N° 2159 - Rapport d'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur l'état d'avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs




N° 2159

___

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DouziÈme législature

__________________________________

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

Le 16 mars 2005

N° 250

___

SÉNAT

Session ordinaire de 2004 - 2005

________________________________

Annexe au procès-verbal

de la séance du 16 mars 2005

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

________________________

RAPPORT

sur

L'état d'avancement et les perspectives

des recherches sur la gestion des déchets radioactifs

Par M. Christian BATAILLE et M. Claude BIRRAUX,

Députés

_________

Déposé sur le Bureau
de l'Assemblée nationale

par M. Claude BIRRAUX,

Premier Vice-Président de l'Office

 

_________

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Henri REVOL,

Président de l'Office

     

Composition de l'Office parlementaire d'évaluation

des choix scientifiques et technologiques

Président

M. Henri REVOL

Premier Vice-Président

M. Claude BIRRAUX

Vice-Présidents

M. Claude GATIGNOL, député M. Jean-Claude ÉTIENNE, sénateur

M. Pierre LASBORDES, député M. Pierre LAFFITTE, sénateur

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député M. Claude SAUNIER, sénateur

Députés

Sénateurs

M. Jean BARDET

M. Christian BATAILLE

M. Claude BIRRAUX

M. Jean-Pierre BRARD

M. Christian CABAL

M. Alain CLAEYS

M. Pierre COHEN

M. Francis DELATTRE

M. Jean-Marie DEMANGE

M. Jean DIONIS DU SÉJOUR

M. Jean-Pierre DOOR

M. Pierre-Louis FAGNIEZ

M. Claude GATIGNOL

M. Louis GUÉDON

M. Christian KERT

M. Pierre LASBORDES

M. Jean-Yves LE DÉAUT

M. Pierre-André PÉRISSOL

M. Philippe ARNAUD

M. Paul BLANC

Mme Marie-Christine BLANDIN

Mme Brigitte BOUT

M. François-Noël BUFFET

M. Roland COURTEAU

M. Jean-Claude ÉTIENNE

M. Christian GAUDIN

M. Pierre LAFFITTE

M. Serge LAGAUCHE

M. Jean-François LE GRAND

Mme Catherine PROCACCIA

M. Daniel RAOUL

M. Ivan RENAR

M. Henri REVOL

M. Claude SAUNIER

M. Bruno SIDO

M. Alain VASSELLE

   

Introduction 7

Chapitre I - Le constat scientifique : les recherches de la loi de 1991 ont précisé les atouts respectifs de la transmutation, du stockage et de l'entreposage et démontré leur complémentarité 11

I.- L'AXE 1 : LA SÉPARATION ET LA TRANSMUTATION DES DÉCHETS RADIOACTIFS DE HAUTE ACTIVITÉ EST ENVISAGEABLE À L'HORIZON 2040 11

II.- L'AXE 2 : LA FAISABILITÉ EN FRANCE DU STOCKAGE GÉOLOGIQUE RÉVERSIBLE ENTRE 2020 ET 2025 EST TRÈS PROBABLE MÊME SI QUELQUES INCERTITUDES TECHNICO-SCIENTIFIQUES RESTENT À LEVER 34

III.- L'AXE 3 : LA FAISABILITÉ DE L'ENTREPOSAGE DE LONGUE DURÉE, INDISPENSABLE AUJOURD'HUI ET DEMAIN, DOIT ÊTRE DÉMONTRÉE PAR UNE RÉALISATION CONCRÈTE 66

IV.- LA COMPLÉMENTARITÉ DES TROIS AXES : LES RECHERCHES OUVRENT DES OPTIONS COMPLÉMENTAIRES APRÈS 2020-2025 73

Chapitre II - Les conclusions politiques : les principes généraux d'une gestion durable des déchets radioactifs peuvent être définis par la loi en 2006 83

I.- L'INFORMATION ET LE DÉBAT  : L'INFORMATION SUR LES RÉSULTATS DES RECHERCHES RELATIVES À LA GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE À TOUS LES NIVEAUX : LOCAL, NATIONAL ET INTERNATIONAL 84

II.- La recherche : le Parlement doit continuer d'impulser et de jalonner les recherches sur les trois axes 92

III.- LES RETOMBÉES : LA VALORISATION LOCALE ET NATIONALE DES RECHERCHES DE LA LOI DE 1991 EST UN GISEMENT À EXPLOITER SUR LES PLANS SCIENTIFIQUE, UNIVERSITAIRE ET INDUSTRIEL 103

IV.- LES MÉTHODES DE GESTION : TROIS DÉCISIONS DE PRINCIPE, FORMANT TRIPTYQUE, DE RECOURS À LA TRANSMUTATION, AU STOCKAGE GÉOLOGIQUE ET À L'ENTREPOSAGE DE LONGUE DURÉE, DEVRAIENT ÊTRE PRISES PAR LA LOI, ASSORTIES D'UN CALENDRIER DE DÉCISIONS POUR LES POUVOIRS PUBLICS 109

V.- LA LOGIQUE D'ENSEMBLE : LE PLAN NATIONAL DE GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS ET DES MATIÈRES VALORISABLES (PNGDR-MV), CADRE GÉNÉRAL INDISPENSABLE, DEVRAIT ÊTRE CONSACRÉ PAR LA LOI 125

VI.- LE FINANCEMENT : LA GARANTIE À TRÈS LONG TERME DU FINANCEMENT DE LA RECHERCHE ET DE LA GESTION INDUSTRIELLE DES DÉCHETS RADIOACTIFS POURRAIT ÊTRE RENFORCÉE PAR LA CRÉATION D'UN FONDS DÉDIÉ 131

VII.- L'AGENCE NATIONALE : L'ANDRA DOIT ÊTRE RENFORCÉE POUR FAIRE FACE À SES NOUVELLES MISSIONS 143

Conclusion 147

Recommandations 151

Compte rendu de l'examen du rapport par l'Office, le 15 mars 2005 153

Annexe 1 : Les stocks actuels et futurs de déchets radioactifs en France 161

Annexe 2 : Les principales caractéristiques des radioéléments présents dans les déchets radioactifs 167

Annexe 3 : Loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs 169

Annexe 4 : Les moyens financiers alloués aux recherches de la loi du 30 décembre 1991 175

Annexe 5 : Liste des personnalités rencontrées sur le terrain ou en auditions privées 177

Annexe 6 : Liste des auteurs des présentations faites lors des auditions publiques des 20 et 27 janvier et du 3 février 2005 185

Annexe 7 : La gestion des déchets radioactifs dans 5 pays européens et aux Etats-Unis 192

I.- LE CHOIX DU STOCKAGE GÉOLOGIQUE 193

II.- LES DEUX SITES DE GORLEBEN ET DE KONRAD 197

III.- LE PROCESSUS DE DÉCISION 206

I.- L'ORGANISATION DE LA RECHERCHE SUR LES DÉCHETS RADIOACTIFS 217

Nota : le compte rendu intégral des trois journées d'auditions publiques est consultable sur les sites Internet de l'Assemblée nationale (www.assemblee-nationale.fr/12/rap-off/i2159-auditions.asp ) et du Sénat (www.senat.fr)

ANNEXE 7 : La gestion des déchets radioactifs en Allemagne, en Belgique, aux Etats-Unis, en Finlande, en Suède et en Suisse 197

Introduction

L'intérêt de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques pour la gestion des déchets radioactifs et son implication dans la recherche de solutions datent de 1990.

C'est en décembre 1990, en effet, que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté le rapport de Christian BATAILLE sur la gestion des déchets radioactifs, qui a largement inspiré la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs1.

Afin de suivre le bon déroulement des recherches prescrites par la loi de 1991, tout en élargissant le champ de ses réflexions à des questions connexes, l'Office parlementaire a, par la suite, publié six autres rapports relatifs à ce domaine 2, 3, 4, 5, 6 et7.

Depuis 1990, le Parlement assure un rôle de vigie sur le dossier des déchets radioactifs. Les majorités ont changé, de même que les ministres, les cabinets ministériels, les dirigeants des grandes administrations. Même si les dossiers se transmettent d'un responsable à un autre depuis lors, c'est le Parlement qui possède la mémoire vivante de la problématique des déchets radioactifs. Au reste, aucune majorité n'a remis en cause la loi de 1991 ni n'a rogné sur les crédits de recherche correspondants

Huitième rapport de l'Office parlementaire sur ces questions techniquement difficiles et politiquement délicates, le présent rapport intervient en une période particulière, à savoir le début de l'année 2005, qui marque l'approche du terme de la période de 15 années dévolue par la loi du 30 décembre 1991 exclusivement aux recherches avant toute décision concernant la création, le cas échéant, d'un centre de stockage de déchets radioactifs à haute activité.

Cette année 2005 verra, logiquement, l'ensemble des acteurs de la recherche remettre leurs bilans et leurs recommandations aux pouvoirs publics qui, pour leur part, se livreront à un travail d'analyse, d'évaluation et de synthèse, en vue de déterminer quelles suites éventuelles donner au formidable processus de réflexions et d'expérimentations initié par la loi de 1991.

Pour bien marquer l'intérêt du Parlement pour la gestion des déchets radioactifs, c'est le Bureau de l'Assemblée nationale, qui, à l'initiative des présidents du Groupe de l'Union pour un Mouvement Populaire, du Groupe Socialiste, du Groupe de l'Union pour la Démocratie Française, du Groupe des Député-e-s Communistes et Républicains, a saisi, le 4 juin 2003, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de la présente étude sur « l'état d'avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs ».

L'ouverture sur l'étranger étant apparue d'une importance critique pour replacer la situation française des déchets radioactifs dans son contexte international, des études détaillées ont été conduites sur les recherches, les projets et les réalisations de 6 pays significatifs dans le domaine de la gestion des déchets radioactifs : Allemagne, Belgique, Finlande, Suède, Suisse et États-Unis. Au total, ce sont plus de 180 chercheurs et responsables de laboratoires ou d'administration qui ont été auditionnés sur place, ce qui permet au total de dessiner d'une manière précise et vécue un état concret de la question des déchets dans ces pays. Les comptes rendus de ces visites sont publiés en annexe au présent rapport.

Au plan national, des visites ont été faites dans les centres de recherche nationaux, travaillant sur la gestion des déchets radioactifs, avec un total de 70 chercheurs auditionnés sur place ou à Paris en auditions privées8.

Par ailleurs, vos Rapporteurs ont tenu à se rendre à Chaumont, le 2 décembre et à Bar-le-Duc, le 3 décembre 2004 pour rencontrer les élus locaux de la Haute-Marne et de la Meuse, concernés par le laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne. Ces rencontres très riches, avec plus de cinquante élus ont permis de mieux appréhender la perception des recherches, de comprendre les attentes ou les préoccupations des populations concernées au premier chef par le processus de la loi de 1991.

Enfin, trois journées complètes d'auditions publiques ouvertes à la presse ont été consacrées le 20 janvier 2005 à l'axe 1 de la loi (séparation-transmutation), le 27 janvier 2005 à l'axe 2 (stockage réversible ou irréversible en formations géologiques profondes) et le 3 février 2005 à l'axe 3 (conditionnement et entreposage à long terme). L'ensemble des parties prenantes ont été invitées à participer à ces auditions - organismes de recherche nationaux ou étrangers, pouvoirs publics, responsables de pays européens ou américain, collectivités territoriales, syndicats, organisations de protection de l'environnement - et ont répondu présentes, à l'exception d'une association qui a refusé de s'exprimer, faisant valoir le caractère prétendument « non démocratique » de ces auditions publiques ouvertes à la presse, organisées dans l'enceinte du Parlement.

Ces trois journées d'auditions publiques, dont on trouvera le compte rendu sténographique au tome II du présent rapport, ont permis, en tout état de cause, à la fois une information approfondie sur les résultats des recherches et une expression des parties prenantes, puisque vos Rapporteurs ont accueilli une forte délégation du conseil général de la Haute-Marne conduite par son Président, notre collègue de l'Office, le Sénateur Bruno SIDO, ainsi qu'une forte délégation du conseil général de la Meuse conduite par son Président, M. Christian NAMY et aussi des délégations des conseils régionaux de Champagne-Ardenne et de Lorraine.

Ces auditions ont sans aucun doute contribué à rendre possible le préalable humain et politique à toute discussion sur cette question, à caractère scientifique et technique.

Les sources du présent rapport sont donc particulières, nombreuses et factuelles au plan scientifique comme au plan politique.

Plutôt que de proposer ci-après le long compte rendu détaillé des recherches conduites en France et à l'étranger, que la moisson d'informations rassemblées aurait pu permettre, vos Rapporteurs vous proposent une lecture synthétique et une mise en perspective de l'état d'avancement des recherches, ainsi qu'une analyse politique des suites qu'il convient de donner à la loi du 30 décembre 1991.

Quelles que soient les solutions techniques envisagées pour la gestion des déchets radioactifs, les recherches doivent être parachevées avant leur mise en application pratique. Les durées relatives à l'industrie nucléaire sont, de fait, toujours beaucoup plus longues que dans les autres industries. Mais, c'est notre responsabilité à tous, alors que l'électricité joue un rôle si important dans notre vie quotidienne - rôle assuré à 80 % par l'électronucléaire - que d'avancer dans la voie que la loi de 1991 a tracée : prendre nos responsabilités face aux générations futures.

Chapitre I - Le constat scientifique : les recherches de la loi de 1991 ont précisé les atouts respectifs de la transmutation, du stockage et de l'entreposage et démontré leur complémentarité

Dans son article 4, la loi du 30 décembre 1991 a classé les recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue en trois domaines, communément appelés « axes de la loi de 1991 », à savoir :

La séparation peut se définir comme un ensemble d'opérations chimiques visant à isoler les différents constituants des combustibles nucléaires usés, en vue de leur appliquer ensuite un traitement différencié. Ce traitement peut consister en différents modes de stockage ou leur reprise en réacteur.

Changement, dans son acception légendaire, d'un élément chimiquement pur - le plomb, par exemple - en un autre - l'or -, la transmutation est, plus simplement au sens de la physique, la modification d'un corps simple en un autre corps simple, se traduisant par un changement de numéro atomique.

Au demeurant, la séparation et la transmutation ne peuvent avoir d'application pratique que dans la mesure où le traitement-recyclage est l'option retenue pour l'aval du cycle du combustible nucléaire. Dans le cas contraire, comme en Suède, en Finlande ou aux États-Unis, les combustibles usés sont stockés directement et il n'y a pas lieu d'envisager d'opération de séparation en vue de la transmutation.

La France, pour sa part, met en œuvre les technologies du traitement-recyclage. Dans les usines de retraitement à La Hague, les combustibles usés sont dissous et l'on récupère ensuite, d'une part, l'uranium non brûlé et le plutonium, matières énergétiques recyclables, et d'autre part les déchets radioactifs de haute activité à vie longue qui sont immédiatement vitrifiés.

Au sens de la loi du 30 décembre 1991, la séparation, qui consiste en des étapes supplémentaires par rapport aux opérations de traitement actuellement pratiquées, et la transmutation sont deux techniques qui ont pour but de diminuer la radiotoxicité et la charge thermique des déchets radioactifs de haute activité à vie longue (HA-VL).

La cible de ces technologies représente une part très réduite du volume total des déchets radioactifs.

Ainsi, si l'on prend le cas du stock de déchets produits en France depuis le début des applications de l'énergie nucléaire jusqu'au 31 décembre 2002, les déchets HA-VL représentaient 1639 m³ sur un total de 869 874 m³.

Si l'on accorde une place centrale aux déchets HA-VL alors qu'ils ne représentent qu'un volume réduit en valeur absolue et une part très réduite - 0,2 % - du volume total9, c'est parce qu'ils représentent 96 % de la radioactivité de l'ensemble des déchets radioactifs.

En outre les déchets de haute activité à vie longue contiennent des radionucléides dont la période est la plus longue10.

La séparation consiste à isoler les deux catégories des radionucléides contenus dans les déchets de haute activité à vie longue, à savoir les actinides mineurs et les produits de fission. Cette opération revêt un intérêt majeur pour optimiser l'aval du cycle du combustible nucléaire car les actinides mineurs11 et les produits de fission ont des propriétés différentes en termes de radiotoxicité et de période de radioactivité. La séparation permet dès lors de leur appliquer des modes de gestion différents.

Les recherches sur la séparation ont été, depuis 1992, conduites en France par le CEA, principalement dans son installation ATALANTE de Marcoule, unique au monde. Il s'est fondé sur ses compétences reconnues sur le plan international et a eu, en outre, la sagesse de s'entourer de nombreuses collaborations françaises ou internationales.

On a exploré au premier chef les méthodes de séparation en voie liquide mais n'a pas délaissé l'autre voie représentée par la pyrochimie. La première voie se situe dans le prolongement des méthodes industrielles du retraitement. Plus innovante, la pyrochimie doit surmonter des difficultés technologiques sérieuses. Ce faisant, loin de faire cavalier seul et d'emprunter des voies de recherche dont on pourrait redouter qu'elles soient des impasses, le CEA voit sa démarche confortée par le programme américain AFCI (Advanced Fuel Cycle Initiative).

En termes de bilans, les recherches ont démontré la faisabilité de la séparation à l'échelle du laboratoire, les principales catégories de radioéléments pouvant être séparées les unes des autres.

Au-delà de cas particuliers à résoudre, il reste d'une part à démontrer la faisabilité de ces opérations à l'échelle industrielle, ce qui supposera la construction d'un pilote industriel, et, d'autre part, à évaluer l'intérêt économique de la séparation replacée dans le cadre général de la gestion des déchets radioactifs.

Au sortir d'un réacteur à eau pressurisée du parc EDF12, un combustible usé à l'oxyde d'uranium conserve une grande part de ses matières énergétiques non brûlées : 93 % d'uranium 238, 2 % d'uranium 235, 1 % de plutonium. Il comprend aussi des déchets de haute activité : 3,9 % de produits de fission et 0,1 % d'actinides mineurs13.

Figure 1 : La composition des combustibles irradiés déchargés de type UOX (oxydes d'uranium) en % de leur masse totale

(source : CEA et COGEMA)

Permettant d'isoler l'uranium et le plutonium, le retraitement pratiqué dans les installations de La Hague, a pour premier objectif la récupération de l'uranium et du plutonium, matières énergétiques, en vue de les recycler. Il a pour deuxième conséquence de diminuer la radiotoxicité à long terme des résidus.

Figure 2 : Schéma simplifié de l'évolution de la radiotoxicité du combustible nucléaire usé et de ses composants

Comme le montre la figure précédente, la radioactivité du combustible usé diminue au cours du temps mais ne rejoint celle du minerai d'uranium qu'au bout d'un million d'années.

Si, par des opérations de traitement-recyclage, on récupère l'uranium et le plutonium, qui sont les premiers responsables de la radiotoxicité à long terme du combustible usé, ce sont les actinides mineurs qui sont responsables de la radiotoxicité à long terme restante et un facteur 10 est gagné, dans la mesure où leur radiotoxicité rejoint le niveau du minerai d'uranium après 100 000 ans.

Comparativement, la radiotoxicité des produits de fission rejoint le niveau du minerai d'uranium après 1000 ans.

Ainsi donc, une fois le plutonium et l'uranium extraits grâce au retraitement, deux catégories de radioéléments, si elles sont séparées, justifient d'un traitement particulier : les produits de fission que l'on peut envisager de stocker sur des durées d'environ mille ans et les actinides mineurs qui doivent concentrer tous les efforts pour les transformer en éléments dont la radiotoxicité diminue plus rapidement au cours du temps.

Le tableau ci-après résume les propriétés principales des divers composants du combustible usé.

Tableau 1 : Les principales caractéristiques des composants des combustibles usés

composant du combustible usé

uranium

produits

de fission

(strontium, césium, zirconium, palladium, etc.)

radioéléments à vie longue (plutonium, actinides mineurs, produits de fission à vie longue)

pourcentage du total

95

4

1

radioactivité

négligeable

intense

moyenne

durée de confinement requise

0

200-1000 ans

300 000 ans

Une retombée importante de la séparation est, non seulement de pouvoir gérer de manière optimale les radiotoxicités distinctes des différents radioéléments, mais également de pouvoir adopter des dispositions de gestion particulières sur le plan de la charge thermique des colis de déchets, celle-ci étant également variable selon les radioéléments considérés.

Les technologies intitulées PUREX de séparation de l'uranium et du plutonium après dissolution des combustibles usés, sont opérationnelles au stade industriel depuis plus de vingt ans. Les résidus de ce procédé sont les actinides mineurs et les produits de fission. En dépit de la maturité industrielle du procédé PUREX et de l'expérience acquise, son prolongement vers des séparations supplémentaires s'est avéré une tâche particulièrement difficile pour plusieurs raisons.

La télémanipulation des solutions d'actinides mineurs et de produits de fission étant obligatoire du fait de leur très forte radioactivité, des installations complexes peuvent seules être utilisées. La construction puis la mise en service en 1992 de l'installation ATALANTE à Marcoule, sans équivalent dans le monde, ont permis de disposer d'un atout majeur. Pour autant sur le plan chimique, même si les techniques d'extraction en phase liquide sont bien maîtrisées, il a fallu chercher et tester de nombreuses molécules possédant des propriétés adéquates de très grande sélectivité par rapport aux différents éléments, de séparation avec l'eau et de résistance aux radiations. Enfin, les actinides mineurs ont des propriétés chimiques voisines pour certains de celles de l'uranium et pour d'autres d'une autre famille d'éléments, les lanthanides.

Ce sont au total 38 laboratoires du CNRS et des universités qui ont coopéré, au plan national, sur les recherches complexes de la séparation. Le CEA a également animé, en tant que leader, une coopération internationale forte, en Europe dans le cadre du 5ème PCRD (1998-2002) et du 6ème PCRD (2002-2006), mais aussi avec le Japon, la Russie et les États-Unis14.

Afin de tirer parti de l'expérience accumulée au plan scientifique comme au plan technique avec le procédé opérationnel PUREX d'extraction de l'uranium et du plutonium, le CEA s'est attaché à pousser plus loin ses possibilités, notamment pour extraire d'une part certains produits de fission comme l'iode et le technétium, et, d'autre part, le neptunium, actinide mineur dont le comportement chimique est voisin de celui de l'uranium et du plutonium. Des prolongements ont été mis au point pour extraire, dans un premier temps, les produits de fission, et dans un deuxième temps, les lanthanides, en vue d'isoler au final l'américium et le curium. Pour ce faire, de nouveaux « extractants », les diamides ont été mis au point.

En complément, nos équipes ont exploré la voie de la pyrochimie, qui consiste à dissoudre les éléments de combustibles dans des bains de sels fondus à haute température et à extraire les radioéléments par métaux fondus, électrodéposition et précipitation.

Cette double voie est également empruntée par le laboratoire national d'Argonne du Département de l'énergie des États-Unis.

En application de la doctrine Ford-Carter des années 1979, dont l'objectif est la lutte contre la prolifération des armes nucléaires, la séparation du plutonium « isolé », c'est-à-dire sans autre radioélément auquel il serait mélangé, est interdite aux États-Unis. Toutefois, le programme AFCI (Advanced Fuel Cycle Initiative) conduit par le Département de l'énergie des États-Unis, poursuit des buts dont certains sont liés à celui de la séparation. Les objectifs sont en effet la récupération des matières énergétiques contenues dans les combustibles nucléaires usés, la réduction des inventaires de plutonium civil, la réduction de la radiotoxicité et de la chaleur des déchets et l'optimisation du projet de stockage souterrain de Yucca Mountain.

Dans le cadre du programme AFCI, la voie de l'extraction liquide, intitulée UREX, a pour but la séparation conjointe du plutonium avec d'autres radioéléments. La pyrochimie, prioritaire au laboratoire national d'Argonne, est centrée sur l'électroraffinage, avec le codépôt des actinides mineurs avec le plutonium.

Les orientations de la recherche française sont validées par la démarche américaine et par les coopérations mises en place par les deux pays.

Le nombre de radioéléments présents dans les combustibles nucléaires usés à l'oxyde d'uranium est considérable : 5 types de noyaux lourds, 34 produits de fission, 6 produits d'activation et 2 produits de fission et d'activation.

Les recherches sur la séparation effectuées dans le cadre de l'axe 1 ont eu comme cibles prioritaires d'une part les actinides mineurs, américium, curium et neptunium, en tant que principaux contributeurs à la radiotoxicité à long terme après la récupération de l'uranium et du plutonium, et d'autre part, certains produits de fission à vie longue, iode, césium et technétium, dont l'abondance dans le combustible usé est significative et la mobilité dans la biosphère supérieure à celle des autres éléments.

La séparation à 99 % du neptunium, dont les propriétés chimiques sont proches de celles de l'uranium et du plutonium, a pu être réalisée par un complément apporté au procédé bien connu PUREX, l'iode et le technétium étant également extraits par un dispositif voisin.

La séparation se poursuit ensuite par le procédé DIAMEX, qui livre d'un côté les produits de fission et de l'autre, les actinides mineurs et les lanthanides15.

Le procédé SANEX permet enfin de séparer les lanthanides d'un côté et l'ensemble américium-curium de l'autre. À cet effet de nouveaux extractants de type diamides ont été mis au point, la synthèse chimique ayant permis de construire des molécules présentant un ensemble de propriétés favorables, en termes de propriétés électroniques, d'encombrement stérique, de lipophilie et de chélation.

Avec certaines molécules, l'américium a été récupéré à 99,9 % et le curium à 99,7 %, le rapport de séparation entre l'américium-curium et les lanthanides étant supérieur à 800.

En outre, des essais de laboratoires ont pu démontrer qu'il est possible de séparer l'américium et le curium à 1 % près.

S'agissant des produits de fission à vie longue, des molécules spécifiques intitulés calixarènes ou molécules cages ont été développées avec succès pour extraire le césium, la récupération s'effectuant à 99,8 %. Toutefois, on envisage de laisser le césium dans les solutions vitrifiées, sa mobilité dans la roche étant très faible. Le technétium pose un problème particulier, dans la mesure où il est difficile de le solubiliser, ce qui limite la récupération à la fraction en solution. Quant à l'iode, pour le moment rejeté en mer à des concentrations extrêmement faibles, le CEA a démontré sa récupération à 99 % par le procédé PUREX adapté et un procédé dérivé.

En tout état de cause, le travail réalisé pour la séparation représente une très grande réussite scientifique et technologique.

Après avoir démontré la faisabilité de la séparation à l'échelle du laboratoire sur quelques grammes de déchets radioactifs, le CEA réalisera des expérimentations au cours de l'année 2005, visant à tester les procédés sur des quantités d'environ 15 kg, le déroulement de l'ensemble des opérations s'étalant sur une durée d'une centaine d'heures et ne semblant pas poser de problèmes particuliers, hormis l'inévitable et délicate mise au point des appareillages à une échelle supérieure.

Toutefois, il reste à instruire le dossier de la séparation à l'échelle industrielle.

En l'état actuel des techniques et des applications industrielles envisageables, la séparation poussée qui peut être envisagée comme priorité pour l'avenir, consisterait à se limiter à une extraction groupée de tous les actinides mineurs, d'un côté, et de l'autre, de l'ensemble des produits de fission, selon le procédé GANEX. Les actinides mineurs seraient alors transmutés dans des réacteurs nucléaires et les produits de fission conditionnés dans des matrices de verres et stockés définitivement, leur radiotoxicité diminuant au niveau de celle de l'uranium naturel après mille ans environ.

D'après des estimations concordantes, l'équipement industriel à construire pour mettre en œuvre la séparation poussée serait comparable en taille et en coût à l'usine UP3 de La Hague.

Le coût d'investissement de la séparation peut donc paraître important et poser le problème de son financement, inévitablement lié aux obligations imposées aux producteurs de déchets radioactifs.

Mais l'opportunité d'un tel investissement serait à apprécier dans un cadre global, en prenant en compte tous les facteurs de l'aval du cycle, dont certains compenseraient peut-être le surcoût de la séparation. Si le stockage géologique devait se limiter aux produits d'incinération des actinides mineurs, alors des réductions de coûts de construction importantes du site de stockage viendraient en déduction. De même les coûts d'entreposage seraient réduits en volume et dans la durée.

Les délais d'industrialisation sont probablement d'une à deux décennies pour la séparation. L'horizon de la transmutation, qui, dans l'approche française peut difficilement être disjointe de la séparation, est, quant à lui, nettement plus lointain.

S'effectuant par bombardement neutronique, la transmutation peut revêtir deux formes. La première voie est la capture d'un neutron, qui conduit à la formation d'un noyau plus lourd que le noyau initial. Ce nouveau noyau est stable ou instable, ce qui entraîne une nouvelle transformation. La deuxième voie est celle de la fission directe du noyau en des éléments plus légers, et souvent à durée de vie plus faible.

Quelle que soit la forme qu'elle revêt, la transmutation doit être effectuée par des neutrons. Différentes méthodes peuvent être envisagées, chacune présentant des avantages et inconvénients.

La faisabilité scientifique de la transmutation est désormais démontrée grâce aux expériences conduites avec Phénix. Mais le chemin vers l'industrialisation est long. Le passage à des quantités plus importantes reste à faire, dans un contexte où la France sera, à partir de 2008 et l'arrêt de Phénix, démunie de moyens d'expérimentation. En parallèle à la démonstration scientifique et technique sur des quantités significatives de déchets radioactifs, les études devront avoir progressé sur les deux filières industrielles des réacteurs de Génération IV et des réacteurs pilotés par accélérateur de type ADS (Accelerator Driven Systems). Il sera également nécessaire de déterminer comment les objectifs de transmutation pourront être pris en compte par ces réacteurs, dans un parc électronucléaire dual, composé de réacteurs de générations différentes.

Pour transmuter des déchets radioactifs, au premier chef les actinides mineurs, deux méthodes ont été expérimentées.

La première méthode consiste à mélanger les actinides mineurs à l'oxyde d'uranium de chaque pastille de chaque crayon d'assemblage combustible. On parle alors d'irradiation ou de recyclage homogène. Comme les neutrons produits par la fission de l'uranium 235 du combustible à l'oxyde d'uranium doivent être suffisamment nombreux pour que la réaction en chaîne se poursuive sans encombre, la quantité de déchets radioactifs qui peuvent être mélangés au combustible de base est nécessairement limitée. Par ailleurs, ce sont les impératifs de gestion du combustible de base qui priment sur le degré d'avancement de la réaction de transmutation. Comme les réactions de transmutation sont relativement lentes, les assemblages de combustible doivent être sortis lorsque le taux de combustion maximal est atteint. En conséquence, les radioéléments à transmuter doivent être réinjectés en réacteur au sein du combustible neuf. Un multi-recyclage est ainsi indispensable, consistant en une suite d'opérations successives de séparation et d'irradiation, en vue de parvenir au meilleur taux de transmutation.

La deuxième méthode consiste au contraire à insérer dans le cœur du réacteur des crayons voire des assemblages combustibles ne contenant que les radioéléments à transmuter immobilisés sur des matrices spécifiques. On parle alors d'irradiation ou de recyclage hétérogène. Les assemblages combustibles ne sont pas alors identiques dans la totalité du cœur. Au contraire, des assemblages combustibles spécifiques contenant les déchets à transmuter sont disposés dans certains endroits du cœur. L'objectif est alors de transmuter les radioéléments en un seul passage dans le réacteur16.

Mais dans quels types de réacteurs peut-on effectuer des réactions de transmutation ?

Nécessitant dans tous les cas des neutrons, la transmutation peut être, en premier lieu réalisée au sein des réacteurs à eau pressurisée électrogènes classiques des parcs électronucléaires en fonctionnement. Ce sont alors les neutrons dits thermiques de ces derniers qui opèrent les réactions de transmutation. La vitesse et le taux de transmutation étant limités, un choix doit alors être fait entre le recyclage homogène (mélange des déchets au combustible classique) et le recyclage hétérogène (crayons spécifiques ne comportant que des radioéléments à transmuter).

L'outil privilégié pour la transmutation reste toutefois les neutrons rapides, dans la mesure où leur efficacité vis-à-vis du processus visé est très supérieure. De fait, le réacteur à neutrons rapides constitue la machine de référence non seulement pour des raisons théoriques mais aussi parce que c'est avec le réacteur à neutrons rapides Phénix que la preuve a été administrée que la transmutation des actinides mineurs est possible.

Toutefois, un autre schéma est proposé, celui des réacteurs hybrides pilotés par accélérateur, où un réacteur sous-critique reçoit des neutrons additionnels fournis par une source extérieure de spallation17 actionnée par un accélérateur de particules.

Dans le cadre des recherches menées en application de la loi du 30 décembre 1991, le CEA a apporté la démonstration que la transmutation des actinides mineurs peut être réalisée en mode homogène comme en mode hétérogène, ce dernier mode étant nettement le plus efficace.

Par ailleurs et surtout, la preuve a été apportée que les différents actinides mineurs peuvent être effectivement transmutés. Le réacteur à neutrons rapides PHENIX de Marcoule a joué à cet égard un rôle déterminant.

L'américium a été transmuté isolément en mode hétérogène, avec un taux de transmutation de l'ordre de 90 %, au cours des expériences ECRIX-B et ECRIX-H, conduites avec Phénix entre 1991 et 2004. Auparavant, l'américium de même que le neptunium avaient été transmutés en mode homogène ou hétérogène avec forte concentration, avec l'expérience SUPERFACT (1986-1988). La transmutation du curium a été également démontrée indirectement, dans la mesure où l'américium irradié se transforme en premier lieu en curium18.

Il est établi en tout état de cause que la transmutation produira des déchets ultimes dont la radiotoxicité ne dépassera pas le millier d'années et dont le seul mode de gestion possible sera le stockage définitif.

De nombreuses questions restent toutefois en suspens, dont les principales ont sans doute trait à la vitesse de transmutation et donc au temps de séjour en réacteur des déchets radioactifs de haute activité à vie longue et à la quantité de déchets qui pourra être traitée par un transmuteur en particulier.

Que les actinides mineurs à transmuter soient mélangés à un combustible standard, qu'il faille au contraire les isoler dans des assemblages particuliers, que l'on utilise des réacteurs à eau légère, des réacteurs à neutrons rapides ou des systèmes pilotés par accélérateurs, le préalable à la transmutation est la fabrication de combustibles et l'analyse de leur impact sur le fonctionnement des réacteurs eux-mêmes.

S'agissant de la fabrication de combustibles, différentes méthodes ont été testées, à la fois sur le plan des techniques de fabrication et des matrices pour les conditionner. Ces tests ont toutefois été réalisés sur des quantités très réduites, de l'ordre du gramme et devront le moment venu être extrapolées sur des quantités plus importantes jusqu'à atteindre, le moment venu, un niveau industriel. Une conséquence majeure n'est pas encore tirée au clair : quels types de fabrication de combustibles faudra-t-il mettre en place et quelles en seront les différences majeures par rapport aux usines de fabrication de combustibles UOx ou MOX ?

Question fondamentale pour la faisabilité de la transmutation, quel sera l'impact de la présence d'actinides mineurs sur le fonctionnement des réacteurs, quels qu'ils soient ? Quel type de recyclage sera-t-il dans les faits possibles - homogène ou hétérogène ? Quelles seront les quantités d'actinides mineurs qui pourront être chargées en réacteur, sans en perturber le fonctionnement ? En réalité, se joue sur les réponses à ces questions, la possibilité d'utiliser le parc de production d'électricité pour la transmutation ou bien la nécessité de construire un parc spécifique de machines spécialisées dans la transmutation.

Le recyclage des actinides mineurs dans les réacteurs à eau légère est possible en théorie. En raison de performances nécessairement limitées, cette orientation ne semble pas toutefois constituer une option de référence.

La transmutation par les neutrons thermiques des réacteurs à eau légère, notamment par les réacteurs à eau pressurisée, est théoriquement possible. Pour en optimiser le rendement, on peut imaginer d'utiliser de remplacer une matrice à l'oxyde d'uranium par une matrice métallique, ce qui permet d'éviter la formation de plutonium à partir de l'uranium fertile 238. Un tel recyclage s'effectue en mode hétérogène.

Pour ne pas compliquer le fonctionnement du parc électronucléaire, un exploitant nucléaire comme EDF opterait évidemment pour le recyclage hétérogène. Mais on peut se demander si cette option est compatible avec une gestion simple du parc électronucléaire, dans la mesure où certains réacteurs fonctionneraient avec du combustible MOX recyclant le plutonium, tandis que d'autres recycleraient les actinides mineurs, avec une durée de présence dans le cœur qui reste pour le moment inconnue.

En tout état de cause, de nombreuses démonstrations de sûreté seraient à effectuer, d'abord sur le comportement des combustibles métalliques, ensuite sur la compatibilité de la présence d'aiguilles de combustibles chargés en actinides mineurs, voire, sur la juxtaposition dans le cœur d'un même réacteur, d'assemblages combustibles MOX et d'assemblages combustibles comprenant des actinides mineurs.

Si cette approche risque de compliquer la gestion du parc électronucléaire, la complexité du cycle du combustible risque, elle aussi, d'être singulièrement aggravée. Un multi-recyclage serait en effet probablement nécessaire, conduisant à multiplier les opérations de séparation et de fabrication de combustibles, ces dernières étant au demeurant beaucoup plus difficiles qu'actuellement du fait de la forte radioactivité des actinides mineurs.

C'est pourquoi les Générations II (réacteurs REP 900 et 1300 MW), III (réacteurs N4) et même III+(EPR) ne semblent pas se prêter au recyclage des actinides mineurs, les seuls espoirs réels reposant sur les réacteurs de Génération IV et les ADS.

Les réacteurs de Génération IV représentent l'avenir probable à l'horizon 2035 de l'énergie nucléaire civile19.

L'organisation des efforts de recherche et développement en vue de parvenir à leur mise au point fait l'objet d'une coopération internationale, initiée par le Département de l'énergie des États-Unis et rassemblant désormais une dizaine de pays, au sein du forum international de Génération IV GIF (Generation IV International Forum)20.

Considérant que la R&D devait être la plus ouverte possible mais qu'il convenait de ne pas disperser les efforts dans des voies sans avenir, le GIF a sélectionné 6 filières technologiques qui sont en fait des couples réacteurs / combustibles nucléaires.

La fonction principale des réacteurs de Génération IV est la production d'électricité, ces réacteurs devant se substituer ou plus vraisemblablement, compte tenu des besoins en énergie mondiaux, s'ajouter aux réacteurs classiques à eau légère actuellement en fonctionnement dans le monde.

Toutefois, afin de mieux prendre en compte d'une part la rareté en matières fissiles en cherchant à extraire tout leur contenu énergétique et, d'autre part, les contraintes de l'aval du cycle et en particulier la gestion des déchets radioactifs, ce ne sont pas seulement des concepts de réacteurs qui ont été choisis mais des couples réacteurs / combustibles.

Prenant en compte ces objectifs, la sélection des filières réacteurs/combustibles a eu pour résultat le choix de 3 types de réacteurs à neutrons rapides sur les 6 types de réacteurs retenus21.

D'une manière générale, la mise en service commercial des réacteurs de Génération IV ne devrait pas intervenir avant l'horizon 203522. Dans un premier temps, de nombreux verrous technologiques devront en effet être levés. Dans un deuxième temps, des installations pilotes et des démonstrateurs devront être construits et testés sur plusieurs années. Dans un troisième temps, des réacteurs tête de série devront être exploités sur plusieurs années, avant de procéder à la construction proprement dite de séries, ce qui conduit à l'échéance 2040.

Sachant que les réacteurs à neutrons rapides fournissent précisément les neutrons dont l'énergie convient particulièrement aux réactions de transmutation, quelles fonctions peuvent assumer les réacteurs à neutrons rapides d'un parc dont la vocation première serait la production d'électricité, vis-à-vis de la transmutation des déchets radioactifs de haute activité à vie longue ?

Sur le plan scientifique, les expériences conduites dans le réacteur Phénix ne laissent aucun doute sur les aptitudes des réacteurs à neutrons rapides à procéder à la transmutation des actinides mineurs avec efficacité.

Dans le cas d'un recyclage homogène où les déchets radioactifs de haute activité sont mélangés au combustible standard - uranium 238 et plutonium -, des tests en vraie grandeur devront toutefois être réalisés pour déterminer quelle proportion maximale des déchets peut être acceptée sans perturber le fonctionnement du cœur.

Dans le cas d'un recyclage hétérogène, où des assemblages combustibles spécifiques contiennent exclusivement les déchets radioactifs, il sera également nécessaire de déterminer le nombre maximal de ce type d'assemblages compatible avec une exploitation sûre du cœur.

Au demeurant, quelle devrait être la place des réacteurs à neutrons rapides dans le paysage électronucléaire global, dont on sait qu'en France, il comprendra au moins jusqu'en 2035 des réacteurs à eau pressurisée de la génération III actuellement en service, sinon presqu'à la fin du siècle avec la mise en service de l'EPR ?

Deux cas de figures doivent être pris en compte : d'une part le cas de réacteurs à neutrons rapides déployés progressivement à partir de 2035, et, d'autre part, le cas d'un parc électronucléaire exclusivement constitué de réacteurs à neutrons rapides.

Dans l'hypothèse où le parc électronucléaire serait dual, c'est-à-dire constitué d'une part décroissante dans le temps de réacteurs à eau pressurisée et d'une part croissante de réacteurs de Génération IV, il serait possible de recycler les déchets radioactifs produits par les réacteurs classiques dans les réacteurs de Génération IV afin de les transmuter.

Des questions simples devront toutefois trouver des réponses : avec quel décalage dans le temps le recyclage sera-t-il possible ? Quel sera le nombre nécessaire de réacteurs de Génération IV par rapport au nombre de réacteurs à eau pressurisée en service ? Au bout de combien de temps les déchets radioactifs seront-ils transmutés ? Quels seront les volumes résultants, destinés à un stockage final ?

Dans le cas d'un parc électronucléaire constitué uniquement de réacteurs de Génération IV, un équilibre serait atteint après 5 à 6 passages en réacteurs, soit 50 ans - délais de fabrication des combustibles spécifiques compris - en termes d'inventaire de déchets radioactifs à vie longue. Le seul lieu où résideraient des actinides mineurs sur une longue période serait le cœur des réacteurs. Il n'y aurait donc plus besoin de stocker les actinides mineurs en milieu géologique.

Dans ce cas comme dans le précédent, les questions restent nombreuses, même dans l'hypothèse où l'on suppose possibles la faisabilité, l'acceptation et l'exploitation commerciale de réacteurs de Génération IV à l'horizon 2035. Les questions de sûreté lorsque le cœur comprendra une proportion significative d'actinides mineurs ne sont pas les moins difficiles à résoudre.

C'est pourquoi l'horizon 2040 pour une entrée en service opérationnel de la transmutation semble plausible.

La technologie des réacteurs pilotés par accélérateur porte également l'espoir d'une transmutation optimale des déchets radioactifs.

Cette technologie a été imaginée au début des années 1990 par les équipes du Professeur Carlo Rubbia, Prix Nobel de physique.

Le principe d'un réacteur piloté par accélérateur (ADS - Accelerator Driven Reactor) est de lier un accélérateur de protons, une cible de spallation et un réacteur nucléaire sous-critique.

L'accélérateur produit des protons de haute énergie qui vont percuter une cible de plomb, celle-ci délivrant alors des neutrons acheminés vers le réacteur nucléaire sous-critique. Le réacteur reçoit les neutrons qui lui manquent pour effectuer avec un rendement élevé les réactions de transmutation.

Les avantages attendus des systèmes ADS sont de l'ordre de la sûreté et de l'ordre de l'efficacité pour la gestion des déchets. S'agissant de la sûreté, la sous-criticité du réacteur permet son arrêt automatique en cas de rupture de toutes les alimentations. En particulier, l'arrêt de l'accélérateur entraîne l'arrêt de la production de neutrons additionnels et donc celui du réacteur. S'agissant de l'efficacité de la transmutation, les systèmes ADS devraient pouvoir, du fait même de leur conception, accepter une quantité relative de déchets radioactifs très supérieure à celle des réacteurs à neutrons rapides de Génération IV, tout en étant suffisamment flexibles pour accepter tous types de déchets.

Sur un plan plus général, les ADS, en combinant la physique des particules et la physique nucléaire, présenteraient un profil plus attractif que celui de la seule science nucléaire, et pourraient ainsi attirer de nouvelles vocations scientifiques et techniques, contrairement au secteur nucléaire qui peine à renouveler ses effectifs. Il s'agit d'un domaine de recherche qui suscite un fort intérêt au CNRS.

Enfin les ADS pourraient compléter un parc électronucléaire classique, composé de réacteurs à eau légère de la génération actuelle ou de la génération de l'EPR (Génération III+), à raison d'un ADS pour 5-7 réacteurs classiques.

Les incertitudes des réacteurs ADS semblent toutefois nombreuses, tant le manque d'expérience est complet dans ce domaine.

La conception des ADS a certes progressé depuis 1991. L'expérience MUSE réalisée par le CEA à Cadarache a permis de simuler avec succès une cible de plomb placée au centre d'un réacteur sous-critique constitué avec le réacteur MASURCA. Toutefois, les travaux réalisés dans le monde sont des travaux de conception ou de test de briques technologiques de l'ensemble, ce dernier n'ayant pas encore été testé expérimentalement dans sa globalité.

C'est pourquoi les interrogations sur les limites des systèmes ADS sont encore nombreuses.

En premier lieu, même si les études théoriques et les études d'ingénierie démontrent la faisabilité de la transmutation de déchets radioactifs à vie longue avec un système ADS, aucune preuve expérimentale n'existe dans ce domaine. Ensuite, les ADS sont réputés posséder une sûreté intrinsèque, qui est toutefois mise en doute depuis plusieurs années par certains experts. De fait, pour tenir compte de ces critiques et augmenter la sûreté d'un réacteur piloté par accélérateur, il apparaît aujourd'hui nécessaire de doter le cœur du réacteur sous-critique de barres de contrôle analogues à celles des réacteurs classiques, ce qui peut faire dire que les ADS ajouteraient à la complexité d'un réacteur nucléaire classique, la complexité supplémentaire d'un accélérateur. Le couplage d'un réacteur sous-critique et d'un accélérateur reste en réalité à expérimenter dans des conditions dynamiques de démarrage ou d'arrêt. Or les accélérateurs de particules sont des machines très coûteuses à construire et à exploiter. De surcroît, leur fiabilité insuffisante empêcherait qu'ils soient connectés au réseau électrique, ce qui entraînerait un manque à gagner par rapport aux réacteurs à neutrons rapides.

Dans l'état actuel des connaissances et des projets, il semble très difficile sinon impossible de faire, en ce qui concerne leur efficacité vis-à-vis de la transmutation, non seulement un arbitrage entre les réacteurs à neutrons rapides et les réacteurs pilotés par accélérateur mais même de déterminer leurs domaines d'application privilégiés respectifs.

C'est pourquoi la poursuite des recherches et la réalisation d'un pilote expérimental apparaissent particulièrement nécessaires.

Il faut enfin citer la filière spécifique des réacteurs à sels fondus, retenue par le Forum international Génération IV. Les réacteurs à sels fondus ne se positionnent pas comme une solution pour recycler les déchets produits par le parc électronucléaire actuel mais comme le pivot d'un nouvel âge du nucléaire reposant sur des bases techniques nouvelles.

De fait, le CNRS voit dans cette nouvelle filière de nombreux avantages.

Le premier avantage des réacteurs à sels fondus devrait provenir d'une part du fait qu'un nouveau cycle du combustible serait exploité, fondé sur le thorium, un élément beaucoup plus abondant que l'uranium et, d'autre part, de leur faible consommation en combustibles fissiles23. Son deuxième avantage serait de diviser d'un facteur 100 la production de déchets, ceux-ci étant sous-tirés du réacteur, conditionnés et directement envoyés au stockage sans avoir besoin de les recycler pour transmutation dans un autre réacteur.

Séduisants en théorie, les réacteurs à sels fondus nécessitent toutefois de nombreux sauts technologiques, notamment pour mettre au point des matériaux résistant à la corrosion des sels fondus à haute température. Il convient aussi d'évaluer les inconvénients et les avantages de mise en place d'un nouveau cycle du combustible. Il s'agit par ailleurs d'une filière qui n'a fait l'objet, pour le moment, que d'un très faible nombre de tests, pratiqués au demeurant sur des maquettes de très faible puissance.

L'articulation de cette filière avec les parcs électronucléaires actuellement en service devra aussi être approfondie.

Les principaux outils de transmutation que les connaissances scientifiques et techniques accumulées sur la période 1991-2005 permettent d'envisager sont les réacteurs à eau pressurisée du parc électronucléaire actuel, les réacteurs à neutrons rapides de Génération IV et les réacteurs pilotés par accélérateur.

Hormis les réacteurs électronucléaires actuellement en fonctionnement, dont on peut douter de la capacité à transmuter les déchets radioactifs dans des proportions suffisantes, tous les nouveaux instruments de transmutation ne devraient pas pouvoir entrer en service commercial régulier avant 2040. C'est donc à partir de cette date seulement que la transmutation pourra entrer en vigueur.

Pour des raisons de sécurité, il semble impossible de différer le conditionnement sous la forme de verres des déchets de haute activité à vie longue issus des opérations de traitement-recyclage qui se poursuivront dans l'intervalle.

La transmutation semble donc ne pouvoir porter que sur les déchets de haute activité produits à partir de cette date.

Les déchets de haute activité à vie longue - produits de fission et actinides mineurs - résultant du retraitement des combustibles usés depuis la mise en service des installations de Marcoule (déchets C0) puis de La Hague (déchets C1) représentaient un volume de 1639 m³ au 31 décembre 2002, leur volume devant atteindre 3612 m³ en 2020 suivant les projections établies par l'ANDRA24.

La dissolution des verres contenant les déchets radioactifs de haute activité à vie longue est possible techniquement. Dans l'état actuel des connaissances, cette opération semble toutefois très onéreuse. La séparation et la transmutation des déchets déjà produits et conditionnés semble en conséquence difficile à envisager.

Compte tenu de l'indispensable conditionnement, pour des raisons de sécurité, des produits de fission et des actinides mineurs issus du retraitement, ceci veut dire que la séparation et la transmutation des déchets radioactifs produits depuis les origines jusqu'en 2040, date de mise en service des réacteurs capables de transmuter les déchets en quantité, ne sont pas non plus envisageables.

La question des déchets de moyenne activité à vie longue mérite par ailleurs d'être examinée.

On pourrait a priori penser qu'une démarche identique de séparation -transmutation devrait s'appliquer aux déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL), afin de diminuer leur impact éventuel à long terme, puisque leur volume représente 4,6 % du total, pour 3,87 % de la radioactivité totale.

Leur volume atteignait 45 359 m³ au 31 décembre 2002, et devrait atteindre 54 509 m³ en 2020.

En réalité, la concentration des radioéléments dans ces déchets est faible et obligerait à des opérations de récupération dans des matrices ou des milieux extrêmement divers - bitume, ciments -, opérations qui généreraient elles-mêmes de nouveaux déchets radioactifs.

La valorisation des déchets MA-VL semble extrêmement difficile, pour les déchets déjà générés et pour l'avenir également.

Il n'en demeure pas moins qu'en l'absence totale de perspective de séparation-transmutation pour ce type de déchets, les seules solutions pour les gérer sont le stockage ou l'entreposage de longue durée.

L'AIEA (agence internationale de l'énergie atomique) de Vienne, qui fait partie des agences spécialisées de l'ONU, s'intéresse à la sûreté des déchets radioactifs et des combustibles usés depuis plusieurs années. En application de sa méthode générale, l'agence a mis au point, au sujet de la gestion des déchets radioactifs, un ensemble de préconisations, constitué de principes fondamentaux de sûreté, de règles de sûreté, de guides de sûreté et de bonnes pratiques.

Les principes fondamentaux de sûreté pour la gestion des déchets, édités par l'AIEA datent de 1995. Selon l'agence internationale, d'une manière générale, la gestion des déchets radioactifs doit avoir pour objectif d'assurer la protection de la santé publique et de l'environnement à tout moment, dans le présent et dans l'avenir, sans imposer des charges indues aux générations futures. « Bien qu'il ne soit pas possible de garantir un total confinement des déchets radioactifs sur des échelles de temps très étendues, l'objectif est de donner l'assurance raisonnable de l'absence d'impact inacceptable sur la santé humaine. Ceci est typiquement obtenu par l'application de l'approche multibarrières, dans laquelle des barrières naturelles et des barrières ouvragées sont utilisées de concert »25.

La convention jointe sur la sûreté de la gestion des combustibles nucléaires usés et des déchets radioactifs, adoptée en 1997 et entrée en vigueur en 2001, est la première législation internationale contraignante dans ce domaine. Cette convention à laquelle ont adhéré 34 parties contractantes, énonce un ensemble d'exigences de sûreté pour la construction et l'exploitation d'entreposages ou de stockage, sans toutefois prendre parti directement en faveur de solutions techniques particulières.

Autre étape fondamentale dans l'approche de l'AIEA, la conférence internationale organisée sous ses auspices à Cordoue en mars 2000 a fait le constat que « l'entreposage `perpétuel' des déchets radioactifs n'est pas une pratique durable et n'offre aucune solution pour l'avenir ». En conséquence, la conférence générale de l'AIEA de septembre 2001 a adopté un programme d'action, comprenant notamment « l'évaluation des conséquences sur la sûreté d'un entreposage prolongé et des reconditionnements éventuellement nécessaires ».

En application de ce programme, l'AIEA a publié en 2003, un document élaboré par un panel d'experts internationaux constitué par ses soins, sur le sujet suivant : « l'entreposage à long terme des déchets radioactifs : sûreté et durabilité »26. Destiné, selon les propres termes de l'AIEA, à servir de référence centrale et d'autorité pour les discussions nationales, ce document de l'AIEA indique que « le confinement des déchets radioactifs est le mieux assuré lorsque ceux-ci sont placés à une profondeur significative dans le sous-sol, c'est-à-dire par le stockage géologique ».

Pourquoi une telle position, claire et précise, en faveur du stockage géologique ne figure-t-elle pas dans la convention jointe de 1998 ?

Il semble s'être produit dans les années récentes une clarification des positions des experts sur les avantages du stockage par rapport à l'entreposage. Par ailleurs, la convention jointe exprime un consensus des parties contractantes, les Etats, qui, disposant de réalisations diverses, pour la plupart sous la forme d'entreposages, n'ont pas souhaité souscrire à une obligation contraignante de construction d'un site de stockage. On a retrouvé, dans l'Union européenne, ce refus des Etats de se voir imposer des obligations pratiques et datées, lors de la discussion du « paquet nucléaire » proposé par Mme Loyola de Palacio, commissaire européen à l'énergie.

La position des experts rassemblés par l'AIEA a toutefois été endossée par cette dernière d'une manière parfaitement claire : le stockage géologique est la solution de gestion des déchets radioactifs, optimale en matière de sûreté.

Suivant que l'on se trouve dans le cas de combustibles usés ou de déchets radioactifs de haute activité, le nombre et la nature des barrières de confinement artificielles ou ouvragées sont différents.

L'un des dispositifs de confinement les plus élaborés pour les combustibles usés est le dispositif suédois KBS-3, développé par SKB.

Dans ce dispositif, les barrières artificielles ou ouvragées sont au nombre de 5.

Les combustibles usés sont en effet constitués de pastilles de combustible (1ère barrière de confinement : la matrice du combustible oppose une résistance à la migration des radioéléments), elles-mêmes insérées dans un crayon de combustibles constituant une gaine (2ème barrière : la gaine métallique est d'une étanchéité imparfaite mais réelle), plusieurs crayons étant réunis en « assemblages combustibles ». Les assemblages combustibles sont insérés eux-mêmes insérés dans un cylindre de fonte (3ème barrière), qui lui-même sert de revêtement intérieur à un cylindre épais de cuivre dont l'épaisseur des parois est de 5 cm (4ème barrière).

Figure 3 : Le concept de sûreté suédois KBS-3

(source : SKB)

Enfin, les conteneurs de cuivre sont entourés, lorsqu'ils sont stockés, par de la bentonite (5ème barrière), une argile qui est imperméable à l'eau et qui fixe les radioéléments.

Dans une telle configuration, le stockage en profondeur présente l'intérêt d'interposer un milieu géologique (6ème barrière) choisi pour ses faibles propriétés d'échange avec le milieu rocheux environnant (7ème barrière éventuelle) si celui-ci est différent.

Dans le cas de combustibles retraités, la situation de départ est largement meilleure. En effet, d'une part les volumes de déchets radioactifs de haute activité sont réduits d'un facteur 5 par rapport aux combustibles usés, et, d'autre part, la matrice de confinement des déchets présente des propriétés largement améliorées (voir paragraphe III sur le confinement et l'entreposage de longue durée).

L'immobilisation des déchets de haute activité HA-VL dans des matrices de verre présente en effet une durabilité très élevée du fait du mélange intime des déchets et du verre et du caractère inaltérable des verres sur de très longues durées.

Les verres étant eux-mêmes placés dans des conteneurs métalliques CDS-V, l'acier inox de ces derniers représente alors la 2ème barrière de confinement. Les surconteneurs cylindriques développés par le CEA représentent alors une 3ème barrière. On peut également envisager un superconteneur pour le stockage au fond (4ème barrière). L'ONDRAF, organisme chargé de la gestion des déchets en Belgique, propose pour sa part une solution encore plus avancée, l'insertion du superconteneur dans un cylindre de béton (5ème barrière), lui-même recouvert d'acier inoxydable.

En tout état de cause, le stockage géologique s'impose pour les radioéléments dont la période est très longue.

La fonction essentielle du milieu géologique est d'opposer un retard supplémentaire le plus long possible à l'arrivée éventuelle de radioéléments dans la biosphère.

Des indications sérieuses montrent que de nombreuses formations rocheuses confinent les radioéléments à vie longue.

L'évolution des gisements d'uranium et l'exemple de réacteurs nucléaires naturels permettent de mieux comprendre les mécanismes de transfert de radionucléides dans la biosphère.

Les gisements d'uranium sont circonscrits dans des volumes réduits. Par ailleurs, le réacteur naturel d'Oklo a fonctionné il y a quelques 2 milliards d'années en Afrique, produisant entre autres du plutonium comme les réacteurs d'aujourd'hui. Ce plutonium s'est très peu déplacé et s'est au contraire fixé dans les fissures de la roche.

Au demeurant, la radioactivité des éléments contenus dans un combustible nucléaire usé peut être comparée avec celle du minerai d'uranium courant. D'après les calculs effectués par STUK, l'autorité de sûreté finlandaise, la radioactivité du combustible usé est 4 000 000 fois supérieure à celle du minerai d'uranium, lorsque le combustible est déchargé du réacteur. Un an après, elle n'est plus supérieure que d'un facteur 60 000. Après 40 ans, elle n'est plus supérieure que d'un facteur 7 000. Après 500 ans, la radioactivité du combustible usé n'est plus que 100 fois supérieure à celle du minerai d'uranium et après 10 000 ans, 15 fois. Enfin, après 200 000 ans, la radioactivité n'est plus supérieure que d'un facteur 1,5.

Toute la question est donc, sinon d'empêcher le transfert de radioactivité dans la biosphère, mais de la retarder au maximum, de sorte qu'au moment d'un éventuel contact, la radioactivité soit comparable à celle du minerai d'uranium naturel.

Les possibilités de « by-pass » ou de « shunt » de la barrière rocheuse en diminuent la sûreté, les principales éventualités étant la circulation d'eaux souterraines éventuelles ainsi que les puits d'accès et les galeries de stockage, elles-mêmes.

C'est pourquoi les milieux étudiés pour le stockage sont le plus souvent des milieux anhydres et lorsqu'ils ne le sont pas, comme le granite, des précautions particulières sont prises au niveau des autres barrières de confinement.

Par ailleurs, le remblaiement des galeries et des puits, la mise en place de barrières ouvragées, sous forme de scellements voire de bouchons artificiels, a pour but de redonner au milieu géologique ses propriétés de confinement, même si l'on peut s'attendre à des imperfections éventuelles de ces dispositifs, résultant en particulier de l'endommagement des roches lors des travaux de creusement.

Ce qui est alors gagné en sûreté est perdu en réversibilité, c'est-à-dire en possibilité de reprendre sans difficulté les colis. Examiné dans la suite, l'arbitrage réversibilité / irréversibilité doit en tout état de cause tenir compte d'autres facteurs, notamment l'acceptation par les populations.

En tout état de cause, les expériences étrangères renseignent sur le confinement apporté par différents milieux géologiques.

Le sel est le milieu géologique dans lequel est construit le WIPP (Waste Isolation Pilot Plant) à Carlsbad, au Nouveau Mexique (États-Unis), premier stockage géologique opérationnel au monde, dédié aux déchets transuraniens de faible activité et d'origine militaire.

Datant de 225 millions d'années, la couche de sel de Carlsbad, d'une épaisseur d'un kilomètre, se trouve à une profondeur de 350 mètres et s'étend sur plusieurs centaines de km dans les quatre azimuts. Construit à - 650 mètres, le site de stockage est constitué d'un ensemble de galeries dans lesquelles sont creusées les cavités de stockage selon une disposition en râteau27.

Vis-à-vis du stockage, le sel présente non seulement l'avantage d'être un milieu totalement dépourvu d'eau, puisque toute trace d'eau interstitielle est piégée par le sel, mais aussi celui d'emprisonner spontanément les déchets qui y sont placés. Leurs parois se rapprochant les unes des autres à la vitesse de 3cm/an, les galeries se referment sur elles-mêmes naturellement au bout de 150 ans du fait de la pression. L'encapsulation totale des déchets avec reconsolidation du milieu est réalisée au bout de 1000 ans environ.

Le sel est également considéré en Allemagne comme présentant des propriétés de confinement intéressantes. Dès 1963, le Gouvernement fédéral a recommandé l'utilisation d'une formation saline souterraine pour stocker les déchets radioactifs28. Après un long processus de sélection de site, la Basse Saxe a accepté la construction d'un site de stockage souterrain à Gorleben, dans un dôme de sel. Les travaux déjà réalisés de caractérisation du site et de construction de galeries de stockage à - 880 mètres auraient permis le stockage de déchets de haute activité, de déchets de moyenne activité à vie longue et même de combustibles usés non retraités, si le ministère fédéral de l'environnement n'avait pas décidé en 1999, pour des raisons purement politiques, de reprendre à zéro le processus de sélection de sites, en vue de construire un site unique centralisé pour les déchets de tous types et les combustibles usés.

Autre type de milieu présentant des caractéristiques intéressantes pour le stockage, un gisement de minerai de fer retiré de l'exploitation a été étudié en Allemagne, à Konrad, près de Salzgitter en Basse Saxe. Les galeries inclinées situées à une profondeur comprise entre 800 et 1300 m ont été étudiées en vue du stockage de déchets radioactifs non thermiques, principalement des déchets de faible ou moyenne activité, à vie courte ou à vie longue. Autorisée en mai 2002 par le Land de Basse Saxe, l'ouverture du site de Konrad est toutefois suspendue d'une part au résultat de 4 recours juridiques, et, d'autre part, à une autorisation de construction du Gouvernement fédéral.

Le tuf d'origine volcanique est le milieu géologique qui caractérise le site de Yucca Mountain, dans le Nevada, choisi par les États-Unis pour le stockage géologique des combustibles usés issus des centrales nucléaires commerciales et les déchets de haute activité provenant des activités militaires29.

Yucca Mountain se trouve dans une zone inhabitée - la première habitation se situe à 22 km - qui se caractérise par un climat très sec, avec des précipitations d'environ 19 cm par an, dont 95 % s'évaporent ou sont absorbés par la végétation. D'une hauteur de 1500 m, Yucca Mountain devrait abriter des galeries creusées à flanc de montagne et se situant à 300 m sous la crête et à 300 m au-dessus de la nappe phréatique. Cette montagne est constituée de tuf, roche volcanique de porosité élevée possédant un pouvoir oxydant, qui a toutefois la propriété de retenir les radioéléments. S'agissant de présence d'eau dans le site, la démonstration a été faite de l'absence de remontées depuis la nappe phréatique mais les risques de percolation d'eau, notamment du fait de la chaleur dégagée par les déchets, obligent à prévenir la corrosion des colis, en choisissant des matériaux ou des revêtements particulièrement résistants30.

L'argile représente, pour sa part, un milieu d'une structure chimique et cristallographique complexe, dont les propriétés en terme de matériau sont bien connues mais dans lequel aucun ouvrage souterrain de grande dimension n'avait été réalisé avant la construction du laboratoire de Mol en Belgique. L'argile de Boom de Mol s'est révélée être, non pas une pâte comme on pouvait s'y attendre, mais une roche dure. Il en est de même pour l'argile du Callovo-Oxfordien de Bure, qui est également une roche dure non poreuse, d'une densité relativement élevée. Tant l'argile de Boom que celle du Callovo-Oxfordien sont très peu perméables.

Localisé en Campine, dans le nord-est de la Belgique, le laboratoire de Mol se situe à -225 m dans une couche d'argile de Boom31 de plusieurs centaines de km², orientée sud-est - nord ouest dont la base se situe à -1000 mètres au sud-est et à -400 mètres au nord-ouest. Le laboratoire de Bure se trouvera pour sa part à -490 m dans une couche d'argile du Callovo-Oxfordien dont l'épaisseur varie de 100 m au sud-ouest à 160 au nord-ouest, à une profondeur moyenne de 450 m et dont la superficie est d'une centaine de km².

Dans les deux cas de Mol et de Bure, l'argile se présente ainsi sous la forme d'une couche souterraine qui représente potentiellement un véritable « coffre-fort » pour d'éventuels déchets, à condition que ses propriétés de confinement soient démontrées scientifiquement.

Les recherches de l'ANDRA sur l'argile ont considérablement progressé avant même l'exploration du site de Bure.

En effet, l'ANDRA est partie prenante depuis le début des années 1990 de différents projets scientifiques ou techniques conduits dans le laboratoire souterrain de Mol en Belgique, sur l'argile de Boom et dans le laboratoire de Mont Terri en Suisse.

Différente de l'argile du Callovo-Oxfordien de Bure notamment par sa ductilité supérieure, l'argile de Boom offre des conditions d'étude pourtant intéressantes, car offrant des caractéristiques plus extrêmes. L'argile à Opalinus de Mont Terri constitue elle aussi un analogue utile, lui aussi moins favorable que l'argile de Bure.

En conduisant des recherches dans ces deux laboratoires, on a ainsi acquis un ensemble de connaissances génériques sur l'argile ou spécifiques à des argiles particulières, qui lui ont permis d'avancer rapidement dès que des prélèvements d'argile de Bure ont pu être étudiés en laboratoire et de préparer les méthodes et les équipements de mesure qui ont été opérationnels dès la mise en service de la niche et des galeries de Bure.

Depuis 1987, la France a utilisé les possibilités offertes par le laboratoire souterrain HADES de Mol pour avancer dans la démonstration scientifique de la faisabilité éventuelle d'un stockage souterrain dans l'argile.

C'est à Mol qu'ont pu être mises au point diverses méthodes expérimentales de caractérisation des propriétés de l'argile, en particulier géochimiques, géomécaniques et thermiques.

Ces méthodes ont ensuite été testées et affinées au Mont Terri, dont l'argile est plus proche de celle de Bure.

Dans l'hypothèse, peu probable, au demeurant, d'une rupture des colis de déchets, il importe de déterminer quels mécanismes pourraient entraîner une dissémination des radioéléments dans l'environnement.

Un ensemble d'expériences a permis de déterminer la chimie des eaux interstitielles de l'argile, et de mettre en évidence l'équilibre des eaux interstitielles avec la roche, ainsi que la nature des transferts hydriques. Le processus de migration dans l'argile de Boom est essentiellement un processus de diffusion, avec des vitesses de transport très faibles32.

De même, l'influence de la chaleur a été étudiée, afin de déterminer dans quelle mesure les propriétés mises en évidence à température naturelle pourraient être modifiées par la chaleur dégagée par les colis de déchets.

Élément positif, en examinant les propriétés de l'argile au voisinage d'un puits dix ans après son fonçage, il est apparu que, de même que les fractures se comblent, les propriétés hydrauliques de l'argile sont restaurées après 10 ans, un nouvel équilibre se créant après le creusement. Ce point est particulièrement important car le comportement mécanique de l'argile est sensible aux variations de teneur en eau.

On a également acquis des connaissances nouvelles concernant l'ingénierie des travaux dans l'argile, en particulier pour le creusement de galerie ainsi que pour le scellement de celles-ci. Le creusement de la nouvelle galerie de Mol a permis de vérifier les performances d'un tunnelier, de tester la méthode de soutainement par des blocs de béton avec clé plus avantageux que des cintres de béton. De même ont pu être mises au point des méthodes de déformation ou de coulissement des cintres, d'effort à l'interface roche cintre et de convergence du massif.

Implanté dans un milieu géologique voisin de celui de Bure, le Laboratoire de Mont Terri a permis de réaliser des travaux très importants pour la conception d'expériences et de tests destinés à être réalisés ensuite dans le laboratoire de Meuse/Haute-Marne.

L'argile à Opalinus du Mont Terri est un bon analogue des argilites du Callovo-Oxfordien étudiées à Bure. Il s'agit dans les deux cas de matériaux qui ont l'aspect d'une argile mais les propriétés mécaniques d'une roche dure. La principale différence entre les deux types d'argilites est en effet que les argilites silteuses du Mont Terri sont plissées verticalement et chevauchantes, alors que celles de Bure sont tabulaires et sans contraintes tectoniques. Mais leurs âges et leurs compositions chimiques respectives sont équivalents.

Les principales expériences conduites au Mont Terri concernent les domaines suivants33 :

- la géochimie des fluides circulant dans les argilites

- la diffusion et la migration des radioéléments dans la roche : réalisation de dispositifs expérimentaux, mesures et tests de modèles dans l'argile à Opalinus transposés ensuite dans l'argile du Callovo-Oxfordien

- le comportement thermique du milieu soumis à une source chaude

- les techniques de construction de clés d'ancrage dans l'argile34.

85 % des expériences faites au Mont Terri seraient transposables à Bure. Ce sera particulièrement le cas pour les expériences faites sur l'endommagement de l'argile à Opalinus lors du percement de puits ou de galeries. La question de l'endommagement des roches est particulièrement importante, dans la mesure où des perturbations peuvent entraîner une perméabilité et permettre une circulation d'eau. Ce qui est tolérable dans un ouvrage de génie civil, par exemple dans le tunnel sous la Manche, où les fuites sont régulièrement colmatées par des injections de résine, ne l'est pas dans le cas d'un stockage de déchets radioactifs. C'est pourquoi on a expérimenté au Mont Terri l'efficacité de dispositifs comme la mise en place de saignées et de peignes de bentonite dans la zone endommagée.

L'IRSN effectue aussi au Mont Terri des recherches en tant qu'appui technique de l'autorité de sûreté nucléaire. Contrairement à son laboratoire en sub-surface de Tournemire, le laboratoire de Mont Terri lui permet d'utiliser des radioéléments comme traceurs. Les recherches effectuées dans l'argile de Tournemire et dans celle de Mont Terri concernent principalement la fracturation et la fissuration de la roche, son comportement hydraulique, la modélisation du transport de radioéléments avec les phénomènes d'absorption ou de transfert dans l'eau interstitielle, la microbiologie du milieu du fait de la présence éventuelle d'archéobactéries réactivées par l'ouverture des galeries, les techniques de ventilation forcée des galeries et leur influence sur la saturation et la désaturation de la roche35.

Ainsi, grâce au travail commencé à Mol, puis poursuivi au Mont Terri, on a pu mettre en place une batterie d'expériences in situ à Bure, dès que la niche à - 445 mètres a été disponible.

De cette manière, les deux années de retard dans la construction du laboratoire, l'une due à la délivrance tardive de l'autorisation administrative de commencer les travaux, et, l'autre entraînée par une action judiciaire suite à un accident de chantier, ont pu être quasiment compensées.

La niche d'expérimentation in situ située à -445 m de profondeur et d'une longueur totale de 40 mètres, dans la couche d'argile de Bure, n'est entrée en service qu'à la fin novembre 2004. Depuis cette date, et compte tenu de l'expérience accumulée à Mol et à Mont Terri, de nombreux équipements scientifiques ont été déployés rapidement.

Deux remarques s'imposent toutefois.

En premier lieu, les expérimentations à Bure ont commencé depuis beaucoup plus longtemps, depuis la surface avec un important programme de forages et dans le puits principal et dans le puits auxiliaire.

En second lieu, même si le rythme d'acquisition de données va être très rapide au cours de l'année 2005, d'autant que le niveau de profondeur des galeries devrait être atteint à la fin du 1er trimestre et certaines galeries livrées à la mi 2005, il sera toutefois impossible de conduire à leur terme, avant la fin 2005, différentes expériences importantes pour la qualification de la couche d'argile en termes de confinement.

Une organisation scientifique de pointe a été déployée autour du laboratoire de Meuse / Haute Marne et depuis peu in situ. Un ensemble de résultats scientifiques convaincants a été produit. Compte tenu du temps disponible, ces données et ces analyses produites pourtant en abondance déjà, ne sont pas suffisantes au regard de l'objectif visé et doivent être vérifiées dans la durée.

Les conditions et les procédures d'une recherche scientifique fondamentale de haut niveau ont été mises en œuvre pour l'étude du site de Bure. Une approche pluridisciplinaire faisant appel aux meilleurs organismes a été mise en œuvre pour caractériser l'argile de Bure, organisée selon les procédures de la recherche fondamentale internationalement reconnues.

Un Comité d'orientation et de suivi a été installé auprès de l'ANDRA dans un rôle consultatif mais dont les avis ont été suivis d'effet. Rassemblant 13 membres français et étrangers appartenant au monde académique ou à des grands organismes de recherche et présidé par le directeur de la recherche du BRGM, le Comité d'orientation évalue la conception de l'ensemble des programmes expérimentaux et l'interprétation des résultats.

Des Groupements de Recherche (GdR) ont été créés, rassemblant des équipes performantes, ainsi FORPRO pour l'étude des formations géologiques profondes36 (CNRS et ANDRA), PARIS pour l'étude de la physico-chimie des actinides en solution (CNRS, ANDRA, CEA et EDF), et MOMAS pour la modélisation mathématique et les simulations (CNRS, ANDRA, BRGM, CEA, EDF).

Ainsi, dans le cas du programme FORPRO, un nombre important d'équipes d'unités mixtes de recherche CNRS/Universités, IPG (Institut de Physique du Globe) et Grandes écoles ont été impliquées, rassemblant 200 chercheurs, ingénieurs, doctorants et post-doctorants. Une approche multidisciplinaire a en outre été appliquée, combinant géochimie, géophysique, pétrophysique, géomécanique, microbiologie.

Au total, plus de 80 laboratoires académiques sont associés aux travaux réalisés, dans le cadre de 7 groupements d'excellence sur des thématiques précises et avec pour produit près de 30 thèses soutenues dans 20 universités différentes.

La qualité des travaux conduits a par ailleurs été attestée par la revue par des pairs « Peer Review » effectuée par l'AEN-OCDE en 2001, selon une procédure d'examen contradictoire répondant aux standards internationaux, conduite par un panel de scientifiques et d'experts indépendants issus de plusieurs pays37.

Les procédures d'orientation et d'évaluation scientifique appliquées par l'ANDRA pour le laboratoire de Meuse/Haute Marne sont incontestablement celles de la recherche fondamentale de haut niveau38. Le haut niveau de ces recherches est attesté par le nombre élevé de publications scientifiques liées à l'étude de l'argile de Bure.

Des méthodes de pointe sont utilisées pour l'étude de la couche d'argile de Bure.

Depuis la surface, un grand nombre de forages verticaux ont été réalisés sur le site du laboratoire et dans un rayon de 20 km autour de celui-ci39. Des forages déviés ou directionnels ont permis de balayer la couche d'argile dans deux directions. Grâce à ces différents types de forage (15 km au total), des carottages d'une longueur de 4,2 km dont 2,3 km dans l'argile ont pu être étudiés en surface et des diagraphies réalisées, qui permettent de fournir un enregistrement en continu des variations d'un paramètre physique ou chimique en fonction de la profondeur, suivant les technologies de mesure de l'industrie pétrolière.

Les méthodes de sismique 3D, mises en œuvre au cours d'une campagne de géophysique conduite en 2000, ont également permis de dresser une carte précise de la région de Bure.

En outre, une observation directe de la couche d'argile est réalisée depuis mars 2004.

En complément à ces techniques de pointe et aux méthodes expérimentales de physico-chimie, des méthodes d'expérimentation spécifiques ont été mises au point pour apporter des réponses à des questions difficiles mais fondamentales.

Ainsi le CNRS a développé une méthode de datation des eaux souterraines, sur différentes échelles de temps, moins de 100 ans avec le krypton 85, ou de 50 000 à 1 000 000 années avec le krypton 8140. Autre exemple, deux méthodes d'imagerie 3 D sur une profondeur de 5 m de la zone endommagée permet d'étudier la fracturation induite des parois de galeries41.

L'ensemble des méthodes a permis d'apporter d'ores et déjà des enseignements importants sur les propriétés de l'argile de Bure.

En tant que barrières de confinement de premiers niveaux, les matrices de déchets et les conteneurs jouent un rôle déterminant sur la sûreté du stockage géologique.

L'étude du comportement à long terme des matrices d'immobilisation et des conteneurs est possible à l'aide de modèles numériques simulant les mécanismes physico-chimiques régissant l'évolution des matériaux utilisés. Pour en déterminer les lois, les essais en laboratoire sur échantillons en conditions accélérées sont complétés par l'étude d'analogues naturels ou archéologiques. Un élément déterminant est l'arrivée de l'eau du site de stockage au contact des colis de déchets, qui se produit après environ 1000 ans.

La vitrification des déchets de haute activité - produits de fission et actinides mineurs - est un procédé choisi après constat que les verres archéologiques sont quasiment intacts après plusieurs milliers d'années de séjour dans l'eau de mer42 et que les verres basaltiques sont très peu altérés après un million d'années.

Une comparaison des vitesses de relâchement de radionucléides incorporés dans des ciments ou des bitumes ou de produits d'activation d'alliages métalliques montre la supériorité des matrices vitreuses43.

Le CEA a établi en effet que, pour les ciments utilisés pour conditionner certains déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL)44, la radioactivité est relâchée dès l'arrivée de l'eau, en raison de la porosité du ciment, c'est-à-dire après 1000 ans45. L'utilisation du bitume comme matrice d'immobilisation se traduit par une amélioration des performances, mais 90 % du colis initial est altéré après 10 000 ans.

Pour les coques et embouts, déchets métalliques MA-VL issus des gaines de combustible, compressés et insérés dans des cylindres en inox, le relâchement de la radioactivité ne se produit que bien plus tard. En effet, la radioactivité de ces déchets provenant d'éléments activés dans la masse métallique, leur passage en solution ne se produit qu'après 100 000 ans environ.

Enfin, une très forte capacité de rétention des radioéléments caractérise les verres utilisés pour conditionner les déchets de haute activité à vie longue. La matrice de verre est non seulement très peu soluble dans l'eau mais sa surface se recouvre de gels protecteurs après dissolution sur une très faible épaisseur46. Selon les modèles réalisés sous la conduite du CEA, « la durée de vie d'un tel colis est supérieure à 300 000 ans »47.

Au demeurant, les performances des colis de déchets si elles sont tributaires du milieu géologique d'accueil, ne sont qu'un des éléments de la sûreté, la formation géologique profonde jouant, comme on l'a vu, un rôle déterminant en tant que barrière de confinement.

L'argile du Callovo-Oxfordien de Bure résulte d'une sédimentation en milieu peu profond intervenue il y a 155 millions d'années, à une température de l'ordre de 40 °C. Depuis lors la roche n'a pas été perturbée.

Aucune faille à rejet vertical supérieur à 2 m n'existe sur 4 km². Le nombre de microcassures sur les 1400 mètres de carottages résultant de forages déviés n'est que de 38, celles-ci étant sans mouvement et sans influence sur les propriétés hydrauliques. L'homogénéité de la couche est démontrée sur 200 km² mais aussi à l'échelle métrique et au niveau moléculaire.

L'argile de Bure se révèle très faiblement perméable et l'eau s'y déplace très lentement (3 cm en 100 000 ans).

Indépendants des mouvements de l'eau, les processus de transport d'éléments chimiques en particulier de radioéléments s'y révèlent également lents. Faiblement poreuse, l'argile du Callovo-Oxfordien possède en effet une capacité de rétention élevée. Ainsi, les anions les plus mobiles (I, Cl, Se) éventuellement relâchés par des colis de déchets n'atteindraient le sommet de la couche qu'en 300 000 ans. Les cations mobiles atteindraient le toit de la couche en 10 à 20 millions d'années et les actinides mineurs, encore moins mobiles, en plus d'un milliard d'années48.

En outre, des expériences montrent que l'interface entre, d'une part, l'argile du Callovo-Oxfordien et, d'autre part, la couche de calcaire Oxfordien qui la coiffe, constitue une frontière difficile à franchir pour les cations. Cette propriété remarquable renforce encore les propriétés de confinement de la couche d'argile.

Pour juger des propriétés de confinement d'un milieu géologique, il ne suffit pas de caractériser le milieu considéré, mais il faut aussi déterminer celles des formations encaissantes, notamment au plan de l'hydrogéologie.

Les calcaires des formations encaissantes de la couche de Bure, c'est-à-dire l'Oxfordien qui se trouve en dessous et le Dogger qui se trouve en dessous, contiennent très peu d'eau. Les gradients verticaux sont très faibles sur la totalité de la couche et quasiment nuls sur le site. La géochimie a par ailleurs permis de montrer que les transferts d'éléments sont très lents dans ces calcaires : 10 km en un million d'années.

La séismologie représente également un sujet important et un sujet d'inquiétude pour certains experts49. Il a notamment été fait état d'un séisme survenu en 1784 à Neufchâteau à une trentaine de km de Bure et d'un autre épisode de 1992 à quelques km de Bure.

Pourtant, la reconstitution des séismes de niveau 2 au maximum dans le lointain passé fait apparaître l'épicentre à une distance de 70 km du site. Cette zone appartient à l'est du Bassin parisien, région de très faible sismicité, où les vitesses de glissement possibles sur les failles régionales sont de l'ordre de 0,001 à 0,0001 mm/an. Le secteur de Bure n'a pas d'activité néotectonique détectable ni d'activité sismique locale significative.

À l'issue de la révision du plan de zonage sismique national, la zone de Bure sera d'ailleurs classée dans la catégorie la moins sismique de France50.

Pour autant, les installations de Bure sont dimensionnées pour résister à un séisme du niveau 6, afin de prendre en compte le Séisme Maximal Physiquement Possible d'une magnitude de 6, distant de 75 km.

Comme les conséquences d'un séisme sont d'autant plus atténuées que la profondeur est grande, on peut scientifiquement considérer que les précautions prises sont suffisantes.

Comme on l'a vu, de nombreuses expériences scientifiques relatives à l'argile de Bure ont été réalisées avant même le creusement des puits et la construction de la niche d'expérimentation, en utilisant les possibilités offertes par les laboratoires de Mol et de Mont Terri, ainsi qu'en exploitant en laboratoire les carottages ou les prélèvements faits à distance. La validation de certaines des expériences, notamment celles fondamentales pour la sûreté, est nécessaire in situ.

Par ailleurs, la zone d'endommagement, correspondant à l'épaisseur de la roche perturbée par le creusement de puits, de galeries ou des barrières ouvragées, représente un point de faiblesse potentiel pour le confinement assuré quasi parfaitement par l'argile, en l'absence de toute intrusion humaine.

Une question importante est toutefois de connaître les dimensions de la zone d'endommagement, par rapport à celles de la couche d'argile. Selon les premières observations faites lors du creusement des puits et de la niche d'expérimentation à -445 m, la zone d'endommagement représente le 1/3 du rayon d'un ouvrage, soit 1 m pour un puits de 3 m de rayon. Cette dimension doit être mise en parallèle avec l'épaisseur de la couche d'argile, de 130 à 150 m, puisqu'aussi bien le reste intact de la couche d'argile continuera de jouer le rôle de barrière de confinement. Le cas des ouvrages traversants mérite d'être approfondi, sachant que des barrières ouvragées peuvent être conçues de manière à stopper d'éventuels relâchements ayant emprunté la zone d'endommagement.

Par ailleurs, il convient également d'étudier les conséquences de dégagements gazeux éventuels provenant de déchets conditionnés dans des matrices telles que le ciment ou le bitume. Quelle est la probabilité de tels phénomènes et quelle pourrait être leur forme ? Quelles en seraient les conséquences, sur l'argile ou les barrières ouvragées, suivant que le stockage est en configuration réversible ou irréversible après comblement des galeries ?

Une autre question qui doit également être approfondie est celle de l'influence de la température sur le comportement de l'argile dans la masse et dans la zone d'endommagement. En effet les déchets radioactifs produisent des dégagements de chaleur. Dans quelle mesure, une fois introduits dans la couche d'argile, pourraient-ils en modifier le comportement ?

Pour régler le problème de la chaleur, plusieurs paramètres peuvent être actionnés. En premier lieu, on peut attendre le refroidissement des colis de déchets en les entreposant en surface. En second lieu, l'emplacement des colis dans les galeries de stockage peut être calculé de manière que la température ambiante ne dépasse pas une valeur maximale.

Bien que ces problèmes soient d'ordre industriel, il n'en demeure pas moins qu'une connaissance scientifique précise des mécanismes d'évolution des propriétés de l'argile en fonction de la température est nécessaire, de manière à mettre en place les modalités de gestion des colis et à dimensionner d'une manière optimale le stockage.

Dans le cadre d'une collaboration ANDRA - CEA - EDF, une modélisation numérique d'un site de stockage de déchets radioactifs a été réalisée, permettant de simuler son comportement et son évolution au cours du temps.

Les paramètres à prendre en compte sont évidemment très nombreux, nature des colis, chimie du milieu, mécanismes de corrosion, cinétique de transport dans les différents milieux géologiques, implication des traces d'eau, etc. Une difficulté majeure est bien évidemment le couplage des différents phénomènes influençant l'intégrité du stockage.

La plate-forme de simulation ALLIANCES, outil de grande qualité, permet d'ores et déjà de réaliser des milliers de cas de calcul et d'évaluer divers scénarios d'évolution du confinement, y compris dans le cas d'intrusion accidentelle ou volontaire. Pour représenter plus fidèlement la réalité, les modèles devront toutefois intégrer les résultats des expériences physiques en cours ou à venir. De même, les choix d'ingénierie, une fois effectués, devront être incorporés au modèle global. À cet égard, les modèles numériques devraient apporter des éclairages intéressants sur le choix réversibilité / irréversibilité vis-à-vis de la sûreté.

En réalité, l'évaluation de sûreté dépend en grande partie de la finalisation des modèles numériques, finalisation qui devra donc précéder toute décision.

Compte tenu du rôle déterminant pour la sûreté assuré par la formation géologique profonde, une décision capitale est évidemment celle du choix de la réversibilité ou de l'irréversibilité.

La loi du 30 décembre 1991 assigne à la recherche l'objectif d'étudier à parité ces deux solutions. Mais en réalité, si on l'éclaire de considérations pratiques, ce choix continue-t-il d'être réellement un dilemme ?

Sur le plan technique, l'irréversibilité, en ce qu'elle conduit au comblement de l'ouvrage de stockage, apporte le meilleur confinement possible et affranchit de toute nécessité de surveillance, dès lors que la preuve peut être apportée que la formation géologique utilisée assure cette fonction à très long terme, c'est-à-dire pour plusieurs centaines de milliers d'années.

Le rôle des différentes barrières de sûreté est d'une importance capitale, comme le montre a contrario l'exemple de Yucca Mountain, dont les propriétés de confinement font débat. Comme le prescrit l'Académie nationale des sciences américaine pour ce site, la sûreté du site doit être garantie sur plusieurs centaines de milliers d'années, durée correspondant au pic de dose radioactive des éléments à plus longue période. En conséquence, du fait des possibilités de migration à long terme de radioéléments à partir du site vers une direction particulière, le DOE est obligé de démontrer l'intégrité des conteneurs de combustibles usés sur cette échelle de temps, ce qui oblige à prendre des dispositions coûteuses contre la corrosion, dans la mesure où le tuf est un milieu naturel beaucoup plus agressif que le sel ou l'argile.

Par ailleurs, en situation d'irréversibilité, la reprise des déchets oblige à reconstruire de nouveaux puits et galeries d'accès, ce qui complique la mise en œuvre de solutions techniques qui pourraient permettre e transmuter à terme les déchets radioactifs même conditionnés ou d'en tirer un contenu énergétique. Mais l'irréversibilité ne rend pas impossible la reprise des déchets, puisque les mêmes techniques minières qui ont été utilisées pour la construction du site, devraient pouvoir être utilisées ultérieurement pour creuser de nouveaux chemins d'accès.

Au contraire, la réversibilité qui oblige, dans sa version maximaliste, à laisser ouverts les puits et les galeries, réduit la performance de confinement des déchets et même la sécurité physique du stockage.

Cette solution présente toutefois deux avantages déterminants. La réversibilité permet, théoriquement, de détecter rapidement la détérioration des colis et d'y remédier sans délai. L'autre avantage est de faciliter la mise en œuvre d'éventuelles solutions techniques d'incinération des déchets, puisque la reprise des colis est facilitée par hypothèse.

Sur le plan technique de la sûreté, le bilan des avantages comparés de l'irréversibilité et de la réversibilité ne semble pas au final pas si déséquilibré que l'on peut le penser a priori en faveur de la première solution.

Vis-à-vis des générations futures, l'irréversibilité règle le problème de transfert de charge. Aucune charge n'est reportée sur celles-ci et la seule obligation à respecter à leur égard est celle de la transmission d'informations sur la localisation et la composition du stockage.

La réversibilité reporte au contraire une charge de surveillance incontestable sur les générations futures, en contrepartie de possibilités plus aisées d'intervention sur les déchets.

En tout état de cause, avec la réversibilité, le champ du possible reste ouvert, ce qui est essentiel pour une perception positive du progrès technique, de la solidarité nationale et de la confiance dans l'avenir.

Dans le rapport de sa mission de médiation de décembre 1993 sur l'implantation de laboratoires de recherche souterrains51, Christian BATAILLE écrivait : « la réversibilité m'apparaît comme une garantie autant scientifique que morale.(...) Il est donc indispensable d'annoncer clairement que les programmes des recherches à conduire dans les laboratoires souterrains accorderont une priorité à l'étude des dispositifs permettant ultérieurement la réversibilité du stockage. Compte tenu des progrès de la science et des techniques, de l'avancement des autres voies de recherche, cette particularité réservera la possibilité et donc la liberté de choisir. »

Au final, l'irréversibilité peut apparaître comme une sorte de perte de confiance vis-à-vis du progrès scientifique et comme une atteinte à l'intégrité du sous-sol, même si la décroissance radioactive naturelle ramène la radioactivité des déchets au niveau de celle d'un gisement naturel d'uranium.

Alors qu'au début des années 1980, l'irréversibilité représentait le choix de la plupart des pays, les doutes se multiplient aujourd'hui sur l'opportunité de compliquer la reprise des colis et sur l'acceptabilité d'une telle approche par la société. La réversibilité qui permet de conserver une marge de manœuvre évidente apparaît finalement comme une ligne d'action prioritaire.

Au demeurant, la réflexion sur les solutions techniques pour le stockage géologique montre qu'il y a sans doute place pour des solutions qui combinent les avantages des deux approches et permettent la résolution dans le temps de ce choix.

Si, d'une part, l'on examine les solutions techniques envisagées pour le stockage géologique et si, d'autre part, le facteur temps régissant l'exploitation concrète de ce dernier est pris en compte, le choix irréversibilité-réversibilité semble pouvoir être simplifié.

Au plan technique, il semble que la conception d'un stockage puisse assurer la réversibilité tout en l'assortissant d'une sûreté presque comparable à celle de l'irréversibilité.

Une architecture de stockage assurant la réversibilité a ainsi été développée sur la base de concepts modulaires assurant une gestion souple et une évolution de la conception au cours du temps.

Le site profond est organisé, d'une part, en un réseau de tunnels d'accès disposés en quadrillage, et, d'autre part, de chambres de stockage disposées transversalement par rapport aux tunnels extérieurs.

Les colis primaires (conteneurs de déchets de moyenne activité à vie longue et leur enveloppe) sont disposés par quatre dans des conteneurs béton parallélépipédiques. Les conteneurs de déchets de haute activité HA-VL sont pour leur part placés dans des conteneurs cylindriques. Grâce à des dispositifs de manutention polyvalents, les deux types de colis sont rangés dans des chambres de stockage séparées des tunnels d'accès par un sas de radioprotection.

Ainsi des choix de gestion sont ouverts à chaque étape : maintien en l'état, passage à l'étape suivante (construction, fermeture) ou retour en arrière. Le premier niveau de réversibilité est similaire à un entreposage en profondeur et le dernier niveau est la fermeture qui rapproche le niveau de sûreté de celui de l'irréversibilité52.

La réversibilité par étape semble ainsi un concept intéressant, qui ménage des possibilités de choix sur une longue période, renvoyant même les décisions sur plusieurs générations, sans générer pour autant des coûts importants.

S'ajoutant aux possibilités offertes par l'ingénierie, le facteur temps devrait aussi permettre d'assurer au mieux la réversibilité.

Le nucléaire est une activité qui se déploie sur le temps long.

Les premiers déchets radioactifs de haute activité ont été produits dans les années 1950. La plus récente des centrales nucléaires d'EDF, Civaux, devrait s'arrêter, avec l'hypothèse d'une durée de vie de 50 ans, vers 2040-2050. Après le retraitement de ses combustibles et un délai de refroidissement des verres d'une durée de 40 ans, le stockage géologique des derniers déchets de haute activité issus de son exploitation devrait intervenir vers 2100.

D'autres réacteurs, dont au moins l'EPR de Flamanville fonctionneront plus tardivement.

La décision ultime de fermeture du site de stockage national reviendra donc de fait aux responsables au cours du XXIIème siècle.

Au final, l'important est donc de sélectionner les options techniques qui optimisent la sûreté tout en laissant les choix ouverts.

Les premières études d'ingénierie réalisées par l'ANDRA indiquent, sous réserve de confirmation, que cette possibilité n'est pas utopique.

Dans son article 4, la loi du 30 décembre 1991 dispose que «  le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport faisant état de l'avancement des recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue et des travaux qui sont menés simultanément pour (...) l'étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains (...) ».

Si différents arguments sont invoqués pour prescrire, demander ou exiger un deuxième laboratoire souterrain, celui-ci ne semble toutefois pas nécessaire pour un ensemble de raisons.

En premier lieu, étant donné que l'article 4 mentionne l'expression « laboratoires souterrains » au pluriel, le respect de la loi exigerait au moins un deuxième laboratoire. En réalité, une lecture attentive de l'article 4 contredit cette assertion.

Ce que demande la loi, c'est en effet « l'étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes ». Une interprétation stricte de la loi imposerait l'étude de toutes les formations géologiques, ce qui serait totalement impossible à réaliser car irréaliste, compte tenu du nombre presque infini de configurations du sous-sol national. De même, l'article 4 se poursuivant en précisant « notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains », une interprétation stricte de la loi imposerait également que pour chacune des innombrables configurations géologiques possibles, plusieurs laboratoires soient construits, ce qui serait également totalement irréaliste.

Une interprétation souple de la loi s'impose donc à l'évidence pour différentes notions, en particulier pour l'usage de l'article défini « les » dans l'expression « les formations géologiques profondes », pour l'adverbe « notamment » et l'usage du pluriel pour la réalisation « de laboratoires souterrains ».

En fait, la volonté du Parlement exprimée notamment par les Rapporteurs du projet de loi, M. Christian BATAILLE à l'Assemblée nationale et M. Henri REVOL au Sénat, était que la recherche ne se focalise pas sur la séparation-transmutation et sur le conditionnement entreposage de longue durée, mais que des études rigoureuses portent sur le stockage géologique réversible ou irréversible, avec tous les moyens possibles, y compris les expériences in situ. En réalité, la loi ne prescrit ni l'étude de plusieurs milieux géologiques ni la réalisation de plusieurs laboratoires pour chacun d'entre eux.

Un autre type d'argument avancé en faveur d'un deuxième laboratoire souterrain, est constitué par le rappel des conclusions de décembre 1993 de la mission de médiation sur l'implantation de laboratoires de recherche souterrains53. Quatre départements avaient en effet été proposés : le Gard (argile); la Haute-Marne (argile), la Meuse (argile), la Vienne (granite). Trois des quatre propositions portant sur l'argile, la multiplicité proposée avait pour objectif de diversifier les risques d'échec au terme des études.

La situation est désormais tout autre puisque, sans que les études ne soient achevées ni une décision prise sur la faisabilité d'un stockage, aucune constatation négative n'a été faite quant à l'aptitude au confinement de la couche d'argile de Meuse/Haute-Marne et que les perspectives scientifiques sont bonnes.

Par ailleurs, la nécessité d'étudier plusieurs milieux géologiques est un élément supplémentaire invoqué pour un deuxième laboratoire souterrain.

Il faut toutefois remarquer à cet égard que les voix qui ont disqualifié les propriétés du granite et poussé à l'abandon du projet de construction d'un laboratoire souterrain dans le granite de la Vienne, sont les mêmes qui aujourd'hui réclament l'ouverture d'un second laboratoire.

Particulièrement éclairant, le cas de la Suisse fournit les conclusions d'une comparaison de l'argile et du granite. La Suisse est en effet le seul pays à avoir construit deux laboratoires souterrains, l'un dans le granite (Grimsel) et l'autre dans l'argile (Mont Terri). Or la Suisse a récemment choisi de privilégier l'argile.

La politique helvétique pour le stockage des déchets radioactifs de haute activité, comprend deux volets, d'une part la conduite de recherches génériques sur l'argile au Mont Terri et la granite à Grimsel, et, d'autre part, la recherche d'un site adéquat sur le plan technique et bénéficiant d'une bonne acceptation locale.

Le laboratoire du Mont Terri dans le Jura suisse est un centre d'études du comportement de l'argile, d'une grande importance scientifique et technique, au premier chef pour la Suisse et ensuite pour les membres du consortium international qui coopèrent sur différents projets. Il s'agit d'une base de travail qui, constituée par un ensemble de galeries creusées à partir d'un tunnel autoroutier, n'a pas vocation à devenir un site de stockage. Les études conduites au Mont Terri sur l'argile à Opalinus portent en particulier sur le comportement hydraulique, mécanique ou thermique de cette dernière, ainsi que sur la mise au point de modèles numériques des processus clé pour la sûreté.

Situé au centre de l'édifice alpin suisse et au sud de Lucerne, le laboratoire de Grimsel dédié à l'étude du granite se trouve dans une galerie de 1 km en parallèle au tunnel d'accès d'une usine hydroélectrique souterraine. Les travaux conduits dans le laboratoire de Grimsel au début des années 1980 avaient pour but de préparer l'exploration et la caractérisation des roches cristallines du nord nord-est de la Suisse, l'utilisation d'une galerie étant apparue moins difficile et coûteuse que la réalisation de nombreux forages.

Après avoir été étudiées pendant neuf ans par les pouvoirs publics, les conclusions des études sur l'adéquation des milieux cristallins au stockage des déchets radioactifs, remises au Conseil fédéral en 1994, n'ont pas conduit celui-ci à retenir les milieux cristallins comme prioritaires, en raison de la présence de failles et de fissures qui permettent la circulation d'eaux souterraines.

En conséquence, NAGRA, la coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs a entrepris des recherches sur l'adéquation éventuelle d'une zone, de 50 km², dont le sous-sol contient une couche d'argile à Opalinus, située dans le Weinland, région située au nord d'une ligne Bâle-Zurich. Sur le plan scientifique, la démonstration de la faisabilité du stockage dans l'argile a reposé d'abord sur les travaux de recherche effectués au Mont Terri, ensuite sur la réalisation de forages à Benken, et enfin sur la sismique 3D du Weinland. Fin 2002, NAGRA a apporté la démonstration de la faisabilité du stockage dans la zone du Weinland zurichois.

En septembre 2004, le conseiller fédéral, M. Moritz LEUENBERGER, a estimé que des alternatives au Weinland devraient également être présentées par NAGRA, mais qu'en tout état de cause, la priorité devrait être accordée à la sûreté.

Pour la Confédération helvétique, l'argile est l'option prioritaire pour le stockage géologique des déchets, les roches cristallines ne constituant qu'une option de réserve.

Dès lors, la question est la suivante : la France peut-elle tirer parti de cette expérience ou doit-elle consentir de lourdes dépenses pour aboutir à la conclusion déjà tirée par la Suisse, selon laquelle l'argile présente des propriétés plus intéressantes que le granite ?

Au demeurant, l'ANDRA sera en mesure en 2005 de présenter un dossier d'analyse des avantages et des inconvénients du granite, grâce aux travaux conduits à Grimsel en Suisse ou à Aspö en Suède, ainsi que grâce aux forages de reconnaissance sur différents sites sur le sol national.

En tout état de cause, l'intérêt d'une solution granitique en France est fortement minoré pour une cause générique. Contrairement aux pays scandinaves ou au Canada, qui disposent d'un bouclier granitique stable, la France a subi les tectoniques alpine et pyrénéenne, génératrices de failles nombreuses dans les massifs granitiques.

Il faut en réalité souligner que les travaux de reconnaissance du sous-sol qui ont conduit à la sélection de la couche d'argile de Bure ont été extrêmement performants puisque les propriétés de celle-ci semblent, pour le moment, d'une très grande qualité comparée à celles de tout autre milieu.

Même très particulier, le cas des États-Unis renseigne sur la longueur du processus de décision et de réalisation d'un site de stockage géologique. Le site de Yucca Mountain a été choisi en 1987. La décision du Président des États-Unis et sa ratification par le Congrès datent de 2002. La demande d'autorisation de construction devait être déposée fin 2004 par le DOE auprès de l'autorité de sûreté, la NRC, mais a finalement été repoussée. La date d'ouverture de Yucca Mountain initialement prévue par le DOE devait être 2010 mais la plupart des observateurs ne l'attendent pas avant 2015.

En Suède, le processus de sélection d'un site de stockage est toujours en cours de déroulement. SKB escompte poursuivre ses investigations sur les deux sites sélectionnés d'Östhammar et d'Oskarshamn jusqu'en 2007. À cette date, l'un des deux sites sera retenu. Vers 2007-2008, la demande d'autorisation de construction sera soumise par SKB à l'autorité de sûreté, SKI, qui aura deux années pour donner sa réponse et proposer une décision au Gouvernement. La décision de ce dernier devrait intervenir en 2010. Compte tenu des délais de construction et d'autorisation finale d'exploiter, la mise en service du centre de stockage est attendue par SKB pour 2015-2020, au plus tôt.

En Finlande, c'est le 16 mai 2001 que le Parlement a adopté le projet de construction d'un site de stockage géologique dans la presqu'île d'Olkiluoto. La construction d'un laboratoire de caractérisation intitulé Onkalo, sur le site même d'Olkiluoto, a commencé en 2004, qui servira à conduire des recherches in situ sur la période 2004-2010. L'autorisation de construction ne pourra intervenir qu'au plus tôt en 2012, après un examen rigoureux du dossier de sûreté détaillé par l'autorité de sûreté finlandaise, STUK. La construction du stockage lui-même est prévue à partir de 2012. L'entrée en service du site est prévue pour 2020.

À la lumière des expériences étrangères, on peut observer que les études de caractérisation détaillée et d'ingénierie d'un site de stockage, l'analyse de sûreté et l'examen du dossier de sûreté par l'autorité compétente s'étendent sur une période minimale de 5 années. La période de construction du site proprement dit est d'une durée approximative de 10 ans.

Dans quelle mesure de tels délais sont-ils pertinents pour la France ?

L'expérimentation scientifique pourrait se poursuivre sur une période de 5 ans, pendant laquelle pourraient également s'accomplir la caractérisation complète du site de Bure, les démonstrations technologiques de l'ingénierie et des équipements pour la construction et l'exploitation d'un stockage.

La mise au point de l'avant-projet détaillé et l'établissement du dossier de sûreté du futur site de stockage, la consultation du public et le délai d'examen de la demande sont estimés devoir durer environ 5 ans (total : 10 ans).

Enfin, après 2 ans d'études supplémentaires en vue des appels d'offre et de leur dépouillement (total : 12 ans), la durée de construction proprement dite pourrait être de 5 ans (total : 17 ans), la construction des galeries de stockage pouvant se faire par tranches, une fois creusés les puits d'accès et le réseau de tunnels centraux, dans le cas d'un stockage modulaire réversible.54.

L'entrée en service d'un stockage géologique dans la couche de Bure pourrait donc se situer entre 2020 et 2025.

L'étude du conditionnement et de l'entreposage à long terme constitue le troisième axe des recherches de la loi du 30 décembre 1991.

Les recherches commencées en 1991 ne sont évidemment pas parties de rien. Les exploitants se sont efforcés, depuis le démarrage des applications de l'énergie nucléaire civile, de conditionner les déchets radioactifs de manière à éviter tout transfert dans l'environnement. La qualité et l'épaisseur des métaux et des bétons utilisés pour fabriquer les conteneurs sont choisis pour que leur intégrité soit assurée sur longue période. En définitive, si les techniques de conditionnement dans le verre pour les déchets de haute activité, dans le bitume ou le ciment pour les déchets de moyenne activité sont anciennes, elles ont été perfectionnées grâce aux travaux conduits dans le cadre de la loi de 1991.

Par ailleurs, des installations d'entreposage sont opérationnelles depuis de longues années en France dans chaque centrale nucléaire et dans chaque centre de recherche, ainsi qu'à l'usine de retraitement de La Hague. Il s'agit par exemple de piscines dans les centrales nucléaires pour les combustibles usés ou dans les installations de La Hague, de halls d'entreposage pour les déchets de haute activité vitrifiés à La Hague et à Marcoule ou de cuves d'entreposage pour les déchets non encore conditionnés.

Du fait de leur robustesse de conception et des marges de sécurité adoptées, les installations d'entreposage actuellement en service en France peuvent être exploitées en toute sûreté sur une cinquantaine d'années. Le retour d'expérience sur ces installations a servi de base pour élaborer de nouveaux concepts d'entreposage, d'une durée de vie de conception supérieure, destinés à apporter une flexibilité supplémentaire pour la gestion des déchets.

Il reste toutefois à réaliser concrètement une installation d'entreposage de longue durée.

Une connaissance précise du contenu des colis de déchets radioactifs est indispensable pour choisir la solution de gestion la plus adaptée. Ceci est particulièrement important dans une situation de reprise de déchets anciens, pour conditionnement ou reconditionnement. À titre d'exemple, COGEMA prévoit, pour son établissement de La Hague, de reprendre à partir de 2005 les boues entreposées à STE2 et les déchets entreposés dans les silos HAO, 115 et 130, ainsi que les divers déchets (résines, graphite pulvérulent, solvants) entreposés dans les cuves de décantation de l'usine UP2-40055.

Les deux catégories de méthodes sont d'une part les méthodes dites « intrusives » où, à la suite d'un prélèvement, une batterie d'analyses physico-chimiques est réalisée, et, d'autre part les méthodes non destructives, fondées sur l'imagerie. La sensibilité des méthodes intrusives a été beaucoup améliorée. Par ailleurs, les nouveaux couplages de méthodes d'imagerie - radiographie, mesures neutroniques et gamma - réduisent les incertitudes sur le contenu physique des colis, la quantification et la localisation des radionucléides.

Ces nouvelles méthodes de caractérisation ont pour objectif d'optimiser la gestion des déchets.

Par ailleurs, plusieurs résultats significatifs marquent l'évolution des techniques de conditionnement des déchets de moyenne ou faible activité générés par le traitement du combustible usé à l'usine de La Hague.

Entre la conception et l'année 2000, le volume total de déchets FMA-VC, MA-VL et HA-VL a été divisé par un facteur 10. Si le volume des déchets de haute activité HA-VL vitrifiés a faiblement diminué, en revanche une forte réduction a été enregistrée pour les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) et les déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC).

Cette réduction de volume provient d'abord d'une réduction de volume des déchets des opérations de dissolution et de séparation ainsi que du développement de la voie sèche et de l'optimisation des procédés en voie humide. Ensuite, la vitrification des effluents a remplacé le bitumage. Enfin, l'abandon des techniques d'enrobage dans du bitume ou du béton armé au profit de techniques de compactage des coques et embouts et des déchets technologiques a apporté une troisième impulsion56.

En plaçant les coques et embouts compactés dans des conteneurs standardisés CDS-C, faits du même inox que les conteneurs de verres CDS-V, en lieu et place du béton, un progrès est obtenu en terme de durabilité du colis. La standardisation des dimensions apporte également des gains considérables en termes de facilités de gestion et d'économies.

Autre apport important des recherches du CEA et du CNRS, des matrices de conditionnement nouvelles sont en cours de développement pour chacun des actinides mineurs (américium, neptunium et curium) et pour les produits de fission à vie longue (iode, césium). L'objectif est de rendre possible le conditionnement des produits de la séparation poussée.

Les lignes directrices des travaux conduits depuis 1991 dans le domaine des conteneurs sont, d'une part, la standardisation, et, d'autre part, de nouvelles solutions techniques.

S'agissant de la standardisation, l'ANDRA et le CEA ont mis au point un conteneur en béton renforcé de forme parallélépipédique à quatre alvéoles, pouvant accueillir tous les colis primaires existants de déchets de moyenne activité à vie longue57. Ces colis, manipulables facilement par leur socle, à l'instar de palettes, pourront indifféremment être entreposés ou stockés.

Par ailleurs, des surconteneurs en fonte devraient permettre de recevoir 6 colis de déchets de haute activité vitrifiés, avec une bonne étanchéité de l'ensemble assurée par un couvercle en acier soudé par faisceau d'électrons.

L'option française pour la mise en conteneur des déchets de haute activité à vie longue HA-VL, doit toutefois encore être comparée avec les orientations de la Belgique (superconteneur en béton enveloppé d'acier au carbone) ou avec les choix de la Suède et de la Finlande (superconteneur en fonte et cuivre pour les combustibles usés).

Une nouvelle solution d'entreposage pour les combustibles usés est également en cours de mise au point.

En France, l'entreposage des combustibles usés est lié au retraitement et s'effectue en piscine, dans les centrales nucléaires ou à La Hague, pour une durée de 4 à 6 ans qui permet leur décroissance radioactive et thermique. L'objectif est la mise au point de solution d'entreposage à sec, qui ajoute de la flexibilité à la gestion du retraitement et résolve le problème des combustibles MOX dont le retraitement ne peut être envisagé avant plusieurs décennies.

On notera que la Suède, qui ne recourt pas au retraitement, entrepose ses combustibles usés dans les piscines en sub-surface du CLAB à Oskarshamn pour une durée d'environ 30 ans.

Un démonstrateur technologique de conteneur de stockage à sec a été réalisé, sous la forme d'un cylindre métallique en fonte à quatre compartiments.

Des tests doivent encore être réalisés sur la durabilité des matériaux.

La filière nucléaire a déjà accumulé une importante expérience sur l'entreposage des déchets radioactifs de haute activité à vie longue58.

Les colis de déchets vitrifiés CDS-V issus du traitement des combustibles usés sont entreposés dans l'installation E-EVT7 de l'usine de La Hague59. Fin 2002, on y comptait près de 7000 colis, représentant un volume d'environ 1000 m³, installés dans des puits ventilés à double enveloppe permettant leur refroidissement.

De la même façon, le centre de Marcoule dispose d'un entrepôt de colis de déchets vitrifiés, qui comprend près de 3000 colis représentant un volume de 550 m³, placés dans des puits ventilés permettant leur refroidissement. L'entreposage intermédiaire polyvalent (EIP) de Marcoule représente également un exemple intéressant pour les déchets de moyenne activité à vie longue issus de l'assainissement du site de Marcoule.

Enfin l'installation CASCAD de Cadarache entrepose à sec, dans des puits ventilés par convection naturelle, des combustibles usés provenant de la centrale de Brennilis ou des réacteurs de propulsion navale. La durée de vie de conception de cette installation d'entreposage est de 50 années mais semble pouvoir être largement supérieure.

S'agissant de déchets de moyenne activité à vie longue, les coques et embouts provenant du cisaillage des gaines de combustible et conditionnés dans des colis CSD-C sont placés dans l'installation de La Hague, intitulée Entreposage de colis compactés (ECC). Le hall d'entreposage STE3 de la même usine accueille pour sa part les colis d'enrobés bitumineux produits à parti d'effluents traités dans l'atelier du même nom. On prévoit aussi d'entreposer dans l'atelier EDT les déchets pulvérulents en conteneurs béton fibre.

Les techniques d'entreposage à sec sont donc largement éprouvées dans notre pays. Pour concevoir des installations pérennes sur la longue durée, la question est de savoir si l'on peut extrapoler ces techniques bien maîtrisées ou au contraire s'il est nécessaire de partir d'une feuille blanche.

Une durée de vie de 100-300 ans pour un entreposage suppose la pérennité d'abord des colis primaires de déchets, ensuite des conteneurs et enfin des installations elles-mêmes.

Différents problèmes sont à résoudre dans la durée. La conception d'ensemble de l'installation doit viser la robustesse et la passivité. La durabilité des bétons au-delà d'une centaine d'années est pour le moment une question sans réponse. La corrosion des métaux est pour sa part un paramètre mieux maîtrisé. La chaleur dégagée par les colis peut être gérée en mettant en œuvre une convection naturelle ou forcée mais la gestion d'éventuels dégagements gazeux est une question plus délicate. Enfin, l'installation doit d'une part garantir le confinement des déchets en toutes circonstances par des dispositifs mécaniques et chimiques appropriés et, d'autre part, offrir une résistance intrinsèque aux agressions externes.

Le CEA a détaillé un concept d'entreposage en sub-surface de déchets de haute activité qui semble répondre à toutes les conditions posées. Creusé à flanc de colline, ce concept est composé de modules d'entreposage regroupant 6 galeries dans le sol desquelles sont forés 120 puits de 17 m de profondeur. La ventilation est assurée par une circulation naturelle d'air entre les tunnels de ventilation inférieure amenant l'air frais en pied de puits et les tunnels de ventilation supérieure débouchant sur des cheminées placées au sommet de la colline. Une galerie de démonstration d'un site de ce type a été réalisée à Marcoule, à l'intention du public.

Si l'on dispose d'un concept qui semble robuste, il reste, ainsi que l'indique la Commission nationale d'évaluation, que pour aller plus loin dans sa mise au point, il est nécessaire de traiter un cas pratique correspondant à un site particulier.

Au final, les acquis des recherches sur le conditionnement et l'entreposage à long terme sont incontestables. Leur transcription dans la réalité en dispositifs opérationnels sera possible dès lors que des efforts supplémentaires seront consentis.

Lorsqu'il s'est agi, en 1990, de classer les grands domaines de la recherche à effectuer pour la gestion des déchets radioactifs, une distinction s'est imposée, d'une part entre la séparation et la transmutation et, d'autre part, entre l'entreposage et le stockage des déchets issus du retraitement, sans opération supplémentaire sur leur structure ou leur composition.

Assez rapidement, est apparue toutefois la nécessité de différencier d'une part l'entreposage de longue durée, qui est une solution d'attente, du stockage géologique, d'autre part, qui, lui, est une solution définitive. Il est apparu également indispensable d'accorder une attention particulière au conditionnement qui est d'une très grande importance pour la sûreté. Quant à la séparation et à la transmutation, il s'agit sans doute de l'horizon indépassable de la gestion des déchets, en ce qu'elle doit raccourcir la contrainte de gestion de quelques centaines de milliers d'années à quelques centaines seulement.

Quelles sont après 14 années de recherche les interactions entre les trois axes de la loi du 30 décembre 1991 ? Peut-on envisager d'abandonner les recherches sur l'un ou plusieurs des axes ou au contraire les solutions correspondant à ces trois domaines demeurent-elles toutes indispensables ?

Depuis les origines du nucléaire et du retraitement, les combustibles usés sont entreposés dans l'attente du retraitement et les déchets radioactifs de haute activité sont conditionnés à très long terme dans des verres et sont entreposés dans l'attente d'une solution définitive.

Lors de l'élaboration du projet de loi relatif aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, la transmutation était démontrée sur un plan théorique mais pas en pratique et le stockage géologique n'était qu'une option générale sans études concrètes détaillées.

Une année avant la fin de la période de quinze ans dévolue à la recherche par la loi du 30 décembre 1991, la faisabilité de ces options de gestion est très probable et leurs calendriers d'entrée en service opérationnel respectifs sont désormais connus.

Figure 4 : Les nouvelles options de gestion des déchets radioactifs et leur calendrier d'entrée en service

La loi du 30 décembre 1991 apporte ainsi des réponses claires pour la disponibilité des différentes méthodes de gestion.

Comme on l'a vu plus haut, un éventuel stockage géologique en France ne pourra entrer en service que vers 2020. D'ici là, la seule possibilité de gestion est l'entreposage. À partir de 2020, le choix sera entre l'entreposage et le stockage. Enfin à partir de 2040, les trois options seront ouvertes.

Le conditionnement et l'entreposage de longue durée ne représentent certes pas un axe de recherche mineur.

Bien au contraire, les progrès dans ce domaine serviront à conforter les techniques de conditionnement déjà utilisées et à franchir un cap décisif en terme de durabilité pour les installations d'entreposage. Rappelons à cet égard que le niveau de sûreté des installations d'entreposage industriel actuellement en service est de haut niveau et que le principal enjeu de la longue durée est l'augmentation de la longévité des installations.

Au-delà de la sûreté, le conditionnement et l'entreposage à long terme sont indispensables, pour optimiser, à terme, le système de gestion des déchets radioactifs, en lui donnant de la flexibilité.

En particulier, l'existence d'installations d'entreposage de longue durée est une nécessité pour les combustibles spéciaux non retraités, les combustibles irradiés non retraités dans l'immédiat et les combustibles MOX usés dont le retraitement ne peut intervenir qu'après une longue période d'attente, supérieure à la durée de vie des entreposages industriels.

L'AIEA et de nombreux pays sont d'accord pour estimer qu'une solution définitive est indispensable pour les déchets de haute activité et à vie longue ainsi que pour les combustibles usés, quels qu'ils soient, classiques ou à base de MOX.

De quelque point de vue que l'on se place, l'entreposage de longue durée n'est pas une solution satisfaisante, si l'on considère comme essentielle la responsabilité des bénéficiaires du nucléaire vis-à-vis des générations futures :

L'expérience de l'entreposage industriel, acquise à La Hague et à Cadarache pour les déchets de haute activité ou pour les combustibles irradiés à retraitement différé, démontre qu'il est possible d'atteindre un niveau de sûreté satisfaisant. Mais l'entreposage même de longue durée suppose la maintenance, la surveillance et la reconstruction, à intervalles plus ou moins rapprochés, des installations, sans parler de l'éventuelle obligation de reconditionner les déchets.

L'entreposage n'est pas non plus la solution optimale en matière de sûreté radiologique, sans parler de la sécurité, qui ne peut être assurée au même niveau qu'en couche géologique

Ces charges opérationnelles pour un niveau de sûreté moindre ne peuvent être transmises aux générations futures

Il est donc nécessaire de perfectionner les techniques de conditionnement et d'entreposage de longue durée. Mais il est également indispensable d'avancer vers la mise en place de solutions définitives.

La France a fait le choix du retraitement, en premier lieu, pour tirer parti du contenu énergétique des matières revalorisables que sont le plutonium formé et l'uranium non brûlé dans le combustible usé. En mettant en œuvre cette technique, la France a permis de réduire d'un facteur 5 des volumes de déchets de haute activité.

Si la France n'avait pas fait ce choix, confirmé depuis l'origine quelles que soient les majorités politiques, dans quels termes se serait posé le problème du stockage direct des combustibles usés ?

Le cas des États-Unis éclaire cette question. Le projet de stockage réversible de Yucca Mountain a rencontré des difficultés considérables. Après que le site a été choisi en 1987, il a fallu attendre 2002 pour une décision positive du Congrès. Quant à la mise en service, prévue pour 2010, elle ne semble pas vraisemblable avant 2015, soit 30 ans après la première décision. Par ailleurs, le total des dépenses engagées pour la sélection du site et la mise au point du seul projet s'élevaient fin 2004 à 6 milliards US dollars.

Peut-on considérer que Yucca Mountain60 apportera lors de sa mise en service une solution définitive au problème de stockage des combustibles usés américains ?

Dans l'état actuel de la législation, la capacité de Yucca Mountain pour les combustibles usés des centrales nucléaires est de 63 000 tonnes61. Or à la fin 1998, le total des combustibles usés entreposés dans les piscines des centrales s'élevait à 40 000 tonnes. À la fin de leur durée de vie de 40 années, le montant total atteindra 90 000 tonnes. Comme il est probable que de nombreux réacteurs seront autorisés à fonctionner jusqu'à 60 années, le volume des combustibles déchargés atteindra au final 120 000 tonnes. Si l'électricité nucléaire devait voir sa part de marché augmenter, les États-Unis auraient alors besoin en 2100 de 21 Yucca Mountain.

Interdit pour le moment par la loi aux États-Unis, le traitement des combustibles usés, apporterait une solution en limitant les capacités nécessaires. En effet, la charge thermique des combustibles usés oblige à espacer les emplacements de stockage62. Au contraire, si les produits de fission étaient séparés et stockés en surface, le stockage géologique pourrait être réservé aux actinides, dont les volumes seraient bien inférieurs. Avec la transmutation de ces derniers, les besoins de stockage seraient encore réduits.

S'agissant de la situation française, on peut dire que par analogie, la séparation des actinides mineurs et des produits de fission réalisée à l'avenir réduirait encore les besoins en stockage géologique, puisque celui-ci serait réservé aux radioéléments à vie longue. Avec l'étape supplémentaire de la transmutation, les besoins de stockage seraient encore diminués.

Dans l'état actuel des connaissances, il est difficile de déterminer en détail quelles seraient les caractéristiques exactes des déchets ultimes de la transmutation. Tout indique cependant que ces déchets nécessiteront un stockage géologique pour en garantir la sûreté.

Selon les calculs effectués sous la direction du Professeur RICHTER, la transmutation des radioéléments à vie longue contenus dans les combustibles usés déchargés des centrales américaines jusqu'en 2100, réduirait le nombre de sites de stockage du type Yucca Mountain de 21 sites à un seul63. Même avec un taux de transmutation des radioéléments à vie longue satisfaisant, le recours à un site de stockage serait nécessaire, les périodes des produits de l'incinération étant encore de quelques centaines d'années.

Selon toute probabilité, le stockage sera indispensable à terme même si la transmutation est opérationnelle au plan industriel, c'est-à-dire vers 2040. Mais il est également indispensable pour les déchets de haute activité déjà produits en 2005. Même si la dissolution des verres est possible techniquement et supportable économiquement, leur reprise ne pourra en effet intervenir qu'après 2040, des délais supplémentaires intervenant pour les opérations de dissolution des verres et pour la fabrication des combustibles de transmutation.

Le stockage géologique réversible apparaît incontournable pour les déchets de haute activité aujourd'hui entreposés à Marcoule et à Cadarache. Il s'imposera aussi pour une partie des déchets de haute activité qui seront générés d'ici à 2040.

Enfin, les aléas technologiques et économiques étant faibles sur le stockage géologique, celui-ci doit être développé en tant que solution de secours si la transmutation ne pouvait passer au stade industriel en raison d'obstacles techniques et économiques majeurs.

La décision politique bute sur la prise en compte de la longue durée. Pourtant, dans le domaine nucléaire, il faut éviter cette myopie qui ne prend en compte que la contrainte du marché.

Si l'on considère la production électronucléaire, la période qui est en cause, c'est 1950 - 2050, l'intervalle qui sépare la construction de G2, G3 à Marcoule de l'arrêt des dernières centrales actuellement en service.

S'agissant de la radioactivité des déchets de haute activité, l'échelle est de centaines d'années pour les produits de fission et de plusieurs centaines de milliers d'années pour les actinides mineurs.

Il était donc particulièrement nécessaire de prévoir une longue période de recherches, ce qu'avait fait la loi de 1991.

Ces recherches indiquent que les trois axes sont plus complémentaires que concurrents, notamment au vu de leur délai d'entrée en vigueur. Celui-ci va probablement s'étaler dans le temps, avec le stockage qui pourra entrer en service d'ici une à deux décennies et la séparation-transmutation dont le délai de mise au point est plus important.

Les conditions d'un progrès technique permanent relèvent de la recherche sur la gestion des déchets radioactifs. Le financement de la recherche devra être assuré à l'avenir, indépendamment des aléas budgétaires.

Il nous appartient de mettre en place le plus vite possible des solutions opérationnelles correspondant à la sûreté maximale.

Chapitre II - Les conclusions politiques : les principes généraux d'une gestion durable des déchets radioactifs peuvent être définis par la loi en 2006

Selon l'article 4 de la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, « à l'issue d'une période qui ne pourra excéder quinze ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement adressera au Parlement un rapport global d'évaluation de ces recherches accompagné d'un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création d'un centre de stockage de déchets radioactifs à haute activité et à vie longue (...) ».

Pour rassembler et analyser les résultats des recherches qu'ils ont conduites pendant la période de 15 ans, les acteurs de la loi - CEA, ANDRA, EDF, AREVA - et les organismes de recherche qui ont coopéré avec eux - CNRS, BRGM, UMR, etc.- vont dans le courant de l'année 2005 remettre chacun un rapport de synthèse de leurs travaux, le ministère délégué à la recherche et la Commission nationale d'évaluation procédant eux-mêmes à une analyse et proposant leurs recommandations aux pouvoirs publics.

Bien que la loi de 1991 ne prévoie l'examen d'un projet de loi par le Parlement que dans le cas de la création d'un centre de stockage géologique, vos Rapporteurs estiment qu'en toute hypothèse, il est indispensable que les enseignements soient tirés des recherches réalisées pendant quinze années et qu'une nouvelle loi prolonge l'impulsion donnée aux recherches par la loi de 1991 et permette des avancées concrètes dans la gestion des déchets radioactifs.

On désignera ainsi dans la suite par l'expression « la loi de 2006 », le futur texte législatif dont le Parlement devrait être saisi par le Gouvernement dans les tout premiers mois de 2006 pour prolonger la dynamique de progrès dans la gestion des déchets radioactifs enclenchée en 1991.

Un débat sur toute question scientifique et technique présuppose que des résultats issus d'une démarche de recherche soient disponibles et portés à la connaissance de tous les participants.

Cette remarque a été plusieurs fois faite par les participants internationaux et notamment suédois aux auditions organisées les 20, 27 janvier et le 3 février 2005, organisées par vos Rapporteurs.

La nécessité de la transparence figure d'ailleurs dans la loi du 30 décembre 1991, qui a créé deux instances qui participent à cette mission d'information.

Ainsi que l'indique l'article 14 de la loi du 30 décembre 1991, « il est créé sur le site de chaque laboratoire souterrain, un comité local d'information et de suivi ». La loi a également créé une commission nationale d'évaluation (CNE).

Comme cela a été fait sur le plan scientifique et technique, il est temps d'examiner dans quelle mesure ces instances créées par la loi ont atteint leurs objectifs et s'il est nécessaire d'améliorer encore le dispositif.

Enfin, après que de nombreuses instances locales d'information et de concertation ont été créées par la loi et la réglementation, on peut s'interroger sur la pertinence, non pas d'une uniformisation, mais d'une mise en commun accrue de l'expérience institutionnelle acquise.

Il sera également nécessaire d'examiner si des moyens additionnels peuvent être employés à l'avenir pour améliorer les conditions du débat démocratique en améliorant encore l'information sur les recherches relatives à la gestion des déchets radioactifs, en particulier par une participation accrue des acteurs de la loi à cette tâche indispensable.

Il est incontestable que des progrès considérables ont été faits par les acteurs de la loi - producteurs de déchets (EDF, CEA, AREVA), organismes de recherche (CEA, CNRS, universités), Parlement, pouvoirs publics, collectivités territoriales, parties prenantes - pour mieux connaître leur travail mais des efforts additionnels sont indispensables.

Créé en application de la loi du 30 décembre 1991, le comité local de surveillance et d'information de Bure a pu s'écarter du fonctionnement prévu par la loi pendant plusieurs années mais semble revenu depuis peu à des pratiques plus conformes à sa mission64. On doit regretter à cet égard le temps perdu et examiner les améliorations à apporter à cette structure.

Plusieurs écarts par rapport au texte ont été observés dans le fonctionnement du CLIS, dans sa structure et son fonctionnement.

La loi assigne la présidence du CLIS du laboratoire de Meuse / Haute-Marne au préfet de la Meuse. L'efficacité de la présidence du CLIS a été prise en défaut à plusieurs reprises et dans plusieurs domaines.

Si la loi ne prévoit pas, mais n'interdit pas non plus, la création d'une vice-présidence, il semble que l'élection de son premier titulaire ne se soit pas produite dans des conditions satisfaisantes. Par ailleurs, la participation parlementaire n'a pas été gérée de façon à garantir une présence effective, certains parlementaires ayant même renoncé à participer.

D'autre part, certaines réunions ont été marquées par des incidents de séance, dénotant une organisation quelquefois défaillante, et par des modifications intempestives de l'ordre du jour, qui ont suscité la réprobation de nombreux orateurs invités à s'exprimer devant l'assemblée. Le mauvais climat des réunions a, au final, dissuadé de nombreux membres du CLIS d'y participer, laissant le champ libre aux seuls opposants au laboratoire.

Au total, pendant une période trop longue, le CLIS a été transformé en instance d'expression unique des opposants au laboratoire, au lieu de jouer son rôle d'information et de débat. Lors de leur rencontre avec les membres du bureau du CLIS, le vendredi 3 décembre à Bar-le-Duc, vos Rapporteurs ont constaté un manque d'information inquiétant sur les axes 1 et 3 des recherches de la loi de 1991.

Aujourd'hui, un vice-président plus représentatif de la population et des élus a été désigné. Le président du CLIS de son côté a été alerté sur l'importance de son rôle pour le bon fonctionnement de cette instance. Mais un temps précieux a été perdu pour un examen sérieux et, surtout, serein, des questions posées par la construction et l'exploitation du laboratoire.

Enfin, les conditions dans lesquelles un rapport de contre-expertise a été commandé à une instance extérieure soulèvent plusieurs interrogations, sur le montant du contrat et la méthode d'appel à candidature qui n'a pas été très performante puisqu'une seule semble avoir été enregistrée, celle de l'IEER. Bénéficiaire d'un marché d'un montant très élevé65, l'IEER (Institute for Energy and Environmental Research), organe nord-américain, a certes une raison sociale large mais en réalité une spécialisation sur la prolifération et le plutonium qui ne recoupe que d'assez loin les questions de sûreté d'un laboratoire souterrain66. On peut donc s'étonner de son choix, alors que les spécialistes en géologie et en sûreté ne manquent pas en Europe et aux États-Unis. Par ailleurs, contrairement à d'autres évaluations externes des travaux de l'ANDRA, le rapport de l'IEER n'a pas été soumis au standard international de revue par des pairs (« Peer Review »). En veillant à travers ses rapports à un financement suffisant, le Parlement n'a pas pour autant souhaité une utilisation laxiste des fonds publics.

D'une manière générale, il appartient aux pouvoirs publics de veiller à ce qu'à l'avenir, la mission impartie au CLIS soit scrupuleusement respectée.

Le projet de loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire67, déposé sur le Bureau du Sénat, donne, dans son article 6, un statut législatif aux commissions locales d'information (CLI). Selon le texte du Gouvernement, « auprès de tout site d'exploitation d'une ou plusieurs installations nucléaires de base, et instituée une commission locale d'information, chargée d'une mission générale d'information et d'évaluation concernant la sûreté nucléaire et la radioprotection relative à cette installation ».

N'étant pas une installation nucléaire de base, le laboratoire de Meuse / Haute Marne n'est pas concerné par cette disposition. En tout état de cause, il convient de ne pas modifier la spécificité du CLIS, dans une période où il est plus nécessaire d'en assurer le bon fonctionnement que d'en bouleverser la structure.

L'article 4 de la loi du 30 décembre 1991 a institué une commission nationale d'évaluation (CNE) chargée d'établir chaque année un rapport que le Gouvernement adresse au Parlement faisant état de l'avancement des recherches conduites en France sur la gestion des déchets HA-VL ainsi que des recherches et réalisations effectuées à l'étranger.

La commission nationale d'évaluation est composée de six personnalités qualifiées, dont au moins deux experts internationaux, désignées à parité par l'Assemblée nationale et par le Sénat, sur proposition de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, de deux personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement, sur proposition du Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires et de quatre experts scientifiques désignés par le Gouvernement, sur proposition de l'Académie des sciences.

Mise en place en avril 1994, la CNE a publié son premier rapport en juin 1995 et son 10ème rapport en juin 2004. Son rapport global d'évaluation est attendu pour 2005, et accompagnera, selon les termes de la loi, un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création d'un centre de stockage des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue.

Chargée essentiellement de faire, chaque année, un bilan des recherches, à destination du Gouvernement et du Parlement, la CNE s'est brillamment acquittée de son rôle et lui a ajouté une dimension d'aiguillon des acteurs de la loi et d'inspiration pour les orientations de la recherche, étant donné les éminentes qualifications de ses membres.

Une telle évolution était dans l'ordre des choses et se retrouve d'ailleurs aux États-Unis, dans le fonctionnement de l'organe analogue qu'est le US Nuclear Waste Technical Review Board (NWTRB).

L'existence de la CNE se rattache à la période de quinze années dévolue à la recherche par la loi de 1991. Il convient d'en proroger l'existence au-delà de 2006.

Plusieurs acteurs des recherches relatives à la loi du 30 décembre 1991 ont accru significativement leur effort d'information au cours des années récentes.

Synthèse des travaux du comité de suivi des recherches sur l'aval du cycle (COSRAC), le document « stratégie et programmes des recherches » au titre de la loi du 30 décembre 1991 est préparé par le ministère délégué à la recherche. Ce document annuel, élaboré en concertation avec les acteurs de la loi, constitue une information technique, dont on peut regretter qu'il n'en soit pas extrait des présentations pédagogiques. La même remarque vaut d'ailleurs pour les rapports de la commission nationale d'évaluation (CNE).

Acteur principal des axes 1 et 3, le CEA ne s'est lancé que récemment dans une politique d'information du public d'une ampleur notable. Depuis 2002, ont été publiés un numéro spécial de sa revue Clefs sur les déchets radioactifs et des pages bien informées sur son site web. En avril 2005, par ailleurs, doit s'ouvrir à Marcoule le centre Visiatome, destiné à l'information du public68.

L'ANDRA pour sa part a apporté une contribution remarquable à la transparence de l'information sur les déchets radioactifs, en menant à bien l'inventaire national des déchets radioactifs et des matières revalorisables, publié fin 2004. Par ailleurs, a été mise en place une politique de visite du centre de stockage de la Manche à Beaumont-Hague, du centre de stockage de l'Aube à Soulaines-Dhuys, du centre de stockage des déchets TFA de Morvilliers dans l'Aube ainsi que du laboratoire de recherche souterrain de Meuse / Haute Marne à Bure. Dans chacun de ses sites, ont été mis en place des bâtiments d'accueil du public et des visites guidées.

Une fois le laboratoire souterrain mis en place, l'accueil du public devra être organisé.

À cet égard, le laboratoire souterrain d'Aspö en Suède constitue un modèle d'interaction avec le public. Situé à une profondeur de 460 m, ce laboratoire sert au premier chef à tester l'ensemble des technologies qui seront utilisées pour la construction et l'exploitation du futur stockage géologique dans le granite. Plusieurs milliers de personnes visitent chaque année cette installation69.

Par ailleurs, à l'instar de la très large diffusion que le SKB suédois effectue de ses futurs programmes de recherche triennaux, l'ANDRA pourrait élargir encore l'information sur ses besoins et ses résultats de recherche, de manière à sensibiliser encore davantage la communauté scientifique nationale ou internationale et à multiplier les candidatures à ses appels d'offre.

Pour améliorer encore l'information du public, les technologies numériques apportent des possibilités nouvelles, en temps réel ou à horizon rapproché. À l'instar de ce qui a été réalisé un temps pour les installations de La Hague, la mise en service de webcam sur le site de Bure, à Phénix ou dans les laboratoires de Marcoule montrerait la réalité du travail effectué. Par ailleurs un bilan annuel audiovisuel devrait être réalisé pour chacun des axes et mis en ligne sur les sites web des acteurs de la loi.

Enfin, il est indispensable que les acteurs de la loi de 1991 organisent une communication régulière auprès des élus des collectivités territoriales concernées par les recherches sur la séparation-transmutation (régions Languedoc-Roussillon et PACA, départements du Gard et des Bouches-du-Rhône), le stockage géologique (régions Champagne-Ardenne et Lorraine, département de la Haute-Marne et de la Meuse) et l'entreposage de longue durée (régions Languedoc-Roussillon et PACA, départements du Gard et des Bouches-du-Rhône).

4. La Commission nationale du débat public a vocation à traiter de projets concrets d'aménagement qui sont pour le moment prématurés

Avant de débattre sur un sujet scientifique et technique, il est nécessaire de disposer de résultats validés sur lesquels la discussion puisse porter. Les 15 années de recherche de la loi du 30 décembre 1991 ont apporté leur moisson de résultats, dont vos Rapporteurs ont pu constater qu'ils sont très insuffisamment connus de toutes les parties prenantes.

Comme on l'a vu précédemment, l'information sur les résultats des recherches est une étape indispensable, en particulier auprès des élus et des populations concernées par la gestion des déchets : Marcoule, Cadarache, centre de stockage de l'ANDRA, laboratoire de Meuse/Haute Marne. Cette information laisse cruellement à désirer. La première tâche des pouvoirs publics est de veiller à la renforcer en urgence.

S'agissant du débat public, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a donné de nouvelles possibilités, articulées autour de la Commission nationale du Débat public.

Selon l'article 134 de la loi, « La Commission nationale du débat public, autorité administrative indépendante, est chargée de veiller au respect de la participation du public au processus d'élaboration des projets d'aménagement ou d'équipement d'intérêt national de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des personnes privées, relevant de catégories d'opérations dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, dès lors qu'ils présentent de forts enjeux économiques ou ont des impacts significatifs sur l'environnement ou l'aménagement du territoire ».

L'objet d'un débat public confié à la CNDP doit donc être un projet concret d'aménagement.

Dans ces conditions la saisine de la CNDP par le Gouvernement sur «les options générales en matière de gestion des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue » ne correspond pas à l'objet de la CNDP, dans la mesure où il s'agit d'un débat général sur une problématique générale et non pas sur un projet d'aménagement ou d'équipement d'intérêt national.

Il faut remarquer à cet égard que l'intervention de la CNDP sur un projet particulier de construction d'un site de stockage, qui seule aurait été conforme à sa vocation, serait prématurée puisque les recherches sur les propriétés de confinement de l'argile de Bure ne sont pas achevées. On doit se souvenir par ailleurs qu'un débat national a été organisé en 2003 sur les énergies et qu'une place importante y a été faite aux questions nucléaires.

Conformément à la loi de 1991, il revient au Parlement de conduire un débat sur les principes généraux de la gestion des déchets dans notre pays, qui, seuls, pourront être visés par la loi de 2006. Ce débat doit rester un débat éminemment politique conduit par les Représentants de la Nation.

Seul le Parlement a la légitimité pour conduire un débat sur la question d'intérêt national de la poursuite des études sur des installations liées à la gestion des déchets radioactifs - réacteurs rapides de Génération IV, réacteur sous-critique piloté par accélérateur, stockage géologique, entreposage de longue durée -.

1 La gestion des déchets nucléaires de haute activité, par M. Christian BATAILLE, Député, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Assemblée nationale n° 1839 , Sénat n° 184 (1990-1991), décembre 1991.

2 La gestion des déchets très faiblement radioactifs, par M. Jean-Yves LE DÉAUT, Député, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Assemblée nationale n° 2624 , Sénat n° 309 (1991-1992), avril 1992.

3 L'évolution de la recherche sur la gestion des déchets nucléaires de haute activité - tome I : les déchets civils, par M. Christian BATAILLE, Député, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Assemblée nationale n° 2689 , Sénat n° 299 (1995-1996), mars 1996.

4 L'évolution de la recherche sur la gestion des déchets nucléaires de haute activité - tome II : les déchets militaires, par M. Christian BATAILLE, Député, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Assemblée nationale n° 541, Sénat n° 179 (1997-1998), décembre 1997.

5 L'aval du cycle nucléaire - tome I : étude générale, par M. Christian BATAILLE, Député, et M. Robert GALLEY, Député, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Assemblée nationale n° 978, Sénat n° 492 (1997-1998), juin 1998.

6 Les conséquences des installations de stockage des déchets nucléaires sur la santé publique et l'environnement, par Mme Michèle RIVASI, Députée, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Assemblée nationale n° 2257, Sénat n° 272 (1999-2000), mars 2000.

7 Les possibilités d'entreposage à long terme de combustibles irradiés, par M. Christian BATAILLE, Député, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Assemblée nationale n° 3101, Sénat n° 347 (2000-2001), mai 2001.

8 On trouvera en annexe la liste des personnalités rencontrées à l'occasion des missions en France et à l'étranger ou auditionnées à Paris.

9 Le volume total ici considéré regroupe les déchets de haute activité à vie longue (HA-VL), les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) les déchets de faible activité à vie longue (FA-VL) et les déchets de faible ou moyenne activité à vie courte (FMA-VC). Source : Inventaire nationale des déchets radioactifs, ANDRA, 2004.

10 La période est le temps au bout duquel le nombre d'atomes radioactifs initial est divisé par deux.

11 Les actinides mineurs sont le neptunium, l'américium et le curium. On les dit « mineurs » parce qu'ils sont présents en faibles quantités dans les combustibles usés par rapport aux actinides « majeurs » que sont l'uranium et le plutonium.

12 Le minerai d'uranium a des teneurs comprises entre 0,5 % pour les gisements les plus pauvres et 10 % pour les gisements les plus riches (Canada, Australie). Quelle que soit la teneur du minerai, l'uranium est présent à l'état naturel sous la forme de deux isotopes, l'uranium 235 qui représente seulement 0,7 % du total et l'uranium 238 qui représente 99,3 %. L'uranium 235 est fissile, ce qui veut dire que, percuté par un neutron, il se casse ou fissionne en produits de fission, tout en libérant de l'énergie. L'uranium 238 est fertile, ce qui veut dire que, percuté par un neutron, il capture celui-ci et se transforme en un nouveau noyau lui-même fissile. Les réacteurs à eau légère (pressurisée ou bouillante) qui forment l'essentiel du parc électronucléaire, fonctionnent grâce à la fission de l'uranium 235, dans un combustible qui contient de l'uranium enrichi, c'est-à-dire qui contient 3 à 5 % d'uranium 235.

13 Les actinides sont les radioéléments naturels ou artificiels dont le numéro atomique est compris entre 89 (actinium) et 103 (lawrencium). Les actinides majeurs sont les noyaux lourds d'uranium ou de plutonium formés en faible quantité par captures successives de neutrons à partir des noyaux du combustible. Il s'agit d'isotopes à vie longue dont les principaux sont le neptunium 237, l'américium 241 ou 243) et le curium 243, 244 ou 245).

14 Au plan national, la coopération s'est déroulée dans le cadre des Groupements de Recherche (GdR) PRACTIS

15 Les lanthanides sont les éléments dont le numéro atomique est compris entre 57 et 71.

16 On parle d'approche « one through »,

17 La spallation correspond au phénomène suivant lequel une cible constituée de métaux lourds comme le plomb, bombardée par des protons accélérés à haute vitesse, produit des neutrons eux-mêmes de haute énergie : les protons percutant les noyaux lourds en éjectent une partie des neutrons.

18 La raison pour laquelle la transmutation directe du curium n'a pas été réalisée est qu'il est extrêmement difficile de fabriquer un cible de curium, cet actinide mineur étant non seulement un émetteur alpha fort mais également un fort émetteur de neutrons, avec un fort pouvoir thermique. Pour résoudre ces difficultés, le CEA envisage de recourir à un procédé de fabrication russe.

19 La durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs, rapport de MM. Christian BATAILLE et Claude BIRRAUX, Députés, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Assemblée nationale n° 832, Sénat n° 290, Paris, mars 2003.

20 Les pays membres du GIF, initiative lancée à l'origine par le Département de l'énergie américain, sont les suivants : États-Unis, Royaume Uni, France, Japon, Canada, Argentine, Corée du Sud, Afrique du Sud, Suisse, Brésil.

21 Les 6 choix sont les suivants : 3 réacteurs à neutrons rapides (sodium, hélium ou plomb), 1 réacteur à eau supercritique, 1 réacteur à très haute température, 1 réacteur à sels fondus.

22 Christian BATAILLE et Claude BIRRAUX, Office parlementaire, op. cit.

23 Ces réacteurs fonctionnent avec des neutrons thermiques et sont des surgénérateurs de matières fissiles.

24 Inventaire national des déchets

25 The Principles of Radioactive Waste Management, Safety Fundamentals, Safety Series N°. 111-F, IAEA, Vienne, 1995.

26 The Long Term Storage of Radioactive Waste : Safety and Sustainability - A Position Paper of International Experts, IAEA, Vienna, 2003.

27 Les cavités dans lesquelles sont placés les déchets ont une largeur de 10 m pour une longueur de 100 m, la séparation entre chacune d'elles ayant une épaisseur de 30 m environ.

28 Entre 1981 et 1998, des déchets de faible activité ont été stockés dans l'ancienne mine de sel et de potasse de Morsleben, près de Magdebourg, dans le Land de l'Est de Saxe-Anhalt. Ce centre a ensuite été fermé par le Gouvernement SPD / Verts du Chancelier Schröder.

29 Yucca Mountain se trouve à 160 km au nord-ouest de Las Vegas, à l'intérieur du Nevada Test Site où ont eu lieu de nombreux essais nucléaires, dont ceux du programme Plow Share.

30 L'installation de boucliers en titane au dessus des conteneurs de combustibles usés fait partie des solutions étudiées.

31 L'argile de Boom est une argile silteuse présentant une teneur importante en pyrite et en glauconie

32 La perméabilité est de 10-12 m/s, soit environ 30 µm/an.

33 Audition de M. Jacques DELAY, Adjoint au Directeur du Laboratoire, Chef du service scientifique, Laboratoire de recherche souterrain de Meuse/Haute Marne, ANDRA, Mont Terri, 10 septembre 2003.

34 Le budget 2003-2004 de 3,5 millions € de Mont Terri est couvert à 47 % par l'ANDRA.

35 Audition de M. Helmut PITSCH., responsable du laboratoire de modélisation et de validation des transferts, IRSN, Mont Terri, 10 septembre 2003.

36 Les principaux thèmes de recherche du GdR FORPRO sont les suivants : les transferts de solutés en milieu argileux peu perméable et l'évolution de celui-ci au cours du temps ; l'origine, l'âge et la composition chimique des eaux souterraines ; les chemins passés ou actuels des eaux dans l'environnement du laboratoire souterrain et leur impact sur le comportement à long terme d'un site de stockage ; les réponses du milieu géologique aux perturbations mécaniques, thermiques et chimiques ; la modélisation de l'évolution d'un site géologique à diverses échelles de temps.

37 The French R&D Programme on Deep Geological Disposal of Radioactive Waste : An International Peer Review of the Dossier Argile 2001, AEN-OCDE, 2003.

38 Conseil scientifique du GdR, Commission nationale d'évaluation, Conseil scientifique de l'ANDRA, Comité national du CNRS, Comité expert d'orientation (sciences de l'univers), comités de lecture des revues A+, Comité d'experts du VIème PCRD.

39 Sur le site du laboratoire : 7 forages de garde dans l'Oxfordien calcaire situé au dessus de la couche d'argile. Dans un rayon de 20 km : 6 plate-formes, 11 forages profonds, 5 forages au Dogger situé en dessous de la couche d'argile et 6 forages dans l'Oxfordien.

40 Ces méthodes trouvent des applications pour l'étude de l'évolution climatique et pour la cosmochimie.

41 Ces deux méthodes ont des applications pour l'étude des risques volcaniques ou de génie civil, pour l'hydrogéologie et la sédimentologie.

42 L'aval du cycle nucléaire - Tome I : Etude générale, rapport de MM. Christian BATAILLE et Robert GALLEY, Députés, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Assemblée nationale n° 978, Sénat n° 492.

43 Le procédé est le suivant : calcination de la solution de produits de fission et d'actinides mineurs puis vitrification à 1100 °C par mélange avec de la fritte de verre et chauffage dans un four à induction, puis coulage du verre en fusion dans un conteneur cylindrique en acier réfractaire. Les radionucléides font partie du réseau vitreux, ce qui explique la longévité de ce conditionnement.

44 Il s'agit de déchets d'exploitation compactés ou immobilisés dans du ciment ou de déchets liquides incorporés dans du ciment.

45 Pour relativiser la portée d'un tel phénomène, on ne recourt au ciment comme matrice de conditionnement que pour des déchets qui au total représentent une faible part de la radioactivité totale.

46 Les mécanismes réactionnels relatifs aux verres sont l'hydratation et l'interdiffusion, l'hydrolyse de certains éléments (silicium, aluminium, fer), la formation d'une couche de gel et sa densification qui annule quasiment la porosité.

47 Mme Michèle TALLEC, audition du 27 janvier 2005, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Assemblée nationale.

48 Les particules d'argile sont chargées négativement en surface, ce qui a pour conséquence de repousser les anions et de ralentir leur progression par diffusion dans la porosité de la roche. Les cations sont pour leur part adsorbés par l'argile.

49 André MOUROT, Membre du CLIS de Bure, audition organisée par l'OPECST, 27 janvier 2004, Assemblée nationale.

50 Audition de M. Thierry TROUVÉ, Directeur de la prévention des pollutions et des risques, ministère de l'écologie et du développement durable, 2 février 2005.

51 Rapport au Premier ministre, Mission de médiation sur l'implantation de laboratoires souterrains, par M. Christian BATAILLE, Député du Nord, Documentation française.

52 Philippe STOHR, ANDRA, audition publique du 27 janvier 2005, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Assemblée nationale.

53 Mission de médiation, M. Christian BATAILLE, Député du Nord, op.cit.

54 En Suède, le kilométrage de galeries souterraines à - 400 m de profondeur est évalué à 40 km pour stocker les 4500 conteneurs de combustibles usés par ses 11 réacteurs, exploités sur une durée moyenne de 40 ans. Dans le cas de la France, la longueur de galeries de stockage sera très inférieure.

55 Inventaire national des déchets radioactifs et des matières valorisables, ANDRA, 2004.

56 En 1980, à la conception des procédés de conditionnement mis en œuvre à l'usine UP3, le total des volumes atteignait 3 m³ /tUranium retraité, dont environ 20 % pour les déchets enrobés dans le bitume, 55 % pour les déchets technologiques noyés dans des blocs de béton, 20 % pour les ciments contenant les coques et embouts et 5 % pour les verres contenant les produits de fission et les actinides mineurs. En 1995, le volume total n'est plus que d'environ 0,9 m³ / tU, l'enrobage dans le bitume ayant été abandonné et le volume des blocs de béton recelant les déchets technologiques étant réduit d'un facteur 10. Sur la période 1996-2000, la technique de compactage des déchets technologiques et des coques et embouts permet d'atteindre un volume total de déchets FA/MA de 0,7 m³ / tU.

57 Conteneurs de déchets standardisés pour coques et embouts CDS-C, conteneurs CBFC2, fûts de boues bitumées ST3, surfûts EIP.

58 Pour mémoire, les stocks de combustibles usés entreposés sous eau pour décroissance dans les piscines des centrales ou de l'usine de La Hague représentaient au 31 décembre 2002 : 10 350 tonnes de combustible de type standard UOX en attente de traitement ; 670 tonnes de combustibles de type particulier (Uranium de traitement enrichi et MOX) dont le traitement n'est pas engagé ; 115 tonnes de combustibles du surgénérateur Superphénix, dont 60 tonnes correspondent à des combustibles neufs non chargés du fait de l'arrêt de cette installation en 1997 ; 49 tonnes de combustibles de l'ancien réacteur EL4 de Brennilis. In Inventaire national des déchets radioactifs et des matières valorisables, ANDRA, 2004.

59 Une extension de l'atelier E/EVT7 est possible à proximité grâce aux réservations de terrain effectuées à cet effet.

60 Dans sa configuration de 2004, le projet de Yucca Mountain prévoit le creusement de 56 km de galeries de stockage et de 39 km de galeries d'accès, soit un total de 95 km.

61 63 000 tonnes métriques de métal lourd (MTHM).

62 Pendant les 60 premières années, la charge thermique du combustible usé est due essentiellement aux produits de fission. Après 60 années, le charge thermique provient du plutonium et des actinides mineurs.

63 Professeur Burton RICHTER, Nuclear Energy Research Advisory Committee, DOE, février 2004.

64 L'article 14 se continue ainsi : «  ce comité comprend notamment des représentants de l'Etat, deux députés et deux sénateurs désignés par leur assemblée respective, des élus des collectivités territoriales consultées à l'occasion de l'enquête publique, des membres des associations de protection de l'environnement, des syndicats agricoles, des représentants des organisations professionnelles et des représentants des personnels liés au site ainsi que le titulaire de l'autorisation.

Ce comité est composé pour moitié au moins d'élus des collectivités territoriales consultées à l'occasion de l'enquête publique. Il est présidé par le préfet du département où est implanté le laboratoire.

Le comité se réunit au moins deux fois par an. Il est informé des objectifs du programme, de la nature et des résultats obtenus. Il peut saisir la commission nationale d'évaluation visée à l'article 4.

Le comité est consulté sur toutes questions relatives au fonctionnement du laboratoire ayant des incidences sur l'environnement et le voisinage. Il peut faire procéder à des auditions ou des contre-expertises par des laboratoires agréés.

Les frais d'établissement et le fonctionnement du comité local d'information et de suivi sont pris en charge par le groupement prévu à l'article 12.

65 180 000 €.

66 Le site web de l'IEER indique : « l'Institut de recherche sur l'énergie et l'environnement a été créé en 1987. Notre travail s'est focalisé sur deux domaines : le trou d'ozone et les problèmes climatiques liés à l'énergie ; les aspects environnementaux et les questions de sécurité liées à la production d'armes nucléaires et aux technologies nucléaires. A cet effet, l'IEER a - évalué les rejets dans l'environnement des usines de production d'armes nucléaires et l'impact sur la santé et l'environnement des armes nucléaires et des essais correspondants ; - fourni un support technique aux groupes de militants de base concernés par la production d'armes nucléaires ; - conduit de nombreux séminaires techniques de formation d'activistes de base aux problèmes liés aux armes nucléaires ; - lancé des initiatives de sensibilisation et de formation sur l'élimination du plutonium ».

67 Projet de loi n° 326 (2001-2002) relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2002.

68 Le Visiatome de Marcoule est « un parcours de découverte et d'information sur la radioactivité et son devenir ».

69 Commencée en 1990 , la construction du laboratoire d'Aspö s'est achevée en 1995. Un tunnel d'accès formant deux