionnel qui, si elle répond à une certaine logique juridique, est tout à fait inadaptée à la situation actuelle de la société française. Elle annonçait le dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle permettant de mettre en phase la vie économique et sociale avec l'évolution de la société. La proposition de loi constitutionnelle relative à l'égalité des sexes dans les responsabilités professionnelles et sociales qu'elle a déposée le 31 mai 2006 prévoit expressément que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales ». Son adoption permettrait au législateur de voter des lois favorisant, comme pour la parité en politique, une réelle égalité des hommes et des femmes en ces domaines. C. LE RAPPORT SUR LE PROJET DE LOI TENDANT À PROMOUVOIR L'ÉGAL ACCÈS DES FEMMES ET DES HOMMES AUX MANDATS ÉLECTORAUX ET FONCTIONS ÉLECTIVES 1. Un nouveau projet de loi sur la parité Annoncé par le Président de la République, lors de ses vœux, en janvier 2006, présenté en conseil des ministres du 28 novembre 2006, adopté en première lecture par le Sénat le 14 décembre 2006, le projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives venait combler quelques insuffisances et lacunes des précédentes lois visant à favoriser la parité en politique. Il prévoyait une obligation de parité pour l'élection des exécutifs des conseils régionaux et municipaux, un renforcement de la sanction financière pour les partis ne respectant pas la parité de candidatures aux élections législatives, et l'institution de suppléant de sexe opposé pour les conseillers généraux. Il ne contenait cependant aucune disposition relative aux structures intercommunales, contrairement aux annonces du Président de la République qui avait souhaité que soit instituée une obligation de parité pour la désignation des délégués des communes de 3 500 habitants et plus. Lors de son examen par le Sénat le texte avait été enrichi des mesures suivantes : obligation d'alternance stricte homme-femme (au lieu d'une alternance par tranche de six candidats) sur les listes pour les élections municipales dans les communes de 3 500 habitants et plus, extension de l'obligation de parité aux élections des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, suppression du caractère provisoire de l'obligation de parité dans les exécutifs régionaux, extension des cas dans lesquels le suppléant du conseiller général est appelé à le remplacer. 2. Les recommandations de la Délégation La Délégation a adopté le 9 janvier 2007 le rapport (n° 3554) de Mme Marie-Jo Zimmermann sur le projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Intitulé « Parité : en progrès... mais peut mieux faire », ce rapport contenait les recommandations suivantes : 1. La Délégation approuve les modifications au projet de loi introduites en première lecture au Sénat, notamment en ce qui concerne la suppression du caractère provisoire des mesures de parité dans les exécutifs municipaux et régionaux, ainsi que l'introduction d'une obligation de parité stricte (et non par tranche de six candidats) sur les listes pour les élections municipales dans les communes de 3 500 habitants et plus ; 2. La Délégation regrette que, contrairement aux annonces faites par le Président de la République en janvier 2006, le projet de loi ne prévoit aucune obligation de parité pour la désignation des délégués des communes dans les intercommunalités ; étant devenues des lieux de pouvoir, celles-ci ne doivent pas rester à l'écart des évolutions ; 3. La Délégation souligne qu'en 2003, la réforme modifiant le mode de scrutin sénatorial dans les départements élisant trois sénateurs a eu un impact très négatif sur la parité, puisqu'entre 2001 et 2004, la place des femmes y a reculé de 20 % à 4,8 % ; elle estime donc indispensable le rétablissement du scrutin proportionnel avec obligation de parité dans ces départements (en première lecture un amendement en ce sens n'a d'ailleurs été rejeté au Sénat que par 165 voix contre et 161 pour) ; 4. La Délégation rappelle que les conseils généraux sont les assemblées locales les plus fermées aux femmes et considère qu'une modernisation globale du mode de scrutin est souhaitable et même indispensable à terme ; 5. La Délégation se réjouit du renforcement des « pénalités » financières infligées aux partis politiques ne respectant pas la parité des candidatures aux élections législatives ; considérant que, même renforcées, ces « pénalités » restent trop modestes pour être vraiment dissuasives, elle estime opportun de les faire porter sur les deux fractions de l'aide publique de l'État aux partis politiques ; 6. Enfin, la Délégation estime qu'il est absolument indispensable d'appliquer le taux renforcé des pénalités financières dès les prochaines élections législatives ; si l'on considère qu'un renforcement des sanctions est indispensable pour faire progresser la parité, il n'y a en effet aucune raison de retarder la mesure. 3. Un nouvel élan de la parité Adopté conforme par l'Assemblée nationale en première lecture le 18 janvier 2007, le texte est devenu la loi du 31 janvier 2007. Un amendement de Mme Marie-Jo Zimmermann étendant l'obligation de parité à la désignation des délégués des communes de 3 500 habitants et plus a donné lieu à débat. D'abord adopté par l'Assemblée malgré l'avis contraire du gouvernement et de la commission, il a ensuite été rejeté au cours d'une seconde délibération. La ministre, Mme Catherine Vautrin, a cependant annoncé que le débat était ouvert, que les services du ministère de l'intérieur commençaient à travailler sur la réforme du mode d'élection des conseillers communautaires et que la question de la parité serait abordée dans ce cadre. III. L'ACTIVITÉ INTERNATIONALE DE LA DÉLÉGATION A. LES RÉUNIONS DE COMMISSIONS EUROPÉENNES CHARGÉES DES DROITS DES FEMMES 1. La mission de la présidente de la Délégation à Rome (24 novembre 2005) Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la Délégation, s'est rendue à Rome, le 24 novembre 2005, à l'invitation de Mme Lalla Trupia, présidente de la commission pour l'égalité des chances de la Chambre des députés italienne, en vue de participer à un colloque sur l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Au cours de ce colloque ont été évoquées les avancées et les bonnes pratiques en matière d'égalité des chances. Mme Marie-Jo Zimmermann a évoqué le rôle des Délégations parlementaires françaises aux droits des femmes ainsi que les avancées réalisées dans le domaine politique et économique en France. Le président de la Chambre des députés et plusieurs parlementaires italiens ont présenté la situation des femmes en Italie. Le principe de l'égalité des chances entre les genres figure à l'article 3 de la Constitution italienne qui affirme l'égale dignité sociale et l'égalité de tous les citoyens sans distinction de genre, de race, de religion, d'opinions politiques et de conditions sociales et économiques. Ce principe général est décliné à l'article 37 de la Constitution qui établit que la femme qui travaille a les mêmes droits et, à égalité de travail, les mêmes salaires que le travailleur ainsi qu'à l'article 51 de la Constitution qui prévoit l'égalité des genres dans l'accès aux administrations publiques et aux fonctions électives. Néanmoins, pour encourager la parité, cet article 51 a été complété par la loi constitutionnelle du 30 mai 2003. Il permet désormais, suivant une formulation similaire à l'article 3 de la Constitution française qu'« à cette fin, la République favorise, par des mesures appropriées, l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ». Dans le domaine politique, plusieurs dispositions législatives, aussi bien sur le plan national que régional, confortent ainsi l'article 51 de la Constitution et prévoient des mesures générales visant à promouvoir l'accès des femmes aux fonctions électives. La loi n° 90 du 8 avril 2004 modifiant la loi du 24 janvier 1979 pour l'élection du Parlement européen précise que les listes de candidats où ne figurent pas des candidats des deux sexes ne seront pas enregistrées et prévoit que, sur les listes de candidats présentés, aucun des deux sexes ne puisse être représenté par plus des deux tiers des candidats présents sur la liste. Pour les mouvements ou partis politiques n'ayant pas respecté cette disposition, les aides aux frais électoraux allouées par l'État sont réduites jusqu'à un maximum de la moitié, proportionnellement au nombre de candidats en excès par rapport au nombre autorisé. Cette réduction de remboursement alimente une prime attribuée aux partis ou mouvements politiques pour lesquels le quota des candidats élus de chacun des deux sexes est supérieur à un tiers du total des candidats élus. Aux élections européennes de 2004, quinze femmes (sur 78) ont été élues, soit 19,2 %. Pour les élections législatives, de 1994 à 2001, selon la loi électorale de 1993, les trois-quarts des députés et sénateurs étaient élus au scrutin majoritaire et le quart restant au scrutin proportionnel de liste. Chaque électeur disposait de deux voix, l'une lui permettant de voter pour un candidat, l'autre pour une liste. Selon ce système électoral, en mai 2001, 71 femmes (sur 630) avaient été élues à la Chambre des députés et 25 (sur 315) au Sénat. Postérieurement au colloque, en décembre 2005, soit quatre mois avant les élections, le système électoral italien a été réformé. Les parlementaires sont désormais élus au scrutin proportionnel, la coalition gagnante recevant un « prix de majorité ». En avril 2006, le nombre de femmes députées est alors passé à 109 sur 630 (17,3 %) et le nombre de sénatrices à 44 sur 322 (13,66 %). 2. La Conférence des commissions parlementaires chargées de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes des pays de l'Union Européenne (Helsinki, 31 octobre et 1er novembre 2006) La Conférence des commissions parlementaires pour l'égalité des chances entre les hommes et les femmes des Parlements de l'Union européenne s'est tenue à Heksinki les 31 octobre et 1er novembre 2006. Mmes Marie-Jo Zimmermann et Danielle Bousquet représentaient la Délégation aux droits des femmes à cette Conférence, qui s'est tenue à l'Eduskunta, chambre unique du Parlement finlandais. En préambule à cette Conférence, une intervention de Mme Kaari Utrio, écrivain, a présenté l'historique des droits politiques des femmes en Finlande, rappelant notamment la fierté de son pays en ce domaine, puisque la Finlande fête cette année le centenaire de leurs droits politiques : c'est en 1906 que la nouvelle Constitution octroyée par la Russie au Grand Duché de Finlande a accordé le droit de vote et d'éligibilité aux femmes. Dès cette date, les Finlandais ont élu 19 femmes à leur Parlement (environ 10 % des parlementaires). La valeur symbolique considérable de l'élection d'une femme à la Présidence de la République (Mme Tarja Halonen, élue le 6 février 2000, réélue en janvier 2006) a également été rappelée. Mme Kaarina Dromberg, députée, a ensuite présenté le réseau des femmes députées du Parlement finlandais. Comme il n'existe pas de commission spécifique à l'égalité des chances au Parlement finlandais, la défense des droits des femmes et de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes est assurée par la commission du travail et de l'égalité, présidée par M. Jukka Gustafsson, président de la Conférence. Parallèlement, a été créé en 1991 un réseau des femmes députées, qui regroupe l'ensemble des 77 élues du Parlement (soit 38,5 % des députés), pour mieux faire entendre la voix des femmes. Elles considèrent que leur mobilisation a permis notamment de promouvoir le droit aux crèches pour les enfants d'âge non scolaire et la légalisation du viol conjugal. La première journée de la Conférence a porté sur les problèmes suivants : - la mondialisation, avec une intervention de Mme Tarja Halonen, présidente de la République. Elle a notamment évoqué le rapport, paru en avril 2004, de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation, dont elle assurait la coprésidence et qui était intitulé « une mondialisation juste : créer des opportunités pour tous ». Elle a particulièrement développé les impacts de la mondialisation à l'égard des femmes : positifs (accès des femmes au travail indépendant, notamment) mais également négatifs (trafic de femmes, en particulier) ; - la situation des femmes réfugiées en Europe, avec une intervention de Mme Pirkko Kourula, directrice du Bureau pour l'Europe du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR). Elle a rappelé qu'il y a 10 millions de réfugiés dans le monde, que 30 % des demandeurs d'asile en Europe sont des femmes, souvent seules ou avec enfants, et qu'elles doivent être particulièrement protégées contre les violences et particulièrement les violences sexuelles et la prostitution. Elle a insisté sur la nécessité de faire connaître le rôle positif des femmes réfugiées dans leur communauté, d'aider à leur insertion par l'éducation, notamment l'apprentissage des langues, et le travail. Elle a souligné le rôle de l'Union Européenne et du Conseil de l'Europe en ce sens ; - les femmes dans les conflits armés, avec une intervention de Mme Elisabeth Rehn, ancien ministre de la Défense. Elle a rappelé que les femmes et les jeunes filles sont particulièrement vulnérables pendant les conflits armés (violences et viols de masse), mais aussi après la fin de ces conflits (prostitution forcée et trafic de femmes). La résolution 1325 du Conseil de sécurité sur la participation des femmes au processus de paix, adoptée en 2000, est un grand pas en avant. Son application est discutée chaque année aux Nations unies. Mme Rehn a insisté sur trois points : la mise sur pied d'un environnement juridique dans les zones de crise, qui supprime toute immunité pour des actes de violence sexuelle ; l'accroissement du nombre de femmes dirigeant des missions de la paix et participant aux négociations et au processus de paix ; l'élaboration de plans nationaux pour mettre en œuvre la résolution 1325 ; - les mesures prises par la Finlande et par l'Union Européenne pour mettre en vigueur la résolution des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité, avec une intervention du ministre des affaires étrangères, M. Erkki Tuomioja ; - le droit des minorités et les mesures pour protéger leur statut, présenté par l'ancien député des îles Aland (île finlandaise où la majorité de la population parle le suédois). Au cours de la seconde journée, ont été abordées les questions suivantes : - les hommes et l'égalité, intervention de philosophie sociale du professeur Juha Sihvola, qui a fait appel à la théorie de la justice de Rawles et à celle de la vie bonne d'Aristote pour justifier l'intérêt de l'État à mener une politique d'égalité entre les genres, visant à renforcer la présence des hommes dans la vie familiale et celle des femmes dans la vie économique, sociale et politique ; - les défis de la politique d'égalité salariale, avec l'intervention de Mme Tuula Haatainen, ministre finlandaise des affaires sociales et de la santé. La Finlande a choisi deux thèmes principaux pour sa présidence de l'Union européenne : celui des hommes et de l'égalité, dans le but d'impliquer plus fortement les hommes dans la politique d'égalité entre les genres, par exemple en incitant les hommes à se diriger vers les métiers dits féminins, et celui des femmes dans la prise de décision économique. Le gouvernement finlandais s'est également fixé 100 objectifs d'égalité dans le cadre d'un programme pour la période 2004-2007. Il élaborera pour 2008 un projet de budget prenant en compte les perspectives de genre. Il a pris des mesures en faveur de la conciliation vie familiale-vie professionnelle, telles qu'encourager les pères à prendre un congé parental tout en allégeant le fardeau financier pour les entreprises (actuellement seulement 4 % des pères utilisent ce congé qui dure environ 10 mois après la naissance et qui est rémunéré à hauteur de 70 % du revenu de la personne concernée) et permettre aux pères divorcés de s'absenter pour s'occuper de leur enfant malade. Le gouvernement a également lancé un programme d'égalité salariale, visant à réduire de 5 % l'écart de salaires entre hommes et femmes (actuellement de 20 %) en 2005 ; - la future campagne du Conseil de l'Europe pour combattre la violence à l'égard des femmes, y compris la violence domestique, présentée par Mme Minodora Cliveti, présidente de la commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Cette campagne sera lancée le 27 novembre prochain à Madrid et durera jusqu'en 2008. Elle impliquera l'ensemble des 46 États membres du Conseil de l'Europe ; - la présentation du projet d'« euro de la femme », par Mme Marja-Leena Haataja, de l'université d'Oulu. Il s'agit d'une campagne axée sur la distribution de pin's montrant de façon explicite que l'euro gagné par une femme ne vaut que 80 cents, puisque son salaire est de 20 % inférieur à celui d'un homme. Elle a également rappelé qu'en dépit de la référence que constituent les pays nordiques en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, la réalité est quelque peu différente. En fait, les femmes sont plutôt employées dans le secteur public et les hommes dans le secteur privé. Les femmes sont sous-représentées dans le secteur industriel et technique (20 % de femmes dans le secteur technologique et 10 % d'hommes dans le secteur social). Peu de femmes occupent des hauts postes, et principalement dans le secteur social, mais pas dans le secteur industriel. * * * Cette Conférence a été l'occasion de riches débats et de la présentation par de nombreux pays de leur politique en matière d'égalité. À cet égard, on peut noter les longs développements des États adhérents (Bulgarie et Roumanie) et des États candidats (Turquie et Croatie) pour présenter leurs efforts en vue de parvenir à l'égalité entre les hommes et les femmes dans leurs pays. B. LE VOYAGE D'ÉTUDE DE LA DÉLÉGATION À MADRID ET AU MAROC (DU 23 AU 28 AVRIL 2006) Un voyage d'étude de la Délégation aux droits des femmes a été effectué à Madrid et au Maroc du 23 au 28 avril 2006. Cette mission était conduite par Mme Marie-Jo Zimmermann, députée (UMP) de Moselle et présidente de la Délégation aux droits des femmes et composée de Mme Danielle Bousquet, députée (SOC) des Côtes-d'Armor, vice-présidente de la Délégation, de Mme Muguette Jacquaint, députée (CR) de Seine Saint-Denis, secrétaire de la Délégation, de M. Pierre-Christophe Baguet, alors député (UDF) des Hauts-de-Seine et de Mme Chantal Bourragué, députée (UMP) de Gironde. Elle avait pour objet de prendre connaissance et d'analyser en profondeur les fortes avancées en faveur des femmes récemment réalisées dans ces deux pays. En Espagne, il s'agissait, pour la Délégation aux droits des femmes, de tirer les leçons des avancées rapides et fortes de ce pays vers l'égalité hommes -femmes et de voir s'il était possible d'en transposer les « recettes » en France. Au Maroc, la mission avait pour objet d'étudier les avancées réalisées grâce au nouveau code de la famille - la « moudawana » - et les freins qui subsistent à sa mise en place effective, ainsi que de mieux comprendre le phénomène des mariages de complaisance et des mariages forcés entre citoyens français et marocains et d'en mesurer l'ampleur afin de déterminer les mesures à prendre pour mieux lutter contre celui-ci. À Madrid, où elle n'a séjourné qu'une journée, la Délégation a été reçue par Mme Orozco Corpas, déléguée spéciale du gouvernement contre les violences faites aux femmes, par Mme Gloria de Pascual, directrice adjointe du cabinet de M. Jesus Caldera, ministre du travail et des affaires sociales, par Mme Monserrat Comas, conseillère au conseil général du pouvoir judiciaire et présidente de l'Observatoire de la violence domestique et par Mme Paloma Gonzales Setien, présidente du Conseil de la femme de la Communauté de Madrid. Un déjeuner offert par son Excellence, M. Claude-Marie Blanchemaison, ambassadeur de France en Espagne, a permis aux députées d'échanger avec la députée Mme Maria del Carmen Quintanilla Barba, vice-présidente de la commission mixte pour les droits de la femme, ainsi qu'avec plusieurs présidentes d'associations, notamment celles de femmes chefs d'entreprise. Un dîner a réuni les membres de la délégation et Mme Charo Nogueira, journaliste à « El Pais ». Au Maroc, la délégation a pu rencontrer des interlocuteurs très différents sur les trois sites de son séjour : Casablanca, Rabat et Fès. À Casablanca, la Délégation s'est rendue dans les locaux de plusieurs associations, qui font un travail remarquable, chacune dans leur sphère d'activité : - l'association « Solidarité féminine » qui s'occupe des jeunes mères célibataires marocaines. Sa présidente Mme Ech Chenna, forte personnalité, très charismatique, sorte de « Mère Teresa » du Maroc, nous a fait part de ses efforts et de ses remarquables réalisations pour aider ces jeunes mères à gagner leur vie tout en gardant leurs bébés et surtout pour leur redonner leur dignité, dans un pays où une mère célibataire se trouve complètement rejetée par sa famille ; - l'association « L'heure joyeuse » qui vient en aide aux femmes en grande précarité (jeunes mères notamment) et aux enfants des rues, et qui fait également œuvre d'alphabétisation, et de formation (cours de couture notamment) ; - l'association de lutte contre le sida (ALCS), présente dans 16 villes marocaines, avec 15 centres de dépistage fixes et 2 centres de dépistage mobiles. Selon le ministère de la santé, 1 870 personnes sont malades du Sida. Selon les estimations, il y a entre 15 000 et 20 000 séropositifs au Maroc (sur une population de 33 millions d'habitants). Le chiffre n'est pas considérable, mais ce qui est effrayant, c'est la progression des cas (triplement entre 2001 et 2005, le nombre de femmes concernées étant passé de 8 % à 35 %). Au cours d'un déjeuner organisé par Mme Brigitte Baley, consule générale adjointe, la délégation a également pu rencontrer Mme Saloua Karki Belkeziz, présidente de l'association des femmes chefs d'entreprise au Maroc. À Rabat, la délégation s'est rendue dans les locaux du consulat de France, où elle a rencontré le consul général, M. Bruno Perdu, le responsable des services d'état civil et sa collaboratrice. Mme Marie-Jo Zimmermann a pu assister à un entretien préalable au certificat de capacité à mariage et a pu se rendre compte des problèmes posés par les mariages de complaisance. Après un entretien avec Mme Nouzha Skalli, députée à la Chambre des représentants qui a porté sur le Parlement marocain et la place des femmes, la délégation a rencontré plusieurs députées marocaines au cours d'un déjeuner offert par Mme Nouzha Skalli. La délégation s'est entretenue avec les deux ministres femmes du gouvernement marocain, Mme Yasmina Baddou, secrétaire d'État chargée de la famille, de l'enfance et des personnes handicapées et Mme Nouzha Chekrouni, ministre déléguée chargée de la communauté marocaine résidant à l'étranger. Au cours des conversations, ont été longuement développées les évolutions de la situation des femmes marocaines. Les ministres ont dressé un bilan extrêmement positif de la réforme du code de la famille et ont souligné le rôle primordial du souverain dans les avancées réalisées. La délégation a également été reçue par Mme Nadia Oulehri, avocate, présidente de l'association « Action femmes juristes » qui a donné un point de vue plus nuancé sur les progrès réalisés. Un dîner organisé à la résidence de l'ambassadeur par M. Bruno Aubert, chargé d'affaires a.i., en présence de la ministre Mme Nouzha Chekrouni a permis à la délégation de rencontrer d'autres présidentes d'associations marocaines (UNIFEM, OMDH, ...) À Fès, la délégation a été reçue à déjeuner dans le cadre somptueux de l'Institut français de Fès, à l'invitation du consul général, M. Gabriel Jugnet, en présence de M. Pierre Raynaud, directeur de l'Institut français, et de nombreuses présidentes d'associations. Une réunion de travail a ensuite réuni chez le Wali divers responsables administratifs et des présidentes d'associations féminines. À l'issue de cette mission, plusieurs idées fortes se dégagent, notamment l'existence dans ces deux pays, à des degrés différents, de notables avancées en faveur des femmes et surtout la perception d'une volonté politique forte de réforme. 1. En Espagne des avancées réelles et globales en faveur de l'égalité hommes-femmes La délégation a été frappée par les avancées considérables obtenues ces dernières années en Espagne. Elles ont été rendues possibles grâce à une volonté politique fortement exprimée, mais aussi grâce à la force et à la combativité des mouvements de femmes, et enfin grâce au soutien constant de la presse en faveur de la cause des femmes. Une forte impulsion en faveur de la parité est sensible depuis l'arrivée au pouvoir du Premier ministre, M. José Luis Rodriguez Zapatero, « président du gouvernement » depuis le 15 avril 2004. Mais des progrès importants avaient déjà été constatés. La progression de la proportion de femmes candidates aux diverses élections et la présence accrue des femmes au sein des institutions représentatives espagnoles s'expliquent par l'instauration de quotas dans certains partis politiques et par leur effet de « contagion » dans les autres partis. Aujourd'hui, 27,5 % de l'ensemble des élus espagnols sont des femmes. Elles sont 34,4 % au Parlement européen, 32,6 % au Congrès des députés (2004), 24,3 % au Sénat (2004), 36 % dans les Parlements des Communautés autonomes (2003), 27,3 % dans les conseils municipaux. Il y a 12,4 % de femmes maires. Même s'ils sont faibles, des progrès ont cependant été accomplis au niveau local ces dernières années puisqu'en 1995 seulement 13,5 % des femmes étaient conseillères municipales et que le nombre de femmes maires a augmenté régulièrement : aucune en 1979, 529 en 1995, 779 en 1999, et 1007 en 2004. Le parti socialiste (PSOE), qui détient environ un tiers des postes de conseillers municipaux, est celui qui a proportionnellement le plus de conseillères (25,2 % en 1999, 32,4 % en 2004) contre 25,3 % au Parti populaire. À son arrivée au pouvoir, M. Zapatero a proposé une mesure symbolique forte : il a composé un gouvernement comportant un nombre égal d'hommes et de femmes (8 hommes, 8 femmes). Les femmes ont des portefeuilles ministériels importants, ceux de la Présidence (porte-parole du gouvernement), de l'Équipement, de l'Éducation et des Sciences, de l'Agriculture, de la Santé et de la Consommation, de la Culture, de l'Environnement, et du Logement. En revanche seuls 4 des 18 secrétaires d'État sont des femmes. Un projet de loi présenté le 3 mars dernier par le gouvernement prévoit d'imposer que les listes électorales ne puissent pas comporter plus de 60 % de candidats d'un même sexe. Aujourd'hui (2006), 36 % des députés sont des femmes. Elles forment 46 % des députés du groupe socialiste (PSOE) et 29 % du groupe du Parti Populaire. Dès son arrivée au pouvoir, M. Zapatero a fait de la lutte contre les violences de genre une de ses toutes premières priorités. Le 22 décembre 2004, le Congrès des députés a adopté à l'unanimité en deuxième lecture la loi organique relative aux mesures de protection intégrale contre la violence de genre (loi organique 1/2004 du 28 décembre 2004). Entrée en vigueur le 28 janvier 2005, c'est une loi pionnière dans la mesure où elle aborde la violence de genre sous ses différents aspects (préventifs, éducatifs, sociaux et pénaux). Par cette loi, M. Zapatero a entendu faire sortir de la sphère privée le problème de la violence contre les femmes. Il s'agit pour lui d'un problème auquel les pouvoirs publics ne peuvent être étrangers car il constitue une des attaques les plus flagrantes aux droits constitutionnels fondamentaux tels que la liberté, la vie, la sécurité et la non-discrimination. La violence de genre en Espagne est d'une très grande ampleur. 75 % des cas de violences conjugales sont des violences contre la femme, 23 % sont des violences réciproques et seulement 2 % des violences contre l'homme. 98 % des femmes décédées en 1997 avaient préalablement dénoncé leur agresseur. 80 % des cas de mauvais traitements déclarés n'ont pas de suite judiciaire. La lutte contre la violence de genre a acquis une dimension publique sans précédent après la mort en 1997 d'Ana Orantes, brûlée vive par son mari après avoir révélé à la télévision les menaces qu'il proférait à son encontre. Le gouvernement de M. Aznar avait alors adopté une série de modifications législatives et élaboré un plan d'action contre la violence, jugés cependant insuffisants par le parti socialiste. Entre 1996 et 1999, environ 60 femmes sont décédées des suites de coups donnés par leur conjoint ou ex-conjoint. Le chiffre de mortalité n'a pas diminué depuis (72 victimes en 2004) et le nombre de plaintes déposées a notablement augmenté : 43 313 en 2002, 50 088 en 2003 et 57 527 en 2004. Cette hausse est vraisemblablement due au plus grand sentiment de sécurité des victimes et à la plus large couverture médiatique des violences. La majorité des femmes qui meurent des suites de violence sont en instance de séparation. La loi contre la violence de genre aborde les problèmes de violence sous un angle multidisciplinaire en commençant par le processus de socialisation et d'éducation. Le Titre Ier prévoit les mesures de sensibilisation, de prévention, de détection et d'intervention dans certains domaines : éducation, publicité, santé. Le Titre II relatif aux droits des femmes victimes de violence leur garantit le droit à l'information et à l'assistance sociale intégrale, l'assistance juridique gratuite, ainsi que des mesures de protection dans le domaine social et des mesures de soutien économique. Le Titre III prévoit la création de deux organes administratifs, la Délégation spéciale du gouvernement contre la violence envers la femme et l'Observatoire de l'État sur la violence envers la femme. Le Titre IV alourdit la sanction pénale lorsque les blessures causées concernent l'épouse ou la compagne de l'auteur de la violence (deux à cinq ans de prison), et punit comme délit les contraintes et les menaces mineures en tout genre commises à leur encontre. Le Titre V crée dans chaque arrondissement provincial un ou plusieurs tribunaux de la violence à l'encontre de la femme qui connaîtront de l'instruction et du jugement des causes pénales ainsi que des causes civiles associées. Il prévoit des mesures judiciaires de protection et de sécurité des victimes telles que des mesures d'exclusion du domicile, d'éloignement ou de suspension des communications, et des mesures de suspension de l'autorité parentale. Un procureur délégué contre la violence envers la femme sera nommé par le Procureur général. 73 % des Espagnols connaissent cette nouvelle loi. Des femmes de plus en plus nombreuses ont porté plainte. Un changement de mentalité est donc perceptible. Comme l'a indiqué Mme Gloria de Pascual, directrice adjointe du cabinet du ministre du travail, plus que les mesures contenues dans la loi elle-même, c'est le travail de pédagogie et de formation entrepris sur l'opinion publique et sur les mentalités qui est fondamental. Au cours de sa mission à Madrid, la délégation a pu rencontrer Mme Orozco Corpas, déléguée spéciale du gouvernement contre la violence faite aux femmes et Mme Montserrat Comas, conseillère au conseil général du pouvoir judiciaire et présidente de l'Observatoire de la violence domestique. - La Délégation spéciale du gouvernement contre la violence faite aux femmes est un organe dépendant du ministère du travail et des affaires sociales. Créé par la loi organique du 28 décembre 2004 relative aux mesures de protection intégrale contre la violence de genre, cet organisme a pour objectif principal de formuler les politiques publiques relatives à la violence de genre et de coordonner et d'impulser toutes les actions mises en place en ce domaine. La déléguée spéciale du gouvernement contre la violence faite aux femmes peut intervenir auprès des organes juridictionnels dans la défense des droits et des intérêts visés par la loi. Mme Orozco Copas a présenté les trois actions fondamentales qu'elle entend impulser en matière de lutte contre les violences : sensibilisation et prévention, reconnaissance des droits des victimes, poursuite et réhabilitation des agresseurs. En matière de sensibilisation et d'éducation, la Délégation spéciale doit élaborer un plan national de sensibilisation et de prévention de la violence de genre mettant l'accent sur une approche globale. Plusieurs actions ont été mises en avant par Mme Orozco Corpas. Les actions en matière d'éducation, selon elle, revêtent une importance fondamentale, car c'est bien un changement en profondeur du modèle patriarcal de la société qu'il faudra opérer. Sont notamment prévues des formations au respect des droits et libertés fondamentales, de l'égalité entre les hommes et les femmes ainsi qu'à l'exercice de la tolérance et de la liberté. De même sont prévues des actions de formation en direction des professionnels de santé, notamment des médecins de famille, de manière à permettre une détection précoce de la violence de genre. Des programmes de sensibilisation et de formation continue du personnel sanitaire en vue d'améliorer le diagnostic précoce, l'assistance et la réhabilitation de la femme seront développés. S'agissant des médias, les actions proposées ont pour objet de les aider à éviter de recourir aux stéréotypes et au contraire à mettre en relief que les violences contre les femmes sont des atteintes aux principes démocratiques et aux droits de l'homme. La loi considérant illicite la publicité qui utilise l'image de la femme de façon vexatoire ou discriminatoire, la délégation spéciale du gouvernement contre la violence faite aux femmes est autorisée à exercer devant les tribunaux l'action de cessation de publicité illicite pour cause de traitement vexatoire de l'image de la femme. En matière de reconnaissance du droit des victimes, les femmes victimes de violence ont le droit de recevoir des informations complètes et une assistance adaptée à leur situation personnelle. Elles ont droit à une assistance sociale intégrale et à une assistance juridique gratuite. Elles auront également droit à la réduction ou à la réorganisation de leur temps de travail, à la mobilité géographique, à la suspension de leur contrat de travail avec réserve du poste de travail et à la résiliation de leur contrat de travail sans tenir compte des obligations légales prévues à cet effet. La suspension et la résiliation du contrat de travail pour ce motif seront considérées comme une situation légale de chômage. Les femmes fonctionnaires victimes de violence auront droit à la réduction ou au réaménagement de leur temps de travail, à la mobilité géographique et à la mise en disponibilité. Des aides sociales seront accordées aux femmes victimes de violence percevant des revenus inférieurs à 75 % du salaire minimum interprofessionnel pour les aider à retrouver une autonomie économique : aide équivalente à 6 mois ou 18 mois de prestation de chômage suivant que la victime a ou non des enfants à charge. Des mesures d'exclusion du domicile, d'éloignement peuvent également être ordonnées par le juge en faveur des victimes. La poursuite et la réhabilitation des agresseurs constituent le troisième volet des actions prioritaires. La violence de l'homme contre la femme mine les principes démocratiques et justifie que des sanctions différentes soient appliquées selon que les violences sont le fait de l'homme contre la femme ou de la femme contre l'homme. Il est à noter que plusieurs recours ont été intentés par des juges contestant la constitutionnalité de ces peines différenciées. Mais pour le gouvernement, cette différence est justifiée par le fait que ces agressions sont de nature différentes, impliquant une volonté de suprématie et de pouvoir. Tous les professionnels confrontés à ces situations de violence (médecins, procureurs, assistants sociaux,...) devront être mieux formés et spécialisés. Ils devront également mieux coordonner leurs actions. - L'Observatoire de la violence exercée sur la femme Créé en septembre 2002, cet organisme est devenu un organe collégial rattaché au ministère du travail et des affaires sociales. Il comprend notamment des représentants du Conseil général du pouvoir judiciaire, du ministère de la justice, du ministère du travail, du Parquet et des Communautés autonomes qui ont des pouvoirs en matière de justice. Il est géré par le Conseil du pouvoir judiciaire, dont Mme Montserrat Comas est la présidente. Celle-ci a présenté aux membres de la mission les deux principales fonctions de l'Observatoire : d'une part, le suivi des sentences et des résolutions judiciaires prononcées en vertu de la loi sur les violences, dont l'objectif est d'avoir une vue d'ensemble de l'application et de l'efficacité de la loi, et de proposer d'éventuelles modifications législatives, et, d'autre part, l'élaboration de statistiques judiciaires détaillées par sexe présentées dans des rapports. L'action essentielle de l'Observatoire est concentrée sur les tribunaux judiciaires spécialisés. Le sens de la mission de l'Observatoire est d'« observer pour pouvoir agir ». À une question de la présidente de la mission parlementaire sur la manière dont il a été tenu compte des propositions de l'Observatoire pour l'élaboration de la loi sur les violences, Mme Montserrat Comas a cité trois exemples concrets qui mettent en lumière à la fois le rôle de l'Observatoire et le rôle très important des associations de femmes. Une étude de 2001 montrait que les juges d'instruction ne prenaient pas de mesures provisoires de protection des victimes. Avant la loi intégrale sur les violences, une loi a donc été adoptée en 2002 visant à protéger les victimes avant que la sentence ne soit rendue. Le législateur a également prêté attention aux dénonciations des victimes et aux observations de l'Observatoire sur le danger d'une dispersion des plaintes des victimes auprès de plusieurs juges. Cela a conduit à la création par la loi de 2004 de tribunaux spécialisés : 434 sections de tribunaux spécialisés dans la violence à l'encontre de la femme et 19 nouveaux tribunaux entièrement consacrés à celle-ci. Ces tribunaux sont composés d'anciens magistrats ayant reçu une formation et ayant passé un concours spécifique. Troisième exemple de l'influence des études et rapports de l'Observatoire sur les réformes législatives : avant la loi intégrale sur les violences, la très grande majorité des juges prononçaient des sentences en considérant que les violences étaient des fautes et non des délits (alors que le code pénal considérait qu'il s'agissait de délits) ; 80 % des juges d'instruction absolvaient ainsi les hommes coupables de violence qui bénéficiaient d'une impunité presque absolue (on relevait en effet parmi les causes d'acquittement en cas de faute : le renoncement de la victime, sa non-comparution, sa présentation sans avocat et donc son absence de preuves). Aujourd'hui ces lacunes ont été comblées par la nouvelle loi : tous les cas de violences sont des délits, toute victime a droit à l'assistance d'un avocat, un procureur général doit être présent. Deux juges ont présenté un recours devant la Cour constitutionnelle, considérant que les cas de mauvais traitement sans blessure au sein de la famille n'étaient pas des délits. La Cour constitutionnelle les a considérés sans fondement. D'autres recours ont été présentés devant la Cour constitutionnelle et n'ont pas encore été jugés. Ils portent sur la constitutionnalité de peines plus élevées pour les hommes que pour les femmes. L'Observatoire a défendu la constitutionnalité de ces mesures. Mme Montserrat Comas a présenté un premier bilan de la loi, huit mois après son entrée en vigueur. Il y a désormais un changement dans la manière de traiter les plaintes des victimes, celles-ci étant désormais prioritaires. Par ailleurs, lorsque la victime présente sa plainte à la police, puis la police à la justice, des mesures provisoires peuvent être demandées par le procureur ou par la victime. Dernière avancée très importante : le fait qu'un même juge ait une vision globale des différentes plaintes portées par une même personne. Parmi les aspects de la loi qu'il conviendra d'améliorer, on peut citer la formation des juges, ceux-ci n'arrivant pas toujours à percevoir la vraie cause de la violence contre la femme et ne distinguant pas toujours violence dans la famille et violence faite aux femmes, ainsi que la distribution de la charge de travail lorsque les juges ont plusieurs compétences. Mme Montserrat Comas a également apporté des précisions sur le nombre de femmes juges. Sur les 42 000 juges espagnols, 42 % sont des femmes (alors que jusqu'en 1966, il était interdit aux femmes d'être juges). À la Cour de cassation, il y a 4 femmes et 97 hommes, dans les tribunaux supérieurs de justice, 1 femme et 16 hommes, dans les cours de justice des provinces, 4 femmes et 54 hommes, parmi les membres du Conseil du pouvoir judiciaire, 2 femmes et 21 hommes. - Le Conseil de la femme de la communauté autonome de Madrid La mission parlementaire a été reçue dans les locaux du conseil de la femme de la Communauté autonome de Madrid par Mme Paloma Gonzales Setien, présidente du Conseil. Il s'agit là d'une institution originale, créée par une loi de 1993, ayant la personnalité juridique de droit public, recevant des fonds du budget de l'État, qui regroupe 100 associations et fédérations s'occupant de droits des femmes. Elle est dirigée par un conseil d'administration comprenant 8 femmes élues par les associations et 3 personnes nommées par le Conseil économique et social. Pour faire partie du Conseil, les associations doivent regrouper au moins 50 adhérents et être inscrites auprès de la Communauté de Madrid. Le Conseil représente les femmes de la Communauté de Madrid et a un rôle d'interlocuteur auprès des pouvoirs publics. Des conseils régionaux de ce type n'existent pas dans toutes les régions. * * * Il est encore trop tôt pour évaluer les résultats de l'application de la politique mise en œuvre en Espagne contre la violence de genre. L'arsenal législatif mis en place par le gouvernement Zapatero est cependant jugé conforme aux besoins exprimés par les victimes elles-mêmes pour combattre les violences. Le problème des violences faites aux femmes est sorti de la sphère privée pour devenir un sujet public. Après la loi organique de protection intégrale contre la violence de genre, d'autres projets de loi sont en préparation qui vont parfaire les avancées réelles vers l'égalité. Le plus novateur est le projet de loi sur l'égalité homme-femme présenté le 3 mars 2006 par le gouvernement Zapatero. Il prévoit notamment d'obliger les entreprises à négocier avec les représentants des salariés des mesures tendant à favoriser l'égalité entre hommes et femmes, de favoriser les contrats des administrations publiques passés avec les entreprises les plus égalitaires, de rendre plus effective la conciliation vie familiale-vie professionnelle, de respecter le principe d'une représentation équilibrée dans les nominations aux postes de la fonction publique, y compris les plus élevés, d'imposer que les listes de candidats aux élections ne comportent pas plus de 60 % de candidats d'un même sexe. Un autre projet de loi très important est annoncé : celui sur les personnes dépendantes. Grâce à la prise en charge de ces personnes dépendantes, les femmes pourront travailler en plus grand nombre. L'enjeu de ce projet est notamment de permettre aux femmes d'acquérir leur autonomie économique (le taux d'activité des femmes n'étant actuellement que de 43 %). De grandes avancées pour les femmes sont donc en cours en Espagne Elles bénéficient du soutien sans faille des mouvements féministes et de la presse. 2. Au Maroc, des avancées formelles encourageantes en faveur des droits des femmes La réforme du code du statut personnel (« moudawana ») promulguée en 2004 a transformé la place de la femme dans la famille et dans la société marocaine. La reconnaissance par le droit de la femme comme partenaire à part entière de son époux dans la gestion des affaires familiales constitue une « révolution » qui a permis des avancées notables, même si des facteurs de blocage persistent. On peut penser que les effets majeurs de cette réforme ne se feront sentir qu'à moyen et long terme, même si, d'ores et déjà, le nombre de femmes participant à la vie politique marocaine est le symbole de l'évolution en cours. C'est en 1993 que pour la première fois des femmes ont été élues au Parlement marocain. Au nombre de 2 en 1993 et 1997 (Mmes Badiaa Sqalli, membre de l'USFP, et Latifa Bennani Smires, membre de l'Istiqlal), elles sont passées à 35 en 2002, soit 10,7 % des membres de la Chambre des représentants. Ce bond spectaculaire a été rendu possible par une modification du mode de scrutin assurant une réelle représentation des femmes. Sur les 325 députés qui composent la Chambre des représentants, 295 sont élus au scrutin plurinominal et 30 par le biais d'une liste nationale au scrutin proportionnel réservée aux candidatures féminines. Aux élections de 2002, la concurrence a été forte, puisque 22 listes nationales ont été présentées. Une dizaine de listes ont obtenu des élues. Au niveau des listes nationales, 30 femmes ont été élues. Au niveau local, seulement 269 femmes ont été présentées (sur un total de 5 865 candidatures). 5 femmes ont été élues. Au total, sur un millier de candidates, 35 femmes ont été élues députées. Elles sont toutes universitaires. La Chambre des conseillers (Chambre haute), élue au scrutin indirect, est encore massivement masculine, puisqu'il n'y a eu en 2003 que 3 femmes élues sur les 270 membres qui la composent (1,11 %). Les conseils municipaux ont vu le nombre de femmes élues passer de 0,26 % à 0,34 % puis 0,50 %. Ainsi aujourd'hui, sur 22 400 élus municipaux, 127 sont des femmes. Deux femmes sont maires de grandes villes. L'avancée des femmes en politique est donc une réalité, notamment au plan parlementaire. Mme Nouzha Skalli, députée, a observé que, s'il n'y avait aucune femme dans les instances de direction du Parlement en 2002, l'année suivante, elle avait été nommée chef d'un groupe parlementaire, puis elle avait été désignée vice-présidente puis présidente d'une commission parlementaire. Elle s'est montrée très intéressée par l'existence de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes et de la Délégation parlementaire aux droits des femmes. Elle a fait part de son dépôt d'une proposition de loi visant à créer au Maroc un Observatoire de l'égalité. Au cours d'un déjeuner au Parlement marocain réunissant la plupart des femmes députées, Mme Nouzha Skalli a observé qu'en dépit de sensibilités politiques différentes, les femmes se retrouvaient en accord sur trois points fondamentaux : le renforcement de la présence des femmes au Parlement, l'intégrité territoriale marocaine et la nécessité de sensibiliser les résidents marocains à l'étranger à leurs nouveaux droits politiques (ils pourront se présenter et être élus aux prochaines élections au Parlement marocain). En 2007, pour les prochaines élections au Parlement, des voix s'élèvent parmi les femmes parlementaires et les associations féminines pour réclamer une augmentation du quota. C'est en 1997 que des femmes ont pour la première fois été nommées au gouvernement. La délégation a été reçue par les deux femmes ministres qui font partie de l'actuel gouvernement de 33 membres, Mme Yasmina Baddou, secrétaire d'État chargée de la famille, de l'enfance et des personnes handicapées et Mme Nouzha Chekrouni, ministre déléguée chargée de la communauté marocaine résidant à l'étranger. Selon les termes de Mme Yasmina Baddou, secrétaire d'État chargée de la famille, de l'enfance et des personnes handicapées, la « moudawana », le nouveau code de la famille marocain, constitue une « révolution culturelle », une ouverture à la modernité. Tous les interlocuteurs rencontrés par la mission parlementaire ont insisté sur le rôle déterminant du roi Mohamed VI dans l'évolution du droit de la famille. Dès son accession au trône, il avait exprimé son souhait de faire évoluer positivement le code du statut personnel en faveur des femmes et des enfants. À la suite de circonstances politiques favorables, le courant islamiste étant fragilisé après les attentats de Casablanca, il a pu imposer cette réforme, adoptée par le Parlement, pratiquement sans amendements. Elle a été publiée en février 2004. Il faut également noter l'importance des associations féminines dans le combat pour la réforme. Dès la fin du règne de Hassan II, ces associations avaient engagé une importante lutte de terrain en ce sens. La délégation parlementaire a d'ailleurs été très frappée par l'assurance et la combativité des présidentes de ces associations de femmes marocaines que le Wali de Fès avait convié à une réunion de travail. La réforme du code de la famille contient des dispositions novatrices comme l'égalité au sein de la famille face au mariage, au divorce, à la gestion des biens et à la reconnaissance des droits de l'enfant. Les avancées du nouveau code portent principalement sur les points suivants : - de nouvelles règles pour les mariages Le nouveau code assure une égalité entre l'homme et la femme dans les conditions du mariage, notamment en fixant uniformément l'âge légal à 18 ans, en rendant la tutelle matrimoniale facultative, en rendant la polygamie exceptionnelle. Elle l'assortit en effet de conditions très restrictives, le mari devant apporter au tribunal la preuve qu'il a les moyens de traiter de manière égale ses deux femmes. Il convient également de remarquer que le Maroc n'a pas de tradition polygame et que la polygamie ne concerne qu'environ 2 % des unions. - une nouvelle place de la femme dans la famille La famille est désormais placée sous la responsabilité conjointe des deux époux, qui assurent ensemble tous les devoirs envers les enfants. La gestion en commun des biens acquis durant l'union peut être retenue au lieu et place du régime légal de séparation de biens. - une nouvelle procédure de divorce Le terme de répudiation ne figure plus dans le code de la famille. Désormais existent deux formes de rupture du lien matrimonial : - le divorce simple, décidé par l'un des époux ou par consentement mutuel, soumis cependant à l'autorisation préalable d'un juge, après tentative de conciliation et garanties sur les conséquences matérielles de la rupture et la garde des enfants ; la femme ne peut pas prendre l'initiative d'une telle procédure, sauf si elle s'est réservé ce droit dans le contrat de mariage ou un acte ultérieur ; - le divorce judiciaire, décidé par le juge à la suite d'une faute commise par l'un des époux ou d'une mésentente, lorsque la vie conjugale s'avère désormais impossible en raison d'un différent insurmontable. Le respect du caractère contradictoire des procédures de rupture des liens matrimoniaux est garanti par les nouvelles dispositions légales, et le ministère public se voit attribuer des pouvoirs et des responsabilités en cette matière. Comme l'a souligné Mme Yasmina Baddou, secrétaire d'État chargée de la famille, de l'enfance et des personnes handicapées, alors qu'autrefois, d'une part, la femme était sous la menace d'une répudiation de la part de son époux et, dans ce cas, pouvait se retrouver à la rue avec ses enfants, et, d'autre part, ne pouvait obtenir elle-même que très difficilement le divorce, la judiciarisation des procédures de divorce donne des garanties aux deux parties et notamment aux femmes : elles peuvent désormais garder le domicile conjugal si les enfants sont mineurs, tandis que le mari doit consigner trois mois de pension alimentaire. Mme Nouzha Chekrouni, ministre déléguée chargée de la communauté marocaine résidant à l'étranger, a évoqué la mise en place d'un Fonds de solidarité pour les femmes divorcées dont le mari est impécunieux. - la protection de l'enfant En matière de garde, l'intérêt de l'enfant d'être confié en premier lieu à la mère est affirmé, et l'attribution d'un logement décent et le versement d'une pension alimentaire en cas de rupture du mariage sont de règle. Le code de la famille n'admet toujours pas la filiation naturelle, mais les conditions de reconnaissance de paternité ont été assouplies et les preuves scientifiques de la filiation sont désormais admises devant les tribunaux. Mme Nouzha Chekrouni, , ministre déléguée chargée de la communauté marocaine résidant à l'étranger, a indiqué à la mission qu'un nouveau code de la nationalité était en préparation qui permettrait d'octroyer la nationalité marocaine à un enfant né de mère marocaine et de père étranger. Cette loi, qui permet à la mère de donner sa nationalité à son enfant, a effectivement été adoptée en janvier 2007. c) Un long chemin encore à parcourir pour parvenir à l'égalité réelle · L'application de la « moudawana » La réforme du code de la famille ne consacre pas une évolution générale de la société. Elle cherche à faire évoluer le droit, mais aussi les pratiques et les mentalités. Le bilan de son application paraît néanmoins contrasté et controversé. Nos interlocuteurs officiels ont loué les débuts de la mise en œuvre du nouveau code. Mme Nadia Oulehri, avocate et présidente de l'association « Action Femmes Juristes », tout en reconnaissant l'avancée qu'il représente, a présenté des critiques sur son application. Cette réforme audacieuse heurte des traditions séculaires et remet en cause la relation au sein du couple. Comme l'a souligné Mme Yasmina Baddou, secrétaire d'État chargée de la famille, de l'enfance et des personnes handicapées, de grandes campagnes de sensibilisation vont être menées par l'intermédiaire des médias et des imams ; une formation et une sensibilisation des juges, notamment ceux des nouvelles juridictions traitant du droit de la famille seront assurées (35 % seulement des magistrats étant des femmes). Un premier bilan de la réforme du droit de la famille a cependant montré une appropriation rapide par la société marocaine de certains de ses nouveaux droits et une évolution significative des pratiques judiciaires. On a constaté un an après la réforme : - une diminution du nombre de mariages polygames d'environ 10 %, soit 800 mariages polygames, comparé aux 250 000 à 300 000 mariages célébrés en une année ; - un affranchissement de la tutelle matrimoniale : 18 % des femmes ayant contracté mariage en 2004 se sont affranchies de la présence d'un tuteur chargé de consentir à l'union en leur nom ; - une faible utilisation de la possibilité pour les époux de décider la gestion en commun des biens acquis durant le mariage ; - une chute considérable du nombre de divorces sur demande unilatérale, autrefois qualifiés de répudiation (de 26 à 72 % selon les régions) ; - une baisse sensible du nombre de divorces moyennant compensation (khol), mode de rupture du lien matrimonial le plus utilisé jusqu'alors et particulièrement inéquitable pour les épouses, qui étaient souvent contraintes à renoncer à leurs droits ou à leurs biens : (baisse de 75 %, soit environ un quart des 10 500 divorces unilatéraux prononcés en 2004) ; - une moindre baisse des divorces sur décision du mari (9 %) ; - une augmentation des divorces judiciaires, notamment pour cause de mésentente (40 %). Mme Nouzha Chekrouni, ministre déléguée chargée de la communauté marocaine résidant à l'étranger, a estimé nécessaire de réfléchir à la mise en place d'une nouvelle convention franco-marocaine, maintenant que le code de la famille marocain se rapproche de la législation française. · La lutte contre les violences Depuis deux ans a été mise en place une stratégie nationale de lutte contre la violence envers les femmes. Les violences et discriminations sexistes sont en effet très répandues. Plus de 61 % des cas de violence émanent des époux, mais des oncles ou frères peuvent aussi en être à l'origine. Ils seraient directement liés aux problèmes de statut personnel, divorce, pension alimentaire, refus de reconnaissance de la filiation, expulsion du domicile conjugal, privation d'héritage... Si les auteurs et les victimes sont majoritairement analphabètes, toutes les catégories socio-professionnelles sont concernées. La stratégie nationale de lutte contre la violence est en application depuis fin 2005. Désormais, les victimes de violence peuvent composer gratuitement un numéro de téléphone pour être orientées vers les services compétents. Ce numéro vert complétera l'accueil réalisé aujourd'hui par la trentaine de centres d'écoutes répartis sur tout le territoire marocain, mis en place par différentes ONG et organisés en réseau. Des centres d'hébergement sont proposés par les ONG. Le gouvernement marocain travaille en lien avec ces ONG, auxquelles il apporte soutien financier et formation. Des campagnes de sensibilisation vont également être menées en ce domaine, notamment en direction des enfants. · Le problème des « petites bonnes » En zones rurales, de nombreuses familles « louent » leurs fillettes à partir de 7-8 ans pour exercer comme « petites bonnes » chez des familles aisées. Le nombre d'enfants de 7 à 14 ans qui travaillent est estimé à 600 000, le nombre de « petites bonnes » est estimé entre 66 000 et 80 000. Elles sont souvent analphabètes, véritables esclaves travaillant entre 14 et 18 heures par jour, souvent victimes d'exploitation sexuelle. Mme Yasmina Baddou, secrétaire d'État chargée de la famille, de l'enfance et des personnes handicapées, a annoncé la mise en place d'un plan d'action contre le travail domestique qui viserait à interdire le travail des enfants et à mener une campagne de sensibilisation contre ce véritable fléau. · Le problème des mariages forcés et des mariages de complaisance La mission parlementaire s'est particulièrement intéressée au problème des mariages forcés et des mariages de complaisance. Ce sujet avait été approfondi par la Délégation aux droits des femmes dans son rapport annuel : « agir pour les femmes de l'immigration » de décembre 2005. Elle souhaitait donc en connaître l'ampleur au Maroc et les moyens de les prévenir. La visite de la mission parlementaire au consulat de France à Rabat a dès lors été centrée sur ce problème. Mme Marie-Jo Zimmermann ayant même pu assister à l'un des entretiens préalables au mariage d'un Français binational handicapé avec une jeune Marocaine. Le consul général, M. Bruno Perdu, particulièrement passionné et impliqué, a évoqué les difficultés à découvrir puis à faire reconnaître les mariages de complaisance. Le nombre de transcription de mariages demandé au consulat de Rabat après une cérémonie de mariage au Maroc a explosé : 438 en 1985, 7 860 en 2004. Entre 2000 et 2004, la progression a été de 70 %. Tous les moyens sont bons pour quitter le pays... Et le mariage semble être ainsi devenu une voie légale de l'immigration en France. M. Bruno Perdu a évoqué la charge de travail accrue des services de l'état civil du consulat et l'accroissement des délais pour obtenir les certificats de capacité à mariage et les transcriptions d'actes de mariage. Très soucieux de lutter contre les mariages de complaisance, le consul transmet au Parquet les dossiers pour lesquels il dispose d'un faisceau d'indices suffisants : le chiffre de dossiers transmis est ainsi passé de 3 en 1995, à 21 en 2002, puis à 337 en 2004. Sur les 337 dossiers transmis en 2004, 102 ont donné lieu à poursuite. Le Parquet n'a en effet pas toujours la même appréciation que les autorités consulaires. Il juge du dossier et de la bonne application de l'article 146 du code civil selon lequel : « il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement ». En fait, l'annulation du mariage n'est véritablement possible que si le mariage n'a été conclu que dans le seul but d'obtenir des papiers, ce qu'il n'est pas aisé de prouver. M. Bruno Perdu a évoqué le chiffre de 10 % de futurs mariés qui renoncent après information et réflexion. Il a souligné le nombre élevé de mariages familiaux : alors qu'il n'y a que 19,6 % de mariages entre cousins au Maroc, ce chiffre s'élève à 70 % pour les binationaux. Il a estimé que les cas de vrais mariages forcés étaient peu nombreux, mais il a évoqué le cas de jeunes gens, opposés au mariage, mais se pliant à la volonté de leurs parents sous la menace d'une confiscation de leurs passeports et qui demandent au consulat en aparté de tout faire pour empêcher leur mariage. Mme Nouzha Chekrouni, ministre déléguée chargée de la communauté marocaine résidant à l'étranger, a estimé que certaines communautés résidant à l'étranger restent figées dans leur culture des années 60 et que si les mariages forcés existent encore à l'étranger, ils n'existent plus, selon elle, au Maroc. À Mme Muguette Jacquaint qui évoquait le cas de parents marocains qui veulent marier leur fille pour mieux la protéger, elle a répondu qu'au Maroc, cette génération de personnes qui « casent » leurs enfants était en voie de disparition. Mme Nouzha Chekrouni croit beaucoup au partenariat pour faire évoluer cette situation et permettre une meilleure intégration des femmes. Elle a évoqué le combat à mener, pour la modernité et contre toute forme d'extrémisme, insistant sur l'importance de l'éducation et la nécessité de la mixité. * * * Malgré les efforts d'une élite féminine marocaine, bien visible et médiatisée, pour faire évoluer la société marocaine, il est certain que ce processus mettra du temps pour se généraliser à l'ensemble du territoire marocain. Les disparités entre zones rurales et zones urbaines sont notamment très fortes. Le taux d'analphabétisme chez les femmes est ainsi très important (85 %) en zone rurale. La réforme du code de la famille constitue cependant un point de départ essentiel pour l'évolution du Maroc vers la modernité. C. LES RENCONTRES INTERNATIONALES DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMMES 1. La réception de parlementaires afghanes À l'initiative de la chambre de commerce franco-afghane, du conseil général d'Île-de-France, de l'ambassade des États-Unis d'Amérique à Paris et du ministère des affaires étrangères, une trentaine de députées afghanes ont effectué une visite en France du 11 au 16 juin 2006. Elles ont été reçues à la Présidence de la République, au ministère des Affaires étrangères, à l'Assemblée nationale et au Sénat. À l'Assemblée nationale, le 14 juin 2006, elles ont été reçues conjointement par la Délégation aux droits des femmes et par le groupe d'études à vocation internationale sur l'Afghanistan. Elles ont ensuite été conviées par M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, à un déjeuner l'Hôtel de Lassay. À l'occasion de cette rencontre Mme Marie-Jo Zimmermann a été très sensibilisée à la demande de soutien et de partenariat privilégié exprimée par les parlementaires afghanes. Avec Mme Geneviève Levy, présidente du groupe d'études à vocation internationale sur l'Afghanistan, elle a proposé que, dans le cadre de la coopération interparlementaire entre la France et l'Afghanistan, chacune des 68 députées afghanes puissent avoir un lien privilégié avec chacune des députées françaises. Elle a estimé que ce lien direct de femme à femme permettrait d'établir un partenariat privilégié entre nos deux pays sur les problèmes spécifiques des femmes et de soutenir le combat particulièrement difficile des femmes afghanes. Avec le soutien du Président Jean-Louis Debré, Mme Marie-Jo Zimmermann a fait graver 76 médailles au nom de chacune des députées françaises et les a remises, le 4 juillet 2006, à Son Excellence M. Zalmaî Haquani, ambassadeur d'Afghanistan en France, afin qu'il les transmette à chacune des députées afghanes. Mme Marie-Jo Zimmermann a ensuite reçu à Paris, le 4 octobre 2006, sa « partenaire privilégiée », Mme Shukria Barakzaî, députée de Kaboul. 2. La conférence parlementaire internationale de Moscou du 6 juin 2006 Mme Danielle Bousquet, vice-présidente de la Délégation représentait la Délégation à cette conférence, centrée sur un échange d'expériences et la mise au point d'une collaboration en matière de lutte contre le sida. 3. La conférence parlementaire internationale de Bangkok des 21 et 22 novembre 2006 Après les conférences d'Ottawa (2002) et de Strasbourg (2004), les parlementaires de pays du monde entier se sont réunis à Bangkok, les 21 et 22 novembre 2006, pour dresser le bilan des progrès accomplis par leurs Parlements pour faire progresser les engagements pris à la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD), qui s'était tenue au Caire en 1994. Ils avaient également pour objectif de concevoir une stratégie commune pour améliorer leurs efforts collectifs et tracer la voie à suivre pour atteindre les objectifs de la CIPD et les objectifs du Millénaire pour le développement d'ici 2015. Mme Hélène Mignon, vice-présidente de l'Assemblée nationale et membre de la Délégation aux droits des femmes, représentait la Délégation à cette conférence. Une déclaration finale a été adoptée à l'issue de cette conférence. Déclaration d'engagement de Bangkok 1. Nous, parlementaires venus du monde entier, nous réunissons à Bangkok (Thaïlande) les 21 et 22 novembre 2006 pour honorer notre promesse de dresser le bilan des progrès accomplis dans l'exécution des mesures que nous nous sommes engagés à prendre dans la Déclaration d'engagement d'Ottawa de novembre 2002 et la Déclaration d'engagement de Strasbourg d'octobre 2004. 2. Les deux déclarations constituent le point de référence de notre activité. 3. Elles nous engagent à agir, individuellement et collectivement, en mobilisant des ressources et en créant des environnements propices au traitement des problèmes concernant la santé en matière de sexualité et de reproduction. 4. Notre action traitera en priorité des points suivants : promotion et protection de la santé et des droits de tous les individus en matière de sexualité et de reproduction ; défense et promotion de l'autonomisation des femmes, de l'égalité des sexes et de l'équité entre les sexes ; élimination de toutes les formes de discrimination, coercition et violence à l'égard des femmes et des filles ; réduction des taux de morbidité et mortalité maternelles, du nombre d'avortements pratiqués dans des conditions dangereuses, et renforcement des services de maternité sans danger et de planification familiale ; accès universel à la prévention du VIH/sida, fourniture aux malades de soins, d'un traitement et appui ; intégration des activités relatives au VIH/sida dans les programmes de santé en matière de sexualité et de reproduction ; et fourniture d'informations et de services à tous les jeunes, scolarisés comme non scolarisés. 5. Elles nous engagent à donner la priorité la plus élevée dans les budgets nationaux, les approches sectorielles et les stratégies de réduction de la pauvreté à un élargissement de l'accès à l'ensemble des services et produits en matière de santé en matière de reproduction. 6. Avant toute chose, elles nous tiennent pour responsables de transposer ces promesses écrites en résultats concrets et de présenter des rapports réguliers et systématiques sur notre degré de succès à cet égard. 7. En dressant le bilan, nous avons réaffirmé trois points en particulier : - Notre engagement indéfectible et notre soutien au Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD), qui est le fondement de nos actions. - Le rôle indispensable du Programme d'action de la CIPD s'agissant d'atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et d'autres objectifs de développement convenus au niveau international, et - La nécessité d'identifier et de surmonter les obstacles à la mobilisation des ressources et à la création de l'environnement propice dont nous avons besoin pour appliquer le Programme d'action de la CIPD. 8. Nous avons remporté un succès considérable. Nous avons promulgué une importante législation dans le domaine de l'égalité des sexes et de la violence à l'égard des femmes. Et nous avons influé, au moins dans une certaine mesure, sur les allocations de fonds nationaux destinées à appliquer le Programme d'action de la CIPD. Concernant les activités de plaidoyer, aux niveaux national et mondial, destinées à modifier les perceptions et les attitudes et à intégrer la santé en matière de sexualité et de reproduction dans tous les processus de développement, le bilan demeure inégal. Les engagements obtenus, lors des rencontres de dirigeants mondiaux au plus haut niveau, à soutenir la cause de l'accès universel à la santé en matière de reproduction et à affirmer son lien capital avec l'agenda international pour le développement, restent encore à traduire dans la législation, les politiques et programmes nationaux qui doivent disposer du financement approprié. 9. Les fonds affectés au traitement du sida ont augmenté dans une proportion considérable, mais ceux affectés à sa prévention demeurent rares. Le financement de la planification familiale, première ligne de défense contre la mortalité maternelle, est tombé de 55 % du financement total des problèmes de population en 1995 à 9 % aujourd'hui. Et l'approvisionnement des produits de santé en matière de reproduction ne bénéficie encore que de fonds bien insuffisants. 10. De ce fait, les statistiques de mortalité et de morbidité maternelles demeurent pratiquement inchangées dans certaines régions du monde, tandis que les statistiques concernant le VIH/sida ne traduisent qu'un faible changement. 11. D'abord et avant tout, nous devons présenter habilement les preuves si clairement attestées que la population et la santé en matière de sexualité et de reproduction tiennent une place centrale dans la réalisation des objectifs de développement, cela afin de faciliter le dialogue national sur les politiques et l'adoption de la législation y relative et de réviser les propositions budgétaires dans une meilleure perspective. 12. Nous devons faire passer cette information auprès du public, de nos collègues parlementaires, des représentants du gouvernement et des médias en termes clairs, concis et simples : - Chaque minute, une femme meurt de complications liées à la grossesse, presque exclusivement dans les pays en développement. - Les complications obstétricales sont la principale cause de décès pour les femmes en âge de procréer dans les pays en développement. - Un tiers de toutes les femmes enceintes ne reçoivent aucun soin de santé durant la grossesse ; 60 % des accouchements ont lieu hors des centres de santé ; seulement la moitié de toutes les naissances ont lieu en présence d'accoucheuses. - Dans les pays en développement, environ 200 millions de femmes ont un besoin non satisfait de contraception efficace. Si leurs besoins étaient satisfaits, on éviterait chaque année 23 millions de naissances non planifiées, 22 millions d'avortements provoqués, 142 000 décès liés à la grossesse, dont 53 000 consécutifs à un avortement pratiqué dans des conditions dangereuses, et 1,4 million de décès de nourrissons. - Près d'un million de nouvelles infections par jour, dues aux infections sexuellement transmissibles (IST) dont le VIH, représentent 17 % des pertes économiques dues à la mauvaise santé dans les pays en développement et contribuent à alourdir un énorme fardeau - mauvaise santé et décès - à travers le monde. - Moins de 20 % des individus exposés à un risque élevé de séropositivité ont accès à des moyens de prévention d'efficacité démontrée. 13. Nous devons communiquer des messages bien clairs sur l'avantage, en comparaison des coûts, de répondre aux besoins non satisfaits de 200 millions de femmes, ce qui recouvre la fourniture de soins obstétricaux d'urgence, l'assistance de tous les accouchements par des sages-femmes qualifiées et la fourniture des services nécessaires aux personnes atteintes du VIH/sida (prévention, soins, traitement et appui). 14. Plus important encore nous devons indiquer en termes clairs et concis les coûts humain, social et économique qu'entraînerait notre échec à répondre à ces problèmes de population et de santé en matière de sexualité et de reproduction. 15. Nous devons convaincre nos collègues parlementaires et les représentants du gouvernement que : - Des soins de santé en matière de reproduction de qualité sauvent des vies et réduisent la pauvreté. - L'échec des précédents plans de développement nationaux peut être attribué, entre autres facteurs, au fait d'avoir négligé d'investir dans la santé en matière de sexualité et de reproduction et de promouvoir les droits des femmes et des filles. - Les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), en particulier l'éradication de l'extrême pauvreté et de la faim, ne peuvent être atteints si les questions de population, de santé en matière de reproduction et de développement durable ne sont pas abordées de front au moyen d'un investissement accru dans l'éducation et dans la santé et en prévenant les décès de femmes qui peuvent être prévenus. 16. Nous devons entrer en contact direct avec tous les secteurs de la société dans un esprit constructif, écouter leurs préoccupations, examiner les perceptions et les réalités et conduire sur les problèmes des débats publics et courtois. 17. Nous devons faire en sorte que les différents secteurs de la société comprennent que l'information et les services de qualité en matière de santé en matière de reproduction s'ils sont disponibles, accessibles et de prix abordable, même dans les zones rurales, permettent aux femmes de faire des choix qui préservent leur santé et leur vie, leur permettent de réaliser leur potentiel et d'apporter à la société une contribution productive. Reconnaissant que l'avortement pratiqué dans des conditions dangereuses est l'une des principales causes de décès féminin, nous devons aussi communiquer cette information à nos collègues parlementaires et aux représentants du gouvernement qui sont chargés d'appliquer le Programme d'action de la CIPD. 18. Nous nous engageons à : - Affecter au moins 10 % des budgets nationaux de développement et des budgets d'assistance au développement aux programmes de population et de santé en matière de reproduction, y compris la prévention du VIH/sida et, en particulier, les articles de planification familiale et de santé en matière de reproduction. - Veiller à ce que la nouvelle cible de l'accès universel à la santé en matière de reproduction soit immédiatement et pleinement intégrée aux stratégies nationales de développement et reçoive la plus haute priorité dans les plans des ministères compétents, ainsi qu'aux stades de l'application et du suivi. - Mobiliser nos gouvernements pour appuyer l'adoption d'indicateurs par les États membres de l'ONU afin de suivre la réalisation de l'objectif de l'accès universel à la santé en matière de reproduction d'ici 2015 et d'utiliser ces indicateurs dès leur adoption, en les complétant par les indicateurs de programme additionnels sensibles aux besoins nationaux. - Agir en liaison étroite avec les autorités de notre pays pour veiller à ce que les processus de réforme actuellement entrepris à l'ONU aient pour effet de protéger, promouvoir et renforcer des mandats essentiels comme ceux relatifs à la population et à la santé en matière de sexualité et de reproduction et à ce que ces domaines soient reconnus comme occupant une place centrale dans le soutien de l'ONU au développement national. - Veiller à ce que, quand les lois ou les politiques sont adoptées, le gouvernement en aborde immédiatement l'application. Nous devons veiller aussi à ce que les lois et politiques comportent une disposition prévoyant de faire rapport au Parlement sur les progrès de leur application. - Bâtir des réseaux, coalitions et partenariats avec nos collègues parlementaires, les représentants du gouvernement, les ONG locales et les individus afin de créer la volonté politique et de susciter le soutien massif nécessaire pour venir à bout de l'opposition et des perceptions erronées concernant les problèmes de population et de santé en matière de reproduction. - Faire mieux prendre conscience des liens entre population, santé en matière de reproduction et environnement, y compris la nécessité de schémas de production et consommation viables à long terme, d'une utilisation des ressources naturelles viable à long terme et équitable et de mesures destinées à prévenir la dégradation de l'environnement et à agir sur le changement climatique; et adopter une législation et des politiques en la matière. - Apprendre à travailler efficacement avec les médias pour veiller à ce que nos messages atteignent le plus large public possible. - Créer des partenariats avec les groupes parlementaires régionaux et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) afin de mettre en place des mécanismes efficaces pour échanger les données d'expérience et une information précise, notamment une législation et des politiques modèles, avec les autres parlementaires, faire part de nos succès et apprendre de nos échecs. - Conduire des efforts au niveau national pour ratifier et appliquer les dispositions clefs de toutes les conventions internationales pertinentes sur la protection et la promotion des droits des individus, notamment les populations indigènes, les migrants, les réfugiés, les handicapés et les autres groupes marginalisés et vulnérables. - Veiller à ce que la législation nationale prenne en considération les aspirations des jeunes ainsi que leur santé et leurs droits en matière de sexualité et de reproduction, reconnaissant qu'ils ont un rôle crucial à jouer dans les processus de prise de décisions et de développement. - Exhorter les gouvernements et le secteur privé à accroître à titre prioritaire les ressources affectées à la poursuite de la recherche-développement sur les nouvelles technologies de prévention des maladies, telles que vaccins et microbicides, ainsi qu'à promouvoir l'accès au vaccin HPV récemment mis au point qui est susceptible de protéger contre le cancer du col de l'utérus. - Gérer et prévenir les infections sexuellement transmissibles (IST) de manière à accroître le bien-être collectif et à prévenir la stérilité, le cancer du col de l'utérus, les complications consécutives à l'accouchement chez la mère et le nouveau-né ainsi que les décès maternels et infantiles, et la vulnérabilité au VIH/sida. 19. L'engagement à mener une action collective aux niveaux local, national, régional et international est d'importance cruciale si nous devons atteindre ces objectifs. 20. À cette fin, nous parlementaires, nous sommes accordés sur une série de plans d'action régionaux. Ces plans constituent le point de départ de la réalisation des objectifs à court, moyen et long terme auxquels nous nous engageons à Bangkok. Nous nous engageons à mener ces actions et à suivre de manière active et systématique les progrès que nous aurons réalisés, à partir de repères mesurables. Nous nous engageons en outre à faire de ces bilans périodiques une part intégrale de notre travail, à établir des rapports réguliers par l'entremise des groupes parlementaires et à nous rencontrer de nouveau dans trois ans pour évaluer les progrès que nous aurons atteints. 1 () Chiffres issus du rapport « La France en transition 1993-2005 », Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC), 2006. 2 () In Femmes en galère, enquête sur celles qui vivent avec moins de 600 euros par mois, Véronique Mougin, Éditions de la Martinière, janvier 2005. 3 () Martin Hirsch, audition du 24 janvier 2006. 4 () Le concept de « travailleur pauvre » est apparu aux États-Unis à la fin des années 1970 pour désigner les individus travaillant mais ne pouvant néanmoins subvenir à leurs besoins. Repris par les médias français au début des années 1990, ce concept a fait l'objet dans notre pays d'une première étude conjointe de la DARES et de l'IRES en 1997 (étude menée respectivement par Sophie Pontieux et Pierre Concialdi), un travailleur pauvre étant alors défini comme une personne travaillant tout ou partie de l'année mais vivant au sein d'un ménage pauvre. On se référera sur cette question à l'article de Xavier de La Porte, « Bobos et travailleurs pauvres », in La France invisible, dir. Stéphane Beaud, Joseph Confavreux, Jade Lindgaard, La Découverte, octobre 2006. 5 () In 7 millions de travailleurs pauvres, La Face cachée des temps modernes, Jacques Cotta, Fayard, 2006. 6 () Audition du 10 octobre 2006. 7 () In La France invisible, dir. Stéphane Beaud, Joseph Confavreux, Jade Lindgaard, La Découverte, 2006. 8 () On se réferera notamment à l'article de Haydée Sabéran, in La France invisible, dir. Stéphane Beaud, Joseph Confavreux, Jade Lindgaard, La Découverte, 2006. 9 () In Atlas des nouvelles fractures sociales en France, Christophe Guilluy et Christophe Noyé, Autrement, 2004. 10 () Audition du 27 juin 2006. 11 () In La France invisible, dir. Stéphane Beaud, Joseph Confavreux, Jade Lindgaard, La Découverte, 2006. 12 () Martin Hirsch, audition du 24 janvier 2006. 13 () Audition du 24 janvier 2006. 14 () Audition du 7 février 2006. 15 () Marges du travail et pauvreté, Enquête auprès de femmes hébergées dans des structures d'urgence, Les Cahiers d'Evry, Université d'Evry-Val-d'Essonne. 16 () Chiffre cité par Véronique Mougin, Femmes en galère, enquête sur celles qui vivent avec moins de 600 euros par mois, La Martinière, janvier 2005. 17 () In Les sans-domicile ne sont pas coupés de l'emploi, Bernadette de la Rochère, INSEE, octobre 2003. 18 () Audition du 21 mars 2006. 19 () « Pauvreté, accélérateur d'isolement », novembre 2006. 20 () Dit « Rapport Hirsch », Au possible nous sommes tenus, La nouvelle équation sociale, avril 2005. 21 () Mme Martine Chonchon, médecin de PMI, audition du 21 mars 2006. 22 () Voir notamment à ce sujet à l'ouvrage de Françoise Battagliola, Histoire du travail des femmes, Repères, La Découverte, mars 2004. 23 () Françoise Milewski, Rapport remis à Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, 3 mars 2005. 24 () Le taux d'activité est le rapport entre le nombre d'actifs (actifs occupés et chômeurs) et la population totale correspondante. 25 () In Margaret Maruani, Travail et emploi des femmes, Repères, La Découverte, février 2003. 26 () M. Francis Vennat, audition du 13 juin 2006. 27 () Le taux d'emploi est la proportion de personnes disposant d'un emploi parmi celles en âge de travailler (entre 15 et 64 ans). 28 () Le taux de chômage est le pourcentage de chômeurs dans la population active (actifs occupés+chômeurs). 29 () Audition du 13 juin 2006. 30 () Cité par Françoise Battagliola, Histoire du travail des femmes, Repères, La Découverte, mars 2004. 31 () Il s'agit des secteurs de l'industrie des biens de consommation, du commerce et réparations, des activités financières, des activités immobilières, des services aux entreprises, des services aux particuliers, de l'éducation-santé-action sociale, et des administrations. Cf. L'égalité entre les femmes et les hommes, chiffres clés 2005, service des droits des femmes et de l'égalité, Ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. 32 () Mme Monique Meron, audition du 13 juin 2006. 33 () Sur cette question, on se reportera notamment au rapport d'activité (octobre 2003-juillet 2004) n° 1924 de la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale. 34 () La loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail a supprimé l'abattement de 30 % des cotisations patronales pour les nouveaux contrats à temps partiel, à partir du 1er janvier 2001 dans les entreprises de 20 salariés et à partir du 1er janvier 2003 pour les entreprises de vingt salariés et moins (échéance qui a été repoussé au 31 décembre 2005). Les contrats en cours continuent cependant à bénéficier de cet abattement. 35 () Plus d'un million de salariés, dont 85 % de femmes, ont plusieurs employeurs. 36 () À titre d'exemple, on notera que les assistantes maternelles, à 99 % des femmes et qui représentent 21 % de l'emploi non-qualifié, ont vu leur effectif tripler en vingt ans. 37 () In La France invisible, dir Stéphane Beaud, Joseph Confavreux, Jade Lindgaard, La Découverte, 2006. 38 () Cité par Françoise Battagliola, Histoire du travail des femmes, Repères, La Découverte, mars 2004. 39 () Source : Enquête emploi 2003, INSEE. 40 () Cf. Françoise Milewski, Rapport remis à Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, 3 mars 2005. 41 () Vie professionnelle et naissance : la charge de la conciliation repose essentiellement sur les femmes, Population et société, INED, numéro 426, septembre 2006. 42 () Soit dix-huit semaines après la naissance. 43 () Audition du 7 février 2006. 44 () Audition du 6 décembre 2005. 45 () 29 % des femmes ont interrompu leur carrière pour un an ou plus, contre 18 % pour les hommes (in La France en transition 1995-2003, CERC, La Documentation Française, novembre 2006). 46 () Source : Les pensions perçues par les retraitées fin 2004, Études et Résultats, n° 538, DREES, novembre 2006. 47 () Source : Les familles monoparentales et leurs conditions de vie, Études et Résultats, DREES, n° 389, avril 2005. 48 () Audition du 13 juin 2006. 49 () Françoise Milewski, rapport remis à Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, 3 mars 2005. 50 () Françoise Milewski, rapport remis à Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, 3 mars 2005. 51 () In La France en transition, Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, novembre 2006. 52 () Les pensions perçues par les retraitées fin 2004, Études et Résultats, n° 538, DREES, novembre 2006. 53 () In « Retraites : questions et orientations pour 2008 », rapport du Conseil d'orientation des retraites, janvier 2007. 54 () C'est-à-dire une retraite versée par le régime d'assurance vieillesse ou une allocation non contributive, ainsi qu'un complément éventuel et une des allocations supplémentaires prévues à l'article L. 815-2 du code de la Sécurité sociale. 55 () Véronique Mougin, Femmes en galère, enquête sur celles qui vivent avec moins de 600 euros par mois, La Martinière, janvier 2005. 56 () Audition du 24 janvier 2006. 57 () In L'errance au féminin, rapport remis au ministre de l'équipement, des transports et du logement, Pierre Vidal-Naquet, février 2003. 58 () Mme Geneviève Roche, audition du 21 mars 2006. 59 () G. Lucchini Deledda, enquête « Femmes en précarité », Conseil Régional d'Ile-de-France, 21 janvier 2005. 60 () Véronique Mougin, Femmes en galère, enquête sur celles qui vivent avec moins de 600 euros par mois, La Martinière, janvier 2005. 61 () Véronique Mougin, in Femmes en galère, enquête sur celles qui vivent avec moins de 600 euros par mois, La Martinière, janvier 2005. 62 () Audition du 21 mars 2006. 63 () In L'errance au féminin, rapport remis au ministre de l'équipement, des transports et du logement, Pierre Vidal-Naquet, février 2003. 64 () Mme Geneviève Gueydan, audition du 21 mars 2006. 65 () Audition du 24 janvier 2006. 66 () Rapport 2005-2006, La Documentation française. 67 () In Françoise Milewski, rapport remis à Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, 3 mars 2005. 68 () Lundi 20 novembre 2006. 69 () Direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle. 70 () Comité National de Coordination et d'Évaluation des Groupements d'Employeurs pour l'Insertion et la Qualification. 71 () Pourquoi certaines femmes s'arrêtent-elles de travailler à la naissance d'un enfant ?, Premières informations, Premières synthèses, DARES, juillet 2003. 72 () Avis du Haut Conseil de la population et de la famille sur la fécondité et l'accueil du jeune enfant en France, février 2003. 73 () Contribution écrite préparée pour l'audition annulée du 9 mai 2006. 74 () Arnaud A. & Carpentier S., Analyse de la base de données du 115 de Paris de 1999 à 2004, Observatoire du Samu social de Paris, 2006. 75 () Pour approximativement un cinquième de l'effectif cette information n'est pas renseignée. 76 () Les chiffres relatifs au nombre de nuitées attribuées par personne ne concernent que les hébergements en Centre d'Hébergement d'Urgence Simple ; sont exclus de nos calculs les nuitées en centre d'hébergement avec lits infirmiers dans la mesure où il s'agit là de prises en charge spécifiques dont la durée dépend de la pathologie de la personne. 77 () Mougel S. & Agier I., Les personnes en famille hébergées via le 115 de Paris entre 1999 et 2004, Observatoire du Samu social de Paris, 2005. 78 () Source : FASILD & Insee Île-de-France, Atlas des populations immigrées en Île-de-France : regard sur l'immigration, décembre 2004. Les chiffres sont issus du recensement de 1999 et ne prennent en compte que les enfants de moins de 16 ans. 79 () Source : site de l'INSEE, recensement de 1999. 80 () Notons de plus que dans les couples, l'homme est en moyenne plus vieux de 4 ans. 81 () Brunet L., Carpentier S., Laporte A., Pourette D. et Guillon B., Féminité, accès aux soins, maternité, et risques vécus par les femmes en grande précarité : une contribution à l'amélioration de leur santé gynécologique - Rapport à la Direction Générale de la Santé - juin 2005. 82 () Zemp A., 1995, Violences sexuelles à l'encontre des femmes et des petites filles handicapées, in Femmes et violences dans le monde, sous la direction de M. Dayras, l'Harmattan. 83 () Vidal-Naquet P. A., 2003, « L'accueil des personnes sans domicile : la place des femmes », in PUCA, Les SDF : représentations, trajectoires et politiques publiques, p. 172. 84 () Ibid, p. 176. |