N° 3783 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 mars 2007. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 146 du Règlement PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN relatif à la société de l'information dans le budget de l'État ET PRÉSENTÉ par M. Patrice MARTIN-LALANDE, Député. -- INTRODUCTION 5 I.- UNE POLITIQUE PUBLIQUE ESSENTIELLE POUR L'AVENIR DE NOTRE PAYS 7 A.- LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION, MOTEUR DE LA CROISSANCE À VENIR 7 B.- DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX ET EUROPÉENS 8 1.- Le Sommet mondial sur la société de l'information 8 2.- Les suites du Sommet de Lisbonne 11 C.- UNE POLITIQUE FRANÇAISE VOLONTARISTE 13 1.- Le bilan du CISI du 10 juillet 2003 13 2.- Les engagements du CISI de juillet 2006 16 II.- LA NÉCESSITÉ DE MIEUX PRENDRE EN COMPTE CETTE POLITIQUE PUBLIQUE DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT 17 A.- UNE ABSENCE COMPLÈTE DE LA MAQUETTE BUDGÉTAIRE 17 B.- UNE PRÉSENCE TRÈS INSUFFISANTE DANS LES DISPOSITIFS DE PERFORMANCE 19 C.- LA NÉCESSITÉ D'UN DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE 20 D.- REPENSER LE PILOTAGE DE CETTE POLITIQUE ET SON ORGANISATION ADMINISTRATIVE 21 1.- Créer un secrétariat d'État pour la société de l'information 21 2.- Rationaliser les structures administratives 22 EXAMEN EN COMMISSION 25 LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 27 Les possibilités ouvertes par la société de l'information dans laquelle nous sommes en train d'entrer sont considérables. Tous les aspects de la société sont concernés : l'économie bien sûr puisque d'importants gisements d'emploi et de productivité apparaissent ; le social également puisque les relations de travail sont en phase de mutation ; le culturel ensuite en raison des changements profonds intervenants tant dans la création que dans la diffusion des œuvres culturelles ; enfin, le politique, très probablement... Votre rapporteur suit avec attention ce sujet depuis de nombreuses années et il a eu l'honneur de se voir confier par le président de l'Assemblée nationale Jean-Louis Debré la mission de suivre pour notre assemblée les travaux du Sommet mondial pour la société de l'information. Parallèlement, votre rapporteur a suivi avec beaucoup d'intérêt, en tant que commissaire des finances, les profondes mutations apportées par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Et c'est du rapprochement de ces deux activités qu'est née l'idée de ce rapport qui part d'un constat d'absence et d'un paradoxe. Politique publique essentielle pour l'avenir de notre pays, la société de l'information est quasiment absente du budget de l'État renouvelé par la LOLF alors que celle-ci a précisément pour objectif de recentrer la présentation du budget de l'État autour des politiques publiques. Le présent rapport essaie donc de comprendre ce paradoxe et d'apporter quelques solutions. Pour votre rapporteur, la trop faible présence de la politique publique en faveur de la société de l'information dans le budget de l'État a pour origine la trop grande dispersion des acteurs administratifs de ce dossier et l'insuffisance du pilotage politique en ce domaine. Soulignant la nécessité de réparer cette lacune sans attendre, votre rapporteur propose d'utiliser toutes les potentialités de la LOLF : des actions mieux identifiées au sein des principaux programmes concernés, des objectifs et des indicateurs pertinents, et surtout un « document de politique transversale ». Afin de renforcer le pilotage politique, votre rapporteur propose aussi de rationaliser les structures administratives et de créer un secrétariat d'Etat, chef de file clairement identifié pour la société de l'information. I.- UNE POLITIQUE PUBLIQUE ESSENTIELLE A.- LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION, MOTEUR DE LA CROISSANCE À VENIR La mondialisation favorise une nouvelle division du travail dans laquelle les pays en développement prennent une position dominante dans les secteurs à emplois faiblement qualifiés. S'il veut éviter un abaissement du niveau de ses salaires et la dégradation de son système de protection sociale, notre pays n'a qu'une issue : se spécialiser dans les activités à forte valeur ajoutée requérant une main-d'œuvre très qualifiée. Pour être à la hauteur des défis qui s'annoncent, il faut impérativement que la France sache assimiler les avancées technologiques contenues dans la société de l'information. Car, comme le soulignent Nicolas Curien et Pierre-Alain Muet dans le rapport du Conseil d'analyse économique consacré à la société de l'information (1), nous sommes face à une véritable révolution industrielle : « ce qui caractérise une révolution industrielle, ce n'est pas tant l'apparition d'une nouvelle technologie, car cela se produit presque à chaque instant et il est dans la nature profonde d'une économie de marché d'engendrer de nouvelles technologies et de nouveaux produits. Ce qui définit plutôt une révolution, ce sont les changements qu'entraîne la diffusion d'une technologie dans la façon de produire et de consommer, ou dans les relations de travail, ou encore dans l'aménagement de l'espace et le développement urbain. De même que l'énergie (la machine à vapeur puis l'électricité) a rendu possible l'apparition de l'usine, puis de la firme géante, entraînant la concentration des emplois dans les villes et les banlieues, l'internet et la révolution numérique déterminent peu à peu la base organisationnelle d'une « nouvelle économie » fondée sur le réseau » (2). Et les auteurs de ce rapport d'évaluer, sur la période 1998-2003, la contribution de la société de l'information à 0,35 point de la croissance annuelle en France et 0,9 point aux États-Unis. Mais les conséquences de la révolution numérique s'étendent bien au-delà de l'économie : « parce qu'elle transforme l'un des caractères les plus fondamentaux de l'humanité, à savoir la communication, la révolution numérique surgit dans tous les domaines de l'activité humaine : bien sûr l'économie et le travail, mais aussi l'éducation, les pratiques culturelles, les relations sociales ou la santé (3) ». Il s'agit donc d'un sujet éminemment politique, au sens premier et noble du terme, c'est-à-dire d'organisation de la société ou encore de l'espace public. Le rapport de la Commission sur l'économie de l'immatériel, mise en place en mars 2006 par Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie situe la portée de l'enjeu quand il affirme que l'économie de l'immatériel « recèle un potentiel de croissance considérable, capable d'irriguer toute l'économie française et susceptible de générer des centaines de milliers d'emplois comme d'en préserver d'autres qui seraient, autrement, détruits ou délocalisés » (4). L'objet de cette commission est certes un peu plus large que la société de l'information, puisqu'elle traite également de problématiques comme celle de l'exploitation de la « Marque France » ou encore celle des actifs immatériels de l'État. Mais au fond, le problème de l'utilisation optimale du domaine public hertzien ne se pose aujourd'hui avec autant d'acuité que parce que les nouvelles technologies liées à la société de l'information permettent aujourd'hui d'envisager de nouvelles utilisations de ce domaine public. De même, c'est bien parce qu'il existe des perspectives dans le domaine de la télévision sur mobile ou dans celui du « m-commerce » que le débat sur l'utilisation du dividende numérique est aussi vif... La commission, dirigée par Maurice Lévy, président du directoire du groupe Publicis et Jean-Pierre Jouyet, chef du service de l'Inspection générale des finances, formule un certain nombre de préconisations qui mettent en évidence l'importance de la société de l'information pour notre croissance économique future : - elle propose d'abord d'abandonner un premier réflexe encore trop répandu, celui qui consiste à favoriser les situations acquises, en privilégiant un « protectionnisme de l'intérieur » ménageant des situations de rentes pas toujours justifiées ; il faut au contraire laisser sa chance à l'innovation et à la créativité ; - il faut ensuite éviter de se focaliser sur les entreprises préexistantes, notamment les plus grandes d'entre elles, alors que le gisement de productivité et de croissance se trouve au moins autant dans les PME, voire dans des entreprises à naître ; - enfin, un dernier réflexe à surmonter concerne la façon dont nous appréhendons les actifs publics : il faut cesser de considérer que le patrimoine de l'État se limite à son immobilier. Il importe au contraire de développer une politique ambitieuse de valorisation de l'ensemble des actifs immatériels publics. Au-delà de ces propositions au niveau national, la Commission sur l'économie de l'immatériel constate que, désormais, « il y a des questions qui ne peuvent être traitées efficacement au niveau national, mais dont la réponse se situe nécessairement au niveau européen et souvent international » (5). B.- DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX ET EUROPÉENS La communauté internationale comme l'Union européenne semblent avoir pris la mesure de la révolution industrielle et sociétale à laquelle nous assistons. Des déclarations de principe ont été adoptées et des engagements ont été pris ; la France se doit désormais de les respecter. 1.- Le Sommet mondial sur la société de l'information Aux termes de sa Résolution 56/183 (21 décembre 2001), l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies a approuvé la tenue du Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI) en deux phases, dont la première a eu lieu à Genève, du 10 au 12 décembre 2003, et la seconde à Tunis du 16 au 18 novembre 2005. L'objectif de la première phase était de formuler de façon claire une volonté politique et de prendre des mesures concrètes pour poser les bases d'une société de l'information accessible à tous, tout en tenant pleinement compte des différents intérêts en jeu. Près de 50 chefs d'État ou de gouvernement et vice-présidents, 82 ministres et 26 vice-ministres de 175 pays, ainsi que d'éminents représentants d'organisations internationales, du secteur privé et de la société civile ont apporté un appui politique à la Déclaration de principes de Genève et au Plan d'action de Genève adoptés le 12 décembre 2003. Au total, plus de 11.000 participants de 175 pays ont assisté au Sommet et à ses activités connexes. La Déclaration de principes adoptée à l'issue de cette première phase mérite d'être abondamment citée. Son premier point est le suivant : « Nous, représentants des peuples du monde, réunis à Genève du 10 au 12 décembre 2003 pour la première phase du Sommet mondial sur la société de l'information, proclamons notre volonté et notre détermination communes d'édifier une société de l'information à dimension humaine, inclusive et privilégiant le développement, une société de l'information, dans laquelle chacun ait la possibilité de créer, d'obtenir, d'utiliser et de partager l'information et le savoir et dans laquelle les individus, les communautés et les peuples puissent ainsi mettre en œuvre toutes leurs potentialités en favorisant leur développement durable et en améliorant leur qualité de vie, conformément aux buts et aux principes de la Charte des Nations unies ainsi qu'en respectant pleinement et en mettant en œuvre la Déclaration universelle des droits de l'homme ». La Déclaration de principes aborde ensuite plus directement la question des technologies de l'information et de la communication (TIC). Elle précise, en son point 8, que « l'éducation, le savoir, l'information et la communication sont à la base du progrès, de l'esprit d'entreprise et du bien-être de l'être humain. Par ailleurs, les TIC ont une incidence immense sur presque tous les aspects de notre vie. L'évolution rapide de ces technologies crée des occasions complètement nouvelles de parvenir à des niveaux de développement plus élevés. Leur capacité à réduire bon nombre d'obstacles classiques, notamment ceux que constituent le temps et la distance, permet pour la première fois dans l'histoire de faire bénéficier de leur potentiel des millions d'êtres humains dans toutes les régions du monde. » Enfin, son point 9 souligne les dimensions économiques de la société de l'information : « Nous sommes conscients que les TIC (6) devraient être considérées comme un moyen et non comme une fin en soi. Dans des conditions favorables, elles peuvent être un puissant outil, accroissant la productivité, stimulant la croissance économique, favorisant la création d'emplois et l'employabilité et améliorant la qualité de vie de tous. Elles peuvent en outre favoriser le dialogue entre les personnes, les nations et les civilisations. ». Un plan d'action fut également adopté, « sous la forme de mesures concrètes, le but étant d'atteindre progressivement les objectifs de développement arrêtés à l'échelle internationale, notamment dans la Déclaration du Millénaire, dans le Consensus de Monterrey et dans la Déclaration et le Plan de mise en œuvre de Johannesburg, en favorisant l'utilisation des produits, réseaux, services et applications qui reposent sur les TIC et d'aider les pays à surmonter le problème de la fracture numérique » (7). L'objectif de la deuxième phase, qui s'est tenue à Tunis du 16 au 18 novembre 2005, était de mettre en œuvre le Plan d'action de Genève, d'aboutir à des solutions et de parvenir à des accords sur la gouvernance de l'internet, les mécanismes de financement, ainsi que le suivi et la mise en œuvre des documents de Genève et Tunis. Avec l'appui d'une cinquantaine de chefs d'État ou de gouvernement et vice-présidents, de 197 ministres et vice-ministres de 175 pays ainsi que de représentants d'organisations internationales, du secteur privé et de la société civile, l'Engagement de Tunis et l'Agenda de Tunis pour la société de l'information ont été adoptés le 18 novembre 2005, plus de 19.000 participants ayant assisté à ce Sommet et à ses activités connexes. L'engagement de Tunis fut l'occasion pour les participants de réaffirmer leur détermination à « édifier une société de l'information à dimension humaine, solidaire et privilégiant le développement, conformément aux buts et aux principes de la Charte des Nations Unies, au droit international et au multilatéralisme et tout en respectant pleinement et en soutenant la Déclaration universelle des droits de l'homme afin que chacun puisse, partout, créer, obtenir, utiliser et partager l'information et le savoir pour ainsi réaliser l'intégralité de son potentiel et pour atteindre les buts et les objectifs de développement arrêtés à l'échelle internationale, notamment les Objectifs du Millénaire pour le développement. » L'engagement de Tunis souligne également en son point 10 que « l'accès à l'information ainsi que le partage et la création des connaissances contribuent sensiblement à renforcer le développement économique, social et culturel, et aident donc tous les pays à parvenir aux buts et objectifs de développement arrêtés à l'échelle internationale, notamment les Objectifs du Millénaire pour le développement. Ce processus peut être renforcé par la suppression des obstacles à un accès universel, ubiquiste, équitable et financièrement abordable à l'information. Nous soulignons combien il est important de supprimer les obstacles à la réduction de la fracture numérique, en particulier les obstacles qui entravent la pleine réalisation du développement économique, social et culturel des pays et le bien-être de leurs populations, notamment dans le cas des pays en développement. ». Enfin, il insiste en son point 12 sur le fait que « l'adoption des TIC par les entreprises joue un rôle fondamental dans la croissance économique. Les effets positifs pour la croissance et pour la productivité des investissements judicieusement mis en œuvre dans le secteur des TIC peuvent renforcer les échanges commerciaux et permettre de créer davantage d'emplois plus qualifiés. C'est pourquoi les politiques de développement de l'entreprise et du marché du travail jouent un rôle fondamental dans l'adoption des TIC. Nous invitons les gouvernements et le secteur privé à renforcer les capacités des petites, moyennes et microentreprises (PMME) qui, dans la plupart des pays, sont les plus grandes pourvoyeuses d'emplois. Nous travaillerons ensemble, avec toutes les parties prenantes, à la mise en place des cadres d'action réglementaires et juridiques nécessaires, propres à favoriser l'esprit d'entreprise, en particulier pour les PMME. » Dans la résolution (2006/46), adoptée le 28 juillet 2006, intitulée « Mise en œuvre des textes issus du Sommet mondial sur la société de l'information et réexamen de la Commission de la science et de la technique au service du développement », le Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) a indiqué comment il supervisera le suivi du Sommet à l'échelle du système, conformément à ce qui a été demandé dans les conclusions de Tunis, dans le cadre de son examen annuel de l'application et du suivi intégrés et coordonnés des textes issus des grandes conférences organisées sous l'égide de l'ONU. À cette fin, l'ECOSOC a décidé que la Commission de la science et de la technologie au service du développement (CSTD) aidera le Conseil économique et social en tant que centre de coordination pour le suivi du SMSI à l'échelle du système. La dixième session de la Commission de la science et de la technologie au service du développement (CSTD) aura lieu à Genève du 21 au 25 mai 2007. En parallèle, une série d'activités liées au SMSI, telles que des réunions de facilitation des grandes orientations, se dérouleront du 15 au 25 mai 2007, également à Genève. Sur le plan parlementaire, un certain nombre d'initiatives ont accompagné le Sommet mondial sur la société de l'information, principalement dans le cadre de l'Union interparlementaire (UIP) qui est l'organisation mondiale des parlements de 143 pays. Vice-président du groupe français de l'UIP, votre rapporteur avait été chargé de présenter un rapport à l'Assemblée de l'UIP du 3 octobre 2003 à Genève, sur « la contribution des nouvelles technologies de l'information et de la communication à la bonne gouvernance, à l'approfondissement de la démocratie parlementaire et à la maîtrise de la mondialisation » (8). Votre rapporteur avait aussi proposé l'organisation des réunions parlementaires qui se sont tenues à l'occasion des sommets de Genève et de Tunis. En conclusion de cette deuxième réunion (9), l'UIP a demandé à chaque parlement de créer une cellule chargée de suivre la mise en œuvre des engagements pris au SMSI. Le Président Jean-Louis Debré a chargé votre rapporteur de ce travail pour l'Assemblée nationale française (10). Une réunion de suivi vient de se tenir à Rome (3 et 4 mars 2007) à l'initiative du Président de l'UIP, Pier Ferdinando Casini, et de l'ONU (11). 2.- Les suites du Sommet de Lisbonne En mars 2000, lors du Sommet de Lisbonne, les chefs d'État et de gouvernements de l'Union Européenne (UE) se sont fixés pour objectif de faire de l'UE « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde d'ici à 2010 ». Bien que certains progrès aient d'ores et déjà pu être accomplis (notamment en matière d'innovation), un certain nombre d'observateurs se sont inquiétés de la lenteur du processus de réformes, qui rend de plus en plus improbable la réalisation des objectifs fixés dans le cadre de la « stratégie de Lisbonne ». C'est dans ce contexte que la Commission a adopté le 1er juin 2005 l'initiative « i2010 » - société européenne de l'information pour 2010 - visant à soutenir la croissance et l'emploi dans la société de l'information et les médias. « i2010 » est une stratégie globale de modernisation et de déploiement de l'ensemble des instruments d'action dont dispose l'UE pour encourager le développement de l'économie numérique : réglementation, recherche et partenariats avec le secteur privé. Dans son initiative « i2010 », la Commission a défini trois priorités : - créer un marché unique, ouvert et concurrentiel, au sein de l'UE dans le domaine des services de la société de l'information et des médias. Pour favoriser la convergence technologique par la « convergence des politiques », la Commission propose une politique efficace de gestion du spectre radioélectrique en Europe, une modernisation des règles régissant les services des médias audiovisuels, une actualisation du cadre réglementaire applicable aux communications électroniques, une stratégie pour une société de l'information sûre et une approche globale de la gestion efficace et interopérable des droits numériques ; - accroître de 80 % les investissements de l'UE dans la recherche relative aux technologies de l'information et des communications (TIC). L'Europe, qui n'investit que 80 euros par habitant dans la recherche sur les TIC, est en retard sur le Japon (350 euros) et les États-Unis (400 euros). La stratégie « i2010 » prévoit des mesures favorisant l'investissement dans la recherche sur les TIC et d'en accroître les retombées, notamment par des projets de démonstration transeuropéens basés sur les résultats de travaux de recherche intéressants et une meilleure intégration des petites et moyennes entreprises dans les projets de recherche de l'UE ; - encourager la participation de tous à la société de l'information en Europe. Pour combler le fossé entre ceux qui ont accès à la société de l'information et ceux qui en sont exclus, la Commission propose : un plan d'action sur les services en ligne orientés vers le citoyen, trois initiatives phares dans le domaine des TIC axées sur la qualité de la vie (technologies pour une société vieillissante, voitures intelligentes plus sûres et plus propres, bibliothèques numériques combinant multimédia et multilinguisme pour mettre le patrimoine culturel européen à la disposition de tous) ainsi que des actions visant à réduire la fracture numérique, qu'elle soit de nature géographique ou sociale, dont le point culminant résidera dans une initiative européenne pour la participation de tous à la société de l'information (e-Inclusion). Le Conseil européen de Bruxelles des 14 et 15 décembre derniers a été l'occasion de réaffirmer les engagements de l'Union européenne en ce domaine. Dans les conclusions de la présidence (12), il est ainsi affirmé que : « l'innovation est capitale pour que l'Europe soit en mesure de faire face efficacement aux difficultés que pose la mondialisation tout en profitant des possibilités qu'elle offre. L'Europe doit se doter d'une approche stratégique visant à créer un environnement propice à l'innovation et favorisant la transformation de la connaissance en produits et en services novateurs. » Ces conclusions précisent : « Les technologies de l'information et de la communication revêtent une importance déterminante pour l'innovation et la compétitivité ; l'établissement de modèles d'attribution de fréquences permettant d'atteindre tous les objectifs visés, la promotion rapide de services mobiles avancés ainsi que, dans la mesure du possible, l'élaboration d'une approche coordonnée en matière d'exploitation du spectre de fréquences libéré par suite du passage au numérique figurent parmi les priorités immédiates dans ce domaine. Le Conseil européen du printemps 2008 fera le point, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, sur les grandes questions que soulèvent l'internet et les réseaux de la prochaine génération ». La France a activement participé à cette relance de l'Europe numérique en présentant aux États-membres une « Contribution pour une Europe numérique » (13) qui comprend quatre grands axes auxquels se rattachent les actions proposées : - créer les conditions favorables pour le déploiement des infrastructures et des services du futur. Exemples d'actions : promouvoir rapidement la télévision mobile en favorisant une norme commune en Europe, accélérer le déploiement de la télévision numérique terrestre ; - assurer l'accès de tous à la société de l'information. Exemples d'actions : couvrir les zones peu densément peuplées et reculées, développer des formations des jeunes au respect de la propriété intellectuelle sur l'internet ; - promouvoir la diversité culturelle en développant les contenus numériques européens. Exemples d'actions : créer la bibliothèque numérique européenne et promouvoir le jeu vidéo européen ; - accroître l'effort de recherche et développement dans les TIC. Exemples d'actions : développer les technologies de base pour les RFID (composants électroniques qui permettent d'identifier des objets par radiofréquence) ainsi que le commerce à partir des téléphones mobiles. Toutes ces propositions s'inscrivent dans la continuité de la politique volontariste menée par le gouvernement depuis 2002. C.- UNE POLITIQUE FRANÇAISE VOLONTARISTE Dès sa nomination, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a fait du développement de la société de l'information un chantier prioritaire. Dans son discours de politique générale, le Premier Ministre a souligné la volonté de son Gouvernement de « participer à tout ce qu'il faut faire pour placer la France au cœur même de la société de l'information ». Le choix novateur fut fait de confier à Claudie Haigneré, ministre délégué à la recherche et aux nouvelles technologies, la responsabilité de proposer, conjointement avec chacun des ministres concernés, la politique de diffusion et d'appropriation des nouvelles technologies et les mesures de sa mise en œuvre. Dès novembre 2002, le Premier ministre traça les grandes lignes de la politique du gouvernement dans le plan RE/SO 2007, pour une République numérique dans la société de l'information, et le Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIADT) du 13 décembre 2002 consacra un volet à « l'aménagement numérique du territoire ». Le gouvernement de Dominique de Villepin poursuit cette politique volontariste, comme en témoigne la réunion d'un nouveau Comité interministériel pour la société de l'information (CISI) le 11 juillet dernier, qui a ouvert de nouvelles perspectives. 1.- Le bilan du CISI du 10 juillet 2003 L'action du gouvernement en faveur du développement de la société de l'information s'est articulée en trois parties dans le cadre de RE/SO 2007 : - l'État agit sur l'offre en cherchant à créer un environnement favorable à la structuration du marché et à l'innovation ; - il agit sur la demande en veillant à accélérer et à démocratiser la diffusion et l'usage des TIC dans les foyers et les entreprises ; - il agit directement en tant qu'acteur de la société de l'information, en donnant l'exemple dans son fonctionnement d'une utilisation large et innovante des technologies de l'information. Quel bilan peut-on aujourd'hui tirer de cette action dont le thème central était la diffusion et la démocratisation des technologies de l'information ? Les succès sont nombreux et incontestables : - 55 % des foyers français sont équipés de micro-ordinateurs alors qu'en 2002, un tiers seulement des foyers français en disposait. En particulier, l'opération « micro-portable étudiant » est un véritable succès : en 2004-2005, elle a permis à 350.000 étudiants d'acheter un ordinateur portable ; - plus d'un Français sur deux se connecte régulièrement sur l'internet, contre un sur quatre en 2002. En outre, plus d'un tiers des Français (38 %) dispose d'une connexion d'internet à domicile contre un quart en 2002. L'amélioration de l'accès à l'internet est surtout marquée par la généralisation du haut débit qui représente près des trois quarts des abonnements à l'internet. Grâce à cette progression, le France se classe dorénavant parmi les premiers pays au monde en matière de lignes à haut débit (12,6 millions de lignes), à quasi-égalité avec l'Allemagne et juste devant le Royaume-Uni ; - grâce à la généralisation du haut débit, le temps d'utilisation d'internet a considérablement augmenté. D'après une étude réalisée en septembre 2005, les Français utilisent l'internet plus de 12 heures et 30 minutes par semaine, contre une moyenne de 3 heures et 30 minutes en 2003. La France détient dans ce domaine le record en Europe où la moyenne s'établit à 10 heures par semaine ; - par ailleurs il faut souligner l'importance en France du phénomène récent mais spectaculaire des blogs. Il y aurait en mars 2006 plus de 2,5 millions de blogs actifs (remis à jour depuis moins de trois mois). La France se classe ainsi au quatrième rang mondial et au premier rang en Europe (1,5 million de blogs actifs au Royaume-Uni, 400.000 en Allemagne) ; - l'internet mobile progresse rapidement : la technologie Wi-fi s'est très largement répandue depuis deux ans sur le territoire. Aux nombreuses bornes gratuites mises à disposition dans les lieux publics (gares et aéroports, hôtels, cafés et restaurants, universités) s'ajoutent les réseaux des opérateurs de téléphonie mobile et les particuliers disposant d'un accès sans fil à leur domicile ; - plus de la moitié des internautes effectuent aujourd'hui des achats en ligne contre à peine 30 % en 2002. Le nombre d'internautes ayant déjà effectué des achats en ligne s'élève ainsi à 13,4 millions au quatrième trimestre 2005, soit 40 % de plus qu'en 2004. Le nombre d'acheteurs en ligne continue d'augmenter deux à trois fois plus vite que le nombre d'internautes et, d'après une étude Médiamétrie du 10 janvier 2007, un Français sur trois a déjà réalisé un achat sur l'internet ; - la quasi-totalité des entreprises françaises sont connectées à l'internet. En décembre 2005, 93 % des PME de 6 à 200 salariés y ont ainsi accès. Il s'agit en très grande majorité d'accès à haut débit. Cependant, il existe encore quelques disparités selon la situation géographique et le taille de l'entreprise : plus de la moitié des entreprises de 6 à 9 salariés disposent d'un accès haut débit, contre 90 % des entreprises de 50 à 200 salariés. Par ailleurs, 52 % des PME de 6 à 200 salariés disposent d'un site internet. Ce développement n'est pas homogène puisque 60 % des entreprises travaillant dans une activité de services possèdent un site, alors qu'elles ne sont qu'une sur trois à en disposer dans les activités du bâtiment. De façon générale, la plupart des sites internet servent avant tout de vitrine de l'entreprise. La fonction marchande reste encore marginale, avec environ 15 % des sites l'utilisant comme fonction principale. La situation des 2,3 millions de très petites entreprises (TPE) françaises au regard du développement de l'économie numérique reste toutefois aujourd'hui en retrait par rapport à la moyenne des usages constatés dans l'ensemble des entreprises. En effet, si 85 % des TPE sont désormais informatisées, leurs usages restent très rudimentaires. Seuls 71 % d'entre elles disposent d'un accès à l'internet, ce qui signifie que près de 700.000 TPE restent totalement coupées de l'économie numérique. On estime qu'en réalité, 15 % seulement des TPE françaises tirent pleinement profit des usages des technologies de l'information et de la communication ; - le développement de l'administration électronique vise à proposer des services aux citoyens, faciles d'emploi et accessibles à tous, tout en contribuant à la modernisation des services publics. Le programme ADELE, lancé en février 2004, a permis le renforcement de l'administration électronique, en augmentant les services en ligne pour les particuliers comme pour les professionnels. Ce fort investissement dans le développement de l'administration électronique a permis à la France d'apparaître en 2006 comme une véritable « puissance électronique » dans l'Union européenne. Cette année, la France passe de la dixième à la cinquième place concernant le pourcentage de services entièrement disponibles en ligne. Elle connaît ainsi une des meilleures progressions européennes grâce au développement des services dans le domaine de l'éducation, des certificats pour les particuliers et de l'achat public pour les entreprises.
2.- Les engagements du CISI de juillet 2006 Fort de ce bilan encourageant, le gouvernement de Dominique de Villepin a souhaité relancer l'action de la puissance publique en convoquant un nouveau Comité interministériel pour la société de l'information (CISI) le 11 juillet 2006. Ce cinquième CISI a arrêté un plan pour amplifier le développement des technologies de l'information. Ce plan vise d'abord à encourager l'usage de l'internet par tous nos concitoyens. Après l'opération « internet accompagné » visant à lever les barrières qui empêchent les grands débutants de franchir le pas de l'internet, le Gouvernement souhaite lancer une offre destinée à faciliter l'équipement des familles aux ressources modestes. Il garantira, dans le cadre d'un partenariat public-privé, la présence d'une formule commerciale intégrant un micro-ordinateur équipé, une connexion haut débit et une formation à domicile pour le prix d'un euro par jour pendant trois ans. Par ailleurs, une politique de labels est mise en place. Une « marque de confiance » sera créée pour distinguer les fournisseurs d'accès ou de services sur l'internet qui respecteront une charte de 70 engagements pour la sécurisation de l'internet et le développement de la confiance sur les réseaux. De plus l'équipement des logements en accès à très haut débit sera encouragé, notamment par la création d'un label « logement multimédia ». Les pouvoirs publics doivent continuer à donner l'exemple et améliorer les services publics en mobilisant les technologies de l'information. Chaque mois plus de dix millions de visiteurs se connectent sur les sites gouvernementaux. Après le succès de la télédéclaration de revenus (près de six millions d'utilisateurs en 2006), de l'ouverture de geoportail.fr et de la mise à disposition par l'INA de la mémoire audiovisuelle, le CISI a annoncé la généralisation en 2007 de l'expérimentation de « mon.servicepublic.fr », véritable guichet personnalisé d'accès aux services publics permettant de stocker des documents et informations personnelles en toute confidentialité. Ce service permettra aux usagers de bénéficier pleinement de la dématérialisation de 900 procédures administratives qui sera totalement achevée fin 2007. Par ailleurs, l'État va expérimenter la mise en ligne des enquêtes publiques pour les projets de sa compétence dès la rentrée 2006 dans le Rhône et dans le Vaucluse. Le Premier ministre demande, en outre, aux différents ministères d'utiliser l'espace de débat public « forum.gouv.fr » pour multiplier les occasions de dialogue en ligne avec les citoyens et contribuer ainsi à l'enrichissement de notre vie démocratique. Enfin, relevant le formidable levier que représentent les technologies de l'information pour la compétitivité des entreprises, le CISI a complété les mesures destinées à faciliter leur diffusion dans les PME. Il a en outre décidé d'un effort sans précédent pour redonner à la France la première place en termes de capacités de calcul scientifique. * * * II.- LA NÉCESSITÉ DE MIEUX PRENDRE EN COMPTE CETTE POLITIQUE PUBLIQUE DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT La réforme de l'ordonnance organique de 1959 relative aux lois de finances, qui fut pendant plus de quarante ans la constitution financière de la France, poursuivait de nombreux objectifs parmi lesquels : moderniser la gestion publique en responsabilisant les gestionnaires, permettre une meilleure information et un meilleur contrôle du Parlement sur la dépense publique, introduire la notion de performance de la gestion publique, enfin, rendre le budget de l'État plus lisible en le recentrant autour des politiques publiques et non plus des structures administratives. En adoptant à la quasi-unanimité la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), le Parlement a marqué son adhésion à ces objectifs. Nous venons de voir l'importance économique et sociétale de la politique publique en faveur de la Société de l'information. Or, force est de constater que cette politique est presque totalement absente du projet de loi de finances en « mode LOLF », tant au niveau de la maquette que des dispositifs de performance. Il doit être remédié à cette absence très regrettable, qui est probablement le fruit d'une organisation politique et administrative perfectible. A.- UNE ABSENCE COMPLÈTE DE LA MAQUETTE BUDGÉTAIRE La LOLF a remplacé l'ancienne nomenclature budgétaire subdivisée en titres, sections et chapitres par une nouvelle nomenclature en missions, programmes et actions, destinée à recentrer le budget sur les politiques conduites par l'État. Une mission doit correspondre à une politique publique définie ; il s'agit de l'unité de vote du Parlement. De la définition des missions découlent donc le sens et la portée de la seconde partie de la loi de finances. Par ailleurs, les missions constituent l'unité au sein desquelles s'exerce le droit d'amendement parlementaire renouvelé par l'article 47 de la loi organique (14) ; elles forment en effet des enveloppes à l'intérieur desquelles, par des amendements de redéploiement des crédits entre programmes, les parlementaires peuvent proposer de modifier l'allocation des moyens. Chaque mission est elle-même constituée de plusieurs programmes, cadre d'exécution du budget. Il s'agit de l'unité de spécialité des crédits et c'est là que réside l'essentiel de l'autorisation parlementaire. Ils ont été créés afin de substituer à la spécialisation par nature de la dépense (personnel, investissement, fonctionnement...) une spécialisation par la destination de la dépense. Un exemple topique est celui de la mission Justice, qui regroupe les programmes Justice judiciaire, Administration pénitentiaire, Protection judiciaire de la jeunesse et Accès au droit et à la justice, correspondant aux grandes finalités de cette mission régalienne qu'est la justice en France. Enfin, chaque programme est décomposé en actions, ce niveau de nomenclature étant purement indicatif et servant essentiellement à une meilleure information du Parlement. Au sein du programme Justice judiciaire, on distingue ainsi des actions Traitement et jugement des contentieux civils, Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales, Cassation, Conseil supérieur de la magistrature, Formation... Qu'en est-il de la société de l'information dans la nomenclature associée à la loi de finances pour 2007 ? La réponse est simple : elle ne figure quasiment nulle part. Cette absence peut s'expliquer pour partie. Il n'est pas anormal qu'il n'existe pas de programme uniquement consacré à la société de l'information : les programmes sont forcément ministériels et dans chaque ministère, la politique en faveur de la société de l'information est souvent une part d'un tout plus global. Ainsi, au ministère de l'industrie, le service des technologies et de la société de l'information est un des services de la Direction générale des entreprises et il ne s'impose pas nécessairement d'en isoler les moyens au sein d'un programme distinct. De même, l'action du ministère de l'éducation nationale « un micro-portable par étudiant » fait partie d'un programme plus vaste Vie de l'élève et il serait excessivement compliqué pour la gestion de l'isoler au sein d'un programme. De manière plus générale, la politique en faveur de la société de l'information ne mobilise pas une masse considérable de crédits et son outil privilégié est avant tout la régulation par la norme, législative ou réglementaire. On ne peut néanmoins que regretter vivement la dilution des moyens budgétaires de cette politique : seul le ministère de l'Économie et des finances a prévu d'isoler les crédits en sa faveur au sein de l'action Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information du programme Développement des entreprises de la mission Développement et régulation économiques. Ceci constitue indéniablement un point positif. Toutefois, une grande partie de ces crédits (216,9 millions d'euros dans la loi de finances pour 2007) concerne l'aide au transport de presse (163,5 millions d'euros) qui a peu à voir avec la société de l'information et serait bien plus adéquatement placé dans le programme Presse de la mission Médias, comme le réclame votre rapporteur depuis un certain nombre d'années. A contrario, les crédits consacrés au projet ADELE d'administration électronique sont inscrits sur une action générale Modernisation de l'État du programme Stratégie économique et financière et réforme de l'État de la mission Stratégie économique et pilotage des finances publiques. Ceci est d'autant plus regrettable que, dans la justification au premier euro du projet annuel de performances de la mission, le coût de l'administration électronique (29,1 millions d'euros de crédits de paiement) est parfaitement identifié et distinct des autres postes de dépenses de cette action. Il n'existe aucune action spécifiquement dédiée à la société de l'information dans les autres missions : en particulier, on ne trouve rien sur les missions Enseignement scolaire et Recherche et enseignement supérieur alors que le Ministère de l'Éducation nationale engage des sommes non négligeables sur un certain nombre de mesures à cet effet. Il est donc nécessaire de remédier à cette absence dans la maquette budgétaire en créant, chaque fois que cela est possible, une action relative à la politique en faveur de la société de l'information menée par tel ou tel ministère. Rappelons que le niveau de l'action est purement indicatif et qu'il ne contraint en rien la liberté de gestion du responsable de programme. Il s'agit simplement de mieux informer le Parlement sur la destination des crédits qu'il vote... B.- UNE PRÉSENCE TRÈS INSUFFISANTE DANS LES DISPOSITIFS DE PERFORMANCE Ce rattrapage est d'autant plus nécessaire qu'il est la condition pour que le Parlement - comme le gouvernement - dispose d'objectifs et d'indicateurs précis sur les avancées réalisées dans cette politique publique. L'une des principales innovations de la LOLF est, comme on sait, qu'elle met en place des dispositifs de performance des politiques publiques. L'article 7 de la LOLF dispose en effet « qu'un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation ». Et l'article 51 prévoit en son alinéa 5 qu'à chaque programme est joint un projet annuel de performances (PAP) contenant notamment « la présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir, mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié ». Pour chaque programme de la nomenclature budgétaire, est donc prévu un dispositif de performance comprenant en moyenne une demi-douzaine d'objectifs et une douzaine d'indicateurs. On distingue trois types d'objectifs : les objectifs d'efficacité socio-économique répondant aux attentes du citoyen, les objectifs de qualité de service intéressant l'usager et les objectifs d'efficience et de gestion intéressant le contribuable. Au total, 634 objectifs et 1.295 indicateurs étaient associés au projet de loi de finances pour 2007. Combien concernent la politique en faveur de la société de l'information ? Votre rapporteur en a identifié un seul... Il s'agit de l'objectif 5 du programme Stratégie économique et financière et réforme de l'État de la mission Stratégie économique et pilotage des finances publiques : « Accroître le recours à l'administration électronique dans les relations entre l'administration et les usagers ». En revanche, alors qu'une action spécifique a été isolée sur le programme Développement des entreprises de la mission Développement et régulation économiques, il n'existe aucun objectif sur ce sujet dans le dispositif de performance du programme. De même, il n'existe aucun objectif spécifique dans les programmes des missions Enseignement scolaire, Recherche et enseignement supérieur ou encore Politique des territoires, alors même que ces missions sont directement concernées par certaines décisions du dernier CISI de juillet 2006. Le seul autre objectif qui pourrait éventuellement se rattacher à la société de l'information est l'objectif 6 du programme Coordination du travail gouvernemental de la mission Direction de l'action du gouvernement : « Accélérer la diffusion de la TNT ». Mais son rattachement budgétaire est particulièrement discutable et il aurait plutôt sa place dans la mission Médias. Seule la présence, incongrue, des crédits de la Direction du développement des médias dans ce programme semble expliquer l'existence de cet objectif qui a peu à voir avec la Coordination du travail gouvernemental... En définitive, on ne peut que constater l'extrême faiblesse du dispositif budgétaire du suivi de la performance, concernant une politique publique pourtant essentielle. Ceci s'explique en grande partie par l'absence d'actions, au sens de la nomenclature budgétaire, dédiées à cette politique. En revanche, si l'on parvenait à isoler les crédits consacrés à cette politique au sein d'actions spécifiques, il serait dès lors possible d'associer à ces actions des objectifs précis reprenant les conclusions du CISI ainsi que les engagements pris par la France au niveau européen et international. C.- LA NÉCESSITÉ D'UN DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE Des actions mieux identifiées au sein des principaux programmes concernés, des objectifs et des indicateurs pertinents, telles sont les préconisations de votre rapporteur afin que cette politique publique essentielle qu'est la promotion de la société de l'information devienne lisible dans le projet de loi de finances. Afin de gagner encore en lisibilité, il est nécessaire d'exploiter une autre potentialité ouverte par la LOLF, celle des documents de politique transversale (DPT). De quoi s'agit-il ? Ces documents sont un nouveau type d'annexe budgétaire : ils portent sur des politiques interministérielles dont la finalité concerne des programmes appartenant à des missions différentes. Ils exposent, pour chaque politique concernée, la stratégie retenue ainsi que les crédits, objectifs et indicateurs y concourant. Ils doivent aussi comporter une présentation détaillée de l'effort financier de l'État et des dispositifs mis en place pour l'année à venir, l'année en cours et l'année précédente. Ce nouveau type de document était indispensable : le découpage en missions présenté dans les PAP ne permettrait pas d'appréhender dans leur globalité les politiques publiques comportant une forte composante interministérielle. Aux yeux de votre rapporteur, la politique publique en faveur de la société de l'information respecte pleinement les critères d'un DPT : elle concerne presque tous les ministères, naturellement certains plus que d'autres, mais les crédits en cause sont trop faibles pour être isolés au sein de programmes spécifiques sans que cela entraîne des lourdeurs de gestion. Un tel document permettrait au Parlement de disposer chaque année d'une présentation globale de cette politique, décrivant la stratégie poursuivie et l'évolution de l'effort financier consenti. Certes, devraient être surmontées quelques difficultés de périmètre dues à l'ambiguïté même du terme de société de l'information. Il conviendra de ne pas retenir une conception par trop extensive du concept ayant pour effet de gonfler artificiellement les dépenses consacrées à cette politique. Mais l'exercice est parfaitement réalisable : les autres DPT soulèvent des difficultés analogues sans que cela en ait empêché la mise au point. La création d'un document de politique transversale permettrait de pallier l'extrême faiblesse des données budgétaires des CISI. Elle supposerait, de plus, la désignation d'un ministre chef de file, désignation que votre rapporteur estime indispensable pour qu'une volonté politique ferme et continue s'impose. Loi de finances rectificative pour 2005 n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 Article 128 I. - Le Gouvernement présente, sous forme d'annexes générales au projet de loi de finances de l'année, des documents de politique transversale relatifs à des politiques publiques interministérielles dont la finalité concerne des programmes n'appartenant pas à une même mission. Ces documents, pour chaque politique concernée, développent la stratégie mise en œuvre, les crédits, objectifs et indicateurs y concourant. Ils comportent également une présentation détaillée de l'effort financier consacré par l'État à ces politiques, ainsi que des dispositifs mis en place, pour l'année à venir, l'année en cours et l'année précédente. Ces documents sont relatifs aux politiques suivantes : 1° Action extérieure de l'État ; 2° Politique française en faveur du développement ; 3° Sécurité routière ; 4° Sécurité civile ; 5° Prévention de la délinquance ; 6° Inclusion sociale ; 7° Outre-mer ; 8° Ville ; 9° Aménagement du territoire ; 10° Lutte contre le changement climatique ; 11° Orientation et insertion professionnelle des jeunes. (...) D.- REPENSER LE PILOTAGE DE CETTE POLITIQUE ET SON ORGANISATION ADMINISTRATIVE Au-delà des éléments budgétaires décrits plus haut, votre rapporteur estime indispensable un renforcement de l'autorité politique ainsi qu'une rationalisation des structures administratives. 1.- Créer un secrétariat d'État pour la société de l'information Le préalable est de toute évidence un engagement politique fort. Face à des ministres qui ont chacun leurs priorités politiques, il doit exister une autorité politique capable de proposer une stratégie globale indispensable. Certes, les comités interministériels pour la société de l'information présidés par le Premier ministre peuvent en partie jouer ce rôle, mais leur fréquence faible et incertaine est un obstacle lourd. Il serait donc salutaire que soit nommé un secrétaire d'État chargé de la société de l'information, rattaché au Premier ministre et qui aurait à sa disposition la nouvelle direction qui sera évoquée ci-après. Cela permettrait un suivi quotidien de la stratégie arrêtée, sous l'autorité du Premier ministre, au cours du Comité interministériel pour la société de l'information. Enfin, ce secrétaire d'État serait naturellement chef de file dans l'élaboration du document de politique transversale et pourrait le présenter et le défendre devant le Parlement. Il serait également plus spécifiquement chargé de suivre les négociations internationales sur ce sujet, en étroite collaboration avec le ministre des affaires étrangères. 2.- Rationaliser les structures administratives Aujourd'hui, trois grands pôles administratifs d'intervention sont définis sur le dossier de l'internet. Chacune des thématiques relève de la tutelle d'une ou plusieurs administrations de référence. · L'administration en ligne est mise en œuvre par la Direction générale pour la modernisation de l'État placée auprès du ministre délégué au Budget et à la Réforme de l'État. · Le développement des services et des technologies est assuré, pour les contenus, par la Direction du développement des médias (DDM) placée auprès du Premier ministre et, s'agissant de la politique industrielle, par la Direction générale des entreprises (DGE), placée auprès du ministre délégué à l'Industrie et chargée des communications électroniques. · Les usages grand public et l'éducation sont mis en œuvre par la Délégation aux usages de l'internet (DUI), placée auprès du ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la recherche. L'action de ces administrations s'appuie sur le travail conduit au sein de différentes structures complémentaires : · le Comité stratégique pour le numérique chargé de coordonner et d'orienter les actions menées en vue de la numérisation de la diffusion hertzienne de la télévision, de l'arrêt complet des émissions analogiques et de la réutilisation des fréquences ainsi libérées ; · le Conseil supérieur des technologies de l'information, instance de réflexion et de prospective placée auprès du Premier ministre ; · on peut également citer le Comité consultatif de l'internet, créé en 2003 et chargé de conseiller le Gouvernement sur toutes les questions qui concernent les communications électroniques, les services utilisant la communication électronique et les correspondances privées en ligne. Toutefois, il n'a été réuni qu'une fois depuis sa création ; · la Délégation à l'aménagement et à la compétitivité des territoires qui instruit notamment les dossiers relatifs à l'aménagement numérique du territoire ; · enfin, le Comité interministériel pour la société de l'information (CISI) et le Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT) permettent la mise en cohérence des actions engagées par les différents acteurs publics sur la société de l'information. Votre rapporteur constate que cette organisation est bien trop dispersée, au détriment de l'efficacité de cette politique. Cette dispersion explique en partie l'aspect « collage » du CISI de 2003. La multiplication des mesures pouvait donner l'impression à certains observateurs que chaque ministère était arrivé avec ses propositions, compilées ensuite au niveau interministériel, sans vision d'ensemble structurante. Une réorganisation administrative est donc indispensable. On peut en particulier s'interroger sur le rattachement de la Délégation aux usages de l'internet au ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Certes, ce ministère mène en ce domaine un certain nombre de politiques importantes, mais on voit mal sa légitimité à mener des actions transversales allant au-delà de la communauté éducative. De même, ni la mission assignée à la sous-direction du développement et de la société de l'information de la DDM, ni son articulation avec les autres services concernés n'apparaissent clairement. Il convient donc de créer auprès du Premier ministre une direction du développement de la société de l'information qui reprendrait les compétences actuellement dévolues à la DDM ainsi que les compétences transversales de la DUI. Cette direction pourrait utilement assurer le secrétariat du Conseil supérieur des technologies de l'information, du Comité stratégique pour le numérique ainsi que du Comité Consultatif de l'internet aujourd'hui en sommeil. Enfin, cette nouvelle direction, interlocutrice naturelle et légitime des autres ministères, pourrait se voir confier la préparation du document de politique transversale précédemment évoqué. * * * Lors de sa réunion du 20 mars 2007, votre Commission a examiné le présent rapport d'information. Votre Rapporteur spécial, a présenté les enjeux de la société de l'information, rappelant la nécessité d'améliorer cette politique publique, essentielle pour l'avenir du pays. Malgré les engagements internationaux et les différentes démarches interministérielles conduites depuis 2002, la société de l'information est quasiment absente du budget de l'État comme de la maquette budgétaire. L'une des explications est à rechercher dans la trop grande dispersion des acteurs administratifs. On pourrait imaginer que soient isolés les crédits consacrés à cette politique au sein d'actions spécifiques, qui seraient associées à des objectifs précis. La création d'un document de politique transversale pourrait alors servir de base à la désignation d'un ministre chef de file et au regroupement des différentes structures administratives au sein d'une direction du développement de la société de l'information auprès du Premier ministre. Votre commission des Finances a alors autorisé, en application de l'article 146 du Règlement, la publication du présent rapport d'information. LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES Cabinet de Dominique de Villepin, Premier ministre - Hervé DIGNE, conseiller pour les médias ; - Pierre-Franck CHEVET, conseiller pour l'industrie, l'innovation et les nouvelles technologies ; - Olivier OU RAMDANE, conseiller technique recherche et innovation. Cabinet de François Loos, ministre délégué à l'Industrie - Philippe DUPUIS, directeur adjoint de cabinet. Direction du développement des médias - Cécile DUBARRY, adjointe du directeur ; - Frédéric BOKOBZA, sous direction du développement et de la société de l'information. Direction générale des entreprises - Emmanuel GABLA, directeur du service des technologies et de la société de l'information. Délégation aux usages de l'internet - Benoît SILLARD, délégué général. Direction générale de la modernisation de l'État - Marc MEYER, chef du service du développement de l'administration électronique (SDAE). Forum des droits sur l'internet - Isabelle FALQUE-PIERROTIN, déléguée générale. Comité stratégique pour le numérique - Jean-Michel HUBERT, président. 1 () « La société de l'information ». Rapport n° 47 du Conseil d'analyse économique, 2004. 2 () Ibid p. 9. 3 () Ibid p. 10. 4 () Rapport « L'économie de l'immatériel - La croissance de demain », lettre au ministre en date du 23 novembre 2006. 5 () Rapport précité, page IV de l'introduction. 6 () Technologies de l'information et de la communication. 7 () Plan d'action de Genève 12 mai 2004. 8 () Rapport et résolutions www.ipu.org/conf-f/109-3.htm ; www.ipu.org/conf-f/109.pdf. Page 6. 9 () Tunis : www.ipu.org/splz-f/wsis05.htm ; www.ipu.org/splz-f/wsis05/report.htm. Cf notamment la proposition de P. Martin-Lalande de créer dans chaque parlement un suivi du SMSI. Genève : www.ipu.org/splz-f/wsis03.htm. 10 () Lettre du Président de l'Assemblée nationale Jean-Louis Debré, du 20 décembre 2005, au Président de l'UIP, Pier Ferdinando Casini. 11 () « The policy making role of Parliaments in the Development of the Information Society ». www.ict.parliament.org. Intervention de P. Martin-Lalande dans la session «Setting priorities for the Information Society from a development perspective». À l'occasion de cette réunion, P. Martin-Lalande a proposé aux représentants de l'UNESCO et du World Economic Forum de travailler sur la définition d'indicateurs communs aux parlements pour réaliser le suivi du SMSI. 12 () Conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles des 14 et 15 décembre 2006. 13 () Ministère de l'Industrie, « Contribution pour une Europe numérique », 8 juillet 2006. 14 () Voir le rapport d'information n° 3247 sur la recevabilité financière dans la procédure législative à l'Assemblée nationale, présenté par M. Pierre Méhaignerie. |