N° 3779 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 mars 2007. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN sur le prélèvement à la source et le rapprochement ET PRÉSENTÉ PAR M. Didier Migaud, Député. -- INTRODUCTION 7 I.- L'IMPOSITION DES REVENUS DANS LE SYSTÈME FISCAL ACTUEL EST INJUSTE ET TROP COMPLEXE 11 A.- UNE STRUCTURE INÉGALITAIRE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES 11 1.- Un taux de PO élevé mais avec des contreparties réelles 11 a) L'évolution comparée des taux de PO fait apparaître une stabilité globale en France depuis plus de vingt ans, et la relativité des comparaisons internationales 11 b) L'architecture des prélèvements, combinée avec d'importantes prestations, assure une redistribution imparfaite 17 2.- Un prélèvement peu citoyen et insuffisamment progressif 24 a) Les ménages supportent trop de prélèvements indirects et peu de prélèvements sur le capital 24 b) L'IR se traduit par trop de distorsions entre catégories de revenus et est miné par trop de niches 28 c) L'IR, dont le poids a encore baissé depuis 2002, reste trop concentré et insuffisamment progressif pour être un véritable impôt citoyen 31 B.- UN SYSTÈME DE PRÉLÈVEMENTS DEVENU INCOMPRÉHENSIBLE 37 1.- Peu de lisibilité du prélèvement pour les contribuables 37 a) Une méconnaissance du montant réel de l'imposition sur les revenus 38 b) Peu de lisibilité sur le bulletin de salaire : l'écart entre le brut et le net 42 2.- Beaucoup d'organismes de recouvrement concernés 43 a) Les administrations fiscales de l'État 44 b) Les différents réseaux de recouvrement des prélèvements sociaux 45 c) Le recours, déjà, au prélèvement à la source 47 C.- DES PROGRÈS DÉJÀ ENGAGÉS POUR PLUS D'EFFICACITÉ DANS LE RECOUVREMENT 50 1.- Le rôle renouvelé de l'administration des finances pour simplifier la vie du contribuable 50 a) La déclaration préremplie 50 b) Le paiement dématérialisé de l'IR 53 c) Le rapprochement DGI-DGCP : vers l'interlocuteur fiscal unique 55 2.- La modernisation du recouvrement social 57 a) Pour les entreprises : déclarations et paiements dématérialisés 57 b) Pour les particuliers employeurs : le CESU 59 c) Pour les travailleurs indépendants : vers l'interlocuteur social unique 60 II.- LE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE PERMETTRAIT DE RENDRE L'IMPÔT SUR LE REVENU PLUS ADAPTÉ À LA SITUATION DU CONTRIBUABLE 63 A.- LES VÉRITABLES AVANTAGES ATTENDUS POUR LE CONTRIBUABLE 63 1.- Une imposition adaptée automatiquement à la situation réelle des contribuables 64 a) L'imposition des revenus réellement perçus 64 b) La prise en compte des changements de situation en cours d'année et des « accidents de parcours » 64 c) Un effet contracyclique mieux assuré par les stabilisateurs automatiques 67 2.- Une imposition sans année de décalage 68 a) Un calendrier plus rationnel 68 b) Le moindre poids des régularisations ex post 69 c) Un meilleur dosage des mesures fiscales nouvelles votées par le Parlement 70 3.- La simple mensualisation obligatoire, une demi-mesure 71 a) Un mécanisme foncièrement différent du prélèvement à la source... 71 b)... qui ne permet pas d'atteindre les objectifs recherchés 72 B.- DES CONDITIONS PRÉALABLES ET DES QUESTIONS À TRANCHER, POUR AMÉLIORER EFFECTIVEMENT LE CONSENTEMENT À L'IMPÔT 72 1.- Des conditions préalables à respecter 73 a) Respecter la protection de la vie privée 73 b) Respecter une égalité de traitement entre les types de revenus 79 2.- Des difficultés à lever 83 a) Être attentif à ne pas alourdir indûment les charges des entreprises 83 b) Prendre la vraie mesure des effets psychologiques concernant les salariés 85 3.- Une transition à gérer 88 a) Dénoncer le mythe de « l'année blanche » 88 b) Éviter les stratégies d'optimisation fiscale sans supprimer les avantages légitimes 89 c) Restituer intelligemment le surplus ponctuel de recettes fiscales 92 C.- LE SCÉNARIO DE LA MISE EN PLACE DU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE 93 1.- Que prélève-t-on ? 94 a) Pour les revenus salariaux ou les revenus de remplacement : un taux synthétique individuel adaptable en cours d'année pour prélever des acomptes, incluant les niches 94 b) Pour les autres revenus : revenus non salariaux, revenus fonciers, revenus de capitaux mobiliers, emploi à domicile 98 2.- Qui prélève quoi ? 102 a) La solution généralement envisagée : l'implication de l'employeur et des payeurs de revenus de remplacement 102 b) Le recouvrement de l'acompte auprès des entreprises et des caisses de retraite : le rôle possible des URSSAF comme de l'administration fiscale 105 c) Les déclarations, régularisations et contrôles : le rôle intangible de l'administration des finances 111 d) Le paiement de la PPE aux non-imposables et des autres restitutions fiscales éventuelles résultant de crédits d'impôt par le Trésor public, responsable de toutes les régularisations 112 III.- DES RAPPROCHEMENTS UTILES ENTRE L'IR ET LA CSG PERMETTRAIENT DE TENDRE VERS L'IMPÔT CITOYEN 115 A.- RÉDUIRE LES DIFFÉRENCES D'ASSIETTE : POUR UNE IMPOSITION GLOBALE PLUS JUSTE 116 1.- Les imbrications entre IR et CSG 116 a) S'inspirer du meilleur des deux prélèvements 116 b) Les règles de déductibilité partielle de la CSG modèrent la progressivité de l'IR 123 2.- Comment réduire les niches fiscales ? 126 a) Évaluer l'efficacité de chaque niche fiscale 127 b) Comment plafonner les niches fiscales ? 130 c) Instaurer un impôt minimum alternatif 133 B.- MIEUX PRENDRE EN COMPTE LA SITUATION RÉELLE DES CONTRIBUABLES 137 1.- La situation familiale doit être mieux appréhendée 137 a) Les conséquences du quotient conjugal et familial et le rôle de la décote 138 b) Pour une meilleure prise en compte des charges réelles du foyer fiscal : faire bénéficier toutes les familles de l'aide fiscale familiale 143 2.- L'évolution des revenus doit être mieux appréciée 144 a) Les ambiguïtés de la PPE 145 b) La mise en place possible d'un impôt négatif efficace dans le cadre de la fusion 147 C.- MIEUX GÉRER L'ENSEMBLE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES 150 1.- Une politique fiscale unifiée dans le cadre d'un système de prélèvement plus cohérent 150 a) Clarifier le prélèvement sur les revenus des ménages : afficher la vérité des taux 151 b) Organiser le débat fiscal autour de l'impôt citoyen 153 2.- Un pilotage global des finances publiques par une affectation claire du produit prélevé 156 a) Rapprocher le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale 156 b) Préserver les recettes de la sécurité sociale 158 CONCLUSION 161 EXAMEN EN COMMISSION 165 ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR VOTRE RAPPORTEUR 173 ANNEXE 2 : LISTE DES DÉPENSES FISCALES RELATIVES À L'IMPÔT SUR LE REVENU 177 ANNEXE 3 : LISTE DES MESURES CONSTITUANT DES MODALITÉS PARTICULIÈRES DE CALCUL DE L'IMPÔT SUR LE REVENU 187 ANNEXE 4 : RÉPONSES DES MISSIONS ÉCONOMIQUES À L'ÉTRANGER ANNEXE 5 : ÉTUDES ET SIMULATIONS 215 1. PRÉSENTATION D'UN BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU EXPRIMÉ AVEC DES TAUX RÉELS (CEPREMAP) 215 2. VERS LA FUSION DE L'IMPÔT SUR LE REVENU ET DE LA CSG ? SIMULATIONS DE SCÉNARIOS DE RÉFORME FISCALE (OFCE) 225 3. PROGRESSIVITÉ « EN ESCALIER » DE LA CSG (DIRECTION DE LA LÉGISLATION FISCALE) 277 Qui pourrait nier que le débat fiscal soit plus que jamais d'actualité en ce début d'année 2007 ? S'il n'est pas nouveau de constater l'existence d'un clivage entre tenants de la « réhabilitation de l'impôt » et contempteurs de la « pression fiscale », on note en revanche ce fait inédit : les finances publiques semblent devenues un prisme au travers duquel se lirait l'aptitude à exercer les plus hautes responsabilités... Il y a pourtant là bien plus que l'écume de l'actualité, si décisive fût-elle pour l'avenir du pays : chacun sait combien les choix de politique fiscale orientent l'économie et déterminent un modèle social. « Entre la Nation et l'État, il existe bien un contrat fiscal, codicille du contrat social, dont il faut périodiquement approuver les termes » écrivait justement M. Laurent Fabius, alors ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie (1). Les termes du contrat fiscal s'inscrivent dans un contexte à quatre dimensions. La dimension historique d'abord, renvoie à l'évolution sur longue période des prélèvements obligatoires et à la lente sédimentation ayant abouti à l'architecture complexe de notre système fiscal actuel. La dimension économique ensuite, concerne l'impact des prélèvements en termes d'efficacité et d'équité. La dimension psychologique également, évoque l'acceptation de l'impôt et les biais possibles, voire fréquents, entre la réalité des prélèvements et leur appréhension par les contribuables. La dimension européenne et internationale enfin, rappelle qu'un système fiscal ne se conçoit pas sans référence à ceux des autres pays comparables, qu'il s'agisse de concurrence, d'harmonisation, ou de simple support pour la réflexion. Conscient de tous ces éléments de contexte, votre Rapporteur a souhaité pouvoir étudier le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu (IR) ainsi que son rapprochement et sa fusion avec la contribution sociale généralisée (CSG). Il a été désigné en juin 2006 par votre commission des Finances sur le fondement de l'article 57 de la LOLF tel que modifié en juillet 2005. Le premier alinéa de cet article dispose que « Les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques. Cette mission est confiée à leur président, à leur rapporteur général ainsi que, dans leurs domaines d'attributions, à leurs rapporteurs spéciaux et chaque année, pour un objet et une durée déterminés, à un ou plusieurs membres d'une de ces commissions obligatoirement désignés par elle à cet effet. À cet effet, ils procèdent à toutes investigations sur pièces et sur place, et à toutes auditions qu'ils jugent utiles ». Il s'agit de la première application de cet alinéa modifié - dont votre Rapporteur était d'ailleurs à l'origine -, permettant à un membre de l'opposition de disposer de pouvoirs étendus de contrôle sur pièces et sur place et de procéder à des auditions. Votre Rapporteur a dès lors tenu à consulter largement : administrations des « sphères » fiscale et sociale, partenaires sociaux, économistes et autres personnalités qualifiées, parties prenantes aussi diverses que la CNIL ou la Fédération bancaire française... Des déplacements à l'URSSAF de Lyon et à Madrid ont utilement complété la vision des sujets abordés, l'éclairant notamment par des aspects concrets. Les contacts noués à Madrid auront, entre autres, permis de toucher du doigt ce que les analyses fournies par les neuf missions économiques consultées par votre Rapporteur et les auditions d'experts soulignaient déjà : l'image d'une France « seule au monde » - ou à tout le moins parmi les pays de l'OCDE - en matière de technique de recouvrement de l'IR. Perçu par voie de rôle, l'IR est recouvré auprès du contribuable lui-même, avec plus d'un an de décalage entre le fait générateur qu'est la perception du revenu et le paiement de l'impôt. Dans les autres pays, l'impôt est prélevé à la source et acquitté via l'employeur ou le payeur de revenus de remplacement (pensions de retraite, allocations de chômage) ; il peut donc s'ajuster en temps réel aux fluctuations du revenu du contribuable. La France, qui ignore ce mode de recouvrement pour l'IR dans le cas général, est ainsi isolée. Cette donnée ne justifie toutefois pas à elle seule la nécessité d'une réforme. Historiquement, le prélèvement à la source est apparu en Prusse en 1811. Il a été généralisé en 1919 aux États-Unis, adopté en 1944 au Royaume-Uni, en 1948 en Israël, en 1962 en Belgique, en 1964 aux Pays-Bas, en 1970 au Danemark... la complexité croissante des systèmes fiscaux explique sans doute pour une large part que le dernier pays développé à avoir basculé vers le prélèvement à la source l'ait fait il y a près de quatre décennies. La France n'ignore pourtant pas le prélèvement à la source de certains impôts sur les revenus : bien avant l'instauration de la CSG par la loi de finances pour 1991, elle a connu, entre 1872 et 1917, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, et entre 1940 et 1948, le prélèvement à la source de l'IR sur tous les traitements et salaires : institué par un décret-loi du 10 novembre 1939, l'impôt cédulaire sur ces types de revenus, élément d'un IR alors composite hérité de la réforme Caillaux de 1914-1917, était un impôt proportionnel au taux de 15 %, perçu par prélèvement mensuel effectué par l'employeur, et assorti d'un abattement forfaitaire pratiqué sur le revenu en fonction de la situation de famille. Ce système n'a pas résisté à la refonte de l'IR par le décret du 9 décembre 1948 (2) : en remplaçant les impôts cédulaires par un impôt sur les personnes physiques, cette réforme a généralisé le système du quotient familial instauré par la loi du 31 décembre 1945 (et quasiment inchangé depuis lors). C'est le déclin de l'impôt proportionnel supplanté par l'impôt progressif Mais tout espoir de réforme n'est pas perdu, si l'on veut bien considérer le retard avec lequel la France a fini par mettre en place un impôt général sur le revenu, appliqué pour la première fois en 1916, alors que l'Income Tax britannique avait été institué dès 1842 et l'Einkommensteuer allemand en 1893... Dans une contribution au Comité pour l'histoire économique et financière de la France (3), M. Jean-François Costes note que « la France qui reste à la fin du XIXe siècle un des rares pays avec la Russie, la Serbie, l'Espagne et le Portugal, à n'être pas entré dans l'ère de la redistribution par l'impôt sur le revenu [...] fait fiscalement cavalier seul parmi les pays avancés ». Pour autant, là n'est pas véritablement le moteur de la réforme. Alors que beaucoup de réflexions ont été menées dans la période récente sur les sujets dont l'étude a été confiée à votre Rapporteur, le présent rapport a l'ambition de démontrer qu'une réforme profonde de l'imposition des revenus en France est possible, en commençant par expliquer à quel point elle est nécessaire devant l'inextricable complexité et les multiples entorses à l'équité du système actuel. Les deux principaux thèmes traités, prélèvement à la source de l'IR et rapprochement / fusion entre IR et CSG, peuvent paraître éloignés mais se rejoignent dans une même perspective : rendre l'imposition des ménages plus juste, plus cohérente, plus efficace et plus transparente. D'une part, cette approche consolidée permet de dépasser l'aspect purement technique de la mise en place d'un prélèvement à la source, pour en faire un élément d'une réforme d'ensemble au lieu de ne l'envisager que comme une fin en soi ; d'autre part, elle permet d'ancrer la problématique de la fusion entre IR et CSG dans le concret de la technique fiscale, au lieu de la laisser dans le monde des idées. Dans un premier temps, le rapport s'attache à étayer la thèse de la complexité excessive et de l'injustice du système actuel de l'imposition des revenus des Français, par une analyse critique du niveau de prélèvements obligatoires et de ses effets en termes de redistribution. À cet égard, il est patent que les réformes de l'IR conduites depuis 2002 ont dégradé l'équité fiscale. Qu'il s'agisse des distorsions existant au sein de l'IR entre les différentes catégories de revenus imposables, ou plus largement des voies contournées par lesquelles s'effectue la « redistribution à la française » via les impôts, les cotisations et les prestations sociales, une réforme est nécessaire pour clarifier le volet fiscal du système et le rendre à la fois plus juste et susceptible d'être piloté. C'est cette volonté de réforme qui sous-tend les deuxième et troisième parties du rapport, respectivement consacrées au prélèvement de l'IR à la source et au cheminement vers l'imposition citoyenne que représenterait, au terme d'un rapprochement avec la CSG, la fusion éventuelle des deux impôts. Le prélèvement à la source a été présenté, non sans démagogie, comme pouvant être mis en œuvre prochainement : il suffirait d'« appuyer sur un bouton » pour l'enclencher, avec en prime une « année de non-imposition »... Votre Rapporteur a plutôt fait le choix d'une présentation raisonnée des avantages attendus de la réforme et du scénario de sa mise en mise en place, assortie des garanties nécessaires. Quant à la définition des contours de l'impôt citoyen, envisagée sur un mode prospectif, elle décline, au-delà du prélèvement à la source, les thèmes du rapprochement entre IR et CSG, afin de remédier aux problèmes diagnostiqués en première partie : une assiette plus cohérente, une meilleure redistribution entre ménages et un débat fiscal réunifié. * Votre Rapporteur tient ici à exprimer ses remerciements aux nombreuses personnes (4) qui ont bien voulu répondre à ses sollicitations sur des sujets certes passionnants mais parfois techniques, et éclairer sa réflexion par leur jugement et leur expertise. À cet égard, un seul regret demeure : que la coopération avec les services du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie, constante depuis l'été dernier, n'ait pu, vraisemblablement pour des raisons de calendrier politique et de réflexions internes propres à Bercy, être plus étroite encore. Mais ce manque aura été compensé par l'assistance dont votre Rapporteur a pu bénéficier de la part de la Cour des comptes, en la personne d'un magistrat officiellement désigné par le Premier président. Gageons que la première application, sous cette forme, des dispositions du 1° de l'article 58 de la LOLF, placera le fruit des travaux présentés dans ce rapport sous une bonne étoile. I.- L'IMPOSITION DES REVENUS DANS LE SYSTÈME FISCAL ACTUEL EST INJUSTE ET TROP COMPLEXE Centré sur les ambitieuses réformes qu'appelle le système fiscal français actuel, le présent rapport se veut avant tout prospectif. Pour autant, aucune prospection ne vaut si elle n'est établie sur des constats solides et incontestables. Sur un système complexe et injuste, votre Rapporteur entend donc poser son diagnostic en examinant successivement l'inégalité inhérente à la structure des prélèvements obligatoires dans notre pays (A), l'incompréhension que suscite cette mosaïque aux yeux des citoyens contribuables mais aussi pour les praticiens eux-mêmes (B), avant d'examiner le mouvement de rationalisation du recouvrement engagé à la fin des années 1990 (C) qu'il convient à présent de prolonger pour qu'advienne un véritable impôt citoyen : transparent, juste et efficace. A.- UNE STRUCTURE INÉGALITAIRE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES Brosser un tableau des prélèvements obligatoires (PO) en France n'est pas le propos central de votre Rapporteur, qui entend surtout souligner certains aspects qui doivent susciter le débat, tant il est vrai que le paysage n'est pas figé. 1.- Un taux de PO élevé mais avec des contreparties réelles a) L'évolution comparée des taux de PO fait apparaître une stabilité globale en France depuis plus de vingt ans, et la relativité des comparaisons internationales - Le taux de prélèvements obligatoires en France mesuré par l'OCDE est proche de 44 % depuis le milieu des années 1980 Bien que le niveau des PO en pourcentage du PIB soit presque, à la lecture de certaines analyses (5), « le pire indicateur à l'exclusion de tous les autres », à cause des multiples problèmes de définition que pose chacun de ses termes, il permet des comparaisons dans le temps et entre pays. Il révèle aussi certaines grandes tendances dans l'évolution des finances publiques ; la plus significative est la relative stabilité de ce ratio global depuis une vingtaine d'années en France. Cette stabilité masque toutefois d'importants changements de structure interne, comme l'atteste le graphique figurant page suivante : ÉVOLUTION DU TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN FRANCE DEPUIS 1978 (en % du PIB) Source : Comptes de la Nation (INSEE, base 2000 des comptes nationaux), DGTPE. Au cours des deux dernières décennies, le taux de PO dans le PIB en France s'est maintenu à un niveau globalement constant (6), se situant légèrement en deçà de ce pivot entre 1988 et 1994, et avec un point haut en 1999 et en 2006 (7). Les transformations les plus notables en ce qui concerne l'imposition des ménages : - la création de la CSG (qui appartient à la catégorie des impositions de toutes natures) en loi de finances pour 1991 et, corrélativement, la diminution du poids relatif des cotisations sociales, qui représentaient 43 % du total des prélèvements obligatoires en 1985 contre 36 % en 2005 ; - au sein des impôts d'État, le reflux de l'IR de près de 10 % du total des PO en 1985 à moins de 7 % en 2005. Les causes de cette évolution sont à rechercher à la fois dans les modalités de calcul du ratio lui-même - l'évolution du PIB et l'élasticité des prélèvements à la croissance - et dans la montée en puissance de l'intervention publique dans les économies développées. Ainsi, le Rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexé chaque année au projet de loi de finances, en application de l'article 52 de la LOLF, décompose les facteurs d'évolution du ratio d'une année sur l'autre en « évolution spontanée », « mesures nouvelles » et « changements de périmètre ». Au cours de la vingtaine d'années écoulées, la moyenne de l'Union européenne (à quinze) a crû de l'ordre de deux points (de 38,5 à 40,5 %) et celle de l'OCDE de plus de trois points (de 33,6 à 36,9 %). De fait, le graphique suivant, construit sur plus longue période encore, avec des retraitements de données propres à permettre des comparaisons internationales, fait apparaître une tendance assez similaire dans les pays développés, avec des différences de degré : ÉVOLUTION DU TAUX DE PO EN FRANCE, DANS L'UE ET DANS LES PAYS DE L'OCDE (en % du PIB) Source : OCDE, Statistiques de recettes publiques 1965-2005 édition 2006. N.B. : les statistiques de l'OCDE étant fondées sur le Système de comptabilité nationale dit SCN 1993, dans lequel le taux de PO est supérieur à celui qui est calculé en base 2000, les chiffres peuvent différer de ceux de l'INSEE. Incidemment, on peut relever que la proposition contenue dans un programme électoral consistant - après l'avoir sensiblement augmenté et placé à un des plus hauts niveaux jamais enregistrés - à baisser de quatre points de PIB le taux de prélèvements obligatoires en France, dénote, au mieux, une certaine légèreté - surtout au regard du déficit budgétaire élevé qui est le nôtre -, et au pire, une franche hypocrisie. En effet, comme le relevait pertinemment, dans une récente tribune (8), M. Thomas Piketty, « quatre points de PIB, cela représente, par exemple, davantage que toutes les recettes cumulées de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les successions et de l'impôt de solidarité sur la fortune », ou encore, côté dépenses, « quatre fois le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche, ou bien une réduction de plus de 50 % des dépenses de santé ». Surtout, l'auteur rappelait que « jamais aucun pays développé n'a abaissé de quatre points son taux de prélèvements obligatoires » : même au Royaume-Uni entre 1985 et 1995, les gouvernements de Margaret Thatcher n'ont réduit les prélèvements que de deux points de PIB, une baisse d'ailleurs effacée depuis lors par les gouvernements de Tony Blair, avec un retour au niveau de 1985, soit 37 à 38 % du PIB, en contrepartie de fortes hausses de la dépense publique en matière de santé et d'infrastructures. L'exemple scandinave corrobore cette analyse : la Suède (9), comme le Danemark, n'ont fait que stabiliser leur taux de prélèvements, respectivement autour de 50-52 % et de 49-50 % du PIB. - Les comparaisons internationales sont à manier avec prudence La situation de la France au regard de ses voisins dans l'Union européenne à quinze se caractérise par les principaux éléments suivants : - le faible poids relatif de l'IR (moins de 3 % du PIB et 7,4 % en incluant la CSG, la moyenne européenne se situant à 9,1 %) ; - des cotisations sociales employeurs beaucoup plus élevées (de l'ordre de 4 points au-dessus de la moyenne) ; - une taxe professionnelle relativement lourde ; - un impôt sur le capital (déterminé selon les hypothèses décrites dans le tableau ci-dessous) relativement plus élevé que la moyenne. Ces éléments apparaissent dans le tableau suivant :
Le graphique suivant est un instantané issu des mêmes statistiques de l'OCDE pour tenter d'approcher une vision consolidée des différents systèmes de PO (sachant que, par ailleurs, le niveau de déficit public, lui-même variable d'un pays à l'autre et qui en France est élevé, n'apparaît pas) : TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DANS LES PRINCIPAUX PAYS DE L'OCDE (en % du PIB) Source : OCDE, Statistiques de recettes publiques 1965-2005, édition 2006. Cependant, outre les différences signalées entre modes de calcul de l'OCDE et de l'INSEE, il faut insister sur les limites inhérentes à de telles comparaisons, dont l'utilité ou la pertinence est par conséquent à apprécier raisonnablement. Portée et limites des comparaisons internationales Le taux de prélèvements obligatoires, qui rapporte le montant des prélèvements au PIB, est certes un indicateur synthétique qui favorise des comparaisons rapides. Pour autant, il convient d'être prudent en matière de comparaison et ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les prélèvements obligatoires relèvent de conventions comptables qui ne convergent pas d'un pays à l'autre. À l'échelon international, des groupes de travail se réunissant sous l'égide de l'OCDE (groupe de travail n°2) et d'Eurostat (NAWP) (10) s'attachent à décrire les différentes mesures possibles du taux de PO et s'efforcent de converger vers une définition commune entre les États de la notion de prélèvement obligatoire. Par ailleurs, les prélèvements obligatoires ne comprennent pas toutes les recettes des administrations publiques. Ils dépendent des choix d'organisation et de modes de financement de l'action publique variables selon les États. En Allemagne, par exemple, les 10 % des ménages les plus aisés peuvent s'affilier à des systèmes privés d'assurance maladie en lieu et place d'une affiliation au système général, ce qui conduit à une minoration des prélèvements obligatoires. Le caractère public ou privé, facultatif ou obligatoire, des systèmes de socialisation des risques sociaux influence directement le taux de prélèvements obligatoires et rend délicat les comparaisons internationales, sauf à intégrer dans celles-ci la part des cotisations volontaires des agents économiques à des systèmes assurantiels privés. Les prélèvements obligatoires, enfin, ne constituent qu'une des caractéristiques, parmi d'autres, d'un système de finances publiques. L'analyse de leur niveau est alors indissociable de la prise en compte du niveau de dépense publique et de la place des services publics dans l'économie nationale. Source : Rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexé au projet de loi de finances pour 2007. L'importance des infrastructures publiques - qu'il s'agisse des transports mais aussi d'équipements dans les domaines culturel et sportif -, la gratuité de l'enseignement primaire et secondaire, le niveau des dépenses d'aide sociale, des prestations familiales et des allocations de chômage, et surtout le caractère très majoritairement public des systèmes de retraite et d'assurance maladie expliquent le niveau des PO français. En forme de conclusion sur cette question, votre Rapporteur veut citer M. Edmund S. Phelps, prix Nobel d'économie, qui dénonçait, à l'automne dernier (11), « les faux espoirs soulevés par les baisses d'impôt », développant l'analyse selon laquelle « une baisse d'impôt se traduit par une diminution des achats par le Gouvernement, ainsi que des services qu'il fournit, la défense par exemple. Mais une baisse d'impôt pourrait avoir des conséquences sur l'État providence et sur la protection sociale qui constitue une richesse collective. Dans ce cas, la réduction d'impôt augmenterait peu à peu la richesse privée tout en diminuant la richesse collective. C'est une question empirique. » C'est-à-dire que les faits tendent à invalider l'idéologie. Voilà bien une raison d'aborder le débat fiscal, non sous l'angle d'une baisse a priori des prélèvements obligatoires, mais en s'interrogeant sur les paramètres à modifier au sein du système existant, à taux de PO constant, pour aller vers un impôt citoyen. b) L'architecture des prélèvements, combinée avec d'importantes prestations, assure une redistribution imparfaite L'étude du niveau des PO en France est indissociable d'une analyse des effets redistributifs du système dans son ensemble, qui conduit à examiner la redistribution sous ses deux aspects : celle opérée par les prélèvements eux-mêmes et celle opérée par les prestations qu'ils financent. - La redistribution par les prélèvements n'est pas obtenue au moyen de la fiscalité directe Dans son rapport pour le Conseil d'analyse économique intitulé Fiscalité et redistribution (12), M. François Bourguignon montre que la donnée du taux de PO en pourcentage du PIB ne suffit pas à rendre compte du caractère plus ou moins redistributif d'un système de prélèvements. En revanche, M. Philippe Le Clézio (13)voit « une corrélation forte entre le taux de prélèvements obligatoires et les indicateurs de cohésion sociale » que sont, par exemple, les inégalités de revenu, ou la pauvreté infantile. En circonscrivant son analyse à la fiscalité et aux prestations non contributives, M. François Bourguignon conclut à l'existence d'une redistribution substantielle en France, mais moindre qu'en Allemagne ou au Royaume-Uni, notamment à cause de l'étroitesse de l'IR. Dans la mesure où la distribution des revenus disponibles des ménages n'est pas plus égalitaire en France que dans ces autres pays, il estime que l'on peut parler d'un certain « déficit social » de la redistribution en France. Et l'auteur (qui écrivait avant la création de la prime pour l'emploi) d'appeler de ses vœux la création d'un dispositif se rapprochant de sa vision du système idéal de l'impôt négatif, c'est-à-dire d'une allocation « universelle », tenant compte de la composition du ménage, couplée à un impôt proportionnel (14). L'analyse de la redistributivité de l'actuel système français de prélèvements, forcément discutable à cause des conventions retenues, peut s'appuyer sur différents critères. Votre Rapporteur s'en tiendra à deux illustrations issues des travaux de l'OFCE et de l'OCDE, fondées sur la notion de progressivité des prélèvements. Le tableau suivant classe onze pays en fonction de la redistribution opérée par le seul impôt sur le revenu, puis par l'ensemble de l'imposition des revenus. Pour chacun de ces pays est chiffrée la contribution de la fiscalité à la réduction des inégalités de revenu entre un couple à bas salaire (l'un des conjoints gagnant 70 % du salaire moyen, l'autre 50 %) et un couple à revenu élevé (l'un des conjoints gagnant cinq fois le salaire moyen, l'autre trois fois et demie ce montant). Plus le coefficient est faible, plus la redistribution est importante :
L'IR est manifestement peu redistributif en France puisque sa contribution à la réduction des inégalités classe notre pays au dernier rang du panel ; en revanche, à l'aune de la taxation globale sur les ménages, la France se trouve au troisième rang, certes loin derrière le deuxième. En s'attachant à distinguer selon la composition du foyer, l'OCDE aboutit à la comparaison retracée dans les graphiques figurant page suivante. COMPARAISON INTERNATIONALE DE LA PROGRESSIVITÉ (1) DE L'IMPÔT SUR LE REVENU Échelle des abscisses : la valeur « 1.0 » représente le revenu imposable de l'ouvrier moyen en 2000. (1) La progressivité présentée ici est fondée sur les équations fiscales de l'OCDE. Ces équations ne tiennent pas compte des abattements et des crédits d'impôt spécifiques, comme ceux qui sont accordés au titre des acquisitions immobilières ou des dépenses de garde d'enfant. (3) Les revenus du conjoint représentent 67 % des revenus de l'ouvrier moyen. Source : Isabelle Joumard, « Les systèmes fiscaux des pays de l'Union européenne », Revue économique de l'OCDE, n° 34, 2002. La courbe correspondant à la situation française en 2000 apparaît nettement plus plate que celle des systèmes davantage redistributifs, dotés d'un réel impôt négatif. Une autre illustration de la redistribution opérée, dans le système français, par l'IR, la CSG et la CRDS, est effectuée infra (page 144). Elle permet notamment d'observer sur un même graphique l'effet combiné de la PPE et des quotients conjugal et familial. En définitive, il ressort de l'étude précitée de l'OCDE que le système fiscal contribue plus à la redistribution des revenus dans les pays de l'Union européenne que dans la plupart des autres pays de l'OCDE. Cependant, cela tient pour une large part à une charge fiscale globalement plus lourde, alors que l'efficience relative des systèmes fiscaux des pays de l'Union européenne du point de vue de la redistribution des revenus paraît être inférieure à celle d'un grand nombre d'autres pays de l'OCDE. En revanche, le niveau plus élevé de la fiscalité dans les pays de l'UE sert en partie à financer des dépenses publiques au bénéfice des catégories les plus vulnérables. Le résumé par l'OFCE de la « performance » française en matière de redistribution globale entre ménages ne contredit pas cette analyse : « La France aboutit donc à un résultat relativement satisfaisant, mais par des moyens détournés. Les hauts salaires sont surtaxés par les cotisations employeurs, plus que par l'IR. Les bas salaires sont frappés par la CSG, épargnés par l'IR, mais bénéficient de la PPE et des exonérations de cotisations. » Les auditions d'économistes de l'OFCE ont d'ailleurs montré qu'une grande partie de la progressivité du système français de prélèvements provenait des allègements de cotisations sur les bas salaires et, à l'autre extrémité du spectre, du déplafonnement des cotisations maladie et famille. Voilà qui milite pour une remise à plat de l'imposition sur les revenus qui permette de corriger les défauts d'un système dont l'opacité s'est accrue au fil du temps et des réformes. - D'importants revenus de transfert, souvent forfaitaires, obligent à envisager la redistribution de manière plus globale Corollaire de niveaux élevés de PO, le niveau élevé de prestations sociales que connaissent les pays de l'Union européenne dont la France se mesure de plusieurs manières. La plus élémentaire consiste à chiffrer les dépenses de protection sociale et à les rapporter au PIB aux fins de comparaison internationale, comme le montre le graphique figurant page suivante. DÉPENSES DE PROTECTION SOCIALE DANS LES PAYS DE L'UE (en % du PIB) (*) Les données pour la Suède ne sont disponibles qu'à compter de l'année 1993, date à laquelle les prestations de protection sociale représentaient 37,7 % du PIB. Source : Eurostat, Sespros. En France, les dépenses de protection sociale se sont élevées en 2005 (15) Ces prestations recouvrent six domaines distincts : la santé (soins, prestations en espèces, pensions d'invalidité, rentes d'accidents du travail), la vieillesse (pensions de base, retraites complémentaires, allocation personnalisée d'autonomie, minimum vieillesse), la maternité et la famille (allocations familiales, autres prestations dont la prestation d'accueil du jeune enfant, l'allocation de parent isolé), l'emploi (allocations de chômage, préretraites, insertion professionnelle), le logement (trois allocations pour l'essentiel) et la lutte contre l'exclusion (RMI notamment). Leur part dans le PIB - ratio habituellement dénommé « taux de redistribution sociale » - a atteint 29,56 % en 2005, contre 29,33 % en 2004 et 27,68 % en 2000.
Pour la moitié environ, les prestations ainsi dispensées sont égalitaires, et non différentielles en fonction du revenu. La redistribution doit se concevoir de manière plus large qu'au travers des seuls prélèvements. Selon l'OCDE, cela consiste à mesurer, pour les ménages, le « coin fiscal moyen net », soit l'impôt sur le revenu des personnes physiques augmenté des cotisations de sécurité sociale employeurs et salariés, et diminué des prestations en espèces. COIN FISCAL MOYEN NET SUR LES REVENUS DES MÉNAGES : COMPARAISON EUROPÉENNE Échelle des abscisses : la valeur « 1.0 » représente le revenu imposable de l'ouvrier moyen en 2000. (3) Les revenus du conjoint représentent 67 % des revenus de l'ouvrier moyen. Source : Isabelle Joumard, « Les systèmes fiscaux des pays de l'Union européenne », Revue économique de l'OCDE, n° 34, 2002. Par contraste avec les graphiques propres à l'IR, l'observation de la courbe française permet de constater une meilleure redistribution dans le bas de l'échelle des revenus. En s'essayant à dresser un bilan global de la redistribution entre les ménages en France, l'OFCE, dans les éléments fournis à votre Rapporteur qui sont présentés en annexe au présent rapport, classe les ménages en quatre catégories de revenus. Il ressort de l'effet combiné des impôts et des prestations que les ménages les plus pauvres (ceux des trois premiers déciles) ont, après redistribution, un revenu disponible égal à 120 % de leur revenu initial ; chez les plus riches (le dernier décile), ce pourcentage tombe à 77 %. Autrement dit, les plus riches gagnent 6,56 fois plus que les plus pauvres ; cet écart est réduit à 4,76 fois en termes de revenu disponible. Lorsqu'on la décompose, cette redistribution s'effectue à la fois par les prestations (qui augmentent de 27 % le revenu des plus pauvres) et par les impôts (qui baissent de 23 % le revenu des plus riches).
Enfin, si l'on compare les inégalités de revenu en France à ce qu'elles sont chez nos principaux partenaires européens, notre pays occupe une position intermédiaire, d'après les données suivantes :
Sans que la performance française en termes de réduction des inégalités ne soit similaire à celles des pays scandinaves, elle est meilleure que celle de l'Irlande, de l'Italie, du Royaume-Uni et de la Grèce. Et l'OFCE de noter que les inégalités de revenus n'ont pas augmenté en France entre 1995 et 2005. À constater, avec M. Philippe Le Clézio (16), combien il est difficile d'appréhender dans leur totalité les contreparties d'un taux relativement élevé de PO dans le PIB, votre Rapporteur n'est que plus convaincu des deux nécessités suivantes : - déployer tous les efforts possibles pour une mise en œuvre effective de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) - dans le champ du budget de l'État − et d'une loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) corrigée - dans celui des organismes de sécurité sociale - afin d'impliquer tous les acteurs de la chaîne de la dépense publique dans une gestion par la performance qui permette de mesurer concrètement l'emploi des PO. C'est le chantier de l'amélioration de la gestion publique ; - engager une profonde réforme de l'architecture de nos prélèvements sur les ménages afin de renforcer leur caractère redistributif et de les rendre beaucoup plus « lisibles ». C'est le chantier de l'impôt citoyen. 2.- Un prélèvement peu citoyen et insuffisamment progressif - La mesure du caractère régressif des impôts indirects Le caractère perfectible de la redistributivité que l'on vient d'évoquer est encore accentué lorsque l'on prend en considération la fiscalité indirecte, à savoir, pour l'essentiel, la TVA et les accises sur les carburants, les tabacs et les alcools. Les critiques sont fréquentes, en particulier, contre le caractère anti-redistributif de la TVA, impôt proportionnel, premier impôt d'État par son produit (133,5 milliards nets attendus pour 2007, soit près de 50 % des recettes fiscales nettes du budget de l'État et environ 7,5 % du PIB si l'on inclut les quelque 6 milliards de TVA sur les produits pharmaceutiques et les tabacs affectés à la sécurité sociale, donc au total un poids équivalent à l'ensemble IR-CSG). Plus largement, il est cohérent de distinguer entre deux grands blocs de prélèvements - IR, CSG-CRDS, taxe d'habitation et taxes foncières d'une part, TVA, TIPP, droits sur les alcools et les tabacs et taxe sur les conventions d'assurance d'autre part -, pour constater une équivalence autour de 9,5 points de PIB entre prélèvements fiscaux directs et indirects. Mais les griefs formulés à l'encontre de la fiscalité indirecte sont rarement précisés ; l'analyse menée par MM. Gérard Forgeot et Christophe Starzec (17) n'en a que plus de valeur. Leurs travaux visent à déterminer le « taux d'effort » associé à chaque type d'imposition grevant le revenu disponible de ménages, c'est-à-dire l'impact des prélèvements sur ce revenu rapporté aux besoins des ménages en fonction de la composition du foyer et du nombre d'enfants (18). Les résultats sont résumés dans le tableau suivant :
Alors que le taux d'effort des ménages situés dans le premier décile de revenus s'établit à 18 %, celui du dernier décile n'est que de 23,8 %, soit une progressivité globalement très limitée. On a évoqué plus haut la réelle mais modeste contribution à la progressivité de l'IR ; l'intérêt de l'étude réside surtout dans la démonstration du caractère fortement régressif de la fiscalité indirecte, avec 11,7 % de taux d'effort pour le premier décile et 3,3 % pour le dernier. Deux facteurs se combinent pour expliquer un tel résultat : le taux d'épargne tout d'abord - qui est nul pour le premier décile et égal à 40 % pour le dernier -, les comportements de consommation ensuite. La même étude détaille, au sein de la fiscalité indirecte, la part prise par chacun de ses principaux éléments dans l'effet régressif global :
Il est ainsi possible de mesurer l'impact redistributif de la fiscalité indirecte en fonction des comportements de consommation : le taux d'effort associé à la TVA à 5,5 % représente 1,1 % pour le premier décile et seulement 0,4 % pour le dernier, reflet d'une part beaucoup plus importante de l'alimentation dans la consommation des ménages les plus modestes. Même à taux réduit, la TVA demeure donc fortement régressive. D'importants écarts sont également constatés en matière de TIPP, de fiscalité sur le tabac et de taxe sur les conventions d'assurance (automobile surtout). - Des prélèvements plus lourds sur le travail que sur le capital Une autre critique fréquente à l'encontre de notre système fiscal vise les distorsions qu'il comporte en défaveur des revenus du travail et au bénéfice relatif des autres catégories de revenus, que l'on peut englober sous la dénomination générique de revenus du capital : les produits de l'épargne (intérêts), les dividendes, les plus-values (en distinguant entre plus-values taxées et plus-values exonérées), les revenus fonciers, mais aussi les loyers implicites dont bénéficient les propriétaires du logement qu'ils occupent. La reconstitution du taux marginal d'imposition (différent du taux moyen) pour chacun de ces types de revenus donne les résultats suivants, pour les tranches les plus concernées, c'est-à-dire les deux dernières du barème applicable aux revenus de 2006 :
Ainsi, un salarié dont la rémunération dépasse le plafond de la sécurité sociale (soit 2.682 euros mensuels pour les revenus de 2007) acquitte l'IR au taux marginal de 30 % ; mais ce taux avoisine 46 % du revenu disponible avant impôts lorsque l'on ajoute la CSG, la CRDS et les cotisations patronales n'ouvrant pas de droit (maladie et famille). Pour un salarié dont le taux marginal d'IR est de 40 %, ce calcul aboutit à un « taux marginal consolidé » de 53,7 %, voire de 56,7 % lorsqu'est épuisée la possibilité d'appliquer la déduction forfaitaire de 10 % représentative de frais professionnels. S'agissant des revenus de valeurs et capitaux mobiliers sous forme d'intérêts, on peut postuler que les contribuables des deux dernières tranches optent pour le prélèvement forfaitaire libératoire de 16 % ; s'y ajoutent la CSG-CRDS au taux de 8,7 % ainsi que le prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital et la cotisation de solidarité pour l'autonomie au taux de 0,3 %, soit un total de 27 % communément mis en regard du taux marginal supérieur de l'IR. On a vu que celui-ci devait être revalorisé pour aboutir au taux marginal effectif sur les salaires ; de même, pour tenir compte du fait que ces prélèvements s'appliquent à des intérêts nominaux, en faisant l'hypothèse d'un taux d'intérêt de 5 % et d'une inflation à 2 %, le taux marginal effectif atteint 45 %. Le différentiel avec l'imposition des salaires demeure toutefois de près de 12 points pour les hauts revenus. Appliquée aux revenus fonciers, la même démarche de consolidation aboutit à prendre en compte les impôts fonciers pour 10 % et les impositions sociales mentionnées ci-dessus pour 9,9 %, soit un taux marginal effectif de 45,3 % dans la tranche d'IR à 30 % et de 53,8 % dans la tranche à 40 %. En revanche, les loyers implicites ne supportent que le taux correspondant aux revenus fonciers. Enfin, pour les dividendes et plus-values, à l'IR (au barème ou avec prélèvement forfaitaire libératoire de 16 %) et aux impositions sociales susmentionnées, l'OFCE fait le choix - dont il convient qu'il est « discutable » et « particulièrement délicat » - d'ajouter l'impôt sur les sociétés. Ce choix est justifié par l'hypothèse selon laquelle l'IS peut être regardé comme un impôt sur le revenu des propriétaires d'entreprises, étant rappelé que les propriétaires d'entreprises n'ayant pas la forme de société sont soumis à l'IR. Ainsi, hors prise en compte de l'IS, le taux marginal effectif d'imposition des dividendes s'établit (toujours pour 2006) à 17,9 % pour la tranche d'IR à 30 % et à 21,5 % pour la tranche à 40 %, tandis que les plus-values sont taxées à 22 % (sous l'hypothèse d'une rentabilité réelle des plus-values de 8 % avec une inflation de 2 %). Avec prise en compte de l'IS, les taux sont ceux figurant dans le tableau ci-dessus. De ce panorama, il ressort - avec une différence de degré selon les conventions retenues - une distorsion dans la taxation marginale effective de différents types de revenus, qui pose la question d'un rééquilibrage. Ce panorama ne serait pas complet sans une mention particulière pour l'impôt de solidarité sur la fortune, même si son faible produit (3,8 milliards d'euros attendus pour 2007, soit moins de 1,5 % des recettes fiscales nettes et 0,2 % du PIB) n'en fait pas un objet d'étude pertinent dans le cadre du présent rapport, d'autant qu'il est un impôt sur le patrimoine et non sur le revenu des ménages. Il interfère pourtant avec l'imposition des revenus via le mécanisme du bouclier fiscal institué en loi de finances initiale pour 2006. À cet égard, les éléments qui précèdent permettent de démontrer le caractère profondément injuste de ce dispositif. En effet, cette fixation d'un montant maximal des impôts acquittés (IR, TH, taxes foncières et ISF) en pourcentage du revenu ne se fonde que sur les revenus déclarés : par construction, il ignore donc les loyers implicites et les plus-values exonérées. Ainsi, les bénéficiaires de ce type de revenus, qui sont déjà structurellement favorisés par le système fiscal comme on vient de le voir, sont de surcroît favorisés par le bouclier. b) L'IR se traduit par trop de distorsions entre catégories de revenus et est miné par trop de niches - Trop de distorsions entre catégories de revenus Au sein même du seul IR, pivot apparent de la redistribution fiscale dans le système français, les distorsions entre catégories de revenus sont également patentes. En reprenant comme illustration les deux tranches supérieures du barème de l'IR 2007, les taux marginaux effectifs de l'IR sont les suivants : - 27 % (tranche à 30 %) ou 36 % (tranche à 40 %) sur les salaires si l'on tient compte de la déduction forfaitaire de 10 %, et effectivement 40 % au-delà ; - 16 % sur les intérêts soumis à prélèvement forfaitaire libératoire (mais 26,7 % sous les hypothèses utilisées plus haut pour obtenir un taux réel) ; - 25,4 % (tranche à 30 %) ou 33,9 % (tranche à 40 %) pour les revenus fonciers, à partir d'un revenu imposable égal à 84,8 % du revenu brut ; - 10,7 % (tranche à 30 %) ou 14,3 % (tranche à 40 %) pour les dividendes et 10,5 % pour les plus-values taxées. Il ne s'agit pas pour votre Rapporteur de nier que différentes catégories de revenus puissent être taxées différemment, et nos voisins appliquent d'ailleurs généralement divers taux spécifiques aux revenus qu'ils taxent ; mais sur le terrain de l'équité, le problème provient de ce qu'une multitude de taux se trouve agglomérée au sein d'un même impôt dont la base est étroite. S'y ajoutent les effets du quotient conjugal et familial. Cela porte finalement atteinte à l'objectif de redistribution de cet impôt. Ce constat est aggravé par l'existence de très nombreuses niches qui viennent « miter » l'assiette de l'IR, pour une efficacité discutable. - Trop de niches La parution, en 2003, du rapport du Conseil des impôts consacré à La fiscalité dérogatoire a permis de mettre en lumière, avec une rigueur d'analyse et une précision dans les données alors inédites, l'ampleur des critiques méritées par les niches fiscales - que le rapport du Conseil, comme d'ailleurs le tome II du fascicule des Voies et moyens annexé chaque année au projet de loi de finances, depuis l'article 32 de la loi de finances pour 1980, nomme « dépenses fiscales ». Le constat du Conseil des impôts est sévère mais nuancé : si la France détient, pour autant que les comparaisons internationales permettent de l'établir avec certitude, le record du nombre de niches fiscales (plus de 400 dispositifs, tous impôts confondus), les montants en cause, exprimés en part des recettes fiscales totales (21 % environ) comme en points de PIB (un peu plus de 4 %), sont moindres qu'au Canada, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Espagne. Ce paradoxe apparent s'explique notamment par la taille, parfois microscopique (sans que les avantages qu'en retirent certains contribuables puissent toujours être qualifiés de tels...), de certaines niches, et par le fait qu'un grand nombre de dépenses fiscales concernent l'IR, dont on a suffisamment démontré le faible poids relatif dans notre système fiscal. Aux 189 dispositifs recensés dans les annexes au projet de loi de finances pour 2007 (avec un coût estimé à 36 milliards d'euros) et dont la liste est jointe au présent rapport, il convient d'ajouter, outre les mesures supplémentaires votées depuis l'édition des Voies et moyens, les quelque 8,5 milliards d'euros que représentent les 22 « modalités particulières de calcul de l'IR » dont le Gouvernement considère qu'elles ne constituent plus des niches fiscales. Sans ignorer les difficultés méthodologiques inhérentes au recensement et à l'examen de ces niches, le Conseil pointait le défaut de maîtrise patent de la situation et le réel déficit d'évaluation de son coût et de ses effets. En dépit des quelques progrès réalisés sur cette question dans le cadre de l'application de la LOLF, détaillés dans la troisième partie du présent rapport, les critiques émises en 2003 ont gardé toute leur pertinence. S'agissant en particulier de l'IR, le Conseil soulignait par exemple : - la complexité des mécanismes mis en œuvre sans cohérence entre eux, puisque coexistent des exonérations, des abattements, des demi-parts supplémentaires, des réductions et des crédits d'impôt, généralement plafonnés mais plafonnés isolément (parfois de façon forfaitaire, parfois en pourcentage de la dépense) ; - l'existence de réductions d'impôt à taux très élevé (pour les dons ou pour certains dispositifs spécifiques à l'outre-mer) alors même que la tendance à la baisse des taux marginaux de l'IR se poursuit ; - des effets très variables selon la technique utilisée, éventuellement régressifs, sans que la chose soit publiquement assumée. Ainsi de la demi-part supplémentaire pour enfant à charge à partir du troisième, qui bénéficie, pour 85 % de son coût, aux contribuables du dernier décile de l'échelle des revenus ; - l'empilement sans réexamen périodique de mesures non évaluées, ou poursuivant des buts distincts jusqu'à la limite de l'incohérence ou de l'inefficacité économique (en matière d'orientation de l'épargne des ménages par exemple) ; - l'absence d'arbitrage publiquement exprimé entre efficacité et équité des niches créées ou prorogées ; - l'insécurité juridique résultant de l'instabilité dans le temps de certaines mesures. Votre Rapporteur estime qu'il est temps, après la tentative trop partielle et finalement avortée qu'a représenté la loi de finances pour 2006, de traiter au fond cette question, et s'attelle à cette tâche dans la troisième partie du présent rapport. À ce stade, il faut insister sur l'impact négatif en termes de transparence et d'équité - donc de consentement à l'impôt - de la prolifération de niches fiscales au sein de l'IR. c) L'IR, dont le poids a encore baissé depuis 2002, reste trop concentré et insuffisamment progressif pour être un véritable impôt citoyen À l'heure de tirer le bilan fiscal de la présente législature, il n'est guère surprenant de constater que l'actuelle majorité aura gravement porté atteinte à l'IR comme outil de redistribution, mais il est navrant de voir à quel point cette fragilisation délibérée nous éloigne de l'esprit de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dont l'article 13, en disposant qu'«une contribution commune est indispensable », proclame qu'« Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » - Les baisses du barème de 2002 à 2005 avaient déjà accru les inégalités Votre Rapporteur n'a pas besoin de rappeler ici les critiques qu'il a adressées continûment aux diminutions linéaires de l'ensemble des taux du barème de l'IR intervenues en 2002 (5 % en collectif d'été puis 1 % en loi de finances initiale pour 2003) et en 2003 (3 % en loi de finances initiale pour 2004), et qui ont été menées sans autre logique que celle consistant à honorer une promesse électorale démagogique, qui visait à diminuer d'un tiers le poids de l'IR en cinq ans. Sans esprit polémique, il suffit de noter le commentaire récurrent de la Cour des comptes sur cette politique pour mesurer ses résultats - au demeurant fort prévisibles : - dans le rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002 (19), « 1 % des foyers ont bénéficié de 31,2 % du montant total de cette réduction [votée en collectif d'été], estimé à 2,55 milliards d'euros ; 10,2 % des foyers ont bénéficié de 69,2 % du montant de la réduction » ; - dans le rapport analogue pour l'année 2003 (20) : « L'IR est toujours aussi concentré : environ 1,4 million de foyers qui paient plus de 6.000 euros d'impôt par an acquittent 56 % des recettes collectées. Corrélativement, la réduction de 1 % des tranches du barème, d'un coût estimé à environ 600 millions d'euros, a bénéficié pour 56 % (336 millions d'euros) à ces mêmes foyers, qui représentent 4,5 % des contribuables » ; - enfin, dans le rapport pour l'année 2004 (21) : « L'IR reste toujours aussi concentré puisque 5,7 % des foyers imposables (environ 1 million de contribuables qui paient plus de 8.000 euros d'impôts par an) acquittent à eux seuls 48 % des sommes recouvrées. Corrélativement, la réduction de 3 % des tranches du barème, d'un coût estimé de 1,7 milliard d'euros, a bénéficié pour 45 % à ces mêmes foyers qui représentent 2,9 % des foyers fiscaux. » La concentration de l'IR (illustrée plus loin), donnée parfaitement connue - cela va sans dire - des promoteurs de la réforme, a joué contre l'équité au point de faire apparaître chacune de ces baisses du barème comme un « cadeau » aux contribuables les plus aisés, à un coût élevé pour le budget de l'État et pour un gain économique très contestable. Le président de votre commission des Finances, M. Pierre Méhaignerie, le reconnaissait d'ailleurs avec honnêteté lors de la dernière séance publique du 6 juillet 2005 : « J'étais de ceux qui pensaient que nous ne devions pas baisser l'impôt sur le revenu. Nous avons perdu ainsi 7 milliards d'euros, dont 80 % au bénéfice des deux tranches supérieures ». M. Francis Mer a lui aussi déclaré publiquement que les baisses des taux du barème n'avaient pas eu l'efficacité escomptée. - La réforme votée en loi de finances pour 2006 a profondément dégradé la redistribution opérée par l'IR Appliquée pour la première fois en 2007 aux revenus de 2006, la vaste réforme présentée en loi de finances initiale pour 2006 a entendu poursuivre, après une « pause » d'un an dans la baisse du barème par crainte d'une dégradation excessive du solde budgétaire, l'allègement de l'IR, pour un coût supplémentaire de 3,5 milliards d'euros. L'occasion a également été saisie de ramener de six à quatre le nombre de tranches du barème et d'y intégrer l'abattement de 20 % sur les traitements, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que sur les bénéfices professionnels des adhérents à un centre ou à une association de gestion agréé(e). L'ancien et le nouveau barème sont présentés dans le tableau suivant :
Le barème applicable aux revenus de 2006 ayant été voté, il est possible de mesurer concrètement l'impact des distorsions opérées par cette réforme, qui avait été présentée comme devant alléger l'IR pour tous les contribuables imposables, mais surtout au bénéfice des « classes moyennes ». Le tableau figurant page suivante indique assez l'ampleur des changements provoqués.
Les écarts ainsi créés sont considérables. Comme le relève l'Observatoire des inégalités sur son site Internet, « contrairement à ce qui a été indiqué, la réforme [...] n'est pas destinée aux catégories moyennes (un salarié sur deux touche moins de 1.500 euros pour un temps complet). Les grandes perdantes seront les catégories les plus démunies, en particulier celles qui n'ont plus de lien à l'emploi (notamment les personnes âgées, les femmes seules qui ne travaillent pas, etc.) et qui ne percevront donc pas la hausse de la prime pour l'emploi : soit 12 millions de foyers au total. » Les effets de la réforme sont toutefois plus complexes, sous l'effet combiné de la modification des taux marginaux et de l'intégration de l'abattement de 20 %, ce qu'illustre le cas de revenus de 10 SMIC dans le tableau ci-dessus ;de sorte que le profil des modifications opérées est singulièrement heurté, comme le montre le graphique figurant page suivante : DIMINUTION D'IR LIÉE À LA RÉFORME DU BARÈME VOTÉE Source : Philippe Le Clézio, rapport cité, page II-178. Alors que l'intégration de l'abattement de 20 % aurait dû s'accompagner, pour être neutre, d'une baisse de 20 % des taux affichés et d'une hausse de 25 % des limites des tranches - comme l'a démontré l'OFCE (22) -, la réforme a modifié les taux marginaux d'imposition. Ainsi, le taux de la tranche à 14 % (19,14 % dans l'ancien barème) aurait dû être fixé à 15,31 % ; l'IR des contribuables moyens s'en trouve certes réduit. À l'inverse, l'ancienne tranche supérieure (taux marginal de 48,09 %) aurait dû passer à 38,47 %, au lieu de quoi le taux a été fixé à 40 %, pour atténuer le gain des contribuables les plus riches qui ne bénéficiaient pas de l'abattement de 20 % dans l'ancien système, mais sans bien sûr l'annuler totalement. Entre ces deux situations, on note l'élargissement de la tranche à 30 %, dont les conséquences sont contrastées : certains contribuables voient leur taux marginal passer de 22,6 à 30 %, tandis que d'autres bénéficient d'un taux réduit (30 % au lieu de 34,1 ou 38,47 %). La répartition des gains le long de l'échelle des revenus est pour le moins aléatoire : pour un célibataire par exemple, ils sont nuls en bas de l'échelle, au niveau du SMIC, puis élevés en pourcentage mais très ciblés (autour de 24.500 euros annuels), faibles entre 31.000 et 51.000 euros, remontant ensuite jusqu'au seuil de la dernière tranche (autour de 65.600 euros), pour baisser et s'annuler voire provoquer un ressaut d'imposition au voisinage de 10 SMIC, avant de remonter très fortement en valeur pour les revenus les plus élevés. Avant même que ne soient remplies les déclarations de revenus de 2006, on sait donc qu'elles conduiront à des distorsions importantes entre contribuables. Si l'on inclut dans l'analyse, au-delà de la réforme de l'IR, l'augmentation de la PPE - dont on rappelle qu'elle est attribuée aux seuls contribuables modestes exerçant une activité - votée concomitamment, pour 1 milliard d'euros, l'injustice est quelque peu atténuée, comme le montre le graphique suivant : GAIN MOYEN LIÉ À LA RÉFORME VOTÉE EN LFI 2006 en euros en % N.B. L'échelle utilisée pour mesurer le revenu disponible par unité de consommation attribue 0,5 unité à un adulte supplémentaire, 0,3 à un enfant de moins de quinze ans et 0,5 à un enfant de plus de quinze ans. Source : OFCE. Les gains dus à la PPE bénéficient pour l'essentiel aux dix vingtiles du bas de l'échelle des niveaux de vie (soit la moitié la moins aisée des contribuables), tandis que les gains d'IR sont concentrés sur les quatre derniers. Bien que ces gains, exprimés en pourcentage du revenu disponible, soient dans l'ensemble relativement modestes, les écarts sont significatifs : la hausse de revenu, deux fois plus forte pour le dernier vingtile que pour le premier en pourcentage, est trente-six fois plus forte en euros. Si l'on classe les ménages en quatre catégories, les 10 % les plus pauvres ne reçoivent que 2 % du gain, les 50 % suivants en reçoivent 20 %, les 30 % suivants de la population en accaparent 38 % et les 10 % les plus aisés, 40 % (dont 31 % pour les 5 % les plus riches). Et l'OFCE de conclure : « Certes, la répartition du gain est plus égalitaire que celle de l'IR ; la réforme est plus équitable qu'une baisse uniforme de l'impôt en pourcentage ; elle n'en creuse pas moins les inégalités de revenu. » D'autant, par définition, que sont exclus de cette redistribution ceux qui ne bénéficient pas de la PPE. - L'IR est trop concentré pour être, face à la CSG, le pilier de l'imposition citoyenne des revenus. Pour conclure ce panorama de l'IR, de ses effets et de ses limites, votre Rapporteur souhaite insister sur sa concentration, mise en exergue par la Cour des comptes dans ses rapports précités sur l'exécution des lois de finances pour expliquer le caractère profondément inégalitaire des baisses de taux pratiquées depuis 2002. Le graphique ci-dessous montre que la dernière réforme en date n'a pas, si peu que ce soit, modifié cette situation. On pourrait en inférer que la progressivité de l'IR n'a pas été dégradée, mais ce serait oublier que la réalité est plus nuancée : la base se réduisant entre l'impôt 2006 et l'impôt 2007, ce sont aussi les gains d'une année sur l'autre qui sont toujours très concentrés. En outre, à une augmentation du nombre des non-imposables correspond mécaniquement, à concentration inchangée, une moindre progressivité parmi les imposables. CONCENTRATION DE L'IR : POURCENTAGE DE L'IMPÔT PAYÉ PAR LES FOYERS CLASSÉS EN DÉCILES DE REVENU Source : rapport général sur le projet de loi de finances pour 2006 (doc. AN n° 2568, tome III, volume 1). Le contraste est saisissant avec la CSG. Cette autre imposition sur le revenu, aux caractéristiques toutefois très éloignées de l'IR - au point qu'elle ne soit pas toujours regardée comme un impôt dans les comparaisons internationales, mais comme une cotisation - et étudiées plus loin, possède une assiette très large, un taux proportionnel, une affectation précise, relativement peu de niches ; individualisée, elle est recouvrée à la source. Surtout, la CSG concerne un nombre bien plus élevé de redevables que l'IR. En 2006, le nombre total de foyers imposés à l'IR était de 16,9 millions, sur un total de 34,8 millions, soit moins d'un sur deux. La CSG est acquittée par plus de 33 millions de contribuables. Le produit attendu de l'IR pour 2007 s'établit à 57,1 milliards d'euros, contre 78,3 milliards d'euros pour la CSG. Pourtant, la perception psychologique par les ménages des impositions dont ils sont redevables, comme la place relative de l'IR et de la CSG dans le débat public relatif à l'imposition des revenus, ne reflètent pas du tout un tel déséquilibre. C'est la raison pour laquelle votre Rapporteur estime souhaitable d'étudier la possibilité de leur rapprochement, en forme de « réunification » de l'imposition des revenus. Tant que se combineront le faible montant global de l'IR, sa portion congrue parmi les PO français, l'existence de niches pléthoriques en son sein, ses distorsions internes entre catégories de revenus et entre déciles de revenus ainsi que sa concentration excessive, il restera ce symbole fragile et critiqué de notre système fiscal, dépassé par la CSG, et impuissant à constituer un véritable impôt citoyen. B.- UN SYSTÈME DE PRÉLÈVEMENTS DEVENU INCOMPRÉHENSIBLE Les contribuables ont visiblement du mal à se retrouver dans le système actuel de prélèvement de l'impôt. Les taux d'imposition affichés ne sont pas les taux réellement appliqués, et encore moins les taux ressentis. Certains impôts sont prélevés à la source, d'autres non. De plus, les réseaux de recouvrement ne sont pas les mêmes selon l'affectataire de l'impôt, alors que le revenu taxé peut être identique. Une simplification semble donc nécessaire pour redonner du sens et de la visibilité au prélèvement fiscal et social. Il ne faut pas que les contribuables aient l'impression de payer trop d'impôt parce que le système d'imposition est éclaté. Il s'agit de leur garantir qu'ils payent tous, de manière équitable, un impôt citoyen. 1.- Peu de lisibilité du prélèvement pour les contribuables Les règles de calcul de l'imposition des revenus manquent de clarté. Ainsi, les mécanismes de la progressivité de l'IR sont peu lisibles. Le barème par tranches nécessite, pour être compris, de maîtriser la distinction entre taux moyen et taux marginal. L'oubli de cette distinction entraîne une grande confusion dans l'esprit des contribuables sur le niveau réel de la pression fiscale au titre de l'IR. Plus globalement, la multiplicité des prélèvements fiscaux et sociaux, certains figurant sur le bulletin de salaire et d'autres non, certains étant déductibles les uns des autres et d'autres non, rend incompréhensible aux yeux des Français la contribution qui leur est demandée au titre de la solidarité nationale. Le consentement à l'impôt ne peut qu'en être fortement altéré. On peut même considérer que l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui proclame le droit pour tous de « constater [...] la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée » n'est plus vraiment respecté. Certains ménages ont des difficultés à comprendre la notion de taux marginal et la confondent avec celle de taux moyen. Le barème de l'IR applicable aux revenus perçus en 2006 s'exprime de la façon suivante : Barème de l'IR sur les revenus 2006 exprimé en taux marginaux (article 197 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi de finances pour 2007) « L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 5.614 euros le taux de : « - 5,5 % pour la fraction supérieure à 5.614 euros et inférieure ou égale à 11.198 euros ; « - 14 % pour la fraction supérieure à 11.198 euros et inférieure ou égale à 24.872 euros ; « - 30 % pour la fraction supérieure à 24.872 euros et inférieure ou égale à 66.679 euros ; « - 40 % pour la fraction supérieure à 66.679 euros. » Ce mode de calcul exprimé en taux marginaux (dans lequel le taux s'applique uniquement à la fraction de revenu comprise dans la tranche, et non à la totalité du revenu) rend relativement complexe la détermination des taux réels effectivement applicables aux revenus. Le calcul est en outre compliqué par le fait que le revenu désigné dans ce barème est obtenu après déduction de 10 % pour frais professionnels - étant rappelé que, pour la première fois en 2007, l'abattement de 20 % y est intégré - et division par le nombre de parts de quotient familial. Enfin, l'impôt résultant de l'application du barème est soumis à deux corrections : d'une part, il est corrigé de façon à ce que la réduction d'impôt procurée par le système du quotient familial ne puisse pas excéder un plafond ; d'autre part, lorsqu'il est inférieur à un certain seuil, l'impôt dû est réduit par le système de la décote. Or, le taux moyen d'imposition des revenus, calculé en rapportant la cotisation d'IR au revenu déclaré, est notablement inférieur au taux marginal d'imposition. Cette vérité arithmétique, qui découle directement du principe de la progressivité par tranches, est en outre renforcée par les modalités de calcul de la base taxable qui viennent d'être évoquées et qui adoucissent en effet sensiblement les conditions d'assujettissement au barème de l'impôt. Le taux marginal dont relève le contribuable au titre du barème (c'est-à-dire le taux facial fixé chaque année par la loi de finances) est ainsi lui-même notablement supérieur au taux marginal effectif auquel est assujetti tout supplément substantiel de revenu. - Le faux débat focalisé sur le taux marginal supérieur à l'IR Le niveau élevé des taux marginaux d'imposition applicables aux hauts revenus fait l'objet d'un débat récurrent dans tous les pays de l'OCDE. Comme votre Rapporteur l'a déjà indiqué précédemment s'agissant de l'ensemble des PO, il convient de rappeler les limites des comparaisons internationales en matière d'impôts. En effet, de telles présentations ne peuvent pas résumer l'ensemble des différences existant entre les pays, notamment en matière de services publics offerts. Cependant, les taux des tranches supérieures peuvent jouer un rôle emblématique de signal pour l'attractivité du territoire national vis-à-vis des salariés hautement qualifiés, en dépit de la diversité des assiettes auxquelles ces taux s'appliquent. Si elle n'est pas la plus pertinente en termes de rationalité économique, la comparaison la plus facile à opérer pour un organisme comme l'OCDE concerne ce que celui-ci appelle « l'impôt progressif prélevé par le gouvernement central ». Concernant ce prélèvement, la tendance générale dans les pays de l'OCDE depuis le début des années 1990 est celle d'une diminution sensible du taux marginal d'imposition sur les hauts revenus. Même si la France a diminué son taux marginal supérieur de l'IR de près de 9 points entre 1990 et 2005, elle se trouvait toujours à des niveaux supérieurs à ceux des grands pays d'Europe continentale (Allemagne, Espagne, Italie) et des pays anglo-saxons (États-Unis, Royaume-Uni, Irlande). Après la loi de finances pour 2006, le taux marginal supérieur a encore baissé de plus de 8 points, passant de 48,09 % à 40 %. De ce fait, le taux supérieur facial de l'IR en France se situe aujourd'hui dans la moyenne de ce qui est pratiqué chez nos voisins européens.
Toutefois, l'analyse des taux marginaux supérieurs d'imposition ne doit pas se limiter à celle des taux faciaux de l'impôt sur le revenu. Ainsi, de nombreux pays de l'OCDE prélèvent également des impôts locaux sur le revenu (23), des surtaxes diverses et des impôts sur le revenu au profit de la sécurité sociale. Dès lors, les comparaisons entre les pays font apparaître des différences bien moins importantes entre les différents taux de taxation. Les pays où le taux d'imposition des hauts revenus est le plus fort sont la Suède et le Danemark, du fait des impositions locales sur le revenu. En raison de la déductibilité de l'IR des cotisations sociales salariales et des abattements de 10 % et 20 %, non plafonnés au seuil de la tranche supérieure, le calcul à ce niveau de revenus du taux marginal de l'ensemble des impôts par rapport au salaire aboutissait, même avant la réforme de l'IR opérée par la loi de finances pour 2006, à un classement moins défavorable de la France. La prise en compte supplémentaire des cotisations salariales confirme globalement cette hiérarchie, la Belgique venant alors rejoindre les pays scandinaves parmi les pays où le salaire brut est marginalement le plus prélevé. La France se situe, elle, dans la moyenne. TAUX MARGINAL SUPÉRIEUR DE L'IMPOSITION GLOBALE SUR LE REVENU EN 2005
Comme on le constate à la lecture de ces tableaux, le débat sur l'imposition des revenus, et même des hauts revenus, est totalement biaisé dès lors que l'on évoque seulement la question des taux marginaux les plus élevés à l'IR. - Le vrai débat occulté sur les taux marginaux excessifs applicables aux bas salaires Si la focalisation excessive sur le taux marginal supérieur de l'IR est un faux débat, en revanche, une vraie injustice ressort du système fiscal aujourd'hui, lorsqu'on compare les effets sur les bas salaires des prélèvements opérés au titre, d'une part, de l'IR avec la PPE, et, d'autre part, de la CSG et de la CRDS. Du fait de la diminution progressive des effets de la PPE et de la décote, le taux marginal de l'IR est beaucoup trop élevé (48 %) entre 1 SMIC et 1,3 SMIC : pour chaque euro d'augmentation de salaire net, l'impôt augmente de 48 centimes. En prenant en compte la diminution induite des aides au logement, le taux marginal effectif de prélèvement entre 1 SMIC et 1,3 SMIC s'élève même à 71 % : pour chaque euro d'augmentation de salaire net, le revenu disponible du salarié augmente seulement de 29 centimes. Si l'on raisonne par rapport au salaire brut, ce phénomène est encore aggravé par les allégements de cotisations patronales, dégressifs jusqu'à 1,6 SMIC. La trappe à bas salaire joue ainsi à plein. Le graphique suivant, réalisé par l'OFCE dans le cadre de l'étude demandée par votre Rapporteur et qui figure en annexe au présent rapport, représente la contribution de l'IR, de la PPE et de la CSG au taux marginal effectif d'imposition en pourcentage du salaire net. TAUX MARGINAL D'IMPOSITION (IR+PPE+CSG) D'UN CÉLIBATAIRE (revenu net exprimé en nombre de SMIC) Source : OFCE. Ce graphique, très heurté au bas de l'échelle des revenus, montre que le système fiscal actuel aboutit, en raison de sa complication, à prélever l'impôt à des taux marginaux décroissants à partir de taux très élevés pour le bas de l'échelle des revenus. Il s'agit d'une injustice intolérable, et pour autant totalement occultée dans le débat fiscal qui se concentre sur des taux nominaux. Sous la forme d'une boutade, on pourrait presque dire qu'avec un taux marginal de 48 %, un smicard aurait tout intérêt à quitter la France pour des raisons fiscales ! Pour résoudre ce problème, il conviendrait, avant même de fusionner IR et CSG pour éviter les effets pervers dus à l'interaction des deux prélèvements, de rétablir la vérité des taux effectifs d'imposition. À cet effet, on pourrait passer d'un barème exprimé en taux marginal à un barème en taux moyen, réforme que votre Rapporteur propose de regarder dans la troisième partie du présent rapport. La lisibilité des prélèvements sociaux est également médiocre. Sur le salaire brut sont en effet prélevées plus d'une dizaine de lignes de cotisations et contributions sociales, destinées à des organismes que le salarié connaît rarement. La part patronale, qui n'est pourtant pas défalquée du salaire brut, apparaît également à la demande des employeurs afin de faire ressortir le coût salarial total. Les taux de prélèvements sociaux assis sur les salaires atteignent, au niveau du SMIC, 21,46 % de part salariale et 40,45 % de part patronale (24). En conséquence, une entreprise doit débourser l'équivalent de 1,4 SMIC pour rémunérer un salarié au SMIC, alors que ce salarié ne perçoit réellement que l'équivalent de 0,8 SMIC en net. Le système de protection sociale récupère, pour ce salarié, l'équivalent de 0,6 SMIC. Le coût du travail en France est donc ainsi réparti : 60 % pour la rémunération du salarié et 40 % pour sa protection sociale. Il ne faut toutefois pas se méprendre sur la signification de ce partage dans le débat actuel sur le coût de la vie. Si le salaire direct est faible, c'est en raison du compromis social qui résulte, depuis 1945, de la socialisation du salaire. Les salariés, collectivement et par l'intermédiaire des syndicats, considèrent en effet qu'une partie de la rémunération qui leur est due prend la forme d'un salaire différé, qui doit leur être versé sous forme de prestations sociales et de pensions de retraite. Mais en sont-ils toujours aussi conscients aujourd'hui ? Manifestement, une meilleure communication sur l'utilité du prélèvement social devrait être organisée, par exemple sur le modèle de la lettre du ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie envoyée aux contribuables avec leur déclaration de revenus afin de leur présenter l'utilisation qui est faite du produit des impôts. De même, à partir de ce bulletin de salaire, le salarié peut constater que certaines cotisations et contributions sociales sont déductibles, et d'autres non. Cela signifie que le net payé est inférieur au net fiscal, c'est-à-dire que l'IR porte sur des revenus qui n'ont pas été réellement perçus. Cet écart, imputable à la CSG et à la CRDS, est égal à 2,813 % du salaire brut (2,9 points sur une assiette de 97 %). Là encore, comme votre Rapporteur le présentera dans la troisième partie de ce rapport, une clarification est souhaitable, même si aucune objection de principe ne s'oppose à un tel mécanisme qui permet une plus grande justice fiscale.
Montant du plafond au 1er janvier 2007 : 2.682 euros mensuels. Ne sont mentionnés dans ce tableau que les prélèvements concernant les administrations de sécurité sociale au sens de la comptabilité nationale (donc hors apprentissage, formation professionnelle, aides au logement,...). 2.- Beaucoup d'organismes de recouvrement concernés Fruit de l'histoire et reflet de la complexité de la législation fiscale, le mode de recouvrement des impôts en France est dispersé entre plusieurs réseaux. Ceux-ci utilisent des techniques différentes pour un même objectif : percevoir au moindre coût pour la collectivité les ressources dont l'État et la sécurité sociale ont besoin pour remplir leurs missions. La LOLF a ainsi permis de mesurer la performance du recouvrement de l'impôt. Mais l'empilement des structures et la diversité des méthodes de recouvrement complexifient de manière difficilement chiffrable notre système fiscal et réduisent son efficacité globale. Les services fiscaux de l'État compétents en matière d'imposition personnelle sur le revenu sont scindés entre deux grandes directions du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie : la direction générale des impôts (DGI) pour ce qui concerne l'assiette, le calcul et le contrôle de l'IR, et la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) pour le recouvrement de l'impôt. Cette dualité historique, héritière de la séparation classique en finances publiques entre l'ordonnateur et le comptable seul autorisé à manier des deniers publics, n'est pas facilement compréhensible pour les contribuables eux-mêmes. Au sein de la DGI, la fonction de conception relève essentiellement de la direction de la législation fiscale (DLF), tandis que les fonctions d'exécution sont déconcentrées au niveau des directions départementales des services fiscaux (DSF) et des centres des impôts (CDI), qui éditent les rôles d'IR. Les activités opérationnelles de recouvrement sont quant à elles majoritairement exercées dans les trésoreries. L'ensemble du contentieux fiscal de l'IR relève de la juridiction administrative. Les moyens budgétaires correspondants sont mutualisés au sein d'une action du programme Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local de la mission Gestion et contrôle des finances publiques, qui est dotée de 1,8 milliard d'euros en crédits de paiement pour 2007 (il faut cependant y ajouter la part correspondante des services centraux et des fonctions transversales qui figure sur une action de soutien, soit plus de 900 millions d'euros). Les principaux objectifs attachés à ce programme en matière fiscale consistent à promouvoir le civisme fiscal, à faciliter l'impôt et à renforcer la lutte contre la fraude, tout en maîtrisant les coûts de gestion. Déclarer ses revenus et s'acquitter de son impôt est l'expression concrète du consentement à l'impôt qui fonde le pacte républicain. C'est pourquoi la DGI et la DGCP doivent s'attacher à améliorer l'accomplissement volontaire de leurs obligations par les contribuables, en proposant aux usagers une offre de service mieux adaptée, des démarches simplifiées et une administration d'une qualité de service de haut niveau. Cette promotion du civisme fiscal s'exerce également à travers la mission de contrôle et de lutte contre la fraude fiscale, tout en garantissant une plus grande sécurité juridique pour le contribuable. Cette mission doit toutefois être accomplie au meilleur coût. La recherche d'une plus grande efficience de la gestion des services fiscaux est déjà largement engagée depuis la signature des premiers contrats de performance en 2000. Grâce à la LOLF, elle est mesurée au travers d'indicateurs de résultat. La part d'usagers particuliers respectant leurs obligations en matière d'IR, c'est-à-dire déposant une déclaration de revenus dans les délais, est aujourd'hui très élevée (97,9 % attendus en 2007) et en légère progression. De même, le taux brut de recouvrement des impôts sur rôle s'accroît continûment et devrait atteindre 97,87 % en 2007. Le civisme fiscal est donc très bien ancré chez nos concitoyens. Se devant d'être une administration de service de référence en France, l'administration fiscale améliore parallèlement sa performance, car le taux d'intervention sur l'impôt, mesuré selon les critères déterminés par le rapport Lépine de 1997, est passé de 1,41 % des sommes collectées en 2003 à 1,32 % en 2005. La sphère sociale dispose de son côté de plusieurs réseaux de recouvrement, souvent propres à chaque régime de sécurité sociale. La multiplicité des régimes, fruit de l'histoire et de la construction progressive du modèle social français, se retrouve donc aujourd'hui dans la mise en œuvre de la fonction de recouvrement des recettes sociales. L'organigramme institutionnel qui en résulte est baroque et peu compréhensible. On compte ainsi à titre principal huit réseaux de recouvrement différents pour les prélèvements sociaux. - Le principal réseau de recouvrement, qui collecte les deux tiers des prélèvements sociaux à lui seul (soit plus de 250 milliards d'euros), est celui du régime général, avec les 102 unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) (25) - qui sont des organismes de droit privé dotés de prérogatives de puissance publique - et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui est l'établissement public administratif tête de réseau. Le total des dépenses de gestion administrative de ce réseau, tel que prévu par la convention d'objectifs et de gestion signée avec l'État, est de 1,1 milliard d'euros pour 2007. Ce réseau recouvre directement auprès des entreprises les cotisations sociales, salariales et patronales, pour les salariés relevant du régime général. Il recouvre également les cotisations d'allocations familiales pour les travailleurs non salariés non agricoles et les agents publics, ainsi que, pour ces derniers, les cotisations patronales correspondant aux prestations maladie en nature. Enfin, il recouvre la CSG et la CRDS sur les tous les revenus d'activité non agricole, qu'ils soient salariaux ou non salariaux, et sur les revenus de remplacement : sont donc concernés tant les salariés du privé que les agents publics et les travailleurs indépendants, plus tous les titulaires de revenus de remplacement assujettis. Le contentieux des cotisations et contributions sociales recouvrées par les URSSAF relève de la juridiction judiciaire, et plus particulièrement des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS). - Spécifiquement pour les salariés et les exploitants agricoles, les cotisations et contributions sociales (CSG et CRDS) sont recouvrées par les caisses de mutualité sociale agricole (MSA). - Pour les travailleurs indépendants, alors que la CSG, la CRDS et les cotisations familiales sont recouvrées par les URSSAF, les cotisations maladie et vieillesse le sont par les caisses du régime social des indépendants (RSI). - Les cotisations, salariales et patronales, destinées à financer les régimes de retraite complémentaire (ARRCO, AGIRC, IRCANTEC,...) sont prélevées directement par les caisses de chacun de ces régimes. - Les cotisations, salariales et patronales, destinées à financer le régime d'assurance chômage sont quant à elles prélevées directement par les associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC) ou, en Île-de-France, par le groupement des ASSEDIC de la région parisienne (GARP). - Pour les bénéficiaires des régimes spéciaux, les cotisations spécifiques (hors CSG et CRDS donc) sont prélevées par les caisses de chacun de ces régimes. En particulier, pour les fonctionnaires de l'État, les retenues sur traitement sont affectées, depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, au compte d'affectation spéciale Pensions. - Les cotisations obligatoires destinées à rémunérer les congés payés des salariés du BTP sont prélevées directement par les caisses correspondantes. - Enfin, l'administration fiscale de l'État (DGI et DGCP) intervient aussi pour recouvrer les prélèvements sociaux (CSG, CRDS, CSA et prélèvement social de 2 %) portant sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement. En effet, ces contributions sont recouvrées selon des règles de nature fiscale, inspirées de celles applicables pour l'IR. Les services du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie reversent donc à l'ACOSS tous les mois le montant des recettes prélevées à la source par les organismes financiers et les notaires, et en fin d'année les montants correspondant aux rôles émis auprès des particuliers. À l'occasion de ces opérations, des frais de gestion sont prélevés par l'État - comme pour la fiscalité locale. Compte tenu de l'extrême dispersion des réseaux de recouvrement des prélèvements sociaux, la mesure de la performance globale est plus qu'embryonnaire. Le projet de programme de qualité et d'efficience (PQE) joint en annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 se contente ainsi de fournir quelques indicateurs, sans stratégie ni objectifs détaillés, avec quelques valeurs cibles seulement, et uniquement pour le réseau des URSSAF. Le taux de restes à recouvrer (RAR), qui reflète à la fois les évolutions de la conjoncture économique - le nombre de cotisants faisant face à des difficultés financières augmente généralement en période de ralentissement conjoncturel - était de 0,81 % en 2005, en diminution constante depuis 2002. Le coût de l'intervention des URSSAF reste stable à 0,36 % du montant des encaissements. Le taux de couverture du fichier des employeurs par l'activité de contrôle a représenté 16,6 % du montant total des cotisations liquidées en 2005, et devrait atteindre 23,9 % en 2009. Enfin, le taux de redressement des personnes dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, qui vise à cibler ce type de contrôle particulier considéré à juste titre comme prioritaire, devrait se maintenir à 30 %. Dans des proportions certes très différentes, les deux principaux réseaux de recouvrement utilisent déjà aujourd'hui la technique du prélèvement à la source. Si cela n'est vrai que marginalement pour l'IR - notamment pour les revenus de capitaux mobiliers qui peuvent faire l'objet d'un prélèvement libératoire -, il s'agit d'ores et déjà du mécanisme habituel de collecte des prélèvements sociaux sur les revenus d'activité et de remplacement ainsi que sur les produits de placement. Les prélèvements à la source au titre de l'IR sont évalués à part dans l'état A annexé à la loi de finances : en plus du produit de l'IR recouvré par voie de rôle, 3,8 milliards d'euros sont prélevés à la source, dont 3,2 milliards d'euros au titre du prélèvement forfaitaire libératoire. Ces retenues représentent donc au total 6 % du produit de l'IR. C'est peu par rapport aux prélèvements sociaux, qui sont presque intégralement prélevés à la source, sauf pour les revenus du patrimoine, le recouvrement s'effectuant alors par voie de rôle en même temps que celui de l'IR. On peut présenter les prélèvements à la source existants selon la personne qui les effectue pour le compte des différents réseaux de recouvrement. · Les prélèvements effectués par les établissements de crédit et les autres organismes financiers Les banques effectuent un nombre important de prélèvements pour le compte des administrations fiscale et sociale. La plus grande partie d'entre eux concerne les produits de placement financiers et certains revenus du patrimoine. Une faible part est consacrée à quelques opérations spécifiques comme le prélèvement forfaitaire sur les ventes de métaux précieux (au taux de 7,5 % pour les métaux précieux et l'or et de 4,5 % pour les bijoux et autres biens de collection) ou la liquidation du prélèvement spécifique sur les bons anonymes au titre de l'ISF. De manière plus détaillée, on peut distinguer les prélèvements fiscaux suivants : - le prélèvement forfaitaire libératoire au taux de 16 % sur les produits des obligations et parts émises par les fonds communs de créance d'une durée de plus de cinq ans, les intérêts des bons de caisse et bons du Trésor et produits des autres titres de créance négociables, les intérêts des PEL de plus de douze ans, des produits des autres créances (comptes sur livret, comptes rémunérés) et des produits de source française versés à des non-résidents (sous réserve, dans ce dernier cas, de nombreuses exonérations et réductions de taux prévues par les conventions fiscales internationales signées par la France) ; - le prélèvement sur les produits des bons et contrats de capitalisation, selon un taux qui varie avec la durée du placement : 35 % si la durée est inférieure à quatre ans, 15 % si cette durée est comprise entre quatre et huit ans et 7,5 % pour une durée égale ou supérieure à huit ans ; - le prélèvement sur les revenus distribués par une société française aux non-résidents, au taux de 25 % (sous réserve des exonérations et réductions de taux prévues par les textes communautaires et les conventions fiscales internationales signées par la France). Les banques prélèvent également la CSG au taux de 8,2 %, la CRDS au taux de 0,5 %, le prélèvement social de 2 % et sa cotisation complémentaire de 0,3 % au titre de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), soit au total 11 % de prélèvements sociaux, lors de la liquidation du prélèvement forfaitaire libératoire prévu ou lors de l'inscription en compte des produits d'épargne sur les produits pour lesquels le législateur l'a expressément prévu. · Les prélèvements effectués par les entreprises et par les organismes débiteurs de prestations sociales Il existe un prélèvement à la source sur les traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française versés à des personnes non domiciliées fiscalement en France. Ces revenus sont considérés comme étant de source française lorsque leur débiteur est domicilié ou établi en France. Ce prélèvement à la source, calculé selon un barème spécifique, n'est pas libératoire de l'IR ; il constitue seulement un acompte imputable sur l'impôt dû in fine. Les revenus des artistes (notamment les droits d'auteur), des inventeurs et des sportifs peuvent être soumis à un prélèvement à la source, par le débiteur, au taux de 15 % ou de 33,33 %. Ce prélèvement est obligatoire si les bénéficiaires n'ont pas d'installation professionnelle permanente en France. La CSG et la CRDS sur les revenus salariaux et sur les revenus de remplacement sont précomptées par les organismes payeurs des revenus correspondants, à savoir l'employeur ou l'organisme de protection sociale concerné, selon les mêmes procédures que pour les cotisations sociales. À ce titre donc, la CSG est prélevée à la source et recouvrée par les URSSAF. · Les prélèvements effectués par le Trésor public Depuis que la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux a fiscalisé les indemnités de fonction perçues par les titulaires de mandats électifs locaux, les indemnités des élus locaux sont en principe prélevées à la source, avec effet libératoire à l'égard de l'IR, par le comptable public chargé de verser ces indemnités. 40.000 personnes sont potentiellement concernées par cette modalité de prélèvement à la source, la plupart des élus choisissant de se soumettre à ce prélèvement libératoire. Mais ils peuvent également opter pour une imposition de leurs indemnités suivant les règles applicables aux traitements et salaires, avec soumission intégrale au barème et donc sans prélèvement à la source. En cas de prélèvement à la source, la détermination du montant imposable s'effectue sur la base du montant total brut des indemnités de fonction, duquel sont déduits les contributions et cotisations sociales obligatoires et un montant forfaitaire représentant les frais d'emploi, ce dernier étant égal à 100 % du montant de l'indemnité versée aux maires de communes de moins de 500 habitants. La retenue pratiquée sur ce montant est ensuite déterminée par application du barème de l'IR pour une seule part fiscale. Jusqu'en 2007, cette retenue était calculée sans bénéfice de l'abattement de 20 % réservé aux traitements et salaires. Du fait de l'intégration des 20 % dans le barème par la loi de finances pour 2006, le taux du prélèvement à la source pour les élus locaux imposables sur leurs indemnités a donc diminué globalement de 20 % depuis le 1er janvier 2007. Par ailleurs, le Trésor public est aussi chargé de précompter les prélèvements sociaux sur les traitements de tous les agents publics, qu'ils soient fonctionnaires ou contractuels. Mais, dans ce cas, les collectivités publiques sont seulement considérées comme des employeurs, comme n'importe quelle entreprise, et elles doivent reverser les recettes correspondantes aux organismes de recouvrement compétents, notamment les URSSAF. · Les prélèvements effectués par les notaires Depuis le 1er janvier 2004, l'imposition à l'IR et à la CSG des plus-values immobilières repose sur un prélèvement à la source lors de la transaction, par l'intermédiaire du notaire. Les profits immobiliers à caractère habituel (c'est-à-dire professionnel) sont soumis à un prélèvement libératoire de l'IR au taux de 50 %. Les profits immobiliers à caractère occasionnel (non professionnel) sont soumis à un prélèvement libératoire de l'IR aux taux de 16 % ou de 33,33 %, sous réserve des règles d'abattement applicables, auxquels il faut ajouter 11 % de prélèvements sociaux recouvrés parallèlement. C.- DES PROGRÈS DÉJÀ ENGAGÉS POUR PLUS D'EFFICACITÉ DANS LE RECOUVREMENT Avant même d'envisager la mise en œuvre du prélèvement à la source de l'IR, le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie a entrepris de « moderniser l'impôt » pour le rapprocher du contribuable. De nouveaux modes de déclaration et de paiement de l'IR ont ainsi été mis en place. Parallèlement, le recouvrement des prélèvements sociaux a, lui aussi, été modernisé. 1.- Le rôle renouvelé de l'administration des finances pour simplifier la vie du contribuable Le projet de réforme des administrations fiscales, présenté en comité technique paritaire ministériel le 27 janvier 2000, a eu le mérite de lancer le débat au sein de Bercy sur l'adaptation des services et des procédures aux exigences nouvelles issues de l'évolution des technologies, afin de « faciliter l'impôt » aux contribuables. Sans bouleversement de structure, l'administration fiscale s'est depuis cette date lancée résolument sur la voie de la modernisation, ce qui lui a permis à la fois de mieux répondre aux attentes des usagers, de revaloriser le travail de ses agents en le recentrant sur des tâches à forte valeur ajoutée - notamment le contrôle - et de maîtriser les coûts de gestion dans une logique de mesure de la performance. Cette modernisation des services fiscaux peut se résumer au travers de trois dispositifs emblématiques : la déclaration préremplie des revenus (DPR), le paiement dématérialisé de l'IR et le rapprochement entre DGI et DGCP. Il en résulte une nouvelle donne sociale aujourd'hui à Bercy, où l'administration est tout à fait prête à s'adapter à la modernisation de notre système fiscal, qu'elle se traduise par le prélèvement à la source ou le rapprochement entre l'IR et la CSG. Le projet de « déclaration express » et préimprimée des revenus a été lancé alors que M. Dominique Strauss-Kahn était ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, en 1999. La déclaration préremplie (DPR) a vocation à apporter un nouveau service aux contribuables, et plus particulièrement à ceux de nos concitoyens qui rencontrent le plus de difficultés face à leurs obligations déclaratives. Sa mise en œuvre a nécessité une importante modification des circuits de traitement de l'information et des systèmes informatiques de l'administration fiscale avant de pouvoir être déployée en toute sécurité, car une première tentative de « déclaration express » testée en 2000 avait révélé un taux d'erreur de plus de 60 %. La DPR va de pair avec la déclaration simplifiée des revenus, qui est adressée depuis 2005 aux contribuables ne percevant que les revenus les plus couramment déclarés (salaires, retraites, principales charges déductibles). Elle s'articule également avec la procédure de télédéclaration de l'IR via Internet mise en œuvre depuis 2002 (26), les formulaires électroniques de déclaration devant eux aussi être préremplis. - Les travaux préparatoires et l'expérimentation de la DPR Trois axes prioritaires ont été identifiés par l'administration fiscale pour remplir les conditions de mise en œuvre de la DPR et offrir aux contribuables un service de qualité : la rapidité, l'exhaustivité et la fiabilité des informations recueillies auprès des tiers déclarants. Ceux-ci ont ainsi été sensibilisés à la nécessité d'adresser les informations dans des délais compatibles avec le calendrier de production de la DPR. Ces actions, qui visaient notamment à encourager le recours aux procédures d'envoi sur support magnétique et à faire prendre conscience aux tiers déclarants de l'importance du chantier en cours, ont permis d'enregistrer des progrès constants : ainsi, alors qu'en 2002, 79 millions de « lignes » validées avaient été adressées à la DGI au 31 mars (date limite permettant l'impression des informations transmises sur les DPR et leur envoi aux contribuables à partir de mai), ce nombre n'a pas cessé de progresser pour atteindre 93,3 millions en 2006. Les actions de sensibilisation ont aussi porté sur la nécessité pour les tiers déclarants d'adresser des informations exhaustives comportant le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques (NIR) des salariés ou bénéficiaires d'allocations. Depuis la loi de finances pour 1999, validée sur ce point par le Conseil constitutionnel (27), la DGI et la DGCP peuvent en effet utiliser le NIR dans le cadre de leurs missions fiscales, tout en utilisant une table de correspondance NIR/numéro fiscal pour rapprocher les informations transmises des contribuables gérés dans les référentiels de la DGI. Le taux d'informations accompagnées du NIR est ainsi passé de 96,2 % en 2002 à 98,7 % en 2006. De plus, pour être en mesure de rapprocher les informations reçues des déclarations de revenus afin de les imprimer dans les cases correspondantes, l'administration devait s'appuyer sur un numéro fiscal (numéro SPI) fiable. Depuis 2003, des opérations de mises en concordance des états civils gérés par la DGI avec ceux connus de l'INSEE ont été entreprises (exploitation de listes de discordances par les services locaux des impôts, envoi en 2004 d'une lettre à plus de 3,6 millions de contribuables dont l'état civil connu de la DGI n'était pas certifié par l'INSEE). Le taux d'état civil sécurisé est ainsi passé de 82,7 % en 2003 à 95,2 % au début de l'année 2006. Pour mesurer l'ensemble des progrès réalisés, la DGI a réalisé chaque année une simulation informatique comparant les informations transmises par les tiers déclarants avec celles effectivement déclarées par les contribuables. Les résultats des tests menés au cours de l'été 2004 ont été jugés suffisamment concluants pour décider qu'une expérimentation de la DPR serait engagée au cours de la campagne de l'IR 2005. Cette expérimentation, menée dans le département d'Ille-et-Vilaine auprès de 480.000 foyers fiscaux (dont les caractéristiques fiscales se situaient dans la moyenne nationale), a permis de tester le dispositif de communication - la DPR nécessitant un décalage du calendrier traditionnel d'envoi des déclarations en mai et non plus en mars - et de mesurer l'accueil réservé par les contribuables à ce nouveau service, y compris en observant leurs réactions face aux éventuelles erreurs ou omissions, ainsi que les nouvelles organisations du travail induites par ce dispositif dans les centres des impôts. Le bilan positif de cette expérimentation, avec notamment un taux d'exactitude des informations préremplies de 87 %, a permis de généraliser ce nouveau service en 2006. - La généralisation de la DPR La DPR contient, en plus des informations concernant l'état civil, la situation de famille et le nombre d'enfants mineurs à charge qui figuraient déjà sur la déclarations de revenus, la mention des principaux revenus, à savoir les salaires, les pensions et les retraites, les allocations de préretraite, les allocations de chômage et les indemnités journalières de maladie. Ces informations supplémentaires étaient déjà connues de l'administration fiscale car elles étaient transmises par les tiers déclarants, mais elles n'étaient exploitées par les services fiscaux que dans le cadre du contrôle fiscal. La campagne de l'IR 2006 a également été marquée par la mise en place d'un dispositif d'information de grande ampleur destiné à sensibiliser les usagers au nouveau calendrier déclaratif et au mode d'emploi de la DPR. Plusieurs enseignements peuvent d'ores et déjà être tirés de cette première année de mise en œuvre. Au 31 mars 2006, près de 94 millions d'informations avaient été transmises à l'administration fiscale, soit plus de 97 % des informations reçues au cours de l'année 2005. Plus de 87 % de ces informations ont pu être rattachées à un foyer fiscal et ont donc été préimprimées sur les déclarations de revenus. Des imperfections ont certes été constatées mais elles sont restées marginales et, à de très rares exceptions près, provenaient des données transmises par les tiers déclarants. La comparaison entre les montants préremplis et les sommes effectivement déclarées par les contribuables permet de déterminer un taux d'exactitude proche de 84 % pour la première année de généralisation de la DPR. Ce taux est en progression de plus de 8 points par rapport à la simulation nationale réalisée en 2005. Le pourcentage de déclarations qui n'ont appelé ni complément, ni ajout d'aucune sorte par les contribuables s'établit à 10 %, soit un résultat identique à celui constaté en Ille-et-Vilaine en 2005. La dernière enquête d'opinion réalisée fin juin-début juillet 2006 pour connaître l'opinion des contribuables montrait que 87 % des personnes interrogées étaient favorables à la mise en place de la DPR. 87 % de ces mêmes contribuables n'ayant rencontré aucune difficulté par rapport au nouveau calendrier déclaratif. - Les perspectives d'avenir En 2007, la DPR doit être enrichie des salaires versés par les employeurs rémunérant leur personnel à l'aide du chèque emploi service universel (CESU). De plus, des études sont menées pour permettre aux contribuables de déclarer leurs revenus de manière très simplifiée, par la validation téléphonique auprès de l'administration fiscale de leur DPR, lorsque celle-ci n'appelle aucune rectification ou complément. Enfin, des tests devraient aussi être réalisés au cours de l'été 2007 pour mesurer la capacité de l'administration fiscale à préremplir les revenus de capitaux mobiliers à l'horizon 2008. Pour ce faire, des rencontres avec les principales fédérations représentatives des banques et établissements d'assurance sont organisées. Votre Rapporteur estime que tous les efforts visant à conforter et sécuriser la DPR permettront de faciliter ultérieurement le passage au prélèvement à la source de l'IR, notamment en ce qui concerne les relations entre les services fiscaux et les tiers déclarants, qui pourraient ainsi plus facilement devenir des tiers payeurs. La technologie sous-jacente à ces deux démarches est en effet commune : il s'agit de rapprocher du revenu des contribuables les données informatiques communiquées par les payeurs, et ce de la manière la plus sécurisée possible. À ce titre, l'objectif de la DPR à court terme doit demeurer de fiabiliser au maximum l'identification des contribuables, en passant d'un taux de 95 % à 100 %. Tout comme la DPR, la simplification des modalités de paiement de l'impôt participe aussi à la promotion du civisme fiscal. En offrant aux contribuables la possibilité de régler leur impôt selon le moyen de leur choix, l'administration des finances favorise ainsi le respect spontané des échéances. La possibilité de moduler le montant des versements en cours d'année, laissée à l'initiative des contribuables mensualisés, montre tout l'intérêt qu'il y a à développer les moyens d'adapter le paiement de l'impôt à la situation réelle des revenus. Le prélèvement à la source en sera le moyen ultime. Le paiement direct en ligne connaît une forte progression : il concernait 200.000 contribuables en 2005 contre 10.000 en 2003 (chiffres enregistrés lors du paiement du solde de l'IR). Contribue aussi au développement du paiement dématérialisé le prélèvement automatique de l'impôt au moyen de la mensualisation ou du prélèvement à l'échéance ; ainsi, plus de 10,2 millions de contribuables avaient opté pour la mensualisation en 2005, alors qu'ils n'étaient que 9,3 millions à l'avoir fait en 2003. Les progrès du paiement à l'échéance sont tout aussi importants : en 2005, 1,1 million de contrats avaient été souscrits, alors qu'il n'y en avait que 400.000 en 2003. Au total donc, 73 % des contribuables imposables ont choisi un moyen moderne de paiement fin 2006, comme le récapitule le tableau suivant.
Source : DGCP. De nombreuses mesures législatives et réglementaires ont été prises pour favoriser ce mouvement. Ainsi, concernant la mensualisation, on peut citer la suppression de la pénalité de 3 % en cas d'impayé à compter du 1er janvier 2001, le report de la date du prélèvement mensuel du 8 au 15 du mois à compter du 1er janvier 2004 et, depuis la même date, le doublement (de 10 % à 20 %) de la marge d'erreur autorisée sur l'estimation du montant de l'impôt en cas de modulation ou de suspension des prélèvements. L'avantage de trésorerie a aussi été accentué s'agissant du prélèvement à l'échéance : depuis 2005, les prélèvements d'impôt sont effectués au minimum dix jours après la date limite de paiement, au lieu de cinq jours auparavant. Depuis l'échéance du 15 septembre 2005, les particuliers bénéficient également d'un délai de cinq jours après la date limite de paiement mentionnée sur leur avis d'imposition pour payer directement en ligne leur impôt, le prélèvement sur le compte bancaire étant alors opéré dix jours après la date limite de paiement. Votre Rapporteur est en revanche beaucoup plus circonspect sur la réduction d'impôt, introduite par la loi de finances rectificative pour 2003 et dont le montant a été doublé par la loi de finances initiale pour 2005, accordant 10 euros puis 20 euros aux contribuables qui, au titre de la même année civile, procèdent à la déclaration de leurs revenus par voie électronique et au paiement dématérialisé de leur IR (prélèvement à l'échéance, mensualisation ou télépaiement). Le coût de cette nouvelle niche fiscale a dépassé les 100 millions d'euros en 2006, pour un effet d'aubaine manifeste, d'ailleurs dénoncé en décembre 2005 par la mission d'audit et de modernisation sur la procédure de télédéclaration de l'IR. Votre Rapporteur se rejouit donc qu'ait été adopté à son initiative, en loi de finances pour 2007, un amendement réservant cette réduction d'impôt aux seuls contribuables qui utilisent pour la première fois une procédure dématérialisée, afin de cibler au mieux l'effet incitatif de la mesure. Des campagnes de promotion des modes de paiement dématérialisé de l'impôt sont aussi menées chaque année par la DGCP. Outre la diffusion de brochures d'information sur ces moyens de paiement (guide pratique de la mensualisation, guide pratique du prélèvement à l'échéance, dépliant sur le service de paiement des impôts par Internet), elles passent notamment par la diffusion de messages incitatifs et d'un bulletin d'adhésion à la mensualisation ou au prélèvement à l'échéance avec les avis d'imposition. Toujours pour favoriser le paiement dématérialisé, les centres prélèvement service (CPS), composés de conseillers spécialisés, assurent l'accueil à distance des usagers sur le prélèvement automatique de l'impôt. Ils délivrent des informations sur la mensualisation et le prélèvement annuel ou par tiers et traitent les demandes d'adhésion et de modification à ce mode de paiement (changement de situation familiale, déménagement, modifications des mensualités...). Le premier CPS a ouvert à titre expérimental en septembre 2003 à Lyon pour les usagers du Rhône, de l'Ain et de la Loire. Le bilan d'activité a été jugé très positif en termes d'efficacité tant par les contribuables (28) que par les agents du Trésor public. Le CPS de Lyon a intégré la région Centre dans son périmètre en 2005 et trois autres CPS ont été créés en 2005 et 2006 : Strasbourg pour les régions Alsace et Franche-Comté, Lille pour la région Nord-Pas-de-Calais et Montpellier pour les départements de l'Hérault, du Gard et de la Lozère. Le ressort géographique des CPS va s'accroître en 2007 : l'ensemble de la région Rhône-Alpes pour Lyon ; la région Picardie pour Lille ; le département de l'Aude pour Montpellier. Au total, 29 départements (soit 31 % des contrats de prélèvement au niveau national) seront couverts par un CPS en 2007. En corollaire de cette montée en charge massive des modes de paiement dématérialisé, la DGCP a pu regrouper au sein de trois centres d'encaissement (situés à Lille, Rennes et Créteil) le traitement des moyens de paiement de masse non dématérialisé (chèques et TIP), jusqu'alors assuré par les trésoreries et les départements informatiques du Trésor. Depuis la fin des années 1990, l'administration fiscale s'est fixée comme objectif de devenir une administration de service de référence. Cet objectif est formalisé dans le projet annuel de performances de la mission Gestion et contrôle des finances publiques. Il se traduit par plusieurs axes de modernisation, tant informatiques qu'immobiliers et organisationnels, destinés à « faciliter l'impôt » pour les usagers en améliorant le service rendu tout en optimisant la gestion. Il s'agit de créer un interlocuteur fiscal unique pour l'usager particulier, autour du concept du point d'entrée unique (au guichet, par téléphone et par Internet). Pour mettre en œuvre ce projet de simplification de leurs relations avec les contribuables, la DGI et la DGCP ont développé depuis 2000 un programme informatique commun, dénommé COPERNIC, qui participe à la modernisation des systèmes d'information de l'État. Ce programme permet notamment le décloisonnement des données concernant les usagers, intégrées dans un outil commun, et la suppression des saisies multiples. Ont été réalisés à ce jour les modules suivants de COPERNIC : le portail fiscal pour les usagers, comprenant le compte fiscal des particuliers - avec consultation des données déclaratives y compris les éléments de la DPR ainsi que des données de paiements et déclaration d'IR par Internet - et le compte fiscal des professionnels, avec des services de télédéclaration et de consultation des données déclaratives et de paiements ; le portail métiers pour les agents ; la base nationale des données patrimoniales et la dématérialisation des extraits d'actes ; la sélection des dossiers des particuliers présentant une anomalie dans leur situation fiscale et nécessitant un contrôle. Le portail fiscal (www.impots.gouv.fr) est devenu l'un des premiers sites Internet français, avec plus de 73 millions de connexions enregistrées en 2005. Ce site permet aux contribuables de calculer leur IR ainsi que de télécharger et remplir en ligne des formulaires fiscaux. Il offre aussi la possibilité de poser des questions assorties d'un délai de réponse de quarante-huit heures. Dans le même sens, la création de trois centres d'appel impôts service permet aux usagers d'obtenir, soit des informations fiscales d'ordre général, soit des informations adaptées au contexte personnel de chacun grâce à la consultation de leur compte fiscal. Pour compléter le service rendu en matière de relations téléphoniques, une expérience est actuellement menée dans le département de l'Ain sur la mise en œuvre d'un numéro de téléphone unique permettant de contacter les services compétents de la DGI ou de la DGCP en fonction de la question posée par le contribuable. Toujours pour mieux répondre aux attentes des particuliers, une réorganisation des services des impôts et du Trésor public est engagée pour mettre en place « physiquement » le guichet fiscal unique. Ainsi, chaque fois que cela sera possible, des hôtels des finances seront créés ; 230 projets sont retenus sur la période 2006-2008 et 60 hôtels des finances, répartis dans une cinquantaine de départements, devraient ouvrir dès 2007 (4,5 millions de foyers fiscaux sont concernés). Lorsque ces rapprochements immobiliers sont difficilement envisageables, des accueils finances seront constitués grâce à la mise en œuvre de délégations de compétences croisées visant à étendre la compétence des centres des impôts et des trésoreries ; les contribuables pourront donc indifféremment y effectuer l'essentiel de leurs démarches. Une expérimentation est actuellement en cours dans 200 sites répartis sur douze départements et concernant plus de 2 millions de contribuables. Enfin, un nouveau service d'adresse Internet unique est testé dans trois départements (le Loiret, la Meurthe-et-Moselle et l'Essonne) pour permettre à chaque contribuable de contacter directement son service de proximité compétent, de lui poser des questions simples ou d'effectuer des démarches courantes. 2.- La modernisation du recouvrement social Parallèlement aux projets lancés dans la sphère fiscale, la démarche de simplification à l'égard des usagers a aussi été engagée par les organismes de recouvrement des prélèvements sociaux. Dans ce cas, les cotisants sont des entreprises et non des particuliers (ou alors des particuliers employeurs ou des travailleurs indépendants dans le cadre d'une entreprise individuelle). La problématique est donc différente de celle concernant les ménages : la simplification du recouvrement vise surtout à favoriser l'embauche et à alléger les formalités de nature administrative pesant sur les acteurs économiques. Pour autant, les moyens engagés rappellent ceux employés en faveur des particuliers. Votre Rapporteur estime important de les présenter ici, car ils correspondent aux techniques modernes de recouvrement qu'il conviendra de toute façon d'utiliser dans le cadre du précompte, par les employeurs, de l'IR prélevé à la source, quel que soit par ailleurs le réseau de recouvrement choisi. Au fur et à mesure de la réalisation des conventions d'objectifs et de gestion (COG) signées avec l'État, le réseau des URSSAF s'est fortement investi dans l'amélioration de la qualité du service rendu aux cotisants, notamment par le développement d'une large offre de services dématérialisés permettant à toutes les entreprises d'effectuer leurs formalités déclaratives en ligne, s'inscrivant ainsi dans une réelle dynamique de modernisation du service public. Les principales déclarations obligatoires sont accessibles par Internet, sur le site www.urssaf.fr : la déclaration unifiée des cotisations sociales (DUCS), la déclaration automatisée des données sociales-unifiée (DADS-U), le tableau récapitulatif des cotisations (TR), la déclaration unique d'embauche (DUE ou DPAE) et la déclaration commune des revenus (DCR). La voie dématérialisée est de plus en plus utilisée par les employeurs : près de 70 % des 30 millions de DUE sont dématérialisées et, en 2005, les URSSAF ont reçu via Internet 2,4 millions de déclarations de cotisations. Tous les employeurs et travailleurs indépendants ont un accès en ligne à leur compte cotisant ; ils peuvent consulter, 24 h/24 h et de façon sécurisée, l'état de leur compte et formuler certaines demandes (remise de majorations de retard, demande d'échelonnement, demande d'attestation de compte à jour,...). Cette offre permet également aux cotisants de recevoir l'ensemble des documents de leur URSSAF dans une boîte aux lettres électronique dédiée, et ainsi de dématérialiser complètement la relation avec leur organisme de recouvrement. Enfin, des sites informatifs permettent d'effectuer des simulations de calcul des cotisations et exonérations de cotisations sociales. Parallèlement, le groupement d'intérêt public Modernisation des déclarations sociales (GIP-MDS), créé en 2000, a pour mission de créer les conditions permettant aux entreprises d'effectuer toutes leurs déclarations sociales à l'aide d'outils économiques, performants, simples d'installation et ergonomiques. L'organisation du GIP-MDS a été conçue pour faire travailler ensemble les organismes de protection sociale et les organisations professionnelles concernées à un projet commun de simplification. Cette volonté s'est concrétisée avec la création du portail www.net-entreprises.fr, qui est un point d'entrée unique permettant aux entreprises et aux tiers déclarants (experts-comptables, organismes de gestion agréés) d'effectuer en ligne, de manière sécurisée, simple et gratuite, l'ensemble de leurs déclarations sociales. Si chaque organisme conserve sa mission et sa compétence propre, la mise en œuvre de ce portail a favorisé la mutualisation des moyens et l'amélioration du service rendu aux usagers. Quinze déclarations et services sont aujourd'hui disponibles sur ce site pour tous les régimes de protection sociale (régime général, assurance chômage, institutions de retraite complémentaire, prévoyance, congés payés,...). Il a atteint, fin 2006, 1 million d'inscrits et 4 millions de déclarations (soit une croissance de 224 % par rapport à 2005), l'objectif étant d'atteindre 8 millions de déclarations en 2007. Le GIP-MDS conduit actuellement une étude sur la mise en place d'une déclaration nominative périodique (DNP), mensuelle ou trimestrielle, qui serait directement alimentée à partir des données fournies par les logiciels de paie. Cette approche serait pour les entreprises une véritable simplification car elle conduirait à extraire des logiciels de paie, pour chaque salarié, les éléments nécessaires à l'accomplissement des formalités sociales pour les transmettre sous une forme dématérialisée aux organismes sociaux. La finalité de cette démarche est de supprimer à terme les déclarations périodiques dans leur forme actuelle, ainsi que la déclaration annuelle des salaires au travers de la DADS-U. Elle sera particulièrement utile pour la mise en œuvre du prélèvement à la source de l'IR. Tout comme les déclarations, les paiements des cotisations et contributions sociales sont eux aussi de plus en plus dématérialisés. Les entreprises redevables de cotisations d'un montant supérieur à 150.000 euros par an et celles versant leurs cotisations en un « lieu unique » (VLU) sont déjà tenues de régler les cotisations par virement ou par un autre moyen de paiement dématérialisé. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a renforcé cette obligation, en prévoyant que les entreprises qui acquittent plus de 700.000 euros de cotisations par an doivent désormais obligatoirement payer sous forme de virement. Par ailleurs, elle instaure une obligation progressive de dématérialisation des déclarations. Pour cela, elle prévoit de faire converger, en trois ans, le seuil de télédéclaration obligatoire vers celui de télérèglement (soit un seuil de 800.000 euros - qui concerne en moyenne des entreprises de 100 salariés - en 2007, 400.000 euros pour les entreprises de 50 salariés en 2008 et 150.000 euros pour les entreprises de 20 salariés en 2009). Les URSSAF proposent également des offres de services adaptées aux besoins spécifiques de différents types de cotisants. Les très petites entreprises peuvent utiliser le chèque emploi TPE, les salariés occasionnels peuvent être déclarés par le titre emploi entreprise occasionnels (TEE OCCA), et il est possible de recourir au chèque emploi associatif (CEA) ou au service emploi associations pour déclarer les salariés des associations. Parmi toutes ces procédures facilitant l'embauche au moyen de déclarations sociales simplifiées auprès d'un organisme unique, votre Rapporteur souhaite attirer l'attention sur le chèque emploi service universel (CESU), qui a remplacé depuis le 1er janvier 2006 le dispositif du chèque emploi service (CES) en le complétant pour offrir la possibilité d'une prise en charge par l'employeur du coût de l'emploi à domicile ou des prestations proposées par les entreprises de services à domicile. Avec l'accord du salarié, le CESU permet de rémunérer et de déclarer les personnes employées pour aider l'employeur dans le cadre de ses activités familiales ou domestiques. Le CESU se décline en deux offres de service : le CESU bancaire, qui est en fait l'ancien CES, permet de rémunérer et de déclarer un salarié employé à domicile ; le CESU préfinancé (titres CESU) sert quant à lui à payer un prestataire de services à la personne ou bien un salarié, avec l'aide financière de l'employeur, d'une mutuelle ou de tout autre organisme habilité. Le volet social du chèque est adressé par le particulier employeur au Centre national du CESU (CNCESU), géré pour toute la France par l'URSSAF de Saint-Étienne. Cet envoi tient lieu de déclaration d'embauche. Le CNCESU effectue le calcul et le prélèvement des cotisations sociales et adresse une attestation d'emploi au salarié, ce qui dispense l'employeur d'établir une fiche de paie. Les démarches déclaratives sont donc simplifiées, et l'ensemble de la procédure très bien encadrée. En pratique, si le particulier adresse son volet social le 30 janvier au CNCESU, celui-ci est réceptionné le 2 février puis saisi par un prestataire extérieur dans la limite de deux jours ouvrés. Le 5 février, l'attestation d'emploi est adressée au salarié. Le 22 février, le particulier reçoit un avis de prélèvement l'informant des cotisations dues, assorties ou non d'une exonération. Le prélèvement est directement effectué sur le compte bancaire du particulier employeur le mois suivant, autour du 25/26 mars donc. Entre temps (avant le prélèvement), le volet social peut être modifié en cas d'erreur à la demande de l'employeur. Et, en avril de l'année suivante, le particulier reçoit l'attestation fiscale lui permettant de déduire 50 % des salaires et cotisations du montant de son impôt. La plupart des particuliers employeurs utilisent les procédures déclaratives simplifiées : sur 1,67 million de particuliers employeurs en 2004 (hors PAJE et AGED), 1,1 million a eu recours au chèque emploi service, soit environ 66 %). En termes d'assiette de cotisations sociales, on peut estimer qu'environ 600 millions d'euros ont été déclarés grâce au CES au dernier trimestre 2005. Il va de soi que la simplicité et la sécurité qu'assure ce système ne doivent pas être remises en cause avec le prélèvement à la source de l'IR, sur les salaires versés par les particuliers employeurs - alors que même les distinctions traditionnelles (salaire net/salaire brut, cotisations salariales/cotisations patronales, forfait/réel) sont déjà difficilement comprises par ces derniers. Votre Rapporteur y reviendra dans la deuxième partie du présent rapport. Parallèlement à la mise en place, en 2006, du régime social des indépendants (RSI), l'ordonnance du 8 décembre 2005 institue un interlocuteur social unique (ISU) pour les travailleurs indépendants (29). Elle consacre ainsi la compétence de ce nouveau régime unifié en matière de recouvrement. Toutefois, il est prévu que le RSI délègue aux URSSAF certaines fonctions liées aux missions de recouvrement. Cette délégation de gestion sera transparente pour le travailleur indépendant qui ne connaîtra que le RSI, les URSSAF intervenant en back office et sous l'appellation de ce dernier. Dans le cadre de cette délégation, les URSSAF agissant pour le compte et sous l'appellation du RSI devraient être chargées de la participation à l'accueil et à l'information, du calcul et de l'encaissement des cotisations et contributions sociales, et de tout ou partie du recouvrement amiable des cotisations et contributions sociales jusqu'au trentième jour suivant la date d'exigibilité et la réalisation du contrôle. Le RSI assurera quant à lui les fonctions suivantes : les orientations du recouvrement amiable et forcé, le recouvrement amiable hors périmètre délégué, le recouvrement contentieux avec notamment l'émission des mises en demeure et des contraintes, les orientations en matière de contrôle, ainsi que la gestion du fonds national d'action sociale destiné aux assurés en difficulté. À compter de la mise en œuvre effective de l'ISU, au 1er janvier 2008, la responsabilité finale du recouvrement des cotisations d'allocations familiales, de la CSG et de la CRDS des travailleurs indépendants de l'artisanat et du commerce relèvera du RSI, et non plus des URSSAF comme on l'a vu précédemment. En sens inverse, le réseau des URSSAF sera chargé du recouvrement amiable de l'ensemble des cotisations et contributions sociales de ces travailleurs indépendants jusqu'au trentième jour suivant la date limite de paiement et il aura la responsabilité de leur encaissement, alors que son champ était jusque là limité à la CSG, à la CRDS et aux cotisations d'allocations familiales. La mise en œuvre de l'interlocuteur social unique suppose le calcul et l'appel des cotisations et contributions sociales dues par les professions artisanales, industrielles et commerciales par un seul organisme, l'URSSAF. Il est donc nécessaire d'harmoniser les règles de recouvrement des cotisations dues par les travailleurs indépendants de l'artisanat et du commerce afin de permettre le calcul et l'émission par l'URSSAF d'un seul avis d'appel, commun à l'ensemble des charges sociales du cotisant. Par ailleurs, le mode de paiement de droit commun deviendra en 2008 le prélèvement mensuel pour toutes les cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants. Une option pour un paiement trimestriel reste toutefois possible mais, quelle que soit la périodicité de paiement, l'ensemble des cotisations doit être réglé sur l'année civile. Une telle mensualisation des prélèvements sociaux est un élément favorable à prendre en compte dans la perspective de prélever également l'IR à la source sur les revenus non salariaux. II.- LE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE PERMETTRAIT DE RENDRE L'IMPÔT SUR LE REVENU PLUS ADAPTÉ À LA SITUATION DU CONTRIBUABLE Les constats qui viennent d'être dressés renforcent la nécessité d'une réforme fiscale d'ampleur dans le champ de l'imposition des revenus, portant à la fois sur le mode de recouvrement de l'impôt, son « profil » en termes de redistribution, son assiette et son pilotage. Votre rapporteur est persuadé que le temps est venu de mener cette réforme, dans le cadre d'un rapprochement avec la CSG. Ce moment propice ne pourra toutefois être utilement saisi qu'à un certain nombre de conditions. Les développements qui suivent ont pour but de les explorer méthodiquement, avec la pleine conscience des choix politiques qu'implique leur mise en œuvre, pour tracer les contours d'un impôt citoyen. Un impôt lisible, juste, efficace et susceptible d'être « piloté » en fonction des priorités politiques de chacun. Cheminer vers cet objectif suppose de franchir un certain nombre d'étapes - par exemple la suppression de niches fiscales et sociales ou leur plafonnement, la solution à apporter aux distorsions des quotients conjugal et familial dans le calcul de l'IR,... - qu'il s'agit à présent d'examiner en détail. * Votre Rapporteur souhaite, sur le chemin vers l'impôt citoyen, s'attacher en premier lieu au mode de recouvrement de l'IR, afin d'envisager dans toutes ses dimensions, des questions de principe aux modalités les plus concrètes, le passage du système actuel à un prélèvement à la source de cet impôt. Il s'agit de rechercher davantage d'efficacité et de cohérence économique, dans un esprit de modernisation d'un IR aujourd'hui passablement essoufflé, sans pour autant méconnaître les objections de tous ordres qui peuvent être opposées à cette réforme ou à certaines de ses modalités. De réels avantages pour le contribuable s'attachent à la mise en place du prélèvement à la source (A), même si des conditions préalables et des questions à trancher méritent un traitement minutieux (B), avant de pouvoir bâtir le scénario du passage à ce nouveau mode de recouvrement de l'IR (C). A.- LES VÉRITABLES AVANTAGES ATTENDUS POUR LE CONTRIBUABLE L'avantage déterminant de l'instauration du prélèvement à la source de l'IR est la meilleure prise en compte de la réalité économique via la suppression du décalage de plus d'un an entre la perception des revenus et le paiement de l'impôt. Cet ajustement salutaire peut se décliner en deux volets : ajustement à la réalité de la situation des contribuables et ajustement à la réalité de la vie économique du pays. 1.- Une imposition adaptée automatiquement à la situation réelle des contribuables À l'évidence, l'intérêt premier de l'instauration du prélèvement à la source de l'IR réside dans la meilleure adéquation de l'impôt à son assiette : alors que, dans le système actuel, l'IR représente un montant prédéfini perçu à échéances régulières sans lien avec le revenu courant du contribuable, le prélèvement à la source suppose en principe la retenue d'une fraction du revenu qui tient compte, par construction, du revenu perçu. Seule cette modalité particulière de recouvrement permet de tenir compte, en temps réel ou presque, des changements de situation affectant les redevables de l'IR. b) La prise en compte des changements de situation en cours d'année et des « accidents de parcours » Un deuxième avantage associé à la mise en place du prélèvement à la source consiste à tirer au plus tôt - voire instantanément - les conséquences de variations subites et importantes de la situation matrimoniale ou pécuniaire des contribuables. Les changements susceptibles d'influer sur le montant de l'impôt dû recoupent, schématiquement, les principaux types d'événements mentionnés ci-dessous. - Ajustements à la baisse de l'impôt dû : - perte de revenus consécutive à un départ en retraite, à une perte d'emploi (anticipée - telle la fin d'un CDD - ou imprévue), à un décès au sein du foyer, à un réaménagement de patrimoine ; - mariage, divorce, conclusion d'un PACS, naissance d'un enfant ; - rattachement d'une personne à charge ; - utilisation nouvelle d'une niche fiscale. Votre Rapporteur a pu recueillir des éléments chiffrés qui permettent de prendre la mesure du nombre de contribuables concernés par ce type d'ajustements à la baisse, à partir d'un panel relatif aux revenus de 2004 et 2005 constitué d'environ 30 millions de foyers fiscaux. Ainsi, hors changement de situation de famille, la diminution de revenus dans le champ d'un IR prélevé à la source toucherait plus de 9 millions de personnes, dont quelque 5,3 millions appartiennent à un foyer imposable (le caractère imposable ou non imposable, mentionné dans les tableaux figurant page suivante, est relatif aux revenus de 2005) :
La modification du nombre de parts entraînant une baisse de l'IR dû concerne environ 4,8 millions de foyers chaque année :
Quant au nombre de départs en retraite, il se répartissait comme suit en 2005 :
- Ajustements à la hausse de l'impôt dû : - entrée dans la vie active ou reprise d'emploi, pour tout ou partie des membres du foyer ; - diminution du nombre de parts du foyer (pour cause de décès, de divorce, de rupture de PACS ou encore de fin de rattachement fiscal d'un enfant) ; - revenus exceptionnels. S'ajoute à cette liste d'ajustements à la hausse, plus ou moins exceptionnels, l'augmentation « normale » des revenus d'une année sur l'autre, corollaire de l'évolution de la situation économique, qui concerne la grande majorité des foyers et plus encore, compte de tenu de la forte concentration de l'IR, les foyers imposables :
Certes, l'intérêt du prélèvement à la source est ici surtout macroéconomique. On pourrait arguer que le contribuable ne trouve pas, en pareil cas, de réel intérêt à voir l'impôt s'ajuster à la hausse plus rapidement que dans le système actuel ; il serait même plutôt perdant dans l'opération. Votre Rapporteur n'ignore pas que des gains de trésorerie peuvent résulter de l'actuel décalage dans le recouvrement de l'IR, mais il faut également tenir compte des difficultés de paiement qui peuvent surgir à l'occasion des régularisations à la hausse, lorsque, par exemple, un contribuable ayant commencé à travailler en janvier de l'année n a omis de provisionner l'impôt d'une année entière qu'il doit acquitter en septembre de l'année n+1. La même remarque vaut pour des mensualités ou des tiers provisionnels dont la hausse n'a pas été anticipée. Dès lors, il n'est pas exagéré de voir globalement un progrès dans le rapprochement entre la perception des revenus et leur taxation via le prélèvement à la source, même en cas de hausse de l'impôt dû. Sur ces changements de situation également, votre Rapporteur a réuni des statistiques auprès des services du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie, d'après le panel décrit plus haut. Ainsi, chaque année, le nombre de nouveaux contribuables est estimé à environ 800.000. Quant au nombre de foyers concernés par une diminution du nombre de parts, ils sont près de 1,5 million par an :
C'est donc, parmi les foyers imposables, un total de quelque 26 millions de changements de situation que l'on enregistre une année donnée et qui seraient mieux pris en compte si l'impôt était prélevé à la source. Au passage, le prétexte de la prise en compte des chutes brutales de revenu avancé par le Gouvernement pour justifier la mise en place du bouclier fiscal en loi de finances pour 2006 tombe de lui-même. Un effet positif trop peu évoqué des effets bénéfiques du prélèvement à la source est son impact macroéconomique. Il s'agit pourtant d'un élément non négligeable de la réforme, et l'audition du directeur des politiques économiques à la direction générale du Trésor et de la politique économique l'a bien mis en évidence, de même que celle du directeur du budget et d'autres observateurs avertis de notre système fiscal. Rapprocher l'encaissement des recettes d'IR de son fait générateur et, surtout, mieux ajuster le montant prélevé à l'assiette, ne peut qu'améliorer le rôle de stabilisateur automatique joué par l'impôt sur le revenu : les recettes seraient plus dynamiques en phase de croissance et le prélèvement serait allégé plus tôt en creux de cycle. Cela permettrait, en phase de croissance, de contenir l'inflation, d'améliorer plus rapidement le solde budgétaire pour désendetter l'État et, si le Gouvernement et le Parlement le décident, d'utiliser immédiatement les surplus de recettes ou d'alléger l'impôt. En creux de cycle, la ponction serait moindre sur le revenu des ménages, permettant un soutien plus opportun à la consommation. Bref, le jeu des « stabilisateurs automatiques » serait grandement facilité. Au contraire, l'actuel décalage dans le recouvrement de l'IR joue dans un sens procyclique, économiquement dommageable : en phase d'expansion, les recettes qui sont l'un des fruits de la reprise n'interviennent qu'avec retard et les marges de manœuvre qu'elles procurent ne peuvent être utilisées à plein, tandis que l'effet anti-inflationniste d'un prélèvement accru n'existe pas non plus. En phase de ralentissement de l'activité à l'inverse, le poids de l'impôt, mécaniquement plus lourd puisque calculé sur la base de revenus passés plus dynamiques, vient accentuer l'appauvrissement relatif des ménages ainsi que des entreprises soumises à l'IR. Il faut d'ailleurs noter incidemment que la corrélation avec l'activité économique sera d'autant plus fine que l'impôt prélevé à la source sera proche de l'impôt effectivement dû. Cela milite pour une technique de prélèvement qui minimise les régularisations a posteriori et qui, autant que possible, dépasse le stade de la « simple » retenue d'un taux moyen non révisable. En effet, taux moyen et taux marginal peuvent être fort différents : par exemple, pour un salaire de l'ordre de 6.000 euros mensuels, le taux marginal (pour une seule part) est de 36 % et le taux moyen de 20 %. Or c'est précisément le taux marginal qui grève le supplément de revenu en cas de hausse. Enfin, la meilleure corrélation de l'encaissement de l'IR avec l'activité économique sera également, toutes choses égales par ailleurs, source d'un gain budgétaire, constaté pour l'essentiel à l'occasion de l'année de transition entre ancien et nouveau mode de prélèvement. C'est un avantage supplémentaire à attendre lors du passage au prélèvement à la source, dont le traitement requiert un certain nombre de choix techniques et politiques. 2.- Une imposition sans année de décalage Corollaire de la prise en compte plus immédiate de la situation réelle des contribuables, la réduction du décalage existant entre la perception du revenu et le prélèvement de l'IR est sans doute l'avantage le plus visible, par le plus grand nombre, du passage à son prélèvement à la source. Aujourd'hui, le calendrier est le suivant : - janvier à décembre de l'année n-1 : perception des revenus imposables et utilisation des niches fiscales ; - janvier à septembre de l'année n : paiement de l'impôt sur les revenus de n-1, au moyens de tiers provisionnels ou de mensualités calculés sur le fondement de l'IR payé au cours de l'année n-1 sur les revenus de n-2, à condition que le foyer ait payé l'IR en n-1 (30) ; - mai-juin de l'année n : déclaration des revenus de l'année n-1 ; - août-septembre de l'année n : réception de l'avis d'imposition et ajustement du paiement de l'impôt jusqu'alors payé en référence à l'impôt sur les revenus de l'année n-2, que le foyer soit mensualisé ou verse des tiers provisionnels. En résumé : pendant les trois quarts de l'année 2007 (par exemple), l'IR est payé sur la base des revenus de l'année 2005. Avec un système de prélèvement à la source, en régime de croisière (c'est-à-dire hors l'impact de l'année de transition), le calendrier théorique serait le suivant, sous réserve des choix techniques à effectuer : - janvier à décembre de l'année n : perception des revenus imposables et utilisation des niches fiscales ; - janvier à décembre de l'année n : prélèvement à la source d'un acompte modulable en cours d'année ou bien (hypothèse d'école) prélèvement à la source de l'IR calculé directement par l'entité chargée du recouvrement, en fonction des informations communiquées par le contribuable ; - mars-avril de l'année n+1 : déclaration récapitulative des revenus de l'année n ; - juin-juillet de l'année n+1 : régularisation de l'IR dû pour l'année n. Avec notamment, selon l'option retenue, l'imputation des réductions et crédits d'impôt. Ces dates théoriques reposent sur l'hypothèse selon laquelle la réforme pourrait permettre un surcroît d'efficacité dans la gestion du système. Votre Rapporteur estime que l'on pourrait s'inspirer, par exemple, du système suédois qui présente l'avantage de la simplicité. En résumé, le schéma temporel y est le suivant : PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU EN SUÈDE 1.- Impôt préliminaire sur le revenu salarié, prélevé à la source tous les mois par l'employeur sur le salaire de l'employé. 2.- Le mois suivant, l'employeur transfère le montant prélevé à l'Agence des impôts (Skatteverket) 3.- En janvier de l'année suivante, l'employeur envoie à l'Agence les renseignements concernant le revenu total et le montant d'imposition prélevé à la source pour chaque employé. 4.- Avant le 2 mai : le contribuable remplit et envoie sa déclaration de revenu à son bureau local des impôts. 5.- Août-septembre : le montant d'impôt final est calculé et envoyé au contribuable, après déduction du montant d'impôt préliminaire prélevé à la source et payé par l'employeur. Le montant dû est à payer dans les 90 jours suivant la réception du montant d'impôt final. Source : mission économique de l'ambassade de France en Suède. Outre le moindre décalage temporel du recouvrement, l'intérêt de cette réforme réside, d'une part, dans le moindre poids des régularisations ex post, et d'autre part, dans la possibilité de bénéficier au plus tôt des mesures fiscales nouvelles. En régime de croisière, l'ampleur des régularisations sera inversement proportionnelle à la précision du calcul du prélèvement à la source, mais également à la complexité de l'impôt prélevé (quotient conjugal, quotient familial, niches pléthoriques, etc.) ; d'où l'intérêt de réformer profondément l'IR et non de se contenter de mettre en place un prélèvement à la source à droit constant. On peut donc affirmer qu'avec un impôt plus simple (mais non pas simpliste), l'allègement des régularisations qui provient mécaniquement d'un prélèvement davantage en phase avec la réalité économique sera encore plus notable. L'allègement est évident dans le cas des régularisations « massives » que les contribuables connaissent actuellement lors de la première imposition (avec un IR payé en une seule fois à l'automne de l'année suivante), ou lors du départ en retraite (avec potentiellement une année complète d'IR calculé en référence aux derniers traitements ou salaires atteints, à payer sur une pension nettement moins élevée). L'allègement est réel également dans les situations intermédiaires, comme on l'a illustré plus haut avec les exemples de réduction du décalage du recouvrement. Un tel allègement des formalités de régularisation bénéficie à la fois aux contribuables et aux services chargés du recouvrement. Il faut en outre noter, dans le cadre de la réflexion conjointe sur l'instauration du prélèvement à la source et sur une vaste réforme de l'imposition des revenus (IR et CSG), que la régularisation peut être rendue superflue pour un certain nombre de contribuables - voire pour la majorité d'entre eux. Il est possible en effet d'imaginer un système d'imposition dans lequel le prélèvement serait libératoire jusqu'à un seuil donné, les régularisations n'intervenant qu'au-delà, pour les contribuables appartenant aux déciles supérieurs dans l'échelle des revenus. La simplification et la rationalisation du prélèvement s'en trouveraient très sensiblement accrues. Cependant, si la régularisation paraît d'autant plus acceptable qu'elle est limitée, son existence même ne présente pas que des défauts aux yeux des contribuables qui y sont accoutumés de longue date. Votre Rapporteur a en effet pu constater lors de son déplacement en Espagne que la régularisation, presque toujours positive (en 2006, sur un total de 16,5 millions de déclarations annuelles, environ 13 millions de déclarations étaient créditrices et ont donné lieu à un remboursement de l'excédent de retenue à la source pratiquée en amont), y est attendue avec bienveillance par les contribuables qui bénéficient ainsi, chaque année, avant de prendre leurs congés d'été, d'un chèque du Trésor public au titre du trop perçu d'impôt sur le revenu. Sur le plan macroéconomique, ce type de « surprélèvement » systématique avec reversement de trop perçu, qui constitue dans plusieurs pays un choix délibéré de politique publique, présente le double intérêt de procurer un gain de trésorerie aux finances publiques et d'instaurer, en quelque sorte, une épargne forcée des ménages. Dans le cas français, la réflexion sur les modalités du prélèvement à la source pourrait prendre en compte ces effets afin qu'il soit possible d'en jouer. Un avantage connexe susceptible de résulter du passage au prélèvement à la source, pour les contribuables comme pour le Gouvernement et le Parlement dans la conduite de la politique fiscale, consisterait à rendre immédiatement applicables les mesures fiscales nouvelles votées en cours d'année. En effet, dans le système actuel, tout nouveau dispositif fiscal touchant l'IR, même lorsqu'il est d'application rétroactive, n'a d'effet tangible pour le contribuable qu'à compter du dernier trimestre de l'année suivante. Exemple : la création d'un crédit d'IR pour l'acquisition d'un véhicule moins polluant, votée dans une loi ordinaire relative à l'énergie, en 2007, quand bien même elle s'appliquerait « aux revenus de 2007 » et serait par conséquent incluse dans les prévisions de recettes d'IR en première partie du projet de loi de finances pour 2008, ne produirait ses effets, pour les contribuables, qu'après la réception de l'avis d'imposition sur les revenus de 2007, en août-septembre 2008, avec l'ajustement des dernières mensualités ou du dernier tiers provisionnel. En revanche, en cas de prélèvement à la source sur les revenus courants, l'entrée en vigueur, en 2007, de la loi ordinaire mentionnée dans l'exemple ci-dessus permettrait, dès le mois suivant, d'ajuster le montant prélevé pour les contribuables éligibles au nouveau crédit d'IR. Deux conditions sont requises pour ce faire : que le système n'exclue pas toutes les niches fiscales du calcul du prélèvement en les renvoyant à la régularisation, et que les modalités techniques choisies pour le prélèvement permettent la modification instantanée de son montant sur simple notification du salarié à son employeur (ou du retraité à sa caisse de retraite). On peut aussi imaginer que l'instauration du prélèvement à la source aurait pour effet de réduire le nombre de mesures fiscales rétroactives, renforçant ainsi la sécurité juridique. Ce « pronostic » vaut surtout pour la loi de finances de l'année et le collectif de fin d'année, qui concentrent un grand nombre des nouvelles niches. En effet, ces textes étant discutés au cours du dernier trimestre de l'année, faire porter tel crédit d'impôt ou telle réduction d'impôt sur les revenus de l'année en cours ne serait guère tentant - moins tentant, en tout état de cause, qu'aujourd'hui - pour le Gouvernement comme pour le législateur. 3.- La simple mensualisation obligatoire, une demi-mesure Certains des interlocuteurs de votre Rapporteur n'ont pas manqué de citer la mensualisation obligatoire comme solution alternative - ou plutôt intermédiaire -, et plus simple à mettre en œuvre que le prélèvement à la source. On pourrait même penser, comme le suggérait le Conseil des impôts dans son rapport de 2000 sur l'imposition des revenus, à une mensualisation obligatoire assortie d'un prélèvement sur les revenus courants, c'est-à-dire supprimant l'actuel décalage d'un an. On pourrait encore envisager de recouvrer « l'IR comme l'IS », c'est-à-dire sous la forme d'acomptes prévisionnels prélevés sur les revenus courants, dont le montant serait fixé forfaitairement en fonction des revenus de l'année précédente (et éventuellement des gains prévisibles pour l'année en cours, par anticipation). Mais de telles mesures présentent une différence de nature avec le système envisagé dans le présent rapport, et doivent dès lors être écartées, pour « manque d'ambition », en quelque sorte. Certes, l'instauration de la mensualisation obligatoire pour le paiement de l'IR, éventuellement complétée par une obligation de paiement dématérialisé, présenterait des avantages par rapport à la situation existante, en termes d'efficacité et d'efficience du recouvrement. Une telle réforme permettrait en outre de choisir l'entité chargée du recouvrement : administration fiscale, employeur, URSSAF, banque... Pourtant la différence avec le prélèvement à la source est profonde. C'est en effet un montant donné qui serait prélevé sur le salaire ou sur le compte courant du contribuable, représentant une fraction fixe de l'IR payé l'année précédente. Il n'y aurait donc aucune concordance entre le flux des revenus du contribuable et le prélèvement de son impôt : le défaut actuel du décalage entre perception du revenu et paiement de l'IR subsisterait (puisque l'assiette du prélèvement daterait de n-1), de même que l'absence de prise en compte des variations de revenu en cours d'année. La nuance conceptuelle et économique est majeure avec le prélèvement d'un taux appliqué aux revenus perçus : le montant effectivement prélevé varie automatiquement avec l'assiette de l'impôt, et l'on taxe en n les revenus de n. Quand bien même on envisagerait, outre la généralisation de la mensualisation, un prélèvement de l'impôt sur les revenus courants, ou bien un prélèvement selon la formule « l'IR comme l'IS », on manquerait encore l'objectif que permet seul d'atteindre le prélèvement à la source. Car dans ces hypothèses, le changement de l'année de référence est certes effectué - ce qui en soi, on va le voir, est un enjeu d'une tout autre ampleur que la simple mensualisation obligatoire -, mais c'est encore un montant que l'on prélève, et non un taux : l'adaptation aux revenus réels n'est pas automatique, elle nécessite une démarche du contribuable. Autant ne pas s'arrêter au milieu du gué et mettre en place un véritable prélèvement à la source. Les avantages d'un tel système ont été démontrés ; sa mise en place n'ira pas sans un certain nombre de préalables. B.- DES CONDITIONS PRÉALABLES ET DES QUESTIONS À TRANCHER, POUR AMÉLIORER EFFECTIVEMENT LE CONSENTEMENT À L'IMPÔT Les auditions conduites par votre Rapporteur l'ont bien illustré : la mise en place d'un prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu ne va pas de soi ; rien n'est plus trompeur que de prétendre qu'« il suffit d'appuyer sur un bouton » pour qu'une telle réforme se produise. D'importantes conditions préalables sont à respecter, au premier rang desquelles le respect de la vie privée des contribuables (31). Mais une fois celles-ci recensées et analysées, la tâche est loin d'être insurmontable : ne demeurent que des difficultés techniques à régler point par point, ainsi que la question de l'année de transition, à traiter de façon pragmatique. 1.- Des conditions préalables à respecter En préambule, il convient de ne pas voir des préalables là où il n'y en a pas. À cet égard le Conseil des impôts, dans son rapport de 2000, notait avec lucidité : « La simplification drastique de la législation fiscale est longtemps apparue comme la condition indispensable (et rédhibitoire) du passage à la retenue à la source [RAS], mais l'exemple des États-Unis montre que le système de RAS s'accommode parfaitement d'une législation complexe. » Voilà qui permet de se concentrer sur les vraies questions à trancher. Tous les interlocuteurs de votre Rapporteur ont, avec juste raison, insisté sur les craintes - fondées ou non - que faisait naître l'instauration du prélèvement à la source quant à la divulgation d'informations couvertes par le secret fiscal à d'autres parties prenantes. En effet, l'intervention de l'employeur conduit nécessairement à lui communiquer des données personnelles : - soit en tant qu'il est chargé de la liquidation de l'impôt, donc de son calcul en tout ou partie au travers d'informations sur la situation de famille de son salarié et/ou ses autres revenus (personnels ou propres à son conjoint) ; - soit en tant qu'il prélève un acompte en ayant connaissance du taux moyen d'imposition ; - soit même s'il se contente d'inscrire sur le bulletin de salaire une ligne supplémentaire correspondant au prélèvement, d'autres assumant la charge du recouvrement. Il est donc un fait que des informations devront être transmises au payeur de revenus d'activité ou de remplacement. Écartons d'emblée, en effet, la fausse solution consistant à prélever à la source, pour tous les salaires, traitements, pensions et rentes viagères imposables, quelle que soit la situation de leur titulaire, un taux identique - ou, de façon un peu moins fruste, un taux distinct par type de revenus -, reportant sur l'étape de la régularisation ex post une charge... qui ne serait pas sensiblement différente de l'actuel recouvrement de l'IR. Schématiquement, un tel système s'apparenterait à une surtaxe de CSG, avec paiement, aussi décalé qu'aujourd'hui, d'un IR un peu allégé dans son montant. Ainsi, dans un vrai système de prélèvement à la source, les inquiétudes liées à la divulgation d'informations purement privées ne sont pas infondées. Elles doivent toutefois être relativisées. Au demeurant, il ne fait guère de doute qu'après seulement quelques années de fonctionnement, la transmission d'informations ne posera plus de difficulté de principe. La meilleure preuve, aux yeux de votre Rapporteur, en est l'étonnement qu'il a pu constater chez ses interlocuteurs espagnols devant le fait qu'une quelconque appréhension puisse exister ici quant au respect de la vie privée avec la mise en place d'un prélèvement à la source. En Espagne, pays latin, on informe sans peine son employeur de sa situation familiale et des divers abattements auxquels on peut prétendre. C'est ensuite l'employeur lui-même qui calcule l'impôt dû, sur les seuls revenus qu'il verse. L'agence chargée du recouvrement - l'externalisation étant totale pour la gestion du recouvrement spontané - est destinataire des sommes prélevées, selon un rythme qui dépend de la taille de l'employeur. On doit cependant à la vérité de dire que : - l'employeur ne prélève que sur les revenus qu'il verse, et n'a pas connaissance d'une éventuelle option pour une imposition conjointe au sein du foyer ; - l'impôt sur le revenu espagnol compte infiniment moins de niches que l'IR français, ce qui le rend d'autant plus simple à liquider. Les incitations fiscales visent plutôt les entreprises (via l'IS, donc) que les particuliers ; - la déclaration annuelle de revenus n'est pas obligatoire pour tous les contribuables. En sont dispensés ceux qui, travaillant pour un seul employeur, disposent d'un revenu inférieur à 22.000 euros annuels (seuil abaissé à 8.000 euros en cas de pluralité d'employeurs) ; - il est également possible de ne transmettre aucune information à son employeur, lequel applique alors un taux de retenue forfaitaire, par principe moins favorable que le taux « réel », l'administration fiscale étant seule destinataire des données personnelles servant de support à la régularisation. Sans multiplier à l'excès les exemples, citons encore celui de l'Allemagne, État dont on peut considérer qu'il respecte la vie privée de ses citoyens. Chaque salarié y dispose d'une carte de retenue sur salaires (Lohnsteuerkarte). Cette carte de retenue, renouvelée au début de chaque année, mentionne, pour tout contribuable, des données importantes pour la détermination de la retenue à la source sur salaire qui sera pratiquée par l'employeur : sa classe de retenue (voir tableau figurant page suivante), sa situation de famille, le nombre d'enfants à charge et son affiliation religieuse (pour le prélèvement de l'impôt d'église). Elle est délivrée au contribuable, sur demande, par la municipalité dont il dépend.
Les contribuables sont ainsi incités, en particulier lorsqu'ils sont mariés, à choisir la classe la plus « favorable », en fonction de l'écart de revenu entre les deux conjoints, mais aussi compte tenu des droits à certaines prestations sociales (chômage, maladie, maternité) qui dépendent du montant du salaire net. La classe choisie donne donc à l'employeur des informations plus ou moins précises sur ses salariés. Dans le système qui a la préférence de votre Rapporteur, à savoir la communication par le salarié à son employeur (ou par le retraité à sa caisse) d'un taux synthétique d'imposition, toute la question consiste à se demander dans quelle mesure ce taux reste dans les limites acceptables de la divulgation d'informations personnelles. À cet égard, les simulations suivantes de taux synthétiques faisant intervenir les paramètres de la composition du foyer, des écarts d'activité ou de revenu entre conjoints, ainsi que de l'utilisation éventuelle des niches fiscales, semblent indiquer, de par la dispersion des résultats, que le risque d'immixtion dans la vie privée du contribuable peut raisonnablement être écarté.
La lecture de l'hétérogénéité des taux moyens figurant dans la dernière colonne de ce tableau est plutôt rassurante, et les similitudes le sont davantage encore : un même taux correspond au cas du célibataire gagnant deux SMIC et du couple (marié ou pacsé) dont chacun des membres gagne deux SMIC ; le célibataire avec un enfant et gagnant deux SMIC est imposé au même taux moyen que le foyer avec deux enfants et dont les revenus globaux de quatre SMIC sont gagnés à parité. En l'espèce, la complexité est bienvenue et c'est la simplicité qui serait l'ennemie de la confidentialité ! Si l'on intègre le paramètre de l'utilisation des niches fiscales, le « décryptage » du taux moyen devient plus complexe encore, comme le prouve le tableau figurant page suivante, qui présente des simulations réalisées pour des niveaux de revenus plus élevés, par cohérence avec le profil statistique des contribuables dits « nicheurs » :
Consulté par votre Rapporteur, M. Alex Türk, président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a fourni sur ce point la réponse suivante : « La retenue à la source risque de limiter le secret fiscal dont bénéficie le salarié, par exemple, à l'égard de ses employeurs. En fait, ce risque peut être réduit en fonction des modalités de retenue à la source qui auront été retenues. « Il conviendrait de privilégier la solution dans laquelle le tiers payeur ne dispose que du taux d'imposition mensuel applicable (ou taux de prélèvement prévisionnel) - une simple donnée agrégée qui pourra tenir compte de l'ensemble des critères à prendre en compte - et non de tout ou partie des renseignements individuels nécessaires pour le calculer (ex. : le montant des autres revenus professionnels du contribuable, la situation personnelle du contribuable pour calculer son quotient familial, les sources de revenus extraprofessionnels, les charges récurrentes ouvrant droit à déduction, le montant estimé de la prime pour l'emploi). « Cette solution réduirait au strict nécessaire les informations supplémentaires dont les employeurs disposeront sur leurs employés. » Une autre façon de relativiser les craintes liées à la confidentialité des informations sur la situation personnelle des contribuables consiste à rappeler les vifs débats suscités... à la fin du XIXe siècle, par le projet d'instauration d'un impôt sur le revenu. Alors que radicaux et socialistes étaient résolument pour, la résistance du Sénat conservateur empêcha toute réforme. M. Jean-François Costes (32) souligne qu'alors, « aux yeux de ses adversaires, l'impôt sur le revenu [...] annon[çait] le retour à l'inquisition fiscale de l'administration » qui caractérisait l'Ancien Régime, et s'opposait au principe de liberté individuelle, garant de l'anonymat du citoyen par rapport au fisc. La même administration qui est aujourd'hui unanimement considérée comme la garante du respect de la vie privée des contribuables ! En résumé, le prélèvement à la source est compatible avec la protection de la vie privée des contribuables : - cette protection est bien sûr un préalable indispensable à toute réforme, et il faut ici prendre en compte tout à la fois les risques réels et la perception, éventuellement fantasmée, de tels risques ; - il importe, à la lumière des expériences étrangères comme de la multiplicité des situations existantes sous l'empire de la législation française actuelle, de ne pas exagérer le risque d'atteinte à la vie privée. Le législateur y veillera évidemment, comme la Constitution l'y oblige ; - le système de prélèvement à la source à construire doit, pour assurer le respect de la vie privée, représenter un compromis entre simplicité de l'impôt et confidentialité des données personnelles à fournir, assorti de sanctions pénales sévères pour toute violation du secret fiscal ou utilisation à d'autres fins de ces informations. Moins sensible mais non moins importante est la question de l'égalité devant l'impôt, que l'instauration d'un prélèvement à la source ne saurait malmener. Afin de mesurer l'ampleur de la tâche à accomplir pour assurer, de façon au moins équivalente au système actuel, l'égalité de traitement fiscal entre les différents types de revenu en cas de passage à un prélèvement de l'IR à la source, il convient de brosser un panorama stylisé de l'existant. La structure de l'IR aujourd'hui porte toujours la marque de son histoire, faite de l'unification progressive d'impôts cédulaires assis sur différentes catégories de revenus. L'article 1 A du code général des impôts (33) l'illustre bien : Article 1 A du code général des impôts « Il est établi un impôt annuel unique sur le revenu des personnes physiques désigné sous le nom d'impôt sur le revenu. Cet impôt frappe le revenu net global du contribuable déterminé conformément aux dispositions des articles 156 à 168. « Ce revenu net global est constitué par le total des revenus nets des catégories suivantes : « − Revenus fonciers ; « − Bénéfices industriels et commerciaux ; « − Rémunérations, d'une part, des gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret nº 55-594 du 20 mai 1955 modifié et des gérants des sociétés en commandite par actions et, d'autre part, des associés en nom des sociétés de personnes et des membres des sociétés en participation lorsque ces sociétés ont opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux ; « − Bénéfices de l'exploitation agricole ; « − Traitements, salaires, indemnités, émoluments, pensions et rentes viagères ; « − Bénéfices des professions non commerciales et revenus y assimilés ; « − Revenus de capitaux mobiliers ; « − Plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, déterminés conformément aux dispositions des articles 14 à 155, total dont sont retranchées les charges énumérées à l'article 156. » Répétons-le, la complexité n'est pas en soi un obstacle dirimant à l'instauration d'un prélèvement à la source, même si la simplification de l'IR est des plus souhaitables. Le propos du présent rapport ne consiste pas, cependant, à remettre sur le métier l'ensemble des composantes de cet impôt, et en particulier à remettre en cause les huit catégories de revenus ci-dessus énumérées. Du reste, comme le montre l'exemple espagnol, le prélèvement à la source s'accommode parfaitement d'un impôt diversifié par catégorie de revenus :
Intuitivement, le sujet se concentre sur la catégorie des traitements, salaires, indemnités, émoluments, pensions et rentes viagères, une concentration lisible dans le nombre de déclarants concernés comme dans les montants de revenus déclarés. En nombre, selon les statistiques établies par la direction générale des impôts, au titre des revenus de 2005, sur quelque 34,8 millions de déclarations, les seuls revenus d'activité en concernaient 20,7 millions (soit près de 60 %), sans compter les 6 millions de conjoints ou partenaires de PACS et le million de personnes à charge déclarant également des traitements et salaires. Quant aux pensions, retraites et rentes, elles concernaient 10,5 millions de déclarants et 3,2 millions de conjoints ou partenaires de PACS. Soit un total, pour les traitements, salaires et pensions, de 31,2 millions de déclarations (environ 90 % du total). La catégorie des revenus des valeurs et capitaux mobiliers concernait potentiellement, d'après la même source, quelque 12,5 millions de déclarants, mais les doubles comptes sont, en la matière, très probablement plus nombreux que pour les traitements, salaires et pensions. Les plus-values et gains divers taxables à 16 % concernaient 300.000 déclarants (et presque autant pour les pertes dans la même catégorie), les revenus fonciers entre 1,5 et 2 millions de déclarants, les revenus agricoles moins de 450.000 déclarants, les BIC professionnels environ 1 million, les BIC non professionnels un peu moins de 300.000, les BNC professionnels près de 550.000, les BNC non professionnels 55.000 environ. En montant, les ordres de grandeur sont les suivants pour l'année 2005 : - traitements et salaires : 490 milliards d'euros ; - pensions, retraites et rentes (y compris les pensions alimentaires et les rentes viagères à titre onéreux) : 190 milliards d'euros ; - revenus des valeurs et capitaux mobiliers : un peu plus de 24 milliards d'euros ; - plus-values et gains divers taxables à 16 % : près de 13 milliards d'euros, les autres revenus de cette catégorie taxés à un autre taux forfaitaire représentant un peu moins de 2 milliards ; - revenus fonciers : près de 24,5 milliards d'euros ; - revenus agricoles : près de 6,5 milliards d'euros (hors déficits) ; - revenus industriels et commerciaux (professionnels ou non, hors déficits) : 27,5 milliards d'euros ; - revenus non commerciaux (professionnels ou non, hors déficits) : un peu plus de 29 milliards d'euros. Comme le montrent les chiffres qui viennent d'être cités, en nombre de déclarants comme en montant d'assiette déclarée (34), les traitements, salaires et pensions occupent une place manifestement prépondérante qui justifie que l'instauration d'un prélèvement à la source se concentre d'abord sur ces catégories - par ailleurs les plus faciles à contrôler et à imposer. Mais il ne serait pas de bonne politique fiscale de ne pas prélever à la source l'IR sur les autres catégories de revenus, quitte à prévoir des aménagements particuliers et/ou à renvoyer à la régularisation ex post pour les moins réguliers de ces revenus. Si l'on n'englobait pas l'ensemble des catégories susmentionnées, le risque pris serait triple : - celui d'une éventuelle inconstitutionnalité sur le fondement de la rupture d'égalité devant l'impôt ; - celui d'une possible accentuation des distorsions existantes de l'IR entre revenus du travail et revenus du capital, ainsi qu'entre revenus d'activité salariaux et non salariaux (évoquées dans la première partie du présent rapport) ; - celui d'une dégradation du consentement à l'impôt liée à la réforme. En pratique, il est certain qu'opérer un prélèvement à la source sur les revenus fonciers ou les revenus non salariaux présentera des difficultés de deux ordres, éventuellement cumulatives : - lorsque le versement du revenu n'est pas le fait de professionnels habitués à effectuer des traitements comptables et des prélèvements à la source (s'agissant par exemple des revenus fonciers des particuliers) ; - lorsque le revenu est aléatoire et définitivement connu en fin d'exercice seulement (s'agissant par exemple de certains revenus des capitaux mobiliers, les dividendes bénéficiant de différents abattements avant impôt, et les plus-values de cessions de valeurs mobilières ne devenant imposables pour une année donnée qu'en cas de dépassement d'un seuil, de sorte que l'IR éventuel à payer n'est connu qu'ex post). Mettre en place un système de prélèvement à la source spécifique à ces catégories de revenus serait à l'évidence complexe : on voit mal les particuliers (dans le cas de revenus fonciers) effectuer eux-mêmes ce prélèvement, tandis que chercher à évaluer en temps réel le prélèvement dû en cas de perception de dividendes, avec prélèvement par les établissements bancaires, serait potentiellement source d'erreurs, surtout si l'on tient compte de la « multi-bancarisation » de bon nombre de contribuables. En effet, il a été indiqué, au cours de l'audition par votre Rapporteur des représentants de la Fédération bancaire française, qu'environ un tiers des particuliers étaient clients de plusieurs banques, la proportion montant à près de 100 % pour les PME. La solution la plus expédiente consisterait alors à ne pas exclure ces revenus du prélèvement à la source, pour des raisons d'équité et d'uniformité du mode de recouvrement, mais à prévoir un système d'acomptes ajustables en cours d'année, en acceptant une régularisation éventuellement plus massive que pour des traitements, salaires et pensions. Par conséquent, là encore, le mécanisme du taux synthétique révisable semble s'imposer. L'instauration du prélèvement à la source de l'IR doit donc, dans toute la mesure du possible, englober tous les revenus constitutifs du revenu global, afin de ne pas dégrader l'équité du système. Au contraire, la réforme pourrait, idéalement, être l'occasion de renforcer l'équité du prélèvement. En deçà du niveau des principes que l'on vient d'évoquer, se trouvent des préoccupations qui méritent attention et dont votre Rapporteur a pu, au gré de ses auditions, entendre l'écho avec plus ou moins de force : celles qui ont trait aux conséquences concrètes de la mise en place du prélèvement à la source, sur la gestion des entreprises d'une part, et sur le consentement à l'impôt des contribuables d'autre part. La conduite de la réforme comme la gestion du nouveau système de prélèvement en régime de croisière nécessiteront évidemment l'implication de l'administration fiscale, et il ne fait aucun doute aux yeux de votre Rapporteur que celle-ci est parfaitement à même d'y répondre, dans la continuité de la modernisation déjà engagée. Mais les conséquences sur les entreprises qui se trouveront impliquées dans le processus de recouvrement de l'IR sont moins bien appréhendées, et partant, risquent de susciter des crispations. L'ampleur des conséquences concrètes pour les employeurs chargés d'établir les bulletins de salaires sera naturellement fonction des modalités techniques retenues pour l'établissement du prélèvement à la source ; par ailleurs, il est aisé d'imaginer que le groupe multinational, la PME ou la TPE ne se heurteront pas aux mêmes difficultés. Tous les représentants des employeurs rencontrés par votre Rapporteur, à l'échelon national pour les grandes fédérations, comme à l'échelon local, par exemple lors de la réunion avec le conseil d'administration de l'URSSAF de Lyon, ont exprimé leurs craintes d'un alourdissement de leurs charges et souhaité savoir quelles compensations les pouvoirs publics envisageaient à l'occasion de l'instauration du prélèvement à la source. Cette attente n'est pas illégitime mais il importe de ne pas en exagérer la portée : - le recueil de données pourrait se limiter à l'enregistrement du taux synthétique de prélèvement fourni par le salarié ; - à l'autre bout de la chaîne, l'employeur devrait régulièrement communiquer à l'administration fiscale l'état des prélèvements effectués, mais les contacts avec cette administration (comme avec les organismes de recouvrement de la sphère sociale) sont déjà fréquents aujourd'hui ; - toujours dans l'hypothèse centrale du prélèvement d'un acompte mensuel, l'établissement matériel du bulletin de salaire ne devrait pas, en pratique, être alourdi. Cette tâche pourrait même être allégée en cas de rapprochement entre IR et CSG allant jusqu'à une fusion, puisqu'alors le nombre de lignes figurant sur le bulletin diminuerait mécaniquement. Soucieux de recueillir un avis faisant autorité sur cette question, votre Rapporteur a interrogé le Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables. Son président, M. Jean-Pierre Alix, tout en rappelant avec prudence que la tâche nouvelle confiée aux services comptables des entreprises serait étroitement corrélée à la complexité du système choisi, a souligné les deux points suivants : - « l'établissement matériel des bulletins de salaires ne devrait pas poser de problèmes en dehors de l'ajout d'une nouvelle ligne sur ce bulletin. En effet, la plupart des programmes informatiques permettent de créer à la demande des rubriques concernant toute retenue supplémentaire (nouveau contrat de prévoyance ou acomptes sur salaire, par exemple) », ce qui va dans le sens de la modération prônée à l'instant ; - toutefois, « cette nouvelle retenue devra ensuite être enregistrée en comptabilité et surtout versée à l'organisme destinataire », d'où découleront « des écritures comptables peu compliquées en elles-mêmes mais qui s'ajouteront à l'ensemble des obligations déjà existantes » ainsi que « la mise en place d'une nouvelle déclaration destinée à fournir les informations nécessaires, ce qui sera très probablement lourd à gérer ». Et M. Jean-Pierre Alix d'estimer à « une à trois heures de travail par bulletin de salaire principalement en amont et en aval de l'établissement du bulletin lui-même » la charge supplémentaire induite... ce que votre Rapporteur tend à regarder comme un chiffrage un peu excessif, ou à tout le moins imprécis : ne pourrait-on distinguer entre petites et grandes entreprises ? entre phase de mise en place de la réforme et fonctionnement courant du nouveau système ? En l'absence d'éléments plus détaillés, les organisations représentatives d'employeurs se contentant généralement de souhaiter que les entreprises soient rémunérées pour cette charge nouvelle sans avoir cherché à en évaluer le coût, les comparaisons peuvent, là encore, être utiles. La première consiste à rappeler que, en dépit des revendications exprimées, y compris sous la forme de propositions de loi (35), la mise en place de l'euro fiduciaire au 1er janvier 2002 n'a pas fait l'objet d'une compensation, par les pouvoirs publics, de la fonction d'auxiliaire desdits pouvoirs jouée par les commerçants qui ont collecté les derniers francs en circulation pour leur substituer des euros. La seconde comparaison est internationale : en Espagne, les entreprises, qui assument une charge allant, bien au-delà du seul prélèvement d'un acompte, jusqu'au calcul de l'impôt dû par leurs salariés - certes selon un calcul assez simple -, disposent en contrepartie d'un avantage de trésorerie, allant de vingt jours pour les plus grandes d'entre elles à trois mois pour les PME. Voilà une piste intéressante pour une mise en place harmonieuse et apaisée du prélèvement à la source dans notre pays. Sujet délicat entre tous, la question de l'effet psychologique sur les salariés (ou retraités) contribuables du passage au prélèvement à la source n'est certainement pas un sujet mineur. Mais il n'est pas des plus aisés à cerner, et renvoie souvent à la perception de chacun. En s'essayant à recenser les difficultés envisageables, on peut mentionner, outre la question essentielle, déjà évoquée, du respect de la vie privée : - la diminution mécanique du salaire net apparent (effet « bas de la feuille de paie ») ; - l'apparition explicite de situations dans lesquelles des salariés auraient « à salaire égal, impôt différent » ; - la répercussion de cette diminution apparente du salaire net sur les négociations salariales, individuelles et collectives ; - la répercussion, sur les mêmes négociations, de l'affichage sur le bulletin de salaire de l'IR prélevé ; - l'inconnue de l'effet du prélèvement à la source sur le consentement à l'impôt : d'une part, l'IR deviendrait-il plus indolore ou bien, à l'inverse, plus visible ? d'autre part, dans chacune de ces hypothèses, y a-t-il lieu, sur le plan des principes, de se réjouir ou de s'inquiéter ? La diminution apparente du salaire net, tout comme les différences de salaire net après impôt à partir d'un salaire identique avant impôt, relèvent typiquement de l'effet psychologique passager : il ne fait aucun doute que l'attention des contribuables concernés va se focaliser sur ce point dans la phase de mise en place de la réforme, mais votre Rapporteur estime que ce serait sous-estimer très largement leur bon sens le plus élémentaire que de voir ici un obstacle insurmontable à la réforme, d'autant qu'aujourd'hui plus de 60 % des contribuables sont mensualisés. En revanche, les pouvoirs publics devront avoir pleinement conscience de cet impact psychologique transitoire et ne pas négliger leurs efforts de pédagogie. Mais la question se rattache plutôt à la gestion de la transition qu'à la pertinence, en soi, de la réforme. S'agissant des négociations salariales collectives, la crainte ne résiste guère à l'analyse, dès lors que ces négociations portent traditionnellement sur les salaires bruts et non pas nets. La « négociation individuelle », c'est-à-dire l'augmentation personnalisée de la rémunération, est, au contraire, un sujet de préoccupation légitime : comment empêcher qu'un employeur, même sans volonté délibérée, soit moins enclin à accorder telle augmentation ou telle prime individuelle à l'un de ses salariés dont le taux d'imposition dénote manifestement des revenus annexes importants pour le foyer auquel il appartient ? Cette question prend d'autant plus de relief que l'individualisation des hausses de rémunérations est une tendance de fond en France, limitée dans le secteur public où la « rémunération de la performance » n'en est qu'à un stade de développement précoce (36), mais importante dans le secteur privé où, d'après la DARES (37), « en 2004 comme en 2003, les deux tiers des salariés augmentés ont bénéficié d'augmentations individualisées, qu'elles soient accompagnées ou non d'augmentations générales. » En outre, la même source confirme l'intuition selon laquelle les cadres sont proportionnellement davantage concernés par le phénomène : la part d'individualisation atteint 70 % de l'augmentation des salaires en 2004 pour cette catégorie, contre 53,4 % pour les professions intermédiaires, 35,4 % pour les employés et 29,2 % pour les ouvriers, avec une moyenne générale de 42,7 %. Dès lors, il est un fait qu'à des revalorisations salariales plus individualisées correspondent a priori des montant plus élevés d'IR acquitté. Plusieurs réponses peuvent être formulées : - la transition ne durera qu'un temps, même dans les esprits, et un nouveau schéma de négociation va être progressivement intégré par les acteurs ; - l'outil du taux synthétique déjà évoqué est suffisamment composite pour ne pas dévoiler à l'excès la situation fiscale du foyer du salarié. Ainsi que les exemples précédents l'ont montré, il n'existe pas de corrélation simple entre niveau de rémunération et composition du foyer, et des rémunérations élevées peuvent coïncider avec l'utilisation de niches fiscales pour aboutir à la communication d'un taux synthétique d'imposition relativement faible ; - toute divulgation du taux synthétique sera pénalement sanctionnée, de même que toute utilisation non fiscale de ce taux ; - la situation théorique qui vient spontanément à l'esprit, selon laquelle un employeur tendra à refuser une augmentation de salaire à un salarié présentant un taux synthétique d'imposition élevé peut, éventuellement, se retourner : s'il s'agit d'un célibataire sans enfant, il serait fondé à réclamer une augmentation plus généreuse au motif que le bénéfice qu'il en retirera sera largement « amputé » par l'IR ! - enfin, la réforme pourrait prévoir de laisser le choix aux contribuables de déterminer, au sein du foyer, le partage du poids de l'impôt (cf. infra page 98), à charge pour ses membres de déterminer quelle serait la meilleure combinaison, en prenant éventuellement en compte le paramètre des négociations salariales ; Quant à l'impact en termes de consentement à l'impôt, il est lui aussi impossible à déterminer a priori avec certitude. En effet, des raisonnements diamétralement opposés peuvent être tenus : - soit on considère que le prélèvement à la source rend l'impôt plus visible (ce qui est cohérent avec l'effet « bas de la feuille de paie »), et que par conséquent le consentement à l'impôt diminue, impact dommageable, ou qu'au contraire, impact positif, le citoyen contribuable sera ainsi plus exigeant en termes d'efficience de la gestion publique ; - soit on estime que, prélevé à la source, l'impôt est rendu indolore. Et de fait, l'expérience montre que peu d'assujettis à la CSG connaissent précisément le montant exact qui leur est mensuellement prélevé à ce titre, même s'ils en sont conscients (particulièrement s'ils touchent de bas salaires et de petites retraites), alors que beaucoup plus nombreux sont les personnes imposables qui connaissent le montant de leur prélèvement mensuel d'IR ou celui de leur tiers provisionnel. La même alternative que précédemment se présente alors, s'agissant du consentement à l'impôt : faut-il se réjouir de ce que le prélèvement soit indolore et mieux « consenti », ou déplorer que l'on se prive d'un « impôt qui fait mal » en étant plus responsabilisant ? Ces remarques n'épuiseront pas le débat sur la perception concrète, par les contribuables, de la réforme envisagée. Votre Rapporteur espère qu'elles suffiront à convaincre chacun qu'il sera nécessaire de dépasser rapidement le stade de difficultés qui ne sont au fond rien de plus que des réticences naturelles à une réforme d'ampleur. Le meilleur indice est sans doute l'incompréhension amusée de nos voisins européens face aux interrogations à dimension psychologique que suscite chez les Français l'instauration du prélèvement à la source de l'IR. L'un des aspects les plus délicats de la réforme - et à vrai dire la raison majeure qui a jusqu'à présent dissuadé les pouvoirs publics de mettre en place un prélèvement à la source de l'IR - réside dans la transition entre ancien et nouveau système, dans un environnement pour le moins complexe. La difficulté, technique pour l'essentiel, que représente l'année de transition ne saurait pour autant autoriser les approximations que le ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie lui-même a cru pouvoir énoncer récemment sur le sujet. Ce sujet se résume en trois points : la confusion entretenue sur « l'année blanche », le solde budgétaire résultant de la transition et le moyen de lisser cette transition dans les meilleures conditions d'équité. Il y avait, au mieux de la légèreté, au pire une certaine propension à vouloir manipuler l'opinion, dans les propos du ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie rapportés par la presse (38) à l'occasion de l'annonce par le Premier ministre du projet de passage à la retenue à la source de l'IR : « Je propose que 2008 soit une année blanche sur le plan fiscal. Autrement dit, les revenus de cette année-là ne seront pas imposés. Les contribuables acquitteront en 2008 l'impôt sur leurs revenus de 2007 et, dès janvier 2009, celui sur leurs revenus de l'année en cours. C'est une solution ou chacun est gagnant : le contribuable qui ne paiera pas d'impôt sur ses revenus de 2008, mais aussi l'État, car il percevra en 2009 de recettes fiscales plus élevées que si l'assiette avait été celle des revenus de 2008. » Voilà un curieux tour de prestidigitateur. Et le ministre de prédire que « l'année blanche » sera « sans doute une bonne année pour la consommation, car les Français disposeront d'une année de non-imposition ». Votre Rapporteur n'entend pas insister outre mesure sur l'effet d'annonce ainsi recherché, mais bien plutôt souligner les points qu'il est de bonne pédagogie d'exposer aux contribuables, en pointant également les choix à effectuer. En premier lieu, le passage d'un recouvrement avec une année de décalage à une imposition sur les revenus courants constitue un simple changement de base de référence ; par conséquent il est tout à fait illusoire de faire miroiter une quelconque « année sans impôt ». Sur le plan macroéconomique, la première année de mise en œuvre doit même se traduire par un léger ressaut d'imposition, toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire si l'IR demeure toujours aussi concentré sur les derniers déciles de revenus, qui croissent à un rythme supérieur à celui de la masse salariale ou du PIB. Si aucun correctif n'est mis en place, un léger effet récessif sur la consommation est même possible, ce que l'audition de la direction générale du Trésor et de la politique économique a permis de souligner sur le plan théorique. Le changement d'année de référence, qui doit intervenir le 1er janvier de l'année n, implique qu'à un IR payé en n-1 sur les revenus de n-2 succède un IR payé en n sur les revenus de l'année n. Que faire de l'impôt dû sur les revenus de n-1 ? L'éventail des possibilités est le suivant : - calculer l'IR théoriquement dû pour n-1 et le faire payer aux contribuables en paiements fractionnés sur quelques années (cinq à dix ans, par exemple). L'impact récessif serait vraisemblablement trop fort et, surtout, l'acceptabilité de la réforme serait obérée de façon rédhibitoire ; - reporter cette dette fiscale jusqu'à la mort du contribuable, au besoin en l'actualisant. Ce serait l'hypothèse la plus logique mathématiquement, mais là encore l'acceptabilité de la réforme en pâtirait et l'État, qui lui ne meurt jamais, peut fort bien repousser indéfiniment le remboursement de cette dette, à condition que le moment de la transition ne se soit pas traduit par une évasion fiscale massive ; - effacer purement et simplement cette dette fiscale en considérant que le budget de l'État n'est pas lésé et que les contribuables ne bénéficient pour autant d'aucun « cadeau fiscal ». C'est théoriquement vrai mais probablement source d'injustice en pratique, en raison d'un effet d'aubaine disproportionné pour ceux qui, par exemple, parviendront à loger dans l'année non prise en compte d'importants revenus exceptionnels afin de les faire échapper à l'impôt. Et même hors ce cas extrême, tous les revenus fluctuants, comme ceux des non-salariés, risqueraient de subir un traitement fiscal inapproprié ; - n'effacer qu'en partie ou sous conditions la dette fiscale des contribuables. Cette hypothèse, la plus praticable et la plus juste, signifie que soit trouvé le moyen d'imposer de façon équitable tous les revenus permanents, fluctuants ou non, et de prévenir tout effet d'aubaine excessif comme tout désavantage flagrant. Deux solutions sont envisageables pour éviter de provoquer, à l'occasion de l'année de transition vers le prélèvement à la source et de « l'effacement partiel » de la dette fiscale y afférente, toute inégalité injustifiée devant l'impôt, sachant évidemment qu'une déclaration devra être remplie pour chaque année, y compris celle du basculement (ne serait-ce que pour permettre le calcul du taux de prélèvement à appliquer à la source la première année) : - soit une imposition égale à l'IR dû le plus élevé entre celui de l'année n-1 et celui de l'année n, ce qui découragerait l'optimisation fiscale mais pourrait encore comporter quelques effets distordants ; - soit une imposition égale à la moyenne arithmétique des montants d'IR dû pour n-1 et pour n. Cette solution paraît plus satisfaisante en ce qu'elle lisse la transition, et en ce qu'elle décourage aussi (quoique moins fortement) l'optimisation à outrance, tout en permettant une évolution du barème moins heurtée qu'avec un saut brutal de n-2 à n (le barème pourrait être revalorisé de façon différenciée pour le calcul de l'IR théorique dû pour n-1, et pour le calcul de l'IR dû pour n). Incidemment, cette solution milite pour une superposition aussi étroite que possible entre l'assiette des IR de n et de n-1, donc pour une inclusion dans le champ du prélèvement à la source de l'ensemble des revenus catégoriels comme de l'ensemble des niches. Bien sûr, le traitement fiscal de l'année de transition ne serait soldé qu'au stade de la régularisation de l'impôt sur les revenus de l'année n, de sorte que la réforme entrée en vigueur au 1er janvier de l'année n atteindrait son régime de croisière vers le milieu de l'année n+1. On voit bien qu'un lissage sur une plus longue durée présenterait, outre une complexité accrue, l'inconvénient de mettre en danger l'acceptation de la réforme par une sorte d'essoufflement de sa mise en œuvre. Une série de cas particuliers doivent être traités à partir de ce schéma général : il s'agit, d'une part, des règles à appliquer concernant les réductions et crédits d'impôt, et d'autre part, de la façon de prendre en compte les différents événements non récurrents susceptibles de se produire pendant l'année n-1 ou dont la réforme ne tiendrait pas suffisamment compte, au détriment des contribuables : - concernant les réductions et crédits d'impôts, un traitement spécifique est nécessaire au titre de l'année de transition, indépendamment de la réflexion de fond sur le thème des niches fiscales. Dans l'hypothèse où ces réductions et crédits seraient inclus dans le champ du prélèvement à la source (39), la solution de l'imposition « à la moyenne » permettrait une prise en compte partielle. Cependant, outre qu'elle susciterait un mécontentement certain de la part de l'ensemble des contribuables concernés par des réductions ou crédits « permanents » (par exemple pour l'emploi continu d'un salarié à domicile), une telle solution serait plus mal tolérée encore par les utilisateurs ponctuels de crédits ou réductions (qu'il s'agisse des dons aux œuvres, de l'installation à domicile d'un équipement économe en énergie ou encore du recours épisodique à un salarié à domicile). Dès lors, tel serait certainement le champ privilégié de l'utilisation du surplus potentiel de recettes d'IR lié à la réforme : le paiement pour chacune des deux années n-1 et n des réductions et crédits d'impôt, selon des modalités techniques (d'étalement, de cumul, etc.) à prévoir dans la loi porteuse de la réforme, avec une prise d'effet lors de la première régularisation sous l'empire du nouveau système ; - on peut aussi songer aux mariages ou aux PACS conclus pendant l'année n-1. Il est possible - et tout à fait légitime - que ces contribuables, s'ils sont imposables, s'estiment lésés de l'économie d'IR qu'ils auraient faite en étant normalement imposés sur leurs revenus de n-1 grâce à l'établissement de plusieurs déclarations successives. Pour autant, sous réserve de l'examen de cas individuels qui ferait apparaître des désavantages manifestes, que les services fiscaux ne manqueraient pas d'effectuer avec toute la bienveillance seyant à la mise en place d'une telle réforme, il semble que la méthode de la moyenne décrite ci-dessus permette une prise en compte suffisante de ces situations particulières. Et après tout, étant pleinement informés au stade de l'élaboration de la réforme, ceux des contribuables pour lesquels le critère fiscal serait déterminant dans la conclusion du mariage ou du PACS pourraient fort bien choisir de différer leur union ; - une situation moins fréquente sans doute mais qui mérite examen, surtout en ces temps propices à l'utilisation du thème de la concurrence fiscale, est celle des contribuables s'expatriant l'année de mise en place de la réforme. Pour s'en tenir à leur IR, ils doivent dans le système actuel acquitter en une seule fois, avant de quitter la France, la totalité de leur dette fiscale (40). À l'inverse, lors de leur retour, ils « bénéficient » du décalage d'imposition en vertu duquel ils recommencent à payer l'IR l'année suivante seulement. Supposons qu'un contribuable, expatrié dans l'année précédant le 1er janvier de l'année n, date de l'entrée en vigueur de la réforme, et qui se serait donc vu appliquer le mécanisme précité, revienne s'établir en France une fois le prélèvement à la source sur les revenus courants en vigueur. Le soumettre aussitôt à ce régime nouveau reviendrait exactement au même que recouvrer deux fois l'IR au moment de la transition, pour la partie de l'année « effacée » passée en France. Pour ces cas limités, transitoires et résiduels (qui cesseront d'exister quand le dernier expatrié d'avant la réforme sera revenu), la solution la plus adéquate semble d'accorder au contribuable expatrié, à son retour, un avoir fiscal équivalant à l'IR payé par anticipation (c'est-à-dire au titre de l'année « effacée » alors en cours) lors de la sortie du territoire. Selon le choix effectué à l'occasion de la réforme, cette somme serait réactualisée ou non, chaque année, en attendant l'éventuel retour d'expatriation. Pour lisser la transition vers le prélèvement à la source en évitant toute injustice fiscale manifeste, votre Rapporteur propose de faire en sorte qu'au terme de la première régularisation dans le nouveau système, l'IR acquitté soit égal à la moyenne arithmétique de l'impôt dû au titre de l'année « effacée » et de la première année d'imposition sur les revenus courants. Cette technique permet de traiter équitablement la plupart des situations, les ajustements ponctuels (réductions et crédits d'impôts, événements exceptionnels tels que mariage, PACS ou expatriation) pouvant justifier une approche particulière, potentiellement facilitée par l'existence d'un surplus de recettes fiscales lié à la réforme. En préambule sur l'appréhension de la réforme en termes budgétaires, la situation se présente sous un jour plutôt favorable puisque l'IR est aujourd'hui un prélèvement très dynamique : 1,5 milliard d'euros de plus-values constatées en 2006 par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale, et une évolution spontanée, en 2005 comme en 2006, de + 8 %, selon les données transmises par la direction du budget. C'est la raison pour laquelle, sans doute, celle-ci croit possible d'évaluer à près de 5 milliards d'euros le surplus de recettes qu'engendrerait le passage « brut » au prélèvement à la source, avant toute « mesure compensatoire » destinée à accompagner la réforme. D'après l'estimation macroéconomique sommaire fournie à votre Rapporteur par la direction générale du Trésor et de la politique économique, l'effet brut du changement de base de référence entre système de recouvrement actuel et prélèvement à la source représenterait un gain de 4 % environ, soit quelque 2 milliards d'euros. Ce montant tient compte tenu du possible effet récessif, déjà signalé, que pourrait provoquer le léger ressaut d'imposition induit par le passage à une base de revenus plus élevée. Le paramètre de la revalorisation du barème est aussi à prendre en compte. Sur ce dernier point, il faut noter que, toutes choses égales par ailleurs, si le barème continue à être revalorisé annuellement comme l'inflation, sans ressaut l'année de transition, les revenus de l'année n imposés à la source le seront selon un barème plus faible que celui qui se serait appliqué, sans prélèvement à la source, en n+1, du fait de la rétroactivité systématique du barème de l'IR voté par le Parlement. Un ajustement sera donc nécessaire lors de la réforme. Dans le même temps, il conviendra d'éviter qu'une trop faible revalorisation du barème n'abaisse trop les seuils d'entrée dans chaque tranche et ne rende trop de contribuables nouvellement imposables. La transparence des choix à effectuer devra être totale puisqu'il y va de la bonne acceptation de la réforme. Les pouvoirs publics auront donc, en quelque sorte, à jouer de ce phénomène de « cécité monétaire »... en toute transparence. Par ailleurs, plusieurs éléments de minoration du gain prévisible de recettes d'IR entrent en ligne de compte : - l'éventuelle application de l'imposition « à la moyenne biennale » pour lisser la période de transition ; - le possible paiement des réductions et crédits d'impôt utilisés pendant l'année « effacée » précédant l'instauration du prélèvement à la source. C'est précisément ce second élément qui est appelé à consommer la majeure partie du surplus de recettes d'IR distribuable, selon ce que le Gouvernement proposera et ce que le Parlement votera à l'occasion de la discussion du projet de loi support de la réforme. Il est donc possible de regarder avec optimisme la mise en place du prélèvement à la source, dans la mesure où le contexte budgétaire entourant la réforme donnera à ses promoteurs les moyens d'une mise en œuvre réussie. Ce qui ne dispensera pas les pouvoirs publics de devoir déployer de réelles qualités de pédagogues. C.- LE SCÉNARIO DE LA MISE EN PLACE DU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE Une fois arrêtés, sur le plan politique, les principes de la réforme, sa mise en place proprement dite doit tenir compte des importants changements techniques à opérer, des nombreux acteurs à impliquer et de la pédagogie à mettre en œuvre vis-à-vis des citoyens contribuables. Pour toutes ces raisons, un délai incompressible de mise en œuvre de l'ordre de dix-huit à vingt-quatre mois paraît nécessaire. En dépit de ses demandes réitérées, votre Rapporteur n'a pu obtenir des services du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie le « compte à rebours » schématique du basculement vers un système de prélèvement à la source. Toutefois, une approximation est possible à partir des éléments suivants : l'entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier de l'année n suppose une adoption de l'ensemble du dispositif de niveau législatif en loi de finances pour n−1 (41), adoption elle-même précédée de substantiels travaux préparatoires lato sensu (associant Gouvernement - dans ses sphères financière et sociale -, Parlement, représentants des salariés et des employeurs). Ainsi, à une mise en place extrêmement volontariste au 1er janvier 2009, qui signifierait que les détails de la réforme soient arrêtés dès la loi de finances pour 2008, alors même que le calendrier de préparation de ce prochain projet de loi de finances s'annonce très contraint en cette année électorale, on doit vraisemblablement préférer une entrée en vigueur au 1er janvier 2010. Il serait paradoxal qu'après avoir tant tardé à sauter le pas, notre pays finisse par renoncer à la réforme au motif qu'elle aurait été préparée dans la précipitation... Votre Rapporteur a déjà évoqué sa position de principe, consistant à rechercher dans toute la mesure du possible une égalité de traitement entre les différents types de revenus imposables. Il s'agit à présent de valider, techniquement, cette position, en distinguant entre le sujet de consensus - le prélèvement sur les traitements, salaires et pensions - et le sujet de débat − la meilleure façon de prélever l'IR sur les revenus non salariaux, les revenus fonciers ou les revenus de capitaux mobiliers. Il n'est pas inutile à ce stade de rappeler les étapes du calcul de l'IR, que l'instauration du prélèvement à la source n'a pas a priori vocation à modifier :
a) Pour les revenus salariaux ou les revenus de remplacement : un taux synthétique individuel adaptable en cours d'année pour prélever des acomptes, incluant les niches L'hypothèse centrale retenue est celle d'un taux synthétique individuel révisable en cours d'année. Détaillons les implications de cette formule pour les contribuables imposables, tout en précisant quelles sont les solutions écartées. Il s'agit d'un taux, non d'un montant (c'est la différence entre prélèvement à la source et mensualisation obligatoire). Ce taux est synthétique, c'est-à-dire qu'il fait masse de tous les éléments de calcul de l'IR que sont, outre les revenus salariaux ou de remplacement, la situation familiale du contribuable et les différents abattements, réductions ou crédits d'impôt dont il bénéficie. Il faut s'attarder sur les niches fiscales. Leur prise en compte dans le calcul du taux synthétique présente un quadruple avantage : celui de la simplicité de calcul du taux, qui ne nécessitera aucun retraitement sur ce point, celui de la précision du taux qui n'occasionnera, dans le cas général, que peu de régularisations ex post, celui de « l'opacité protectrice » du taux, d'autant plus compliqué à interpréter qu'il agrégera un grand nombre de données, enfin celui, déjà signalé, lié au bénéfice immédiat des mesures fiscales nouvelles en cours d'année. L'hypothèse inverse, celle consistant à renvoyer au stade de la régularisation ex post la prise en compte des niches fiscales, ôterait au système les quatre avantages précités, mais présenterait un avantage propre : la meilleure visibilité des avantages fiscaux, mise en avant par le Conseil des impôts dans son rapport de 2000 : « Dans la mesure où le taux de référence ne peut prendre en compte les déductions et autres avantages fiscaux, ceux-ci auront une meilleure visibilité, car leur impact apparaîtra directement à l'occasion de la régularisation, aboutissant à un remboursement du trop perçu. L'effet sera ainsi positif pour le contribuable usant des avantages fiscaux. Dans l'hypothèse où il apparaîtrait souhaitable que l'ensemble des contribuables bénéficient d'un remboursement à l'occasion de la régularisation, un dispositif accordé à chaque foyer pourrait être prévu (crédit d'impôt minimal ou abattement général tous foyers) ; ce dispositif peut constituer une mesure d'accompagnement de la réforme. » Votre Rapporteur tient à rappeler que la prise en compte des niches fiscales via le taux moyen ne vaut que pour les imposables ; pour les non-imposables bénéficiant d'une créance fiscale, c'est lors de la régularisation que le sujet se traitera. Par exemple, le salarié imposable bénéficiaire de la prime pour l'emploi se verra prélever à la source une proportion de son salaire intégrant la restitution prévue par la PPE, et ce de façon à la fois plus proche de la (re)prise d'emploi et plus précise dans son calcul que sous l'empire du lourd système actuel. Si la PPE rend ce salarié non imposable, il ne subira aucun prélèvement et recevra du Trésor public la prime qui lui est due, au stade de la régularisation (ou éventuellement, comme aujourd'hui, sous forme d'acomptes plus précoces, même si un nouveau système d'impôt négatif est souhaitable, et possible en rapprochant l'IR de la CSG. Enfin, le taux prélevé est individuel : il est propre à chaque contribuable, ce qui constitue certes le corollaire d'éléments ressortissant à la vie privée, mais ce qui garantit que l'IR prélevé est plus juste, moins sujet à régularisation ultérieure. Redisons ici qu'un taux uniforme pour tous les salariés, par exemple, serait très éloigné de l'objectif poursuivi par la réforme et ne ferait qu'alourdir le système actuel. Concrètement, le calcul du prélèvement devrait être plus simple encore que ce que votre Rapporteur a pu observer en Espagne : SCHÉMA DE CALCUL DU MONTANT DU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE EN ESPAGNE Étape 1.− Détermination d'une base « théorique » de retenue. Une base de retenue théorique est déterminée de la manière suivante, sachant que la démarche suivie reprend celle de détermination des revenus du travail imposables à l'IR : (+) Rémunération totale prévisible à percevoir sur l'année civile (y compris rémunération en nature) (−) Réduction (pour les indemnités imposables ayant un caractère occasionnel ou couvrant une période de plusieurs années civiles) (−) Frais déductibles (cotisations de sécurité sociale, cotisation syndicale, frais de formation) (−) Abattements généraux (sur les traitements et salaires) (−) Minimum personnel : abattement pour prendre en compte les besoins vitaux du contribuable (−) Minimum familial : abattement pour prendre en compte l'incidence des personnes à charge (−) Pension alimentaire au conjoint en vertu d'une décision de justice ______________________________________ = Base pour calculer un taux de retenue « théorique ». Étape 2.− Détermination d'un montant « théorique » de retenue. Application sur la base déterminée à l'étape 1 ci-dessus du barème progressif de l'impôt sur le revenu, pour obtenir un montant « théorique » de retenue. Étape 3.− Calcul du taux « réel » de retenue. Le taux réel de retenue est déterminé comme suit : Montant « théorique » de la retenue (cf. étape 2) _______________________________________ x 100 = taux réel de la retenue Total de la rémunération annuelle Remarque : la législation prévoit également un taux de retenue minimum de 2 % applicable pour les contrats de travail de durée inférieure à une année. Étape 4.− Application du taux « réel » de retenue sur les salaires perçus par le contribuable. Le taux est appliqué périodiquement sur les salaires perçus pour liquider la retenue à verser au Trésor public. Source : mission économique de l'ambassade de France en Espagne. Si l'on exclut, comme indiqué précédemment et pour mieux garantir la confidentialité due aux contribuables, de faire calculer par l'employeur (ou le payeur du revenu de remplacement) le taux à prélever, la technique la plus opératoire consiste à prélever mensuellement, à la source, un acompte par application au revenu taxé d'un taux synthétique individuel. Ce taux t se calcule aisément comme un ratio dont le numérateur est l'IR acquitté l'année précédente (et donc, en début d'année, dans l'attente de la régularisation, le dernier IR définitif connu, c'est-à-dire celui de n-2) ; au dénominateur, puisqu'il n'est pas possible de faire figurer le total de la rémunération annuelle prévisible pour l'année à venir (le salarié n'étant pas en mesure de l'évaluer), il faut retenir l'ensemble des revenus nets professionnels déclarés l'année précédente (avec, comme au numérateur, une référence à n-2 pour les prélèvements effectués en début d'année n). Le taux t se calcule donc aisément de la façon suivante :
t est précisément le taux moyen actuellement fourni par l'administration fiscale qui le fait figurer sur l'avis d'imposition de chaque foyer. Notons que l'IR du numérateur inclut la taxation des plus-values et le prélèvement libératoire. La mise en place du prélèvement à la source se trouve ainsi facilitée par les améliorations déjà existantes de l'avis d'imposition. Au passage, si les auteurs de la réforme souhaitaient faire le choix d'une régularisation qui, comme en Espagne par exemple, s'effectue dans la grande majorité des cas sous la forme du reversement d'un trop-perçu par le Trésor, il serait possible d'assortir le numérateur du ratio d'un coefficient de revalorisation, à déterminer selon l'ampleur de la régularisation attendue. En régime de croisière, le système étant suffisamment rodé pour permettre des prévisions fiables de recouvrement, ce coefficient pourrait être ajusté très finement, éventuellement à des fins de pilotage macroéconomique. Le taux ainsi déterminé est, à proprement parler, un acompte d'IR, susceptible de s'ajuster ensuite en cours d'année, soit en raison d'un changement de situation du contribuable, soit, de façon plus systématique, une fois effectuée la déclaration de revenus afférente à l'année écoulée. La préparation du détail de la réforme devra être l'occasion de décider s'il est ou non opportun de fixer une limite à la possibilité de modifier le taux synthétique en cours d'année. Pour que le changement soit vraiment visible et dans le souci de populariser la réforme, votre Rapporteur est partisan d'une possibilité de modulation aussi souple que possible. Cependant, du fait même d'un raisonnement en taux et non en montant, la révision du taux devrait être, dans la grande majorité des cas, d'une ampleur limitée. Il reste à aborder, en raisonnant à droit constant (c'est-à-dire hors individualisation de l'IR), l'importante question de l'éventuelle adaptation du taux synthétique à la situation particulière de chaque contribuable membre du foyer fiscal ou rattaché à celui-ci. En effet, il semble que la pratique consistant, au sein d'un foyer, à répartir les charges entre ses membres, le loyer étant par exemple payé par l'un, les impôts et les factures par l'autre, soit assez répandue, sans bien sûr qu'aucune statistique n'existe sur le sujet. De même, comment prendre en compte la situation d'un foyer au sein duquel, bien que les deux conjoints ou partenaires soient tous les deux salariés, la disproportion manifeste entre les deux salaires conduira à un prélèvement très important sur le plus petit salaire ? Même si l'on considère que l'individualisation de l'impôt serait alors la meilleure réponse à apporter (ce que ne propose pas votre Rapporteur), l'application du taux synthétique permet déjà, à droit constant, de régler le problème. D'une part, s'agissant d'un taux moyen, le prélèvement au titre de l'IR, même élevé, ne pourra jamais être confiscatoire. D'autre part, dans l'hypothèse préconisée par votre Rapporteur, selon laquelle c'est le contribuable qui communique son taux synthétique à son employeur (ou au payeur de ses revenus de remplacement), il est tout à fait possible de permettre aux membres d'un foyer de se répartir comme ils l'entendent la charge de l'impôt à payer. La formule de calcul de t le permet :
Cette souplesse serait aussi un moyen de renforcer le lien citoyen à l'impôt, en impliquant davantage les contribuables dans son calcul afin de l'adapter à leur situation personnelle. b) Pour les autres revenus : revenus non salariaux, revenus fonciers, revenus de capitaux mobiliers, emploi à domicile La prise en compte de l'ensemble des autres revenus catégoriels constitutifs du revenu global, héritage des impôts cédulaires qui préexistaient à l'IR, est l'un des éléments de complexité de la réforme. Ici encore, il s'agit de valider la possibilité technique d'appliquer uniformément le taux synthétique. - Revenus non salariaux : la solution de « l'IR comme l'IS » Dans un premier temps, votre Rapporteur a voulu explorer la piste d'une imposition séparée des revenus non salariaux. L'exemple suivant illustre cette démarche, qui comporte déjà des améliorations par rapport au système actuel, puisque les salaires y sont imposés par prélèvement à la source et que les acomptes versés tiennent compte des revenus courants. EXEMPLE DE CALCUL SÉPARÉ DE L'IR POUR LES REVENUS NON SALARIAUX Supposons un contribuable professionnel libéral marié sans enfant ayant en 2006 des revenus : - soumis au prélèvement à la source (salaires du conjoint par exemple), - des loyers, - des bénéfices non commerciaux. Le montant total des revenus imposables de l'année 2006 est de 100.000 euros, réparti comme suit : - 20 % au titre des salaires (20.000 euros), - 10 % au titre des loyers (10.000 euros), - 70 % au titre des BNC (70.000 euros). Le montant total de l'impôt du foyer fiscal est de 19.000 euros (avant imputation des retenues à la source et autres déductions et crédits d'impôt divers). Le taux moyen d'imposition du foyer fiscal de l'année 2006 est de 19 %, il est déterminé en septembre 2007. La répartition de l'impôt brut entre les catégories de revenus basée sur le taux moyen s'effectue de la façon suivante : - la part d'impôt moyen brut sur les salaires est de 20.000 euros (montant des salaires) x 19 %, soit 3.800 euros ; - la part d'impôt moyen brut sur les autres revenus non susceptibles de faire l'objet d'une retenue à la source (loyer, BNC) est donc de 19.000 euros − 3.800 euros, soit 15.200 euros. Pour ce contribuable, un acompte mensuel sera prélevé en 2008, égal à 15.200 euros / 12, soit 1.266 euros. Ces acomptes s'imputeront sur le total de l'impôt effectivement dû pour l'année 2008 qui sera calculé en 2009. Il est bien entendu possible de tenir compte dans ce calcul des réductions et crédits d'impôts autres que le prélèvement à la source. Si le contribuable l'estime justifié (au regard d'une nouvelle situation familiale ou d'une baisse de ses revenus de 2008), il peut demander, sous sa responsabilité, la réduction du prélèvement mensuel (une tolérance devrait être admise pour l'application de pénalités). En revanche, cas le plus probable, si l'on constate que l'impôt de ce contribuable effectivement dû au titre des revenus de 2008 (calculé en septembre 2009) est de 21.000 euros (du fait d'une légère augmentation des revenus par exemple), sa situation sera la suivante : - Impôt brut sur les revenus de 2008 21.000 - Déductions et crédits d'impôt de 2008 1.000 - Retenues à la source sur salaires 4.000 (légère augmentation du salaire) - Acomptes payés en 2008 15.200 - Solde à payer avant fin 2009 (au titre de 2008) 800. Source : contribution de M. Béchir Chebbah, expert comptable, membre du conseil d'administration de l'URSSAF de Lyon. Tant que la variation des revenus non salariaux, à la hausse comme à la baisse, demeure de faible amplitude, la solution illustrée ci-dessus est parfaitement acceptable. Mais en cas de fluctuation importante ou d'événement exceptionnel (mariage, départ à la retraite, ...), le mécanisme des acomptes forfaitaires mensuels, même révisables, manque de la souplesse inhérente au système du taux synthétique. Pour autant, la solution du taux synthétique semble en l'espèce difficilement praticable, dans la mesure où le schéma n'est pas celui d'un tiers qui verse des revenus mais celui, dans le cas général, d'un professionnel constatant des bénéfices, qui ne sont définitivement connus qu'ex post. Au demeurant, la CSG n'est aujourd'hui recouvrée sur les revenus non salariaux que via un mécanisme d'acomptes trimestriels, mais la modernisation en cours du recouvrement social auprès des travailleurs indépendants devrait aboutir à une mensualisation. C'est dans cet esprit qu'un certain volontarisme dans la réforme fiscale, couplé à une volonté de traiter aussi équitablement que possible tous les types de revenus, pourrait conduire à mensualiser le paiement des acomptes, voire à généraliser un système de calcul fondé sur les bénéfices estimés de l'année en cours. En outre, lorsqu'au sein d'un foyer, les revenus non salariaux ne sont pas dominants, on pourrait explorer la possibilité de les inclure dans le taux synthétique des revenus salariaux (ou des revenus de remplacement) dominants. Le débat qui aura lieu à l'occasion de la mise en place de la réforme devra trancher ce point. Enfin, il faut envisager la situation des non-professionnels qui, tout en étant imposables, n'auraient aucun tiers professionnel à qui déclarer leur taux synthétique afin que soit pratiqué le prélèvement à la source. Il s'agit du cas, limité, de « rentiers » qui ne perçoivent ni traitement, ni salaire, ni pension de retraite ou d'invalidité d'aucune sorte qui soit d'un montant suffisant pour supporter le prélèvement. Pour ces quelques contribuables, qui en tout état de cause continueront à remplir une déclaration annuelle de revenus, un système de paiement de « l'IR comme l'IS », éventuellement assorti d'une mensualisation obligatoire avec prélèvement automatique sur un compte bancaire sous la seule responsabilité du particulier, sera le moins discriminant par rapport au droit commun. - Revenus fonciers et revenus des valeurs et capitaux mobiliers Quant au recouvrement de l'impôt sur les revenus fonciers, il s'accommode également de cette technique. Bien sûr, il n'est pas envisageable de demander à des particuliers locataires de demander à leur propriétaire son taux synthétique d'imposition afin qu'ils en défalquent l'équivalent de leur loyer et le reversent à l'administration fiscale ! Mais il est tout à fait possible, et ô combien plus simple, compte tenu de la récurrence de ce type de revenus, de les incorporer dans le calcul du taux synthétique appliqué aux revenus du propriétaire : on évite ainsi de transformer des particuliers non professionnels en opérateurs du recouvrement, tout en alignant le traitement des différents revenus catégoriels. L'IR sur les revenus des valeurs et capitaux mobiliers, hors prélèvement libératoire, peut suivre le même mode de prélèvement, ce qui présenterait l'avantage d'alléger la charge actuellement supportée par les banques. Celles-ci continueraient à déclarer à l'administration fiscale les revenus des capitaux dont elles ont connaissance, mais n'auraient plus à prélever l'IR correspondant, la charge étant transférée au payeur du salaire (ou du revenu de remplacement). Compte tenu du faible poids relatif, en nombre de déclarants comme en montant déclaré, de cette catégorie de revenus, il serait très exagéré d'en faire un point de blocage de la réforme. Les régularisations ont certes plus de chances de concerner ce type de revenus, globalement plus aléatoires que les salaires, traitements ou pensions, mais il n'y a là rien que le nouveau système ne puisse supporter. Les plus-values revêtent par définition un caractère plus exceptionnel encore que les autres catégories précitées, mais là encore il convient de garder le sens des proportions : moins de 600.000 déclarants concernés en 2005 sur 34,8 millions, et près de 15 milliards d'euros d'assiette, soit moins de 2 % du total. Dès lors, la solution retenue n'est pas décisive pour le sort de la réforme : soit on les exclut d'emblée, en maintenant le décalage actuel, soit on les inclut dans le calcul du taux synthétique, quitte à augmenter la marge de régularisation. Le résultat étant peu différent en pratique, votre Rapporteur est enclin, par souci de cohérence, à confirmer sa position de principe : l'inclusion dans le champ du prélèvement à la source. Ce cas particulier mérite attention. D'après les statistiques publiées par la direction générale des impôts portant sur les revenus de 2005, ce sont 2,6 millions de déclarants qui étaient, sous l'empire de la législation alors en vigueur, concernés par l'emploi d'un salarié à domicile, et 1,5 million de déclarants par les frais de garde d'enfants de moins de sept ans, pour un total de 7,8 milliards d'euros déclarés. À l'échelle d'une niche, ces chiffres sont élevés. Pour la mise en œuvre de la réforme, l'enjeu est d'importance car, d'une part, il concerne tout autant les particuliers employeurs que les salariés employés, et d'autre part, il s'agit de l'un des rares cas dans lesquels l'instauration du prélèvement à la source de l'IR pourrait dégrader l'efficacité et la simplicité de l'existant. C'est le message qu'a voulu transmettre le représentant du Centre national du chèque emploi service universel (CNCESU) lors de son audition par votre Rapporteur. Ce cas est donc le seul pour lequel un prélèvement forfaitaire à la source, à inclure dans les formules de chèques (CESU), doit être préconisé : un taux de 3 % pourrait être choisi ; la régularisation ex post serait alors systématique. Le recours massif au temps partiel (1 % de temps plein parmi les salariés en CESU bancaire) comme le fait que la moitié des salariés à domicile (rémunérés via le CESU bancaire) ait au moins trois employeurs, avec une rotation beaucoup plus fréquente que celle des salariés en entreprise, rendent en effet difficilement applicable sans complexité excessive le système général décrit plus haut. Au demeurant, bien que les statistiques manquent sur ce point, il ne fait guère de doute que nombre de salariés à domicile ne soient pas imposables à l'IR aujourd'hui. * En conclusion sur ce point, votre Rapporteur ne veut pas passer sous silence un point que la réforme devra nécessairement traiter : les garde-fous à prévoir pour tous les cas d'absence, délibérée ou non, de fourniture du taux synthétique, ou de non-versement des acomptes sur les revenus non salariaux. En effet, l'avantage calendaire lié au passage à un prélèvement sur les revenus courants avec régularisation l'année suivante peut se traduire, dans les cas que l'on vient de citer, par un désavantage de trésorerie pour le budget de l'État si la sanction des comportements fautifs ne peut pas intervenir avant la régularisation globale. Dès lors, il conviendra de prévoir un taux minimum de prélèvement en cas de non-communication de son taux par le salarié et des sanctions dissuasives pour les non-communications fautives ou les communications de taux erronés, qui soient à la mesure des pertes potentielles pour le budget de l'État. L'un des paramètres importants de la réforme concerne la « redistribution des rôles » entre les acteurs de la chaîne du recouvrement de l'IR : contribuable, professionnel du recouvrement (administration fiscale, organisme de recouvrement de la sphère sociale), payeur de revenu d'activité ou de remplacement, entité chargée du contrôle. Le cœur du sujet est de décider qui doit assurer la fonction nouvelle du prélèvement à la source. a) La solution généralement envisagée : l'implication de l'employeur et des payeurs de revenus de remplacement Les développements précédents consacrés aux principes qui sous-tendent la réforme ont permis d'écarter quelques-unes des pistes envisageables : la simple mensualisation obligatoire avec implication des banques, le prélèvement forfaitaire uniforme qui n'allège pas la charge de l'administration fiscale et provoque des régularisations massives pour les contribuables, ou encore la transformation en organes de recouvrement de payeurs de revenus qui ne soient pas des professionnels. A déjà été évoquée la solution qu'il s'agit à présent de confirmer et de détailler : faire de l'employeur professionnel (42) l'interface entre le contribuable et l'organisme chargé du recouvrement de l'impôt. Ce rôle est nouveau et important ; on a pu toutefois en mesurer les limites en termes de contrainte technique et de coût de gestion. En premier lieu, l'employeur, public ou privé, ne serait pas chargé de calculer lui-même le prélèvement à effectuer, respectivement sur les traitements ou les salaires qu'il verse. C'est, conformément à la sage recommandation de la CNIL, le contribuable qui transmettrait à son employeur le taux synthétique lui étant applicable, après l'avoir reçu de l'administration fiscale et adapté, le cas échéant, et sous sa seule responsabilité, à sa situation personnelle du moment. L'employeur se bornerait ensuite à appliquer le taux synthétique ainsi communiqué, à en informer l'administration fiscale et à reverser à l'entité responsable du recouvrement le produit de l'ensemble des acomptes collectés, dans un délai qui pourrait, comme en Espagne notamment (et en France pour les cotisations sociales), varier selon la taille de l'entreprise et selon l'importance des gains de trésorerie que l'on jugera bon, lors du vote de la réforme, de lui octroyer en contrepartie de la charge assumée pour le compte des pouvoirs publics. Dans la mise en œuvre effective de ce circuit de recouvrement, l'identifiant informatique utilisé pour chaque contribuable est évidemment un point crucial. Là encore, l'avis de la CNIL est indispensable, et la compatibilité avec la jurisprudence constitutionnelle évidemment requise. Le prélèvement à la source exige du système informatique de l'administration fiscale - dans l'hypothèse où cette dernière serait en charge du recouvrement -, qu'il puisse rattacher, sans risque d'erreur, les données communiquées par les organismes versant des revenus imposables aux dossiers fiscaux informatisés des contribuables concernés. Le degré de fiabilité des procédures d'identification informatique de la direction générale des impôts ayant été fortement renforcé à l'occasion de la mise en place de la déclaration préremplie, grâce à la généralisation et à la vérification du numéro national d'identification du contribuable (numéro SPI (43)), cette condition semble remplie. Deux solutions sont alors envisageables en théorie : - l'utilisation du NIR (44) pour identifier les contribuables qui font l'objet du prélèvement à la source, cet identifiant étant remplacé par l'identifiant fiscal SPI avant l'intégration des données reçues dans les applications informatiques de recouvrement de l'IR de l'administration fiscale ; - la transmission aux payeurs de revenus du numéro fiscal national, qu'ils devraient, dans cette hypothèse, intégrer dans leurs applications de paie du personnel puis dans les fichiers de prélèvement à la source adressés à l'administration. Cette dernière solution présenterait l'inconvénient majeur de disséminer dans toutes les entreprises des parties de la table de correspondance entre le NIR et l'identifiant fiscal SPI, dont la conservation et l'accès sont actuellement fortement encadrés et sécurisés. Elle nécessiterait également que les employeurs et autres payeurs adaptent leurs logiciels de gestion de la paie à l'utilisation d'un second identifiant, le numéro SPI. C'est pourquoi la première solution semble beaucoup plus facile à mettre en œuvre, puisque les payeurs concernés sont d'ores et déjà autorisés à utiliser le NIR, en particulier les employeurs dans les fichiers de gestion de la paie. Il sera nécessaire cependant de compléter dans la loi les usages pour lesquels ceux-ci sont habilités à utiliser le NIR. L'administration fiscale recourt déjà au NIR pour la réception des déclarations récapitulatives de revenus adressées chaque début d'année par les tiers payeurs (45). Le cadre juridique dans lequel la DGI peut utiliser le NIR serait ainsi conforté. À cet égard, le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998) a certes subordonné l'emploi du NIR dans la sphère fiscale à la seule fin « d'éviter les erreurs d'identité et de vérifier les adresses des personnes », mais n'a cependant pas proscrit l'utilisation d'une telle passerelle pour l'échange de données entre les sphères fiscale et sociale dans les conditions prévues à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de la loi de finances pour 1999. Un certain nombre de précisions complémentaires doivent par ailleurs être apportées : - dans le but d'assurer le respect de la vie privée des contribuables, constitutionnellement garanti, le payeur de revenus serait, comme dans tous les pays disposant d'un système de recouvrement analogue, assujetti au secret fiscal. La loi devrait par conséquent interdire toute utilisation non fiscale du taux synthétique de prélèvement applicable par le payeur et prévoir une définition des conditions dans lesquelles cette donnée pourra être conservée, utilisée et consultée, tout manquement à ces obligations étant pénalement réprimé ; - le cas de défaillance de l'employeur ne perturberait pas grandement le système du point de vue du salarié, puisque le payeur du revenu de remplacement prendrait le relais, et qu'en tout état de cause, c'est le contribuable et non l'employeur qui demeurera personnellement redevable de son impôt. Tant qu'un salaire aura été versé, il sera considéré que le salarié a bien acquitté son impôt ; - s'il advenait qu'un employeur disparaisse ou dépose son bilan sans avoir reversé la totalité de l'IR collecté, l'organisme responsable du recouvrement serait, comme il est d'usage, créancier privilégié (les cas éventuels de recouvrement forcé sont détaillés plus loin). Au demeurant, rien de tout cela n'est inconnu dans le système actuel, qu'il s'agisse des cotisations sociales ou d'un impôt comme la CSG. S'agissant des revenus de remplacement, la mise en œuvre de la réforme paraît plus simple encore. En effet, les risques d'utilisation indue de données protégées sont alors réduits, et il semble possible d'autoriser des transferts de fichiers informatisés, en particulier avec les caisses de retraite (46). De tels transferts représenteraient même une réelle mesure de simplification administrative, sans risque de production d'effets indésirables, dès lors que les liens entre les retraités et leur caisse de retraite se caractérisent par une grande stabilité − l'administration pourra donc plus facilement en connaître − mais ne donnent lieu que rarement à des contacts directs ou même à des échanges de courriers. Il n'en va pas exactement de même entre les chômeurs et le gestionnaire de leur régime d'assurance chômage, de sorte que cette situation devrait plutôt donner lieu à l'application des règles édictées pour les employeurs. b) Le recouvrement de l'acompte auprès des entreprises et des caisses de retraite : le rôle possible des URSSAF comme de l'administration fiscale Si l'implication des employeurs et autres payeurs de revenu dans le système à mettre en place fait l'unanimité, la question du choix du réseau de recouvrement des acomptes d'IR - et de ces acomptes seulement - n'est pas définitivement tranchée. Trois réseaux sont susceptibles d'accomplir cette mission : l'administration fiscale (en l'occurrence les services de la direction générale de la comptabilité publique), les URSSAF ou les banques. Écartons d'emblée ces dernières, qui, outre leur réticence à intervenir davantage qu'aujourd'hui dans la sphère fiscale, pourraient être utilement mises à contribution dans un système de mensualisation obligatoire mais certainement pas dans un système de prélèvement à la source, car elles ne peuvent pas identifier l'assiette du prélèvement. L'administration fiscale semble s'imposer comme le réseau « naturel » de recouvrement, puisqu'elle assume déjà cette tâche aujourd'hui pour l'IR. Cette possibilité peut parfaitement se concevoir sur le plan technique, ainsi que l'on vient de le démontrer. Mais votre Rapporteur, au sortir de ses auditions, estime qu'aucune objection de principe, non plus qu'aucun obstacle technique, ne s'oppose à ce que le réseau des URSSAF recouvre, avec une performance au moins équivalente à celle de l'administration fiscale, les acomptes d'IR auprès des entreprises ou des caisses de retraite, comme il recouvre aujourd'hui la CSG et la CRDS sur les revenus d'activité et de remplacement. Le gouvernement qui sera chargé de préparer la réforme aura donc une réelle possibilité de choix en matière de réseau de recouvrement. - Une compétence juridiquement incontestable La contestation du rôle des URSSAF qui serait tirée de leur statut de droit privé, prétendument incompatible avec le recouvrement d'un impôt d'État, a été clairement écartée par le Conseil constitutionnel dès l'institution de la CSG : DÉCISION N° 90-285 DC DU 28 DÉCEMBRE 1990 SUR LA LOI DE FINANCES POUR 1991 « [...] Quant à l'atteinte au principe d'exclusivité de l'État dans le recouvrement des impôts : « Considérant que l'article 131 de la loi confie le recouvrement de la contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement à des organismes qui sont déjà habilités à recouvrer des cotisations sociales ; qu'à l'exception de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui constitue un établissement public national à caractère administratif, les organismes compétents en matière de recouvrement sont des personnes morales de droit privé ; « Considérant que les auteurs de la première saisine soutiennent qu'en tant qu'il prévoit le recouvrement d'un impôt par des personnes morales de droit privé, l'article 131 entre en contradiction avec le « principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel seul l'État recouvre l'impôt » ; « Considérant que, sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de fixer les règles concernant « les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » ; que, dans l'exercice de cette compétence, il doit se conformer aux principes et règles de valeur constitutionnelle ; que si aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République ne lui impose un mode particulier de recouvrement, il n'en demeure pas moins que le recouvrement d'une imposition contribuant, conformément à l'article 13 de la Déclaration de 1789, aux charges de la Nation, ne peut être effectué que par des services ou organismes placés sous l'autorité de l'État ou son contrôle ; « Considérant que l'article 131 de la loi n'est pas contraire à ces exigences, dans la mesure où les différents organismes chargés du recouvrement de la contribution instituée par l'article 127 exercent une mission de service public et sont placés sous la tutelle de l'État ou sous son contrôle ; [...] » - Un savoir-faire indiscutable La performance des URSSAF peut être appréciée au regard de différents critères, dont le coût complet et la qualité de la prestation, ou encore sa sécurité technique, juridique et financière. En 2006, avec des engagements conventionnels précis et vérifiés sur chacun de ces paramètres et un coût global en personnel d'environ 815 millions d'euros pour l'ensemble du réseau, les URSSAF ont encaissé plus de 246 milliards d'euros, dont la répartition est effectuée au premier centime entre les caisses bénéficiaires et les autres tiers. À cet ensemble, il faut ajouter les opérations financières gérées par l'ACOSS, « tête de réseau » du recouvrement, soit plus de 103 milliards d'euros, dont 9,1 milliards d'euros au titre de la CSG prélevée par le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie sur les revenus du patrimoine, les produits de placement et les jeux. Le réseau du recouvrement social est donc parfaitement armé pour étendre sa compétence aux acomptes d'IR, et apporterait, à coût constant, sa plus-value : une relation de travail solidement établie avec les entreprises pour le recouvrement des cotisations, une connaissance précise de l'assiette salariale. Les URSSAF pourraient ainsi effectuer le recouvrement de l'IR à la source sans effectifs supplémentaires et tout en garantissant : - un faible niveau de risque, le réseau disposant d'une expérience reconnue de sécurisation de ses procédures de recouvrement, de répartition et d'attribution des créances publiques, qu'il s'agisse de cotisations sociales, de taxes (le versement de transport au profit des collectivités territoriales, par exemple) ou d'impositions de toutes natures, la CSG et la CRDS en particulier ; - et une qualité de service pouvant être évaluée par des certificateurs externes (type AFAQ AFNOR) sur des standards équivalents à ceux déployés par les entreprises en situation concurrentielle. En outre, la prise en charge des acomptes fiscaux par les URSSAF occasionnerait, en quelque sorte, des économies d'échelle dans le traitement amiable du recouvrement non spontané. - Une évolution déjà programmée des systèmes d'information nécessaires Dans une version a minima de la réforme, les seuls aménagements par rapport aux relations qu'entretiennent déjà les URSSAF avec les entreprises ou les caisses de retraite porteraient sur le contrôle externe des taux synthétiques utilisés pour le calcul du prélèvement à la source, afin de permettre le rapprochement des états mensuels nominatifs tenus par les entreprises avec les données équivalentes détenues par l'URSSAF et issues de l'administration fiscale. Dans une version plus évoluée du dispositif, la relation des entreprises (ou des caisses de retraite) avec l'URSSAF pourrait impliquer l'utilisation, selon une fréquence mensuelle ou trimestrielle, de la norme DADS-U (déclaration automatisée des données sociales-unifiée) qui serait alors enrichie d'une structure complémentaire spécifique « taux synthétique d'imposition sur le revenu ». C'est la perspective recherchée aujourd'hui par le GIP Modernisation des déclarations sociales avec son projet de déclaration nominative périodique évoqué plus haut. LA DADS-U Le réseau ACOSS-URSSAF a lancé une étude exploratoire sur les conditions d'optimisation d'emploi de la DADS-U, en partenariat avec la CNAV, gestionnaire du dispositif, dans le cadre d'un projet de déclaration nominative périodique des salariés (l'actuelle DADS n'étant pas nominative), effectuée pour chaque établissement de l'entreprise. L'objectif est de passer d'une logique de gestion du dossier « employeur » à une démarche plus globale associant à cette gestion la connaissance et le suivi des salariés. Plus de 2 millions de DADS-U sont d'ores et déjà traitées chaque année par la CNAV. Cette dernière transfère à: la DGI les données salariales contenues dans les DADS-U au plus tard le 31 mars pour lui permettre d'adresser les déclarations de revenus pré-remplies aux contribuables en mai. Étant aujourd'hui la seule déclaration nominative effectuée par les employeurs, la DADS-U, complétée du montant des prélèvements à la source, constituerait donc un support adapté au contrôle de cette procédure, quel que soit le réseau désigné pour assurer cette mission. Selon la direction de la sécurité sociale, il convient toutefois de noter que les organismes gestionnaires de régimes de retraite ne seront peut-être pas tous en mesure de faire face à un prélèvement à la source sur les pensions, s'il s'agit de s'adapter en temps réel aux événements comme le décès du conjoint ou la fluctuation des revenus d'activité du conjoint. Rappelons à cet égard que l'intégration, par l'ensemble des organismes, d'un taux réduit de CSG n'était pas allée sans difficulté. - Une articulation entre sphères fiscale et sociale déjà existante Dans le cadre de la modernisation du fonctionnement de l'administration fiscale destinée à permettre un suivi individuel du contribuable via un compte fiscal unique (projet COPERNIC lancé en avril 2000), le Parlement a prévu, comme votre Rapporteur l'a indiqué plus haut, la possibilité d'utiliser un identifiant fiscal susceptible d'être croisé avec le NIR. En d'autres termes, une passerelle solide peut désormais être établie entre les administrations fiscale et sociale pour l'échange d'informations dématérialisées. Deux types de liaison seraient à envisager dans le cadre de l'instauration du prélèvement à la source de l'IR : - en amont, les URSSAF devraient récupérer le taux synthétique d'imposition calculé par l'administration fiscale. Ce taux serait apparié au NIR du salarié (ou retraité). Le payeur du revenu procéderait à la même opération dans son propre système d'information. Le rapprochement des données individuelles enregistrées par l'URSSAF et le payeur permettrait à celle-la d'effectuer des contrôles de cohérence de l'acompte reversé par celui-ci ; - en aval, les informations ainsi collectées seraient agrégées sur le bordereau de cotisations (papier ou dématérialisé). Selon une version plus évoluée, le paiement global reçu d'un cotisant (entreprise ou caisse de retraite) en règlement des acomptes d'IR pourrait être ventilé par foyer fiscal (NIR) selon une norme permettant à l'administration fiscale de recycler l'information dans ses propres systèmes (COPERNIC). - Des pouvoirs de contrainte similaires en cas de recouvrement non spontané Votre Rapporteur tient à s'inscrire en faux contre l'idée, parfois évoquée, selon laquelle les URSSAF ne disposeraient pas des mêmes pouvoirs que l'administration fiscale dans la mise en œuvre du recouvrement d'impositions de toutes natures, et seraient par là même disqualifiées en tant que « candidates » au prélèvement à la source de l'IR. En effet, ne serait-ce que depuis l'instauration de la CSG dont le recouvrement incombe aux URSSAF, les pouvoirs sont bien les mêmes, dans le champ du recouvrement. Le tableau comparatif suivant suffit à s'en convaincre : COMPARATIF DES DISPOSITIFS DE RECOUVREMENT
Ainsi, un choix devra être fait entre les deux réseaux de recouvrement possibles. c) Les déclarations, régularisations et contrôles : le rôle intangible de l'administration des finances S'il est un sujet de consensus s'agissant des compétences à confier à tel ou tel réseau dans le circuit de l'impôt, c'est bien celui de la compétence exclusive de l'administration fiscale pour son établissement initial et son contrôle final. Il faut répéter qu'une déclaration annuelle demeurera obligatoire pour tous les contribuables, au moins dans la phase de mise en place de la réforme. Peut-être, une fois le nouveau système stabilisé, sera-t-il envisageable, comme votre Rapporteur l'a observé en Espagne et comme l'OFCE le lui a suggéré, de dispenser de déclaration les contribuables en deçà d'un certain seuil de revenus De façon symétrique, tant pour des raisons de compétence que de cohérence, il est inconcevable de confier à qui que ce soit d'autre que l'administration des finances le soin de procéder aux régularisations ex post pour l'établissement définitif de l'impôt dû. Aux deux extrémités du processus donc, l'administration fiscale sera seule responsable du système. C'est la même évidence qui commande que cette administration demeure en charge des contrôles portant sur l'exactitude des déclarations de revenus, ainsi que du recouvrement forcé, in fine, de l'impôt dû - ce qui ne fait pas obstacle, le cas échéant, à la compétence des URSSAF en matière de recouvrement forcé des acomptes d'IR. d) Le paiement de la PPE aux non-imposables et des autres restitutions fiscales éventuelles résultant de crédits d'impôt par le Trésor public, responsable de toutes les régularisations Un autre pan de l'intervention exclusive de l'administration fiscale concerne l'ensemble des restitutions à opérer une fois intervenue la régularisation de la situation fiscale des contribuables. Il y a lieu en l'espèce de traiter indifféremment les réductions ou crédits d'IR, ainsi que l'ensemble des reversements induits par le prélèvement d'acomptes finalement trop élevés par rapport à l'impôt dû, mais de spécifier le traitement de la PPE. Dans tous les cas, l'hypothèse d'un reversement du trop perçu par l'employeur (ou, de façon plus exceptionnelle par les payeurs de revenus de remplacement) doit être écartée : - tous les représentants des employeurs se sont d'ailleurs déclarés, devant votre Rapporteur, fermement opposés à une telle éventualité ; - le reversement par le payeur de revenus ne constituerait qu'un allongement du circuit de la restitution, entre le Trésor public à l'origine du paiement et le contribuable bénéficiaire ; - il n'y a aucune raison de surcharger ainsi les employeurs ou les payeurs de revenus de remplacement, quand l'administration fiscale dispose déjà des outils nécessaires. Concernant le cas particulier de la PPE dans sa partie « prestation », la réforme ne saurait dégrader la situation atteinte à grand-peine aujourd'hui (même si des imperfections subsistent) en matière de rapprochement entre reprise d'activité et versement de la PPE, ou de mensualisation de ses acomptes. Bien que la perspective de la création d'un impôt négatif soit la plus intéressante à creuser, à droit constant il convient de préconiser le maintien du rôle actuellement assumé par le Trésor. Enfin, votre Rapporteur se réjouit que le thème des répercussions sur les emplois dans les différents réseaux potentiellement concernés par la réforme ne soit plus un sujet de préoccupation aussi important que par le passé. Recentrée sur les tâches les plus complexes et les plus étroitement liées à ses compétences et à ses prérogatives, depuis l'établissement de l'IR jusqu'à sa régularisation et à son contrôle, l'administration fiscale n'aurait vraisemblablement rien à perdre à se désengager du recouvrement des acomptes au profit des URSSAF, si tel était le choix effectué. * Dans son rapport de 2000, le Conseil des impôts observait : « Le système de [retenue à la source] peut être un moteur de changement de la législation fiscale. Le système de RAS rendra plus facilement acceptables des aménagements de la fiscalité : plus que la nature et l'ampleur des réductions d'impôts, c'est le taux de RAS qui déterminera désormais le comportement des contribuables devant l'impôt, ce qui facilitera sans doute les réformes. » Si elle n'est pas une fin en soi, l'instauration du prélèvement à la source de l'IR présente un intérêt certain pour les contribuables comme pour l'État. Contrairement aux idées reçues, elle est possible « à IR inchangé », et votre Rapporteur y est favorable sous réserve du respect des conditions posées dans les pages qui précèdent. Mais pour les raisons développées en première partie du présent rapport, une réforme ambitieuse de l'IR lui-même est hautement souhaitable ; dans cette perspective, le prélèvement à la source peut servir de levier, soit à l'heure de sa mise en place, comme l'une des modalités d'une réforme d'ensemble, soit en régime de croisière, comme catalyseur de réformes futures. III.- DES RAPPROCHEMENTS UTILES ENTRE L'IR ET LA CSG PERMETTRAIENT DE TENDRE VERS L'IMPÔT CITOYEN La France se trouve dans une situation singulière au plan fiscal par rapport aux autres pays développés, puisque le rendement de son impôt sur le revenu, pris au sens strict, est deux à trois fois plus faible que chez nos principaux partenaires. Cependant, là où les pays étrangers disposent souvent d'un impôt unique parfois réparti entre plusieurs bénéficiaires, l'imposition des revenus des ménages français est assurée par une pluralité d'impositions - principalement un prélèvement proportionnel, la CSG ; un prélèvement progressif, l'IR ; sans oublier la taxe d'habitation dont le montant dépend aussi partiellement des revenus en raison de différents dispositifs d'exonération, de dégrèvement et de plafonnement. Alors que la CSG se caractérise par une assiette large et des taux réduits, l'IR a une assiette réduite et des taux marginaux supérieurs relativement élevés. Cela pose évidemment question au regard de la progressivité d'ensemble de notre système fiscal. En effet, la CSG devrait rapporter 78,3 milliards d'euros en 2007, auxquels il faut ajouter les 5,6 milliards d'euros perçus au titre de la CRDS, ce qui représente 38 % de plus que le produit attendu au titre de l'IR (60,8 milliards d'euros si l'on ajoute, aux 57,1 milliards d'euros de l'IR recouvré par voie de rôle, les 3,7 milliards d'euros déjà prélevés à la source). La réduction continue du poids relatif du produit de l'IR par rapport au revenu disponible - depuis la création de la CSG en loi de finances pour 1991, mais aussi avec la politique fiscale menée depuis 2002, qui a augmenté la CSG et réduit encore l'IR - permet de moins en moins à ce dernier prélèvement de contribuer à la réduction des inégalités. De plus, l'érosion du poids relatif de l'IR dans le total des recettes de l'État fait que toute réforme de cet impôt ne peut avoir que des conséquences limitées au plan macroéconomique. En particulier, pour la moitié des ménages qui est non imposable à l'IR, il n'y a aucune progressivité globale des prélèvements, puisqu'elle reste soumise à la CSG et à la CRDS - à un taux proportionnel. La fusion de la CSG-CRDS et de l'IR pourrait, à terme, permettre de mettre en place en France un véritable impôt citoyen, qui rendrait notre système fiscal plus juste, c'est-à-dire à la fois plus progressif et plus efficace en termes de redistribution, mais aussi plus simple et plus transparent. Ainsi, le prélèvement fiscal serait adapté à la situation de chacun, y compris pour les personnes actuellement exonérées d'IR. Une telle fusion constitue un projet de moyen-long terme qui doit servir de guide à un ensemble cohérent de mesures dont l'objet essentiel est de rendre l'imposition globale des ménages plus progressive et plus lisible, en retenant le meilleur de chacun des impôts existants. Elle suppose donc au préalable une profonde réforme de l'IR, afin de le rendre compatible avec un prélèvement tel que la CSG. Bien entendu, la fusion n'aurait de sens que si l'impôt qui en était issu faisait l'objet d'un prélèvement à la source, ce qui nécessite, antérieurement ou parallèlement, la mise en œuvre du prélèvement à la source de l'IR. Ce préalable rempli, la première étape pourrait consister à rapprocher l'assiette de l'IR de celle de la CSG (A). Ensuite, des choix devraient être faits s'agissant du moyen le plus adéquat pour tenir compte des charges de famille et pour intégrer, dans l'ensemble fusionné, la forme particulière d'impôt négatif qu'est la PPE (B). En parallèle, il faut s'interroger sur le pilotage global des finances publiques à mettre en place pour bénéficier pleinement de cet outil fiscal modernisé, tout en garantissant les recettes de la sécurité sociale (C). A.- RÉDUIRE LES DIFFÉRENCES D'ASSIETTE : POUR UNE IMPOSITION GLOBALE PLUS JUSTE Pour que l'impôt soit juste, il faut qu'il s'applique à l'ensemble des revenus, même si des règles particulières doivent s'appliquer afin de tenir compte des facultés contributives de chaque contribuable. De ce point de vue, l'assiette de la CSG est plus universelle que celle de l'IR. La nécessité de mettre en place un cantonnement des niches fiscales pour élargir l'assiette de l'IR s'impose donc comme un premier pas vers le rapprochement des deux impôts. 1.- Les imbrications entre IR et CSG La CSG et l'IR sont formellement deux impositions portant sur l'ensemble des revenus des personnes physiques. Leurs caractéristiques sont cependant foncièrement différentes, et leurs relations fort complexes. Pour tendre vers une imposition des ménages globalement plus juste, votre Rapporteur estime souhaitable de retenir de chaque prélèvement ce qu'il a de mieux en termes de justice et d'efficacité fiscales, tout en simplifiant dans le même sens les relations entre ces deux impôts. Votre Rapporteur se doit de rappeler brièvement les grands principes de l'IR et de la CSG afin d'identifier ceux qu'il convient de retenir pour moderniser l'imposition du revenu. - Les caractéristiques des deux impôts sur le revenu L'IR et la CSG, qui sont les deux grands prélèvements « universalistes » sur les ménages, ont des caractéristiques structurelles à la fois opposées et complémentaires. Ces spécificités propres résultent d'objectifs différents de politique fiscale : instrument de redistribution affecté à l'État pour l'un, imposition de rendement affectée à la sécurité sociale pour l'autre. Les quatre CSG et les cinq CRDS Ce n'est que par abus de langage que l'on peut parler de « la » contribution sociale généralisée (CSG). En effet, il s'agit d'une imposition cédulaire constituée en fait de quatre prélèvements distincts. Dans sa décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990, rendue sur la loi de finances pour 1991 qui a créé « la » CSG, le Conseil constitutionnel a bien reconnu que les quatre contributions concernant les différentes cédules de revenus constituent des « impositions distinctes », même si elles ont « pour finalité commune la mise en œuvre du principe de solidarité nationale ». Le code de la sécurité sociale distingue ainsi quatre contributions : - la CSG sur les revenus d'activité et de remplacement, avec quatre catégories distinctes : les revenus des activités salariées, les revenus des activités non salariées non agricoles, les revenus des activités non salariées agricoles et les revenus de remplacement (allocations servies à l'occasion de la maladie, de la maternité, des accidents du travail et des maladies professionnelles ; pensions de retraite et d'invalidité ; allocations de chômage et de préretraite) ; - la CSG sur les revenus du patrimoine, c'est à dire sur les revenus du capital soumis au barème de l'IR et sur les plus-values ; - la CSG sur les produits de placement, à savoir les produits soumis au prélèvement libératoire de l'IR et certains revenus de l'épargne exonérés d'IR ; - la CSG sur les sommes engagées et les produits réalisés à l'occasion des jeux. À ces quatre contributions correspondent huit taux différents, récapitulés dans le tableau ci-dessous, le taux de 0 % correspondant à une exonération pour les contribuables qui ne payent pas de taxe d'habitation (TH) et le taux réduit pour les revenus de remplacement (3,8 %) s'appliquant pour les non imposables à l'IR mais assujettis à la TH.
Par ailleurs, « la » contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), créée en 1996, suit le même régime : il s'agit en fait de cinq contributions distinctes, les quatre constitutives de la CSG avec une assiette un peu plus large, plus une contribution spécifique sur les ventes de métaux précieux, de bijoux et d'objets d'art, de collection et d'antiquité. Toutes ces contributions ont un taux unique de 0,5 %. L'IR porte essentiellement sur les revenus de l'année n-1 alors que la CSG est acquittée majoritairement sur les revenus de l'année n. Comme votre Rapporteur l'a déjà présenté dans la deuxième partie du présent rapport concernant l'intérêt de mettre en place le prélèvement à la source, la règle générale en matière d'IR est de taxer les revenus en exercice décalé, à quelques exceptions près (notamment en cas de décès ou de départ à l'étranger et avec le prélèvement libératoire sur les revenus de placement ou sur les plus-values immobilières, l'imposition porte sur les revenus de l'année courante). À l'inverse, la règle générale pour la CSG consiste à taxer les revenus à la source, sans décalage d'exercice. Seule la CSG sur les revenus du patrimoine, du fait de son adossement à l'IR, et la CSG due par les travailleurs indépendants, en raison de l'utilisation du revenu déclaré fiscalement, portent sur l'année n-1. Ces cas représentent globalement de l'ordre de 10 % du montant total de la contribution. L'IR consolide les différents types de revenus (ou de charges) alors que la CSG est cédulaire. Pour pouvoir appliquer un barème progressif afin de déterminer le taux d'imposition à l'IR, il est en effet fait masse de l'ensemble des catégories de revenus (salaires, revenus professionnels non salariaux, pensions, revenus des capitaux, revenus fonciers) et éventuellement de certaines charges (déficits professionnels, déficits fonciers, investissements déductibles). Les charges de famille sont également prises en compte, au travers du mécanisme du quotient familial. En revanche, la CSG, qui est proportionnelle et non familialisée, porte individuellement sur chaque partie du revenu, sans consolidation ou imputation des déficits. Elle est en effet prélevée individuellement sur chaque rémunération perçue, quelle que soit par ailleurs la composition du foyer fiscal. Au-delà de ces différences, la CSG se distingue surtout par une assiette significativement plus large que celle de l'IR. En effet, il s'avère que c'est la CSG qui atteint le mieux le principe d'universalité de l'impôt. Cela est confirmé par le fait que l'assiette de la CSG (environ 1.050 milliards d'euros) dépasse de plus de 30 % celle de l'IR (750 milliards d'euros), et que le nombre de redevables de la CSG atteint 33 millions, alors qu'il n'y a que 16,9 millions de foyers effectivement imposés à l'IR. L'écart est cependant plus réduit en comparant ce dernier nombre à celui des foyers fiscaux déclarant des revenus d'activité ou des revenus du patrimoine imposés à la CSG, soit 25,3 millions d'euros (il manque dans cette estimation fournie à votre Rapporteur par la direction de la législation fiscale le nombre de foyers imposables déclarant des revenus de remplacement). Pour une large part, cet écart de l'assiette de la CSG avec celle de l'IR résulte de la différence de prise en compte des salaires : en matière d'IR, ceux-ci sont évalués en net de cotisations et de frais professionnels restant à la charge des salariés (évalués au réel avec un minimum de 10 % des salaires), alors qu'ils sont pris en compte bruts de cotisations et avec une déduction forfaitaire de 3 % (47) au titre des frais professionnels à la charge des salariés pour la CSG. De même, l'assiette des travailleurs indépendants est nette de cotisations sociales en matière d'IR, mais elle les réintègre pour la CSG. Pour réaliser la fusion entre IR et CSG, ces écarts pourraient être compensés par un changement forfaitaire de taux, comme cela a été le cas lors de l'intégration de l'abattement de 20 % dans le barème de l'IR par la loi de finances pour 2006, même si cela pourrait entraîner certains transferts entre contribuables qu'il convient d'apprécier. En dehors de ces éléments, l'assiette de la CSG est aussi beaucoup plus large car elle intègre pour 50 milliards d'euros de revenus qui sont exclus de l'IR : il s'agit principalement de l'épargne salariale (intéressement et participation), des contributions des employeurs à la prévoyance et aux retraites supplémentaires, de certaines indemnités de rupture forcée de contrat de travail, des majorations de retraite pour charges de famille, des indemnités journalières de longue maladie et d'accident du travail versées par les organismes de sécurité sociale, des produits des jeux représentatifs des gains des joueurs, ainsi que de certains produits de placement exonérés d'IR (PEL, CEL, PEA, assurance-vie). Le tableau figurant page suivante récapitule ces différences d'assiette. COMPARAISON DE L'ASSIETTE DE L'IR ET DE LA CSG
Source : d'après les montants pour 2007 fournis par la direction de la sécurité sociale. Enfin, et surtout, la CSG comporte beaucoup moins de niches sociales que l'IR n'a de niches fiscales. Alors que, pour celui-ci, l'ensemble des dépenses fiscales représente 36 milliards d'euros avec 189 mesures concernées, la CSG comporte significativement moins de dispositifs d'exonération - une soixantaine - même si ceux-ci ont eu tendance à se développer, notamment depuis 2002 - avec un « doublement » des niches fiscales propres à l'IR par des niches sociales équivalentes, par exemple pour les volontaires associatifs ou pour les sportifs. Les éléments de revenus exonérés de tout prélèvement, au titre de la CSG comme de l'IR, sont, d'une part, certains revenus à caractère social, notamment les intérêts des livrets d'épargne réglementés, les pensions alimentaires, les allocations de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), les indemnités de départ volontaire versées dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), les prestations familiales et les aides au logement (48) ainsi que les minima sociaux (RMI, AAH, API, ASS,...) et les revenus de remplacement (pensions et allocations) lorsqu'ils sont perçus par les ménages entrant dans le champ des exonérations de la taxe d'habitation et, d'autre part, les diverses aides à caractère social et culturel versées par les entreprises et comités d'entreprise (titres restaurant jusqu'à 4,98 euros, chèques transport, chèques vacances, CESU, autres chèques (pour l'achat de livres, de disques ou de biens culturels), participations favorisant les départs en vacances, réductions accordées à l'occasion de voyages touristiques (49),...). Sont concernées également par des exclusions d'assiette de la CSG et de l'IR les allocations et indemnités versées aux volontaires pour l'insertion, aux volontaires civils, aux volontaires de solidarité internationale et aux volontaires associatifs, ainsi que les sommes versées aux arbitres et juges sportifs. En revanche, certains éléments de revenu sont exclus de l'assiette de la CSG alors qu'ils sont taxés à l'IR : les distributions gratuites d'actions, les rabais non excédentaires et les plus-values d'acquisition de stock options en cas de respect des conditions d'indisponibilité, les rentes viagères, les rémunérations des stagiaires de la formation professionnelle et des apprentis ainsi que des salariés ayant signé une convention de reclassement personnalisé ou un contrat de transition professionnelle, et les revenus des sportifs dans le cadre de la commercialisation du droit à l'image collective de l'équipe. - Les objectifs d'une réforme fiscale Pour mener une véritable réforme fiscale en France aujourd'hui, il apparaît nécessaire à votre Rapporteur d'utiliser le levier que permettent des rapprochements entre IR et CSG, dans l'optique d'une fusion. Deux logiques de réforme sont cependant théoriquement possibles avec le même instrument. Dans une logique de justice fiscale, qui est bien évidemment celle de votre Rapporteur, il s'agit de rapprocher progressivement l'IR et la CSG pour obtenir une meilleure progressivité du prélèvement. Dans une logique plus libérale, on pourrait aussi vouloir mettre en place un prélèvement consolidé en fonction du revenu, mais pour se rapprocher d'une taxation proportionnelle, c'est-à-dire d'une flat tax. Quelle que soit l'option choisie, les préliminaires sont les mêmes : il faut élargir l'assiette de l'IR, pour la rapprocher le plus possible de celle de la CSG, et en aucun cas ne prendre le risque de « miter » l'assiette de la CSG plus qu'elle ne l'est déjà. Le caractère progressif de l'IR pourrait ainsi être étendu à la CSG en faisant masse des deux prélèvements. L'IR est en effet l'instrument redistributif par excellence, de par trois caractéristiques essentielles : - d'abord, il s'agit d'un impôt général qui affecte l'ensemble des revenus perçus par les membres d'un même foyer fiscal, le revenu global étant obtenu par addition de l'ensemble des revenus nets catégoriels ; - ensuite, il s'agit d'un impôt personnalisé, qui prend en compte le nombre de personnes composant le foyer fiscal et la possibilité de déduire un certain nombre de charges du revenu global, telles que les pensions alimentaires versées ; - enfin, il dispose d'un barème progressif par tranches, appliqué à l'ensemble des revenus du foyer fiscal : au fur et à mesure que le revenu augmente, il est ventilé en tranches soumises chacune à un taux d'imposition croissant. L'IR permet ainsi parfaitement la mise en œuvre de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en vertu duquel la « contribution commune » aux charges de la Nation « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés », ce qui implique, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel lors de la création de la CSG dans sa décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990, une certaine progressivité de l'impôt. Fusionner IR et CSG permettrait à la fois d'éviter une trop grande concentration apparente de l'impôt sur un nombre réduit de contribuables et de prendre en compte les facultés contributives de tous les contribuables, y compris ceux qui ne sont imposés aujourd'hui principalement à la CSG. Il n'y a par définition aucune redistribution effectuée par l'IR entre les non-imposés à cet impôt, alors que ces contribuables ont des niveaux de revenus très hétérogènes qui ne sont pas modifiés par la structure proportionnelle de taxation de la CSG. Parmi les foyers fiscaux non imposés à l'IR, on trouve ainsi des foyers dont l'activité professionnelle (commerciale ou agricole par exemple) est déficitaire, des contribuables bénéficiant d'exonérations ou de réductions d'impôt et des foyers non imposés par le jeu de la décote, du quotient familial ou de la PPE. La proportion des ménages qui acquittent l'IR est d'environ 50 %, avec des oscillations à la baisse, lorsque le législateur intervient pour réduire l'impôt, et à la hausse lorsque, ce dernier s'abstenant, le poids de l'impôt augmente spontanément sous l'effet de la différence entre le rythme d'augmentation des revenus, notamment des salaires, et celui des prix, retenu pour l'indexation du barème. La fusion de l'IR et de la CSG permettrait en tout état de cause de rendre plus cohérente l'imposition globale sur le revenu des ménages. Il est en effet inexact de dire que la moitié des Français seraient non imposables, puisque tous payent la CSG et la CRDS à un taux proportionnel. La fusion permettrait de rétablir une véritable citoyenneté fiscale, en manifestant la contribution de tous aux charges communes et en réintégrant plus explicitement les non-imposables dans le lien social. La fusion pourrait donc être le fondement d'une plus grande légitimité de l'impôt, facilitant par là le consentement à l'impôt. Elle permettrait également une prise en compte plus personnalisée de la situation de chaque contribuable : aujourd'hui, un contribuable modeste peut percevoir la PPE mais il aura préalablement acquitté plus que l'équivalent en CSG et CRDS ; de même, l'ensemble des charges contributives, et notamment la situation familiale, n'est pas prise en compte au titre du prélèvement proportionnel. Enfin, pour les pouvoirs publics, un meilleur pilotage de l'ensemble des prélèvements obligatoires pourrait être réalisé. Pour pouvoir rapprocher IR et CSG, il faudrait, au préalable ou parallèlement, simplifier les relations qui existent entre ces deux impositions. La question de la déductibilité ou de la non-déductibilité totale de la CSG devrait donc être tranchée, même si ce choix est difficile en raison de l'ampleur de ses effets redistributifs. Votre Rapporteur considère sur ce point que la non-déductibilité totale serait théoriquement plus à même de garantir le caractère progressif de notre système fiscal. Une telle mesure nécessiterait cependant une diminution des taux nominaux d'imposition pour en compenser au mieux les effets en termes de variation de l'imposition de chaque contribuable, et assurer ainsi une réforme à produit constant. Dans l'hypothèse d'une fusion à terme de l'IR et de la CSG, les questions de déductibilité ou de déductibilité ne se poseraient plus. La principale critique adressée à l'encontre de la CSG a en effet été son manque de redistributivité, en raison de son absence de progressivité. Cette critique doit être relativisée compte tenu de la non-déductibilité partielle de la CSG. En effet, la CSG n'est déductible de l'IR qu'à hauteur de 5,1 points pour les revenus d'activité, de 4,2 points pour les revenus de remplacement (ou de 3,8 points si le taux réduit de 3,8 % est appliqué) et de 5,8 points pour les revenus du patrimoine (à l'exception des plus-values soumises à l'IR à taux proportionnel). Pour l'ensemble de ces revenus, il reste donc une fraction non déductible identique de 2,4 points de CSG, plus l'intégralité du demi-point de CRDS qui est non déductible, soit au total 2,9 points non déductibles. Cette non-déductibilité partielle des prélèvements sociaux tempère leur caractère proportionnel par un renforcement du caractère progressif de l'IR : plus du tiers (36,3 %) de l'impôt payé au titre de la CSG et de la CRDS est ainsi considéré comme un revenu taxable à l'IR, alors que ce revenu n'a pas été perçu. Dans son rapport de 2000 sur l'imposition des revenus, le Conseil des impôts observe ainsi que cette non-déductibilité partielle a, en moyenne, un effet équivalent à une majoration de 1,5 point du taux d'imposition de chacune des tranches du barème de l'IR. - La déductibilité intégrale de la CSG : une solution injuste et anticonstitutionnelle Certains suggèrent, notamment dans une logique libérale, de supprimer cette non-déductibilité partielle, et donc de rendre la CSG et la CRDS intégralement déductibles de l'assiette de l'IR, dans un prétendu souci de simplification pour éviter que des sommes non perçues ne figurent dans l'assiette de l'IR. Votre Rapporteur a demandé à l'OFCE de simuler cette hypothèse (voir annexe) : il en résulterait une perte de recettes de 3,4 milliards d'euros pour l'État au titre de l'IR et de la PPE, en raison d'une diminution du revenu imposable de 2,86 % pour les salariés, de 2,51 % pour les retraités, de 2,61 % pour les chômeurs et de 2,55 % pour les titulaires de revenus du patrimoine. Tous les ménages « gagneraient » donc à cette mesure, sauf bien sûr les ménages non imposables ; toutefois, les ménages du dixième décile en seraient les plus grands bénéficiaires car leurs revenus sont plus importants et ils sont imposés au taux marginal supérieur, donc la baisse en valeur de leur revenu imposable serait plus grande. Cette mesure se traduirait par une minoration implicite des taux effectifs d'imposition du barème progressif de l'impôt sur le revenu, donc une réduction significative de la progressivité de l'impôt. Outre qu'une telle solution n'est pas politiquement acceptable, elle n'est surtout pas juridiquement possible. En effet, dans sa décision n° 93-320 DC du 21 juin 1993, rendue sur la loi de finances rectificative pour 1993, le Conseil constitutionnel a indiqué que, si « le principe d'égalité devant les charges publiques ne fait pas obstacle à ce que le législateur [...] rende déductible un impôt de l'assiette d'un autre impôt », c'est à la condition « qu'en allégeant ainsi la charge pesant sur les contribuables, il n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité entre ceux-ci ». Le Conseil a réitéré cette exigence dans sa décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, rendue sur la loi de finances pour 1998, en considérant que la déductibilité partielle de la CSG ne pouvait bénéficier qu'aux revenus et produits de placement soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu et non à ceux soumis à un taux proportionnel, « afin de ne pas remettre en cause le caractère progressif du montant de l'imposition du revenu des personnes physiques ». Il ressort très clairement de cette jurisprudence, rendue sur le fondement de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que la déductibilité de la CSG ne peut qu'être partielle. - La non-déductibilité totale de la CSG : une mesure qui irait dans le sens d'une plus grande justice fiscale, et serait la conséquence d'une fusion Pour augmenter la progressivité globale du système fiscal, il serait possible de supprimer de manière graduelle la déductibilité partielle de la CSG. Cette mesure, qui va dans le sens d'une plus grande égalité de traitement et renforce la redistributivité des prélèvements, ne pose aucun problème constitutionnel. Elle a aussi été simulée par l'OFCE : la non-déductibilité intégrale de la CSG augmenterait le revenu imposable des salariés de 6,08 %, celui des retraités de 4,38 %, celui des chômeurs de 3,69 % et celui des titulaires de revenus du patrimoine imposables de 6,16 %. Il en résulterait mécaniquement une augmentation du produit de l'IR de 7,2 milliards d'euros (y compris la baisse induite de la PPE). Les ménages les plus affectés par cette réforme seraient ceux du dixième décile car le montant de leur revenu imposable augmenterait plus que celui des autres ménages et leur taux marginal est plus élevé. Pour compenser globalement la mise en place de la déductibilité intégrale, afin de ne pas prélever plus mais seulement de modifier la structure du prélèvement du fait même de la non-déductibilité, il suffirait de relever les seuils du barème de l'IR et de la PPE de 6,08 % et de diminuer les taux de chaque tranche du barème de l'IR et de la PPE de 5,73 %. Dans ce schéma, la neutralité serait alors atteinte globalement pour les salariés, tandis que les retraités et les chômeurs seraient gagnants et les titulaires de revenus du patrimoine légèrement perdants. Il faudrait également ajuster les plafonds de ressources des prestations familiales et des aides au logement pour compenser l'augmentation du revenu imposable. Mais d'autres schémas correctifs peuvent être mis en œuvre en fonction des transferts de charges souhaités. On pourrait croire que la non-déductibilité totale de la CSG par rapport à l'IR éloigne de la perspective d'une fusion, puisqu'elle vise à rendre les deux impôts « étanches » l'un par rapport à l'autre. Mais elle pourrait faciliter en fait une fusion, car si les deux impôts ne font plus qu'un, il n'y a par construction plus d'autre imposition à déduire du revenu imposable. Cependant, la non-déductibilité étant mal acceptée psychologiquement par les contribuables - car elle aboutit à imposer un revenu non perçu -, il est plus simple d'atteindre le même résultat par une fusion, contrairement à l'idée développée par l'institut de l'entreprise dans son rapport sur la fiscalité de février 2007 selon laquelle la non-déductibilité serait préférable à la fusion. En tout état de cause, une telle réforme ne pourrait être entreprise sans une très large concertation préalable, et elle nécessite une forte pédagogie à l'égard des contribuables, pour lesquels le projet d'imposer largement des revenus qu'ils n'ont pas perçus est particulièrement contre intuitif, tant que la fusion évoquée n'est pas intervenue. 2.- Comment réduire les niches fiscales ? Les différences d'assiette entre IR et CSG dépendent certes d'abord structurellement de l'architecture même de ces deux prélèvements - revenu brut, revenu net et déductibilité partielle -, mais il s'agit de problèmes qui ne se posent plus dès lors que la fusion est envisagée. En revanche, pour pouvoir mettre en œuvre une telle fusion, il faut réduire les différences d'assiette résultant de la multiplicité des niches qui existent spécifiquement pour l'IR. Celles-ci posent en effet un réel problème de justice fiscale, car elles permettent de manière croissante d'échapper au seul impôt progressif sur le revenu qui existe aujourd'hui, en particulier pour les hauts revenus. Votre Rapporteur, comme il l'a montré à de nombreuses reprises en déposant des amendements visant à limiter les niches fiscales dont le nombre s'est accru - sans justification ni évaluation - de plus d'une centaine depuis 2002, souhaite maîtriser la dépense fiscale autant que la dépense budgétaire, car il s'agit d'un enjeu commun de crédibilité pour les comptes publics. Toutes les niches doivent être systématiquement réexaminées, évaluées et supprimées quand leur efficacité est discutable. Pour autant, il faut bien reconnaître que cet exercice est difficile et qu'il ne traite pas de la question plus large de la défiscalisation volontaire de certains contribuables qui, en additionnant les mécanismes fiscaux dérogatoires, parviennent à réduire leur imposition de manière exagérée. C'est pourquoi il importe également de plafonner globalement l'avantage fiscal que celle-ci procure, éventuellement par la mise en place d'un impôt minimum. Cette stratégie de réforme fiscale a été encouragée par le Conseil des impôts dans son rapport de 2003, où il avait dénoncé l'excessif accroissement de la fiscalité dérogatoire. Comme nombre des recommandations émises dans ce rapport n'ont toujours pas été suivies d'effet, il est bon de les rappeler ici en préambule à cette étude sur le cantonnement des niches fiscales. Propositions émises par le Conseil des impôts en 2003 sur la fiscalité dérogatoire I. - Mieux connaître les dépenses fiscales Proposition n° 1 : Distinguer, au sein des dépenses fiscales, les allégements structurels et les instruments de politique publique. Proposition n° 2 : Rendre plus transparente l'estimation du coût des dépenses fiscales. Proposition n° 3 : Améliorer l'information en matière de fiscalité dérogatoire locale et sociale. II. - Mieux encadrer la possibilité de recourir à des dispositifs dérogatoires Proposition n° 4 : Réserver aux lois de finances l'exclusivité de la création des dépenses fiscales. Proposition n° 5 : Interdire aux dépenses fiscales la possibilité d'être à effet rétroactif. Proposition n° 6 : N'autoriser les dépenses fiscales que pour une durée déterminée. Proposition n° 7 : Justifier le choix de l'instrument de politique publique en fonction des objectifs recherchés. Proposition n° 8 : Évaluer les effets des dépenses fiscales rattachées à des programmes budgétaires. Proposition n° 9 : Mieux prendre en compte les contraintes du droit international qui pèsent sur les dépenses fiscales en faveur des entreprises. III. - Réexaminer les régimes dérogatoires existants en vue d'améliorer l'équité et l'efficacité du système fiscal Proposition n° 10 : Supprimer les dépenses fiscales de faible portée. Proposition n° 11 : Procéder à un réexamen systématique des dépenses fiscales dont le coût est inconnu. Proposition n° 12 : Réexaminer les dispositifs dérogatoires peu cohérents ou dont les effets sont insuffisants. Depuis la loi de finances pour 1980, les dépenses fiscales sont publiées chaque année dans le fascicule budgétaire des Voies et moyens annexé au projet de loi de finances. Ce document indique la nature et le coût des dispositions dérogatoires en matière fiscale qui impliquent un manque à gagner pour le budget de l'État. Élaborée à partir de ce document, une annexe au présent rapport récapitule l'ensemble des 189 dépenses fiscales en vigueur au sein de l'IR (sans prise en compte des mesures nouvelles pour 2007). 165 d'entre elles sont chiffrées (soit 87 %) et le nombre des bénéficiaires n'est mentionné que pour 81 d'entre elles (soit 43 %), ce qui prouve bien une carence de l'évaluation de ces dispositifs. Ces 189 dépenses fiscales existantes peuvent être regroupées en trois catégories distinctes, selon la technique fiscale utilisée : - les exonérations de revenus : sont concernés de nombreux revenus de l'épargne (assurance-vie, épargne-logement, épargne salariale, épargne populaire, PEA, livret A, livret de développement durable,...), mais aussi de nombreuses exonérations à vocation sociale (allocations familiales, PAJE, majorations de retraite ou de pension des personnes ayant eu ou élevé au moins trois enfants, AAH, pensions d'orphelin, indemnités et prestations servies aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, certaines indemnités journalières, salaire des apprentis, retraite du combattant, pensions militaires d'invalidité, pour ne citer que les coûts budgétaires les plus importants) ; - les abattements ou déductions du revenu imposable : on peut citer à ce titre l'abattement de 10 % sur le montant des pensions et des retraites - qui est distinct de la déduction forfaitaire de 10 % sur les traitements et salaires et a été institué en 1978 pour compenser la faiblesse relative des pensions à l'époque -, l'abattement en faveur des personnes âgées ou invalides de condition modeste, la demi-part supplémentaire pour les contribuables seuls ayant eu un ou plusieurs enfants à charge ainsi que pour les parents isolés, les invalides ou les anciens combattants, l'abattement sur certains revenus de capitaux mobiliers (dividendes en particulier), la déduction des cotisations au plan d'épargne retraite populaire (PERP) ou bien les différentes formes de déduction pour les investissements locatifs (Borloo, Robien, Périssol, Besson, Malraux,...) ; - les réductions et crédits d'impôt : il s'agit, pour les plus importants, de la PPE, de la réduction d'impôt au titre de l'emploi par les particuliers d'un salarié à domicile, du crédit d'impôt pour frais de garde des enfants de moins de six ans, de la réduction d'impôt au titre des dons, du crédit d'impôt pour dépenses d'équipement de l'habitation principale, du crédit d'impôt s'étant substitué à l'avoir fiscal, des réductions d'impôt outre-mer (sur le revenu des contribuables des DOM et en faveur des investissements outre-mer) et de la réduction pour frais de scolarité, de la réduction d'impôt dite Madelin pour favoriser certains investissements dans les PME et de celle en faveur des FCPI pour les entreprises innovantes. Parmi ces différentes niches, seule la forme du crédit d'impôt est véritablement conforme à l'équité. En effet, elle permet aux personnes non imposables d'en bénéficier également, alors qu'à l'inverse toute mesure se traduisant par une réduction du revenu imposable (exonération ou abattement) favorise d'autant plus les contribuables les plus aisés qu'elle diminue le montant global du revenu soumis au barème progressif. Globalement, les dépenses fiscales s'analysent comme des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne une perte de recettes pour l'État et, corrélativement, un allégement de la charge fiscale des contribuables concernés par rapport à ce qui serait résulté de l'application de la norme, c'est-à-dire des principes généraux du droit fiscal. Qualifier une mesure de dépense fiscale nécessite donc de se référer à une législation de base à laquelle elle déroge, alors que cette norme n'est pas définie de façon intangible et qu'elle évolue en fonction de la législation nationale ou communautaire. Plusieurs critères ont donc été retenus par le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie pour définir la dépense fiscale, notamment l'ancienneté de la mesure - car des dispositions ont pu apparaître dérogatoires au moment de leur adoption mais finissent par s'incorporer à l'ordre juridique et devenir la norme - ainsi que son caractère général - une disposition applicable à la grande majorité des contribuables pouvant être considérée comme la norme. Des réexamens de la liste des dépenses fiscales au regard de ces critères ont périodiquement eu lieu. La dernière actualisation de cette liste a été opérée pour le projet de loi de finances pour 2006. À cette occasion, le ministère a retiré plusieurs mesures de cette liste, en considérant qu'il s'agissait de mesures constituant des modalités particulières de calcul de l'impôt plutôt que des dépenses fiscales. À la demande de votre commission des Finances, le coût de ces 22 modalités particulières continue cependant d'être évalué et lui est communiqué à titre d'information. Votre Rapporteur publie également ces évaluations en annexe au présent rapport, car, quels que soient les mots utilisés, il s'agit toujours de niches fiscales, c'est-à-dire de dispositifs permettant de payer moins d'impôt. Le ministère a en effet surinterprété la proposition du Conseil des impôts consistant à distinguer, au sein des dépenses fiscales, les allégements structurels des instruments de politique publique : les allégements structurels sont certes des modalités particulières, mais il s'agit toujours bien de dépenses fiscales. D'autres recommandations du Conseil des impôts ont été suivies d'effet, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la LOLF. Ainsi, depuis le projet de loi de finances pour 2006, les dépenses fiscales sont classées par programme budgétaire au sein des missions, le nombre de bénéficiaires a été indiqué chaque fois qu'il était connu et la méthode de chiffrage ainsi que son degré de fiabilité ont aussi été présentés. Mais il reste un grand pas à franchir entre une simple connaissance, même plus précise, et une réelle évaluation de l'efficacité des dispositifs fiscaux dérogatoires. L'article 51 de la LOLF prévoit pourtant, dans chaque projet annuel de performances, une « évaluation » des dépenses fiscales qui concourent aux objectifs du programme concerné, c'est-à-dire un bilan coût-avantages et une mesure des résultats atteints, évaluation qui n'est pas encore fournie et qui devrait être distincte de la simple « présentation » des dépenses fiscales figurant dans le fascicule budgétaire des Voies et moyens. Pour éviter la prolifération de ces mesures, votre Rapporteur estime même souhaitable de rapprocher le plus possible le régime d'autorisation des dépenses fiscales de celui applicable aux dépenses budgétaires, afin qu'elles soient soumises aux mêmes contraintes en termes d'arbitrage et de droit d'amendement. Cette « LOLFisation » des niches fiscales consisterait à obliger les pouvoirs publics à réaliser des choix entre des « enveloppes » de dépenses fiscales en fonction d'une véritable évaluation de la performance de chaque dispositif dérogatoire. Le coût budgétaire total de l'ensemble des dépenses fiscales propres à l'IR est évalué à 36 milliards d'euros selon les annexes au projet de loi de finances pour 2007. Il faut ajouter à ce coût celui des mesures constituant les modalités particulières de calcul de l'IR, pour 8,5 milliards d'euros (y compris la décote et certaines demi-parts supplémentaires), soit un total de 44,5 milliards d'euros représentant plus de 73 % du produit de l'IR. Le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie récuse cependant une telle agrégation des pertes de recettes engendrées par chaque niche, au motif qu'il ne s'agit que d'évaluations de la conséquence financière immédiate et directe des mesures concernées, lesquelles n'intègrent pas les effets secondaires des différentes dépenses fiscales. En effet, une aide fiscale peut inciter les contribuables à modifier leur comportement, ce qui peut avoir des conséquences sur d'autres mesures dérogatoires ; par exemple, la suppression d'une dépense fiscale peut encourager une plus large utilisation d'un autre avantage. Votre Rapporteur estime cependant que cette somme des coûts des dépenses fiscales a bien du sens en elle-même : non seulement elle est proprement exorbitante par rapport au produit total de l'IR recouvré car elle représente bien un manque à gagner pour le budget de l'État qu'il est possible de chiffrer, mais aussi elle oblige les pouvoirs publics à évaluer réellement l'efficacité de moyens financiers aussi considérables. L'évaluation des différentes niches fiscales est un préalable pour aborder la question de l'élargissement de l'assiette de l'IR. Prises une à une, chacune de ces dispositions peut en effet être justifiée, mais à condition d'être évaluée. Pour autant, le problème des dépenses fiscales ne peut pas s'arrêter à l'appréciation de l'efficacité et de l'utilité de mesures de politiques publiques incitatives. Les niches sont aussi et surtout des moyens pour certains contribuables, particulièrement les plus aisés, de réduire significativement voire abusivement le montant de leur impôt. Elles peuvent donc globalement aboutir à accorder à quelques uns un véritable privilège fiscal indu. Or, tous les citoyens doivent contribuer à l'impôt à proportion de leurs revenus, et les détenteurs des revenus les plus élevés ne devraient donc pas pouvoir ainsi échapper au seul impôt progressif existant. Il faut donc éviter que le cumul d'avantages fiscaux ne réduise la progressivité de l'impôt au-delà de ce que justifie l'intérêt général qui s'attache à chaque mesure fiscale incitative particulière. Sinon, il serait trop facile de remettre en cause de ce fait l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui prévoit l'assujettissement à l'impôt en fonction des capacités contributives. Les exemples d'annulation de l'imposition au moyen des niches sont connus, et parfaitement légaux. Le tableau figurant page 77 du présent rapport montre de combien il est possible de réduire son taux d'imposition effectif uniquement en utilisant la réduction d'impôt pour emploi à domicile : on constate qu'il est relativement facile, si l'on est bien conseillé, de réduire à zéro son imposition sur le revenu au moyen de certaines niches fiscales. Cette situation, résultant de l'état de la législation fiscale, n'est pas juste. Notre collègue Henri Emmanuelli en a fait une démonstration éclatante lors de la seconde séance publique du 18 octobre 2006 : « Sur un impôt de départ de 11.000 euros, après déduction de 6.000 euros pour la femme de ménage déclarée et bien payée, des cotisations au groupe parlementaire et au parti, du paiement de l'atelier protégé départemental, à l'arrivée, c'est l'État qui me doit 217 euros. Et l'année prochaine, je vais payer 14 euros par mois au titre de l'impôt sur le revenu. [...] Pendant ce temps, mon chauffeur et mes collaborateurs auront, eux, beaucoup plus d'impôt sur le revenu à payer. Voilà le résultat des niches fiscales ! » Une telle situation n'est pas normale avec un tel niveau de revenu, quand on connaît la situation financière de notre pays, alors que la plupart des contribuables modestes payent davantage d'impôt. Il est donc vraiment indispensable de moraliser la fiscalité dérogatoire. Une première voie qui peut être suivie dans ce sens consiste à limiter le montant des déductions admissibles pour chaque niche prise individuellement. Entre 1997 et 2002, le législateur a ainsi plafonné un certain nombre de niches fiscales, notamment en diminuant fortement la réduction d'impôt pour emploi à domicile ou en moralisant le dispositif applicable aux investissements outre-mer. Tous ces « plafonnements individuels » ont cependant été remis en cause par la majorité actuelle, qui a en particulier porté à des niveaux jamais atteints auparavant le montant déductible de l'impôt dû au titre des emplois à domicile (12.000 à 15.000 euros dans le régime de droit commun). Le plafonnement individuel des niches doit être repris, à partir de l'évaluation de l'efficacité de chaque dispositif concerné. Une autre voie, celle du plafonnement global des niches fiscales, a été tentée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, mais au travers d'un système d'une très grande hypocrisie et d'une rare complexité proposé par le Gouvernement : hypocrisie car, en fait, très peu de niches fiscales étaient concernées, et complexité parce que le mécanisme était incompréhensible pour les contribuables, ce qui a amené le Conseil constitutionnel à le censurer. Le plafonnement de certains avantages fiscaux au titre de l'IR qui était proposé devait aboutir à ce que le total de différents avantages limitativement énumérés ne puisse pas procurer une réduction du montant de l'impôt dû supérieure à 8.000 euros ou 13.000 euros pour les foyers dont l'un des membres est invalide ou handicapé, ces plafonds étant majorés de 1.000 euros par enfant à charge ou par membre du foyer âgé de plus de soixante-cinq ans. Les avantages fiscaux soumis à ce plafonnement étaient cependant arbitrairement limités : ils comprenaient certes les investissements mobiliers ou immobiliers qui bénéficient d'une aide fiscale, l'acquisition de parts de SOFICA ou de sociétés non cotées ou les frais de garde des jeunes enfants, mais n'entraient pas dans le champ du plafonnement les charges foncières et déficits afférents aux monuments historiques, les réductions d'impôt au titre du mécénat ou les investissements réalisés dans des collectivités d'outre-mer notamment. Ce dispositif de plafonnement global partiel a été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, en raison de la « complexité excessive » du système proposé qui interdisait au contribuable d'opérer ses arbitrages en toute connaissance de cause. Une telle complexité contrevient en effet aux articles 4 à 6, 14 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui garantissent l'égalité devant la loi, l'égalité devant les charges publiques et la garantie effective des droits. Le Conseil relève ainsi notamment que le contribuable doit pouvoir « évaluer avec un degré de prévisibilité raisonnable le montant de son impôt selon les diverses options qui lui sont ouvertes ». Or le mode de calcul du plafonnement proposé était d'une complexité telle qu'il pouvait « mettre une partie des contribuables concernés hors d'état d'opérer les arbitrages auxquels les invite le législateur » et donc que « faute pour la loi de garantir la rationalité de ces arbitrages, serait altérée la justification de chacun des avantages fiscaux correspondants du point de vue de l'égalité devant l'impôt ». Cette décision doit guider les réflexions sur les modalités de mise en place à l'avenir d'un plafonnement global des niches fiscales. Les difficultés d'un tel projet sont indéniables. Il faudrait en effet au préalable transformer toutes les réductions d'assiette en réductions ou crédits d'impôt, pour éviter une opération complexe de conversion de l'avantage concerné en éléments comparables entre eux par le contribuable. Sur le plan de la sécurité juridique, le plafonnement des avantages fiscaux dont le fait générateur se trouve dans le passé bouleverse les données au vu desquelles le contribuable s'était déterminé, affectant une situation légalement acquise sans justification suffisante du point de vue de l'intérêt général. Enfin et en tout état de cause, ne doivent pas être pénalisés les contribuables pour lesquels l'avantage fiscal a pour fait générateur une situation subie, se traduisant généralement par une perte de facultés contributives (dans le cas de l'invalidité ou de la garde d'une personne handicapée par exemple). Les tentatives faites par la direction de la législation fiscale en 2006 pour rebâtir un système de plafonnement global des avantages fiscaux sans effet indésirable sur le plan social ou économique et ne présentant pas un degré de complexité excessif ne semblent pas avoir abouti, comme l'a déclaré le ministre délégué au Budget et à la réforme de l'État lors de la première séance publique du 19 octobre 2006 : « Dès le lendemain de l'adoption du budget [la loi de finances pour 2006], nous nous sommes mis au travail, comme je m'y étais engagé, avec Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez. J'ai demandé à mes équipes de se mobiliser : nous avons réalisé des simulations, des études comparatives sur les pratiques internationales. En conscience, je peux dire que nous l'avons fait avec la meilleure volonté du monde et en toute bonne foi. In fine, nous n'avons pas voulu prendre la responsabilité de présenter un projet, car nous craignions que le remède ne soit pire que le mal, tant il eût introduit de complexité dans notre système juridique. [...] Nous avons également travaillé sur une nouvelle technique de plafonnement, mais nous nous sommes heurtés aux mêmes difficultés, à la même complexité que l'an dernier. J'avoue donc que, bien qu'ayant œuvré avec la meilleure volonté du monde, mais sans trouver de solution satisfaisante, nous n'avons pas voulu prendre la responsabilité de vous proposer un mécanisme qui complexifierait davantage un système qui n'en a pas besoin. Du reste, nous aurions encouru les mêmes griefs de la part du Conseil constitutionnel. » Votre Rapporteur a souhaité pouvoir prendre connaissance de ces travaux et études menés par le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie, afin de nourrir la réflexion de votre commission des Finances sur un sujet à la fois délicat techniquement et essentiel politiquement. Il l'a demandé solennellement au ministre lors de cette séance publique, et plusieurs fois au cours de la préparation du présent rapport. Or, force est de constater que les engagements pris par le ministre (50) n'ont pas été tenus, aucun document n'ayant été fourni. Il s'agit d'un manque de transparence regrettable et d'un non-respect de l'article 57 de la LOLF, que votre Rapporteur ne peut que dénoncer. En tout état de cause, on peut considérer que ces travaux « secrets » semblent avoir conclu à l'impossibilité technique d'instituer un plafonnement global. Un autre effet pervers du plafonnement global pourrait d'ailleurs être d'inciter les pouvoirs publics à ouvrir de nouvelles niches (et à élargir les niches existantes), avec la bonne conscience de ne pas aggraver le coût budgétaire des dépenses fiscales. La loi de finances pour 2006 offre une illustration de cet effet pervers puisque, parallèlement à la tentative d'instauration d'un plafonnement global, elle a créé quatre nouvelles niches fiscales et étendu la portée de neuf avantages existants. Il n'est donc pas possible de faire l'économie de l'examen au cas par cas de toutes les niches fiscales, d'en aménager le régime en fonction de leur efficacité propre, et d'harmoniser leurs modalités en retenant systématiquement la technique du crédit d'impôt, favorable à tous les contribuables sans remettre en cause le barème progressif de l'IR. Si le plafonnement global était structurellement trop complexe pour pouvoir être appliqué à législation constante, il faudrait trouver une solution alternative au problème d'équité que continue de poser l'empilement possible de trop nombreuses niches fiscales. Il n'est en effet pas juste que des contribuables normalement imposables puissent réduire voire supprimer leur impôt, uniquement en jouant de tous les dispositifs dérogatoires existants et en maximisant des effets d'aubaine. Puisque l'objectif de justice fiscale à atteindre consiste à empêcher une trop forte réduction de l'impôt dû, plutôt que de vouloir plafonner le total des réductions possibles, il est possible de prévoir une imposition minimale, due en tout état de cause, même si un contribuable a utilisé différents avantages fiscaux. Un impôt minimum ne remet pas en cause le caractère incitatif de chaque dispositif dérogatoire utile en lui-même. Il n'oblige pas le contribuable à faire des calculs compliqués pour savoir quel avantage il a intérêt à saturer fiscalement pour payer le moins d'impôt tout en respectant un plafond global, et donc pour allouer ses propres ressources : il peut tous les utiliser s'il le souhaite, mais il sait dès le début de l'année que, de toute façon, il ne pourra pas payer moins de tant au titre de l'IR. Ce système, miroir inverse du plafonnement global, a donc le même effet tout en étant beaucoup plus simple, et il n'encourt donc pas de risque constitutionnel. Deux options sont possibles pour le mode de calcul d'un impôt minimum alternatif. Une première solution consisterait à appliquer un abattement forfaitaire déductible du revenu global pour calculer cet impôt minimum aux même taux que le barème de l'IR. Ce faisant, on peut faire basculer des contribuables vers la tranche immédiatement inférieure du barème, et donc remettre en cause la progressivité de l'IR. Une seconde option consisterait à retenir un mode de calcul personnalisé, qui dépendrait des revenus de chacun et non d'un forfait commun pour tous les contribuables. Le barème de l'impôt minimum serait alors calé sur celui de l'IR lui-même, et il faudrait le moduler de manière telle que les niches fiscales ne puissent pas être plus largement utilisées proportionnellement à l'échelle des revenus des contribuables, afin de préserver le caractère progressif global de l'imposition. Il s'agirait donc dans ce cas de fixer un impôt minimum par part de revenu imposable, qui respecterait ainsi la structure actuelle de l'IR familialisé. Les taux de cet impôt minimum correspondraient à ceux du barème de l'IR, minorés d'un pourcentage qui diminuerait lui-même plus le taux marginal serait élevé. Le tableau suivant, présenté à simple titre d'exemple du mécanisme de l'impôt minimum car votre Rapporteur n'a pas pu effectuer de simulations sur ce point, indique quel pourrait être le profil du barème d'un impôt minimum calé sur celui de l'IR actuel. Il se lit de la façon suivante : un foyer fiscal imposé au taux marginal de 5,5 % (première tranche du barème de l'IR) ne pourrait pas, au moyen de réductions d'impôt, aboutir à payer un impôt moindre que celui qui serait calculé en appliquant à l'assiette de ces revenus un taux marginal de 2,5 %. EXEMPLE DE BARÈME D'UN IMPÔT MINIMUM ALTERNATIF
Ce système ne nécessite pas de définir une assiette alternative, comme avec le plafonnement global. Il serait bien évidemment plus facile à mettre en œuvre si les actuelles réductions d'assiette étaient transformées en réductions d'impôt, mais il peut parfaitement fonctionner avec des réductions d'assiette (par exemple pour les investissements fonciers) : il suffirait de calculer l'impôt minimum sur une assiette sans prise en compte de ces réductions d'assiette ; le contribuable lui-même pourrait facilement effectuer ce calcul à partir d'une calculette sur le modèle de celle mise en ligne aujourd'hui pour le calcul de l'IR. Le président de votre commission des Finances, M. Pierre Méhaignerie, s'est déclaré favorable à un impôt minimum alternatif pour les très hauts revenus. Il a ainsi déposé un amendement au projet de loi de finances pour 2006 prévoyant que, pour les contribuables les plus aisés (à savoir ceux imposés au taux marginal supérieur de l'IR), aucun dispositif fiscal, quel qu'il soit, ne devrait permettre de diminuer leur impôt de plus de la moitié pour la partie de leurs revenus correspondant à la tranche du barème la plus élevée. Ce dispositif soulevait certes des problèmes techniques et constitutionnels dans la mesure où, prétendant ne viser que les revenus soumis à la dernière tranche du barème, il risquait d'entraîner une rupture d'égalité devant l'impôt et de ne pas cibler toutes les personnes concernées (notamment celles qui, grâce à des déductions d'assiette, échappaient déjà au taux marginal supérieur). Pour autant, il allait dans le bon sens et le groupe socialiste l'a soutenu. Lors de la discussion en séance publique de cet amendement, le ministre délégué au Budget et à la réforme de l'État a annoncé, pour obtenir le retrait de cet amendement, la création d'un groupe de travail sur les niches fiscales mais, comme il a été indiqué auparavant, votre Rapporteur n'a pas eu connaissance des études réalisées. Il serait également possible de s'inspirer d'exemples étrangers pour mettre en place un impôt minimum alternatif. Ainsi, aux États-Unis, l'Alternative Minimum Tax (AMT) a été mise en place en 1969 pour remédier au fait qu'un nombre croissant de contribuables à hauts revenus parvenait à se soustraire à l'impôt sur le revenu en exploitant habilement de très nombreuses niches fiscales - presque autant qu'en France, c'est tout dire ! Depuis 1993, cet impôt a deux taux différents : 26 % pour un revenu inférieur à 175.000 dollars, et 28 % au-delà. Un mécanisme d'abattement permet de diminuer le revenu imposable d'une exemption, dont le montant est de 58.000 dollars pour un couple et de 40.250 dollars pour un célibataire ; dans ce cadre, l'AMT a en réalité deux taux marginaux supplémentaires, de 32,5 % et de 35 %, créés par l'élimination progressive de cet abattement à partir de 150.000 dollars pour un couple marié et de 112.500 dollars pour un célibataire. Les taux marginaux de l'AMT sont donc, dans cet ordre, de 0 %, 26 %, 32,5 %, 35 % et 28 %. L'AMT impose aux contribuables de calculer leur impôt une seconde fois, sans pouvoir déduire, à de rares exceptions près, les différentes déductions applicables pour le calcul de l'impôt sur le revenu. Si le montant calculé avec les taux de l'AMT excède le montant dû avec le taux de la taxe « normale » (l'Individual Income Tax), le contribuable doit payer l'AMT. Celui-ci, payé par 3,8 millions de contribuables en 2004, a rapporté au total 15 milliards de dollars cette année-là. Un problème politique et économique se pose actuellement aux États-Unis avec l'AMT, en raison de l'absence d'indexation de l'assiette chaque année en fonction de la hausse des prix. Par conséquent, de plus en plus de contribuables qui sont moins manifestement aisés deviennent assujettis à l'AMT parce que leur revenu augmente nominalement, même s'il demeure inchangé en termes réels ; les taux relativement élevés de l'AMT s'appliquent alors pour des revenus de plus en plus bas. Mais il serait excessif d'exciper de ces difficultés pour disqualifier l'instrument. En effet, une solution simple à ce problème, d'ailleurs envisagée par le Congrès, consisterait à indexer les paramètres de l'AMT sur l'inflation, pour le cibler à nouveau sur les plus hauts revenus sans perte de recettes substantielles pour l'État fédéral. De même, au Canada, a été institué en 1986 un impôt minimum de remplacement (IMR) qui vise à renforcer l'équité du système fiscal en réduisant le nombre de contribuables à revenus élevés qui paient peu ou pas d'impôt sur le revenu en ayant recours systématiquement à des avantages fiscaux. L'IMR accroît le revenu imposable en éliminant divers avantages fiscaux qui sont remplacés par une exemption de 40.000 dollars canadiens. Le revenu net imposable est ensuite assujetti au taux d'imposition de 17 %, ce qui permet de déterminer l'impôt minimum à payer. Le déclarant doit payer le montant le plus élevé entre l'impôt minimum et l'impôt normal qu'il devrait verser si l'IMR n'existait pas. L'excédent de l'impôt minimum sur l'impôt normal peut être reporté et utilisé pour ramener l'impôt normal à un niveau qui n'est pas inférieur à l'impôt minimum à payer au cours d'une année ultérieure. Il semble que l'IMR ait atteint son objectif, le nombre de contribuables non imposables à revenus élevés ayant chuté en moyenne de 65 % depuis l'instauration de l'IMR. Au Québec également, il existe un impôt minimum de remplacement, calé sur le modèle de l'État fédéral canadien, auquel sont assujettis les particuliers qui, pour une année d'imposition, demandent des déductions correspondant à certaines dépenses fiscales pour un montant excédant 40.000 dollars canadiens. Lorsque le montant total de ces déductions dépasse ce niveau d'exemption de base, un nouveau calcul est effectué afin de déterminer le revenu imposable en faisant abstraction de ces dépenses fiscales et en y soustrayant l'exemption de base. Un taux de 16 % est appliqué à ce nouveau revenu imposable et, dans la mesure où le résultat ainsi obtenu est supérieur à l'impôt « normal », le contribuable doit payer l'impôt minimum. Enfin, certains pays d'Europe comptent des impôts sur le patrimoine qui, dans certains cas, sont liés au montant de l'impôt sur le revenu payé. Ces impôts peuvent donc être envisagés comme une forme d'impôt minimum. Par exemple, la Norvège applique un impôt national sur le revenu brut des particuliers à revenus élevés, qui ne prévoit aucune déduction ; cependant, cet impôt ne vise pas les gains en capital. En Allemagne, la limitation de la compensation des pertes se traduit par une certaine forme d'impôt minimum pour les particuliers à hauts revenus. En France, on peut citer à ce titre le « plafonnement du plafonnement » de l'ISF en fonction du revenu. La forme de l'impôt minimum pourrait donc être privilégiée pour limiter l'effet d'empilement des dépenses fiscales, car il s'agit du dispositif le plus simple à mettre en œuvre et le plus facilement compréhensible par tous les contribuables. Les modalités pratiques d'une telle imposition alternative devront être étudiées en détail, à la lumière des expériences étrangères, pour fixer les montants des taux et barèmes les plus justes par rapport au caractère progressif de l'IR. Un tel système serait par ailleurs une garantie de recettes et de maintien de l'assiette fiscale en cas de fusion de l'IR et de la CSG. B.- MIEUX PRENDRE EN COMPTE LA SITUATION RÉELLE DES CONTRIBUABLES L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (51) fait reposer la détermination de l'impôt sur la prise en compte des facultés contributives des redevables. Le législateur doit donc déterminer, compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées ces facultés contributives. Il doit le faire dans le souci d'être le plus juste possible, en collant au plus près de la situation réelle de chaque contribuable. Le Conseil constitutionnel a considéré que ce principe de prise en compte de l'intégralité des facultés contributives oblige tout impôt progressif pesant sur les revenus d'un ménage à tenir compte de l'ensemble de ses ressources et de ses charges familiales, et donc de la composition du foyer, que ce soit par le quotient familial ou selon d'autres modalités. Si l'on veut mettre en place une imposition globale progressive sur le revenu, par la fusion de l'IR et de la CSG, il faudrait donc familialiser intégralement le nouvel impôt puisque, comme on l'a vu précédemment, un tel impôt unique sur le revenu ne peut pas être seulement proportionnel mais doit tenir compte des charges liées à la situation familiale des contribuables. Dans sa décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, rendue sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le Conseil constitutionnel a censuré, sur la base de ce principe, la ristourne dégressive de CSG et CRDS, dès lors que le mécanisme choisi pour cette ristourne (indifférent à la composition du foyer et aux autres revenus de celui-ci) créait des disparités de traitement caractérisées entre foyers à faibles ressources et donc une « rupture caractérisée de l'égalité » entre les contribuables concernés. Pour mettre en place une imposition plus juste, il faut donc, d'une part, appréhender le mieux possible les charges de famille et, d'autre part, tenir compte de l'ensemble des revenus pour renforcer la progressivité de l'impôt et alléger la charge pesant plus particulièrement sur les bas salaires et les petites retraites. 1.- La situation familiale doit être mieux appréhendée Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998, la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur de la famille constitue une exigence constitutionnelle résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 (52). Cette politique familiale repose actuellement en France sur un système mixte associant des prestations familiales (financées par la CSG et par des cotisations patronales) et la prise en compte de la taille de la famille dans le cadre de l'imposition progressive sur les revenus. Les facultés contributives des contribuables résultant de la composition du foyer sont donc prises en compte, uniquement à l'IR et pas pour la CSG, au moyen d'un dispositif tout à fait original : le quotient familial. Ce mécanisme a été créé par la loi de finances pour 1946, afin de favoriser la natalité par une diminution de l'impôt dû en fonction du nombre d'enfants. Ce système, outre qu'il ne compense que très imparfaitement les charges réelles d'une famille, a pour effet de réduire la progressivité de l'imposition. Il comporte également un élément d'injustice en termes d'éducation et de formation dans la mesure où un enfant procure un avantage fiscal d'autant plus important que ses parents ont des revenus élevés (36 euros par an au niveau du SMIC, 269 euros pour 2 SMIC, 631 euros pour 4 SMIC et 2.198 euros pour 15 SMIC en 2006). La mise en place d'une imposition globale sur le revenu pourrait venir corriger ces défaillances. Il est en effet tout à fait loisible au législateur de choisir l'outil le plus approprié pour respecter l'exigence constitutionnelle qui s'attache à la protection de la famille, tout en assurant un effort au minimum aussi important en direction des familles. L'IR est fortement personnalisé car son montant ne dépend pas seulement de l'assiette des revenus, mais aussi de la situation personnelle du contribuable. Plusieurs mécanismes permettent cet ajustement de l'impôt à la situation du contribuable, mais ceux-ci constituent également une source de difficultés en raison de la complexité globale du système fiscal qui en résulte (par exemple, le choix entre rattachement d'un enfant au foyer fiscal et déduction d'une pension alimentaire versée est particulièrement difficile à exercer). Le quotient conjugal (le fait de payer par foyer et non par individu) et le quotient familial (pour tenir compte des charges liées aux enfants) sont une façon d'apprécier les capacités contributives et non une subvention au mariage ou une prestation familiale. Le but recherché consiste en effet à assurer une plus grande équité horizontale (à revenu égal) entre ceux qui ont des enfants et ceux qui n'en ont pas. Spécificité française, le quotient familial ne permet cependant qu'une redistribution horizontale limitée au niveau des classes moyennes. Le système de la décote complexifie encore plus le système. - Le quotient conjugal Le principe de l'imposition conjointe obligatoire des personnes vivant en couple se traduit par le dispositif du quotient conjugal, selon lequel les revenus du couple sont cumulés puis divisés par deux avant application du barème progressif. Il permet de prendre en compte les différences de revenu entre les deux conjoints ou partenaires et favorise donc les couples de salaires différents, ainsi que ceux où un des conjoints n'a pas de revenu. Il est cependant source de difficultés déclaratives, en cas de changement de situation personnelle tel que mariage, divorce, séparation ou décès. La France a étendu le principe de l'imposition conjointe à une nouvelle catégorie de couples par la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité (PACS). En revanche, un grand nombre de pays pratique une imposition séparée pour les couples, au motif qu'elle n'entraîne pas de distorsions au niveau de l'imposition du conjoint, et par là même de désincitation à travailler - en particulier pour les femmes. L'imposition est strictement séparée en Belgique, au Danemark, aux Pays-Bas, en Italie, au Royaume-Uni et en Suède ; à l'inverse, la France, le Luxembourg et le Portugal ont une imposition conjointe ; certains pays ont un système d'option permettant le choix entre les deux types d'imposition (Allemagne, Espagne, États-Unis pour les revenus bas ou moyens, Irlande, Pologne, République tchèque). Il est aussi possible d'accorder pour le conjoint sans ressource un abattement (Espagne, Italie, Japon) ou un crédit d'impôt (Irlande). Avec son système de quotient conjugal, la France est troisième quant à sa générosité pour les couples mono-actifs au niveau du salaire moyen, selon les simulations de l'OFCE. - Le quotient familial Le mécanisme du quotient familial vise à atténuer les effets de la progressivité du barème de l'IR pour les contribuables ayant au moins un enfant à charge (53), grâce à une majoration du quotient d'une demi-part au titre de chacun des deux premiers enfants et d'une part au titre de chacun des autres enfants à charge à compter du troisième. Avec ce système, le montant de l'allégement croît avec le revenu (54). C'est pourquoi a été institué, en 1982, un mécanisme de plafonnement des effets du quotient familial, qui consiste à fixer un maximum au montant de la réduction d'impôt obtenue au titre de chacune des demi-parts de quotient. Ce plafonnement limite - sans l'annuler - le caractère globalement régressif du mécanisme du quotient familial. Si celui-ci permet à certaines familles de devenir non imposables, il n'a cependant aucun effet pour les familles qui ne sont déjà pas imposables en raison de leur niveau de revenu. Le régime du quotient familial a, de plus, perdu une partie de sa cohérence car il a aussi été utilisé pour prendre en compte d'autres situations que les charges de famille, au moyen de l'octroi de demi-parts spécifiques pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés ayant eu des enfants à charge, pour les invalides ainsi que pour les anciens combattants et veuves de guerre. En outre, compte tenu des coefficients qui sont appliqués par la législation fiscale, le quotient familial ne reflète qu'imparfaitement les charges de famille. On observe en effet un décalage entre le nombre de parts du quotient familial et le nombre des unités de consommation, que ce dernier soit mesuré selon l'échelle dite d'Oxford ou selon l'échelle d'équivalence de l'INSEE. La notion d'unité de consommation a été définie pour évaluer l'importance des charges de famille et établir une équivalence entre les foyers ayant des compositions différentes. Un adulte supplémentaire (c'est-à-dire une personne de plus de quatorze ans) est pris en compte pour 0,7 dans le cadre de l'échelle d'Oxford et pour 0,5 dans l'échelle d'équivalence de l'INSEE, alors qu'un enfant de moins de quatorze ans est pris en compte pour 0,5 dans l'échelle d'Oxford et 0,3 dans l'échelle de l'INSEE. Le tableau suivant illustre donc bien le fait que le quotient familial, tel qu'il est appliqué aujourd'hui, ne tient pas compte des véritables charges de famille telles qu'elles sont évaluées par les statisticiens de manière générale et objective ; il les surévalue presque systématiquement, et ne se rapproche de l'échelle d'Oxford que pour les enfants de plus de quatorze ans. MODALITÉS DE PRISE EN COMPTE DE LA COMPOSITION DU FOYER
Les modalités de prise en compte des charges de famille à l'étranger sont très diverses. Certains pays ne prennent pas en compte la situation familiale dans le calcul de l'impôt sur le revenu mais ont un système d'allocations familiales très développé (Danemark, Finlande, Irlande, Suède). Certains attribuent des crédits d'impôt (Allemagne, Belgique, États-Unis, Hongrie, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni) qui permettent d'octroyer un allégement équivalent pour tous les contribuables quel que soit leur niveau de revenu ; d'autres n'appliquent que des abattements forfaitaires sur le revenu (Espagne, Grèce, Italie, Japon, Pays-Bas), en vertu desquels le montant de l'allégement croît avec le taux d'imposition. La France est la seule, avec le Luxembourg, à appliquer le système du quotient. Au niveau du salaire moyen et pour deux enfants, elle se situe en quatrième position quant à sa générosité envers les enfants, en intégrant fiscalité et allocations familiales, selon les simulations de l'OFCE. MODALITÉS DE PRISE EN COMPTE DES CHARGES DE FAMILLE
Ces différents systèmes se traduisent par des effets redistributifs différents. Toutefois, pour comparer les différents systèmes fiscaux au regard des charges de famille et ne pas faire croire par exemple que le Danemark et la Suède ne tiennent aucun compte des charges familiales, il est nécessaire de combiner les allégements au titre de l'impôt sur le revenu et les prestations familiales. On observe alors qu'au niveau des classes moyennes, la France est l'un des pays qui favorisent le moins les familles monoparentales par rapport aux célibataires.
S'agissant des avantages accordés aux couples avec enfants, la France se situe en position médiane, que l'on tienne compte ou non des prestations versées.
- La décote La décote est un dispositif institué par la loi de finances pour 1982 qui entraîne, après application du barème et prise en compte du quotient familial, une forte réduction de l'impôt et même son annulation pour les plus modestes des personnes imposables. Lorsque les cotisations d'impôt calculées sur la base du barème et du quotient avant imputation, le cas échéant, des réductions et crédits d'impôt ainsi que des prélèvements ou retenues non libératoires, sont inférieures à la limite supérieure de l'application de la décote - qui est fixée chaque année par la loi de finances (414 euros en 2007) -, ces cotisations sont automatiquement réduites de la différence entre la limite de la décote et leur montant. Le système de la décote peut donc se résumer par la formule suivante : impôt dû = impôt initial - (limite supérieure de la décote - impôt initial). La décote renforce la progressivité de l'IR pour les personnes qui en bénéficient. D'une manière mécanique en effet, le taux marginal d'imposition des personnes bénéficiant de la décote est doublé : il s'agit du taux d'imposition de la première tranche de l'IR, qui passe ainsi de 5,5 % à 11 %. En effet, une augmentation de la cotisation initiale de l'IR de 10 euros se traduit par une augmentation de l'impôt effectivement dû de 20 euros. Ce constat n'est cependant pas dirimant vis-à-vis du dispositif, dans la mesure où l'impôt effectivement dû et payé reste inférieur à ce qu'il serait en l'absence de décote. Pour l'imposition des revenus de 2006, le nombre total des contribuables qui en bénéficieraient serait de près de 13 millions. La perte de recettes correspondante devrait s'établir à 1,9 milliard d'euros, sachant que l'impôt dû ne peut en aucun cas devenir négatif et se transformer en crédit d'impôt par application de la décote. En ce qui concerne l'articulation entre la décote et le quotient familial, on observe que la décote permet d'affiner et de personnaliser le barème de l'IR car elle s'applique d'une manière uniforme, quel que soit le nombre des parts du foyer fiscal. L'impôt dû par part est ainsi d'autant moins réduit que le nombre de parts dont bénéficie le foyer fiscal est élevé, puisque le montant de la décote est réparti entre les différentes parts. Parce qu'elle bénéficie proportionnellement plus aux foyers fiscaux comprenant une seule part, la décote permet ainsi d'éviter de rendre imposables à l'IR des contribuables célibataires titulaires de ressources modestes. Pour autant, elle ne prévoit pas un revenu trop élevé pour l'entrée dans la première tranche du barème, car sinon ce système bénéficierait de manière trop importante aux familles nombreuses et aisées, jouissant d'un revenu global important mais d'un revenu par part relativement faible. Ce mécanisme est donc complémentaire du quotient familial. b) Pour une meilleure prise en compte des charges réelles du foyer fiscal : faire bénéficier toutes les familles de l'aide fiscale familiale Les modalités actuelles d'appréciation des capacités contributives au titre de l'IR apparaissent donc perfectibles, et la spécificité française en la matière (comme pour le prélèvement à la source d'ailleurs) n'est pas nécessairement un gage d'efficacité ou d'équité. Dans le cadre de la fusion de l'IR et de la CSG, c'est-à-dire dans une perspective de long terme, le nouvel impôt citoyen devra nécessairement prendre en compte les charges de famille, obligation que rappelle le Conseil constitutionnel, en se fondant sur l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Les modalités de cette prise en charge devraient être soumises à une large concertation avec les partenaires sociaux, les représentants des associations familiales, et avec l'opinion publique en général. Votre Rapporteur considère qu'il serait envisageable, soit d'en rester au système du quotient familial éventuellement adapté, soit de retenir d'autres modalités de prise en compte des charges de famille, telles que par exemple la mise en place de crédits d'impôt pour charges de famille d'ores et déjà appliqués dans la plupart des pays voisins. Ces mécanismes pourraient permettre de mieux prendre en compte qu'aujourd'hui l'âge des enfants, ou la situation d'activité des deux parents. Dans l'esprit de votre Rapporteur, les familles non imposables doivent aussi bénéficier d'une aide fiscale s'ajoutant aux allocations familiales, comme pour les foyers aujourd'hui imposés à l'IR. Une telle réforme ne pourrait bien entendu se faire qu'à effort au moins constant au bénéfice des familles. 2.- L'évolution des revenus doit être mieux appréciée Un impôt juste ne doit pas peser trop lourdement sur les revenus au bas de l'échelle des salaires ou des pensions. Il doit aussi inciter à la reprise d'activité. Or la complexité des relations entre IR et CSG rend difficile la réalisation d'un tel objectif, car une mesure adossée à une imposition peut être annulée de facto par l'existence de l'autre imposition. On constate ainsi que le gain résultant de la PPE est presque totalement annulé par le paiement de la CSG et de la CRDS, comme le montrent le graphique et le tableau suivants. COMPARAISON DES TAUX RÉELS D'IMPOSITION
Source : calculs de la mission. Le double objectif de revalorisation du pouvoir d'achat et d'incitation au retour à l'emploi qu'a souhaité atteindre le législateur avec la création de la prime pour l'emploi (PPE) en 2001 ne sont donc qu'imparfaitement atteints, en raison de la structure même de l'imposition globale sur le revenu en France aujourd'hui. De ce point de vue, une fusion de l'IR et de la CSG pourrait permettre de mettre en œuvre ces objectifs au moyen de deux outils distincts : d'une part, un véritable impôt négatif venant s'imputer sur l'impôt citoyen, et d'autre part une incitation fiscale ou sociale à la reprise d'un emploi. Créée, sous le gouvernement de M. Lionel Jospin, par la loi du 30 mai 2001, la PPE est un droit à récupération fiscale en faveur des personnes percevant des revenus d'activité inférieurs à 1,4 SMIC, que cette activité soit salariée ou non salariée. Cette prime est destinée à compenser une partie des prélèvements pesant sur les revenus d'activité, à savoir la CSG et la CRDS, et à améliorer ainsi la rémunération que procure le travail. Il s'agit en fait d'un crédit d'impôt car elle vient en diminution de l'IR et, lorsque le montant de la prime excède celui de l'impôt dû, l'excédent est restitué au contribuable. Si le foyer fiscal n'est pas imposable, l'intégralité du montant de la prime est alors versée à ses membres. La PPE a remplacé la ristourne dégressive de CSG et de CRDS qui avait été prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 et censurée par le Conseil constitutionnel, comme on l'a vu précédemment, pour cause de rupture de l'égalité devant l'impôt en raison de la non prise en compte des facultés contributives des contribuables. Son objectif direct demeure, comme avec la ristourne, de favoriser l'emploi salarié et l'activité non salariée grâce à une augmentation du revenu net que procure l'exercice d'une activité professionnelle rémunérée entre 0,3 SMIC et 1,4 SMIC, de manière à accroître l'écart entre ce dernier et les revenus de remplacements versés aux personnes privées d'emploi. Mais, pour tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le mécanisme de la PPE n'est pas aussi simple que la ristourne : sa personnalisation implique en effet que la prime varie en fonction de l'ensemble des revenus du ménage et de la composition du foyer fiscal (nombre d'enfants à charge, situation spécifique du conjoint n'exerçant pas d'activité professionnelle). Ce dispositif incite au retour à l'emploi ou au maintien de l'activité des personnes exerçant les métiers les plus modestement rémunérés en tentant d'écarter, par une rémunération attractive, les trappes à inactivité. À cet effet, la prime est d'autant plus élevée que le revenu horaire ou journalier est proche du SMIC et que la durée d'activité est proche du temps plein. Son montant maximal individuel atteint ainsi 948 euros en 2007, ce qui représente presque un treizième mois de salaire au niveau du SMIC. Tel était d'ailleurs l'objectif initial du législateur en 2000 avec la ristourne dégressive de CSG et de CRDS : il s'agissait de supprimer ces prélèvements au niveau du SMIC, c'est-à-dire d'apporter un gain en pouvoir d'achat équivalent à 1.168 euros aujourd'hui, mais cela devait être réalisé à l'horizon de 2003, alors que la majorité actuelle peine à atteindre cet objectif en 2007 (il y manque encore près de 220 euros). Le coût budgétaire de la mesure est estimé à 4,2 milliards d'euros pour un nombre de foyers fiscaux bénéficiaires de 9,1 millions en 2007 (dont seulement 2 millions d'imposables à l'IR), soit un quart des foyers fiscaux. La PPE souffre donc d'un ciblage insuffisant puisqu'elle ne représentait, en 2004, qu'1,2 % en moyenne du revenu initial des ménages concernés et que le premier décile de la distribution des revenus ne regroupait que 3,3 % des bénéficiaires. Comme le relevait avec beaucoup de justesse la Cour des comptes dans son rapport public de 2006, « par construction, les plus démunis ne font pas partie du public cible [et] 84,5 % des bénéficiaires de la PPE ne sont pas en situation de pauvreté. » Outre que la PPE n'atteint donc pas vraiment son objectif initial par rapport aux revenus des ménages modestes, elle souffre aussi d'un certain nombre de défauts résultant de son caractère imparfait par rapport à la ristourne à laquelle elle a dû se substituer. L'incitation à la reprise d'une activité professionnelle est encore très insuffisante. Le gain financier à la reprise d'un emploi est toujours faible pour les célibataires ou le premier emploi d'un couple (le dispositif équivalent aux États-Unis, présenté ci-après, permet un gain individuel huit fois supérieur). Les personnes reprenant une activité à temps très partiel (et percevant donc moins de 3.570 euros) ne touchent pas la prime. Les contribuables disposant de faibles revenus professionnels mais d'autres revenus par ailleurs dans le cadre du foyer fiscal n'en bénéficient pas non plus. Pour les personnes imposables, la PPE n'est pas visible car il s'agit d'une réduction d'impôt agrégée dans le calcul global de l'impôt dû. Surtout, le versement de la prime est beaucoup trop éloigné par rapport à la reprise d'activité, qui n'est ainsi pas directement encouragée, en raison du décalage d'un an entre le retour à l'emploi et la perception de la prime adossée sur l'IR correspondant. La mise en place d'un versement anticipé pour les seuls non imposables, sous la forme d'un acompte en 2004 et d'une mensualisation partielle de cet acompte en 2006 (55), ne permet toujours pas d'assurer le versement de la prime concomitamment aux revenus auxquels elle se rapporte et a multiplié les risques d'erreurs. Tant la Cour des comptes, dans son rapport de mars 2006 sur la gestion de la PPE que lui avait demandé votre commission des Finances, que l'inspection générale des finances, dans un rapport d'audit et de modernisation encore provisoire en janvier 2007 sur le même sujet, ont constaté de nombreux dysfonctionnements dans le cadre d'un dispositif très complexe et pas toujours bien compris par les contribuables, qui ont abouti en 2006 à ne pas verser - à tort - 135 millions d'euros à un nombre de personnes concernées situé entre 177.000 et 426.000, et à verser semble-t-il indûment entre 294 et 340 millions d'euros. Enfin, les demandes de reversement faites par l'administration fiscale à la fin de l'année 2006 à 250.000 personnes mensualisées pour la PPE mais sorties du dispositif en cours d'année, soit par le haut (rémunération supérieure à 1,4 SMIC), soit par le bas (chômage), apparaissent particulièrement choquantes et non compréhensibles, en particulier pour les 125.000 personnes en cause qui ont perdu, et leur emploi, et la prime. Même si l'administration a fait preuve de bienveillance vis-à-vis de ces personnes en accordant des remises gracieuses et des délais de paiement, cette conséquence prévisible de la mensualisation d'une prime anticipée mais non définitive doit amener à repenser l'ensemble du dispositif. L'objectif de retour à l'emploi que la PPE cherche à encourager est contrarié par la complexité du mécanisme. De plus, un problème d'équité se pose vis-à-vis des personnes qui sont à la recherche d'un emploi car la prime est réservée à ceux qui en trouvent un ou en ont déjà un et pourrait désinciter partiellement ces derniers à demander des augmentations salariales plus importantes. Un système globalement plus juste doit pouvoir être trouvé, afin de garantir un minimum d'équité horizontale. Quels sont les systèmes qui existent à l'étranger ? Aux États-Unis, l'Earned Income Tax Credit (EITC), créé en 1975, est un crédit d'impôt restituable calculé selon trois mécanismes successifs par tranches de revenu d'activité : une subvention aux bas salaires, un transfert forfaitaire puis une réduction d'impôt dégressive. Les bénéficiaires de ce crédit d'impôt doivent remplir deux conditions : avoir plus de vingt-cinq ans et moins de soixante-cinq ans, et exercer une activité rémunérée. Le versement se fait dans la grande majorité des cas annuellement et seule une très faible minorité de bénéficiaires utilise la possibilité du versement mensuel, sur le bulletin de salaire, par l'intermédiaire de l'employeur. Ce dispositif, qui favorise le retour à l'emploi comme la PPE, présente les mêmes imperfections : l'importance des erreurs et de la fraude présumée et la trappe à bas salaires pour les personnes qui ont déjà un emploi faiblement rémunéré. Un deuxième dispositif de type impôt négatif en vigueur aux États-Unis est l'Aid to Families with Dependent Children (AFDC), transfert financier au profit des familles à faibles revenus sans père apte au travail. Ce transfert est égal à la différence entre le revenu familial et un revenu garanti dont le niveau est défini par chaque État fédéré. Un dispositif d'inspiration similaire à l'EITC a été mis en place au Royaume-Uni. Il s'agit du Child Tax Credit (CTC) et du Working Tax Credit (WTC) qui ont remplacé en 2003 le Working Families Tax Credit (WFTC), lequel avait été créé initialement en 1999. Alors que le CTC est un crédit d'impôt accordé aux familles à faibles revenus indépendamment de toute activité professionnelle, le WTC est un dispositif destiné à inciter les plus modestes à retrouver un emploi en leur assurant, au moyen d'un crédit d'impôt restituable, un revenu minimum garanti venant en complément de leur nouvelle rémunération à temps plein ou à temps partiel, afin que leur revenu disponible après impôt soit supérieur aux prestations d'assistance perçues antérieurement. Cette aide au retour à l'emploi, modulée en fonction des charges de famille, est calculée par l'administration fiscale et financée par le budget de l'État, mais elle est attribuée directement par l'employeur dans le cadre de sa mission de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. En Irlande a été créé en 1999 un dispositif d'aide fiscale en faveur des anciens demandeurs d'emplois et de leur nouvel employeur. Les demandeurs d'emploi qui retrouvent une activité salariée, après avoir été privés d'emploi pendant au moins un an, peuvent bénéficier pour le calcul de leur impôt d'un abattement dégressif sur trois ans, majoré par enfant à charge. Des aides sont également prévues en faveur des employeurs, pendant les trois premières années suivant le recrutement, sous réserve du maintien de l'emploi. Il existe certaines conditions, notamment de durée minimum de travail, concernant l'emploi occupé. Enfin, en Belgique, un crédit d'impôt remboursable ciblé sur les bas revenus du travail a été institué en 2001. Il s'agit d'une mesure destinée à verser aux salariés peu rémunérés un complément de revenu pour améliorer leur pouvoir d'achat. Comme tous ces dispositifs, la PPE constitue plus un crédit d'impôt qu'un véritable impôt négatif, car elle ne s'applique qu'aux foyers dans lesquels une personne travaille et n'a donc pas de portée universelle. De plus, son barème n'est pas totalement intégré avec celui de l'IR. Enfin, elle n'a pas d'effet immédiat en en raison de son décalage dans le temps. Or, il est indispensable que le système fiscal soit beaucoup plus réactif par rapport à l'évolution des revenus des contribuables, à la fois dans un souci de justice et d'efficacité. Si l'on souhaite remplacer la PPE par un système plus simple ciblé sur les revenus d'activité, la voie est très étroite. La commission des finances du Sénat a proposé, dans son rapport d'information du 25 octobre 2006 sur les prélèvements obligatoires et leur évolution (56), de le faire via les cotisations salariales, soit au moyen d'une franchise uniforme à la base, soit par l'institution d'un barème progressif. Votre Rapporteur désapprouve totalement ces orientations, car les cotisations salariales (pour les retraites et l'assurance chômage) reposent sur une logique contributive ; il est hors de question de remettre en cause la notion de salaire différé qui les sous-tend. La piste de la CSG a déjà été explorée en 2000. La ristourne dégressive proposée à l'époque était un système alternatif à la création d'un abattement à la base pour les seuls revenus d'activité, qui eût été trop coûteux et insuffisamment ciblé sur les revenus modestes. Cette piste est de toute façon fermée car, la CSG étant un impôt proportionnel, toute différence de traitement entre redevables sans prise en compte de leurs facultés contributives créerait une rupture d'égalité vouée à la censure du juge constitutionnel. Les cotisations patronales sont certes progressives en fonction du salaire jusqu'à 1,6 SMIC, mais elles ne posent pas un tel problème constitutionnel car il ne s'agit pas d'impositions de toutes natures. Pour tenter de contourner ce problème, le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie a étudié la possibilité de rendre progressive la CSG sur les revenus d'activité, au moyen d'un barème à trois taux (0 %, 5,8 % et 7,5 % par exemple) appliqués compte tenu du dernier revenu fiscal de référence connu calculé par part, donc en tenant compte des capacités contributives. Ce système, dont la présentation et la simulation figurent en annexe au présent rapport, aurait un coût budgétaire exorbitant (plus de 7 milliards d'euros) pour permettre à 7,1 millions de foyers de ne plus payer de CSG. Il aggraverait encore la complexité du système fiscal, il n'intègre pas la PPE et il serait calculé par rapport à une situation ancienne, donc avec une trop faible réactivité par rapport à la reprise d'activité. Votre Rapporteur estime préférable de recycler la PPE au sein d'un système fiscal simplifié par la fusion entre IR et CSG. Un véritable impôt négatif pourrait alors être mis en place, puisque le prélèvement sur le revenu aura été unifié. Globalement, fusionner IR, PPE, CSG et CRDS aboutit à prélever un montant très faible au niveau du SMIC. L'effet de la PPE ou d'un dispositif équivalent devient immédiat. Alors qu'actuellement les salariés payent la CSG tout de suite et bénéficient de la PPE plus tard, avec la fusion, lorsqu'une personne reprendrait un emploi à temps plein au niveau du SMIC, elle ne serait (quasiment) plus prélevée tout de suite. De nombreux salariés à temps partiel bénéficieraient d'une allocation correspondant à l'impôt négatif car, comme ils reçoivent plus de PPE qu'ils ne payent de CSG, leur taux d'imposition effectif est déjà négatif. À la demande de votre Rapporteur, l'OFCE a simulé un tel scénario qui simplifie profondément le système fiscal (variantes B3 et C4 dans l'annexe au présent rapport). Il s'agit d'intégrer la CSG dans le barème de l'IR (familialisé ou individualisé) avec suppression de la PPE et de la décote. Ceci permet un traitement uniforme (et donc conforme au principe d'égalité) des retraités et des chômeurs d'une part, des actifs d'autre part, au lieu que les uns bénéficient d'exonérations de CSG et les autres de la PPE. Le barème du nouvel impôt fusionné a été fixé afin de limiter les transferts de charge au bas de l'échelle des revenus tout en rendant le système plus redistributif. Il est ainsi prévu une première tranche de l'impôt IR-CSG fusionné à un taux de 0 % jusqu'à 9.000 euros. Celle-ci bénéficierait aussi aux chômeurs et aux retraités, ce que ne permet pas d'atteindre la PPE : l'équité et la justice fiscale seraient totalement établies. Cette réforme aurait pour effet de rendre l'impôt nettement plus progressif : pour toutes les catégories de ménages, les déciles 2 à 6 seraient gagnants tandis que les déciles 9 et 10 seraient perdants. En tout état de cause, ces questions doivent venir en débat à partir d'hypothèses affinées, et donc de simulations précisées. C.- MIEUX GÉRER L'ENSEMBLE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES L'existence de deux impositions séparées sur le revenu n'a pas seulement des conséquences sur le niveau de prélèvement individuel et la justice fiscale, elle pose aussi problème au niveau macroéconomique, en ce qui concerne le pilotage global des prélèvements obligatoires. Pas plus les citoyens que leurs représentants au Parlement n'ont les moyens aujourd'hui d'avoir une vision cohérente de la fiscalité personnelle sur les ménages et de ses effets redistributifs cumulés. Un meilleur pilotage de l'IR et de la CSG est donc souhaitable. Là encore, au-delà d'améliorations possibles de chacun de ces instruments, leur fusion permettrait de réunifier les finances publiques, dans le sens de l'intérêt général et de la transparence. 1.- Une politique fiscale unifiée dans le cadre d'un système de prélèvement plus cohérent Les citoyens ne savent pas combien ils payent pour la collectivité au titre de leurs revenus. D'un côté, ils se déclarent parfois « matraqués » du fait d'un taux marginal supérieur souvent confondu avec le taux réel, voire fantasmé. De l'autre côté, ils oublient souvent la CSG et la CRDS, directement prélevées sur leur bulletin de salaire. Cette perception floue se double d'une insuffisante prise en compte des interactions entre IR et CSG lors des débats fiscaux au Parlement. Des réformes doivent donc être engagées pour rendre le prélèvement citoyen à la fois plus transparent et plus cohérent. Votre Rapporteur estime indispensable de mettre fin au point de focalisation trompeur que constitue le taux marginal supérieur de l'IR. Celui-ci a été progressivement réduit, notamment avec l'intégration de l'abattement de 20 % dans le barème par la loi de finances initiale pour 2006, et il n'est plus aujourd'hui que de 40 %. Mais, dans l'esprit de certains contribuables, il peut être confondu avec un taux réel d'imposition, ressenti alors comme beaucoup trop lourd et confiscatoire. Il peut même être alors comparé au taux du bouclier fiscal, égal à 60 % des revenus, et on peut entendre dire que, puisque l'IR aboutit déjà à prélever 40 % des revenus, il faut renforcer le bouclier fiscal et abaisser son taux. Cette vision est totalement fausse. Le taux moyen d'imposition sur le revenu au titre de l'IR est aujourd'hui de 8 %. Ainsi, un foyer peut se voir appliqué un taux marginal de 30 % et subir une pression fiscale réelle de seulement 6 % de son revenu. Il faut en effet atteindre des niveaux de revenus relativement élevés pour être soumis à des taux réels d'imposition supérieurs à 10 % : pour deux parts de quotient familial - c'est-à-dire un couple sans enfant -, le taux réel est de 15 % pour un revenu de 90.000 euros, de 25 % pour un revenu de 190.000 euros, et il ne dépasse 35 % que pour des revenus supérieurs à 600.000 euros. Pour trois parts (un couple avec deux enfants), le taux réel est de 12 % à 100.000 euros et de 30 % à 390.000 euros (de revenu net fiscal). C'est pourquoi le barème exprimé en taux marginaux donne une représentation trompeuse des taux réels effectivement appliqués. Au-delà même de la différence entre taux marginal et taux réel, les taux apparents sont eux aussi déformés par les règles de détermination du revenu imposable qui prévoient nombre d'abattements et de réductions par l'intermédiaire des multiples niches existantes. Avec une assiette aussi réduite, les taux affichés doivent par construction demeurer significatifs pour procurer un niveau donné de recettes. Pour que les Français aient une vision claire de leur taux d'imposition réel, votre Rapporteur préconise l'étude de l'instauration d'un nouveau barème, plus juste et plus lisible, fondé sur le taux réel d'imposition et non sur les taux marginaux. Cette réforme permettrait à chaque contribuable de comprendre de quelle manière est calculé son impôt. Aujourd'hui, chacun doit en effet attendre son avis d'imposition (ou recourir à la calculette mise en ligne par le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie) pour connaître, a posteriori, son taux réel d'imposition. Encore le taux moyen affiché sur l'avis n'est-il pas véritablement un taux réel par rapport aux revenus perçus, puisqu'il est calculé par rapport aux revenus défalqués de la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels. Un tel barème en taux réels a déjà été mis en œuvre en France, en application de la loi du 31 décembre 1936 portant réforme fiscale, et ce jusqu'à l'institution du quotient familial en 1946. À la demande de votre Rapporteur, le Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP) a confié à M. Thomas Piketty la réalisation d'une étude pour le compte de votre commission des Finances, reproduite en annexe au présent rapport, qui propose de passer à un barème de l'IR exprimé en taux moyen. Le barème fixé par la loi de finances pour 2006 (non actualisé de la loi de finances pour 2007) pourrait s'exprimer de la façon suivante, pour deux parts de quotient familial : Barème de l'IR sur les revenus 2006 exprimé en taux réels (pour 2 parts) « L'impôt est calculé en appliquant à la totalité du revenu les taux réels suivants : « - 0 % pour 15.000 euros à 15 % pour 90.000 euros (incrément de 0,2 % pour 1.000 euros) ; « - 15 % pour 90.000 euros à 25 % pour 190.000 euros (incrément de 0,1 % pour 1.000 euros) ; « - 25 % pour 19.000 euros à 40 % pour 490.000 euros (incrément de 0,05 % pour 1.000 euros) ; « - 40 % pour 490.000 euros et au-delà. » Ce barème permet de calculer instantanément le taux réel directement applicable au revenu imposable. Ce taux réel est ainsi de 0 % pour un revenu de 15.000 euros, de 15 % pour un revenu de 90.000 euros, et augmente de 0,2 % tous les 1.000 euros entre ces deux seuils, soit par exemple un taux réel de 0,2 % pour un revenu de 16.000 euros, 0,4 % pour un revenu de 17.000 euros,..., 10 % pour un revenu de 65.000 euros. Au-delà de 490.000 euros, le taux réel est fixe et égal à 40 %. Il est donc très facile de connaître son propre taux d'imposition. Les seuils et taux de ce barème expérimental et illustratif ont été déterminés de façon à aboutir à la présentation la plus simple possible, tout en entraînant des écarts minimes avec les taux réels applicables dans le cadre du barème actuel, tout du moins pour les revenus inférieurs à 300.000 euros. Il est bien évident que ces seuils et taux devraient être ajustés et précisés. En particulier, les hauts revenus voient leurs taux d'imposition augmenter significativement en raison du choix fait par la simulation de se limiter, dans un souci de simplicité, à quatre tranches. Si cette conséquence n'était pas souhaitée, il conviendrait de rajouter une cinquième tranche au barème pour pallier cet effet, ce qui ne pose aucun problème technique. Toujours à des fins de simplification, ce barème en taux réels intègre le système de la décote et la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels (ou l'abattement spécifique de 10 % pour les pensions). Il s'applique donc aux revenus bruts. L'objectif est de faciliter le calcul de l'impôt et d'afficher le taux correspondant exactement au montant de l'impôt dû. Ce système rend néanmoins très difficile la déduction des frais réels par les salariés. Un rapprochement avec l'assiette de la CSG, qui n'autorise qu'une déduction forfaitaire (de 3 %) pour les salariés, permettrait de remédier à cette difficulté. Comment ce barème s'articule-t-il avec le mécanisme du quotient familial ? Pour pouvoir intégrer les différents seuils actuellement applicables pour le plafonnement des effets du quotient, il devrait être présenté pour chaque déclinaison possible du quotient : 1 part ; 1,5 part selon que l'on est célibataire/divorcé avec un enfant à charge ou invalide/veuve de guerre/ancien combattant ; 2 parts selon que l'on vit en couple sans enfant ou célibataire/divorcé avec deux enfants à charge ; 2,5 parts selon que l'on vit en couple avec un enfant à charge ou l'on vit en couple avec un invalide/ancien combattant ; 3 parts selon que l'on vit en couple avec deux enfants à charge ou célibataire/divorcé avec trois enfants à charge ou marié avec un invalide/ancien combattant et un enfant à charge ; etc. La loi de finances comporterait une succession d'une vingtaine de barèmes différents selon la situation familiale. L'effet de simplification de ce système ne jouerait donc à plein que s'il était couplé avec un autre mode de prise en compte des charges de famille que le quotient familial. D'ailleurs, lorsque ce modèle de barème s'était appliqué, avant l'institution du quotient, la législation fiscale prévoyait un système d'abattement d'assiette en fonction du nombre d'enfants et du revenu, ainsi que des majorations d'imposition en l'absence de charges de famille. Malgré ces limites, l'exercice montre qu'il est possible de passer d'un barème exprimé en taux marginal à un barème exprimé en taux réels en minimisant les variations d'impôt sur le revenu. Les ménages auraient alors une meilleure vision du taux effectif d'imposition auquel ils sont soumis. Une telle approche serait par ailleurs très favorable à la France en termes de compétitivité fiscale au niveau international. À l'inverse, il est difficile dans un tel système de déterminer son taux marginal d'imposition, qui est théoriquement considéré par les économistes comme un élément déterminant de l'offre de travail. Mais cela permettrait justement de dépassionner le débat sur la fiscalité considérée comme désincitatrice au travail. En tout état de cause, ce dispositif intègre implicitement un taux marginal plafond par construction, puisque, aussi élevé que soit le niveau de revenu, son taux effectif ne dépasse pas 40 % (dans la variante présentée). Surtout, la mise en place d'un tel barème permettrait de faire œuvre de pédagogie à l'égard des contribuables, en renforçant le consentement à l'impôt par la connaissance immédiate du taux d'imposition effectif. Elle serait encore plus utile dans le cadre d'une fusion de l'IR et de la CSG, où le nouveau barème résultant de cette fusion refléterait l'intégralité du prélèvement pesant sur les revenus des ménages. Depuis 1990 et la création de la CSG, l'architecture de l'imposition des revenus a été profondément modifiée. Cette réforme semble cependant avoir introduit une confusion dans l'esprit des contribuables : la CSG reste en effet un impôt peu connu et l'IR continue de constituer, pour les personnes qui le paient, une grille de lecture déformante de toute la fiscalité personnelle. Globalement, les Français ont une impression générale d'opacité et de complexité du système fiscal, ce qui doit inviter le législateur à simplifier l'impôt. Cette opacité existe aussi pour les pouvoirs publics, dans le cadre de l'élaboration de la législation fiscale. L'existence de deux prélèvements distincts, l'un relevant de l'État et l'autre de la sphère sociale, empêche le Gouvernement et le Parlement d'avoir une vision synthétique des prélèvements obligatoires. De fait, il existe une séparation nette au sein de l'administration lorsqu'il s'agit de préparer les mesures fiscales. Si les services fiscaux du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie - en particulier la direction de la législation fiscale - ont toujours le monopole de l'élaboration des règles applicables pour l'IR, un partage des rôles intervient pour les contributions sociales (CSG et CRDS). Ces impositions frappent les revenus d'activité et de remplacement selon des règles d'assiette, de calcul, de recouvrement et de contentieux calquées sur celles applicables aux cotisations de sécurité sociale ; pour cette partie, elles relèvent donc exclusivement de la direction de la sécurité sociale au sein du ministère de la Santé et des solidarités. En revanche, les contributions sociales afférentes aux revenus du capital (patrimoine et placement) et aux jeux sont recouvrées par l'administration des finances ; la législation qui leur est applicable relève donc historiquement de la direction de la législation fiscale, même si la direction de la sécurité sociale entend prendre en charge à titre principal les règles d'assiette correspondantes, compte tenu des enjeux liés au développement des recettes fiscales affectées à la sécurité sociale. Naturellement, une coordination est effectuée entre les deux ministères concernés pour s'assurer qu'il existe une cohérence sur les évolutions respectives des assiettes de l'IR et de la CSG et pour élaborer des mesures concernant les deux prélèvements. Mais cette coordination, outre qu'elle est souvent contrariée par des rivalités assez traditionnelles entre « les finances » et « les sociaux », ne permet pas un réel pilotage de l'ensemble des prélèvements obligatoires directs pesant sur les ménages. La fixation des règles correspondantes par deux projets de loi distincts depuis 1996, le projet de loi de finances d'une part et le projet de loi de financement de la sécurité sociale d'autre part, manifeste et renforce cette séparation. Par conséquent, pour le Parlement aussi, il est difficile d'avoir une vision globale des prélèvements obligatoires et d'adopter des dispositions cohérentes, concernant deux impôts bien distincts et pourtant très liés, dans deux textes séparés, renvoyés pour leur examen à deux commissions permanentes différentes. Quoique la CSG ait été créée par une loi de finances, les dispositions la concernant ont aujourd'hui plutôt vocation à figurer en loi de financement de la sécurité sociale, même s'il n'est pas rare d'en trouver encore en loi de finances. Des amendements fiscaux affectant la CSG sont encore présentés et adoptés en loi de finances, sans coordination avec la loi de financement de la sécurité sociale. Du fait de l'imbrication entre IR et CSG, toute réforme de l'un a une conséquence financière sur l'autre. Or, il n'est pas assez tenu compte de ces aspects lorsqu'une réforme est débattue au Parlement. On peut citer l'exemple de la suppression par la loi de finances pour 2004 de l'avoir fiscal pour le calcul de l'IR. Il s'agissait d'un crédit d'impôt, créé en 1965, qui avait pour objectif d'atténuer la double imposition économique liée à l'application successive de l'IS au niveau de la société distributrice, puis de l'IR au niveau de l'actionnaire. L'avoir fiscal, égal à la moitié des dividendes versés, était déclaré en même temps que les dividendes pour le calcul du revenu imposable soumis au barème, puis déduit de l'impôt dû (avec restitution en cas de surplus). Sa suppression pour les revenus distribués perçus par les personnes physiques à compter du 1er janvier 2005 s'est accompagnée de la mise en place d'un nouveau dispositif d'imposition, à savoir une réfaction de 50 % sur les dividendes perçus et un crédit d'impôt plafonné suivant la situation de famille, calculé sur le montant total des revenus distribués imposables et des revenus perçus en franchise d'impôt dans un PEA. En raison de la suppression de l'avoir fiscal, l'assiette de tous les prélèvements sociaux sur les revenus du capital (CSG, CRDS, prélèvement social de 2 %, contribution de solidarité pour l'autonomie), qui était constituée des dividendes perçus en incluant l'avoir fiscal, a été réduite mécaniquement d'un tiers. En 2005, la réforme n'a pas eu d'incidence sur les prélèvements sociaux recouvrés en même temps que l'IR, puisque les dividendes concernaient les revenus perçus en 2004. L'impact indirect de cette réforme s'est donc manifesté à partir de 2006, puisque ces dispositions nouvelles concernent les dividendes perçus en 2005, concourant à la détermination du revenu imposable en 2005 et soumis à l'IR et aux prélèvements sociaux en 2006. Le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie évalue à 645 millions d'euros, dont 480 millions pour la CSG, la perte des prélèvements sociaux induite et non anticipée lors du vote de la réforme. En sens inverse, la modification, par la loi de finances pour 2006, du barème de l'IR doit entraîner à compter de 2007 un gain pour la sécurité sociale de l'ordre de 500 millions d'euros s'agissant de l'assiette des revenus fonciers. En effet, la suppression de l'abattement de 14 % pour frais sur les revenus fonciers au titre de l'IR, en cohérence avec l'intégration dans le barème de l'IR de l'abattement général de 20 %, conduit mécaniquement à augmenter le rendement des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. La CSG étant assise sur les revenus nets de frais, la suppression de l'abattement de 14 % augmente le revenu imposable et élargit donc son assiette. Pour le contribuable, cette hausse de la CSG est compensée par la baisse des taux de l'IR et la suppression de la contribution sur les revenus locatifs (CRL). Là encore, le Parlement ne pouvait que difficilement apprécier les effets globaux de cette réforme sur l'imposition des ménages. De même, toute mesure augmentant le rendement de la CSG a un impact à la baisse sur l'assiette et le produit de l'IR, en raison de la déductibilité partielle de la CSG. Ainsi, le relèvement des taux déductibles de la CSG sur les revenus de remplacement et l'élargissement de l'assiette de la CSG sur les revenus d'activité résultant de la diminution du taux de la déduction forfaitaire pour frais professionnels, tous deux réalisés par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, ont eu un impact à la baisse sur l'IR et un coût budgétaire de l'ordre de 200 millions d'euros, compte tenu des taux marginaux habituellement constatés. Dernier exemple en date, dans la loi de finances initiale pour 2007, l'augmentation de 15.000 euros à 20.000 euros du seuil d'assujettissement à l'IR des plus-values de cessions d'actions a été adoptée sans qu'il soit tenu compte de ses conséquences sur les prélèvements sociaux, qui sont affectés tout autant. Il apparaît donc indispensable de clarifier le débat fiscal. Cela peut se faire de deux manières. Institutionnellement, il conviendrait de rapprocher le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour avoir une vision consolidée des prélèvements. Mais cette réponse nécessaire ne saurait suffire aux yeux des citoyens, pour lesquels la solution la plus visible et tangible serait une fusion des deux prélèvements. Instaurer un véritable impôt citoyen apparaît comme un moyen de redonner du sens à l'impôt et de renforcer le consentement fiscal. 2.- Un pilotage global des finances publiques par une affectation claire du produit prélevé Un véritable impôt citoyen unifié, résultant de la fusion de l'IR et de la CSG, ne pourrait être mis en œuvre qu'à condition pour les pouvoirs publics d'accorder des garanties réelles pour les recettes de la sécurité sociale. En effet, le pilotage global des finances publiques et de la fiscalité directe sur les ménages qu'il permettrait nécessite un rapprochement entre les supports législatifs des deux impôts séparés actuels, à savoir le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Une telle réforme est, plus globalement, souhaitable pour conforter l'application de la LOLF à l'ensemble de la sphère publique. Ce rapprochement implique également de garantir à la sécurité sociale les recettes nécessaires pour soutenir la croissance nécessaire et inéluctable des dépenses sociales, compte tenu du vieillissement de la population et des besoins encore à satisfaire en la matière. a) Rapprocher le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale De nombreux éléments ont déjà été mis en œuvre pour tenter d'améliorer l'articulation entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le fascicule budgétaire jaune établissant un bilan des relations financières entre l'État et la protection sociale a été totalement refondu en 2000. L'article 52 de la LOLF prévoit, depuis 2002, la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport commun aux deux textes retraçant l'ensemble des prélèvements obligatoires ainsi que leur évolution. Des annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale concernent, depuis 2005, les compensations des exonérations de cotisations et contributions sociales ainsi que les modifications des périmètres respectifs d'intervention de l'État et de la sécurité sociale. Pour autant, la cohérence entre lois de finances et lois de financement reste très imparfaite. Cela résulte notamment d'une transposition trop partielle de la LOLF aux finances sociales par la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Si l'on retrouve dans les deux lois financières le principe de la mise en œuvre d'une démarche de performance, au travers des projets annuels de performances (PAP) pour l'État et des programmes de qualité et d'efficience (PQE) pour la sécurité sociale, beaucoup de progrès restent encore à réaliser pour concrétiser une telle démarche dans la sphère sociale. Cela nécessiterait en particulier un renforcement de la responsabilité des gestionnaires et du contrôle parlementaire, qui sont en grande partie absents de la LOLFSS. La phase des arbitrages interministériels préparatoires ne permet pas non plus des choix clairs. En particulier, les lettres plafonds qui fixent l'enveloppe globale des crédits de compensation par l'État des exonérations de cotisations, ainsi que ceux destinés à financer les prestations sociales servies par la sécurité sociale pour le compte de l'État, sont arrêtées de manière trop précoce, alors que les hypothèses économiques (par exemple l'évolution de la masse salariale) sont fixées très tardivement pour tenir compte des dernières informations économiques disponibles. De même, pendant la phase d'examen parlementaire, de nombreuses coordinations doivent être réalisées entre les deux textes, mais elles ne peuvent pas toujours l'être, compte tenu des contraintes du calendrier et du caractère très imbriqué et complexe des relations entre les finances de l'État et les finances sociales, ce qui renforce encore le caractère éclaté du débat fiscal. Cette insuffisante coordination fait peser un risque certain d'insincérité des lois de finances et des lois de financement. Les compensations versées par l'État à la sécurité sociale, qui sont retracées en dépenses dans la loi de finances et comptabilisées en recettes dans la loi de financement, ne correspondent pas toujours. Votre Rapporteur doit notamment déplorer l'accroissement des dettes de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale, qui ont atteint 6 milliards d'euros fin 2006, en raison d'une insuffisance des crédits ouverts par les lois de finances - de l'ordre de 500 millions d'euros par an en moyenne dans le seul champ du régime général depuis 2002, et d'1 milliard d'euros pour les années 2006 et 2007. Les prévisions de recettes peuvent aussi être faussées en raison des imbrications évoquées précédemment entre IR et CSG. Globalement donc, le pilotage cohérent des finances publiques reste à organiser. Dans le rapport d'octobre 2006 sur la mise en œuvre de la LOLF qu'il a préparé, à la demande du Gouvernement, avec M. Alain Lambert, votre Rapporteur a préconisé un rapprochement entre ces deux textes financiers afin de renforcer le pilotage pluriannuel des finances publiques. En effet, LOLF et LOLFSS ayant été bâties selon des principes convergents, la perspective de fusionner le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale en un seul texte financier donnerait toute sa cohérence au pilotage global des finances publiques. Cette réforme serait encore plus légitime en cas de fusion entre l'IR et la CSG. Il va de soi qu'un tel rapprochement n'a pas pour but de remettre en cause la participation des partenaires sociaux à la gestion des organismes de sécurité sociale. Il s'agit uniquement de renforcer la cohérence de la politique budgétaire et financière de la France, ainsi que la clarté du débat public au Parlement sur ces sujets. Un travail est actuellement mené par les inspections générales des finances et des affaires sociales sur ce rapprochement, dans le cadre du conseil d'orientation des finances publiques auquel votre Rapporteur participe. La Cour des comptes a aussi été amenée à conduire une réflexion sur ce sujet. Dans cette perspective, quelques pistes d'amélioration sont envisageables s'agissant de la préparation conjointe des lois financières. Un cadrage global des finances publiques en début d'année par le Premier ministre pourrait se concrétiser par une lettre de cadrage et d'orientation sur l'ensemble du champ des finances publiques, et pas seulement pour les dépenses de l'État. Une conférence budgétaire État-sécurité sociale pourrait être instituée pour rendre des arbitrages sur tous les sujets d'intérêt commun entre le budget de l'État et les finances de la sécurité sociale. Un secrétariat général des comptes publics, placé auprès du Premier ministre, pourrait se voir confier le respect de la cohérence des arbitrages financiers par rapport au programme pluriannuel transmis à la Commission européenne dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance. La saisine du Conseil d'État et l'adoption en Conseil des ministres du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale devraient aussi être simultanées. Au Parlement, une meilleure coordination des travaux des commissions concernées, ainsi qu'une discussion générale commune (comme lors du débat d'orientation budgétaire au printemps), seraient hautement souhaitables. Évidemment, toutes ces pistes d'amélioration, qui vont dans le sens d'un rapprochement, seraient confortées par une fusion entre les deux lois, au moins pour leur partie concernant les recettes. Le sujet serait tranché de facto en cas de fusion de l'IR et de la CSG. Il s'agit en tout cas du seul moyen de réunifier complètement le débat fiscal. Il y va de la sincérité des délibérations financières du Parlement et de la lisibilité pour l'opinion publique. Le rapprochement dans la perspective d'une fusion de l'IR et de la CSG, avec pour corollaire le rapprochement dans la perspective d'une fusion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ne serait possible qu'à la condition expresse de garantir réellement les ressources de la sécurité sociale. La conviction de votre Rapporteur en la matière a été encore renforcée par ses auditions, notamment au regard de l'éventuelle acceptabilité d'une telle réforme par les partenaires sociaux. La crainte exprimée porte en effet davantage sur le risque de pertes de recettes que sur l'existence même d'un prélèvement unique. Dès lors que la CSG est d'ores et déjà un impôt distinct des cotisations sociales contributives, la fusion n'aurait aucun impact particulier sur le mode de gestion de la sécurité sociale par les partenaires sociaux tel qu'il est actuellement organisé. La CSG représente aujourd'hui 21 % des ressources du régime général. Cette affectation est pourtant très mal connue par les citoyens : quand le contribuable connaît à peine le montant qu'il paie au titre de la CSG, il sait encore moins quelle part de ce montant est affectée respectivement à la branche maladie, à la branche famille, au Fonds de solidarité vieillesse et à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. CLEF D'AFFECTATION DE LA CSG EN 2007
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale, rapport de septembre 2006. Il n'en est pas de même pour les acteurs institutionnels. En effet, la CSG est intimement associée, dans l'esprit des partenaires sociaux, aux droits individuels et collectifs qu'elle permet de financer. Ce souci de responsabilisation est partagé par les pouvoirs publics. Il y a donc une forte incitation, pour tous ceux qui participent à la prise de décision en matière fiscale, à ne pas tenter de diminuer les recettes qui financent les dépenses sociales. Il y a consensus sur la volonté de maintenir un système qui est au cœur du pacte républicain, et donc sur les moyens associés. Accorder une garantie de recettes pérennes à la sécurité sociale constitue également une obligation constitutionnelle. En effet, toute réforme de la CSG ne saurait aboutir à priver de garanties légales l'exigence de caractère constitutionnel qui s'attache à la préservation de l'équilibre financier de la sécurité sociale, depuis que celui-ci a été inscrit dans la Constitution lors de la création des lois de financement de la sécurité sociale en 1996. Il est donc indispensable qu'en cas de fusion entre l'IR et la CSG, le montant des recettes attribué à la sécurité sociale ne diminue pas. Cela suppose évidemment au préalable un rapprochement de l'assiette de l'IR de l'assiette de la CSG, avec la mise en œuvre d'un cantonnement effectif des niches fiscales. Mais il faut ensuite définir une répartition du produit de l'impôt citoyen perçu sur tous les ménages entre l'État et la sphère sociale qui ne lèse ni l'un, ni l'autre. Une première technique de partage consisterait à fixer chaque année en loi de finances (ou dans la partie recettes fusionnée de la loi de finances et de la loi de financement) une clef de répartition du produit perçu au titre de l'impôt fusionné entre le budget de l'État et les organismes de sécurité sociale. Une telle solution existe par exemple en Espagne, où le tiers du produit de l'impôt sur le revenu liquidé est affecté aux communautés autonomes pour le financement des dépenses de santé. Le recours à la technique du prélèvement sur recettes, qui a déjà été évoqué lors de la discussion de la LOLFSS en 2005 pour financer les exonérations de cotisations patronales (lesquelles représentent plus de 20 milliards d'euros), nécessiterait une modification de la LOLF mais ne soulève aucune difficulté juridique. Ce mécanisme ne pose pas non plus de difficulté de gestion, comme on le voit aujourd'hui avec l'Union européenne ou les collectivités territoriales. Bien au contraire, il faciliterait grandement la coordination entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, même sans fusion entre ces deux instruments. Il faudrait que, dans le cadre d'une conférence avec les partenaires sociaux, l'État s'engage à garantir la progression des recettes destinées à la sécurité sociale compte tenu de l'évolution des besoins de la population, comme il le fait avec le contrat de croissance et de solidarité vis-à-vis des collectivités territoriales. Enfin, on peut évoquer le scénario d'une affectation intégrale à la sécurité sociale du nouvel impôt fusionné. Ce système a le mérite de la clarté et va dans le sens de la responsabilisation de tous les acteurs. En contrepartie, il faudrait réaffecter au budget de l'État des recettes fiscales de la sécurité sociale (notamment le panier de dix recettes fiscales attribué à titre de compensation des exonérations de cotisations patronales) et transférer du budget de l'État vers la sécurité sociale le financement de certaines dépenses sociales (API, AAH, CMU, AME,...). Un tel partage doit en effet être équilibré. Il peut être la source d'une réelle simplification, mais il suppose la mise en place d'une nouvelle gouvernance de la sphère sociale. En tout état de cause, les relations financières entre l'État et la sécurité sociale seraient profondément modifiées dans l'optique d'une fusion. Ce résultat ne pourrait être obtenu qu'après une concertation entre l'ensemble des partenaires et acteurs. Il faudrait donc profiter de cette concertation et d'une telle réforme pour donner à la France les moyens institutionnels et financiers de préserver et conforter son modèle social de solidarité pour les générations futures. Un véritable impôt citoyen, juste et efficace, serait un gage solide pour réussir dans cette voie d'avenir. Au terme de cette étude, votre Rapporteur a la conviction que la réforme permettant de corriger les carences de notre système fiscal doit être mise en œuvre sans plus attendre. Il souhaite formuler deux séries de recommandations pour parvenir à l'objectif d'une imposition sur le revenu plus juste et plus efficace. ● La première a trait à la mise en œuvre du prélèvement à la source. Celle-ci est possible et souhaitable à brève échéance. La modernisation du mode de prélèvement de l'IR aurait l'avantage de supprimer le décalage d'un an qui existe aujourd'hui entre perception du revenu et paiement de l'impôt. Elle serait en phase avec ce qui existe depuis longtemps dans les pays voisins. Sa mise en œuvre concrète suppose de répondre à trois problèmes essentiels : - le respect strict de la confidentialité vis-à-vis de l'employeur, assuré à la fois par l'impossibilité de tirer d'un taux synthétique d'imposition notifié par le salarié des informations précises sur sa vie privée, et par une disposition législative sanctionnant sévèrement tout manquement au secret fiscal ; - la gestion de l'année de transition, de façon à éviter des comportements excessifs d'optimisation fiscale sans priver les contribuables des avantages dont ils auraient bénéficié au cours de l'année « effacée » (mariage, évolution de la situation familiale,...) ; - l'égalité de traitement entre revenus salariaux et non-salariaux, ces derniers étant taxés selon un système « acompte-solde » proche du système actuel de l'impôt sur les sociétés. En toute hypothèse, le gain tiré par l'État de l'anticipation d'une année d'imposition devra être rendu aux contribuables pour faciliter la transition d'un système à l'autre. Cette réforme suppose également un effort de pédagogie à destination des contribuables. Elle devra donc s'étaler sur un horizon de 24 à 36 mois, ce qui permettrait d'envisager son entrée en vigueur au 1er janvier 2010. ● La seconde série de recommandations concerne le projet d'un rapprochement entre l'IR et la CSG pour les fusionner à terme au sein d'un impôt citoyen. Chacun voit bien aujourd'hui à quel point le prélèvement direct sur les ménages est complexe, injuste et inefficace. Le constat essentiel en la matière est que, pour 90 % des contribuables, le principal impôt direct sur les revenus est la CSG, et il s'agit du seul impôt direct sur le revenu pour la moitié d'entre eux. Or cet impôt est un prélèvement strictement proportionnel, qui ne tient pas compte des charges de famille. Paradoxalement, le débat fiscal se focalise pourtant sur l'IR alors que son poids tend à se réduire sous l'effet de la baisse générale des taux, de la réduction du nombre de tranches et de la prolifération des niches fiscales. Le seul instrument progressif au sein de notre système fiscal perd ainsi peu à peu tout son poids. C'est une situation qui n'est pas acceptable quand on sait que l'ensemble des prélèvements sur les ménages est au mieux proportionnel aux revenus. Le rapprochement entre l'IR et la CSG, qui est un projet de moyen-long terme, doit ainsi servir de guide à un ensemble cohérent de réformes dont l'objet essentiel est de rendre l'imposition globale des ménages plus progressive, plus lisible, plus juste et plus efficace. Il s'agit de dégager les contours d'un impôt nouveau, l'impôt citoyen, en retenant « le meilleur au sein de chacun des impôts existants ». Au-delà du prélèvement à la source, une première étape de rapprochement, réalisable sur la durée de la prochaine législature, pourrait comporter d'une part l'harmonisation progressive des assiettes par la remise en cause des niches fiscales, fondée sur une démarche d'évaluation, et leur plafonnement, éventuellement par la mise en place d'un minimum d'imposition. D'autre part, des améliorations dans la gouvernance des finances publiques pourraient résulter de la fusion des volets « recettes » du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et de la mise en place d'une discussion générale commune à ces deux textes. Ainsi seraient mieux pris en compte les effets croisés des décisions fiscales portant sur l'une ou l'autre des impositions sur les ménages, et leur effet global en termes de pression fiscale. Ces réformes nécessitent au préalable d'assurer à la sécurité sociale les ressources indispensables à la préservation d'un haut niveau de protection sociale, à travers des recettes garanties et pérennes. À plus long terme, et dans le cadre d'une concertation élargie, trois chantiers devraient s'ouvrir pour assurer la convergence des deux impositions : - le premier a trait au statut de la PPE, qui pourrait voir son double objectif de revalorisation du pouvoir d'achat et d'incitation au retour à l'emploi traduit sous la forme de deux outils distincts : un véritable impôt négatif venant s'imputer sur l'impôt citoyen, d'une part, et une incitation fiscale ou sociale à la reprise d'un emploi, d'autre part ; - le deuxième se rapporte à la modification de l'articulation actuelle entre IR et CSG, la CSG étant partiellement déductible de l'assiette de l'IR ; - le troisième concerne la nécessaire prise en compte des charges de famille dans l'imposition des revenus. Quelle que soit la modalité retenue, l'objectif doit être d'assurer le maintien du niveau d'effort public en direction des familles, tout en assurant que tous les foyers bénéficient de cet effort. L'évolution du quotient familial pour qu'il s'adresse à l'ensemble des ménages et non pas aux seuls imposables, ou la mise en place d'un crédit d'impôt pour charges de famille constituent des pistes qu'il conviendrait d'explorer compte tenu des différences importantes entre leurs effets redistributifs. Ces propositions de réforme sont l'illustration que la stabilisation des prélèvements obligatoires n'est en aucun cas synonyme d'immobilisme fiscal. * * * Votre commission des Finances a examiné le présent rapport d'information au cours de sa séance du mardi 13 mars 2007. Le Président Pierre Méhaignerie a souligné la participation à ce travail d'un magistrat de la Cour des comptes, désigné par le premier président, en application des dispositions du 1° de l'article 58 de la LOLF. Votre Rapporteur, après avoir remercié la Commission d'avoir constitué cette mission d'information en application de l'article 57 de la LOLF, s'est félicité de cette première application de l'article 58, s'agissant de l'assistance de la Cour des comptes. L'actualité du débat fiscal n'aura échappé à personne. Le « contrat fiscal », codicille du contrat social, doit périodiquement être approuvé. Il puise à quatre sources : l'histoire des prélèvements obligatoires, lente sédimentation ayant abouti à une architecture complexe, la dimension économique des prélèvements, leur incidence psychologique et le contexte européen et international. De larges consultations, un déplacement à l'URSSAF de Lyon ainsi qu'à Madrid pour observer un système fiscal comparable au nôtre et récemment réformé, auront permis de constater combien la France est aujourd'hui isolée, en ce qu'elle ne dispose pas d'un impôt sur le revenu prélevé à la source. Cela ne saurait suffire à justifier une réforme ; au demeurant, notre pays a, au cours de son histoire fiscale, connu cette modalité de recouvrement, apparue en Prusse en 1811. Ayant été l'un des derniers pays développés à créer un impôt sur le revenu, la France pourrait bien être le dernier à basculer définitivement vers son prélèvement à la source. Dans un premier temps, le rapport s'attache à étayer la thèse de la complexité excessive et de l'injustice du système actuel de l'imposition des revenus des Français, par une analyse critique du niveau des prélèvements obligatoires et de ses effets en termes de redistribution. Ce diagnostic débouche sur l'examen des réformes à explorer : outre le prélèvement à la source, la création d'un impôt citoyen qui pourrait résulter de rapprochements ou d'une fusion entre IR et contribution sociale généralisée (CSG). La Cour des comptes, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ainsi que M. Thomas Piketty, et son équipe du Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP), doivent être remerciés pour leur contribution aux travaux de la mission. Bien que l'analyse de la structure des prélèvements obligatoires en France ne soit pas nécessairement consensuelle, un constat peut être partagé : la stabilité globale du niveau de ces prélèvements depuis une vingtaine d'années, qu'il est par conséquent illusoire de prétendre baisser drastiquement, d'autant que l'endettement est élevé. Mais au sein de cet ensemble, des marges de redéploiement existent. Selon l'analyse comparative de l'OFCE sur la « performance » redistributive des prélèvements sur les ménages dans les principaux pays de l'OCDE, la France se classe dernière du panel si l'on prend en compte le seul impôt sur le revenu. Elle est en revanche au troisième rang des pays les plus redistributeurs si l'on prend en compte l'ensemble des prélèvements sur les ménages. La redistribution est en fait assurée par d'autres impôts, ainsi que par les prestations sociales. Le constat dressé est donc celui d'un prélèvement peu citoyen et insuffisamment progressif : les ménages supportent trop de prélèvements indirects et peu de prélèvements sur le capital : il existe trop de distorsions entre catégories de revenus et trop de niches. Alors que son poids a encore baissé depuis 2002, l'IR reste trop concentré et insuffisamment progressif pour être vraiment citoyen. En outre, notre système de prélèvements est devenu incompréhensible. Il offre peu de lisibilité pour les contribuables, du fait notamment d'une méconnaissance du montant réel de l'imposition sur les revenus. En effet, alors que l'attention se focalise sur le faux débat du taux marginal supérieur de l'IR, le vrai débat, sur les taux marginaux excessifs applicables aux bas salaires, est occulté. À l'entrée dans le barème, les taux marginaux peuvent être très importants, sans que le mécanisme de la décote ni la PPE ne suffisent à régler le problème. Par ailleurs, beaucoup d'organismes différents sont concernés par le recouvrement : les administrations fiscales de l'État (direction générale des impôts et direction générale de la comptabilité publique) et les différents réseaux de recouvrement des prélèvements sociaux. La technique du prélèvement à la source telle qu'elle existe aujourd'hui concerne les prélèvements effectués par les établissements de crédit, les contributions et cotisations sociales, le prélèvement sur les salaires de source française versés à des personnes non domiciliées fiscalement en France, l'IR sur les indemnités des élus locaux ou encore les prélèvements effectués par les notaires sur les plus-values immobilières. Il faut saluer les progrès déjà engagés pour plus d'efficacité dans le recouvrement, sous la précédente législature comme sous l'actuelle, mesurés par des progrès significatifs : 61 % de mensualisation en 2005 et 71 % de paiements dématérialisés, tous moyens confondus. Les réformes récentes ont été utiles : il s'agit du rapprochement entre DGI et DGCP pour mettre en place l'interlocuteur fiscal unique, mais aussi de la modernisation du recouvrement social avec, pour les entreprises, des déclarations et des paiements dématérialisés, pour les particuliers employeurs, le chèque emploi-service universel, et pour les travailleurs indépendants, la perspective de l'interlocuteur social unique. À partir de ces observations, votre Rapporteur a plaidé pour la mise en place du prélèvement à la source de l'IR, étant entendu que le cheminement vers un tel objectif suppose un certain nombre d'étapes impliquant des choix techniques et politiques. Pourquoi souhaiter une telle réforme ? Tout d'abord en raison d'avantages attendus pour le contribuable : une imposition adaptée automatiquement à sa situation réelle grâce à l'imposition des revenus réellement perçus, la prise en compte des changements de situation en cours d'année, au nombre de 26 millions - dont 9 millions d'ajustements à la baisse -, et un effet contracyclique mieux assuré par les stabilisateurs automatiques. Le calendrier d'imposition serait plus rationnel et les régularisations ex post moins importantes. Les mesures fiscales nouvelles votées par le Parlement seraient mieux adaptées : le prélèvement à la source autoriserait l'application quasi immédiate de mesures votées en cours d'année, tandis que les mesures fiscales rétroactives seraient vraisemblablement moins nombreuses. Il convient d'écarter une proposition parfois présentée comme une alternative au prélèvement à la source : la simple mensualisation obligatoire, éventuellement couplée à un prélèvement sur les revenus courants. En effet, il s'agit d'un mécanisme foncièrement différent, qui consiste à prélever un montant calculé sur une assiette décalée d'un an, tandis que le prélèvement à la source s'applique aux revenus courants. Par conséquent, cette mesure ne permet pas d'atteindre les objectifs recherchés. L'instauration du prélèvement à la source passe par le respect d'un certain nombre de conditions préalables et nécessite de trancher certaines questions, pour améliorer effectivement le consentement à l'impôt. Car il ne suffit pas, tant s'en faut, d'« appuyer sur un bouton » pour le mettre en œuvre. Parmi les conditions préalables, il en est de « factices » : par exemple, il est faux de prétendre que l'on ne peut conjuguer complexité fiscale et prélèvement à la source, car les États-Unis y parviennent. Au demeurant, trop de simplicité peut confiner à l'injustice. En revanche, la première des conditions préalables concerne le respect de la vie privée des contribuables. Les auditions ont montré que cette question tourmentait autant les employeurs que les salariés. Il faudra bien que l'employeur ait connaissance du taux d'IR à prélever pour chacun de ses salariés. Mais les craintes d'aujourd'hui devraient disparaître une fois la réforme en place, grâce à de solides garanties : le taux synthétique d'imposition sera suffisamment composite pour que son interprétation soit quasi impossible, il devra être communiqué par le contribuable lui-même et toute divulgation par l'employeur à un tiers, comme toute utilisation non fiscale, seront pénalement sanctionnées. Le Président de la CNIL a indiqué n'avoir aucune objection de principe, le calcul du prélèvement au moyen d'un taux synthétique étant une solution tout à fait acceptable. Les simulations contenues dans le rapport indiquent d'ailleurs qu'un tel taux ne se laisse pas aisément « déchiffrer ». Une autre condition préalable consiste à rechercher une égalité de traitement entre les différents types de revenus imposables. Pour les salaires et pensions, la solution du taux synthétique ne posera pas de problème ; en revanche, l'IR sur les revenus non salariaux des professionnels devra sans doute être prélevé selon une technique d'acomptes forfaitaires, comme aujourd'hui. Il faut, aussi, être attentif à ne pas alourdir indûment les charges des entreprises qui assumeront un rôle nouveau en intervenant dans le recouvrement de l'impôt. Cela nécessitera de leur part une individualisation du prélèvement, beaucoup plus lourd à gérer que la CSG ; cependant, les auditions ont montré que les adaptations à envisager demeurent raisonnables, le poste le plus coûteux étant celui des systèmes d'information des services gestionnaires de la paie. La compensation de ces charges nouvelles pourrait, par exemple, passer par l'octroi d'un avantage de trésorerie, via le reversement, avec un léger décalage dans le temps, des sommes prélevées. S'agissant des effets psychologiques de la réforme pour les salariés, un débat préalable est nécessaire pour déployer toute la pédagogie requise face à la baisse du salaire net perçu, ou devant les craintes de voir les négociations salariales modifiées par la réforme. À l'évidence, le ministre de l'Économie a été mal inspiré de laisser croire qu'elle se traduirait par une année de non-imposition pour les Français, car une telle contre-vérité ne peut que porter préjudice à la réforme. Le passage de l'ancien au nouveau système se traduira au contraire, mécaniquement, par un gain de recettes pour l'État, de l'ordre de 2 à 5 milliards d'euros selon les hypothèses retenues, qu'il s'agira de restituer intégralement pour désendetter le pays ou lisser l'année de transition. Celle-ci devra faire l'objet d'une attention toute particulière afin que l'optimisation fiscale soit découragée, mais que les avantages pécuniaires légitimes demeurent. Le scénario d'instauration du prélèvement à la source présenté dans le rapport fait l'hypothèse d'une entrée en vigueur le 1er janvier 2010. Concrètement, sur les revenus salariaux ou les revenus de remplacement serait prélevé un impôt à un taux synthétique individuel adaptable en cours d'année pour verser des acomptes, incluant les niches. Un couple pourrait disposer de la faculté de répartir le prélèvement entre ses membres. Dans le champ des autres revenus, la solution consistant à recouvrer l'IR, comme l'IS, sous forme d'acomptes, apparaît comme la plus praticable pour les bénéfices professionnels. Les revenus fonciers et les revenus des valeurs et capitaux mobiliers devraient être pris en compte dans le taux synthétique, dans toute la mesure du possible. Pour le cas particulier des salariés à domicile, un prélèvement forfaitaire minime doit être préconisé, à inclure dans le mécanisme du CESU. Au stade du recouvrement effectif, la solution généralement envisagée, qui consiste à impliquer l'employeur et les payeurs de revenus de remplacement, s'impose. Le choix du réseau de recouvrement de l'acompte auprès des entreprises et des caisses de retraite est en revanche plus ouvert. Il sera loisible au ministre qui préparera cette réforme de confier cette tâche à l'administration fiscale, ou bien aux URSSAF, parfaitement à même de l'accomplir. En revanche, les déclarations, régularisations et contrôles demeureront de la compétence de l'administration des finances. Il faudra toujours une déclaration de revenus en cas de prélèvement à la source. Enfin, le paiement de la PPE et des autres restitutions fiscales résultant de crédits d'impôt sera uniquement le fait du Trésor public, responsable de toutes les régularisations. Le rapport traite aussi des rapprochements utiles entre l'IR et la CSG qui permettraient de tendre vers l'impôt citoyen. En premier lieu, réduire les différences d'assiette dessinerait une imposition globale plus juste. Les imbrications actuelles entre IR et CSG plaident pour une telle réforme. En deuxième lieu, réduire les niches fiscales suppose d'en évaluer l'efficacité, de réfléchir à la possibilité d'un plafonnement global, voire d'envisager un impôt minimum alternatif comme il en existe aux États-Unis, au Canada ou au Québec. Il faut aussi mieux prendre en compte la situation réelle des contribuables au regard de leurs charges de famille. Les comparaisons internationales sur ce point montrent que le système du quotient familial comporte certaines injustices. Afin de faire bénéficier toutes les familles d'une aide fiscale, d'autres solutions sont envisageables, telle celle des abattements spécifiques. Dans le même temps, l'évolution des revenus, notamment au bas de l'échelle, doit être mieux appréhendée qu'avec l'actuelle PPE. Enfin, le rapport formule des propositions pour mieux gérer l'ensemble des prélèvements obligatoires : d'une part, grâce aux travaux de M. Thomas Piketty, un barème de l'IR faisant apparaître les taux réels moyens d'imposition ; d'autre part, dans le but de favoriser un pilotage global des finances publiques, un rapprochement entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale. De fait, la cohérence entre ces deux catégories de lois reste très imparfaite. Cette insuffisante coordination fait peser un risque certain d'insincérité sur les comptes publics. La perspective de fusionner le projet de loi de finances et le projet de loi de financement en un seul texte financier, au moins pour leur partie concernant les recettes, donnerait toute sa cohérence à un pilotage global. Naturellement, aucune remise en cause de la spécificité des recettes de la sécurité sociale ne devrait en résulter. Votre Rapporteur a exprimé sa conviction que la réforme permettant de corriger les carences de notre système fiscal doit être mise en œuvre sans plus attendre. Il a formulé deux séries de recommandations pour parvenir à l'objectif d'une imposition sur le revenu plus juste et plus efficace. La première a trait à la mise en œuvre du prélèvement à la source. Celle-ci est possible et souhaitable à brève échéance. La modernisation du mode de prélèvement de l'IR aurait l'avantage de supprimer le décalage d'un an qui existe aujourd'hui entre perception du revenu et paiement de l'impôt. Elle serait en phase avec ce qui existe dans les pays voisins. Sa mise en œuvre suppose de répondre à trois questions essentielles : le respect strict de la confidentialité vis-à-vis de l'employeur, assuré par l'impossibilité de tirer d'un taux synthétique d'imposition notifié par le salarié des informations précises sur sa vie privée et par une disposition législative sanctionnant sévèrement tout manquement au secret fiscal ; la gestion de l'année de transition, de façon à éviter des comportements excessifs d'optimisation fiscale sans priver les contribuables des avantages dont ils auraient bénéficié au cours de l'année « effacée », comme un mariage ou l'évolution de la situation familiale ; l'égalité de traitement entre revenus salariaux et non salariaux, ces derniers étant taxés selon un système « acompte-solde » proche du système actuel de l'impôt sur les sociétés. En toute hypothèse, le gain tiré par l'État de l'anticipation d'une année pour le calcul de l'impôt devra être rendu aux contribuables pour faciliter la transition d'un système à l'autre. L'entrée en vigueur de cette réforme paraît difficile avant le 1er janvier 2010. La seconde série de recommandations concerne le projet d'un rapprochement entre l'IR et la CSG pour les fusionner à terme au sein d'un impôt citoyen. Chacun voit bien aujourd'hui à quel point le prélèvement direct sur les ménages est complexe, injuste et inefficace. Le constat essentiel en la matière est que, pour 90 % des contribuables, le principal impôt direct sur les revenus est la CSG, et il s'agit du seul impôt direct sur le revenu pour la moitié d'entre eux. Or cet impôt est un prélèvement strictement proportionnel, qui ne tient pas compte des charges de famille. Paradoxalement, le débat fiscal se focalise pourtant sur l'IR alors que son poids tend à se réduire ; or il s'agit du seul instrument progressif au sein de notre système fiscal. C'est une situation qui n'est pas souhaitable. Le rapprochement entre l'IR et la CSG, qui est un projet de moyen-long terme, doit ainsi servir de guide à un ensemble cohérent de réformes dont l'objet essentiel est de rendre l'imposition globale des ménages plus progressive, plus lisible, plus juste et plus efficace. Il s'agit de dégager les contours d'un impôt nouveau, l'impôt citoyen, en retenant le meilleur au sein de chacun des impôts existants. Au-delà du prélèvement à la source, une première étape de rapprochement, réalisable sur la durée de la prochaine législature, pourrait comporter, d'une part, l'harmonisation progressive des assiettes par la remise en cause des niches fiscales, fondée sur une démarche d'évaluation, et leur plafonnement, éventuellement via un minimum d'imposition. D'autre part, des améliorations dans la gouvernance des finances publiques pourraient résulter de la fusion des volets « recettes » du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et de la mise en place d'une discussion générale commune à ces deux textes. Ainsi seraient mieux pris en compte les effets croisés des décisions fiscales portant sur l'une ou l'autre des impositions sur les ménages, et leur effet global en termes de pression fiscale. Ces réformes nécessitent au préalable d'assurer à la sécurité sociale les ressources indispensables à la préservation d'un haut niveau de protection sociale, à travers des recettes garanties et pérennes. À plus long terme, et dans le cadre d'une concertation élargie, trois chantiers devraient s'ouvrir pour assurer la convergence des deux impositions. Le premier a trait au statut de la PPE, qui pourrait voir son double objectif de revalorisation du pouvoir d'achat et d'incitation au retour à l'emploi traduit sous la forme de deux outils distincts : un véritable impôt négatif venant s'imputer sur l'impôt citoyen, d'une part, et une incitation fiscale ou sociale à la reprise d'un emploi, d'autre part. Le deuxième chantier porte sur la modification de l'articulation actuelle entre IR et CSG, la CSG étant partiellement déductible de l'assiette de l'IR. Le troisième concerne la nécessaire prise en compte des charges de famille dans l'imposition des revenus. Quelle que soit la modalité retenue, l'objectif doit être d'assurer le maintien du niveau d'effort public en direction des familles destiné à tous les foyers. L'évolution du quotient familial, pour qu'il s'adresse à l'ensemble des ménages et non pas aux seuls imposables, ou la mise en place d'un crédit d'impôt pour charges de famille, constituent des pistes qu'il conviendrait d'explorer, compte tenu des différences importantes entre leurs effets redistributifs. S'imposera, quoi qu'il en soit, la jurisprudence constitutionnelle en vertu de laquelle le nouveau prélèvement devra tenir compte des charges de famille. Ces propositions visent surtout à ouvrir le débat et à démontrer la possibilité de réformer le système fiscal - car cela est nécessaire - tout en maintenant le niveau actuel de prélèvements : la stabilisation des prélèvements obligatoires n'est en aucun cas synonyme d'immobilisme fiscal. M. Hervé Mariton a noté que l'impact psychologique d'un éventuel prélèvement fiscal à la source a peut-être été sous-évalué par le Rapporteur. Une telle réforme serait de nature à modifier profondément la revendication salariale, avec une probable dimension inflationniste. En effet, nombre de négociations salariales sont fondées sur le salaire net, qui serait évidemment minoré si le prélèvement à la source était appliqué. Votre Rapporteur a répondu que les partenaires sociaux n'ont pas manifesté d'inquiétude particulière à ce sujet. Les négociations salariales prennent généralement pour base le revenu brut, qui ne sera pas modifié par une éventuelle réforme. La question n'a pas paru insurmontable. La dimension psychologique ne doit, certes, pas être sous-estimée. Pour autant, il ne faut pas oublier que seule la moitié des foyers paient l'impôt sur le revenu et que parmi eux, 61 % sont mensualisés et sont donc déjà dans une situation proche d'un prélèvement à la source. Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué que, dans un but pédagogique, il serait souhaitable que les bulletins de salaire fassent apparaître les trois formes du salaire : le salaire net, le salaire socialisé incluant les transferts sociaux et le salaire différé, qui correspond aux cotisations destinées au financement de la retraite. M. Hervé Mariton a ensuite regretté que votre Rapporteur prône une augmentation de la progressivité de l'IR. Il existe un optimum de progressivité au-delà duquel toute augmentation sera contre-productive. Il a ensuite souhaité savoir si la retenue à la source préserve la notion de foyer fiscal, à laquelle la société française est très attachée. Il a fait remarquer que le crédit d'impôt distribué aux foyers qui n'acquittent pas l'impôt sur le revenu briserait la logique du quotient familial. En soutenant un tel projet de réforme, le Rapporteur prend un risque politique majeur. Votre Rapporteur a rappelé que le prélèvement à la source de l'IR et la fusion entre l'IR et la CSG constituent deux problématiques différentes. Le deuxième sujet nécessite certainement un cheminement plus long et davantage de conditions préalables. Le prélèvement à la source ne remet pas en cause le quotient familial. L'utilisation d'un taux synthétique permet de maintenir cette notion, ce que font d'ailleurs nombre de pays étrangers. La prise en compte des charges familiales semble nécessaire dans le cadre du fusionnement des impôts directs, notamment pour des raisons constitutionnelles. Le débat sur les avantages de la progressivité ou de la proportionnalité des prélèvements relève, ensuite, de la sensibilité politique de chacun. L'objet du rapport est simplement de clarifier le débat et de démontrer que les obstacles au prélèvement à la source sont surmontables. Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que votre commission des Finances est au cœur de sa mission en examinant ce sujet. En matière fiscale, la difficulté consiste à savoir où placer le curseur entre efficacité et justice sociale. La France se situe en troisième position en matière de redistribution et on ne peut pas soutenir que l'IR n'est pas redistributif, lorsqu'on sait que 10 % des ménages paient 70 % de cet impôt. Le plafonnement fiscal simplifié pourrait constituer un bon équilibre avec le bouclier fiscal. A ce titre, il serait très intéressant de savoir dans quels autres pays ce dispositif a été mis en application. La PPE devrait rester un élément clair de revalorisation salariale et n'être pas aussi fortement concentrée sur les très bas revenus proches du SMIC. Votre Rapporteur a également reconnu que l'impôt sur le revenu est très concentré. Mais il a regretté que le produit des impôts directs dans les recettes fiscales soit de plus en plus faible, par rapport à celui des impôts indirects. La PPE a-t-elle pour vocation d'augmenter le pouvoir d'achat ou d'encourager à la reprise du travail ? Malgré cette prime, qui est payée avec un décalage, un certain nombre de personnes connaissent, alors qu'elles ont retrouvé un emploi, une position financière plus défavorable que leur situation antérieure, lorsqu'elles bénéficiaient de la solidarité. Enfin, la prise en compte des charges de familles dans la fusion entre les impôts directs est imposée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le Président Pierre Méhaignerie s'est demandé si cette contrainte est encore justifiée, compte tenu des politiques familiales menées par ailleurs et des prestations existantes. Votre Rapporteur a considéré que la réforme envisagée pourrait constituer l'occasion d'ouvrir un débat de fond sur ce point. Puis, votre Commission a autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du présent rapport d'information. ANNEXE 1 · Administrations de la « sphère fiscale » - à Paris Direction générale des impôts - M. Bruno Parent, directeur général et Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale Direction générale de la comptabilité publique - M. Dominique Lamiot, directeur général Direction générale du Trésor et de la politique économique - M. Philippe Bouyoux, directeur des politiques économiques Direction du budget - M. Philippe Josse, directeur Mission gouvernementale sur la retenue à la source Une rencontre a eu lieu avec MM. François Auvigne, Claude Bébéar et Raymond Viricelle - à Madrid Direction des impôts au ministère des finances - M. Bernardo Vidal Martí, sous-directeur des impôts sur le revenu des personnes physiques Agence fiscale (chargée du recouvrement) - M. Juan Ignacio López Lubián, sous-directeur général de la technique fiscale · Administrations de la « sphère sociale » - à Paris Direction de la sécurité sociale - M. Dominique Libault, directeur ACOSS - M. Jean-Luc Tavernier, directeur - à Lyon - M. Gérard Pigaglio, directeur général de l'URSSAF de Lyon - à Madrid - M. Fidel Ferreras Alonso, directeur général de l'Institut national de la sécurité sociale · Partenaires sociaux - à Paris Salariés (niveau confédéral) - M. Jean Conan, secrétaire national à l'économie de la CGC - Mme Pierrette Crosemarie, responsable de l'espace syndicalisme et société à la CGT, ancienne secrétaire générale de la fédération des finances - M. Jacky Dintinger, secrétaire général de la CFTC - M. Philippe Le Clézio, secrétaire confédéral de la CFDT - Mme Marie-Suzie Pungier, secrétaire confédérale à l'économie de FO et M. Michel Monteil, secrétaire général de la fédération des finances Employeurs - M. Jacques Creyssel, directeur général du MEDEF - MM. Pierre Perrin, président de l'UPA et Pierre Burban, secrétaire général et président du conseil d'administration de l'ACOSS - M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME - à Lyon - Secrétaire du comité d'entreprise et représentants des organisations syndicales de salariés au sein de l'URSSAF de Lyon - Membres du conseil d'administration représentant les employeurs et les travailleurs indépendants - à Madrid (Conseil économique et social) - M. Jose-Luis Aramburu Godinez, représentant des salariés - M. Julián Ariza Rico, coordinateur du CES - M. Jose de la Cavalda Hoyo, représentant des employeurs - M. Fernando Valdés Dal-Ré, expert désigné par le Gouvernement - M. Enrique de la Lama-Noriega, représentant des employeurs · Union nationale des associations familiales - M. François Fondard, président · Commission nationale de l'informatique et des libertés - M. Alex Türk, président · Fédération bancaire française - Mme Ariane Obolensky, directrice générale · Économistes - M. Christian de Boissieu, président délégué du Conseil d'analyse économique - MM. Gérard Cornilleau, Henri Sterdyniak, Xavier Timbeau et Guillaume Allègre, OFCE - M. Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes · Personnalités qualifiées - à Paris - MM. Bertrand Fragonard, président délégué, et Jean-Pierre Cossin, secrétaire général du Conseil des prélèvements obligatoires - M. Claude Thélot, conseiller maître à la Cour des comptes - à Madrid - M. Juan-Antonio Barrio de Penagos, député (PP), membre de la commission de l'économie et des finances - M. Jose-Ignacio Echaniz Salgado, député (PP), membre de la commission de suivi du Pacte de Tolède - Mme Maria-José Sanchez Rubio, députée (PSOE), membre de la commission du travail et des affaires sociales ANNEXE 2
ANNEXE 3
ANNEXE 4
ANNEXE 5 PRÉSENTATION D'UN BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU EXPRIMÉ AVEC DES TAUX RÉELS (FORME LF 1937), À PARTIR DU BARÈME ACTUEL EXPRIMÉ AVEC DES TAUX MARGINAUX (FORME LF 2006) ÉTUDE RÉALISÉE PAR LE CEPREMAP ET DATÉE DU 16 OCTOBRE 2006 L'objectif de cette étude est de présenter un barème de l'impôt sur le revenu exprimé avec des taux réels (en s'inspirant de la forme utilisée dans la loi de finances pour 1937, article 37, à partir du barème actuel exprimé avec des taux marginaux (forme utilisée dans la loi de finances pour 2006, articles 75 et 76). L'étude permet de disposer d'un modèle de simulation fiscale sous la forme d'une formule mathématique intégrée à un tableur Excel. Cette formule est présentée de manière littéraire et sous forme graphique. Elle donne, sous la forme de taux réels d'imposition par niveau de revenu, le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2006 (selon le barème prévu par les articles 75 et 76 de la loi de finances pour 2006), avec le moins de distorsions possibles par rapport à ce barème exprimé en taux marginaux. Ces calculs prennent en compte de la décote et du plafonnement du quotient familial, pour 1 part, 1,5 part, 2 parts, 2,5 parts, 3 parts et 3,5 parts de quotient familial. La présentation sous forme littéraire du nouveau barème exprimé en taux réels s'inspire de l'article 37 de la loi de finances pour 1937. I.- BARÈME ACTUEL EXPRIMÉ AVEC DES TAUX MARGINAUX (LF 2006) Le barème actuellement applicable aux revenus de 2006 s'exprime de la façon suivante (loi de finances pour 2006, articles 75 et 76) : (57) « L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 5.515 euros le taux de : - 5,5 % pour la fraction supérieure à 5.515 euros et inférieure ou égale à 11.000 euros ; - 14 % pour la fraction supérieure à 11.000 euros et inférieure ou égale à 24.432 euros ; - 30 % pour la fraction supérieure à 24.432 euros et inférieure ou égale à 65.500 euros ; - 40 % pour la fraction supérieure à 65.000 euros. » Ce mode de calcul exprimé en taux marginaux (dans lequel le taux s'applique uniquement à la fraction de revenu comprise dans la tranche, et non à la totalité du revenu) rend relativement complexe la détermination des taux réels effectivement applicables aux revenus. Le calcul est en outre compliqué par le fait que le revenu désigné dans ce barème est le revenu après déduction de 10 % pour frais professionnels (et après prise en compte de la déduction de 20 %, avant son intégration dans le barème suite aux articles 75-76 de la loi de finances pour 2006), (58) divisé par le nombre de parts de quotient familial. Enfin, l'impôt résultat de l'application du barème est soumis à deux corrections : d'une part, il est corrigé de façon à ce que la réduction d'impôt procuré par le système du quotient familial ne puisse excéder un certain plafond (59) d'autre part, lorsqu'il est inférieur à un certain seuil, l'impôt dû est réduit par le système dit de la décote (60). Les taux réels effectivement applicables aux revenus dans le cadre du système actuel sont représentés sur les graphiques 1 et 2, pour le cas des foyers disposant de deux parts de quotient familial. Les taux réels correspondants aux autres configurations familiales sont indiqués dans les feuilles de calcul Excel jointes à cette étude. On constate sur les graphiques 1 et 2 qu'il faut atteindre des niveaux de revenus relativement élevés pour être soumis à des taux réels d'imposition supérieurs à 10-15 % : pour 2 parts de quotient familial, le taux réel est de l'ordre de 15 % pour un revenu d'environ 90.000 euros, 25 % pour un revenu d'environ 190.000 euros, et ne dépasse 35 % que pour des revenus supérieurs à 600.000 euros. De ce point de vue, le barème exprimé en taux marginaux donne une présentation peu transparente des taux réels effectivement appliqués. II.- BARÈME PROPOSÉ, EXPRIMÉ AVEC DES TAUX RÉELS (FORME LF 1937) En s'inspirant de la loi de finances pour 1937 (article 37), le nouveau barème pourrait s'exprimer de la façon suivante : « L'impôt est calculé en appliquant à la totalité du revenu les taux réels suivants (pour deux parts de quotient familial) : - 0 % pour 15.000 euros à 15 % pour 90.000 euros (incrément de 0,2 % pour 1.000 euros) ; - 15 % pour 90.000 euros à 25 % pour 190 000 euros (incrément de 0,1 % pour 1.000 euros) ; - 25 % pour 190.000 euros à 40 % pour 490.000 euros (incrément de 0,05 % pour 1.000 euros) ; - 40 % pour 490.000 euros et au-delà ». Autrement dit, ce barème permet de calculer instantanément le taux réel directement applicable à la totalité du revenu. Le taux réel est ainsi de 0 % pour un revenu de 15.000 euros, de 15 % pour un revenu de 90.000 euros, et augmente de 0,2 % tous les 1.000 euros entre ces deux seuils, soit par exemple un taux réel de 0,2 % pour un revenu de 16.000 euros, 0,4 % pour un revenu de 17.000 euros, etc., et 10 % pour un revenu de 65.000 euros. Au-delà de 490.000 euros, le taux réel est fixe et égal à 40 %. Les seuils et taux de ce barème expérimental et illustratif ont été déterminés de façon à aboutir à la présentation la plus simple possible, tout en entraînant des écarts minimes avec les taux réels applicables dans le cadre du barème actuel, tout du moins pour les revenus compris entre 0 et 300.000 euros (cf. section 3 infra). Il est bien évident que ces seuils et taux devraient être ajustés et précisés. Toujours à des fins de simplification, ce nouveau barème intègre la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels (il s'applique aux revenus avant prise en compte de la déduction de 10 %) et le système de la décote. Concernant le plafonnement des effets du quotient familial, le même seuil que celui appliqué actuellement a été conservé. Une réforme plus ambitieuse pourrait consister à le remplacer par un système forfaitaire de déduction ou de réduction d'impôt. Les courbes de taux réels impliqués par ce nouveau barème sont indiquées sur les graphiques 3 et 4, pour le cas des foyers disposant de deux parts de quotient familial. Les taux réels correspondant aux autres configurations familiales sont indiqués dans les feuilles de calcul Excel jointes à cette étude. III.- ANALYSE DES ÉCARTS ENTRE LES DEUX BARÈMES Comme l'indique le graphique 5, qui compare les taux réels d'imposition dans le cadre du barème actuel et du nouveau barème envisagé, les écarts sont relativement minimes pour tous les niveaux de revenus compris entre 0 et 300.000 euros (pour 2 parts de quotient familial). Une analyse plus détaillée indique que la hausse de taux réel d'imposition sur cet intervalle de revenu est toujours inférieure à 0,2 %, et que la baisse de taux réel d'imposition ne dépasse jamais 1,5 %. Les écarts sont similaires pour les autres configurations familiales (cf. feuille de calcul Excel jointe). Il convient toutefois de noter que les écarts sont plus substantiels pour les niveaux de revenus supérieurs à 300.000 euros. En effet, le nouveau barème fixe à 40 % le taux réel pour les revenus supérieurs ou égaux à 490.000 euros (cf. graphique 4), alors que dans le barème actuel le taux réel ne dépasse 35 % que pour des revenus supérieurs à 600.000 euros (cf. graphique 2). L'écart s'annule par construction pour des revenus infiniment élevés (les deux taux réels convergent vers 40 %), mais pour des revenus compris entre 350-400.000 euros et 1-1,5 million d'euros, les écarts de taux réels d'imposition sont plus substantiels, avec un maximum d'environ 6 % au niveau de 500.000 euros (cf. graphique 6). Si cela apparaît souhaitable, il suffirait d'ajouter une nouvelle tranche dans le barème exprimé en taux réel de façon à réduire cette distorsion. 11 décembre 2006 VERS LA FUSION DE L'IMPÔT SUR LE REVENU Cette note a été rédigée par Guillaume Allègre, Gérard Cornilleau et Henri Sterdyniak Introduction La France se caractérise par la coexistence d'un impôt sur le revenu progressif, familialisé, relativement compliqué, déclaratif, perçu avec un grand délai (15 mois) et de la CSG-CRDS, impôt proportionnel, simple, perçu à la source. La CSG-CRDS en est venue à représenter 4,5 % du PIB soit plus que l'impôt sur le revenu (2,9 % du PIB). S'y ajoutent des cotisations employeurs, famille et maladie, qui n'ouvrant pas de droit, ont eux aussi le statut d'impôt et des prélèvements sociaux complémentaires. S'y ajoute aussi la PPE, impôt négatif pour les actifs à bas revenus d'activité. La montée en valeur de la CSG fait craindre que le système fiscal français ne devienne de moins en moins progressif et familial. En même temps, c'est une nouvelle source de complexité : la CSG est en partie déductible de l'IR et en partie non déductible. La cohérence et l'équité des prélèvements sur les différents types de revenus posent problème : le revenu imposable n'est pas le revenu effectivement perçu ; la CSG pèse sur les cotisations retraites et chômage salariés, mais pas sur les cotisations employeurs. Le revenu fiscal de référence, utilisé pour les prestations sociales, n'est pas forcément le revenu imposable, etc. (voir Annexe A et encadré 2). Psychologiquement, certains ménages ont le sentiment de ne pas payer d'impôt sur le revenu, alors qu'ils paient pourtant la CSG. Une réforme semble nécessaire pour simplifier le système. Nous explorerons ici la piste de la fusion de la CSG et de l'IR, et même celle de la fusion CSG-IR-PPE. Nous nous limiterons à analyser l'impact de la réforme sur les ressources globales des administrations, sans en discuter les conséquences sur les relations financières entre État et Sécurité sociale. Si l'objectif essentiel est d'aboutir à un système plus simple, la réforme fera obligatoirement des gagnants et des perdants. Il faut donc analyser avec soin ses conséquences sur chaque type de ménage. Quatre points sont particulièrement problématiques : - La CSG actuelle est l'héritière des cotisations sociales salariés qui ne pesaient pas sur les titulaires de revenus de remplacement (retraités, chômeurs). Elle reste moins lourde sur ceux-ci que sur les actifs. La fusion CSG-IR risque donc d'être particulièrement coûteuse pour les retraités et pour les chômeurs, en particulier pour les plus pauvres. Est-ce acceptable ou faut-il prévoir des mesures de compensation ? - La fusion peut être l'occasion de renforcer le caractère familial de l'impôt français en étendant le quotient familial à la CSG ou, au contraire, de le supprimer en individualisant la fiscalité. Faut-il alors prévoir des mesures compensatrices en faveur des familles avec enfants ? - En additionnant les taux de l'IR, de la CSG et, éventuellement, le taux implicite de la PPE, la fusion fait apparaître le niveau élevé des taux marginaux effectifs pour une partie des contribuables situés au milieu de l'échelle des revenus. - Enfin, la fusion peut être l'occasion de renforcer ou de diminuer le caractère redistributif du système français. Les simulations réalisées ici illustrent comment chaque réforme influence la répartition de la charge fiscale sur les différents types de ménages. Encadré 1 : le modèle de microsimulation MiSME Afin d'évaluer le coût d'une réforme fiscale et la répartition des gains et des pertes qu'elle entraîne, il est nécessaire de tenir compte de la distribution des revenus dans la population. Le modèle de microsimulation MiSME socio-fiscal (61) permet de calculer la variation d'impôt ou de prestation, induite par une réforme de la réglementation ou des barèmes fiscaux et sociaux, pour un échantillon de 45 313 ménages, représentatif de la population française. MiSME socio-fiscal est construit à partir de l'enquête « Revenus fiscaux » qui apparie une partie de l'échantillon de l'enquête Emploi avec les déclarations fiscales des ménages enquêtés. Actuellement le modèle simule les revenus des ménages à partir des données observées de 1998 qui ont été actualisées afin de refléter les évolutions entre 1998 et 2004 (puis revalorisées en euros 2006). Le compte de référence, Fiscalité 2006, décrit la fiscalité qui s'appliquera aux revenus 2006 : il incorpore donc la récente réforme de l'impôt sur le revenu et de la PPE. Le modèle utilise les revenus et les caractéristiques des individus composant chaque ménage afin de simuler, sur une année, les charges et les prélèvements sociaux, l'impôt sur le revenu, les allocations familiales, le complément familial, l'allocation pour jeune enfant, l'allocation de rentrée scolaire, l'allocation aux adultes handicapés, l'API, le RMI, les aides au logement et la Prime pour l'emploi. Il calcule le revenu disponible de chaque ménage en ajoutant à ces revenus d'activité, de remplacement (chômage, retraite) et du patrimoine, les prestations sociales simulées et en déduisant les impôts directs (impôt sur le revenu, taxe d'habitation) et les cotisations sociales. L'impact redistributif des réformes étudiées est analysé en évaluant le niveau de vie du ménage. Celui-ci est obtenu en divisant le revenu disponible par le nombre d'unité de consommation du ménage, ce qui permet de tenir compte des économies d'échelle réalisées lorsque plusieurs personnes vivent ensemble. L'échelle d'équivalence INSEE-OCDE, généralement utilisée en France et retenue pour nos travaux, attribue une unité de consommation au premier adulte d'un ménage, puis 0,5 unité par adulte et enfants de plus de 14 ans supplémentaire et 0,3 unité par enfant de moins de 14 ans. Misme socio-fiscal est un modèle statique qui ne prend pas en compte les changements de comportement qui pourraient être induits par une réforme du système socio-fiscal : l'offre de travail des individus est supposée ne pas être affectée par les réformes. En fait, des changements de comportement peuvent avoir une influence sur le coût ex-post d'une mesure ainsi que sur son impact redistributif. Les revenus financiers des ménages sont sous-évalués car ne sont pas inclus dans l'analyse les revenus non déclarés dans le cadre du formulaire 2042, soit parce qu'ils sont exonérés d'impôt sur le revenu, soit parce qu'ils sont soumis à un prélèvement libératoire à la source, Misme socio-fiscal ne permet donc pas de simuler une modification de la fiscalité portant sur ces revenus. De plus, le niveau de vie des personnes qui disposent de revenus du patrimoine ne faisant pas l'objet d'une déclaration est sous-évalué. En comparant les montants de CSG effectivement perçus et ceux simulés par Misme socio-fiscal, il apparaît que seuls 27 % des revenus du patrimoine sont couverts (voir tableau). TABLEAU : CSG RÉELLE ET SIMULÉE (en millions d'euros)
Simulations des scénarios de réforme Les scénarios de réformes réalisés sont comparés à la situation initiale (nommée Fiscalité 2006). Le tableau 1 résume les résultats des simulations réalisées en utilisant le modèle Misme socio-fiscal. Scénarios simulés : Scénario A : impact de la déductibilité de la CSG Variante A1 : Déductibilité totale de la CSG Variante A2 : Non déductibilité totale de la CSG Scénario B : Impôt fusionné familialisé Variante B1 : Suppression de la CSG et augmentation de 7,5 points des taux de l'IR Variante B2 : Familialisation à prélèvement constant - Neutralisation des effets de l'augmentation du revenu disponible sur les prélèvements sociaux et la PPE et première tranche à 7,2 %. Variante B3 : Familialisation à prélèvement constant avec intégration de la PPE - Intégration de la PPE. - Nouveau barème d'IR familialisé avec suppression du mécanisme de décote. Scénario C : Impôt fusionné individualisé Variante C1 : Impôt sur le revenu individualisé - Calcul de l'IR sur les revenus individuels. - Suppression du système du quotient conjugal et familial. - Suppression des demi-parts supplémentaires. Variante C2 : Fusion de la CSG et de l'IR individualisé - Suppression de la CSG. - Augmentation de 7,5 points des taux de l'IR individualisé. Variante C3 : Individualisation à prélèvement constant - Instauration d'un abattement transférable de 1 500 euros. - Crédit d'impôt par personne à charge de 800 euros. - Neutralisation des effets de l'augmentation du revenu disponible sur les prélèvements sociaux et la PPE. Variante C4 : Individualisation à prélèvement constant avec intégration de la PPE - Intégration de la PPE. - Nouveau barème d'IR individualisé avec suppression du mécanisme de décote. TABLEAU 1 : VARIATIONS DES MASSES FINANCIÈRES SELON LES SIMULATIONS (en millions d'euros)
* Dans ces variantes, l'effet de l'augmentation du revenu disponible sur les prestations sociales est compensé par un changement du barème. Sources : MiSME socio-fiscal, OFCE. 1. Impact de la déductibilité de la CSG Le tableau 2 présente le barème de la CSG selon le type de revenu. Un abattement de 3 % s'applique aux salaires et aux indemnités chômage. Le taux de la CSG non déductible est constant (2,4 %). Le taux de la CSG déductible varie de 3,8 % (indemnités chômage) à 5,8 % (revenus du patrimoine). Toutefois, la CSG ne s'applique pas aux pensions et prestations chômage dont le titulaire a un revenu inférieur à un certain plafond et ne s'applique qu'avec un taux de 3,8 % si l'impôt sur le revenu du titulaire ne dépasse pas 61 euros. TABLEAU 2 : BARÈME CSG (FISCALITÉ 2006) (en %)
Encadré 2 : Revenu et prestations sociales La Sécurité sociale a besoin de définir un revenu de référence des ménages pour les prestations sous condition de ressource et pour les allocations logement. Avant la réforme de 2007 (voir tableau), le revenu de référence était de 72 % du revenu disponible (petite retraite), de 75 % (salaire, retraite moyenne) ou de 105 % (intérêts). La réforme fiscale de 2007 (suppression de l'abattement de 20 %) va augmenter de 25 % le revenu de référence au sens de la Sécurité sociale pour les salaires et les retraites. Elle rapproche le revenu de référence du revenu disponible (90 % pour les petites retraites, 93 % pour les salaires, 94 % pour les retraites moyenne). Les plafonds de ressources devraient être augmentés de 25 %, mais cela n'a pas encore été annoncé. Toute réforme de la CSG devrait s'accompagner d'une modification des plafonds de ressources de la Sécurité sociale et des barèmes de l'allocation logement si on veut éviter des effets non désirés (hausse ou baisse du nombre de bénéficiaires). REVENU DISPONIBLE ET REVENU DE RÉFÉRENCE
*Avant/après la réforme de 2007. 1.1 Déductibilité totale de la CSG La variante A1 consiste à rendre la CSG totalement déductible. Cette mesure simplifie le système et évite que des sommes non perçues ne figurent dans l'assiette de l'IR. Le revenu imposable des salariés baisse alors de 2,86 % ; celui des retraités de 2,51 % ; celui des chômeurs 2,61 %, celui des titulaires de revenus imposables du patrimoine baisse de 2,55 %. Il en résulte une diminution de l'impôt collecté au titre de l'IR (3,1 milliards), une augmentation de la PPE (280 millions) et des prestations CNAF (62) (600 millions). Le revenu disponible des ménages augmente de 4 milliards d'euros. Le graphique 1 présente les contributions à la variation moyenne de revenu disponible par décile de niveau de vie, des prestations CNAF, de la PPE et de l'IR. Tous les ménages gagnent à la mesure. Toutefois, les ménages du dixième décile en seraient les plus grands bénéficiaires. Leurs revenus étant plus importants, la baisse en valeur de leur revenu imposable serait plus grande et ils sont confrontés à des taux marginaux d'IR plus élevés. Graphique 1 : Variation de revenu disponible Moyenne annuelle par ménage Sources : MiSME, calculs OFCE. La déductibilité de la CSG pourrait être rendue neutre pour les salariés en augmentant les taux du barème d'impôt sur le revenu (de 2,94 %) et en diminuant les seuils de barème (de 2,86 %). Les retraités, chômeurs, et détenteurs de revenus du patrimoine imposables seraient alors très légèrement perdants. Mais, ceci serait légitime dans la mesure où l'assiette de l'IR se serait rapprochée du revenu effectivement perçu. 1.2. Non déductibilité totale de la CSG 1.2.1. Non déductibilité sans ajustement (Variante A2) La variante A2 consiste, au contraire, à rendre la CSG totalement non déductible. Le système est simplifié mais les contribuables paient l'IR sur des revenus qu'ils n'ont pas touchés, ce qui est peu compréhensible et mal accepté psychologiquement. Le revenu imposable des salariés augmente de 6,08 % ; celui des retraités de 4,38 % ; des chômeurs de 3,69 %, celui des titulaires de revenus du patrimoine imposables augmente de 6,16 %. Il en résulte une augmentation de l'impôt dû au titre de l'IR (6,7 milliards), une baisse de la Prime pour l'emploi (530 millions) et des prestations CNAF (1,1 milliard) ; d'où, une baisse importante du revenu disponible des ménages (8,3 milliards). Les ménages les plus affectés par la réforme sont ceux du dixième décile de niveau de vie : leurs revenus imposables augmentent plus que celui des autres ménages et le taux marginal d'IR auquel ils sont soumis est plus élevé. Graphique 2 : Variation de revenu disponible par décile de niveau de vie (Variante A2) Moyenne annuelle par ménage Sources : MiSME, calculs OFCE. 1.2.2. Neutralisation des effets de la non-déductibilité pour les salariés En ce qui concerne l'impôt sur le revenu, la neutralité pour les salariés serait atteinte en diminuant les taux de 5,73 % et en augmentant les seuils du barème de l'IR de 6,08 %. Les retraités et chômeurs seraient alors gagnants (ce qui n'aurait aucune justification en terme d'équité), les revenus du patrimoine légèrement perdants. Par contre, puisque seuls les salariés bénéficient de la PPE, il serait possible de neutraliser l'impact de la non-déductibilité totale de la CSG sur les montants de cette prime en augmentant les planchers et plafonds de revenu de 6,08 % et en diminuant les taux de 5,73 %. Concernant les prestations sous condition de ressources (CF, ARS, APJE), augmenter les plafonds de revenu de 6,08 % permet de neutraliser l'impact de la non-déductibilité totale de la CSG pour les salariés. Certains chômeurs seraient gagnants puisque, dans ce cas, le plafond de ressource augmenterait plus que leur revenu imposable. Le barème des aides au logement repose sur un objectif de participation personnelle des locataires aux dépenses de logement. La participation personnelle est. Son montant dépend de la taille de la famille, du loyer et des ressources du ménage, selon PP = P0 + Tp * (R - R0) où P0 représente la participation minimale, R0 un revenu minimal pris en compte, Tp un taux minimum de participation. L'impact de la non-déductibilité de la CSG pour les salariés serait neutralisé en multipliant Tp par 0,9427 et RO par 1,0608. Les retraités et chômeurs dont les revenus imposables augmenteraient moins que celui des salariés seraient alors légèrement gagnants. Là aussi, ce gain ne serait pas équitable : à revenu identique avant CSG, les retraités ont un revenu disponible légèrement supérieur ; il serait anormal de ne pas en tenir compte lors du calcul de l'allocation-logement. 2. La fusion de l'IR et de la CSG (version familialisée) 2.1. Fusion « brute » sans ajustements (Variante B1) Supposons tout d'abord que la CSG soit supprimée et les taux du barème de l'impôt sur le revenu soient augmentés de 7,5 points dès le premier euro (première tranche de 7,5 % au lieu de 0 %). Le tableau 3 présente le barème de l'IR du scénario Fiscalité 2006 et de la variante B1. Aucun ajustement spécifique n'est effectué : en particulier, la décote de l'IR est supposée maintenue en l'état. Les retraités et chômeurs à bas revenus seraient les grands perdants d'une telle fusion de l'IR et de la CSG. En effet, ils bénéficient aujourd'hui d'une exonération de CSG sur les allocations chômage et les pensions (voir encadré 3). En l'absence de mesures compensatrices, la fusion leur ferait perdre cet avantage : ils paieraient 7,5 % d'impôt sur leur première tranche de revenu. Un retraité dont la retraite est de 800 euros par mois ne paie actuellement ni CSG ni IR. Avec le nouveau système, il paierait un IR de 648 euros. Les salariés doivent a priori gagner à cette réforme. En effet, ils bénéficient dans le barème de l'impôt sur le revenu, jusqu'à un seuil élevé, d'un abattement de 10 %, supérieur à l'abattement de 3 % qui existe dans le barème de la CSG. Les retraités et chômeurs bénéficient également de cet abattement (jusqu'à un certain seuil) mais le taux de CSG auquel ils sont soumis est inférieur à 7,5 % (6,6 et 6,2 % respectivement). Le tableau 3 présente le barème qu'il faudrait appliquer aux salaires, retraites et indemnités chômage pour compenser la suppression de la CSG compte tenu des différents taux de CSG, des abattements (10 % pour l'IR et 3 % pour la CSG), et de l'augmentation du revenu imposable lié à la suppression de la CSG déductible. Par exemple, pour que la fusion CSG-IR soit neutre pour les salariés, le taux de la première tranche d'imposition devrait s'élever à 9,4 %. Le taux fixé dans la variante B1 est de 7,5 % ; les salariés sont donc soumis à une plus faible imposition sur cette partie de leurs revenus. Au contraire, pour les retraités soumis à la CSG, le taux équivalent pour la première tranche de revenu est de 7,3 % ; ils sont donc soumis à une imposition plus élevée dans la variante B1. Les cellules grisées représentent un gain dans la réforme B1 par rapport à une réforme neutre : les salariés sont gagnants sauf pour des salaires relativement élevés tandis que les retraités et les chômeurs sont toujours perdants. TABLEAU 3 : BARÈME IR (FISCALITÉ 2006 ET VARIANTE B1) (en %)
* Revenus de remplacement soumis à l'exonération de CSG. Source : Calculs des auteurs. Certains ménages à bas revenus bénéficient de la réforme grâce au mécanisme de décote de l'impôt sur le revenu. En effet, si l'impôt brut est inférieur à un certain seuil (828 euros pour l'imposition des revenus 2006), les contribuables bénéficient d'une décote égale à la différence entre 414 euros et la moitié de l'impôt brut. Dans la variante B1, ce mécanisme de la décote n'est pas remis en cause, ni le niveau où il joue. Les ménages les plus pauvres bénéficient de ce système et sont donc confrontés à un taux d'imposition effectif inférieur à 7,5 %. Au contraire, les ménages qui bénéficiaient auparavant du système de décote perdent ce bénéfice et la réforme ne leur apporte guère d'avantages. Encadré 3 : la suppression de l'exonération de CSG sur les revenus de remplacement pour les foyers à bas revenus et la question de l'équité fiscale Depuis la création de la CSG, certains foyers à bas revenus sont exonérés de CSG sur les revenus de remplacements (pensions, allocations chômage). Depuis 2001, le montant net des revenus de l'avant-dernière année est pris en compte pour l'appréciation des conditions d'exonération totale de CSG. Les pensions et les allocations de chômage perçues en 2006 sont totalement exonérées pour les personnes appartenant à un foyer fiscal dont le revenu 2004 n'excédait pas 7 286 euros pour la première part du quotient familial retenue pour le calcul de l'impôt, majoré de 1 946 euros par demi-part supplémentaire. Sont aussi exonérés les avantages de chômage si l'application de la CSG aboutissait à faire passer l'allocation en dessous de 41 euros par jour. Si l'impôt ne dépendait plus de la nature des revenus, les retraités et chômeurs à bas revenus perdraient cette exonération. Selon la microsimulation, ceci entraînerait une perte de 2,45 milliards pour eux. L'exonération de CSG concerne 4,4 millions de ménages (3,2 millions de ménages retraités et 1,2 million de ménages chômeurs). Globalement, ce sont les ménages les plus pauvres qui seraient le plus touchés (voir graphique). Graphique : Variation de revenu disponible par décile de niveau de vie (suppression de l'exonération de CSG sur les revenus de remplacement des foyers à bas revenus) La suppression de l'exonération de la CSG sur les revenus de remplacement pose donc un problème d'équité fiscale. D'une part, il peut paraître injuste qu'un salarié ayant le même revenu qu'un chômeur ou un retraité paye un impôt plus élevé. Mais d'autre part, les salariés de bas niveau de salaire bénéficient de la PPE et de la réduction des cotisations sociales employeurs (le taux d'imposition d'un salarié au SMIC est actuellement négatif : - 4 %). La différence de traitement des revenus salariés d'une part et des pensions d'autre part s'explique par le fait qu'à l'origine le législateur a voulu limiter le transfert de charge des salariés vers les retraités - notamment les retraités à bas revenus - qu'entraînait la création de la CSG. La CSG s'est en effet substituée à des cotisations salariées que les retraités ne payaient pas. Le législateur est donc confronté à un dilemme : soit il limite les transferts de charge entre salariés et retraités et l'équité fiscale devant l'impôt (à même revenu, même impôt) ne sera pas respectée, soit il respecte l'équité fiscale au prix de transferts de charge importants au détriment des retraités les plus pauvres. Les familles bénéficient dans cette variante du fait que le quotient familial s'applique maintenant à un impôt élargi. Toutefois, les familles les plus riches n'en bénéficient pas puisque le plafonnement de l'avantage lié au quotient familial est maintenu au niveau initial. Enfin, les plus hauts salaires pâtissent du fait que le plafond de l'abattement de 10 % pour frais professionnel reste au même niveau. Selon la microsimulation, le revenu disponible des ménages diminue de 2.620 millions d'euros dans la variante B1. Les prestations sociales baissent de 1.330 millions et la PPE de 530 millions du fait de l'augmentation du revenu imposable lié à la suppression de la CSG déductible. En supposant que ces baisses soient évitées par un changement de barème, le revenu disponible des ménages diminuerait de 770 millions du fait de la hausse de la fiscalité (CSG et IR). Le graphique 3a montre la répartition des pertes et des gains selon le décile de niveau de vie. Les graphiques 3b, 3c, 3d et 3e s'intéressent respectivement aux gains et pertes des salariés, retraités, couples sans enfant et couples avec deux enfants. Les déciles de niveau de vie sont calculés sur la base des revenus disponibles par ménage dans le scénario de référence. Ils sont calculés sur la base de tous les ménages et non sur la base des sous-populations ; les sous-populations les moins riches (retraités) sont donc moins nombreuses dans les déciles supérieurs. Par convention, les ménages salariés (retraités) sont ceux où les revenus salariés (les pensions) représentent plus de 50 % des revenus du ménage. Graphiques 3 : Variation de revenu disponible selon 3a : Tous les ménages Moyenne par ménage Sources : MiSME, calculs OFCE. 3b : salariés Les salariés les plus pauvres bénéficient de la décote (déciles 1 et 2) mais certains salariés qui en bénéficiaient auparavant perdent en partie ce bénéfice (déciles 3 et 4). Les ménages des déciles supérieurs (5 à 9) profitent de l'abattement de 10 % sur les salaires pour le calcul de l'IR, supérieur à l'abattement de 3 % de la CSG ; les familles peuvent également appliquer leur quotient familial sur un impôt élargi. Les plus hauts revenus (décile 10) perdent le bénéfice de l'abattement de 3 % sans bénéficier de l'abattement de 10 % qui est plafonné. Le bénéfice du quotient familial est également plafonné. 3c : retraités Tous les retraités sont perdants. Les plus pauvres perdent le bénéfice de l'exonération de CSG ; les plus riches celui d'un taux de CSG réduit (6,6 %) et d'un abattement de 3 % non plafonné. 3d : couples sans enfants 3e : couples deux enfants De nombreux couples sans enfant sont en fait des couples de retraités et perdent le bénéfice de l'exonération de CSG. Les couples avec enfants sont les plus grands bénéficiaires de la réforme : jusqu'au plafond, leur quotient familial s'applique sur une assiette élargie. La mesure ne bénéficie pas aux familles les plus aisées en raison du plafonnement du quotient familial. En 2006, le montant du SMIC net 35 heures est de 11.813 euros par mois. Si on considère que le plafonnement correspond à l'exonération d'un demi-SMIC par enfant, il devrait être de 2.326 euros (63). Il est actuellement de 2.189 euros. Dans le cas de la réforme, pour renforcer son caractère familial, le plafonnement pourrait passer à 2.610 euros (64). 2.2. Familialisation à taux de prélèvement constant (Variante B2) Dans la variante B1 l'ensemble CSG-IR augmente de 770 millions d'euros. Pour que la familialisation se fasse à taux de prélèvement constant, il est possible de baisser un peu les taux d'imposition. Comme les ménages les plus pauvres bénéficient très peu de la réforme, nous simulons une baisse de taux sur la première tranche de revenu : dans la variante B2, le taux d'imposition de la première tranche de revenu est limité à 7,2 % (au lieu de 7,5 % dans la variante B1) de façon à ce que les prélèvements obligatoires soient constants. Outre l'effet défavorable aux retraités, la mesure présente toujours le désavantage de nuire globalement aux ménages situés dans les déciles 2 à 4. Graphique 4 : Variation de revenu disponible selon Moyenne par ménage Sources : MiSME, calculs OFCE. 2.3. Simplification du système fiscal avec familialisation, à taux de prélèvement constant (Variante B3) Nous étudions maintenant une réforme qui simplifie fortement le système fiscal : outre la fusion de la CSG et de l'IR dans un impôt unique familialisé, la PPE et le système de décote sont supprimés. Ceci permet un traitement uniforme des retraités et des chômeurs d'une part, des actifs d'autre part, au lieu que les uns bénéficient d'exonération de CSG et les autres de la PPE. Le barème du nouvel impôt fusionné est revu afin de limiter les transferts de charge au bas de l'échelle des revenus tout en rendant le système plus redistributif. Actuellement, les retraités à bas revenus bénéficient de l'exonération de CSG; les salariés payent de la CSG mais bénéficient de la PPE. En 2007, le taux de base de la PPE a été porté à 7,7 % (contre 6,8 % en 2006) : un salarié au SMIC à temps plein va percevoir une prime égale à 7,7 % de son salaire (sous condition de ressources). Les salariés travaillant à mi-temps bénéficient d'un taux majoré de 85 % par rapport au temps plein : la prime sera alors égale à 14,2 % de leurs revenus d'activité. Avec cette revalorisation de la Prime pour l'emploi, de nombreux salariés à temps partiel reçoivent plus de PPE qu'ils ne payent de CSG, leur taux d'imposition effectif est donc négatif. Afin de remplacer la suppression de la PPE et de l'exonération de CSG pour les retraités, la variante B3 comporte une première tranche de l'impôt CSG-IR fusionné à un taux de 0 % jusqu'à 9 000 euros ; ceci assure que les ménages les moins aisés ne perdent pas à la réforme. La Prime pour l'emploi est maximale au niveau du SMIC à temps plein puis diminue lorsque le salaire augmente. En 2007, la prime diminue de 17 lorsque le salaire augmente de 100. De même, le mécanisme de la décote a pour conséquence des taux marginaux effectifs de prélèvement plus élevés que les taux affichés. Les actifs qui sont soumis à la deuxième tranche d'impôt sur le revenu (14 % à partir de 11.000 euros) sont en fait soumis à des taux marginaux d'imposition supérieurs à 40 % du fait de l'IR, de la CSG (calculée sur le salaire brut), de la diminution de la PPE et de l'avantage lié à la décote (voir Annexe D). Pour que la réforme soit neutre en terme de prélèvement global, il est nécessaire d'instaurer une tranche à taux marginal élevé (39 % à partir de 12.000 euros). Sinon, il faudrait soit encore rehausser la tranche supérieure à 47 %, soit faire des perdants parmi les plus pauvres (tableau 4). La simplification introduite par cette réforme se paye donc par de délicats effets d'affichage. Les taux marginaux sont apparents, alors qu'ils sont masqués dans le système actuel. TABLEAU 4 : BARÈME IR (FISCALITÉ 2006 ET VARIANTE B3)
Cette réforme rend l'impôt nettement plus progressif. Pour toutes les catégories de ménages les déciles 2 à 6 sont gagnants ; les déciles 9 et 10 perdants. Les familles moins aisées profitent pleinement du système du quotient familial tandis que les familles aisées sont pénalisées par un taux important sur la troisième tranche de revenu et par le plafonnement du système du quotient familial qui n'est pas revalorisé (graphique 5f). Les célibataires sont moins affectés par la réforme (graphique 5d). Les retraités sont moins affectés par la réforme que les salariés : globalement, ils ne sont plus perdants (graphiques 5b et 5c). La fusion de l'IR et de la CSG pose la question du mode de prélèvement du nouvel impôt : sera-t-il prélevé à la source, comme la CSG, ou sera-t-il déclaratif, comme l'IR ? Le maintien de la décote rend difficile le prélèvement à la source. La réforme illustrée par la variante B3 est plus compatible avec celui-ci : le prélèvement pourrait être de 20 % de tous les revenus, avec un abattement pour le revenu principal (soit, selon le barème B3, de 750 euros mensuels pour une personne sans enfant ; 750 euros supplémentaires pour un conjoint inactif ; 375 euros supplémentaires par enfant à charge). Le solde de l'IR serait prélevé par rôle. Graphiques 5: Variation de revenu disponible selon 5a : tous les ménages 5b : salariés 5c : retraités 5d : célibataires sans enfants 5e : couples sans enfants 5f : couples deux enfants 3. Individualisation de l'IR-CSG fusionné 3.1. 1ère étape : individualisation de l'impôt sur le revenu sans ajustement spécifique (Variante C1) L'impôt sur le revenu serait calculé sur les revenus individuels et non plus au niveau du foyer fiscal. La présence d'enfants ne serait plus prise en compte au niveau fiscal. Tous les avantages liés au système de parts fiscales seraient supprimés (demi-parts supplémentaires pour certaines catégories de ménages). On suppose, faute d'information disponible, que les revenus non liés à l'activité (revenus du patrimoine) seraient divisés de manière égale entre les conjoints. Selon la microsimulation, le revenu disponible des ménages baisserait de 23,2 milliards d'euros suite à l'augmentation de l'imposition sur le revenu. De façon peu étonnante, les ménages les plus riches seraient les plus affectés par l'alourdissement de l'imposition sur le revenu (graphique 6). Ce scénario pose problème car certaines des parts fiscales supplémentaires supprimées sont légitimes (voir Annexe C). Par exemple, les personnes invalides ont droit à une demi-part supplémentaire car il est considéré qu'ils ont plus de besoins et donc, à même revenu, un niveau de vie inférieur à celui d'une personne valide. Le système de part, s'il est supprimé, devra être remplacé par un système d'abattement sur revenus pour toutes les personnes bénéficiant actuellement de mesures spécifiques légitimes. Graphique 6 : Variation de revenu disponible Moyenne par ménage Sources : MiSME, calculs OFCE. 3.2. 2e étape : intégration de la CSG dans le barème de l'IR individualisé (Variante C2) La CSG est supprimée et les taux de l'IR sont augmentés de 7,5 points. La PPE est individualisée : les plafonds de ressource et les majorations pour personne à charge sont supprimés. Le barème de la PPE est modifié pour neutraliser l'effet de l'augmentation du revenu imposable lié à la suppression de la CSG déductible. Dans cette variante, le revenu disponible des ménages diminue de 27,7 milliards d'euros. Les prestations sociales baissent de 1,3 milliard d'euros. Si une modification du barème des prestations sociales compense la hausse du revenu disponible, le revenu disponible des ménages diminuerait de 26,4 milliards d'euros. Le poids de l'impôt sur le revenu serait fortement augmenté. Le graphique 7a présente la répartition de cette variation de revenu disponible par décile de revenu disponible. Les plus hauts revenus payent une part plus importante de l'augmentation de l'imposition sur le revenu. Comme le montrent les graphiques 7b et 7c, l'individualisation brute serait très défavorable aux familles avec enfants. En tout état de cause, cette réforme risque fort d'être jugée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel puisque deux personnes de capacité contributive différente (par exemple, une femme seule et une mère avec deux enfants, de même revenu) devraient payer le même impôt. Elle devrait être accompagnée d'une forte hausse des prestations familiales, de sorte que le Conseil puisse considérer que le coût des enfants est totalement couvert par les prestations familiales. Il faudrait alors poser la cohérence entre cette réforme, le droit de la famille et du divorce (si les prestations familiales sont censées couvrir totalement le coût de l'enfant, faut-il supprimer les pensions alimentaires ?) et les prestations sociales qui resteraient familialisées (allocation logement, RMI). Graphiques 7 : Variation moyenne de revenu disponible 7a : tous les ménages Moyenne par ménage Sources : MiSME, calculs OFCE. 7b : couples sans enfant 7c : couples 2 enfants 3.3. 3e étape : introduction d'un crédit d'impôt (Variante C3) Variante C3 : abattement individuel transférable et crédit d'impôt par personne à charge La variante C3 diffère de la variante C2 par l'introduction d'un abattement individuel transférable au conjoint d'un montant de 1.500 euros et d'un crédit d'impôt remboursable par personne à charge (enfants, handicapés). Pour maintenir constant le taux global de prélèvement sur les ménages, le crédit d'impôt est fixé à 800 euros. Les retraités et chômeurs qui bénéficiaient de l'exonération de CSG perdent cet avantage ; les autres perdent le bénéfice d'un taux de CSG plus faible. De plus, les retraités bénéficient rarement du crédit d'impôt pour personnes à charge, ils sont donc largement perdants (graphique 8c). Les couples sans enfants perdent le bénéfice du quotient conjugal et ne bénéficient pas non plus du crédit d'impôt. Les couples les plus riches voient leur revenu disponible diminuer fortement (graphique 8f). De même que dans la variante familialisation, les ménages les plus riches sont perdants quelle que soit leur composition : les seuils des tranches d'IR ainsi que le plafond de l'abattement de 10 % n'ont pas été modifiés pour tenir compte de l'augmentation du revenu disponible. La mesure bénéficie essentiellement aux familles avec enfants de faibles revenus au détriment des familles plus aisées. Comme le montre le graphique 9, les taux marginaux d'imposition effectifs (65) auxquels sont confrontés les ménages sont plus élevés dans cette variante que dans la situation actuelle. La réforme pourrait donc nuire à l'offre de travail des ménages. Graphique 8 : Variation de revenu disponible 8a : Tous les ménages Moyenne annuelle par ménage . Sources : MiSME, calculs OFCE. 8b : salariés 8c : retraités 8d : non salariés non retraités (66) 8e : couples sans enfant 8f : couples deux enfants Graphique 9 : Taux marginal effectif de prélèvement selon cinquantile de niveau de vie (Fiscalité 2006 et Individualisation CSG-IR variante C3) 3.4. Individualisation et simplification du système fiscal à taux de prélèvement constant (Variante C4) Comme dans la variante B3, le système fiscal est simplifié : la CSG et l'IR sont fusionnés pour former un impôt unique individualisé, la PPE et le système de décote sont supprimés. Le système d'abattement individuel transférable (1 500 euros) par conjoint et de crédit d'impôt remboursable par personne à charge (800 euros) est similaire à celui de la variante C3. Le barème à quatre tranches décrit dans le tableau 5 permet d'équilibrer la réforme. TABLEAU 5 : BARÈME IR (FISCALITÉ 2006 ET VARIANTE C4)
Dans cette variante, l'impôt est plus progressif que dans la fiscalité actuelle. Les ménages sans enfant sont moins affectés par la réforme (graphique 10b). Les familles avec enfants les moins aisées bénéficient du crédit d'impôt remboursable, alors que les familles aisées des 9e et 10e déciles pâtissent de la suppression du quotient familial et d'un taux marginal d'imposition plus élevé sur la troisième tranche de revenu, ce qui pose des questions d'équité horizontale avec les familles sans enfant de même niveau de revenu par tête (graphique 10c). En ce qui concerne la collecte de l'impôt, on pourrait instaurer un prélèvement de 20 % de tous les revenus, avec un abattement pour le revenu principal (qui serait de 750 euros mensuels pour une personne sans enfant ; de 125 euros supplémentaires pour un conjoint inactif). Le crédit d'impôt remboursable pourrait prendre la forme d'une hausse des allocations familiales. Le solde de l'IR serait prélevé par rôle. Graphiques 10 : Variation de revenu disponible selon 10a : tous les ménages 10b : couples sans enfants 10c : couples deux enfants Conclusion La fusion de la CSG et de l'IR simplifierait le système fiscal français. Selon les modalités adoptées, elle permettrait de rendre le système plus progressif ou, lors de réformes ultérieures, de mieux répartir les hausses ou les baisses de prélèvements. Le système actuel avec une CSG proportionnelle et un impôt sur le revenu que de nombreux foyers ne payent pas, ne permet pas de réduire l'imposition des foyers à bas revenus si nécessaire. La Prime pour l'emploi a, entre autres, été conçue afin de pallier ce défaut mais elle ajoute encore à la complexité et n'est que très faiblement familialisée (67). Une fusion de la CSG et de l'IR pose cependant plusieurs problèmes. Le premier est l'opposition de principe des syndicats qui voient défavorablement la fusion d'un impôt d'État avec la CSG dont le produit est directement affecté à la protection sociale. La réforme irait dans le sens d'une étatisation de l'assurance maladie et famille (surtout, si en même temps, une partie des cotisations employeurs étaient fiscalisées). La CSG pèse actuellement plus sur les salariés que sur les titulaires de revenus de remplacement. Une fusion CSG-IR sans compensation spécifique serait donc très coûteuse pour les retraités et les chômeurs, et en particulier les plus pauvres qui actuellement ne payent ni CSG ni IR. Une compensation serait donc nécessaire. Un abattement sur les revenus de remplacement coûterait cher ; il bénéficierait à tous et non pas seulement aux plus pauvres. De plus, il poserait la question de l'égalité devant l'impôt : pourquoi un salarié et un retraité ayant le même revenu paierait-il un impôt différent ? Une solution envisageable serait donc d'augmenter les revenus de remplacement jusqu'à un certain seuil : l'opération serait neutre pour la plupart des retraités et des chômeurs qui verraient leurs revenus et leur impôt augmenter du même montant. Il faudrait en conséquence augmenter les cotisations retraites et chômage. Au total les revenus des uns et des autres seraient inchangés, de même que les équilibres financiers des régimes sociaux, mais la complexité des changements à effectuer obère la faisabilité d'une réforme qui implique une coordination forte de l'État, de la Sécurité sociale et des partenaires sociaux dans le seul but d'améliorer la lisibilité du système fiscal. La suppression de la CSG déductible modifierait le revenu sur lequel se base le calcul des prestations sociales et de la PPE. Une modification des barèmes (comme ce devrait être le cas avec la suppression de l'abattement de 20 % sur les revenus salariaux) devrait permettre de ne pas pénaliser les foyers qui en bénéficient. La fusion pourrait être l'occasion de remettre en cause les différents dispositifs qui ont entraîné progressivement le rétrécissement de l'assiette de l'IR, en particulier certaines demi-parts supplémentaires et certaines niches fiscales (voir annexe C). La simplification la plus grande serait obtenue en fusionnant l'IR, et la CSG tout en intégrant la PPE et la décote dans le barème. Le système ainsi obtenu pourrait être plus progressif et plus transparent, mais il ferait apparaître au grand jour le montant élevé des taux de prélèvement marginaux pour des niveaux de revenus assez faibles, ce qui est masqué actuellement par l'empilement des dispositifs. Se pose aussi la question du mode de prélèvement. La réforme permettrait de prélever à la source la première tranche de l'IR (celle de 20 % par exemple) en tenant compte des abattements (l'abattement individuel, éventuellement l'abattement pour conjoint sans ressources, l'abattement pour enfants). Le solde serait prélevé sur rôle. Surtout, le législateur doit trancher la question de la familialisation ou de l'individualisation de l'impôt ainsi fusionné. L'individualisation impliquerait les transferts de charge les plus importants, notamment au détriment des familles aisées avec enfants. À taux constant, elle impliquerait une forte hausse de poids des impôts portant sur les ménages. Une réduction uniforme des taux serait fortement anti-redistributive, en particulier au détriment des familles. L'individualisation devrait obligatoirement s'accompagner d'une forte augmentation des prestations en faveur des enfants. On aboutirait alors à un système plus redistributif en faveur des familles pauvres, mais les familles aisées seraient perdantes, ce qui pose des questions délicates d'équité horizontale.
Annexe A : Revenus, fiscalité et cotisations sociales Définir un système équitable en matière de fiscalité ou de prestations sociales suppose que l'on s'accorde sur la notion de revenu. Deux contribuables de même revenus et de même situation familiale doivent payer le même impôt ; ceci oblige à comparer des revenus de différents types : revenus d'activité (salaires, revenus non-salariaux), revenus de remplacement (retraites, allocations chômage), revenus du capital (intérêts, dividendes, plus-values), revenus fonciers. En France, comme dans beaucoup de pays, la comparaison du traitement fiscal de différentes sortes de revenus est rendue délicate par l'existence des cotisations sociales, dont certaines donnent des droits aux personnes qui les ont payées, d'autres pas (famille, maladie), de sorte que ce sont des impôts. Par ailleurs, la CSG et l'IR n'ont pas la même base pour les salariés, le salaire brut dans un cas, le salaire net dans l'autre. Cette distinction n'existe pas pour les revenus financiers. N'est-elle pas source de distorsions ? Comment intégrer l'impôt sur les sociétés dans l'analyse ? Le système peut être rendu équitable en choisissant les paramètres du système fiscal de façon à rendre la taxation identique sur tous les revenus. Nous comparerons les impôts qui pèsent sur les différentes catégories de revenus pour voir si actuellement l'équité est vérifiée et dans quelle direction il faudrait réformer. Trois points sont particulièrement délicats : - L'impôt sur les sociétés doit-il être considéré comme un impôt spécifique sur les sociétés ou comme un impôt sur le revenu des propriétaires des entreprises ? Comme l'IS ne porte pas sur les intérêts, nous ferons la seconde hypothèse, mais celle-ci est discutable : par exemple, elle ne permet pas de justifier que l'IS soit prélevé selon le principe de la source - chaque pays est en droit de taxer les profits réalisés sur son territoire - et pas selon le principe d'origine -chaque pays taxe le profit réalisé par les sociétés enregistrées chez lui. - La TVA doit-elle être considérée comme un impôt neutre par rapport aux sources de revenu ou comme un impôt ne frappant que le travail ? Comme la TVA ne frappe pas l'investissement, nous serions tentés de répondre qu'il ne frappe que le travail. Ceci est confirmé par le fait que les entreprises ne payant pas de TVA payent une taxe sur les salaires. Par la suite, nous retiendrons cependant la thèse de la neutralité de la TVA. - Se pose la question des frais professionnels des salariés. Faut-il compter 10 % du salaire imposable (comme l'IR) ? ou 3 % du salaire brut (comme la CSG-CRDS) ? Faut-il plafonner ? Nous n'avons pas tranché et avons considéré qu'ils étaient nuls. Le cas des salariés Considérons d'abord un salarié au-dessus du plafond de la SS (soit 2.589 euros par mois). Marginalement, il est taxé à l'IR au taux de 30 %. Toutefois, si on ajoute le total de l'IR, de la CSG, des cotisations qui n'ouvrent pas de droit, son taux d'imposition marginal est de 45,98 % en rapportant les impôts payés au total revenu disponible plus impôts. Le même calcul effectué pour un salarié dans la tranche à 40 % aboutit à un taux d'imposition de 45,98 %de 53,65 % (et même de 56,71 % pour la partie des salaires n'ouvrait pas droit à l'abattement de 10 %). 1. TAUX MARGINAL D'IMPOSITION EN 2006 POUR UN SALAIRE BRUT DE 100,
Pour les retraités, les taux marginaux d'imposition sur les retraites complémentaires sont de 36,2 % (tranche à 30%), de 45,7 % (tranche à 40 %). 2. TAUX MARGINAL D'IMPOSITION DES RETRAITÉS
Pour les revenus d'intérêt, le taux d'imposition est de 27 %, mais il s'applique aux intérêts nominaux. En terme réel (en supposant un taux de 5 %et une inflation de 2 %), le taux effectif est de 45 %. 3. IMPOSITION DES REVENUS D'INTÉRÊT EN 2006
Pour les revenus fonciers, le taux à 30 % correspond en fait à un taux à 45,33 % ; le taux à 40 % à un taux à 53,81 %. Ce calcul prend en compte les impôts fonciers (ce qui est discutable s'ils rémunèrent des services locaux). 4. IMPOSITION DES REVENUS FONCIERS
Pour les revenus immobiliers, la prise en compte de l'impôt sur les sociétés aboutit à des taux de prélèvements relativement élevés sur les dividendes comme sur les plus-values taxées (on suppose que les plus-values correspondent pour 8 % à une rentabilité réelle, pour 2 % à de l'inflation). Par contre, le taux d'imposition est relativement faible sur les plus-values non-taxées. 5. IMPOSITION DES REVENUS IMMOBILIERS
Le tableau 6 fournit les taux marginaux pour les différents types de revenus. La ligne salaire+retraite ajoute les impôts payés en tant que salariés à ceux payés en tant que bénéficiaire d'une retraite. Les taux d'imposition marginaux globaux ainsi calculés sont relativement élevés. Les retraités sont moins taxés que les salaires (puisqu'ils ne supportent de cotisations employeurs famille et maladie). Les dividendes et les plus-values taxés sont plus imposés que les salaires, c'est l'inverse pour les plus values qui échappent à la taxation. L'équité voudrait donc que l'on taxe plus les retraités (mais, leur retraite diminue déjà en raison des réformes en cours), que l'on taxe un peu moins les dividendes et les plus-values taxés (mais ceci suppose que l'on supprime les possibilités d'échapper à la taxation des plus-values), enfin que l'on taxe les loyers implicites. S'y ajoute l'ISF pour les plus gros patrimoines. On voit que celle-ci peut apparaître lourde pour les titulaires de revenus fonciers (déjà taxés marginalement à 54 %), pour les titulaires de dividendes (taxés à 56 %) ou de plus-values taxés (au taux de 56 %), mais pas pour les propriétaires de leur résidence (taxé à seulement 10 %), ni pour les bénéficiaires de plus-values non-taxées (et imposés en fait à 34,4 %). De ce point de vue, le bouclier fiscal est mal conçu, puisque, ne prenant en compte que les revenus déclarés, ils bénéficient en priorité aux titulaires de loyers implicites et de plus-values non taxés, ceux qui sont déjà les privilégiés du système. 6. TAUX D'IMPOSITION MARGINAUX
* au-delà de l'abattement de 10 %. Le cas des bas revenus Les retraités et les chômeurs non-imposables ne paient pas de CSG-CRDS : leur imposition totale est donc nulle. Les salariés payés au SMIC bénéficient de l'allègement des cotisations sociales employeurs et de la PPE (tableau 8). Leur imposition totale, au sens défini plus haut, est donc négative, d'environ - 4 %. Il n'y a donc pas d'injustice commise au détriment des bas-salaires. 7. TAUX MARGINAL D'IMPOSITION EN 2006 POUR UN SALAIRE AU SMIC
Toutefois, les salariés bénéficient de systèmes d'allègement ou de PPE qui décroissent en fonction du salaire, alors que les retraités ont des systèmes à seuil moins performants. Théoriquement, un retraité dont la pension est de 880 euros par mois paie la CSG-CRDS une fois tous les deux ans ; il passe alors sous le seuil de 876 euros ; l'année suivante, il ne paie pas la CSG-CRDS, ce qui le fait remonter au dessus. De même un retraité dont la pension est de 1.085 euros est imposable une année sur deux ; il paie alors la CSG-CRDS, ce qui le fait devenir non-imposable, l'année suivante. 8. LE PARADOXE DES RETRAITÉS
Annexe B : De l'assiette des cotisations, de l'IR et de la CSG L'existence de niches sociales et fiscales détruit progressivement la logique contributive de l'imposition. Elles obligent à surtaxer les revenus qui restent imposables. Elles donnent lieu à des demandes permanentes de nouvelles exonérations, que les hommes politiques ont trop tendance à accepter. Les exonérations devraient donc être limitées au maximum. Les principales exonérations de cotisations employeurs ont des objectifs d'emplois, ce qui les justifie a priori : - les exonérations de cotisations bas-salaires - les exonérations en faveur de public en difficultés - les exonérations sectorielles (agriculture) - les exonérations liées à l'implantation - les exonérations « pôles de compétitivité » et « jeunes entreprises innovantes » - les exonérations aides aux salariés ou chômeurs créateurs d'entreprises. Par contre, certaines exonérations de cotisations, employeurs et salariés, sont beaucoup plus contestables : - Les exonérations Chèque Emploi Service Universel (CESU). - Les Plans d'épargne entreprise, la participation, les Perco. - Les Primes de la fonction publique. La CSG-CRDS devait être universelle. La CRDS frappe pratiquement tous les revenus. La CSG a une assiette légèrement plus étroite que la CRDS : y échappent les prestations famille et logement. Par contre, la CSG-CRDS frappe les cotisations sociales salariés Les principales exonérations de CSG-CRDS concernent : - les tickets restaurants, les indemnités de licenciements. - l'attribution d'actions gratuites à un salarié. - L'aide des entreprises pour l'achat de CESU. - Les prestations chômage inférieures au SMIC brut ou celles perçues par des personnes bénéficiant de l'exonération de la taxe d'habitation. - Les prestations retraites perçues par des personnes bénéficiant de l'exonération de la taxe d'habitation. - Les intérêts de l'épargne populaire (livret A). - Les assurances-vie dénouées par un décès. - Les plus-values mobilières si le montant des cessions ne dépassent pas 15 000 euros, en cas de mutation à titre gratuit, en cas de détention d'une durée supérieure à 8 ans. - Les Perco dénoués en capital. - Les loyers imputés. L'impôt sur le revenu a une assiette encore plus étroite que la CSG, mais la différence la plus sensible est celle qui concerne les cotisations sociales, qu'il serait peu avisé de remettre en cause. Certains placements ne sont pas taxés à l'IR (comptes et livrets d'épargne logement assurance-vie, PEA). La participation n'est pas imposée. Les revenus d'intérêt bénéficient d'un traitement privilégié (taxation au taux de 16 %), mais le privilège accordé est relativement limité puisque l'imposition porte sur des revenus nominaux. L'assurance-vie bénéficie d'un taux réduit. Globalement, trois réformes permettraient d'aller dans le sens de l'équité, mais elles sont délicates à mettre en œuvre : - Une certaine taxation des loyers imputés. Leur faire payer la CRDS/GSG/PS, soit 11 %, permettrait une rentrée fiscale de l'ordre de 8 milliards d'euros (avec un taux d'évasion de 50 %). - La taxation de tous les produits financiers au taux minimum de 16 %. L'assurance-vie n'est aujourd'hui taxée qu'à 7,5 % et bénéficie d'un large abattement. Les PEA ne paient pas d'IR. Mais ces deux produits paient, en principe, la CSG-CRDS. - La taxation de toutes les plus-values mobilières. Celles-ci peuvent éviter aujourd'hui toute taxation (y compris à la CRDS-CSG) en raison du seuil de cession, de la purge de l'impôt en cas de transmission par dotation ou héritage et, depuis 2007, au bout de 8 ans de détention. ASSIETTE DE L'IR ET DE LA CSG
Source : évaluation des auteurs. Annexe C : Vers la suppression des niches fiscales : quel gain possible ? De nombreux fiscalistes et économistes estiment que la suppression des dépenses fiscales permettrait de dégager des ressources importantes qui pourraient être utilisées pour réduire les taux marginaux d'imposition. Notre fiscalité serait ainsi rendue plus incitative au travail, plus redistributive (puisque ce sont les plus aisés qui sont supposés utiliser le plus les dépenses fiscales) et plus juste (puisque le principe selon lequel l'imposition ne doit dépendre que des capacités contributives serait mieux respecté). Nous nous proposons ici d'évaluer les gains qui pourraient être obtenus de la remise en cause de certains de ces dispositifs. Le tableau B reprend les dépenses fiscales profitant aux ménages selon le tome II des Voies et Moyens pour 2007 (du moins celles dont le coût dépasse 20 millions d'euros). Nous avons, un peu arbitrairement, effectué un classement des ces dispositifs allant de *** (dispositif intouchable), à ? (dispositif qui peut être remis en cause dans le cas d'une réforme globale) et à 0 (dispositif contraire à l'équité). Certains postes ne peuvent être considérés comme des « dépenses fiscales ». Ce sont des dispositifs permettant de mieux évaluer la capacité contributive du contribuable. Certains pourraient toutefois être discutés. Les frais de garde et de scolarité correspondent à des dépenses effectives : on peut toutefois considérer que celles-ci sont déjà prises en compte par le système de part fiscale. On pourrait aussi considérer que les frais de repas et de transports des salariés sont déjà pris en compte dans l'abattement de 10 % pour frais professionnels. Mais leur fiscalisation serait compliquée. La déduction des cotisations retraites est quant à elle peu contestable si les fonds accumulés ne peuvent servir qu'à verser une prestation retraite imposable. Certains postes correspondent à des dépenses sociales. La non-imposition des prestations familiales est une aide aux familles avec enfants. Celles-ci ont déjà, après impôt, un niveau de vie plus bas que les célibataires et les couples sans enfant. On ne peut augmenter la pression fiscale qui pèse sur elles, sauf à restructurer le système de prestations. L'exonération des prestations d'accident du travail ou de maladie longue durée n'a plus guère de justification si ces prestations sont à des niveaux corrects. La réduction des impôts dans les Dom n'a guère de justification. La demi-part supplémentaire à partir du 3e enfant est certes un avantage fiscal, mais, les familles nombreuses ayant un niveau de vie plus faible que les autres, sa suppression devrait être compensée par une hausse des prestations sociales. De même, la demi-part supplémentaire des anciens combattants pourrait avantageusement être remplacée par une revalorisation de leurs pensions, mais le gain serait nul pour les finances publiques. Plusieurs dispositifs aident spécifiquement les personnes âgées ou retraitées, ce qui n'a plus guère de justification. En particulier, la non-imposition des majorations de retraites pour les personnes ayant élevé plus de 3 enfants pourrait être remise en cause. Le dispositif maintenant une demi-part supplémentaire aux personnes ayant eu des enfants à charge n'a guère de justification : il a déjà été plafonné et réservé aux personnes vivant effectivement seules. On peut envisager une nouvelle baisse du plafond. L'abattement de 10 % pour frais professionnel des retraités a déjà été plafonné. En ce qui concerne l'emploi, la non-imposition des salaires des apprentis, stagiaires, étudiants est peu justifiable dans la mesure où ceux-ci ouvrent déjà un droit à une demi-part à leurs parents. Se pose aussi la question de l'épargne salariale et de l'intéressement. Et surtout celle de la déduction pour emploi à domicile, qui est très coûteuse et bénéficie aux plus riches. En ce qui concerne les capitaux mobiliers, les avantages des PEA et de l'assurance-vie pourraient être réduits ; l'abattement forfaitaire et le crédit d'impôt sur les dividendes supprimés, ainsi que le seuil sur cessions pour l'imposition des plus-values. Par contre, l'abattement de 40 % sur les dividendes (qui évite une double imposition) et le prélèvement libératoire devraient être maintenus. Tous les dispositifs qui permettent de déduire un investissement en logement ou entreprises de son revenu pourraient être supprimés. Se pose aussi la question de l'exonération totale des loyers implicites (ceux du propriétaire de son appartement), que ne prend pas en compte Voies et Moyens, Tome II. Au total, sur 32 milliards de dépenses fiscales estimées (hors loyers fictifs), on peut estimer à 6 milliards celles qui peuvent être supprimés rapidement et à 10,5 milliards, au total, celles qui peuvent l'être à moyen terme. Dans tous les cas, cette suppression se heurterait à des protestations des milieux sociaux ou économiques. Certains dispositifs, qui ne sont pas justifiés dans le cadre de l'imposition sur le revenu poursuivent d'autres objectifs (emploi, logement, incitation à l'investissement...). S'il convient de les sortir du calcul de l'impôt par soucis d'équité fiscale, certains devraient probablement être remplacés par d'autres instruments (baisses de charge ? aides à la pierre ?). Ceci réduirait le gain financier pour l'État, mais l'équité fiscale serait mieux assurée et les dispositifs pourraient être mieux contrôlés. TABLEAU B : INVENTAIRE DES DÉPENSES FISCALES EN 2007
* Ne figure pas dans Voies et Moyens, estimé par nous. ** Selon Voies et moyens. Cette suppression d'une partie des dépenses fiscales rendrait possible de baisser le taux de la troisième tranche d'imposition. Dans le cadre de la variante B3, nous avons simulé une diminution du taux de 39 % à 36,5 %. Le coût est d'environ 5 milliards d'euros. La variation de revenu disponible par décile de niveau de vie est représentée sur le graphique ci-dessous. Les ménages les plus aisés bénéficient en priorité d'une telle mesure. Graphique B : Variation de revenu disponible selon Annexe D : Taux moyens et taux marginaux d'imposition Si l'on veut fusionner l'IR, la CSG et la PPE dans un impôt unique, il convient d'analyser la façon dont ces trois instruments interagissent aujourd'hui. Prenons l'exemple d'un salarié célibataire. Le graphique A.a représente, en % du salaire net, la PPE qu'il perçoit et la CSG et l'IR qu'il paye. Le taux moyen d'imposition est défini en fonction du salaire net (Impôt = CSG + IR - PPE/Salaire net). Le graphique A.b montre la contribution de la PPE de la CSG et de l'IR au taux marginal d'imposition. Du fait de la diminution des gains fournis par la décote et la PPE, le taux marginal d'imposition est relativement élevé (48 %) entre 1 et 1,3 SMIC : pour chaque euro d'augmentation de salaire net, l'impôt augmente de 48 centimes (en prenant en compte la diminution des allocations logements, le taux marginal effectif de prélèvement entre 1 et 1,3 SMIC s'élèverait à 71 % : pour chaque euro d'augmentation de salaire net, le revenu disponible du salarié augmente seulement de 29 cents). Si l'on raisonne par rapport au salaire brut, ce phénomène est aggravé par les allégements de charges au niveau du SMIC, dégressifs jusqu'à 1,6 SMIC. Graphique A.a : Taux moyen d'imposition d'un célibataire (en % du salaire net, revenu exprimé en nombre de SMIC) Comme le montre le graphique A.b, le système fiscal actuel permet, grâce à sa complication, au taux marginal d'imposition de décroître. Dans un système simple où l'on ne garde qu'un seul instrument, il serait difficile d'afficher des taux marginaux décroissants. Ce système a, de plus, l'inconvénient de faire apparaître des taux marginaux très élevés, relativement bas dans la hiérarchie des revenus. Pourtant, un tel système permettrait de limiter les transferts verticaux induits par une fusion des trois instruments. Pour résoudre ce problème, on pourrait passer d'un barème exprimé en taux marginal à un barème exprimé en taux moyen (voir Annexe E). Graphique A.b : Taux marginal d'imposition d'un célibataire (revenu exprimé en nombre de SMIC) Annexe E : Simulation d'un barème de l'impôt sur le revenu exprimé en taux réels (forme LF 1937) ou barème « CEPREMAP» Certains ménages ont des difficultés à comprendre la notion de taux marginal et la confondent avec celle de taux moyen. Une note du CEPREMAP (68) propose donc de passer à un barème exprimé en taux moyen, qu'elle appelle taux réels. La présentation s'inspire de la loi de finances pour 1937 (article 37) ; elle s'exprime de la façon suivante : « L'impôt est calculé en appliquant à la totalité du revenu les taux réels suivants (pour deux parts de quotient familial) : - 0 % pour 15.000 euros à 15 % pour 90.000 euros (incrément de 0,2 % pour 1.000 euros) - 15 % pour 90.000 euros à 25 % pour 190.000 euros (incrément de 0,1 % pour 1.000 euros) - 25 % pour 19.000 euros à 40 % pour 490.000 euros (incrément de 0,05 % pour 1.000 euros) - 40 % pour 49.000 euros et au-delà ». L'abattement de 10 % pour frais professionnel et la décote seraient supprimés. Le graphique Ca représente les taux réels d'imposition dans le système actuel et avec le nouveau barème pour le cas d'un foyer disposant de deux parts de quotient familial. Graphique Ca : Écarts d'imposition entre Source : CEPREMAP. Le graphique Cb représente les variations d'impôt induites par la réforme par décile de niveau de vie. Pour les déciles 1 à 9, les variations sont relativement faibles : les taux réels d'imposition ne varient guère. Par contre, les taux réels d'imposition sont nettement plus élevés pour les ménages les plus aisés. Cela se traduit par un impôt plus élevé pour les ménages du dixième décile les plus aisés. Graphique Cb: Variations d'Impôt sur le revenu (moyenne annuelle par ménage) Source : MiSME, calculs OFCE. Ce barème a deux limites. Premièrement, il intègre l'abattement de 10 % dont bénéficient les salariés et les retraités, jusqu'à un certain seuil. L'objectif est de faciliter le calcul de l'impôt et de diminuer le taux affiché. Mais, il est difficile de supprimer l'abattement forfaitaire pour les salariés puisque beaucoup d'entre eux demanderaient alors la déduction de leurs frais réels. Le calcul et le recouvrement de l'impôt seraient alors compliqués. Deuxièmement, les hauts revenus voient leurs taux d'imposition augmenter. Ceci n'est pas lié a priori au calcul en taux réels, mais au choix de la note de se borner à 4 échelons ; Il conviendrait de rajouter une 5e tranche au barème pour palier ce défaut. Malgré ces limites, l'exercice montre qu'il est possible de passer d'un barème exprimé en taux marginal à un barème exprimé en taux réels en minimisant les variations d'impôt sur le revenu. Les ménages auraient alors une meilleure vision du taux effectif d'imposition auquel ils sont soumis. À l'inverse, il est difficile dans un tel système de déterminer son taux marginal d'imposition. Il est alors possible que la crainte qu'une hausse de revenu de 10 euros induise une hausse d'impôt supérieure à 10 euros (et donc une baisse de revenu disponible) se généralise. Une fois déterminé le taux d'imposition moyen du ménage, t à, l'année n, il serait possible de pratiquer le prélèvement à la source de manière simple en demandant à leurs employeurs de prélever l'impôt à ce taux l'année suivante. Toutefois, si l'impôt reste familialisé, ceci suppose que l'État puisse en quelque sorte décider du partage de la charge de l'impôt entre les conjoints. Annexe F : Les prélèvements sur les ménages : une comparaison internationale La France est au 6e rang des pays de l'OCDE pour le taux de prélèvement obligatoire, derrière les pays scandinaves et la Belgique, mais 4,6 points au-dessus de la moyenne de l'UE15 (43,4 % contre 38,8 %). Ceci s'explique par des infrastructures publiques importantes (transport, culture, sport), par la gratuité de l'enseignement, par de fortes dépenses d'assistance, par des prestations famille et chômage relativement élevées et surtout par le caractère public des systèmes de retraites et d'assurance maladie. 1. Les prélèvements obligatoires, en % du PIB
* 1991. Source : OCDE, Statistiques des Recettes publiques, 2006. Globalement, l'évolution de la fiscalité en France, de 1992 à 2004, se caractérise par la montée en puissance de la CSG, la hausse des impôts locaux, la baisse de l'IRPP et une légère diminution des cotisations employeurs (tableau 2). La grande masse des impôts (33 points de PIB) est constituée de taxes proportionnelles collectées par les entreprises (TVA, accises, cotisations sociales, CSG-CRDS). La part des impôts progressifs (IR, ISF, droits de succession) est relativement faible (4,7 points de PIB). Comparée à ses partenaires européens, la France a quatre caractéristiques majeures : - L'impôt sur le revenu y est particulièrement faible (même si on y ajoute la CSG). - Les cotisations employeurs sont nettement plus importantes (surtout si on y ajoute la taxe sur les salaires). - La taxe professionnelle est relativement lourde. - L'impôt sur le capital est relativement élevé. Certes, rien de permet de penser que la moyenne de l'UE doit être la norme en matière de fiscalité. Toutefois, ces chiffres suggèrent que la France devrait augmenter le poids de l'impôt sur le revenu et diminuer celui des cotisations employeurs, en faisant financer par l'impôt les prestations familiales et santé. Ce n'est pas la voie qui a été suivie. Par ailleurs, la fiscalité élevée sur le capital sera difficile à maintenir dans une situation d'ouverture des frontières. Le système fiscal français est particulièrement compliqué en raison de l'accumulation des réformes successives, du perfectionnisme de l'administration fiscale, de l'existence d'une multitude de petits impôts et de nombreux dispositifs dérogatoires (niches fiscales). Cette complexité s'est accrue, dans la période récente, en raison de l'interaction croissante entre le budget et les finances sociales et locales. 2. La structure fiscale de la France et de l'UE, en % du PIB
* Taxe professionnelle en France, Irap en Italie. Source : OCDE, Statistiques des Recettes publiques, 2006. Il est délicat de définir précisément « les prélèvements sur les ménages ». Dans une définition spécifique (qui inclut les cotisations sociales, mais pas les impôts indirects et qui intègre aussi les cotisations hors prélèvements obligatoires), la France à 26 % du PIB est en une position médiane entre les pays scandinaves (Suède, 31 % ; Pays-Bas, 29 % ; Belgique et Danemark, 27 %), un peu en dessus des pays continentaux (Allemagne, 24 % ; Italie, 23 %) et les pays libéraux (Royaume-Uni, 20 % ; États-Unis, 17 % ; Japon, 15,5 %). Toutefois, le poids de l'impôt sur le revenu est de loin le plus bas en France. Mais, le partage impôt sur le revenu/cotisations sociales est discutable (la CSG figure dans l'IR en France, mais certains prélèvements fiscaux figurent dans les cotisations sociales aux Pays-Bas). 3. Une comparaison des prélèvements sur les ménages
Les spécificités des régimes d'imposition Le système d'imposition français a plusieurs spécificités : - Le quotient conjugal. Il permet à un couple marié d'être taxé comme deux célibataires de revenus égaux à la moyenne des revenus du couple. Il favorise donc les couples de salaires différents et ceux où un des conjoints n'a pas de revenu. Ce système est aussi pratiqué en Allemagne et aux États-Unis (pour les revenus bas ou moyens). D'autres pratiquent strictement l'imposition séparée (Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède). La plupart des pays pratiquent un système d'imposition séparé, mais un conjoint sans ressource donne droit à un abattement (Espagne, Italie, Japon) ou à un crédit d'impôt (Belgique, Danemark). Au niveau du salaire moyen, la France est troisième quant à sa générosité pour les couples mono-actifs. - Le quotient familial. Chaque famille se voit attribuer un quotient familial (QF), tenant compte de sa composition et mesurant, en principe, ses unités de consommation. Elle est taxée comme QF célibataires de revenus R/QF. La France est la seule à pratiquer ce système. Quelques pays ne tiennent pas compte du nombre d'enfants pour le calcul de l'impôt (Danemark, Pays-Bas, Suède, Royaume-Uni) ; les autres attribuent des crédits d'impôt (Allemagne, Belgique, États-Unis) ou des abattements (Espagne, Italie, Japon, États-Unis). Au niveau du salaire moyen, et pour deux enfants, la France est 4e quant à sa générosité envers les enfants, en intégrant fiscalité et allocations familiales. 4. Le traitement des couples et des enfants
* En % du revenu disponible d'un célibataire au salaire moyen ; ** Famille avec 2 enfants en % du revenu disponible d'un célibataire au salaire moyen. 5. Taux moyen d'imposition en 2005, couple marié, deux enfants, deux revenus salariaux, la femme travaille et gagne 70 % du salaire du mari
a) IR/salaire net ; b) (IR + cotisations sociales - prestations familiales)/salaire super brut. Dans le cas français, la CSG/CRDS figure dans l'impôt sur le revenu.* Donne droit à une retraite proportionnelle ; ** Donne droit à une retraite plafonnée ; *** Donne droit à une retraite forfaitaire. Source : Calculs des auteurs d'après OCDE, Les impôts sur les salaires, 2006. Les chiffres pour la France correspondent à la législation appliquée aux revenus de 2006. Globalement, on peut évaluer la pression fiscale sur les ménages soit à partir du seul impôt sur le revenu, soit en tenant compte de l'ensemble des cotisations (tableau 5) : - Pour les bas salaires, la France est au 6e rang pour l'IR, au 5e rang pour la totalité des prélèvements. L'effet CSG compense l'effet réduction des cotisations employeurs. - Au niveau du salaire moyen, la France est au 8e rang pour l'IR, au 4e rang pour la totalité des prélèvements. Au niveau des hauts salaires, la France est au 11e rang pour l'IR, au 3e rang pour la totalité des prélèvements. La France a donc peu d'IR (mais la CSG pèse beaucoup sur les bas salaires) et beaucoup de cotisations sociales. La France fait partie des pays où des cotisations sociales ne sont pas plafonnées, comme la Belgique, la Suède. Au contraire, il existe un plafond en Allemagne (1,5 fois le salaire moyen), Espagne (1,6 fois), en Italie (3,7 fois), au Japon (2 fois), au Pays-Bas (0,9 fois), aux États-Unis (2,1 fois), au Royaume-Uni (1,2 fois) Il n'y a pratiquement pas de cotisations sociales employeurs au Danemark. Ceci rend difficile la comparaison des prélèvements puisque la partie du salaire au-dessus du plafond n'est pas couverte pour la retraite (aux Pays-Bas, un salaire au-dessus du plafond exclut de l'Assurance maladie publique). Les taux marginaux maximum d'imposition pour l'IR vont de 40 % au Royaume-Uni à 59 % en Suède (tableau 6). Le taux global (y compris cotisations famille et maladie) va de 40 % au Royaume-Uni à 71 % en Suède. La France est au 6e rang pour le premier, au 4e pour le deuxième.
L'impôt sur le revenu est peu progressif en France (qui est le dernier sur 11) ; par contre, la taxation globale est relativement progressive en France (qui se retrouve au 3e rang). 7. Progressivité des prélèvements
* Pour chaque pays figure la contribution de la fiscalité à la réduction des inégalités de revenu entre un couple à bas salaire (Homme : 70 % du SM , F : 50 %) et un couple à revenu élevé (H : 5 fois le SM, F : 3,5 fois). Le tableau 8 permet de faire un bilan global de la redistribution en France en 2000. Les plus pauvres ont un revenu disponible égal à 120 % leur revenu initial ; les plus riches à 77 %. Les plus riches gagnent 6,56 fois plus que les plus pauvres ; cet écart est réduit à 4,76 fois en termes de revenu disponible. Cette redistribution s'effectue à la fois par les prestations (qui augmentent de 27 % le revenu des pauvres que par les impôts (qui baissent de 23 % le revenu des plus riches). 8. Les ménages en 4 catégories de revenus
Source : Hourriez (2003). Du point de vue des inégalités de revenu, la France est dans le deuxième peloton (tableau 9). Le premier comporte la Suède, le Danemark et la Finlande ; le deuxième les Pays-Bas, l'Autriche, la France, l'Allemagne et la Belgique ; le troisième l'Irlande, l'Italie, le Royaume-Uni et la Grèce. Les inégalités de revenus n'ont pas augmenté en France depuis 1995. 9. Inégalité et pauvreté en Europe
* Au seuil de 60 %. Source : Eurostat (2007). La France aboutit donc à un résultat relativement satisfaisant, mais par des moyens détournés. Les hauts salaires sont surtaxés par les cotisations employeurs, plus que par l'IR. Les bas-salaires sont frappés par la CSG, épargnés par l'IR, mais bénéficient de la PPE et des exonérations de cotisations. Annexe G : Quelques réflexions sur le prélèvement à la source On peut imaginer trois types de prélèvements à la source : a) Dans le premier, l'entreprise est chargée de calculer, en temps réel, le montant de l'impôt dû. Mais, ceci est inapplicable dans le cas de la France où l'entreprise devrait être au courant en permanence du revenu du conjoint et des autres éléments affectant l'imposition (emploi à domicile, dividendes, etc.). b) Dans le deuxième, il ne s'agit que d'un prélèvement approximatif, non libératoire, basé l'année n sur un taux moyen découlant de l'imposition des années précédentes. Tous les contribuables doivent faire une déclaration au début de l'année n + 1. Ils doivent ensuite payer ou recevoir une régularisation. Le gain en formalités administratives est nul, voire négatif, puisqu'il faut faire deux fois le calcul de l'impôt dû, d'abord sommairement en début d'année n (sur la base d'information datant de n - 2), puis correctement au début de l'année n + 1. c) Dans le troisième cas, le prélèvement est libératoire pour la grande masse des contribuables (salariés ou retraités). Seul un petit nombre de contribuables doivent faire une déclaration et payer un supplément d'impôt. Ce système demande une grande réforme simplificatrice du système français : - La fusion de l'IR, de la CSG, de la PPE. Le passage à trois tranches : par exemple une tranche à taux 0, représentant un abattement sur le revenu d'un montant, A ; un taux normal, de l'ordre de 25 % ; un taux supérieur, 50 % par exemple, qui ne s'appliquerait qu'au-delà d'un certain revenu, B. Les entreprises devraient donc prélever 25 % du salaire sur la partie du salaire dépassant l'abattement. Seuls, les contribuables les plus riches dépassant le seuil B devraient faire une déclaration. La charge d'un conjoint sans ressource ou d'enfants serait prise en compte par l'élargissement du seuil A et, éventuellement, par l'application du quotient familial pour les contribuables dépassant le seuil B. La suppression de tous les mécanismes fiscaux dérogatoires, dont certains simplement abolis, d'autres remplacés par des subventions directes, selon des modalités spécifiques. Mais, il s'agit d'un choix politique délicat, en raison de la nécessité de diminuer quelque peu le caractère familial du système et de remplacer toutes les niches fiscales par des subventions explicites. Si cette simplification n'est pas faite (réforme du deuxième type), on ne peut demander à l'entreprise de faire un calcul précis de l'impôt. Celui-ci devra être évalué sur la base d'un taux moyen, qui n'a rien à voir avec le taux marginal, qui s'applique en cas d'augmentation de salaire. Par exemple, pour un salaire de l'ordre de 6 000 euros par mois, le taux marginal est de 36 %, le taux moyen de 20 %. La sensibilité de l'impôt à l'activité sera donc atténuée. Ce taux moyen pour l'année n doit-il dépendre des niches fiscales dont a disposé le contribuable en l'année n - 2 ? Si non, le prélèvement sera supérieur à l'impôt dû et le fisc devra rembourser toutes les réductions d'impôt. Si oui, ceci suppose que les niches fiscales sont permanentes, ce qui pose problème dans de nombreux cas : réfection de chaudière, emploi de personnel à domicile. Enfin, le dispositif doit imposer un partage proportionnel entre les conjoints ce qui ne va pas de soi si les salaires sont inégaux. Ce partage proportionnel n'a aucun fondement légal. Prenons un exemple : Jean est payé 10 000 euros par mois, Martine 1 000 euros. Le prélèvement est de 2 608 euros pour Jean, de 0 pour Martine. Ils se marient : le prélèvement passe à 1 906 pour Jean ; 190 pour Martine : 19 % pour chacun. Est-ce équitable ? On pourrait penser laisser le choix du partage aux conjoints, mais c'est une complication supplémentaire : les conjoints devraient proposer une répartition au fisc, qui devrait l'accepter.. La transition sera délicate : il y aura d'abord un effet psychologique de baisse du salaire perçu. Surtout, il faudra gérer la non-imposition des revenus de l'année N-1. Il serait sans doute souhaitable que la mesure ne soit annoncée qu'au cours de l'année N-1 (et pas tôt dans l'année N-2), pour éviter le report en avant de certains revenus. Il faudra ensuite : Imposer tous les revenus non récurrents de l'année N-1 comme les plus-values (et sans doute les dividendes) pour éviter les comportements opportunistes. Verser certaines réductions d'impôts dues pour l'année N-1 : dons, emplois à domicile. crédit d'impôt pour travaux à domicile, pour éviter que ceux-ci deviennent très faibles durant l'année N. Quid des plans d'épargne retraite ? de la PPE ? Pour les autres revenus, l'impôt devra être calculé sur le maximum (revenus de l'année N-1, revenus de même nature de l'année N), toujours pour éviter des ripages. Ceci sera un travail pour le fisc. La mesure présente certes quelques avantages : meilleur sensibilité de l'impôt à la conjoncture, hausse de l'impôt en l'année N (de l'ordre de 3 milliards d'euros). Elle est cependant très difficile à mettre en œuvre. PROGRESSIVITÉ « EN ESCALIER » DE LA CSG : I.- SITUATION ACTUELLE L'imposition à la contribution sociale généralisée (CSG) varie suivant la nature des revenus. La CSG s'applique dans la généralité des cas de la même façon et au même taux à tous les assujettis : taux de 7,5 % sur les revenus d'activités ; taux de 8,2 % sur les revenus du patrimoine et de placement. Par dérogation, le taux de la CSG sur les revenus du remplacement (pensions de retraite, allocations de préretraite et de chômage notamment) varie en fonction du montant du dernier revenu fiscal de référence connu (aimée n-2) calculé par part. Ainsi, au titre de 2006, les retraités dont le revenu fiscal de référence de 2004 n'excède pas 7.286 euros pour la première part de quotient familial, majoré de 1.946 euros pour chaque demi-part supplémentaire sont exonérés de CSG. Ceux qui ne remplissent pas cette condition mais dont le montant d'impôt sur les revenus de 2004, avant déduction des avoirs fiscaux et crédits d'impôt, est inférieur à 61 euros sont assujettis à la CSG au taux réduit de 3,8 %. Dans les autres cas, ils sont assujettis à la CSG au taux de 6,6 %. Il a été demandé d'estimer le coût résultant de l'extension du dispositif de la CSG applicable aux revenus de remplacement à tous les revenus assujettis à la CSG. Ainsi, l'assiette de la CSG restant inchangée (revenus bruts avant cotisations sociales), un barème à trois taux serait institué en fonction du montant du dernier revenu fiscal de référence connu (année n-2) calculé par part : - en deçà d'un certain montant, le titulaire des revenus serait exonéré de CSG ; - entre la limite supérieure d'exonération et un certain montant le titulaire des revenus serait soumis à la CSG à un taux intermédiaire ; - au-delà de la limite supérieure du taux intermédiaire, le taux de droit commun s'appliquerait. L'exploitation des fichiers fiscaux constitués des déclarations d'impôt sur les revenus ne permettant ni d'appréhender l'intégralité des revenus assujettis à la CSG, ni l'assiette de la CSG qui diffère de celle de l'impôt sur le revenu, l'exposé des résultats nécessite de préciser au préalable les contours, les limites de l'étude et la méthode de simulation. 1.- Utilisation d'un échantillon statistique L'étude a été menée à partir de l'exploitation d'un échantillon définitif de 500.000 foyers fiscaux de la Métropole et des DOM, tiré après la 4ème émission de l'impôt sur les revenus de 2004. 2.- Utilisation des déclarations d'impôt sur le revenu de l'échantillon Les revenus soumis à l'impôt sur le revenu, nets des cotisations sociales déductibles, dont les membres du foyer fiscal ont disposé au cours de l'année, sont déclarés dans les catégories suivantes : traitements et salaires ; pensions, retraites et rentes viagères bénéfices agricoles; bénéfices industriels et commerciaux ; bénéfices non commerciaux ; revenus de capitaux mobiliers ; revenus fonciers ; plus-values. Les revenus qui sont exonérés d'impôt sur le revenu ne figurent pas, en principe, sur la déclaration d'impôt sur le revenu. Il en est ainsi de la plupart des prestations et aides à caractère familial ou social (allocations familiales, RMI...). Certains revenus exonérés sont toutefois déclarés. Il en est ainsi des revenus exonérés d'activités professionnelles non salariées (activités exercées en zone franche de Corse...). 1.- Les revenus déclarés à l'impôt sur le revenu différent de ceux retenus dans l'assiette de la CSG ¬ En ce qui concerne les revenus d'activités salariées La CSG est assise sur le montant brut avant déduction des cotisations sociales auquel est appliquée une réfaction de 3 %. Les revenus sont déclarés, pour la détermination de l'impôt sur le revenu, pour un montant net des cotisations sociales déductibles. ¬ En ce qui concerne les revenus de remplacement Certains revenus de remplacement, bénéficiant du régime dérogatoire de la CSG (indemnités journalières de maladie ; allocations pour accidents du travail), sont déclarés dans la catégorie des traitements et salaires. Ils ne peuvent être distingués des revenus salariaux. Le régime CSG des salaires leur a donc été appliqué. ¬ En ce qui concerne les revenus du patrimoine La base imposable est le plus souvent identique à celle retenue pour l'établissement de l'impôt sur le revenu et se détermine à partir des revenus déclarés. ¬ En ce qui concerne les revenus d'activités non salariées La CSG est assise en principe sur le montant du bénéfice imposable majoré des cotisations personnelles de sécurité sociale. En outre, ces revenus sont assimilés à des revenus du patrimoine lorsqu'ils n'ont pas été soumis à la CSG par les organismes sociaux. L'identification de ces revenus est difficile à opérer. Par hypothèse, les revenus d'activités non salariées non professionnels (loueurs en meublé par exemple) ont été exclus de l'assiette de la CSG prélevée par les organismes sociaux et assimilés à des revenus du patrimoine. ¬ En ce qui concerne les revenus exonérés d'impôt sur le revenu Certains revenus bénéficiant d'exonérations fiscales doivent être réintégrés dans l'assiette taxable à la CSG (majorations de retraite pour charges de famille produits de l'épargne salariale ; activités exercées en zone franche de Corse...). Le montant des revenus exonérés, lorsqu'ils ne sont pas déclarés, n'ont pas été pris en compte. ¬ En ce qui concerne les produits de placement L'exploitation du fichier des déclarations d'impôt sur le revenu ne permet pas de les appréhender totalement. Seuls ceux soumis au prélèvement libératoire sont mentionnés et représentent moins de 40 % du total, les autres revenus de ce type bénéficiant d'une exonération d'impôt sur le revenu. Les produits de placement ont donc été exclus de l'étude. 2.- Sur la représentativité de l'échantillon Le rapprochement du fichier échantillon et de la déclaration 2042 nationale fait apparaître une médiocre représentation des revenus d'activités non salariées déclarés par les personnes à charge (sur-représentation ou sous-représentation sensible selon les revenus). La différence d'assiette a nécessité un retraitement des données fiscales afin de reconstituer les revenus bruts à partir des revenus déclarés et la détermination des cotisations sociales, variables non seulement en fonction de la nature et du niveau des revenus, mais aussi en fonction de l'activité professionnelle. Ainsi, pour chaque type de revenus catégoriels, et s'agissant des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux et des bénéfices agricoles, pour chaque régime d'imposition, a été défini un taux moyen de cotisations sociales par tranche de revenus. Les masses reconstituées des revenus taxables à la CSG ont été rapprochées des assiettes mentionnées dans l'état statistique 1507M relatif aux contributions sociales sur les revenus du patrimoine et dans le rapport annuel des comptes de la sécurité sociale, pour s'assurer de la représentativité de l'échantillon et de la cohérence de la méthode de retraitement des revenus. L'évaluation a été effectuée à partir de l'application ORISON (69) : L'hypothèse de référence correspond à la CSG applicable aux revenus d'activité et du patrimoine conformément à la législation actuelle pour des revenus perçus en 2006. L'hypothèse simulée correspond à une CSG, assise sur la même assiette, calculée selon le système à trois taux applicable aux pensions. Afin de pouvoir prendre en compte le seuil de mise en recouvrement des contributions sociales assises sur les revenus du patrimoine, fixé à 61 euros et apprécié globalement, la simulation a été réalisée en combinant la CSG aux autres prélèvements sociaux (CRDS prélèvement social de 2 % et contribution additionnelle de 0,3 %). L'étude consiste à évaluer le coût budgétaire de l'introduction d'une progressivité de la CSG, en faisant varier le paramètre correspondant au montant du taux intermédiaire de façon à réduire ce coût. Ce taux a été fixé de façon conventionnelle, à un niveau proche du taux intermédiaire applicable aux retraites dans une première hypothèse, au niveau de la fraction de CSG déductible pour l'imposition à l'IR dans une seconde hypothèse. Un « barème » différent a été retenu selon la nature des revenus (activité ou patrimoine) compte tenu du niveau du taux proportionnel actuel et en adoptant ce taux comme taux maximum (aucun perdant). (en pourcentage)
D.- RÉSULTATS DE LA SIMULATION Le tableau joint en annexe présente dans deux hypothèses le coût budgétaire et le nombre de foyers fiscaux concernés par le dispositif de CSG envisagé, hors impact IR (70). CSG DIFFÉRENCIÉE À 3 TAUX SUR LES REVENUS D'ACTIVITÉS * ET LES REVENUS DU PATRIMOINE COMBINÉE AUX AUTRES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX **
* Les indemnités journalières de sécurité sociale qui relèvent de la catégorie « traitements et salaires » en matière d'impôt sur le revenu, mais dont le régime de taxation à la CSG est celui des revenus de remplacement ne sont pas retranchées. ** Dans la législation actuelle, un seuil de mise en recouvrement fixé à 61 euros s'apprécie au niveau de l'ensemble des prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement social de 2 % et contribution additionnelle à ce prélèvement de 0,3 %) assis sur les revenus du patrimoine. [1]°CSG différenciée applicable aux revenus de remplacement selon la législation actuelle (revenus 2006): taux de 0% RFR 2004 < = 7.286€ /1ère part majoré de 1.946€ par demi-part supplémentaire (plafond d'exonération de la TH) taux intermédiaire RFR 2004 > 7.286€ /1ère part majoré de 1.946€ par demi-part supplémentaire et IR 2004 < 61€ taux supérieur RFR 2004 > 7.286€ /1ère part majoré de 1.946€ par demi-part supplémentaire et IR 2004 > 61€ [2] Les taux de 5,1 % et de 5,8 % correspondent à la fraction de CSG déductible du revenu catégoriel ou global pour l'imposition à l'IR; les taux de 7,5 % et de 8,2 % correspondent aux taux d'imposition à la CSG dans la législation actuelle. Variation des taux en retenant les mêmes critères d'appréciation qu'en [1]. Source: logiciel Orison exploitant un échantillon de 500 000 foyers fiscaux Métropole et DOM tiré après la 4ème émission de l'impôt sur les revenus de 2004 actualisés 2006 avec effet volume. 1 () Dans sa préface de l'ouvrage d'André Barilari, Le consentement à l'impôt, Presses de Sciences Po, octobre 2000. 2 () La loi du 17 août 1948 avait donné au Gouvernement le pouvoir de mettre en œuvre, sous des conditions précises et dans des limites définies, une réforme fiscale par décrets. 3 () « La fiscalité sur le revenu depuis le Moyen-Âge », Les notes bleues de Bercy n° 102, 1er-15 janvier 1997. 4 () La liste en est dressée en annexe. 5 () Pour une analyse critique, voir le rapport de M. Philippe Le Clézio au Conseil économique et social, Prélèvements obligatoires : compréhension, efficacité économique et justice sociale, 30 novembre 2005, pages II-8 à II-38. 6 () Voir l'analyse de M. Pierre Beltrame dans la Revue française de finances publiques, n° 87, septembre 2004, pp. 157-174. 7 () Le taux atteint en 2006 est de 44,4 % du PIB. 8 () « Impossible promesse fiscale », in Libération, 12 février 2007. 9 () Il est vrai que ce pays a connu entre 2000 et 2002 une baisse de plus de trois points de son taux de PO rapporté au PIB, mais à partir d'un niveau proche de 54 %, et avec une légère remontée ultérieure. D'autres exemples de réductions importantes peuvent être cités (le Luxembourg entre 1983 et 1988, la Suède, déjà, entre 1989 et 1993, les États-Unis entre 2000 et 2003), mais pas à partir d'une valeur de référence à moyen-long terme. 10 () National Accounts Working Party. 11 () Tribune parue dans Le Monde du 17 octobre 2006. 12 () Rapport du CAE n° 11, 1998. 13 () Rapport cité, pages II-74 sq. 14 () Telle n'est pas, comme on le verra plus loin, la conception que votre Rapporteur se fait de l'impôt négatif « idéal ». 15 () Hors transferts internes aux régimes de protection sociale (mais y compris les frais de gestion et les frais financiers). 16 () Op. cit., page II-96. 17 () « L'impact redistributif des impôts indirects en France », in Économie publique n° 13, 2003. 18 () L'échelle d'équivalence utilisée est celle de l'INSEE : 0,4 unité de consommation pour un adulte supplémentaire dans un ménage, 0,2 pour un enfant de moins de quinze ans et 0,3 pour un enfant de plus de quinze ans. 19 () Page 25. 20 () Page 22. 21 () Page 13. 22 () « Réforme fiscale 2007 : un pas de côté », Lettre de l'OFCE n° 267, 20 octobre 2005. 23 () La TH perçue en France est considérée par l'OCDE uniquement comme un impôt sur le capital, et non pas comme un impôt sur le revenu. 24 () Taux nominal, sans prise en compte des allègements de cotisations patronales sur les bas salaires. 25 () Il faut y ajouter les services du recouvrement des 4 caisses générales de sécurité sociale (CGSS) dans les DOM. 26 () Le nombre de télédéclarations est passé de 120.000 en 2002 à 5,7 millions en 2006. 27 () Décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998. 28 () Les usagers étaient satisfaits à 89 % des services rendus par le CPS, selon un sondage réalisé fin 2003. 29 () L'application de cette ordonnance était initialement prévue au 1er janvier 2007. Mais un délai supplémentaire a été nécessaire pour choisir l'architecture du système d'information la plus adaptée, et la mise en place de l'ISU a donc été reportée au 1er janvier 2008 par un décret du 23 décembre 2006. 30 () Si tel n'est pas le cas, l'IR est dû en une seule fois, en septembre de l'année n+1, au titre des revenus perçus l'année n et déclarés en mai-juin de l'année n+1. 31 () Le Conseil constitutionnel vient d'ailleurs de rappeler dans sa décision n° 2007-553 DC du 3 mars 2007 que « la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée ». 32 () « La fiscalité sur le revenu depuis le Moyen-Âge », article cité. 33 () Il s'agissait de l'article 1er du code général des impôts jusqu'à ce que la loi de finances initiale pour 2006 place en tête du code le principe du bouclier fiscal. 34 () L'assiette déclarée est plus large que l'assiette effectivement taxée. 35 () Voir notamment la proposition de loi de M. Bernard Accoyer visant à dédommager les commerçants de proximité et artisans pour la mission qui leur a été confiée d'introduction et de diffusion auprès du public des pièces et billets en euro (n° 3244, XIe législature), à laquelle l'article 40 de la Constitution a été opposé le 17 janvier 2002, et la proposition de loi de M. Bernard Deflesselles visant à créer un crédit d'impôt à l'égard des entreprises commerciales et artisanales afin de compenser les charges subies par le passage à l'euro (n° 3445, XIe législature). 36 () Pour quelques réflexions sur cette question, voir la publication de la direction générale de l'administration et de la fonction publique, GRH et LOLF : gestion et reconnaissance de la performance, juillet 2005, ainsi que le rapport fait pour l'OCDE par Mme Dorothée Landel, La rémunération des agents publics liée aux performances : principales tendances dans les pays membres de l'OCDE, 2005. 37 () Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques au ministère de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement, Premières synthèses n° 09.1, mars 2006. 38 () Interview de M. Thierry Breton parue dans Les Échos du 18 décembre 2006. 39 () En cas d'exclusion dudit champ, le double paiement s'imposerait : pour l'année « effacée » et pour l'année de passage au nouveau système. 40 () Le deuxième alinéa du 2 de l'article 1663 du code général des impôts dispose : « En cas de déménagement à l'étranger, les impôts déjà mis en recouvrement ou en cours d'établissement sont exigibles immédiatement. » Le troisième alinéa précise que « Leur paiement peut toutefois être différé sur production d'une garantie estimée suffisante par le comptable chargé du recouvrement. » 41 () On peut aussi envisager que la réforme soit contenue dans une loi spécifique, sans les contraintes calendaires propres à une loi de finances. 42 () Ce qui exclut, ainsi qu'on vient de le dire, les particuliers employeurs de salariés à domicile. 43 () Simplification des procédures d'imposition. 44 () Numéro d'inscription au répertoire, en l'occurrence le Répertoire national d'identification des personnes physiques que gère l'INSEE depuis 1946 ; il s'agit du « numéro INSEE » dans le langage courant. 45 () Suite au vote de l'amendement de notre collègue Jean-Pierre Brard en loi de finances pour 1999, l'administration fiscale est autorisée, sous certaines conditions, à utiliser le NIR dans ses fichiers pour certifier l'identité des contribuables et faciliter les échanges d'informations avec la sphère sociale ; elle continue ainsi à utiliser le « numéro SPI » pour identifier les contribuables dans ses fichiers et détient à cet effet une table de correspondance entre les NIR et ces numéros. 46 () Un dispositif similaire existe déjà pour la transmission aux organismes de retraite de données succinctes sur la situation fiscale des retraités, qui est nécessaire au calcul des modalités d'imposition à la CSG. 47 () Jusqu'au 31 décembre 2004, le taux de déduction forfaitaire était de 5 %. 48 () Ces éléments sont toutefois assujettis à la seule CRDS. 49 () Certains de ces éléments sont cependant soumis à l'IR, en raison d'une doctrine fiscale plus stricte que la doctrine sociale. 50 () « Je vous communiquerai tous les éléments sur lesquels nous avons travaillé car je n'ai absolument rien à vous cacher, sur ce sujet comme sur les autres. » (première séance publique du 19 octobre 2006). 51 () « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». 52 () « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » (dixième alinéa) ; « Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs... » (onzième alinéa). 53 () Il est possible de procéder, dans certaines conditions, au rattachement des enfants majeurs au foyer fiscal. 54 () Sauf pour les très hauts revenus qui, même divisés par le nombre de parts, demeurent supérieurs au seuil de la dernière tranche du barème de l'IR. 55 () Les 1,5 million de foyers qui ont opté pour la mensualisation de la PPE perçoivent, de janvier à juin, la moitié de la prime reçue l'année précédente, avant la régularisation qui intervient en septembre avec la liquidation de l'IR. 56 () Rapport n° 41 (2006-2007) de M. Philippe Marini, Rapporteur général. 57 () Les seuils des tranches du barème tranches (de même que les nouveaux plafonds et seuils liés à la déduction de 10% pour frais professionnels, au plafonnement du quotient familial et à la décote) ont été légèrement revus à la hausse dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007. Nous nous en sommes tenus dans cette étude aux seuils et plafonds fixés par la loi de finances pour 2006. 58 () La déduction forfaire de 10 % s'applique uniquement à la fraction des salaires inférieure à un certain plafond (130.930 euros en 2006). 59 () Concrètement, la réduction d'impôt ne peut excéder (en 2006) 4.318 euros par part de quotient familial en sus d'une part pour les célibataires, et en sus de deux parts pour les couples mariés. 60 () Concrètement, si Ib<s, alors I = Ib - (s-Ib)/2, où Ib est l'impôt résultat de l'application du barème, I est 61 () Développé par le Département des études de l'OFCE en collaboration avec le THEMA. 62 () Voir encadré 2. 63 () 11.813*0,4*0,40 = 2.326 euros. 64 () 2.189*47,5 %/40 % = 2.610 euros. 65 () Le taux marginal effectif de prélèvement est la fraction de l'augmentation de revenu qui est absorbée par l'augmentation des impôts et de la baisse des prestations sociales. C'est une mesure de la désincitation financière au travail. 66 () Ménages dont les revenus proviennent principalement de revenus non salariaux. 67 () Un couple gagnant deux SMIC reçoit une prime de 1.884 euros ; deux enfants lui donnent un supplément de 72 euros (3,8 % au lieu de 50 %). 68 () Voir la note CEPREMAP/Assemblée Nationale du 16/10/2006 : « Présentation d'un barème de l'impôt sur le revenu exprimé avec des taux réels (forme LF 1937), à partir du barème actuel exprimé avec des taux marginaux (forme LF 2006) ». 69 () Fichier définitif des revenus 2004 actualisés 2006 avec effet volume. 70 () Les résultats de la simulation ne prennent pas en compte les conséquences de la baisse de la CSG au regard de l'assiette des revenus déclarés en IR. |