Document mis en distribution le 23 janvier 2006 N° 2805 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 janvier 2006 RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2460) de M. CHARLES DE COURSON, STÉPHANE DEMILLY ET PLUSIEURS DE LEURS COLLÈGUES, tendant à la création d'une commission d'enquête visant à étudier les blocages à la mise en place d'une politique ambitieuse d'utilisation des biocarburants, PAR M. Stéphane DEMILLY, Député. -- SOMMAIRE ___ Pages INTRODUCTION 5 I.- LE DÉVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS EST UNE PRIORITÉ 9 A.- LE DÉVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS EST UNE PRIORITÉ ENVIRONNEMENTALE 9 B.- LE DÉVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS EST UNE PRIORITÉ SANITAIRE 11 C.- LE DÉVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS EST UNE PRIORITÉ ÉCONOMIQUE 11 D.- LE DÉVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS EST UNE PRIORITÉ GÉOPOLITIQUE 12 II.- LA POLITIQUE DE SOUTIEN AUX BIOCARBURANTS A ÉTÉ RENFORCÉE À PLUSIEURS REPRISES 16 A.- DES OBJECTIFS DE PLUS EN PLUS AMBITIEUX ONT ÉTÉ FIXÉS 16 B.- DES INSTRUMENTS DE SOUTIEN NOUVEAUX ONT ÉTÉ CRÉÉS 17 a) La réduction de TIPP 17 b) La TGAP biocarburants 19 c) Le cas particulier des huiles végétales pures 20 III.- LES RÉSULTATS SONT CEPENDANT TRÈS LOIN DES ATTENTES 20 A.- DES RÉSULTATS TRÈS INSUFFISANTS 20 B.- UN BILAN PARTICULIÈREMENT MÉDIOCRE AU REGARD DES EXEMPLES ÉTRANGERS 21 IV.- LES FACTEURS DE BLOCAGE CONNUS ET LES INTERROGATIONS QUI DEMEURENT 22 A.- LES FACTEURS DE BLOCAGE CONNUS 22 a) Les conséquences des spécifications techniques des carburants 22 b) Les difficultés liées à l'application des instruments de soutien nationaux 23 B.- LES QUESTIONS DEVANT ÊTRE TRANCHÉES 25 V.- L'INTÉRÊT DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 27 A.- LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE EST RECEVABLE 27 B.- LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE EST NÉCESSAIRE 28 EXAMEN EN COMMISSION 29 MESDAMES, MESSIEURS, Pourquoi la France ne produit-elle pas davantage de biocarburants ? Pourquoi alors qu'il est incontestablement pertinent pour notre pays de développer cette source d'énergie, que le Gouvernement s'y est résolument engagé et que la représentation nationale l'a décidé à de nombreuses reprises, la France, longtemps premier producteur européen de biocarburants, produit-elle désormais moins d'éthanol que l'Espagne et moins de biodiesel que l'Allemagne (1) ? Pourquoi, malgré une claire volonté politique, la production d'un des principaux biocarburants, l'éthanol, qui a reculé dans notre pays au cours des dernières années (2), n'a-t-elle permis d'atteindre qu'un taux d'incorporation dans les essences, en contenu énergétique, de 0,58 % en 2004 (3) ? Telles sont les questions simples auxquelles vous propose d'essayer de répondre la proposition de résolution n° 2460 tendant à la création d'une commission d'enquête visant à étudier les blocages à la mise en place d'une politique ambitieuse d'utilisation des biocarburants, déposée le 8 juillet 2005. Le constat, développé par le présent rapport, est, en effet, simple : s'il est manifestement souhaitable de développer fortement les biocarburants dans notre pays et bien que des décisions politiques successives y concourent, les résultats de cette politique ne sont à la hauteur ni des enjeux, ni des ambitions de ses promoteurs, ni, enfin, des attentes du monde agricole. Une volonté politique claire semble pourtant affichée en matière de promotion des biocarburants. Le Président de la République lui-même « a souligné la très grande importance qu'il attache au développement des bioénergies pour des raisons agricoles, environnementales et énergétiques » (4) et vient de rappeler, à l'occasion de ses vœux aux Français, qu'il entendait faire de l'énergie, dans la perspective de la préparation de l'après-pétrole, l'une des deux priorités de la politique industrielle. De même, le Premier ministre rappelait, le 13 septembre 2005 à Rennes, que « les biocarburants sont un enjeu fondamental à l'heure où nous nous engageons à réduire notre consommation de pétrole ». Le Parlement, aussi bien dans de multiples travaux d'information qu'à l'occasion de la discussion de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique et de la loi d'orientation agricole notamment, a manifesté la même volonté. La question n'est donc pas de savoir si la motivation politique existe : celle-ci est aujourd'hui manifeste. Les objectifs ambitieux affichés ont d'ailleurs suscité de grands espoirs, en particulier dans le monde agricole, et l'intérêt de nombreux autres acteurs, notamment parmi les constructeurs automobiles et la grande distribution, distributeur majeur de carburants dans notre pays. Malheureusement, les politiques annoncées peinent à atteindre des résultats concrets et les acteurs concernés, constatant le décalage entre les discours et les faits, risquent de se démobiliser. Il convient donc de comprendre les causes de ce décalage pour y mettre fin. Certains des éléments de blocage sont identifiés par le présent rapport. Ainsi, la réglementation applicable aux carburants entrave de fait le développement des biocarburants, par exemple en imposant aux carburants pouvant être distribués des normes qui ne peuvent être aujourd'hui satisfaites qu'en incorporant directement de l'éthanol dans des bases d'essences que les raffineurs refusent de commercialiser en France. De même, des décisions administratives, notamment de l'administration fiscale, exclusivement préoccupée des pertes de recettes à court terme entraînées par le développement des biocarburants, en viennent littéralement à remettre en cause les décisions politiques qu'elles sont censées mettre en œuvre. Votre rapporteur ne peut toutefois, à ce stade, faute de moyens d'investigation suffisants, identifier l'ensemble de ces blocages ni surtout déterminer si chacun d'entre eux peut être surmonté en jugeant de la pertinence des arguments avancés par les différents acteurs. Seule une commission d'enquête pourra le faire. C'est pourquoi votre rapporteur a, avec plusieurs de ses collègues, déposé la proposition de résolution n° 2460 et vous appelle à l'adopter. La Commission des affaires économiques ne l'a toutefois pas suivi et a rejeté cette proposition de résolution. La directive 2003/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 mai 2003 visant à promouvoir l'utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports définit les biocarburants comme des combustibles liquides ou gazeux utilisés pour le transport et produit à partir de la biomasse, elle-même définie comme « la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l'agriculture (y compris les substances végétales et animales), de la sylviculture et de ses industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et municipaux ». Ce sont donc des carburants d'origine renouvelable. En pratique, aujourd'hui, les biocarburants sont essentiellement d'origine végétale. En l'état actuel des techniques, il existe deux grandes filières de production de biocarburants : - la filière de l'éthanol, alcool produit à partir de la fermentation des sucres contenus notamment dans la betterave ou à partir de l'amidon des céréales et qui peut être incorporé dans l'essence soit directement, soit sous forme d'ETBE (éthyl tertio butyl éther) qui est un mélange d'éthanol (47 %) et d'isobutène (53 %). L'isobutène, dérivé du pétrole, étant majoritaire dans l'ETBE, ce produit n'est donc pas, à strictement parler un biocarburant bien qu'il soit considéré comme tel par la réglementation communautaire ; - la filière des esters d'huiles végétales, principalement développés sous la forme d'EMHV (esters méthyliques d'huiles végétales) incorporés dans le gazole et produits à partir d'oléagineux comme le colza ou le tournesol. Cette filière est, en France, dominée par la société Diester Industrie dont le produit porte le nom de sorte que l'on parle dans notre pays indifféremment de biodiesel ou de diester. Par ailleurs, les huiles végétales pures, c'est-à-dire produites sans transformation chimique en ester, peuvent également être utilisées comme carburant. L'utilisation de ce carburant, en pratique de plus en plus fréquente dans le monde agricole, était toutefois interdite dans notre pays jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi d'orientation agricole. I.- LE DÉVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS EST UNE PRIORITÉ A.- LE DÉVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS EST UNE PRIORITÉ ENVIRONNEMENTALE La maîtrise de nos émissions de gaz contribuant à l'effet de serre est aujourd'hui une obligation morale et juridique. Il est, en effet, maintenant établi scientifiquement que la concentration croissante de gaz à effet de serre, dont le plus répandu est le dioxyde de carbone, dans l'atmosphère contribue au réchauffement climatique. Le groupe intergouvernemental d'experts sur le changement climatique (GIEC), établi par l'Organisation météorologique internationale et le programme des Nations-Unies pour l'environnement, estime ainsi que « la majorité du réchauffement observé au cours des cinquante ans passés est due probablement à l'augmentation des concentrations de gaz à effet de serre résultant des activités humaines » et que « très probablement, la température moyenne mondiale à la surface au cours du XXIème siècle augmentera à un rythme sans précédent pendant les 10 000 ans passés ». Le GIEC précise, en outre, que « les effets néfastes des changements climatiques s'exerceront de façon disproportionnée sur les pays en développement et les pauvres de ces pays ». Nous avons donc une responsabilité morale vis-à-vis des générations futures et des pays les plus pauvres en matière de lutte contre le changement climatique. C'est pourquoi le Président de la République, devant l'Assemblée plénière du Sommet mondial du développement durable à Johannesbourg en septembre 2002, estimant que le changement climatique nous menaçait « d'une tragédie planétaire » et que « lourde serait la responsabilité de ceux qui refuseraient de combattre le réchauffement climatique », a fait de la lutte contre celui-ci sa première priorité en matière de développement durable. On sait que la maîtrise de nos émissions de gaz à effet de serre est, en outre, une obligation juridique en application du Protocole de Kyoto et, au niveau européen, de l'engagement pris par la France, au conseil des ministres de l'environnement de Luxembourg en juin 1998, de ramener ses émissions annuelles moyennes de gaz à effet de serre pour la période 2008-2012 au niveau de celles de 1990. Or, le secteur des transports est aujourd'hui, en France, le principal secteur émetteur de gaz à effet de serre avec des émissions totales, en 2003, de 149 millions de tonnes équivalent CO2 soit 34 % des émissions françaises totales. Ce secteur est, en outre, celui dont les émissions augmentent le plus rapidement. Selon les chiffres du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA), entre 1990 et 2002, les émissions dues au transport routier ont augmenté de 19,26 % et celles dues aux secteurs résidentiel et tertiaire ont augmenté de 9,6 %. Dans la même période, les émissions dues à l'industrie manufacturière, à la transformation d'énergie et à l'agriculture et à la sylviculture ont diminué (de 3,7 à 9,9 % selon les secteurs). L'enjeu majeur est donc la maîtrise des émissions de dioxyde de carbone du secteur des transports. Or, si le développement des modes de transport moins polluants que le transport routier (transport fluvial, ferroutage) est nécessaire, il apparaît clairement qu'il ne suffira pas à régler le problème et qu'une action sur les émissions des transports routiers est nécessaire. Celle-ci peut passer par la promotion de nouvelles formes de motorisation non émettrices de dioxyde de carbone comme les véhicules électriques ou les motorisations utilisant l'hydrogène (en rappelant toutefois que, dans les deux cas, l'efficacité environnementale de ses motorisations est subordonnée aux modes de production, en amont, de l'électricité ou de l'hydrogène utilisé). Ces motorisations rencontrent toutefois des obstacles techniques et présentent surtout l'inconvénient de nécessiter le renouvellement du parc de véhicules. Coûteux et long, ce renouvellement est d'autant plus difficile que notre société vit depuis des décennies sur la base de motorisations utilisant des produits dérivés du pétrole et que l'ensemble du système de distribution des carburants, par exemple, nécessiterait d'être renouvelée pour s'adapter à de nouvelles motorisations. A l'inverse, les biocarburants sont utilisables avec le parc de véhicules et l'infrastructure de distribution des carburants existants. Ils constituent donc la réponse la plus efficace au défi environnemental principal posé à notre pays qui est celui de la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports. C'est pourquoi, comme le rappelait le Premier ministre à Rennes en septembre 2005, les biocarburants sont aujourd'hui « le moyen le plus efficace de lutter contre les émissions de CO2 et le réchauffement climatique ». Le bilan en matière d'émissions de dioxyde de carbone des biocarburants est, en effet, très positif. Il a été établi, de manière incontestable, par une étude Écobilan commandée par le ministère de l'industrie et l'ADEME et réalisée au cours du premier semestre 2002. Il ressort de cette étude que la substitution d'une tonne d'éthanol à de l'essence permet d'éviter l'émission d'environ 2,7 tonnes de CO2 et que la substitution d'une tonne d'EMHV à du gazole permet d'éviter l'émission d'environ 2,5 tonnes de CO2. Le biocarburant dont le bilan environnemental est le meilleur, l'éthanol, permet ainsi de diminuer de près de 75 % les émissions de CO2 par rapport aux carburants fossiles. B.- LE DÉVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS EST UNE PRIORITÉ SANITAIRE Le développement des biocarburants présente également un intérêt sanitaire. Leur incorporation permet, en effet, d'oxygéner les carburants et diminuer ainsi le besoin d'addition dans ceux-ci de benzène, substance dont les effets cancérigènes sont connus. Or, comme on le sait, la multiplication des cancers est aujourd'hui une évolution sanitaire particulièrement préoccupante, ce qui a d'ailleurs conduit le Président de la République à faire de la lutte contre le cancer l'un des grands chantiers de son quinquennat. C.- LE DÉVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS EST UNE PRIORITÉ ÉCONOMIQUE Les biocarburants valorisent des produits issus de l'agriculture. Il en résulte un double intérêt économique à les développer. Le premier est que la production de biocarburants crée infiniment plus d'activité et d'emplois sur notre sol que le recours aux carburants dérivés d'un pétrole presque intégralement importé. Dans un rapport d'information n° 1622 sur les biocarburants réalisé au nom de la commission des finances et déposé le 26 mai 2004, notre collègue M. Alain Marleix rappelait ainsi que si 1.000 tonnes d'essence peuvent être produites avec 0,08 emploi, produire un million d'hectolitres de biodiesel induirait 900 emplois et produire un million d'hectolitres d'éthanol en générerait 500. M. Alain Marleix rappelle, en outre, que ces emplois seraient, pour environ le tiers d'entre eux, des emplois agricoles et que la proportion des emplois ruraux serait de deux tiers pour la filière éthanol et de plus de la moitié pour la filière biodiesel, ce qui souligne l'intérêt en termes d'aménagement du territoire du développement de ces filières. Dans une communication de la Commission au Conseil et au Parlement de novembre 2001, la Commission européenne a estimé, pour sa part, que, si les biocarburants remplaçaient seulement 1 % des carburants fossiles en Europe, leur production conduirait à la création de 45 000 à 75 000 emplois. Il en résulte naturellement une création de richesse et donc de recettes fiscales indirectes significative. Citant une étude de l'ADEME, M. Alain Marleix rappelle ainsi, dans le rapport précité, que « le surcroît de recettes induit par une incorporation de biocarburants à 2 % du contenu énergétique en 2005 et à 5,75 % en 2010 serait de l'ordre de 160 millions d'euros en 2005 et compris entre 700 et 900 millions d'euros, selon les scénarios, en 2010 ». Il s'agit là d'un point fondamental dans l'analyse du coût réel de la défiscalisation partielle, au titre de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP), des biocarburants au regard des carburants fossiles. Le second intérêt économique, intimement lié à celui-ci, attaché au développement des biocarburants est naturellement d'offrir de nouveaux débouchés à notre agriculture. Là encore, on ne peut que rejoindre les déclarations du Premier ministre en septembre 2005 : « ce sont de formidables perspectives qui s'ouvrent à l'agriculture française sur des terres aujourd'hui en friche ou qui peinent à trouver des débouchés pour leur production. » La production de biocarburants permet ainsi de se substituer à des débouchés alimentaires contraints notamment par l'évolution de la politique agricole commune (jachères obligatoires, réforme de l'organisation commune des marchés du sucre, fin des restitutions, diminution des droits de douane à l'entrée sur le marché intérieur) et de conforter l'équilibre économique de la production à fin d'alimentation animale des sous-produits de l'élaboration de biocarburants que sont les tourteaux pour les filières oléagineuses ou les drèches pour la production d'éthanol à partir de blé. D.- LE DÉVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS EST UNE PRIORITÉ GÉOPOLITIQUE Le développement des biocarburants diminue notre besoin de pétrole. Or, on sait que notre approvisionnement pétrolier est de plus en plus coûteux, que la disponibilité à terme de la ressource devient incertaine et qu'elle est, en tout état de cause, soumise à des chocs soudains. S'agissant du prix, le baril de pétrole s'échange depuis le début de l'été autour de 60 dollars par baril. Ce cours représente une progression de 50 % par rapport au prix moyen en 2004 (qui était de 41,4 dollars) et de plus de 100 % par rapport au prix moyen en 2003 (31 dollars). Seule l'évolution parallèlement favorable du cours de l'euro par rapport au dollar, qui a, par d'ailleurs, d'autres inconvénients s'agissant de la compétitivité de nos exportations, a limité, pour l'instant, l'ampleur du choc pour l'économie européenne. En dollars constants, nous sommes, en effet, à des niveaux de prix supérieurs à tout ce que nous avons connu dans le passé, y compris lors du premier choc pétrolier, à la seule exception de la période suivant immédiatement le second choc pétrolier où, de 1980 à 1982, le baril a dépassé l'équivalent de 80 dollars en valeur de 2005. Or, ce qui est particulièrement préoccupant, c'est que rien ne garantit que cette augmentation ne se poursuivra pas, compte tenu des incertitudes croissantes pesant sur l'équilibre entre la demande et l'offre futures de pétrole. On sait, en effet, qu'à la différence des précédents chocs pétroliers, où l'augmentation des prix a résulté de la limitation artificielle de l'offre pour des raisons politiques, certains estiment aujourd'hui que le niveau de prix est, au contraire, tiré par la demande. Cette demande a, en effet, augmenté, en 2004, de manière record d'environ 2,7 millions de barils par jour soit une quantité à peu près équivalente à la production du Koweït. Le dynamisme de la croissance des pays émergents, en particulier la Chine et l'Inde, et le faible niveau actuel de leur consommation de pétrole par habitant (10 à 20 fois inférieure à celle des Etats-Unis) conduisent à craindre la poursuite de la vive augmentation de la demande. Or, on peut douter de la capacité de l'offre à croître aussi rapidement. Plus généralement, on a même un débat croissant, en particulier dans le monde anglo-saxon, sur la capacité de l'offre à simplement continuer à croître, certains soutenant que la production a atteint ou est sur le point d'atteindre un pic et qu'elle devrait ensuite inexorablement diminuer. S'agissant de la disponibilité des réserves de pétrole, deux thèses s'affrontent en effet. La première, qui s'inscrit dans une approche d'abord économique, part de l'idée que l'augmentation des prix et le progrès technique permettront d'exploiter des gisements nouveaux et donc d'éviter l'épuisement. On retrouve cette logique dans la définition des réserves pétrolières. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, celles-ci ne correspondent pas à la quantité de pétrole découverte. Ce sont, en fait, les quantités exploitables aux conditions techniques et économiques du moment qui sont définies, en règle générale, pour les entreprises pétrolières cotées en bourse selon la méthodologie établie par l'autorité boursière américaine. Conséquemment, et c'est un point fondamental, plus le prix du pétrole augmente, plus, toutes choses étant égales par ailleurs, les réserves augmentent au rythme où le développement de nouveaux champs devient rentable. Il ne faut donc pas confondre l'augmentation des réserves et la découverte de nouveaux gisements. Celle-ci est, en effet, également contrainte par des réalités géologiques et c'est pourquoi une seconde thèse, appuyée sur des éléments convaincants, prévoit le plafonnement imminent de la production mondiale de pétrole. Cette thèse qui relève plutôt d'une logique géologique, part du constat que la quantité de pétrole existante, qualifiée dans le monde pétrolier d' « huile en place », est finie et estime, en conséquence, que la production connaîtra inéluctablement un pic avant de commencer à décliner lentement. Toute la question est évidemment alors de savoir, d'abord, quand le pic interviendra et, en second lieu, à quel rythme la production déclinera ensuite. Cette thèse est souvent associée au nom du géologue américain M. K. Hubbert qui a prédit, en 1956, que la production mondiale de pétrole attendrait un pic entre 1993 et 2000. On parle donc souvent du « pic de Hubbert ». Il convient de préciser que si les prévisions de M. Hubbert se sont révélées fausses s'agissant de la production mondiale, elles ont, en revanche, été exactes pour la production américaine dont il a prédit le pic en 1969 et qui a effectivement culminé en 1970. Les évolutions de la production d'autres zones de production, par exemple en mer du Nord, ont également suivi une trajectoire proche de celle prédite par M. Hubbert. Les défenseurs de l'idée selon laquelle le pic de Hubbert est imminent au niveau mondial soutiennent que les prédictions de M. Hubbert n'ont été démenties qu'en raison de la contraction artificielle de leur offre par les pays de l'OPEP, événement d'origine politique que ne pouvait naturellement pas prendre en compte dans ses analyses M. Hubbert. Ils soulignent, en outre, une série de faits qui sont effectivement frappants : - le volume des nouveaux gisements découverts décroît tendanciellement depuis les années 1960, - la consommation excède les nouveaux volumes découverts depuis le début des années 1980, - si plus de 42 000 gisements ont été découverts dans l'histoire de l'exploration pétrolière, on estime qu'un pour cent de ces gisements (les 400 plus importants) contiennent ou contenaient 75 % du pétrole découvert, - les très grands gisements découverts récemment étant extrêmement rares, ces très grands gisements sont en production depuis longtemps et leur production a atteint un plateau ou décline. Ce dernier point est d'une grande importance compte tenu du rôle essentiel des grands champs. Deux exemples permettent de l'illustrer. Le premier est le champ dit de Cantarell, découvert en 1978, qui est le plus grand offshore au monde et qui assure la moitié de la production de pétrole du Mexique. La production de ce champ a atteint un plateau et la compagnie nationale pétrolière mexicaine estime que sa production déclinera dès 2006 au rythme de 14 % par an. Un autre exemple, encore plus frappant, est celui du champ saoudien de Ghawar, plus grand champ pétrolier du monde dont ont déjà été extraits plus de 51 milliards de barils de pétrole. Ce champ assure entre 55 et 65 % de la production saoudienne de pétrole soit environ 5 millions de barils par jour. Il représente donc seul une production supérieure à celle de l'Iran, quatrième producteur mondial. Or, si les autorités saoudiennes publient très peu d'informations sur l'évolution de leurs champs, des experts doutent de la capacité de ce champ, exploité depuis plus de 50 ans (il est entré en production en 1951) à maintenir durablement ce volume de production. On a donc, face à une demande tendanciellement croissante, une offre contrainte qui repose aujourd'hui encore sur la production de quelques grands champs souvent exploités depuis des décennies et auquel l'effort d'exploration n'a pas permis de trouver de réels successeurs. Enfin, en outre, la disponibilité de l'offre pétrolière, qui est extrêmement concentrée, est toujours menacée de chocs soudains. Compte tenu de la tension extrême existant actuellement entre l'offre et la demande, le moindre évènement de nature à peser sur l'offre fait ainsi immédiatement réagir violemment les prix. On l'a constaté récemment avec les évènements climatiques perturbant la production dans le Golfe du Mexique ou les grèves intervenues notamment au Nigeria. Ces évènements étaient pourtant d'une portée en définitive très limitée. Rien ne permet de garantir que des chocs plus importants ne sont pas à venir. On peut même soutenir que toutes les conditions sont réunies pour qu'ils surviennent puisque, compte tenu de la répartition des réserves mondiales de pétrole, la production tend à se concentrer dans un nombre de pays de plus en plus faibles. L'OPEP estime ainsi que ses membres détiennent 78 % des réserves mondiales de pétrole et indique qu'en son sein, trois pays, l'Arabie saoudite, l'Iran et l'Irak, détiennent 57 % des réserves totales des pays membres de l'organisation. Est-il aujourd'hui impossible d'envisager un changement de régime en Arabie saoudite ou même, plus simplement, un attentat majeur contre les infrastructures de production ou de transport de pétrole dans ce pays dont les exportations, qui représentent environ 10 % de la production mondiale, dépendent de très rares terminaux ? Qui aujourd'hui parierait que nous sommes à l'abri d'une crise grave avec l'Iran remettant en cause les exportations de ce pays, quatrième exportateur mondial, alors même que le ministre de l'économie iranien, M. Davoud Danesh-Jafari, vient de déclarer, le 15 janvier, que toute éventuelle sanction contre son pays du fait de ses activités d'enrichissement de l'uranium, serait « plus préjudiciable pour l'Occident que pour l'Iran » puisque « toute perturbation dans la situation économique et politique du pays peut mettre en crise la situation régionale et faire augmenter le prix du pétrole au-delà de ce qu'attendent les occidentaux » ? Est-on même certain de la stabilité des exportations russes (deuxième exportateur mondial) ou vénézuéliennes (cinquième exportateur mondial) ? Manifestement, il serait parfaitement irresponsable aujourd'hui de ne pas préparer une crise pétrolière majeure que celle-ci soit structurelle (déclin de la ressource) ou conjoncturelle (crise politique). Cela implique naturellement de développer les biocarburants qui peuvent se substituer partiellement aux produits dérivés du pétrole d'autant que le pétrole n'est pas utilisé uniquement par le secteur des transports. Outre son utilisation comme combustible (typiquement sous forme de fuel domestique), le pétrole est aussi une matière industrielle essentielle notamment pour l'élaboration des plastiques ou des engrais. Il importe donc de diminuer les besoins du secteur des transports pour préserver des ressources pour ces usages pour lesquels le pétrole n'est pas toujours substituable (même s'il peut l'être pour certains et l'on sait, par exemple, que la loi d'orientation agricole vient de prévoir le développement de l'incorporation de produits d'origine végétale dans les plastiques). II.- LA POLITIQUE DE SOUTIEN AUX BIOCARBURANTS A ÉTÉ RENFORCÉE À PLUSIEURS REPRISES Le développement des biocarburants étant manifestement pertinent dans notre pays, les pouvoirs publics ont clairement choisi de l'encourager par la fixation d'objectifs ambitieux et la mise en place d'un dispositif de soutien. A.- DES OBJECTIFS DE PLUS EN PLUS AMBITIEUX ONT ÉTÉ FIXÉS Le premier objectif chiffré de développement des biocarburants a été établi par la directive 2003/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 mai 2003 visant à promouvoir l'utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports. Cet objectif est de porter leur part dans la teneur énergétique de la quantité totale d'essence et de gazole mise en vente : - à 2 % au 31 décembre 2005, - à 5,75 % au 31 décembre 2010. La loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, à l'initiative notamment de votre rapporteur, a transposé ses objectifs en droit français. Puis, le Premier ministre, dans son intervention précédemment évoquée à Rennes en septembre 2005, a fixé pour la France, un objectif plus ambitieux que cet objectif minimal communautaire en retenant un objectif de 5,75 % dès 2008, de 7 % en 2010 et de 10 % en 2015. La loi d'orientation agricole a repris ce nouvel objectif. Il convient de noter que ces objectifs sont établis en teneur énergétique et non en volume, sachant que la valeur énergétique d'un carburant est mesurée par son pouvoir calorifique inférieur, qui mesure la quantité d'énergie libérée lors de la combustion. Le PCI des biocarburants est inférieur à volume identique à celui des carburants auxquels ils se substituent, le rapport étant de 0,92 pour les EMHV par rapport au gazole et de 0,66 pour l'éthanol par rapport à l'essence. En volume, les objectifs fixés sont donc nettement supérieurs à ce qu'ils sont en teneur énergétique. Ainsi, par exemple, pour porter à 5,75 % la part des biocarburants dans la teneur énergétique de l'essence et du gazole mis en vente, il faudrait incorporer, en volume, 6,27% d'EMHV dans le gazole, 14,72% d'ETBE dans l'essence ou 8,74% d'éthanol par la voie directe. B.- DES INSTRUMENTS DE SOUTIEN NOUVEAUX ONT ÉTÉ CRÉÉS Le soutien aux biocarburants repose sur deux instruments principaux : une réduction de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) à leur profit, d'une part, et une taxation des distributeurs de carburants n'atteignant pas les objectifs d'incorporation, d'autre part. En application de l'article 265 du code des douanes, un additif à un carburant est soumis à la même taxation que le carburant auquel il s'incorpore. Cette règle conduit à soumettre à la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) les biocarburants, qui ne sont pourtant précisément pas des produits pétroliers. Les biocarburants bénéficient toutefois d'une réduction partielle de TIPP qu'on devrait plutôt d'ailleurs analyser, en toute rigueur, non comme un avantage fiscal mais comme une taxe spécifique les frappant puisque rien, sur le plan technique, n'explique qu'ils soient fiscalement assimilés à des produits pétroliers. Pour 2005, la réduction de TIPP était égale à : - 33 euros par hectolitre pour les esters méthyliques d'huile végétale (EMHV) incorporés au gazole ou au fioul domestique ; - 38 euros par hectolitre pour le contenu en alcool des dérivés de l'alcool éthylique incorporés aux supercarburants dont la composante alcool est d'origine agricole (ETBE) ; - 37 euros par hectolitre pour l'alcool éthylique d'origine agricole (éthanol) incorporé directement aux supercarburants. La loi de finances pour 2006 étend le bénéfice de cette mesure : - aux esters méthyliques d'huile animale pour le même montant que les EMHV, - au biogazole de synthèse pour 25 euros par hectolitre, - aux esters éthyliques d'huile végétale incorporés au gazole ou au fioul domestique pour 30 euros par hectolitre. Elle diminue, en revanche, cette réduction pour les produits qui en bénéficiaient déjà en la ramenant à : - 25 euros par hectolitre pour les esters méthyliques d'huile végétale incorporés au gazole ou au fioul domestique ; - 33 euros par hectolitre pour l'éthanol incorporé directement aux supercarburants et pour le contenu en alcool des dérivés de l'alcool éthylique incorporés aux supercarburants dont la composante alcool est d'origine agricole (ETBE). Le Gouvernement a justifié cette diminution de la réduction de TIPP au profit des biocarburants par le renchérissement du pétrole qui, en diminuant le différentiel de coût entre les biocarburants et les carburants dérivés du pétrole, permet de diminuer à due concurrence le soutien public nécessaire, à ce stade du développement des filières, pour assurer leur compétitivité. Cette décision illustre toutefois une difficulté récurrente qui est que l'avantage fiscal consenti aux biocarburants, clé de leur compétitivité et donc élément majeur des décisions de réaliser les investissements lourds indispensables au développement de la filière, est revu chaque année à l'occasion de la loi de finances. Les professionnels concernés manquent de visibilité quant à l'équation économique de base de leur activité. Une solution partielle a été trouvée par la loi d'orientation agricole dont l'article 49 pose des principes de fixation de la fiscalité applicable aux biocarburants et précise notamment que ceux-ci doivent bénéficier d'une réduction de TIPP « compte tenu du bilan environnemental global, notamment en termes de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, de leur production et de leur consommation », que cette réduction a vocation à être « modulée en fonction de l'évolution des cours des matières premières agricoles et des énergies fossiles et de la productivité des filières agro-industrielles concernées » mais qu'elle doit, en tout état de cause, « permettre d'assurer la compétitivité des biocarburants par rapport aux carburants fossiles sans toutefois aboutir à une surcompensation de l'écart de prix de revient entre ces produits ». Il convient, en outre, de noter que la taxe intérieure de consommation est assise sur le volume de carburant. Mécaniquement, cette assiette dessert les biocarburants qui produisent, à quantité égale, moins d'énergie que les carburants d'origine fossile (leur PCI étant, comme cela a été rappelé plus haut, inférieur) de sorte qu'il faut, pour fournir la même quantité d'énergie, consommer davantage de biocarburants donc recourir à une base taxable plus importante qu'en cas d'utilisation exclusive de carburants d'origine fossile. En toute rigueur, il conviendrait de prendre en compte cet élément pour évaluer la réduction réelle de TIPP dont bénéficient les biocarburants. Enfin, il importe de noter que la réduction de TIPP n'est applicable qu'à la production d'usines ayant bénéficié d'un agrément fiscal. La quantité maximale de biocarburants pouvant bénéficier de ce régime fiscal (qui conditionne, en pratique, leur production) est donc maîtrisée par le Gouvernement. A l'initiative de députés et notamment du groupe UDF, la loi de finances pour 2005 a créé un prélèvement supplémentaire de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur certains carburants d'origine fossile (supercarburants et gazole) payé par les distributeurs de ces carburants ne respectant pas les objectifs d'incorporation. Le taux de cette taxe est progressif selon un calendrier institué par la loi : ce taux a été fixé à 1,2 % des carburants mis à la consommation en 2005, puis 1,5 % en 2006, 3 % en 2007, 4 % en 2008, 5 % en 2009 et 5,75 % en 2010. Ces taux, qui correspondent donc à des objectifs d'incorporation de biocarburants en teneur énergétique, ont été majorés par la loi de finances pour 2006 pour tenir compte des nouveaux objectifs annoncés par le Premier ministre et s'établissent donc désormais ainsi :
L'incorporation des biocarburants dans l'essence et dans le gazole permet néanmoins de réduire le taux de la taxe à due proportion du pouvoir énergétique des quantités incorporées. L'idée générale du dispositif est donc de pénaliser les distributeurs de carburants n'atteignant pas les objectifs d'incorporation des biocarburants. Le système ne peut toutefois être efficace qu'à la condition qu'une concurrence effective entre les distributeurs ne leur permette pas de céder à la tentation de répercuter ensemble sur les consommateurs le coût de la pénalité. c) Le cas particulier des huiles végétales pures L'utilisation comme carburant des huiles végétales pures, interdite jusqu'alors, a été autorisée sous certaines conditions par la loi d'orientation agricole. Deux étapes successives sont prévues. Dès l'entrée en vigueur de la loi, l'utilisation comme carburant agricole des huiles végétales pures est autorisée aux exploitants ayant produit les plantes dont l'huile est issue. A compter du 1er janvier 2007, ce sont la vente d'huile végétale pure en vue de son utilisation comme carburant agricole ou pour l'avitaillement des navires de pêche professionnelle ainsi que cette utilisation qui sont autorisées selon des modalités qu'un décret précisera. On notera que, dans tous les cas, les huiles végétales pures bénéficient d'une exonération totale de la TIPP, solution logique puisqu'elles ne sont pas des produits pétroliers mais qui souligne la cohérence limitée de la simple réduction de cette taxe applicable aux autres biocarburants. III.- LES RÉSULTATS SONT CEPENDANT TRÈS LOIN DES ATTENTES A.- DES RÉSULTATS TRÈS INSUFFISANTS Comme on l'a rappelé, la production de biocarburants à des conditions économiques acceptables est aujourd'hui subordonnée à l'obtention d'un agrément fiscal, accordé par les pouvoirs publics au terme d'appels d'offres européens. Les capacités agréées ont évolué comme suit (en tonnes) :
Source : rapport n° 2568 de M. Gilles Carrez sur le projet de loi de finances pour 2006 Selon le rapport de la France à la Commission européenne prévu par la directive 2003/30/CE visant à promouvoir I'utilisation des biocarburants, la consommation française de biocarburants en 2004 a été la suivante : - 161 172 tonnes d'ETBE, soit 88 % de la capacité autorisée des trois unités agréées, à partir d'une production de 80 183 tonnes d'éthanol, - 323 720 tonnes d'EMHV, - 704 tonnes d'éthanol destinées à une incorporation directe, soit 5,8 % de la capacité totale autorisée. Selon les données de l'observatoire de l'énergie du ministère de l'industrie, la production de biocarburants dans notre pays a représenté, la même année, 446 000 tonnes d'équivalent pétrole (tep) au total dont 395 000 tep pour la filière EMHV contre 350 000 tonnes en 2002. En revanche, la production d'éthanol non seulement reste très faible mais recule puisqu'elle est passée de 58 000 tep en 2002 à 51 000 tep en 2004. Par rapport aux objectifs de la directive et selon le rapport à la Commission européenne précitée, la teneur énergétique des biocarburants incorporés n'atteint ainsi que 0,83 % de la teneur énergétique totale des carburants, cette moyenne masquant la forte disparité entre la filière diesel (taux d'incorporation de 0,93 %) et la filière essence (taux d'incorporation de 0,58 %). B.- UN BILAN PARTICULIÈREMENT MÉDIOCRE AU REGARD DES EXEMPLES ÉTRANGERS En regard des résultats français, les comparaisons internationales sont accablantes. Selon l'Agence internationale de l'énergie5, en 2002 (dernière année pour laquelle cette organisation internationale produit des données statistiques), quand la France produisait 117 millions de litres d'éthanol, l'Espagne en produisait 144 millions de litres, la Chine 289 millions, le Canada 358 millions, les Etats-Unis 8 151 millions et le Brésil 12 620 millions soit 108 fois plus que la France ! Depuis 2002, l'avance du Brésil et des Etats-Unis s'est encore accrue, ces deux pays produisant désormais ensemble environ 95 % de l'éthanol mondial. L'annexe VI du rapport sur l'optimisation du dispositif de soutien à la filière biocarburants réalisé conjointement par le Conseil général des mines, l'Inspection générale des finances et le conseil général des eaux et forêts présente ainsi la situation dans ces deux pays : « Avec plus de 14,5 milliards de litres produits en 2004, le Brésil est le premier producteur mondial. Lancé en 1975, le plan gouvernemental « Pro-alcool » a instauré diverses incitations fiscales favorables à la filière éthanol (taux d'intérêts préférentiels, subventions à l'achat de véhicules). Aujourd'hui, le Brésil dispose de 320 sites de production et affirme ses ambitions à l'export, à destination notamment du Japon, de la Corée, des Etats-Unis et de l'Union européenne. Depuis 2004, le gouvernement brésilien a lancé un nouveau plan consacré au développement du biodiesel. Les Etats-Unis, qui avec une production annuelle de 12,7 milliards de litres d'éthanol en 2004 figurent au second rang mondial, accordent un important soutien à la filière. Ils se sont fixés comme objectifs pour les biocarburants 4% de la consommation de carburant dans les transports en 2010 et 20% en 2030. Grâce aux progrès réalisés en termes de production, aux programmes de R&D engagés et aux subventions accordées, les Etats-Unis devraient, selon les prévisions, devenir le premier producteur mondial d'ici à 2010. En parallèle de la production issue du maïs, qui continuera de jouer un rôle important, la production à partir de la lignocellulosique est, comme en Europe, considérée comme une solution d'avenir, et fait l'objet de nombreux investissements. » IV.- LES FACTEURS DE BLOCAGE CONNUS ET LES INTERROGATIONS QUI DEMEURENT A.- LES FACTEURS DE BLOCAGE CONNUS a) Les conséquences des spécifications techniques des carburants La directive n° 98/70/CE du Parlement et du Conseil du 13 octobre 1998 impose des spécifications techniques aux carburants. Cette directive limite notamment expressément les taux d'incorporation des biocarburants dans les carburants fossiles (5% pour l'éthanol et l'EMHV et 15 % pour l'ETBE) ainsi que le taux d'oxygénation des carburants. Or, les taux maxima d'incorporation sont fixés en volume. Ramenés en teneur énergétique, ils interdisent l'incorporation de plus de 3,3 % d'éthanol en incorporation directe et de plus de 4,6 % d'EMHV. Il convient d'être conscient que les objectifs indicatifs de la directive du 8 mai 2003 et, a fortiori, les objectifs français plus ambitieux sont donc, en l'état, incompatibles avec les spécifications communautaires relatives aux carburants. D'autres spécifications issues de la même directive constituent également un blocage. Il s'agit de celles relatives au taux d'oxygène des carburants, d'une part, et à leur volatilité, d'autre part, qui est plafonnée, pendant la période estivale (entendue, au sens de la directive, comme la période commençant au plus tard le 1er mai et se terminant au plus tôt le 30 septembre), à une tension de vapeur de 60 kilopascal (kPa). Or, l'incorporation d'éthanol en faible quantité augmente substantiellement la volatilité de l'essence à laquelle ce produit est incorporé. Elle n'est donc possible, dans le respect de cette norme, que si la base essence dans laquelle l'éthanol est incorporée présente une pression de vapeur réduite. Or, de telles bases essences adaptées, bien que disponibles ailleurs en Europe, ne sont pas offertes par les pétroliers sur le marché français pour des raisons qu'il conviendrait d'élucider. De même, il convient de noter que ce plafonnement de la tension de vapeur des essences n'est applicable qu'au cours de la période estivale. La réglementation n'empêche donc pas l'incorporation directe hors de la saison estivale, soit pendant une période pouvant aller jusqu'à huit mois de l'année et au cours de laquelle des quantités très significatives d'éthanol pourraient être utilisées. Pour des raisons qu'il conviendrait là aussi d'élucider, cette incorporation saisonnière n'est toutefois pas non plus réalisée. b) Les difficultés liées à l'application des instruments de soutien nationaux Si la politique de promotion des biocarburants annoncée par le Gouvernement et soutenue ou amplifiée par le Parlement traduit une incontestable volonté des pouvoirs publics, certains des choix opérés pour appliquer les principaux mécanismes de soutien se révèlent des facteurs de blocage. Deux exemples sont particulièrement illustratifs. Des agréments fiscaux des unités de production sont, on l'a rappelé, nécessaires à leur construction. Ces agréments sont délivrés au terme d'appels d'offres portant sur les volumes globaux mentionnés plus haut. Les appels d'offres attribués en 2005 pour des unités de production d'éthanol incorporés directement dans les essences devant entrer en service en 2007 correspondent à une quantité de production totale de 200 000 tonnes par an. Ils ont toutefois été attribués à trois opérateurs différents bénéficiant d'agréments de 80 000 tonnes pour deux d'entre eux et de 40 000 tonnes pour le dernier. Cette répartition de la quantité totale agréée peut répondre au souci louable de garantir une concurrence effective entre les producteurs, concurrence dont les conditions ne sont pas aujourd'hui réunies pour les filières de biocarburants produisant les quantités les plus significatives selon le rapport d'inspection sur l'optimisation du dispositif de soutien à la filière biocarburants du 4 novembre 2005 précité. Elle a toutefois, pour inconvénient majeur d'aboutir à agréer des capacités de production dont la taille est, selon les professionnels, inférieure à la taille optimale d'une unité de production conditionnant l'équilibre économique de l'activité. Les opérateurs bénéficiant de ces agréments ne peuvent donc lancer effectivement les investissements correspondant à la constitution des unités agréées s'ils n'obtiennent pas des agréments complémentaires. Dans l'attente de ceux-ci, les opérations sont bloquées et le retard s'accroît.... Le second exemple concerne l'application du dispositif de la TGAP. Celui-ci impose, comme on l'a vu, l'incorporation d'une quantité minimale de biocarburants fixée en teneur énergétique. Or, la teneur énergétique retenue pour l'ETBE par les services des douanes dans une circulaire du 11 juillet 2005 est excessive ce qui permet aux distributeurs utilisant ce produit de s'affranchir plus facilement de leurs obligations d'incorporation que ne le prévoit la loi. L'ETBE est un produit mélangeant l'éthanol, véritable biocarburant, pour 47 % de son volume et l'isobutène, dérivé du pétrole, pour 53 % de son volume. Un calcul est donc nécessaire pour évaluer la quantité réelle de biocarburant, en l'occurrence d'éthanol, en teneur énergétique, présente dans ce produit. Le calcul retenu par les douanes a été de considérer que l'ETBE présentait une teneur énergétique en biocarburants égale à la part dans ce produit de l'éthanol, en volume, multiplié par la teneur énergétique totale de l'ETBE. Il s'agit d'un calcul manifestement erroné puisque la teneur énergétique de l'isobutène étant supérieure à celle de l'éthanol, la part, en teneur énergétique, de l'éthanol dans un mélange avec de l'isobutène ne peut correspondre à sa part en volume dans ce mélange. Le même calcul aboutirait ainsi à considérer que lorsque l'on ajoute un demi-verre de vin à 12° d'alcool et un demi-verre d'eau pour aboutir à un mélange à 6° d'alcool, le demi-verre d'eau apporte au mélange 3° d'alcool puisqu'il représente 50 % d'un mélange final comprenant 6° d'alcool.... Comme le démontre, en annexe du rapport d'inspection commun précité, une analyse du conseil général du génie rural, des eaux et forêts, la teneur énergétique réelle en biocarburants de l'ETBE est ainsi inférieure de 20 % à celle retenue par les Douanes ce qui aboutit à minorer d'autant l'obligation d'incorporation. Ce point qui peut paraître très technique a néanmoins des conséquences politiques extrêmement lourdes puisque l'interprétation administrative qui prévaut aujourd'hui annule de fait, s'agissant de l'éthanol, le renforcement annoncé par le Premier ministre des objectifs de développement des biocarburants. Ainsi, par exemple, le nouvel objectif d'incorporation fixé pour 2010, soit 7 % de la teneur énergétique des carburants, pourrait, compte tenu des modalités actuelles de prise en compte de l'ETBE, être atteint, pour les essences, avec une incorporation réelle de biocarburants inférieure de 20 % à l'incorporation prise en compte au titre de la TGAP et donc égale à 5,6 % soit moins que l'objectif en vigueur avant les annonces du Premier ministre (5,75 %). Il apparaît donc clairement ici qu'une décision administrative d'application, en apparence technique, peut littéralement rendre caduque la volonté politique affichée par le Premier ministre à Rennes et consacrée par le Parlement dans la loi d'orientation agricole. Enfin, on notera qu'à l'issue d'une table ronde sur les biocarburants réunie le 21 novembre 2005 par le ministre de l'agriculture et de la pêche et le ministre délégué à l'industrie, il a été annoncé que les ministres avaient décidé d'interroger la Commission européenne sur l'interprétation de la directive de 2003 s'agissant de la teneur énergétique en biocarburants de l'ETBE. B.- LES QUESTIONS DEVANT ÊTRE TRANCHÉES Le présent rapport ne peut identifier l'ensemble des blocages au développement des biocarburants. Il ressort, en revanche, de la situation actuelle du marché français que si le bilan global des biocarburants dans notre pays est très en retrait de nos possibilités, la situation est proprement scandaleuse s'agissant de l'éthanol. Deux chiffres l'illustrent : les quantités agréées, en 2004, pour la production d'éthanol à fin d'incorporation directe ne représentent que moins de 2 % des quantités agréées totales ; la production effective d'éthanol à fin d'incorporation directe n'a atteint, toujours en 2004, que moins de 6 % des capacités de production agréées. Certains des éléments de blocage expliquant cette situation ont été rappelés ci-dessus. Bien que connus, ils continuent d'entraver le développement des biocarburants dans notre pays. L'organisation, le 21 novembre 2005, par le ministre de l'agriculture et de la pêche et le ministre délégué à l'industrie d'une table ronde sur le développement des biocarburants réunissant l'ensemble des acteurs concernés atteste que le Gouvernement est conscient des difficultés. Cette réunion ne semble toutefois pas de nature à faire avancer suffisamment rapidement les choses, en particulier s'agissant de la filière éthanol. Le communiqué de presse rendant compte de cette réunion illustre, en effet, le caractère limité des avancées. S'agissant du développement de l'incorporation directe de l'éthanol dans l'essence, le point le plus important évoqué par ce communiqué de presse est la réalisation, dans la région de Rouen, d'« une opération industrielle d'incorporation directe, à hauteur de 5% d'éthanol en volume, portant sur 300 000 tonnes d'essences à compter de février 2006 ». Il convient toutefois de noter ; - que la table ronde s'est limitée, s'agissant de cette opération, à prendre acte de son lancement qui ne résulte pas de l'initiative des pouvoirs publics, - qu'il s'agit d'une initiative de la grande distribution et non des réseaux de distributeurs de carburants des compagnies pétrolières, - que, selon les informations dont dispose votre rapporteur, l'opération a vocation à être réalisée grâce à des bases d'essence importées, - qu'enfin et surtout, le plus surprenant, en définitive, est le caractère limité de cette opération et le fait qu'elle ne soit pas généralisée à l'ensemble des distributeurs de carburants en France. Les engagements de l'industrie pétrolière sont, eux, d'une extrême timidité. Selon le communiqué de presse, l'industrie pétrolière s'engage ainsi à « mettre au point d'ici mi-2006 une définition technique partagée par la profession pour les bases essences à éthanoler » et « favorisera (sic) la publication des niveaux de prix constatés pour les bases essences à éthanoler françaises par les agences spécialisées européennes afin qu'un marché puisse s'établir de manière transparente sur ce produit ». Aucun engagement n'a donc été pris pour assurer la disponibilité, sur le marché français et à un prix raisonnable, de bases d'essence permettant l'incorporation directe d'éthanol alors même que chacun sait que c'est aujourd'hui la clé du développement de cette filière en France. Sur ce point, le communiqué de presse indique simplement que les ministres « ont demandé la mise à disposition de manière régulière par les raffineurs de volumes significatifs de bases à éthanoler sur le marché », « souhaitent que des initiatives d'incorporation directe d'éthanol soient engagées, et ce dès 2006, afin de pérenniser dans le temps cette voie d'incorporation » et « souhaitent que le plus grand nombre de partenaires (filière éthanol, pétroliers, distributeurs de carburants, pouvoirs publics) s'engagent dans ces démarches afin de réunir les conditions techniques, logistiques et économiques du développement de cette filière ». On ne peut que partager cette demande et ces souhaits. Mais ne relèvent-ils du vœu pieux ? Peut-on imaginer sérieusement qu'ils permettant de débloquer une situation quand des dispositions législatives et même l'instauration d'une taxe ne l'ont pas fait ? Le temps permettra sans doute d'en juger mais ce temps, nous ne l'avons pas. L'urgence est, en effet, réelle. La France prend, chaque jour, du retard par rapport aux autres pays engagés dans le développement des biocarburants qui seront une des énergies majeures de l'avenir. La crédibilité même de notre volonté politique de promouvoir les biocarburants est donc en jeu. Comment les pouvoirs publics pourront-ils expliquer aux acteurs des filières de biocarburants qu'ils doivent se mobiliser davantage pour atteindre des objectifs renforcés alors même que quasiment aucun résultat concret n'est encore au rendez-vous ? Il importe donc de comprendre comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle et votre rapporteur tient, à cet effet, à répertorier quelques interrogations auxquelles il faut impérativement répondre : - pourquoi des bases essences permettant l'incorporation directe d'éthanol, produites ailleurs en Europe, ne sont-elles pas disponibles sur le marché français de sorte que les opérations d'incorporation directe conduites sur le territoire national reposent sur des importations de bases essences ? - pourquoi n'est-il pas procédé à l'incorporation directe en dehors de la période estivale alors qu'elle est possible avec les bases essences commercialisées en France ? - pourquoi les agréments fiscaux ont-ils massivement privilégié dans le passé la filière ETBE dont le bilan environnemental est de loin plus mauvais que celui de la filière d'incorporation directe de l'éthanol ? - pourquoi la TGAP devant pénaliser les distributeurs ne respectant pas les objectifs d'incorporation des biocarburants a-t-elle été, comme le rappelle le rapport d'inspection sur l'optimisation du dispositif de soutien à la filière biocarburants du 4 novembre 2005 précité, intégralement répercutée par l'ensemble des opérateurs sur les consommateurs contrairement à l'esprit de la loi ? Existe-t-il une concurrence effective entre les producteurs des différentes filières de biocarburants, les raffineurs et les distributeurs de carburants ? - pourquoi la grande distribution, qui souligne régulièrement sa volonté de vendre des essences incorporant de l'éthanol en direct, n'arrive-t-elle pas à le faire davantage ? Existe-t-il une politique commerciale des raffineurs vis-à-vis de ces distributeurs destinée à priver d'intérêt économique pour eux cette incorporation ? - quel serait un niveau de prix raisonnable des bases essence à éthanoler ? V.- L'INTÉRÊT DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE A.- LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE EST RECEVABLE La recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête s'apprécie au regard des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale. Deux conditions résultent de la combinaison de ces dispositions : - la proposition de résolution doit déterminer avec précision le champ des investigations de la commission d'enquête qu'elle propose de créer, - ces investigations ne peuvent porter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. La première condition ne pose pas de difficulté puisque la proposition de résolution établit un champ d'investigation clair, à savoir l'étude des blocages à la mise en place d'une politique ambitieuse d'utilisation des biocarburants. Il s'agit donc d'étudier la mise en œuvre d'une politique, champ traditionnel du contrôle parlementaire et qui a déjà donné lieu à de nombreuses commissions d'enquête telle, par exemple, que la commission sur l'application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants et l'évaluation de leur efficacité, sous la présente législature. La seconde condition ne soulève pas non plus de difficulté. Par lettre du 16 août 2005, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait savoir à M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, qu'il n'y avait aucune procédure judiciaire en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition de résolution. B.- LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE EST NÉCESSAIRE Il n'est pas nécessaire de revenir sur l'importance, rappelée dans le présent rapport, du développement des biocarburants. La représentation nationale en est, incontestablement consciente puisqu'elle a, à plusieurs reprises, adopté des dispositions tendant à la promotion de ces produits. Il n'est pas non plus nécessaire de souligner qu'il est naturel que le Parlement s'interroge sur les retards préoccupants pris pour atteindre les objectifs qu'il a lui-même fixés. En revanche, il convient préalablement de préciser pourquoi ce travail nécessite le recours à une commission d'enquête. Deux éléments semblent déterminants à cet égard. Le premier est qu'il est incontestable que le développement des biocarburants et, en particulier, notamment pour des raisons tenant à la structure de la production raffinée en Europe, de l'incorporation d'éthanol dans les essences n'a pas été encouragé, loin s'en faut, dans le passé par le secteur pétrolier. Or, celui-ci dispose de nombreux instruments pour entraver leur développement. Seules les prérogatives juridiques d'une commission d'enquête donneront au Parlement la capacité de distinguer les difficultés réelles des entraves voulues. En second lieu, la commission d'enquête est, comme chacun sait, une forme d'action de la représentation nationale entourée d'une solennité et d'une publicité particulière. Par elle-même, sa création peut être de nature à lever des blocages. En outre, elle manifestera clairement la fermeté de l'intention de voir se développer réellement les biocarburants, par-delà les déclarations de principe, ce qui est de nature, là aussi, à lever des blocages, à mobiliser des énergies et à rassurer les acteurs, notamment dans le monde agricole, qui ne peuvent aujourd'hui qu'être déconcertés par l'écart entre les déclarations et les résultats. Lors de sa réunion du 18 janvier 2006, la commission a examiné, sur le rapport de M. Stéphane Demilly, de M. Charles de Courson (n° 2460) tendant à la création d'une commission d'enquête visant à étudier les blocages à la mise en place d'une politique ambitieuse d'utilisation des biocarburants. Le rapporteur a indiqué qu'un large consensus politique semblait exister autour de la nécessité de développer les biocarburants en France. Il a ainsi rappelé que le Président de la République venait de souligner dans ses vœux aux Français sa volonté de faire de la préparation de l'après-pétrole l'une des deux priorités de la politique industrielle et que le Premier ministre avait estimé, le 23 septembre 2005 à Rennes, que « les biocarburants sont un enjeu fondamental ». Il a également rappelé que la représentation nationale, et tout particulièrement en son sein, la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, avait, à de multiples reprises, manifesté la même volonté, en dernier lieu à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation agricole. Le rapporteur a ensuite jugé ce consensus naturel au vu des nombreux avantages attachés au développement des biocarburants : - avantage environnemental car les biocarburants, en particulier l'éthanol, permettent de réduire fortement les émissions de dioxyde de carbone du secteur des transports qui sont les émissions dont l'évolution est la plus préoccupante ; - avantage sanitaire puisque les biocarburants permettent d'oxygéner les carburants et d'éviter l'addition de benzène, substance aux effets cancérigènes bien connus ; - avantage géopolitique pour limiter notre dépendance vis-à-vis du pétrole, produit dont l'offre se raréfie face à une demande galopante et dont les réserves sont de plus en plus concentrées dans un nombre réduit de pays dont la stabilité politique et la qualité des relations avec les pays occidentaux sont incertaines comme l'illustrent, tout récemment, les menaces explicites d'augmentation des prix du pétrole formulées par le ministre iranien de l'économie en cas de sanction contre son pays du fait de ses activités d'enrichissement d'uranium ; - enfin, avantage économique puisque les biocarburants permettent de créer des richesses et des emplois en France, en particulier dans le monde rural. Puis, le rapporteur a rappelé que les résultats n'étaient pas à la hauteur des ambitions affichées puisqu'en 2004, le taux d'incorporation moyen a été de 0,83 % et le taux d'incorporation dans les essences de 0,58 % alors que les objectifs nationaux sont d'atteindre une incorporation de 2 % au 31 décembre 2005 et de 5,75 % dès 2008. Il a également rappelé que la situation était différente à l'étranger et que la France, longtemps premier producteur européen de biocarburants produisait désormais moins d'éthanol que l'Espagne et moins de biodiesel que l'Allemagne tandis que le Brésil produit plus de 100 fois plus d'éthanol que la France, pourtant deuxième puissance agricole mondiale. Il a donc estimé qu'un retard inacceptable était en train de se créer. M. Stéphane Demilly a indiqué avoir, notamment en qualité de président du groupe d'études sur les biocarburants, identifié plusieurs causes de ce retard. Il a ainsi rappelé que des réglementations obsolètes pouvaient entraver le développement des biocarburants citant l'exemple d'une directive limitant les taux d'incorporation des biocarburants en volume à des niveaux incompatibles avec les objectifs d'incorporation en teneur énergétique résultant d'une autre directive. Il a toutefois estimé que les blocages de ce type lui paraissaient moins préoccupants que d'autres qui traduisent une vraie mauvaise volonté de certains acteurs. Précisant qu'il n'évoquerait que deux exemples de tels blocages, il a indiqué que le premier concernait les modalités de calcul de la taxe générale sur les activités polluantes, instituée pour pénaliser les distributeurs de carburants ne respectant pas des objectifs d'incorporation établis en pouvoir énergétique. Or, il a rappelé qu'une circulaire récente venait de majorer d'environ 20 % la teneur énergétique en biocarburant de l'ETBE (éthyl tertio butyl éther), mélange d'isobutène (pour 53 % de son volume) et d'éthanol (pour 47 % de son volume) dont la circulaire considère que la teneur énergétique en biocarburants est égale à 47 % de sa teneur énergétique totale alors même que la teneur énergétique de l'isobutène est supérieure à celle de l'éthanol. Il a indiqué qu'en conséquence de cette décision en apparence très technique, les distributeurs de carburants pouvaient désormais respecter les objectifs d'incorporation avec 20 % de biocarburants en moins ce qui revenait, en pratique, à rendre caduque le renforcement de ces objectifs annoncés par le Premier ministre et voté par le Parlement. Le rapporteur a en effet précisé que l'objectif pour 2010 avait été porté de 5,75 % à 7 % mais que ces 7 % pouvant, compte tenu de cette circulaire, être atteints avec 20 % de biocarburants en moins, ils ne correspondent qu'à 5,6 % de taux d'incorporation effectif de biocarburants. Il a donc jugé inacceptable qu'une volonté politique soit ainsi remise en cause par une décision administrative censée l'appliquer. Puis, M. Stéphane Demilly, rapporteur, a évoqué un second exemple de blocage résultant de la normalisation de la volatilité des essences commercialisées. Rappelant qu'à faible taux, l'incorporation d'éthanol à une base d'essence augmentait la volatilité de celle-ci, il a précisé que, pendant la période estivale au cours de laquelle des normes strictes de volatilité s'appliquent, cette incorporation n'était possible qu'à partir de bases d'essence adaptées. Or, il a rappelé que si de telles bases existaient en Europe, les expériences d'incorporation réalisées en France, dans des stations service de la grande distribution, l'ont été à partir de bases d'essence importées, les raffineurs français refusant, eux, curieusement, de commercialiser des bases d'essence adaptées. Le rapporteur a donc jugé que les comportements de l'administration fiscale, dans le premier cas, et des raffineurs français, dans le second, entravaient manifestement la mise en œuvre de la politique ambitieuse de développement des biocarburants souhaitée par les pouvoirs publics et que face à cette situation, deux voies étaient ouvertes. Il a estimé que la première consistait à ne rien faire de concret en continuant à proclamer l'attachement des pouvoirs publics aux biocarburants mais que suivre cette voie aboutirait, d'une part, à remettre en cause la crédibilité même des pouvoirs publics et tout particulièrement de la représentation nationale, qui a été particulièrement en pointe sur ce dossier, et, d'autre part, à démobiliser toute une filière. Jugeant exclu de rester ainsi passifs, le rapporteur a appelé la Commission à suivre la seconde voie qui lui est ouverte en identifiant les blocages au développement des biocarburants ce qui nécessite de disposer de pouvoirs d'investigation larges. Il a donc conclu à la nécessité de créer une commission d'enquête en adoptant la proposition de résolution présentée par des membres des groupes UDF et UMP et a souhaité qu'un large consensus se fasse sur un sujet dépassant les clivages partisans. M. David Habib, intervenant au nom du groupe socialiste, a estimé inutile de revenir sur les vertus des biocarburants qui ont été rappelées par le rapporteur dont il a indiqué partager largement les arguments. En complément des propos de celui-ci, il a toutefois également souligné l'importance de la recherche sur les biocarburants, l'intérêt d'une réflexion sur le coût de ceux-ci et sur l'équilibre économique de leurs filières de production ainsi que la nécessité de développer, dans ce secteur, des acteurs industriels français d'une taille suffisante. Puis, il a indiqué que le groupe socialiste était favorable à l'adoption de cette proposition de résolution et qu'il jugeait important d'obtenir très rapidement des avancées dans ce domaine. M. Jean Dionis du Séjour, s'exprimant au nom du groupe UDF, a indiqué que celui-ci était également convaincu de l'urgence du sujet. Il a ainsi rappelé que la discussion récente du projet de loi d'orientation agricole avait créé de grandes attentes dans le monde agricole s'agissant du développement des biocarburants mais qu'il convenait de traduire très rapidement les annonces dans les faits sous peine de créer une vive déception. Il a, en outre, souligné la rupture que constituait le développement des productions agricoles à usage non alimentaire. Puis, il a estimé que le développement effectif des biocarburants ne serait possible que si tous les acteurs concernés s'engageaient résolument dans cette voie. Or, il a rappelé que la Commission des affaires économiques avait entendu, le 12 octobre dernier, M. Thierry Desmarest, président de Total, et que celui-ci s'était montré très réservé quant au développement de la filière éthanol. Il a jugé que si celui-ci avait naturellement le droit d'exprimer son opinion, la loi votée devait s'imposer à tous. M. Jean Dionis du Séjour a donc estimé nécessaire la création d'une commission d'enquête pour assurer l'application effective des décisions prises et souhaité que cette décision soit prise dans le consensus le plus large. M. Serge Poignant, intervenant au nom du groupe UMP, a rappelé que son engagement personnel en faveur des biocarburants était incontestable puisqu'il avait notamment présenté l'amendement au projet de loi d'orientation sur l'énergie établissant des objectifs législatifs d'incorporation. Il a rappelé que ces objectifs avaient été renforcés par la loi d'orientation agricole et que, pour les atteindre, de nouveaux appels d'offres relatifs à des agréments fiscaux d'unités de production de biocarburants d'une capacité totale de 1,8 million de tonnes venaient d'être lancés. Il a ainsi rappelé qu'au total 6 nouvelles usines devraient être construites en 2006. Il a également rappelé que, depuis le dépôt de la proposition de résolution en discussion, deux éléments nouveaux étaient intervenus : la publication d'un rapport d'inspection sur l'optimisation du dispositif fiscal de soutien aux biocarburants et l'organisation, le 21 novembre 2005, par le ministre de l'agriculture et le ministre délégué à l'industrie, d'une table ronde réunissant l'ensemble des acteurs concernés par le développement des biocarburants. Il a rappelé que cette table ronde avait abouti à 15 engagements concrets dont, s'agissant de l'incorporation directe de l'éthanol, la réalisation d'une opération industrielle d'incorporation de 5 % d'éthanol portant sur 300 000 tonnes d'essence dans la région de Rouen et l'engagement des industries pétrolières de mettre au point d'ici mi-2006 une spécification technique partagée des bases d'essence éthanolables. Il a rappelé que les ministres avaient également, à cette occasion, exprimé leur soutien au développement de l'E85, essence à 85 % d'éthanol, utilisée par des véhicules dits « flex fuel ». S'agissant de l'application de la TGAP, il a indiqué qu'un décret ainsi que de nouvelles instructions des Douanes devraient être publiés dans les prochains jours. Rappelant que la proposition de résolution soulevait le risque de remise en cause de l'avantage fiscal accordé par les agréments, il a indiqué que les agréments assurent à ce jour un bénéfice fiscal sur 5 années consécutives permettant d'amortir la construction des usines et que ces agréments sont bien souvent reconduits pour une nouvelle durée de 5 ans une fois arrivés à échéance. Il a également rappelé, d'une part, que des assurances avaient été données par les ministres sur le maintien d'une défiscalisation incitative, et d'une TGAP dissuasive qui ne doit cependant pas peser excessivement sur le consommateur et, d'autre part, que l'article 49 de la loi d'orientation agricole définit les règles de calcul du niveau de la défiscalisation. Enfin, M. Serge Poignant a souligné la très forte progression de la quantité totale d'éthanol en incorporation directe pouvant bénéficier d'une défiscalisation qui passera de 12 000 tonnes, en 2004, à 667 000 tonnes en 2008 à la suite des deux appels d'offres de 2005. En conclusion, M. Serge Poignant a estimé que l'objectif de développement des biocarburants était largement partagé et que beaucoup avait déjà été fait en ce sens. Il a estimé que si des marges de progression demeuraient sans doute, une commission d'enquête n'était pas nécessaire pour suivre ce dossier et a indiqué qu'en conséquence, le groupe UMP était défavorable à sa création. M. Michel Roumegoux a indiqué qu'il voterait la proposition de résolution compte tenu de l'existence de blocages au développement des biocarburants et en raison de son vif attachement à celui-ci. M. Claude Birraux a rappelé qu'il avait publié en 2001, avec M. Jean-Yves Le Déaut pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport d'information sur l'état actuel et les perspectives techniques des énergies renouvelables qui, à contre-courant de la mode d'alors, était nuancé sur l'intérêt des éoliennes et soulignait la nécessité de développer le solaire thermique et les biocarburants. Il a rappelé que les recommandations de ce rapport avaient été largement reprises dans la loi d'orientation sur l'énergie. Il a également rappelé que l'Office parlementaire avait organisé en juillet 2004, une table ronde avec les différents acteurs concernés pour faire le point sur l'évolution du dossier et que la question des biocarburants venait également d'être évoquée dans un nouveau rapport d'information de l'Office consacré aux véhicules propres et réalisé par MM. Claude Gatignol et Christian Cabal. Il a ajouté qu'il terminait, avec M. Christian Bataille, la rédaction d'un rapport d'information sur les nouvelles technologies de l'énergie et que la mission d'information sur l'effet de serre évoquerait évidemment également la question des biocarburants. M. Claude Birraux a donc estimé qu'il était difficile d'évoquer un défaut d'information du Parlement sur la question des biocarburants et que la proposition de création d'une commission d'enquête lui apparaissait comme une « bombe atomique » alors qu'un simple coup de fouet permettrait de débloquer la situation. Il a donc estimé cette proposition excessive et a jugé préférable de rechercher une formule moins lourde, au moins dans l'attente des conclusions de la mission d'information sur l'effet de serre. Réagissant aux propos de M. Claude Birraux, M. François Brottes a estimé qu'il serait heureux qu'une « bombe atomique », pour reprendre l'expression de celui-ci, permette de débloquer un dossier dominé par le poids des lobbies. Puis, il a jugé que si la représentation nationale ne voulait pas se contenter de se faire plaisir en votant des dispositions sans effet, la création d'une commission d'enquête était nécessaire, compte tenu des prérogatives juridiques qui lui sont attachées, puisque toutes les autres formes d'intervention du Parlement, y compris la loi, s'étaient révélées insuffisantes. Il a indiqué que le groupe socialiste soutenait, en conséquence, sans réserve cette proposition de résolution. M. Pierre Micaux a indiqué que son département, l'Aube, abritait le plus gros récoltant et traiteur de céréales en France, le groupe Soufflet, qui s'intéresse aux biocarburants et va réaliser deux projets, l'un d'élaboration d'éthanol et l'autre de biodiesel. M. Michel Raison a indiqué qu'il partageait la volonté affichée par le rapporteur de promouvoir les biocarburants. Il a néanmoins précisé que s'il aurait été favorable, en début de législature, à la création d'une commission d'enquête, celle-ci ne lui paraissait plus opportune compte tenu des actions engagées sur ce sujet. Il a notamment demandé quel intérêt aurait l'audition du président de Total par une telle commission d'enquête alors que celui-ci a été entendu récemment par la commission des affaires économiques. Il s'est donc déclaré défavorable à la proposition de résolution. M. Antoine Herth a regretté que ce débat n'ait pas été davantage approfondi lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, celle-ci s'étant largement concentrée, s'agissant des biocarburants, sur la question des huiles végétales pures. Il a également regretté que la réflexion soit rarement conduite simultanément sur l'ensemble des filières comme l'illustre l'intervention du rapporteur consacrée essentiellement à l'éthanol et évoquant très peu le biodiesel. Estimant que le gouvernement avait anticipé la raréfaction prévisible de la ressource pétrolière ainsi que les mesures à mettre en œuvre pour lutter contre l'effet de serre et développer de nouveaux débouchés pour les produits de la filière agroalimentaire, il a jugé que le développement des biocarburants reposait désormais sur les industriels. Il en a déduit que l'intervention d'une commission d'enquête serait de peu d'effets sur le développement des biocarburants, ajoutant que ce développement était en outre subordonné à l'aboutissement de la réforme du secteur sucrier dans un délai de six mois, ainsi qu'aux conséquences du découplage des aides, prévu dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, sur l'évolution des modes de production. Enfin, il a estimé qu'en tout état de cause, une telle commission devait se garder de procéder à des mises en cause personnelles, évoquant notamment M. Thierry Desmarest. M. Jacques Bobe s'est dit convaincu du caractère inopportun de la création de cette commission d'enquête, estimant toutefois que rien n'interdisait de s'interroger à nouveau sur la pertinence d'un tel instrument dans un délai de six mois. M. Rodolphe Thomas a indiqué qu'il lui paraissait stérile d'opposer pétrole et biocarburants, et que la commission d'enquête n'avait en aucune façon vocation à dresser des procès d'intention. Il a jugé qu'il s'agissait au contraire de permettre aux députés d'assumer leurs responsabilités dans le développement de cette politique. Citant l'exemple de son département, le Calvados, il a jugé important de mesurer pleinement le potentiel de développement des biocarburants et de ne pas se laisser distancer par d'autres pays. M. Jérôme Bignon a estimé que la Commission d'enquête ne constituait pas en l'espèce un mécanisme approprié et que le calendrier était inadapté, le dépôt de cette proposition de résolution arrivant trop tardivement par rapport aux nombreuses évolutions législatives et réglementaires d'ores et déjà intervenues. M. Jean-Charles Taugourdeau a exprimé son scepticisme sur l'utilité d'une commission d'enquête, précisant que la vigilance des députés pouvait également s'exercer à l'occasion de l'examen des projets et propositions de loi, en particulier par voie d'amendements. Il a regretté que certains sujets échappent parfois à cette vigilance, citant l'exemple du conditionnement des fruits et légumes dans des cagettes en plastique imposé par certains distributeurs, de l'obligation d'installer des géomembranes pour l'enfouissement des déchets, ou bien encore de la confection de vestes en tissu synthétique pour les pompiers jusque-là pourvus de vestes en cuir. Le rapporteur s'est réjoui de constater que la question des biocarburants suscitait un débat très riche. Répondant à M. Serge Poignant, il a exprimé son désaccord sur le constat d'avancées sensibles sur ce dossier, rappelant qu'une exploitation agricole disparaît toutes les vingt minutes en France. S'agissant des quantités de biocarburants défiscalisées, il a indiqué qu'en 2004, seuls 0,8 % de biocarburants ont été incorporés et que la production effective d'éthanol n'a représenté qu'environ 6 % des capacités de production agréées. Au sujet de la table ronde du 21 novembre 2005 sur le développement des biocarburants, il a jugé que les conclusions auxquelles celle-ci avait abouti étaient insuffisantes, en particulier s'agissant de l'éthanol. Il a ainsi rappelé que la principale avancée, s'agissant de l'incorporation directe d'éthanol, était une opération conduite par la grande distribution, avec des bases d'essence importées et dont il convient de se demander pourquoi elle n'est pas généralisée. Il a en outre indiqué que la commission d'enquête s'avérait un bon moyen de signaler l'intérêt porté par les députés au développement des biocarburants et une incitation pour les acteurs de la filière à ne pas relâcher leurs efforts. Répondant à M. Antoine Herth, il a souligné qu'il n'était aucunement question d'instruire le procès de tel ou tel et qu'il n'avait effectivement pas évoqué de manière approfondie le biodiesel dans son propos liminaire car cette filière se développe correctement dans la mesure où elle répond au besoin de gazole des raffineurs français qui résulte de la diésélisation de notre parc automobile. Le Président Patrick Ollier a constaté le consensus de l'ensemble des groupes politiques sur la nécessité d'une politique ambitieuse de développement des biocarburants, et a rappelé les impulsions décisives apportées par la Commission des affaires économiques à la mise en œuvre de cette politique. Soulignant que la proposition de résolution avait été déposée en août 2005, il a estimé que les évolutions intervenues depuis la rendaient caduque. Il a également jugé qu'une commission d'enquête bénéficiait d'importantes prérogatives qu'il convenait de ne pas galvauder en les mobilisant au service d'objectifs pour lesquels elles ne sont pas adaptées. En l'espèce, il a précisé qu'il ne s'agissait pas d'établir une vérité ou de rechercher des responsables mais d'assurer la mise en œuvre d'une politique, ce qui n'est pas l'objet d'une commission d'enquête. Puis, après avoir rappelé les avancées importantes réalisées en faveur du développement des biocarburants, il a jugé que la création d'une commission d'enquête se justifiait d'autant moins que la mission d'information sur l'effet de serre, constituée à l'initiative de la conférence des Présidents, allait nécessairement se pencher sur la question des biocarburants. Il a toutefois émis l'idée que dans le cadre des missions dévolues au rapporteur d'un projet de loi en vertu du huitième alinéa de l'article 86 du Règlement, le rapporteur de la loi d'orientation agricole et celui de la loi d'orientation sur l'énergie pourraient se pencher sur l'application des dispositions relatives aux biocarburants que celles-ci comportent. Puis, la Commission a rejeté la proposition de résolution n° 2460 tendant à la création d'une commission d'enquête visant à étudier les blocages à la mise en place d'une politique ambitieuse d'utilisation des biocarburants. Puis, la commission a rejeté la proposition de résolution n° 2460 tendant à la création d'une commission d'enquête visant à étudier les blocages à la mise en place d'une politique ambitieuse d'utilisation des biocarburants. ------------ N° 2805 - Rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution (n° 2460) de M. Charles de Courson, Stéphane tendant à la création d'une commission d'enquête visant à étudier les blocages à la mise en place d'une politique ambitieuse d'utilisation des biocarburants (M. Stéphane Demilly) 1 () Source : étude de l'Institut français du pétrole, « Les biocarburants dans le monde », novembre 2004. 2 () Selon le bilan de « La production d'énergie d'origine renouvelable en France en 2004 » du ministère de l'industrie (juin 2005), la production de biocarburants de la filière éthanol est passée de 58 000 tonnes d'équivalent pétrole (tep) en 2002 à 51 000 tonnes en 2004. 3 () Source : Deuxième rapport de la France à la Commission européenne en application de la directive 2003/30/CE visant à promouvoir I'utilisation des biocarburants. 4 () Compte-rendu par M. Jean-François Copé, porte-parole du Gouvernement, du conseil des ministres du 19 août 2004, dépêche AFP du 19 août 2004. 5 Etude « biofuels 2004 ». © Assemblée nationale |