N° 3672 - Rapport d'information de M. Georges Colombier déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur la prise en charge des urgences médicales




N° 3672

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 février 2007.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,

FAMILIALES ET SOCIALES

sur

la prise en charge des urgences médicales

ET PRÉSENTÉ

par M. Georges Colombier

Député.

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INTRODUCTION 11

I.- EN AMONT DES URGENCES : RÉDUIRE L'AFFLUX DE PATIENTS EN CONSOLIDANT LE DISPOSITIF DE PERMANENCE DES SOINS 13

A. LE NOUVEAU DISPOSITIF DE PERMANENCE DES SOINS N'EST PAS ENCORE MIS EN œUVRE PARTOUT DE FAÇON EFFICACE 13

1. Le Plan urgences 2003-2008 a pourtant misé sur la permanence des soins pour désengorger les urgences 13

a) Une réponse à l'accroissement des urgences et au désengagement des médecins libéraux de la permanence des soins 13

b) Un dispositif reposant sur le volontariat des médecins et sur une organisation départementale des gardes 15

2. Sur le terrain, l'efficacité du nouveau dispositif de permanence des soins est inégale 17

a) On observe des disparités importantes dans la taille des secteurs de garde et le nombre de médecins par secteur 17

b) Le volontariat ne suffit pas à remplir tous les tableaux d'astreinte 19

c) Les modalités de régulation des appels et d'effection des actes ne sont pas satisfaisantes dans certains départements 23

d) Le coût du nouveau dispositif de permanence des soins s'avère plus élevé que prévu 25

B. L'EFFICACITÉ DU NOUVEAU DISPOSITIF DE PERMANENCE DES SOINS CONNAÎT DES DIFFICULTÉS LIÉES À LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE, AU PILOTAGE DU DISPOSITIF ET AU MANQUE D'INFORMATION DE LA POPULATION 26

1. Les contraintes résultant de la démographie médicale compliquent la mise en œuvre du nouveau dispositif de permanence des soins dans certaines zones 26

a) Dans les zones rurales, la densité médicale rend difficile le recrutement de médecins pour assurer la permanence des soins 26

b) Les jeunes médecins semblent moins enclins que leurs aînés à accepter les contraintes d'une participation à la permanence des soins 30

2. La complexité du pilotage du dispositif de permanence des soins complique sa mise en œuvre et son utilisation par la population 32

a) La multiplicité des intervenants institutionnels complique le pilotage du nouveau dispositif de permanence des soins 32

b) L'articulation du pilotage de la permanence des soins de ville avec celui de l'aide médicale urgente doit être améliorée 36

c) Le dispositif de permanence des soins doit être mieux coordonné avec les dispositifs analogues applicables à d'autres professionnels de santé 38

d) Les financements de la permanence des soins sont en voie de simplification 39

3. La population est mal informée sur le fonctionnement du nouveau dispositif de permanence des soins 40

a) Bien que l'information des patients conditionne le bon fonctionnement du dispositif de permanence des soins, celui-ci reste largement méconnu du public 40

b) Un effort d'information du public et de simplification des voies d'accès à la permanence des soins paraît indispensable 41

C. LE DISPOSITIF DE PERMANENCE DES SOINS DOIT OPTIMISER LA COMPLÉMENTARITÉ ENTRE LES DIFFÉRENTES OFFRES DE SOINS PRÉSENTES SUR LE TERRAIN 42

1. Le dispositif de permanence des soins doit exploiter au mieux les complémentarités entre la médecine de ville et l'hôpital 43

a) Mettre en cohérence les systèmes de régulation des médecins libéraux, des SAMU et des Services départementaux d'incendie et de secours 43

b) Exploiter au mieux la complémentarité entre tous les acteurs de la prise en charge des soins pour effectuer les actes relevant de la permanence des soins 54

c) Mieux coordonner les différents services qui assurent des transports sanitaires 62

d) Promouvoir des synergies dans la prise en charge pré-hospitalière des cas relevant de l'aide médicale urgente 65

2. Pour pallier les contraintes résultant de la démographie médicale, le maillage sanitaire du territoire doit être consolidé et de nouveaux modes d'exercice professionnels expérimentés 67

a) La politique de maillage sanitaire du territoire doit être poursuivie 68

b) De nouvelles modalités d'exercice professionnel peuvent être expérimentées 72

D. LE DÉVELOPPEMENT DE MAISONS MÉDICALES DE GARDE CONSTITUE L'AXE PRINCIPAL DE LA CONSOLIDATION DES STRUCTURES DE PERMANENCE DES SOINS 78

1. La formule de la maison médicale de garde connaît un succès croissant mais recoupe des structures de différentes natures 78

a) Un succès croissant 78

b) Une très grande hétérogénéité d'organisation et de fonctionnement 78

2. Il ressort des expériences actuelles que la formule de la maison médicale de garde constitue une « solution préparant l'avenir » 83

a) Le bilan des maisons médicales de garde est largement positif 83

b) Au vu de ce bilan, on peut distinguer trois types de maisons médicales de garde utiles 87

3. Le financement des maisons médicales de garde présentait jusqu'à présent un caractère expérimental 87

4. Les maisons médicales de garde doivent s'inscrire dans un cadre réglementaire consolidé et suffisamment souple pour permettre de tenir compte des spécificités locales 89

a) Établir un pilotage opérationnel des maisons médicales de garde cohérent avec le pilotage de la permanence des soins 89

b) Simplifier la création et la gestion des maisons médicales de garde 90

c) Définir un cadrage national et des recommandations guidant les missions régionales de santé dans le pilotage des maisons médicales de garde 91

II.- AUX URGENCES : POURSUIVRE LES EFFORTS DE RÉDUCTION DES TEMPS D'ATTENTE ET DE PASSAGE DES PATIENTS 95

A. LE DÉSENGORGEMENT DES STRUCTURES DES URGENCES NE PASSE PAS NÉCESSAIREMENT PAR UN ACCROISSEMENT DE LEURS MOYENS 95

1. Les structures des urgences ont déjà bénéficié d'importants renforts de moyens dans le cadre du Plan urgences 2003-2008 95

a) Un renforcement des effectifs des différentes structures de médecine d'urgence 95

b) D'importants investissements 97

2. L'accroissement des moyens ne suffit pas à désengorger les structures des urgences 100

a) Selon la Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers, il n'y aurait pas de corrélation entre la performance des urgences et leur niveau de ressources, sauf en matière de séniorisation de l'effectif médical 100

b) Les urgences sont confrontées à une démographie médicale et paramédicale contraignante 103

c) Le périmètre des urgences ne doit pas être élargi inconsidérément 105

d) Selon les urgentistes, la tarification à l'activité n'inciterait pas à consentir des efforts de désengorgement des structures d'urgence 107

3. L'organisation des urgences doit favoriser l'implication des services d'hospitalisation dans la prise en charge des urgences 111

a) Le renforcement progressif des services d'urgences a eu pour corollaire une désaffection des autres services pour la prise en charge des urgences 111

b) L'organisation de la prise en charge des urgences doit favoriser l'implication des spécialistes des autres services 111

4. La prise en charge des urgences doit être mieux répartie entre le secteur public et le secteur privé 113

a) Le secteur privé à but non lucratif développe ses capacités d'accueil et de traitement des urgences 113

b) Le recours aux structures privées à but lucratif n'entraîne de surcoût ni pour le patient, ni pour l'assurance maladie 115

c) Les structures des urgences des cliniques privées à but lucratif pourraient être davantage sollicitées par les centres 15 116

B. UNE MEILLEURE ORGANISATION DES URGENCES PERMET UNE RÉDUCTION SIGNIFICATIVE DES TEMPS D'ATTENTE ET DE PASSAGE AINSI QU'UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE DES PATIENTS 117

1. Certaines méthodes de travail permettent de réduire les temps d'attente et de passage des patients 117

a) La Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers a identifié de « bonnes mesures organisationnelles » tendant à mieux gérer l'accueil des patients aux urgences 117

b) Les mesures de réorganisation du travail des personnels médicaux 122

c) Les mesures tendant à améliorer l'articulation entre les urgences et les plateaux techniques 124

d) Les dispositifs de consultation non programmée à l'entrée des urgences 126

e) Les procédures visant à accélérer le transfert des patients hors des box d'examen 126

2. L'organisation des structures des urgences doit être adaptée à la prise en charge des demandes à caractère social. 128

a) Les structures des urgences sont de plus en plus sollicitées pour prendre en charge des personnes dont les demandes ne relèvent pas seulement de la médecine 128

b) Le traitement des demandes d'actes médico-judiciaires aux urgences nécessite une organisation spécifique 130

C. LA PRISE EN CHARGE DES POPULATIONS FRAGILES DOIT FAIRE L'OBJET D'UNE ORGANISATION ADAPTÉE 132

1. L'organisation de la prise en charge des urgences pédiatriques semble efficace 132

a) La prise en charge des urgences pédiatriques est organisée dans une filière spécifique 132

b) Cette organisation paraît satisfaisante 134

2. La prise en charge des urgences psychiatriques est organisée de façon à prendre en compte les spécificités de ces patients 135

a) Une prise en charge spécifique des urgences psychiatriques est organisée à partir des structures des urgences 135

b) L'organisation de la prise en charge des urgences psychiatriques doit reposer sur un meilleur partenariat entre les structures des urgences, les médecins généralistes et les services de psychiatrie 136

3. La prise en charge des personnes âgées aux urgences n'est pas toujours organisée de façon satisfaisante 138

a) Les personnes âgées constituent une population aux besoins sanitaires très spécifiques 138

b) L'organisation de la prise en charge des patients âgés ne tient pas suffisamment compte de leurs besoins sanitaires spécifiques 143

c) Il est envisagé de structurer une filière spécifiquement gériatrique de prise en charge des urgences 148

d) L'organisation de la prise en charge des personnes âgées ne doit cependant pas être excessivement spécialisée 151

III.- EN AVAL DES URGENCES : MIEUX ORGANISER LA SORTIE DES PATIENTS 153

A. LA SORTIE DES URGENCES POSE DES PROBLÈMES D'ENGORGEMENT PRÉJUDICIABLES AUX PATIENTS 153

1. La sortie des urgences constitue un goulot d'étranglement qui participe à l'engorgement 153

a) Un double constat : des phénomènes de stagnation et des cas de retours précoces aux urgences 153

b) Une double conséquence : un engorgement des urgences, sans amélioration de la prise en charge des patients 154

2. Cet engorgement est dû en partie à une mauvaise articulation des urgences avec l'environnement sanitaire et social 155

a) On constate une inadéquation entre l'offre de lits hospitaliers et les besoins des patients issus des urgences 155

b) Les urgences ne sont pas suffisamment en contact avec leur environnement sanitaire et social 157

B. L'ARTICULATION ENTRE LES STRUCTURES DES URGENCES ET LES AUTRES SERVICES HOSPITALIERS DOIT ÊTRE MIEUX ORGANISÉE 158

1. Dans le cadre du Plan urgences, les capacités d'hospitalisation en aval des urgences ont été augmentées 158

a) Le Plan urgences consacre des moyens importants au renforcement des capacités d'hospitalisation en aval des urgences 159

b) Ces lits d'aval doivent rester disponibles pendant toute l'année 159

2. L'articulation entre les structures des urgences et les services d'hospitalisation peut être améliorée par des mesures organisationnelles 160

a) La nouvelle gouvernance hospitalière va dans le sens d'une meilleure intégration des urgences à l'hôpital 160

b) Des mesures organisationnelles peuvent faciliter l'hospitalisation des patients en aval des urgences 162

c) Il faut encourager l'admission directe des patients dans les services d'hospitalisation ainsi que les « circuits courts » depuis l'accueil des urgences 167

C. LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS DES URGENCES EN DEHORS DE L'HÔPITAL DOIT ÊTRE ORGANISÉE PRÉCOCEMENT 169

1. Le retour du patient à son domicile 170

a) Organiser la transition entre soins hospitaliers et soins à domicile 170

b) Poursuivre le développement de l'hospitalisation à domicile (HAD) 173

2. Le transfert du patient vers un établissement d'aval ou d'hébergement 174

a) L'articulation entre les établissements de santé et les établissement d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) devrait être approfondie 174

b) L'articulation entre les services de soins aigus et les structures de SSR pourrait être améliorée 176

D. L'ORGANISATION EN RÉSEAU DES STRUCTURES, SERVICES ET ÉTABLISSEMENTS IMPLIQUÉS DANS LA PRISE EN CHARGE DES URGENCES MÉRITE D'ÊTRE POURSUIVIE ET APPROFONDIE 178

1. Le développement de réseaux informatiques tend à renforcer les liens entre les urgences et leur environnement sanitaire et médico-social 178

a) Le Plan urgences mise sur l'informatisation des structures des urgences pour « connecter les urgences avec leur environnement » 178

b) Des systèmes d'information ont été créés pour faciliter la recherche de lits d'aval par les personnels des structures des urgences 179

2. La réforme des urgences entreprise par les décrets du 22 mai 2006 passe par la mise en réseau de toutes les structures de médecine d'urgence 184

a) Obligation est faite aux structures des urgences de participer à un « réseau de prise en charge des urgences » 184

b) La mise en place de « réseau de prise en charge des urgences » reconfigure le maillage sanitaire du territoire et le renforce 186

c) Les conditions de fonctionnement des structures des urgences assurant moins de 8 000 passages par an doivent cependant faire l'objet d'un traitement particulier 189

d) La recomposition du maillage du territoire en structures des urgences nécessite une bonne organisation des transferts de patients 191

3. La réforme des urgences met en œuvre des processus d'évaluation et de certification des structures 192

PROPOSITIONS DE LA MISSION 195

CONTRIBUTION DES MEMBRES DE LA MISSION APPARTENANT AU GROUPE SOCIALISTE 209

TRAVAUX DE LA COMMISSION 211

ANNEXES 219

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA MISSION 221

ANNEXE 2 : DÉPLACEMENTS DE LA MISSION 223

ANNEXE 3 : COMPTES-RENDUS DES AUDITIONS 251

Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH) : Mme Élisabeth Beau, directrice, accompagnée de MM. David Le Spégagne et Maxime Cauterman (12 septembre 2006) 251

Inspection générale des affaires sociales (IGAS) : MM. Roland Ollivier et Philippe Blanchard, inspecteurs Inspection générale de l'administration (IGA) : M. Xavier Prétot, inspecteur (12 septembre 2006) 263

Association des médecins urgentistes hospitaliers de France (AMUHF) : Docteur Patrick Pelloux (12 septembre 2006) 274

SUD (Fédération santé-sociaux) : Mme Marie-Christine Fararik et M. Patrick Nicolaon (19 septembre 2006) 284

FO (Fédération des personnels des services publics et des services de santé) : MM. Daniel Dutheilm et Pascal Lebrun (19 septembre 2006) 290

CFDT Santé : Mme Yolande Briand, secrétaire générale, et M. Michel Rosenblatt, directeur d'hôpital (4 octobre 2006) 296

CFE-CGC : Docteurs Marc Angebault et Philippe Aillères (10 octobre 2006) 304

CFTC-Santé et sociaux : MM. Michel Rollo, secrétaire général, Yannick Lartigue et Yves Boudan (18 octobre 2006) 315

UNSA-Santé : MM. Willy Kalb, secrétaire général, et Mohammed Ahmidan (18 octobre 2006) 325

Mme Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), docteur Jean-Yves Grall, conseiller général des établissements de santé, chargé plus particulièrement du champ de l'urgence et de la permanence des soins, et Mme Véronique Billaud, chef du bureau de l'organisation générale de l'offre régionale de soins (24 octobre 2006) 335

Conseil national de l'Ordre des médecins : Docteurs André Deseur et Patrick Bouet, (25 octobre 2006) 350

Fédération de l'hospitalisation privée : Docteurs Roger Ken Danis et Martine Binois, (25 octobre 2006) 363

Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) : M. Michel Combier (8 novembre 2006) 373

Espace généraliste (EG) : MM. Laurent Brechat, Georges Jung, Pascal Lamy, Jean-Michel Mathieu, Hubert Moser et Mme Guillemette Reveyron-Therme (8 novembre 2006) 378

Fédération des médecins de France (FMF) : MM. Yves Rigal et Jean-Claude Régi (8 novembre 2006) 391

MG France : MM. François Michel, Pascal Menguy (MG Urgences) et Dominique Monchicourt (Régulation libérale de Paris)) (8 novembre 2006) 398

SAMU de France : M. Marc Giroud, président (21 novembre 2006) 403

Collectif interassociatif sur la santé (CISS) : Mme Françoise Antonini, MM. Nicolas Brun et Thomas Sannié (28 novembre 2006) 416

Syndicat des médecins libéraux (SML) : M. Roger Rua (29 novembre 2006) 425

Association Santé-Urgences : MM. Philippe Cazaux et de M. Jean-Pascal Jédrec (29 novembre 2006) 433

Fédération hospitalière de France (FHF) : M. David Causse, Mmes Andrée Barreteau et Marie-France Wittmann (5 décembre 2006) 442

CGT Santé : Mme Nadine Prigent et M. Christophe Prudhomme, (6 décembre 2006) 450

Syndicat national des urgentistes de l'hospitalisation privée (SNUHP) : MM. Frédéric Groseil et Emmanuel Sarrazin (6 décembre 2006) 456

Fédération nationale des transporteurs sanitaires (FNTS) : M. Thierry Schifano, président, et Mme Odile Tassi (19 décembre 2006) 461

Syndicat national des médecins, chirurgiens spécialistes, biologistes et pharmaciens des Hôpitaux publics (SNAM-HP) : Professeur Roland Rymer, président, docteur André Elhadad, vice-président, docteur Patrick Plaisance, chef du service des urgences à l'hôpital Lariboisière, et professeur Jean-Pierre Pruvo, chef du service de neuroradiologie du CHU de Lille (19 décembre 2006) 470

Syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH) : MM. Philippe Blua et Jérémy Secher, (20 décembre 2006) 484

Consultation médico-judiciaire d'Évry : M. Denis Guichard, (20 décembre2006) 492

SOS Médecins : Docteurs Patrick Guérin, Serge Smadja, Émile Hobeika, Dominique Ringard et Emmanuel Barra, (20 décembre2006) 498

Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privée à but non lucratif (FEHAP) : Docteurs Hélène Logereau et Jérôme Antonini (9 janvier 2007) 506

Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de Bourgogne : M. Michel Ballereau, directeur (10 janvier 2007) 516

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités (16 janvier 2007) 532

Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) : M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général, et M. Jean-Pierre Robelet, directeur de l'organisation des soins (16 janvier 2007) 544

Société française de médecine d'urgence (SFMU) : Docteur Patrick Goldstein, président (17 janvier 2007) 553

Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSP) : Médecin-colonel Jean-Yves Bassetti, colonel Éric Faure, lieutenant-colonel Gérard Julou (17 janvier 2007) 564

ANNEXE 4 : GLOSSAIRE 575

INTRODUCTION

Trois ans après la canicule d'août 2003, le système français de prise en charge des urgences médicales, réformé et renforcé dans le cadre du Plan urgences 2003-2008, a gagné en efficacité. En témoigne par exemple le fait que la canicule de l'été 2006 n'a pas donné lieu aux mêmes phénomènes d'engorgement des urgences que celle de 2003, dont le rapport établi par notre collègue M. François d'Aubert au nom de la commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule, présidée par M. Claude Évin, faisait à juste titre un tableau alarmant

Faut-il pour autant s'arrêter à ce satisfecit ?

Ce serait négliger les difficultés auxquelles se heurtent encore les urgences et surtout les risques de déstabilisation du dispositif, liés tant aux évolutions récentes de la démographie médicale, particulièrement en zone rurale, et de l'exercice libéral, qu'à la croissance régulière de la demande de soins non programmés, au vieillissement de la population et à la perspective de crises sanitaires nouvelles, comme par exemple une éventuelle épidémie de grippe aviaire.

C'est pour ces raisons, et parce que les urgences constituent encore souvent un goulot d'étranglement dans la filière de soins, que la commission des affaires culturelle, familiales et sociales a souhaité créer le 28 juin 2006 une mission d'information sur la prise en charge des urgences médicales.

Sur un sujet qui dépasse les clivages politiques, la mission a nourri sa réflexion à partir du témoignage de plus de 80 personnes. Elle a également effectué plusieurs déplacements pour aller observer sur le terrain les différents systèmes de prise en charge des urgences médicales mis en place dans six départements, autour de huit structures hospitalières, quatre SAMU et deux centres d'appels dédiés à la régulation libérale. Dans chaque département, la mission a rencontré les représentants de l'État et de l'assurance maladie, les directeurs d'hôpitaux, les médecins libéraux participant à la permanence des soins ainsi que les médecins hospitaliers chargés de l'aide médicale urgente.

La qualité des témoignages recueillis et la diversité des organisations observées sur le terrain ont permis une analyse globale du dispositif de prise en charge des urgences médicales qui ne se limite pas aux seuls services d'urgences. En effet, dès le début des travaux, il est apparu très clairement que l'engorgement des urgences trouve en grande partie ses causes non pas tant au niveau des structures d'urgence elles mêmes - bien que des progrès soient encore nécessaires, notamment en termes d'organisation - qu'en amont et en aval de celles-ci. Ainsi, faire hospitaliser un patient en aval des urgences s'avère compliqué, malgré la disponibilité des personnels, par la spécialisation des services d'hospitalisation, la gestion rationalisée de leurs lits (hôpital de jour, de semaine etc.) et la logique de la tarification à l'activité qui les incite à maximiser leur production de soins.

En conséquence, la démarche de la mission a consisté à étudier notre système de prise en charge des urgences médicales à chacun de ses trois niveaux distincts, solidaires et interdépendants :

- en amont des urgences, avec le dispositif de permanence des soins et les structures pré-hospitalière de prise en charge des urgences - services d'aide médicale urgente (SAMU), service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) et services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ;

- au sein même des structures des urgences ;

- en aval de ces structures, que ce soit au sein des services hospitaliers de soins aigus, dans des établissements médico-sociaux ou au domicile du patient.

Le rapport est organisé suivant cette stratégie d'investigation et met un accent particulier sur l'intérêt des maisons médicales de garde qui semblent être une solution intéressante au problème de la permanence des soins en amont des urgences et sur la prise en charge des personnes âgées qui furent les premières victimes de la canicule de 2003 et qui représentent une part importante des patients accueillis aux urgences.

Il insiste également sur la nécessaire clarification de la filière se soins, sur l'information du public et sur l'importance des réseaux de soins afin d'assurer une meilleure complémentarité des différents acteurs au service du patient et de la continuité de sa prise en charge. C'est précisément parce que cette complémentarité n'est pas encore suffisante que les patients, en manque de repères, se dirigent - ou sont dirigés - parfois abusivement aux urgences et y stagnent, faute d'une bonne articulation avec les autres services hospitaliers ou les autres établissements d'hébergement.

I.- EN AMONT DES URGENCES : RÉDUIRE L'AFFLUX DE PATIENTS EN CONSOLIDANT LE DISPOSITIF DE PERMANENCE DES SOINS

Le Plan urgences 2003-2008 a misé sur la permanence des soins (PDS) pour désengorger les structures des urgences mais le nouveau dispositif connaît des difficultés d'application. L'efficacité du Plan urgences suppose une consolidation du nouveau dispositif de PDS, notamment par le développement des maisons médicales de garde (MMG).

A. LE NOUVEAU DISPOSITIF DE PERMANENCE DES SOINS N'EST PAS ENCORE MIS EN œUVRE PARTOUT DE FAÇON EFFICACE

1. Le Plan urgences 2003-2008 a pourtant misé sur la permanence des soins pour désengorger les urgences

● Les défaillances de la PDS

Le Plan urgences 2003-2008 vise à la fois à « Renforcer les médecins libéraux dans leur rôle de premier recours pour la prise en charge des soins non programmés et [à] désengorger les services d'urgences hospitalières » : la mesure n° 1 consiste à « assurer la permanence des soins » (1). Sa présentation en septembre 2003 s'inscrit dans un contexte marqué par deux tendances :

- une forte croissance du nombre de passages aux urgences, avec un pic important à l'occasion de la canicule d'août 2003 (2) ;

- un désengagement progressif des médecins libéraux de la PDS, particulièrement manifeste en 2001-2002 avec la « grève des gardes ».

On rappellera en effet que le nombre de passages annuels aux urgences a connu une croissance rapide jusqu'en 2004. Il atteignait alors 14 millions, soit près de 40 % de plus qu'en 1996 (cf. graphique ci-après).

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE PASSAGES ANNUELS AUX URGENCES

graphique

Source : Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), « L'activité des services d'urgences en 2004 », in Études et résultats n° 524, septembre 2006

Parallèlement, comme le rappelle un récent rapport conjoint de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale de l'administration (IGA) (3), l'organisation traditionnelle de la PDS « a volé en éclats voici quelques années pour des motifs qui tiennent à la fois à la démographie médicale, aux revendications du corps médical relatives aux conditions de travail ou encore aux modalités d'indemnisation du service de garde. Dans bien des départements, on a pu assister ainsi, au cours des années 2001-2002 notamment, à un véritable mouvement de refus du service des gardes (abusivement qualifié de « grève des gardes » ou de « grève des urgences »). Le mouvement s'est traduit, le cas échéant, par le refus, parfois ostentatoire, de déférer aux réquisitions individuelles prononcées par le préfet pour garantir la permanence des soins ».

● Un lien direct de cause à effet entre les défaillances de la PDS et l'engorgement des urgences

Si, comme l'a constaté devant la mission M. Roland Ollivier, membre de la mission IGAS/IGA, « un éventuel lien entre la permanence des soins et l'activité des services d'urgences (...) n'est pas évident, car une permanence des soins défaillante ne conduira pas systématiquement à l'engorgement des urgences » (4), il a cependant précisé que « les urgences sont en difficulté en l'absence totale d'organisation de la médecine libérale, ou de structure de type SOS Médecins ». Le rapport IGAS/IGA observe ainsi « un lien entre l'organisation de la PDS et l'activité des urgences dans deux cas de figures :

- une relation négative lorsque la PDS semble désorganisée (5) ;

- une relation positive lorsque les deux secteurs mettent en place une organisation conjointe pouvant infléchir la courbe de passages aux urgences.

Ce rapport constate également une « compensation par les SMUR (6) des difficultés de la permanence des soins » dont il conclut qu'« une proportion constante de la population qui pourrait recourir à la PDS s'adresse aux urgences hospitalières ». Même constat dans les « Principes d'organisation des urgences et de la permanence des soins » exposés en annexe à la circulaire du 16 avril 2003 relative à la prise en charge des urgences (7), selon lesquels une organisation efficace de la PDS « permettrait d'éviter le recours systématique et finalement parfois médicalement injustifié aux urgences ».

C'est pourquoi le dispositif de PDS en médecine ambulatoire a été réformé par deux décrets du 15 septembre 2003 et du 7 avril 2005 (8), ainsi que par l'avenant n° 4 à la convention médicale du 12 janvier 2005 (9).

Selon le rapport IGAS/IGA, les articles L. 6314-1 et R. 6315-1 à R. 6315-7 du code de la santé publique, tels qu'ils résultent du nouveau dispositif, répondent à quatre principes directeurs.

le volontariat : l'article L. 6314-1 définit la PDS comme une « mission de service public », assurée par les médecins qui exercent à titre libéral ou dans un centre de santé, ou qui appartiennent à des associations de PDS du type SOS Médecins. L'article R. 6315-4 précise qu'ils participent à cette mission « sur la base du volontariat ». Auparavant, l'article 77 du code de déontologie médicale prévoyait, au contraire, que « dans le cadre de la permanence des soins, c'est un devoir pour tout médecin de participer aux services de garde de jour et de nuit. » L'article R 6315-4 précité prévoit aussi qu'à défaut de volontaires, il appartient au conseil départemental de l'ordre des médecins (CDOM) de compléter les effectifs et, le cas échéant, de saisir le préfet, qui peut alors procéder à des réquisitions.

la régulation préalable à l'effection : l'article R. 6315-3 dispose que « L'accès au médecin de permanence fait l'objet d'une régulation préalable qui est organisée par le service d'aide médicale urgente (SAMU), ou par des centres d'appel interconnectés avec le SAMU ». Selon l'article R. 6315-5, « à la demande du médecin chargé de la régulation (...), le médecin de permanence intervient auprès du patient par une consultation ou par une visite ».

l'organisation départementale et la sectorisation : l'article R. 6315-1 dispose que la PDS « est organisée dans le cadre départemental en liaison avec les établissements de santé publics et privés et en fonction des besoins », évalués par le comité de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires (CODAMUPS). À cette fin, le département est « divisé en secteurs dont le nombre et les limites sont fixés en fonction de données géographiques et démographiques ainsi que de l'offre de soins existante ». Ces limites peuvent « varier selon les périodes de l'année » et être adaptées, « pour toute ou partie de la période de PDS, aux besoins de la population ». Cette sectorisation est arrêtée chaque année par le préfet. L'article R. 6315-6 précise qu'« un cahier des charges départemental fixe les conditions particulières d'organisation de la PDS et de la régulation ». Ce document « est établi sur la base d'un cahier des charges type fixé par arrêté du ministre chargé de la santé ». Il peut prévoir l'extension des horaires de la PDS au samedi après-midi et aux jours de « pont ». Il peut aussi fixer, « pour partie de la période comprise entre 20 heures et 8 heures », des modalités particulières d'organisation de la permanence qui dérogent à la réglementation nationale. Enfin, il précise les indicateurs de suivi et les modalités d'évaluation du dispositif, ainsi que les conditions de recueil et de suivi des incidents.

- une rémunération forfaitaire de la régulation des appels et de l'astreinte de permanence des soins (cf. l'encadré ci-dessous).

LA RÉMUNÉRATION CONVENTIONNELLE DE LA PARTICIPATION DES MÉDECINS À LA RÉGULATION ET À L'EFFECTION DES ACTES DE PDS

● L'article 2 de l'avenant n° 4 précité prévoit que « l'assurance maladie participe au financement de la régulation des médecins libéraux » suivant les modalités ci-dessous :

- versement de 60 € de l'heure aux médecins libéraux qui participent à la régulation organisée par le SAMU ;

- prise en charge de leur formation à la régulation dans le cadre de la formation professionnelle conventionnelle ;

- prise en charge, si besoin, de leur responsabilité civile professionnelle pour leur activité de régulation.

● De plus, cet avenant prévoit que l'assurance maladie verse aux praticiens inscrits à un tableau départemental d'astreinte une rémunération :

- de 50 € pour la période de 20 heures à 0 heure ;

- de 100 € pour la période de 0 heure à 8 heures ;

- de 150 € pour les dimanches et jours fériés de 8 heures à 20 heures.

● En outre, le même avenant prévoit des majorations spécifiques du tarif des actes effectués aux horaires de la PDS à la demande du médecin régulateur. Trois majorations sont ainsi prévues :

- une « majoration spécifique de nuit 20 heures-0 heure / 6 heures-8 heures » (46 € pour une visite et 42,50 € pour une consultation) ;

- une « majoration spécifique de milieu de nuit 0 heure-6 heures » (55 € pour une visite et 51,50 € pour une consultation) ;

- une « majoration spécifique de dimanche et jours fériés » (30 € pour une visite et 26,50 € pour une consultation).

2. Sur le terrain, l'efficacité du nouveau dispositif de permanence des soins est inégale

● La réforme du dispositif de PDS va de pair avec une forte réduction du nombre de secteurs de garde

Bien qu'aucun objectif réglementaire n'ait été fixé, la réduction du nombre de secteurs est motivée par deux raisons.

D'une part, elle permet de limiter le nombre de médecins d'astreinte, ce qui permet de réduire pour chacun la fréquence des gardes et de leur garantir un plus grand confort de vie, comme l'indique la circulaire du 12 décembre 2003 relative aux modalités d'organisation de la PDS en médecine ambulatoire. Une moindre pénibilité des gardes est en effet de nature à inciter les médecins à se porter volontaires pour la PDS. Ainsi, les représentants des généralistes rencontrés par la mission lors de son déplacement en Mayenne ont estimé que la réduction du nombre de secteurs de 33 à 16, puis leur regroupement en 8 territoires de garde seulement, a permis de remobiliser les généralistes après la « grève des gardes ».

D'autre part, selon M. Frédéric van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), l'assurance maladie envisageait la réduction du nombre de secteurs comme une contrepartie à la forte revalorisation des actes et des astreintes consentie dans le cadre de l'avenant n° 4.

Mme Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, a précisé qu'« au départ, l'objectif de la CNAMTS était de ramener le nombre de secteurs à 1 500» (10), contre près de 3 600 début 2004. Elle a souligné que néanmoins, cela ne correspondait pas nécessairement « à un optimum en termes de prise en charge des patients ». Cet effort de réduction portait particulièrement sur la deuxième partie de nuit, de minuit à 8 heures, période pendant laquelle l'activité est faible et les gardes plus pénibles.

● Toutefois, l'objectif de réduction du nombre de secteurs n'a été que partiellement atteint

Il ressort du rapport IGAS/IGA et des renseignements fournis par la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins du ministère de la santé et des solidarités (DHOS) que le nombre de secteurs est passé de 3 599 début 2004 à 3 198 début 2005 puis, au 31 juillet 2006, à 2 725 les dimanche et jours fériés, 2 552 pour la période 20h - 24h, et 2 241 en nuit profonde. Une récente enquête du conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) constate aussi que « 80 arrêtés de sectorisation pris en 2005 ne présentent en règle générale que de faibles variations par rapport aux années précédentes » (11).

M. Philippe Blanchard, membre de la mission IGAS/IGA, a estimé que le nombre des secteurs « n'a pas baissé autant que prévu, du fait justement de la revalorisation des astreintes, les médecins souhaitant alors conserver un nombre important de secteurs ». De plus, selon Mme Annie Podeur, « le faible écart qui existe entre le nombre des secteurs en première et en seconde partie de nuit montre que l'on n'a pas encore revu fondamentalement la sectorisation en deuxième partie de nuit ». L'enquête précitée du CNOM indique d'ailleurs que « la sectorisation est un travail permanent d'adaptation aux situations locales qui doit répondre à des contraintes liées plus particulièrement à la géographie et à la démographie tant générales que médicales », mais elle souligne qu'« en aucun cas, elle ne peut être dictée par des exigences comptables (indemnisation des astreintes par secteur) et les conseils départementaux ont su et pu, le plus souvent, faire valoir ce point de vue aux préfets ».

Par ailleurs, les secteurs de garde ne sont pas homogènes : au contraire, Mme Annie Podeur a constaté « une disparité très importante » entre les départements. En effet, le rapport IGAS/IGA indique que « le découpage ne se fonde pas uniquement sur des critères sanitaires et/ou socio-économiques » et que « le nombre de secteurs est bien davantage le résultat du jeu des acteurs locaux de la permanence des soins ». La mission a fait le même constat lors de ses déplacements. Dans la Nièvre par exemple, elle a pu observer la coexistence de deux dynamiques. En effet, moyennant la création d'une maison médicale de garde (MMG) et l'abandon des visites à domicile, certains secteurs ont pu être regroupés en un seul, plus vaste, qui connaît une activité relativement soutenue. Cependant, le reste du territoire nivernais est morcelé en secteurs de petite superficie qui restent peu actifs hors des centres urbains, mais où des visites à domicile continuent à être effectuées. Pour de tels cas, on peut estimer comme M. Jean-Yves Grall, auteur d'un récent rapport d'évaluation des MMG (12), qu'« il n'apparaît pas raisonnable de vouloir maintenir des secteurs de petite taille dans lesquels des médecins en nombre réduit assurent une PDS régulée, avec une probabilité d'appel infime pour une garantie totale d'un forfait de 150 € par nuit ».

Proposition : Favoriser le regroupement des secteurs de garde en territoires de garde plus vastes pour alléger la charge des gardes mais dans le respect du principe d'égalité d'accès aux soins.

● Des efforts sont encore nécessaires, notamment en deuxième partie de nuit

On peut donc conclure avec Mme Annie Podeur (DHOS) que « même si des efforts ont été réalisés, nous ne sommes pas encore à une stabilisation de cette sectorisation ». Dans le même sens, M. Frédéric van Roekeghem a estimé que dans une trentaine de départements, le nombre de secteurs restait à réduire, notamment en nuit profonde. Aussi, par une circulaire du 10 octobre 2006 relative au dispositif de permanence des soins en médecine ambulatoire, le ministre de la santé et des solidarités a invité les préfets à « poursuivre les travaux avec les médecins libéraux mais également avec les urgentistes afin d'aboutir rapidement à une sectorisation plus resserrée, notamment en deuxième partie de nuit, laquelle, sans remettre en cause les conditions de travail des médecins libéraux, garantirait une meilleure couverture de ces secteurs dans un cadre financier plus rationnel ».

● On n'observe pas de réinvestissement massif des généralistes dans la PDS

En effet, selon M. Frédéric van Roekeghem, le nombre de volontaires n'a augmenté selon lui que de 1 à 2%. De même, le rapport IGAS/IGA constate une tendance à la « stabilisation du nombre des intervenants » et à la diminution du nombre moyen des astreintes réalisées par chaque médecin. Soulignant que le triplement du montant des astreintes n'a manifestement pas suffi à susciter plus de volontariat, M. Frédéric van Roekeghem a expliqué ce phénomène par un changement de comportement des praticiens, lié selon lui au vieillissement de la profession, à sa féminisation et à la réduction générale du temps de travail dans la société française.

● La réalité de l'astreinte médicale est très contrastée

L'IGAS et l'IGA distinguent en effet trois types de situations insatisfaisantes :

- Des « zones blanches », c'est-à-dire des secteurs qui ne comptent aucun médecin pour effectuer des actes de PDS.

- Des secteurs dans lesquels la permanence des soins n'est pas assurée à certaines périodes. Un état des lieux de la permanence des soins au 31 décembre 2005 annexé à la circulaire du 10 octobre 2006 précitée recense ainsi 142 secteurs non couverts par un médecin libéral les dimanches et jours fériés, 128 entre 20 heures et minuit, et 422 après minuit.

- Des départements pour lesquels les tableaux d'astreinte sont « structurellement incomplets ». L'enquête précitée du conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) en recensait 17 en février 2006.

En tout état de cause, comme le note le rapport IGAS/IGA, « on observe partout une forte tendance au désengagement de la médecine libérale en seconde partie de nuit ».

Par ailleurs, comme M. Roland Ollivier (IGAS) l'a indiqué à la mission, la participation des médecins à la PDS est « globalement plus forte en milieu rural, sans que l'on puisse toutefois dresser des généralités - ainsi dans la Manche, les généralistes ne veulent plus participer à ce dispositif qui affecte leur niveau de vie » (13). Dans son enquête précitée, le CNOM explique qu'en zone rurale, « les solidarités confraternelles sont une réalité ». Au contraire, comme M. Roland Ollivier l'a souligné, « la participation des médecins est plus faible dans les grandes villes, du fait notamment de l'existence d'autres structures de type SOS Médecins ». La carte ci-après illustre ces disparités.

LA PARTICIPATION DES MÉDECINS GÉNÉRALISTES À LA PDS AU 1ER JANVIER 2006

Source : Conseil national de l'Ordre des médecins, « Enquête sur l'état des lieux de la permanence des soins en janvier 2006 », 2006

● Une large part des actes médicaux effectués aux horaires de la PDS n'entre pas dans le cadre du nouveau dispositif de PDS

Il s'agit notamment d'actes effectués par les structures de type SOS Médecins. En effet, les actes effectués par une de ces structures n'entrent dans le cadre de la PDS que lorsque ladite structure est inscrite au tableau départemental d'astreinte. De même lorsqu'une telle structure existe, elle n'occupe pas nécessairement tous les créneaux horaires prévus par ce tableau, car son existence n'interdit pas à d'autres médecins de se porter volontaires pour effectuer la PDS, à certaines périodes. Par conséquent, les actes effectués dans ces périodes par une structure de type SOS Médecins n'entrent pas dans le cadre de la PDS.

Le rapport IGAS/IGA cite des données fournies par les services de la CNAMTS selon lesquelles les associations SOS Médecins, qui ne regroupent que 3 % des effectifs de médecins, ont pris en charge en 2004 38,5 % des visites à domicile en début et fin de nuit (20h - 0h et 6h - 8h), 43,6 % des visites en milieu de nuit (0h - 6h) et 28,7 % des visites de dimanches et jours fériés.

Il s'agit également d'actes effectués aux horaires de la PDS par des médecins qui ne sont pas inscrits au tableau d'astreinte. Le rapport IGAS/IGA cite plusieurs départements dans lesquels 49 à 61 % des actes réalisés un dimanche n'ont pas donné lieu à une régulation. Il en conclut qu'« un certain nombre de généralistes restent disponibles pour leurs patients » et que « ce constat laisse à penser que l'intervention non régulée de généralistes auprès de leurs patients joue un rôle d'amortisseur des problèmes de la permanence des soins observés, en particulier, en milieu de nuit ».

● Le fait que certains préfets doivent recourir aux réquisitions témoigne des insuffisances du volontariat

L'article R. 6515-4 du code de la santé publique permet en effet au préfet, sur le rapport du conseil départemental de l'Ordre des médecins (CDOM), de réquisitionner des médecins libéraux « en cas d'absence ou d'insuffisance de médecins volontaires pour participer à la permanence des soins sur un ou plusieurs secteurs ». D'après l'enquête précitée du CNOM, en 2005, il y a eu des réquisitions préfectorales dans 42 départements.

Or ces réquisitions semblent mal acceptées des médecins. M. Jean-Claude Régi, représentant de la fédération des médecins de France (FMF), a déclaré à ce sujet : « Le problème des réquisitions nous interpelle fortement. On ne peut pas fonder un système pérenne de gestion sur la réquisition. Il faut impérativement trouver les voies et moyens propres à éviter ce procédé d'un autre âge » (14). De même, M. Georges Jung, représentant du syndicat Espace généralistes (EG), a regretté le fait que « 3 838 médecins généralistes ont fonctionné en 2005 sous le régime de la réquisition » (1), ce qui selon lui « n'est ni sain ni normal ».

Dans certains cas, notamment en zone rurale, les réquisitions paraissent aggraver considérablement la pénibilité de l'exercice libéral. Ainsi, Mme Guillemette Reveyron-Therme, représentante de EG, a déclaré à la mission que les réquisitions l'amenaient parfois à travailler plus de 125 heures par semaine.

Votre rapporteur juge de telles situations regrettables, d'autant que, comme l'a indiqué devant la mission M. Pascal Lamy, représentant de EG, « on s'aperçoit que les réquisitions répondent plus à une crainte qu'à un besoin réel : on compte finalement très peu d'actes en pleine nuit ».

● Les modes d'organisation de la régulation diffèrent selon les départements

Cette situation nuit d'autant plus à la lisibilité du dispositif que la régulation libérale constitue « la pièce maîtresse de l'édifice », comme le souligne le rapport IGAS/IGA. On recense trois principaux modes d'organisation :

- des régulations communes au SAMU et aux libéraux, sur le même plateau téléphonique, comme par exemple en Mayenne et dans la Nièvre ;

- des régulations libérales distinctes du SAMU, sur un plateau séparé mais interconnecté avec celui du SAMU, comme par exemple le Centre de réception et de régulation des appels libéraux (CRRAL) du Pas-de-Calais ;

- des régulations libérales autonomes.

La mission conjointe IGAS/IGA juge certains modes de régulation insatisfaisants. Elle constate que les dispositifs de régulation séparés présentent beaucoup d'inconvénients, en raison notamment d'une « incompréhension des usagers devant la multiplicité des numéros d'appels », d'une « contradiction avec le principe du numéro unique : le 112 » (15) et d'un « risque d'appels perdus ».

Il semble d'ailleurs que toutes les régulations libérales n'ont pas élaboré de protocoles de régulation communs avec le SAMU. Ainsi, la mission IGAS/IGA a constaté des réponses téléphoniques « extrêmement hétérogènes et non contrôlées », dont le contenu varie selon « les propres compétences ou convictions de chaque régulateur, ou bien selon l'abondance du flux d'appels à traiter et du nombre de régulateurs disponibles ». On peut craindre qu'une telle hétérogénéité n'aille pas dans le sens de l'éducation sanitaire de la population. L'IGAS et l'IGA relèvent d'ailleurs que « de tels aléas (...) ne peuvent inciter les patients à faire confiance au dispositif ». Selon elles, les patients « risquent en conséquence de reporter leurs demandes, si ce n'est sur SOS Médecins, vers les services publics (SDIS et SAMU) ». Le rapport estime donc que des « règles homogènes de fonctionnement de la régulation devraient être précisées », notamment par des « protocoles professionnels ».

En outre, de quelque type d'organisation qu'il s'agisse, on observe des problèmes d'engorgement des dispositifs de régulation. Selon la mission IGAS/IGA, « c'est un vrai sujet de santé publique ». De même, la mission a pu constater lors de ses déplacements que les régulations libérales et le SAMU sont souvent présentés comme « victimes de leur succès » - c'est notamment le cas à Arras et à Lille.

● Les médecins libéraux d'astreinte ont abandonné les visites à domicile

C'est par exemple le cas des médecins nivernais qui ont accepté le regroupement de plusieurs secteurs autour d'une MMG. Dans ce département, la mission a pu constater qu'une part importante des libéraux n'est disposée à accepter une réduction du nombre des secteurs de garde qu'à condition de ne plus effectuer de visites à domicile.

De même, M. André Deseur, président de la commission « garde et urgences » du CNOM, a plaidé pour que la réduction du nombre de secteurs de garde ne conduise pas à charger le médecin volontaire d'« un secteur gigantesque, avec des déplacements de cinquante à soixante-dix kilomètres, alors qu'il a travaillé la veille et qu'il doit travailler le lendemain » (16). Dans son enquête précitée, le CNOM explique que « la mise en place de grands secteurs ne peut s'envisager qu'avec un maillage du département par des maisons médicales de garde et la mise à disposition des transports sanitaires ». En tout cas, il considère que la PDS « doit reposer sur la consultation et non sur la visite » (17).

En effet, comme M. Philippe Blanchard (IGAS) l'a relevé devant la mission, « beaucoup de médecins considèrent que la permanence des soins n'est pas une médecine d'urgence. Par conséquent, sauf cas très exceptionnel, il ne serait pas utile de se déplacer. Dans les Ardennes, les médecins libéraux ont même décidé de ne faire aucune visite de nuit, la régulation orientant les cas d'urgence vers l'hôpital » (18). Ayant indiqué qu'« à l'opposé, SOS Médecins estime que l'urgence ne peut s'apprécier qu'au chevet du malade et prône la visite systématique », il a ainsi expliqué la position de la mission IGAS/IGA : « Sans adhérer à cette vision extrême, nous estimons que dans certains cas, notamment ceux de personnes âgées, qu'elles vivent chez elles ou en maison de retraite, le médecin doit se déplacer ». Ces situations constituent des cas de « visite incompressible » car « le déplacement d'une ambulance du SAMU ou d'un véhicule des pompiers, pour la plupart de ces cas, est inutile et coûteux ». C'est pourquoi ils se sont déclarés « opposés à la suppression des visites de nuit ». Dans le même sens, M. Marc Giroud, président de SAMU de France, a soutenu qu'il existe plusieurs cas dans lesquels une visite médicale à domicile est indispensable. « Premier cas de figure à la fois médical et social : une maman seule à la maison avec trois enfants ne va pas, s'il y en a un qui ne va pas bien, s'en aller à l'hôpital avec toute la famille. Autre de cas de figure : une personne âgée qui a voulu, en accord avec sa famille et son environnement médical, que sa fin de vie se déroule chez elle, ne peut pas être trimbalée à l'hôpital ». De même, « Un certificat de décès, par exemple, ne peut pas attendre la fin d'un grand week-end. Ce n'est peut-être pas une urgence mais on ne peut pas laisser la famille sans assistance » (19).

Pour votre rapporteur, il faut garantir que les visites à domicile indispensables puissent être effectuées.

Proposition : Pour chaque secteur de garde, préciser dans le cahier des charges départemental de la permanence des soins les critères suivant lesquels une visite à domicile doit être effectuée.

● Les départements ne disposent pas d'une organisation leur permettant de mobiliser des effecteurs supplémentaires pour faire face aux pics d'activité ».

À propos de cette défaillance, relevée par le rapport IGAS/IGA, on notera que selon un communiqué de presse de SOS Médecins du 15 janvier 2007 « les associations SOS Médecins ont connu entre Noël et le Nouvel an une augmentation de leurs appels d'en moyenne 30 % par rapport à la même période de l'année dernière ». SOS Médecins souligne qu'« il ne faut donc pas tirer de conclusions alarmistes sur ce qui n'est qu'une situation particulière et constater que la permanence de soins a su répondre à une demande accrue d'interventions », moyennant toutefois des « ajustements » dans les délais d'intervention.

Comme le constate le rapport IGAS/IGA, « l'avenant n° 4, par le jeu de la revalorisation du tarif des actes effectués pendant la permanence des soins mais surtout par le triplement du barème des astreintes, est à l'origine d'une dérive importante du coût de la permanence des soins ». Le rapport en déduit que « Seules des diminutions importantes du nombre des secteurs auraient pu en limiter les effets », mais, comme il a été exposé plus haut, la réduction du nombre de secteurs n'a pas été suffisante.

M. Philippe Blanchard a indiqué à la mission que « la direction de la sécurité sociale a envisagé l'hypothèse d'un surcoût de 60 millions d'euros, ce qui porterait le coût total de la permanence des soins à 360 millions en année pleine » (20). Toutefois, le coût effectif du dispositif est selon lui difficile à évaluer « du fait de la mise en place du dispositif en cours d'année 2005 et de la propension des médecins à envoyer leurs factures avec retard », mais il semble qu'il dépasse l'objectif précité : « nous sommes d'accord pour plutôt évaluer à 400 millions d'euros le coût total de la permanence des soins pour 2006 » (1).

Le rapport IGAS/IGA considère en outre que « certains coûts devraient conduire à revoir des éléments du dispositif ». Il s'agit notamment du coût de revient des actes en nuit profonde (minuit - 8 heures) qui, dans certains secteurs, « heurte le bon sens ». Lors de son déplacement dans la Nièvre, l'attention de la mission a en effet été appelé sur le fait que le coût moyen d'un acte en seconde partie de nuit y atteint 831 à 845 €.

Ainsi, pour que le nouveau dispositif de PDS contribue au désengorgement des structures des urgences, conformément aux objectifs du Plan urgences, il doit être consolidé.

B. L'EFFICACITÉ DU NOUVEAU DISPOSITIF DE PERMANENCE DES SOINS CONNAÎT DES DIFFICULTÉS LIÉES À LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE, AU PILOTAGE DU DISPOSITIF ET AU MANQUE D'INFORMATION DE LA POPULATION

Il semble difficile de renverser à court terme les grandes tendances de la démographie médicale. Néanmoins, le pilotage du dispositif de PDS pourrait être simplifié, ce qui contribuerait à le rendre plus lisible pour la population.

1. Les contraintes résultant de la démographie médicale compliquent la mise en œuvre du nouveau dispositif de permanence des soins dans certaines zones

Les évolutions récentes et prévisibles de la démographie médicale font peser sur la mise en œuvre du nouveau dispositif de permanence des soins deux séries de problèmes :

- d'une part, dans certaines zones du territoire, la densité médicale serait trop faible pour que les médecins puissent assurer la PDS ;

- d'autre part, les jeunes générations de médecins seraient moins enclines que les précédentes à participer à la PDS.

● Des disparités régionales très sensibles au détriment des zones rurales.

Selon une étude récente du CNOM sur la démographie médicale (21), la densité médicale s'établit en métropole à 339,5 médecins pour 100 000 habitants au 1er janvier 2006, dont environ 166 omnipraticiens et 173 spécialistes. M. André Deseur, représentant du CNOM, a précisé devant la mission que l'effectif de généralistes en activité est « plus restreint que ne le laissent penser les chiffres de démographie brute » (22), compte tenu notamment de ceux qui n'exercent qu'à temps partiel. Aussi, selon lui, « entre la démographie brute et la démographie de médecins actifs dans la médecine générale de premier recours, il y a un écart important » (2). Si l'on ne considère toutefois que les praticiens ayant une activité régulière, ce qui, selon l'étude précitée, « représente une estimation plus pertinente de l'offre réelle de médecins sur le territoire », la densité médicale nationale n'atteint que 314 praticiens pour 100 000 habitants, dont 154 généralistes et 160 spécialistes.

Par ailleurs, un récent rapport (23) de M. Yvon Berland sur la démographie médicale souligne que « cette densité varie de manière significative selon les régions ». Ainsi l'étude précitée du CNOM montre que les régions comptant le moins de médecins pour 100 000 habitants sont la Picardie (243), la Haute-Normandie (253) et le Centre (255). Au contraire, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (381) et l'Île de France (388) sont les mieux dotées et, à Paris, ce nombre s'élève à 769.

Le rapport de M. Yvon Berland ajoute que « si l'on note, pour les généralistes, une légère tendance au resserrement des écarts départementaux, à un niveau géographique plus fin, les disparités ont plutôt tendance à se creuser, notamment au détriment des cantons ruraux ». Et ce à tel point que, dans ces cantons, « on voit apparaître depuis quelque temps des difficultés particulières pour maintenir une présence médicale et une offre de proximité ». Le rapport 2004 de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) identifie ainsi 86 cantons en difficulté (24), qui totalisent 1,6% de la population, soit environ un million d'habitants. Par ailleurs, un groupe de travail réunissant des Unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM), la CNAMTS, la Mutualité sociale agricole (MSA) et la Caisse nationale de l'assurance maladie des professions indépendantes (CANAM) a ciblé des « zones fragiles », sous-dotées en offre de soins, et des « zones en difficulté », très sous-dotées (cf. la carte ci-après). Selon cette étude, 400 000 personnes, soit 0,6 % de la population métropolitaine, vivent dans des zones très sous-dotées, et 2 millions, soit 4,1 %, dans des zones sous-dotées.

RÉPARTITION DES OMNIPRATICIENS LIBÉRAUX PAR BASSIN DE VIE EN 2005

Source : rapport 2005 de l'ONDPS.

En outre, le rapport 2005 de l'ONDPS constate que « les données sur les zones déficitaires récemment définies par les missions régionales de santé (MRS) aboutissent à un chiffre voisin du haut de la fourchette de l'étude de la CNAMTS, en atteignant 4% de la population pour 360 zones regroupant près de 4 500 communes » (cf. la carte ci-après).

COMMUNES DÉFICITAIRES EN MÉDECINS GÉNÉRALISTES

 

Communes déficitaires

 

Communes non déficitaires

 

Régions dans lesquelles ce recensement n'avait pas été effectué en 2005

Source : rapport 2005 de l'ONDPS.

La population concernée par une réelle difficulté d'accès aux soins de premier recours représente donc de 0,6 à 4,1% de la population nationale, selon la définition retenue.

● L'activité ne compense pas toujours la faiblesse de la densité médicale

M. Yvon Berland montre que les médecins des zones déficitaires compensent, par leur activité, la faiblesse de la densité médicale. S'agissant des zones très sous-dotées, il souligne à l'inverse que « malgré leur surcharge, les médecins en exercice ne parviennent pas à compenser leur faible nombre pour satisfaire les besoins ».

C'est pourquoi les médecins installés dans ces zones semblent soucieux que leur rythme d'astreinte reste compatible avec l'exercice libéral particulièrement difficile en milieu rural. En effet, comme l'a souligné M. Xavier Prétot (IGA), « dans certaines zones où la démographie médicale est faible, le travail de nuit peut constituer une contrainte très lourde après une journée de travail déjà surchargée » (25). De même, M. Yves Rigal, représentant de la Fédération des médecins de France (FMF), a affirmé que « les médecins libéraux ont défendu et obtenu que leur participation à l'activité de permanence des soins repose sur le volontariat, d'abord pour des raisons de démographie médicale - il y a de moins en moins de main-d'œuvre dans les cabinets, et de plus en plus de travail » (26). C'est pourquoi le rapport IGAS/IGA sur le nouveau dispositif de PDS considère que « le problème de la répartition des effectifs de médecins peut fragiliser le système à moyen terme ».

● Un nouveau rapport au temps et au rythme de travail

On constate en effet une tendance des jeunes générations de médecins à réduire - ou du moins à aménager - leur temps de travail et leurs contraintes professionnelles. Une récente étude du conseil de l'Ordre (27) met en évidence une « prise de distance par rapport à « l'éthos professionnel » classique de la profession médicale », lequel impliquait un temps de travail « submergeant et débordant tous les autres temps sociaux, (...) un dévouement inconditionnel aux patients, une disponibilité permanente par les astreintes et les gardes ». Cette étude relève également que « tandis que la disponibilité auprès des patients était un critère de qualité du travail médical, elle peut apparaître comme un obstacle à cette même qualité (en raison de la fatigue accumulée, d'un besoin d'équilibre essentiel à la bonne réalisation de son travail...) ». Les jeunes médecins seraient ainsi nombreux à considérer qu'« un rythme de travail trop intense pourrait conduire à une moindre attention et à des accidents, voire à des fautes professionnelles pouvant aller jusqu'au procès ».

De plus, comme M. Philippe Blanchard (IGAS) l'a indiqué à la mission (1, « les plus jeunes aspirent à la qualité de vie que leur permet leur rémunération. Il y a quelques années, les médecins prenaient les astreintes pour arrondir leurs fins de mois et se faire leur clientèle. Ce n'est plus vrai aujourd'hui ». M. Xavier Prétot (IGA) a quant à lui précisé que « même dans des zones où cette démographie est dense, de nombreux médecins considèrent qu'il n'est pas forcément juste, après avoir étudié plus de dix ans, de devoir travailler la nuit et le week-end dans une société où prévalent les 35 heures, avec forte rémunération des cadres ».

● Les jeunes médecins seraient moins portés que les anciens vers l'exercice libéral.

L'étude du conseil de l'Ordre montre en effet que les jeunes médecins ont tendance à choisir leur mode d'exercice en fonction du temps de travail qui s'y attache. Elle constate notamment l'attrait de la médecine salariée et du « « travail à la carte », à travers les remplacements », qui permettent d'« échapper aux contraintes professionnelles (les gardes, mais aussi les charges liées à l'installation en cabinet) ». En outre, l'exercice individuel attirerait de moins en moins les médecins (voir sur ce point les développements relatifs aux MMG). Un récent rapport du conseil de l'Ordre sur la féminisation du corps médical (28) souligne quant à lui une « désaffection pour le mode d'exercice libéral » chez les étudiants de deuxième année de médecine (cf. les diagrammes ci-dessous).

MODE D'EXERCICE SOUHAITÉ PAR LES ÉTUDIANTS DE DEUXIÈME ANNÉE

Source : Kahn-Bensaude Irène, « la féminisation : une chance à saisir », décembre 2005

● L'effet discuté de la féminisation du corps médical

Enfin, certains interlocuteurs de la mission, comme M. Marc Giroud (29), président de SAMU de France, estiment qu'il y a un lien entre la féminisation du corps médical et sa désaffection pour le travail de nuit et de week-end, car « une femme médecin travaille quantitativement moins longtemps qu'un homme médecin ».

Sans nier ce fait, l'étude précitée sur les pratiques professionnelles des jeunes médecins indique que « Les études récentes sur le temps de travail des médecins montrent une tendance à l'augmentation de la durée du travail dans les quinze dernières années », sans que « l'écart de 6 heures entre la durée du travail des femmes et celles des hommes » ne se creuse. Cette étude en conclut que « la féminisation de la profession médicale n'a donc pas conduit, par un effet systématique, à une réduction du temps de travail global des médecins ». Tout au plus peut-on estimer, comme Mme Irène Kahn-Bensaude dans son rapport précité, que « la féminisation de la médecine a favorisé une prise de conscience de la part des confrères masculins qui ne travailleront plus dans les mêmes conditions que les générations antérieures ».

PROPORTION DE FEMMES
SELON L'ÂGE ET LA RÉPARTITION GÉNÉRALISTE/SPÉCIALISTE

Source : Kahn-Bensaude Irène, « la féminisation : une chance à saisir », décembre 2005

2. La complexité du pilotage du dispositif de permanence des soins complique sa mise en œuvre et son utilisation par la population

● Le pilotage du dispositif de PDS fait intervenir plusieurs acteurs :

- À l'échelon national, l'État organise cette « mission de service public » (30). L'assurance maladie en assure le financement ; notamment, le comité national de gestion du fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) est placé au sein de la CNAMTS (31)

- À l'échelon régional, la mission régionale de santé (MRS), constituée entre l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) et l'URCAM, élabore des propositions relatives à l'organisation de la PDS et les transmets au conseil régional de l'ordre des médecins (CROM), aux représentants régionaux syndicats représentatifs des médecins libéraux et des urgentistes hospitaliers, et à l'Union des médecins exerçant à titre libéral (URML) (32). En outre, des comités régionaux de gestion placés au sein des URCAM gèrent la part régionale du FAQSV (33).

- À l'échelon départemental, le préfet arrête le cahier des charges de la PDS (34) après avis du CODAMUPS (35) et peut procéder à des réquisitions individuelles de médecins (36). Le CDOM établit les tableaux de garde et tente de les compléter, si nécessaire, avant de les transmettre au préfet ; il peut aussi exempter certains médecins de permanence, selon leur âge, leur état de santé ou leurs conditions d'exercice. En outre, les médecins libéraux participant à la PDS constituent souvent des associations départementales.

● La multiplicité des acteurs de l'organisation de la permanence des soins est source de confusion dans la répartition des rôles

Selon le rapport IGAS/IGA, cette multiplicité compliquerait inutilement la prise de décision et donnerait lieu, localement, à des pratiques divergentes. Les rédacteurs de ce rapport ont notamment déclaré avoir été « surpris par les interférences entre différents partenaires », indiquant qu'« il arrive même parfois que l'URCAM, en liaison avec l'URML, prenne des options contraires à celles retenues par le préfet » (37). De même, M. Marc Giroud, président de SAMU de France, a déclaré que l'assurance maladie « ne se limite pas à son rôle financier, mais négocie avec les médecins généralistes et, ce faisant, crée de fait une politique, contractualisée, qui n'est pas toujours celle du ministère de la santé » (38).

Le rapport IGAS/IGA constate également que certains conseils de l'Ordre « paraissent moins impliqués [que d'autres] dans la mobilisation de leurs confrères et renvoient à l'État la responsabilité de convaincre les généralistes de participer à la permanence des soins ». Il ajoute que « d'une manière générale, la profession ne se reconnaît plus de porte-parole unique, ce qui fragilise la position d'arbitre et l'autorité morale des CDOM ». En outre, alors qu'« en cas de défaillance grave, le conseil de l'Ordre peut proposer au préfet des mesures alternatives », M. Philippe Blanchard a regretté que « dans les faits, il ne le fera pas, pour des raisons confraternelles ».

Quant aux préfets, l'IGAS et l'IGA rapportent qu'ils « ne manquent pas de souligner le caractère limité de leurs moyens d'action pour prévenir les difficultés ». M. Philippe Blanchard a en effet expliqué que « la réquisition est une fausse bombe atomique, impossible à mettre en œuvre, en ce qu'elle crée des tensions très difficiles à gérer ». En témoignent les scènes où des médecins « ont pu déchirer ostensiblement des réquisitions devant les caméras ». De surcroît, selon lui, « le juge administratif ne soutient pas toujours la décision de réquisition du préfet, car sa validité dépend de conditions juridiques rarement réunies ». En conséquence, selon lui, « les préfets qui ont eu recours à la réquisition ont rencontré beaucoup de déboires, aussi préfèrent-ils en général le dialogue à la contrainte ». (39)

Par ailleurs, les initiatives de certaines collectivités et les expérimentations entreprises dans certaines régions peuvent contribuer à compliquer le pilotage du dispositif. C'est en tout cas l'avis de M. Philippe Blanchard, selon lequel « Là où la région a voulu dépasser son rôle strictement financier pour se lancer dans des opérations, ne fût-ce qu'à titre d'expériences, les pistes ont été considérablement brouillées ». De même, le rapport de M. Jean-Yves Grall, conseiller général des établissements de santé, sur les maisons médicales de garde constate que « certaines collectivités font des MMG un élément de leur politique sociale, néanmoins, il paraît dangereux pour la lisibilité et la fiabilité du système que ces initiatives ne soient pas initiées par un nombre suffisant de médecins susceptibles de pérenniser le fonctionnement ». Il signale notamment que du fait d'« oppositions entre maires de différentes communes », certaines MMG ont une double implantation, ce qui au mieux nuit à la clarté du dispositif, au pire conduit les professionnels à renoncer.

● Le pilotage du dispositif de PDS doit être clarifié à tous les échelons :

À l'échelon national, comme le propose le rapport IGAS/IGA, « il convient de veiller scrupuleusement à ce que les textes conventionnels ou les circulaires internes de l'assurance maladie, qui complètent ou commentent les instructions du ministre, ne viennent pas les transformer, voire les contredire, comme le sentiment a pu en être parfois donné pour la mise en œuvre du décret du 7 avril 2005 ».

De plus, pour renforcer le pilotage effectif du dispositif de PDS par l'Etat, il semble opportun de mettre en place rapidement le comité national de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires (CONAMUPS) dont la création a été annoncée le 4 mai 2006 par le ministre de la santé et des solidarités (40).

Proposition : Clarifier les compétences respectives de l'État et de l'assurance maladie pour améliorer le pilotage de la permanence des soins, et prévoir la consultation obligatoire du comité national de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires (CONAMUPS) sur tous les actes généraux relatifs à la prise en charge des urgences médicales.

À l'échelon régional, la MRS semble indiquée pour définir les grandes orientations de la PDS, regrouper ses moyens de financement et évaluer le dispositif. Le rapport IGAS/IGA précité va dans ce sens et ajoute même que « l'échelon régional ne doit pas avoir de responsabilités opérationnelles », ce qui semble aller dans le sens d'une clarification des responsabilités des différents acteurs de la PDS.

À l'échelon départemental, le préfet doit pouvoir disposer d'une gamme de pouvoirs plus étendue dans l'organisation de la PDS. Le rapport IGAS/IGA plaide ainsi pour la délégation au préfet d'une « enveloppe financière départementale » sur la base de laquelle il puisse négocier avec l'ensemble des acteurs locaux un accord cadre local soumis à l'avis du CODAMUPS. Comme ce rapport l'indique, un tel système « suppose que l'organisation locale de la permanence des soins puisse bénéficier de marges d'adaptation au contexte local ». Le rapport envisage ainsi des possibilités d'adaptation du nombre de secteurs, de mobilisation d'effecteurs salariés, d'intéressement des médecins à la permanence des soins par un barème progressif de l'astreinte... Il semblerait en effet utile de préciser les conditions dans lesquelles une réquisition est indispensable, et d'élargir la palette des instruments incitatifs dont dispose le préfet.

Proposition : Préciser les conditions dans lesquelles la réquisition de médecins est indispensable.

Proposition : Conforter le préfet dans son rôle de coordonnateur opérationnel des différents intervenants sur le terrain en lui offrant des marges de manoeuvre règlementaires et financières, voire des possibilités de dérogation aux règles nationales pour permettre les adaptations nécessaires aux réalités locales.

Lors de son déplacement en Mayenne, la mission a d'ailleurs pu mesurer l'intérêt d'une certains souplesse dans l'application des textes, au moins sur deux points :

- D'après les explications fournies à la mission, les obligations de permanence et les indemnités d'astreintes prévues pour chaque secteur de garde sont mutualisés à l'échelle de « territoires de garde » constitués chacun de deux secteurs. Ainsi, un seul médecin assure l'astreinte pour les deux secteurs de chaque territoire et cumule les deux indemnités, le second médecin inscrit au tableau de garde n'intervenant qu'en cas de défaillance du premier. Cette organisation garantit aux médecins un rythme d'astreinte modéré. Toutefois, selon les précisions juridiques fournies au rapporteur, la conformité d'un tel dispositif aux textes relatifs à la PDS mériterait un examen approfondi, bien qu'il semble satisfaire tous les acteurs de la PDS.

- Il aurait été envisagé par ailleurs de jumeler l'astreinte effectuée au titre de la PDS avec une astreinte hospitalière de continuité des soins, consistant à ce que le médecin de permanence effectue une visite dans les services de l'hôpital local moyennant une rémunération complémentaire. Mais le projet n'a pas abouti, faute de base réglementaire pour une telle rémunération.

Ces deux exemples montrent qu'il peut être utile de donner au préfet des marges de manœuvres réglementaires pour soutenir les initiatives locales qui le mériteraient.

La circulaire du 16 avril 2003 relative à la prise en charge des urgences postule qu'« il existe un continuum et une complémentarité entre la permanence des soins de la médecine ambulatoire et les services des urgences ». Elle en déduit que cette complémentarité entre PDS et aide médicale urgente (AMU) « nécessite (...) de bien relier ces deux modes de prise en charge ».

● Or l'organisation de la PDS et celle de l'AMU ne relèvent ni des mêmes autorités, ni des mêmes zonages administratifs

Certes, les CODAMUPS associent les responsables de l'aide médicale urgente et ceux de la permanence des soins. Mais comme l'a rappelé à la mission le directeur de l'ARH de Bourgogne, c'est l'ARH qui est compétente pour organiser les structures d'aide médicale urgente (services d'urgences, SAMU ou SMUR). Cette organisation est fixée dans le schéma régional d'organisation sanitaire (SROS) (41), subdivisé lui-même en « territoires de santé ». Ainsi, l'AMU est organisée par l'ARH au niveau de la région et du territoire de santé, alors que la PDS est organisée par le préfet dans le cadre départemental. Comme le relève un document remis à la mission par les représentants de la Fédération hospitalière de France (FHF), la création des territoires de santé « se superpose à d'autres « paramétrages territoriaux » préexistants qui peuvent être plus significatifs pour les patients et les filières de prise en charge. Il en va ainsi du secteur social et médico-social, contigu au secteur sanitaire sur de nombreux versants, qui demeure calé sur le département. C'est également le cas de la sectorisation psychiatrique, comme de la permanence des soins et de la régulation médicale urgente ».

Certaines complications naissent de la superposition de ces zonages administratifs. Ainsi, la mission a pu étudier le cas de Clamecy, ville qui appartient au département de la Nièvre mais relève du territoire de santé « sud-Yonne », organisé autour d'Auxerre (Yonne). D'après les informations fournies sur le terrain, cette situation complique l'organisation de la prise en charge des urgences médicales. En effet, les médecins libéraux rencontrés par la mission semblent accepter le principe d'un regroupement des secteurs de garde autour d'une MMG à condition que celle-ci soit installée au centre hospitalier de Clamecy et qu'un SMUR y soit créé. Or leurs interlocuteurs nivernais, compétents pour la sectorisation de la PDS à Clamecy, n'ont pas d'autorité en matière d'organisation hospitalière dans la même ville. Les médecins libéraux concernés ont ainsi exprimé le sentiment que la multiplicité des intervenants tend à diluer les responsabilités de chacun.

Enfin, les représentants de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) ont fait observer que le document planifiant les objectifs opérationnels des sapeurs-pompiers, le SDACR (42), est établi par le préfet dans le cadre départemental (43) et regrette qu'il ne soit pas mieux articulé avec le SROS. Ils regrettent également de n'avoir pas été consultés à l'occasion de réorganisations récentes des structures des urgences et de la PDS.

● Les SROS devraient comporter un volet PDS

Aussi, pour renforcer l'articulation entre le dispositif de permanence des soins de ville et l'organisation hospitalière de l'AMU, il semblerait utile que la PDS constitue un volet des SROS. Un premier pas en ce sens a été accompli avec l'arrêté du 27 avril 2004 (44) qui prévoit que « font obligatoirement l'objet du SROS (...) la prise en charge des urgences et l'articulation avec la permanence des soins ». De même, l'annexe à la circulaire du 16 avril 2003 précitée présentant les « Principes d'organisation des urgences et de la permanence des soins » indique que « des projets médicaux de territoire seront élaborés en déclinaison du SROS et permettront notamment de mettre en œuvre des coopérations pour la PDS ». Pour aller plus loin, la PDS en elle-même pourrait constituer un volet à part entière des SROS de quatrième génération.

Proposition : Faire de la permanence des soins un volet du schéma régional d'organisation sanitaire (SROS).

De plus, on pourrait envisager d'intégrer dans la procédure d'élaboration des prochains SDACR un examen de la compatibilité de ses orientations avec celles des SROS.

Proposition : Rappeler au préfet de veiller, lorsqu'il arrête le Schéma départemental d'analyses et de couverture des risques (SDACR), qui fixe les objectifs opérationnels des SDIS, à la compatibilité de ses orientations avec celles du schéma départemental de permanence des soins et du schéma régional d'organisation sanitaire (SROS).

En attendant ces mesures, votre rapporteur souligne que la montée en puissance des MRS, constituées de façon paritaire de représentants de l'ARH et de l'URCAM, va dans le sens d'une meilleure coordination de la médecine de ville et de l'hôpital. Il souligne aussi que l'échelon régional semble constituer le niveau pertinent de traitement des difficultés résultant du chevauchement de différents zonages administratifs, comme c'est le cas à Clamecy.

Le rapport IGAS/IGA constate que « la permanence des soins n'est qu'exceptionnellement articulée avec les autres dispositifs qui la complètent : garde ambulancière, pharmacies et réseau des spécialistes », et que « cette carence est source de difficultés pratiques pour les usagers ainsi que de surcoûts multiples pour l'assurance maladie ».

Lors de son audition par la mission, Mme Annie Podeur (DHOS) a estimé qu'il fallait « améliorer l'articulation entre la permanence des soins des généralistes et les gardes des pharmaciens ». Selon elle, il existe : « des organisations un peu aberrantes : il arrivait qu'une maison médicale de garde soit située à l'est d'un territoire alors que la pharmacie de garde était située à l'ouest, ce qui était très peu satisfaisant en termes d'accessibilité et donc de service rendu aux usagers » (45). À cet égard, il convient de noter qu'un décret du 22 décembre 2006 (46) a modifié les dispositions du code de la santé publique relatives à la composition des CODAMUPS pour y introduire des représentants des pharmaciens.

Une telle mesure paraît aller dans le sens d'une meilleure coordination des gardes des médecins et des pharmaciens. On pourrait néanmoins envisager d'aller plus loin, en chargeant le préfet de vérifier - avant d'arrêter le cadre du cahier des charges départemental de la permanence des soins - que pour chaque secteur de garde, la PDS est coordonnée avec celles des autres professionnels de santé concernés par la prise en charge des urgences médicales, notamment des pharmaciens, des infirmiers et des kinésithérapeutes (particulièrement lors des épidémies de bronchiolite).

Proposition : Charger le préfet de vérifier, dans le cadre du cahier des charges départemental de la permanence des soins, que pour chaque territoire de garde, la permanence des soins des médecins est coordonnée avec les dispositifs applicables aux autres professions de santé intéressées par la prise en charge des urgences médicales.

● Des sources de financement diverses, manquant de pérennité

Le rapport IGAS/IGA souligne la « diversité des sources de financement » de la PDS. Il rappelle que, selon qu'ils proviennent de l'Etat, de l'assurance maladie ou des collectivités locales, ces financements « n'obéissent pas aux mêmes règles de gestion ». Selon ce rapport, une telle hétérogénéité « alourdit les procédures et fragilise les dispositifs locaux ».

De plus, le rapport souligne que même pour ce qui relève uniquement de l'assurance maladie, les modes de financement sont complexes, comprenant à la fois des majorations spécifiques du tarif des actes, des rémunérations forfaitaires et des subventions pour les frais d'investissement et de fonctionnement des différentes structures (plateaux de régulation, MMG...). Dans le même sens, un récent rapport de l'IGAS sur le FAQSV et la dotation des réseaux (DDR) (47) considère que la gestion de ces fonds « génère au total un foisonnement de procédures largement bureaucratiques, résultant pour partie des contraintes réglementaires, au détriment d'un accompagnement sur le fond des projets et d'un suivi efficace »

Enfin, une large majorité des personnes rencontrées par la mission regrette le manque de pérennité de ces financements, notamment lorsqu'ils sont destinés à une MMG ou à une structure de régulation distincte des centres 15 (cf. infra, les développements relatifs aux MMG).

● Un effort de clarification et de pérennisation des financements qui reste à poursuivre

Le rapporteur se félicite de ce que l'article 94 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2007 ait réécrit l'article L. 221-1-1 du code de la sécurité sociale pour fusionner le FAQSV et la DDR en un fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCSV). On rappellera que cette fusion était préconisée par le rapport de l'IGAS sur le FAQSV et la DDR précité, qui estimait que « financer sur une base contractuelle au moyen d'une enveloppe fermée, c'est être en mesure de réguler une dépense que l'on aurait du mal à maîtriser en régime de droit commun ». Le rapport IGAS/IGA sur la PDS jugeait également « nécessaire de regrouper entre les mains des responsables du dispositif de permanence des soins les moyens indispensables à son fonctionnement » et proposait notamment de « rassembler dans une enveloppe ou un fonds spécifique (...) les seuls financements complémentaires à ceux déjà mobilisés dans le cadre de la gestion du risque ».

Pour aller plus loin, on pourrait envisager de pérenniser les financements accordés par le FIQCSV, par exemple en les contractualisant sur cinq ans à l'image de ce qui est proposé dans le rapport précité de M. Jean-Yves Grall pour le financement des MMG (voir infra).

On pourrait également créer un sous-objectif particulier de l'ONDAM couvrant la plupart des coûts liés à la PDS, comme l'envisage le rapport IGAS/IGA sur la PDS, selon lequel une telle disposition « permettrait au Parlement d'apprécier le coût complet de la PDS et d'instaurer de la transparence sur son fonctionnement ».

Proposition : Identifier les fonds consacrés à la permanence des soins au sein d'une enveloppe spécifique et par un sous-objectif de l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie (ONDAM).

3. La population est mal informée sur le fonctionnement du nouveau dispositif de permanence des soins

Lors de leur audition par la mission (48), les représentants des usagers du système de santé ont souligné les difficultés éprouvées par la population pour comprendre l'organisation du dispositif de PDS. Ainsi, M. Nicolas Brun, représentant du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), a indiqué que « la multitude de sigles, d'organisations, d'intervenants, de partenaires, tant à l'hôpital qu'au niveau de la médecine de ville, ou encore de l'organisation des services d'urgences dans les établissements publics et privés, sans parler de la place des pompiers dans ce système, font que les gens ont du mal à repérer le parcours le plus approprié à leur cas ».

Il a ajouté que « la nature des intervenants, les dénominations, les horaires et les modalités d'intervention peuvent changer d'une ville à l'autre, d'un département à l'autre ». Selon lui, cela rend le dispositif de PDS encore moins lisible pour les personnes qui se déplacent.

Si la population n'est pas informée de l'existence d'une offre de soins non programmée hors de l'hôpital, un désengorgement des urgences hospitalières semble difficile.

Le rapport IGAS/IGA précité relève également que « la nécessité d'un parcours régulé du patient, l'obligation qui peut lui être faite de se déplacer sauf impossibilité avérée, sont méconnues ». Il précise qu'une telle méconnaissance « peut être source de tension avec les régulateurs, l'usager de la permanence des soins découvrant ces contraintes au cours de son appel ».

À l'instar du rapport IGAS/IGA qui juge « urgente » une campagne de sensibilisation du grand public au bon usage de la permanence des soins, plusieurs interlocuteurs de la mission ont plaidé pour une telle campagne, se référant notamment à l'efficacité de celle qui a été organisée pour les médicaments antibiotiques.

Le rapport précité appelle par ailleurs à plus de « cohérence » dans l'utilisation des supports de communication. Il juge notamment « incompréhensible » pour l'usager « de trouver dans la presse locale le numéro d'une association de « garde » alors qu'il a été invité par voie d'affichage ou lors d'une information télévisée à composer le numéro du centre 15 ou un numéro départemental ».

Il est à noter que la diversité des organisations présentes sur le territoire (régulations libérales à numéro propre, participation des libéraux au centre 15...) ne facilite pas l'organisation d'une telle campagne.

En tout état de cause, une meilleure information de la population est indispensable à l'optimisation des systèmes de PDS. Comme M. Patrick Bouet, représentant du CNOM, l'a déclaré à la mission « il n'y aura pas d'optimisation de l'utilisation de ces systèmes si l'État, responsable et garant de l'accès aux soins - c'est en effet lui qui l'est et non pas l'assurance maladie -, ne dégage pas des moyens importants pour informer la population de manière à l'aider à utiliser ces systèmes » (49).

Proposition : Consentir un important effort d'information de la population sur le bon usage de la permanence des soins et de l'aide médicale urgente.

On peut déjà se féliciter de ce que le Gouvernement ait prévu le lancement en 2007 d'une campagne d'information relative au bon usage du 15, comme M. Xavier Bertrand l'a indiqué lors de son audition par la mission.

*

Ainsi, les difficultés constatées dans la mise en œuvre du nouveau dispositif de PDS s'expliquent notamment par la complexité de son pilotage et par les contraintes liées à la démographie médicale. En conséquence, le pilotage de ce dispositif mériterait d'être simplifié. Quant aux contraintes démographiques, elles ne semblent pouvoir être palliées que si l'organisation de la PDS exploite au mieux la complémentarité entre tous les acteurs de l'offre de soins.

C. LE DISPOSITIF DE PERMANENCE DES SOINS DOIT OPTIMISER LA COMPLÉMENTARITÉ ENTRE LES DIFFÉRENTES OFFRES DE SOINS PRÉSENTES SUR LE TERRAIN

Tant pour pallier les effets d'un déficit de l'offre de soins dans certaines zones que pour améliorer l'efficience de cette offre là où elle est abondante, il apparaît que le dispositif de PDS ne peut pas reposer sur les seuls médecins généralistes. Pour consolider ce dispositif, il semble donc indispensable d'articuler au mieux les différentes offres de soins - la médecine de ville et l'hôpital, mais aussi la médecine salariée, les médecins-pompiers etc.

Selon, M. Patrick Bouet, représentant de l'Ordre des médecins (50) « travailler aux complémentarités d'objectifs et d'organisation des différents dispositifs », notamment de la médecine de ville et de l'hôpital, constitue une des priorités du conseil de l'Ordre. Il constate en effet qu'« aujourd'hui, les systèmes sont encore concurrentiels, non pas sur le plan de la course aux revenus, mais sur celui des objectifs ». Selon lui, « il n'y a pas d'échange entre les systèmes d'établissements et les systèmes de praticiens réunis dans une organisation, isolée ou collective ». Postulant ainsi qu'en matière de prise en charge des urgences médicales, « nous échouerons tant que nous n'aurons pas su construire un système qui permette à ces acteurs d'être complémentaires », il souligne que « cette complémentarité ne se décrète pas », mais qu'elle « s'organise ». Or « l'organiser, c'est-à-dire permettre à ces professionnels d'être dans les mêmes lieux et d'avoir les mêmes objectifs », relève selon lui des missions de « l'État, garant de l'accès aux soins ». À cet égard, votre rapporteur a déjà souligné l'intérêt d'une introduction de la PDS dans le SROS et d'un renforcement du rôle d'orientation de la MRS dans la PDS.

M. François Michel, représentant du syndicat MG France, partage cet objectif : « nous approuvons le principe d'organisations déclinées localement et le développement de mutualisations de plus en plus nombreuses entre la médecine libérale et nos collègues du secteur hospitalier ». Il a d'ailleurs souligné que si ces derniers « suppléent par moments [les libéraux] dans le domaine de la permanence des soins », de la même façon, « les médecins libéraux, particulièrement en zone rurale, participent à l'aide médicale urgente » (51).

C'est donc à tous les niveaux de la prise en charge des urgences médicales que le dispositif de permanence des soins doit exploiter au mieux la complémentarité des différents acteurs. De plus, pour pallier les contraintes résultant de la démographie médicale, le maillage sanitaire du territoire mérite une attention particulière et les modes d'exercice médical pourraient être adaptés.

1. Le dispositif de permanence des soins doit exploiter au mieux les complémentarités entre la médecine de ville et l'hôpital

Certains interlocuteurs de la mission, comme M. Laurent Brechat, représentant d'EG, ont estimé que « le problème de sa prise en charge des urgences médicales en France est un problème de cloisonnement ». Un véritable effort de mutualisation des moyens et des objectifs est donc nécessaire. Il doit concerner à la fois la régulation médicale, la médecine ambulatoire, l'aide médicale d'urgence (AMU) et les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

● Plusieurs systèmes de régulation téléphonique coexistent dans chaque département

Chaque département est doté d'un centre de réception et de régulation des appels (CRRA, ou « centre 15 ») du SAMU, d'un centre de traitement des appels (CTA) du SDIS, et souvent d'une ou plusieurs régulations libérales.

L'article R. 6315-3 du code de la santé publique prévoit en effet la possibilité pour les associations de permanence des soins de mettre en place des centres d'appel distincts du SAMU s'ils sont interconnectés avec ce dernier. Lors de son audition par la mission, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a d'ailleurs souligné avec satisfaction que seuls 9 départements ne disposent pas d'un dispositif de régulation libérale.

Comme l'a souligné M. François Michel, représentant du syndicat MG France, la régulation est « comme la pierre angulaire et le centre nerveux de tout le dispositif » (1). Selon lui, « environ 3 000 médecins généralistes sont engagés dans la régulation - chiffre comparable à celui des médecins pompiers ». Il a souligné en outre que « tous les observateurs reconnaissent la réussite de ce changement structurel, au demeurant peu visible, mais qui a pour conséquence une augmentation massive du nombre d'appels portant sur des demandes d'avis médical, mais également de simples renseignements sanitaires - sur le nom de la pharmacie de garde, par exemple : 300 appels chaque dimanche matin au SAMU de Rouen, 22 000 appels par an à Marseille... ».

Le rapport IGAS/IGA souligne également que « la mise en place de la régulation est appréciée par les médecins exerçant en zone rurale ». Le rapport constate en effet que « pour ces praticiens, la nouvelle organisation de la permanence des soins est vécue comme un allègement réel des contraintes ». Ce rapport reprend d'ailleurs l'argument, entendu à plusieurs reprises par la mission, selon lequel la réduction de la pénibilité liée à une régulation efficace aurait aussi un impact sur la démographie médicale et permettrait de trouver des remplaçants plus facilement.

On observe que les formes de cette régulation libérale et leur articulation avec le SAMU varient selon les départements :

- Dans certains cas, des médecins libéraux régulent les appels relevant de la PDS dans les locaux du centre 15 - c'est notamment le cas dans la Nièvre. On parle alors de régulation « mixte » ou « commune ». Ces appels aboutissent au standard du SAMU, où des permanenciers auxiliaires de régulation médicale (PARM) les orientent vers un médecin hospitalier ou libéral.

- Parfois, la régulation libérale dispose d'un plateau téléphonique et d'un numéro d'appel propres (52). Une telle régulation est dite « autonome ». C'est notamment le cas du CRRAL - dit aussi « 15 bis » - du Pas-de-Calais. Il peut également s'agir du standard de SOS Médecins, dès lors qu'il est mis à la disposition du régulateur libéral désigné dans le cadre du dispositif de PDS.

- Le rapport de l'IGAS et de l'IGA mentionne enfin des cas dans lesquels la régulation libérale est éclatée entre plusieurs opérateurs (le plus souvent : le centre 15 et une association de permanence des soins).

● Cette coexistence peut générer des difficultés

Selon les rédacteurs du rapport IGAS/IGA, la diversité des modes d'organisation a pour corollaire des « pratiques hétérogènes d'une équipe de régulation à l'autre ». Ce rapport souligne en effet qu'à la différence des SAMU, pour lesquels SAMU de France a établi un « guide de régulation », les régulations libérales ne disposent pas de protocoles professionnels. Selon les renseignements fournis à la mission, la Haute autorité de santé (HAS) a été chargée par la DHOS d'élaborer des recommandations de bonnes pratiques professionnelles en 2007 à l'intention, notamment, des régulateurs libéraux.

Par ailleurs, le rapport IGAS/IGA relève que « l'engorgement de certains centres de régulation est un sujet de préoccupation ». Il apparaît en effet que certaines régulations libérales sont « victimes de leur succès », comme c'est semble-t-il le cas de celle que la mission a visité à Lille. Ainsi, la mise en place d'une régulation libérale a pu se traduire, paradoxalement, par un surcroît d'activité pour le SAMU... Surtout, les délais de décrochage peuvent atteindre 10, voire 20 minutes, selon le rapport IGAS/IGA.

Il faut donc renforcer les centres 15. Votre rapporteur relève à cet égard qu'en application de la mesure n° 4 du Plan urgence, tendant à « valoriser le métier de PARM », celui-ci a été ouvert aux personnels de catégorie B (souvent des infirmières). Surtout, les effectifs des SAMU ont été renforcés, selon Mme Annie Podeur (53), de 297 postes de PARM et 59 postes de praticiens hospitaliers. La directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins a ainsi estimé qu'« antérieurement réservés exclusivement à l'aide médicale urgente, les SAMU sont devenus des plateformes importantes ».

Le rapport IGAS/IGA énumère enfin certains problèmes touchant particulièrement les départements dans lesquels les régulations hospitalières et libérales fonctionnement séparément. Il relève ainsi :

- des divergences entre le SAMU et la régulation libérale autonome ;

- la non-transmission au SAMU des coordonnées des généralistes d'astreinte - le même problème a été signalé à la mission lors de sa visite à Arras ;

- une régulation « à la carte » conduisant, selon le vœu du médecin de permanence, soit à ne jamais être mobilisé, soit au contraire à se faire adresser tous les patients qui appellent ;

- des prescriptions téléphoniques sans transmission d'informations suffisantes par le régulateur au pharmacien de garde ;

- la réticence, voire le refus, à assurer des visites après minuit ;

- la pratique, « justement stigmatisée par l'ordre national des médecins », de certains centres de régulation qui se contentent de donner au patient le numéro de téléphone du médecin supposé être d'astreinte ;

- les modes de choix qui peuvent être arbitraires dans la désignation des régulateurs libéraux.

● Pour pallier ces difficultés, la mise en réseau des moyens consacrés à la régulation par les SAMU, les SDIS et les libéraux doit être encouragée.

- L'interconnexion des centres d'appels est d'ores et déjà obligatoire.

En application des dispositions de l'article L. 6112-5 du code de la santé publique, tous les numéros d'urgence sont interconnectés avec le SAMU selon une technologie filaire dont les modalités ont été précisées par une circulaire de 1997. La modernisation de ces équipements serait d'ailleurs en cours. Mme Annie Podeur (DHOS) a en effet déclaré à la mission que « certaines plateformes de SAMU sont sous-équipées par rapport aux flux qu'elles ont à gérer. Il faut que l'on change les autocommutateurs et que l'on développe les radiocommunications » (54).

- Les centres d'appel de SOS Médecins sont également interconnectés avec le SAMU depuis 2005.

M. Patrick Guérin, président de la fédération nationale SOS Médecins, a souligné que le décret n° 2005-328 du 7 avril 2005 précité (article R. 6315-3 du code de la santé publique) « a permis la reconnaissance des centres d'appel SOS Médecins » en prévoyant qu'ils doivent être « interconnectés avec le SAMU Centre 15 ». Les modalités de cette interconnexion sont fixées par des conventions conclues entre les associations SOS Médecins et les SAMU dans le ressort desquels elles opèrent. Selon M. Patrick Guérin, « actuellement, les conventions entre SOS Médecins et le SAMU ont été signées pour les trois quarts ». Au niveau national, « une convention-cadre avait été passée le 29 septembre 2005 entre les représentants de SOS Médecins et le ministère de la santé » (55).

D'après les précisions fournies à la mission, ces centres d'appel effectuent une régulation « sur un mode protocolisé », sous le contrôle d'un « médecin référent ». Selon M. Patrick Guérin, quand ils n'envoient pas d'effecteur à domicile, ces centres ont « une activité de conseils médicaux et de reroutage, soit vers le médecin traitant, soit vers d'autres structures ». Ils traitent ainsi 4 millions d'appels par an en moyenne.

- Une interconnexion approfondie des centres d'appels d'urgence est en cours de mise en oeuvre.

L'article 9 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile prévoit une interopérabilité des réseaux de communication radioélectriques et des systèmes d'information des services publics qui concourent aux missions de sécurité civile. En application de cette disposition, les conditions de cette interconnexion approfondie de l'ensemble des services d'urgences ont été fixées par le décret n° 2006-106 du 3 février 2006 relatif à l'interopérabilité des réseaux de communication radioélectriques des services publics qui concourent aux missions de sécurité civile.

Ainsi, d'après les information fournies par Mme Annie Podeur, un réseau de radiocommunications numériques, dénommé Antarès, a été mis en place. Les services de police, de gendarmerie, des sapeurs pompiers et des SAMU pourront ainsi communiquer directement entre eux. Le maillage du territoire en relais devrait être terminé fin 2007 et un calendrier d'équipement des SAMU et des SDIS doit être établi au début de l'année 2007. L'opérationnalité du réseau suppose en effet que, sur chaque département, le SAMU, les centres de traitement des appels des SDIS et l'ensemble des véhicules soient équipés simultanément. Le département de l'Ain a été département pilote en 2006. Mme Annie Podeur a ainsi souligné devant la mission que « cette homogénéisation des outils techniques est extrêmement importante pour l'intervention en amont de l'hôpital » (56). Bien que l'on puisse regretter que la gendarmerie ne participe pas dans un premier temps à cet effort d'interconnexion, les SDIS et les SAMU, ainsi équipés, seront censés former virtuellement une plateforme unique.

- Les départements qui partagent le même bassin de population peuvent avoir intérêt à approfondir l'interconnexion de leurs SAMU.

C'est notamment le cas des SAMU du Nord et du Pas-de-Calais. Lors du déplacement de la mission dans ces départements, il lui a été indiqué que les deux SAMU, avec les structures des urgences de la région, mettent en place un réseau de l'aide médicale urgente régionale (RAMUR) aux fonctions intéressantes (57).

Par ailleurs, selon la circulaire du 16 avril 2003 relative à la prise en charge des urgences, « il pourrait être envisagé une mutualisation des ressources » de certains SAMU « sur certaines plages horaires ». Rappelant que la régulation est une pratique de distance qui ne justifie donc pas la proximité que nécessite une intervention », l'annexe à cette circulaire suggère qu'un seul SAMU pourrait assurer la régulation, « durant la nuit notamment, sur plusieurs départements ». Il est toutefois précisé qu'une telle mutualisation « ne devra pas contrarier la participation de la médecine libérale au fonctionnement des centres 15 ». Certaines régions ont mis en œuvre ces recommandations, mais votre rapporteur ne dispose pas d'une évaluation des dispositifs ainsi mis en place. Si une telle évaluation démontrait l'efficacité de ce système, une réflexion pourrait être engagée sur l'opportunité de l'étendre à d'autres régions.

L'interconnexion des plateformes de régulation doit permettre de faire fonctionner de façon complémentaire et cohérente les différentes régulations, mais il peut être envisagé de mutualiser encore davantage les moyens consacrés à la régulation par les SAMU, les SDIS et les libéraux.

● Si les circonstances locales le permettent, on peut envisager différents degrés de mutualisation des moyens consacrés à la régulation par les SDIS, les SAMU et les libéraux.

Les expériences de mutualisation des moyens consacrés à la régulation s'ordonnent principalement en deux catégories :

- le développement de régulations mixtes entre la ville et l'hôpital, opérant un numéro unique ;

- la création de centres de régulation uniques rassemblant la régulation du SAMU, celle du SDIS et celle des libéraux.

- Une large part des interlocuteurs de la mission plaide pour le développement de régulations mixtes SAMU/libéraux.

C'est notamment le cas des auteurs du rapport IGAS/IGA. Ils estiment que « l'organisation d'une régulation commune entre les médecins de ville et l'hôpital est un préalable à toute organisation efficace de la permanence des soins ». Selon eux, « l'existence d'une régulation mixte (ou au moins réellement coordonnée) entre le SAMU et les libéraux est un gage d'efficacité de la permanence des soins. Elle permet de la souplesse, de la coordination et de la transparence dans toute la palette des réponses qui peuvent être apportées aux demandes de l'usager ».

Le rapport distingue trois principaux avantages :

- un avantage pour les pouvoirs publics, qui disposent d'un système regroupé de mise en relations des moyens publics et libéraux, utile dans la gestion d'événements de crise ;

- un avantage pour les usagers qui n'ont qu'un interlocuteur dans la réponse à une demande de soins non programmée ;

- un avantage pour tous les médecins et professionnels qui ont l'assurance de bénéficier rapidement de tout le dispositif disponible d'urgence et de soins, notamment sous forme d'avis d'un confrère.

M. Marc Giroud, président de SAMU de France, a ajouté lors de son audition par la mission que « Promouvoir au sein du centre 15 la coopération entre les médecins généralistes et les médecins SAMU est une très bonne chose, parce que les seconds ne savent pas donner le conseil médical tout venant que les premiers savent faire. Les deux se complètent » (58).

On relèvera que la Fédération hospitalière de France (FHF) plaide elle aussi pour la mise en place d'« une régulation médicale unique ville-hôpital par territoire couvert par un SAMU », à laquelle les médecins libéraux seraient encouragés à participer dans le cadre d'un « contrat de service public de santé » (59).

D'ailleurs, afin d'encourager l'implication des libéraux dans la régulation, la circulaire du 10 octobre 2006 relative au dispositif de permanence des soins en médecine ambulatoire prévoit que les médecins libéraux peuvent bénéficier de la qualité de collaborateur occasionnel du service public (60) lorsqu'ils participent aux régulations intégrées ou situées dans les locaux du SAMU.

- Surtout, l'intérêt d'un numéro d'appel commun au SAMU et à la régulation libérale est fréquemment mis en avant.

Plusieurs filières d'appel d'urgence coexistent, opérant chacune un numéro d'appel différent - le 15 pour les SAMU, le 18 pour les SDIS, le 17 pour la police... Il existe de surcroît un numéro d'appel d'urgence unique européen : le 112, opéré le plus souvent par les SDIS, parfois par le SAMU ou, plus rarement encore, par un centre commun à ces deux services (cf. la carte ci-après). Or la population ne connaît pas toujours les délimitations précises des compétences respectives de chaque opérateur. Aussi, certaines personnes entendues par la mission ont-elles estimé que la création, par des régulations libérales, d'un nouveau numéro d'appel pouvait contribuer au manque de lisibilité du système pour la population.

CHARGE DE L'OPÉRATION DU 112

Source : Ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, « Les statistiques des Services départementaux d'incendie et de secours », 2006.

Le Gouvernement encourage d'ailleurs explicitement la participation des libéraux au centre 15, opérant un numéro unique : le 15. Lors de son audition du 16 janvier 2007, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a estimé qu'il ne devait pas revenir au patient de déterminer si son cas est suffisamment grave pour qu'il appelle le 15, ou s'il doit appeler un numéro dédié à la PDS. Le ministre a indiqué qu'une campagne nationale d'information serait prochainement lancée sur le « bon usage du 15 » soulignant que la coexistence de plusieurs numéros d'appels compliquerait inutilement l'information du public.

Il rejoint en cela la position du CNOM, dont les représentants ont estimé que « l'usager de santé (...) ne doit pas être mis en situation de devoir dire s'il est en train de vivre une urgence médicale ou non. Il exprime une demande de soins. Elle est médicalement justifiée ou non, elle conduira à l'utilisation d'un système d'urgence ou à l'utilisation d'un médecin. En tout état de cause, cette régulation est de la responsabilité du professionnel de santé » (61). Dans le même sens, M. Nicolas Brun, au nom du CISS, qui représente les usagers du système de santé, a déclaré qu'« il faut surtout éviter que ce soit l'usager qui s'interroge sur le bon échelon à appeler dans une situation d'urgence. Ce n'est pas à lui de déterminer si son cas relève ou non d'une urgence vitale nécessitant une prise en charge par le 15 » (62). Il estime en effet que « seul un professionnel de santé peut dire qu'une urgence n'est pas vitale ». C'est pourquoi, selon lui, « il faudra harmoniser les différents numéros d'appel. Leur multiplicité et le fait qu'ils changent également d'une ville à l'autre, d'un département à l'autre, ne facilitent pas la tâche des usagers ».

C'est également pourquoi le rapport IGAS/IGA estime que « sans en faire une condition immédiate obligatoire sur l'ensemble du territoire, le principe d'un numéro d'appel unique devrait être retenu et conditionner tout nouveau financement de structure ». Ce numéro, selon les rédacteurs du rapport, serait « le 15 aujourd'hui et bientôt le 112 ».

- Le regroupement des SDIS, des SAMU et des libéraux dans des centres d'appels communs a également été envisagé.

Les auteurs du rapport IGAS/IGA précité se sont prononcés devant la mission pour la création de centres de régulation uniques rassemblant des régulateurs libéraux, ceux du SAMU et ceux du SDIS. M. Philippe Blanchard a souligné à cet égard que « le système de la régulation intégrée est le plus efficace et le moins coûteux, en ce qu'il permet de concentrer les moyens en équipement et en personnel ». Une équipe de permanenciers d'accueil peut ainsi recevoir les appels et les acheminer vers le service compétent. Selon les statistiques du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, 10 centres communs fonctionnent et 20 sont en projet (voir sur ce point la carte ci-après).

CENTRES COMMUNS 15 - 18

Source : Ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, « Les statistiques des Services départementaux d'incendie et de secours », 2006.

Cette formule serait « plus simple pour le citoyen, puisqu'il n'y a plus qu'un seul numéro d'appel ». Elle aurait en outre « le mérite d'éviter le renvoi de dossiers entre des équipes qui ne s'apprécient pas toujours forcément ». Cet argument est à rapprocher des déclarations des représentants de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) à la mission, selon lesquelles la saturation du 15 débouche inéluctablement sur un « déclenchement tardif des sapeurs-pompiers » et par conséquent sur un allongement des délais d'intervention. On notera également les propos de M. Xavier Prétot (IGA) selon lequel une « liaison téléphonique ou informatique ne remplacera jamais le fait de déjeuner ou de prendre des cafés ensemble, ce qui, sans résoudre tous les problèmes, aplanit bien des difficultés ». Il a cité « deux exemples de fusion complète entre le 15 et le 18, l'un à Foix, en Ariège, qui fonctionne depuis dix ans, et l'autre en Avignon, qui fonctionne depuis deux ans » (63). M. Philippe Blanchard (IGAS) a par ailleurs insisté sur le fait que « plus l'on s'éloigne de ce système, plus risquent de se développer des cultures irrédentistes, sources d'incidents ». En effet, selon lui, ces incidents « sont nombreux, et pourraient très bien un jour sortir dans les médias, voire dans un prétoire » (1).

Pour votre rapporteur, c'est vers un tel dispositif que l'organisation de la PDS doit tendre. Il est d'ailleurs cohérent avec la mise en place d'un numéro unique pour les appels d'urgence : le 112.

Toutefois, selon les renseignements fournis par la DHOS, ces plates-formes uniques ont encore des modes de fonctionnement variables. Il peut en effet s'agir d'un réel fonctionnement commun, la même personne décrochant l'ensemble des appels et les reroutant vers le centre compétent, comme il peut s'agir également de deux centres juxtaposés.

De plus, Mme Annie Podeur (DHOS) a estimé que « déporter les centres 15 de l'enceinte hospitalière » est « une erreur », « parce qu'il nous faut mutualiser les personnels hospitaliers et faire en sorte que des médecins hospitaliers ne se cantonnent pas à la régulation mais restent capables d'exercer la médecine d'urgence et d'encadrer des personnels soignants ». Selon elle, « On a donc un intérêt objectif à ce que les centres 15 restent sur les sites hospitaliers » (64). Cette préoccupation trouve un écho dans les déclarations de M. Marc Giroud du SAMU de France : « de grâce, qu'on ne nous invente pas des centres de régulation unique, dans le cadre desquels tout le monde serait à la caserne. De toute façon, nous n'irons pas dans de tels centres. La caserne, ce n'est pas la place des médecins » (65).

De même, lors de son audition par la mission (66), le président de la société française de médecine d'urgence (SFMU), M. Patrick Goldstein, a expliqué que la localisation au sein de l'hôpital de toutes les structures médicales de prise en charge pré-hospitalière des urgences (le SAMU, le SMUR et, éventuellement, la régulation libérale) constituait un des atouts majeurs du système français de prise en charge des urgences médicales, remarqué par ses confrères étrangers.

- En tout état de cause, votre rapporteur souligne qu'il ne faudrait pas qu'une volonté légitime d'harmoniser les pratiques et de rendre les structures existantes plus efficientes ne conduise, en fait, à remettre en cause des dispositifs existants qui donnent satisfaction.

Le ministre de la santé et des solidarités a indiqué très clairement à la mission que le Gouvernement n'entendait pas remettre en cause les structures existantes, si elles fonctionnent bien. Il a plaidé pour des organisations « sur mesure », de façon à « laisser aux mentalités le temps d'évoluer » (67). Votre rapporteur rejoint sur ce point le ministre. On notera que M. Charles Descours soulignait également dans son rapport au ministre de la santé sur la PDS (68) qu'« il est essentiel de tenir compte de l'existant, de la diversité des acteurs sur le terrain et des modes d'organisation qui répondent souvent à des contraintes particulières ou à un contexte spécifique. Les solutions ne sont pas uniques, mais plurielles ».

L'intérêt d'une application souple des règles édictées à l'échelon central a d'ailleurs été affirmé par une large part des interlocuteurs de la mission. Ainsi, M. Yves Rigal, représentant de la fédération des médecins de France (FMF), a insisté sur le fait qu'« il existe différentes organisations possibles de la permanence des soins qui nécessitent une certaine souplesse » et a regretté que le rapport IGAS/IGA « recommand[e] catégoriquement que le seul centre de régulation autorisé soit obligatoirement le centre 15 ». Selon lui, « il ne faut pas compromettre l'existant ni décourager ceux qui y participent » et, au contraire, tenir compte des spécificités locales, notamment dans les zones rurales.

À cet égard, la mission a pu constater dans le Pas-de-Calais que les médecins libéraux du département étaient fortement attachés à l'autonomie de leur régulation. Selon eux, une simple participation au SAMU ne susciterait pas le même niveau de volontariat. De plus, ils font valoir que les généralistes sont d'autant plus enclins à être volontaires pour l'effection qu'ils sont régulés par des confrères exerçant dans les mêmes conditions qu'eux. Dans ce cas, on peut craindre qu'un regroupement forcé des deux régulations n'aboutisse à décourager les libéraux qui participent à la PDS.

L'expérience du Nord, quoique différente, confirme qu'il faut « laisser aux mentalités le temps d'évoluer ». Alors qu'initialement, la régulation libérale occupait un plateau téléphonique distinct de celui du SAMU, les deux plateformes s'apprêtent à fusionner. Dans ce cas, la séparation des deux filières d'appels n'a constitué qu'une étape vers la mise en place d'une organisation conforme aux orientations du rapport IGAS/IGA.

On signalera, par ailleurs une proposition de MG-France tendant à créer un numéro d'appel abrégé « 33-33 », « dédié à la permanence des soins dans chaque département et identique sur l'ensemble du territoire, quelle que soit l'organisation interne des centres (69). Comme l'a ajouté M. Pascal Menguy, « le choix d'un numéro identique sur tout le territoire offre précisément la possibilité d'une campagne nationale d'information ». Et ce, sans pour autant imposer un mode de régulation particulier, puisque « les régulateurs du 15 et du 33-33 pourront parfaitement travailler dans les mêmes locaux, quitte à ajuster entre eux les priorités pour réduire autant que possible le temps d'attente ». Un numéro unique pour les régulations libérales vaudrait en tout cas mieux qu'une multiplicité de numéros variant selon les départements. Cette proposition mérite donc d'être étudiée.

En effet, toutes les régulations mixtes n'opèrent pas nécessairement un numéro d'appel unique. Si elles le font dans la plupart des cas, comme dans la Nièvre, on en relève également qui opèrent deux filières d'appel avec deux numéros d'appel distincts : l'un pour l'aide médicale urgente (le 15), l'autre pour la permanence des soins. D'ailleurs, selon la circulaire précitée du 10 octobre 2006, « le fait que, localement, la régulation se fasse par le numéro 15, ou bien, pour des raisons techniques, par un autre numéro à 10 chiffres ne change pas la nature de l'activité, ni la responsabilité de l'administration ». Ainsi, en Mayenne, comme cela a déjà été souligné, tous les appels avaient initialement été centralisés sur le 15, mais son engorgement a ralenti le traitement des appels et conduit à la création, en 2006, d'un numéro à dix chiffres dédié aux appels relevant simplement de la permanence des soins. Tous les appels aboutissent maintenant au CRRA, où des permanenciers auxiliaires de régulation médicale (PARM) les orientent désormais vers l'une ou l'autre régulation.

Ainsi, pour votre rapporteur, il n'y a pas lieu, à court terme du moins, d'uniformiser l'organisation de la régulation, pourvu que les différents régulateurs agissent de façon efficace et cohérente, ce qui suppose une interconnexion approfondie des différents plateaux de régulation et la poursuite des efforts de professionnalisation de cette activité.

Proposition : Approfondir les efforts d'interconnexion informatique des différentes plateformes participant à la régulation des appels (15, 18, libéraux, SOS médecins), voire de cohabitation.

Proposition : Renforcer la protocolisation et la professionnalisation de la régulation.

Il faut ainsi faire toute leur place aux contraintes et aux initiatives locales dans l'organisation de la régulation. Il en va de même pour ce qui est de l'effection des actes de permanence des soins.

Traditionnellement, l'effection des actes de médecine ambulatoire en dehors des horaires d'ouverture des cabinets médicaux restait l'affaire des médecins libéraux, dans le cadre de leurs gardes. Compte tenu de la tendance à la désaffection de la PDS par ces praticiens, particulièrement en nuit profonde (0 heures - 8 heures, cf. supra), liée à des facteurs démographiques, l'effection des actes de PDS doit être organisée de façon à tirer le meilleur parti de l'offre de soins existante.

● Dans les zones urbaines ou périurbaines, les organisations du type SOS Médecins peuvent assurer une part importante des actes effectués aux horaires de la permanence des soins

Comme M. Patrick Guérin l'a indiqué, « le concept de base de SOS Médecins est d'intervenir 365 jours sur 365, 24 heures sur 24, à domicile » (70). Avec 1000 médecins adhérents répartis en 61 associations locales, le réseau SOS Médecins couvre selon lui « toutes les zones urbaines et périurbaines, 35 millions d'habitants, soit 60 % de la population française ». Il a expliqué que tout repose sur la disponibilité des médecins qui n'ont pas de cabinet et pour lequels SOS Médecins constitue donc l'« activité exclusive ».

Cette activité est « axée essentiellement sur la visite à domicile ». SOS Médecins considère que « la différence entre les cas relevant de la médecine ambulatoire et ceux relevant des urgences n'est pas toujours facile à établir au téléphone ». C'est pourquoi cette organisation a donc « toujours valorisé la visite à domicile et le diagnostic de sécurité au chevet du patient ». SOS Médecins effectue ainsi 2,5 millions de visites par an.

Par ailleurs, M. Patrick Guérin a noté que même en dehors des horaires de la PDS, « les déplacements des médecins à domicile sont assez difficiles ». Cela explique que l'activité de SOS Médecins est « presque aussi importante à ces heures-là qu'aux heures de permanence des soins ». À plus forte raison, comme un nombre important de médecins refuse d'effectuer des visites aux horaires de la permanence des soins (cf. supra), « dans la deuxième partie de nuit, il n'y a quasiment que SOS Médecins pour effectuer des visites ».

Selon les chiffres de la CNAMTS cités par M. Patrick Guérin, SOS Médecins effectue « plus de 50 % des actes médicaux effectués en médecine libérale en milieu de nuit et 40 % des actes effectués les dimanches et jours fériés ».

Comme M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, l'a expliqué devant la mission, le décret n° 2005-328 du 7 avril 2005 (article
R. 6315-1 du code de la santé publique) a intégré les « médecins appartenant à des associations de permanence des soins » (à l'image de SOS Médecins), dans le dispositif de PDS. Ainsi, les centres d'appels de ces associations sont interconnectés avec le SAMU (cf. supra) et leurs adhérents peuvent participer au dispositif de permanence des soins.

Toute association SOS Médecins peut ainsi être inscrite au tableau départemental de permanence pour un ou plusieurs secteurs de garde. Son « front de garde » doit compter au moins un médecin par secteur mais ses adhérents ne sont pas inscrits nominativement au tableau départemental de garde. Cela reviendrait à affecter spécialement et exclusivement un médecin à un secteur. Or, selon M. Patrick Guérin, les associations SOS Médecins préfèrent disposer de plus d'un médecin par secteur et mutualiser ces effectifs entre les secteurs couverts, afin de pouvoir répondre aux demandes dans les meilleurs délais (71) et, éventuellement, envoyer deux médecins à la fois dans le même secteur. En corollaire d'une telle mutualisation, il semblerait logique que le montant global des forfaits d'astreinte dus au titre de la couverture des secteurs de garde soit versé à l'association, à charge pour elle de le répartir entre ses adhérents. Selon M. Patrick Guérin, l'assurance maladie refuse de procéder à un tel versement global, alors qu'un système analogue paraît avoir été mis en place en Mayenne (cf. supra), à la demande des acteurs locaux. Comme l'a indiqué à la mission le ministre de la santé et des solidarités, dans ce cas précis, l'assurance maladie a appliqué avec beaucoup de souplesse les règles relatives au forfait d'astreinte en vue de faciliter la mise en œuvre d'un dispositif adapté aux contraintes locales. On pourrait envisager de donner aux responsables de la PDS sur le terrain suffisamment de marges de manœuvre pour permettre de telles adaptations en toute sécurité juridique.

Proposition : Clarifier le système de rémunération des astreintes pour permettre de verser les forfaits d'astreinte directement aux associations qui regroupent les médecins participant à la permanence des soins.

Le ministre a également souligné que l'intervention de SOS Médecins n'est pas plus coûteuse que celle des autres effecteurs. Cela rejoint les résultats d'une étude récente (72) comparant les coûts de revient d'une intervention de permanence des soins pour chacun de ces effecteurs, selon laquelle les interventions de SOS Médecins coûtent autour de 59 € en moyenne ; celles des pompiers coûtent 90 € pour une carence d'ambulance, plus 104 € pour un examen aux urgences ; l'appel direct à une ambulance coûte 210 €, plus l'examen aux urgences ; un acte effectué dans une maison médicale de garde, du fait de coûts de fonctionnement importants, coûte de 70 à 120 € ». M. Patrick Guérin a précisé devant la mission que le réseau SOS Médecins est « actuellement en autofinancement » et « ne reçoit aucune subvention » (73).

En revanche, SOS Médecins ne couvre qu'une partie de la population française. En effet, comme l'a rappelé à la mission M. André Deseur, représentant du conseil de l'Ordre, « les bassins de population sont insuffisants pour la supporter, dans les zones rurales ». Il a fait valoir que coexistent « des logiques différentes entre les zones urbaines, où il existe des équipes de médecins qui ont choisi d'intervenir à tout moment la nuit et le dimanche et n'ont pas d'activité dans la semaine, et les zones rurales, où l'activité dominicale et vespérale repose sur les mêmes que ceux qui travaillent le reste de la semaine ». Ainsi, selon lui, « le type de réponse aux problématiques de permanence des soins et d'aide médicale urgente ne peut pas être le même pour ces deux types de zones » (74).

● L'hôpital peut prendre le relais des libéraux pour assurer la permanence des soins en seconde partie de nuit

En seconde partie de nuit, le dispositif de PDS de la médecine de ville présente deux inconvénients :

- un nombre important de secteurs n'est pas couvert, faute de volontaires ;

- le coût moyen d'un acte (nombre de secteurs de garde x 100 € / nombre d'actes réalisés), selon le rapport précité de l'IGAS et l'IGA, « heurte le bon sens » en raison du faible nombre d'actes réalisés, comme l'indique le graphique ci-dessous.

RÉPARTITION HORAIRE DES RECOURS URGENCES EN CABINET DE VILLE, AUPRÈS DES MÉDECINS URGENTISTES DE VILLE ET À L'HÔPITAL

Source : DREES, « Le recours aux médecins urgentistes de ville », in Etudes et résultats n° 480, avril 2006.

Partant de ce constat, le rapport IGAS/IGA considère qu'« en seconde partie de nuit, voire en soirée, le recours aux moyens de l'hôpital apparaît comme une solution de bon sens, sauf si une autre solution efficiente et fiable est possible ». Ainsi, le service des urgences de l'hôpital pourrait prendre le relais des généralistes pour assurer des consultations, tandis que le SMUR ou le SDIS assureraient des « visites incompressibles » à leur place.

Dans cette logique, l'article R.6315-1 du code de la santé publique prévoit la possibilité que le cahier des charges départemental confie la PDS, dans certains secteurs, à d'autres effecteurs que les médecins de ville. De même, la circulaire du 10 octobre 2006 précitée précise que, « bien que la prise en charge des demandes de permanence des soins relève de la médecine libérale ambulatoire, il est possible dans certains secteurs, sur la plage horaire de minuit à huit heures, de faire assurer cette activité par le secteur hospitalier » et que « cette possibilité devra être évaluée en termes de qualité du service rendu à l'usager et de charge de travail supplémentaire pour le système hospitalier ».

Pour votre rapporteur, étant donné le coût de revient d'un acte en nuit profonde, le transfert de la PDS à l'hôpital après minuit mérite d'être privilégié.

Proposition : Quand la permanence des soins ne peut pas être assurée après minuit, charger officiellement les structures hospitalières publiques ou privées de cette mission et, en contrepartie de ce surcroît de travail, leur affecter les moyens adéquats.

Toutefois, la DHOS a précisé à la mission que la mise en œuvre de cette possibilité est liée à la possibilité d'organiser des transferts d'enveloppe pour compenser le transfert de charges vers l'hôpital.

Une disposition en ce sens avait été introduite à l'article 95 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2007, mais elle a été déclarée non-conforme à la Constitution pour des motifs tenant au non-respect de la procédure législative (75). M. Frédéric Groseil, représentant du syndicat national des urgentistes de l'hospitalisation privée (SNUHP), a d'ailleurs fait observer que ce dispositif n'était pas applicable aux cliniques privées.

La DHOS a indiqué à la mission que compte tenu de cette décision, les modalités de ces transferts d'enveloppe sont encore à l'étude. Si un dispositif analogue devait être examiné, l'opportunité de son extension aux cliniques privées mériterait d'être étudiée.

Proposition : Pour les périodes où, à défaut de médecin de ville volontaire pour assurer la permanence des soins, celle-ci est assurée par une structure hospitalière publique ou privée, prévoir par une mesure législative le versement à cette structure des forfaits d'astreinte prévus en rémunération de la permanence des soins pour ces périodes.

Comme la Fédération hospitalière de France (FHF) le précise « cette nouvelle responsabilité de « poste avancé » du service public de santé, où toutes les forces vives hospitalières et libérales doivent se rassembler, préfigure une logique de plateforme d'intégration de services. Cette dynamique appelle l'assemblage de statuts professionnels différents et des fonctionnements mixtes, salarié et libéral, dans une articulation aussi « neutre » et « transparente » que possible pour les patients. Ce fonctionnement était déjà la signature originale des hôpitaux locaux, médicalisés avec des praticiens libéraux ».

● L'hôpital et les SDIS sont amenés à prendre une part active dans la permanence des soins, en complément de la médecine de ville

M. Patrick Goldstein, président de la société savante compétente en matière de médecine d'urgence, la SFMU, a indiqué à la mission que des analyses prospectives donnent à penser qu'à moyen terme, les activités médicales programmées pourraient être traitées de plus en plus par la médecine libérale, tandis que la médecine non programmée seraient l'apanage du secteur hospitalier.

Dès à présent, l'hôpital est appelé à intervenir dans la PDS en renfort ou en relais des médecins de ville, comme en témoigne l'article R. 6315-6 du code de la santé publique qui, pour l'organisation de la PDS au niveau départemental, se réfère aux « collaborations nécessaires entre les médecins assurant la permanence et les structures hospitalières ». Les SDIS sont également mobilisés : la FNSPF constate en effet que les « médecins régulateurs ont tendance à envoyer les sapeurs-pompiers pour lever le doute sur l'urgence d'une situation », faute d'effecteur libéral. Ces collaborations pourraient prendre diverses formes comme l'indiquent plusieurs projets portés à la connaissance de la mission. On évoquera ici trois exemples :

- Les responsables de la PDS et de l'AMU rencontrés par la mission dans le Nord lui ont fait part d'un projet tendant mettre en place des « super effecteurs ». Il s'agirait de médecins de ville qui, postés à l'hôpital, effectueraient des visites à domicile ou en établissement sur des secteurs élargis, en utilisant des moyens mis à leur disposition par l'hôpital (voiture, chauffeur, matériel divers...). De même, M. Marc Giroud, représentant du SAMU de France, a estimé que là où la démographie médicale ne permet pas aux libéraux d'effectuer les visites incompressibles, « il faut inventer autre chose : une estafette hospitalière ou autre qui puisse faire les quelques visites incontournables » (76).

- Ce projet rejoint en certains points la proposition de M. Jean-Yves Grall tendant à constituer une « garde libérale de médecins « volants » entièrement régulés sur des secteurs de garde élargis ». Cette sectorisation, spécifique à la seconde partie de nuit, correspondrait aux aires d'intervention des structures de type SOS Médecins, et, à défaut, des ressorts des hôpitaux. Une telle sectorisation a d'ailleurs été mise en place dans le Vaucluse et dans certaines zones de Seine-Maritime. M. Jean-Yves Grall propose en outre d'appliquer à ces médecins le statut de collaborateur occasionnel du service public ou de correspondant de SAMU.

- On évoquera enfin la proposition présentée à la mission (77) par M. Georges Jung, représentant d'EG, tendant à « créer une sorte de corps d'urgentistes ambulatoires », un « dispositif intermédiaire entre les structures lourdes, type SMUR, et les médecins libéraux ». Elles assureraient la prise en charge des urgences légères dans la journée, et la PDS durant la nuit. Il s'agirait de structures associant des personnels hospitaliers et des médecins de ville. Ils seraient « protégés par un statut de service public et assurés de tarifs qui leur permettent de vivre de l'urgence sans avoir besoin de faire autre chose pour maintenir leur structure en vie, qu'elle soit libérale ou publique ».

Sans se prononcer sur l'intérêt respectif de ces projets, on soulignera que tous les trois tendent opportunément à faire participer l'hôpital ou le SDIS à la PDS, en complément de la médecine de ville.

Proposition : Encourager la participation des libéraux au service public hospitalier, soit directement dans les structures des urgences, soit dans des services de consultation externe non-programmée.

Proposition : Quand, dans certains secteurs, l'organisation de la permanence des soins ne permet pas que soient effectuées des visites à domicile, confier cette tâche à des médecins, hospitaliers ou libéraux, équipés de moyens logistiques légers (voiture, chauffeur, matériel médical léger...) mis à leur disposition par les structures hospitalières.

● Les médecins d'exercice salarié, les médecins non conventionnés et certains autres professionnels de santé pourraient utilement participer à la permanence des soins en renfort des médecins de ville

- Inciter les médecins salariés ou non conventionnés à participer à la permanence des soins

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2007 a intégré les médecins non conventionnés au dispositif de PDS. Comme l'indique une récente circulaire du conseil national de l'Ordre des médecins (78), « cette disposition permet à tous les praticiens qui aujourd'hui sont inscrits sous la rubrique « remplaçant professionnel » ou encore, aux praticiens retraités qui le souhaitent, de participer à la permanence des soins comme effecteurs ou régulateurs ». Lors de leur audition par la mission, les représentants du conseil de l'Ordre ont précisé que ces catégories rassemblent 600 personnes.

Par ailleurs, les dispositions en vigueur permettent aux médecins salariés de centres de santé de participer à la PDS. Cependant, pour les représentants du CNOM une telle participation se heurte à un problème d'ordre pratique ; « la permanence des soins est organisée avec la participation financière de l'assurance maladie, laquelle ne peut rémunérer a priori que des médecins en exercice libéral, les médecins salariés (...) ne pourraient [être rémunérées] qu'avec un montage où ils seraient remplaçants autorisés d'un médecin en exercice libéral pour pouvoir signer les feuilles de soins ». Ainsi, selon les représentants de l'Ordre, certains médecins souhaiteraient « garder une activité de médecine générale de réponse immédiate mais trouvent difficilement leur insertion du fait de l'organisation retenue » (79).

En tout état de cause, les interlocuteurs de la mission ont souligné la nécessité de lever les obstacles réglementaires qui empêchent l'intégration au dispositif de PDS des médecins salariés qui seraient volontaires. M. Philippe Blanchard (IGAS) a ainsi mentionné les médecins des « sociétés de secours miniers, qui sont quasiment des micros hôpitaux, très bien équipés, et qui souhaiteraient s'impliquer dans la PDS, tout comme [ceux de] certains centres de santé municipaux, notamment en région parisienne » (80).

Il faut toutefois noter, avec M. Xavier Prétot (IGA), que « certains médecins salariés font des soins, d'autres non, comme les médecins du travail » : l'intervention de ces derniers « pourrait poser des problèmes d'ordre sanitaire et déontologique » (2). Pour pallier une part de cette difficulté, les représentants d'EG ont estimé que l'établissement de protocoles permettrait de recruter, au moins pour la régulation, « différents types de médecins - remplaçants, médecins retraités, spécialistes, peu importe : l'essentiel reste leur formation et la qualité du protocole » (81).

- Favoriser l'implication des infirmiers libéraux et salariés dans la PDS, aux côtés des médecins

Il semble d'abord qu'une meilleure offre de soins infirmiers aux horaires de la permanence des soins permettrait de consolider le dispositif de permanence. M. Philippe Aillères (CFE-CGC) a ainsi regretté la disparition des dispensaires, « d'autant plus regrettable qu'elle a été concomitante avec une baisse de l'offre de soins infirmiers en exercice libéral. Si je fais des points de suture à un malade, où ira-t-il les faire enlever ? » (82).

Une large part des personnes entendues par la mission a également souligné qu'une permanence de soins infirmiers dans les maisons de retraite permettrait d'éviter un nombre important de visites de nuit et de transferts aux urgences. M. Yves Boudan (CFTC), par exemple, a déclaré qu'« un simple diagnostic infirmier peut déjà régler bon nombre de problèmes pour un coût très modique et que plusieurs maisons de retraites pourraient facilement se partager les services d'un infirmier » (83).

Ainsi, une offre de soins infirmiers plus importante aux horaires de la permanence des soins pourrait alléger la charge des médecins d'astreinte et contribuer au désengorgement des urgences.

Comme l'indique la circulaire n° 151 du 29 mars 2004 relative au rôle des SAMU, des SDIS et des ambulanciers dans l'aide médicale urgente, « l'efficacité de la réponse aux demandes d'aide médicale urgente nécessite l'action coordonnée des différents acteurs des urgences pré-hospitalières ». Elle souligne qu'à cette fin, il est « indispensable » que les SAMU, les SMUR, les SDIS et les ambulanciers privés « agissent de manière concertée et en synergie ».

● Les transporteurs sanitaires assurent une garde ambulancière aux horaires de la permanence des soins mais elle paraît sous-utilisée par le SAMU

D'après le président de la Fédération nationale des transporteurs sanitaires (FNTS), M. Thierry Schifano, cette garde ambulancière (84) repose sur une sectorisation fixée en concertation avec le SAMU, les pompiers, l'assurance maladie et les médecins libéraux (85). Un salarié et un véhicule sont postés dans chaque secteur pour une période de douze heures et leur délai d'intervention est de « vingt minutes environ sur tout le secteur » (86).

Cependant, M. Thierry Schifano a fait le constat d'« une sous-activité des ambulanciers », regrettant notamment « une sous-utilisation des transporteurs sanitaires de la part des centres 15 » dans le cadre de la garde ambulancière.

● Paradoxalement, cette sous-utilisation de la garde ambulancière semble liée au nombre important de transports effectués par les SDIS à la demande des SAMU pour carence d'ambulancier privé

Comme l'a estimé Mme Annie Podeur (DHOS), la répartition des tâches entre le SDIS et les ambulanciers privés en matière de transport non médicalisé est encore mal organisée dans certaines régions.

La circulaire n° 151 précitée fixe une répartition théorique des compétences entre le SMUR, le SDIS et les ambulanciers privés en matière de transport sanitaire :

- Le SMUR intervient « en cas de pathologie grave nécessitant une médicalisation rapide », éventuellement avec le renfort des moyens médicaux du service de santé et de secours médical (SSSM) des SDIS.

- Sauf urgence vitale, les ambulanciers privés sont « chargés d'assurer, dans des délais estimés par le médecin régulateur comme étant compatibles avec l'état du patient, la prise en charge et les transports des patients ».

- Quant au SDIS, il est compétent dans le cadre dit du « prompt secours », qui se caractérise « par une action de secouristes agissant en équipe et visant à prendre en charge sans délai des détresses vitales ou à pratiquer sans délai des gestes de secourisme ». La circulaire souligne que l'intérêt du prompt secours « réside dans son caractère réflexe ». Le SDIS délivre ainsi « des secours d'urgence lorsque l'atteinte à l'individu est caractérisée par un dommage corporel provenant d'une action imprévue et soudaine, d'une cause ou d'un agent agressif extérieurs », notamment « sur la voie publique et dans des lieux publics qui présentent par leur nature un risque d'aggravation ou de pauvreté des informations transmises lors de l'alerte ».

Selon la circulaire, « les sapeurs pompiers (...) n'interviennent pour réaliser des transports sanitaires non médicalisés, qu'exceptionnellement, en cas d'indisponibilité des ambulanciers privés et à la demande du SAMU ». Une telle carence est avérée quand les ambulanciers sont dans l'impossibilité de répondre à la demande de transport sanitaire faite par le centre 15, faute de moyens matériels ou humains mobilisables dans des délais compatibles avec l'état de santé du patient. L'indisponibilité des ambulanciers privés doit donc nécessairement être constatée au préalable par le médecin régulateur du centre 15.

Dans les faits, cette répartition des compétences entre les SDIS et les ambulanciers privés en matière de transport sanitaire non médicalisé est l'objet de tensions, motivées selon certains par des enjeux financiers.

L'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales prévoit le paiement par les établissements sièges de SAMU des interventions effectuées par le SDIS en cas d'indisponibilité des ambulanciers privés. Un arrêté du 30 novembre 2006 relatif à la rémunération des transports SDIS en cas d'indisponibilité des transporteurs sanitaires fixe la rémunération des interventions des SDIS à 105 € et ouvre la possibilité d'un forfait plafonné sur la moyenne nationale, majorée de 20 %.

Selon les renseignements fournis par la DHOS, la moyenne de ces carences ambulancières est passée, de 2003 à 2005, de 30 à 20 interventions SDIS pour 10 000 habitants en 2005. Mme Annie Podeur a souligné que « le financement des interventions des SDIS représente aujourd'hui un effort de 20 millions d'euros par an, ce qui n'est pas rien, avec des disparités très grandes selon les départements » (87). Ainsi, certains départements dénombrent environ 10 interventions pour 10 000 habitants et d'autres (Meurthe et Moselle, Martinique et Tarn et Garonne) près de 140.

Soulignant les « divergences » qui opposent les transporteurs sanitaires aux SDIS sur la répartition des tâches en matière de transport sanitaire non médicalisé, M. Thierry Schifano, président de la FNTS, estime que dans certains départements, le SDIS utilise cette activité comme source de financement. Il affirme que certains SAMU ont dressé des constats de carence, sans même chercher à contacter les ambulanciers privés et explique cette tendance des SAMU par « de fausses images d'économie ou même de gratuité » (88) des interventions de sapeurs-pompiers. À l'inverse, les représentants de la FNSPF se défendent de rechercher dans le transport sanitaire non médicalisé une source de financements. Ils font d'ailleurs valoir qu'une garde ambulancière revient 150 000 € par an, pour une couverture limitée aux horaires de la permanence des soins, alors qu'une garde de SDIS ne revient qu'à 15 000 € pour une couverture 24 heures sur 24.

La conclusion de conventions tripartites SAMU - SDIS - transporteurs sanitaires et la mise en place de « coordinateurs ambulanciers » pourraient réduire ces tensions.

La circulaire n° 151 précitée prévoit qu'« afin de réduire au maximum les constats d'indisponibilité, les ambulanciers privés s'organisent pour garantir en permanence une réponse rapide et de qualité aux demandes du SAMU ». Une telle organisation passe par la garde ambulancière, mais également par la mise en place dans certains départements de « coordinateurs ambulanciers » chargés de gérer l'ensemble des demandes formulées par le SAMU.

Surtout, la circulaire prévoit la conclusion dans chaque département d'une convention - entre le SDIS, le centre hospitalier siège de SAMU et le ou les associations de transports sanitaires d'urgence - formalisant les principes de répartition des compétences « adaptées aux circonstances locales du département et donc évolutives ». Selon Mme Annie Podeur, de telles conventions ont été conclues dans 40 départements.

D'après M. Thierry Schifano, ces deux dispositifs se sont révélés efficaces là où ils ont été mis en place. Il a notamment cité le cas des Bouches-du-Rhône, où le nombre d'interventions à la demande du SAMU est passé de 450 par an à 17 500 en 2005, probablement 35 000 en 2006. Il a indiqué que dans les départements où un coordinateur a été mis en place, le nombre des carences constatées a chuté de 75 %.

En conséquence, votre rapporteur estime qu'il est souhaitable d'accélérer la généralisation des conventions tripartites et des coordinateurs ambulanciers à l'ensemble des départements et cela dans les meilleurs délais.

Proposition : Rappeler aux préfets l'obligation de doter chaque département d'une convention tripartite entre le service départemental d'incendie et de secours (SDIS), le services d'aide médicale urgente (SAMU) et les ambulanciers privés, précisant les modalités d'intervention et de paiement de chacune des parties.

● La prise en charge des cas relevant de l'aide médicale urgente (AMU) relève principalement des SAMU, des SMUR et des structures des urgences

La circulaire n° 151 précitée indique notamment que « les SMUR ont pour mission d'apporter 24 heures sur 24, sur décision du médecin régulateur, en tous lieux et sur l'ensemble du territoire, la médicalisation des interventions auprès des patients dont l'état nécessite une surveillance ou des soins médicaux d'urgence et de réanimation ». Les SMUR ont ainsi effectué 650 000 sorties en 2005.

Dans le cadre du Plan urgences, les moyens des SAMU et des SMUR ont été considérablement renforcés. Selon les renseignements fournis au rapporteur par la DHOS, le plan a en effet permis de créer, en 2004 et 2005, 175 postes de praticiens hospitaliers (PH) pour les SAMU et les SMUR. Par ailleurs, le statut de 54 postes a été transformé, contribuant ainsi à un taux plus fort de médecin senior au sein des structures. Le bilan permet de constater que le plan a été mis en œuvre, parfois au-delà des objectifs de 2003 pour tenir compte des besoins :

- pour les SAMU, il était prévu un renfort de 100 PARM et de 20 PH dès 2004. Au total, 297 postes de PARM, 59 postes de PH ont été créés et 8 postes ont été transformés. De plus, lors de son audition par la mission, le ministre de la santé et des solidarités a annoncé qu'il envisageait d'aller plus loin encore dans le renforcement des effectifs de PARM, au vu de l'étude commandée à cette fin à M. Jean-Yves Grall ;

- pour les SMUR, le plan prévoyait la création de 600 postes d'infirmiers sur trois ans : 309 postes ont d'ores et déjà été créés et des postes supplémentaires devraient être créés en 2006, la mesure étant financée sur trois ans.

● Le rôle des services de santé et de secours médical (SSSM) et des SDIS

Les SSSM et les SDIS participent eux aussi à la prise en charge de cas relevant de l'aide médicale urgente, comme le prévoit l'article R. 1424-24 du code général des collectivités territoriales selon lequel le SSSM de chaque SDIS participe aux missions de secours d'urgence et à l'aide médicale urgente.

La circulaire n° 151 précitée précise que « dans le cadre de l'aide médicale urgente, le médecin régulateur du SAMU peut s'adresser au SDIS afin de solliciter les moyens du SSSM ».

Lorsque les SDIS agissent dans un autre cadre (prompt secours, secours sur la voie publique et dans des lieux publics...), leurs interventions sont signalées au SAMU dès lors que la situation est susceptible de comporter une action de secours à personne. Selon les statistiques du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, les sapeurs-pompiers ont effectué en 2005 2 556 000 actions de ce type, ce qui représente 71 % de leurs interventions totales. Ces interventions sont en progression constante depuis plusieurs années, avec notamment une hausse de 8 % entre 2004 et 2005.

Il est d'ailleurs à noter qu'en application des dispositions de l'article D. 6124-12 du code de la santé publique, certains SMUR peuvent être constitués avec des moyens appartenant à des entreprises de transport sanitaire privé, des associations agréées de sécurité civile ou des SDIS, mis à disposition de l'établissement de santé siège du SMUR, sur le fondement d'une convention conclue entre cet établissement et le propriétaire de ces moyens. La circulaire n° 151 souligne que dans ce cas, les moyens du SDIS interviennent en tant que prestataire du SAMU.

● Le rôle des transporteurs privés

Les transporteurs sanitaires privés peuvent également participer à l'aide médicale urgente, dans le cadre de la mise à disposition prévue à l'article D. 6124-12 précité. Selon M. Thierry Schifano (89), « beaucoup de transporteurs sanitaires passent des conventions tendant à mettre leur matériel à la disposition d'un SMUR ». C'est, selon lui, pour développer des « transports médicalisés en tant que prestataires des SAMU » que la FNTS a souhaité que la formation initiale des ambulanciers soit améliorée.

M. Thierry Schifano a ainsi rappelé la création en 2006 d'un « diplôme d'ambulancier » (90) qui se substitue au simple « certificat de capacité d'ambulancier » préexistant. Il a souligné que désormais, la formation initiale des ambulanciers « comprend des modules identiques à ceux suivis par les aides-soignants » et que le diplôme d'ambulancier « sera enrichi, à partir des années 2007-2008 de modules supplémentaires avec des spécialisations en matière d'urgence, de psychiatrie et de néo-natalité ». Cet enrichissement du niveau de formation des ambulanciers va incontestablement dans le sens d'une meilleure intégration de la profession dans le système de prise en charge des urgences médicales.

Par ailleurs, il a rappelé que les ambulanciers privés peuvent effectuer des transports para-médicalisés avec des infirmières, notamment en néo-natalité.

On notera également que selon la circulaire n° 151, les ambulanciers peuvent être amenés, à la demande du SAMU, à réaliser un bilan secouriste. Pendant le transport, l'ambulancier veille également à la surveillance du patient et à l'exécution des gestes appropriés à l'état du patient.

● Le « médecin correspondant de SAMU »

On signalera enfin un dernier dispositif qui exploite utilement les complémentarités existant entre les SMUR et les médecins de ville : le « médecin correspondant de SAMU ».

Comme il est indiqué parmi les « Principes d'organisation des urgences et de la permanence des soins » annexés à la circulaire du 16 avril 2003 relative à la prise en charge des urgences, « ce dispositif vise à identifier des médecins correspondants du SAMU pour que ce dernier puisse disposer de relais dans la prise en charge de l'urgence vitale ». Il s'agit donc de médecins de tous modes d'exercice, qui participent à des réseaux de santé dont l'objet consiste à prendre en charge les urgences vitales en attendant l'arrivée du SMUR.

A cette fin, la circulaire prévoit que « ces médecins, qu'ils soient médecins libéraux, médecins SMUR ou médecins pompiers, sont formés à l'urgence ». De plus, « un équipement minimum, en télécommunications et en matériels de réanimation, notamment un défibrillateur », doit être mis à leur disposition.

Ce dispositif est déployé « notamment dans les départements où la dispersion de la population et la limitation des moyens de secours, obligent à optimiser ces différents moyens ». Comme Mme Annie Podeur, directrice de la DHOS, l'a expliqué devant la mission, il est centré sur les zones « blanches » du territoire, « c'est-à-dire situées à plus de 30 minutes d'un SMUR » (91).

Ainsi, que ce soit au niveau de la régulation, de la prise en charge des cas relevant de la PDS, du transport sanitaire ou des cas relevant de l'aide médicale urgente, l'organisation de la prise en charge des urgences en amont de l'hôpital doit approfondir les complémentarités des différents acteurs pour mutualiser leurs moyens ou tout au moins dégager des synergies. Une telle démarche doit permettre de renforcer le maillage du territoire.

2. Pour pallier les contraintes résultant de la démographie médicale, le maillage sanitaire du territoire doit être consolidé et de nouveaux modes d'exercice professionnels expérimentés

Comme indiqué précédemment, quatre principales catégories d'intervenants assurent le maillage sanitaire nécessaire à la prise en charge des urgences médicales en amont de l'hôpital : les SMUR, les SDIS, les hôpitaux locaux et les médecins généralistes, les deux derniers étant d'ailleurs liés, puisqu'une très large majorité des médecins intervenant dans les hôpitaux locaux pratiquent par ailleurs la médecine générale en exercice libéral. A côté de ce dispositif qu'il faut consolider, des adaptations aux conditions traditionnelles d'exercice libéral méritent d'être expérimentées afin de pallier la pénurie de médecins dans certaines zones.

● Les équipes de SAMU et de SMUR

La mesure n° 5 du Plan urgences, entre autres dispositions relatives à « la coordination ville - hôpital », consiste à « renforcer les équipes des SAMU et des SMUR ». Lors de son audition par la mission (92), Mme Annie Podeur, directrice de la DHOS, a indiqué que le nombre de SMUR s'élève à 435, dont 361 SMUR complets, 64 antennes de SMUR - c'est-à-dire des « équipages complets capables d'intervenir mais rattachés à un établissement hospitalier plus important que celui où il est posté » - et 10 SMUR saisonniers, notamment sur les zones d'attraction touristiques, qui fonctionnent trois mois par an.

S'agissant de leur répartition sur le territoire, elle a déclaré que le Gouvernement a « veillé au maillage du territoire, c'est-à-dire a fait en sorte qu'il y ait, si possible, une réponse SMUR à trente minutes au plus d'un site d'habitation ». Elle a qualifié cette démarche de « très volontariste », soulignant qu'un tel maillage « a un prix : à coûts quasiment équivalents, il y a des SMUR qui effectuent entre 300 et 600 sorties par an quand d'autres en réalisent entre 1 500 et 2000 ». Elle a enfin rappelé que les médecins correspondants de SAMU complétaient utilement ce maillage dans ses « quelques zones « blanches » ».

Votre rapporteur salue l'attention portée par le Gouvernement au maillage du territoire en SMUR. La mission a pu constater à Clamecy combien la création d'un SMUR, destinée à résorber une zone « blanche », est jugée utile par les responsables de l'aide médicale urgente comme par l'ensemble des médecins. Il faut en effet souligner que la résorption des zones « blanches » des SMUR donne corps au principe d'égalité d'accès aux soins.

● Les sapeurs-pompiers

Les sapeurs-pompiers disposent eux aussi d'un maillage territorial important. Lors de leur audition par la mission, les représentants de la FNTS ont en effet souligné la densité de ce maillage, particulièrement en zone rurale, comme en témoigne la carte ci-dessous.

NOMBRE D'HABITANTS PROTÉGÉS PAR UN VSAV

VSAV : Véhicule de secours et d'assistance aux victimes

Source : Ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, « les statistiques des Services départementaux d'incendie et de secours », 2006.

Cette situation est conforme à l'article 1er de la loi n°96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours qui dispose que chaque SDIS comprend un SSSM. Selon les dernières statistiques publiées par le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, les SSSM comprennent 6 200 médecins, 560 pharmaciens, 270 vétérinaires et 2 600 infirmiers sapeurs-pompiers volontaires et, depuis 2002, 160 médecins, 50 pharmaciens et 105 infirmiers de sapeurs-pompiers professionnels. Devant la mission, M. Jean-Yves Bassetti, médecin-colonel de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, a souligné la densité du maillage territorial des médecins-capitaines de sapeurs-pompiers (cf. le diagramme et la carte ci-dessous).

NOMBRE DE MÉDECINS SAPEURS-POMPIERS POUR 100 000 HABITANTS

Source : Ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, « les statistiques des Services départementaux d'incendie et de secours », 2006.

Toutefois, M. Éric Faure, colonel, secrétaire général adjoint de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, a déclaré à la mission que le SAMU a tendance à considérer les sapeurs-pompiers comme de simples supplétifs, alors que ceux-ci disposent d'un service de santé dont les membres sont, selon lui, aussi bien formés que les professionnels du SAMU. Ce phénomène a été évoqué plusieurs fois devant la mission (93). La FNSPF, dans un document qu'elle a remis à votre rapporteur, regrette que « ces conduites hégémoniques engendrent un véritable problème de coordination des secours ».

C'est pourquoi, « à l'heure où la démographie médicale libérale est en décrue et où le 15 connaît un phénomène de saturation sans précédent », elle propose que « ses personnels médicaux, qui sont tout aussi bien formés que les personnels hospitaliers, renforcent leur position ». Selon elle, les médecins sapeurs-pompiers devraient, par exemple, pouvoir procéder à l'évacuation des victimes sans attendre l'arrivée des moyens hospitaliers. « Cette présence des SDIS et du SSSM est d'autant plus importante qu'elle est la seule à l'heure actuelle à pouvoir assurer le maillage du territoire là où les SMUR et les médecins ruraux ne sont plus implantés ». M. Xavier Prétot, inspecteur de l'IGA, lui aussi, a estimé devant la mission que « s'il est possible en ville d'orienter directement vers le service approprié, il n'en va pas de même pour certains villages isolés, où il est préférable, en attendant l'arrivée du SMUR, de faire venir les pompiers ».

● L'hôpital local

Quant à l'hôpital local, il constitue un premier niveau de prise en charge en médecine - on compte, en 2005, 55 466 entrées en médecine.

Comme l'indique l'annexe à la circulaire du 16 avril 2003 relative à la prise en charge des urgences, même lorsqu'un hôpital local n'est pas titulaire de l'autorisation prévue pour les structures des urgences, « il peut, à la demande de l'ARH, mettre en place une organisation de proximité pour dispenser des soins non programmés. Il prévient le SAMU dès qu'il fait face à une situation d'urgence ». Cette circulaire précise que « cette mission peut s'avérer particulièrement pertinente en cas d'isolement géographique, de difficultés d'accès, d'affluence touristique ou saisonnière ».

Les statistiques fournies à votre rapporteur indiquent que l'on recense 355 hôpitaux locaux en métropole et DOM, soit le tiers des hôpitaux publics. Seules 2 régions (Guyane et Réunion) ne comportent pas d'hôpitaux locaux.

La mesure n° 7 du Plan urgences, entre autres préconisations relatives à « la lutte contre la pénurie des zones sous-médicalisées », consiste à « développer les hôpitaux locaux », car « l'hôpital local est le lieu où peut s'exercer une médecine polyvalente », que permet « l'existence d'un service de médecine de proximité, dispensée principalement par le généraliste ». En raison de la spécificité de son fonctionnement médical qui repose sur des médecins généralistes, il constitue selon Mme Annie Podeur, (DHOS) (94) « l'interface entre l'hôpital et la médecine générale, ainsi que, et encore plus, entre le domaine sanitaire et le médico-social ». Cette position d'interface tend à se confirmer : en effet, l'hôpital local accueille de plus en plus souvent une MMG (cf. infra). C'est pourquoi M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a souligné devant la mission que « l'hôpital local constitue un vrai et bon support pour la PDS ».

Le Gouvernement entend renforcer le nombre de postes infirmiers dans les hôpitaux locaux. Mais selon Mme Annie Podeur, « il faut également y augmenter la présence médicale ». Votre rapporteur relève à cet égard que l'article 79 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a modifié l'article L. 6152-4 du code de la santé publique pour permettre à l'hôpital local de salarier des médecins.

De plus, d'après les renseignements fournis à la mission, un projet de décret en cours de finalisation prévoit que les médecins libéraux pourront bénéficier d'une indemnisation pour leur participation à la continuité des soins à l'hôpital. Une telle mesure pourrait utilement inciter des médecins à effectuer des astreintes la nuit et le week-end. Toutefois, cette indemnisation ne pourrait pas se cumuler avec le forfait d'astreinte dû au titre de la PDS en médecine ambulatoire. Cette disposition interdirait donc à un médecin d'assurer à la fois une astreinte hospitalière dans un hôpital local et une astreinte de PDS dans une MMG située dans l'enceinte du même hôpital. Un tel cumul avait été envisagé en Mayenne, où il n'a pas pu être mis en place, faute de base réglementaire.

Diverses expériences tendant à pallier la pénurie de médecins dans certaines zones du territoire ont été portées à la connaissance de la mission. Elles ouvrent des pistes de réflexion intéressantes.

● Envisager de développer le conseil téléphonique et la télémédecine

La régulation téléphonique ne sert pas uniquement à orienter les appels soit vers la médecine de ville, soit vers l'hôpital. Il ressort des auditions de la mission qu'elle parvient à résoudre une majeure partie des problèmes qui lui sont soumis sans recours à un effecteur : ainsi 95 % des appels reçus au SAMU de Mayenne ne donnent pas lieu à un acte médical. On notera également que selon les représentants de MG France entendus par la mission, « plus de 80 % des appels se bornent à une demande d'avis médical ou de renseignements sanitaires » (95). Une large partie des interlocuteurs de la mission a souligné l'intérêt de développer le conseil téléphonique. Ainsi, M. Roger Rua, représentant du SML, a déclaré à la mission (96) que « le conseil téléphonique, bien que non encore autorisé par le conseil de l'Ordre, est largement utile : l'expérience aidant, nous parvenons à donner des conseils judicieux ».

Au-delà, les auditions auxquelles a procédé la mission ont permis de mettre en lumière d'autres perspectives d'évolution des missions et des instruments de la régulation médicale.

Votre rapporteur relèvera notamment les projets dont M. Philippe Aillères, représentant de la CFE-CGC (97), a fait part à la mission, tendant à renforcer les équipes des SAMU non seulement par des médecins libéraux, mais également en leur adjoignant « des acteurs sociaux et des infirmières, comme dans les NHS Direct anglais (98) ou comme sur les plateaux d'assistance privée ». Les SAMU sont en effet saisis de « demandes inappropriées » au regard de leur mission, qui consiste à « répondre à la détresse médicale ». Il peut s'agir « de détresses de nature sociale », « de demandes d'informations » ou, « surtout à Paris, de demandes liées à la précarité ». En somme, « il conviendrait d'étendre le savoir faire français en matière de détresse médicale à l'ensemble des champs et des réseaux médico-sociaux ». Un projet comparable, tendant à créer une « plateforme de régulation télémédico-sociale et sanitaire », a été évoqué par M. Patrick Goldstein, chef du service des urgences du CHU de Lille, lors de la visite de ce service par la mission.

De tels projets pourraient utilement faire l'objet d'expérimentations dans certains hôpitaux pilotes.

Proposition : Étudier, au besoin par des expérimentations, les moyens de faire évoluer l'organisation des centres 15 pour qu'ils puissent mieux prendre en charge les appels urgents motivés par des besoins de nature sociale et médico-sociale, l'objectif étant qu'à moyen ou long terme, les centres 15 se transforment en plateformes téléphoniques à objet médico-social et sanitaire.

Pour aller encore plus loin, on pourrait envisager d'encourager le recours à la télémédecine par les médecins du SAMU, comme le demandent certains urgentistes, à l'image de ceux que la mission a rencontrés à Nevers. M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, lors de son audition par la mission, a, lui aussi, souligné l'intérêt de la télémédecine dans le cadre de la PDS pour établir des diagnostics et délivrer des conseils de prise en charge. Les articles 32 à 34 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie ont d'ailleurs doté l'exercice de la télémédecine d'un cadre légal :

- L'article 32 définit la télémédecine en indiquant qu'elle « permet, entre autres, d'effectuer des actes médicaux dans le strict respect des règles de déontologie mais à distance, sous le contrôle et la responsabilité d'un médecin en contact avec le patient par des moyens de communication appropriés à la réalisation de l'acte médical ».

- L'article 33 dispose que les SROS « intègrent la télémédecine » et précise que « chaque schéma définit les modes opérationnels pour répondre aux exigences de la santé publique et de l'accès aux soins ».

- L'article 34 autorise la prescription de soins ou de médicaments par courriel, à condition notamment qu'un examen clinique du patient ait été réalisé préalablement, « sauf à titre exceptionnel en cas d'urgence ».

Par ailleurs, un récent rapport du conseil national de l'Ordre des médecins sur « l'activité médicale téléphonique auprès du patient » (99) propose des règles déontologiques relatives à « l'activité médicale téléphonique dans la permanence des soins ». Ce rapport considère qu'« elle ne peut se concevoir que dans un acte de régulation médicale téléphonique (...) où les échanges ont été mémorisés sur des supports qui pourront être consultés, notamment en cas de litiges, au cabinet ou au centre de régulation de la permanence de soins ». Il insiste surtout sur la nécessité d'encadrer cette pratique par un protocole « engageant le médecin et le patient dans une stratégie de suivi médicalisé ». La loi n'ayant pas défini l'« urgence » pour laquelle une prescription par courriel peut être effectuée sans examen clinique préalable, il appartiendrait à la profession de lui donner une définition « en concertation avec les médecins régulateurs du SAMU et autres organisations médicales de régulation ».

Ce rapport estime enfin qu'une « prescription téléphonique médicalisée ne peut se faire qu'en partenariat avec le pharmacien de garde » et suivant un protocole établi par les différents représentants des professionnels de santé participant au CODAMUPS.

Pour votre rapporteur, l'intérêt et les conditions d'un recours accru à la télémédecine méritent d'être étudiées. Si la profession le juge utile, un tel recours faciliterait la prise en charge par la permanence des soins des patients qui ne peuvent pas se déplacer vers un lieu de consultation, notamment dans les zones où les SAMU éprouvent des difficultés à mobiliser des effecteurs libéraux.

● Étudier l'hypothèse et les conditions d'un élargissement du champ des tâches confiées aux personnels paramédicaux

À plusieurs reprises, il a été rappelé à la mission que dans de nombreux pays, les urgences ne sont pas prises en charge par des médecins, mais par des personnels paramédicaux. Une étude récente de la DREES souligne ainsi la place occupée par les infirmières dans l'organisation des soins primaires au Royaume-Uni, en Suède et en Finlande. Selon cette étude, « c'est principalement par le développement de tâches nouvelles (éducation, prévention, conseil, certaines prescriptions), dans le cadre de ces organisations collectives que la participation des infirmières aux soins primaires se développe, plutôt que par un transfert direct de tâches anciennement exercées par les médecins » (100).

En France, pour apporter des réponses plus rapides aux demandes de secours concernant les cas les moins graves, les sapeurs-pompiers confient d'ores et déjà des tâches élargies aux infirmiers de SSSM. Comme l'a expliqué M. Jean-Yves Bassetti devant la mission, 70 % des secours à personne ne nécessitent pas l'intervention d'un médecin. Il a cependant précisé que l'intervention de ces infirmiers est encadrée par un décret de compétence, qu'ils suivent des protocoles et qu'ils n'agissent que sur ordre d'un médecin.

L'idée de transferts de tâches d'un médecin à un infirmier a donc été évoquée à plusieurs reprises devant la mission afin de concentrer les ressources médicales là où elles sont le plus utiles.

Le rapport présenté par M. Yvon Berland au nom de la mission « coopération des professions de santé : le transfert de taches et de compétences » en octobre 2003 décrit une expérience en ce sens menée à Toulon. Cette expérience consistait à confier une partie des missions SMUR à des infirmiers diplômés d'État (IDE) et des infirmières anesthésistes diplômés d'État (IADE) par dérogation aux dispositions des articles D. 6124-13 et D. 6124-14 du code de la santé publique, selon lesquels l'équipe du SMUR comprend toujours un médecin au moins. Le rapport conclut que « malgré des réactions locales et nationales négatives, les résultats préliminaires semblent rassurants, sous trois réserves :

- paramédicaliser ne consiste pas à remplacer des médecins par des IADE mais à faire assurer des actes strictement infirmiers sous contrôle médical.

- la paramédicalisation ne peut concerner que les SMUR disposant de plusieurs équipes, puisqu'il faut au minimum disposer d'un médecin pour assurer les urgences vitales.

- la paramédicalisation ne peut se concevoir sans une régulation forte ».

Le principe même de telles délégations de tâches a été contesté par plusieurs des interlocuteurs de la mission. On citera notamment M. Patrick Pelloux, président de l'association des médecins urgentistes hospitaliers de France (AMUHF) (101) : « Certains vous diront qu'on se dirige inéluctablement vers la délégation de certaines compétences aux pompiers, aux ambulanciers, comme aux États-unis, mais ce n'est pas la solution : quand quelqu'un appelle pour une douleur thoracique, il faut que ce soit un médecin qui vienne ». De même, M. Marc Giroud, SAMU de France (102), a indiqué à la mission n'avoir « jamais trouvé dans la littérature internationale de solutions retenues, ou en tout cas jugées efficaces, consistant à utiliser l'infirmière en urgence en lieu et place du médecin, parce que, en urgence, il y a toujours un diagnostic qui précède l'action ».

● Favoriser l'installation de nouveaux médecins dans les zones déficitaires, soit par des aides financières, soit en développant de nouveaux modes d'exercice professionnel

Les médecins qui s'installent en zone rurale sont éligibles à différentes aides financières, qu'énumère l'encadré ci-dessous.

MESURES FAVORISANT L'INSTALLATION DE MÉDECINS EN ZONE RURALE

● Les organismes d'assurance maladie, l'État et les collectivités territoriales peuvent accorder des aides aux médecins qui exercent dans les zones déficitaires en matière d'offre de soins délimitées par les MRS (article L. 162-47 du code de la sécurité sociale).

Selon l'article L. 162-14-1 du même code, les conventions organisant les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les différentes professions de santé peuvent prévoir dans les zones déficitaires en matière d'offre de soins des dispositifs « d'aides visant à faciliter l'installation des professionnels de santé libéraux ou des centres de santé » et de « rémunération forfaitaire annuelle » pour les professionnels exerçant dans ces zones. Cependant, aucun accord n'ayant été trouvé à ce jour pour fixer d'éventuelles modalités d'attribution de ces aides, elles ne sont pas encore opérationnelles.

La convention médicale précitée stipule aussi que l'UNCAM mettra en œuvre divers outils (contrats de bonne pratique et site internet notamment) destinés à faciliter le remplacement des médecins dans les zones déficitaires.

Par ailleurs, selon l'article 109 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, la rémunération perçue au titre de la PDS par les médecins installés dans une zone déficitaire est exonérée de l'impôt sur le revenu (IRPP) à hauteur de soixante jours de permanence par an.

De plus, selon l'article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent octroyer des aides visant à favoriser l'installation ou le maintien des professionnels de santé et des centres de santé dans les zones déficitaires en matière d'offre de soins. L'article L. 1511-8 permet aussi à ces collectivités d'attribuer des aides visant à financer des structures participant à la PDS, notamment des MMG. Il précise que les investissements immobiliers qu'elles réalisent en faveur de l'installation de professionnels de santé sont éligibles au fonds de compensation de la TVA.

Enfin, cet article permet aux collectivités de mettre en œuvre des dispositifs incitant de jeunes médecins à s'installer dans les zones déficitaires, soit en accordant des indemnités de logement et de déplacement aux étudiants de troisième cycle de médecine générale qui effectuent leurs stages dans ces zones, soit en attribuant une indemnité d'étude et de projet professionnel à ceux qui s'engagent à y exercer au moins cinq ans.

● Certains dispositifs tendent à favoriser l'implantation de médecins dans les zones rurales sans que leur champ d'application soit limité aux seules zones déficitaires.

Ainsi, selon l'article 1464 D du code général des impôts, les collectivités locales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent instituer une exonération de taxe professionnelle en faveur des professionnels de santé qui s'installent dans une commune de moins de 2 000 habitants ou dans une zone de revitalisation rurale. L'exonération porte sur les deux années qui suivent celle de l'installation, aucune imposition n'étant due au titre de cette dernière.

On rappellera aussi que, d'une manière générale, les médecins libéraux, placés sous le régime des bénéfices non commerciaux pour le paiement de l'Impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), peuvent déduire du bénéfice certaines dépenses nécessitées par l'exercice de la profession, notamment les frais exposés lors de l'installation. Il est aussi à noter que les éléments d'actifs affectés à l'exercice de la profession qui se déprécient avec l'usage ou le temps (locaux, matériel...) donnent lieu à amortissement. Quant aux médecins conventionnés, ils peuvent bénéficier d'un régime spécial donnant droit à divers abattements pour frais professionnels.

De plus, la mesure n° 6 du Plan urgences prévoit de « Développer des nouveaux modes d'exercice professionnel coopératifs et collectifs (cabinets multi-sites, cabinets de groupe, médecins assistants) » afin, selon le plan, d'« inciter l'installation des médecins libéraux en zone déficitaire ».

On relèvera à cet égard que le décret n° 2006-1585 du 13 décembre 2006 relatif au médecin collaborateur libéral et au médecin salarié, pris pour l'application d'une disposition adoptée à l'article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, crée deux nouveaux modes d'exercice :

- le statut de « médecin collaborateur libéral » ;

- l'exercice en tant que médecin salarié pour un autre médecin.

Il ressort des travaux de la mission que l'exercice libéral en cabinet individuel ne correspond plus aux attentes des jeunes médecins, du moins pas dans les zones rurales où ils peuvent craindre de se trouver isolés. Il est donc utile de développer de nouvelles formes et de nouveaux lieux d'exercice, à l'instar des maisons médicales de garde.

De plus, l'article R. 4127-85 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du décret n° 2005-481 du 17 mai 2005, permet aux médecins, sur autorisation du CDOM « dans l'intérêt de la population », d'exercer leur activité professionnelle sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle « lorsqu'il existe dans le secteur géographique considéré une carence ou une insuffisance de l'offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la permanence des soins ». Cet article précise que dans ce cas, « le médecin doit prendre toutes dispositions et en justifier pour que soient assurées sur tous ces sites d'exercice la réponse aux urgences, la qualité, la sécurité et la continuité des soins ».

Enfin, on signalera que l'article L. 183-1-2 du code de la sécurité sociale permet aux URCAM de « conclure des contrats avec des professionnels de santé libéraux dans le but de les inciter à un exercice regroupé, notamment dans des zones rurales ou urbaines où est constaté un déficit en matière d'offre de soins ».

D. LE DÉVELOPPEMENT DE MAISONS MÉDICALES DE GARDE CONSTITUE L'AXE PRINCIPAL DE LA CONSOLIDATION DES STRUCTURES DE PERMANENCE DES SOINS

Il n'existe pas de définition législative ni réglementaire de la maison médicale de garde (MMG). Le rapport de M. Jean-Yves Grall sur les MMG en propose une définition fonctionnelle qui est celle du présent rapport : « un lieu fixe clairement identifié de prestation de médecine générale, fonctionnant aux heures de la PDS comme un cabinet libéral ». Il faut d'ailleurs souligner qu'à défaut de définition officielle, il est fréquent que l'expression « maison médicale » soit employée pour désigner les cabinets de groupe et autres structures réunissant plusieurs médecins et, parfois d'autres professionnels de santé. Pour éviter toute ambiguïté sémantique, le présent rapport désigne ces structures sous le vocable de « maisons de santé », réservant celui de « maison médicale de garde » à des structures dédiées à la PDS, telles que définies précédemment.

1. La formule de la maison médicale de garde connaît un succès croissant mais recoupe des structures de différentes natures

Dans son récent rapport, M. Jean-Yves Grall recense - au 1er juillet 2006 - 198 MMG en fonctionnement et une dizaine en projet. Il constate la forte croissance de ce nombre depuis 2003. On en comptait alors 98 en fonctionnement et 30 en projet. Il indique également que « peu de fermetures sont intervenues depuis 2003 » : cinq MMG ont fermé, dont deux en cours de relocalisation au sein d'un établissement de santé.

Comme l'a noté M. François Michel, (MG France) « le développement des maisons médicales de garde est d'abord un fait de société. Les trois premières ont démarré en 2000 à Rennes, à Gap et au Havre ; on en compte aujourd'hui entre 195 et 300 selon qu'on y intègre les structures de consultation installées à la porte, sinon au sein même d'établissements hospitaliers publics ou privés » (103).

M. Jean-Yves Grall rappelle que la formule de la MMG ne représente qu'une des formes d'organisation possibles de la PDS, mais constate que « son développement laisse cependant à penser que dans le cadre du maintien d'une PDS libérale, la MMG représentera peut-être le mode d'action prédominant à brève échéance ».

Les informations ci-dessous sont tirées du rapport Grall.

● Hétérogénéité quant à la localisation des MMG.

On distingue trois types de localisation :

- 62 % des MMG sont localisées dans un établissement de santé ou d'hébergement et 44% des MMG sont situées plus précisément à l'intérieur même d'une enceinte hospitalière publique et, pour plus de la moitié d'entre elles, de façon contiguë ou intégrée à un service d'urgences.

- 26 % des MMG sont isolées en milieu urbain.

- 12 % des MMG sont isolées en milieu rural, le plus souvent dans un local municipal.

Le rapport note aussi que les MMG sont inégalement réparties sur le territoire, comme le confirme la carte ci-dessous. Il explique cet « essaimage erratique et très variable » des MMG par le fait qu'elles se sont développées « grâce à des personnalités parfois charismatiques qui ont su faire adhérer nombre de leurs confrères ». Les réponses faites à un questionnaire envoyé par votre rapporteur à plusieurs MMG tend à confirmer que la création des MMG a reposé sur des initiatives locales, sans qu'il y ait au préalable un plan d'ensemble cohérent et coordonné au niveau national.

SITES DÉDIÉS À LA PDS EN MÉDECINE GÉNÉRALE AU 1ER JANVIER 2006

Source : Conseil national de l'Ordre des médecins, « Enquête sur l'état des lieux de la permanence des soins en janvier 2006 », 2006.

● Hétérogénéité quant aux horaires d'ouverture

Les horaires d'ouverture de certaines MMG ne sont pas toujours calés sur les horaires de la PDS. On observe en effet « une tendance lourde » au repli des horaires d'ouverture des MMG sur le seul créneau des samedis et dimanches - d'ailleurs, peu d'entre elles sont ouvertes après minuit en semaine. Le rapport relève également des cas de MMG qui fonctionnent dès 18 heures ou qui ont anticipé l'extension facultative des horaires de la PDS au samedi après-midi (104).

● Hétérogénéité quant aux niveaux d'activité

On constate que 70 à 80 % de l'activité des MMG se déroule les samedis et dimanches et que l'activité de visite est généralement faible, voire souvent inexistante.

M. Grall a cependant expliqué devant la mission (105) que « les niveaux d'activité sont très variables, mais relativement stables d'une année sur l'autre », ce qui signifie qu'« il n'y a pas d'effet d'accoutumance » à la MMG. Selon lui, ces niveaux « sont très corrélés, d'une part, à la localisation - soit en zone urbaine, isolées d'un service hospitalier, soit en zone rurale - et, d'autre part, au mode d'accès : il peut être direct, comme en zone rurale mais aussi en zone urbaine très populeuse, ou avoir lieu après une régulation préalable par le 15 ».

● Hétérogénéité quant niveau d'engagement dans l'activité de la MMG des médecins installés dans le secteur concerné

Le rapport souligne une « différence majeure » entre certaines grandes agglomérations, où le taux de participation à l'activité des MMG s'établit entre 5 et 15 %, et les « régions rurales ou semi-rurales, où le taux de participation oscille entre 80 et 100 % ». Dans les « villes plus moyennes », ce taux gravite autour de 50 ou 60 %. M. Jean-Yves Grall explique ces contrastes par « une plus forte implication dans la vie locale des médecins de campagne », et, à l'inverse, par une offre de soins plus importante en ville, où, a-t-il rappelé à la mission, « d'autres dispositifs existent comme SOS Médecins et les services hospitaliers ».

Il considère que « pour bien fonctionner, un chiffre de 30 à 40 médecins est nécessaire » et souligne le caractère « fragile » du fonctionnement de certaines MMG qui ne reposent que sur quelques médecins.

De même, M. Jérôme Antonini, représentant de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privée à but non lucratif (FEHAP), a souligné que « ces structures apparaissent parfois très fragiles ». Selon lui, « elles reposent souvent sur des bonnes volontés, quelques médecins libéraux qui y croient beaucoup et un environnement institutionnel favorable : une caisse primaire qui joue le jeu, des acteurs hospitaliers qui sont preneurs, des communes qui interviennent, par exemple en fournissant des locaux. On a le sentiment que tout peut s'écrouler très vite ». Il a cité en exemple le cas de la MMG installée dans des locaux de l'hôpital de Hénin-Beaumont, où « un jour sur deux ou sur trois, il n'y a personne, en raison de la difficulté à mobiliser des médecins ». Il souligne qu'« il est très difficile de construire une organisation cohérente quand on ne peut pas toujours compter sur la MMG ».

● Hétérogénéité quant au volume de la population desservie

Le rapport relève que la sectorisation a parfois été « contractée » autour de la MMG, ce qui aboutit « à un découpage plus économe et plus réaliste de la PDS », mais regrette que ce n'ait pas toujours été le cas.

Il relève en tout cas que le volume de la population desservie par la MMG s'établit en moyenne entre 20 000 et 50 000 habitants (entre 50 000 et 120 000 en zone urbaine moyenne, et entre 150 000 et 250 000 en grande agglomération).

● Hétérogénéité quant à l'éloignement maximal de la MMG

En zone rurale, la distance maximale à parcourir pour accéder à une MMG dépasse rarement 40 km et s'établit en moyenne entre 20 et 25 km.

● Hétérogénéité quant aux coûts

M. Jean-Yves Grall constate « une très grande hétérogénéité dans les coûts de fonctionnement » des MMG. Les deux tiers d'entre elles sont financées, hors honoraires, par le FAQSV ; lors de son audition (106), M. Frédéric van Roekeghem, directeur général de la CNAMTS, a souligné que ce financement est variable, avec un écart maximal de 2 600 à 260 000 € par an.

Selon le rapport, « le caractère hétérogène des coûts de fonctionnement dépend de quatre facteurs principaux de dépenses : des locaux - investissement, location et, notamment, participation ou non des collectivités territoriales -, des frais de personnel - présence d'une ou de deux secrétaires, d'un gardien ; la sécurisation se révèle un point important dans les grandes zones urbaines -, des frais annexes d'évaluation comptable et des rémunérations forfaitaires attribuées aux médecins pour coordination » (107).

Votre rapporteur souligne que certaines MMG ont été créées sans financement public direct. C'est le cas, par exemple, de la MMG installée à l'hôpital Gouin (Clichy-la-Garenne, Hauts-de-Seine). Certains des médecins qui y assurent la PDS ont indiqué à la mission que leur MMG est hébergée gracieusement par l'hôpital Gouin et que chaque médecin y apporte son propre matériel.

● Hétérogénéité quant au soutien apporté aux MMG par les collectivités territoriales

Le rapport relève enfin que « dans l'ensemble (...) un engagement a minima des collectivités locales » mais cite certains exemples dans lesquels l'appui de la municipalité à facilité la création de la MMG. Certaines mairies ont ainsi pris à leur charge l'aménagement de locaux, d'autres ont mené des campagnes d'information de la population, d'autres encore ont apporté un soutien administratif au portage de projet par les associations de médecins.

2. Il ressort des expériences actuelles que la formule de la maison médicale de garde constitue une « solution préparant l'avenir »

M. Jean-Yves Grall a souligné dans son rapport (108), comme devant la mission que « le concept de maison médicale de garde se révèle être une des solutions d'avenir quant au maintien d'une permanence des soins ambulatoires ».

● Les MMG peuvent contribuer à la remédicalisation du milieu rural

Selon M. Jean-Yves Grall, « il est prouvé qu'elles permettent une remédicalisation du milieu rural ». Ainsi, lorsque existent des maisons médicales de garde, les femmes médecins vont d'autant plus volontiers s'installer en zone rurale qu'elles ne sont pas obligées d'y vivre et d'y assurer la PDS à leur cabinet. Cette organisation aurait « montré son efficacité dans certaines zones comme la Haute-Normandie, et notamment la Seine-Maritime » ; « les femmes peuvent aller travailler dans ces zones et revenir habiter Rouen le soir, par exemple ».

● Les MMG ont permis de réimpliquer les médecins dans la PDS

Selon le rapport Grall, après le mouvement de « grève des gardes » de 2001 et 2002, la réorganisation de la PDS par les MMG a permis que les médecins acceptent, dans un contexte bien balisé et un peu moins contraignant, de participer de nouveau à la permanence de soins. La mission a pu faire le même constat, par exemple en Mayenne, où la création de MMG a constitué un vecteur de remobilisation des médecins généralistes autour de la PDS.

De plus, M. François Michel, (MG Urgences) a fait valoir que la création des maisons médicales de garde a été une véritable école de management. « 300 maisons médicales de garde, ce sont 300 managers sur le terrain, prêts à porter un projet territorial ». Il a aussi rappelé que « les maisons médicales de garde ont également cette caractéristique de s'être toutes créées dans l'adversité, au terme d'un processus souvent difficile ». (109)

● Les MMG peuvent permettre, à certaines conditions, de désengorger les urgences hospitalières

Le rapport Grall affirme que « les MMG déchargent très efficacement les urgences hospitalières, à condition qu'une organisation concertée soit mise en place ». Il a précisé devant la mission qu'il faut qu'« elles soient, dans leur fonctionnement, très imbriquées avec le dispositif hospitalier ». En effet, selon lui, « Vous pouvez avoir une maison médicale de garde à la porte d'un hôpital, voire à la porte d'un service d'urgences, où rien ne se passe, tout simplement parce qu'entre les équipes hospitalières et les médecins libéraux, il n'y a pas eu d'organisation, alors que dans des zones moins importantes, vous pouvez avoir une diminution tout à fait spectaculaire du nombre de passages aux urgences pour les pathologies qui ne les requièrent pas ». Par exemple, les représentants de la FEHAP ont indiqué que les généralistes de la MMG de Hénin-Beaumont n'acceptent pas les patients qui leur sont envoyés par les urgentistes hospitaliers. Ces patients doivent rentrer chez eux, appeler le 15 et revenir sur rendez-vous. Une telle organisation ne semble pas optimale.

L'annexe à la circulaire précitée du 16 avril 2003 indique d'ailleurs que « Lorsque l'ARH souhaite apporter son soutien à une maison médicale, il est indispensable que sa participation soit ciblée sur celle(s) dont le projet est articulé avec le service des urgences hospitalier ». Il est précisé que « cette articulation est formalisée par une convention entre les responsables de ces deux structures », au vu d'« une évaluation médico-économique ». Cette convention doit notamment comporter « une procédure définissant les conditions de réorientation éventuelle des patients, depuis les services des urgences vers les maisons médicales ». De plus, « un schéma d'aide à la décision élaboré par les médecins urgentistes, les médecins des services de soins concernés, notamment de pédiatrie, et les médecins de la maison médicale » doit être élaboré pour « clarifier les situations dans lesquelles la réorientation, proposée par l'infirmière d'accueil et d'orientation (IAO) et validée par un médecin senior, ne soulève pas de difficulté ». Ainsi, une formation adéquate des IAO doit être prévue. Un protocole d'adressage et un dispositif de relais entre l'IAO et la MMG doivent être mis en place.

En tout état de cause, la volonté des responsables médicaux de services d'urgence de faire fonctionner ce système est indispensable.

De plus, comme M. David Causse, représentant de la FHF, l'a indiqué à la mission (110), « une MMG sans accès à un plateau technique ouvert au moins jusqu'à 23 heures n'a pas beaucoup d'intérêt, et ne contribue pas à désengorger les hôpitaux ».

Enfin, les représentants du syndicat national des médecins, chirurgiens spécialistes, biologistes et pharmaciens des hôpitaux publics (SNAM-HP) ont souligné devant la mission l'importance de la mise en place d'un système de tiers payant dans les MMG. M. Patrick Plaisance, chef du service des urgences à l'hôpital Lariboisière, a ainsi estimé (111) que les MMG ne pouvaient fonctionner qu'« à partir du moment où il n'y a pas d'avance de frais. On peut très bien imaginer que, comme pour les urgences, il ne soit demandé que la carte vitale et que les gens payent le médecin généraliste de la même manière ». Certes, un passage aux urgences suppose un paiement, mais comme l'a souligné M. Roland Rymer, (SNAM-HP) (2) « il n'est pas payant dans l'immédiat. Dans l'esprit du public qui s'y rend, il est même gratuit ». Dans le même sens, M. André Elhadad, (SNAM-HP), s'est interrogé sur l'efficacité : « des maisons médicalisées où il n'y a pas de tiers payant, comme à Aulnay-sous-Bois, près des grandes cités ? On a inauguré cette maison il y a trois ou quatre mois, et les gens nous traitent de fous de vouloir faire payer 70 ou 80 euros le dimanche ou tard le soir ». On citera également les déclarations similaires de M. Yannick Lartigue, représentant de la CFTC (112) : « une consultation à la maison médicale de la Rochelle coûte 60 euros, à débourser immédiatement : le patient, systématiquement prévenu par le centre 15 qui le régule, refusera les trois quarts du temps d'avancer la somme et préférera encombrer les urgences ».

Il semble que quand de telles conditions sont réunies, les passages aux urgences de patients relevant des catégories CCMU 1 et 2 (Classification Clinique des Malades des Urgences) (cf. infra) diminuent lorsqu'il existe une MMG dans l'enceinte hospitalière, de façon contiguë ou non aux urgences. Les renseignements fournis à ce sujet par la DHOS indiquent qu'au CH de Guingamp, le nombre de passages aux urgences des patients classés CCMU 1 a chuté de 43 % avec l'installation d'une MMG, dans les locaux des consultations externes. De même, au CH de Narbonne (Aude), la fréquentation des urgences a diminué de 10 % aux heures d'ouverture de la MMG. En outre, la DHOS indique que les évaluations faites dans les diverses MMG montrent que les patients interrogés signalent qu'ils auraient de toutes façons été aux urgences pour plus de 80 % d'entre eux s'il n'y avait pas eu de MMG.

● Les MMG constituent un point de repère pour la population en milieu très urbanisé

Lors de son audition, M. Jean-Yves Grall a expliqué qu'on constate dans certaines zones urbaines un problème d'accès aux soins des populations défavorisées. Or, avec les MMG, ces populations « retrouvent une balise à côté du service d'urgences, qui leur évite de s'y précipiter avec femmes et enfants » (113). Selon lui, une MMG en zone très urbanisée constitue donc « un point d'accroche », un « repère » qui pourra « servir utilement en cas de problèmes de santé publique importants », notamment de type pandémique.

De même, lors du déplacement de la mission dans le Nord, le directeur de l'ARH du Nord-Pas-de-Calais a estimé que la réorientation vers une MMG à l'accueil des urgences permettait de réintroduire ces populations dans le parcours de soins, en établissant une relation personnelle entre un praticien et un patient. De même, M. François Michel, (représentant de MG France), a indiqué que « les maisons médicales de garde ont à [s]es yeux un mérite essentiel : elles ont une fonction de balisage et permettent d'offrir au patient une solution dans le circuit du médecin traitant » (114).

● En zone rurale « les MMG sont considérées comme un socle pour le développement futur de véritables maisons de santé » (115)

Plusieurs interlocuteurs de la mission ont estimé que la création d'une MMG pouvait constituer un premier pas vers la constitution d'une maison de santé qui, aux horaires de la PDS, servirait de MMG. Selon M. François Michel, les MMG « auront permis la création d'une nouvelle offre de soins, notamment pour les soins primaires, sur la base d'un territoire », ce qui « n'est pas sans rapport avec les maisons de santé qui commencent à se développer un peu partout. On n'en compte encore que cinq ou six réellement opérationnelles, mais des dizaines de projets sont prêts à se concrétiser dès qu'on leur aura donné un contenu réglementaire. Les maisons médicales de garde auront à cet égard ouvert la route ».

Ainsi, lors de son déplacement à l'hôpital local du sud-ouest mayennais à Craon, la mission a été informée d'un projet de ce type, porté par les médecins libéraux qui, actuellement, assurent la PDS dans une MMG installée au sein même de l'hôpital local. Ce projet tend à transformer la MMG existante en une maison de santé rassemblant plusieurs cabinets médicaux et paramédicaux et servant de MMG aux horaires de la PDS. Conformément à la mesure n° 6 du « plan urgences », ce projet est censé favoriser l'installation de nouveaux médecins en leur offrant la possibilité d'exercer en zone rurale sous des statuts variés (remplaçant, salarié, collaborateur, associé etc.), moins contraignants que l'exercice en cabinet individuel.

Il semble en effet qu'en zone rurale, l'exercice au sein de maisons de santé soit appelé à se répandre au fur et à mesure que seront remplacés les médecins des générations précédentes, encore attachés à l'exercice libéral en cabinet individuel. M. Michel Combier, représentant de la CSMF, a d'ailleurs reconnu que  (116)« rares seront désormais les médecins qui souhaiteront s'installer durablement à la campagne, avec une petite maison près de leur cabinet ». Il a cependant estimé « qu'il est encore possible, grâce à des mesures intelligentes, d'attirer des jeunes dans ces secteurs, mais sur des formats plus courts d'exercice hebdomadaire, mensuel ou annuel, des modes de rémunération différents, sous le compagnonnage de médecins plus expérimentés ». De même, dans son rapport précité sur la féminisation de la profession médicale, Mme Irène Kahn-Bensaude constate qu'« il semble que l'époque où chaque village avait son curé, sa poste et son médecin soit révolue » et que « l'époque où le médecin avait son cabinet tout seul à la maison est bien terminée ». En effet, selon elle, « les femmes n'iront pas exercer en milieu rural, pas plus que les hommes, c'est pourquoi, l'exercice en multi-sites devra être développé ». Dans cette optique, elle considère qu'« il faudrait sans doute favoriser beaucoup plus le temps partiel ainsi que la création de maisons de santé qui serviraient de structures d'accueil à plusieurs médecins de spécialités différentes, travaillant parfois en multi-sites, ainsi qu'à des membres des professions paramédicales ». Elle explique en effet que l'organisation du travail en groupe « permet une meilleure continuité des soins avec plus de souplesse dans son emploi du temps », notamment s'il s'agit d'un groupe de professionnels de santé, associant infirmière, kinésithérapeute, etc., « car là ou il n'y a pas d'infirmière, il n'y aura pas de médecin et vice-versa ».

Proposition : Étudier les moyens de favoriser, par des mesures financières ou des adaptations règlementaires, le développement de maisons médicales de garde servant pendant la journée de maison de santé, notamment dans les zones rurales marquées par une démographie médicale déficitaire.

On relèvera encore que deux des 65 propositions formulées par la FHF pour le service public hospitalier (117) tendent à « promouvoir, par des mesures fiscales et conventionnelles, des maisons de santé (ou plateformes de services) chargées de la PDS mais aussi de la prévention, de l'éducation à la santé, de l'accompagnement social et médico-social », auxquelles « seront intégrées ou adossées » les MMG.

- Les MMG rurales adossées à un hôpital local. À l'image de celle de Craon (Mayenne), elles peuvent faciliter l'installation de nouveaux médecins, notamment si elles se développent en maisons de santé.

- Les MMG implantées à proximité immédiate des urgences, qui contribuent à leur désengorgement.

- Les MMG isolées en milieu urbain, qui permettent de réintégrer dans le dispositif du parcours de soins des populations défavorisées.

3. Le financement des maisons médicales de garde présentait jusqu'à présent un caractère expérimental

Comme l'indique le rapport de l'IGAS sur le fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) et la dotation de développement des réseaux (DDR) précité, le FAQSV a été « un accélérateur très important des projets de MMG ». Selon ce rapport, le fonds aurait en effet financé, de 2000 à 2004, 108 projets de MMG. Mais les règles de fonctionnement du FAQSV imposaient aux promoteurs de MMG de renouveler chaque année leur demande de crédits.

On rappellera que ce fonds, d'abord à caractère expérimental et temporaire - il avait en effet été créé par la LFSS pour 1999 (118) pour une durée de cinq ans - a été reconduit jusqu'en 2005, puis pérennisé par la LFSS pour 2006 (119). Néanmoins, les financements accordés dans le cadre du FAQSV manquaient encore de pérennité. Ainsi, M. Hubert Moser, représentant d'EG, a souligné devant la mission (120) que « les financements des structures de régulation prennent fin le 31 décembre - seule une petite marge étant prévue pour janvier et février -, et ne sont garantis par aucun texte ». Il a ajouté que : « la plus grande partie de notre énergie passe dans la recherche de financements et non pour véritablement améliorer le service de régulation », estimant être « à cheval entre un financement expérimental et un dispositif de régulation pérenne ». La mission IGAS/IGA se prononce également en faveur de l'arrêt des financements expérimentaux pour des dispositifs (régulation libérale, maisons médicales de garde) qui ont désormais vocation à s'inscrire dans un cadre financier stable ». De même, dans son rapport précité, M. Jean-Yves Grall rappelant que le financement des MMG par le FAQSV nécessite le dépôt d'un dossier annuel de reconduite des financements, estime qu'une telle « absence de garantie de pérennité du montant des financements, voire du financement tout court d'une année à l'autre » explique pour une part « les difficultés exprimées médiatiquement par de nombreux promoteurs » de MMG. Dans le même sens, les responsables de la MMG de l'hôpital Gouin rencontrés par la misison ont jugé la complexité de ces procédures décourageante pour les généralistes, qui ne sont pas formés à cela.

C'est pourquoi le rapport de M. Jean-Yves Grall préconise de « sortir les financements des MMG du FAQSV de façon à leur donner un caractère pérenne et opérationnel ». Il souhaitait que les promoteurs des MMG puissent « contractualiser un financement pérenne sur 5 an avec la MRS ».

Votre rapporteur souligne que l'article L. 221-1-1 du code de la sécurité sociale - issu de l'article 94 de la LFSS pour 2007 qui organise la fusion du FAQSV et de la DDR en un FIQSV (cf. supra) - prévoit que le FIQSV « finance des actions ou des structures concourant à l'amélioration de la permanence des soins et notamment les maisons médicales de garde ». Le même article précise que « l'attribution des aides peut être déconcentrée et confiée aux missions régionales de santé » et que « les aides peuvent être attribuées sur une base pluriannuelle ».

Ainsi, conformément aux préconisations du rapport de M. Jean-Yves Grall, le financement des MMG pourra être pérennisé sur cinq ans. Pour aller plus loin dans la pérennisation d ces structures, il convient de les doter d'un véritable statut.

4. Les maisons médicales de garde doivent s'inscrire dans un cadre réglementaire consolidé et suffisamment souple pour permettre de tenir compte des spécificités locales

Il ressort de ce qui précède qu'il est nécessaire d'inscrire les MMG dans un cadre cohérent, simplifié, lisible, et pérenne. Les renseignements fournis par la DHOS indiquent qu'une circulaire est en cours d'élaboration au ministère de la santé afin d'établir des recommandations et un cahier des charges type précisant le fonctionnement des MMG. Cette circulaire précisera également les modalités de création de maisons médicales, sous la responsabilité du préfet et en lien avec l'organisation de la permanence des soins et les réseaux des urgences, et sous la coordination des MRS. Elle devrait être publiée en 2007.

Pour l'heure, les travaux de la mission et les conclusions du rapport de M. Jean-Yves Grall permettent d'identifier 5 axes majeurs de consolidation des MMG.

Affirmant le lien évident entre les offres hospitalière et libérale, le rapport de M. Jean-Yves Grall propose de confier un rôle prééminent à la mission régionale de santé (MRS) dans le pilotage des MMG en la chargeant de délivrer l'autorisation de création ou d'installation d'une MMG suivant des critères croisés de besoins :

- importance de l'offre hospitalière ou libérale organisée (type SOS Médecins) présente sur les différents bassins de vie, territoires ou secteurs ;

- caractéristiques de fonctionnement des services d'urgences : activité, délai d'attente moyen, dans le cas d'implantation au sein même d'un établissement ;

- importance de la population, (une installation isolée en milieu urbain devant concerner un minimum de 60 000 à 70 000 habitants) ;

- le rayon d'action : en zone rurale, la MMG ne doit pas avoir un rayon d'action de plus de 30 à 35 km ;

- nombre de médecins potentiellement participant : en zones urbaines, un nombre potentiel de 100 médecins est raisonnable contre 20 à 30 seulement en zone rurale, du fait des différences observées dans les taux de participation des médecins.

Néanmoins, une telle procédure d'autorisation risquant d'allonger et de complexifier la création d'une MMG et de brider les initiatives locales, votre rapporteur juge inutile d'instaurer un régime d'autorisation administrative préalable pour les MMG. D'ailleurs, le financement public de la plupart des MMG offre déjà aux autorités administratives et à l'assurance maladie un moyen d'orienter, voire de contrôler, les conditions de création des MMG.

Le rapport propose également que le préfet intègre les MMG dans le cahier des charges départemental de la PDS et recommande d'organiser les secteurs de garde autour des MMG. Cela suppose notamment de resectoriser systématiquement le département lorsqu'une MMG est créée. Votre rapporteur note qu'un tel système a fait la preuve de son efficacité en Mayenne et que le cahier des charges des MMG - qui reprend les orientations définies par le comité national de gestion du FAQSV le 27 avril 2005 au vu d'une évaluation des MMG financées par le FAQSV - estime également que l'existence et le mode de fonctionnement de la maison de garde doit s'inscrire dans l'organisation de la PDS définie par le cahier des charges départemental, en cohérence avec le découpage sectoriel.

Ce cahier des charges ajoute que « la MMG doit demeurer une alternative dans l'organisation de la permanence des soins en ambulatoire, quand d'autres solutions ne fonctionnent pas » et qu'« en aucun cas il ne s'agit de systématiser la mise en place de ce type de structure ».

Le rapport Grall propose de simplifier la procédure d'éligibilité des MMG aux financements publics. Le dossier déposé par les promoteurs d'une MMG devrait simplement faire apparaître :

- la réponse à un besoin, qu'il s'agisse de structurer la PDS en zone rurale, de maintenir une offre de soins en zone urbaine défavorisée ou de désengorger des urgences hospitalières ;

- un mode de fonctionnement conforme au cahier des charges défini au niveau national ;

- un projet de budget.

À l'issue de l'examen de ce dossier, la MRS conclurait avec les promoteurs de la MMG un contrat garantissant pour cinq ans une enveloppe budgétaire annuelle. Le rapport Grall plaide également pour une procédure simple de suivi de l'activité de la MMG pendant une période quinquennale de financement contractualisé (cf supra), permettant éventuellement une transmission automatique des résultats à la MRS et pour une « évaluation unique » à l'issue de cette période quinquennale par la MRS conditionnant le renouvellement du contrat.

Ce système de financement pérenne et contractualisé paraît intéressant et pourrait faire l'objet d'expérimentations locales.

Votre rapporteur souligne par ailleurs la nécessité d'une évaluation des MMG, déjà en place, comme l'on reconnu plusieurs personnes entendues par la mission, dont M. François Michel, représentant de MG France, selon lequel « il serait bon que les MMG soient assurées d'un peu de durée et de visibilité, moyennant évaluation : si certaines maisons médicales de garde rurales rendent incontestablement un véritable service, d'autres ont une activité extrêmement faible ». Il a jugé qu'« il faut s'en assurer au cas par cas », au vu d'« un cahier des charges et d'une problématique mieux définie » (121).

Le rapport Grall détaille les orientations qui pourraient être prises, par voie de circulaire, pour orienter le pilotage des MMG qu'il propose de confier aux MRS. Ces orientations rejoignent globalement ce qui ressort des travaux de la mission.

En tout état de cause, il faut pouvoir orienter le développement des MMG tout en tenant compte des spécificités locales.

 La localisation des MMG

Le rapport propose de privilégier une implantation dans une enceinte hospitalière, tout comme M. Jérôme Antonini (FEHAP) selon lequel « l'intégration dans les locaux hospitaliers est (...) un facteur qui favorise la réussite » et pour lequel « l'environnement hospitalier offre un cadre relativement sécurisé pour les médecins libéraux ; il y a un filtrage avant l'accès au médecin, c'est un mode de régulation qui est à la fois souple et efficace » (122).

Pour les MMG rurales, dont l'implantation vise à structurer une PDS défectueuse pour des raisons liées à la démographie médicale, il plaide pour une implantation au sein d'un hôpital local ou à défaut d'un établissement d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD). Une telle situation semble en effet plus lisible pour les patients et plus sécurisante pour les médecins qu'une implantation isolée. En outre, la mission a pu constater à l'hôpital local du sud-ouest mayennais à Craon que les médecins apprécient la présence d'un personnel infirmier qui assure l'implantation hospitalière.

Pour les MMG isolées en zone urbaine, le rapport souligne l'importance de la sécurité des médecins participants. Il recommande donc de privilégier des locaux contigus ou proches d'autres structures effectuant une permanence : pompiers, police, gendarmerie, société de gardiennage, citant pour ce dernier cas l'exemple d'une MMG à Vénissieux. Il indique également qu'en cas de prestation de type SOS Médecins et de structures d'urgence hospitalière, il paraît inutile d'envisager des créations de MMG isolées en zone urbaine, sauf circonstances particulières.

Pour les MMG dont la création vise principalement à désengorger les urgences, le rapport juge que « des locaux doivent être identifiés, distincts, au mieux intégrés ou contigus au service d'urgence ». Il évoque notamment « la réutilisation aux heures de la PDS de locaux de consultations externes ».

Les observations faites par la mission lors de ses déplacements rejoignent sur ce point les conclusions du rapport Grall. Ainsi, à Laval, une MMG a été créée dans des locaux contigus à ceux des urgences après l'échec d'une précédente MMG isolée en milieu urbain : l'isolement avait nourri chez les médecins un sentiment d'insécurité. De même, dans la Nièvre, une maison médicale de garde a été installée dans les locaux du service des consultations du centre hospitalier de Decize. Ces locaux sont distincts de ceux des urgences sans en être très éloignés, ce qui permet à la MMG d'être clairement identifiée et de bénéficier de la proximité du plateau technique hospitalier.

● Les horaires d'ouverture des MMG

Le rapport admet que les horaires soient établis en fonction de l'activité constatée. Ainsi, il ne repousse pas l'idée d'une fermeture des MMG à minuit en semaine, voire d'une ouverture circonscrite au samedi et dimanche.

Pour votre rapporteur, il paraît effectivement utile que les MMG dont la création vise à désengorger les urgences organisent leurs horaires d'ouverture par rapport aux heures de surcharge du service des urgences, comme le précise, par exemple, le dossier de demande de financement de la MMG de Decize par le FAQSV.

● Les modalités d'accès aux MMG

Le rapport estime que l'accès devrait se faire préférentiellement « après régulation préalable de médecine générale parfois libérale située au sein du centre 15 » mais reconnaît que « le réalisme laisse à penser qu'un accès direct puisse être possible ». En effet, pour les MMG dont la création répond à un besoin de désengorgement des urgences, il ne faudrait pas que l'accès à la MMG soit plus difficile que l'accès aux urgences qu'elle vise précisément à désengorger.

S'agissant des transports à destination des MMG et de leur remboursement aux assuré, M. Patrick Bouet, représentant du Conseil national de l'ordre des médecins, a rappelé que « dans le cas de figure où un patient aurait à se déplacer auprès d'une maison médicale ou auprès d'un cabinet de médecins qui assurent la permanence de soins, le transport en ambulance n'est hélas plus pris en charge » (123). Votre rapporteur estime qu'une telle prise en charge mérite d'être envisagée et que pour éviter qu'un tel remboursement ne donne lieu à des abus, on pourrait, comme M. Thierry Schifano, président de la Fédération nationale des transporteurs sanitaires, l'a suggéré à la mission, prévoir un remboursement des transports sanitaires à destination des MMG, dès lors que ce déplacement est régulé par le centre 15. Ainsi, le mode de remboursement des transports n'inciterait pas les patients à se rendre aux urgences alors que leur état ne nécessite qu'une consultation de médecine ambulatoire. Pour votre rapporteur, le principe d'un tel remboursement constitue un corollaire à la politique de développement des MMG. Ses modalités méritent donc d'être mises à l'étude.

Dans le même ordre d'idées, on rappellera que l'instauration d'un système de tiers payant dans les MMG est souhaitable (cf. supra).

Proposition : Favoriser l'accès au tiers payant dans les maisons médicales de garde et envisager une prise en charge par l'assurance maladie du transport sanitaire non médicalisé des patients vers une maison médicale de garde au même titre que vers une structure des urgences.

● Le financement des MMG

Le rapport Grall passe en revue les différents postes de dépense et montre que les coûts d'investissement peuvent être limités, en moyenne, à 20 000 ou 25 000 €, et que les coûts de fonctionnement annuels oscillent entre 8 000 et 15 000 €. Le cahier des charges établi par le comité national de gestion du FAQSV, souligne l'extrême diversité des coûts des MMG, « largement fonction des choix organisationnels ». Il indique qu'« une attention particulière doit être accordée à la mutualisation des moyens (ressources humaines et équipements) » et que les projets reposant sur une telle mutualisation seront privilégiés pour l'obtention de crédits sur le FAQSV.

Votre rapporteur souligne à cet égard que l'implantation des MMG au sein d'enceintes hospitalières permet de limiter ces coûts, comme la mission a pu le constater avec la MMG de l'hôpital Gouin à Clichy, qui fonctionne sans financement public.

● Les intervenants des MMG

Le rapport rappelle qu'un nombre raisonnable de médecins est nécessaire pour que la MMG ait une certaine pérennité. Il insiste également sur le fait que les collectivités territoriales ne doivent être intégrées qu'en soutien annexe et que le projet doit être exclusivement porté par les professionnels. Il reconnaît néanmoins que les collectivités territoriales peuvent aider à trouver un local, sécuriser l'environnement ou participer à l'information de la population.

*

Pour conclure, on citera à nouveau le rapport Grall, selon lequel, pour les MMG « la notion de pérennité est très importante puisqu'un système qui se veut au service des populations doit être lisible et fiable. Lisible : il faut faire une communication pour que la population apprenne comment cela se passe. Mais, pour qu'elle comprenne et que ce soit lisible, il faut que les organisations soient pérennes et fiables. Il ne faut pas qu'un jour on se retrouve sans aucun effecteur tout simplement parce que ce n'est pas bien organisé ».

II.- AUX URGENCES : POURSUIVRE LES EFFORTS DE RÉDUCTION DES TEMPS D'ATTENTE ET DE PASSAGE DES PATIENTS

Les temps d'attente et de passage aux urgences peuvent constituer un indicateur de qualité pertinent pour les services, comme l'ont démontré les travaux de la Mission nationale l'expertise et d'audits hospitaliers (MEAH), constituée dans le cadre du Plan hôpital 2007. Surtout, ces critères sont au cœur du ressenti des patients, particulièrement des plus fragiles.

Entre la canicule de 2003 et le pic d'activité que les urgences ont connu à l'été 2006, la gestion des flux des patients semble avoir fait d'indéniables progrès.

Pour améliorer encore la qualité du service rendu aux patients, il semble désormais moins pertinent d'accroître les moyens des structures des urgences que d'y promouvoir une meilleure organisation des flux de patients - notamment des publics fragiles.

A. LE DÉSENGORGEMENT DES STRUCTURES DES URGENCES NE PASSE PAS NÉCESSAIREMENT PAR UN ACCROISSEMENT DE LEURS MOYENS

1. Les structures des urgences ont déjà bénéficié d'importants renforts de moyens dans le cadre du Plan urgences 2003-2008

● Des mesures en faveur des personnels hospitaliers affectés aux structures des urgences, SAMU et SMUR

La mesure n° 8 du Plan urgences a prévu la création d'un diplôme d'études spécialisées complémentaire (DESC) en médecine d'urgence pour lequel la formation a été ouverte dès la rentrée universitaire 2004 (124).

Par ailleurs, la mesure n° 4 du Plan vise à valoriser le métier de permanencier auxiliaire de régulation médicale (PARM) en ouvrant cette fonction aux professionnels paramédicaux et administratifs de catégorie B et en accordant aux PARM une nouvelle bonification indiciaire pour un coût total de 1,9 million d'euros. Dans le même sens, il est prévu de développer pour ces personnels une formation d'adaptation à l'emploi, accessible après un recrutement de niveau baccalauréat. Il est précisé que cette formation porte notamment « sur la conduite à tenir en situation d'urgence, sur les capacités d'écoute, d'accueil téléphonique, de discernement et de retransmission objective et rigoureuse des informations recueillies aux médecins du SAMU, ainsi que des éléments d'approche psychologique ».

● Le renforcement des équipes d'accueil

Soulignant la nécessité d'une meilleure organisation de l'accueil des urgences, la mesure n° 10 du Plan prévoit de créer des équipes d'accueil comportant un médecin senior, un infirmier organisateur et un travailleur social. Grâce à ces compétences pluridisciplinaires, de telles équipes sont censées assurer à chaque patient une orientation adaptée à son cas : 150 équipes de ce type ont été financées, pour un total de 29,4 millions d'euros sur trois ans (2004-2006).

● Le renforcement des équipes logistiques

La mesure n° 11 du Plan vise à renforcer les équipes logistiques des urgences, c'est-à-dire les secrétaires médicales, agents d'accueil, brancardiers et accompagnateur. Il s'agit de décharger les médecins et les infirmiers de tâches non-médicales, dégageant de ce fait du « temps médical », qui constitue selon le Plan urgences une « ressource rare » : cette mesure a été financée à hauteur de 18,4 millions d'euros depuis 2004.

● Le financement des remplacements et des heures supplémentaires

Enfin, la mesure n° 13 du Plan consacre 27,8 millions d'euros sur trois ans pour financer le remplacement de certains personnels absents. Il peut s'agir soit de recruter un remplaçant, soit de financer des heures supplémentaires. Le but de cette mesure est d'adapter les effectifs à l'activité. On signalera d'ailleurs que deux projets de décret, soumis à l'avis du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière le 15 novembre 2006, tendent à rétablir à 180 heures le plafond annuel des heures supplémentaires du personnel non médical des hôpitaux - ce qui correspond au contingent d'heures supplémentaires autorisées dans le secteur privé - et à porter ce plafond à 220 heures pour les catégories de personnels spécialisés subissant une forte tension démographique : infirmiers spécialisés, cadres de santé infirmiers, sages-femmes, sages-femmes cadres de santé, personnels d'encadrement technique et ouvrier et manipulateurs d'électroradiologie médicale. Un autre projet de décret vise à rendre plus attractives les conditions de rémunération des heures supplémentaires.

Au total, le Plan urgences a permis de créer, pour les structures des urgences, 451 postes médicaux et 1 871 postes non médicaux dont 942 postes d'infirmiers en 2004 et 2005.

● Les « lits portes »

La mesure n° 12 du Plan urgences tend à créer des zones de surveillance de très courte durée - ZSTCD ou : « lits portes », ou encore « unité d'hospitalisation de courte durée » (UHCD) - dans les services d'urgences qui en sont dépourvus : 46 millions d'euros y ont été consacrés depuis 2004.

Il s'agit d'une mesure structurelle, puisque l'article D. 6124-22 du code de la santé publique prévoit que chaque structure des urgences doit disposer d'une UHCD dont la capacité doit être « adaptée à l'activité de la structure », sans toutefois pouvoir comporter moins de deux lits. La circulaire du 16 avril 2003 relative à la prise en charge des urgences précise que cette ZSTCD n'est pas une unité d'hospitalisation à proprement parler. Sa vocation est de permettre une observation du malade avant un diagnostic définitif et une orientation en aval des urgences. Le placement en ZSTCD peut également permettre d'initier une prise en charge du patient dans une filière spécifique. Cette circulaire renvoie à une « charte » pour encadrer le fonctionnement de chaque ZSTCD, mais précise que la durée de séjour en ZSTCD ne doit pas dépasser 24 heures dans au moins 90 % des cas.

Lors de son déplacement à l'hôpital Beaujon, la mission a pu visiter une ZSTCD récemment rénovée. D'après les urgentistes, l'existence d'une telle zone permet de libérer plus rapidement les boxes de soins, d'éviter une hospitalisation ne nécessitant pas une surveillance de plus de 24 heures, et de disposer de plus de temps pour préparer l'admission des autres patients dans un service d'hospitalisation. De même, lors de son déplacement à Trappes, la mission a pu constater que la ZSTCD de l'hôpital privé de l'ouest parisien (HPOP) accueille des patients pour une durée moyenne de 16 heures et que le taux de rotation y est important. Ainsi, les ZSTCD constituent des structures de « premier aval » des urgences, dont M. Jérôme Antonini, représentant de la FEHAP, a souligné l'importance lors de son audition (125).

● Les systèmes d'information

La mesure n° 16 du Plan urgences vise à mettre en place « un système d'information complet sur les urgences », articulé à trois niveaux : l'établissement, la région et le niveau national. Un tel système doit « permettre :

- une gestion des flux de patients,

- une gestion médicale des dossiers,

- une connaissance des disponibilités en lits d'aval,

- et la connaissance qualitative et quantitative de l'activité.

Un financement de 22 millions d'euros était prévu dans le cadre du Plan hôpital 2007, complété par 4,2 millions d'euros dans le cadre du Plan urgences, pour le développement de l'informatique dans les structures des urgences.

Les objectifs d'une telle informatisation sont ambitieux. Dans son annexe, la circulaire du 16 avril 2003 précitée souligne que l'utilisation des technologies de l'information et de la communication « est indispensable pour une coordination renforcée entre les professionnels de santé, en amont et en aval des urgences ». On estime que si les informations recueillies par les équipes sur le lieu de la détresse et pendant le transfert en ambulance étaient transmises à la structure des urgences dans de meilleures conditions, cela se traduirait par un « gain de chance » pour le patient. De même, l'utilisation de ces technologies en intra-hospitalier est devenue indispensable dans divers domaines : tenue des dossiers médicaux, sécurité des prescriptions, traçabilité des données, gestion des flux, connaissance des disponibilités en lits sur le territoire, gestion des fermetures de lits - notamment en période estivale -, gestion des flux de patients, coordination en temps réel du réseau d'aval de prise en charge des urgences, archivage des données. La circulaire invite aussi à privilégier l'organisation des structures de soins en réseau, ainsi que les télétransmissions d'informations médicales. Pour conclure, elle juge « essentiel » que ce système d'information soit « évolutif », « inter-opérable avec les autres applications de la région » et qu'il respecte « la cohérence définie au niveau national ».

Il ressort des déplacements de la mission dans plusieurs hôpitaux qu'un système informatique performant contribue effectivement à accélérer la prise en charge des patients aux urgences. C'est notamment ce qui a été observé à l'HPOP de Trappes, où les urgences sont sous-tendues par un réseau informatique - avec des postes de consultation dans chaque box -, qui permet de suivre en permanence et depuis tout endroit du service la prise en charge d'un malade. De même, à l'hôpital Beaujon, le service des urgences a réussi à éliminer la quasi-totalité de ses procédures à support papier. Cependant, cet exemple montre les limites d'un effort circonscrit au seul service des urgences. En effet, aucune interconnexion n'est possible pour l'instant entre les urgences et leur amont (notamment les véhicules du SMUR), les unités sollicitées pour les examens complémentaires (notamment le laboratoire et la radiologie), ou les services d'hospitalisation. Ainsi, les personnels du service doivent entrer manuellement dans le logiciel du service les résultats des examens complémentaires. Sur ce point, le ministre de la santé et des solidarités a reconnu devant la mission que des progrès pouvaient encore être faits en matière d'utilisation aux urgences des moyens informatiques (126).

● Les locaux et les équipements

Pour ce qui est de l'adaptation des locaux et des équipements des structures des urgences, la mesure n° 17 du Plan urgences renvoie au volet « investissement » du Plan hôpital 2007. Le ministre a indiqué à la mission que sur 932 opérations d'investissement consenties pour ce volet, 139 concernaient les urgences. Selon les renseignements fournis par la DHOS, 126 opérations immobilières ont été engagées, pour un montant total de 415 millions d'euros.

Le bilan financier publié en mai 2006 (127) dans le cadre du Plan urgences indique que les SAMU et SMUR ont déjà bénéficié de 31,4 millions d'euros de financement, et les services d'urgences de 124,8 millions d'euros (cf. le tableau ci-dessous). De fait, la plupart des personnes entendues par la mission ont reconnu que les problèmes des urgences ne tiennent pas principalement à un manque de moyens. Comme l'a déclaré M. Michel Rosenblatt, représentant de la CFDT, « les services d'urgences hospitaliers ont d'ores et déjà bénéficié de grands plans quantitatifs, très médiatisés, visant à accroître leurs ressources » (128).

BILAN FINANCIER DU PLAN URGENCES 2004-2006

Source : dossier de presse du 23 mai 2006 sur les urgences.

2. L'accroissement des moyens ne suffit pas à désengorger les structures des urgences

Les études de la Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH) (129) suggèrent qu'il n'y a pas de corrélation entre la performance d'une structure des urgences et un accroissement de son niveau de ressources. Un tel accroissement pourrait même, dans une certaine mesure, être contre-productif par rapport à un objectif de désengorgement de ces structures. En réalité, les difficultés rencontrées par les structures des urgences tiennent à leur environnement plus qu'à leurs moyens.

● L'impact primordial des facteurs organisationnels

D'après le rapport de la MEAH sur les temps de passage et d'attente aux urgences, il n'a pu être démontré que le niveau de ressources d'une structure des urgences en locaux (surface, nombre de box, pondéré ou non par le nombre de passages) ou en équipements (pneumatique, système d'information...) ait pour impact de réduire les temps de passage des patients. Au contraire, Mme Elisabeth Beau, directrice de la MEAH, a indiqué devant la mission que « les travaux menés sur les seize premiers établissements tendent à montrer que plus on a de ressources, plus les temps s'allongent » (130). Selon elle, « un nombre élevé de médecins, d'infirmiers ou de brancardiers ne se traduit pas par des temps plus courts, bien au contraire. De même pour les surfaces : plus le service est grand, moins on a de visibilité, plus les temps de coordination s'allongent ». Elle a néanmoins reconnu que ces calculs « se fondent très largement sur une comparaison des établissements entre eux en termes de délais, d'efficience et de bonnes pratiques organisationnelles », sans évaluer l'impact, à demande constante, d'un accroissement ou d'une diminution des moyens d'un service.

Il ressort de ces analyses, comme l'a indiqué Mme Elisabeth Beau, que « le taux de praticiens seniors dans les services d'urgence est le seul critère de ressources des services d'urgences ayant une incidence directe sur le temps d'attente ». Selon le rapport précité, une telle corrélation n'existe qu'entre taux de séniorisation élevé de l'équipe médicale et temps de passages réduits pour les patients, ce qui semble confirmer « l'impact primordial des facteurs organisationnels » sur les temps d'attente et de passage des patients.

● La séniorisation et les conditions de carrière, enjeux de compétence, de reconnaissance et d'autorité

Il semble que l'autorité des urgentistes, censée résulter de la séniorisation des cadres des urgences, ne soit pas encore suffisamment établie dans tous les établissements.

Comme l'indiquent les informations fournies par la DHOS, la séniorisation des équipes a été largement engagée dans presque toutes les structures des urgences, notamment grâce au Plan urgences qui a permis la transformation de 135 postes d'assistant. En offrant des plus statuts attractifs aux médecins, il a permis de stabiliser les équipes.

Dans la même logique, les articles D. 6124-3 et D. 6124-11 du code de la santé publique prévoient que lorsque les équipes sont communes entre le SMUR et la structure des urgences, et qu'il n'existe qu'une seule ligne de garde, notamment la nuit, un dispositif d'astreinte doit être en place afin qu'un médecin senior soit présent en permanence, même en cas de sortie du SMUR.

Une très large majorité des personnes entendues par la mission s'est d'ailleurs montrée favorable à la séniorisation des urgences mais, en fait, l'objectif de séniorisation de l'effectif médical des structures des urgences n'est pas encore pleinement rempli, malgré la reconnaissance de la spécialité de médecine d'urgence. La montée en puissance d'une telle mesure demandera probablement plusieurs années. Comme l'a souligné devant la mission M. Philippe Aillères, représentant de la CFE-CGC, l'autorité de l'urgentiste et la confiance de ses collègues, « cela ne se construit pas en cinq ans » (131).

À cet égard, M. Patrick Pelloux a regretté que la séniorisation soit « restée très faible, en dépit des recommandations déjà formulées par le Pr. Adolphe Steg au Premier ministre Édouard Balladur... » (132). Les représentants du SNAM-HP (133) ont partagé ce constat et estimé avec M. André Elhadad, vice-président du SNAM-HP, qu'« il reste un très gros effort à faire pour améliorer la qualité, l'intégration et la carrière des urgentistes ». De même, M. Patrick Plaisance, chef du service des urgences à l'hôpital Lariboisière, a souligné la nécessité pour les médecins urgentistes d'avoir des « perspectives de promotion au sein de la médecine d'urgence ». Une telle promotion commence par l'accès au statut de praticien hospitalier (PH) : « tant qu'il n'est pas praticien hospitalier, [le médecin] a certes un statut mais celui-ci n'est pas extraordinaire ». Plus encore, M. Roland Rymer, président du SNAM-HP, a estimé que dans les centres hospitaliers universitaires (CHU), « les urgences doivent être dirigées comme les autres services, par des PU-PH (134) et on doit pouvoir y faire carrière. Cela signifie, dans les CHU, qu'il faut que les services d'urgence aient des chefs de clinique et qu'on puisse y faire une carrière universitaire ». Constatant pour le premier point que « nous sommes en passe de sénioriser vraiment les urgences en mettant des PU-PH à leur tête », il a toutefois regretté pour le second que « les chefs de clinique ont un peu de mal à arriver aux urgences ». En tout état de cause, pour lui, « On est en train de prendre conscience de l'importance fondamentale des services d'urgence. Ils ne sont pas encore des services comme les autres. Le but à atteindre est que l'on puisse y faire carrière ».

En tout état de cause, comme l'a dit M. Philippe Aillères (CFE-CGC) « sans l'autorité des médecins, rien n'est possible. Si l'on veut que les services d'urgence soient efficaces, il faut qu'ils aient en leur sein, au chevet des malades, des médecins auxquels on reconnaisse un minimum d'autorité » (135).

En effet, il ressort des travaux de la mission que les médecins expérimentés ont moins tendance que les plus jeunes à prescrire des examens complémentaires pour assurer leur diagnostic. En ce sens, M. Roland Rymer a estimé que « plus l'urgentiste est séniorisé (...) moins il demande d'examens complémentaires (...) sur dix passages aux urgences, il y a, en moyenne cinq examens radiologiques (...) il est clair que le nombre d'examens inutiles est inversement proportionnel à la qualité de la personne qui les demande ». Cela rejoint les observations de Mme Élisabeth Beau (136), selon laquelle « plus on approche les 100 % de seniors, plus les prescriptions sont fondées et adaptées, plus les avis sont donnés rapidement et plus les temps de passage diminuent ». C'est pourquoi M. Michel Rosenblatt, CFDT-Santé a déclaré : « nous soutenons la politique de séniorisation des urgences et estimons que le surcoût engendré par la présence aux urgences, 24 h sur 24, de praticiens hospitaliers expérimentés peut être largement compensé par les économies réalisées en évitant des hospitalisations inutiles » (137).

Surtout, l'autorité des urgentiste semble faciliter les négociations entre les structures des urgences et les services de soins, notamment celles qui concernent l'hospitalisation d'un patient pris en charge aux urgences. Les urgentistes rencontrés par la mission lors de ses déplacements se sont souvent plaints d'avoir parfois du mal à « imposer » l'admission d'un patient à leurs confrères des services de soins. Les négociations entreprises pour trouver des lits d'hospitalisation représenteraient d'ailleurs jusqu'à 30 % de leur temps de travail. M. Philippe Aillères témoigne : « entre un service qui, pour transmettre un malade au pneumologue, doit avoir fait le scanner pulmonaire, et un autre service d'urgence qui peut transmettre un malade au pneumologue, simplement parce qu'il a un argument clinique et un peu de biologie, il y a du temps gagné ».

A contrario, les urgentistes rencontrés à l'HPOP ont pu charger les infirmières des démarches de recherche d'un lit d'hospitalisation, se concentrant ainsi sur leur activité de soins, ce qui explique selon eux leurs bonnes performances en matière de temps d'attente et de passage. Le document remis par les représentants de la CFDT indique également que « le microcosme des urgences se trouve dans une situation de négociation constante avec les autres services, médico-techniques pour l'accès au plateau technique et clinique pour les avis de spécialité et la recherche de lits d'aval ». Il y est regretté qu'« une partie très considérable du temps est détournée des soins pour ces tâches ».

De même, la MEAH constate que « l'obtention d'avis spécialisés dans de moindres délais semble avant tout reposer sur de bonnes relations interpersonnelles ». Dans le cadre de ses expérimentations, elle a pu observer que le fait de réserver à un médecin senior les prescriptions d'examens spécifiques permet de réduire les temps de passage (cf. infra).

● Des urgentistes à statut précaire

Le manque d'autorité de certains urgentistes s'explique aussi par le fait qu'il existe aux urgences « une frange de médecins précaires, plus ou moins bien intégrés, qui ne bénéficient pas d'une très bonne considération de la part des PH ». Ainsi, M. Philippe Aillères (138) a jugé que « si on n'emploie que des médecins précaires, notamment des médecins à diplôme étranger, il est difficile d'asseoir l'autorité des urgentistes ». M. Michel Rosenblatt a, dans le même sens, regretté que, faute d'un nombre suffisant de médecins en formation, les hôpitaux soient amenés à « recruter des médecins formés à l'étranger et qui souvent mériteraient un complément de formation autrement que « sur le tas » » (139).

● Un manque de main-d'œuvre avéré et des pratiques irrégulières

Le recours à ces praticiens s'explique par une véritable pénurie de main d'œuvre. Un récent rapport (140) de M. Yvon Berland sur la démographie médicale hospitalière recense en septembre 2006, pour les postes de PH en médecine d'urgence, 540 postes à temps plein vacants (soit un taux de vacance de 23,2 %) et 234 postes à temps partiel vacants (soit un taux de vacance de 46,2 %).

Dans un rapport récent sur « les personnels des établissements publics de santé» (141), la Cour de comptes constate également une réduction « très substantielle du temps de travail du personnel médical hospitalier » [hors-CHU] sous l'effet conjugué :

- des mesures de politique nationale de réduction du temps de travail appliquées à l'hôpital (142) ;

- de l'application d'une directive européenne sur le temps de travail (143).

La Cour indique que le nombre d'emplois nouveaux nécessaires pour compenser cette diminution très substantielle du temps de travail médical a été officiellement chiffré à 3 500 mais relève que les estimations internes de l'administration faisaient état d'un nombre bien supérieur, de l'ordre de 6 200.

La mission a également pu constater l'impact de la pénurie d'urgentistes sur le fonctionnement du CH de Nevers. La structure des urgences ne peut y fonctionner qu'en employant des médecins remplaçants (dits « intérimaires ») et l'emploi de ces personnels pose deux problèmes majeurs :

- d'une part, leur niveau de compétence est inégal ;

- d'autre part, le recours à un intérimaire coûte 1 100 € par jour, soit 2,5 fois plus cher qu'un titulaire, ce qui représente un surcoût annuel de 800 000 € pour les urgences de Nevers.

Dans le même sens, M. Christophe Prudhomme, représentant de la CGT, a indiqué que « les effectifs et la qualité des médecins ne sont plus au rendez-vous dans les grands hôpitaux parisiens ». D'après lui, « il est (...) fait appel à des intérimaires, des médecins mercenaires qui viennent travailler pour 1 000 à 1 500 € la journée, ce que la Cour des comptes vient de contester » (144).

En effet, dans son récent rapport sur les personnels des établissements publics de santé, la Cour a précisé que cette pénurie a rendu difficile le respect des conditions réglementaires d'emploi et de rémunération des médecins remplaçants (145). Le rapport constate aussi que le recours à des remplaçants dans des conditions irrégulières s'est récemment aggravé, sous l'effet conjugué de l'augmentation du nombre de postes vacants dans les hôpitaux et de la réduction du temps de travail des médecins, qui a réduit le temps médical disponible.

Un précédent rapport de l'IGAS (146) avait par ailleurs montré que le recours aux médecins temporaires répondait à des préoccupations opposées. Dans les établissements attractifs, il permet aux médecins d'accroître leur rémunération, en cumulant irrégulièrement les emplois, et aux directeurs d'hôpital soit de s'attacher les services de certains praticiens, soit de faire face, de manière ponctuelle, à une pénurie. En revanche, ailleurs, l'emploi médical temporaire sert de manière structurelle à combler une pénurie de médecins, au prix d'irrégularités répétées dans tous les domaines.

Le rapport précité de la Cour des Comptes relève à ce titre, non seulement des rémunérations non réglementaires, mais aussi des renouvellements illégaux de nominations en position de contractuel et la conclusion de contrats à durée illimitée. Il relève également des cas de cumuls illégaux d'activités : certains praticiens hospitaliers à temps plein seraient inscrits parallèlement dans les fichiers des sociétés de placement, ce que la réduction du temps de travail rend plus aisé. Le rapport constate encore des infractions au temps de repos et à la limitation du temps de travail. Plus encore, la Cour a relevé des cas d'infractions aux règles relatives aux qualifications requises pour l'exercice de la médecine (non inscription à l'ordre des médecins, exercice de la médecine alors que le praticien est suspendu). La Cour conclut qu'« une telle situation n'est pas acceptable au regard tant de l'équité entre médecins que de la qualité des soins et la sécurité de la prise en charge des malades ».

● La nécessaire mutualisation des effectifs

Dans ce contexte, il semble pourtant qu'il serait vain d'allouer des moyens supplémentaires aux structures des urgences. Au contraire, le renforcement des effectifs médicaux peut résulter de la mutualisation des effectifs entre plusieurs structures. C'est notamment le cas du CH de Laval, cité par la Cour des Comptes. La réponse du directeur à la Cour indique qu'« afin de limiter le recours aux remplacements médicaux », le CH mise sur une « fédération médicale inter-hospitalière (FMIH) entre les établissements publics de santé de Laval, de Mayenne et de Château-Gontier ». Un tel système va dans le sens de la mesure n° 13 du « plan urgences » qui vise à « adapter les effectifs à l'activité », tout en tenant compte de ses variations.

Les auditions auxquelles la mission a procédé ont permis de mettre en exergue le risque de voir les urgences devenir un « hôpital dans l'hôpital », notamment dans les grands CH ou CHU.

● Le bon usage des « lits portes »

La création de nouveaux « lits portes », pour utile qu'elle soit dans une certaine mesure, ne doit pas conduire à allonger immodérément la durée de séjour des patients aux urgences.

Tout en reconnaissant que « s'agissant des lits portes, la profession n'est pas unanime », M. Philippe Aillères, représentant de la CFE-CGC, s'est montré réservé quant à leur développement (147) : « je fais partie de ceux qui pensent que plus un service d'urgences a de lits, plus il devient un hôpital dans l'hôpital et plus on considère comme acceptable qu'un patient soit hospitalisé aux urgences, alors qu'il aurait dû l'être dans les autres services d'hospitalisation ». Il a toutefois reconnu l'utilité de tels lits pour les patients qui « ont besoin d'être observés 24 heures - par exemple en cas d'intoxications alimentaires, médicamenteuses ou alcooliques aigues », comme pour les « déshérités », que l'hôpital héberge quelques temps pour de menues pathologies sans qu'il soit justifié de les faire admettre dans un service de soins.

De même, dans un document remis par les représentants de la CFDT, celle-ci souligne que la créations de lits portes pour les suites d'urgences, destinés aux patients pouvant sortir à très brève échéance, constitue « une mesure structurante pour l'organisation des filières internes ». Elle juge « essentiel » de développer les capacités de post-urgences sous forme d'unités d'hospitalisation de très courte durée, mais sous réserve qu'« un contrôle rigoureux » soit mis en place pour éviter de reproduire dans ces structures une activité traditionnelle de médecine interne.

Selon votre le rapporteur, les lits portes ne doivent pas être détournés de leur objet : une surveillance d'une durée inférieure à 24 heures pour la quasi-totalité des patients. Exceptionnellement, on pourrait toutefois envisager de prolonger cette durée, notamment lorsque le transfert d'un patient vers une structure extérieure est long à organiser. On signalera à cet égard que M. Philippe Juvin, chef du service d'accueil des urgences à l'hôpital Beaujon, a évoqué l'utilité d'une telle prolongation pour les personnes âgées en perte d'autonomie et nécessitant un transfert dans une structure adaptée (cf. infra).

● L'accroissement des capacités d'accueil peut contribuer au mauvais usage des urgences

L'accroissement des capacités d'accueil et de traitement des urgences peut conduire à un détournement du système par des patients qui se rendent aux urgences pour bénéficier d'examens ou de soins dans de meilleurs délais que si ces actes étaient programmés.

Plusieurs médecins rencontrés par la mission lors de ses déplacements ont fait état de tels abus. C'est notamment le cas des praticiens de l'hôpital Beaujon, selon lesquels « un grand classique » consiste, pour un PH, à envoyer aux urgences un patient qui nécessite un acte qu'il ne souhaite pas prendre en charge dans son propre service. On constate ainsi une suroccupation des plateaux techniques par les patients issus des urgences.

Votre rapporteur estime que de tels phénomènes de court-circuit sont légitimes pour les cas d'urgence vitale, mais pas pour des cas qui pourraient être programmés. M. Patrick Pelloux, représentant l'Association des médecins urgentistes hospitaliers de France (AMUHF), a lui aussi regretté que « la longueur du délai de prise en charge programmée dans les services de soins peut inciter les patients à se rendre aux urgences pour une prise en charge plus rapide » (148). M. Christophe Prudhomme, de CGT Santé, a apporté un élément d'explication de ce phénomène : « si de nombreux hôpitaux n'acceptent plus de consultation en externe, c'est parce qu'ils n'arrivent déjà plus à assurer les consultations en interne. Les malades viennent donc aux urgences ». (149)

On peut donc estimer avec M. Michel Rosenblatt, de CFDT Santé, qu'« il ne faut pas renforcer les services d'urgences mais plutôt favoriser des modes alternatifs de prise en charge des urgences médicales et prévenir les passages inutiles aux urgences, notamment en programmant dans les services d'hospitalisation certains actes qui sont actuellement effectués aux urgences, de façon non programmée » (150).

Dans le cadre de la « tarification à l'activité » (T2A), le financement des structures des urgences est en partie proportionnel à l'activité de ces structures. Il comprend en effet un forfait annuel et un tarif par passage.

PRÉCISIONS SUR L'APPLICATION DE LA T2A AUX STRUCTURES DES URGENCES

Le financement des urgences est soumis en France à un système mixte : un forfait annuel versé à chaque structure autorisée, et un tarif par passage.

● Un forfait annuel « urgences » (FAU) visant à couvrir une partie des charges fixes des hôpitaux disposant d'un service d'urgence est prévu dont les règles de calcul sont déterminées au plan national. Il est uniforme pour tous les établissements jusqu'à un certain nombre annuel de venues, puis est majoré d'un montant standard par paliers de 2 500 ou 5 000 venues. Ainsi, pour 2005

- le forfait annuel urgences (FAU) s'élève à 505 710 € pour les hôpitaux publics et privés PSPH, 350 382 € pour les hôpitaux privés non-PSPH ;

- il s'applique jusqu'à un seuil de 5 000 venues dans les hôpitaux publics et privés PSPH, et de 12 500 venues dans les hôpitaux privés non-PSPH ;

- il est ensuite majoré de 184 182 € par palier de 2 500 venues dans les hôpitaux publics et privés PSPH, et de 91 404 € par palier de 5 000 venues dans les hôpitaux privés non-PSPH ;

Un complément à ce forfait peut être versé au titre de l'aide à la contractualisation.

● Un tarif « accueil et traitement des urgences » (ATU), est par ailleurs versé aux établissements pour chaque passage aux urgences non suivi d'une hospitalisation (laquelle génèrerait la facturation d'un « groupe homogène de séjour » - GHS). Ce tarif est unique quel que soit le mode ou l'établissement de prise en charge.

Il s'élève à 25 € à la fois pour les établissements publics et privés, PSPH ou non. Toutefois, un tarif spécifique d'un montant de 19,05 € s'applique aux structures d'urgence non autorisées, pour des venues non programmées, ce tarif couvrant forfaitairement les frais de petits consommables.

On note enfin une modalité de financement spécifique dans les ZSTCD sur la base du GHS de la CM 24 (séjours de moins de 48 h).

Dans le secteur public et privé PSPH, ce mode de financement n'est pas exclusif de la facturation des consultations (lettres C) et des actes externes (lettres K, B et Z, ou depuis octobre 2005 : actes CCAM pour les actes techniques).

Source : Extrait du site internet du ministère de la santé et des solidarités (http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/t2a/doc_pdf/urgences.pdf)

Il ne semble pas que l'application de la T2A aux urgences ait joué sur le volume d'activité de ces structures, puisque la DHOS fait observer que, au contraire, depuis la mise en œuvre de la T2A, l'activité des structures des urgences a été freinée (cf. supra).

Il n'en demeure pas moins que certains urgentistes ont le sentiment que la T2A ne les incite pas à consentir des efforts de désengorgement des urgences. C'est notamment le cas de M. Philippe Aillères (151) : « aujourd'hui, en France, nous sommes financés au volume. Plus je vois de malades, plus j'ai d'argent. Je n'ai donc aucun intérêt à développer les maisons médicales ou les dispensaires. (...) Tant que le dispositif existera tel quel, les hospitaliers ne seront pas encouragés à réguler les flux ».

C'est également le cas de M. Jean-Yves Grall qui estime dans son rapport sur les MMG que le mécanisme de financement des urgences au passage (ATU) et au forfait (FAU) selon différentes tranches de passages, peut rendre indirectement coûteux tout dispositif de désengorgement de leur structure - notamment la création d'une MMG. Par exemple, la diminution observée et quantifiée du nombre de passages aux urgences sur les catégories CCMU 1 et 2 (cf. encadré ci-après) a un effet financier indirect qui peut freiner l'expérimentation ou le développement de tels dispositifs.

Proposition : Étudier les modalités d'une éventuelle prise en compte de la présence d'une maison médicale de garde à proximité d'une structure des urgences dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens conclu entre cet établissement et l'agence régionale d'hospitalisation (ARH), afin de ne pas le défavoriser financièrement dans le cadre de la tarification à l'activité (T2A).

LA CLASSIFICATION CLINIQUE DES MALADES DES URGENCES (CCMU)

La classification clinique des malades des urgences (CCMU) classe selon 7 degrés de gravité les patients des structures des urgences :

- CCMU P : patient présentant un problème psychologique et/ou psychiatrique dominant en l'absence de toute pathologie somatique instable ;

- CCMU 1 : état lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés stables. Abstention d'acte complémentaire diagnostique ou thérapeutique à réaliser par le SMUR ou un service d'urgences ;

- CCMU 2 : état lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés stables. Décision d'acte complémentaire diagnostique ou thérapeutique à réaliser par le SMUR ou un service d'urgences ;

- CCMU 3 : état lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés susceptibles de s'aggraver aux urgences ou durant l'intervention du SMUR, sans pour autant que soit mis en jeu le pronostic vital ;

- CCMU 4 : situation pathologique engageant le pronostic vital. Prise en charge ne comportant pas de manoeuvres de réanimation immédiate ;

- CCMU 5 : situation pathologique engageant le pronostic vital. Prise en charge comportant la pratique immédiate de manoeuvres de réanimation ;

- CCMU D : patient décédé. Pas de réanimation entreprise par le médecin SMUR ou du service des urgences.

Source : Observatoire régional des urgences de Midi-Pyrénées (www.oru-mip.fr)

Lors de leur audition par la mission (152), les représentants de la Fédération hospitalière de France (FHF) ont quant à eux insisté sur « le maillage du territoire par des structures des urgences caractérisées par un petit nombre de passages, qui jouent un rôle de proximité auprès de la population » jugeant que « leur financement n'est pas à la hauteur de ce qu'il devrait être », au vu des estimations de la FHF selon lesquelles « pour qu'une structure d'urgence soit financièrement équilibrée, son activité doit être de 15 000 passages par an ».

Or il ressort de l'article R. 6123-9 du code de la santé publique, précisé par un arrêté du 12 juillet 2006, qu'une structure des urgences peut être autorisée, dès lors que l'établissement de santé intéressé a une activité de médecine d'urgence supérieure à 8 000 passages par an (153). La FHF estime que, dans ce cadre, la T2A permet aux établissements importants de compenser par le volume de leur activité ce qu'ils perdent éventuellement en recettes : qui a des médecins
- ce qui n'est pas le cas de toutes les régions - peut produire des séjours et des actes ; qui peut produire des séjours et des actes produit des recettes et donc peut recruter des médecins. Par contre, les régions sous-dotées sont prises dans une spirale négative.

C'est pourquoi la FHF plaide pour la mise en place de « MIGAC de continuité territoriale » - dotation forfaitaire versée au titre de missions d'intérêt général (MIG) et d'aides à la contractualisation (AC). Devant la mission, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, ne s'est pas déclaré hostile à une telle idée, considérant que la prise en compte des contraintes géographiques pourrait justifier l'instauration de tels MIGAC territoriaux.

Dans la même logique, le rapport Grall propose de « faire évoluer la classification commune des actes médicaux en dévalorisant fortement les actes liés à des prises en charge de patients des catégories CCMU 1 et 2 et a contrario en valorisant les ATU ou les GHS des patients relevant d'une prise en charge initiale dans un service d'urgences. Cette proposition est d'ailleurs reprise par le syndicat national des urgentistes de l'hospitalisation privée (SNUHP), qui préconise un « ATU modulable »  (154).

On pourrait discuter cette proposition en faisant par exemple valoir que dans le système de T2A appliqué aux urgences, la mécanique incitative principale réside dans le calcul du forfait FAU pour les établissements qui sont proches du changement de tranche. Si quelques passages (ATU) supplémentaires lui permettent de passer à la tranche supérieure, l'incitation peut s'avérer réelle, mais elle n'en demeure pas moins indépendante du tarif de l'ATU. En tout état de cause, cette proposition mérite d'être étudiée.

3. L'organisation des urgences doit favoriser l'implication des services d'hospitalisation dans la prise en charge des urgences

Il ressort des travaux de la mission que la création, puis le renforcement des urgences ont souvent été mal perçus par les responsables des autres services.

On retiendra par exemple les déclarations de M. Marc Giroud, du SAMU de France, qui a constaté au sein de la communauté hospitalière « une sorte de rejet de la dimension médecine d'urgence, au point que beaucoup s'écrient ou pensent : « Assez des urgences ! » » (155).

Selon lui, le renforcement des structures des urgences a eu pour effet d'isoler les urgentistes et d'inciter les autres spécialités, notamment médicales, à délaisser la prise en charge des urgences. C'est pourquoi il juge que « l'hôpital n'a pas vraiment assumé sa dimension urgence ». De même, selon M. Patrick Pelloux, « l'institution hospitalière n'a pas voulu reconnaître les prérogatives des services d'urgences » (156).

On observe qu'une meilleure prise en charge des urgences médicales passe moins par un renforcement des moyens des structures hospitalières que par une organisation de la prise en charge des patients associant toutes les compétences médicales disponibles dans l'établissement, ce qui permet de rompre l'isolement des urgentistes, dont les structures sont souvent perçus comme un « hôpital dans l'hôpital » (cf. supra). L'implication des autres services peut prendre principalement deux formes :

- la participation directe de spécialistes issus de divers services ;

- la tenue de consultations non programmées dans certains services d'hospitalisation.

● La participation à une structure des urgences de spécialistes issus d'autres services

La circulaire précitée du 16 avril 2003 relative à la prise en charge des urgences recommande d'impliquer les spécialistes dans le diagnostic établi aux urgences. Elle recommande de développer la mutualisation des moyens médicaux entre services. Elle indique aussi que les modalités d'intervention des médecins seniors des services de spécialité, ou des internes qu'ils délèguent sous leur responsabilité, doivent, en tant que de besoin, être systématiquement et préalablement organisées et précise que cette organisation doit être formalisée entre le service des urgences et tous les services.

Une telle implication semble en effet contribuer à réduire le temps de prise en charge des patients des urgences. Ainsi, aux urgences de l'HPOP à Trappes, la MEAH a pu constater que les généralistes sont en général facilement joignables et que certains spécialistes passent régulièrement le matin ou le soir dans le service des urgences.

De même, M. Michel Rosenblatt, représentant de la CFDT, a souligné devant la mission que « la séniorisation des personnels médicaux des urgences ne passe pas exclusivement par le recrutement de médecins urgentistes ». Il a en effet jugé « utile d'associer aux urgentistes des médecins d'autres disciplines, soit pour apporter aux premiers des avis spécialisés, soit pour familiariser les seconds avec la médecine d'urgence ». Selon lui, « une telle association peut prendre, par exemple, la forme de tours de garde effectués aux urgences par des praticiens d'autres services », car « de telles expériences ont un impact très positif sur la coordination des différents services hospitaliers » (157). Aussi, a-t-il plaidé pour que le principe suivant lequel tous les services participent à la prise en charge des urgences médicales soit réaffirmé officiellement.

● Le développement de consultations non programmées dans les services d'hospitalisation

Affirmant que les urgences sont une mission fondamentale de l'hôpital, le Plan urgences prévoit que « c'est l'ensemble de l'établissement, dans toutes ses composantes, qui doit concevoir un projet collectif de prise en charge des urgences et du partage entre activités programmées et non programmées ». Dans ce but, la mesure n° 14 du Plan vise à répartir la charge de la mission de l'urgence et prévoit que dans le cadre de la contractualisation interne à l'établissement, les services les plus concernés puissent mettre en place des consultations non programmées permettant aux patients de ne pas passer par les urgences ou d'être réorientés dès l'accueil.

Quelle que soit la forme de l'association des services de spécialité organiques à l'organisation de la prise en charge des urgences (consultations non programmée ou présence de praticiens au sein des structures des urgences), l'objectif est de rompre l'isolement des urgentistes et d'impliquer les services de spécialité dans la problématique des urgences.

Proposition : Favoriser l'implication des spécialistes de services d'hospitalisation dans l'accueil des urgences.

4. La prise en charge des urgences doit être mieux répartie entre le secteur public et le secteur privé

Comme M. Patrick Goldstein, président de la Société française de médecine d'urgence (SFMU) l'a indiqué lors de son audition, si, pour certaines spécialités, le public et le privé « sont pris dans un système compétitif (...) en revanche, dans le monde de l'urgence, nous devons nous attacher à deux notions : la mutualisation et la complémentarité » (158).

● Les statistiques

D'après les statistiques présentées dans une étude récente de la DREES (159), 122 des 622 unités d'urgences autorisées en 2004 étaient situées dans des établissements privés à but lucratif, essentiellement des structures de proximité (160).

En 2004, la part des passages aux urgences dans le secteur privé à but lucratif est passée de 7,6 % à 11,3 %, soit une progression de 13 %, alors que l'activité des services d'urgences diminue légèrement dans le secteur public
(-1 %). La DREES rapporte cette croissance à la création de 10 nouveaux services en 2004 et à la montée en charge de ceux créés en 2003 et précise que la taille moyenne des services d'urgences du secteur privé à but lucratif a augmenté de 3 %. Néanmoins, la part de l'activité de ce secteur demeure très variable d'une région à l'autre (de 0 à 33 %), et ne dépasse les 15 % que dans cinq d'entre elles (en Languedoc-Roussillon, Haute-Normandie, Aquitaine, Midi-Pyrénées et Corse).

Les services d'urgences des établissements privés à but lucratif sont en moyenne de plus petite taille que ceux des établissements publics ou ceux des hôpitaux privés participant au service public hospitalier (PSPH) : 13 000 passages annuels en moyenne, contre 22 000 dans le secteur PSPH et 25 000 dans le public.

● La population accueillie

La population accueillie ne diffère pas sensiblement de celle qui est prise en charge dans le public. Selon M. Roger Ken Danis, représentant de la fédération de l'hospitalisation privée (FHP), la proportion de patients en CCMU 1, c'est-à-dire dont les pathologies sont les moins graves, est de 37 % dans le public et de 33 % dans le privé. Ceux qui relèvent d'une véritable urgence représentent 62 % dans le public et 66 % dans le privé. Pour les urgences vitales qui nécessitent une réanimation, le privé est un peu moins bien placé : 1 % contre 1 à 3 % dans le public, écart qu'il attribue au fait que les SAMU ont tendance à préférer le secteur public pour la prise en charge des urgences vitales.

En outre, l'hospitalisation privée à but lucratif peut prendre en charge des populations défavorisées, comme c'est le cas de l'hôpital privé de l'ouest parisien, situé à Trappes (Yvelines). Le maire de Trappes, M. Guy Malandain, dont la mission a visité l'hôpital privé - Hôpital de l'ouest parisien (HPOP) - a dépeint à la mission le contexte social dégradé dans lequel cet hôpital s'insère. D'après la direction de l'établissement, c'est pourtant de Trappes même que proviennent 30 % des patients accueillis.

● Une plus grande fluidité

Enfin, les représentants de l'hospitalisation privée affirment (161) que leurs urgences ne souffrent pas des mêmes phénomènes d'engorgement que les structures publiques, en raison de deux évolutions essentielles intervenues au cours des dix dernières années :

- l'explosion de la chirurgie ambulatoire,

- la diminution des durées moyennes de séjour à la suite de l'application de la tarification à l'activité qui a considérablement réduit le blocage en lits.

Dans ce contexte, il semble que les lits d'aval sont plus facilement disponibles dans certaines cliniques que dans la plupart des hôpitaux, comme cela a également été souligné à l'HPOP à Trappes.

De plus, le taux d'hospitalisation des patients pris en charge dans les structures des urgences paraît structurellement moins élevé dans le privé que dans le public (cf. graphique ci-après). Comme l'a expliqué M. Michel Rosenblatt, représentant de la CFDT, « la principale différence entre l'hôpital et la clinique, de ce point de vue, est que l'hôpital dispose d'internes, dont on peut d'ailleurs se demander si, faute d'expérience, ils n'ont pas tendance à hospitaliser leurs patients par excès de précaution » (162).

TAUX D'HOSPITALISATION À L'ISSUE DU PASSAGE AUX URGENCES

Source : DREES, « L'activité des services d'urgences en 2004 », in Etudes et résultats n° 524, septembre 2006.

Ainsi, le secteur privé offre des capacités d'accueil et de traitement des urgences croissantes. Pour M. Roger Ken Danis, « l'évolution se fait aujourd'hui, tout naturellement, vers l'augmentation de la part du secteur privé » car « manifestement, quand un centre d'urgences ouvre, les patients ne font pas de différences fondamentales. Ils viennent » (163).

Comme l'a souligné M. Roger Ken Danis, les praticiens ne pratiquent pas de dépassement d'honoraires dans les structures des urgences du secteur privé à but lucratif. Il a affirmé qu'« il serait d'ailleurs inadmissible qu'il y en ait pour un patient entré dans l'établissement par les urgences puisque, par nature, les conditions nécessaires pour un éventuel dépassement d'honoraires ne sont pas réunies, à savoir le libre choix et le consentement éclairé préalable », soulignant que « c'est, pour l'ensemble de la fédération, une règle absolue », qui ressort d'ailleurs du code de déontologie médicale.

En conséquence, il n'existe entre les secteurs publics et le secteur privé à but lucratif, aucune différence dans la prise en charge des urgences du patient.

Selon M.  Ken Davis, le recours d'un patient aux urgences privées n'entraîne pas non plus de surcoût pour l'assurance maladie - au contraire. Il a souligné l'efficience du secteur privé à but lucratif, car les moyens mis en place y sont indiscutablement plus légers que dans le secteur public. Il a également précisé à la mission qu'un médecin dans le secteur privé assure 4 900 passages par an, contre 3 300 pour un médecin dans le secteur public en équivalents temps plein (ETP) (cf. le graphique ci-dessous). Pour les infirmiers, le taux s'établit à 1 960 passages par an contre 1 160 dans le public.

NOMBRE DE PASSAGE ANNUEL PAR ETP MÉDICAL

Source : DREES, « L'activité des services d'urgences en 2004 », in Etudes et résultats n° 524, septembre 2006.

Lors de leur audition, les représentants du Syndicat national des urgentistes de l'hospitalisation privée (SNUHP) ont affirmé qu'un passage dans un service d'urgence coûte environ 100 € dans le privé, contre 140 à 150 € dans le public. Ils apportent deux explications à cette différence :

- en l'état actuel de montée en charge de la T2A, les FAU du secteur public s'établissent à 500 000 € pour 5 000 ATU plus 175 000 € par tranche de 2 500 ATU supplémentaires, alors qu'ils s'établissent dans le privé à 350 000 € pour 12 500 passages plus 92 000 € par tranche de 5 000 ATU supplémentaires (164).

- la réduction du temps de travail des personnels médicaux hospitaliers oblige le public à disposer de 5,7 ETP médicaux pour assurer la continuité des soins, contre 3 à 4 dans le privé, où les médecins exercent à titre libéral.

Les représentants de l'hospitalisation privée regrettent que le centre 15 ne sollicite pas plus leurs structures des urgences. Selon M. Roger Ken Danis (165), « le centre 15 n'adresse que 15 % de ses patients au secteur privé (...) comme le SAMU est souvent installé dans les locaux de l'hôpital public, le centre 15 dirige encore trop peu vers les urgences privées », de sorte que « lors d'une catastrophe, d'un déraillement ou d'un incendie, on assiste à un engorgement momentané, ponctuel, des urgences publiques, alors que les urgences privées qui sont également mobilisées et qui se trouvent parfois à cinq kilomètres des faits ne voient rien passer ». Il en conclut que « ce n'est pas une bonne utilisation des moyens ».

Les représentants du SNUHP ont partagé ce constat en citant une étude de 2004 selon laquelle « 4 % des patients admis aux urgences des cliniques privées y ont été orientées par le 15, les extrêmes allant de 1 à 10 % », contre 25 % par un médecin. Selon eux, « il n'est pas rare que des pompiers conduisent des accidentés de la route ou du sport à l'hôpital éloigné de 10 ou 15 kilomètres, alors que la clinique n'est qu'à quelques mètres et pourrait prendre en charge ces patients ». Ils ont donc estimé que « l'un des moyens de désengorger les urgences, surtout dans les grandes villes, serait de faire prendre en charge par nos services une partie des actes régulés le soir et la nuit ».

B. UNE MEILLEURE ORGANISATION DES URGENCES PERMET UNE RÉDUCTION SIGNIFICATIVE DES TEMPS D'ATTENTE ET DE PASSAGE AINSI QU'UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE DES PATIENTS

1. Certaines méthodes de travail permettent de réduire les temps d'attente et de passage des patients

Les « bonnes pratiques organisationnelles » identifiées par la MEAH dans son rapport sur les urgences ne constituent pas des solutions valables dans tout contexte. Comme elle le reconnaît elle-même, les clés du succès de l'organisation interne des structures des urgences sont multi-factorielles, liées notamment à l'environnement, aux ressources, au type de flux, au volume d'activité et à la capacité des équipes de mener une réflexion sur leur organisation. Sous cette réserve, ces « bonnes pratiques » méritent d'être citées.

Selon l'article D. 6124-18 du code de la santé publique lorsque l'activité de la structure des urgences le justifie, celle-ci peut comprendre un infirmier d'accueil et d'orientation (IOA), chargé de mettre en œuvre, par délégation du médecin, les protocoles d'orientation et de coordonner la prise en charge du patient.

● Mettre en place un « infirmier - coordinateur de flux »

Selon la MEAH, il ne peut s'agir que d'infirmiers connaissant bien le fonctionnement global du service, dans tous ses liens avec l'amont, le plateau technique et l'aval. Ils doivent également avoir des compétences techniques précises (sur la réglementation, les procédures, les soins, les actes médicaux, le système informatique, etc.) et disposer de compétences comportementales (diplomatie, gestion de conflits, résolution de problèmes, sensibilité et fermeté) pour pouvoir interagir avec les équipes des urgences, des services supports et d'hospitalisation ».

Les expérimentations conduites par la MEAH se sont avérées positives : dans un service, le temps de passage moyen est passé de 3 h 20 à 2 h 45, le pourcentage de patients pris en charge en moins de 3 heures est passé de 50 % à près de 70 %.

DISTRIBUTION DES TEMPS DE PASSAGE DES PATIENTS
SUIVIS PAR LE COORDONNATEUR DE FLUX

Source : MEAH, rapport de fin de mission « Temps d'attente et de passage aux urgences », mars 2005.

Le coordinateur de flux a notamment un impact positif sur l'un des goulots d'étranglement de certains services - la « mise en box », c'est-à-dire le passage d'un patient de la salle d'attente à un box de consultation -, comme l'indique le schéma ci-après.

Source : MEAH, rapport de fin de mission « Temps d'attente et de passage aux urgences », mars 2005.

La mission a pu elle-même constater l'intérêt des coordinateurs de flux lors de sa visite à l'HPOP de Trappes où de tels personnels ont été mis en place aux urgences. Les IDE y ont un rôle de distribution et de coordination des patients, suivant une hiérarchisation informelle des patients qu'ils établissent eux-mêmes et qui apparaît dans le système informatique des urgences. Cette organisation permet aux médecins de se concentrer sur les activités de soins sans se préoccuper de la gestion des flux et se révèle très valorisante pour les paramédicaux concernés.

Lors des auditions de la mission, il a parfois été souligné qu'il était préférable de confier ce rôle à un médecin, plus susceptible qu'une infirmière de réorienter le patient, le cas échéant, vers une autre structure que l'hôpital. De plus, comme il a été indiqué à l'hôpital Beaujon, la recherche de lits d'hospitalisation, qui participe de la gestion de flux, ne peut être effectuée efficacement, dans certains établissements, qu'avec l'autorité d'un médecin, voire d'un chef de service.

Il semble cependant qu'un tel dispositif mobilise un nombre important d'ETP médicaux et l'on peut estimer que, dans un contexte de pénurie de médecins, ces ETP soient plus utiles à l'intérieur même de la structure des urgences. C'est pourquoi, sans écarter aucune piste, il ne faut pas exclure qu'un infirmier puisse remplir efficacement cette mission, sous réserve de proposer ce type de postes à des infirmiers déjà chevronnés, en seconde partie de carrière.

En tout état de cause, la gestion des flux doit être confiée à un responsable et faire l'objet d'un suivi régulier.

● Configurer les lieux d'accueil, les espaces d'enregistrement et la salle d'attente de façon à fluidifier la circulation et à accroître la visibilité

La MEAH a observé que « la proximité physique et la polyvalence des personnels réalisant l'enregistrement administratif et le triage, l'utilisation d'une classification simple des patients, un interfaçage entre les logiciels administratifs et les logiciels « urgences » et une visibilité des patients en salle d'attente contribuent à réduire les délais d'attente de l'étape d'enregistrement et de triage des patients ».

Elle relève également que « la visibilité de la salle d'attente par les soignants et la non utilisation des box comme salle d'attente de résultats d'examens paraissent raccourcir les délais de mise en box ».

Ces considérations rejoignent les observations faites par la mission lors de sa visite à l'HPOP de Trappes où le hall d'entrée donne directement sur la zone d'accueil des urgences. Ces deux espaces étant directement visibles du couloir desservant les box, une visibilité permanente du nombre de patients en attente y est assurée pour tout le personnel.

● Informatiser les documents courants

Une autre expérience mise en œuvre par la MEAH a consisté à informatiser les documents administratifs les plus courants et les plus chronophages. Quelques formulaires ont ainsi été mis en ligne dans le dossier du patient permettant d'en automatiser le renseignement et l'édition.

La MEAH estime que cette action a contribué à réduire de 20 % les délais d'attente des étapes entre l'accueil et la consultation médicale pour tous les patients, notamment lors des pics d'activité. Le gain de temps pour les secrétaires est évalué à environ 2 à 3 minutes par patient et il concerne tous les patients (environ 40 par jour dans le service concerné), de sorte que l'augmentation du temps disponible pour l'accueil administratif des patients est d'environ 80 à 120 minutes par jour.

Ce constat rejoint celui de l'hôpital Beaujon qui a également mis en place un système informatique interne au service.

● Sectoriser les locaux des urgences en fonction du degré de gravité des pathologies prises en charge

Devant la mission (166), M. Maxime Cauterman, de la MEAH, a évoqué « de nouveaux modes d'organisation » des services, notamment « la mise en place de nouvelles sectorisations à l'initiative des hospitaliers, délaissant la classique distinction médecine-chirurgie pour adopter, dans un but d'optimisation de la gestion, des schémas davantage liés, par exemple, à la durée ou à la lourdeur de la prise en charge ». De même, dans ses recommandations en matière d'architecture des structures des urgences (167), la Société française de médecine d'urgence (SFMU) indique que la sectorisation peut être faite en un circuit léger et un circuit lourd. Le circuit léger (ou ambulatoire) est destiné aux malades consommant peu de temps médical ou paramédical et peu de ressources, et permet un examen rapide. À l'inverse, le circuit lourd correspond aux malades, habituellement couchés en brancard, consommant beaucoup de temps et de ressources. Une variante de cette organisation peut consister à séparer un circuit de traumatologie légère et un circuit non traumatologique.

Cette sectorisation et les méthodes de gestion de flux par durée prévisionnelle de prise en charge semblent constituer, selon les renseignements fournis par la DHOS, une tendance lourde en gestion hospitalière. La mission a pu observer, lors de son déplacement au centre hospitalier de Laval, que la mise en place d'une telle sectorisation est appréciée par les professionnels.

On relèvera également que la sectorisation classique médecine/chirurgie rendait plus difficile l'adaptation des ressources en fonction de l'activité et, dans le même sens, les recommandations de la SFMU indiquent que la séparation en secteur médecine/chirurgie n'est pas adaptée à la médecine d'urgence.

La zone de soins peut être divisée en zones spécialisées selon la nature ou la gravité des pathologies traitées - on parle alors de « zones secondaires » - plutôt qu'organisée en une seule vaste zone mais la SFMU souligne que la division en zones secondaires ne fait pas l'objet d'un consensus. C'est ce que la mission a pu constater à l'HPOP de Trappes qui a fait le choix de ne pas diviser la zone de soins des urgences en zones secondaires. Les urgentistes ont estimé que ce choix contribuait largement à la fluidité de la prise en charge des patients. Il est vrai qu'il suppose que tous les box disposent d'un équipement important pour le traitement de pathologies lourdes.

En tout état de cause, que la zone de soins soit divisée ou pas en zones secondaires et quel que soit le schéma retenu, la SFMU estime que l'architecture, l'organisation et l'équipement de chaque zone secondaire doivent garantir la polyvalence et l'adaptabilité de structure à l'évolution des besoins. Soulignant ainsi l'importance de la polyvalence des zones, elle valorise la standardisation et l'uniformité des pièces d'examen et considère que l'adaptabilité est un objectif majeur du fait de l'évolution rapide de l'environnement médical.

● Mettre en place un « médecin coordinateur » des urgences 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.

Cette mesure vise à améliorer la coordination entre les professionnels de l'équipe et les modalités de collaboration avec le laboratoire, les services d'imagerie et d'hospitalisation. Elle tend aussi à renforcer le management du service, notamment aux heures où le chef de service n'est pas sur place et suppose qu'à tour de rôle, pendant une journée, chaque médecin senior soit chargé :

- de coordonner l'activité de soins des internes et de ses collègues ;

- d'être l'interlocuteur unique des médecins des autres services et de l'administration ;

- de centraliser l'ensemble des appels téléphoniques ayant trait à la prise en charge des patients ;

- de décider si un patient peut être hospitalisé en UHCD ou dans un service d'hospitalisation ;

- d'assurer une formation régulière aux jeunes urgentistes et de veiller à la transmission des règles de prise en charge.

Selon la MEAH, cette mesure peut contribuer efficacement à la réduction des temps d'attente et de passage. Votre rapporteur relève qu'une expérience analogue est prévue aux urgences du CH de Nevers, que la mission a visité.

● Consentir un effort de réduction du temps de passage ciblé sur les patients dits « légers » ou « intermédiaires ».

Comme Mme Élisabeth Beau, directrice de la MEAH, l'a indiqué à la mission « alors que les urgentistes étaient braqués contre ces patients légers en se demandant comment les empêcher de venir chez eux, ils ont compris que le vrai problème était de trouver le moyen de les prendre en charge rapidement » (168), sans chercher à les dissuader de se rendre aux urgences.

Par ailleurs, beaucoup de témoins ont expliqué qu'il est souvent plus intéressant de gagner cinq minutes sur l'ensemble des patients légers dans la mesure où ils représentent un flux important et donc un gros gain potentiel de temps. Le graphique suivant représente les temps de réalisation de chaque étape, pondérés par la proportion de patients concernés afin d'identifier les étapes, générant globalement le plus de temps de prise en charge.

POIDS DE CHAQUE ÉTAPE DANS LA CONSTITUTION DU TEMPS TOTAL DE PASSAGE

graphique

Source : MEAH, rapport de fin de mission « Temps d'attente et de passage aux urgences », mars 2005.

Le même raisonnement peut valoir pour les patients atteints de pathologies d'une gravité intermédiaire - comme de traumatismes isolés des extrémités (main, poignet, pied, cheville). Dans le service concerné par l'expérimentation de la MEAH, ces patients subissent une attente longue (évaluée à 2 heures), pouvant être réduite et contribuant à l'engorgement des urgences.

Cette expérience tend à protocoliser la prise en charge de ces patients en liaison avec le gypsothérapeute (169) présent dans le service de 9 heures à 16 h 30. Celui-ci est chargé :

- d'identifier dès l'accueil les patients traumatiques concernés ;

- de proposer des clichés radiologiques à réaliser, d'accompagner le patient en radiologie et de les réceptionner les clichés ;

- de valider avec le médecin l'interprétation et les soins à dispenser ;

- de réaliser l'immobilisation pendant que le médecin renseigne les documents.

La MEAH constate un gain de 75 minutes pour le patient, et de 15 minutes pour le médecin. Cela génère un gain moyen sur le temps de passage de 10 minutes sur l'ensemble des patients. En outre, la MEAH constate une bonne implication des IAO dans ce type de dispositifs.

● Fluidifier la circulation des informations entre les urgences et les plateaux techniques

Dans son rapport, la MEAH constate l'efficacité des initiatives tendant à envoyer les prélèvements au laboratoire à mesure qu'ils sont effectués (et non par lots). De même, il peut être utile que le laboratoire puisse distinguer les prélèvements des urgences. Enfin, la mise à disposition précoce des résultats contribue à la réduction des temps de passage. C'est dans cette optique que l'HPOP de Trappes, que la mission a visité, prévoit à court terme d'informatiser les transmissions des demandes et des résultats d'examens.

Le rapport de la MEAH cite d'autres solutions évoquées au cours de ses travaux dans le but de diminuer le délai entre la disponibilité des résultats au laboratoire et leur disponibilité aux urgences, comme la mise en place de pneumatiques pour acheminer les prélèvements au laboratoire ou l'implantation d'imprimantes déportées aux urgences et pilotées par le laboratoire.

● Formuler les demandes d'examens radiologiques de façon précoce

Un des services dans lesquels la MEAH est intervenue, a fait rédiger 17 protocoles de prescriptions anticipées d'actes simples d'imagerie, validés par la commission médicale d'établissement (CME) pour diminuer le temps de réalisation des examens d'imagerie. Les IAO utilisent ces protocoles pour commander des examens de radiologie conventionnelle pour les patients présentant des traumatismes isolés des membres. On constate pour ces patients un gain moyen de 40 minutes.

De même, à l'HPOP de Trappes, des protocoles avec prescription anticipée d'examens d'imagerie médicale conventionnelle pour les traumatismes des extrémités permettent aux IDE de prévoir des examens radiologiques avant même le passage du médecin.

● Faciliter l'accès aux plateaux techniques pour les urgences

Selon la MEAH l'existence de moyens dédiés en radiologie conventionnelle, un accès prioritaire au scanner lors de son utilisation programmée, et la proximité du service d'imagerie contribuent à réduire les délais d'attente des patients pour la réalisation d'examens complémentaires. Selon ce principe, votre rapporteur relève qu'à l'HPOP de Trappes, une salle de radiologie conventionnelle a été intégrée à la structure des urgences, située à côté du box de déchoquage. De plus, dans le planning d'utilisation de cette salle, un créneau par heure est laissé libre, pour une utilisation non programmée au profit d'un patient arrivant aux urgences.

Le rapport de la MEAH expose également les mesures qui ont été prises dans certains établissements pour pallier l'engorgement des plateaux techniques le dimanche et pendant les congés, périodes pendant lesquelles leurs effectifs sont réduits et composés notamment de manipulateurs suppléants. Une expérience a notamment consisté à affecter un brancardier exclusivement chargé du transport des patients des urgences vers le service d'imagerie. De plus, des manipulateurs suppléants ont été formés à la réalisation d'actes de scanner. Ces mesures ont permis de réduire les temps de réalisation des actes de 5 minutes par patient pour la première, et de 20 minutes pour la seconde.

● Contractualiser avec les plateaux techniques des objectifs de réduction du nombre de demandes d'examens et de réduction des délais de réalisation de ces examens.

Quand les urgences acceptent de s'engager à diminuer le nombre d'examens biologiques systématiquement prescrits pour les patients et, qu'en contrepartie, le laboratoire fait en sorte de réduire le délai d'obtention des résultats, la MEAH estime que la contractualisation est un procédé utile. Comme M. Maxime Cauterman, de la MEAH, l'a indiqué à la mission, « c'est souvent affaire de négociation entre les urgentistes et leurs partenaires de l'imagerie et autres : « tu accélères les examens que je demande, je fais un effort sur la qualité de ma prescription » (...) dans une logique de donnant-donnant » (170).

Cette mesure repose sur une liste limitative standardisée d'examens biologiques élaborée conjointement par les deux chefs de service, spécifiquement pour les urgences (on parle de « bon de biologie urgence »). Quant aux autres examens, plus spécifiques, ils ne peuvent être demandés dans le cadre de cette mesure qu'après avis d'un médecin senior et du biologiste.

Il ressort du rapport de la MEAH que cette expérimentation a permis de diminuer le délai de réalisation de ces examens de 105 minutes à 57 minutes. Le rapport relève également que la mise en place de cette action permet, selon les professionnels, de réduire le nombre d'examens considérés comme non urgents et/ou injustifiés.

Proposition : En lien avec les plateaux techniques, protocoliser les demandes d'examens complémentaires.

La MEAH constate que la création d'une consultation non programmée à l'entrée des urgences semble délester le service des patients « légers » et permettre une diminution du temps de prise en charge des autres patients durant ses périodes d'ouverture. M. Maxime Cauterman a ainsi souligné devant la mission que « dégager une ressource du soin pour l'affecter à la coordination est un pari qui vaut la peine d'être tenté ».

La MEAH évoque également des cas dans lesquels une telle consultation est assurée par des médecins de ville. Mme Élisabeth Beau, directrice de la MEAH, a notamment évoqué une expérience (à Boulogne) de consultation de médecine générale ayant semble-t-il rassuré tant l'équipe médicale de l'hôpital que le patient et facilité l'orientation vers cette structure. Les représentants de la FEHAP ont également cité une expérience intéressante menée à l'hôpital du Creusot, tendant à mettre en place, parallèlement à la présence des urgentistes, une présence libérale dans la journée qui a permis de diminuer le nombre d'urgentistes dans la structure.

De telles consultations ont également été mises en place dans divers pays européens. On citera notamment le Royaume-Uni, qui a créé des « centres de diagnostic rapide et de traitement » ouverts 24 h/24, dans lesquels sont assurées des consultations médicales et des soins infirmiers. Dans les pays scandinaves, les centres de santé locaux et les hôpitaux ont des services ouverts 24 h/24 avec des consultations de médecine générale dans les premiers et des consultations spécialisées dans les seconds.

Votre rapporteur prend note de ces résultats. La création d'une filière spécifique pour les consultations non programmées en médecine générale semble contribuer à fluidifier les flux de patients aux urgences. Il souligne néanmoins que les MMG remplissent les mêmes fonctions et qu'il semble donc inutile que les deux structures coexistent autour de la même structure des urgences.

La MEAH a constaté que l'existence d'une unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD) participe à la réduction des temps de passage des patients hospitalisés. En effet, placer un patient dans une telle unité laisse aux urgentistes le temps nécessaire pour organiser son transfert ou sa sortie, tout en évitant d'occuper les box de soins inutilement. Comme déjà indiqué, l'article D. 6124-22 du code de la santé publique rend d'ailleurs obligatoire l'existence d'une telle unité dans chaque structure des urgences. Encore faut-il que l'UHCD en question ait des lits disponibles pour accueillir des patients issus des urgences.

La MEAH a en effet observé que certaines modalités d'utilisation des UHCD ne sont pas satisfaisantes :

- les horaires de sortie des patients hospitalisés en UHCD dépendent de l'horaire de réalisation de la visite médicale. Or celle-ci n'est pas systématiquement réalisée précocement le matin, et ne commence pas toujours par les patients susceptibles de sortir. Il en résulte que les lits de l'UHCD ne sont disponibles que trop tardivement.

- les lits de l'UHCD sont utilisés par des patients en hospitalisation de jour (transfusions pour dysplasies).

L'expérience menée par la MEAH consiste à formaliser la procédure de visite matinale quotidienne de l'UHCD. Suivant cette procédure, la visite doit être assurée par un médecin urgentiste et commencer au plus tard à 9h00 du matin. En dehors des patients instables nécessitant une intervention prioritaire, la visite doit débuter par les patients potentiellement sortants afin de libérer des lits au plus vite pour répondre aux besoins de la structure des urgences. De plus, la présence simultanée de gériatres et psychiatres lors de la visite est recommandée.

Ces actions ont contribué à réduire le temps de passage des patients hospitalisés de plus d'une heure (309 minutes à 244 minutes), et à diminuer de 10 heures la durée moyenne de séjour des patients de l'UHCD (de 39 à 29 heures).

Dans un autre hôpital, la MEAH a mis en œuvre des mesures tendant à mieux organiser les ressources médicales affectées à l'UHCD. Ces mesures ont notamment consisté à :

- prévoir qu'un médecin senior est présent dans la journée et assisté par un interne ;

- faire participer à la visite matinale le senior de garde, le médecin chargé de la visite à l'UHCD, le cadre infirmier, l'infirmier, l'assistante sociale, les internes, le psychiatre et un médecin de l'unité de gériatrie ;

- réserver aux seniors la décision d'hospitaliser un patient en UHCD ;

- n'hospitaliser en UHCD un patient relevant d'une spécialité que sur accord des spécialistes et des seniors des urgences et sur engagements des spécialistes d'hospitaliser ce patient dans leur service sous 24 heures.

Cette mesure a contribué à la réduction de 23 % des temps de passage moyens tous patients confondus et la durée moyenne de séjour à l'UHCD a été réduite d'environ 24 heures. Ces résultats seraient dus surtout à l'implication accrue des spécialistes et des gériatres dans la prise en charge des patients. Votre rapporteur relève de la même façon qu'à l'hôpital Beaujon, la participation des gériatres à la prise en charge des patients de la ZSTCD a contribué à la fluidité des passages aux urgences.

On rappellera enfin que parmi les principes d'organisation des urgences et de la permanence des soins, figurant en annexe à la circulaire du 16 avril 2003 relative à la prise en charge des urgences, il est préconisé de « favoriser l'articulation des zones de surveillance de très courte durée avec des unités de soins polyvalents ou spécialisés ».

Ainsi, les « bonnes pratiques organisationnelles » mises en évidence par les travaux de la MEAH semblent permettre de réduire les temps de passage et d'attente aux urgences. À l'analyse de ces mesures, il apparaît que les urgences doivent tirer le meilleur parti des compétences existant au sein des autres services.

2. L'organisation des structures des urgences doit être adaptée à la prise en charge des demandes à caractère social.

À côté de l'activité de soins, bien entendu essentielle, les structures des urgences ont également à répondre à des demandes à caractère plus social que médical qui imposent une organisation adéquate.

● Les demandes à caractère social

Il ressort des auditions auxquelles la mission a procédé qu'une part croissance des demandes adressées aux structures des urgences relève davantage du social que du médical.

Ainsi, M. Jean-Pierre Pruvo, du Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes, biologistes et pharmaciens des Hôpitaux publics (SNAM-HP) a évoqué « les médico-sociaux », qui ont besoin d'un hébergement à l'hôpital, cette catégorie de patients concernant surtout selon lui les grands centres hospitaliers. Il note qu'« il existe des plans intéressants, comme le plan grand froid, l'hiver. Mais les personnes concernées n'attendent pas qu'il soit lancé, ils cherchent un hébergement avant et viennent également dans les services d'urgences », faute de « possibilités d'hébergement plus flexibles en amont » (171).

On retiendra les déclarations similaires des représentants du syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH) : « que fait-on des gens en détresse sociale, des SDF en plein hiver et des familles précarisées ? Nous avons un vrai souci de prise en charge. Nous manquons de réponses ». Ils constatent que « les hospitalisations peuvent avoir une certaine connotation sociale » (172).

De même, le document remis à la mission par les représentants du Collectif inter-associatif sur la santé (CISS) souligne l'importance de la prise en charge de l'urgence sociale. Il constate que les attentes des usagers vis-à-vis de l'offre d'urgence et de la PDS ne portent plus uniquement sur le volet sanitaire et purement médical. Au contraire, l'urgence sociale interfère de plus en plus sur ce champ », du fait de « la multiplication des situations de précarité.

À cet égard, M. Denis Guichard, représentant de l'unité de consultation médico-judiciaire du centre hospitalier d'Évry, a regretté que les médecins généralistes soient de moins en moins nombreux à assurer des visites à domicile aux heures de la PDS. Selon lui, cela « oblige la personne de 80 ans qui ne conduit pas à se débrouiller. En fin de compte, tout retombe sur le centre 15, le régulateur n'ayant d'autre solution que d'envoyer une ambulance. À partir de 20 heures, on retrouve donc aux urgences beaucoup de personnes âgées, avec des problèmes de dépendance, de mobilité, ou des polypathologies chroniques. On ne sait pas trop ce qu'elles ont, on n'arrive pas à contacter la famille et il est difficile de les prendre en charge. En aval, les lits sont vite saturés. Les personnes âgées se retrouvent donc sur des brancards « porte », où elles passent la nuit avant qu'on se demande quoi en faire » (1).

● L'organisation des urgences et la formation des médecins ne sont pas assez adaptées à ces enjeux

C'est ce qu'a estimé par exemple M. Christophe Prudhomme, de CGT-Santé : « nous sortons de trente ans d'une médecine technicienne, extrêmement spécialisée, alors que la réalité du terrain a changé - la population est vieillissante, les médecins doivent faire de plus en plus de médico-social, et ils ne sont pas formés à un travail en équipe pour une prise en charge globale du patient » (173). Il souhaite qu'une telle formation soit dispensée, notamment, en première année de médecine.

Bien que l'article D. 6124-21 du code de la santé publique prévoie qu'« un assistant de service social est affecté pour tout ou partie de son temps à la structure des urgences », votre rapporteur estime que l'idée d'instaurer dans le cursus de formation des médecins des modules de formation aux questions sociales mérite d'être étudiée.

Proposition : Former les personnels des urgences à la prise en charge des détresses sociales et renforcer la présence des assistantes sociales aux urgences.

Dans la même logique, M. Jérôme Antonini de la FEHAP a regretté que le système de T2A ne prenne pas en compte « les données socio économiques des patients accueillis ». En effet, « les populations défavorisées passent plus souvent par les urgences et leur accès aux soins est plus tardif. Elles sont moins facilement éligibles à des modes de prise en charge du type de l'hospitalisation de jour ou aux autres alternatives à l'hospitalisation » (174). En conséquence, les caractéristiques sociales ont un impact sur le coût des prises en charge hospitalières et pourtant cette dimension n'est pas du tout intégrée dans le système de tarification à l'activité.

Bien entendu, le fait que certains patients restent aux urgences, alors que leur état médical ne le justifie pas, ne contribue pas à accélérer la prise en charge des patients aux urgences.

Lors de son audition (175), M. Denis Guichard, représentant de la consultation médico-judiciaire d'Évry, a souligné que les urgences sont fréquemment sollicitées pour des questions médico-judiciaires : « à la police ou à la gendarmerie, on prévient les gens que leur plainte ne sera reçue que s'il y a un certificat médical ». Les agressions ayant souvent lieu le soir, les victimes, du fait des défaillances de la PDS, n'ont que la possibilité d'aller aux urgences où leur est établi un certificat médical initial descriptif (CMI), sur le fondement duquel est fixée une « ITT » (invalidité temporaire totale ou incapacité totale de travail, selon qu'est envisagée une demande de réparation civile ou une plainte au pénal). Ces pièces servent ensuite de preuve dans le cadre d'un procès civil ou pénal (176).

M. Denis Guichard estime, à juste titre, que ces deux actes - établissement d'un CMI et évaluation d'une « ITT » - doivent être correctement établis pour ne pas compromettre la constitution d'un dossier de demande de réparation devant une juridiction civile, ou de plainte devant les tribunaux pénaux. Or, les structures des urgences, qu'il s'agisse des régulateurs de centres 15 ou des médecins des urgences, ne sont pas toujours bien organisées pour établir ces deux actes de façon satisfaisante. Ainsi, selon M. Guichard « nombre de médecins confondent ITT pénale et ITT civile ». Par conséquent, « ils accordent soit zéro jour, soit trois semaines d'ITT ». De tels aléas sont regrettables car : « il n'y a pas de raison de donner plus qu'il ne faut à la victime ni d'enfoncer plus qu'il ne convient l'agresseur présumé ». L'ITT étant mal faite : « la moitié des victimes abandonne parce que cela devient très compliqué. En effet, il leur faut retourner au commissariat ou à la gendarmerie. L'officier de police judiciaire reçoit un certificat peu cohérent, avec une ITT aberrante. Il redemande éventuellement une deuxième ITT, ce qui fait perdre du temps aux victimes, qui ne comprennent plus rien, et ralentit la procédure ».

Pour ce qui est du CMI, M. Denis Guichard propose donc un effort de formation de l'ensemble des médecins, le CMI devant être fait aussi rapidement que possible.

S'agissant en revanche de la fixation des ITT, qui ne constitue pas un travail simplement descriptif, il plaide pour le développement des unités de consultation médico-judiciaires, unités spécialisées tenues par un médecin formé à la fixation des ITT - qu'il ne serait pas indispensable d'ouvrir 24 heures/24 - car, selon lui, il n'y a aucun intérêt à voir les victimes immédiatement après leur agression. « Mieux vaut attendre 5 ou 7 jours. Cela permet d'être plus objectif et de voir ce qui reste comme lésions », par comparaison avec le CMI. « Et puis, sur le moment, le climat est passionnel, les gens sont énervés, parfois alcoolisés. Il est donc difficile alors d'être vraiment objectif sur la fixation d'une ITT ».

Selon M. Guichard le développement de ces unités ne serait pas très coûteux : « Il faut un bureau, un numéro de téléphone, une secrétaire et un peu de matériel. Tout cela existe déjà à l'hôpital. Ce ne serait pas cher et ce serait rentable ». Ainsi, l'Hôtel-Dieu, qui assure 50 000 consultations médico-judicaires par an, est jugé « très rentable ».

Pour M. Denis Guichard le développement de ce type d'unités est de nature à faciliter la déclaration de certains dommages, notamment dans le cadre de violences conjugales ou familiales. Ainsi, alors qu'à Nevers, où il n'existe pas d'unité médico-judiciaire, à peine une trentaine de plaintes pour violences conjugales sont recensées chaque année, à Évry ce nombre est estimé à près de 3 500. Selon lui, l'existence d'une unité médico-judiciaire à Évry expliquerait la différence car les victimes - notamment les femmes battues - bien qu'arrivant aux urgences « dans un état épouvantable », ont souvent tendance à vouloir « repartir tout de suite, de peur d'être à nouveau battues ». Dans de telles situations, l'intérêt de ces structures est évident car les médecins ont les moyens de signaler ces cas, même contre l'avis de la victime, dès lors qu'ils estiment qu'il s'agit d'une personne vulnérable. Il leur suffit de transmettre le CMI au parquet, chaque transmission donnant lieu à une enquête.

De plus, ces unités permettent le recours à la procédure de signalement administratif prévue pour les enfants victimes de négligences qui autorise le médecin à saisir le président du conseil général. Celui-ci diligente alors une enquête des services de la protection maternelle et infantile (PMI).

Ainsi, le développement de consultations médico-judiciaires semble à la fois peu coûteux et utile pour la réparation des dommages faits aux victimes ainsi que pour la prévention d'autres dommages. L'organisation des urgences doit donc pouvoir être adaptée pour prendre en charge des cas ne relevant pas de la seule médecine d'urgence.

Proposition : Développer les consultations médico-judiciaires au sein des structures des urgences.

Il en va de même pour la prise en charge de certaines populations spécifiques.

C. LA PRISE EN CHARGE DES POPULATIONS FRAGILES DOIT FAIRE L'OBJET D'UNE ORGANISATION ADAPTÉE

Il ressort des travaux de la mission que trois populations de patients doivent être pris en charge suivant des filières spécifiques : il s'agit des enfants, des patients présentant des troubles psychiatriques et des personnes âgées. Dans le même sens, la circulaire du 16 avril 2003 relative à la prise en charge des urgences, prévoit que le SROS doit identifier des filières de prise en charge en pédiatrie, gériatrie et psychiatrie.

1. L'organisation de la prise en charge des urgences pédiatriques semble efficace

● Une filière à trois niveaux

La circulaire DHOS/SDO n° 2003-238 du 20 mai 2003 relative à la prise en charge de l'enfant et de l'adolescent aux urgences indique que les enfants ont vocation à être pris en charge, chaque fois que cela est possible, et en particulier aux urgences, par un pédiatre et du personnel paramédical ayant une expérience dans l'accueil et la prise en charge des enfants. Elle souligne ainsi les particularités liées à la prise en charge des enfants et des adolescents.

L'article R. 6123-32-7 du code de la santé publique prévoit également que lorsqu'elle n'a pas lieu dans une structure des urgences pédiatriques, la prise en charge des enfants dans une structure des urgences est organisée en collaboration avec une structure de pédiatrie située ou non dans l'établissement autorisé à la faire fonctionner ou avec les spécialistes concernés d'un établissement de santé privé. Cet article précise qu'il s'agit en tout cas d'« une filière d'accueil et de soins séparée ».

Selon qu'un établissement dispose ou non de pédiatres et selon ses spécialités, sa filière de prise en charge des urgences pédiatriques ne sera donc pas organisée de la même façon. La circulaire du 20 mai 2003 définit ainsi une organisation graduée s'appuyant sur trois types d'établissements accueillant les urgences :

- les établissements ne disposant pas de service de pédiatrie ;

- les établissements disposant d'un service de pédiatrie ;

- les établissements disposant notamment d'un service de pédiatrie, d'un service de chirurgie pédiatrique et d'un service de réanimation pédiatrique.

● Établissements sans service de pédiatrie

Dans les établissements ne disposant pas de service de pédiatrie, la prise en charge des urgences pédiatriques est assurée par le médecin de la structure des urgences qui bénéficie de l'appui d'un service de pédiatrie « référent » situé dans un autre établissement.

Des conventions sont élaborées entre l'établissement accueillant les urgences et les établissements accueillant les services référents (177). De même, comme l'a indiqué Mme Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, à la mission (178), pour une meilleure prise en charge des spécificités pédiatriques, « nous avons intérêt à ce que les pédiatres réfléchissent sur les protocoles de prise en charge, même s'il n'y a pas de service pédiatrique dans l'établissement ». La circulaire du 20 mai 2003 souligne également qu'un conseil téléphonique doit pouvoir être apporté à la structure des urgences vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l'année, par un pédiatre du service de référence.

Proposition : Poursuivre l'effort de protocolisation de la prise en charge des très jeunes patients dans les structures des urgences des hôpitaux qui ne disposent pas d'un service de pédiatrie.

● Établissements avec service de pédiatrie

Pour le cas des établissements disposant d'une structure de pédiatrie, l'article R. 6123-32-7 du code de la santé publique prévoit que lorsque l'activité le justifie, l'accueil des enfants est organisé dans des locaux individualisés de manière à permettre une prise en charge adaptée à leur âge et à leur état de santé. Ainsi, dans ces établissements, la prise en charge des urgences médicales peut être organisée de deux façons :

- en « unité fonctionnelle des urgences pédiatriques », c'est-à-dire dans une filière d'accueil séparée et dans des locaux spécifiques suivant un circuit identifié par rapport aux autres urgences ;

- ou au sein de la structure des urgences, par des médecins seniors et suivant des protocoles établis en commun avec le service de pédiatrie et, le cas échéant, le service de chirurgie pédiatrique.

Mme Annie Podeur a souligné lors de son audition que « dans les structures des urgences importantes, qui comptent de 40 000 à 50 000 passages au moins par an, on peut avoir intérêt - et cela existe dans un certain nombre de sites - à avoir une spécialisation de l'accueil pédiatrique où la prise en charge est assurée par des pédiatres ». Selon elle, en effet ; « cela rassure beaucoup les parents ; ensuite, cela améliore la prise en charge ».

La circulaire précise qu'en tout état de cause, la responsabilité de l'organisation de la continuité des urgences pédiatriques relève alors du chef de service de pédiatrie. Il est ensuite de la responsabilité du médecin concerné de la structure des urgences de prendre l'avis d'un pédiatre en cas de doute.

● Établissements « référents »

Enfin, les établissements disposant d'un service de pédiatrie, d'un service de chirurgie pédiatrique et d'un service de réanimation pédiatrique constituent des « centres de référence » pour les autres établissements. Ils s'organisent donc de manière à pouvoir leur donner des conseils téléphoniques 24 heures sur 24.

Pour leur bassin de population, ils constituent également « un établissement de proximité », où les enfants sont accueillis dans une filière d'accueil séparée.

Il ressort des travaux de la mission que la prise en charge des urgences pédiatriques ne semble pas poser, en général, de problème particulier. On citera notamment les déclarations en ce sens de M. Yannick Lartigue, représentant de la CFTC, selon lequel « la création d'urgences pédiatriques dans certains secteurs a permis de désengorger en partie les urgences en assurant une prise en charge rapide et cohérente des enfants » (179).

Sans contester ce bilan, Mme Marie-France Wittmann, représentante de la FHF, a néanmoins plaidé pour « un fléchage vers la discipline de recours » plus immédiat, c'est-à-dire une organisation facilitant l'accès direct aux services de pédiatrie sans même passer par l'accueil aux urgences. Elle estime en effet qu'un tel fléchage permettrait de gagner du temps, notamment aux heures d'affluence aux urgences.

Votre rapporteur souligne également que la prise en charge des urgences pédiatriques pourrait souffrir à moyen terme d'une pénurie de pédiatres. En effet, la mission a pu constater, lors de son déplacement en Mayenne, que le service de pédiatrie du centre hospitalier de Laval doit faire face à un afflux de patients lié, selon les praticiens concernés, au fait que la Mayenne ne compte plus que deux pédiatre libéraux, dont aucun à Laval. Ce n'est sans doute pas un cas isolé.

2. La prise en charge des urgences psychiatriques est organisée de façon à prendre en compte les spécificités de ces patients

Dans son annexe relative aux « Principes d'organisation des urgences et de la permanence des soins », la circulaire du 16 avril 2003 relative à la prise en charge des urgences souligne qu'en matière de psychiatrie, les urgences ne doivent constituer qu'un recours ultime au sein d'un dispositif global et gradué de prise en charge de l'urgence et de la crise.

Elle soutient qu'en amont des urgences, il faut améliorer la réponse des équipes de secteur aux demandes de soins non programmées en ambulatoire dans des délais rapides, notamment dans des centres médico-psychologiques (CMP). Dans le même sens, M. Christophe Prudhomme (CGT Santé) a déclaré à la mission (180) qu'en matière de psychiatrie, « les patients sont soit dans la rue, soit en prison ! Et quand ils sont dans la rue, ils viennent aux urgences, où l'on ne peut les garder faute de lit ! ». Selon lui, « la réponse de proximité dans les CMP n'est pas à la hauteur ».

En outre, comme l'a indiqué (181) le docteur Patrick Guérin (SOS Médecins) si les pathologies psychiatriques sont parfois bénignes, elles peuvent aussi être extrêmement graves et nécessiter des internements de contrainte. «Ces situations graves sont de plus en plus fréquentes et inquiétantes ». Il cite notamment « les crises d'agitation, de délire, de suicide imminent, de mélancolie de patients [qui doivent être hospitalisés], parfois à la demande d'un tiers ou plus rarement sur demande de l'autorité publique ».

La circulaire constate néanmoins que les structures des urgences sont souvent la première occasion de rencontrer un professionnel du soin et plus particulièrement de la psychiatrie. Ce premier contact, qui peut constituer une porte d'entrée sur la filière de soins psychiatriques, est déterminant pour l'inscription dans la démarche de soins et leur continuité.

Elle prévoit donc une organisation graduée de la prise en charge des urgences psychiatriques dans les structures des urgences :

- une fonction d'accueil et d'orientation par des équipes de psychiatrie dans des locaux adaptés, garantissant la confidentialité et la sécurité dans les services des urgences ;

- une fonction de prise en charge de très courte durée dans des lits individualisés au sein ou à proximité immédiate des urgences (pour les suicidants par exemple). Cette prise en charge a lieu soit en ZSTCD (182), soit au sein d'un éventuel centre d'accueil et de crise intersectoriel de 72 heures. Il s'agit d'une structure spécifique où intervient une équipe pluridisciplinaire (psychiatres, psychologues, cadre infirmier, infirmiers, aides soignants, assistante sociale).

La circulaire conseille une telle prise en charge, afin d'éviter une hospitalisation en psychiatrie chaque fois que possible et en particulier les hospitalisations sous contrainte inadéquates.

L'objectif de la circulaire est donc d'obtenir une « réponse coordonnée » des urgentistes et des psychiatres, y compris libéraux. Elle préconise également une meilleure formation des personnels des urgences à la problématique de l'accueil des patients présentant des troubles allant de la souffrance psychique à la pathologie mentale.

Certains des interlocuteurs de la mission ont plaidé pour la création de structures d'accueil des urgences psychiatriques séparées des urgences générales. Ainsi, selon Mme Marie-Christine Fararik, représentante de SUD : « maintenir un accueil commun aux urgences et aux urgences psychiatriques accroît le risque de violences, que les structures des urgences ne savent pas gérer correctement (183) ».

La prise en charge des urgences psychiatriques, l'intervention d'un médecin généraliste ou urgentiste peut être utile. En effet, nombre de pathologies présentent des symptomatologies psychiatriques, mais un support parfaitement organique. Or comme le docteur Patrick Guérin (SOS Médecins) l'a indiqué à la mission, les psychiatres n'aiment pas beaucoup s'occuper de patients qui ne présentent que des pathologies somatiques.

Pour autant, il ne faut pas négliger le fait que ces patients sont porteurs de risques de perturbation des services. Aussi, sans aller jusqu'à créer une filière d'urgence spécifique, la prise en charge des urgences psychiatriques peut reposer sur une organisation qui permette d'examiner les patients concernés sans passer à côté d'une pathologie autre que psychiatrique et, très vite, de passer le relais aux spécialistes de la psychiatrie.

On relèvera à cet égard la mesure organisationnelle proposée par la MEAH, tendant à faire prendre en charge ce type de patients par un infirmier psychiatrique et un médecin psychiatre mis à disposition par un centre hospitalier spécialisé (CHS), si possible 7 jours sur 7. Ainsi, la mission a pu observer, lors de son déplacement dans la Nièvre, que pour la prise en charge des urgences psychiatriques, le CH met à profit la proximité du CHS de La Charité sur Loire, pour éviter le recours aux urgences. Le CHS dispose en effet d'une équipe psychiatrique mobile pour les visites et la HAD. Surtout, il assure une permanence infirmière et des visites de psychiatres au CH. Tant les psychiatres que les urgentistes regrettent d'ailleurs que, faute de moyens, cette permanence ne puisse plus être assurée que de 10 h à 19 h. En dehors de ces horaires, les représentants du CHS constatent des hospitalisations psychiatriques indues, qu'ils rapportent au manque d'expérience des certains médecins des urgences.

En outre, une hospitalisation en ZSTCD peut être suffisante pour traiter une crise. Ainsi, pour Mme Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, cette zone constitue un sas utile : quand la situation de la personne ne justifie pas nécessairement une hospitalisation dans une structure psychiatrique, il peut être envisagé de la garder quelquefois jusqu'à 72 heures en ZSTCD.

Enfin, il ressort des travaux de la mission que pour certains patients, notamment ceux pour lesquels est envisagée une hospitalisation à la demande d'un tiers, une visite médicale à domicile permet d'éviter un passage aux urgences. En effet, le docteur Patrick Guérin a indiqué à la mission que dans les zones couvertes par SOS Médecins, 60 à 80 % des demandes d'hospitalisation par contrainte sont effectuées par les médecins de SOS Médecins. Il indique également qu'une part très importante des appels concernant ces cas sont traités par SOS Médecins, « à tel point que, dans de nombreuses villes, il y a un accord entre le SAMU et SOS Médecins pour que, dès qu'un appel psychiatrique risque d'aboutir à une hospitalisation par contrainte, il nous soit transmis » (184).

En effet, l'article L. 3212-1 du code de la santé publique prévoit que toute demande d'hospitalisation d'une personne à la demande d'un tiers est accompagnée de deux certificats médicaux. Cet article précise que le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade. Selon M. Patrick Guérin, ce premier certificat est généralement « effectué, soit au domicile du patient, soit à l'hôpital même où le patient est déjà admis en hospitalisation libre ; c'est à SOS Médecins qu'on fait appel pour faire ce genre de certificat ». Il arrive également qu'il soit effectué dans un commissariat de police, pour des problèmes d'agitation.

En tout état de cause, un tel partenariat entre le SAMU et les associations de type SOS Médecins semble aller dans le sens d'une meilleure prise en charge des urgences psychiatriques.

Proposition : Mieux identifier les patients relevant de la psychiatrie dès leur arrivée et développer la présence de psychiatre ou d'infirmiers de CHS psychiatriques aux urgences.

3. La prise en charge des personnes âgées aux urgences n'est pas toujours organisée de façon satisfaisante

● Un fort taux de recours aux structures des urgences

Il ressort d'une étude menée en 2002 par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) (185) que les personnes âgées de plus de 80 ans ont un fort taux de recours aux structures des urgences (186), qui d'établit à près de 40 % contre 23,5 % en moyenne nationale (cf. le graphique -dessous).

TAUX DE RECOURS AUX URGENCES SELON L'ÂGE ET LE SEXE

graphique

Source : DREES, « les usagers des urgences - premiers résultats d'une enquête nationale », in Études et résultats, n° 212, janvier 2003.

Par ailleurs, les personnes âgées se rendent moins souvent que le reste de la population aux urgences de leur propre chef : les deux tiers des patients des urgences âgés de plus de 70 ans ont bénéficié d'une orientation médicale préalable, une large majorité de ces patients bénéficiant d'ailleurs de transports sanitaires (cf. le graphique ci-dessous).

CONTACT PRÉALABLE AVEC UN MÉDECIN
ET MODES D'ARRIVÉE DES PATIENTS AUX URGENCES, SELON L'ÂGE

graphique

Source : DREES, « les usagers des urgences - premiers résultats d'une enquête nationale », in Etudes et résultats, n° 212, janvier 2003.

L'étude Octoplus (187), réalisée par M. Olivier Saint-Jean, gériatre à l'hôpital européen Georges-Pompidou, montre que 48,3 % de ces patients effectuent au moins deux passages par an aux urgences, et 18,8 % au moins trois. Une fois sur trois, les patients âgés sont donc des « habitués des urgences ». Cette étude confirme également que le patient de plus de 80 ans est « non-décideur » en matière de recours aux urgences, ce recours étant initié par le patient dans seulement 12,3 % des cas et par sa famille ou son entourage dans 33,7 % des cas.

Toujours selon cette étude, 24,9 % des patients des urgences âgés de plus de 82 ans vivent « en institution » et les deux tiers sont par ailleurs inclus dans une file active de soins, dont 5,65 % en gériatrie et 23,9 % en médecine interne. Ces données montrent donc que les patients âgés aux urgences bénéficient d'un suivi médical régulier et qu'une meilleure continuité des soins dans les établissements d'hébergement, ou des facilités d'admission directe dans des services de médecine permettraient sans doute d'éviter les passages indus de ces patients aux urgences.

● Un fort taux d'hospitalisation à la sortie des structures des urgences

Selon l'étude de la DREES, alors qu'elles ne représentent que 14 % des patients pris en charge aux urgences, les personnes de 71 ans et plus comptent pour 38 % des patients hospitalisés après une prise en charge aux urgences. Cette étude précise que la moitié des personnes de 71 ans et plus sont hospitalisées après leur passage aux urgences et que quel que soit le type de pathologie en cause, le taux d'hospitalisation croît avec l'âge du patient (cf. le graphique ci-dessous).

TAUX D'HOSPITALISATION SUITE À UN PASSAGE AUX URGENCES
SELON L'ÂGE ET LE MOTIF

graphique

Source : DREES, « les usagers des urgences - premiers résultats d'une enquête nationale », in Études et résultats, n° 212, janvier 2003.

● Un état clinique plus lourd que la moyenne des patients et comprenant de nombreux cas de polypathologies

L'état clinique des patients de plus de 70 ans se distingue de celui de la moyenne des patients des urgences avec une plus faible proportion de pathologies « légères » (CCMU 1). En revanche, la part des patients pour lesquels le pronostic vital n'est pas menacé à l'arrivée mais dont l'état est susceptible de s'aggraver (CCMU3), comme celle des patients qui nécessitent des actes lourds (CCMU 4), voire un recours à la réanimation (CCMU 5) pour préserver le pronostic vital menacé, est plus forte parmi les patients âgés de plus de 70 ans (cf. le graphique ci-dessous).

ÉTAT CLINIQUE DES PATIENTS SELON L'ÂGE

graphique

Source : DREES, « les usagers des urgences - premiers résultats d'une enquête nationale », in Études et résultats, n° 212, janvier 2003.

L'étude Octoplus précise que l'évaluation des facultés intellectuelles du patient à son arrivée aux urgences fait apparaître que plus d'un quart des patients présentent une « désorientation ». De même, un récent rapport de MM. Claude Jeandel, Pierre Pfitzenmeyer et Philippe Vigouroux (188) souligne l'importance des « pathologies démentielles » dans cette population. Par exemple, l'incidence annuelle de la seule maladie d'Alzheimer est estimée à 100 000 nouveaux cas dont les deux tiers concernent des personnes de plus de 80 ans. Or, selon ce rapport, 75 % des personnes souffrant de pathologies démentielles vivent à domicile y compris à un stade évolué de la maladie, et sont donc susceptibles d'avoir recours aux urgences.

Quant aux motifs d'arrivée du patient aux urgences, l'étude Octoplus constate l'absence de motifs strictement sociaux. Les patients âgés viennent aux urgences pour un motif traumatique dans 25,6 % des cas et pour un motif médical dans 64,9 % des cas. Le rapport précité établit quant à lui une typologie des patients des urgences âgés de plus de 75 ans en fonction du motif de leur recours aux urgences. Il distingue ainsi trois types de patients âgés :

- les patients de 75 ans et plus indemnes de pathologies chroniques invalidantes, hospitalisés pour une pathologie d'organe dominante facilement identifiable. En raison de la vulnérabilité liée à leur âge, ils peuvent démasquer une pathologie sous-jacente ou accuser une perte d'autonomie fonctionnelle.

- les patients de 75 ans et plus dits « gériatriques », se caractérisant par la coexistence de plusieurs pathologies chroniques invalidantes à l'origine d'une dépendance physique et/ou psychique et par l'intrication fréquente des pathologies neuro-dégénératives et somatiques. Ces patients sont hospitalisés en raison de l'aggravation d'une de ces pathologies ou de la survenue d'une affection aiguë. La polypathologie caractérisant ces patients explique le plus grand risque d'instabilité et de défaillance ou de multi-défaillance d'organes lors de l'affection aiguë ayant nécessité l'hospitalisation.

- les patients de 75 ans et plus « chirurgicaux » présentent du fait de leur âge une vulnérabilité particulière et des risques de décompensation pouvant se révéler dans la période postopératoire. De plus, il est fréquent que la fréquente réduction de leurs capacités fonctionnelles préexistantes à l'intervention soit aggravée dans les suites opératoires.

En tout état de cause, c'est surtout à partir de 75 ans que les pathologies croissent avec l'âge, avec une large part de personnes très âgées polypathologiques. De même, un récent rapport de l'IGAS sur « Les équipes mobiles gériatriques au sein de la filière de soins » (189) souligne que la co-morbidité est une donnée particulière au grand âge : selon l'INSEE, les personnes de plus de 80 ans déclarent 8 maladies. On citera également une récente étude de la SFMU (190) sur l'organisation de l'aval des urgences (191), qui considère la polypathologie comme « la caractéristique essentielle du patient âgé malade ». En effet, selon la société savante, on estime à 20 % la part des personnes âgées de plus de 80 ans admises pour une seule pathologie.

Ainsi que l'indique l'étude précitée de la SFMU sur l'aval des urgences, d'une manière générale, il semble que les personnes âgées de plus de 75 ans examinées à l'accueil des urgences le sont rarement pour un problème exclusivement social. En revanche, les conséquences sociales consécutives à la crise liée à la pathologie (ou au traumatisme) ayant motivé le recours aux urgences sont généralement importantes. Or cette étude relève que, du fait du flux important et fluctuant dans le temps des passages dans la zone d'accueil, le rôle de l'urgentiste est prioritairement médical et non social. Il n'est donc pas à même d'anticiper de façon suffisamment approfondie les complications sociales susceptibles d'affecter le patient âgé.

● Une problématique spécifique aux personnes âgées : la dépendance

L'étude Octoplus montre que 18,8 % de ces patients ne marchent pas et que 22,2 % d'entre eux éprouvent des difficultés à marcher. Il y a donc un fort besoin d'assistance par un aide-soignant.

De plus, comme le note la circulaire DHOS du 18 mars 2002 relative à l'amélioration de la filière de soins gériatriques, à l'occasion de leur séjour hospitalier, les patients gériatriques présentent des risques particuliers de décompensation, pouvant révéler des pathologies chroniques et invalidantes, risquant d'entraîner l'installation ou l'aggravation d'une dépendance difficilement réversible.

● Une « vague démographique gériatrique » annoncée

Le rapport Jeandel - Pfitzenmeyer - Vigouroux souligne la croissance prévisible de la population des plus de 75 ans. Se fondant sur les prévisions statistiques de l'INSEE, il rappelle qu'entre 1970 et 2000, le nombre de personnes âgées d'au moins 60 ans a augmenté de 9,1 à 12,1 millions, soit une progression de trois millions, tandis qu'au cours des trente prochaines années, ce nombre augmentera de plus de 7 millions (+ 60 à + 68 % selon les hypothèses de mortalité). L'effectif des 75 ans ou plus passerait ainsi de 4,2 à 8,3 millions de personnes et celui des 85 ans ou plus de 1,2 à 2,4 millions entre 2000 et 2030. À l'horizon 2050, les projections montrent que l'effectif des 60 ans sera double de celui de 2000, celui des 75 ans triple et celui des 85 ans quintuple.

Ces évolutions démographiques se traduiront nécessairement par une demande accrue de soins hospitaliers et l'hôpital devra traiter des pathologies chroniques ou des polypathologies très consommatrices en soins hospitaliers. L'organisation de la prise en charge des patients âgés en urgence constitue donc un enjeu majeur pour l'hôpital.

● Une attente souvent trop longue aux urgences

L'étude précitée de la DREES montre que les délais d'hospitalisation - et donc d'attente aux urgences - vont croissant avec l'âge du patient (cf le graphique ci-dessous).

DÉLAIS D'HOSPITALISATION
SUITE À UN PASSAGE AUX URGENCES SELON L'ÂGE

graphique

Source : DREES, « les usagers des urgences - premiers résultats
d'une enquête nationale », in Études et résultats, n° 212, janvier 2003.

Mme Elisabeth Beau, directrice de la mission d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH), a d'ailleurs déclaré à la mission que la prise en charge des personnes de plus de 75 ans peut « prendre un temps considérable : sept, huit, voire dix heures - en moyenne ! » (192). En effet, « comme tout le monde sait que cette prise en charge sera longue, on ne se presse pas. Comme on sait que ces patients seront hospitalisés, on ne se presse pas davantage ; et comme on sait que les services d'hospitalisation seront réticents à les admettre, parce qu'ils occuperont longtemps un lit, on se presse encore moins ! ».

● Une mauvaise prise en compte du risque d'installation ou d'aggravation d'une dépendance

Au vu des risques particuliers de « décompensation », d'installation ou d'aggravation d'une « dépendance difficilement réversible » identifiés par la circulaire du 18 mars 2002 précitée, on peut regretter que trop souvent, l'offre de soins en milieu hospitalier reste limitée à une hospitalisation à temps complet, laquelle majore le risque de dépendance et que ne soient pas envisagés des modes alternatifs de prise en charge.

Comme le docteur Roger Ken Danis, de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHF) l'a souligné devant la mission (193), lors de la prise en charge d'une personne âgée aux urgences, il n'est pas toujours prêté autant d'attention qu'il le faudrait à la préservation de l'autonomie des personnes âgées. Il a illustré ainsi son propos : « une personne âgée arrive à l'hôpital, en étant continente et en assumant seule ses besoins physiques élémentaires, avec une fracture du col du fémur. Par défaut d'organisation, de moyens, de volonté - ou que sais-je encore ? -, on met à cette personne, dès son entrée à l'hôpital, une couche. C'est fini. Elle ne sera plus jamais propre. On en fait une personne dépendante ». Pour M. Nicolas Brun, représentant du collectif interassociatif sur la santé (CISS), pendant des années, le service à ces personnes est resté absolument inadapté. Il a expliqué que (194) « ce n'était pas par mauvaise volonté, mais le personnel étant pris par tous les autres malades, au bout de quinze jours, les personnes âgées étaient grabataires ». En effet, « il ne leur était offert aucune animation, aucune humanité. On leur mettait des couches parce que c'était plus facile et elles devenaient incontinentes alors qu'elles étaient arrivées autonomes »...

● Une mauvaise orientation en cas d'hospitalisation

Il ressort des travaux de la mission que la recherche d'un lit d'hospitalisation pour une personne âgée prise en charge aux urgences est souvent longue. Selon Mme Annie Podeur (DHOS) « lorsque l'urgentiste est seul, il lui est extrêmement difficile de trouver un lit d'hôpital pour une personne âgée » (195). En effet, comme l'a expliqué M. Michel Rosenblatt de CFDT Santé « souvent les services spécialisés refusent de prendre des personnes âgées qu'ils considèrent comme des « bloqueurs de lits » ou bed-blockers : dans la logique de la T2A, cela ne fait pas tourner le lit, cela fait baisser l'activité, cela diminue les moyens du service » (196). M. Jérôme Antonini du CISS a lui aussi admis que « globalement, le système de tarification à l'activité est plus favorable à la chirurgie régulée qu'à la médecine polyvalente de la personne âgée qui souffre de multiples pathologies » (1). En tout état de cause, comme l'a résumé M. Michel Rosenblatt, « le fait d'être âgé n'est pas en soi une pathologie ; le problème est qu'il s'agit souvent de polypathologies que les services de spécialité ne savent pas traiter. Et comme ils les traitent mal, ils essaient de ne pas les prendre ».

Il en résulte que les patients âgés ont tendance à rester plus longtemps que les autres dans les ZSTCD, à défaut de lits disponibles pour eux.

Par ailleurs comme le constate la circulaire du 18 mars 2002 précitée, le service des urgences oriente souvent les malades davantage en fonction des lits disponibles que des besoins réels du patient. En l'absence de service de court séjour gériatrique, les structures des urgences manquent en effet bien souvent de solutions d'aval adaptées pour la prise en charge des patients gériatriques. M. Patrick Plaisance, chef du service des urgences à l'hôpital Lariboisière, a ainsi reconnu qu'il n'est « pas raisonnable » de « mettre dans un service de spécialité un patient qui n'est pas de la spécialité, avec des personnels qui ne savent pas, de l'aveu même de ces derniers, correctement s'en occuper » (197), ce qui pourtant, selon lui, n'est pas rare.

L'étude Octoplus constate elle aussi que le lieu d'hospitalisation du patient âgé en aval des urgences est « une fois sur quatre, un lieu d'attente ». M. Olivier Saint-Jean reprend sur ce point les résultats d'une autre étude (198) sur la gestion du flux des patients gériatriques par deux structures des urgences - celle de l'hôpital Bicêtre et celle de la Pitié-Salpêtrière - sans intervention d'un gériatre. Il ressort de ces données qu'une large part des patients est admise dans un service dont la spécialité ne correspond pas à ses besoins. Les taux d'inadéquation sont élevés : 22,7 % pour l'hôpital Bicêtre, 39,4 % pour la Pitié-Salpêtrière (cf. les schémas ci-dessous). Une telle inadéquation est regrettable, car, comme le constate le rapport de l'IGAS sur les équipes mobiles de gériatrie, « les patients âgés perturbent le fonctionnement des services de spécialité en exigeant une lourde charge de soins, de nursing et de travail social ».

FLUX À BICÊTRE

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FLUX À LA PITIE-SALPÊTRIÈRE

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Source : Saint-Jean Olivier, « Les malades âgés dans les services d'urgence », analyse des résultats de l'étude Octoplus 2004

On signalera également que l'étude de la SFMU constate que « 80 % des personnes de plus de 75 ans sont admises le plus souvent dans des services en disposant pas de compétences gériatriques ».

● Un manque de lits d'hospitalisation polyvalents

Une des causes de l'inadéquation entre la spécialité du service et l'état du patient âgé accueilli tient au caractère très spécialisé de l'offre de lits à l'hôpital. M. Maxime Cauterman a d'ailleurs relevé lors de son audition « des différences d'approche entre les hôpitaux à vocation plutôt généraliste et polyvalente, surtout lorsque l'approche gériatrique y est relativement développée, et les établissements plus spécialisés (199) ».

Dans le même sens, on retiendra les déclarations de M. Patrick Pelloux à la mission : « je suis d'accord pour redécouvrir la polyvalence après l'hyperspécialisation des médecins. (...) Ce n'est pas la maladie rare qui fait progresser la médecine. Alors que, dans les années 1990 encore, tous les internes devaient faire un stage en médecine polyvalente, c'en est aujourd'hui fini : certains internes de spécialité, notamment des anesthésistes, ne font jamais de gardes aux urgences. C'est un tort (1) ».

M. Philippe Blua, représentant du syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH), a , quant à lui, constaté que 95 % des patients qui sont admis dans son établissement de soins de suite et de réadaptation (SSR) avec des escarres viennent de services de médecine ou de chirurgie classiques. Il a donc estimé qu'« il y a actuellement dans ces services des déficiences dans la prise en charge des personnes âgées (200)».

Proposition : Créer des lits de médecine polyvalente ou de gériatrie pour les malades âgés présentant des polypathologies.

● Des sorties mal préparées

Le Plan solidarité - grand âge 2007-2011 (201) du Gouvernement part du constat selon lequel « pour une personne âgée, une sortie de l'hôpital non préparée peut entraîner une rechute, une nouvelle hospitalisation ou un placement en maison de retraite non désiré, alors que la dépendance aurait pu être évitée ».

Lors de son audition, M. Philippe Aillères, CFE-CGC, a souligné l'intérêt d'une préparation sérieuse de la sortie des patients âgés, citant en exemple une initiative menée à « Colchester, à 150 km à l'est de Londres où des infirmières spécialisées dans les personnes âgées en service d'urgence apprennent à la personne âgée à se servir de son nouveau déambulateur avant de quitter le service ; encore mieux, on va chez elle pour vérifier, par exemple, s'il n'y a pas une marche entre la cuisine et la salle à manger et on est capable de mobiliser des ouvriers pour adoucir la marche, mettre une rampe, etc. » (202). Il a souligné que, faute de pouvoir préparer ainsi le retour des patients à domicile, on est conduit soit à les maintenir à l'hôpital sans nécessité médicale, soit à prendre le risque d'un retour rapide de ces patients aux urgences.

Il convient donc d'éviter l'hospitalisation des patients gériatriques, surtout via les urgences.

Proposition : Pour éviter des hospitalisations inutiles et préjudiciables, n'hospitaliser les personnes âgées que quand aucun autre mode de prise en charge n'est envisageable et, autant que possible, éviter le recours aux urgences, notamment en favorisant leur admission directe dans des services d'hospitalisation.

● Les objectifs

Le Plan solidarité - grand âge du Gouvernement vise explicitement à adapter l'hôpital aux personnes âgées, par son volet n° 12 qui prévoit de développer la médecine gériatrique. Il s'agit de réorganiser l'accueil des patients âgés à l'hôpital, grâce à une filière de soins permettant une prise en charge globale de la personne âgée, préservant son autonomie, et préparant son retour au domicile dans les meilleures conditions.

Cet objectif est conforme au rapport Jeandel - Pfitzenmeyer - Vigouroux qui plaidait également pour une prise en charge « globale » de la personne âgée. En effet, la fréquence de la polypathologie justifie une approche globale et intégrée, reposant sur la gestion de la polypathologie et des comorbidités et de la « complexité » médico-psycho-socio-environnementale.

Ainsi, du fait de leur polypathologie et des risques de dépendance et de décompensation, les personnes âgées requièrent une prise en charge spécifique qui doit être assurée par des équipes pluridisciplinaires formées à la gériatrie. La filière de soins gériatrique pouvant répondre à cette exigence, les pouvoirs publics se sont attachés depuis plusieurs années à assurer son développement. Le développement de ces filières a été initié par la circulaire du 18 mars 2002 relative à l'amélioration de la filière de soins gériatriques, puis confirmé par le Plan solidarité - grand âge. D'après les renseignements fournis par la DHOS, la majorité des volets des SROS de 3ème génération consacrés aux personnes âgées retiennent la constitution de filières gériatriques complètes.

● Les mesures

Le Plan solidarité - grand âge décline l'objectif d'adaptation de l'hôpital aux personnes âgées en quatre mesures :

- organiser dans chaque territoire de santé une « filière gériatrique » comprenant toutes les unités nécessaires à la prise en charge des patients âgés ;

- créer le nombre de places nécessaires ;

- labelliser les filières gériatriques par les ARH ;

- recruter et former les personnels nécessaires.

Les « unités » composant la « filière gériatrique » précitée sont énumérées par le Plan solidarité - grand âge :

- Une unité de court séjour gériatrique, capable d'accueillir directement les patients, sans passer par les urgences, en provenance du domicile, des maisons de retraite ou des services de soins au domicile. Il est fixé comme objectif pour chaque territoire de santé de disposer d'un lit de court séjour gériatrique pour 1 000 habitants de plus de 75 ans, ce qui revient à en créer 1 000.

On rappellera que la circulaire du 18 mars 2002 relative à l'amélioration de la filière de soins gériatriques avait déjà initié un plan pluriannuel visant à individualiser des lits de court séjour gériatrique dans les principaux établissements dotés d'une structure des urgences. La mesure n° 21 du Plan urgences, « renforcer le potentiel de lits de gériatrie de court séjour », consistait d'ailleurs à « accélérer » ce plan. Le bilan de la mise en œuvre du Plan urgences 2004-2005 » dressé par le dossier de presse du 23 mai 2006 sur les urgences indique qu'en 2006, 88 services de courts séjours gériatriques avaient ainsi été créés.

- Une unité de soins de suite et de réadaptation, dotée de tous les moyens indispensables à la rééducation du patient âgé en vue de son retour au domicile.

La mesure n° 23 du Plan urgences, prévoit de créer 15 000 lits de soins de suite médicalisés. D'après les renseignements fournis par la DHOS, 3 000 ont d'ores et déjà été créés, l'objectif initial devant être revu à la baisse, pour tenir compte notamment du développement de l'offre de lits de gériatrie. Le Plan solidarité - grand âge fixe comme objectif pour chaque territoire de santé de disposer, pour 1 000 habitants de plus de 75 ans, de trois lits de Soins de suite et de réadaptation (SSR). Cela revient à en créer 3 000 supplémentaires.

- Une équipe mobile de gériatrie.

La mesure n° 22 du Plan urgences prévoyait déjà de développer les équipes mobiles gériatriques, chargées de dispenser des avis gériatriques nécessaires à la bonne prise en charge des personnes âgées fragilisées dans l'ensemble des services, y compris aux urgences. L'objectif du Plan urgences était de créer 50 équipes en 2004 avec une montée en charge sur 3 ans pour parvenir à la création de 160 équipes au total : 155 équipes mobiles de gériatrie ont été créées ou renforcées et le Plan solidarité - grand âge prévoit d'en créer 86 supplémentaires.

Le rapport de l'IGAS sur les équipes mobiles de gériatrie relève une grande variété dans leur fonctionnement, leurs effectifs, l'étendue de leurs missions et le champ de leurs activités. Il souligne néanmoins que si, dans un premier temps, les services de spécialité avaient utilisé ces équipes à des fins de « dégagement des personnes âgées », ils en venaient souvent, dans un deuxième temps, à apprécier l'expertise et le suivi gériatrique qu'elles apportent. Il observe également que de nombreuses équipes intervenaient en dehors de l'hôpital pour centraliser un réseau de soins informel, sans que ces interventions soient prévues par les textes. Le rapport recommandait d'encadrer de façon souple ces activités. Le Plan solidarité - grand âge va dans ce sens, car il prévoit explicitement que les équipes mobiles de gériatrie sont à la disposition des urgences, des services de l'hôpital et des partenaires de la filière gériatrique (maisons de retraite, hospitalisation à domicile, services de soins infirmiers à domicile).

En tout état de cause, les travaux de la Mission nationale d'expertise et d'audit hospitalier (MEAH) ont montré que la présence d'une équipe mobile de gériatrie semble générer un raccourcissement des temps de passage des patients âgés. En effet, dans les structures des urgences où elle a piloté la mise en place d'une telle équipe, la MEAH constate une réduction du temps de passage moyen des patients de plus de 75 ans hospitalisés de 20 à 30 %. Elle relève notamment que le délai entre la décision d'hospitalisation et la sortie effective de la structure des urgences est réduit de 60 %. Surtout, l'organisation de la prise en charge des personnes âgées est ressentie comme beaucoup moins problématique par les professionnels.

- Un pôle d'évaluation gériatrique comprenant un hôpital de jour, des consultations et des consultations-mémoire spécialisées dans le diagnostic précoce de la maladie d'Alzheimer.

Le Plan solidarité-grand âge reprend sur ce point une recommandation du rapport Jeandel - Pfitzenmeyer - Vigouroux. Cette proposition tendait à créer au sein de « plates-formes gériatriques de références » constituées par les hôpitaux dotées de structures des urgences importantes, des « pôles d'évaluation gériatrique » regroupant des consultations et un hôpital de jour gériatriques et à mettre en conformité les pôles d'évaluation. De tels pôles constitueraient une interface entre la médecine de ville et l'hôpital, ce qui permettrait notamment de prendre en charge plus précocement les pathologies gériatriques, sur la base d'une « évaluation gérontologique médico-psycho-sociale ».

Les médecins libéraux que la mission a rencontrés à l'hôpital Beaujon ont jugé particulièrement utile le réseau d'évaluation gérontologique de Levallois-Perret. Son expertise leur permet d'éviter d'envoyer inutilement leurs patients âgés aux urgences et son appui facilite leur hospitalisation dans un service adéquat. Ainsi, les pôles d'évaluation gériatrique qui travaillent en bonne intelligence avec les médecins généralistes permettent d'éviter des recours inutiles aux urgences et à l'hospitalisation à temps plein.

Le Plan solidarité - grand âge fixe comme objectif pour chaque territoire de santé de disposer, pour 2 000 habitants de plus de 75 ans, d'une place d'hôpital de jour.

- Un nombre de lits de soins de longue durée adapté aux besoins.

Cette mesure s'inscrit dans la lignée d'une recommandation du rapport Jeandel - Pfitzenmeyer - Vigouroux, qui souligne que ces unités « apportent une réponse sanitaire indispensable ». Ses auteurs estiment qu'il est maintenant reconnu que de nombreux patients âgés nécessitent un maintien ou une intégration dans des structures hospitalières permettant au long cours d'offrir, indépendamment des soins consécutifs à leur dépendance lourde, une prise en charge médicale continue.

M. Philippe Blua, représentant du SNCH, a d'ailleurs estimé que les personnes âgées atteintes « de très graves troubles de santé (...) si elles ne sont pas prises dans des unités avec continuité médicale, astreintes et permanences infirmière, risquent de se retrouver aux urgences » (203). Il a en effet fait valoir que les unités de soins de longue durée (USLD) permettent une continuité du suivi médical que n'offrent pas les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Il ressort des auditions de la mission que, dans la mesure du possible, une prise en charge des personnes âgées dans des services de médecine polyvalente peut constituer une alternative à une prise en charge spécifique dans le cadre d'une filière de soins. Dans ce cadre, une équipe mobile de gériatrie pourrait d'ailleurs s'avérer particulièrement utile. En outre, l'amélioration de la prise en charge des personnes âgées, par exemple par la prévention des escarres, pourrait utilement entrer dans les projets de service et les projets de formation que les infirmiers cadres sont chargés de mettre en œuvre.

Pour M. Philippe Blua « il n'y a pas une solution unique (...) tout dépend de la taille de l'établissement, de son fonctionnement, de son environnement », ainsi que des patients. Plusieurs modes de prise en charge des patients âgés à l'hôpital sont dès lors envisageables : « pourquoi pas un service polyvalent, pourquoi pas une équipe mobile de gériatrie, pourquoi pas un service de gériatrie aiguë ? ».

En tout état de cause, on peut estimer avec M. Nicolas Brun, représentant du Collectif inter-associatif sur la santé (CISS), qu'« il faut faire attention également à ne pas créer des ghettos de personnes âgées » (204).

Ainsi, la prise en charge des urgences dans les structures médicales doit être organisée de façon à faire intervenir toutes les compétences présentes à l'hôpital, pour une meilleure prise en charge des patients et notamment des publics fragiles. Pour que les structures des urgences ne constituent pas un « hôpital dans l'hôpital », il faut que ces structures entretiennent des liens tant avec les autres services, qu'avent leur amont et leur aval. Ce dernier point semble d'ailleurs constituer une des clefs de leur désengorgement.

III.- EN AVAL DES URGENCES :
MIEUX ORGANISER LA SORTIE DES PATIENTS

Les images de patients attendant de longues heures dans les couloirs des urgences - images que le rapport précité de M. François d'Aubert sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule restitue parfaitement - peuvent donner la fausse impression que les patients des urgences attendent d'être examinés par un médecin. Or, la plupart du temps, ces patients ont déjà bénéficié des examens nécessaires. Ils attendent leur transfert vers un autre service ou un autre établissement. Ainsi, l'engorgement des urgences résulte au moins autant de l'embouteillage de leur aval que des défaillances de la PDS.

A. LA SORTIE DES URGENCES POSE DES PROBLÈMES D'ENGORGEMENT PRÉJUDICIABLES AUX PATIENTS

1. La sortie des urgences constitue un goulot d'étranglement qui participe à l'engorgement

● Des phénomènes de stagnation

Comme l'indique l'annexe à la circulaire du 16 avril 2003 relative à la prise en charge des urgences, la prise en charge du patient en aval des services des urgences est une difficulté essentielle, qui implique fréquemment, notamment dans les établissements publics de santé, de longues recherches pour le personnel des urgences et celui des services de soins, d'importants temps d'attente pour les malades. Aussi, d'après un document remis par les représentants de la FHF, tout afflux de patients aux urgences crée des « effets de nasse », manifestes lors des « crises épisodiques d'affluence » (canicule, grippe saisonnière, bronchiolite...).

Selon l'étude de la DREES sur l'activité des urgences en 2004, seuls 20% des patients sont hospitalisés après leur prise ne charge aux urgences. Or le rapport de la MEAH sur les urgences montre qu'à eux seuls, et pour la seule étape d'attente d'un lit, ils contribuent pour 12,6% à l'ensemble du temps d'attente aux urgences, tous patients et toutes étapes confondus. C'est pourquoi le rapport de la MEAH identifie l'attente d'un lit comme un « goulot d'étranglement » des urgences.

Par ailleurs, pour les patients pris en charge aux urgences, qui n'ont pas besoin d'être hospitalisés, mais qui sont pris en charge dans une structure d'aval, on constate que la recherche de la place demande un temps conséquent, pendant lequel le patient « stagne » à l'hôpital : l'hôpital Beaujon estime à plus de 1 000 journées-lits par an l'ampleur de ce phénomène. De même, lors de son audition, Mme Élisabeth Beau, directrice de la MEAH, a constaté que certains patients « stagnent pendant plusieurs jours » (205) dans les ZSTCD. Notamment, le patient dit « gériatrique », est souvent perçu comme « embolisant » le service, faute de place d'aval au moment où, T2A oblige, la fluidité s'impose comme un impératif essentiel de gestion des pôles, comme l'indique le rapport Jeandel - Pfitzenmeyer - Vigouroux.

● Des retours précoces aux urgences

Les praticiens rencontrés par la mission à l'hôpital Beaujon ont expliqué que souvent, les patients pris en charge aux urgences et dans un service de soins aigus, puis en soins de suite et de réadaptation (SSR) ou en établissement d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), reviennent précocement aux urgences. Ils passeraient trop rapidement de structures hospitalières très médicalisées à des structures d'aval trop peu dotées en moyens médicaux et paramédicaux pour assurer certains soins de base et traiter certaines formes de décompensation. C'est le cas, par exemple, de malades dialysés à l'hôpital, puis mal suivis dans des établissements d'aval, obligés de revenir aux urgences pour des déshydratations ou des insuffisances rénales que les équipes soignantes en SSR ou en EHPAD n'ont pas su prévenir.

De même, M. Philippe Blua, représentant du SNCH, a souligné qu'en matière de SSR, « la T2A incite à faire sortir la personne âgée au bout de trois semaines, qu'elle soit totalement stabilisée ou non. Le risque est que celle-ci retourne chez elle, décompense et retourne aux urgences » (206). Même constat chez M. Philippe Allières, représentant de la CFE-CGC : « les patients se retrouvent parfois dans des situations impossibles à leur sortie car celle-ci n'a pas été correctement préparée ». Il a notamment évoqué le cas de patients qui « sortent (...) le vendredi à 14 heures pour revenir à 18 heures engorger les urgences parce qu'ils sont réhospitalisés ». Selon lui, « dans ce domaine, il y a donc de gros progrès à faire » (207).

De tels phénomènes contribuent à ce point à l'engorgement des urgences, que pour certains chefs de service cet engorgement tient davantage au blocage de l'aval des urgences qu'à l'afflux de patients en amont. C'est par exemple le cas de M. Philippe Juvin, chef de la structure des urgences de l'hôpital Beaujon.

Surtout, comme l'a déclaré Mme Andrée Barreteau, représentante de la FHF, « l'encombrement des urgences peut donner lieu à des pertes de chances pour les patients ». C'est notamment le cas des patients les plus fragiles : les plus âgés. Le rapport Jeandel - Pfitzenmeyer - Vigouroux relève en effet le cas d'hospitalisations non pertinentes ou dans des services inadéquats, avec pour conséquence des sorties trop précoces qui peuvent parfois engendrer une perte de chance pour la personne âgée, associée souvent à une réhospitalisation à court terme délétère pour le patient et coûteuse pour la société.

2. Cet engorgement est dû en partie à une mauvaise articulation des urgences avec l'environnement sanitaire et social

Pour qu'un urgentiste fasse admettre un patient pris en charge aux urgences dans un service hospitalier ou un établissement d'aval, encore faut-il d'une part que des lits adaptés existent, et d'autre part qu'il en ait connaissance. Ces deux conditions ne sont pas toujours réunies.

L'étude de la SFMU sur l'organisation de l'aval des urgences indique que l'engorgement chronique des structures des urgences n'est pas seulement lié à l'insuffisance quantitative de lits d'aval, mais aussi à l'inadéquation croissante entre la demande de soins des urgences et l'offre d'aval. Cette étude souligne que cette inadéquation atteint son paroxysme dans les grands centres hospitaliers, où la participation de nombreux services à des activités de référence de plus en plus spécialisées et programmées est de moins en moins compatible avec une activité de proximité plus polyvalente et non programmée.

Or cette étude relève que plus de la moitié des adultes admis aux urgences non traumatiques relevaient d'une prise en charge non spécialisée, normalement assurée dans trois types d'unités : les unités d'hospitalisation de courte durée (UHCD), les services de médecine polyvalente et les services de médecine interne. L'étude souligne que ces services à vocation généraliste ont peu à peu disparu des grands hôpitaux, remplacés par des services spécialisés, créés au rythme de l'apparition de nouvelles spécialités. Elle regrette également que les services de médecine interne s'éloignent de la pratique polyvalente, en application de leurs projets de service, généralement centrés en priorité sur les spécialités des médecins qui y exercent. L'offre de lits est donc trop spécialisée pour les patients des urgences. Dans le même sens, M. Patrick Goldstein, président de la SFMU, a estimé que « les services de médecine sont hyper spécialisés », relevant que « c'est le cas des CHU, mais aussi de nombre d'hôpitaux généraux, qui veulent développer leur spécificité ». Il a regretté qu'on ait ainsi « beaucoup de mal à positionner les patients qui relèvent de la médecine générale ou de la médecine polyvalente » (208).

Le rapport de la MEAH constate également que la nature des lits d'un établissement est un élément déterminant du délai d'hospitalisation des patients depuis les urgences, dans la mesure où, statistiquement, les lits nécessaires aux patients des urgences sont avant tout polyvalents et médicaux. Ainsi, plus les lits d'un établissement sont spécialisés, plus les délais d'hospitalisation sont longs.

Il serait certes possible, à défaut d'une prise en charge adaptée, d'héberger les patients dans des services dont la spécialité n'a pas de rapport avec leur pathologie. Mais précisément, les modes d'utilisation des lits de spécialité ne permettent pas d'en optimiser l'utilisation. Il est donc préférable de disposer de lits de médecine polyvalente.

Proposition : Prévoir éventuellement, dans le cadre des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS), la création d'unités de médecine polyvalente.

L'étude de la SFMU regrette l'insuffisance d'évolution vers des modes alternatifs d'hospitalisations programmée, relevant que la France est très en retard en chirurgie ambulatoire, en hospitalisation de jour ou de semaine, ou en HAD. Cette étude estime que les capacités d'hospitalisation « classique » (7j/7, continue) devrait être essentiellement consacrées à l'activité d'urgence. De même, M. Philippe Juvin, chef de la structure des urgences de l'hôpital Beaujon, a relevé que pour une intervention programmée, un patient est souvent admis à l'hôpital la veille au soir, ce qui ne répond généralement à aucune indication médicale, et conduit à occuper des lits qui pourraient servir aux urgences. Dans le même sens, M. Roger Ken Danis, représentant de la FMP, a indiqué que si la recherche d'un lit d'aval parait moins compliquée dans l'hospitalisation privée que dans le public, c'est en partie « parce que la chirurgie ambulatoire a explosé » : selon lui, « tous les patients qui restaient auparavant deux ou trois jours dans l'établissement, repartent maintenant le soir même de l'intervention » (209), ce qui tend à libérer des capacités d'hospitalisation pour l'aval des urgences.

En outre, l'étude de la SFMU constate que les services hospitaliers se concentrent sur leur « file active », c'est-à-dire des patients qu'ils « fidélisent », au détriment de la prise en charge du patient qui entre dans la maladie, lequel « n'a d'autre recours que la structure des urgences ».

Enfin, M. Jérôme Antonini, représentant de la FEHAP, a comparé « certains grands services d'urgence » à « des lamproies ou des piranhas : une très grande bouche et un très petit corps ». Selon lui, « souvent il n'y a pas d'adéquation entre les capacités d'hospitalisation en aval des urgences et les volumes d'activité de ces urgences » (1).

● Le manque de connaissance de l'offre de lits en aval

Il ressort des travaux de la mission que les urgences ne sont pas toujours informées avec exactitude de l'offre de lits et de places d'aval disponibles dans leur voisinage.

Pour M. Patrick Goldstein, président de la SFMU, il est « anormal qu'on ne sache pas, dans un hôpital, combien il y a de lits disponibles à tel ou tel moment (...) même le directeur ne le sait pas » (210). Selon M. Philippe Juvin, , chef du service d'accueil des urgences à l'hôpital Beaujon, les médecins des urgences passent en moyenne 30 % de leur temps à rechercher des lits et des places d'aval par téléphone : une perte de temps tellement importante qu'elle en est « grotesque », déclare M. Goldstein. Un document remis par les représentants de la CFDT souligne dans le même sens que le « microcosme des urgences » se trouve dans une situation de négociation constante avec les autres services, médico-techniques pour l'accès au plateau technique et cliniques, pour les avis de spécialité et la recherche de lits d'aval. Une partie très considérable du temps est ainsi détournée des soins pour ces tâches. C'est pourquoi M. Michel Rosenblatt, représentant de la CFDT, a estimé que « les capacités d'accueil en très court séjour aux urgences mériteraient d'être renforcées, afin d'éviter aux personnels médicaux de perdre un temps précieux à rechercher un lit d'hospitalisation pour chaque patient » (211).

Dans le même sens, le rapport de la MEAH mentionne « la réticence (ou l'inertie) des services d'hospitalisation à tenir compte du flux des patients des urgences dans la gestion de leurs lits ».

M. Patrick Goldstein (SFMU) a regretté en outre que les urgentistes ne soient généralement pas consultés sur les fermetures de lits à certaines périodes de l'année et plaidé pour une coordination entre les urgentistes et les responsables des autres services au niveau régional. Une telle coordination devrait impliquer tous les secteurs, privé, public et PSPH et permettre de connaître l'offre de soins. Rappelant que cette défaillance du système de santé avait été mise en lumière à l'occasion de la canicule de 2003, il a estimé « invraisemblable qu'on ne soit pas capable de dire : au mois d'août, dans ma région, tous secteurs confondus, voilà quelle sera l'offre de soins ». Selon lui, « les ARH ont un rôle essentiel à jouer en termes de coordination, et ce quel que soit le secteur ».

Pour l'heure, M. Patrick Goldstein constate que l'articulation des urgences et des autres services, voire des autres établissements sanitaires et médico-sociaux, repose essentiellement « sur un mode relationnel », via des « correspondants » et noté que l'hospitalisation privée y réussissait particulièrement bien. De même, Mme Marie-France Wittmann, représentante de la FHF, a rappelé qu'« à l'intérieur de l'hôpital, on a déjà tenté de mettre en place des modes de contractualisation interne associant les services d'aval et les urgences » mais que « cela fonctionne plus ou moins en fonction de l'implication personnelle des chefs de service » (212). Dans le même sens, lors de la visite de l'hôpital Beaujon, M. Philippe Juvin a considéré que la chefferie de service, pour bénéfique qu'elle soit, suscite de la part de certains médecins une gestion « patrimoniale » des lits.

● L'insuffisante articulation entre l'hôpital et le secteur médico-social

Enfin, l'hôpital et le secteur médico-social ne sont pas, et ce n'est pas nouveau, suffisamment articulés. Dans un document remis à la mission(1), la FHF considère que les crises épisodiques d'affluence dans les services d'urgence signent l'échec d'une vision parcellaire du rôle et du fonctionnement des urgences hospitalières, sorte d'hôpital dans l'hôpital. Elle privilégie « une vision systémique » prenant notamment en compte les possibilités d'orientations adaptées en aval dans le court, moyen et long séjour, de même que dans le secteur social et médico-social.

Ce document note également que le secteur social et médico-social « demeure calé sur le département », comme la sectorisation psychiatrique, alors que l'hôpital fait l'objet d'une programmation régionale à l'échelle du territoire de santé. La FHF estime que le département peut être plus significatif pour les patients et les filières de prise en charge. Elle souligne en tout état de cause que ce décalage compromet la lisibilité des périmètres géographiques des réseaux d'urgence médicale par les patients et les médecins de ville.

Ainsi, les causes de l'engorgement des structures des urgences sont donc à chercher autant dans l'organisation de la sortie de leurs patient que dans l'afflux de patients aux urgences. Pour rendre cette organisation plus performante, il faut donc avant tout améliorer l'articulation entre les urgences et les autres services de l'hôpital.

B. L'ARTICULATION ENTRE LES STRUCTURES DES URGENCES ET LES AUTRES SERVICES HOSPITALIERS DOIT ÊTRE MIEUX ORGANISÉE

Le Plan urgences prévoit un renforcement des capacités d'hospitalisation en aval des urgences non seulement par un accroissement du nombre des lits, mais aussi, - parce que cela ne suffit pas - par des mesures organisationnelles.

1. Dans le cadre du Plan urgences, les capacités d'hospitalisation en aval des urgences ont été augmentées

Le Plan urgences prévoit de consacrer encore plus de moyens à l'aval des urgences qu'aux structures des urgences elles mêmes. Un tel accroissement du nombre de lits doit faciliter l'hospitalisation de patients en aval des urgences, à condition toutefois que ces lits soient ouverts en nombre suffisant toute l'année.

Le développement des capacités d'hospitalisation en aval des urgences » doit permettre que les patients puissent être hospitalisés dans des conditions satisfaisantes, sans avoir à attendre aux urgences, faute de lit.

À cette fin, la mesure n° 23 du Plan urgences a défini un « programme de renforcement des services de soins de suite médicalisés » visant initialement à créer 15 000 lits de soins de suite médicalisés.

Compte tenu du renforcement des unités de gériatrie de court séjour prévu par la mesure n° 21 du Plan urgences, il est prévu de créer plus de postes non médicaux en aval des urgences que dans les structures des urgences proprement dites (2 369 contre 2 322). Au total, le Plan urgences prévoit de consacrer 331,8 millions d'euros au développement des capacités d'hospitalisation en aval des urgences - dont 131,9 pour les seuls lits de SSR -, contre 124,8 millions d'euros seulement pour les structures des urgences elles mêmes.

Comme le soulignait le rapport précité établi par M. François d'Aubert au nom de la commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule, l'été est traditionnellement une période au cours de laquelle les établissements hospitaliers réduisent le nombre de lits permettant d'accueillir les patients, faute de personnels notamment. Cette pratique ne peut pas être considérée comme choquante si elle s'adapte à un niveau d'activité prévisible et raisonnable. Il en va tout autrement si elle constitue une solution de facilité dans la gestion des ressources humaines de certains services. Selon M. François d'Aubert, le bon sens recommande que les fermetures de lits portent principalement sur les activités programmées et non sur les services d'urgence, de réanimation, ou les lits d'aval en médecine et en soins de suite, qui permettent d'hospitaliser les victimes pour un bilan et un traitement plus long.

Ce rapport regrettait l'« extrême confusion » qui entoure les modalités de gestion des fermetures des lits, même après l'expérience de la canicule de 2003.

De la même façon, certains interlocuteurs de la mission ont regretté que les chefs des structures des urgences ne soient toujours pas systématiquement consultés sur les modalités de ces fermetures de lits. C'est pourquoi l'AMUFH a proposé l'été 2006 qu'une disposition législative limite le nombre des fermetures saisonnières de lits. Sans aller jusque là, M. Patrick Goldstein a plaidé pour une meilleure coordination du programme de fermeture des lits, qui devrait recueillir l'avis des médecins urgentistes et être piloté au niveau régional par les ARH.

2. L'articulation entre les structures des urgences et les services d'hospitalisation peut être améliorée par des mesures organisationnelles

Le rapport de la MEAH sur les urgences indique que ni un nombre élevé de lits dans un établissement, ni leur disponibilité (taux d'occupation bas) ne sont liés à des délais d'hospitalisation courts. Par conséquent, la seule augmentation du nombre de lits ne semble pas pouvoir constituer une réponse satisfaisante au problème de l'aval des urgences.

De son côté, l'étude de la SFMU sur l'organisation de l'aval des urgences admet qu'il existe une relation entre l'encombrement des services d'urgences et la disponibilité des lits d'aval, mais reconnaît aussi que la multiplication insuffisamment réfléchie des lits d'aval n'est pas réaliste. Au contraire, l'utilisation plus rationnelle des structures déjà existantes représente une approche beaucoup plus logique.

● La mise en place de « pôles d'activité clinique et médico-technique »

Une large majorité des personnes entendues par la mission a estimé que la mise en place des « pôles d'activité clinique et médico-technique » (213) dans le cadre de la « nouvelle gouvernance hospitalière » va dans le sens d'une meilleure articulation entre les urgences et les services avec lesquels elles travaillent.

Ainsi, Mme Annie Podeur (DHOS) a indiqué que « l'objectif de la nouvelle gouvernance [est] avant tout d'assurer la mutualisation des ressources et d'ouvrir les frontières entre les différents fiefs hospitaliers », c'est-à-dire de « faire en sorte que la prise en charge de l'urgence à l'hôpital ne soit pas le problème de la seule structure des urgences, mais de l'ensemble de l'hôpital » (214). De même, le Syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH) a pris position en faveur de la nouvelle gouvernance parce qu'elle lui paraissait à même de « décloisonner l'hôpital » (215).

M. Jérôme Antonini, représentant de la FEHAP, a également souligné l'importance d'une « gouvernance adaptée », favorisant « des logiques de décloisonnement » et une « gestion mutualisée des capacités d'hospitalisation ». Il a d'ailleurs estimé que si les établissements du secteur privé PSPH réussissaient à « dépasser ce genre de difficultés », c'est en partie parce que leur gouvernance est « un peu moins « empesée » que celle des hôpitaux publics »(216).

De même, M. Michel Rosenblatt, représentant du syndicat CFDT-Santé, a estimé que « la mise en place de la nouvelle gouvernance hospitalière constitue (...) un moment opportun » pour « mettre en place des circuits courts de prise en charge des patients en rattachant aux urgences certains lits existants ». Selon lui, « le circuit de prise en charge des patients entrant à l'hôpital par les urgences devrait être défini dans le cadre du projet médical intégré au projet d'établissement » (217).

Surtout, l'étude de la SFMU recommande que les pôles cliniques et médico-techniques inscrivent, dans leur projet médical, la mission d'accueil des urgences relevant de leur spécialité. Cette mission suppose des moyens et une permanence médicale spécialisée. Selon cette étude, l'existence de protocoles d'admission directe ou rapide dans le cadre de filières spécifiques (infarctus du myocarde, AVC (218), traumatisme crânien grave par exemple) montre que cette voie est réaliste.

Votre rapporteur souligne que les établissements sont libres, le cas échant, de regrouper au sein d'un seul et même pôle d'activité les principales unités concernées par la prise en charge des patients en urgence. En effet, l'article L. 6146 du code de la santé publique prévoit que « les établissements publics de santé définissent librement leur organisation interne » et que « les pôles d'activité clinique et médico-technique sont définis conformément au projet médical de l'établissement ». Ainsi, la mission a pu constater lors de son déplacement à l'hôpital Beaujon qu'un des cinq pôles d'activité de l'hôpital regroupe les activités « urgences - proximité - réanimations ». Comme l'a précisé son responsable, M. Jean Mantz, ce pôle a été constitué de façon à regrouper les principaux services concernés par la prise en charge des urgences. Il a estimé qu'ainsi mise en œuvre, la nouvelle gouvernance hospitalière contribuait à fluidifier la circulation des patients entre les services.

● La commission des admissions et des consultations non programmées (CACNP)

Par ailleurs, la circulaire précitée du 16 avril 2003 relative à la prise en charge des urgences prévoit la création au sein de chaque commission médicale d'établissement (CME) d'une commission des admissions et des consultations non programmées (CACNP), qui constitue la reconnaissance institutionnelle de l'implication de l'établissement dans la prise en charge des urgences. La CACNP doit dégager des solutions consensuelles garantissant la fluidité de la prise en charge en aval au sein de l'établissement accueillant les urgences. Cela rejoint le propos de M. Michel Rosenblatt selon lequel, « pour éviter d'opposer les services les uns aux autres, des liens et des interfaces doivent être organisés, au cas par cas, sous forme d'équipes mobiles, de commissions ad hoc etc. l'objectif est de mettre en place un réseau de prise en charge des urgences à l'intérieur même de l'hôpital » (219). À cette fin, la CACNP doit :

- prévoir la contribution de chaque service ;

- garantir que les services de spécialité prévoient leur programmation en tenant compte d'une capacité à réserver aux urgences ;

- veiller au recueil précis et quotidien des disponibilités en temps réel ;

- valider et évaluer les protocoles organisant les filières spécifiques, ainsi que les modalités d'hospitalisation en zone de surveillance de très courte durée.

À la suite des propositions de la CACNP, la direction de l'établissement public de santé doit prendre les mesures visant à contraindre les services de soins à s'impliquer effectivement dans l'amélioration de la prise en charge des urgences. À cette fin, les services qui intègrent les urgences dans leur projet de service et respectent leurs engagements peuvent se voir attribuer des moyens supplémentaires.

L'étude de la SFMU souligne l'intérêt de la CACNP. D'ailleurs, devant la mission, Mme Annie Podeur a souhaité « un meilleur fonctionnement de cette commission ». (220)

● Spécialiser une infirmière dans la recherche de lits d'hospitalisation pour les patients initialement pris en charge aux urgences

L'étude de la SFMU sur l'organisation de l'aval des urgences constate qu'en dépit des orientations de la circulaire du 16 avril 2003 relative à la prise en charge des urgences, les systèmes de recherche de lits permettent rarement à ce jour d'avoir une connaissance exacte en temps réel du nombre de lits disponibles dans l'établissement. C'est à l'équipe médicale et infirmière qu'il revient d'effectuer un ou deux pointages par jour pour connaître les lits disponibles dans les différents services de leur établissement.

C'est pourquoi elle recommande que la fonction de « coordinateur de l'aval » soit confiée à un médecin ou à un soignant, et qu'elle soit identifiée et développée dans les structures des urgences. À l'instar de ce qui a été fait à l'hôpital Henri Mondor à Créteil (Val-de-Marne), où une « infirmière coordinatrice de l'aval et du réseau » a été spécialement chargée de rechercher des lits d'aval. Cette infirmière a permis d'augmenter le nombre des transferts tout en diminuant l'encombrement du service d'urgence.

L'étude montre par ailleurs que « l'anticipation des besoins » permet également d'améliorer la gestion des flux et leur coordination et que cette anticipation est souvent possible dès la phase d'accueil du patient par l'IAO. Elle passe par l'identification précoce des patients reprogrammables vers une consultation, suivant des protocoles et pour les patients devant être hospitalisés, elle suppose que la recherche des lits soit entreprise précocement. En effet, selon la SFMU, le type d'hospitalisation (y compris dans l'UHCD) est souvent envisageable dès le début de l'examen médical, sans attendre le résultat des examens complémentaires.

Par ailleurs, le rapport de la MEAH souligne l'importance d'« une gestion des lits « transparente » qui peut contribuer à faciliter le travail du « coordinateur de l'aval », notamment lorsqu'il s'agit d'une infirmière qui n'a pas l'autorité médicale d'un urgentiste. C'est également ce qu'ont souligné les urgentistes rencontrés par la mission à l'HPOP à Trappes.

● Mettre en place un dispositif de réservation centralisée des lits

L'étude de la SFMU sur l'organisation de l'aval des urgences observe que certains hôpitaux ont mis en place des dispositifs de réservation centralisée des lits dans lesquels une « infirmière référente » peut placer les malades en collaboration avec cette structure centralisée.

Ce système présente un avantage majeur pour les urgences : il donne une vue globale sur la disponibilité des lits de l'hôpital pour le jour et les jours à venir. Surtout, il réduit la charge de travail des urgences, puisqu'un seul coup de téléphone suffit par patient.

Toutefois un tel système ne semble permettre de désengorger effectivement les urgences que dans de grands établissements, disposant d'un nombre suffisant de lits banalisés. Par ailleurs, si son intérêt paraît évident pour toutes les pathologies (notamment chirurgicales) dont le séjour est reprogrammable à partir des urgences, il l'est beaucoup moins pour les malades de médecine se présentant aux urgences avec des défaillances multiples.

De même, selon le rapport de la MEAH, ce système serait heurté à la défiance de certains chefs de service, soucieux de conserver la maîtrise des entrées dans leur service.

● Développer des conventions entre la structure des urgences et chaque service de spécialité susceptible d'accueillir des patients en aval

Comme la nouvelle gouvernance hospitalière les y incite, les structures des urgences - ou les pôles dont elles font partie - peuvent établir par des conventions « les modalités d'hospitalisation et de mutation de leurs patients : documents médicaux, soignants, sociaux, contacts avec le spécialiste, éventuellement protocoles de prise en charge, horaires des transferts ».

La SFMU recommande d'approfondir cette contractualisation et propose notamment que soient établis des protocoles pour faciliter l'hospitalisation des patients. Mais, la MEAH émet dans son rapport quelques réserves sur l'utilité d'une telle protocolisation. Sans nier l'intérêt de la démarche contractuelle qui la sous-tend - bien que celle-ci nécessite un temps de négociation important - elle reprend les conclusions de récents travaux démontrant que les patients placés dans un lit d'aval après leur passage au SAU (221) sont plus fréquemment placés dans le service correspondant à leur pathologie et à leurs besoins que ceux issus de l'activité programmée de ces mêmes services.

Proposition : Approfondir la protocolisation des décisions d'hospitalisation, faire figurer dans le projet d'établissement les procédures d'hospitalisation des patients pris en charge aux urgences et fixer un délai maximal d'attente d'un lit d'hospitalisation.

● Encadrer la pratique de l'« hébergement », c'est-à-dire l'hospitalisation d'un patient dans un service dont la spécialité ne correspond pas à sa pathologie

L'étude de la SFMU constate qu'à défaut de place dans un service approprié ou dans une UHCD, il est fréquent que certains patients soient « hébergés » dans des services de spécialité inadaptés à leur pathologie : un système généralement mal accepté par le service receveur.

L'étude propose donc que cette pratique soit encadrée, c'est-à-dire « validée par les instances de l'établissement » et que ses conditions soient définies. Un accord pourrait ainsi être passé entre l'urgentiste, le spécialiste « receveur » et le spécialiste dont relève la pathologie du patient, par lequel ce dernier s'engage à assurer le suivi médical dans le service hébergeur, et à reprendre le patient dans son service dans un délai court (en général moins de 48 h). Ces hébergements doivent être réalisés de préférence dans des services proches géographiquement et complémentaires par leur activité, ceux-ci étant le plus souvent réunis au sein d'un même pôle.

● Imposer aux services d'hospitalisation d'admettre les patients en aval des urgences

L'étude de la SFMU envisage deux « méthodes d'hospitalisation avec contrainte » :

- L'impôt-lit, c'est-à-dire la réservation systématique de lits pour recevoir les malades des urgences dans les services de l'établissement. La SFMU souligne que ce système « fonctionne mal en période de forte activité lorsque les services d'aval sont saturés ».

M. André Elhadad, représentant du SNAM-HP, a jugé un tel système « envisageable à condition que la gestion du programmé soit également assurée » (222). M. Roland Rymer, représentant du SNAM-HP, a précisé qu'un tel système devait reposer sur un contrat passé entre la structure des urgences - ou le pôle qui l'englobe - et chaque service concerné. Il a cité en exemple le contrat appliqué depuis 10 ans à l'hôpital Lariboisière, entre la structure des urgences - qui accueille 72 000 patients par an - et « un service d'orthopédie très connu » de cet hôpital : ce dernier accepte de consacrer 50 % de son activité à l'urgence.

Pour les représentants de la CFDT, il est préférable de promouvoir, en règle générale, un procédé de contractualisation interne plutôt que la contrainte. Ils plaident pour « un changement de logique », évitant d'opposer des missions toutes légitimes qu'elles soient programmées ou non. La CFDT rejoint en cela les orientations de la circulaire du 16 avril 2003, dont l'annexe indique que dans les établissements publics de santé, un partenariat doit se formaliser par une convention entre services, afin d'organiser l'hospitalisation du patient dans un service adapté à la prise en charge de sa pathologie. Cette procédure doit permettre d'assurer l'activité programmée et l'activité non programmée en offrant aux usagers une prise en charge rapide et adaptée.

Cependant, selon les représentants de la FEHAP (223), « la tarification à l'activité n'incite pas à réserver des lits pour les urgences. Elle incite beaucoup plus à une prise en charge programmée, pour une pathologie bien définie ».

La réquisition de lits, consistant à prendre un lit pour un patient des urgences, alors que ce lit devait être occupé le lendemain par un patient programmé. Selon la SFMU, cette « mauvaise méthode » ne peut s'envisager qu'exceptionnellement lorsque l'hébergement n'est pas possible dans un autre service (hôpital plein) ou dans un autre établissement, ou encore en période de crise lors du déclenchement d'un plan blanc.

● Inciter les services d'hospitalisation à ajuster leurs pratiques pour se donner les moyens d'hospitaliser plus de patients en aval des urgences

Dans son rapport, la MEAH constate que les établissements dont le flux de patients programmés est le plus variable d'un jour à l'autre sont ceux qui connaissent les délais d'hospitalisation les plus longs depuis les urgences. M. Maxime Cauterman, représentant de la MEAH, a précisé que « le besoin en lits des urgences se caractérise finalement par une relative régularité ; a contrario, les modalités de programmation des séjours dans les services ne semblent pas optimales, avec des pics d'affluence le lundi et des lits vides en fin de semaine ». Ainsi, « l'idéal pour les urgentistes est que leurs patients partent en début de semaine plutôt qu'en fin de semaine afin de ne pas entrer en concurrence avec les séjours programmés » (224). Selon le rapport de la MEAH, une plus grande maîtrise du flux programmé pourrait permettre d'améliorer la situation des urgences.

Surtout, dans le cadre des travaux de la MEAH, les urgentistes d'un hôpital pilote avaient estimé que pour réduire les délais d'attente d'un lit d'hospitalisation, une sortie plus précoce des patients des services d'hospitalisation pouvait permettre de gagner des « heures lits » pour hospitaliser plus précocement les patients des urgences et diminuer d'autant des délais d'attente. En effet, dans cet hôpital, on constatait que près de 50 % des sorties de patients (ou mutations) étaient réalisées après 14h00, alors que les urgences ont besoin de lits d'hospitalisation dès la fin de matinée (cf. le graphique ci-après).

Proposition : Rationaliser la gestion des lits d'hospitalisation tout au long de l'année, en concertation avec les services d'hospitalisation (horaires des sorties, fermetures périodiques de lits...).

Cette inadéquation génère de longs délais d'attente pour les patients destinés à être hospitalisés, d'où un engorgement fréquent de l'UHCD et des conditions de confort insatisfaisantes pour les patients en attente sur des brancards dans les couloirs. Sur ce point, M. Maxime Cauterman a souligné qu'en règle générale, les professionnels ont « une sensation de manque de lits, alors que le manque ne porte que sur quelques heures-lits ». En effet, selon Mme Elisabeth Beau (MEAH), « le soir venu, tous les patients arrivés finissent par être pris en charge mais ils auront passé la journée entassés dans des couloirs, parfois depuis huit heures du matin, alors que le besoin en lits est finalement limité dans le temps ». On soulignera que la circulaire du 16 avril 2003 qualifie d'« inacceptable » la situation des patients en attente de lits d'hospitalisation parfois placés plusieurs heures sur des brancards dans les couloirs des services des urgences.

RÉPARTITION HORAIRE DES SORTIES DES SERVICES
DANS UN HÔPITAL SUIVI PAR LA MEAH

graphique

Source : MEAH, rapport de fin de mission « Temps d'attente et de passage aux urgences », mars 2005.

● Un point de vue très partagé

Comme le relève l'étude précitée de la SFMU, l'hospitalisation des malades non programmés ne nécessite pas le passage systématique par les urgences. L'étude relève en effet que des « entrées directes », sur appel téléphonique d'un médecin de ville ou d'un autre hôpital, permettent un accès plus rapide aux soins spécialisés et évitent l'encombrement des urgences.

Cette orientation est partagée par une large part des personnes entendues par la mission. Ainsi, pour Mme Annie Podeur (DHOS), « il faut se donner pour premier objectif d'éviter des passages aux inutiles urgences, c'est-à-dire que le niveau d'admission directe doit reposer sur une meilleure articulation ville-hôpital » (225). Comme il a déjà été dit pour la gériatrie, dans certaines activités de médecine, « il y a souvent des signes précurseurs qui laissent imaginer qu'on risque, si l'on n'y prend garde, si on n'effectue pas des bilans réguliers, ou si l'on ne met pas en place une hospitalisation de jour, d'avoir une hospitalisation en catastrophe un vendredi soir, le médecin traitant étant indisponible ». De même, selon M. Jérôme Antonini (FEHAP), « on remarque parfois une certaine tendance « urgentocentriste » qui ferait du service des urgences la « gare de triage » de tous les établissements de santé ». Jugeant que « ce n'est sûrement pas vers cela qu'il faut aller », il plaide pour « d'autres modes d'admission » (226). M. Michel Rosenblatt (CFDT santé) a estimé lui aussi qu'« il faudra favoriser l'admission directe dans les services d'hospitalisation [...] pour éviter un détour par les urgences qui engendre des délais et des coûts supplémentaires » (227).

● Des blocages dans la pratique

L'étude de la SFMU constate pourtant que lorsqu'un médecin de ville cherche à faire admettre un patient dans un service d'hospitalisation, il n'est pas rare que les spécialistes refusent l'admission directe et demandent au médecin d'envoyer son patient aux urgences.

Beaucoup considèrent que ce détour par les urgences permet au malade de bénéficier d'une nouvelle évaluation médicale et d'examens paracliniques permettant de préciser l'hypothèse diagnostique, cette nouvelle évaluation pouvant rendre le malade inéligible à une admission secondaire dans le service de spécialité initialement prévu. Cette idée est tellement encrée que le plus souvent, le médecin adresse le patient aux urgences sans même joindre le service spécialisé, connaissant à l'avance la proposition qui lui sera faite de faire passer le patient par les urgences.

Selon M. Michel Combier, représentant de la CSMF, une telle organisation est aberrante et « ne peut qu'engorger les urgences, sans compter qu'une fois aux urgences, le malade est très souvent renvoyé chez lui, faute de lit ou de soins de suite ». Il rappelle qu'« il y a vingt-cinq ans encore, les médecins traitants étaient en relation avec des professeurs, des internes, des chefs de clinique, et savaient où orienter leurs patients »(228).

Pourtant, selon la même étude de la SFMU, l'envoi de ces malades correspond le plus souvent à une demande d'hospitalisation justifiée, si l'on en juge par le ratio d'hospitalisation de tels patients en aval de l'accueil, qui atteint 70 %. De même, la SFMU recommande d'éviter le passage par l'accueil des urgences des patients pris en charge par la médecine d'urgence pré-hospitalière (SAMU-SMUR).

Pour votre rapporteur, cette situation plaide pour une plus grande souplesse dans l'admission directe de patients adressés à un service de spécialité par un médecin, urgentiste ou généraliste.

● Une pratique courante dans les établissements sans structures d'urgences

On reprendra les propos de M. Marc Angebault, représentant de la CFE-CGC (229) : « dans l'hôpital où je travaille, il n'y a pas de service d'urgence, mais en réalité nous faisons beaucoup d'urgences, directement ou en indirectement ». En effet, « certains patients qui sont pris en charge par leur généraliste sont reçus à n'importe quelle heure, sur demande du généraliste (...) ce sont des malades qui ont besoin de soins urgents », ce qui semble indiquer que les libéraux n'adressent pas leurs patient à l'hôpital de manière inconsidérée. M. Marc Angebault ajoute qu'il arrive également à son hôpital « de recevoir des personnes âgées », bien qu'il n'ait « pas de structures d'accueil à proprement parler gériatriques ». Il a en effet « la chance d'avoir un grand volant de lits - des lits de court séjour et des lits de suite - ce qui donne une certaine souplesse ».

● L'intérêt des plages de consultations programmées dans certains services

Selon M. Patrick Goldstein, il n'est pas normal qu'un médecin généraliste, ayant besoin très rapidement d'un avis de spécialiste - souvent en pneumologie ou en neurologie - soit obligé de passer par les urgences. Il considère en effet que « les urgences doivent rester les urgences et ne pas être un biais de consultation ou d'hospitalisation (...) des malades non urgents, c'est-à-dire qui ne sont pas en situation de détresse, ont parfois besoin d'un avis spécialisé qui pourrait être donné au sein des services ».

Il recommande donc de définir au sein des hôpitaux « des plages de consultation programmée » dans un certain nombre de services de spécialité, accessibles sans détour par les urgences : « il faudrait que les spécialistes acceptent de répondre, par le biais d'une espèce de hotline, à leurs confrères généralistes ». Par exemple, « on pourrait imaginer que les pneumologues promettent que de 10 heures à 15 heures, l'un d'entre eux sera joignable par téléphone et répondra aux questions, non pas de patients, mais de généralistes ». Un tel système permettrait trois degrés d'intervention du spécialiste :

- un simple conseil ;

- l'organisation d'une consultation spécialisée pour le patient ;

- une hospitalisation directe, « sans passer par les urgences ».

Cette idée rejoint le projet, déjà évoqué, d'évolution des centres 15 en « plateformes télé-médico-sanitaires et sociales ». En effet, selon lui, « on pourrait (...) imaginer que des permanenciers ou des secrétaires médicales reçoivent l'appel des généralistes, les orientent et organisent le transfert vers des consultations de spécialistes à l'intérieur de l'hôpital ou vers cette hotline (...) c'est un système compétitif », déjà exploité « sur un mode relationnel » par le secteur de l'hospitalisation privée. Pour le public, « il faut dépasser le stade du correspondant et mettre au point un accès direct au service de spécialités en termes de consultation, d'avis voire d'hospitalisation, sans avoir à passer par les urgences ».

Ainsi, l'organisation interne de l'hôpital peut faciliter l'hospitalisation des patients en aval des urgences.

Proposition : Favoriser l'admission directe des patients dans les services d'hospitalisation, sans passage aux urgences, en concertation avec le médecin traitant.

De même, l'articulation des structures hospitalières avec leur environnement social et médico-social doit permettre de prendre en charge les patients des urgences, éventuellement, après une hospitalisation, dans les meilleures conditions. Fluidifier la prise en charge des patients des urgences hors de l'hôpital contribue aussi à désengorger les structures hospitalières.

C. LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS DES URGENCES EN DEHORS DE L'HÔPITAL DOIT ÊTRE ORGANISÉE PRÉCOCEMENT

Une meilleure articulation entre les structures hospitalières, qu'il s'agisse des urgences ou des services de soins aigus, et leur environnement social et médico-social semble pouvoir contribuer à fluidifier le passage à l'hôpital des patients pris en charge aux urgences. En effet, une meilleure organisation de la sortie des patients a deux types d'effets sur l'engorgement des services :

- la préparation précoce du retour du patient à son domicile ou dans une structure d'hébergement permet de réduire la durée de son séjour à l'hôpital et, par conséquent, de libérer son lit plus tôt ;

- la prise en charge extrahospitalière bien organisée permet stabiliser l'état du patient, en évitant ainsi les phénomènes de « retour aux urgences ».

Comme Mme Annie Podeur (DHOS) l'a indiqué, « l'objectif est de renforcer la fluidité de la prise en charge des patients en facilitant la sortie des services des soins aigus et en permettant une orientation immédiate en soins de suite » (230) ou dans d'autres structures le cas échéant. Aussi, la prise en charge du patient hors de l'hôpital devrait-elle être organisée précocement, que le patient soit amené à retourner à son domicile ou bien à être hébergé dans une structure plus ou moins médicalisée.

1. Le retour du patient à son domicile

Le retour du patient à domicile doit être organisée méticuleusement dans deux cas de figure. En général, il s'agit de permettre au patient de recevoir des soins légers, suites nécessaires des soins qu'il a obtenus à l'hôpital. Dans d'autres cas plus ciblés, c'est une hospitalisation à domicile qui doit être mise en place.

Le séjour à l'hôpital des patients, notamment âgés, est parfois prolongé sans raison médicale, à cause des difficultés d'organisation du retour à domicile. On retiendra en ce sens le témoignage de M. Philippe Aillères, représentant de la CFE-CGC : « Je me suis rendu aujourd'hui aux urgences de mon hôpital, qui sont confrontées à des problèmes sociaux. L'assistante sociale m'a expliqué qu'elle aurait pu faire sortir tel malade qui n'avait plus besoin de soins médicaux, mais que l'aide à domicile nécessaire à son retour n'était pas disponible, d'où une prolongation du séjour du malade à l'hôpital et, par voie de conséquence, un embouteillage de mon service » (231).

À l'inverse, il a cité en exemple le dispositif mis en place à l'hôpital de Colchester, au Royaume-Uni, où une infirmière est chargée de préparer minutieusement le retour à domicile de certains patients (cf. supra). Certaines mesures similaires ont été prises en France, notamment dans le domaine associatif, mais elles ne sont pas mobilisables dans des délais compatibles avec le rythme de travail des urgences.

Par ailleurs, Mme Annie Podeur (DHOS) a rappelé qu' « aujourd'hui, on hospitalise - parce qu'on n'a pas d'autre choix - les conjoints de malades à un prix faramineux » (232).

L'étude Octoplus reprend les résultats d'une récente étude américaine (233) selon laquelle un suivi quotidien à domicile par une équipe multidisciplinaire appliquant des recommandations fixées à la suite d'une évaluation gériatrique standardisée permet de réduire le taux de retour à l'hôpital en urgence et un taux de recours aux urgences plus faible dans les 18 mois suivants.

C'est pourquoi, les représentants de la CGT proposent de « mettre en place un service mobile d'aide au retour à domicile des personnes âgées avec du personnel hospitalier » (234). Une meilleure coopération des structures des urgences avec les réseaux d'aide au maintien à domicile bénéficierait non seulement aux malades, mais dans certains cas à leur conjoint. Il existe plusieurs types d'organisations permettant le maintien à domicile, notamment par les comités locaux d'information et de coordination (CLIC), les réseaux gérontologiques ainsi que les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les infirmiers libéraux.

- Le recours aux SSIAD permet d'assurer la poursuite à domicile des soins dispensés aux personnes âgées dépendantes et, de ce fait, d'éviter des retours à l'hôpital (cf. l'encadré ci-après).

De même, pour le nursing et les soins de suite pouvant être administrés à domicile, une bonne articulation avec le médecin traitant et une bonne connaissance de l'offre d'infirmiers libéraux par les instances hospitalières semblent de nature à éviter que certains patients se représentent aux urgences pour des soins de suite.

LES SSIAD

Les SSIAD interviennent principalement auprès de personnes âgées dépendantes, pour différer une hospitalisation ou pour faciliter leur retour à domicile après un séjour à l'hôpital. Pour près d'un nouveau patient sur deux, le SSIAD est intervenu à la suite d'une sortie d'hospitalisation. L'initiative du recours au SSIAD est prise un membre de l'entourage dans près de la moitié des cas, et par un professionnel de santé (médecin traitant, service hospitalier ou infirmière libérale...) dans un peu plus d'un tiers des situations ». Le recours au SSIAD est motivé, une fois sur quatre, par l'apparition ou l'aggravation de la dépendance. En effet, on observe que près de 70 % des personnes prises en charge par les SSIAD relèvent d'un groupe iso-ressource (GIR) caractérisant un degré important de dépendance (GIR 1 à 4).

Plus des deux tiers de leurs usagers sont âgés de 80 ans et plus, deux tiers ont besoin d'aide pour la toilette et l'habillage, un quart est confiné au lit ou au fauteuil. 45 % d'entre eux souffrent de dépendance psychique.

La plupart des actes effectués à domicile par les SSIAD, principalement des soins de nursing, le sont par des aides-soignants, qui représentent 80 % du personnel des SSIAD et assurent plus de 80 % des visites. Des infirmiers libéraux, rémunérés à l'acte par les SSIAD, sont sollicités pour assurer 13 % des visites, le plus souvent pour effectuer des actes médicaux infirmiers que seuls des infirmiers sont habilités à réaliser.

Entre 1980 et 2002, le nombre de places dans les 1 760 SSIAD financées par l'assurance maladie est passé de 3 500 à 71 000. Les deux tiers des départements comptent entre 2,15 et 3,5 soignants salariés par des SSIAD pour 1 000 personnes âgées de 70 ans ou plus. On observe cependant que le sud de la France est relativement mieux doté que le nord en capacité de soins infirmiers (SSIAD et infirmiers libéraux confondus).

Sources : DREES, « Les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et l'offre de soins infirmiers aux personnes âgées en 2002 », et « L'allocation personnalisée d'autonomie au 30 juin 2006 », in Etudes et résultats, respectivement n° 350, novembre 2004 et n° 529, octobre 2006.

- Surtout, l'intégration des structures des urgences dans des réseaux gérontologiques semble utile. En effet, un récent rapport de « contrôle et d'évaluation du FAQSV et de la DDR » présenté par l'IGAS constate que ces réseaux permettent d'éviter un certain nombre de passages aux urgences tout en regrettant qu'ils soient très peu développés.

D'après les renseignements de la DHOS, 32 nouveaux réseaux de santé « personnes âgées » sont recensés en 2006. Le Plan solidarité - grand âge prévoit la poursuite de leur développement en favorisant leur reconnaissance et en assurant une synergie avec les comités locaux d'information et de coordination (CLIC). Un référentiel d'organisation des réseaux de santé « personnes âgées » serait d'ailleurs en cours de rédaction à la DHOS. Pour la DHOS, ces réseaux permettent, grâce a l'intervention coordonnée des médecins traitants et des structures hospitalières, d'éviter un certain nombre d'hospitalisations inutiles.

- Les CLIC peuvent être mobilisés, comme l'a indiqué Mme Annie Podeur (DHOS), « dans l'orientation pérenne », « en relais de l'hôpital », après le traitement d'une urgence et « au sortir, par exemple, d'un établissement de SSR ou d'un service de soins aigus » (cf. l'encadré ci-après)(235).

LES CLIC ET LES RÉSEAUX GÉRONTOLOGIQUES

Les CLIC s'inscrivent dans une politique publique en faveur des personnes âgées. Comme les réseaux de santé, ils concourent à améliorer la qualité de la prise en charge fondée sur une approche globale et personnalisée des besoins des personnes, associant prévention, accompagnement social et soins. Ils mobilisent autour des besoins individuels, dans une aire géographique définie, les ressources du champ sanitaire, social et médico-social.

Les CLIC visent à garantir la continuité, la lisibilité, l'ancrage territorial et la cohérence des politiques publiques en direction des personnes âgées, dans une triple logique de proximité, d'accès facilité aux droits, et de réseau entre professionnels et acteurs locaux.

Les réseaux favorisent l'accès aux soins, la coordination, la continuité ou l'interdisciplinarité des prises en charge sanitaires. Ils répondent à un besoin de santé de la population prenant en compte l'environnement sanitaire et social.

Les CLIC et les réseaux de santé répondent à des objectifs communs. Ils visent à améliorer la qualité des prises en charge par une évaluation des besoins, une mise en place de réponses rapides, complètes et coordonnées, une coordination des professionnels de santé et des professionnels du champ social et médico-social, une mise en oeuvre d'actions de prévention et d'éducation à la santé. Ils ont cependant des approches sensiblement différentes : les soins font partie intégrante de la prise en charge assurée par les réseaux, alors que les CLIC n'ont pas vocation à délivrer directement les soins et les aides. Les CLIC ont une mission d'accueil, d'écoute et d'information du public ; ils ont également vocation à intervenir sur l'environnement de la personne âgée, notamment sur l'habitat.

Source : Circulaire DHOS/DGAS/O3/AVIE/ n° 2003/257 du 28 mai 2003 relative aux missions de l'hôpital local.

La mesure n° 24 du Plan urgences prévoit de développer la HAD pour « maintenir les personnes âgées à leur domicile en prodiguant des soins continus et coordonnés d'une intensité équivalente à ceux dispensés à l'hôpital ». L'objectif est de multiplier le nombre de places pour atteindre une capacité totale de 8 000 places d'ici 2005.

D'après les renseignements fournis par la DHOS, on recensait fin 2005 7 660 places autorisées par les ARH et 5 857 places installées d'hospitalisation à domicile (HAD). Une forte croissance du développement de la HAD a notamment pu être observée en 2005 : le nombre d'autorisations nouvelles a progressé de 47 %, passant de 137 fin 2004 à 201 fin 2005. À la fin de l'année, le taux d'installation des structures autorisées dans l'année s'élevait déjà à 75,1 % (soit 151 structures).

Le ministre de la santé et des solidarités a annoncé lors de la IXè journée de la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile (FNEHAD) de décembre 2005 que le développement de la HAD devait continuer, en priorité dans les zones dépourvues de telles structures, avec un objectif de 15 000 places en 2010, ce que Mme Annie Podeur a confirmé devant la mission.

Selon elle, le développement de l'HAD est favorisé par une double dynamique :

- son inscription dans le SROS de troisième génération ;

- l'application de la tarification à l'activité.

- Les SROS de troisième génération doivent obligatoirement comprendre un volet HAD. Cette initiative, que la DHOS qualifie d'« importante et volontariste », est censée contribuer à réduire l'inégale implantation territoriale de l'offre de soins en HAD.

La circulaire DHOS/O n° 2004-44 du 4 février 2004 relative à l'hospitalisation à domicile encourage le développement des structures dans les zones qui en sont actuellement dépourvues. Dans ce cadre, le nombre de départements sans structures de HAD a été réduit de façon significative, passant de 52 en 1999, 33 en 2002 et 22 fin 2004 à seulement une dizaine de départements à ce jour.

- La tarification à l'activité s'applique à 100 % au 1er janvier 2006 à l'ensemble des structures HAD, qu'elles soient publiques ou privées. Selon la DHOS, la T2A est censée favoriser le développement de la HAD car la prise en charge des pathologies lourdes est mieux valorisée au sein des groupes homogènes de tarifs (GHT) et donc susceptible d'entraîner un apport de ressources supplémentaires.

Ainsi, la mobilisation des réseaux et le développement de la HAD doivent permettre de faciliter le retour des patients à domicile et de prévenir leur retour aux urgences. Bien préparer la transition du patient de l'hôpital vers un établissement d'aval présente les mêmes avantages pour les patients qui ne pourraient pas revenir à leur domicile.

2. Le transfert du patient vers un établissement d'aval ou d'hébergement

Plusieurs catégories d'établissements sont susceptibles de prendre en charge un patient à l'issue de son hospitalisation ou de sa prise en charge aux urgences. Il s'agit notamment des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et des établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR).

● Des liens encore insuffisants

Le besoin d'une meilleure articulation entre les EHPAD et les établissements de santé est manifeste comme en témoigne le fait que les schémas régionaux d'organisation des soins aient souvent développé des recommandations d'articulations avec le secteur médico-social, alors qu'il n'existe pas à l'échelon national de pilotage unifié de ces deux secteurs (le secteur médico-social échappe aux compétences de la DHOS).

Il existe encore pourtant un hiatus entre le domaine sanitaire et le domaine médico-social, dont les cultures sont parfois éloignées et comme M. Jérôme Antonini de la FEHAP l'a souligné « pour améliorer les relations entre les établissements de court séjour et les maisons de retraite, par exemple, il faudrait un apprentissage commun des contraintes de l'autre » (236).

● Les EHPAD ne sont pas assez médicalisés

Une large part des personnes entendues par la mission a, par ailleurs, estimé que la continuité des soins n'est pas assurée de façon satisfaisante dans les EHPAD.

Ainsi, Mme Annie Podeur (DHOS) a estimé que les EHPAD « souffrent sans doute d'un problème d'adaptation, notamment d'un niveau d'encadrement d'une population extrêmement dépendante ». Elle a constaté qu'« aujourd'hui, un aide soignant qui assure la permanence sur un EHPAD la nuit a tendance à appeler le centre 15 à la moindre difficulté respiratoire d'un patient ou à la moindre alerte ». Elle a regretté que « du coup, on hospitalise, ce qui est totalement contre-productif » (237).

Ce constat est partagé, par exemple, par Mme Marie-Christine Fararik, représentante de SUD, qui a souligné que « les EHPAD n'étant pas suffisamment médicalisés, les urgences se retrouvent en première ligne pour traiter ces patients », rappelant notamment que pendant la canicule de 2003, « tous les EHPAD ont envoyé leurs malades aux urgences médicales » (238). M. Philippe Blua, représentant du SNCH, a lui aussi regretté que « dans les maisons de retraite, quand une personne âgée se sent mal en fin de semaine, elle est envoyée aux urgences dont le circuit se trouve engorgé ». Pour lui, « c'est un phénomène artificiel d'engorgement des urgences » (239).

Pour éviter des retours aux urgences, il faut donc mieux assurer la continuité des soins en EHPAD, comme d'ailleurs en HAD.

Proposition : Étudier l'opportunité de faire figurer dans l'agrément pour hospitalisation à domicile (HAD) ou pour des réseaux de maintien à domicile, ainsi que dans l'agrément d'intervention en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), un engagement d'organiser la continuité des soins, afin de réduire le nombre de transferts de personnes âgées aux urgences consécutifs à une simple rupture de leur suivi médical.

● Pour une plus grande coopération entre le sanitaire et le médico-social

Pour éviter les « hospitalisations hâtives » des résidents des EHPAD, et « l'engorgement des urgences » qui en résulte, Mme Annie Podeur (DHOS) a jugé opportun de mettre en place « des conventions et des coopérations très fortes entre les établissements sanitaires et ces établissements médico-sociaux » (240). La DHOS estime par ailleurs que pour faciliter l'admission des personnes âgées en aval des urgences, « la création de lits d'EHPAD doit être une priorité ».

M. Jérôme Antonini, représentant de la FEHAP, a salué le fait qu'il soit maintenant enfin reconnu que les structures d'hospitalisation à domicile peuvent intervenir directement dans les maisons de retraite, notamment pour les prises en charges palliatives. Il a jugé qu'une telle possibilité représentait un premier pas vers une organisation tendant à ce que les personnes âgées, qu'elles soient hébergées, ou qu'elles vivent à domicile, soient le moins souvent possible réorientées vers le circuit de l'hospitalisation conventionnelle. Il a considéré en tout cas qu'entre les structures hospitalières et les EHPAD, « c'est en effet ce type d'approche, de partenariat et de convention qui permettrait d'organiser les choses rapidement et dans de bonnes conditions pour la personne âgée » (241).

Quant à M. Philippe Blua (SNCH), il a indiqué qu'une des propositions de son syndicat consiste à médicaliser rapidement les structures pour personnes âgées pour garantir à ces dernières un suivi médical permanent. Ainsi un médecin pourrait intervenir sur plusieurs établissements - par exemple, un établissement de 400 lits peut selon lui disposer d'un médecin de garde - en association avec un hôpital voisin. En cas de problème, la personne âgée serait soignée sur place. En outre, il a souligné l'importance d'une présence infirmière qui permet à un EHPAD d'assurer ses propres urgences. Ainsi, le regroupement des moyens entre plusieurs établissements peut permettre d'assurer un degré de médicalisation, suffisant notamment pour éviter un report sur les urgences.

L'article L. 5112-2 du code de la santé publique distingue les établissements de santé, publics ou privés, avec ou sans hébergement, selon qu'ils ont pour objet de dispenser :

- des soins de courte durée ou concernant des affections graves pendant leur phase aiguë en médecine, chirurgie, obstétrique, odontologie ou psychiatrie ;

- des soins de suite ou de réadaptation (SRR) « dans le cadre d'un traitement ou d'une surveillance médicale à des malades requérant des soins continus, dans un but de réinsertion ».

Organisés par la circulaire n° DH/EO4/97/841 du 31 décembre 1997 relative aux orientations en matière d'organisation des soins de suite ou de réadaptation, les SSR sont censés s'inscrire « en cohérence avec l'ensemble de l'offre hospitalière » et « dans la continuité des soins de courte durée » (cf. l'encadré ci-dessous). C'est dans cet esprit que les SSR constituent un volet du SROS.

LES SSR

● Précisant que les SSR « s'adressent à des malades requérant des soins continus et comportent une importante dimension éducative et relationnelle », la circulaire du 31 décembre 1997 énumère « cinq fonctions de soins techniques et d'accompagnement », qui, « combinées à des degrés variés », sont censées permettre la « réinsertion globale des malades » :

- la limitation des handicaps physiques qui implique la mise en œuvre de rééducation physique, voire d'appareillage et d'adaptation du milieu de vie.

- la restauration somatique et psychologique grâce à la simulation des fonctions de l'organisme, la compensation des déficiences provisoires, l'accompagnement psychologique et la restauration des rythmes.

- l'éducation du patient et éventuellement de son entourage par le biais des apprentissages, de la préparation et de l'adhésion au traitement, de la prévention. Le recours à des relais associatifs peut être utilisé à cet effet.

- la poursuite et le suivi des soins et du traitement à travers son adaptation, son équilibration, la vérification de l'observance par le malade, la surveillance des effets iatrogènes éventuels. Une attention particulière sera portée à la douleur.

- la préparation de la sortie et de la réinsertion en engageant, aussi rapidement que possible, les demandes d'allocations et d'aides à domicile, en tenant compte éventuellement de la dimension professionnelle.

● La circulaire présente « le principe de continuité des soins » comme un « fil conducteur » en matière d'organisation des soins de suite ou de réadaptation.

C'est pourquoi elle prévoit qu'afin d'assurer une véritable continuité des soins, l'admission des malades en SSR doit être négociée avec les structures amont (services d'hospitalisation le plus souvent). Cela signifie que des conditions d'admission doivent être formalisées et respectées.

Cette circulaire précise qu'en aval, la mission des SSR est de préparer la réinsertion sociale, familiale et, le cas échéant, professionnelle des malades et leur prise en charge par des acteurs sanitaires extra-hospitaliers et sociaux. Pour répondre à l'objectif de continuité, la fonction soins de suite ou de réadaptation s'inscrit donc à la fois :

- dans une filière de soins, organisée et déterminée par la trajectoire du patient, en fonction de son état de santé,

- et dans un réseau de soins, constitué par plusieurs acteurs de santé.

Source : circulaire n° DH/EO4/97/841 du 31 décembre 1997 relative aux orientations en matière d'organisation des soins de suite ou de réadaptation.

Il ressort des travaux de la mission que les premiers ne sont pas suffisamment articulés avec les seconds.

Ainsi, M. Jérôme Antonini, représentant de la FEHAP, a indiqué que les professionnels sont « confrontés à des problèmes entre les établissements de court séjour et les SSR, dans la mesure où leur mode de régulation n'est pas le même :

- le court séjour est de plus en plus dans la logique de la tarification à l'activité, il faut donc que les lits tournent, mais il bénéficie d'une prise en charge d'un certain nombre de molécules onéreuses en sus de son tarif ;

- or le secteur des SSR n'est pas encore dans cette logique, mais est resté dans le système de dotation globale ; aussi, les molécules onéreuses sont censées être dans leur forfait » (242).

Mme Hélène Logerau a indiqué que l'on constatait, de ce fait, des pratiques « à ne pas suivre », consistant par exemple pour un service d'hospitalisation chirurgicale ou médicale de court séjour, à admettre un patient issu des urgences et à le transférer en SSR, alors qu'il lui reste des examens à subir. « Cela arrive, parce que la T2A incite à faire tourner les lits sans trop mobiliser le plateau technique ; on sera alors payé de la même façon sans avoir trop dépensé ». Selon elle, les établissements de SSR constatent « qu'ils prennent en charge des patients de plus en plus lourds venant de court séjour, patients qui nécessiteraient d'avoir des prescriptions de molécules onéreuses » (1).

Aussi, M. Jérôme Antonini a-t-il estimé que « ce hiatus entre deux modes de régulation et de fonctionnement pénalise l'effort engagé par les établissements de MCO visant à réduire leur durée moyenne de séjour et à assurer la fluidité de leurs capacités d'hospitalisation ».

Ce constat souligne combien il est nécessaire de développer des partenariats entre les différents établissements et structures impliqués dans la prise en charge des urgences.

Proposition : Préparer la transition entre l'hôpital et le domicile en approfondissant les coopérations entre l'hôpital et les autres intervenants médicaux sociaux et sanitaires.

Dans cette optique, le développement de « réseaux des urgences » semble particulièrement intéressant.

D. L'ORGANISATION EN RÉSEAU DES STRUCTURES, SERVICES ET ÉTABLISSEMENTS IMPLIQUÉS DANS LA PRISE EN CHARGE DES URGENCES MÉRITE D'ÊTRE POURSUIVIE ET APPROFONDIE

Les dispositions du code de la santé publique issues des décrets n° 2006-576 et 2006-577 du 22 mai 2005 relatifs à la médecine d'urgence et aux conditions techniques de fonctionnement applicables aux structures de médecine d'urgence prévoient la constitution d'un « réseau de prise en charge des urgences ». La création d'un tel réseau intervient à la suite de plusieurs initiatives tendant à intégrer l'hôpital dans des réseaux de santé et à le doter de réseaux informatiques.

1. Le développement de réseaux informatiques tend à renforcer les liens entre les urgences et leur environnement sanitaire et médico-social

La mesure n° 16 du Plan urgences vise à mettre en place un système d'information complet concernant les activités des structures des urgences, mais aussi des SAMU et des SMUR. Élément majeur du bon fonctionnement d'un service d'urgences, il doit permettre :

- une gestion des flux de patients.

- une gestion médicale des dossiers.

- la connaissance des disponibilités en lits d'aval.

- la connaissance qualitative et quantitative de l'activité.

Selon le Plan urgences, ce système doit s'étendre progressivement (à partir de 2004) sur l'ensemble du territoire en articulant les trois niveaux « établissements », « régional » et « national ».

● Des expériences visant à faciliter le travail des urgentistes

Mme Annie Podeur (DHOS) a souligné l'intérêt de tels dispositifs : « une fois que les patients sont arrivés dans l'établissement de santé, il faut faire en sorte qu'ils puissent être orientés vers le service qui correspond à leur besoin et non pas qu'une infirmière ou une aide soignante, ou les deux, passent leur temps à faire les couloirs pour essayer de rechercher des lits disponibles ». Selon elle, cela passe « surtout par une plus grande transparence des pratiques au sein des établissements de santé et également sur une informatisation du processus, y compris de la gestion des capacités d'accueil, qui permette d'identifier les lits disponibles » (243).

Dans un document remis à la mission, les représentants de la CFDT soulignent la nécessité d'éviter toute perte de temps liée à la recherche de lits, décrite comme une « activité peu motivante coûteuse en temps de travail qualifié ». Ils plaident donc pour l'utilisation d'un suivi automatisé de l'état des lits de l'établissement. Cette tâche peut faire intervenir un personnel de secrétariat médical (et de service social pour les sorties de court et moyen séjour), plutôt que médical ou infirmier.

Considérant lui aussi qu'« il faut donc investir dans l'informatisation de la disponibilité des lits », M. Patrick Goldstein, a déclaré que la SFMU, dont il est le président, milite pour une informatisation des systèmes d'information dans les services d'urgence. Selon lui « il faudrait quasiment imposer à l'ensemble des services hospitaliers de faire en sorte qu'on puisse avoir une connaissance on line de la disponibilité en milieu hospitalier ». Relevant à cet égard que « M. Xavier Bertrand préconise une informatisation des systèmes d'information aux urgences à 97 % à la fin de 2007 », il a souhaité « que cela soit suivi d'effet, au niveau des ARH et des établissements ». Il a surtout souligné qu'« il ne faut pas demander aux médecins et aux infirmières des urgences d'organiser et de mettre en œuvre leur système d'information » (244) mais, au contraire, que cela soit mis en œuvre par des professionnels de l'informatique médicale, estimant d'ailleurs qu'il y a dans ce secteur des nouveaux métiers à créer. Dans une certaine mesure, cette position rejoint celle de M. Philippe Juvin, chef de la structure des urgences de l'hôpital Beaujon, qui a également souligné que l'informatisation des urgences pourrait gagner à être confiée à des sociétés extérieures à l'hôpital, hautement spécialisées dans ces technologies.

Pour Mme Marie-Christine Fararik, représentante du syndicat SUD-Fédération santé sociaux, du fait de l'informatisation des structures des urgences, « les infirmières ont l'impression d'être davantage le nez sur leur ordinateur qu'auprès de leurs patients, ce qui génère chez elles une vraie souffrance ». Selon elle, les infirmières ne sont plus « dans l'empathie, dans le contact avec le patient, et cela décourage les vocations » (245).

En tout état de cause, des systèmes informatiques recensant les disponibilités de lits ont été mis en place dans certains établissements.

● Un dispositif analogue mis en place à l'échelle régionale en Île-de-France : le Centre régional de veille et d'action sur les urgences (CERVEAU - cf. l'encadré ci-après)

LE DISPOSITIF « CERVEAU »

La crise sanitaire engendrée par la canicule d'août 2003, ainsi que les épidémies pédiatriques de l'hiver 2003, ont mis en évidence la nécessité d'améliorer la veille sanitaire et de disposer d'outils de pilotage des urgences hospitalières.

L'ARH d'Île-de-France et l'AP-HP ont mis en place, dès mars 2004, le centre régional de veille et d'action sur les urgences (CERVEAU), avec le double objectif d'assurer une veille sanitaire à partir des SAMU et des services des urgences et de favoriser le bon fonctionnement des services des urgences, tout au long de l'année et notamment en cas d'évènement sanitaire exceptionnel. Il s'appuie sur un système d'information qu'il a mis en place et dont il assure le développement avec l'ensemble des services d'urgences de la région (96 services) et environ 100 autres services de SSR pour suivre la disponibilité en lits.

Le 30 mai 2006, un colloque réunissant près de 200 personnes a été organisé sur le bilan d'activité et les perspectives d'évolution du CERVEAU. Il a permis la signature entre l'AP-HP, l'ARH d'Île-de-France, l'Institut national de la veille sanitaire (InVS) et la direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Île-de-France d'une chartre de partenariat pour une durée de trois ans (2006-2009) précisant les missions du CERVEAU dans la région d'Île-de-France :

- il assure la veille de l'activité sanitaire au niveau des services des SAMU et urgences hospitalières.

- il assure une veille de l'offre de soins des établissements de santé pour l'aval des urgences.

- il met à disposition de l'ensemble des acteurs et partenaires des analyses quotidiennes sur l'activité de l'offre de soins et les lits disponibles.

- il facilite l'engagement des actions nécessaires en cas de tension par les établissements en lien avec les DDASS et l'ARH d'Ile-de-France.

Pour remplir ses missions, le CERVEAU produit, sur la base de l'analyse des données recueillies, un bulletin quotidien et des bulletins thématiques périodiques en fonction des besoins et leurs impacts sur l'évolution des organisations hospitalières. Ces bulletins sont transmis à l'ensemble des partenaires hospitaliers de la région, aux services de l'Etat et à l'administration centrale.

Le CERVEAU réalise également des études permettant une meilleure connaissance des caractéristiques des patients vus aux urgences afin d'apporter des éléments de nature à adapter l'offre de soins préhospitalière et hospitalière, aux niveaux régional, départemental et des territoires de santé.

Source : ARH d'Île-de-France, « La signature de la charte de partenariat du CERVEAU », in Bulletin mensuel de l'Agence, n° 32, juillet 2006.

M. Jérôme Antonini, représentant de la FEHAP, a indiqué que les établissements de la FEHAP situés en Île-de-France participent au CERVEAU. Il a décrit ce dispositif comme « une expérience de mutualisation des capacités en hospitalisation et en réanimation » et jugé que l'avantage d'un tel dispositif « est double : partager l'information et relativiser les discours, en tout cas les rendre objectif ». En effet, selon lui, grâce au CERVEAU, « on peut discerner les situations véritablement difficiles, pour lesquelles tout le monde doit se mobiliser, des situations de tension habituelles des structures d'urgences. Cela contribue à rendre le débat avec les urgentistes plus serein et plus maîtrisé » (246).

M. Patrick Goldstein, président de la SFMU, a estimé quant à lui que le CERVEAU est « le seul système valable » (247) en matière de recensement des lits disponibles à l'échelle de plusieurs établissements.

Tout en reconnaissant qu'un tel système « facilite bien les choses », Mme Hélène Logereau, représentante de la FEHAP, a souligné que cela ne valait que « dans la mesure où tous les acteurs jouent le jeu » (248).

En outre, votre rapporteur souligne que pour être utile, un tel système doit permettre de gagner réellement du temps. Or M. Philippe Juvin a indiqué à la mission, lors de son déplacement à l'hôpital Beaujon, que dans certains cas, la consultation du CERVEAU et la réservation d'un lit prennent plus de temps que le fait de passer des coups de téléphone. Sous cette réserve, il semble que les réseaux tels que le CERVEAU méritent d'être développés.

Proposition : Développer des systèmes informatiques recensant, à l'échelle d'un territoire de santé de région, les disponibilités de lits d'hôpital et de places en établissements.

On signalera d'ailleurs qu'il existe en la matière des initiatives privées. La mission a ainsi entendu les promoteurs du réseau Santé urgences, qui développent un dispositif comparable dans un cadre associatif.

● Les perspectives ouvertes par le dossier médical personnel (DMP)

Pour aller plus loin, les réseaux informatiques des structures des urgences peuvent porter le dossier médical du patient et permettre ainsi au personnel des urgences de ne plus manier de papiers.

Un tel système fonctionne déjà à l'hôpital Beaujon et il apparaît que les personnels sont satisfaits de ne plus avoir ni papiers à utiliser ni archives à manier. Cependant, on constate que ce système d'information n'est interopérable ni avec les systèmes utilisés par le SAMU, le SMUR et le SDIS, ni avec ceux qu'utilisent les plateaux techniques. Le personnel des urgences doit donc consacrer une partie de son temps à des tâches de saisie informatique, notamment pour intégrer au système informatique des urgences les résultats des examens complémentaires. Selon le document remis à la mission par les représentants de la CFDT, la diffusion des outils informatiques pour le dossier patient et pour la traçabilité des interventions, « priorité ministérielle », bénéficie d'une montée en charge mais l'on peut s'interroger sur les compatibilités des réseaux et des procédures informatiques entre établissements et avec les interlocuteurs extérieurs, faute d'harmonisation et de définitions communes.

Ces difficultés pourraient être levées avec la mise en place d'un « dossier patient » national partagé entre l'hôpital et la médecine de ville : le dossier médical personnel (DMP) (cf. l'encadré ci-dessous).

LE DOSSIER MÉDICAL PERSONNEL ET L'HÔPITAL

La mise en œuvre du dossier médical personnel (DMP) est prévue par la loi du no 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

Selon l'article 3 de cette loi (articles 161-36-1 à 161-36-4 du code de la sécurité sociale), chaque bénéficiaire de l'assurance maladie dispose d'un dossier médical personnel contenant des informations qui permettent le suivi des actes et prestations, afin de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins. Les articles précités du code de la santé publique précisent que le DMP est créé auprès d'un hébergeur de données de santé à caractère personnel agréé, et que chaque professionnel, exerçant en ville ou en établissement de santé, quel que soit son mode d'exercice, reporte dans le DMP, à l'occasion de chaque acte ou consultation, les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins.

La circulaire DHOS/E3 no 2006-281 du 28 juin 2006 relative à la mise en oeuvre du dossier médical personnel (DMP) par les établissements de santé indique que « l'objectif principal de cette réforme est donc de favoriser la coordination des soins grâce au développement du partage des informations médicales, tout en donnant au patient la maîtrise de l'accès aux données le concernant ».

Selon cette circulaire, la DHOS fait une priorité de la contribution des établissements de santé à la mise en oeuvre du dossier médical personnel dans le respect des spécifications et du calendrier définis par le « groupement d'intérêt public DMP », maître d'ouvrage du projet. À sa demande, la Mainh (mission d'appui à l'investissement hospitalier) a constitué un pôle national « système d'information » ainsi qu'un réseau de chargés de mission spécialisés placés sous l'autorité des ARH, pour venir en appui du déploiement des réformes engagées (tarification à l'activité, parcours de soins et DMP). Le GMSIH (groupement pour la modernisation du système d'information hospitalier) intervient en complémentarité avec la Mainh en apportant une assistance aux établissements de santé. En outre, la circulaire pour la campagne budgétaire 2006 prévoit 28 MEuro de subventions ciblant la T2A et le DMP.

La phase expérimentale a démarré le 1er juin 2006. Près d'une centaine d'établissements de santé publics et privés, une quarantaine de réseaux de santé et 1 500 professionnels de santé libéraux y participent. La phase de généralisation commencera au cours du premier semestre 2007. La montée en charge du dispositif est censée s'achever en juillet 2007.

Concernant l'alimentation du DMP, l'objectif minimum pour les établissements de santé est d'être en mesure d'assurer la transmission rapide des comptes rendus d'hospitalisation (ou lettres de sortie). Les établissements dont les systèmes d'information le permettront pourront adresser des comptes rendus de consultation, de passage aux urgences, d'examens, ou tous autres types de documents utiles à la coordination des soins (éventuellement des images).

Concernant la consultation du DMP, il s'agit de permettre aux praticiens hospitaliers d'avoir accès, au DMP quand le patient en donne explicitement l'autorisation à l'occasion d'une hospitalisation ou d'une consultation. Ces accès au DMP devront être réalisés dans les conditions de sécurité et de confidentialité requises par la CNIL.

Source : circulaire DHOS/E3 no 2006-281 du 28 juin 2006 relative à la mise en œuvre du dossier médical personnel (DMP) par les établissements de santé

La circulaire DHOS/E3 no 2006-281 du 28 juin 2006 relative à la mise en oeuvre du dossier médical personnel (DMP) par les établissements de santé souligne que « la mise en place du DMP doit constituer, pour les établissements de santé, un levier de l'informatisation du dossier du patient et des processus de soins, ainsi que de l'ouverture des systèmes d'information hospitaliers pour assurer une communication avec les autres acteurs de santé, dans le respect de la confidentialité des données à caractère personnel ».

M. Marc Giroud, président de SAMU de France, a estimé qu'« il faut vraiment promouvoir le dossier médical personnel ». Il a d'ailleurs plaidé pour l'assouplissement des procédures d'accord du patient à la consultation du DMP, notamment dans le cadre de l'intervention des SAMU ou des SMUR. Selon M. Marc Giroud, « on retirera un gain considérable de la promotion du médecin généraliste dans son rôle de pilote du malade et de la généralisation du DMP comme outil centralisé d'échange entre les professionnels ». Par exemple pour le cas des personnes âgées, pour lesquelles une « femme de service qui fait fonction d'infirmière pendant la nuit » appelle le SAMU dans la nuit sans connaître rien de ses antécédents médicaux, le DMP « renseignera sur les antécédents de la personne âgée et permettra de comprendre sa situation » et, le cas échéant, de la « gérer sans aller à l'hôpital » (249). De même, M. Philippe Juvin a souligné que si le DMP est mis en place, il pourra éviter d'avoir à pratiquer pour un patient un examen qui a déjà été pratiqué en ville peu avant.

De même, dans ses « 65 propositions pour l'avenir du service public hospitalier », la FHF recommande, « quand c'est possible, de déplacer les informations plutôt que les personnes ». Or elle considère que « le dossier médical personnel et partagé est au centre du système visé, car il permet de situer l'action diagnostique et thérapeutique dans le cadre d'une prise en charge d'ensemble. Elle plaide donc pour « son déploiement cohérent et généralisé entre structures de soins », soulignant qu'« un effort considérable doit être poursuivi afin de l'intégrer dans la logique des réseaux de santé ». Sa proposition n° 27 consiste donc à « systématiser l'usage du dossier médical personnel ».

L'informatisation des urgences paraît donc devoir être encouragée.

Proposition : Poursuivre l'informatisation des urgences, dans un souci constant d'interopérabilité avec les systèmes utilisés par les autres acteurs de la prise en charge des urgences médicales (SAMU, transporteurs sanitaires, plateaux techniques, services d'hospitalisation...).

Tout comme le développement des systèmes d'information aux urgences contribue à connecter ces services à leur environnement, de même, les décrets du 22 mai 2006 tendent à intégrer chaque structure de médecine d'urgence dans un « réseau de prise en charge des urgences ».

2. La réforme des urgences entreprise par les décrets du 22 mai 2006 passe par la mise en réseau de toutes les structures de médecine d'urgence

Les dispositions du code de la santé publique issues des décrets du 22 mai 2006 font de l'appartenance à un « réseau des urgences » une condition de l'autorisation des structures des urgences. Une telle organisation semble en effet à même de renforcer l'efficience des structures de médecine d'urgence, sous réserve que les transports sanitaires soient développés en conséquence.

Mme Annie Podeur a déclaré que la DHOS doit prochainement « organiser en réseau, à l'échelle du territoire de santé, tous les établissements qui contribuent à la prise en charge de l'urgence », entreprise dont elle a souligné « l'extrême importance ». Ainsi, « autour d'un SAMU, seront organisés à la fois des SMUR, des structures d'urgences, des établissements d'hospitalisation aiguë et, également, des établissements qui interviennent en aval de l'hospitalisation aiguë » (250) (cf. l'encadré ci-après).

Ce réseau de prise en charge des urgences « intervient également en aval des urgences, puisque son objectif est autant de permettre une graduation des soins et d'éviter les entrées inutiles aux urgences que de désengorger très vite celles-ci en organisant, en aval, la prise en charge du patient que ce soit en HAD, en SSR, en hôpital local ou en structure médico-sociale, voire en hébergement temporaire ».

LES DISPOSITIONS DU DÉCRET N° 2006-576 DU 22 MAI 2006 RELATIF À LA MÉDECINE D'URGENCE CONCERNANT LE RÉSEAU DE PRISE EN CHARGE DES URGENCES

L'article R. 6123-26 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du décret n° 2006-576 du 22 mai 2006 relatif à la médecine d'urgence, prévoit que l'établissement autorisé à exercer la prise en charge des patients accueillis dans la structure des urgences ou dans la structure des urgences pédiatriques « met en place ou participe à un réseau avec d'autres établissements de santé publics et privés ». Le même article précise que « ce réseau contribue à la prise en charge des urgences et de leurs suites sur le territoire de santé, notamment pour assurer l'accès à des compétences, à des techniques et à des capacités d'hospitalisation dont ne dispose pas chacun des établissements membres, et coordonner leurs actions et leurs moyens ». L'article R. 6123-27 du même code indique que « le réseau couvre un espace infra-régional, régional ou interrégional ».

L'article R. 6123-28 du même code prévoit que « le réseau peut également comprendre :

« 1° Les professionnels de la médecine de ville, notamment les médecins participant à la permanence des soins ;

« 2° Les médecins intervenant à la demande du SAMU, y compris les médecins correspondants du SAMU dont les missions et le cadre d'intervention sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé ;

« 3° Les officines de pharmacie ;

« 4° Des établissements sociaux et médico-sociaux, en particulier des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Enfin, l'article R. 6123-29 dispose qu'« une convention constitutive du réseau précise notamment les disciplines et les activités de soins ou les états pathologiques spécifiques pour lesquels les établissements membres s'engagent à accueillir et à prendre en charge les patients qui leur sont adressés par le SAMU ou par la structure des urgences ». Selon cet article, cette convention est soumise à l'approbation du directeur de l'ARH, qui veille à la cohérence des réseaux définis au sein de la région et à leur articulation avec ceux des régions limitrophes.

Comme le commente un document remis à la mission par les représentants de la FHF, ces dispositions « instituent un principe de prise en charge coopérative des urgences et de leur aval par l'ensemble des établissements sanitaires et médico-sociaux d'un même territoire de santé ».

Soulignant que « les décrets du 22 mai 2006 prévoient qu'une convention constitutive de ces réseaux doit être signée dans les meilleurs délais », Mme Annie Podeur a indiqué que M. Jean-Yves Grall, conseiller général des établissements de santé, va devoir procéder rapidement à la rédaction de telles conventions, « non pas pour qu'on donne des modèles, mais pour que nous identifions des éléments constitutifs incontournables ».

Selon M. Philippe Aillères, représentant de la CFE-CGC, « tisser avec les collègues spécialistes d'organes d'excellentes relations, comme cela ressort des décrets, découle du bon sens car les urgences ne sont pas seulement l'affaire des urgentistes, mais de tout l'établissement (...) il appartient à la direction de chaque hôpital de veiller à la bonne articulation entre les différents services, au besoin en formalisant leurs relations par une convention ». Il a toutefois estimé que « la notion de « réseau » prévue par le décret est un peu floue » (251).

Devant la mission, Mme Annie Podeur (DHOS) a précisé qu'à la différence des réseaux de santé ville/hôpital classiques, « ce ne sera pas un réseau bénéficiant de financement ». En effet, « c'est un mode de fonctionnement coordonné entre des professionnels de santé libéraux, parce qu'ils seront associés au dispositif, et des établissements sanitaires ou médico-sociaux » (252).

Enfin, M. Philippe Aillères a souligné l'intérêt « des répertoires opérationnels des ressources disponibles et mobilisables » (253) qui doivent être mis en place « pour donner corps à de véritables réseaux des urgences ». Selon lui, tous les réseaux de santé - diabète, précarité, sida, personnes âgées - font la même chose car ils ont besoin de savoir quelles sont les ressources disponibles dans le domaine médical, social, médico-social, etc. Il observe d'ailleurs que « sur un même territoire, ces répertoires finissent par être communs ». Aussi a-t-il estimé qu'« avec le temps, il faudra disposer de centres de régulation qui connaissent en permanence les ressources disponibles, dans le cadre des différents réseaux, sur un territoire donné et qui sont capables de les mobiliser ». Dès que seront effectivement appliquées les dispositions de l'article R. 6123-28 du code de la santé publique, les réseaux de prise en charge des urgences pourront comprendre « des établissements sociaux et médico-sociaux, en particulier des EHPAD ».

Proposition : Développer les réseaux de santé et leur articulation avec les « réseaux de prise en charge des urgences » institués par les décrets du 22 mai 2006.

Comme l'indique l'étude « l'heure H - 65 propositions pour l'avenir du service public hospitalier » publiée par la FHF le 5 décembre 2006, on observe depuis plusieurs années l'émergence d'un modèle d'organisation à trois niveaux :

- l'accueil de proximité,

- le pôle de recours,

- et, entre les deux, un plateau technique disposant d'une offre chirurgicale, obstétricale, médicale et de réanimation.

● L'accueil de proximité

Pour la FHF, l'accueil de proximité doit permettre à tout citoyen de bénéficier d'une prise en charge de première intention, en urgence ou de façon programmée, et d'une orientation soit vers un niveau de technicité supérieur quand la nécessité en est établie, soit vers les professionnels de santé ou médico-sociaux du territoire quand c'est utile.

À cette fin, un tel établissement doit disposer, en propre ou en partenariat avec la médecine de ville, d'un plateau technique permettant la réalisation d'actes médico-techniques de base ou le recours à la télémédecine (biologie, imagerie) et d'unités d'hospitalisation (médecine, gériatrie et soins de suite). Pour la FHF, ces établissements de proximité doivent servir à agréger une offre de soins variée :

- des professionnels du territoire, et au premier chef des médecins généralistes ;

- des services de proximité comme la psychiatrie de secteur ;

- des services d'addictologie ;

- des services de HAD et des services de SSIAD ;

- des consultations spécialisées avancées en partenariat avec les plateaux médico-techniques ;

- des établissements et services sociaux et médico-sociaux ;

- des services à la personne.

L'établissement organiserait avec eux la permanence des soins de proximité (soins, actes techniques et diagnostiques) et l'accompagnement des personnes. La FHF suggère également que de tels établissements puissent être équipés d'une « plateforme de service aux technologies numériques et aux réseaux à haut débit » permettant de pratiquer la télémédecine.

Cependant, pour la FHF, de tels établissements n'auraient pas à exercer d'activité chirurgicale, car, en filigrane des décrets du 22 mai 2006, « apparaît une distinction nouvelle dans la culture hospitalière entre le fait de se voir confier des missions d'accueil des urgences d'une part, et l'existence d'une activité chirurgicale autorisée sur le même site, d'autre part ».

● Les pôles de recours

Comme l'indique la FHF, des progrès scientifiques conduisent inexorablement vers la constitution de plateaux de haute technologie de plus en plus coûteux. La rationalisation des équipements et des ressources suppose donc que la prise en charge des patients dans le parcours de soins soit préparée en amont et en aval, en liaison avec le niveau de proximité et les plateaux techniques de médecine, chirurgie, obstétrique et réanimation, notamment grâce à al télémédecine.

La nécessité d'identifier clairement des « pôles de recours » ou centres de référence s'est ainsi imposée au cours des dernières années pour des pathologies qui mobilisent un plateau technique très lourd (neurochirurgie, traitement des grands brûlés...), ou dans des domaines comme les maladies rares (la mucoviscidose, la sclérose latérale amyotrophique...). Les innovations organisationnelles, l'animation des réseaux et l'intégration de la prévention trouvent souvent leur source dans des équipes structurées autour de projets hospitalo-universitaires.

● Les établissements intermédiaires

Selon la FHF, il est essentiel de disposer dans chaque territoire de santé d'au moins un établissement public « intermédiaire » - souvent un CH - disposant d'une offre de spécialités médicales, de chirurgie, d'obstétrique et de réanimation pour recevoir et traiter ce type d'urgences médicales.

Cet établissement doit être situé à la jonction des sites de proximité pour lesquels il assure des consultations avancées et des centres de référence - ou pôle de recours - à qui il confie la réalisation d'actes qui mobilisent des ressources rares et des compétences spécialisées.

Pour assurer la disponibilité des compétences et la qualité des soins et mieux coordonner leur offre, les hôpitaux concernés devraient s'organiser lorsque cela est nécessaire sous forme de groupement d'établissements publics de territoire. La FHF propose également que si la population desservie ne permet pas la coexistence de deux plateaux techniques, le regroupement des équipes publiques et privées sur un site unique peut permettre aux hospitaliers et aux libéraux de travailler ensemble autour d'un projet commun.

Ainsi, la mise en réseau des structures des urgences permet un maillage du territoire qui concilie d'une part la proximité des structures sanitaires d'accueil, condition de l'égalité d'accès aux soins, et d'autre part la sécurité du traitement des urgences dans des centres disposant de la technologie et des spécialités de pointe. Reste que l'effet conjugué de la réforme des structures de médecine d'urgence et de la mise en œuvre de la T2A pourrait mettre à mal les plus petites structures des urgences, celles qui accueillent moins de 8 000 passages par an.

Comme M. David Causse, représentant de la FHF, l'a indiqué, « la FHF insiste également sur le maillage du territoire par des structures d'urgence, qui jouent un rôle de proximité auprès de la population » (254). Si les décrets du 22 mai 2006 vont dans le sens d'une meilleure garantie de la qualité des soins qui y sont délivrés, il n'en regrette pas moins que leur financement ne soit pas à la hauteur de ce qu'il devrait être.

Il ressort de l'article R. 6123-9 du code de la santé publique, qu'une structure des urgences dont l'activité est inférieure à 8 000 passages par an ne peut être autorisée qu'à condition que cet établissement participe à une fédération médicale interhospitalière ou à un groupement de coopération sanitaire, afin de constituer une équipe commune avec des établissements autorisés pour la même activité et ayant une plus forte activité. Selon la FHF, « cette exigence est indiscutable pour des raisons de qualité des soins et de pratique collective ».

Mais elle estime aussi que « pour qu'une structure d'urgence soit financièrement équilibrée, son activité doit être de 15 000 passages par an » (cf. le graphique ci-après). En conséquence, elle plaide pour l'instauration de « MIGAC de continuité territoriale » destinés à « viabiliser ces structures parrainées », et à « compenser les manques à gagner en T2A des sites parrains, qui seront naturellement peu enclins à se défaire des praticiens desquels dépendent le niveau de leurs recettes propres ».

Lors de son audition par la mission, le ministre de la santé et des solidarités, M. Xavier Bertrand, ne s'est pas montré opposé à la reconnaissance de telles MIGAC. Votre rapporteur y voit un moyen de consolider les petites structures d'urgences, indispensables au maillage sanitaire du territoire, de façon cohérente avec la logique de la tarification à l'activité.

Proposition : Étudier la mise en place de forfaits de « missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation » (MIGAC) au titre de la continuité territoriale pour compenser les effets négatifs de la tarification à l'activité sur le financement des petites structures des urgences, qui contribuent à la densité du réseau hospitalier et à l'égalité d'accès aux soins, notamment en zone rurale, mais dont l'activité est faible.

LES ACTIVITES DE SOINS ET LES SEUILS MEDICO-ECONOMIQUES

Source : Fédération hospitalière de France

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La recomposition du maillage du territoire en structures des urgences de trois niveaux de technicité, esquissée dans la récente réforme des structures de médecine d'urgence, impose que les transferts de sites de proximité vers des sites mieux dotés en équipements et en spécialistes soient bien organisés. Cela suppose un développement des transports secondaires et une bonne organisation des services d'hospitalisation de l'établissement receveur.

Comme l'a souligné Mme Andrée Barreteau, représentante de la FHF, « Il faut opérer une petite révolution, sinon une grande, en matière de transports sanitaires, et surtout de transports héliportés ». Depuis vingt ans, les établissements pivots, publics ou privés, ont été soumis à des astreintes médicales comparables. Or des économies peuvent être faites si l'on décide une mutualisation de ces astreintes et si les obligations de service public sont bien partagées entre les deux secteurs. Des moyens pourraient alors être redéployés pour mailler le territoire de façon cohérente, à partir d'un investissement fort dans les transports héliportés. Selon elle, « après un maillage de première proximité qui permet le conditionnement du patient, il faut pouvoir, par exemple en cas d'infarctus ou d'accident vasculaire cérébral grave, de faire appel, via le SAMU, à un transport héliporté de jour comme de nuit ». Elle a souligné à cet égard que « l'enjeu est, en définitive, l'égalité d'accès aux soins », affirmant qu'« actuellement, si l'on habite à proximité d'un CHU, on a l'assurance d'être correctement pris en charge, mais si l'on habite loin d'un CHU, un problème risque de se poser » (255).

L'idée selon laquelle un besoin croissant de transports sanitaire va se faire sentir en lien avec la réforme des structures de médecine d'urgence a également été évoquée par les urgentistes rencontrés par la mission au CH de Nevers lors de son déplacement dans la Nièvre. Ils plaidaient également pour l'installation d'un hélicoptère du SAMU à Nevers.

Par ailleurs, comme cela a été précédemment développé, il est fréquent qu'un malade adressé par un urgentiste à un service d'hospitalisation d'un autre établissement de santé soit obligé de passer d'abord par la structure des urgences dudit établissement. C'est pourquoi la SFMU recommande d'éviter le passage par l'accueil des urgences des patients pris en charge par la médecine d'urgence pré-hospitalière ou adressés par les plus petites structures des urgences à l'établissement référent.

Si la viabilité financière des plus petites structures des urgences est mieux garantie, et les transferts de patients bien organisés, la mise en place du « réseau de prise en charge des urgences » pourra contribuer à consolider le maillage sanitaire du territoire.

3. La réforme des urgences met en œuvre des processus d'évaluation et de certification des structures

● Les fiches de dysfonctionnement du réseau de prise en charge des urgences

Comme Mme Annie Podeur (DHOS) l'a souligné devant la mission, l'organisation des urgences en réseau va s'alimenter d'une analyse régulière des dysfonctionnements, à partir d'une fiche de dysfonctionnement mise au point en concertation avec les organisations des médecins urgentistes. Selon elle, « on ne se contentera plus de constater les dysfonctionnements mais on essaiera d'établir au vu de ces fiches les mesures correctives au cours d'un débat organisé, à l'échelle d'un territoire de santé, parce que l'établissement constitue un espace trop restreint pour que l'on puisse dégager efficacement des solutions » (256).

Pour M. Philippe Aillères, CFE-CGC, la mise en place et l'analyse de ces fiches constitueront des avancées intéressantes, susceptibles de faire progresser la discipline. En effet, « quand un établissement demande l'autorisation requise pour ouvrir une structure d'urgence, il s'engage sur un certain nombre de points (...) cela fait partie intégrante de son projet d'établissement et cela signifie que les services en aval des urgences vont eux aussi participer en envoyant, par exemple, un pneumologue faire une fibrose, etc. » (257).

Le caractère obligatoire de la déclaration des dysfonctionnement, loin de constituer une contrainte pour les praticiens, leur offre une plus grande liberté d'expression, comme en témoigne M. Aillères : « Imaginez que j'aille voir le directeur en critiquant le pneumologue parce qu'il n'a pas voulu me prendre un malade. Si je suis nouveau et que je n'ai pas encore d'autorité vis-à-vis de mes collègues, cela risque de me mettre en difficulté parce que j'aurai rompu le pacte médical. Ces fiches vont me permettre de ne pas m'exposer, puisque je vais remplir une fiche conformément à un décret ; elles vont permettre de faire remonter une information de dysfonctionnement médical au niveau du management de l'établissement. Ce système me libère de la loi du silence ».

● La certification des établissements

Parallèlement, les représentants du SNAM-HP ont souligné l'intérêt de la « certification V2 » (cf. l'encadré ci-après) car cette démarche de certification fait obligation à tous les services de créer des protocoles et des conventions entre eux.

LA CERTIFICATION V2

Les articles L. 6113-1 à L. 6113-12 du code de la santé publique fixent les conditions dans lesquelles les établissements de santé, publics ou privés, sont tenus de procéder à l'évaluation de leur activité. L'article L. 6113-3 dispose notamment que ces établissements doivent faire l'objet d'une procédure externe d'évaluation, dénommée accréditation, conduite par la Haute autorité de santé. Cette procédure vise à porter une appréciation indépendante sur la qualité de tout ou partie d'un tel établissement, à l'aide d'indicateurs, de critères et de référentiels portant sur les procédures, les bonnes pratiques cliniques et les résultats des différents services et activités de l'établissement.

La certification se distingue de l'inspection et met l'accent sur la participation des professionnels de l'établissement. En effet, il leur est demandé d'effectuer une évaluation de leur propre établissement, un diagnostic qualité. Cette « auto-évaluation » est ensuite transmise à une équipe pluridisciplinaire d'experts-visiteurs désignée par la HAS pour conduire l'évaluation sur place.

L'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée avait déjà introduit dans le système de santé français une procédure d'accréditation, confiée à l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) et visant à vérifier que les établissements de santé développent une démarche d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins délivrés aux patients. La loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a substitué la HAS à l'ANAES et le terme de « certification » au terme d'« accréditation ».

L'ANAES avait d'abord opté pour une démarche d'accréditation centrée sur la qualité du fonctionnement logistique de l'hôpital et de la prise en charge du malade, à l'exclusion des pratiques cliniques, c'est-à-dire de la qualité de l'acte médical lui-même - communément appelée « certification V1 ». Une communication en Conseil des ministres du 5 mars 2003 indique que cette procédure doit évoluer dans le sens d'une plus grande médicalisation des critères - on parle alors de « certification V2 ».

La certification des établissements de santé se situe d'ailleurs dans un double courant international où l'évaluation externe des établissements par des professionnels vise à encourager l'amélioration de la qualité et où l'évaluation du niveau de qualité atteint répond aux attentes actuelles d'un public toujours plus exigeant en matière d'information sur la qualité des services rendus.

C'est aux Etats-Unis en 1917 que des chirurgiens soucieux de la compétence de leurs pairs et de la sécurité des établissements de santé se sont les premiers attachés à élaborer des références pour évaluer ces deux dimensions. Il faudra attendre 1951 pour que soit fondé, toujours aux Etats-Unis, le premier organisme chargé de coordonner la conduite de procédures de certification. Par la suite, de nombreux pays se sont engagés dans des démarches similaires.

Sources : ANAES, direction de l'accréditation et de l'évaluation des pratiques, « Manuel 'accréditation des établissements de santé - deuxième procédure d'accréditation, septembre 2004 et HAS, direction de l'accréditation, « Guide d'aide à la cotation - deuxième procédure de certification des établissements de santé (v2), novembre 2005.

● L'évaluation des pratiques professionnelles

Enfin, on rappellera que la nouvelle gouvernance hospitalière vise à renforcer l'évaluation des pratiques professionnelles, notamment au niveau du pôle d'activité.

En effet, les modalités de fonctionnement des pôles sont définies de façon opérationnelle dans un « contrat interne » négocié entre le pôle d'activité et l'établissement. En application des dispositions de l'article L. 6145-16 du code de la santé publique, les conditions d'exécution de ce contrat, notamment la réalisation des objectifs assignés au pôle, font l'objet d'une évaluation annuelle entre les cosignataires dont les modalités et les critères de base sont définis par le conseil d'administration après avis du conseil de pôle, de la commission médicale d'établissement et du conseil exécutif.

De plus, selon l'article L. 6146-6 du même code, le « projet de pôle » doit prévoir des actions à mettre en œuvre pour développer l'évaluation des soins. Ainsi, l'article dispose que « les projets de pôle comportent des objectifs en matière d'évaluation des pratiques professionnelles » et que « ces objectifs et leur suivi sont approuvés par les chefs de service du pôle ».

À l'issue de ces développements, le rapporteur tient à souligner l'importance de l'évaluation des pratiques professionnelles et des organisations. En effet, seuls des dispositifs d'évaluation rigoureux, intégrés dès la conception des projets, permettront de tirer les conclusions des nombreuses expérimentations mises en oeuvre en matière de prise en charge des urgences médicales, tant en amont des structures des urgences, au sein de celles-ci ou en leur aval.

PROPOSITIONS DE LA MISSION

6 OBJECTIFS ET 50 PROPOSITIONS
POUR UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE DES URGENCES MÉDICALES

La conclusion de ce rapport tient en cinquante propositions, toutes interdépendantes les unes des autres à l'instar de l'interdépendance existant entre les différents maillons de la chaîne de prise en charge des urgences médicales.

Elles répondant à 6 objectifs :

- consolider la permanence des soins,

- simplifier le dispositif de permanence des soins,

- développer les maisons médicales de garde dans un cadre pérenne et cohérent,

- promouvoir de bonnes pratiques organisationnelles au sein des urgences,

- mieux prendre en charge certains publics particulièrement fragiles,

- organiser la prise en charge des urgences en réseaux.

Ces propositions, tiennent compte des insuffisances de l'offre de soins, liées notamment au principe du volontariat pour la participation des médecins libéraux à la permanence des soins, au problème de la démographie médicale, tout particulièrement dans les zones rurales, et plus généralement à l'évolution de la place du travail dans notre société.

Elles résultent du diagnostic général établi par la mission, selon lequel le problème des urgences trouve en grande partie ses causes en amont et en aval des structures d'urgence proprement dites.

1. En amont des urgences, consolider le dispositif de permanence des soins 

- Par l'information de la population

Il ressort des travaux de la mission que le dispositif de permanence des soins n'est pas suffisamment lisible pour la population. Pourtant, si la population n'est pas informée de l'existence d'une offre de soins non programmée hors de l'hôpital, le désengorgement des urgences hospitalières semble difficile.

Proposition n° 1 : Consentir un important effort d'information de la population sur le bon usage de la permanence des soins et de l'aide médicale urgente.

- Par une sectorisation adaptée

Lors de la réforme du dispositif de permanence des soins, il a été envisagé de diminuer fortement le nombre de secteurs de garde. Une telle réduction a en effet deux avantages :

- d'une part, elle permet de mobiliser moins de médecins aux heures de la permanence des soins, ce qui réduit pour chacun d'entre eux la fréquence - et donc la pénibilité - des gardes ;

- d'autre part, elle permet d'éviter une dérive du coût de la permanence des soins, compte tenu de la forte revalorisation du tarif des actes et des forfaits d'astreintes consentie en 2005.

La mesure a été prise sans définition d'objectifs chiffrés. Or, la réduction du nombre des secteurs de garde ayant pour effet d'en augmenter la superficie, le principe d'égalité d'accès aux soins commande de veiller à ce que les patients n'aient pas à parcourir des distances trop importantes.

Proposition n° 2 : Favoriser le regroupement des secteurs de garde en territoires de garde plus vastes pour alléger la charge des gardes mais dans le respect du principe d'égalité d'accès aux soins.

- Par une meilleure régulation médicale des appels

Plusieurs systèmes de régulation téléphonique peuvent coexister dans chaque département : un centre 15, un centre de traitement des appels du 18, une régulation libérale et, le cas échéant, un centre d'appel de type SOS Médecins. Or une régulation efficace et cohérente - clef de voûte du dispositif de permanence des soins - Cela suppose une interconnexion approfondie des différents plateaux de régulation et la poursuite des efforts de professionnalisation de cette activité. (propositions nos 3 et 4)

Proposition n° 3 : Approfondir les efforts d'interconnexion informatique des différentes plateformes participant à la régulation des appels (15, 18, libéraux, SOS médecins), voire de cohabitation.

Dans le cadre de la mesure n° 4 du Plan urgences, un effort de valorisation du métier de permanencier auxiliaire de régulation médicale (PARM) a été entrepris, notamment en ouvrant cette fonction aux personnels de catégorie B, en accordant aux PARM une nouvelle bonification indiciaire et en mettant en place une formation spécifique d'adaptation à l'emploi, ce qui va dans le sens d'une professionnalisation de la régulation que la proposition n° 4 propose de renforcer.

Proposition n° 4 : Renforcer la protocolisation et la professionnalisation de la régulation.

Par ailleurs, les centres d'appel devront s'organiser pour traiter un nombre croissant de demandes dont l'objet n'est pas strictement médical.

Proposition n° 5 : Étudier, au besoin par des expérimentations, les moyens de faire évoluer l'organisation des centres 15 pour qu'ils puissent mieux prendre en charge les appels urgents motivés par des besoins de nature sociale et médico-sociale, l'objectif étant qu'à moyen ou long terme, les centres 15 se transforment en plateformes téléphoniques à objet médico-social et sanitaire.

- Par la bonne effection des actes

Dans de nombreux secteurs, il n'y a pas suffisamment de médecins volontaires pour remplir les tableaux d'astreinte, notamment entre minuit et 8 heures. De plus, on constate dans certains départements que les médecins libéraux d'astreinte ont abandonné les visites à domicile.

Pour assurer la permanence des soins, il est donc nécessaire d'exploiter au mieux les complémentarités existant entre la médecine de ville et l'hôpital (propositions n° 6 et 7).

Proposition n° 6 : Quand la permanence des soins ne peut pas être assurée après minuit, charger officiellement les structures hospitalières publiques ou privées de cette mission et, en contrepartie de ce surcroît de travail, leur affecter les moyens adéquats.

Proposition n° 7 : Encourager la participation des libéraux au service public hospitalier, soit directement dans les structures des urgences, soit dans des services de consultation externe non-programmée.

De plus, il faut garantir que les visites à domicile indispensables puissent être effectuées, éventuellement avec l'appui des structures hospitalières (propositions n° 8 et 9).

Proposition n° 8 : Pour chaque secteur de garde, préciser dans le cahier des charges départemental de la permanence des soins les critères suivant lesquels une visite à domicile doit être effectuée.

Proposition n° 9 : Quand, dans certains secteurs, l'organisation de la permanence des soins ne permet pas que soient effectuées des visites à domicile, confier cette tâche à des médecins, hospitaliers ou libéraux, équipés de moyens logistiques légers (voiture, chauffeur, matériel médical léger...) mis à leur disposition par les structures hospitalières.

- Par des transports sanitaires adaptés

La répartition des compétences entre les sapeurs-pompiers et les ambulanciers privés en matière de transport sanitaire non médicalisé est l'objet de tensions. Dans les départements où une convention tripartite a pu être signée entre le SAMU, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) et les ambulanciers privés, ces tensions se sont apaisées (proposition n° 10).

Proposition n° 10 : Rappeler aux préfets l'obligation de doter chaque département d'une convention tripartite entre le service départemental d'incendie et de secours (SDIS), le services d'aide médicale urgente (SAMU) et les ambulanciers privés, précisant les modalités d'intervention et de paiement de chacune des parties.

- Par le financement adéquat du dispositif de permanence des soins

Il ressort des travaux de la mission que le coût effectif du dispositif de permanence des soins est difficile à évaluer. Une meilleure identification des fonds consacrés à ce dispositif est donc nécessaire (proposition n° 11).

Proposition n° 11 : Identifier les fonds consacrés à la permanence des soins au sein d'une enveloppe spécifique et par un sous-objectif de l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie (ONDAM).

Par ailleurs, les règles de paiement des forfaits d'astreinte rendent difficile le versement direct de ces sommes aux associations de permanence des soins, comme SOS Médecins (proposition n° 12).

Proposition n° 12 : Clarifier le système de rémunération des astreintes pour permettre de verser les forfaits d'astreinte directement aux associations qui regroupent les médecins participant à la permanence des soins.

Ces règles ne permettent pas non plus leur versement aux structures hospitalières lorsque celles-ci assurent la permanence des soins à défaut de médecin volontaire, une disposition législative adoptée en ce sens dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2007 ayant été déclarée non conforme à la Constitution pour des raisons formelles (proposition n° 13).

Proposition n° 13 : Pour les périodes où, à défaut de médecin de ville volontaire pour assurer la permanence des soins, celle-ci est assurée par une structure hospitalière publique ou privée, prévoir par une mesure législative le versement à cette structure des forfaits d'astreinte prévus en rémunération de la permanence des soins pour ces périodes.

2. Simplifier le pilotage du dispositif de permanence des soins pour le renforcer :

- À l'échelon national

La permanence des soins étant une mission de service public, il revient à l'État de l'organiser, bien que ce soit l'assurance maladie qui en assure le financement. Or les pratiques de l'État et de l'assurance maladie sont parfois divergentes. Une clarification de leurs rôles respectifs est donc nécessaire. De plus, pour renforcer le pilotage central du dispositif de permanence des soins, il serait utile d'associer le comité national de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires (CONAMUPS), dont la création a été annoncée par le ministre de la santé et des solidarités, à toutes les décisions prises en la matière (proposition n° 14).

Proposition n° 14 : Clarifier les compétences respectives de l'État et de l'assurance maladie pour améliorer le pilotage de la permanence des soins, et prévoir la consultation obligatoire du comité national de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires (CONAMUPS) sur tous les actes généraux relatifs à la prise en charge des urgences médicales.

- À l'échelon régional

L'offre hospitalière de soins fait l'objet d'une programmation pluriannuelle à l'échelle régionale, dans le cadre des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS). Pour favoriser la recherche de complémentarités entre l'hôpital et la médecine de ville en matière de permanence des soins, il semble donc utile d'intégrer la permanence des soins au schéma régional d'organisation sanitaire (SROS) (proposition n° 15).

Proposition n° 15 : Faire de la permanence des soins un volet du schéma régional d'organisation sanitaire (SROS).

- À l'échelon départemental

En l'état actuel de la répartition des compétences, le préfet est chargé d'arrêter le cahier des charges départemental de la permanence des soins, mais pour prévenir les difficultés, il ne dispose que d'un pouvoir de réquisition des médecins. Il serait utile qu'ils disposent également de moyens plus incitatifs (propositions n° 16 et 17).

Proposition n° 16 : Préciser les conditions dans lesquelles la réquisition de médecins est indispensable.

Proposition n° 17 : Conforter le préfet dans son rôle de coordonnateur opérationnel des différents intervenants sur le terrain en lui offrant des marges de manoeuvre règlementaires et financières, voire des possibilités de dérogation aux règles nationales pour permettre les adaptations nécessaires aux réalités locales.

Par ailleurs, la cohérence entre le dispositif de permanence des soins et l'organisation opérationnelle des sapeurs-pompiers, fixée dans le Schéma départemental d'analyses et de couverture des risques (SDACR), mérite d'être mieux assurée.

Proposition n° 18 : Rappeler au préfet de veiller, lorsqu'il arrête le Schéma départemental d'analyses et de couverture des risques (SDACR), qui fixe les objectifs opérationnels des SDIS, à la compatibilité de ses orientations avec celles du schéma départemental de permanence des soins et du schéma régional d'organisation sanitaire (SROS).

De même, le dispositif de la permanence des soins est rarement articulé avec les autres dispositifs qui le complètent - garde ambulancière, garde des pharmaciens et réseaux des infirmiers, des dentistes ou des kinésithérapeutes - ce qui crée des difficultés pratiques pour les usagers (proposition n° 19).

Proposition n° 19 : Charger le préfet de vérifier, dans le cadre du cahier des charges départemental de la permanence des soins, que pour chaque territoire de garde, la permanence des soins des médecins est coordonnée avec les dispositifs applicables aux autres professions de santé intéressées par la prise en charge des urgences médicales.

3. Encadrer le développement des maisons médicales de garde

- Par un pilotage adapté

La formule de la maison médicale de garde (MMG) qui permet d'assurer la permanence des soins en dehors des heures d'ouverture des cabinets connaît un succès croissant mais recouvre des structures très hétérogènes quant à la localisation, aux horaires d'ouverture, à l' activité et aux coûts. Il ressort d'ailleurs des travaux de la mission qu'en règle générale, les maisons médicales de garde qui fonctionnent le mieux sont implantées à proximité d'une structure hospitalière, voire dans son enceinte. En tout état de cause, il faut pouvoir orienter le développement des MMG tout en tenant compte des spécificités locales (proposition n° 20).

Proposition n° 20 : Établir à l'échelon national, en lien avec l'assurance maladie et par exemple dans le cadre du Comité national de l'aide médicale urgente et de la permanence des soins (CONAMUPS), un cahier des charges national des maisons médicales de garde fixant les principes généraux du développement des maisons médicales de garde et permettre à chaque mission régionale de santé (MRS) de l'adapter aux réalités locales.

Il ressort des travaux de la mission que les maisons médicales de garde sont également considérées comme un socle de développement pour de futures « maisons de santé » en milieu rural. Il est précisé qu'à la différence des maisons médicales de garde, qui fonctionnent en dehors des heures d'ouverture des cabinets médicaux, les maisons de santé sont des structures fonctionnant pendant la journée (proposition n°21)

Proposition n° 21 : Étudier les moyens de favoriser, par des mesures financières ou des adaptations règlementaires, le développement de maisons médicales de garde servant pendant la journée de maison de santé, notamment dans les zones rurales marquées par une démographie médicale déficitaire.

- Par la pérennisation des financements

Jusqu'à la création du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins de ville (FIQCS) par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2007, le financement des maisons médicales de garde avait un caractère expérimental et temporaire. Il est désormais prévu que ces aides peuvent être pluriannuelles et que leur attribution peut être confiée aux missions régionales de santé. Pour aller plus loin, il serait utile de prévoir une procédure simple de contractualisation du financement de chaque maison médicale de garde sur 5 ans (proposition n° 22).

Proposition n° 22 : Contractualiser un financement pérenne des maisons médicales de garde, moyennant un dispositif de suivi et d'évaluation et simplifier les règles d'attribution des subventions pour les maisons médicales de garde.

- Par l'amélioration de l'accès des patients

Pour qu'une maison médicale de garde contribue pleinement à désengorger les urgences, il ne faut pas que son accès soit plus difficile que l'accès aux urgences. Or le tiers payant n'est pas appliqué dans les maisons médicales de garde et les transports sanitaires non médicalisés ne sont pas pris en charge (proposition n° 23).

Proposition n° 23 : Favoriser l'accès au tiers payant dans les maisons médicales de garde et envisager une prise en charge par l'assurance maladie du transport sanitaire non médicalisé des patients vers une maison médicale de garde au même titre que vers une structure des urgences.

- Par l'intégration des maisons médicales de garde dans une offre de soins cohérente

Le pilotage des maisons médicales de garde doit être cohérent avec celui de la permanence des soins (proposition n°24).

Proposition n° 24 : Intégrer les maisons médicales de garde dans le cahier des charges départemental de la permanence des soins.

Par ailleurs, le système de tarification à l'activité (T2A) ne favorise pas les structures des urgences qui travaillent à leur désengorgement. L'implantation d'une MMG pourrait donc se traduire par une perte de financement pour une structure des urgences. Il faut donc trouver des moyens de pallier cet effet de la T2A (proposition n° 25).

Proposition n° 25 : Étudier les modalités d'une éventuelle prise en compte de la présence d'une maison médicale de garde à proximité d'une structure des urgences dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens conclu entre cet établissement et l'agence régionale d'hospitalisation (ARH), afin de ne pas le défavoriser financièrement dans le cadre de la tarification à l'activité (T2A).

4. Promouvoir de bonnes pratiques organisationnelles au sein des structures des urgences et en liaison avec les autres services

- Par une meilleure prise en charge des urgences à l'accueil

Il ressort des travaux de la mission que pour réduire les temps de passage et d'attente aux urgences, il faut anticiper la gestion des flux de patients dès leur arrivée aux urgences. Plutôt que d'imposer des règles de fonctionnement à ces structures, il s'agit d'inciter leurs responsables à un effort de réflexion sur les « bonnes pratiques » identifiées dans certains hôpitaux, notamment par la Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH) (propositions n° 26 et 27).

Proposition n° 26 : Renforcer les équipes d'accueil (mise en place d'équipes « séniorisées », pluridisciplinaires, renforcées par un médecin...) et identifier des coordinateurs de gestion de flux.

Proposition n° 27 : Mieux organiser la salle d'attente des urgences et développer les consultations non programmées au sein des structures des urgences.

- Par la prise en charge des urgences à nature sociale

Les structures des urgences sont de plus en plus sollicitées pour prendre en charge des personnes dont les demandes ont un caractère plus social que médical. Or il semble que ni l'organisation des urgences ni la formation des médecins ne soient suffisamment adaptées à ces enjeux (proposition n° 28).

Proposition n° 28 : Former les personnels des urgences à la prise en charge des détresses sociales et renforcer la présence des assistantes sociales aux urgences.

Notamment, la prise en charge des victimes de violence doit être mieux organisée, grâce à des consultations médico-judiciaires (proposition n°29).

Proposition n° 29 : Développer les consultations médico-judiciaires au sein des structures des urgences.

- Par une bonne articulation entre les urgences et les plateaux techniques

La réalisation d'examens complémentaires est pour une large part dans les temps globaux d'attente et de passage des patients. Elle constitue donc un goulot d'étranglement. Des mesures négociées entre les urgences et les plateaux techniques peuvent pallier ces difficultés (propositions n° 30 et 31).

Proposition n° 30 : En lien avec les plateaux techniques, protocoliser les demandes d'examens complémentaires.

Proposition n° 31 : Optimiser le mode de transmission des résultats des examens complémentaires.

- Par une bonne articulation entre les urgences et les services d'hospitalisation

La sortie des urgences constitue un goulot d'étranglement qui participe à leur engorgement. Il semble en effet que les patients qui « stagnent » aux urgences ont souvent déjà été pris en charge auparavant et sont en attente d'un lit d'hospitalisation ou d'un transfert dans une autre structure. Le transfert des patients vers un service hospitalier ou une structure d'aval doit donc être mieux organisé.

Ainsi, certains passages aux urgences pourraient être évités, notamment lorsqu'ils visent uniquement à vérifier la nécessité d'une hospitalisation conseillée par un médecin traitant (proposition n°32).

Proposition n° 32 : Favoriser l'admission directe des patients dans les services d'hospitalisation, sans passage aux urgences, en concertation avec le médecin traitant.

Par ailleurs, la coordination des urgences et des services de soins aigus est mieux assurée quand les spécialistes de ces services participent directement à l'activité des urgences (proposition n° 33).

Proposition n° 33 : Favoriser l'implication des spécialistes de services d'hospitalisation dans l'accueil des urgences.

De plus, l'articulation entre les urgences et ces services doit être régie par des procédures élaborées en communs (propositions n° 34 et 35).

Proposition n° 34 : Approfondir la protocolisation des décisions d'hospitalisation, faire figurer dans le projet d'établissement les procédures d'hospitalisation des patients pris en charge aux urgences et fixer un délai maximal d'attente d'un lit d'hospitalisation.

Proposition n° 35 : Rationaliser la gestion des lits d'hospitalisation tout au long de l'année, en concertation avec les services d'hospitalisation (horaires des sorties, fermetures périodiques de lits...).

Il ressort des travaux de la mission que l'offre de lits d'hospitalisation, de plus en plus spécialisée, n'est pas en adéquation avec les besoins des urgences, qui portent surtout sur des lits polyvalents (proposition n° 36).

Proposition n° 36 : Prévoir éventuellement, dans le cadre des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS), la création d'unités de médecine polyvalente.

- Par une adaptation des méthodes de travail au sein des structures des urgences

La réduction des temps d'attente et de passage aux urgences passe notamment par des bonnes mesures organisationnelles et par une attention quotidienne au temps. L'informatisation des urgences constitue un support utile pour l'amélioration des pratiques (propositions n° 37 et 38).

Proposition n° 37 : Poursuivre l'informatisation des urgences, dans un souci constant d'interopérabilité avec les systèmes utilisés par les autres acteurs de la prise en charge des urgences médicales (SAMU, transporteurs sanitaires, plateaux techniques, services d'hospitalisation...).

Proposition n° 38 : Mettre en place des outils de suivi en routine des temps d'attente et de passage des patients.

5. Prendre en compte les spécificités de certains publics

- La prise en charge des enfants 

Quand l'hôpital dispose d'un service de pédiatrie, la prise en charge des urgences pédiatriques est directement organisée dans ce service. Mais dans les établissements qui n'en disposent pas, cette prise en charge est assurée par la structure des urgences, qui bénéficie de l'appui d'un service de pédiatrie « référent » situé dans un autre établissement. Il importe que les spécificités des urgences pédiatriques soient bien prises en compte grâce à des protocoles de prise en charge (proposition n° 39).

Proposition n° 39 : Poursuivre l'effort de protocolisation de la prise en charge des très jeunes patients dans les structures des urgences des hôpitaux qui ne disposent pas d'un service de pédiatrie.

- La prise en charge des urgences psychiatriques 

Sans aller jusqu'à créer une filière d'urgence spécifique, la prise en charge des urgences psychiatriques doit tenir compte des spécificités de la psychiatrie sans pour autant risquer de passer à côté d'une autre pathologie. Personnels psychiatriques et médecins urgentistes doivent donc travailler en commun (proposition n° 40).

Proposition n° 40 : Mieux identifier les patients relevant de la psychiatrie dès leur arrivée et développer la présence de psychiatre ou d'infirmiers de CHS psychiatriques aux urgences.

- La prise en charge des personnes âgées 

Les personnes âgées constituent une population aux besoins sanitaires très spécifiques : elles présentent fréquemment des polypathologies et un risque d'installation ou d'aggravation d'une dépendance. Or l'organisation de leur prise en charge aux urgences ne tient pas suffisamment compte de ces spécificités : leur attente est plus longue que la moyenne, et débouche souvent sur une admission dans un service trop spécialisé, faute de lis de médecine polyvalente qui sont plus adaptés à leur état polypathologique. Il convient donc d'éviter l'hospitalisation de ces patients, surtout via les urgences et de développer pour eux les moyens permettant une continuité des soins (propositions n° 41 et 42).

Proposition n° 41 : Pour éviter des hospitalisations inutiles et préjudiciables, n'hospitaliser les personnes âgées que quand aucun autre mode de prise en charge n'est envisageable et, autant que possible, éviter le recours aux urgences, notamment en favorisant leur admission directe dans des services d'hospitalisation.

Proposition n° 42 : Étudier l'opportunité de faire figurer dans l'agrément pour hospitalisation à domicile (HAD) ou pour des réseaux de maintien à domicile, ainsi que dans l'agrément d'intervention en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), un engagement d'organiser la continuité des soins, afin de réduire le nombre de transferts de personnes âgées aux urgences consécutifs à une simple rupture de leur suivi médical.

Quand aucun autre mode de prise en charge d'une personne âgée n'est possible, sa prise en charge aux urgences doit être organisée de façon à tenir compte des spécificités de son âge (propositions n° 43 et 44).

Proposition n° 43 : Développer les équipes gériatriques mobiles servant tant à l'intérieur de l'hôpital qu'à l'extérieur, notamment en direction des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Proposition n° 44 : Créer des lits de médecine polyvalente ou de gériatrie pour les malades âgés présentant des polypathologies.

6. Développer l'organisation en réseaux de la prise en charge des urgences

Désormais, l'appartenance à un « réseau de prise en charge des urgences » est une condition de l'autorisation des structures des urgences. L'organisation en réseau semble en effet à même de renforcer l'efficience de ces structures de médecine d'urgence, sous réserve toutefois que les transferts de patients soient correctement assurés entre les petites structures de proximité et les structures les plus importantes, compétentes pour le traitement des les plus lourds (proposition n° 45).

Proposition n° 45 : Développer des systèmes informatiques recensant, à l'échelle d'un territoire de santé de région, les disponibilités de lits d'hôpital et de places en établissements.

D'ailleurs, un tel réseau permettra de reconfigurer le maillage sanitaire du territoire et pourra même le renforcer, dès lors que le financement des plus petites structures des urgences sera consolidé dans le cadre de la T2A (proposition n° 46).

Proposition n° 46 : Étudier la mise en place de forfaits de « missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation » (MIGAC) au titre de la continuité territoriale pour compenser les effets négatifs de la tarification à l'activité sur le financement des petites structures des urgences, qui contribuent à la densité du réseau hospitalier et à l'égalité d'accès aux soins, notamment en zone rurale, mais dont l'activité est faible.

Le réseau de prise en charge des urgences, articulé avec les réseaux de soins existants, doit permettre de stabiliser l'état du patient à son domicile (propositions n° 47 et 48)

Proposition n° 47 : Préparer la transition entre l'hôpital et le domicile en approfondissant les coopérations entre l'hôpital et les autres intervenants médicaux sociaux et sanitaires.

Proposition n° 48 : Développer les réseaux de santé et leur articulation avec les « réseaux de prise en charge des urgences » institués par les décrets du 22 mai 2006.

La fin de l'obligation de participer à la permanence des soins, couplée à une démographie médicale insuffisante dans les départements à dominante rurale, provoque une remise en cause inquiétante de l'égalité d'accès aux soins et crée les conditions d'une insécurité face aux situations d'urgence.

Le départ dans les prochaines années, pour des raisons d'âge, d'une proportion importante (parfois 50 % dans les 10 ans à venir) des médecins présents sur ces territoires va aggraver cette situation de crise déjà fortement ressentie par les populations.

Pour prévenir une telle aggravation, il est proposé, non seulement de mettre en œuvre rapidement les propositions précédentes, mais aussi de réunir dans chaque région des conférences sanitaires sur la permanence des soins, chargées de dresser un bilan et de dégager des perspectives sur les dispositifs visant à favoriser l'implantation de praticiens libéraux en zone rurale, y compris sur leurs règles d'installation (les propositions n° 49 et 50 ont été adoptées à l'initiative des membres socialistes de la mission ; cf. leur contribution annexée au présent rapport).

Proposition n° 49 : Mettre en place immédiatement les propositions qui précèdent et qui constituent une plateforme minimale pour répondre aux graves difficultés identifiées.

Proposition n° 50 : Organiser dans chaque région des conférences de santé sur la permanence des soins, et, dans leur prolongement, adopter un dispositif législatif garantissant l'égal accès des Français à la permanence des soins.

*

* *

Le rapport et les propositions ont été adoptés à l'unanimité par la mission lors de sa réunion du 6 février 2007.

CONTRIBUTION DES MEMBRES DE LA MISSION
APPARTENANT AU GROUPE SOCIALISTE

La fin de l'obligation de participer à la permanence des soins, couplée à une démographie médicale insuffisante dans les départements à dominante rurale, provoque une remise en cause inquiétante de l'égalité d'accès aux soins et créent les conditions d'une insécurité face aux situations d'urgence.

Le départ dans les prochaines années, pour des raisons d'âge, d'une proportion importante (parfois 50 % dans les 10 ans à venir) des médecins présents sur ces territoires va aggraver cette crise déjà fortement ressentie par les populations.

Pour sortir de cette crise :

- nous demandons la mise en place immédiate des propositions du rapport, plateforme minimale pour répondre aux graves difficultés identifiées,

- nous proposons la tenue rapide dans chaque région de conférences de santé sur la permanence des soins et, dans leurs prolongements, l'adoption d'un dispositif législatif garantissant l'égal accès des Français à la permanence des soins.

Cette future loi, après négociation avec l'ensemble des parties, prévoira toutes les évolutions nécessaires pour faciliter l'installation de médecins généralistes en zone rurale : possibilité de recours à la médecine salariée, aide à l'immobilier médical (maison de santé pluridisciplinaire) et mutualisation des moyens, régulation nationale et concertée des installations.

Le bilan sera alors fait des politiques actuelles d'incitation. Les bourses allouées par les collectivités locales pourront être renforcées, avec obligation de résidence de 5 à 10 ans.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le présent rapport d'information au cours de sa réunion du 7 février 2007.

Le président Jean-Michel Dubernard a confirmé que les députés connaissent l'importance que revêtent pour les Français les questions relatives à l'hôpital et particulièrement aux urgences. Si la volonté politique existe, par delà les clivages habituels, pour améliorer la prise en charge des urgences, elle n'est pas relayée sur le terrain, comme c'est par exemple le cas de la politique de « séniorisation » des services des urgences, déjà recommandée en 1988 par le rapport bien connu du professeur Adolphe Steg. On peut souhaiter que cette fois les propositions du rapport, toutes de bon sens, soient mises en œuvre et permettent de résoudre les problèmes des urgences, s'agissant notamment des temps d'attente ou de l'accueil des personnes âgées. En bref, on sait ce qu'il faut faire, on décide de le faire, mais ça n'arrive pas sur le terrain ! Il y a certes des progrès, comme à l'hôpital Beaujon, exemple mis en avant par l'ancienne directrice de l'AP-HP, mais l'attente aux urgences y ait encore de plus de 3 heures en moyenne.

M. Bernard Perrut a souligné la qualité du travail réalisé, qui a permis de cerner les problèmes des urgences auxquels sont confrontés les Français : longueur des temps d'attente ; salles d'attente encombrées par des personnes qui ne devraient pas s'y trouver ; difficultés rencontrées par les personnes âgées.

Evoquant le sujet des maisons médicales de garde, sur lequel il a interpellé le ministre de la santé et pris la parole lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, faute de définition législative ou réglementaire, on doit s'en tenir au cadre d'analyse qu'en propose le professeur Jean-Yves Grall dans son rapport. Il conviendrait donc de préciser ce qu'est une maison médicale de garde et dans quel cadre elle peut prendre place. Sur le terrain, ces maisons médicales de garde remportent un certain succès. Néanmoins, il faut souligner leur hétérogénéité en termes de niveau d'activité, d'horaires d'ouverture, de population desservie, de coût et d'existence ou non d'un lien avec l'hôpital, qui semble pourtant très utile. Elles peuvent être un point de repère pour les populations en milieu urbain, et un socle en vue du développement de véritables maisons de santé en milieu rural. Leurs conditions de fonctionnement amènent donc à s'interroger. Jusqu'à présent, leur financement par le fonds d'aide à la qualité de soins de ville (FAQSV) a revêtu un caractère expérimental, et il a parfois été très difficile, au niveau régional, de persuader les unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM) d'intervenir financièrement. Le rôle des collectivités locales dans la création de ces maisons, en revanche, n'est pas assez souligné dans le rapport, alors que sans l'aide des communes et de leurs groupements, nombre de maisons médicales de garde n'existeraient pas. Il conviendrait donc de prendre en compte cette sorte de partenariat dans le cadrage national des maisons médicales de garde dont le rapport propose l'élaboration prochaine.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a heureusement modifié la situation : les aides seront accordées dans le cadre du FIQCS, qui remplace à la fois le Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) et la dotation de développement des réseaux (DDR). Pour autant, les inquiétudes persistent sur le terrain chez les médecins qui ont mis en œuvre ces maisons médicales de garde. Les propositions de la mission sont intéressantes : il faut, en effet, intégrer ces maisons dans le cahier des charges départemental de la permanence de soins, pérenniser leur financement dans un cadre contractuel qui pourrait associer les collectivités locales (pour la fourniture de locaux et de financements) et instituer au niveau national un cahier des charges pour que les mêmes règles puissent s'appliquer sur l'ensemble du territoire, tout en sachant qu'une maison médicale de garde en milieu rural sur un petit territoire ne peut pas fonctionner comme en milieu urbain, dans un quartier.

Enfin, l'accès au tiers payant dans ces maisons médicales de garde est un élément important : le fait qu'il n'existe pas dissuade les patients de se rendre dans ce type de structures et les incite à se rendre directement aux urgences. Il faudrait évoluer très rapidement en la matière.

Mme Catherine Génisson a dit tout le plaisir et l'intérêt que ses collègues et elle-même ont pris à participer aux travaux de la mission, précisant que cette dernière n'avait pas été dominée par les spécialistes ou les techniciens, et que l'apport des députés extérieurs aux professions de santé avait été précieux. Les propositions du rapport sont en effet de bon sens, comme l'a souligné le président Jean-Michel Dubernard.

La question des maisons médicales de garde a été au centre des travaux et des propositions de la mission, qui a reconnu la part importante prise en ce domaine par les collectivités locales mais jugé utile d'aller plus loin, en pérennisant le financement de ces maisons médicales de garde et en l'inscrivant dans un cahier des charges défini nationalement et adaptable néanmoins à la diversité du terrain. Quant à la question du tiers payant, elle est fondamentale.

Il convient de souligner le climat de parfaite confiance dans lequel chacun a pu apporter sa contribution. Les députés socialistes membres de la mission ont approuvé le rapport, en regrettant néanmoins qu'il n'ait pas suffisamment mis en exergue le problème crucial de la démographie médicale en secteur rural, qui fait peser un risque sur les dispositifs de la permanence des soins.

Par ailleurs, il avait été convenu que la contribution rédigée par les membres du groupe socialiste appartenant à la mission figurerait dans le rapport. Or elle n'y figure pas in extenso, ce qui pose un problème de fond. Cette contribution souligne qu'une grave crise s'annonce, qu'une application immédiate des propositions du rapport ne peut que retarder, et il est indispensable que le mot de « crise » figure dans le rapport. Il ne s'agit pas de faire du catastrophisme mais d'être en adéquation parfaite avec les situations qui se vérifient sur le terrain.

Dans son propos introductif le rapporteur a souligné que « trois ans après la canicule d'août 2003, le système français de prise en charge des urgences médicales (...) a gagné en efficacité ». De fait, il convient de saluer la qualité et la disponibilité des personnels, qui ont su se mobiliser dans les situations de crise, par exemple lors de la canicule de 2006. Reste qu'au quotidien, la vie des services d'urgences n'est pas facile. Il serait donc opportun de moduler l'affirmation du rapporteur, qui se vérifie inégalement sur le terrain.

M. Christian Paul a précisé à l'intention des membres de la commission qui ne faisaient pas partie de la mission que celle-ci, en réfléchissant à la situation alarmante des urgences hospitalières, avait mis le doigt sur une autre situation présentant un caractère de gravité, à savoir la permanence des soins dans les territoires ruraux et dans certains quartiers situés à la périphérie des grandes villes. L'insuffisance de la démographie médicale dans ces territoires et le déficit des prises de garde assurées par les médecins, depuis que celles-ci ne sont plus une obligation mais un acte de volontariat, ont deux conséquences : d'une part, des patients qui, s'il y avait un médecin de garde, pourraient ne pas se rendre à l'hôpital se voient contraints d'y aller et contribuent à l'engorgement des urgences ; d'autre part, alors que beaucoup de médecins de garde participaient autrefois à la prise en charge de l'urgence vitale et se trouvaient présents sur les lieux d'un accident avant même le SMUR, y compris son hélicoptère, ou le SAMU, ils ne s'en occupent plus aujourd'hui.

Il est nécessaire qu'un signal d'alarme soit tiré dans le rapport. Or, la contribution en ce sens qu'avaient fait parvenir les membres du groupe socialiste au rapporteur n'ont pas toutes été reprises, ce qui est regrettable.

En conclusion, M. Christian Paul a indiqué qu'il ne pourrait pas cautionner un rapport sur la prise en charge des urgences médicales qui n'indiquerait pas clairement que le manque de médecins dans certains secteurs ne permet pas d'assurer un égal accès des Français aux services d'urgence.

M. Marc Bernier a félicité le rapporteur pour sa conduite des travaux de la mission et l'excellente ambiance qui a régné en son sein. Les déplacements et les auditions ont permis d'aboutir à un large panel de propositions, qui ont été reprises pratiquement dans leur intégralité. Il est dommage que les travaux aient dû être écourtés du fait des échéances électorales.

Il convient d'insister sur la nécessité de tenir compte des réalités locales, car le territoire français est hétérogène et les problèmes y appellent des solutions diversifiées. Par ailleurs, l'information du public doit être améliorée sur les réseaux de soins, car une ambiguïté lexicale existe entre « maisons de santé », « maisons pluridisciplinaires » et « maisons médicales de garde », dont les objectifs comme les modes de financement sont tout à fait différents. Comme le prévoit très clairement la loi relative au développement des territoires ruraux, les collectivités peuvent - ainsi qu'il a été fait à Vaiges (Mayenne) - mettre un local à la disposition des professions de santé médicales et paramédicales afin de lutter contre la désertification médicale.

Rappelant qu'il était l'auteur, au nom du groupe d'étude sur les professions de santé, d'un rapport sur l'égalité des citoyens devant l'offre de soins, M. Marc Bernier a précisé que ce n'était pas d'un manque de médecins que la France souffrait, mais d'inégalités territoriales dans leur répartition. Il existe des mesures incitatives, rappelées à la page 74 du rapport. Ce qui importe, ainsi que l'a dit le président Jean-Michel Dubernard, c'est de veiller à ce que les propositions du rapport de la mission aient une application immédiate.

Il serait tout à fait judicieux de mettre en exergue, comme le demande M. Christian Paul, le problème de l'installation des médecins en zones rurales et autres zones dans lesquelles la démographie médicale est déficitaire. La définition des zones déficitaires reste à préciser puisqu'elles vont des zones de montagne à certains quartiers de la périphérie des grandes villes, en passant par certaines zones au sein d'un département par ailleurs bien pourvu en médecins.

Les cinquante propositions du rapport méritent une large publicité. La tenue de conférences sanitaires est nécessaire pour tenir compte des particularités territoriales. Il faut non seulement que le rapport de la mission soit appliqué mais également que les médecins se souviennent du serment d'Hippocrate et ne se sentent pas totalement détachés de leur rôle dans les territoires.

M. Paul-Henri Cugnenc a salué la qualité du travail de la mission, le dynamisme du rapporteur et le bon sens de tous les participants qui ont su se placer au-dessus des clivages politiques, et insisté sur l'importance que le rapport de la mission soit soutenu consensuellement par tous ses membres.

Le premier rapport d'information de la commission sous la présente législature, qui avait été confié à M. René Couanau et portait sur l'organisation interne de l'hôpital, avait été élaboré et adopté de manière consensuelle par ses onze membres, quel que soit leur groupe politique. Mais ce rapport, intitulé « Le désenchantement hospitalier », n'a été suivi d'aucun effet. Il faudra, cette fois, veiller aux suites qui seront données au présent rapport.

Il y a lieu d'être satisfait que le travail de la mission n'ait pas été accaparé par les experts, et que les députés soient restés en première ligne. Néanmoins, il importe de bien dissocier trois types de situations qui, bien qu'elles soient associées dans le rapport, n'ont rien à voir les unes avec les autres et nécessitent des approches différentes.

Dans les secteurs fortement sous-médicalisés, la première priorité est l'accueil des urgences et leur gestion. Or, il est à craindre que l'on ne trouve pas de solution à brève échéance à ce problème du fait des contraintes résultant de la démographie médicale.

Dans les structures moyennes, les urgences sont accueillies par des structures hospitalières ou par de grands dispensaires parfaitement structurés, où les choses se passent de manière harmonieuse grâce à l'utilisation de toutes les compétences médicales présentes sur le site.

À l'autre extrémité du spectre, on assiste à un extraordinaire gaspillage dans les grands centres d'accueil des urgences, où l'afflux des demandes crée un énorme engorgement malgré la forte concentration de médecins, de moyens et de compétences. Les dysfonctionnements proviennent d'un cloisonnement entre les services, qui empêche la mise en commun des moyens et entraîne, en fin de compte, une mauvaise rentabilité. Le service des urgences ne doit pas être une forteresse en dehors des autres spécialités. C'est une entité qui doit animer la complémentarité entre tous les atouts de l'hôpital.

Mme Catherine Génisson a appuyé la demande de M. Christian Paul d'intégration dans le rapport de l'intégralité de la contribution des membres du groupe socialiste, tout en soulignant la grande qualité de ce rapport, ainsi que de celui de M. René Couanau, qui ont en commun d'avoir le grand mérite de ne pas être des rapports d'experts ou de technocrates, et a déclaré partager le souhait exprimé par M. Paul-Henri Cugnenc que ces travaux ne restent pas lettre morte.

La difficulté de mettre en œuvre des réformes de bon sens tendant à la simplification des modes de fonctionnement met en lumière l'inappétence des uns et des autres, quelle que soit leur compétence, à faire en sorte que, sur des sujets fondamentaux pour notre société, les choses avancent, ce qui conduit à un empilement monstrueux de structures et de niveaux administratifs. Pour avoir suivi de manière assidue la mission conduite en début de législature par M. René Couanau, elle s'est déclarée très déçue de voir que rien n'avait changé depuis dans le fonctionnement des hôpitaux.

La catégorisation des situations selon les territoires, à laquelle s'est livrée M. Paul-Henri Cugnenc, met en évidence le problème de l'aval des urgences. Dans les grands centres hospitaliers et hospitalo-universitaires, le service des urgences est quasiment devenu « un hôpital dans l'hôpital », du fait qu'il ne communique plus que très peu avec les autres services hospitaliers, lesquels se sont par ailleurs fortement spécialisés et ont rationalisé leur organisation, par exemple en développant l'hôpital de jour et l'hôpital de semaine.

Par ailleurs, et il est bon que ce point ait été repris dans le rapport, la tarification à l'activité entraîne la volonté de produire au maximum. L'accueil d'une personne en urgence perturbe ce mode de fonctionnement et ne favorise pas la sortie des malades des services d'urgences.

En conclusion, ainsi que l'a indiqué M. Christian Paul, l'examen de la situation de pré-crise que connaissent les services d'urgence a mis également en évidence, à côté des améliorations à apporter au fonctionnement de ces services, la nécessité de trouver des solutions en amont, c'est-à-dire au niveau de la permanence des soins, et en aval, c'est-à-dire au niveau du fonctionnement des services hospitaliers.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les éléments de réponse suivants :

- M. Bernard Perrut a eu raison de souligner le rôle des collectivités territoriales au sujet des maisons médicales de garde. Ce point apparaîtra dans le compte rendu de la présente séance qui sera annexé au rapport.

- Concernant la clarification, demandée par M. Marc Bernier, des termes désignant les différentes structures, il est écrit à la page 76 du rapport : « Il faut d'ailleurs souligner qu'à défaut de définition officielle, il est fréquent que l'expression " maison médicale " soit employée pour désigner les cabinets de groupe et autres structures réunissant plusieurs médecins et parfois d'autres professionnels de santé. Pour éviter toute ambiguïté sémantique, le présent rapport désigne ces structures sous le vocable de " maisons de santé ", réservant celui de " maison médicale de garde " à des structures dédiées à la permanence de soins, telles que définies précédemment. » ;

- Il faut naturellement veiller à ce que le rapport ait une application immédiate. Une question sera d'ailleurs posée cet après-midi même, lors de la séance des Questions au Gouvernement, à M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, afin qu'il donne des assurances à ce sujet ;

- Il est regrettable, comme l'a dit M. Paul-Henri Cugnenc, que l'excellent rapport de M. René Couanau soit resté lettre morte. Des trois types de structures qu'il a distingués, ce sont les structures moyennes qui doivent être prises en exemple. Les dysfonctionnements constatés dans les grands centres hospitaliers ne résultent pas d'un problème de budget, mais d'organisation ;

- Les deux premiers paragraphes de la contribution des députés socialistes membres de la mission ont été repris mot pour mot à la page 205 du rapport, ainsi que les deux propositions qui les suivent et portent les numéros 49 et 50.

M. Christian Paul a regretté que le mot « crise » ait néanmoins été remplacé par le mot « situation ».

Mme Maryvonne Briot a suggéré de retenir l'expression « situation de crise », proposition approuvée par Mme Catherine Génisson et acceptée à l'unanimité.

Le rapporteur a donné lecture des deux derniers paragraphes non retenus de la contribution des membres du groupe socialiste :

« Cette future loi, après négociation avec l'ensemble des parties, prévoira toutes les évolutions nécessaires pour faciliter l'installation de médecins généralistes en zone rurale : possibilité de recours à la médecine salariée, aide à l'immobilier médical (maison de santé pluridisciplinaire) et mutualisation des moyens, régulation nationale et concertée des installations.

« Le bilan sera alors fait des politiques actuelles d'incitation. Les bourses allouées par les collectivités locales pourront être renforcées, avec obligation de résidence de cinq à dix ans. »

Faut-il, alors que la proposition 50 du rapport prévoit l'adoption d'un dispositif législatif à la suite d'une concertation sur le terrain, définir dès à présent le contenu de cette future loi ?

Par ailleurs, la plupart des mesures proposées sont déjà en vigueur. Ainsi, à la page 75 du rapport, il est indiqué que : « (...) le décret n° 2006-1585 du 13 décembre 2006 relatif au médecin collaborateur libéral et au médecin salarié, pris pour l'application d'une disposition adoptée à l'article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, crée deux nouveaux modes d'exercice :

« - le statut de « médecin collaborateur libéral » ;

« - l'exercice en tant que médecin salarié pour un autre médecin ».

À la page 74 du rapport, dans un encadré qui énumère les mesures visant à favoriser l'installation de médecins en zone rurale, il est rappelé que « (...) selon l'article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent octroyer des aides visant à favoriser l'installation ou le maintien des professionnels de santé et des centres de santé dans les zones déficitaires en matière d'offre de soins. L'article L. 1511-8 permet aussi à ces collectivités d'attribuer des aides visant à financer des structures participant à la PDS [permanence des soins], notamment des MMG [maisons médicales de garde]. Il précise que les investissements immobiliers qu'elles réalisent en faveur de l'installation de professionnels de santé sont éligibles au fonds de compensation de la TVA ».

Enfin, les termes « régulation nationale et concertée des installations » ne sont pas suffisamment clairs : s'agit-il de mesures simplement incitatives ou de règles coercitives ?

La prudence, a conclu le rapporteur, recommande de ne pas reprendre ces deux paragraphes sans une expertise plus approfondie. Rien ne s'oppose, en revanche, à ce qu'ils figurent en annexe au rapport.

Mme Catherine Génisson a suggéré que soit publiée en annexe l'intégralité de la contribution des membres du groupe socialiste, en indiquant que les propositions 49 et 50 en sont directement issues.

Le rapporteur a approuvé cette suggestion, conforme à l'excellent esprit dans lequel se sont déroulés les travaux de la mission, ainsi que M. Christian Kert, président, et l'ensemble des membres de la commission.

La commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

ANNEXES

- Annexe 1 : Composition de la mission

- Annexe 2 : Déplacement de la mission

- Annexe 3 : Comptes-rendus des auditions

- Annexe 4 : Glossaire

ANNEXE 1
COMPOSITION DE LA MISSION

M. Georges Colombier, président-rapporteur, député de l'Isère

M. Marc Bernier, député de la Mayenne

Mme Maryvonne Briot, députée de la Haute-Saône

Mme Martine Carrillon-Couvreur, députée de la Nièvre

M. Paul-Henri Cugnenc, député de l'Hérault

Mme Jacqueline Fraysse, députée des Hauts-de-Seine

Mme Cécile Gallez, députée du Nord

Mme Catherine Génisson, députée du Pas-de-Calais

M. Claude Leteurtre, député du Calvados

M. Christian Paul, député de la Nièvre

M. Bernard Perrut, député du Rhône

ANNEXE 2
DÉPLACEMENTS DE LA MISSION

Une délégation de la mission, composée de M. Georges Colombier, président-rapporteur, et de M. Marc Bernier, s'est rendue en Mayenne le 9 novembre 2006. En effet, il a semblé utile aux membres de la mission de nourrir leur réflexion par l'observation sur le terrain de la mise en œuvre du Plan urgence et du nouveau dispositif de permanence des soins (PDS) en médecine ambulatoire (258) dans un contexte rural. On rappellera à cet égard que la Mayenne compte moins de 56 hab./km² et présente une densité médicale décroissante. Le nombre des médecins y est inférieur de 22 % à la moyenne nationale pour les généralistes et de 55% pour les spécialistes (259) ; leur âge moyen est en outre relativement élevé (260).

I.- Visite de l'hôpital local du sud-ouest mayennais à Craon

1.- Visite de la maison médicale de garde (MMG) installée dans les locaux de l'hôpital

D'après les informations fournies à la délégation, c'est parce que les médecins libéraux étaient déjà habitués à intervenir à l'hôpital local qu'il a été choisi d'y installer la MMG. En outre, cette situation leur permet de bénéficier de l'aide des infirmiers de l'hôpital pour l'accueil des patients ou pour certains gestes de petite chirurgie (sutures etc.). Cette situation est conforme au rapport du Dr. Jean-Yves Grall sur les MMG (261) qui recommande qu'en zone rurale, les MMG soient implantées de préférence au sein des hôpitaux locaux.

2.- Table ronde sur le dispositif mayennais de permanence des soins

· Il ressort des exposés des intervenants que depuis 2006, la Mayenne est divisée en 8 territoires de garde comprenant chacun deux secteurs, contre 33 secteurs avant 2002. Le cahier des charges départemental de la PDS précise que ces territoires sont « organisés à partir de l'offre médicale hospitalière des établissements publics de santé (3 centres hospitaliers et 4 hôpitaux locaux), ceux ci étant répartis de manière homogène sur l'ensemble du département ». Comme le recommande le rapport précité du Dr. Jean-Yves Grall, ce sont les centres hospitaliers qui assurent la PDS en seconde partie de nuit dans les trois territoires où ils sont situés. Pour les cinq autres, les horaires de la PDS s'étendent de 20h à 8h et partout, ils incluent le samedi après-midi. Dans sept territoires sur huit, une MMG est implantée dans une enceinte hospitalière. Le cahier des charges indique que cela constitue un élément structurant de la PDS et en favorise la lisibilité.

Les actes relevant de la PDS peuvent être effectués soit au cabinet du médecin de permanence, soit dans une MMG. Le cahier des charges prévoit « la possibilité, à titre exceptionnel, de visites à domicile » mais il a été précisé lors de la table ronde que, comme le recommande le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la PDS (262), cette activité est limitée aux seules visites « incompressibles ». En tout cas, l'accès à un médecin de permanence fait obligatoirement l'objet d'une régulation médicale. Les libéraux peuvent participer à cette régulation soit au centre 15, soit de leur domicile, via internet - cette faculté étant particulièrement appréciée des médecins.

· D'après les explications des intervenants, les obligations de permanence et les indemnités d'astreintes prévues pour chaque secteur sont mutualisés à l'échelle du territoire de garde. Ainsi, un seul médecin assure l'astreinte pour les deux secteurs de chaque territoire et cumule les deux indemnités, le second médecin inscrit au tableau de garde n'intervenant qu'en cas de défaillance du premier. Cette organisation répond au voeu des médecins que leur rythme d'astreinte reste compatible avec l'exercice libéral qu'ils jugent particulièrement difficile en milieu rural.

Il aurait été envisagé de jumeler cette astreinte avec une astreinte hospitalière de continuité des soins, consistant à ce que le médecin de permanence effectue une visite dans les services de l'hôpital local moyennant une rémunération complémentaire. Mais le projet n'a pas abouti, faute de base réglementaire. Cependant, selon les renseignements fournis par le bureau compétent du ministère de la santé et des solidarités, un groupe de travail administratif a récemment recommandé au gouvernement de prendre un décret permettant une telle rémunération, sans pour autant autoriser son cumul avec l'indemnité d'astreinte versée au titre de la PDS.

· Le nombre d'actes relevant de la PDS semble avoir fortement baissé de 2001 à 2005 avant de se stabiliser en 2006. Selon l'association départementale pour l'organisation de la PDS (ADOPS 53), cette évolution est liée à la montée en puissance de la régulation médicale. Celle-ci éviterait en effet le recours au médecin de permanence pour 95 % des appels, sans engendrer pour autant un afflux supplémentaire de malades aux urgences. Par ailleurs, la réorganisation de la PDS a permis de remobiliser les généralistes après la « grève des gardes » (263). Une régulation efficace diminue en effet la pénibilité de leurs astreintes et rend l'exercice en zone rurale plus attractif. Plus encore, les médecins envisagent de transformer la MMG existante en « pôle de santé » rassemblant plusieurs cabinets médicaux et paramédicaux et servant de MMG aux horaires de la PDS. Conformément à la mesure n° 6 du « plan urgences », ce projet devrait favoriser l'installation de nouveaux médecins en leur offrant la possibilité d'exercer en zone rurale sous des statuts variés (remplaçant, salarié, collaborateur, associé etc.), moins contraignants que l'exercice en cabinet individuel.

Toutefois, la table ronde a mis en évidence plusieurs insuffisances du dispositif de PDS :

- la permanence des médecins n'est pas coordonnée avec celle des pharmaciens, ce qui peut inciter certains malades à se rendre aux urgences par souci de commodité ;

- le financement des MMG par le FAQSV et la DRDR ne présente pas de garantie de pérennité suffisante, comme le note également le rapport précité du Dr. Jean-Yves Grall ;

- l'assurance maladie prend en charge le transport d'un malade vers une structure des urgences, mais pas vers une MMG ;

- aucun texte ne précise les conditions dans lesquelles les infirmiers des hôpitaux locaux peuvent apporter leur aide aux médecins libéraux d'astreinte.

II.- Visite du centre hospitalier de Laval

1.- Visite de la MMG installée dans l'enceinte du centre hospitalier

Selon les interlocuteurs de la délégation, cette MMG permet de réduire sensiblement le nombre de passages aux urgences pour des pathologies légères. Elle a été créée après l'échec d'une précédente MMG isolée en milieu urbain : l'isolement avait nourri chez les médecins un sentiment d'insécurité. Cette expérience va dans le sens du rapport précité du Dr. Jean-Yves Grall, qui recommande « de privilégier pour des raisons de sécurité des locaux contigus ou proches d'autres structures effectuant une permanence », « au mieux intégrés ou contigus au service d'urgence » pourvu qu'ils en soient « distincts » et « bien identifiés ».

2.- Visite des locaux du SAMU - centre 15

Conformément à ce que recommande le rapport de l'IGAS et de l'IGA sur la PDS, le centre de réception et de régulation des appels (CRRA) assure une régulation médicale mixte, qui repose sur deux filières d'appel distinctes :

- une régulation médicale hospitalière assurée par le SAMU, via le 15, pour les appels relevant de l'aide médicale urgente ;

- une régulation libérale assurée par l'ADOPS 53, via un numéro d'appel à dix chiffres, pour les appels relevant de la permanence des soins.

Selon les explications des responsables du SAMU, tous les appels avaient initialement été centralisés sur le 15, mais son engorgement a ralenti le traitement des appels et conduit à la création, en 2006, d'un numéro à dix chiffres dédié aux appels relevant simplement de la PDS. Tous les appels aboutissent maintenant au CRRA, où des permanencières auxiliaires de régulation médicale (PARM) les orientent désormais vers l'une ou l'autre régulation. De plus, une convention (264) fixe les conditions dans lesquelles les appels arrivant au CCRA sont retransmis au centre de traitement des appels (CTA) du SDIS, et inversement. Les logiciels utilisés par le SAMU, l'ADOPS 53 et le SDIS sont compatibles.

3.- Visite de la structure des urgences générale et de la structure des urgences pédiatriques

En 2005, le SAMU a reçu plus de 92 000 appels, le SMUR a effectué près de 1 500 sorties et le service d'accueil des urgences a traité 76,3 passages par jour, avec des pics à 113. Pour une telle activité, ces services disposent de 14 équivalents temps plein médicaux mais les médecins de ces services estiment qu'il leur en faudrait 20. Ce sous-effectif est d'autant plus regrettable que leur activité connaît une croissance régulière et que leurs missions sont de plus en plus variées, notamment en matière de santé mentale, d'action sociale, de sécurité civile et de gestion des risques sanitaires. La structure des urgences pédiatriques est également en sous-effectif.

Toutefois, dans le cadre d'une fédération médicale interhospitalière (265) entre les trois centres hospitaliers mayennais, deux médecins peuvent venir renforcer occasionnellement l'effectif médical de la structure des urgences. Un tel renfort va dans le sens de la mesure n° 13 du « plan urgences » qui vise à « adapter les effectifs à l'activité », tout en tenant compte de ses variations. Par ailleurs, les locaux de la structure d'urgences seront prochainement agrandis. On rappellera que la mise à niveau des locaux et des équipements est l'objet de la mesure n° 17 du « plan urgences », qui prévoit d'y consacrer 900 millions d'euros sur cinq ans. Les pédiatres rencontrés par la délégation ont cependant regretté qu'à l'occasion de ces travaux, leur service ne soit pas rapproché de la structure d'urgence.

4.- Table ronde sur la prise en charge des urgences au centre hospitalier

· La table ronde a permis de mettre en lumière certaines pratiques organisationnelles. Les responsables de la mission « temps d'attente et de passage aux urgences » de la mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH) ont évoqué devant la mission (266) des expériences positives de « mise en place de nouvelles sectorisations [...], délaissant la classique distinction médecine-chirurgie pour adopter, dans un but d'optimisation de la gestion, des schémas davantage liés, par exemple, à la durée ou à la lourdeur de la prise en charge ». On observera à cet égard que la structure des urgences visitée est constituée des secteurs suivants :

- 4 salles de soins « externes », dont une réservée aux plâtres ;

- 8 « salles de soins pour patients non ambulatoires » ;

- une salle d'accueil des urgences vitales (SAUV) ;

- une unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD) de 8 lits ;

- une chambre sécurisée pour détenu.

Par ailleurs, les personnels sont mutualisés entre les différents services du département « urgences - SAMU - SMUR ». Plusieurs de médecins du SMUR partagent ainsi leur activité au sein de ces différents. Le SMUR assure aussi des « missions additionnelles » au sein de différents services (prise en charge en SAUV, déchoquage, participation à la visite de l'UHCD etc.). On rappellera que le « décloisonnement » (267) constitue un des buts de la réforme de la gouvernance hospitalière.

En outre, conformément à la mesure n° 10 du plan urgences et des bonnes pratiques identifiées par la MEAH, il est envisagé d'affecter un médecin à l'accueil des urgences, en plus de l'infirmière d'accueil et d'orientation, afin de coordonner plus efficacement le flux des patients. Un décloisonnement des systèmes informatiques utilisés par différents services est également à l'étude.

· Toutefois, la table ronde a mis en évidence plusieurs difficultés susceptibles de contribuer à l'engorgement des urgences :

- La contribution des pédiatres à la prise en charge des urgences n'est pas suffisamment reconnue. Bien que des protocoles règlent le transfert de ces patients, la coopération entre les deux structures des urgences mériterait d'être approfondie.

- Selon les urgentistes, la tarification à l'activité tend à défavoriser les services qui privilégient l'hospitalisation de jour, alors que cette forme de prise en charge leur paraît devoir être développée pour désengorger les urgences.

- Les personnes âgées de plus de 75 ans contribuent plus que les autres à l'engorgement des urgences, à cause d'une pénurie de lits d'aval, soit en gériatrie de moyen séjour soit en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

En conclusion, on retiendra qu'en Mayenne, la mobilisation de l'ensemble des médecins a permis de pallier une offre de soins déficitaire et décroissante, au point que le président du conseil départemental de l'ordre puisse parler de « révolution culturelle ». Le dispositif de prise en charge des urgences médicales en Mayenne présente toutefois deux faiblesses :

- le financement des MMG ne présente aucune garantie de pérennité ;

- les organisations des différentes professions médicales et paramédicales participant à ce dispositif ne sont pas suffisamment coordonnées.

Déplacement de la mission dans la Nièvre

Une délégation de la mission, composée de M. Georges Colombier, président-rapporteur, de Mmes Maryvonne Briot et Martine Carrillon-Couvreur, ainsi que de M. Christian Paul, s'est rendue dans la Nièvre le 30 novembre 2006. Il a semblé utile aux membres de la mission de nourrir leur réflexion par l'observation sur le terrain de la mise en œuvre du Plan urgence et du nouveau dispositif de permanence des soins (PDS) en médecine ambulatoire (268) dans un département présentant d'importantes disparités dans la répartition de la population et des activités.

On rappellera à cet égard que la géographie nivernaise présente de forts contrastes entre la frange occidentale du département (le val de Loire et le bassin de Nevers), concentrant près de 65 % de la population et la majorité des activités, et le reste du département (plaine du centre, Morvan, région de Clamecy). Il a été précisé à la mission que la répartition des revenus fait apparaître le même clivage et que 13,4 % des actifs nivernais disposent de bas revenus. En moyenne, la population nivernaise est faible (33 hab./km²), décroissante (-3,6 % de 1990 à 1999) et relativement âgée (11,2 % de la population a plus de 75 ans) (269).

I.- Visite du centre hospitalier de Nevers

1.- Visite des locaux du SAMU-centre 15

Conformément aux recommandations du récent rapport conjoint de l'IGAS et de l'IGA sur la permanence des soins (270), la Nièvre a mis en place un dispositif de régulation « mixte » qui repose sur un numéro d'appel unique (le 15). En effet, le centre de réception et de régulation des appels (CCRA) traite à la fois les appels qui relèvent de la PDS et ceux qui relèvent de l'aide médicale urgente. En contrepartie, aux termes d'un protocole d'accord intervenu entre le centre hospitalier (CH) et l'association des médecins de Nevers (AMN), des médecins libéraux volontaires participent à la régulation au centre 15 les vendredi de 20h à minuit et les dimanche et jours fériés de 8h30 à 12h30 ; des discussions seraient en cours en vue d'élargir cette participation au samedi après-midi. Le standart du 15 est interconnecté avec celui du centre de traitement des appels (CTA) du service départemental d'incendie et de secours (SDIS).

Avec 7 permanenciers auxiliaires de régulation médicale (PARM) pour traiter plus de 156 000 appels en 2005, soit 25 % de plus qu'en 2004, le service juge ses effectifs insuffisants. C'est pourquoi, selon l'Union régionale des caisses d'assurance maladie (URCAM), l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) aurait récemment donné son aval au recrutement de 3 PARM supplémentaires. L'ARH projetterait également de créer un serveur informatique régional de traitement des urgences, lequel comprendrait une base de données régionale sur les professionnels de la santé concernés par la prise en charge des urgences médicales (tableaux de gardes, annuaires etc.) ainsi qu'un dossier personnel facilitant le suivi du patient.

2.- Visite des locaux de la structure des urgences

· La structure des urgences accueille 30 000 patients par an alors que ses locaux ont été conçus pour en traiter 17 000. D'où une saturation des capacités d'accueil de l'ensemble des services de l'hôpital et un recours fréquent à des « brancards-porte ».

Des mesures organisationnelles ont été prises afin de pallier cet engorgement. Ainsi, en 2006, le nombre de ces « brancards-porte » a été réduit de 20 % puis de 30 % grâce à un effort de sensibilisation des médecins libéraux au bon usage des urgences hospitalières. Cet effort est relayé auprès des patients qui se présentent spontanément aux urgences par une infirmière d'accueil et d'orientation (IAO). Pour 2007, un médecin senior d'un autre service sera chargé à titre expérimental de « superviser » les urgences. On notera que ces mesures correspondent aux « bonnes pratiques » identifiées par la mission nationale d'expertise et d'audits hospitaliers (MEAH) (271).

· Par ailleurs, la structure des urgences connaît d'importantes difficultés de fonctionnement liées à la pénurie de médecins - et particulièrement d'urgentistes - dans la Nièvre. De ce fait, la structure ne peut fonctionner qu'en employant des médecins remplaçants (dits « intérimaires »). L'emploi de ces personnels pose deux problèmes majeurs :

- d'une part, leur niveau de compétence est inégal ;

- d'autre part, le recours à un intérimaire coûte 1 100 € par jour, soit 2,5 fois plus cher qu'un titulaire, ce qui représente un surcoût annuel de 800 000 € pour les urgences de Nevers.

3.- Table ronde sur la prise en charge des urgences médicales au centre hospitalier de Nevers et sur la permanence des soins

· En contrepartie de la forte revalorisation des indemnités d'astreinte et des actes médicaux effectués aux horaires de la PDS consentie dans le cadre de l'avenant n° 4 précité, le nombre de secteurs de garde devait être diminué, l'objectif étant de diviser ce nombre par deux pour la deuxième partie de nuit. A cet égard, la table ronde a fait apparaître la coexistence dans la Nièvre de deux dynamiques territoriales différentes.

Conformément à l'objectif précité, certains secteurs ont été regroupés autour d'une maison médicale de garde (MMG) installée dans les locaux du service des consultations du centre hospitalier de Decize. Ces locaux sont distincts de ceux des urgences sans en être très éloignés, ce qui permet à la MMG d'être clairement identifiée et de bénéficier de la proximité du plateau technique hospitalier. Comme le précise le dossier de demande de financement de cette MMG (272) par le fonds d'amélioration à la qualité des soins de ville (FAQSV), ses horaires d'ouverture correspondent à « des heures de surcharge du service des urgences » : de 20h à 24h la semaine, de 18h à 22h le samedi et de 9h à 13h le dimanche. Ce dossier précise aussi que cette MMG vise à « ré-enclencher une dynamique et une entente des médecins des secteurs concernés », laquelle est supposée permettre à la région « d'être attractive pour des confrères susceptibles de venir s'installer dans le secteur, permettant ainsi d'éviter la disparition progressive de médecins lors du départ en retraite des plus âgés » (273). Par ailleurs, comme le recommande le rapport précité de l'IGAS et de l'IGA, c'est l'hôpital qui assure la PDS en seconde partie de nuit. Toutefois, contrairement à ces recommandations, les médecins de ville n'effectuent aucune visite à domicile, laissant cette activité au SMUR.

S'agissant en revanche du reste du territoire nivernais, comme l'indique la dernière évaluation du dispositif de PDS entreprise par l'URCAM (274), aucune MMG n'a été créée et il n'y pas eu de regroupement de secteurs, pas même pour la deuxième partie de nuit. Un tel regroupement aurait en effet créé des secteurs de garde trop vastes pour que les effecteurs y assurent des visites à domicile, indispensables dans des zones éloignées des SMUR et où réside une population trop âgée pour se déplacer. Actuellement, selon les statistiques de l'URCAM, 87 % des astreintes seraient couvertes, y compris en seconde partie de nuit pour un volume d'activité faible (généralement moins de 0,5 acte par nuit et moins de 5 actes par dimanche).

Source : caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Nevers

La coexistence de ces deux dynamiques territoriales explique le morcellement du territoire nivernais en secteurs de petite superficie qui restent peu actifs hors des centres urbains, à l'exception d'un vaste secteur qui connaît une activité relativement soutenue (voir sur ce point les cartes ci-dessus). Selon l'URCAM, le nombre de secteurs de petite superficie renchérit le coût du dispositif de permanence des soins et en diminue l'efficience : elle estime en effet que du fait de ce morcellement, le coût moyen d'un acte en seconde partie de nuit atteint 831 à 845€. Ce constat rejoint les conclusions du rapport précité de l'IGAS et de l'IGA, selon lequel « Dans certains secteurs le coût de revient de l'acte en « nuit profonde » (nombre de secteurs de garde x 100 euros / nombre d'actes réalisés), lorsqu'il vient à survenir, heurte le bon sens ».

· Les gériatres présents ont fait observer à la mission que leurs patients âgés relèvent de l'une des trois catégories suivantes :

- certains se rendent aux urgences à la suite d'une simple rupture de leur suivi médical, notamment en établissement : un bon fonctionnement des comités locaux d'information et de coordination (CLIC) permet d'éviter de tels recours aux urgences ;

- certains présentent une pathologie précise : une fois celle-ci traitée, leur prise en charge se heurte à une pénurie de lits de soins de suite et de réadaptation ;

- d'autres présentent des multipathologies ou des situations de fragilité après un choc : bien que les urgences constituent pour eux un milieu risqué, ils y font souvent de longs séjours, faute de prise en charge adaptée dès l'accueil des urgences.

Pour renforcer la filière gériatrique, il leur semble donc indispensable de créer une équipe mobile gériatrique et des lits de soins de suite. Ils regrettent donc qu'une antenne gérontologique d'évaluation et d'orientation (AGEOR), rassemblant des gériatres et des assistantes sociales spécialisées, ait du être fermée récemment, faute de moyens. Il est en revanche à noter que les capacités d'accueil des services de gériatrie, de soins de suite et d'hospitalisation à domicile (HAD) ont été récemment renforcées.

Par ailleurs, l'hôpital a isolé une filière de prise en charge des urgences pédiatriques, qui représentent près du quart des urgences. Ainsi, une puéricultrice est présente de 8h30 à 18h30 et un pédiatre est d'astreinte 24h/24. Les pédiatres regrettent toutefois que la présence médicale ne puisse pas être renforcée du fait d'une pénurie de pédiatres dans le département.

Pour la prise en charge des urgences psychiatriques, le CH bénéficie de la proximité d'un centre hospitalier psychiatrique à La Charité sur Loire (CHS), qui permet d'éviter des recours aux urgences. Le CHS dispose en effet d'une équipe psychiatrique mobile pour les visites et la HAD. Surtout, il assure une permanence infirmière et des visites de psychiatres au CH. Toutefois, faute de moyens, cette permanence ne peut plus être assurée que de 10h à 19h. En dehors de ces horaires, les représentants du CHS regrettent des hospitalisations psychiatriques indues, qu'ils rapportent au manque d'expérience des certains médecins des urgences.

· Les disparités dans la répartition territoriale de l'offre de soins dans la Nièvre donnent une importance particulière aux structures de transport des patients. Les praticiens du SAMU regrettent donc de ne pas disposer d'un hélicoptère.

II.- Visite du centre hospitalier de Clamecy

1.- Visite des locaux de la structure des urgences

À 75 km de Nevers et 45 d'Auxerre, Clamecy est excentrée et relativement isolée. Son CH constitue donc un pivot important du maillage sanitaire nivernais. Outre une structure des urgences (ex-UPATOU (275)) qui accueille 8 000 passages par an environ, il dispose d'un service de médecine, d'une maternité, d'un service de chirurgie, d'un EHPAD et d'un service de radiologie, mais pas d'un SMUR (276).

2.- Table ronde sur la prise en charge des urgences médicales au centre hospitalier de Clamecy et sur la permanence des soins

· À défaut de SMUR à Clamecy, les urgences vitales sont prises en charge dans les « zones blanches » (277) voisines (5 secteurs de garde) par un réseau de santé associant 15 médecins libéraux sous statut de « correspondants de SAMU ». Ce réseau est porté par l'association des médecins libéraux pour l'urgence vitale dans la Nièvre (AMLUV 58). Ainsi, en cas d'urgence vitale, un médecin de l'AMLUV alerté par le SAMU ou le SDIS assure le conditionnement du patient avant son transfert au centre hospitalier le plus proche. Sur 45 médecins libéraux exerçant dans cette zone, 12 participent à l'AMLUV. Ils ont reçu à cette fin une formation spécifique. Ils effectuent 10 à 15 interventions par mois. Les interlocuteurs de la mission ont souligné l'efficacité de ces interventions. En outre, leur coût moyen est modéré : 142 € par patient.

Toutefois, l'évolution à court terme de la démographie médicale pourrait mettre à mal cette organisation. C'est pourquoi le CH comme les libéraux souhaitent la création d'un SMUR au CH de Clamecy. A la demande de l'ARH, un groupe de travail a évalué qu'un tel SMUR pourrait effectuer 500 sorties pour un coût de 900 000 € par an. L'ARH souhaite que ce coût soit réduit en mutualisant les praticiens hospitaliers des CH de Clamecy, d'Auxerre et d'Avallon dans le cadre d'une fédération médicale interhospitalière (FMI). La DDASS estime qu'une telle mutualisation des moyens ramènerait le coût annuel d'un SMUR à 300 000 €.

La création d'un tel SMUR pourrait rééquilibrer le maillage sanitaire du territoire nivernais. Elle pourrait également faciliter la réduction du nombre de secteurs de garde, en permettant aux libéraux de ne plus effectuer de visites à domicile aux horaires de la permanence des soins. Plus généralement, certains estiment que le renforcement de l'équipement sanitaire autour de Clamecy rendrait cette zone plus attractive pour l'installation de nouveaux médecins, souvent moins enclins que leurs aînés à assurer des gardes et à effectuer des visites à domicile.

· La table ronde a également permis de mettre en lumière les difficultés qui résultent de la superposition de plusieurs zonages administratifs. En effet, Clamecy appartient au département de la Nièvre mais relève du territoire de santé « sud-Yonne » (voir sur ce point la carte des territoires de santé de la Bourgogne ci-dessous).

Cette situation complique la prise en charge des appels d'urgence. En effet, un appel d'urgence émis près de Clamecy est régulé à Nevers mais c'est d'Auxerre que doit partir, le cas échéant, un véhicule du SMUR.

De plus, cette situation double le nombre des services et des personnes intervenant dans l'organisation sanitaire de Clamecy. Or les interlocuteurs de la mission ont estimé que la multiplicité de ces intervenants tend à diluer les responsabilités de chacun, ce qui expliquerait notamment les difficultés rencontrées depuis plusieurs années dans la création d'un SMUR à Clamecy.

Source : Schéma régional d'organisation sanitaire de Bourgogne 2006-2011

Déplacement de la mission
dans le Pas-de-Calais et dans le Nord

Une délégation de la mission, composée de M. Georges Colombier, président-rapporteur, et de Mme Catherine Génisson s'est rendue dans le Pas de Calais et dans le Nord le 11 janvier 2007. Il a semblé utile aux membres de la mission de nourrir leur réflexion par l'observation sur le terrain de la mise en œuvre du Plan urgence et du nouveau dispositif de permanence des soins (PDS) en médecine ambulatoire (278) dans une région très urbanisée, dont la population est dense et présente de forts contrastes de richesse.

Avec 4 millions d'habitants, le Nord-Pas-de-Calais présente une démographie plus dense et plus jeune que la moyenne nationale (324 hab. par km² contre 109, 28 % de moins de 20 ans contre 24,8, et 18,7 % âgés de plus de 60 ans contre 21,1). La région présente un taux d'urbanisation de 83 % et compte 8 agglomérations de plus de 100 000 habitants dont une de plus de 1 million d'habitants (Lille) - l'agglomération d'Arras en compte 85 000. Cependant, sa population est en moyenne plus pauvre que la moyenne nationale : le taux de chômage atteint 13,2 % (contre 9,5 %), le taux de couverture par la CMU complémentaire 10,8 % (contre 6,8 %), et la région, alors qu'elle ne compte que 7 % de la population nationale, concentre 10 % des bénéficiaires du RMI. Surtout, la répartition des revenus présente des inégalités particulièrement marquées : l'indice de l'INSEE mesurant l'écart des revenus atteint 6,1 en Nord-Pas-de-Calais contre 5,5 en moyenne nationale et 5,1 pour la province. On rappellera enfin qu'avec 72,6 ans pour les hommes et 81 ans pour les femmes, l'espérance de vie en Nord-Pas-de-Calais est inférieure à la moyenne nationale (75,7 ans pour les hommes, 82,9 ans pour les femmes).

I.- Visite du centre hospitalier d'Arras

1.- Visite des locaux du centre 15

En 2005, le centre 15 a ouvert près de 160 000 dossiers, soit 13,5 % de plus qu'en 2004. 35 % de ces affaires sont traitées le week-end et la répartition horaire des appels fait apparaître un pic d'activité entre 20 h et 21 h. Les régulateurs du SAMU indiquent que 38 % des ces affaires ont été ouvertes à la suite d'un transfert d'appel du centre de traitement des appels du SDIS. Pendant le soir et le week-end, un médecin libéral est présent au centre 15.

Le nombre des sorties SMUR est passé, entre 1998, de 5 500 à 6 500, tandis que le nombre d'affaires traitées passait de 80 000 à 160 000.

2.- Visite des locaux du Centre de réception et de régulation des appels libéraux (CRRAL)

Depuis septembre 2002, des médecins libéraux régulent les appels relevant de la PDS sur un plateau téléphonique distinct de celui du centre 15, quoique localisé dans l'enceinte hospitalière, le CRRAL - dit aussi « centre 15 bis ». Ils opèrent un numéro d'appel propre (03.21.71.33.33), mais utilisent le même logiciel de prise d'appel que le centre 15, ce qui facilite leur interconnexion. Ces médecins ont tous plus de 5 ans d'exercice et ont pour la plupart été formés à la régulation en participant au centre 15. De plus, ils ont établi des protocoles visant à professionnaliser leur activité. La qualité de la régulation a permis de remobiliser les libéraux pour l'effection des actes de PDS : la régulation améliore leurs conditions d'exercice en ne les mobilisant que pour des actes utiles et relevant de leur compétence, ce qui explique que le taux de participation des généralistes à la PDS est plus fort dans le Pas-de-Calais (61 %) que dans le Nord (31 %) (279).

Prise en charge d'un patient aux horaires de la permanence des soins

Source : URCAM du Nord-Pas-de-Calais, « Cahier spécial permanence des soins » in Les cahiers médico-économiques, n° 11, novembre 2005.

En 2006, 39 % des demandes ont été résolues par le CRRAL (13,5 % par le conseil d'un PARM, 26 % par un conseil médical). Seuls 7,75 % des appels sont transférés au centre 15 (280), et 4,35 % des appelants sont invités à se rendre aux urgences. 40 % des appels donnent lieu à une consultation, et 8,5 % à une visite à domicile.

Avec 95 300 appels en 2006, les libéraux estiment que le CRRAL est « victime de son succès », d'où un phénomène de saturation. Ils plaident donc pour un renfort de l'effectif des PARM que le centre hospitalier (CH) d'Arras met à leur disposition.

Pour autant, les représentants du CRRAL n'envisagent pas une fusion de leur plateau avec le centre 15. Ils font valoir que la qualité de l'articulation entre les régulateurs et les effecteurs tient à ce qu'ils partagent le même mode d'exercice.

3.- Visite des locaux de la structure des urgences

Avec 7 boxes de consultation pour 27 500 passages par an, leurs moyens matériels sont insuffisants, compte tenu notamment du nombre important de patients qui se présentent aux urgences pour des raisons de nature sociale. Les urgentistes soulignent par ailleurs l'importance de deux catégories particulières de patients :

- les personnes âgées, qui représentent 70 % des personnes hospitalisées en aval des urgences. Présentant souvent des polypathologies, elles sont difficiles à faire admettre dans les services d'hospitalisation, qui sont très spécialisés, et par ailleurs, le service de médecine polyvalente est manifestement sous dimensionné (20 lits).

- les patients ne présentant pas de pathologies justifiant un recours aux urgences. Pour éviter que ces patients n'engorgent les urgences, une consultation non programmée a été mise en place. De plus, un système de « petite programmation » a été mis en place, consistant à programmer l'examen médical des patients les moins lourds. Le temps d'attente leur est donc clairement indiqué, et mis à profit le cas échéant pour des examens complémentaires commandés suivant des protocoles par les personnels paramédicaux.

Pour la prise en charge des patients présentant des troubles psychiatriques, un infirmier du service de psychiatrie est présent aux urgences, assurant ainsi un lien entre les deux services.

Quant aux jeunes patients, ils sont pris en charge dans une filière d'urgences spécifique, au service de pédiatrie.

4.- Table ronde sur la prise en charge des urgences médicales au centre hospitalier d'Arras et sur la permanence des soins dans le Pas-de-Calais

· Pour limiter l'afflux de patients âgés aux urgences, le CH d'Arras envisage de charger un médecin urgentiste d'une consultation externe dans le cadre de laquelle il pourrait apporter un appui aux médecins traitants en vue d'éviter l'hospitalisation du patient, notamment pour ceux qui sont déjà pris en charge dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Mais l'engorgement des urgences résulte surtout de la saturation des capacités d'hospitalisation en aval - d'ailleurs, sur 9 000 patients par an hospitalisés après un passage aux urgences, 6 900 y ont attendu plus de 6 heures.

La spécialisation poussée des services d'hospitalisation est mise en cause. De plus, les services d'hospitalisation sont eux-mêmes engorgés, car la sortie de leurs patients est compliquée par le manque de moyens des équipes mobiles gériatriques, le faible degré de médicalisation des EHPAD et le manque de lits de soins de suite et de réadaptation (SSR).

Cependant, le Pas-de-Calais dispose d'équipements importants en services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les réseaux de santé se développent, ce qui permet d'éviter le recours aux urgences de certaines personnes ou, à défaut, de faciliter leur sortie de l'hôpital.

· Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) participe à la prise en charge des urgences médicales, le secours aux personnes constituant 76 % de son activité. Ses représentants regrettent toutefois de n'être pas consultés lors de l'élaboration des SROS, et notent que si les objectifs opérationnels du SDIS du Pas-de-Calais (281) ont été élaborés dans un souci de complémentarité avec le SROS, aucune procédure ne garantit la cohérence du SROS et du SDACR.

La conclusion d'une convention tripartite SAMU - SDIS - ambulanciers privés a d'ores et déjà permis de clarifier la répartition des tâches entre les pompiers et les ambulanciers pour les transports non médicalisés et non urgents. Pour aller plus loin, le SDIS prévoit de développer ses capacités de transport médicalisé et paramédicalisé grâce au recours à des infirmiers protocolisés.

Toutefois, le SDIS considère que l'articulation des « plans blancs » (282) et des modalités d'intervention du SDIS - notamment dans le cadre des « plans rouges » (283) - ne fixe pas clairement les obligations des personnels hospitaliers qui sont également sapeurs-pompiers volontaires, notamment lorsqu'ils sont déjà en opération pour le SDIS au moment où l'hôpital les appelle à leur poste.

· Par ailleurs, le nombre de secteurs de PDS a été réduit, de 98 en 2002 à 66 (plus 4 interdépartementaux) aujourd'hui. Selon le Conseil départemental de l'ordre des médecins, une nouvelle réduction serait à l'étude.

En revanche, peu de secteurs sont regroupés en deuxième partie de nuit, car les distances à parcourir seraient alors trop importantes. En 2005, l'astreinte de 2ème partie de nuit coûtait 2,4 millions d'euros pour 4 000 actes, ce qui revient à 600 € par acte Les libéraux font valoir que cela constitue une forme de revalorisation de l'exercice médical dans des zones rurales.

Par ailleurs, les régulateurs libéraux soulèvent trois problèmes :

- ils regrettent de devoir saisir systématiquement le centre 15 pour que soit mobilisée la garde ambulancière ;

- ils souhaitent un assouplissement des règles de téléprescription, pour pouvoir adresser directement à la pharmacie de garde une ordonnance pour le patient qu'ils ont eu au téléphone ;

- ils observent que la population n'est pas partout prête à se contenter d'actes de télémédecine (conseil téléphonique, prescription éventuellement...) au détriment du contact direct avec un médecin, avec un libéral ou aux urgences.

II.- Visite du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille

1.- Visite des locaux du centre 15

Avec 1,5 millions d'appels reçus et 320 000 dossiers ouverts en 2006, le SAMU de Lille connaît une croissance régulière de son activité, sans pour autant que le nombre de sorties SMUR augmente. Il dispose en moyenne de 4 médecins et d'une douzaine de permanenciers auxiliaires de régulation (PARM), ces effectifs variant selon les périodes de la journée.

Le SAMU développe avec ses homologues belges des partenariats en vue d'une collaboration instantanée en cas d'accident ou de crise. Un traité bilatéral devrait prochainement donner un cadre juridique stable à ce partenariat.

Par ailleurs, une convention tripartite SAMU - SDIS - ambulanciers privés a été conclue et les centres de traitement des appels du SDIS collaborent avec le SAMU, par conférence téléphonique et en transmettant les dossiers de leurs patients, pour laisser au SAMU la décision de les hospitaliser ou pas.

Enfin, le SAMU de Lille développe avec celui d'Arras un réseau d'aide médicale urgente régionale (RAMUR) permettant une mutualisation très approfondie de leurs informations. Entre autres fonctionnalités du dispositif, ont été évoqués un système d'aide à la localisation des véhicules, un matériel de communication des informations concernant le patient pendant son transport sanitaire et un système de récupération automatique des numéros de téléphone et d'accès direct au répertoire des médecins de garde.

2.- Visite des locaux du centre de régulation libérale du Nord pour la permanence des soins

Mis en place en 2005, le dispositif de régulation libéral est opérationnel de 20 h à minuit en semaine, de 13 h à minuit le samedi et de 8 h à minuit le dimanche. Ce centre est installé dans une salle de régulation contiguë à celle du centre 15, dotée des mêmes instrument techniques et interconnectée avec le SAMU. En seconde partie de nuit, c'est donc le centre 15 qui assure la régulation des appels relevant de la PDS.

Avec 79 médecins libéraux formés à la régulation et 10 PARM pour 5600 dossiers par mois, dont un tiers à des moments de pics d'activité, le centre de régulation est « victime de son succès ». Il en résulte des temps de décrochage relativement longs et un report de charges sur le centre 15. Il résout néanmoins 44,2 % des dossiers par un conseil médical, 36,2 % par un acte médical effectué dans le cadre de la PDS et dirige seulement 8,8 % des appelants vers les urgences.

3.- Visite des locaux de la structure des urgences

Les effectifs du SAMU, du SMUR et de la structure des urgences son mutualisés. Cette dernière comprend un plateau technique complet, y compris une unité fonctionnelle de gériatrie et une équipe mobile de gériatrie qui animent un réseau en amont et en aval des urgences, permettant d'éviter certains passages inutiles aux urgences.

4.- Table ronde sur la prise en charge des urgences médicales au CHRU de Lille et sur la permanence des soins dans le Nord

● Moyennant la mise en place d'un dispositif de régulation libérale, l'arrêt de la PDS à minuit dans 60 % des secteurs et une réduction de leur nombre (129 en 2002, environ 100 aujourd'hui, nombre encore susceptible de baisser), le tableau de gardes sont remplis à 100 % le week-end et à 95 % les soirs de semaine.

Par ailleurs, l'URCAM indique que sur 17 000 actes effectués aux horaires de la PDS, 10 000 le sont hors du cadre de la PDS, ce qui doit relativiser l'impression de désaffection des médecins pour le travail la nuit et le week-end.

Les effecteurs étant cependant de plus en plus réticents à assurer des visites à domicile, notamment après minuit, les médecins libéraux et le CHRU envisagent de mettre en place des « super effecteurs ». Il s'agirait de médecins de ville qui, postés à l'hôpital, effectueraient des visites à domicile ou en établissement sur des secteurs élargis, en utilisant des moyens mis à leur disposition par l'hôpital (voiture, chauffeur, matériel divers...). Toutefois, l'URCAM indique qu'une telle initiative reviendrait à un regroupement de secteurs et qu'en conséquence, une seule indemnité d'astreinte pourrait être versée pour chaque « super effecteur », quand bien même son rayon d'action couvrirait plusieurs secteurs traditionnels de garde.

● La prise en charge des personnes âgées pose des problèmes particuliers. Selon M. Patrick Goldstein, chef du SAMU, le nombre de recours des personnes âgées aux structures hospitalières de médecins d'urgence connaît une augmentation forte et continue, même pour celles qui sont placées en EHPAD. La structure des urgences plaide pour le développement de l'admission directe de ces personnes en unité de gériatrie aiguë et envisage de spécialiser un ou deux boxes d'examen pour les personnes âgées.

Par ailleurs, 70 000 enfants sont pris en charge dans les trois services de pédiatrie du Nord, mais trois cas sur quatre ont déjà donné lieu à une consultation peu de temps avant : le recours à l'hôpital n'est alors motivé que par l'inquiétude des parents, ce qui plaide pour un développement du conseil téléphonique. En tout état de cause, la prise en charge des urgences pédiatriques est jugée satisfaisante.

En outre, un psychiatre présent aux urgences est chargé d'identifier les patients présentant des pathologies à composante psychiatrique et de les orienter le cas échéant vers le service de psychiatrie.

· Dans le cadre de la nouvelle gouvernance hospitalière, la structure des urgences vise à développer des « unités fonctionnelles miroir », c'est-à-dire des antennes aux urgences des principaux services de spécialité.

Déplacement de la mission
à l'hôpital Beaujon à Clichy (Hauts-de-Seine)

M. Georges Colombier, président-rapporteur, s'est rendu à Clichy le 18 janvier 2007 pour visiter le service des urgences d'un grand hôpital de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP).

En 2005, la structure des urgences de l'hôpital Beaujon a entrepris un travail de réduction des délais de prise en charge des patients aux urgences, qui a permis de ramener de 90 à 43 minutes l'attente moyenne d'un examen médical, et de 5h à 3h52 la durée moyenne d'un passage aux urgences. Ces résultats ont été obtenus grâce à la création d'un nouveau circuit d'information, une formation du personnel et une réorganisation de l'environnement de travail, et ce à moyens constants (cf. l'encadré ci-dessous).

Une démarche de réduction des délais de prise en charge des patients

Moyens :

1   Moyens humains :

Pas d'augmentation des effectifs

Formation du personnel médical (en particulier des internes) et non médical

De nouveaux rôles au sein du service (cadre coordinateur de l'activité, médecin d'orientation et médecin coordinateur pour la prise en charge)

Investissement important des services cliniques et médico-techniques de l'hôpital au projet

2   Moyens techniques :

Réorganisation des locaux (sans travaux) afin d'optimiser le rangement

Amélioration des fonctionnalités informatiques (visualisation des résultats de laboratoires sur postes des urgences)

Signalisation (panneaux d'affichage et marquage au sol)

Réalisations :

1.   Mise en place d'un nouveau circuit de prise en charge du patient : personnel dédié à la prise en charge administrative, création d'un poste d'infirmière d'accueil et d'orientation et d'un poste de médecin coordonnateur, mise en place de médecins et infirmières référents pour chaque patient, mise en place de codes couleurs pour visualiser le degré d'urgence des patients

2.   Réorganisation de la prise en charge : recours au spécialiste formalisé et sous la responsabilité d'un médecin sénior, contractualisation avec les laboratoires (protocolisation des bilans en fonction des pathologies, engagement du délai d'obtention des résultats)

3.   Amélioration de l'aval, en coopération avec les services cliniques d'hospitalisation de l'hôpital (qui ont modifié leur organisation interne), création de médecins référents des urgences pour les services cliniques, utilisation de la messagerie pour informer des besoins en lits d'hospitalisation ; conventions avec des établissements pour favoriser les transferts.

4.   Réorganisation de l'environnement de travail

Bilan :

1.   Amélioration qualitative et quantitative de la prise en charge des patients aux urgences : temps de passage moyen des patients aux urgences réduit de 23 % ; réduction de plus de 50% de la durée moyenne de séjour (DMS) en unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD) (passage de 3,2 jours à 1,3 jour)

2.   Une ambiance de travail plus agréable, renforcement de la satisfaction des personnels

3.   Une meilleure communication entre les services

4.   Des indicateurs suivis et connus de tous

Facteurs de réussite :

Un engagement institutionnel sur ce projet (direction, chefs de service..)

Une information des usagers sur la performance du service

Des résultats rapides et pérennes, source de motivation pour poursuivre le projet

Un suivi de la performance et une volonté collégiale de poursuivre le projet

Evolution et perspectives prévues :

Poursuite de la démarche au sein de l'hôpital : les indicateurs sont suivis quotidiennement au sein du service des urgences, les partenariats internes (laboratoires, services cliniques d'hospitalisation) font l'objet d'évaluations mensuelles, et si besoin de réajustements.

Le délai moyen de prise en charge des patients aux urgences continue de s'améliorer.

Source : fiche du site www.reformes-hospitalieres.com relative à au projet de réduction des délais de prise en charge des patients entrepris en 2005-2006 à l'hôpital Beaujon

1. Visite de la structure des urgences

· À l'issue de la réorganisation des urgences entreprise en 2005-2006, la gestion des flux constitue une des priorités du personnel des urgences, reposant notamment sur un médecin coordinateur (le chef de la structure quand il est présent) et, dès l'accueil, sur l'infirmier d'orientation et d'accueil (IAO). Par ailleurs, l'ensemble du personnel est impliqué dans le suivi en routine des temps de prise en charge et de passage des patients, affichés chaque jour dans la salle commune.

· Par ailleurs, en développant en interne un système informatique sous-tendant l'activité des urgences, la quasi-totalité des procédures à support papier a pu être éliminée. Cependant, ce système, circonscrit au seul service des urgences, ne permet pas pour l'instant d'interconnexion entre les urgences et leur amont (notamment les véhicules du SMUR), les unités sollicitées pour les examens complémentaires (notamment le laboratoire et la radiologie), ou les services d'hospitalisation. Ainsi, les personnels du service sont amenés à entrer manuellement dans le logiciel du service les résultats des examens complémentaires.

· Une zone de surveillance de très courte durée (ZSTCD), récemment rénovée et située à proximité de la structure des urgences, permet selon les urgentistes de libérer plus rapidement les box de soins, d'éviter une hospitalisation pour les patients ne nécessitant pas une surveillance de plus de 24 heures, et de disposer de plus de temps pour préparer l'admission des autres patients dans un service d'hospitalisation. Théoriquement, ces lits portes ne doivent pas être occupés plus de 24 heures par le même patient. Dans les faits, la durée moyenne de séjour en ZSTCD s'établissait à 3,2 jours en 2005 et à 1,3 jours aujourd'hui. On signalera à cet égard que M. Philippe Juvin, chef de la structure des urgences, a jugé utile de prolonger la durée maximale de séjour en ZSTCD pour les personnes âgées en perte d'autonomie et nécessitant un transfert dans une structure adaptée.

2. Table ronde sur la prise en charge des urgences

· Selon M. Philippe Juvin, les délais de prise en charge peuvent encore être améliorés par deux moyens :

- une meilleure organisation de la prise en charge des patients en aval des urgences ;

- une poursuite de l'informatisation des urgences, laquelle pourrait gagner à être confiée à des sociétés extérieures à l'hôpital, hautement spécialisées dans ces technologies. Si le dossier médical personnel est mis en place, il permettra notamment d'éviter des examens redondants avec d'autres, effectués en ville peu avant.

· Le médecin coordinateur de flux aux urgences passe en moyenne 30 % de son temps à rechercher des lits et des places d'aval par téléphone, ce qui resterait moins chronophage que la consultation du Centre régional de veille et d'action sur les urgences (CERVEAU). Selon lui, l'engorgement des urgences tient davantage au blocage de leur aval qu'à l'afflux de patients en amont.

Ce phénomène explique la « stagnation » de certains patients aux urgences, en l'attente d'un lit d'hospitalisation, mais aussi leur maintien dans des services de soins aigus, en attendant que leur soit trouvée une place dans un établissement d'hébergement ou de soins de suite. M. Bruno Fantin, chef du service de médecine interne évalue ainsi à plus de 1 000 journées-lits par an l'ampleur de ce phénomène de stagnation en services de soins aigus.

Il a également regretté que souvent, les patients pris en charge aux urgences et dans un service de soins aigus, puis en soins de suite et de réadaptation (SSR) ou en établissement d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), reviennent précocement aux urgences, car ils passent de structures hospitalières très médicalisées à des structures d'aval « sous-médicalisées », c'est-à-dire trop peu dotées en moyens médicaux et paramédicaux pour assurer certains soins de base et traiter certaines formes de décompensation. C'est le cas, par exemple, de malades dialysés à l'hôpital, puis mal suivis dans des établissements d'aval, obligés de revenir aux urgences pour des déshydratations ou des insuffisances rénales que les équipes soignantes en SSR ou en EHPAD n'ont pas su prévenir. Cela tient à l'insuffisante médicalisation des EHPAD et des SSR, notamment la nuit et le week-end, et contribue à l'engorgement des urgences.

· Pour améliorer l'articulation des urgences avec les services d'hospitalisation, un effort de contractualisation interne a été entrepris. Il vise notamment à pallier une gestion des lits que M. Philippe Juvin a qualifiée de « patrimoniale », liée au système de la chefferie de service.

Dans le même sens, la création des « pôles d'activité clinique et médico-technique » peut permettre de rapprocher les services concernés par la prise en charge des urgences, comme c'est le cas à l'hôpital Beaujon, où un des cinq pôle regroupe les activités « urgences - proximité - réanimations ». Comme l'a précisé son responsable, M. Jean Mantz, ce pôle a été constitué de façon à regrouper les principaux services concernés par la prise en charge des urgences, afin de fluidifier la circulation des patients entre ces services.

· Pour autant, certains passages aux urgences n'en sont pas moins indus : il ressort notamment de la table ronde qu'« un grand classique » consiste, pour un praticien hospitalier d'un service de soins, à envoyer aux urgences un patient qui nécessite un acte et qu'il ne souhaite pas prendre en charge dans son propre service. On constate d'ailleurs une suroccupation des plateaux techniques par les patients issus des urgences.

De même, pour une intervention programmée, un patient est souvent admis à l'hôpital la veille au soir, ce qui ne répond généralement à aucune indication médicale, et conduit à occuper des lits qui pourraient servir aux urgences.

· Quant à la prise en charge des patients âgés aux urgences, elle est organisée en lien avec une unité de gériatrie : l'intervention des gériatres en ZSTCD semble avoir contribué à la fluidification des passages aux urgences.

De plus, les médecins libéraux que la mission a rencontrés à l'hôpital Beaujon ont jugé particulièrement utile le réseau d'évaluation gérontologique de Levallois-Perret, dont l'expertise leur permet d'éviter d'envoyer inutilement leurs patients âgés aux urgences et facilite leur hospitalisation directe dans un service adéquat.

· Par ailleurs, une maison médicale de garde (MMG) a été installée à proximité de l'hôpital Beaujon, à l'hôpital Gouin (Clichy-la-Garenne, Hauts-de-Seine). Certains des médecins qui y assurent la permanence des soins (PDS), rencontrés par à l'hôpital Beaujon ont indiqué que cette MMG est hébergée gracieusement par l'hôpital Gouin et que chaque médecin y apporte son propre matériel : elle n'a donc pas besoin pour l'heure de financement public direct. C'est d'ailleurs pour éviter des procédures administratives et financières « lourdes » que ces médecins ont préféré s'en tenir pour cette MMG à une configuration a minima. Elle assure environ 500 passages par an, ce qui laisse à penser qu'elle ne contribue pas puissamment au désengorgement des urgences : cette structure n'a pas d'autre ambition que d'assurer la PDS.

Déplacement de la mission
à l'hôpital privé de l'ouest parisien (HPOP) à Trappes (Yvelines)

Une délégation composée de Mme Martine Carrillon-Couvreur et de M. Georges Colombier, président-rapporteur, s'est rendue à Trappes le 17 janvier 2007. Il a semblé utile aux membres de la mission de visiter un service d'urgences appartenant à un établissement de santé privé à but lucratif, situé dans une zone très défavorisée.

Avec 55 000 passages aux urgences en 2005, l'HPOP possède la plus grande structure des urgences privée à but lucratif de France. D'ailleurs, la direction de l'hôpital estime que la croissance de tout l'établissement est stimulée par sa vocation de prise en charge des urgences, qui, en collaboration étroite avec le SAMU des Yvelines, permet de recruter des patients. La structure des urgences est adossée à des services de soins assurant une activité médicochirurgicale polyvalente, même si, selon la direction, la délivrance des autorisations administratives d'activité est parfois longue.

Par ailleurs, comme son maire, M. Guy Malandain, l'a souligné, Trappes a le taux de RMI le plus fort du département des Yvelines, le revenu par habitant le plus faible (deux tiers de moins que les deux communes qui ont le plus fort) et 80 origines nationales y coexistent.

1. Visite de la structure des urgences

· Conformément aux bonnes pratiques organisationnelles mises en évidence par la Mission nationale d'expertise et d'audits hospitaliers (MEAH) dans son rapport sur les temps de passage et d'attente aux urgences, le hall d'entrée des urgences donne directement sur la zone d'accueil et la salle d'attente, ces espaces étant directement visibles du couloir qui dessert les box. L'ensemble du personnel a donc une visibilité permanente du nombre de patients en attente, et les patients sont rassurés de voir le personnel actif.

· L'accueil est assuré par des secrétaires formées à cela, voire par des infirmières diplômées d'Etat. Ces personnels sont chargés de la gestion et de la coordination des flux : ils distribuent les patients aux médecins, coordonnent leur prise en charge suivant une hiérarchisation informelle basée sur la gravité des cas. De plus, ils anticipent dès l'accueil la prise en charge des patients en commandant des examens complémentaires, suivant des protocoles, en mobilisant les spécialistes d'astreinte et en préparant de façon précoce la prise en charge des patients en aval des urgences.

· La structure des urgences est sous-tendue par un système informatique performant, avec des postes de consultation dans chaque box, à l'accueil et dans certains couloirs, ce qui permet de suivre en permanence et depuis tout endroit du service le dossier d'un malade. Ce système permet d'éviter presque totalement le recours au papier. Il identifie les soignants par reconnaissance de leurs empreintes digitales.

Ce système permet une transmission rapide des résultats des examens complémentaires et, à court terme, il permettra de suivre en direct la réalisation des examens d'imagerie. Il est interconnecté avec les systèmes de l'Institut national de veille sanitaire (InVS), de l'AP-HP et du Centre régional de veille et d'action sur les urgences (CERVEAU).

· La zone de soins de la structure des urgences, avec 7 box de consultation, n'est pas divisée en zones secondaires, contribuant ainsi à la fluidité de la prise en charge des patients. Cette zone est organisée autour d'un couloir circulaire, ce qui facilite la circulation.

Dans cette zone, une salle de radiologie conventionnelle a été installée à côté du box de déchoquage. De plus, dans le planning d'utilisation de cette salle, un créneau par heure est laissé libre, pour une utilisation non programmée au profit d'un patient arrivant aux urgences.

A côté de la zone de soins se trouve une zone de surveillance de très courte durée (ZSTCD), qui accueille des patients pour une durée moyenne de 16 heures. Avec un turn-over important, cette ZSTCD constitue le « premier aval » des urgences.

2. Table ronde sur la prise en charge des urgences

· Les spécialistes des services de soins participent à la prise en charge des urgences, par un dispositif d'astreinte qui permet de mobiliser 16 spécialistes 24h./24, en passant matin et soir aux urgences pour une visite des patients et en y pratiquant régulièrement des actes techniques.

Ainsi, les urgentistes reconnaissent que la prise en charge des urgences fait partie de la culture de l'établissement : en témoigne le fait que les astreintes des spécialistes sont gratuites.

· Par ailleurs, l'activité de l'HPOP est déterminée par son environnement géographique : les populations défavorisées ont un taux de recours aux urgences supérieur à la moyenne du fait de la « désertification médicale » de Trappes (dixit M. Guy Malandain, son maire), et elles n'ont pas l'habitude de passer par des dispositifs de régulation.

Un vigile est présent à l'HPOP, qui est situé à proximité d'un poste de police. Si la direction de l'HPOP attribue à l'« environnement violent » de l'établissement une part de ses difficultés, elle constate que, paradoxalement, il contribue aussi à la solidarité de l'équipe soignante, qui travaille en bonne intelligence avec la population.

· S'agissant plus particulièrement de la prise en charge des personnes âgées, l'HPOP participe à un réseau de santé gérontologique de professionnels libéraux nommé CARMAD, animé par l'hôpital gérontologique du Plaisir Grignon, dans le cadre duquel ont été établis des protocoles de prise en charge des patients âgés et mise en place une équipe mobile de gériatrie (284). Un effort particulier est entrepris par l'HPOP pour concentrer en un seul passage à l'hôpital l'ensemble des examens dont une personne âgée peut avoir besoin, ce qui lui évite des passages répétés à l'hôpital.

Par ailleurs, la prise en charge en urgence des patients à pathologies psychiatriques est organisée en liaison avec un réseau psychiatrique, le groupe ERIC (Equipe rapide d'intervention de crise), un service mobile d'urgence et de post-urgence psychiatrique animé par l'hôpital Charcot (Plaisir, Yvelines) (285). Pour un patient psychiatrique, l'HPOP peut solliciter ce groupe pour une évaluation téléphonique ou pour l'intervention d'une équipe (un psychiatre et des personnels paramédicaux), ce patient étant ensuite suivi pendant un mois par le groupe ERIC.

S'agissant des urgences pédiatriques, un pédiatre assure une consultation de jour en liaison avec un autre établissement de santé, et une astreinte pédiatrique est mutualisée aux heures de la PDS avec un groupe de pédiatre libéraux.

Comme l'ont indiqué les représentants de la direction de l'HPOP et du groupe auquel il appartient, la Générale de santé, l'HPOP évite dans la mesure du possible de créer des structures nouvelles, préférant accentuer le maillage des structures existantes en constituant des réseaux. La coordination ville-hôpital serait plus aisée à mettre en œuvre dans le secteur de l'hospitalisation privée à but lucratif car les médecins qui y interviennent sont eux-mêmes des libéraux. Grâce à cette coordination, la structure des urgences de Trappes fonctionne avec deux fois moins de moyens humains que les structures publiques assurant le même volume de passage.

ANNEXE 3

COMPTES-RENDUS DES AUDITIONS

(par ordre chronologique)

Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH) :
Mme Élisabeth Beau, directrice, accompagnée de
MM. David Le Spégagne et Maxime Cauterman


(12 septembre 2006)

Présidence de M. Georges Colombier, Président-rapporteur

M. le Président : Madame, Messieurs, nous vous remercions d'avoir accepté de participer à cette première audition de la mission d'information sur la prise en charge des urgences médicales, constituée le 28 juin dernier par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et composée de onze membres représentatifs de tous les groupes de l'Assemblée.

Son objectif étant d'examiner comment désengorger les services hospitaliers d'accueil des urgences, la mission a entrepris d'étudier le système de prise en charge des urgences à trois niveaux : en amont de l'hôpital, avec le dispositif de permanence des soins, dans les services d'urgences proprement dits et en aval, notamment dans d'autres services hospitaliers.

Notre attention a été retenue par les expériences pilotées par la MEAH dans huit hôpitaux français entre juin 2003 et mars 2005. Nous avons pris connaissance de votre rapport publié en mai 2005, mais il était intéressant d'en discuter directement avec vous.

Mme Élisabeth BEAU : Nous sommes heureux de venir vous exposer nos travaux sur les urgences, qui ont déjà fait l'objet d'un premier rapport d'étape. Créée dans le cadre du plan « Hôpital 2007 », la MEAH a pour objectif d'aider les établissements hospitaliers publics et privés à améliorer leur organisation au quotidien, qu'il s'agisse d'adapter leurs ressources à leur activité, de trouver des modalités de fonctionnement plus efficaces, d'améliorer la qualité du service rendu aux patients ou d'accroître la satisfaction des professionnels, dans le secteur des urgences comme dans ceux de l'imagerie, de la radiothérapie, des blocs opératoires, de la pharmacie, de la cuisine et la restauration, etc., autant de problématiques qui, au quotidien, empoisonnent la vie des personnels et nuisent à la qualité du service rendu au patient.

La MEAH a ainsi été conduite à se pencher sur les temps d'attentes et les temps de passage aux urgences. Une première mission a eu lieu en 2003-2004 sur huit établissements, suivie d'une deuxième en avril 2005 sur huit nouveaux établissements, en cours de traitement. Au vu des bons résultats acquis ou en voie de l'être sur ces deux premiers chantiers, animés par Maxime Cauterman, nous avons lancé, à la demande de la direction des hôpitaux, une première vague de déploiement des bonnes pratiques organisationnelles dans quarante sites, dont s'occupe plus particulièrement David Le Spégagne.

M. Maxime CAUTERMAN : La première vague d'expertise avait fait apparaître plusieurs enseignements positifs. Tout d'abord, la pertinence de l'objectif de réduction des temps d'attente aux urgences a fini par être reconnue, au sein même de ces services, après avoir été contestée durant plusieurs mois - « On n'est pas chez Darty », « Ce n'est pas la vitesse qui compte, mais la qualité », etc. De leur côté, des travaux universitaires ont établi un lien entre temps de passage et qualité de la prise en charge. Le temps de passage constitue un indicateur composite qui permet de rendre compte de la capacité d'un service à s'adapter à ce qui se passe en amont comme en aval, et à ses contraintes propres. Nous nous sommes ainsi aperçus avec les professionnels que l'objectif précité était pertinent - nous avons reçu un soutien appuyé de leur société savante -, au point que la vague suivante a suscité un fort volontariat. Par ailleurs, la méthodologie d'audit retenue s'est avérée tout à fait reproductible et plusieurs actions ont prouvé qu'il était possible d'améliorer les temps de passage par des mesures organisationnelles. Ont également été mis en évidence plusieurs points perfectibles, à commencer par la nécessité de passer d'une vision très technique à une vision d'accompagnement du management.

Dans le cadre de la deuxième vague d'expertise, tirant les enseignements de la précédente, nous avons incité les professionnels à se fixer eux-mêmes des objectifs opérationnels et à mettre en place des outils de pilotage en routine. Les objectifs ainsi retenus sont basés sur des critères à portée assez générale pour certains - 80 % des patients pris en charge en moins de quatre heures -, plus ciblés pour d'autres - délai de prise en charge par l'IOA 286 inférieur à dix minutes -, et pour d'autres encore sur des critères plus médicaux - une demi-heure maximum avant la prise en charge de la douleur, par exemple. De nouveaux modes d'organisation ont été testés, telle la mise en place de nouvelles sectorisations à l'initiative des hospitaliers, délaissant la classique distinction médecine-chirurgie pour adopter, dans un but d'optimisation de la gestion, des schémas davantage liés, par exemple, à la durée ou à la lourdeur de la prise en charge.

Ces expériences visaient l'ensemble des patients. Une bonne prise en charge des patients plus lourds suppose en effet de gérer de façon optimale les patients les moins lourds. Autrement dit, chaque patient, quel que soit son état, contribue à l'engorgement et, par le fait, à l'allongement des temps de passage. On ne peut donc se concentrer sur une activité donnée. C'est là un principe de gestion que le premier chantier avait mis en évidence.

Mme Élisabeth BEAU : Nous n'avons pas travaillé en cherchant à éviter que les patients n'arrivent aux urgences, mais en partant de la réalité : des gens se présentent dans un service d'urgence, estimant que leur état mérite des soins immédiats. Comment dès lors aider les services à ne pas se laisser engorger par cette demande croissante, quand bien même elle peut leur paraître excessive ? Nous partons du principe qu'ils doivent prendre en charge tout patient qui se présente, quelle que soit la réalité de l'urgence. Nos travaux ont montré que des modalités différentes d'organisation, au niveau tant des services périphériques que de l'agencement des ressources en interne, permettaient d'éviter de se laisser engorger par cette demande parfois aléatoire...

M. Maxime CAUTERMAN : Et qui ne correspond pas forcément aux missions fondamentales des services d'urgences.

Mme Élisabeth BEAU : La question est de savoir comment, la réalité étant ce qu'elle est, les professionnels peuvent faire face à cette demande dans les meilleures conditions et avec les moyens dont ils disposent, grâce à de bonnes pratiques organisationnelles à même de résoudre tous les problèmes d'interface entre les urgences et le laboratoire, l'imagerie, les services d'hospitalisation, etc., mais également d'améliorer les relations en interne, le parcours du patient au sein de l'unité, l'intervention des différentes catégories de professionnels, en faisant en sorte qu'aucune catégorie de patients ne vienne emboliser le parcours des autres. Les expériences conduites avec les huit premiers services, puis les huit suivants et maintenant les quarante autres services suivis depuis le 1er janvier 2006, montrent qu'il est possible de réduire le temps de passage dans les services d'urgence et de limiter l'engorgement dont souffraient les patients et les personnels soignants.

M. David LE SPÉGAGNE : Nous avons privilégié ce qui se passait dans l'enceinte même des services d'urgence, alors que votre mission s'intéresse également à l'amont et à l'aval, en nous lançant dans une démarche de conviction - ce n'était pas gagné d'avance -, en décrivant des modes d'organisation, certains beaucoup plus pertinents que d'autres, indépendamment des moyens dont disposaient les services concernés, mais sans pour autant ignorer ce qui se passait ailleurs. Nous avons ainsi découvert qu'il était souvent plus intéressant de gagner cinq minutes sur l'ensemble des patients légers dans la mesure où ils représentaient un flux important et donc un gros gain potentiel.

M. Maxime CAUTERMAN : Certaines étapes du parcours d'un patient aux urgences, a priori moins nobles que d'autres d'un point de vue médical, tiennent une grande part dans le temps de présence et dans l'engorgement des services. Ainsi en est-il par exemple de toute la phase qui commence après la prise en charge médicale et s'achève avec la sortie du patient. De telles étapes sont relativement courtes, mais elles concernent une vaste population. Il peut être plus intéressant de réduire la durée de ces phases que celle d'autres étapes beaucoup plus longues mais qui ne touchent qu'une petite partie du public. Nous nous sommes donc attachés à rationaliser l'organisation dans ce sens.

M. le Président : Y a-t-il une corrélation entre la performance des services d'urgences et leur niveau de ressources en personnels, en équipement, en lits ? Faut-il systématiquement accroître ce niveau pour réduire les temps d'attente et de passage ?

M. Maxime CAUTERMAN : Nous n'avons pas pu étudier ce qui se passait au sein d'un même service lorsque l'on y injectait des ressources supplémentaires. Mais nous avons mis en évidence un phénomène assez classique : le coût de la complexité peut se traduire par des « déséconomies » d'échelle. On peut même aller jusqu'à imaginer qu'une dotation supplémentaire amène plus de complexité que de réelles améliorations.

M. le Président : Avez-vous le sentiment que la prise en charge des urgences médicales ne constitue pas une priorité pour certains hôpitaux ?

Mme Élisabeth BEAU : Sur le point précédent, les travaux menés sur les seize premiers établissements tendent à montrer que plus on a de ressources, plus les temps s'allongent. Un seul élément, parmi les moyens supplémentaires, apparaît véritablement de nature à raccourcir les temps : le niveau de « séniorisation » des médecins. Les services où les seniors représentent 80, 90 ou 100 % des médecins ont des temps de passage beaucoup plus courts que les autres. En revanche, un nombre élevé de médecins, d'infirmiers ou de brancardiers ne se traduit pas par des temps plus courts, bien au contraire. De même pour les surfaces : plus le service est grand, moins on a de visibilité, plus les temps de coordination s'allongent. Les professionnels sont souvent déçus lorsqu'ils s'installent dans des locaux neufs : alors qu'ils croyaient une bonne partie de leurs problèmes réglée, ils se retrouvent face à une structure difficilement gérable et en butte à de sérieuses difficultés de coordination. Cela dit, nous n'avons pas calculé les avantages ou les nouveaux inconvénients qu'entraînerait éventuellement un accroissement ou, à l'inverse, une diminution des effectifs dans un service donné : nos travaux se fondent très largement sur une comparaison des établissements entre eux en termes de délais, d'efficience et de bonnes pratiques organisationnelles.

Sur l'importance des urgences, le discours des établissements est un peu ambivalent. Si chacun, dans le public comme dans le privé, a bien compris que les urgences sont une mission de service public tout à fait fondamentale, ce n'est pas sans certains désaccords que la communauté médicale en tire les conséquences au quotidien. Ainsi, les chefs de service, les médecins, les infirmières ont tendance à éviter bon nombre de patients qui arrivent par les urgences.

M. Maxime CAUTERMAN : On relève des différences d'approche entre les hôpitaux à vocation plutôt généraliste et polyvalente, surtout lorsque l'approche gériatrique y est relativement développée, et les établissements plus spécialisés.

M. le Président : Le flux des patients issus des urgences est-il suffisamment pris en compte dans la gestion des lits d'hospitalisation ? Quel bilan tirez-vous des expériences de mise en place de « coordinateurs de flux » à l'entrée des urgences ? Pourraient-elles être généralisées ?

M. Maxime CAUTERMAN : La mise en place de coordinateurs de flux de patients entrant aux urgences a donné de bons résultats, et ce métier se développe dans d'autres activités hospitalières : on voit apparaître des régulateurs dans les blocs opératoires et on commence à en parler pour les sorties d'hospitalisation. La présence d'un médecin coordonnateur à l'accueil est également très appréciée. Dégager une ressource du soin pour l'affecter à la coordination est un pari qui vaut la peine d'être tenté.

La gestion du flux des patients hospitalisés nous amène à nous interroger sur la gestion des lits. Ce qui pose problème, ce n'est pas tant la gestion des patients sortant des urgences que les modalités de programmation des patients entrant directement dans les services, à l'évidence perfectibles. Le besoin en lits des urgences se caractérise finalement par une relative régularité ; a contrario, les modalités de programmation des séjours dans les services ne semblent pas optimales, avec des pics d'affluence le lundi et des lits vides en fin de semaine. L'idéal pour les urgentistes est que leurs patients partent en début de semaine plutôt qu'en fin de semaine afin de ne pas entrer en concurrence avec les séjours programmés. Peut-être y a-t-il là une voie de progression à explorer.

M. David LE SPÉGAGNE : Les urgences ont souvent besoins de lits dès la matinée alors que ceux-ci se libèrent souvent dans l'après-midi.

M. Maxime CAUTERMAN : En effet. D'où une sensation de manque de lits alors que le manque ne porte que sur quelques heures-lits.

Mme Élisabeth BEAU : Le soir venu, tous les patients arrivés finissent par être pris en charge mais ils auront passé la journée entassés dans des couloirs, parfois depuis huit heures du matin, alors que le besoin en lits est finalement limité dans le temps. C'est insupportable.

M. le Président : C'est souvent la critique que nous rapportent nos concitoyens.

M. Maxime CAUTERMAN : La gestion des flux offre des pistes très intéressantes, pour l'organisation interne des services d'urgence comme pour la gestion de l'aval.

Mme Élisabeth BEAU : Ces problèmes très pratiques de gestion des lits ne sont pas forcément pris en compte par les unités d'hospitalisation en fonction des besoins des urgences. Chacun agit en fonction de ses intérêts propres.

M. Maxime CAUTERMAN : Et par manque de sensibilisation aux questions d'ordonnancement, de lissage de l'activité, autant de notions somme toute nouvelles pour les médecins.

M. le Président : Les particularités de certains types de patients, à commencer par les urgences gériatriques, vous semblent-elles bien prises en compte ? Quelles améliorations pourraient être apportées au dispositif, notamment dans les centres hospitaliers qui ne disposent pas de services de gériatrie ?

Quelle est la part des patients dits « légers » dans l'encombrement des urgences ? Constatez-vous une corrélation entre cet engorgement et les défaillances de la permanence des soins des médecins libéraux dans certains secteurs ? La mise en place d'une consultation médicale non programmée dans les hôpitaux permet-elle de réduire substantiellement le flux de ces patients ?

M. Maxime CAUTERMAN : Cette dimension est encore peu explorée. Pour ce qui est de la gériatrie, nous avons quelques éléments de réponse à partir des travaux réalisés par certains hospitaliers à Ambroise-Paré et à Nice, qui ont étudié la possibilité d'hospitaliser certains patients des urgences directement en moyen séjour, sans passer par le court séjour. On assure, mais nous n'avons pu encore le vérifier, que les équipes mobiles mises à disposition des urgences sont un facteur d'accélération de la prise en charge de ces patients ; on nous suggère également que les unités de gériatrie devraient explicitement réserver une partie de leurs lits à l'accueil d'urgences, mais cette piste n'a pas non plus été véritablement explorée.

Mme Élisabeth BEAU : D'une façon générale, la prise en charge des personnes âgées est nettement plus longue que celle des patients plus jeunes. Il est difficile de croire à un ostracisme particulier, mais comme tout le monde sait que cette prise en charge sera longue, on ne se presse pas. Comme on sait que ces patients seront hospitalisés, on ne se presse pas davantage ; et comme on sait que les services d'hospitalisation seront réticents à les admettre, parce qu'ils occuperont longtemps un lit, on se presse encore moins ! Pour les patients de plus de soixante-quinze ans, la prise en charge pouvait donc prendre un temps considérable : sept, huit, voire dix heures - en moyenne ! Les personnels médicaux, eux-mêmes, ont fini par se rendre de compte que le problème était crucial et que l'on ne pouvait le considérer comme une fatalité. Bon nombre d'établissements se sont alors fixé comme objectif de réduire les temps de prise en charge de ces patients, un hôpital allant jusqu'à parler de conditions « indignes » tant pour ces personnes âgées traînant dans les couloirs que pour le service public. Mais, les urgences ne sont pas les seuls services en cause : la prise de conscience doit être générale dans la collectivité hospitalière, qui devra s'équiper pour accueillir ces patients - structures de gériatrie, équipes mobiles, etc.

M. Maxime CAUTERMAN : Il est à noter que le retard commençait à se manifester dès le début de la prise en charge et qu'il y avait donc accumulation de perte de temps.

M. le Président : Et pour les patients légers ? On parle souvent de « bobologie », de situations ne nécessitant à l'évidence pas de mobiliser les services d'urgence d'un hôpital...

Mme Élisabeth BEAU : Cette question a fait l'objet de grands débats au début de notre chantier : comment éliminer ces patients en les traitant, en amont des urgences, par le biais de la médecine de ville ou d'autres dispositifs ? Nous avons répondu que cela dépassait le cadre de notre mission : il ne s'agissait pas de réorganiser toute la médecine française. Puis les professionnels se sont rapidement rendu compte qu'il y avait un moyen de résoudre le problème, en traitant correctement tout le flux de patients sans chercher à les dissuader de se rendre aux urgences. Plusieurs pistes intéressantes ont été explorées : ainsi, à l'hôpital Ambroise-Paré de Boulogne, la mise en place de consultations de médecine générale à l'entrée même des urgences, qui permet de prendre en charge in situ les patients légers qui n'ont plus besoin d'entrer dans le service d'urgence proprement dit. On pourrait citer aussi d'autres modalités de prise en charge de ces patients comme les consultations sans rendez-vous de spécialistes ou de généralistes, où les patients viennent parce que c'est plus commode tout en sachant fort bien que leur état n'appelle pas l'intervention des urgences. Tout cela permet de gagner du temps.

M. Maxime CAUTERMAN : Ces dispositifs sont beaucoup plus efficaces que tout ce qui vise à réorienter à toute force le patient, voire à le brusquer pour le dégoûter d'aller aux urgences. Or les patients légers sont souvent, dans la salle d'attente, les plus irritables...

M. David LE SPÉGAGNE : Les consultations non programmées à l'intérieur du service fonctionnent bien mieux qu'une maison médicale de garde installée à côté, même lorsqu'elle est très proche. Mais peut-être les services d'urgence ne jouent-ils pas le jeu en ne réorientant pas vers les maisons médicales les patients qu'ils jugent plus éligibles à ce type de prise en charge.

M. Maxime CAUTERMAN : Se pose toutefois la question de la responsabilité du service d'urgence en cas d'incident, de même que celle de l'accueil de patients aux ressources très faibles. Enfin, peut-il se permettre de réorienter un patient sur une consultation de spécialiste sans respecter le parcours de soins, lequel passe obligatoirement par le généraliste, au risque de le pénaliser financièrement ?

Mme Élisabeth BEAU : L'expérience montre qu'une maison médicale installée à l'intérieur du site hospitalier, mais dans un bâtiment disjoint, fonctionne mal, alors qu'une consultation de médecine générale assurée par les mêmes prestataires libéraux à l'entrée du service d'urgence, à côté de la salle d'attente, marche très bien et réduit d'autant les temps de passage. Certains services d'urgence sont même allés jusqu'à créer, en leur sein même, des consultations de médecine générale en collaboration avec la médecine de ville.

M. Maxime CAUTERMAN : Dans ces services, le praticien généraliste est financé par ses confrères libéraux qui, ce faisant, remplissent leurs obligations en matière de permanence des soins.

Mme Élisabeth BEAU : Alors que les urgentistes étaient jusque-là braqués contre ces patients légers en se demandant comment les empêcher de venir chez eux, ils ont compris que le vrai problème était de trouver le moyen de les prendre en charge rapidement.

M. le Président : Ainsi, pour bien traiter les cas lourds, il faut savoir aussi traiter correctement les cas les plus légers.

Mme Élisabeth BEAU : D'autant que les cas légers sont pour une grosse part à l'origine des phénomènes de violence relevés dans les services d'urgence - le fait a été démontré.

M. le Président : Les bonnes pratiques organisationnelles identifiées grâce à vos travaux tiennent-elles compte de la spécificité des territoires ruraux ou, à l'inverse, densément urbanisés ?

Mme Élisabeth BEAU : Notre mission consiste à chercher les bonnes pratiques organisationnelles tantôt en observant ce que les services existants ont déjà mis en œuvre, tantôt en les construisant avec eux et le concours des cabinets de conseil missionnés pour les aider. Ensuite, nous les recensons, nous les analysons et nous les diffusons sous forme de petits ouvrages exposant, pour chaque type de problème identifié, les solutions mises en place par les uns et les autres, les résultats que l'on peut en attendre, leurs inconvénients et les appréciations portées par les professionnels. Cela n'a rien de normatif : nous proposons des idées, des évaluations. Libre aux intéressés, en fonction de la configuration de leur lieu de travail, de leur population de patients, de leurs habitudes de fonctionnement, de leurs compétences, de leurs qualifications, de leur culture, de l'histoire de l'hôpital, et de bien d'autres éléments difficilement modélisables, d'y puiser ou non ce qu'ils veulent, quitte à l'adapter au besoin. L'idée est de mettre en commun des retours d'expériences particulières qui ont donné des résultats. Nous n'avons pas fait de distinction entre hôpitaux ruraux, urbains, etc. La problématique diffère évidemment selon qu'il s'agit d'établissements de très grande taille, où l'on compte 60 000 ou 70 000 passages aux urgences, ou de sites plus modestes avec seulement 12 000 ou 15 000 passages. La pression au quotidien n'est pas du tout la même, non plus que les effets d'échelle ou les niveaux de complexité. Mais en elles-mêmes, les bonnes pratiques organisationnelles ne sont pas liées à la localisation de l'établissement. Une question mérite néanmoins d'être creusée : comment aider de petits services d'urgence à travailler en collaboration avec de gros services voisins afin d'assurer une prise en charge homogène et de bonne qualité ?

Mme Catherine GÉNISSON : Ce sujet nous renvoie directement à l'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire - les SROS - de troisième génération et aux projets médicaux de territoire. Une chose est sûre : ce n'est pas dans les plus petits services d'urgence que le temps d'attente est le plus long. C'est plutôt l'inverse... Les services d'urgence ont connu un grand développement ces dernières années et c'est tant mieux pour la qualité de l'accueil. Mais la solution aux problèmes des urgences ne peut consister à y rajouter des lits. Il faut étudier l'amont et l'aval des urgences, en trouver le bon périmètre, y mettre en place une structure d'accueil adéquate et des lits d'hospitalisation courte, mais en aucun cas en venir à créer un hôpital dans l'hôpital. Surdimensionner les services d'urgences revient à déconnecter totalement le fonctionnement de l'hôpital de la notion d'accueil en urgence. L'hospitalisation réglée, hôpital de jour, hôpital de semaine, c'est très bien, mais il n'en reste pas moins que des malades non programmés arrivent sept jours sur sept et doivent être pris en urgence dans les services. Par ailleurs, la spécialisation des services n'a fait qu'accentuer cette évolution : au moins dans les grands hôpitaux généraux, on a le plus grand mal à trouver un lit d'hospitalisation pour le malade qui, pour son malheur, souffre un peu de tout...

M. le Président : Les personnels et les services des hôpitaux se sont-ils rapidement approprié la démarche de réduction des temps d'attente que vous leur proposiez ? La complexité des circuits administratifs de gestion des urgences a-t-elle constitué un obstacle au bon déroulement de votre expérience ? Si oui, que recommanderiez-vous pour les simplifier ?

M. Maxime CAUTERMAN : Les chefs de projet ont dû affronter au sein des établissements les mêmes réticences que nous-mêmes au sein du groupe de travail qui les réunissait... Cela a prouvé en tout cas la nécessité de renforcer le management, ou plus exactement d'outiller le chef de service, cadre ou chef de projet, afin de le rendre capable de faire partager des objectifs.

Mme Élisabeth BEAU : Nous avions choisi en 2003 pour notre mission un titre un peu provocateur pour les professionnels : « Réduire les temps d'attente aux urgences ». Le débat s'est rapidement engagé autour des notions de « temps d'attente » et de « temps de passage ». Ils nous ont ensuite demandé s'il fallait vraiment réduire les temps de passage aux urgences, observant que plus on est efficace, plus les gens viennent, et plus les services risquent de s'engorger. Autrement dit, l'idée était plutôt de savoir comment écœurer les patients de venir à l'hôpital lorsqu'ils n'ont a priori rien à y faire... Le débat sur ces questions a été long et difficile, jusqu'à ce que la société francophone de médecine d'urgence, notamment, accepte l'idée que la réduction des temps de passage pouvait être un moyen d'accroître la qualité du service rendu : toutes les phases du fonctionnement sont mieux maîtrisées si chaque professionnel intervient à bon escient et au bon moment. Si vitesse et qualité ne vont pas forcément de pair, lenteur et qualité ne le font pas davantage... Après une petite année de palabres, toutes les vagues successives de professionnels avec lesquels nous avons engagé la démarche ont très vite adhéré à cette idée : ils arrivent désormais avec des objectifs précis de réduction de leurs temps de passage pour les personnes âgées, pour les enfants, pour les simples consultations, etc. L'appropriation s'est très bien faite.

M. David LE SPÉGAGNE : Soixante-sept services d'urgence, en plus des seize établissements des deux premières vagues, se sont lancés dans cette démarche. Ainsi le chef de service de Tarbes s'est-il fixé un objectif ambitieux et mobilisateur : zéro patient de plus de soixante-quinze ans en zone de soins de très courte durée au-delà de vingt-quatre heures
- chose impensable il y a trois ans. Objectif retenu à Melun : zéro nuit-couloir.

Mme Élisabeth BEAU : À Martigues, il n'y a plus aucune prise en charge « indigne », sachant qu'ils considèrent comme indigne le fait de passer plus de dix minutes dans un lit dans un couloir. Les objectifs sont très ambitieux, et de surcroît précisément chiffrés. C'est très mobilisateur pour les équipes.

M. David LE SPÉGAGNE : Citons aussi un objectif présenté par deux établissements très différents : une clinique privée à Antony, qui vise à ramener le temps de passage moyen de 155 à 110 minutes, et le CHU de Limoges, où il s'agit de passer de 225 à 120 minutes. C'est un véritable mouvement de fond, où chacun prend en charge son dossier en fonction de ses propres marges de manœuvre.

Mme Catherine GÉNISSON : Reste que le fonctionnement d'un service d'urgence a ses limites. C'est très bien de se fixer comme objectif de réduire le temps de passage des personnes âgées ; encore faut-il pouvoir sortir les malades du service d'urgence... Cela suppose tout un travail de concertation avec le reste de l'hôpital.

M. Maxime CAUTERMAN : En effet, la définition d'un objectif pour un service d'urgences exige un effort de concertation au sein de ce service, mais également un minimum de communication avec les autres services. Mais on est plus à l'aise pour convaincre les autres lorsque l'on a commencé à améliorer la situation chez soi.

Mme Catherine GÉNISSON : Avez-vous des retours d'expérience ?

Mme Élisabeth BEAU : Oui, dans le domaine de la gestion de l'hospitalisation très courte durée, par exemple, qui représente généralement huit à quatorze lits. Il arrivait que des patients y stagnent pendant des jours... Nos chantiers ont montré que l'influence du chef de service et des praticiens est déterminante. Ainsi, l'heure de la visite est fondamentale : si elle a lieu à dix-huit heures, on aura moins de chance de sortir des patients que si on la fait à neuf heures. Et si l'on y associe psychiatres, gériatres, etc., en fonction des cas, on parviendra plus facilement à faire admettre les patients dans des services d'hospitalisation. Nous avons amené les personnels à constater qu'ils disposaient de marges de manœuvre propres, qu'ils devaient commencer par mobiliser. Une fois l'opération engagée dans le « premier cercle », c'est-à-dire au niveau de la gestion de leur box et de l'articulation des étapes entre les professionnels, non seulement ils commencent à gagner un peu de temps, mais ils sont mieux placés pour discuter avec l'imagerie et la radiologie, les deux principaux goulots d'étranglement dans les prises en charges courantes, afin de chercher le moyen de réduire les temps perdus au moment de l'interface, sachant qu'un examen ne prend pas plus d'une heure. Une fois cela fait, on peut appeler l'attention en commission médicale d'établissement sur la gestion des lits d'aval : les patients étant hospitalisés de façon irrégulière dans la semaine, aucun lit n'est disponible les lundis et mardis, ou bien l'heure trop tardive des sorties bloque des lits dans la journée, etc. On peut ainsi amener les responsables des autres services à modifier un peu leur organisation en leur proposant des amorces de solutions. Il est vrai que, durant ces dernières années, on a attaché énormément d'importance au renforcement des services d'urgence, parfois au détriment des services d'hospitalisation, d'où un effet de concurrence. Il y a là une occasion de rebattre les cartes en prenant en compte l'impact de l'activité de chaque service sur la prise en charge des urgences.

Mme Catherine GÉNISSON : Les radiologues reprochent souvent aux urgentistes non de les faire travailler, mais de délivrer des demandes d'examen non motivées ou insuffisamment argumentées.

M. Maxime CAUTERMAN : C'est souvent affaire de négociation entre les urgentistes et leurs partenaires de l'imagerie et autres : « tu accélères les examens que je demande, je fais un effort sur la qualité de ma prescription ». On peut ainsi refaire les bons de demandes d'examen radiologiques en les limitant aux examens les plus courants et en faisant en sorte que seuls les seniors aient accès aux demandes d'examens plus approfondis.

Mme Catherine GÉNISSON : Voire qu'ils assistent eux-mêmes à l'examen radiologique.

M. Maxime CAUTERMAN : Effectivement, dans une logique de donnant-donnant.

Mme Catherine GÉNISSON : N'y a-t-il pas un problème d'expérience et de formation des praticiens ?

Mme Élisabeth BEAU : Nous avons évoqué tout à l'heure l'impact de la séniorisation. Le taux - c'est-à-dire le pourcentage, pas le nombre - de praticiens seniors dans les services d'urgence est le seul critère de ressources des services d'urgences ayant une incidence directe sur le temps d'attente. Cela ne veut pas dire qu'il faille éliminer les jeunes en formation, bien au contraire ; reste que plus on approche les 100 % de seniors, plus les prescriptions sont fondées et adaptées, plus les avis sont donnés rapidement et plus les temps de passage diminuent.

M. le Président : Et la simplification des circuits administratifs ?

Mme Élisabeth BEAU : Les circuits administratifs ne nous ont pas semblé peser particulièrement sur la durée de la prise en charge. Les problèmes liés à la facturation des soins et autres ne participent pas vraiment à l'engorgement.

Mme Catherine GÉNISSON : Un problème se pose toutefois du fait que les agents administratifs ont des horaires qui ne correspondent pas forcément aux heures de grosses affluences aux urgences. En dehors de ces horaires, le travail administratif doit être assuré par le personnel soignant. Le renforcement des permanences administratives est une revendication largement exprimée dans les services d'urgence. Reste le problème de la reconnaissance du travail fourni aux urgences, où l'on ne peut pas appliquer la T2A comme dans les autres services, mais c'est un autre sujet.

M. Maxime CAUTERMAN : Nous n'avons pas identifié de complexités particulières par rapport à d'autres secteurs de l'hôpital. En revanche, la dernière étape du parcours des patients - clôture du dossier, formalités, facturation, certificats divers - représente 5 % de leur temps de passage aux urgences. Et comme cela concerne 100 % des patients, il y a là une marge de progression très intéressante.

Mme Catherine GÉNISSON : On ne peut exiger du personnel administratif des permanences entre vingt-deux heures et six heures du matin. Mais il cesse souvent le travail vers dix-sept ou dix-huit heures, alors que les pics aux urgences se situent bien plus tard
- celui du dimanche soir, après le film de TF1, est bien connu. Le personnel soignant se retrouve donc seul et doit recourir à des procédures abrégées.

M. Maxime CAUTERM : On a pu dans certains cas optimiser le parcours administratif sans générer d'attente supplémentaire, par exemple dans le cas où le passage en radio donnait lieu à facturation dans le service de radiologie lui-même.

M. le Président : Les services d'urgence sont-ils prêts à gérer un afflux soudain de patients, comme ce fut le cas lors de la canicule de 2003 ? La gestion des crises sanitaires est-elle suffisamment prise en compte dans les établissements ?

M. Maxime CAUTERMAN : La gestion des crises sanitaires constitue à l'évidence une de leurs préoccupations, même si les chefs de service ne peuvent pas toujours venir aux réunions qui y sont consacrées.

M. Bernard PERRUT : La gestion des maisons médicales préoccupe les élus sur le terrain. Non seulement leur mise en place n'a pas été sans poser de sérieux problèmes financiers, mais il arrive souvent que trop peu de patients s'y rendent, au point qu'on en vient à les fermer. Dans le même temps, l'hôpital du même lieu connaît chaque nuit des délais d'attente considérables du fait de patients qui pourraient fort bien être accueillis en maisons médicales. Avez-vous aujourd'hui une vision suffisamment précise du fonctionnement des maisons médicales et de leurs relations avec les hôpitaux pour nous guider dans notre réflexion ? Doivent-elles être en lien direct avec l'hôpital, voire à l'intérieur, pour bien fonctionner ?

Mme Élisabeth BEAU : Notre réflexion n'a pas porté sur le fonctionnement des maisons médicales. Nous en avons seulement croisé à l'occasion de certains chantiers. Nous en avons vu une, installée à l'entrée d'un hôpital, qui ne parvenait pas à fonctionner, et les agents hospitaliers laissaient entendre qu'elle ne rendait pas vraiment de services. À l'opposé, nous avons vu une expérience à Boulogne où une consultation de médecine générale avait été mise en place à l'intérieur même du service des urgences, et recevait du monde. Il semblerait que ce continuum soit de nature à rassurer tant l'équipe médicale de l'hôpital que le patient et facilite l'orientation vers cette structure. Cela dit, les maisons médicales peuvent correspondre à d'autres problématiques : le besoin de rassurer les praticiens souhaitant exercer tard le soir en les regroupant dans un lieu plus sécurisé, par exemple. Peut-être la maison médicale, notion récente, n'est-elle pas assez visible : le patient sait ce qu'est l'hôpital, il sait qu'on y bénéficiera de la totalité des soins et de toute la coordination nécessaire, avec le service d'imagerie, le laboratoire, l'ensemble des spécialistes, et cela dans un temps somme toute relativement court. Les gens ont parfaitement compris que la maison médicale ne leur offre pas les mêmes prestations. Reste à savoir jusqu'à quel niveau d'activité on acceptera de financer de telles structures.

Mme Catherine GÉNISSON : Cette question nous taraude. Le concept semble totalement évident ; or il ne fonctionne pas. La notion de maison médicale a souffert au demeurant d'une certaine ambiguïté. Elles ont parfois joué des rôles très différents, servant à la prise en charge des urgences « fraîches » et en même temps de structure de prévention. Finalement, les maisons médicales ont périclité et les seules qui fonctionnent bien sont celles qui sont intégrées, ou à tout le moins fortement liées, au plateau technique de l'hôpital. Cette conception avait soulevé de fortes réticences du côté de certains médecins libéraux qui craignaient d'y perdre leur âme ; au bout du compte, non seulement les hospitaliers ne vont pas leur disputer des actes, mais elles apparaissent comme le seul moyen de séduire les patients et, après une première expérience décevante, de jouer leur véritable rôle auprès de la population. La disparition de la relation forte du patient avec son médecin traitant a exacerbé l'exigence de soins de qualité. La seule solution reste de créer ces lieux de consultation au sein même de l'hôpital, en tout cas à proximité du plateau technique - et d'éviter toute ambiguïté dans la définition.

M. Christian PAUL : La maison médicale vise davantage à assurer la permanence des soins qu'à désengorger les urgences - même si la présence d'une consultation généraliste à proximité des services d'urgence peut effectivement permettre un écrémage dans les grosses structures. Les maisons médicales ont le mérite d'apporter une sécurité dans les territoires où le système de gardes pose problème, en insérant un nouveau maillon dans une chaîne qui commençait à en manquer. Au demeurant, il ne s'agit plus des territoires de garde traditionnels, mais de territoires de veille jusqu'à minuit, avec une fréquentation relativement limitée.

Mme Catherine GÉNISSON : Loin de moi l'idée de les condamner, mais force est de constater que la formule ne fonctionne pas. Pire, cela décourage les praticiens qui s'y investissent, y compris en zone rurale.

M. le Président : Au moment où les maisons médicales de garde ont été expérimentées, la caisse primaire d'assurance maladie n'y était pas très favorable. Il nous a même fallu intervenir auprès de Jean-François Mattei, le ministre de l'époque, pour que le paiement des actes d'un médecin de Saône-et-Loire se fasse ! Il faut espérer que les choses ont évolué depuis.

Mme Catherine GÉNISSON : Le concept paraît totalement évident, surtout dans les zones rurales où elles devaient assurer la permanence des soins, mais sa déclinaison est très décevante.

M. Maxime CAUTERMAN : Nous n'avons pas approfondi cette piste, estimant qu'il n'était pas nécessaire de complexifier le sujet en faisant intervenir un acteur supplémentaire.

Mme Élisabeth BEAU : Tout dépend évidemment du maillage sanitaire. Lorsque l'hôpital est à quarante kilomètres, la maison médicale peut jouer un rôle de proximité. Mais si elle est à côté, elle ne fait que rendre le paysage un peu plus compliqué et le public ne voit pas tellement quelle offre supplémentaire elle procure.

Mme Catherine GÉNISSON : C'est tout le problème de la permanence des soins en zone rurale...

Mme Élisabeth BEAU : On note un phénomène nouveau depuis trois ou quatre ans : de plus en plus de cliniques privées investissent dans les urgences et se sont mises à créer d'abord des UPATOU287 et aujourd'hui de véritables services d'urgence, contribuant à une diversification de l'offre. Peut-être la concomitance des deux phénomènes explique-t-elle la désaffection des maisons médicales.

M. Maxime CAUTERMAN : Ce à quoi est venue s'ajouter une évolution stratégique : les services d'urgences commencent à entrer dans la logique de la T2A...

Mme Élisabeth BEAU : ...et se rendent compte que leur financement est lié au nombre de passages. Or le centre de consultations n'est pas de ce point de vue une mauvaise affaire : un patient compte pour un et, en cinq minutes, l'affaire est réglée... D'où un revirement tactique des urgentistes s'apercevant qu'il était peut-être intéressant de traiter tous ces « gêneurs » venus pour une simple consultation !

Mme Catherine GÉNISSON : Reste que des questions de fond se posent en matière d'organisation de l'offre de soins et de politique de santé. Compte tenu de l'évolution de la démographie médicale et paramédicale, c'est devenu une utopie que de parler de permanence des soins vingt-quatre heures sur vingt-quatre, particulièrement dans les zones rurales. Cette donnée doit désormais être intégrée, quitte à se tourner vers les services d'urgence en revalorisant, au besoin, l'hôpital de proximité. Cela dépasse évidemment le strict examen du fonctionnement interne des hôpitaux et de leurs services d'urgence, mais il va bien falloir traiter le sujet de façon globale : il ne s'agit plus de savoir comment prendre en charge les urgences, mais d'assurer la permanence des soins. On aura beau essayer de réorganiser les tours de garde en amont, on sait fort bien qu'il sera de plus en plus difficile d'assurer une prise en charge « H + 24 » alors même que la demande ne fera que croître, à commencer par celle de toutes les maisons médicalisées pour personnes âgées et dont la médicalisation, déjà très relative durant la journée, devient totalement absente entre dix-huit heures et dix heures du matin. Tout cela absorbe énormément de moyens. Autant de sujets que l'on se doit d'aborder lorsque l'on traite, au-delà des seules urgences, de l'offre de soins immédiate, particulièrement en zone rurale.

M. le Président : Madame, Messieurs, il ne nous reste plus qu'à vous remercier.

Mme Élisabeth BEAU : Nous restons à votre disposition.

Inspection générale des affaires sociales (IGAS) :
MM. Roland Ollivier et Philippe Blanchard, inspecteurs
Inspection générale de l'administration (IGA) :
M. Xavier Prétot, inspecteur


(12 septembre 2006)

Présidence de M. Georges Colombier, Président-rapporteur

M. le Président : Merci d'avoir répondu à notre invitation. Notre mission d'information sur la prise en charge des urgences médicales a été constituée le 28 juin dernier par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale.

Je vous propose de nous faire un bref exposé introductif reprenant les conclusions de votre rapport avant de répondre à nos questions.

M. Philippe BLANCHARD : Nous vous remercions de votre accueil. Permettez-moi tout d'abord de vous signaler d'autres rapports susceptibles de vous intéresser, qu'il s'agisse de celui de la Cour des comptes sur les urgences ou de ceux d'autres missions menées par l'IGA.

La mission dont nous avons été chargés s'est inscrite dans un contexte précis. Traditionnellement, la participation à la permanence des soins (PDS) constituait pour les praticiens une obligation déontologique à caractère individuel. Cette organisation a volé en éclats voici quelques années à la suite de la « grève des gardes », et un décret du 15 septembre 2003 a prévu que la participation individuelle des praticiens à la permanence des soins repose sur le volontariat et qu'il ne pèse plus sur eux qu'une obligation collective.

Le décret du 7 avril 2005 et l'avenant n°4 à la convention nationale des médecins ont assoupli le dispositif, l'ont ouvert à SOS Médecins et ont surtout revalorisé les tarifs. Nous avons alors reçu la mission d'évaluer ce nouveau dispositif de permanence des soins.

M. Xavier PRÉTOT : Je tiens à distinguer la notion de permanence des soins de quatre autres notions : la « continuité des soins », tout d'abord, est une modalité de l'exercice libéral de la médecine ; les « urgences médicales » sont un dispositif hospitalier ; l'« aide médicale urgente » correspond aux interventions en urgence à caractère médical ; enfin, le « secours médicalisé » renvoie aux interventions opérées en principe par des sapeurs pompiers, mais qui ont de plus en plus tendance à se médicaliser. Cette palette d'instruments variés met en œuvre des régimes juridiques et des modalités de prises en charge distincts. Rappelons par exemple que si les interventions des services d'aide médicale urgente (SAMU) sont financées par l'assurance maladie, celles des pompiers relèvent du service départemental d'incendie et de secours (SDIS), à la charge du département.

Les enjeux juridiques, politiques et financiers sont très importants.

C'est un sujet par ailleurs crucial pour les préfets qui ont pu être confrontés à des refus de déférer à leurs réquisitions individuelles pour garantir la permanence des soins.

Se pose enfin le problème de l'aménagement du territoire et de la couverture des soins.

M. Roland OLLIVIER : Le nouveau dispositif de permanence des soins s'est déployé sur la quasi-totalité du territoire, mais la couverture est inégale. Outre que le nombre de volontaires varie largement d'un département à l'autre, on observe partout une tendance au désengagement de la médecine libérale la nuit et les week-ends. Même si nous manquons de recul, puisque le dispositif en est à ses prémices, nous avons constaté au cours de notre mission qu'un quart des secteurs n'était pas couvert la nuit.

Nous nous sommes interrogés sur un éventuel lien entre la PDS et l'activité des services d'urgences. Celui-ci n'est pas évident, car une permanence des soins défaillante ne conduira pas systématiquement à l'engorgement des urgences.

Il est vrai cependant que les urgences sont en difficulté en l'absence totale d'organisation de la médecine libérale, ou de structure de type SOS Médecins, qui joue un rôle très important.

En revanche, la fréquentation des urgences diminue lorsqu'une maison médicale de garde travaille à proximité immédiate des services d'urgences ou en partenariat avec eux.

Il est également apparu que la mauvaise organisation des PDS conduisait à l'engorgement des centres 15, avec des délais d'attente de quinze, voire trente minutes, quand les appels n'étaient pas perdus !

Par ailleurs, ce dispositif s'avère particulièrement complexe, tant au niveau des financements que de l'organisation du fait des pouvoirs limités du préfet. Parce que celui-ci doit pouvoir pallier les défaillances de la permanence des soins, nous proposons qu'il puisse confier à l'hôpital, à condition que les financements suivent, la responsabilité d'une couverture minimum de la population. Cette proposition a bien été accueillie par le milieu hospitalier.

Nous préconisons par ailleurs la mise en place de dispositifs de régulation mixtes, dans les mêmes sites, SAMU-libéraux, afin de partager efficacement les expériences et les compétences de chacun. Nous sommes en revanche opposés à la coexistence de dispositifs de régulation séparés.

Dans ce contexte, il est important de renforcer le caractère professionnel et structurel du dispositif de permanence des soins en lien avec les urgences, mais aussi de disposer de données permettant d'évaluer le fonctionnement des PDS et des urgences.

Il nous semble impossible de donner une réponse uniforme au problème de la PDS et des urgences, qui doit être résolu en fonction des missions assurées par les uns et les autres.

M. le Président : Sur la mise en place du nouveau dispositif de permanence des soins, la sectorisation du territoire national, conformément au décret du 7 avril 2005, est-elle achevée ? Tous les départements ont-il fait l'objet d'un arrêté de sectorisation ? La sectorisation du territoire a-t-elle créé des difficultés ?

Le dispositif de paiement des astreintes, conformément à l'avenant n°4 à la convention médicale, est-il en place ?

Les cahiers des charges départementaux ont-ils été rapidement mis en place ? Leur mise en place a-t-elle rencontré des obstacles ?

M. Roland OLLIVIER : Je réponds oui aux deux premières questions, et il est faux de dire que les caisses ne paient pas les astreintes selon les mêmes modalités.

Je réponds non, en revanche, à la dernière question : les cahiers des charges sont souvent formels, et n'ont pas de contenu qualitatif car jusqu'à présent, dans les départements, le travail en commun n'était pas assez poussé.

M. Philippe BLANCHARD : S'agissant du paiement des astreintes, le dispositif est en place, mais les médecins tardent parfois à transmettre les pièces justificatives, d'où des délais de paiement pouvant atteindre un an. De ce fait, il est difficile d'apprécier le coût total du dispositif.

M. Christian PAUL : La sectorisation est-elle vraiment achevée ? Dans tous les départements ?

M. Xavier PRÉTOT : La sectorisation est faite, ce qui ne veut pas dire qu'elle soit bien faite. L'objectif était de réduire d'un tiers environ le nombre de secteurs, sauf dans un ou deux départements. Or il semble que cet objectif ait rarement été atteint. Cela nous amène à nous poser des questions sur le principe de sectorisation unique prévu par les textes. Une sectorisation à chronologie variable ne serait-elle pas préférable ? En effet, alors que les actes sont assez nombreux en première partie de nuit, ils se font rares en deuxième partie. Le nombre élevé de secteurs oblige à trouver beaucoup de médecins volontaires pour les deuxièmes parties de nuit, et à leur verser des astreintes, alors qu'en pratique, peu seront amenés à sortir.

On nous a souvent dit en province que la nuit, les médecins étaient surtout intéressés par le tarif de l'astreinte du fait du faible nombre d'actes, mais qu'ils préféraient une majoration du tarif des actes le week-end, durant lequel ils interviennent bien plus souvent.

M. Philippe BLANCHARD : La réalité de ces astreintes est en pratique très peu contrôlée, et il arrive que soient payées des astreintes fictives.

M. Xavier PRÉTOT : Il arrive assez souvent que le médecin assure l'astreinte la première partie de la nuit, puis décroche le téléphone à minuit, alors que la caisse d'assurance maladie lui paiera la totalité de la nuit.

M. le Président : Sur la régulation des appels d'urgence, les patients suivent-ils le plus souvent l'avis qui leur est donné, ou ont-ils tendance à se rendre aux urgences même lorsque cela leur est déconseillé ?

Quelle est la part prise par les médecins libéraux dans la régulation des appels ? Le fonctionnement des structures de régulation libérale autonome est-il satisfaisant ? Même question pour les structures de régulation mixte type SAMU-libéraux ?

Le public semble-t-il à même de s'orienter correctement dans le nouveau système de permanence des soins ? Ce système est-il lisible ?

M. Xavier PRÉTOT : Non, ce système n'est pas lisible. Par ailleurs, pour des raisons techniques et juridiques liées au secret médical et à la protection des données, le SAMU et les centres 15 ont parfois du mal à suivre les appels. Si une personne décide de ne pas suivre les recommandations du centre 15 qui estimait que la visite d'un médecin pouvait attendre le lendemain, et de se rendre tout de même aux urgences, il n'est pas possible de recouper cette visite avec l'appel au centre 15. Il est donc difficile de déterminer dans quelle proportion les appelants au centre 15 ne respectent pas les instructions, mais nous avons tout de même le sentiment que ce n'est pas excessif.

M. Roland OLLIVIER : Il est faux de dire que les patients se rendent aux urgences comme dans n'importe quel lieu de consommation - l'exemple de Versailles en témoigne. Il apparaît en effet que les patients « légers », ceux qui relèvent des deux plus bas degrés de la classification clinique des malades aux urgences (CCMU) ne sont pas majoritaires. Il est vrai cependant que les urgences sont davantage sollicitées lorsqu'il y a peu de médecins libéraux.

Cela étant, la mission ne peut avoir d'avis tranché en la matière, faute d'enquête plus précise - et il en va de même pour le fonctionnement de la régulation.

Mme Catherine GÉNISSON : Vous avez insisté sur l'obligation de mixité en matière de régulation des appels. Cela étant, les centres 15 avaient vocation, à l'origine, à répondre à l'urgence et non à assurer la permanence des soins.

Etes-vous au courant de ces expériences de régulations complémentaires libérales implantées en système hospitalier, comme le « centre 15 bis » dans le Pas-de-Calais ?

En outre, il me semble très important que la régulation soit homogène. Aujourd'hui chaque praticien a sa propre technique pour réguler, surtout au niveau de la médecine libérale, ce qui n'est pas sans conséquences sur l'information et la formation des citoyens.

Certains centres mènent des études sur la manière dont les citoyens respectent les instructions données, mais globalement le dispositif fonctionne plutôt bien.

Par ailleurs, les sapeurs-pompiers comptent de plus en plus d'infirmiers anesthésistes recrutés dans le système hospitalier, ce qui peut poser un problème d'effectif au sein de l'hôpital.

M. Philippe BLANCHARD : Il est évident que le système de la régulation intégrée est le plus efficace et le moins coûteux, en ce qu'il permet de concentrer les moyens en équipement et en personnel. Une équipe de permanenciers d'accueil peut ainsi recevoir les appels et les acheminer vers le service compétent. La formule est plus simple pour le citoyen, puisqu'il n'y a plus qu'un seul numéro d'appel, et a le mérite d'éviter le renvoi de dossiers entre des équipes qui ne s'apprécient pas toujours forcément. Surtout, plus l'on s'éloigne de ce système, plus risquent de se développer des cultures irrédentistes, sources d'incidents - ils sont nombreux, et pourraient très bien un jour sortir dans les médias, voire dans un prétoire.

M. Xavier PRÉTOT : Il est vrai que les appels aux centres 15 sont très variés
- selon beaucoup de centres, la moitié des dossiers traités relèvent même du simple conseil élémentaire, comme l'adresse de la pharmacie de garde. Cela étant, peu importe sa vocation initiale, ce mode de fonctionnement s'inscrit même dans la logique de fusion des numéros d'urgence. Il présente également l'avantage d'être simple, efficace et relativement peu coûteux.

Concernant les sapeurs-pompiers, leur niveau de qualification s'est considérablement amélioré. Les SSSM - services de santé et de secours médical des SDIS - se sont vus reconnaître la capacité de soutenir les pompiers en intervention et de faire des interventions. De plus, la spécialité infirmier de sapeur-pompier, qui n'existait qu'à Paris dans un cadre militaire, se développe aujourd'hui dans les services d'incendie et de secours.

Par ailleurs, la vieille distinction secouriste-paramédical-infirmier est en train de s'effacer - il serait ainsi envisageable que le vigile de supermarché, qui a suivi quelques cours de secourisme, puisse utiliser un défibrillateur semi-automatique, jadis exclusivement réservé aux médecins.

Les genres risquent de se mélanger, d'où l'importance de la régulation. Cela étant, s'il est possible en ville d'orienter directement vers le service approprié, il n'en va pas de même pour certains villages isolés, où il est préférable, en attendant l'arrivée du SMUR, de faire venir les pompiers.

Mme Catherine GENISSON : Je ne m'interrogeais pas sur la qualité des soins apportés, mais sur le fait que la majorité des infirmiers pompiers sont des hospitaliers et qu'ils devraient exercer leur principale fonction à l'hôpital.

Il me semble par ailleurs que l'unité de lieu n'est pas forcément indispensable pour instaurer de bonnes connexions, comme en témoigne l'exemple du Pas-de-Calais.

M. Philippe BLANCHARD : L'implantation unique est tout de même préférable.

M. Xavier PRÉTOT : La liaison téléphonique ou informatique ne remplacera jamais le fait de déjeuner ou de prendre des cafés ensemble, ce qui, sans résoudre tous les problèmes, aplanit bien des difficultés.

Cela étant, je peux vous citer deux exemples de fusion complète entre le 15 et le 18, l'un à Foix, en Ariège, qui fonctionne depuis dix ans, et l'autre en Avignon, qui fonctionne depuis deux ans. C'est le jour et la nuit. À Foix, il était tellement évident que leur intérêt était de tout mettre en commun que la fusion fonctionne bien. En Avignon, en revanche, il a fallu que le département accepte de financer l'opération plus largement que l'hôpital pour que le dispositif fonctionne.

M. le Président : Quel tableau peut-on dresser de l'implication des médecins libéraux dans la permanence des soins ? Y a-t-il plus de volontaires en milieu rural qu'en milieu urbain ? Chez les médecins âgés plus que chez les jeunes ? En première partie de nuit plutôt qu'en deuxième ? Quelles explications ?

Constate-t-on des cas de défection de médecins libéraux inscrits sur les listes d'astreinte ?

Qu'en est-il de l'implication des autres médecins non hospitaliers - notamment les salariés ?

M. Roland OLLIVIER : La participation des médecins varie selon les départements. Elle est globalement plus forte en milieu rural, sans que l'on puisse toutefois dresser des généralités - ainsi dans la Manche, les généralistes ne veulent plus participer à ce dispositif qui affecte leur niveau de vie.

La participation des médecins est plus faible dans les grandes villes, du fait notamment de l'existence d'autres structures de type SOS Médecins.

D'une manière générale, si l'organisation de la permanence des soins permet de sauvegarder la qualité de vie, les médecins s'engagent - c'est le cas lorsque les praticiens ont participé à l'organisation des secteurs, et que les maisons médicales fonctionnent efficacement.

Le nombre de médecins participant à la permanence des soins n'a pas baissé, mais nous avons manqué de recul pour nous prononcer plus précisément sur cette question. Cela étant, le dispositif est fragile, et la défaillance d'un seul praticien peut suffire à le mettre à mal dans tout un secteur.

Par ailleurs, en seconde partie de nuit, l'engagement des généralistes est plus faible car l'activité est faible, et donc moins rémunératrice qu'en première partie de nuit, tandis que la contrainte est importante. Si nous sommes opposés à la suppression des visites de nuit, nous sommes favorables au principe de la visite incompressible, mais encore faut-il l'organiser.

M. Philippe BLANCHARD : Permettez-moi d'expliquer le terme de « visite incompressible ». Beaucoup de médecins considèrent que la permanence des soins n'est pas une médecine d'urgence. Par conséquent, sauf cas très exceptionnel, il ne serait pas utile de se déplacer. Dans les Ardennes, les médecins libéraux ont même décidé de ne faire aucune visite de nuit, la régulation orientant les cas d'urgence vers l'hôpital. Le cahier des charges de la permanence des soins vise véritablement à décourager les patients.

A l'opposé, SOS Médecins estime que l'urgence ne peut s'apprécier qu'au chevet du malade et prône la visite systématique. Sans adhérer à cette vision extrême, nous estimons que dans certains cas, notamment ceux de personnes âgées, qu'elles vivent chez elles ou en maison de retraite, le médecin doit se déplacer. Nous considérons en effet que le déplacement d'une ambulance du SAMU ou d'un véhicule des pompiers, pour la plupart de ces cas, est inutile et coûteux.

M. Xavier PRÉTOT : À entendre les organisations syndicales, le niveau de participation des médecins à la permanence des soins ne serait qu'un problème de rémunération, alors que d'autres éléments entrent en jeu. Dans certaines zones où la démographie médicale est faible, le travail de nuit peut constituer une contrainte très lourde après une journée de travail déjà surchargée. Par ailleurs, même dans des zones où cette démographie est dense, de nombreux médecins considèrent qu'il n'est pas forcément juste, après avoir étudié plus de dix ans, de devoir travailler la nuit et le week-end dans une société où prévalent les 35 heures, avec forte rémunération des cadres. Ils jugent cette charge contraire à l'évolution de la société, et la hausse du tarif des astreintes ne changerait rien au problème.

M. le Président : Est-ce essentiellement une revendication des plus jeunes ?

M. Philippe BLANCHARD : Il est vrai que les plus jeunes aspirent à la qualité de vie que leur permet leur rémunération. Il y a quelques années, les médecins prenaient les astreintes pour arrondir leurs fins de mois et se faire leur clientèle. Ce n'est plus vrai aujourd'hui.

En revanche, certains médecins plus âgés continuent à assurer des gardes sans être inscrits au tableau d'astreinte. Ceci contribue à expliquer que 60 % des actes effectués la nuit échappent aux dispositifs de régulation.

M. Roland OLLIVIER : En tout état de cause, la mise en place de ces dispositifs a changé la vie des médecins qui savent qu'ils ne seront plus appelés à mauvais escient.

Mme Catherine GÉNISSON : Cette revendication relative à la qualité de vie est parfaitement légitime, et il est vrai que la régulation a changé la donne, mais il est nécessaire d'homogénéiser les réponses, et de standardiser les cahiers des charges.

M. Philippe BLANCHARD : C'est ce qu'a annoncé le ministre.

M. le Président : Sur le pilotage du nouveau dispositif de permanence des soins, la coordination des différents intervenants sur le terrain est-elle satisfaisante ? Les moyens des services de l'Etat sont-ils suffisants pour coordonner ce système ? Les préfets emploient-ils réellement tous les pouvoirs qui leur sont attribués ?

M. Roland OLLIVIER : Le système est très complexe, et les moyens ne sont pas judicieusement employés, car le préfet manque de moyens financiers spécifiques. Il ne dispose que de l'arme lourde, la réquisition.

Nous avons par ailleurs été surpris par les interférences entre différents partenaires. Il arrive même parfois que l'URCAM 288, en liaison avec l'URML 289, prenne des options contraires à celles retenues par le préfet. Il faut au contraire que le dispositif soit cohérent au niveau régional, grâce à la définition d'un schéma coordonné de l'organisation de la permanence des soins et des urgences, et que le préfet soit ensuite capable de mobiliser les ressources en fonction d'un cadre national et régional défini.

M. Philippe BLANCHARD : Le conseil de l'Ordre joue un rôle central. L'inscription au tableau n'est plus obligatoire, mais en cas de défaillance grave, le conseil de l'ordre peut proposer au préfet des mesures alternatives. Dans les faits, il ne le fera pas, pour des raisons confraternelles, mais aussi parce que la réquisition est une fausse bombe atomique, impossible à mettre en œuvre, en ce qu'elle crée des tensions très difficiles à gérer. Je pense notamment à ces médecins qui ont pu déchirer ostensiblement des réquisitions devant les caméras. De surcroît, le juge administratif ne soutient pas toujours la décision de réquisition du préfet, car sa validité dépend de conditions juridiques rarement réunies. Il faut notamment démontrer que la situation sanitaire s'est récemment dégradée, alors qu'en pratique, les difficultés de participation des médecins à la permanence des soins ne datent pas d'hier.

Les préfets qui ont eu recours à la réquisition ont rencontré beaucoup de déboires, aussi préfèrent-ils en général le dialogue à la contrainte.

Il est important de bien distinguer le niveau régional du niveau départemental. L'organisation de la permanence des soins doit se faire dans le cadre du département, sous l'autorité du préfet - notre système de soins s'inscrit bien dans un cadre départemental, puisqu'il existe théoriquement un SAMU et un centre 15 par département, un hôpital de référence, etc. Les politiques financières et de coordination peuvent en revanche être menées au niveau de la région.

Là où la région a voulu dépasser son rôle strictement financier pour se lancer dans des opérations, ne fût-ce qu'à titre d'expériences, les pistes ont été considérablement brouillées.

Par ailleurs, si la démultiplication des fonds spécialisés de l'assurance maladie n'est pas une mauvaise idée, ce n'est pas pareil de mener une expérience avec beaucoup de moyens financiers et de la poursuivre, une fois qu'elle a fait ses preuves, sous le régime normal. Il manque alors d'argent, et le système ne fonctionne plus.

M. le Président : Sur le financement du dispositif de permanence des soins, à quel montant peut-on estimer le coût total de la permanence des soins ? Ce montant est-il conforme aux estimations de l'Etat et des partenaires conventionnels ? L'évolution de ces coûts est-elle maîtrisée ? La pérennité de ce financement est-elle assurée ?

M. Xavier PRÉTOT : Le dispositif coûte plus cher que prévu, mais moins que ce qu'il en a parfois été dit. Si nous parvenions à redéfinir la sectorisation, et à imposer de ne payer que la première partie d'astreinte de nuit quand la deuxième n'a pas été assurée, nous réduirions les coûts.

M. Philippe BLANCHARD : La direction de la sécurité sociale a envisagé l'hypothèse d'un surcoût de 60 millions d'euros, ce qui porterait le coût total de la permanence des soins à 360 millions en année pleine.

Du fait de la mise en place du dispositif en cours d'année 2005 et de la propension des médecins à envoyer leurs factures avec retard, nous avons eu du mal à obtenir des chiffres réalistes, mais nous sommes d'accord pour plutôt évaluer à 400 millions d'euros le coût total de la PDS pour 2006.

Ce glissement s'explique par le fait que la CNAMTS a imaginé, pour financer l'avenant 4 qui revalorisait les actes et les astreintes, de diminuer le nombre de secteurs. Or, ce nombre n'a pas baissé autant que prévu, du fait justement de la revalorisation des astreintes, les médecins souhaitant alors conserver un nombre important de secteurs.

M. Xavier PRÉTOT : Ne serait-il pas préférable, pour la deuxième partie de la nuit, de majorer les rares actes effectués plutôt que de revaloriser le tarif de l'astreinte ?

M. Philippe BLANCHARD : En effet, lorsque l'on multiplie les secteurs d'astreinte, alors que l'activité est rare, le coût de l'acte devient très élevé !

M. Xavier PRÉTOT : Mieux vaudrait alors majorer fortement les rares actes réalisés, afin de rémunérer correctement celui qui est effectivement sorti.

M. le Président : S'agissant des structures intermédiaires tendant à favoriser l'implication des médecins libéraux dans la permanence des soins, quelle appréciation portez-vous sur l'efficacité des maisons médicales de garde ? Leur développement est-il satisfaisant ? Leur financement est-il adapté ?

M. Philippe BLANCHARD : Je vous renvoie au rapport de l'inspection des affaires sociales qui a trait à l'amélioration du fonds d'amélioration de la qualité de soins en ville, lequel a en partie financé ces maisons de garde.

M. Roland OLLIVIER : Il faut également signaler le rapport rédigé par le docteur Graal sur les maisons médicales de garde, à la demande du ministre.

M. Philippe BLANCHARD : Les maisons médicales de garde qui sont adossées à un hôpital, voire installées au sein même de celui-ci, et qui travaillent en étroite collaboration avec lui, sont en général fréquentées, et permettent de réduire l'engorgement des urgences. Le coût moyen des actes y est de surcroît raisonnable.

Cela étant, les maisons médicales de garde sont loin d'être la panacée, et coûtent très cher la plupart du temps.

M. Roland OLLIVIER : Les maisons médicales de garde peuvent cependant s'avérer très utiles là où les médecins généralistes manquent - je pense par exemple à la banlieue de Toulouse. De plus, beaucoup de médecins en milieu rural estiment qu'il est surtout important de répondre au problème de l'isolement, que ce soit par les maisons médicales de garde, ou par la création de points de consultation.

M. Christian PAUL : Les maisons médicales de garde me semblaient une réponse intéressante au problème des territoires ruraux. Vous ne paraissez pas de cet avis. Etes-vous plutôt favorables à une régulation départementale très centralisée et performante, ce qui ne manquerait pas de poser à nouveau le problème de la permanence des astreintes, que la régulation n'a pas réglé ? Ne faudrait-il pas approfondir la question des maisons médicales ?

M. Philippe BLANCHARD : Il y a aussi des déserts urbains. Nous ne condamnons pas en bloc les maisons médicales, mais il convient de les apprécier au cas par cas, en termes d'efficacité médicale, et ne pas les considérer comme la panacée.

La régulation et les maisons médicales de garde sont deux problématiques séparées. La régulation est centralisée, et concerne l'ensemble des effecteurs, quelle que soit la manière dont ils sont organisés.

M. Christian PAUL : Mais cela suppose qu'il y ait des effecteurs !

M. Philippe BLANCHARD : Les maisons médicales de garde peuvent en effet être une réponse, mais il y en a d'autres.

On constate aujourd'hui un certain malaise chez les médecins libéraux, qui se plaignent d'un manque de reconnaissance, et de relations difficiles avec l'hôpital C'est pour ces raisons que, par exemple, ils ne coopèrent pas toujours facilement avec le 15. Dans les territoires ruraux, ils craignent souvent d'être instrumentalisés par l'hôpital et de faire le travail à sa place.

Nous avons alors invité le ministre, qui s'y est engagé, à publier assez rapidement un texte sur les « médecins correspondants de SAMU ». Ce sont des médecins libéraux qui reçoivent une formation particulière, des équipements particuliers, et qui répondent à la fois aux problématiques de la permanence des soins et des urgences.

Quand les gens sont de bonne volonté, le dispositif fonctionne bien. N'oublions pas que nous sommes l'un des pays qui comptent le plus de médecins par habitant, mais ils sont mal répartis sur le territoire.

M. Roland OLLIVIER : Il ne faut pas raisonner en termes de structure, mais de fiabilité et d'organisation. Dans cet esprit, les maisons médicales peuvent apporter des réponses, tout comme les points de consultation, les points de garde ou les cabinets tournants le soir.

L'idée de renforcer le système hospitalier peut être assez bonne, dans ce contexte. Pourquoi ne pas en effet rassembler les financements et installer dans un petit service des urgences une équipe qui réponde également au problème de la permanence des soins ?

M. Xavier PRÉTOT : Si les permanences sont en général correctement assurées les week-end et la première partie de la nuit, il n'en va pas de même pour la deuxième partie de la nuit, d'où l'idée de faire basculer l'astreinte vers les hôpitaux dans certains départements, à condition que les financements suivent.

M. Philippe BLANCHARD : S'agissant des médecins salariés, nous en avons rencontré beaucoup qui souhaitent participer à la permanence des soins, mais ne le peuvent pas pour des raisons règlementaires. Le ministre de la santé a donné des instructions à la DHOS pour que soient levés ces obstacles.

Dans le Nord-Pas-de-Calais, nous avons ainsi rencontré les sociétés de secours miniers, qui sont quasiment des micros hôpitaux, très bien équipés, et qui souhaiteraient s'impliquer dans la PDS, tout comme certains centres de santé municipaux, notamment en région parisienne.

M. le Président : En auraient-ils la compétence ?

M. Xavier PRÉTOT : Certains médecins salariés font des soins, d'autres non, comme les médecins du travail. C'est vrai, l'intervention de ces derniers pourrait poser des problèmes d'ordre sanitaire et déontologique.

M. Roland OLLIVIER : Je reviens à la réflexion de M. Paul qui s'interrogeait sur l'utilité d'une régulation si les effecteurs manquent. Nous sommes pour notre part favorables à une régulation mixte, avec un engagement des médecins libéraux d'être effecteurs et non seulement régulateurs.

M. Christian PAUL : Par expérience départementale, je suis moins optimiste, et tout d'abord parce que les responsabilités se diluent entre les préfets et l'ARH. D'un côté, le préfet a le choix entre la négociation et la réquisition, arme extrême. De l'autre, l'ARH dispose de moyens qui peuvent être alloués à l'hôpital pour la reprise d'une partie des missions, surtout la nuit.

Il y a donc bien dilution des responsabilités, et je connais quelques cas flagrants de vide relatif.

M. Xavier PRÉTOT : Nous regrettons d'ailleurs que les pouvoirs publics aient renoncé au caractère d'obligation déontologique individuelle de la participation aux gardes.

M. Christian PAUL : Faute de recul à ce moment, nous avons mis fin à cette obligation sans avoir négocié en contrepartie un certain type de responsabilité collective.

M. Xavier PRÉTOT : Il n'y en aura pas.

M. Roland OLLIVIER : Nous devons en tout état de cause clarifier le dispositif. Il faudrait un financeur unique et coordonné à l'échelon régional.

M. Philippe BLANCHARD : La planification de la PDS, le financement et le contrôle du dispositif doivent être tenus par une même main, si possible l'ARH et annexés au schéma régional d'organisation des soins (SROS). Le ministre a préféré confier cette responsabilité à la mission régionale de santé (MRS) plutôt qu'à l'ARH ; ce choix devrait être consacré par le prochain PLFSS. En tout état de cause, il est à noter que le préfet, la MRS et l'ARH bénéficient de l'appui des mêmes services : les DDASS.

Parallèlement, le préfet, sur le plan local, devra avoir les moyens de définir une organisation de la permanence des soins a minima, en cas de défaillance du dispositif normal.

M. Xavier PRÉTOT : Nous avons vécu avec un avenant assez rustique. Nous verrons s'il n'est pas possible, dans les prochaines négociations, de mettre en place un dispositif tarifaire plus incitatif, et plus légitime pour ceux qui s'impliquent.

M. le Président : Messieurs, je vous remercie.

Association des médecins urgentistes hospitaliers de France (AMUHF) :
Docteur Patrick Pelloux


(12 septembre 2006)

Présidence de M. Georges Colombier, Président-rapporteur

M. le Président : Je vous remercie de vous être rendu à l'invitation de notre mission d'information sur les urgences médicales, composée de onze membres représentatifs de tous les groupes, et qui a prévu de rendre ses conclusions fin janvier.

Son objectif est d'examiner comment désengorger les services hospitaliers d'accueil des urgences. Nous étudions donc le système de prise en charge des urgences médicales à trois niveaux : en amont de l'hôpital, avec le dispositif de permanence des soins ; dans les services d'urgences ; en aval, enfin, et notamment dans d'autres services hospitaliers.

Nous venons d'entendre les représentants de la MEAH, la Mission d'évaluation et d'audit hospitaliers, ainsi que les rédacteurs d'un récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale de l'administration (IGA). Nous avons souhaité, compte tenu de votre expérience de la médecine d'urgence, connaître votre avis, notamment sur l'articulation entre les services d'urgences et les autres acteurs de la permanence des soins, sur les améliorations possibles à apporter au fonctionnement de ces services et sur leur coordination avec les autres services des hôpitaux.

M. Patrick PELLOUX : Je remercie la représentation nationale de s'intéresser à ce sujet difficile. C'est d'ailleurs une constante, car c'est toujours grâce au Parlement, tous groupes politiques confondus, que les choses ont progressé depuis le rapport du professeur Adolphe Steg en 1988, et jamais par la volonté des représentants du monde médical, qu'il s'agisse des hospitaliers, des universitaires, du Conseil de l'ordre... L'Association des médecins urgentistes hospitaliers de France, que je préside depuis sept ans, a joué un rôle de premier plan dans tous les conflits liés au fonctionnement des services d'urgences, notamment pendant la canicule de l'été 2003, et n'a cessé de mettre en garde, dès 1999, contre l'érosion de la permanence des soins et son corollaire, le recours croissant aux services d'urgences des hôpitaux, dont les moyens n'ont pas augmenté en conséquence.

Tous les systèmes de soins d'urgences existent en Europe, avec leurs qualités et leurs défauts, mais on observe que, partout, la fréquentation des urgences s'intensifie. En France, le rapport Steg estimait, faute de données exactes, à environ 7 millions le nombre annuel de passages par les services d'urgences ; nous en sommes à plus de 15 millions aujourd'hui.

Ces comparaisons entre pays européens font également ressortir une corrélation entre, d'une part, la croissance de la fréquentation des urgences et, d'autre part, le nombre de lits fermés et la réduction de la durée moyenne des hospitalisations.

On soulignera également que l'institution hospitalière n'a pas su se moderniser, s'adapter à l'évolution de la société, contrairement, par exemple, au commerce, qui a su moduler ses horaires d'ouverture. En témoigne le taux élevé de fermeture de lits en été, reposant sur le postulat selon lequel tout le monde part en vacances. En témoigne également le manque d'anticipation des différentes épidémies saisonnières, pourtant bien connues aujourd'hui.

Enfin, l'institution hospitalière n'a pas voulu reconnaître les prérogatives des services d'urgences. C'est manifeste, en particulier, dans la mise en place des pôles du plan Hôpital 2007... C'est également manifeste dans la séniorisation des effectifs médicaux des services d'urgences, restée très faible en dépit des recommandations déjà formulées par le professeur Adolphe Steg au Premier ministre Édouard Balladur...

S'agissant de la permanence des soins, il faut rappeler que plus une société est riche, plus on y consomme de soins, et plus on a tendance à tout vouloir immédiatement. Il y a un quasi-abus généralisé du bien commun, contre lequel il est impossible de mettre des garde-fous : les gens viennent aux urgences parce qu'ils ont mal à la tête, et comme, avant de venir, ils ont cherché « mal à la tête » sur Google, ils réclament un scanner ! Pour autant, contrairement à une idée reçue, ceux qui viennent aux urgences pour rien sont en fait très peu nombreux. Le problème est que l'on ne sait pas gérer de façon différenciée les flux de malades : on sait les trier en fonction de la spécialité concernée - chirurgie, obstétrique... -, mais pas en fonction de la gravité de leur cas. Nous avons, et aucun de mes collègues ne le conteste, une mission de service public, qui consiste à accueillir chacun, mais en lui apportant une réponse qui est celle, compte tenu des connaissances actuelles, que nous estimons adaptée à son état, et pas forcément celle qu'il réclame.

Nous avions donc vu venir depuis longtemps la remise en cause de la permanence des soins. Avant même que je commence mes études de médecine, j'entendais déjà parler des disputes entre confrères d'un même secteur sur l'organisation des gardes : c'étaient les plus jeunes, ceux qui avaient besoin d'argent, qui se portaient volontaires, mais une fois qu'ils gagnaient confortablement leur vie, ils ne voulaient plus en faire. Et lorsque un président du conseil de l'Ordre a enfin tapé du poing sur la table et rappelé à ses confrères le fameux article 77 du code de déontologie des médecins en vertu duquel la permanence des soins est obligatoire, on l'a démis de ses fonctions !

Au moment des discussions sur la réduction du temps de travail à l'hôpital, sur la reconnaissance du travail de nuit des personnels hospitaliers et sur les repos de sécurité après les gardes de nuit, j'ai insisté auprès du ministre de l'époque sur le fait que les choses n'étaient plus ce qu'elles étaient autrefois : aux urgences, en tout cas à Paris, un médecin de garde ne se couche plus de la nuit, il n'y a plus de temps mort, les gens viennent aux urgences vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il aurait fallu profiter de l'occasion pour rénover la permanence des soins, y compris en ville. Cela n'a pas été fait. Il y a eu la grève des gardes en décembre 2001, qui s'est amplifiée en janvier-avril 2002, et quand M. Jean-François Mattei est arrivé et a annoncé que les gardes n'étaient plus une obligation, tout le système a été désorganisé. Il y avait là une attitude contradictoire : d'un côté on parlait de sécurité sanitaire, d'égalité d'accès aux soins sur tout le territoire, mais de l'autre on supprimait l'obligation de garde, et plus personne ne se portait volontaire. De plus, le problème de la permanence des soins des médecins spécialistes - notamment les chirurgiens, les oto-rhino-laryngologistes et les ophtalmologistes - mériteraient un examen approfondi.

Une organisation des urgences n'a de sens que si elle est durable et pérenne. C'est le sens des centres 15, pour lesquels les anesthésistes se sont tant battus dès les années 1960. C'est le sens également de la mise en place d'un numéro européen unique pour les appels d'urgence. La médecine d'urgence participe à la permanence des soins, mais celle-ci ne se réduit pas à elle. Lorsque j'ai dit, au moment du conflit de 2004, que les urgences et le SAMU n'étaient pas là pour faire le travail que les autres ne voulaient plus faire, une plainte été déposée contre moi devant le conseil de l'Ordre ! Il faut dire que celui-ci relaie de façon privilégiée les préoccupations des médecins libéraux et a peu évolué sur la permanence des soins, qu'il a même largement contribué à désorganiser.

Nous étions en première ligne, nous avons négocié. On ne pouvait pas revenir sur la fin de l'obligation des gardes, votée par le Parlement. En revanche, on pouvait estimer que ceux qui ne se portent pas volontaires pour faire des gardes participent au moins à un réseau, ce qui aurait permis de structurer des réseaux ville-hôpital. Un endocrinologue, par exemple, aurait été dispensé de gardes de nuit, mais à condition de participer à un réseau en diabétologie.

Sur le terrain, il y avait aussi les fameux CODAMU - les comités départementaux de l'aide médicale urgente, devenus les CODAMUPS, comités départementaux de l'aide médicale urgente et de la permanence des soins -, qui ne fonctionnaient pas bien. Le dialogue s'est engagé, mais de façon extrêmement difficile.

Vous allez sans doute recevoir SOS Médecins, organisation qui est très discréditée chez les médecins libéraux, mais qui a le mérite d'exister. Elle couvre désormais une large part de la population. J'ai dit à toutes les réunions auxquelles j'ai participé au ministère qu'il fallait les reconnaître, ainsi que les Urgences médicales de Paris et la Garde médicale de Paris. Il faut savoir que SOS Médecins dessert aussi la grande banlieue, mais qu'il y a des quartiers, y compris en petite couronne, où ils ne veulent plus aller, comme les Tarterêts ou les Francs-Moisins, et on peut les comprendre... Cela pose un problème majeur, car ce sont autant de patients qui s'adresseront aux urgences.

Avec la réforme des gardes, certains médecins libéraux ont été tentés d'abandonner les gardes et les visites à domicile, s'en remettant ainsi à l'hôpital pour assurer la permanence des soins. Notre organisation a plaidé pour une concertation entre libéraux et services d'urgences en vue d'associer les services d'urgences à la permanence dans les secteurs où la démographie médicale est trop déficitaire. Il y a ainsi des secteurs dans lesquels un arrangement en ce sens a pu être trouvé, comme en Basse-Normandie. Mais il y a des endroits, dans le Finistère par exemple, où les conflits sont à ce point inextricables que personne ne veut plus se parler. Ce sont des cas assez marginaux, mais qui ont une conséquence psychologique majeure : la population a l'impression que seul l'hôpital peut prendre en charges les urgences médicales parce qu'il est toujours ouvert, de jour comme de nuit, alors que la permanence des soins de ville n'est pas assurée. On observe d'ailleurs des défaillances de la permanence des soins de ville non seulement la nuit et le week-end, mais également dans la journée : sans rendez-vous préalable, ceux qui n'ont pas de médecin traitant n'ont personne à qui s'adresser.

Je voudrais aussi dire un mot sur les pompiers. On n'a pas de données chiffrées sur le nombre de personnes qui appellent les pompiers parce qu'elles n'arrivent pas à joindre un médecin au téléphone - cela mériterait d'être mieux pris en compte dans les études menées par l'IGAS sur la permanence des soins. C'est quelque chose qu'on ne peut pas empêcher, car la population est très attachée à ses pompiers, mais on pourrait mettre sur pied une coordination entre le SAMU, les pompiers et la permanence des soins de ville, comme c'est le cas dans la région d'Avignon, où une plateforme de régulation unique a été mise en place. L'intérêt d'une telle démarche est que les gens recommencent à se parler, à travailler ensemble au lieu de se chicaner, et, surtout, que la qualité des soins en est améliorée - ce qui est tout de même l'objectif numéro un.

La participation des libéraux aux centres 15 est très importante, mais elle ne repose que sur leur volontariat. Il y a en effet des endroits où ils ne veulent pas venir, et d'autres où, au contraire, certains médecins ne veulent plus faire que cela, faute de clientèle ... C'est très compliqué. Nous avons battu en retraite sur l'écart de rémunération entre généralistes et hospitaliers travaillant dans les centres 15, mais je dois dire que nos collègues commencent à en avoir un peu assez de voir certains cumuler les gardes de régulation ou les gardes de secteurs - et les rémunérations qui vont avec. De tels cumuls ne vont pas dans le sens d'une meilleure qualité des soins ni d'une gestion plus économe de la permanence des soins. Ils posent en outre des problèmes de régulation.

Quant aux SAMU et aux centres 15, il semble impossible de ne pas continuer à les développer et à les moderniser. Certains vous diront qu'on se dirige inéluctablement vers la délégation de certaines compétences aux pompiers, aux ambulanciers, comme aux États-unis, mais ce n'est pas la solution : quand quelqu'un appelle pour une douleur thoracique, il faut que ce soit un médecin qui vienne.

J'en viens aux maisons médicales. Leur création reposait sur une analyse initialement juste. Avant, il y avait des centres de santé, qui permettaient de répondre aux besoins, notamment le samedi. Ensuite, beaucoup de médecins libéraux n'ont plus voulu soutenir les efforts des collectivités locales pour maintenir ces centres. Leur fermeture de ces centres médicaux a entraîné un afflux de patients vers les services d'urgences. D'où l'idée de constituer des maisons médicales de garde pour limiter cet afflux. Le principe est donc intéressant mais il ne faut pas qu'elles soient dans l'hôpital, car cela créerait pour les patients une confusion des genres entre médecine libérale et hôpital public, sans pour autant faire baisser la fréquentation des urgences, comme le montrent les exemples de Calais et de Gap. Au contraire, on observera d'ailleurs que dès l'ouverture de la maison de Gap, en 2002, des médecins qui exerçaient en zone de montagne ont dévissé leur plaque pour venir y travailler...

L'expérience montre, notamment dans le Val-de-Marne, que les maisons médicales ne peuvent marcher que si les médecins comme la population jouent le jeu. Si les médecins ne viennent pas - et les libéraux ont tendance à multiplier les exigences, à réclamer des locaux gratuits, un secrétariat, des vigiles... -, ça ne marche pas. Or, l'argent qu'on y aura investi ne sera pas réaffecté aux services d'urgences en cas d'échec et de fermeture des maisons médicales : ce sera donc de l'argent perdu, alors que les services d'urgences manquent de moyens. Il existe environ 380 maisons médicales. Si l'on rapporte le coût de leur construction - sans même parler du fonctionnement - à celui d'un hôpital, qui coûte certes cher mais qui existe déjà, on voit bien que ce n'est pas la panacée. C'est pourquoi, à Paris, nous avons préféré organiser des permanences dans des cabinets de ville, ce qui permet à chacun de mieux connaître l'offre de soins à laquelle il a accès dans son voisinage.

Mme Catherine GÉNISSON : Avec quelles mesures incitatives ?

M. Patrick PELLOUX : Aucune. Cela a marché parce que ce sont de jeunes médecins qui n'ont pas encore beaucoup de clientèle. En province, cela ne fonctionne pas, sauf avec les militants de MG France ou de la FMF. Je signale au passage qu'en Seine-et-Marne, plus aucun médecin ne veut faire de certificats de décès. C'est un problème majeur, car on dit aux familles, lorsqu'elles ont un décès le samedi, d'appeler leur médecin traitant le lundi. Le préfet est donc obligé de réquisitionner le SMUR, qui rechigne mais finit par accepter... Quand le ministre nous a réunis, j'avais proposé que les médecins hospitaliers puissent sortir avec un simple véhicule léger pour aller consulter à domicile. Il faudra probablement faire évoluer l'hôpital dans ce sens, notamment lorsqu'il gère l'hospitalisation à domicile. Le ministre m'a dit que cela existait déjà, mais cela se fait de façon superficielle, sans socle réglementaire suffisant.

M. Christian PAUL : Ce que j'entends est très révélateur du paysage dual actuel. D'un côté, il y a de grands centres hospitaliers engorgés - et qui le seraient encore plus si l'on envoyait les urgentistes sur les routes -, et de l'autre, il y a des zones rurales où les médecins sont peu nombreux, mais où les services d'urgences des hôpitaux de proximité sont sous-employés, et où l'on peut donc envisager des sorties avec un véhicule léger
- même si demeure le problème moral posé par l'abandon sans contrepartie de l'obligation des gardes pour la permanence des soins. Mais je suppose qu'à Paris, le problème est de faire face à l'afflux de patients, pas de courir après le travail...

M. Patrick PELLOUX : Nous n'arriverons jamais à empêcher les gens de venir aux urgences. Partout où il y a eu des campagnes, comme en Irlande ou en Floride, pour dissuader la population, cela a eu l'effet inverse ! Le seul moyen de désengorger les urgences, c'est la prévention, on l'a bien avec les risques liés à la canicules cet été, ou encore avec les accidents de la route et les accidents domestiques.

L'opposition est moins entre Paris et la province qu'entre CHU et hôpitaux généraux. L'évolution de ces derniers est très intéressante. J'ai visité ceux de Niort, d'Avignon, de Concarneau, qui ont été modernisés, avec des améliorations sur le plan architectural, qui font qu'on ne voit aucun engorgement à l'accueil. Un bon service d'urgences répond non à la demande des malades, mais à leur besoin. Cela consiste à recevoir le patient sans attendre, quitte à le réorienter, que ce soit vers la médecine de ville ou vers l'hôpital, pour un scanner ou autre chose.

Une parenthèse sur la cancérologie : on nous a roulés dans la farine avec l'Institut national du cancer, quand on sait qu'à des patients à qui ont une masse abdominale, on donne rendez-vous dans trois mois. Un tel délai est souvent jugé excessif au regard de la gravité présumée de la pathologie en cause : il incite donc les patients à se ruer aux urgences. En règle générale, la longueur du délai de prise en charge programmée dans les services de soins peut d'ailleurs inciter les patients à se rendre aux urgences pour une prise en charge plus rapide. C'est pourquoi nous avons proposé l'été dernier qu'une disposition législative limite le nombre des fermetures saisonnières de lits, de telles fermetures contribuant à l'allongement des délais.

Par ailleurs, il faut noter que certaines personnes, à Paris même, peuvent avoir autant de difficultés d'accès aux soins que des personnes résidant en zone rurale.

Tout cela plaide donc pour le développement du conseil médical par téléphone, via notamment les centres 15. On observe d'ailleurs que le nombre d'appels reçus par ces centres est en constante augmentation (il atteint 15 à 16 millions par an), tandis que le nombre de sorties de SAMU/SMUR reste stable : cela donne à penser que la population accepte de mieux en mieux qu'un problème médical soit traité par téléphone.

On ne dira jamais assez que M. Mattei a commis une erreur historique en supprimant sans contrepartie l'obligation de faire des gardes. Le résultat, c'est qu'il n'y a plus nulle part de médecins après minuit, quand ce n'est pas après 20 heures. En Haute-Corse, 20 % des généralistes assurent 80 % des gardes ; le préfet peut théoriquement réquisitionner un médecin, mais en fait il ne le fait pas, de sorte qu'il n'y a pas de permanence des soins. SOS Médecins n'est même pas implanté en Corse : ils ont reçu des menaces de plasticage...

M. le Président : Le flux de patients issus des urgences est-il suffisamment pris en compte dans la gestion des lits d'hospitalisation ?

M. Patrick PELLOUX : Non.

M. le Président : Quelles solutions proposez-vous pour accélérer le transfert des patients des urgences vers les lits d'hospitalisation ?

Les urgences gériatriques vous semblent-elles bien prises en compte ? Quelles améliorations pourraient être apportées au dispositif de prise en compte de ces urgences, notamment dans les centres hospitaliers qui ne disposent pas de services de gériatrie ?

M. Patrick PELLOUX : La culture hospitalière ne tient pas compte des urgences. C'est parce que des députés l'ont voulu - je pense notamment à l'amendement présenté par M. Philippe Nauche lors de la discussion du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé 290 - que nous sommes reconnus en tant que spécialité. Pour la culture hospitalière, l'aléatoire n'existe pas : le monde idéal est celui où l'on peut tout programmer. Sachant que 20 % des urgences, en moyenne, aboutissent à une hospitalisation, l'inégalité est très grande entre des hôpitaux comme la Pitié-Salpêtrière, où le nombre de passages aux urgences est de 115 par jour pour 2 500 lits d'hospitalisation, et des établissements comme Saint-Antoine, qui voit arriver 138 personnes pour 600 lits.

De plus, les urgentistes ne sont jamais consultés sur les fermetures de lits que les hôpitaux sont contraints de pratiquer, en période estivale, faute de moyens suffisants pour remplacer leur personnel en congé. Nous avions obtenu de M. Douste-Blazy, en 2004, qu'il nous réunisse avec les représentants des ARH et des DDASS pour examiner cette question de façon concertée, mais cette démarche n'a pas été relayée sur le terrain. Ce qu'il faut faire, c'est se réunir autour d'une table pour casser certaines certitudes. Nous avions demandé que la loi empêche les hôpitaux disposant d'un service d'urgences de fermer plus de 5 % de leurs lits en été, ce qu'ils font actuellement sans rendre de comptes à personne alors que les malades attendent aux urgences. Néanmoins, il faut dire que la notion de délai est très relative : pour le médecin, c'est simplement le laps de temps entre le moment où il reçoit le malade et celui où il établit le diagnostic ; pour le patient, c'est le laps de temps entre le moment où il entre aux urgences et celui où il est orienté vers un service.

Il n'y a pas de raison pour que les services hospitaliers soient seuls à assurer la prise en charge des malades en aval des urgences. En effet, nous travaillons aussi de plus en plus avec les cliniques. Or il n'y a pas de permanence des soins dans les spécialités. Et il faut faire attention, car il y a des cliniques qui acceptent volontiers qu'on leur envoie des patients, mais ceux-ci ont ensuite la surprise de se retrouver en secteur 2, avec dépassement fixé unilatéralement par le chirurgien, alors qu'ils se croyaient pris en charge par le service public ! Il faudrait au moins que, trois fois par jour, l'hôpital ait l'obligation de dresser à son service des urgences un bilan de ses possibilités d'hospitalisation.

Ce serait une erreur, à mon avis, de créer des services d'urgences gériatriques. D'abord, cela consommerait énormément de moyens. Deuxièmement, l'âge est une notion très relative : le critère premier est celui de la maladie ou du handicap du patient, indépendamment de son âge. La notion pertinente est celle d'âge physiologique : il y a des octogénaires à qui on donnerait vingt ans de moins, et des sexagénaires à qui on en donnerait vingt de plus. Les gériatres qui refusent de recevoir des patients de moins de 75 ans se trompent ! Il ne faut pas laisser la médecine se structurer selon l'âge, voire la sociologie des patients. Ce qui donne, en revanche, d'excellents résultats, ce sont les consultations gériatriques volantes, comme à Armentières, où des gériatres viennent voir un patient qu'on soigne pour un col du fémur.

Mme Cécile GALLEZ : J'ai une question sur le délai entre l'entrée aux urgences et la réception dans un service. Cet été, j'avais un œil injecté de sang, et mon ophtalmologue était en congé. J'ai appelé le service ophtalmologique de l'hôpital qui n'a pas voulu me donner de rendez-vous et qui m'a dit d'aller aux urgences. Comme je ne voulais pas attendre pendant trois heures, j'ai fini par aller consulter un autre spécialiste en ville, mais j'ai trouvé choquant que l'hôpital ne puisse pas me recevoir en consultation externe.

M. Patrick PELLOUX : Le conseil de l'Ordre, une fois de plus, ne sera pas content que je dise cela, mais nous sommes, nous urgentistes, la roue de secours de tout le système, qui se défausse sur nous. Cela fait partie, certes, de notre mission de service public, mais tout de même...

Ainsi, il est consternant que l'hôpital d'Avignon ait fermé son service d'ophtalmologie, même si cela profite aux quatre ophtalmologues libéraux qui exercent en ville. En conséquence, il a fallu former des urgentistes à l'ophtalmologie ; va-t-on bientôt nous demander de savoir aussi opérer les appendicites et faire les greffes du rein ?

Nous avions demandé que les services d'urgences puissent s'en remettre, pour des actes ponctuels relevant d'une spécialité qui n'est pas assurée dans l'hôpital, à un spécialiste libéral de référence. Mais même cela est devenu terriblement compliqué, tant la démographie médicale est déficitaire dans certaines zones pour certaines spécialités. Il y a, par exemple, un seul ophtalmologue pour tout le département de la Mayenne. Un autre, à Vannes, a pris peur en voyant, le jour de son installation, les patients faire la queue sur le trottoir devant son cabinet !

Face à de tels manques, on a eu tort, à l'hôpital, de revaloriser, par le système de la « part complémentaire variable », la rémunération des seuls chirurgiens et psychiatres. Il faut revaloriser celle de tous ceux qui assurent la permanence des soins, notamment la nuit, qu'ils soient médecins ou non, et améliorer leurs conditions de travail.

Nous avons demandé au ministre que les décrets à venir sur les urgences fixent les modalités de mise en œuvre des « fiches de dysfonctionnement ». En effet, sur le terrain on constate des dysfonctionnements mais qui, actuellement, ne sont pas systématiquement relevés et signalés et, par conséquent, ne sont pas traités. Les conseils départementaux de l'ordre des médecins devraient s'en saisir, mais ils ne le font pas - ce qui montre d'ailleurs qu'ils ne servent à rien et que le département, à l'inverse du territoire de santé, n'est pas l'espace de régulation pertinent. En tout état de cause, la mise en place de ces « fiches de dysfonctionnement » permettra de pallier leurs insuffisances.

L'un des dysfonctionnements les plus terribles concerne l'accès à l'imagerie médicale pour les patients des urgences. A Paris, les IRM ne fonctionnent qu'aux heures ouvrables, alors qu'ils existent et ont été payés par le contribuable. L'an dernier, une dame qui avait une compression de la moelle épinière après une chute banale est arrivée aux urgences à 17 heures 30, et n'a pu passer une IRM qu'à 4 heures et demi du matin - et encore a-t-il fallu faire une demande spéciale ! Autre exemple, tragique celui-là : une jeune femme qui avait une fracture du rachis est devenue paraplégique parce qu'elle n'a pas été opérée à temps. Elle a déposé plainte, et elle a eu parfaitement raison. Dans ces deux cas, c'est bien à l'intérieur de l'hôpital que la chaîne de prise en charge des urgences médicales a dysfonctionné.

Mme Catherine GÉNISSON : Il est tout à fait exact que le fonctionnement des urgences est de moins en moins intégré au fonctionnement global de l'hôpital, et la structuration des services d'urgences a, paradoxalement, aggravé le problème en isolant les urgences. Cela pose, a contrario, la question du périmètre de leurs compétences : on constate en effet une suroccupation des plateaux techniques par les patients issus des urgences, ce qui conduit à reporter des opérations ou des examens qui étaient programmés, parfois de longue date. Si de tels phénomènes de court-circuit sont légitimes pour les cas d'urgence vitale, on peut regretter que certains patients se rendent aux urgences pour bénéficier d'un examen dans de meilleurs délais que si ces examens étaient programmés, comme il se doit. De tels abus accentuent le problème de la suroccupation des plateaux techniques par les urgences et soulignent combien il est nécessaire de redéfinir le périmètre des compétences des urgences, si l'on veut éviter que celles-ci ne deviennent un hôpital dans l'hôpital.

La question des urgences gériatriques pose un problème de fond : faut-il vraiment regrouper toutes les personnes âgées ensemble ? Mieux vaudrait recréer de services de médecine polyvalente, de médecine interne.

Quant aux maisons médicales, elles sont nées d'un constat qui semblait juste, mais il ressort de nos premières auditions que la formule ne fonctionne pas. Faut-il pour autant les abandonner ? Comment institutionnaliser les circuits entre l'hôpital et la médecine générale « citoyenne » ? Comment formaliser les sorties d'équipes hospitalières pour des interventions à domicile ?

En matière de prévention, y a-t-il, au-delà de ce que l'on a fait pour les accidents domestiques ou la sécurité routière, des pistes que l'on pourrait suivre pour améliorer l'éducation du citoyen à la santé ? Dans cette optique, les grandes campagnes de communication me semblent d'une efficacité limitée - c'est du moins le cas de celles qui ont pu viser à dissuader les personnes de se rendre aux urgences... En revanche, il me semble qu'une régulation téléphonique plus homogène qu'actuellement irait dans le sens d'une meilleure éducation du citoyen à la santé. En la matière, les hôpitaux ont des « fiches réflexe » dont nos collègues libéraux gagneraient à s'inspirer. En effet, actuellement, j'ai pu constater qu'à la même question adressée par un patient à la personne chargée de la régulation, la réponse ne sera pas la même selon le médecin de garde qui est au téléphone.

M. Patrick PELLOUX : La preuve est faite de l'efficacité de la prévention : le port du casque sur les pistes de ski a fait diminuer les traumatismes crâniens, les radars sur les routes ont fait baisser les accidents de la circulation. Et je suis partisan, quant à moi, d'un taux d'alcoolémie zéro au volant. À mon sens, la prévention doit constituer l'axe fort de toute politique visant à « désengorger » les urgences, c'est-à-dire à adapter l'organisation du service public à la demande de nos concitoyens.

La prévention doit passer par tous les lieux où la population va chercher de l'éducation à la santé : les pharmacies, les cabinets dentaires... On voit arriver aux urgences des personnes qui ont des rages de dents et à qui nous prescrivons des antalgiques - ce qu'aurait fait leur dentiste si son cabinet avait été ouvert. Car il faut être conscient du fait que le premier motif de venue aux urgences est la douleur sous toutes ses formes.

Redéfinir le périmètre des urgences ? Définir des critères objectifs permettant de distinguer une « urgence médicale » de ce qui n'en est pas une ? On a essayé, mais c'est impossible. C'est un débat sans fin, parce qu'il met en jeu de grands faits de société, comme le rapport de l'homme au temps. Les gens ont du mal à comprendre qu'on puisse acheter de l'essence sans attendre, et qu'on ne puisse pas accéder séance tenante, sans rendez-vous, aux plateaux techniques - sauf dans le privé lucratif.

Le stéthoscope du 20e siècle, c'est l'échographie. Tout médecin devrait savoir pratiquer l'échographie, mais les radiologues s'opposent à ce qu'on l'enseigne à tous les étudiants...

Autrefois, les traumatisés crâniens étaient gardés 48 heures en observation ; aujourd'hui, on leur fait un scanner. Et si on ne leur fait pas de scanner, ils risquent de saisir les tribunaux. L'imagerie médicale moderne constitue un immense progrès, mais qui va dans le sens d'une augmentation des dépenses. Et quand il y a plainte, les juges regardent le dossier médical, pour voir si le médecin s'est donné tous les moyens techniques de son diagnostic. Si l'angioscanner contre l'embolie pulmonaire a connu un très fort développement cette année, c'est parce que les médecins ont peur d'être traînés en justice. Le recours au pénal est une réalité.

Effectivement, il ne faut pas que les urgences deviennent un hôpital dans l'hôpital, mais qu'elles soient intégrées à la communauté hospitalière, si l'on veut que les patients n'attendent pas trop. Heureusement, les choses évoluent : des urgentistes commencent à devenir chef de service, voire président de la commission médicale d'établissement. Cela change un peu les choses