N° 3742 _____________ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le20 février 2007 RAPPORT D'INFORMATION FAIT en application de l'article 29 du Règlement au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (1) sur l'activité de cette Assemblée au cours de la première partie de sa session ordinaire de 2007 par M. Bernard SCHREINER Député ET PRÉSENTÉ A LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page. La Délégation de l'Assemblée nationale à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe est composée de : MM. Georges Colombier, Claude Evin, Pierre Goldberg, Mme Claude Greff, MM. Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Gilbert Meyer, Jean-Claude Mignon, Marc Reymann, François Rochebloine, André Schneider, Bernard Schreiner, en tant que membres titulaires, et MM. Alain Cousin, Jean-Marie Geveaux, Mme Arlette Grosskost, MM. Jean-Yves Hugon, Michel Hunault, Denis Jacquat, Jean-Claude Lefort, Jean-Marie Le Guen, Guy Lengagne, François Loncle, Frédéric Reiss, Rudy Salles, en tant que membres suppléants. S O M M A I R E Pages INTRODUCTION 5 I. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE 7 DÉROULEMENT DE LA SESSION A. Liste des recommandations et résolutions adoptées 7 B. Interventions des parlementaires français 9 II. SUJETS DE SOCIÉTÉ ET DROITS DE L'HOMME 15 A. Discussion selon la procédure d'urgence : les menaces à la 15 vie et à la liberté d'expression des journalistes B. Enfants victimes : éradiquons toutes les formes de violence, 22 d'exploitation et d'abus C. Le Sida en Europe - donner un avenir aux enfants atteints du 26 Sida - la propagation du Sida chez les femmes et les jeunes filles en Europe III. SUJETS ÉCONOMIQUES ET BUDGÉTAIRES 31 A. Danger de l'utilisation de l'approvisionnement énergétique 31 comme instrument de pression politique B. L'agriculture et l'emploi irrégulier en Europe - La situation 39 des travailleurs migrants dans les agences de travail temporaire C. Pour une consommation alimentaire responsable 44 D. Le principe de précaution et la gestion responsable du risque 46 E. La poursuite du débat budgétaire 49 IV. SUJETS INTERNATIONAUX ET SUIVI DES OBLIGATIONS 53 DES PAYS MEMBRES A. Situation actuelle au Kosovo 53 B. Respect des obligations et engagements de l'Arménie 60 ANNEXES 65 Pour la première fois sous la présidence de San Marin, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a tenu sa première partie de session pour l'année 2007 avec un ordre du jour très marqué par l'actualité. Les sujets de société et relatifs aux droits de l'Homme ont tenu une place importante : les menaces à la vie et à la liberté d'expression des journalistes, l'éradication de toute forme de violence et d'abus envers les enfants. Parmi les sujets économiques, c'est sans conteste un débat sur les dangers de l'utilisation de l'approvisionnement énergétique comme instrument de pression politique qui a suscité le plus grand intérêt. Enfin, parmi les sujets internationaux, la situation actuelle au Kosovo et la non-ratification par la Russie du protocole 14 (destiné à améliorer le fonctionnement de la Cour européenne des droits de l'Homme) ont donné lieu à de vifs débats. L'Assemblée a entendu, au cours de cette session, Sa Sainteté le Patriarche œcuménique Bartholoméos I, les Premiers ministres de Belgique, Guy Verhofstadt, et de Grèce, Kostas Karamanlis, la Princesse Caroline de Hanovre, Présidente de l'Association mondiale des amis de l'enfance, et Ann Veneman, Directrice générale de l'UNICEF.
B. Interventions des parlementaires français Séance du lundi 22 janvier, après-midi :
Séance du mardi 23 janvier, matin :
Séance du mardi 23 janvier, après-midi :
Séance du mercredi 24 janvier, matin :
Séance du mercredi 24 janvier, après-midi :
Séance du jeudi 25 janvier, matin :
Séance du jeudi 25 janvier, après-midi :
Vendredi 26 janvier, matin :
L'ensemble des documents et débats de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe est consultable sur le site : http://conseil-europe.assemblee-nationale.fr Le texte intégral des Rapports, Avis, Comptes rendus des débats de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://assembly.coe.int a. Discussion selon la procédure d'urgence : les menaces a la vie et a la liberté d'expression des journalistes À l'initiative de M. Jacques Legendre, en sa qualité de Président de la commission de la Culture, de la science et de l'éducation, l'Assemblée a tenu un débat d'urgence sur les menaces à la vie et à la liberté d'expression des journalistes. Les délégués ont exprimé leur attachement à la liberté d'expression, ont regretté et condamné les lâches et récents assassinats de journalistes. Quelques délégués russes ont condamné les assassinats ayant eu lieu dans leur pays, mais en ont aussi appelé à l'esprit de responsabilité des journalistes afin d'éviter les provocations. MM. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin - Soc), François Rochebloine (Loire - UDF), Jean-François Le Grand (Manche - UMP) et Jacques Legendre (Nord - UMP), en sa qualité de Président de la commission de la Culture, de la Science et de l'Éducation, se sont exprimés dans ce débat. M. Jean-Marie Bockel, sénateur, a réclamé le respect des dispositions de la Convention européenne des droits de l'Homme : « Monsieur le Président, mes chers collègues, sans doute notre commission de la culture ne se doutait-elle pas que ce débat prendrait de nouveau une actualité tragique avec l'assassinat du journaliste Hrant Dink. Nous sommes au cœur même de la mission du Conseil de l'Europe, puisque la liberté d'expression, la liberté de presse sont consubstantielles de l'État de droit. On aurait pu croire que les atteintes à l'intégrité physique des journalistes auraient disparu de l'ensemble des États adhérents au Conseil de l'Europe et à la Convention européenne des Droits de l'Homme. Malheureusement, l'année 2006 montre qu'il n'en est rien. Au surplus, certains meurtres ne sont pas des «dommages collatéraux» d'affrontements armés mais, des assassinats délibérés. On peut dire que les auteurs de ces meurtres s'en sont pris à des femmes et à des hommes pour imposer le silence à la liberté d'expression elle-même. Or, selon l'invitation de Voltaire, «soutenons la liberté de presse; c'est la base de toutes les autres libertés, c'est par là qu'on s'éclaire mutuellement.» Un État qui laisserait se perpétrer l'assassinat de journalistes sans réagir avec force et efficacité ne serait qu'une façade de démocratie qui tenterait de soustraire le pouvoir à son contre-pouvoir naturel de la critique. Un tel État reposerait sur la présomption d'incapacité de ses citoyens d'apprécier judicieusement le bien-fondé des critiques. Nous savons tous, comme responsables politiques, combien les médias peuvent parfois, de notre point de vue, être injustes et excessifs à l'égard de certains responsables. Cependant nous disposons, dans les États démocratiques, de deux appuis : d'une part, le recours aux tribunaux pour réprimer d'éventuelles diffamations; d'autre part, et surtout, la confiance dans l'esprit critique de nos concitoyens qui savent la part des choses entre les excès de certains médias et notre travail de responsables choisis par le suffrage universel. Une société qui a compris cela est plus forte. Je salue la Résolution 1738, adoptée par le Conseil de Sécurité de l'Onu le 23 décembre 2006, enjoignant à tous de protéger les journalistes "en période de conflits armés". Cependant j'y insiste encore : l'année 2006 a été celle d'un triste record, puisque 81 journalistes ont été tués, dont un certain nombre dans les États du Conseil de l'Europe, et loin de tout conflit armé, même si certains de ces journalistes - je pense à Anna Politkovskaïa - s'acharnaient à tenir l'opinion informée. Notre Convention européenne des Droits de l'Homme énonce la liberté d'expression et de presse parmi les libertés fondamentales. Elle nous enjoint à prendre toutes les mesures pour prévenir les violences et, bien entendu, à mener des enquêtes approfondies pour traduire les coupables en justice. Se soustraire à ces obligations, c'est défigurer l'idéal démocratique que nous partageons. Le rapport qui nous est présenté, sérieux, complet, courageux arrive au bon moment, et l'adopter sans l'atténuer, sans le défigurer, serait, sera à l'honneur de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. » M. François Rochebloine, député, a réclamé un meilleur suivi par l'Assemblée des affaires mettant en cause la liberté d'expression des journalistes : « Monsieur le Président, mes chers collègues, il était véritablement urgent d'ouvrir dans notre Assemblée le débat sur les disparitions, assassinats et agressions de journalistes qui se sont produits au cours de ces derniers mois. Depuis le 1er janvier 2007, l'association « Reporters sans Frontières » a déjà relevé cinq assassinats de journalistes. Cent quarante-trois sont actuellement emprisonnés pour délit d'opinion et sont, ainsi, désignés à la vindicte de ceux qui ne supportent pas le débat ouvert dans une société libre. N'est-ce pas une insulte à la conscience universelle ? Il nous faut reconnaître que, trop souvent, nous ne prêtons attention à l'action et aux difficultés de ces personnes courageuses que le jour où une main criminelle ou insensée met fin à leur vie. Qui s'intéresserait en Europe à Elmar Huseynov, le rédacteur en chef du magazine d'opposition azéri Le Moniteur, assassiné en 2005 ? Qui, à part un réseau d'amitié et de solidarité, connaissait en France Anna Politkovskaïa, assassinée en 2006 ? A qui le nom de Hrant Dink, assassiné il y a quelques jours, disait-il quelque chose, en dehors de la communauté arménienne et du cercle de ses amis ? Leur sacrifice les voue, pendant quelque temps, à l'admiration collective, mais l'émotion ne dure pas, et la répétition de ces morts violentes et injustifiables a quelque chose de désespérant. Alors, bien sûr, je joins ma voix à toutes celles qui réclament que justice soit faite. Je souhaite et demande que rien, ni pressions, ni abstentions, ni diversions, ne vienne entraver la marche normale des enquêtes de police et des procédures judiciaires contre les auteurs et les commanditaires de tels actes. Néanmoins, nous le savons, quand bien même ils n'en seraient pas les inspirateurs, certains dirigeants politiques - nationaux ou locaux - peuvent céder à la tentation du soulagement, quand une voix qui les dérangeait s'est définitivement tue. Ils spéculent sur la lassitude de l'opinion publique, appelée bientôt - c'est l'un des inconvénients de la civilisation médiatique - vers un autre sujet d'attention. A ces responsables, que seul atteint le langage du réalisme, je veux simplement dire que : même si des tueurs font taire une ou plusieurs personnes, les faits qu'elles dénonçaient ne disparaîtront pas. Bien plus, la mort donne à la parole des victimes de la haine, un retentissement et une autorité contre lesquels un pouvoir tenté par l'autoritarisme ne peut rien. Si cette parole est véridique, si elle correspond à une réalité sociale et politique, elle s'imposera tôt ou tard, et, alors le règlement des problèmes dont la description vaut la mort à trop de journalistes et d'intellectuels, et ainsi que ceux qui les assistent, sera politiquement et humainement plus difficile pour le pouvoir. Si l'on fait taire les voix libres, «les pierres crieront». Je souhaite que notre Assemblée, comme elle le fait pour le suivi des processus électoraux, intensifie son action en faveur du suivi des affaires dans lesquelles la liberté de pensée est mise aussi cruellement en question, du soutien des personnes et des organisations qui prennent en charge la défense de la mémoire des victimes d'assassinats et veulent le triomphe de la vérité et de la justice. » M. Jean-François Le Grand, sénateur, a considéré qu'il ne pouvait pas avoir de démocratie sans respect de la liberté des médias : « Monsieur le Président, mes chers collègues, «En démocratie, il ne peut y avoir de pouvoir sans un quelconque contre-pouvoir, notamment celui de la presse, pourvu qu'elle soit libre», écrivait Alexis de Tocqueville, au XIXe siècle. Ce débat voulu par notre collègue, M. Legendre, ce rapport élaboré par notre collègue M. McIntosh, est un cri, le cri de nos convictions, celui qui vient du cœur. Ce n'est pas un simple acte de protestation envers de répugnants assassinats mais une véritable rébellion de notre Assemblée contre ceux qui veulent faire taire les voix de la démocratie. Le journaliste est celui qui recueille les informations, les vérifie, les trie et les rend accessibles au public. Être journaliste, c'est exercer une activité intellectuelle libre. L'année 2006 a été marquée par des meurtres barbares de journalistes et ce début d'année 2007 ne donne aucun signe d'amélioration, puisque nous avons tous été révoltés, comme l'ont déjà dit nombre de nos collègues, par le crime commis envers Hrant Dink, la semaine dernière. Mes chers collègues, face à ces faits révoltants, je tiens à souligner que ceux qui menacent et tuent les journalistes doutent de deux choses : ils doutent d'eux-mêmes et de la démocratie. Ils doutent d'eux-mêmes. Quel pays, quel mouvement politique, quel responsable public peut choisir de faire taire l'un de ses concitoyens au motif qu'il souhaite faire éclater une vérité ? Une seule raison peut expliquer cette démarche sordide : celui que se sent visé n'assume pas ses actes, en a honte, ne veut pas les avouer, en un mot, les juge lui-même condamnables. Celui-là est bien fragile et, par des actes barbares, accrédite le travail d'enquête. Celui-là fait régner un climat de crainte, s'aliène l'opinion, s'enferme dans l'autoritarisme. Celui-là se discrédite tout en pensant qu'il serait pire d'affronter la vérité. Pourtant, sans le savoir, il se confronte aux deux choses à la fois : on lui reproche la violence et il crée lui-même des rumeurs. Ils doutent aussi de la démocratie. Aucune démocratie ne peut vivre sans médias libres. Les médias sont le reflet de la liberté d'opinion qui est l'un des fondements de notre Déclaration européenne des Droits de l'Homme. L'oppression est intolérable et nos démocraties ne la tolèrent jamais. Souvenez-vous de l'émotion populaire soulevée par la mort d'Anna Politkovskaïa, souvenez-vous de ces hommes et de ces femmes qui, à Moscou, sont venus par dizaines de milliers porter des fleurs, ont rendu hommage à sa mémoire et, de ce fait, l'ont transformée en icône de la presse libre et courageuse. L'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme dispose, au sujet de la liberté d'expression : «Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontières». La question des frontières est aujourd'hui dépassée. Grâce aux nouvelles technologies de l'information, les journalistes sont à même de diffuser très largement et très rapidement le fruit de leur travail. Aussi, et c'est presque paradoxal, ils deviennent encore plus vulnérables car ils peuvent paraître plus puissants et plus menaçants. C'est pourquoi je souscris pleinement à ce projet de recommandation qui en appelle à des mesures très concrètes pour défendre des droits qui nous sont chers. » M. Michel Hunault, député, a appelé les Etats membres du Conseil de l'Europe à garantir le respect de la liberté d'expression : « Je voudrais tout d'abord saluer l'initiative de notre assemblée, d'avoir inscrit à l'ordre du jour de la présente session, ce débat d'urgence consacré aux menaces contre la vie et la liberté d'expression des journalistes, après le meurtre du journaliste Hrant Dink, lâchement assassiné, le 19 janvier dernier à Istanbul, alors qu'il était rédacteur en chef de l'hebdomadaire «Agos». Je voudrais aussi saluer les rapporteurs. Ce meurtre a suscité en Turquie, et à travers l'Europe et le Monde, une émotion considérable. Nous savons quels étaient les combats de ce journaliste assassiné. Son nom s'ajoute à la trop longue liste des journalistes tués. Comment ne pas penser, en cet instant, en l'associant dans un même et unanime hommage, à Anna Politkovskaïa lâchement assassinée à Moscou, il y a quelques semaines. Ce débat est l'occasion de rendre hommage à tous les journalistes et à tous les médias qui concourent à faire triompher l'État de droit et la démocratie. Nous avons dans cette enceinte, conscience de l'Europe, où depuis tant d'années, fidèles aux idéaux de ses fondateurs, nous oeuvrons à faire triompher les droits de l'homme, la liberté, la démocratie, combien les journalistes, la liberté d'expression et d'information des médias, sont indispensables et sont des éléments fondateurs ! La liberté d'expression et d'information n'est pas négociable, elle est l'un des piliers de toute société démocratique et est garantie par l'article 10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Les pouvoirs publics ne doivent en aucun cas restreindre la liberté d'expression. Dans de nombreux pays du conseil de l'Europe, trop de journalistes subissent des pressions, la censure, des menaces ! Nous devons dans cette assemblée, aujourd'hui, affirmer solennellement notre plus grande solidarité et défendre l'expression de la liberté par et pour tous les médias en Europe. Notre Assemblée, depuis maintenant cinq ans a adopté plusieurs recommandations visant à assurer la liberté d'expression et d'information dans les médias, la liberté de la presse dans les zones de conflits, la liberté d'informer dans le respect des opinions et des croyances. Trop de meurtres non élucidés de journalistes, d'agressions et de menaces, sont restés sans lendemain et sans réponse. Je voudrais aussi féliciter, en cet instant, et exprimer ma solidarité envers les organisations internationales qui accomplissent un immense travail pour protéger les journalistes et la liberté d'expression en Europe : Que ce soit « Reporters sans Frontières » ou la « Fédération Internationale des Journalistes », elles concourent toutes au respect du droit à la liberté d'expression, garantie par l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ! Nous devons considérer que la liberté d'expression constitue une des libertés fondamentales les plus essentielles de toutes les sociétés démocratiques, et qu'elle est une condition sine qua non du progrès pour l'humanité et une source d'épanouissement pour la personne humaine. La liberté d'expression concoure à dénoncer et à combattre toutes les violations commises contre les droits de l'homme, tous les excès auxquels peuvent se livrer certains pouvoirs. Bien souvent cette liberté constitue le dernier rempart, au même titre que le droit, contre l'arbitraire, contre l'oubli. Nous savons quels étaient les combats d'Anna Politkovsaïa et de Hrant Dink, nous savons quels étaient leurs combats et critiques. Alors nous devons appeler chaque État membre du Conseil de l'Europe à s'assurer du respect de la liberté d'expression et à assurer la sécurité de toutes les formes d'expression. Ces assassinats de journalistes constituent un défi à notre capacité à combattre l'arbitraire, à promouvoir la primauté du droit, à renforcer la démocratie et la liberté ! Leur mort nous oblige : nous tous ici présents, à travers ce débat, et notre réaction, nous sommes là pour prolonger l'idéal qui les animaient et qui nous rassemble tous. » M. Jacques Legendre, sénateur, est intervenu en fin de débat en tant que Président de la commission de la culture, de la science et de l'éducation : « C'est un devoir de notre Assemblée d'être aux côtés des journalistes et de nous saisir des menaces qui pèsent sur eux, quand on les enlève - ce que nous avions fait l'an dernier - et quand on les assassine. Le 6 décembre dernier, après l'assassinat d'Anna Politkovskaïa, j'avais, au nom de la commission de la Culture, demandé un débat d'urgence sur ce meurtre. Nous n'avions pas encore eu le temps de faire ce débat d'urgence que nous apprenions le meurtre de Hrant Dink. Ce sont des actes identiques pour des causes évidemment différentes mais, en aucun cas, ils ne peuvent être acceptables. Il était de notre rôle de nous saisir de cette question et de demander un rapport, je crois que le rapport qui vient aujourd'hui devant notre Assemblée est un rapport honnête et équilibré. Il doit être perçu comme le soutien que le Conseil de l'Europe apporte aux journalistes et à toutes les organisations qui se préoccupent d'assurer leur liberté et leur sécurité. Bien des affaires ne sont pas clairement élucidées. Je pense à M. Gongadze, dont on connaît bien l'affaire ici; je pense aussi à M. de Bourgues, poignardé à mort à Alma-Ata à l'été 2006. Il ne faut pas l'oublier. Voici maintenant deux nouvelles affaires qui nous mobilisent. Il faut se réjouir aussi que le Conseil de sécurité des Nations Unies lui-même ait récemment consacré une Résolution au problème des menaces pesant sur les journalistes en zone de conflit - mais qu'est-ce aujourd'hui qu'une zone de conflit ? Notre vigilance ne doit jamais se démentir. C'est la raison pour laquelle nous sommes aujourd'hui réunis et mobilisés. Je souhaite, M. le Président, que notre Assemblée adopte massivement, et sans le dénaturer, l'excellent rapport déposé par M. McIntosh. » Une Résolution (n° 1535) et une Recommandation (n° 1783) appelant les gouvernements à protéger concrètement les journalistes et à faire toute la lumière sur les assassinats ont été adoptées à l'unanimité. L'Assemblée a débattu des moyens de protéger les enfants de toute forme de violence. Les actions souhaitées par l'Assemblée parlementaire s'inscrivent dans une campagne de large ampleur et se regroupent autour de quatre points : la prévention de la violence, la protection des enfants, la poursuite et la condamnation des auteurs de ces violences et enfin la place des enfants au sein des procédures judiciaires. Le débat a été nourri et des voix dissonantes se sont fait entendre sur au moins deux points : la punition par la loi des châtiments corporels, en vigueur dans 26 des 46 États du Conseil de l'Europe et le rôle de la famille. Certains délégués considèrent à ce sujet que l'État ne doit pas se substituer à celle-ci, alors que d'autres ont fait valoir que les enfants doivent être soustraits à une famille, même si la maltraitance n'est que suspectée et non encore avérée, et bénéficier de la protection de l'État. MM. André Schneider (Bas-Rhin - UMP) et Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP) se sont exprimés dans ce débat. M. André Schneider, député, a déploré l'écart entre les règles juridiques existantes et la réalité du terrain et a insisté sur la nécessité de lutter contre deux causes de ce fléau, la pauvreté et l'ignorance : « Monsieur le Président, mes chers collègues, le constat dressé par le rapport de M. Gardetto est effrayant. Les instruments juridiques européens et internationaux pour lutter contre la violence envers les enfants existent - le rapport les rappelle opportunément. La Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant de 1989 a marqué spécialement un progrès considérable en imposant aux États de prendre «toutes les mesures nécessaires pour protéger l'enfant contre toutes les formes de violence». Pour autant et même si elles restent difficiles à mesurer comme le souligne le rapporteur, les violences contre les enfants perdurent, y compris dans nos pays européens, membres du Conseil de l'Europe. Homicides, violences sexuelles, châtiments corporels, trafic d'enfants et d'organes, exploitation sexuelle ou par le travail, intimidation, la liste des violences est accablante. Il existe un décalage entre les progrès du droit et des normes juridiques visant à protéger les enfants et leur application concrète sur le terrain. Différents éléments sont avancés dans le rapport pour expliquer cet état de fait : méconnaissance des systèmes de protection existants, manque de volonté politique, peur de dire, de dénoncer de la part des enfants, dont les bourreaux sont hélas le plus souvent des proches, méconnaissance statistique des maltraitances et manque de données fiables... Le rapporteur propose de créer un observatoire européen de la maltraitance, d'harmoniser la définition de la notion d'intérêt supérieur de l'enfant ainsi que les qualifications pénales des infractions et de supprimer l'imprescriptibilité des crimes les plus graves commis contre les enfants, tout en multipliant les structures d'information pour les enfants, telles que numéros de téléphone gratuits, sites Internet, et j'en passe. On ne peut que souscrire à ces propositions. Toutefois ce qui frappe tout au long de ce rapport, c'est finalement que, derrière ces violences inadmissibles, il y a tout un contexte de pauvreté et d'ignorance. On vend ses enfants pour de l'argent et pour survivre. On frappe faute de pouvoir verbaliser. Cela signifie que pour lutter contre ces violences, s'il y a nécessairement un volet répressif à mettre en œuvre avec des sanctions adaptées, il y a aussi un énorme effort d'éducation à fournir, notamment auprès des familles les plus défavorisées ou les moins instruites. En France, l'Assemblée nationale est en train d'examiner un projet de loi sur la réforme de la protection de l'enfance, qui vise à donner de nouveaux moyens pour exercer cette responsabilité essentielle et remédier à certains dysfonctionnements. Trois objectifs sont prioritaires : renforcer la prévention, organiser le signalement des situations à risque et diversifier les actions et les modes de prise en charge des enfants. La réforme a été élaborée en étroite concertation avec les principaux acteurs de la protection de l'enfance, notamment des départements. N'oublions pas ce qu'a dit le poète français Jaques Prévert : «Les enfants ont tout, sauf ce qu'on leur enlève». Alors oui, monsieur le président, mes chers collègues, les violences faites aux enfants, membres les plus vulnérables de nos sociétés, sont inacceptables, insupportables et nous devons tout mettre en œuvre pour qu'elles cessent d'être une réalité. » M. Jean-Guy Branger, sénateur, a développé la politique française dans ce domaine : « Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, il existe une multitude de normes européennes et internationales qui visent à protéger les enfants. En France, l'arsenal juridique existe. Et pourtant, nous voulons faire plus. Parmi les mesures mises en œuvre ces dernières années, je peux citer la nomination d'un défenseur des enfants qui dispose, dans chaque département, d'une antenne locale. Il remet chaque année en main propre au Président de la République un rapport. Le défenseur des enfants a ainsi, par exemple, proposé de mener une politique plus volontariste envers les adolescents et les pouvoirs publics ont mis en œuvre certaines de ses recommandations, en créant des centres de soins médicaux entièrement dédiés à cette classe d'âge. La France a également mis en place un numéro vert, le 119, qui permet aux enfants victimes de prendre contact et conseil gratuitement et anonymement. Malgré bien des campagnes d'information, des manifestations chaque 20 novembre, l'affichage de la Convention des droits de l'enfant dans les écoles, nous sommes cependant bien loin d'assurer la protection de nos enfants. Une seule statistique donne froid dans le dos : une petite fille sur sept sera victime d'atteinte sexuelle avant d'atteindre sa majorité. Ce terrible constat encourage notre pays à renforcer encore la protection de l'enfance. Un texte de loi est actuellement en débat dans nos deux Assemblées. Il exprime une volonté politique très forte de prévenir les maltraitances et d'accompagner les familles. Au registre de la prévention, a été instaurée une consultation médicale dès le 4è mois de grossesse. De même, sera organisé un suivi systématique sous forme de visite à domicile de la jeune mère de famille dans les jours qui suivront son retour à la maison. Nous cherchons, par ces deux actions, à évaluer et à favoriser le lien mère-enfant, l'acceptation du nouveau-né par la famille, à développer l'attachement lorsque la mère rencontre des difficultés matérielles, affectives ou médicales. Pour parfaire ce dispositif, les enfants seront soumis à des visites médicales de dépistage à l'âge de trois, six, douze et quinze ans. Ce projet de loi vise également à faire travailler de concert tous les professionnels. Il est nécessaire de lever les rigidités et de décloisonner les relations entre les adultes qui côtoient les enfants : les instituteurs, les médecins, le personnel judiciaire. Toutes les mesures de placement des enfants en dehors de leur famille sont assouplies pour permettre, dès que cela est possible, un retour de l'enfant dans son foyer en toute sécurité. Enfin, et pour en terminer avec le registre des maltraitances, l'une d'entre elles est, à mon sens, d'une très rare violence : celle de priver un enfant d'éducation, le priver du droit d'aller à l'école. Plusieurs raisons peuvent expliquer une telle situation. Certains pays ne peuvent malheureusement pas offrir aux enfants un système éducatif structuré. Il arrive que la santé des enfants rende délicate leur intégration à l'école. En France, nous avons été, si je puis dire, de mauvais élèves en la matière. Néanmoins, la grande loi sur le handicap, votée il y a deux ans, permet aujourd'hui une véritable révolution des esprits. Dans les faits, les progrès sont énormes, même si tout n'est pas encore parfait. La réalité est parfois bien cruelle. Des enfants sont victimes des dérives sectaires de leurs parents qui les font vivre dans des communautés coupées du monde. Ces enfants vivent ainsi dans la promiscuité et l'obscurantisme. Nous nous interrogeons en France sur les mesures instaurées, en particulier depuis le travail effectué par mes collègues députés, au nombre desquels figurent MM. Hugon, Hunault et Salles, membres de cette Assemblée. Il est question de ne plus autoriser les enfants à suivre des cours par correspondance afin de s'assurer, par exemple, de l'effectivité du droit à l'éducation. Mes chers collègues, la protection de l'enfance est une grande cause, un travail de chaque instant, un combat que nous ne pouvons remporter seuls. C'est avec les associations et tous les intervenants socio-éducatifs que nous parviendrons à lever les silences et les mensonges, prévenir des souffrances inguérissables parce que subies à l'âge sensible, fragile, de l'enfance. » À l'issue du débat, l'Assemblée a adopté une Recommandation (n° 1778) et une Résolution (n° 1530) qui encouragent, entre autres, les États à promouvoir, auprès des enfants, la connaissance de leurs droits, à instaurer des procédures de détection et de traitement rapide des violences, à adapter les procédures judiciaires pour permettre aux enfants d'y avoir toute leur place. Par ailleurs, l'Assemblée a chargé le Comité européen de coopération juridique de l'élaboration d'une Convention. Elle sera assortie d'un modèle de loi transposable dans les États membres sur ce sujet. C. Le sida en Europe - donner un avenir aux enfants atteints du sida et orphelins du sida - la propagation du sida chez les femmes et les jeunes filles en Europe Trois rapports relatifs au sida ont fait l'objet d'une discussion jointe : « Le sida en Europe », « Donner un avenir aux enfants atteints du sida et aux orphelins du sida » et « La propagation du sida chez les femmes et les jeunes filles en Europe ». Les délégués ont insisté sur l'importance de la prévention et de l'éducation, cette dernière ne devant en aucun cas être considérée comme une promotion de la sexualité, mais bien comme un moyen de lutte contre la maladie. Ils ont regretté que la maladie se répande désormais chez les plus fragiles : les femmes et les enfants. Ils ont lancé un appel en faveur de la généralisation des traitements médicaux pré et post-natals en faveur des mères et des enfants. Ils ont plaidé pour que les jeunes victimes ne fassent pas l'objet d'une discrimination sociale ou affective. Ils ont souligné que les pays où la volonté politique se manifestait très fortement obtenaient des résultats probants. Mmes Claude Greff (Indre-et-Loire - UMP) et Arlette Grosskost (Haut-Rhin - UMP) se sont exprimées dans ce débat. Mme Claude Greff, députée, a réclamé une intensification des campagnes d'information et des efforts de recherche : « Trois rapports sont proposés à notre discussion commune, et nous faisons le même constat alarmant. Le nombre de personnes atteintes par la sida ne cesse de s'accroître : 40,3 millions au niveau mondial en 2005. Le continent européen n'est pas épargné : l'Europe de l'Est, notamment, a enregistré beaucoup de nouveaux cas. On constate par ailleurs une propagation de l'épidémie des populations dites traditionnellement «à risque», telles que les toxicomanes, les prostituées et les homosexuels vers la population générale. L'épidémie progresse également vers les enfants, notamment en Afrique, où les médicaments permettant d'empêcher la transmission du virus de la mère à l'enfant lors de la naissance sont insuffisamment utilisés. Il faut citer aussi ce chiffre énorme de onze millions d'enfants orphelins du Sida en Afrique subsaharienne. Enfin, la pandémie semble toucher de plus en plus les femmes et les jeunes filles physiologiquement plus vulnérables au virus. Tous ces faits ne sont pas encourageants car ils montrent qu'en dépit de nombreuses campagnes d'information et du progrès des traitements anti-rétroviraux l'épidémie progresse. Ce qui est paradoxal, c'est que le progrès des traitements semble même contribuer à une possible propagation du virus dans la mesure où la prudence diminue, les comportements individuels se relâchent, le Sida n'apparaissant plus forcément dans l'esprit des gens comme une maladie mortelle. Que faire ? D'abord, informer, toujours et encore, sans se décourager. Informer les jeunes adolescents grâce à des cours d'éducation sexuelle obligatoires dispensés à l'école et recourir, le cas échéant, à des témoignages de personnes atteintes du virus, comme on a pu le faire dans les campagnes antitabac. Les témoignages retiennent plus l'attention qu'un savoir théorique. Informer également par des campagnes de sensibilisation générale, à la télévision, dans la presse, par affichage, et soutenir fortement les associations œuvrant en ce sens, rappeler combien les traitements médicaux actuels demeurent toujours lourds et contraignants. Il faut aussi abaisser le prix des médicaments et permettre l'accès aux traitements et leur suivi dans les pays les moins développés et former le personnel médical. En ce sens, il faut encore financer les travaux des chercheurs, notamment ceux visant à trouver un vaccin antisida, et tenter d'influer sur les comportements en mettant l'accent sur la responsabilité de chacun et non sur la culpabilité, car la maladie reste fortement connotée négativement. Les autorités publiques doivent inlassablement et à tous les niveaux, poursuivre leurs efforts afin de mener une bataille sans merci contre l'extension mondiale du virus. Je vous le demande, monsieur le Président, le Conseil de l'Europe doit prendre toute sa place dans ce combat. » Mme Arlette Grosskost, députée, a insisté sur la non-discrimination des malades : « Je salue bien évidemment les trois rapports qui mettent en exergue une pandémie qui ne cesse de croître. Si l'Europe occidentale a réussi à stabiliser sa progression, ce n'est pas le cas de l'Europe orientale ni de l'Asie centrale où, selon l'ONU, 1,7 million de personnes sont porteuses du virus. Ces rapports rappellent fort justement la nécessité de continuer à mener des actions de prévention, particulièrement à destination des jeunes générations. Ils soulignent également - et j'insisterai sur ce volet - que la lutte contre le Sida passe aussi par une lutte contre les discriminations dont sont victimes les malades. II s'agit là du domaine d'excellence du Conseil de l'Europe. Être séropositif, c'est devenir un paria. De nombreux malades vivent dans la hantise de perdre leur emploi si leur état de santé venait à être connu. Les amis, les voisins font preuve d'ostracisme. Tout devient plus difficile : se loger, souscrire un crédit; toute la vie quotidienne est bouleversée. Le sida est une priorité de santé publique en France. La lutte contre cette maladie a été déclarée en 2005 grande cause nationale. Les actions de prévention et de soutien auprès des personnes atteintes sont définies par un programme national, qui énumère les actions menées par les administrations, les associations et les professionnels du secteur de la santé. La France ne se contente pas de mener des campagnes de prévention, d'inciter au dépistage par un examen gratuit et anonyme et d'améliorer le suivi et la prise en charge des malades avec pour objectif de réduire la mortalité liée au sida. Elle développe depuis de nombreuses années des actions ciblées pour prévenir les discriminations dont pourraient être victimes les malades. Elle cible son action vers l'accompagnement des personnes atteintes. Cette donnée souvent occultée, comme le souligne le rapport, et est en fait primordiale dans nos sociétés qui érigent la dignité humaine en principe fondamentale. La France a mis au point une série de mesures dans les domaines du travail, du logement, des droits sociaux, afin d'éviter les discriminations. Le droit aux soins, sans discrimination du fait de la pathologie, est un droit fondamental garanti par le code de la santé publique. Par ailleurs, le malade a droit au respect de sa vie privée et au secret médical. En aucun cas la séropositivité ne peut être un obstacle à l'embauche ou un motif de licenciement. Seul le médecin du travail peut décider de l'aptitude ou de l'inaptitude du travailleur et peut proposer des aménagements de conditions de travail, au titre de statut de travailleur handicapé. Pour éviter au malade de se retrouver à la rue, des hébergements spécifiques existent, appartements relais, hébergements d'urgence ou appartements de coordination thérapeutique. Depuis 2001, la Convention Belorgey, signée entre l'État et les principaux groupes d'assureurs et de banquiers, permet aux personnes séropositives de souscrire une assurance décès et de pouvoir bénéficier d'un emprunt ou d'un crédit. Ce dispositif a été amélioré et complété par la Convention Aeras, qui entre en vigueur les jours prochains. Toutes ces actions visent à limiter les difficultés rencontrées par les malades. Ne nous leurrons pas, le chemin est encore long. C'est pourquoi, il est du devoir de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe d'inciter ses membres à lutter contre les discriminations dont peuvent être victimes les personnes séropositives. » L'Assemblée a adopté deux Résolutions (n° 1536 et 1537) et deux Recommandations (n° 1784 et 1785), dans lesquelles elle demande que les législations nationales punissent ceux qui transmettent volontairement le virus. Elles incitent les pays du Conseil de l'Europe à développer la prévention, le dialogue et l'échange de bonnes pratiques, la non discrimination et le développement des soins. III. SUJETS ÉCONOMIQUES ET BUDGÉTAIRES A. Danger de l'utilisation de l'approvisionnement énergétique comme instrument de pression politique Un rapport portant sur l'utilisation de l'approvisionnement énergétique comme instrument de pression politique a ensuite suscité un débat contrasté. Si tous les délégués se sont accordés pour encourager l'efficience énergétique, le développement des énergies renouvelables, et même, par voie d'amendement, l'idée de reposer sans tabou la question de la relance de l'énergie nucléaire, des contrastes sont apparus. Certains délégués, dont une partie de la délégation russe, ont souhaité que le la loi du marché s'impose en Europe, et que la fixation des prix s'exerce librement, mettant fin à une fixation de prix d'amis, récompense ou sanction politique vis-à-vis d'un pays. D'autres ont plaidé pour un marché régulé et stable qui favorise le développement des pays dépourvus de ressources naturelles. MM. André Schneider (Bas-Rhin - UMP), Denis Badré (Hauts-de-Seine - UC-UDF), Francis Grignon (Bas-Rhin - UMP) et Yves Pozzo di Borgo (Paris - UC-UDF) se sont exprimés dans ce débat. M. André Schneider, député, a appelé à une plus grande solidarité entre pays consommateurs. « Monsieur le président, mes chers collègues, en 1973, en pleine guerre du Kippour, un groupe d'États producteurs de pétrole, regroupé en cartel, l'OPEP, décide de quadrupler le prix du baril de pétrole. C'en était fini d'une énergie bon marché. Une récession économique s'installait dans les pays occidentaux, qui ont pris alors conscience de leur vulnérabilité. La question de la sécurité énergétique est revenue sur le devant de la scène l'hiver dernier lors du conflit entre la Russie et l'Ukraine. La compagnie russe Gazprom annonce qu'elle fournira désormais le gaz au prix du marché et non plus à des tarifs subventionnés. Même si des considérations commerciales président à ces décisions, il est indéniable que se cachent en arrière plan des sous-entendus politiques. La fourniture d'énergie bon marché est un moyen de récompenser les amis fidèles; a contrario, les pays se détachant de la sphère d'influence russe sont rappelés à l'ordre par ce biais. Ces derniers jours, l'Europe est de nouveau la victime indirecte du conflit énergétique qui oppose, cette fois-ci la Biélorussie à la Russie. C'est pourquoi, le débat que nous avons aujourd'hui est particulièrement important. Par quels moyens s'exerce ce chantage à l'énergie ? Le premier réside dans la régulation de la production et la fixation de quotas, les quantités de ressources énergétiques pouvant être modulées selon des objectifs et les acheteurs pouvant être sélectionnés. Le deuxième moyen de pression consiste dans la fixation des prix, qui ne suivent plus la logique du marché mais, au contraire, servent à pénaliser ou à récompenser les pays acheteurs selon les intérêts du pays producteur. Enfin, les conditions d'acheminement de l'énergie deviennent aussi un objectif stratégique. C'est tout l'enjeu des tracés des oléoducs et gazoducs en Asie centrale et dans les Balkans. C'est aussi la raison des attaques terroristes contre les super-tankers afin de fragiliser l'approvisionnement des pays occidentaux. Dans tous les cas de figure, l'utilisation de l'énergie comme instrument de pression est dommageable pour l'économie. C'est pourquoi, comme le souligne justement le rapporteur, il convient de trouver des solutions, que ce soit pour limiter la consommation, diversifier les approvisionnements et établir de nouvelles relations avec les pays producteurs. Mais il convient aussi et peut-être surtout, pour chaque pays, de s'assurer un maximum d'indépendance énergétique. Pour cela, tous les instruments doivent être utilisés : économies d'énergie, promotion des énergies renouvelables, développement des moyens nationaux de production d'énergie. Sur ce dernier point, il est impossible de passer sous silence l'intérêt que peut représenter l'énergie nucléaire. Quatre-vingt pour cent de l'électricité française provient de cette source d'énergie. Très controversée en raison des conséquences dramatiques en cas d'accident, ce programme, qui réduit les rejets gazeux et, à ce titre, participe à la lutte contre le changement climatique, a permis à la France de réduire sa dépendance et d'être moins vulnérable. Néanmoins tout cela ne suffira pas si les pays consommateurs ne mettent pas en place des politiques communes. L'Agence internationale pour l'énergie a été créée en 1974 afin de faire front à l'Opep. Elle se veut un espace de dialogue entre pays consommateurs et producteurs et cherche à éviter les ruptures d'approvisionnement. L'Union européenne, fortement dépendante du gaz russe et du pétrole du Moyen-Orient, a pris conscience de la nécessité d'avoir une politique concertée. Après la publication d'un "Livre vert" en 2000, plusieurs priorités ont été définies au sommet d'Hampton Court, en octobre 2005. Il apparaît nécessaire qu'une plus grande solidarité entre États membres puisse jouer et que l'Union puisse sécuriser ses approvisionnements par le biais de partenariats. Malheureusement, cette politique se heurte à la souveraineté des États qui veulent préserver leur indépendance dans un domaine stratégique. Je conclurai en apportant mon soutien aux propositions du rapporteur qui plaide, notamment, pour une ratification par la Russie de la Charte sur l'énergie, et qui demande la mise en œuvre du Protocole sur la liberté de transit. Les intérêts de tous, pays membres du Conseil de l'Europe en tant que consommateurs ou producteurs, passent par l'établissement de relations énergétiques stables et fiables. » M. Denis Badré, sénateur, a insisté sur l'urgence de la mise en place d'une politique énergétique au niveau de l'Union européenne et sur la nécessité de développer la recherche sur les énergies non fossiles : « Monsieur le Président, mes chers collègues, sur un sujet comme celui dont nous débattons aujourd'hui, quoi de plus naturel que de renouer avec l'inspiration des pères fondateurs de l'Europe ? Robert Schuman nous a en effet légué un message fondamental : « Si tu veux construire une paix durable, amène les hommes à travailler ensemble ». Et Jean Monnet a immédiatement mis en œuvre ce principe en suggérant la mise en commun des ressources en charbon, puis de l'atome. Il s'agissait bien d'intervenir d'abord au niveau de l'énergie non plus pour construire des canons mais pour garantir la paix. Quel usage avons-nous fait de ce principe ? Le débat en tout cas demeure à l'évidence actuel. C'est pourquoi je suis de ceux qui préconisent l'établissement d'une véritable politique commune de l'énergie pour l'Union européenne. Il était également au moins aussi essentiel que nous puissions en débattre en cette Assemblée, pour renforcer la prise de conscience de tous et pour amener chacun de nos États à une plus grande responsabilité sur un sujet crucial puisque touchant à la vie, à l'activité économique, aux échanges, puisque nous sommes aussi au cœur du débat sur le devenir de la planète. Je voudrais donc féliciter notre collègue Marko Mihkelson, dont l'excellent rapport constitue déjà une réaction «à chaud» aux difficultés apparues dans la fourniture d'énergie, et principalement du gaz, par la Russie à d'autres États membres du Conseil de l'Europe. Ce rapport était d'autant plus urgent que certaines menaces d'interruption de fourniture d'énergie se sont manifestées en plein hiver et sans préavis. Ce sont là des «violences» qui révèlent de manière très concrète la nécessité d'une réflexion générale de fond susceptible de déboucher sur des principes forts qui s'imposeraient à toutes nos démocraties. Je regrette simplement à cet égard que le rapport n'évoque pas le Protocole de Kyoto, dont nous ne cessons pourtant tous de réclamer la ratification générale et le respect. Le rapport table ainsi sur une croissance de 60 % de la demande européenne en énergie fossile d'ici 2030. Cette perspective est-elle compatible avec les objectifs du protocole de Kyoto ? Ne devons-nous pas en particulier miser beaucoup plus encore sur la diversification vers des énergies non fossiles pour desserrer la dépendance énergétique ? On ne peut ignorer que des alternatives existent. La France, vous le savez, a fait le choix de l'énergie nucléaire. Cette forme d'énergie satisfait déjà plus de 70 % de nos besoins nationaux. Sans doute, impose-t-elle des précautions et des contraintes techniques, touchant entre autres à la sûreté des installations et au retraitement des déchets. Mais elle a l'avantage de n'émettre aucun gaz à effet de serre. À tout le moins, nous devrions pouvoir débattre de manière sereine d'un tel sujet, ce qui n'est pas encore tout à fait le cas. Sans rappeler que nombre des progrès techniques accomplis par l'humanité l'ont été sous la pression de besoins nouveaux, je voudrais souligner ce que nous savons tous : tôt ou tard, l'abondance du gaz et du pétrole, c'est-à-dire des gisements d'énergie fossile, aura une fin. Bien sûr, il faut amener les États les mieux pourvus en ressources énergétiques à en faire un usage respectueux vis-à-vis de leurs partenaires moins bien dotés, comme vis-à-vis des générations futures. Il y va de l'équilibre et de l'avenir de la planète. Il faut aussi se soucier de desserrer les excessives dépendances des États les uns vis-à-vis des autres, et de soutenir activement tous les efforts de recherche scientifique dans l'ensemble de ce domaine. Vous souvenez-vous, mes chers Collègues, de l'exposé de M. Jean Lemière en 2006 ? Le Président de la BERD insistait alors sur la marge considérable dont beaucoup d'États disposent en matière d'économie d'énergie, sans en avoir peut-être conscience. Les réseaux de distribution, l'isolation des bâtiments, mais aussi des politiques de transport, des choix d'urbanisme ou d'aménagement du territoire plus économes en énergie devraient être une préoccupation prioritaire pour des États confrontés à la rareté de l'énergie. Je conclus sur l'essentiel : la loi du plus fort n'a pas sa place entre les États du Conseil de l'Europe. Cette réalité première est même précisément ce qui nous réunit et mérite donc d'être rappelé. C'est pourquoi le bon usage de l'énergie doit être une préoccupation commune à nos États. Il doit être, tout simplement, l'expression de leur volonté, elle aussi commune, de promouvoir la paix sur notre continent. » M. Francis Grignon, sénateur, a plaidé pour que toutes les pistes soient explorées en matière d'économies d'énergie et d'énergies nouvelles : « Monsieur le Président, mes chers collègues, vous savez que la France s'est dotée de centrales nucléaires, précisément dans l'optique d'assurer, autant que faire se peut, son indépendance énergétique. Mais la moitié de ces centrales aura une moyenne d'âge de 30 ans en 2011. Même si elles peuvent être prolongées de quelque 10 ans, il faut préparer leur remplacement. Le Gouvernement français réfléchit donc à cette échéance. La renonciation à cette source d'énergie, qui couvre d'ores et déjà plus de 50% de la consommation française, impliquerait des rejets de gaz à effet de serre équivalents à l'ensemble du parc de véhicules de l'Union européenne. Ce serait donc un choix irresponsable. L'Union européenne partage ce souci de la transition des centrales actuelles vers une énergie nucléaire de troisième génération. Le réacteur européen à eau pressurisée-EPR est dix fois plus sûr, moins cher et produit de 15 à 30 % de déchets en moins. Un site expérimental a finalement été choisi en Haute-Provence pour mettre au point les générateurs dont nous aurons tous besoin tôt ou tard. Plus que jamais, le cadre européen peut seul permettre la conception et l'expérimentation d'équipements de cette taille. Pour autant, je comprends parfaitement la sensibilité de notre rapporteur aux menaces qui ont porté sur la fourniture de gaz et de pétrole à certains pays d'Europe centrale par la Russie. Je le comprends d'autant plus que ces menaces ont pu apparaître comme soudaines, en plein hiver de surcroît. Si je comprends ces inquiétudes, il me semble qu'elles devraient renforcer la recherche d'une diversification des approvisionnements. D'une part, depuis quelques années déjà, la Chine est devenue le deuxième consommateur de pétrole au monde ! Cela signifie que la pression de la demande ne fera que s'accroître. D'autre part, nous avons souscrit, avec le Protocole de Kyoto, l'obligation de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. C'est-à-dire que nous avons devant nous un immense défi de productivité à consommation d'énergie constante. Nous pouvons commencer à y répondre avec des priorités de maîtrise de nos consommations énergétiques : - inviter les constructeurs de véhicules pour qu'ils améliorent le rendement des moteurs ; - la limitation de la vitesse entraîne mécaniquement une diminution de la consommation des véhicules ; - la réglementation thermique, qui vient d'ailleurs d'être complétée par l'obligation de fournir un diagnostic pour le chauffage des bâtiments, incitera sans doute à l'amélioration de l'isolation ; - nous devons favoriser le développement des réseaux d'infrastructure ferroviaire, fluviale et maritime ; - enfin, les gouvernements peuvent jouer d'incitations fiscales pour avantager les citoyens qui investissent en vue d'économiser l'énergie ou pour limiter la consommation d'énergies fossiles au profit, notamment, d'énergies renouvelables. J'évoquerai également les orientations que nous devons poursuivre : d'abord le doublement des énergies renouvelables ; l'exemple de Barcelone pourrait même servir de modèle en soumettant l'octroi des permis de construire à l'engagement de recourir à des énergies renouvelables. De même, nous devons encourager le développement des biocarburants par des mesures législatives et fiscales. Enfin, je crois que seule la recherche de technologies nouvelles peut nous dégager peu à peu non seulement de la dépendance aux États fournisseurs des énergies fossiles mais de la consommation elle-même d'une denrée appelée à devenir plus rare donc plus chère. Aussi, je partage l'appel que contient le rapport de notre collègue à faire converger nos politiques énergétiques, non dans le ressentiment mais dans le surcroît de progrès technique que stimulera un besoin croissant d'énergie. » M. Yves Pozzo di Borgo, sénateur, a lui aussi demandé l'augmentation des efforts consentis en matière d'économies d'énergie et d'énergies nouvelles : « Monsieur le Président, mes chers collègues, notre excellent rapporteur traite d'une question angoissante : l'utilisation de la dépendance énergétique de la plupart des États européens à des fins politiques. Dois-je rappeler que ce phénomène n'est pas inédit : nous avons connu par le passé plusieurs «chocs pétroliers» qui déstabilisèrent des gouvernements par la hausse brutale, d'abord du prix des produits énergétiques, puis de ceux de toute la production industrielle dépendant des coûts de ces fournitures. Pour désagréable qu'elle soit, je pense que la manipulation des cours ne saurait expliquer à elle seule les perturbations actuelles. Si j'osais, je reprendrais la phrase fameuse : « Ce n'est pas une crise, c'est une révolution ». Le fournisseur dominant n'est pas lui-même sans fragilité : la fourniture de gaz et de pétrole dont dépend l'Europe suppose des investissements énormes et continus à tous les niveaux, extraction, raffinage, distribution : la Russie, nous-mêmes, avons-nous prévu ces investissements ? Une négociation très complexe est en cours entre l'Union européenne et la Russie sur la « Charte de l'énergie » et le Protocole sur le transit. Il faut se garder de sur-réagir avec des d'attitudes conjoncturelles par trop brusques et finalement contre-performantes puisque nous devons établir un partenariat durable entre la Russie et les États européens qui seront encore longtemps dépendants de fourniture de gaz et de pétrole. En marge de cette négociation, nous devons nous engager résolument dans des politiques propres à desserrer nos dépendances énergétiques. La France a choisi de construire des centrales nucléaires, qui lui assurent d'ores et déjà un taux d'indépendance énergétique supérieur à 50%, tout en facilitant le respect des objectifs du Protocole de Kyoto. Mais il ne faut pas se leurrer, il existe au niveau mondial une différence entre l'offre et la demande d'énergies fossiles, différence qui ne peut que s'accentuer avec le développement industriel de la Chine et de l'Inde. Aussi, l'Europe doit-elle investir massivement dans la recherche d'économies d'énergie et d'énergies alternatives : - économies d'énergie tout d'abord : les États autrefois soumis au régime soviétique ont un gisement considérable d'économies. Ils rejetaient naguère autant de gaz à effet de serre que les USA pour une efficacité énergétique près de 10 fois inférieure. La France même a émis, en 2005, 135 millions de tonnes de gaz carbonique. Or, le rapport dont nous débattons fait l'hypothèse d'un accroissement de quelque 60% de la demande d'énergies fossiles en Europe dans les 20 prochaines années. Cela est parfaitement contradictoire avec le Protocole de Kyoto auquel nous avons souscrit. Outre les économies d'énergie, qui sont à portée de main, notamment avec une meilleure isolation des bâtiments et une réduction de la consommation des véhicules, nous devons encourager résolument la recherche. Tous les grands laboratoires, y compris aux État-Unis, y sont engagés : les plus grands patrons américains viennent même de faire une déclaration pour réorienter la politique américaine en ce sens. Des innovations révolutionnaires vont transformer notre environnement, et l'environnement lui-même : matériaux et revêtements «piégeant» le rayonnement thermique ou même directement émetteurs de chaleur ou de fraîcheur, fenêtres «intelligentes» tantôt laissant passer les rayons du soleil, tantôt les réfléchissant. Saint-Gobain, également, a mis au point un vitrage revêtu d'une pellicule qui arrête le rayonnement solaire et retient la chaleur à l'intérieur du logement. Nos amis canadiens développent un dispositif géothermique : une conduite, qui passe à un mètre sous terre où la température constante est de 12 à 15 degrés, réchauffe la maison en hiver et la rafraîchit en été. En Espagne, on bâtit des maisons dont les murs comprennent des modules photovoltaïques. De même, l'éclairage va connaître une révolution avec les fibres optiques et les diodes électroluminescentes. Enfin, le développement des biocarburants doit être encouragé, comme également la gazéification du charbon qui permet une exploitation non polluante de cette ressource abondante. En évoquant toutes ces recherches, je voulais seulement montrer qu'on ne peut rester passif non seulement devant les pressions politiques, mais surtout devant les risques de l'effet de serre. Les Français ne peuvent se contenter de ces 135 millions de tonnes de gaz carbonique annuelles. Les nouvelles technologies, combinées avec l'apport des énergies renouvelables, auront des effets extrêmement favorables sur la qualification de la recherche européenne et nous permettront de «sortir par le haut» de la crise actuelle, selon le vieux principe qui meut l'intelligence humaine depuis toujours : la contrainte stimule l'inventivité. » L'Assemblée a adopté une Résolution (n° 1531) et une Recommandation (n° 1779) enjoignant aux États du Conseil de l'Europe de créer un groupe de réflexion chargé d'élaborer une stratégie commune dans le but de garantir à long terme le respect de l'économie de marché et la sécurité des approvisionnements. Elle a également incité fortement la Fédération de Russie à signer la Charte sur l'énergie. B. L'Agriculture et l'emploi irrégulier en europe - la situation des travailleurs migrants dans les agences de travail temporaire L'Assemblée a ensuite abordé deux questions connexes, l'agriculture et l'emploi irrégulier en Europe, ainsi que la situation des travailleurs migrants dans les agences de travail temporaire. Les délégués ont souligné tout l'intérêt pour l'Assemblée d'encourager les États membres à se coordonner afin de mettre fin à certaines pratiques discriminatoires à l'égard des travailleurs migrants en matière de droit du travail, de salaire et de conditions de travail. M. Alain Cousin (Manche - UMP) s'est exprimé dans ce débat au nom de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, ainsi que MM. Rudy Salles (Alpes-Maritimes - UDF) et Francis Grignon (Bas-Rhin - UMP). M. Alain Cousin, député, a présenté les travaux de la commission des questions sociales : « La commission des questions sociales, de la santé et de la famille tient d'abord à remercier la commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales, ainsi que son rapporteur, M. John Dupraz, pour ce rapport très important qui traite d'un sujet sensible, notamment dans le contexte économique actuel. Force est de constater que l'agriculture est une source d'emplois considérable mais qui recèle des niveaux élevés de pauvreté, notamment en raison du chômage saisonnier et de la médiocrité des rémunérations. Toutefois, compte tenu du caractère saisonnier des emplois dans les petites exploitations agricoles, un grand nombre de travailleurs ruraux vit dans des conditions rudimentaires, avec une absence totale de protection sociale. Conditions de travail souvent pénibles, travaux la plupart du temps physiquement difficiles et horaires souvent extrêmement chargés avec des temps de repos hélas trop réduits au cours de la journée : toutes ces conditions entraînent un recours à une main-d'œuvre étrangère et clandestine qui se retrouve dans des situations de vulnérabilité et d'exploitation, ce qui est contraire aux principes défendus par notre Assemblée. La commission des Questions sociales, de la santé et de la famille ne peut que condamner les conditions plus que précaires dans lesquelles se retrouvent les travailleurs agricoles, qui s'apparentent le plus souvent aux conditions de l'esclavage moderne. Elle ne peut donc que soutenir les propositions visant à mettre fin à ces disparités en instituant un cadre juridique contraignant, assorti de sanctions adéquates, et rappelle l'importance pour les États de signer ou ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. Dans ce contexte, elle rappelle que, conformément aux principes énoncés dans la Charte sociale européenne révisée, tous les travailleurs ont droit à des conditions de travail équitables et ont droit à la dignité dans le travail. Cette référence à la Charte sociale européenne révisée, mais aussi à la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, nous apparaît donc indispensable. C'est pourquoi je proposerai, au nom de notre commission des Questions sociales, de la santé et de la famille, deux amendements en ce sens. Bien entendu, nous adhérons à l'ensemble de la proposition faite par notre rapporteur. » M. Rudy Salles, député, a souhaité que l'on s'attaque aux problèmes comme la pauvreté qui sont à la source du travail irrégulier : « Monsieur le Président, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord féliciter, au nom du groupe ADLE nos deux rapporteurs qui ont fait un excellent travail sur un sujet aussi difficile que l'Agriculture et l'emploi irrégulier en Europe et sur la situation des travailleurs, migrants dans les agences de travail temporaire. En effet, ces secteurs ne nécessitant pas une main d'œuvre qualifiée et devant faire face à des demandes saisonnières très importantes, attirent des travailleurs migrants en situation irrégulière en nombre important. Je veux insister sur l'ensemble des conséquences d'une telle situation : des entreprises peu scrupuleuses qui utilisent cette main d'œuvre à bas prix, les conditions précaires de vie de ces travailleurs, qui confinent parfois à une sorte d'esclavage. Il n'est pas rare de voir certains de ces travailleurs vivre dans des containers, ne disposer d'aucune installation sanitaire digne de ce nom. Ils perçoivent des sommes dérisoires sans aucune protection sociale bien entendu. Notre Assemblée doit condamner ces pratiques avec la plus grande fermeté, ce que nous faisons d'ailleurs régulièrement ici. C'est pourquoi nous ne pouvons qu'appuyer la recommandation faite au Comité des Ministres invitant les États membres à prendre toutes les mesures qui conviennent pour empêcher ces graves infractions au droit du travail et à permettre le retour de ces migrants dans leur pays avec des accords de coopération permettant à ces travailleurs de pouvoir trouver une qualification. Au-delà de cet aspect, je voudrais dire combien le sujet me paraît grave et surtout susceptible d'une aggravation exponentielle dans l'avenir. En effet, la situation de l'Afrique est catastrophique. De nombreux peuples souffrent de maladie, de famine, de guerres, de dictatures. Depuis près de 50 ans, les États européens participent à des programmes de développement vis-à-vis des pays africains, mais force est de constater que la situation empire notamment avec l'augmentation de la population et le développement de terribles pandémies. Aujourd'hui nous devons lancer un cri d'alarme pour qu'une mobilisation générale soit engagée à l'égard de l'Afrique depuis les États membres du Conseil de l'Europe. Continuer les actions du passé sans leur donner une dimension supérieure de très grande envergure serait criminel. D'autre part, les questions touchant à l'immigration et notamment à l'immigration irrégulière occupent souvent le premier rang de l'actualité dans nos pays respectifs. Devant l'impuissance des États à régler les problèmes liés à l'immigration clandestine, des mouvements extrêmes se sont développés dans les opinions publiques jusqu'à menacer le bon fonctionnement des démocraties. Ainsi, l'absence de prise en compte de problèmes aussi lourds et surtout le manque de solutions durables ont-ils des prolongements multiformes qui affectent aussi bien les pays d'origine que les pays d'accueil. Nous devons donc soutenir les rapports proposés par nos collègues qui sont un pas en avant dans la bonne direction. Mais il faudra aller plus loin, beaucoup plus loin. En effet, nos pays ont trop longtemps traité les conséquences du problème, il faut désormais s'attaquer aux causes. L'immigration clandestine et son corollaire le travail illégal ne sont en effet que les conséquences de la pauvreté et des maux dont souffrent certains pays. Et si l'on arrive à éradiquer la grande misère du continent africain en permettant aux peuples de ce continent de vivre chez eux dans de bonnes conditions, alors on aura progressé et les questions qui figurent dans le rapport ne seront plus aussi préoccupantes qu'elles le sont aujourd'hui. Cet effort de solidarité est majeur si l'on veut maintenir l'équilibre du monde. C'est pourquoi le groupe ADLE votera bien entendu cette recommandation. » M. Francis Grignon, sénateur, a appelé à la mise en place de règles sociales acceptées et appliquées par tous : « Monsieur le Président, mes chers collègues, je me réjouis que notre assemblée, dans un contexte de mondialisation galopante, se soit saisie d'un problème qui touche de très près nos concitoyens, puisqu'il s'agit du partage du travail et des emplois en Europe et de la protection des travailleurs de tous les pays. Je remercie donc les rapporteurs d'avoir traité ces problèmes liés au détachement des travailleurs, aussi bien en agriculture que dans le cadre du travail temporaire. Nous avons encore le souvenir de l'émotion provoquée par les interprétations de la directive sur les services. Les détracteurs de l'Europe en avaient fait l'instrument de la généralisation d'une concurrence déloyale susceptible de ruiner le modèle social européen. Je sais malheureusement ce qu'il en a coûté en France lors du référendum sur le traité constitutionnel. Le sujet dont traite le rapporteur ne concerne pas directement les services, mais on n'en est pas loin, car il s'agit d'emplois souvent vacants dans les pays économiquement les plus développés, essentiellement dans le bâtiment et l'agriculture, voire certains emplois à caractère social ou d'aide à la personne. Je crois, avec notre rapporteur, qu'il convient de prévoir des normes pour les travailleurs détachés en particulier lorsqu'il est sous contrat avec une agence de travail temporaire et je crois que ces normes doivent être contrôlées. Je pense donc qu'il faut renforcer les maillons faibles du cadre juridique actuel. J'ai à faire sept propositions pratiques dans ce sens, une pour chaque jour de la semaine. Premièrement, et c'est, me semble-t-il, la plus importante, il faut valider au niveau européen la déclaration préalable de détachement, et sans franchise. C'est le préalable à tout contrôle effectif dès la prise de fonction. Deuxièmement, les conditions de travail doivent être contrôlées, en particulier les dispositions régissant le salaire minimum dans le pays d'accueil, car il arrive souvent que ce salaire minimum comprenne les frais de déplacement et d'autres dépenses qui n'ont rien à voir et qui pénalisent le travailleur. Troisièmement, il serait intéressant qu'une personne de contact de l'entreprise du pays d'origine soit présente dans le pays d'accueil, dûment mandatée pour effectuer tous les actes obligatoires. Quatrièmement, dans certains pays, le recours abusif au statut de travailleur indépendant devrait être réprimé et les emplois devraient être requalifiés afin de les rendre conformes à la Directive 1996/71 sur le détachement. Cinquièmement, les moyens modernes de communication devraient mettre en réseau les organismes européens de sécurité sociale, en particulier avec les pays d'origine pour éviter la fraude notamment dans ces pays. Sixièmement, des contrôles inopinés devraient être menés non seulement la semaine mais aussi le dimanche et les jours fériés et hors des heures de travail habituelles, afin d'éviter le travail au noir et l'exploitation des travailleurs. Septièmement, il faudrait améliorer la transparence des sous-traitances d'entreprises et la publicité des contrats avec les maîtres d'ouvrage dans les pays d'accueil. En conclusion, si nous voulons construire une Europe efficace et solidaire, il nous faut approfondir, d'un commun accord, des règles sociales à côté de nos règles économiques, qu'il faut ensuite faire respecter. C'est à cette condition que les pays les plus développés accepteront de travailler en toute sérénité avec les pays les moins développés et que les travailleurs seront partout respectés et bien traités. Je voterai donc sans réserve les projets contenus dans ces rapports. » A l'issue du débat, l'Assemblée a adopté deux Recommandations (n° 1781 et 1782) et une Résolution (n° 1534). L'Assemblée a débattu d'un rapport en faveur d'une consommation alimentaire responsable. Les délégués ont souscrit aux propositions du rapporteur qui a insisté sur la nécessité pour nos économies de repenser les modes de production du secteur agricole pour les rendre plus propres à l'égard de l'environnement. Il a été recommandé aux États de veiller à la sécurité sanitaire des produits alimentaires, et d'encourager le commerce équitable et l'économie solidaire. Afin de préserver l'avenir, les délégués se sont montrés très attachés au respect d'une plus grande éthique de la part de tous. M. Gilbert Meyer, député, a réclamé une intensification de l'action du Conseil de l'Europe : « Monsieur le Président, chers collègues, quelle évolution depuis vingt ans ! A l'époque, on commençait à peine à parler de développement durable. Ce terme évoquait surtout la défense de l'environnement. On pouvait éventuellement l'aborder lors de discours sur le dialogue Nord-Sud, mais il n'était pas question de consommation responsable. Il est vrai que, aujourd'hui, cette expression apparaît encore nouvelle. De quoi s'agit-il ? Essentiellement de l'apparition de nouveaux comportements, de nouvelles formes de consommation, mais aussi de la prise de conscience qu'il faut tenir compte de nouvelles préoccupations : la lutte contre le travail des enfants, la recherche de relations plus équitables entre pays riches et pays pauvres, raisons qui sont aussi importantes que la défense de l'environnement ou que la protection de la santé des consommateurs. La démarche est innovante. Elle consiste à s'intéresser à des expériences parfois médiatisées, mais le plus souvent encore méconnues. Il en est ainsi des projets de banques éthiques ou des bilans éthiques, à promouvoir par les entreprises, dans le futur. Le rapport de notre collègue Renzo Gubert permet de cerner ces changements. Ils se traduiront dans les comportements et les décisions publiques, dans les vingt ans qui viennent. Les chiffres qu'il cite sont en effet éloquents : au Japon, 25 % de la population pratique déjà ce mode de consommation ; au Canada, 12,5 %. En France, par contre, les chiffres ne sont pas aussi élevés. Pourtant, les mentalités commencent à changer. Le consommateur ne se laisse plus uniquement guider par la publicité ou par le prix, voire par la recherche du meilleur rapport qualité-prix. Il commence à s'interroger sur la manière dont ont été fabriqués les produits qu'il achète. Les entreprises deviennent sensibles à cette démarche nouvelle, même si elles n'évoluent que lentement. De nouveaux termes apparaissent. Certains n'hésitent plus à parler de consom'acteurs plutôt que de consommateurs. Apparaît ainsi un changement de comportements : le consommateur se rappelle qu'il est aussi citoyen, et que son attitude peut avoir des conséquences sur l'organisation même de la société. La mise en place de réseaux entre producteurs et consommateurs du Nord et du Sud prendra du temps. L'élaboration de nouveaux labels permettant de différencier les produits répondant aux critères de la consommation responsable, sera probablement plus rapide. De nouveaux types d'actions sont déjà apparus. Je pense notamment aux salons de la consommation responsable, aux groupes de consommateurs solidaires ou à la mise en place de filières de distribution courtes. Cependant, ces initiatives ne pourront prendre de l'ampleur que si les pouvoirs publics les accompagnent. Il faudra en effet intégrer ces nouvelles préoccupations dans les législations sur la consommation qui restent largement nationales. Les États peuvent émettre des normes, favoriser certains modes de distribution, interdire certaines pratiques. Ils peuvent aussi amener les entreprises à modifier leurs habitudes, par le biais d'incitations ou d'aides financières ou fiscales, même si ces aides doivent être temporaires et ciblées. Ils peuvent aussi promouvoir certains projets de développement durable, dans le cadre de leur politique de coopération avec les pays en développement. Dans certains pays, les régions pourront être amenées à jouer un rôle semblable. Cette action sera d'autant plus efficace qu'elle sera relayée au niveau international, où la Banque mondiale devrait, dans ses programmes, favoriser une telle évolution. Même l'Organisation mondiale du commerce sera obligée d'en tenir compte, à court terme. Le Conseil de l'Europe est l'un des acteurs qui peut faire avancer la problématique de la consommation responsable. Son intérêt pour le développement durable est déjà ancien, tout comme ses réflexions sur l'avenir de l'agriculture, sur la nécessité d'aménager le territoire, sur l'approfondissement du dialogue Nord-Sud, ou sur la lutte contre la précarité. Son souci de promouvoir de nouveaux types de consommation et de nouvelles relations sociales est prémonitoire. Ce souci n'est pas théorique. Le Conseil de l'Europe a en effet mis en place récemment une plate forme européenne de dialogue sur les initiatives éthiques et solidaires. L'objectif est de permettre un dialogue entre les autorités publiques et les organisations citoyennes engagées dans ce domaine. Je tiens à souligner l'intérêt des réflexions qui en découlent. Elles débouchent sur un plan d'action qui concerne tout d'abord les enfants qui seront sensibilisés aux thèmes de la consommation responsable et de l'épargne solidaire. Cela est essentiel, car c'est au travers de l'école que les mentalités évolueront. Là, les objectifs poursuivis sont ambitieux. Ils visent l'engagement citoyen contre la pauvreté et l'exclusion sociale. C'est pourquoi je me félicite de cette initiative de notre Assemblée qui est de nature à faire évoluer les comportements et à provoquer une prise de conscience particulièrement salutaire. » A l'issue du débat, l'Assemblée a adopté une Recommandation (n° 1786) reprenant les principales propositions du rapporteur. La session s'est achevée par l'étude d'un rapport traitant du principe de précaution et de la gestion responsable des risques. Si l'incertitude ne justifie pas l'inaction, elle se doit d'être raisonnée et inspirée par l'éthique. Sans nuire à la liberté d'innovation des chercheurs, les délégués ont appelé à une grande transparence et une large information du public sur les avancées scientifiques, à une évaluation des risques et à l'interdisciplinarité dans la recherche. M. André Schneider, député, a plaidé en faveur d'un principe de précaution « raisonnable » tel que celui défini par la Charte française de l'environnement : « Monsieur le Président, mes chers collègues, concept relativement nouveau dans notre histoire juridique, le principe de précaution s'est affirmé en même temps que la notion de développement durable s'imposait dans nos ordres juridiques nationaux et internationaux. Durant les années 90, il a été l'expression d'une volonté collective internationale d'aller de l'avant afin d'éviter des évolutions dangereuses pour l'environnement. L'inclusion dans le Traité de Maastricht et les avancées réalisées par le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, en 1992, en témoignent. Les textes issus de ce sommet ont affirmé l'idée selon laquelle il ne faut pas attendre le stade des certitudes scientifiques pour commencer à prévenir des risques menaçant l'environnement planétaire. Les efforts pour contenir les gaz à effet de serre ou atténuer le rythme d'érosion de la biodiversité trouvent là leur origine. Pourtant, ce principe, peu discuté au début, s'est trouvé rapidement contesté. Pourquoi ? Pour prendre le cas de la France, on peut dire que les problèmes ont commencé lorsqu'il s'est trouvé mobilisé pour des questions de santé publique et de sécurité alimentaire, qui plus est, en contexte de crise. Il a fait alors l'objet de tentatives d'instrumentalisation. D'un côté, des associations militantes engagées dans la protection de la nature et des associations de victimes ont voulu en faire une sorte de droit au risque zéro, pour bloquer des innovations qui leur déplaisaient ou faire reconnaître leur état de victimes et la faute des responsables supposés. A l'inverse, se sont développés dans les milieux scientifiques et industriels des groupes de pression brandissant l'autorité de la science pour donner à croire que ce principe serait antagoniste du progrès des connaissances et de l'innovation technologique. Le résultat de ces débats, d'ailleurs non dénués d'arrière-pensées économiques ou politiques, a été d'aboutir à une confusion entre deux notions qui doivent être bien distinguées : d'une part, ce que l'on pourrait appeler le principe de précaution "raisonnable", tel qu'il a été défini en France dès 1995, notamment dans la loi dite «loi Barnier», et, d'autre part, une interprétation maximaliste de ce principe qui voudrait qu'une activité, un produit ou une technique ne puissent être autorisés que lorsque la preuve scientifique préalable de leur innocuité à long terme a été apportée. Cette dernière interprétation, dépourvue d'ailleurs de base juridique sérieuse, est, comme le souligne à juste titre le rapport de notre collègue M. Randegger, irrecevable, mais elle a malheureusement contribué à brouiller le débat, étant utilisée comme un épouvantail par tous ceux qui refusent les conséquences de l'application du principe de précaution. La France s'est positionnée clairement dans ce débat en adoptant, en 2005, un texte à valeur constitutionnelle, la Charte de l'environnement qui, dans son article 5, définit ainsi le principe de précaution : «Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attribution, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage». Comme on peut le constater, cette définition, dont tous les termes ont été soigneusement pesés afin d'éviter toute interprétation abusive, s'éloignent des premières définitions données, notamment celles qui ont fait suite au Sommet de Rio. J'ai la faiblesse de penser qu'elle pourrait constituer un point de rencontre pour les extrémistes de tous bords qui s'affrontent sur ce sujet, au risque de mettre en danger un principe novateur, adapté à l'évolution de notre monde. De fait, le principe de précaution est un instrument précieux qu'il serait dommage d'affaiblir, soit en le caricaturant, soit en le défendant avec un zèle excessif. En ce domaine, nous avons à trouver une voie médiane, raisonnable et acceptable par tous. Il faut être conscient du fait que ce principe est, notamment en France, pris en compte par notre ordre juridique. Le Conseil constitutionnel s'y est ainsi référé en 2005. Le Conseil d'État et la Cour de cassation sont en train d'en apprécier les conséquences. Nous devons donc être prudents, écouter et comprendre les arguments des uns et des autres avant toute décision. Le rapport de notre collègue M. Randegger représente une contribution utile au débat qui doit avoir lieu et, dans cette mesure, je le soutiens. Je conclurai mon intervention en soulignant un danger bien réel : à force de vouloir être réaliste, il ne faut pas aboutir à ne pas multiplier les précautions à la mise en œuvre du principe de précaution. Faute de quoi, il perdra toute utilité. Mes chers collègues, le mieux est trop souvent l'ennemi du bien. Nous devons avoir cette règle simple en tête lorsque nous délibérons sur des sujets de cette nature dont les implications économico-scientifiques sont énormes. » À l'issue du débat, l'Assemblée a adopté une Recommandation (n° 1787). E. La poursuite du débat budgétaire Le débat budgétaire a connu de nouveaux développements au cours de cette session. Après de longs débats, au cours desquels la délégation française n'a pas ménagé ses efforts pour obtenir une augmentation de la contribution française à ce budget, un accord a pu être trouvé au sein du Comité des ministres en décembre. La position de la France qui a accepté une augmentation de sa contribution, comme de nombreux membres de la délégation l'avaient réclamé au cours du débat budgétaire national, a largement contribué à débloquer la situation. Au final l'appel net à contribution pour la France en 2007 est de 38 957 096 € soit une augmentation de 937 972 € (+ 2,47 %). Se réjouissant de ce résultat positif, M. Bernard Schreiner l'a évoqué lors de la communication du Secrétaire général du Conseil de l'Europe tout en demandant dans quels secteurs les économies à prévoir porteraient et souhaitant que les crédits affectés aux traductions soient préservés : « Monsieur le Secrétaire Général, ainsi que vous l'avez dit, nous sortons d'un débat budgétaire difficile. Au final et grâce à la position positive du Gouvernement français, le pire a pu être évité. Toutefois, les crédits dont disposera notre Organisation en 2007 seront inférieurs à votre demande. Des économies devront donc être réalisées. Pouvez-vous nous indiquer plus précisément quelles seront ces économies ? Je tiens à vous indiquer que la délégation française sera très attentive à ce que les crédits affectés aux traductions soient préservés; elle souhaite notamment recevoir des assurances en ce qui concerne la langue française. Nous serions déçus si l'organisation ne respectait pas la Convention de l'Unesco sur la préservation de la diversité culturelle. » Dans sa réponse M. Terry DAVIS, Secrétaire général du Conseil de l'Europe, a souligné que cette mesure n'aurait aucune incidence sur la politique linguistique du Conseil. Il s'agit simplement, dans la situation budgétaire actuelle, d'explorer les possibilités de réduire les dépenses pour la traduction vers le français et vers l'anglais. Il faut saluer les efforts de la délégation française pour emporter le soutien de l'Assemblée et du Sénat. Si la contribution française est inférieure de 100 000 euros à celle de l'année dernière, c'est tout simplement parce qu'il a été tenu compte de la prévision d'inflation de 2,2 % pour la zone euro. Cette dernière remarque concernant une baisse de la contribution française a suscité une vive réaction de la délégation française et M. Bernard Schreiner a écrit à M. Terry Davis pour s'inscrire en faux contre son affirmation. Le texte de cette lettre figure dans les annexes de ce rapport. Sans entrer dans les détails, il convient toutefois de souligner que pour affirmer que la contribution française avait diminué, le Secrétaire général du Conseil de l'Europe a utilisé une méthode de calcul, qu'il a exposée à M. Bernard Schreiner lors d'une rencontre et que l'on pourrait qualifier, par euphémisme, de particulièrement novatrice et complètement étrangère aux techniques budgétaires en cours dans notre pays. Ne souhaitant pas s'éterniser sur une querelle de chiffres et préférant préparer l'avenir, M. Bernard Schreiner est intervenu lors de la Communication du Comité des ministres pour réclamer une réforme des procédures budgétaires : « Considérant que les négociations au sein du Comité des ministres pour établir le budget 2007 du Conseil de l'Europe ont été longues et difficiles, comme en témoigne l'impossibilité d'arriver à une décision par consensus ; Considérant que ces négociations montrent l'urgence d'une réforme profonde de notre procédure budgétaire ; Considérant que notre Assemblée a fait sur ce point de nombreuses propositions: établissement de budgets pluriannuels, distinction entre le budget de la Cour européenne des Droits de l'Homme et celui des autres institutions du Conseil de l'Europe, augmentation des pouvoirs budgétaires de l'Assemblée parlementaire ; Considérant que l'adoption de ces propositions permettrait de sortir du psychodrame budgétaire annuel qui a atteint une sorte de paroxysme en 2006 ; Demande au Président du Comité des Ministres, Si le Comité des Ministres compte mettre à l'étude sérieusement ces propositions de réforme de la procédure budgétaire dont l'adoption paraît très urgente. » En réponse M. Fiorenzo STOLFI, Ministre des Affaires étrangères de Saint-Marin, Président du Comité des Ministres, a apporté les précisions suivantes : « Je tiens à rassurer l'honorable parlementaire. Le Comité des Ministres prend très au sérieux la question de la réforme, question qui constitue un volet important du plan d'action adopté lors du Troisième Sommet à Varsovie. Je me félicite de la volonté de l'Assemblée de contribuer à cet effort. Dans ce contexte, je peux également vous assurer que les Délégués des Ministres sont en train d'examiner, avec la plus grande attention, deux recommandations de l'Assemblée; l'une, la Recommandation 1728, sur les pouvoirs de l'Assemblée en matière budgétaire et l'autre, la Recommandation 1763, sur l'équilibre institutionnel au Conseil de l'Europe. Et, par l'intermédiaire de leur groupe de travail sur les réformes institutionnelles, un échange de vues approfondi a eu lieu mardi dernier avec le rapporteur de l'Assemblée, M. Schieder. Les travaux vont se poursuivre dans les prochaines semaines et j'espère que le Comité des Ministres adoptera une réponse que nous pourrons vous transmettre dans les meilleurs délais. » M. Bernard Schreiner a alors repris la parole pour une question supplémentaire : « Je vous remercie de votre réponse. Cependant, lundi après-midi, M. Davis, notre Secrétaire Général, nous a parlé de questions budgétaires et, tout en remerciant la délégation française pour ce qu'elle avait entrepris afin de permettre l'adoption d'un budget tenable, a souligné que la contribution de mon pays était en baisse de 100 000 euros par rapport à 2006. Je tiens à indiquer à l'Assemblée et à vous-même, Monsieur le Président, que cette affirmation est fausse : la contribution française pour 2007 marque une hausse de près de 940 000 euros, comme l'attestent les documents du Conseil de l'Europe. Alors, Monsieur le Président, comment comptez-vous impliquer davantage notre Assemblée dans les procédures budgétaires dans le cadre de réformes absolument indispensables ? En réponse, M. Fiorenzo Stolfi a déclaré prendre acte des précisions apportées par M. Schreiner. Sur le fond, le Comité des ministres est prêt à examiner de manière constructive toute proposition tendant à améliorer l'efficacité et la transparence de l'Organisation que pourraient lui transmettre les membres de l'Assemblée. IV. SUJETS INTERNATIONAUX ET SUIVI DES OBLIGATIONS DES PAYS MEMBRES L'Assemblée a entendu Lord Russell-Johnston (Royaume-Uni), rapporteur de la commission Politique, présenter un rapport sur la situation du Kosovo. Le rapporteur a proposé une indépendance conditionnée de cette région, solution pourtant rejetée par la commission Politique de l'Assemblée parlementaire, qui lui a préféré une solution négociée avec la Serbie, qui offrirait une forme d'autonomie au moyen d'une décentralisation très poussée. Les délégués se sont montrés très partagés sur les recommandations du rapport. Ils s'en sont remis unanimement au négociateur, présent dans l'hémicycle, M. Martti Ahtisaari, envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies pour le processus de détermination du statut futur du Kosovo. Ils ont insisté sur la nécessité de parvenir à une solution négociée, gage de succès à long terme. Nombreux sont ceux qui ont émis les plus grandes réserves vis-à-vis d'une indépendance, précédent d'auto-détermination, nuisible, à leurs yeux, à la stabilité future du monde et contraire au droit international. M. François Loncle (Eure - Soc), Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées), MM. Jean-Marie Geveaux (Sarthe - UMP), Jean-Yves Hugon (Indre - UMP) et Gilbert Meyer (Haut-Rhin - UMP) se sont exprimés dans ce débat. M. François Loncle, député, a plaidé pour que soit assuré la primauté du politique sur la gestion administrative : « Monsieur le Président, mes chers collègues, nous sommes l'Assemblée parlementaire des droits de l'homme, de la démocratie, de l'État de droit, de la stabilité et de la paix. Mais, même si la question de la souveraineté peut être considérée comme un droit fondamental, je ne pense pas que nous ayons vocation à ajouter ou à retrancher un pays, un État, à la liste des membres de l'organisation des Nations Unies, ni à tracer de nouvelles frontières. Toutes les opinions sur le statut futur du Kosovo sont respectables. Mais ce n'est pas au Conseil de l'Europe de l'imposer. C'est pourquoi je limiterai mon intervention à quelques constats et propositions. Je suis de ceux qui estiment que l'approche internationale de la question du Kosovo est trop communautariste et insuffisamment républicaine. Soucieuse de rétablir la coexistence pacifique des minorités serbe, turque, croate, et autres avec la majorité albanophone, la communauté internationale s'épuise en artifices institutionnels pour organiser des formes de représentation, d'autogouvernance ou de droit de veto. Sur un espace relativement étroit et peuplé de moins de deux millions d'habitants, parler de «décentralisation» et donner des pouvoirs importants à des municipalités, découpées dans le seul but d'assurer des majorités ethniques, est une aberration. On risque d'organiser la "libanisation" du territoire et l'on pose des ferments de désagrégation d'un État qu'on dit s'efforcer par ailleurs de construire. Mieux vaudrait construire cet État selon des principes républicains et de respect des droits de l'homme, quelle que soit l'ethnie d'appartenance ou la religion pratiquée. Deuxième remarque : cessons d'avoir à l'égard du Kosovo des propos trop complaisants, alors que les perspectives de l'économie locale sont plus que modestes. On laisse croire que le Kosovo est assis sur des richesses inexploitées et qu'il suffirait d'un statut reconnu pour que les investisseurs internationaux se précipitent sur les privatisations et les concessions d'exploitation du sous-sol. Mais l'on sait bien que le marché local n'est pas solvable et que, pour exporter, il faut des réseaux de forte capacité interconnectés avec les voisins. Troisième remarque : la principale ressource du Kosovo est sans doute sa jeunesse. Elle offre tous les signes de la modernité et de l'envie d'entreprendre. Mais les opportunités sont rares, sauf sur les marchés de services aux internationaux. Quant aux formations universitaires qui sont offertes, elles sont réputées médiocres. Il est étonnant que la communauté internationale n'ait pas donné davantage la priorité à la formation et à la coopération universitaire. Et le plus inquiétant à terme est que cette jeunesse n'a pas, comme autrefois ses parents, la possibilité d'émigrer car l'obtention de visas est difficile, voire impossible, sous administration des Nations Unies et vers l'Espace Schengen. L'Europe laisse ainsi se constituer à ses portes une sorte de ghetto sans réelles perspectives. Pour sortir des difficultés, quel que soit le futur statut, il convient d'assurer la primauté du politique sur la gestion administrative. Les dérives actuelles tiennent notamment à cette forme de gouvernance de nature administrative, sans réel contrôle politique, ni des élus du Kosovo, ni des instances internationales. Il est souhaitable que l'organisation civile internationale qui doit être mise en place pour succéder à la Minuk, non seulement respecte la pleine responsabilité de l'Assemblée du Kosovo, mais également rapporte à une autorité politique internationale clairement identifiée. Encore une fois, s'agissant du futur statut, c'est à la communauté internationale de prendre ses responsabilités. On connaît la vocation européenne de cette région. On sait aussi le rôle des États-Unis dans l'histoire récente. Veillons pour notre part à ce que la construction du futur Kosovo se déroule sous le signe de la démocratie, des droits de l'homme, et j'ajouterai, du respect des Nations unies. » Mme Josette Durrieu, sénatrice, a insisté sur la complexité du dossier encore accrue par les élections en Serbie : « Le débat que nous vivons ici est révélateur de la difficulté de l'exercice. D'un côté, nous entendons vos propos, Monsieur l'envoyé spécial de l'Onu, et nous vous en remercions. Il a été dit de vous que vous étiez homme habile et homme de solutions. Mais vous ne nous avez strictement rien dit aujourd'hui ! Nous espérons simplement que la confidentialité de vos propos est la garantie de solutions que nous attendons, notamment de vous. D'un autre côté, nous avons un rapporteur que nous remercions aussi, qui est un homme éminemment courageux et qui, dans l'article 4 de son projet utilise le mot «imprononçable» d'indépendance. Nous, nous nous situons entre ces deux positions, tenant des propos extrêmement prudents, disons politiques. Et quand la politique reprend ses droits, elle nous conduit à formuler un certain nombre d'observations. Voici les miennes. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de votre rapport : il fallait vraiment que nous parlions du Kosovo ! Mais je dois dire qu'il tombe bien mal ce travail aujourd'hui, entre des propositions pour un accord qui doit intervenir le 2 février et des élections qui ne sont peut-être pas au terme de leur déroulement, car la situation, il faut bien le reconnaître, n'est pas tout à fait claire et pas encore achevée ! En tout cas, la solution en terme de statut final s'apparentera pour le Kosovo à une forme d'indépendance, en posant sans doute de nombreuses limites et réserves. Cela signifie qu'au-delà des principes posés, il y aura celui de l'intégrité, de la souveraineté d'un État qui se posera; aussi de la complexité et de la cohérence. Il semble malgré tout que nous ayons fait une guerre pour éviter un État ethnique et une opération ethnique : or à un certain moment, nous légitimerons et sanctuariserons des situations qui ressemblent pourtant à cela ! Dans ce contexte extrêmement difficile, que prouvent ces élections ? Que la Serbie, qui a beaucoup souffert, qui a vécu non pas une guerre mais deux, voit s'éloigner des portions entières de son territoire: la Republika Srpska, le Monténégro, et peut-être le Kosovo. La Serbie a subi et suivi un certain nombre de leaders - Milosevic, Maldic et d'autres. Aujourd'hui, les nationalistes sont largement en tête. Ils représentent presque 30 %. Mais Ko_tunica, qui constitue le noyau d'une coalition, est plus pronationaliste que proeuropéen et il représente quand même la formation essentielle de cette coalition sur la base de laquelle se mettrait éventuellement en place un gouvernement d'ici 90 jours. Ko_tunica est aussi celui qui a voulu une constitution dans laquelle on réaffirmait l'appartenance du Kosovo à la Serbie. Le mot «indépendance», quand il sera parti, le mettra en difficulté. S'il devait approuver un certain nombre d'orientations allant dans ce sens, choisira-t-il de rester dans la coalition ou de retrouver le camp des radicaux nationalistes ? Tout cela n'est pas fini. Nous allons influer aussi sur l'évolution politique interne de la situation en Serbie. Tout cela est donc très compliqué. Nous sommes garants, responsables de cet équilibre, de cette stabilité dont vous avez parlé, de tous ces conflits «gelés» à propos desquels on n'arrête pas de dire, en anticipant de façon hardie, qu'ils seront réglés quand le Kosovo...Vous voyez?... Notre responsabilité est grande. Nous le sentons, nous le savons. Bon courage à vous, Monsieur Ahtisaari. » M. Jean-Marie Geveaux, député, a souligné l'importance du développement économique pour l'avenir de la région : « Chacun l'aura bien compris, le sujet que nous abordons ce matin est très délicat. Le fait que M. Ahtisaari qui travaille sur ce sujet depuis maintenant plusieurs mois soit toujours dans l'attente d'une solution, tend à prouver la complexité de la question. Pour sa part, le rapporteur, qui connaît bien la région, a fourni un travail considérable. Le Kosovo, province à majorité albanaise à 90%, aspire à son indépendance. Les derniers résultats du référendum du Monténégro donnent des raisons d'espérer aux partisans d'une partition avec la République serbe. Cependant, la formule utilisée par la Serbie «plus que l'autonomie, moins que l'indépendance» reflète bien l'ambiguïté de la situation et la difficulté de trouver un compromis. L'incertitude quant au sort de cette province pèse sur la stabilité politique et l'équilibre géopolitique. Les Kosovars albanais et les Serbes doivent bien sûr pouvoir vivre ensemble. Cela doit se traduire dans les faits par une liberté de circulation effective pour tous, un règlement du sort des personnes disparues, un libre accès aux lieux de culte et la garantie de la protection du patrimoine culturel. Néanmoins, aucun statut ne sera durable si le défi de la restructure économique n'est pas relevé, et ce comme l'a rappelé notre rapporteur. Le taux de chômage est l'un des plus importants et des plus élevés de la région. Les perspectives de développement économique restent limitées dans l'immédiat. Le secteur industriel, qui a souffert des années de guerre, ne redémarre pas. Les investissements étrangers sont pratiquement inexistants. Enfin, les trafics et l'économie parallèle prospèrent. La France, pour sa part, s'est engagée que ce soit sur le plan militaire, par sa participation à la KFOR, ou sur le plan diplomatique. Partie prenant du groupe de contact qui travaille à l'élaboration d'un statut final, elle soutient l'idée d'une solution négociée dans laquelle le droit des minorités soit respecté, le patrimoine culturel et religieux protégé. Par ailleurs, elle défend le maintien d'une présence internationale afin de favoriser une transition pacifique. Cependant, le statut et le sort final de cette province dépendent avant tout des Kosovars eux-mêmes. Ne nous leurrons pas, aucune solution ne sera viable à long terme, tant que le respect mutuel entre minorités ne sera pas effectif et les rancœurs ne se seront pas apaisées. M. le rapporteur a souligné que le Conseil de l'Europe n'était pas assez visible au Kosovo, je ne peux, à mon tour, que le déplorer car notre assemblée possède un savoir faire sur ce sujet, que ce soit dans la défense du droit des minorités que dans le respect de l'État de droit. J'espère cependant que ce débat apportera un éclairage suffisant mais, moi aussi, je déplore ce télescopage avec la situation récente, avec des élections en Serbie qui se sont déroulées sans doute de manière satisfaisante mais qui n'ont, pour l'instant, rien apporté puisque la composition du gouvernement n'est pas encore élaborée. Il aurait été sage de retarder ce débat afin de disposer de plus de recul pour pouvoir se prononcer. A juste titre d'ailleurs, M. Ahtisaari n'a pas apporté de précisions, ni dit ce qu'il pensait des propositions concrètes du rapporteur. J'attends un peu plus de ce débat avant de pouvoir me prononcer. » M. Jean-Yves Hugon, député, a mis en évidence la nécessité du maintien de l'aide internationale tant civile que militaire : « Monsieur le Président, mes chers collègues, depuis plus d'un an, M. Ahtisaari tente de trouver une solution au règlement de la question du statut du Kosovo. Les négociations de ces derniers mois sont soldées par un constat d'échec, les deux parties campant sur leurs positions difficilement négociables. Le Kosovo, province de la République de Serbie, cristallise les passions. Bien que les Serbes y soient minoritaires, cette province est le berceau de leur histoire et concentre les hauts lieux de la religion orthodoxe serbe. C'est pourquoi, ils proclament leur attachement indéfectible à cette province. La nouvelle Constitution serbe, approuvée par référendum, a inscrit le Kosovo comme partie intégrante de la Serbie. Quant aux Kosovars, ils aspirent à une indépendance qui leur semble légitime face à l'éclatement des Balkans et à l'apparition de nouveaux États. La sécession du Monténégro d'avec la Serbie fait figure d'exemple. Quelle que soit la solution retenue, aucun statut ne sera viable à long terme s'il ne résulte pas d'un compromis accepté par les deux parties, le risque étant grand d'un nouvel embrasement de cette région. La France, qui suit ce dossier de près par le biais du groupe de contact, prône une solution négociée et durable. Un autre défi attend le Kosovo, c'est sa viabilité économique. Avec un taux de chômage avoisinant les 45 %, le Kosovo fait partie des régions les plus pauvres des Balkans. L'unique centrale électrique peine à fournir en électricité les particuliers mais surtout les rares entreprises. L'appareil de production est vétuste, le déficit public très important, alimenté par une fonction publique pléthorique. Il n'est donc pas étonnant que la criminalité organisée et les réseaux de trafics d'êtres humains prospèrent. Quant à la viabilité politique du Kosovo, elle doit se renforcer. La multiplication et la division des partis accentue le phénomène du clientélisme et favorise une corruption galopante. Il importe qu'une réforme de la fonction publique soit mise en œuvre et que soit formé un personnel qualifié. La représentation des minorités dans les structures politiques et administratives, comme la police ou la justice, doit être consolidée; en effet, le Kosovo abrite une multitude de minorités, hormis les 100 000 Serbes, y habitent des Roms, des Goranis, des Turcs. C'est là une donnée souvent méconnue. De nombreux habitants ont fui la province lors des affrontements de 1999, le retour de ces réfugiés reste hypothétique. La France est très attentive à ce que le droit des minorités et notamment celui des Serbes soit garanti. Elle est vigilante quant au respect du patrimoine religieux et culturel serbe. C'est pourquoi, à l'évidence, cette province, même dotée d'un nouveau statut, ne peut se passer de l'aide internationale, tant civile que militaire. L'Europe est en première ligne. La France entend contribuer à toute mission conduite par l'Union européenne. Il est important que notre Assemblée s'engage à aider, elle aussi, le Kosovo, tant son expérience dans le respect des droits des minorités et des droits de l'homme est grande. Pour conclure, je tiens à remercier à mon tour Lord Russell-Johnston pour l'excellence de son rapport et à adresser à M. Ahtisaari tous mes encouragements dans cette difficile et délicate mission. » M. Gilbert Meyer, député, a développé le rôle que devrait jouer le Conseil de l'Europe dans le processus en cours : « Monsieur le Président, mes chers collègues, aux termes de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies du 10 juin 1999, le Kosovo, toujours sous souveraineté théorique de la Serbie, est administré provisoirement par la Mission intérimaire des Nations unies. Cette mission est appelée à quitter le Kosovo après l'adoption du statut. Le pays est peuplé d'environ deux millions d'habitants, dont 100 000 Serbes. Le climat d'hostilité et d'isolement des communautés reste fort depuis les émeutes de la mi-mars 2004. M. Martti Ahtisaari, ancien président finlandais, a été mandaté par le Conseil de sécurité, pour conduire les dernières négociations jusqu'à la finalisation du statut. Les négociations ouvertes à Vienne en février 2006 ont montré l'éloignement des positions de deux parties. Elles se sont achevées sur un résultat décevant. M. Martti Ahtisaari va donc proposer lui-même une solution pour le statut en discussion. Le calendrier politique et électoral serbe influe sur le déroulement du processus. La Serbie vient d'adopter une nouvelle constitution mentionnant dans son préambule que le Kosovo fait partie intégrante de la Serbie. Des élections législatives anticipées ont été organisées le 21 janvier 2007. De très bons scores par le Parti Radical, nationaliste et eurosceptique, risque de ne pas faciliter les choses. M. Martti Ahtisaari, soutenu par les membres occidentaux du Groupe de contact, a annoncé sa décision de présenter ses propositions après les élections. Il devrait se rendre à New York fin janvier pour présenter ses recommandations au nouveau Secrétaire général de l'ONU. Il est aussi appelé à présenter son rapport au début du mois de février, d'après les informations auxquelles il était possible d'accéder. Selon un diplomate occidental, cité par la presse autrichienne, M. Ahtisaari devrait se prononcer en faveur de l'indépendance du Kosovo sous la supervision des forces de l'Union européenne et de l'Otan. La Russie, quant à elle, s'oppose aujourd'hui à toute solution imposée et souhaite ménager la Serbie. L'avenir du Kosovo figure parmi les priorités de la présidence allemande de l'Union européenne qui a débuté le 1er janvier. En tout état de cause, il est impératif de résoudre sans plus tarder la question du statut du Kosovo, indispensable à la stabilité de toute la région des Balkans. Pourtant, le calendrier n'a pris que trop de retard. Ainsi que le fait remarquer le rapport de la commission des questions politiques, l'indépendance conditionnelle du Kosovo est sans doute le meilleur moyen de garantir une paix et une stabilité durables dans toute la région. Elle correspond à la volonté de la majorité des Kosovars. Quoiqu'il en soit du statut final, le Conseil de l'Europe doit rester aux côtés du Kosovo et de la Serbie. Il doit continuer à les assister dans le respect des principes de notre organisation : État de droit, respect des droits de l'homme et des minorités nationales. » Après avoir adopté un amendement refusant l'indépendance conditionnée, l'Assemblée a adopté une Résolution (n° 1533) et une Recommandation (n° 1780). L'Assemblée a entendu le rapport de M. Georges Colombier (UMP- Isère) sur le respect des obligations et des engagements de l'Arménie. À la suite de la réforme constitutionnelle effectuée le 27 novembre 2005, à la demande du Conseil de l'Europe, le pays a fait de nombreux progrès sur la voie de la démocratie pluraliste, le respect de l'État de droit et des droits de l'homme. Néanmoins, l'Assemblée s'est dite déterminée à observer avec le plus grand soin le déroulement des prochaines élections législatives. Elle a souhaité qu'une réforme du système judiciaire et qu'un plan de lutte contre la corruption interviennent dans les meilleurs délais ; enfin, elle a regretté que le règlement pacifique du conflit avec le Haut-Karabakh ne connaisse pas d'avancée. L'Assemblée a décidé de poursuivre la procédure de suivi en Arménie, tout en reconnaissant une évolution favorable du pays. M. Georges Colombier (Isère - UMP) s'est exprimé dans ce débat au nom de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), ainsi que M. François Rochebloine (Loire - UDF). M. Georges Colombier, député, a présenté le rapport de la commission de suivi : « Monsieur le Président, mes chers collègues, l'Arménie a adhéré au Conseil de l'Europe le 25 janvier 2001, c'est-à-dire il y a précisément six ans. Et aujourd'hui discute son sixième rapport sur le respect des obligations et engagements pris en ce moment-là par l'Arménie. Ce fait suffit pour démontrer l'attention particulière que la commission de suivi et l'Assemblée toute entière a portée au suivi des engagements de ce pays. Nous pouvons dire qu'au cours de ces années nous avons véritablement accompagné l'Arménie dans le processus de réformes. Notamment, la réforme constitutionnelle, approuvée il y a environ un an, peut être considérée comme une réussite commune de l'Arménie et du Conseil de l'Europe. Cette réforme, accompagnée de plusieurs réformes législatives, a créé les conditions pour que de nombreux engagements souscrits par l'Arménie puissent enfin être mis en œuvre. Ainsi une meilleure séparation et un meilleur équilibre des pouvoirs sont désormais garantis ; l'élection du Maire d'Erevan, directe ou indirecte, est prévue dans la Constitution ; le droit de saisir la Cour constitutionnelle a été octroyé aux citoyens ainsi qu'à des institutions comme l'opposition parlementaire, le défenseur des droits de l'homme, etc..., les bases de l'indépendance des juges ont été créées et la deuxième étape du processus de réforme du système judiciaire, y compris du Parquet, va pouvoir commencer ; l'institution du défenseur des droits de l'homme a trouvé sa place dans la Constitution, ce qui lui permet de jouer un rôle de plus en plus actif dans la protection des droits de l'homme et des citoyens ; la détention administrative a été abolie. En même temps, les irrégularités qui ont marqué le déroulement du référendum constitutionnel, que nous avons fortement regretté dans notre rapport, et l'absence de mesures pour sanctionner les cas de fraude observés, ont terni la crédibilité des résultats officiellement annoncés et ont malheureusement empêché que ceux-ci et donc la réforme constitutionnelle elle-même, soient acceptés par l'ensemble des forces politiques et l'opinion publique du pays. Seules l'amélioration du climat politique et l'instauration d'un dialogue entre la coalition au pouvoir et l'opposition pourront garantir la mise en œuvre effective du nouveau système de gouvernement prévu dans la Constitution révisée. Aussi, l'adoption des lois ne suffit pas à elle seule pour mettre en œuvre les réformes démocratiques dans le pays; les lois doivent aussi être appliquées, ce qui ne semble pas être toujours le cas actuellement. De plus, la mise en œuvre de certaines réformes, comme celle du pouvoir judiciaire et l'éradication de la corruption, le pluralisme et l'indépendance des médias électroniques, l'amélioration des conditions de détention et du comportement des agents de la force publique, requiert plus de temps que la réforme des lois. L'Arménie doit maintenant faire preuve de ses avancées dans la voie de la démocratie et de l'intégration européenne : les prochaines élections législatives, prévues dans trois mois, le 10 mai, sont d'une importance majeure : elles doivent respecter les normes européennes en matière délections libres et équitables. La couverture médiatique de la campagne électorale et des élections doit également être pluraliste et impartiale. Des amendements au code électoral récemment adoptés devraient offrir une bonne base pour l'organisation du prochain scrutin. Néanmoins, au-delà de la révision du code électoral, c'est notamment sa mise en œuvre correcte et de bonne foi et une volonté politique au plus haut niveau qui seules peuvent garantir des élections démocratiques. Tel est le message essentiel que nous souhaitons lancer avec la résolution que nous vous proposons. » M. François Rochebloine, député, a insisté sur les progrès réels réalisés par ce pays malgré un contexte régional difficile : « Monsieur le président, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour remercier nos rapporteurs, MM. Colombier et Elo, de la tonalité de leur rapport. Je n'y ai pas trouvé, comme dans certains documents antérieurs, l'esprit systématiquement négatif qui m'a toujours semblé compromettre, et non pas faciliter, l'efficacité de la procédure de suivi. Je l'ai souvent dit, mais je crois qu'il est utile de le répéter aujourd'hui, l'Arménie est une nation de vieilles traditions, mais c'est une jeune démocratie. Quinze ans seulement nous séparent de l'indépendance de la République d'Arménie. On a parfois l'impression que l'on attend de l'Arménie qu'elle accomplisse en peu de temps ce que nos démocraties occidentales ont mis cent cinquante ans à atteindre. Je ne prendrai qu'un exemple, tiré du rapport. Le Conseil de l'Europe a réclamé dans les plus brefs délais une réforme du statut de la ville d'Erevan prévoyant l'élection de son maire. Nous, Français, avons mis presque deux siècles à consacrer ce principe pour la ville de Paris ! Pourtant personne ne conteste que la vie politique et administrative française est fondée sur les principes essentiels de la démocratie. Et l'Arménie, elle, va mettre seulement quinze ans à réaliser la réforme symétrique du statut d'Erevan. Un point sur lequel je suis en parfait accord avec les rapporteurs est la nécessité d'une majorité et d'une opposition politique clairement définies et pouvant jouer effectivement son rôle institutionnel dans l'État de droit. J'ai eu l'occasion de le dire à mes collègues arméniens, de la majorité comme de l'opposition, lors d'une récente visite en Arménie: je crois sincèrement qu'un débat démocratique est une force pour une nation aussi ancienne, aussi courageuse que l'Arménie. Et je souhaite que la campagne en vue des élections législatives de ce printemps donne au peuple arménien d'en faire pleinement l'expérience. Le rapport évoque la situation géopolitique de l'Arménie, soumise à un jeu d'influences et d'intérêts pour partie contradictoires et qui conditionnent la vie du pays : d'abord, entre les États-Unis et la Russie, ensuite, entre les États du Caucase, enfin, du fait de sa proximité avec l'Iran. Sans y voir une cause d'excuse systématique, force est d'admettre que cette position inconfortable n'est pas de nature à favoriser la liberté de réflexion et d'action des autorités arméniennes, quelles qu'elles soient. Nous savons aussi que le soutien de certains pays occidentaux, en premier lieu, les États-Unis, aux revendications de l'Azerbaïdjian sur le Haut-Karabakh doit sans doute davantage à l'abondance des richesses de ce pays qu'à leur attachement, par ailleurs certainement sincère, aux progrès des valeurs démocratiques dans les pays de la région du Caucase. Je ne peux m'empêcher de penser que l'aveuglement volontaire de l'Occident sur la réalité politique de certains pays voisins, entretenu par une vision à court terme d'intérêts économiques et stratégiques, a donné aux assassins du journaliste turc d'origine arménienne Hrant Dink un sentiment renforcé d'impunité. Ce drame montre que l'intolérance et la haine peuvent conduire à des crimes odieux et qu'il est des silences et des attitudes, en Turquie comme à l'extérieur, qui encouragent et propagent la tentation de la violence. Le Conseil de l'Europe, porte-parole de l'idéal démocratique, doit dénoncer avec force toutes les formes de violence qui menacent les libertés publiques et exercer sa vigilance pour assurer le respect des principes et des valeurs de la démocratie. Même et surtout en de telles circonstances, l'action du Conseil de l'Europe, en donnant à l'Arménie une possibilité de coopération et de dialogue plus large et plus intéressée, peut permettre à ce pays d'échapper au moins partiellement à l'étreinte des forces qui le menacent et au poids du négationnisme politique. Encore faut-il qu'elle soit conçue et perçue dans une perspective d'accompagnement et de coopération, et non pas de censure systématique, comme certains le souhaiteraient. » À l'issue du débat, M. Georges Colombier a brièvement repris la parole pour répondre aux orateurs : « Il n'est pas question que la commission de suivi arrête son travail concernant l'Arménie. Comme plusieurs orateurs l'ont dit, il sera important que l'OCDE et le Conseil de l'Europe soient bel et bien présents en nombre aux côtés de nos amis Arméniens pour faire en sorte que le scrutin du 10 mai prochain se passe dans de bonnes conditions. Un orateur disait qu'il fallait viser la paix et surtout la réconciliation. Je souscris pour ma part à ces objectifs pour que l'ensemble de la classe politique arménienne et l'ensemble de la population arménienne puissent se réconcilier et ainsi aller voter en nombre dans de bonnes conditions le 10 mai prochain. » A l'issue du débat, l'Assemblée a adopté une Résolution (n° 1532). M. Michel Hunault, député : « Notre Assemblée a largement contribué à la promotion des valeurs démocratiques et des droits de l'homme. Monsieur le Secrétaire Général, je veux vous interroger cet après-midi sur un autre défi : celui qui s'annonce comme un choc des civilisations et des religions qui prospère sur le terreau de la pauvreté et de l'ignorance. Quel rôle peut jouer le Conseil de l'Europe, notamment vers les pays de la rive sud de la Méditerranée pour une meilleure compréhension mutuelle ? Réponse de M. Terry Davis, Secrétaire général du Conseil de l'Europe : M. Davis observe qu'il s'agit d'un sujet très important et que l'Assemblée parlementaire est bien le lieu pour en débattre. Le Secrétaire Général a nommé un coordinateur pour le dialogue interculturel et un livre blanc est en préparation à la suite de la réunion de Faro. Une autre réunion sera organisée à Saint- Marin en avril. Une conférence est également prévue sur la coopération Nord-Sud et sur le rôle de la Méditerranée. Tout ceci montre bien que le Conseil de l'Europe a pris conscience de l'importance de la dimension interculturelle. Mme Josette Durrieu, sénatrice : « Monsieur le Secrétaire Général, votre discours a été très fort et vous avez déjà répondu à presque toutes les questions. Et c'est normal ! Tous les intervenants ici défendent les droits de l'homme, les principes, les valeurs qui s'y attachent. Sa Sainteté le Patriarche l'a fait ce matin en nous rappelant de faire attention aux mots et au sens des mots. La dernière fois, j'avais bien écouté M. Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie; ses expressions étaient précises : "consensus, bonne gouvernance"... M. Margelov, ce matin s'est exprimé dans le même sens. Or, la Russie préside le Comité des Ministres. Il y a quelques jours encore, elle présidait aussi le G8. Nous sommes concernés par le poids de cette double présidence et de la politique impulsée. La réalité suscitera plusieurs débats aujourd'hui ou demain : l'article 14 non ratifié, les conséquences pour la Cour européenne des droits de l'homme, ce temple où l'on défend jusqu'à la limite les droits de l'homme, le débat sur l'énergie et la guerre énergétique. Nous sommes toujours menacés de l'extérieur mais nous nous défendons ! Monsieur le Secrétaire Général, nous sommes minés de l'intérieur. Que pouvons-nous faire ici et tous ensemble ? » Réponse de M. Terry Davis, Secrétaire général du Conseil de l'Europe : M. Davis considère que le Conseil de l'Europe pourrait concentrer ses efforts, non pas sur la guerre énergétique, qui ne relève pas de ses compétences, mais sur le protocole n° 14. Après le vote décevant de la Douma, le Secrétaire Général a eu des contacts avec les autorités russes. Il a également insisté à plusieurs reprises auprès d'elle pour que les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme soient effectivement appliquées et que les promesses du Gouvernement russe soient suivies d'effet. Il convient en particulier que la peine de mort, qui a déjà disparu dans la pratique, disparaisse aussi dans les textes. Le Secrétaire Général a également abordé le sujet du meurtre d'Anna Politkovskaia et il suit les choses de près et attend que l'enquête donne des résultats effectifs. Sur tous ces sujets, il ne faut pas laisser passer l'occasion de faire connaître l'opinion du Conseil de l'Europe; c'est pourquoi le meurtre vendredi dernier du journaliste turc a fait l'objet d'un communiqué. Dans les deux cas, il faut espérer que les meurtriers auront un procès équitable. B. Lettre adressée par m. Bernard Schreiner, Président de la délégation française, a m. Terry Davis, Secrétaire général du Conseil de l'Europe Strasbourg, le 24 janvier 2007 Monsieur le Secrétaire général, Lors de la séance de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe du lundi 22 janvier après-midi vous avez, en réponse à une question que je vous avais posée au sujet de la préservation de la langue française dans les institutions du Conseil de l'Europe, choisi d'aborder le problème de l'évolution de la contribution française au budget de notre institution. Je dois vous dire que les propos que vous avez alors tenus m'ont, moi et mes collègues de la délégation française, particulièrement déçus et choqués car ils constituent une déformation de la réalité et je regrette amèrement que vous ayez jugé utile d'affirmer publiquement une chose fausse, à savoir que la contribution française est inférieure de 100 000 € à celle de l'an passé. Les relevés de contributions envoyés par votre administration à mon pays sont sans équivoques : l'appel à contribution nette pour la France en 2007 est de 38.957.096 € contre 38.019.124 € en 2006, soit une hausse de 937.972 € (+ 2,47 %). Je sais que lors des débats au Comité des Ministres vous avez cherché à minimiser la hausse prévisible de la contribution des « grands payeurs » en partant d'une hausse virtuelle de leurs contributions en 2006 et en appliquant au préalable un taux d'inflation théorique de 2,2 % à l'ensemble des budgets, y compris à ceux qui restaient stables (investissement) ou baissaient en 2007 (accords partiels). Ce raisonnement est très contestable dans son principe. Pour ce qui concerne la France, les budgets sont présentés au Parlement en euros courants et non en euros constants « projetés » avec application d'un taux d'inflation excessif (2,2 % au lieu des 1,9 à 2 % retenu dans notre pays). Toutefois ce raisonnement théorique vous avait alors amené à évoquer une hausse de notre contribution de 105 000 € et non pas une baisse de 100 000 € comme vous l'avez affirmé lundi. .../ Monsieur Terry DAVIS Secrétaire général du Conseil de l'Europe Vous avez pris soin, dans votre réponse, de remercier la délégation française de ses efforts pour « emporter le soutien de l'Assemblée et du Sénat ». Je dois vous dire qu'effectivement les efforts déployés, dans le contexte budgétaire très contraint qui est le notre en France, ont été très importants et que nous n'avons pas ménagé notre peine pour convaincre notre Gouvernement de consentir à cette augmentation. Je vous indique par ailleurs que notre soutien à votre position a été une constante de notre action et que nous avons en permanence défendu vos propositions auprès de nos autorités politiques. Enfin, nul ne peut sérieusement contester que cette augmentation, que vous semblez juger négligeable, a eu une importance politique forte puisqu'elle a contribué à entraîner nos partenaires vers le compromis qui a finalement été atteint. Je tiens d'ailleurs à souligner que l'attitude positive de mon pays n'a pas été partagée par tous les pays membres et notamment l'un des grands contributeurs. Pour l'ensemble de ces raisons, comprenez, Monsieur le Secrétaire général, que votre intervention de lundi m'ait fait ressentir un désagréable sentiment d'ingratitude. Souhaitant, après votre intervention publique, que l'ensemble de mes collègues ait connaissance de notre position, j'adresse une copie de ce courrier au Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à tous les Présidents des délégations nationales. Soyez assuré que le soutien de la délégation française au Conseil de l'Europe restera, au-delà des aléas de la conjoncture et de débats réducteurs sur les chiffres, une réalité. Je vous prie, Monsieur le Secrétaire général, d'agréer l'expression de mes sentiments les meilleurs mais un peu attristés. Bernard SCHREINER |