N° 3501 - Rapport de Mme Martine Aurillac sur le projet de loi , adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République azerbaïdjanaise pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières. (n°3087)




N
° 3501

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 décembre 2006.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l’approbation de la convention d’assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République azerbaïdjanaise pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières,

PAR MME MARTINE AURILLAC,

Députée

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Voir les numéros  :

Sénat : 130, 256 et T.A. 97 (2005-2006)

Assemblée nationale : 3087

INTRODUCTION 5

I – L’AZERBAÏDJAN S’EFFORCE D’ENTRETENIR DE BONNES RELATIONS AVEC L’OCCIDENT ET COOPÈRE AVEC LA FRANCE DANS PLUSIEURS DOMAINES 7

A – L’AZERBAÏDJAN RENFORCE PROGRESSIVEMENT SES LIENS AVEC L’OCCIDENT 7

B – CE PAYS COOPÈRE AVEC LA FRANCE DANS PLUSIEURS DOMAINES 8

II – LA PRÉSENTE CONVENTION PERMETTRA UNE MEILLEURE COOPÉRATION DANS LA LUTTE CONTRE LES INFRACTIONS DOUANIÈRES, ALORS QUE L’AZERBAÏDJAN SE TROUVE SUR UNE ROUTE DU TRAFIC DE STUPÉFIANTS 11

A – LA SITUATION GÉOGRAPHIQUE DE L’AZERBAÏDJAN EN FAIT UN LIEU DE PASSAGE POUR LE TRAFIC DE STUPÉFIANTS 11

B – LA CONVENTION PERMETTRA UNE COLLABORATION PLUS EFFICACE ENTRE LES SERVICES DOUANIERS FRANÇAIS ET AZERBAÏDJANAIS 12

CONCLUSION 15

EXAMEN EN COMMISSION 17

Mesdames, Messieurs,

Le 16 mai 2006, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’assistance administrative mutuelle entre la France et l’Azerbaïdjan pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières, signée le 22 janvier 2004.

Si le code des douanes permet à l’administration des douanes de collaborer avec les autorités de pays étrangers pour lutter contre les fraudes, même en l’absence de texte international, l’existence d’une convention bilatérale assure une plus grande sécurité juridique et accroît les possibilités de coopération.

Etant donné l’importance des trafics, principalement de stupéfiants, qui transitent par le territoire de l’Azerbaïdjan, il apparaît particulièrement utile de conclure une telle convention.

Votre Rapporteure rappellera les efforts réalisés par l’Azerbaïdjan pour entretenir de bonnes relations avec les pays occidentaux et les domaines dans lesquels le pays coopère avec la France, avant de présenter le contenu d’une convention bilatérale identique à celles conclues avec un grand nombre d’autres partenaires.

I – L’AZERBAÏDJAN S’EFFORCE D’ENTRETENIR DE BONNES RELATIONS AVEC L’OCCIDENT ET COOPÈRE AVEC
LA FRANCE DANS PLUSIEURS DOMAINES

Indépendante depuis le 30 août 1991, la République d’Azerbaïdjan s’est engagée dans un processus de démocratisation, qui demeure timide. Les élections législatives de novembre 2005 ont ainsi été entachées de fraudes massives. L’opposition est très divisée et toujours menacée d’une vague d’arrestations.

La situation économique, l’une des meilleures de la Communauté des Etats indépendants, est en revanche très prometteuse : dans un contexte de maîtrise de l’inflation, du déficit et de la dette, la croissance s’est établie autour de 20 % en 2005, grâce à la mise en œuvre de réforme structurelles, au début de l’exploitation des principaux gisements pétroliers et gaziers et à l’entrée en service de nouveaux oléoducs et gazoducs. Un afflux de ressources financières est attendu dans les prochaines années.

Le pays est désormais confronté à deux défis : une répartition harmonieuse des fruits de la croissance, alors que le niveau de vie de la majeure partie de la population reste bas, et la diversification de ses ressources, quand 80 % de ses exportations sont composées d’hydrocarbures.

A l’extérieur, l’Azerbaïdjan a des relations complexes et fluctuantes avec ses voisins russe et iranien, tandis qu’elle est toujours en conflit avec l’Arménie à propos du Haut-Karabagh (1). C’est pourquoi elle s’efforce d’entretenir des liens plus étroits avec la Turquie et la Géorgie, ses deux autres voisins, et avec l’Occident.

A – L’Azerbaïdjan renforce progressivement ses liens avec l’Occident

Depuis 1994, l’Azerbaïdjan est membre du Partenariat pour la paix de l’OTAN (2) et souhaite une plus grande implication de l’Organisation dans la région. Un plan individuel de partenariat entre l’OTAN et l’Azerbaïdjan a été approuvé en 2005. Alors qu’il était initialement favorable au désarmement de l’Irak sur la base des résolutions des Nations unies, le pays a marqué son soutien aux Etats-Unis dès le début de leurs opérations militaires. Un détachement de cent cinquante militaires azerbaïdjanais est déployé en Irak depuis août 2004.

L’Azerbaïdjan est devenu le quarante-troisième membre du Conseil de l’Europe le 25 janvier 2001, en même temps que l’Arménie, la Géorgie en étant membre depuis avril 1999.

Ces trois Etats bénéficient chacun d’un accord bilatéral de partenariat et de coopération avec l’Union européenne – accord entré en vigueur en juillet 1999 en ce qui concerne l’Azerbaïdjan – et c’est simultanément qu’ils ont été inclus dans la politique de voisinage (3) de l’Union européenne. Les négociations relatives au plan d’action en faveur de l’Azerbaïdjan ont été bloquées pendant plusieurs années à la suite de la mise en place de liaisons aériennes entre le Nord de Chypre et Bakou. La suspension de celles-ci a permis le début de consultations techniques, malgré l’opposition de Chypre qui exige des garanties de non-reprise des vols. L’Union mène désormais une approche globale vis-à-vis de l’Azerbaïdjan, de l’Arménie et de la Géorgie afin de promouvoir une coopération régionale entre eux.

La richesse de l’Azerbaïdjan en gisements pétroliers et gaziers contribue à favoriser l’intérêt des pays occidentaux pour son économie et la diversification de ses partenaires économiques. Depuis janvier 2002, le pays reçoit notamment d’importantes interventions financières de la part du gouvernement américain.

B – Ce pays coopère avec la France dans plusieurs domaines

L’Azerbaïdjan est le pays du Caucase avec lequel la France a les relations commerciales les plus développées, en particulier dans le secteur parapétrolier. Par exemple, Total détient 5 % des parts du consortium qui dirige le projet de construction de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (entre l’Azerbaïdjan et la Turquie), tandis que des banques françaises participent à son montage financier.

Mais notre coopération est aussi culturelle, scientifique et technique. Pour un montant supérieur à 400 000 euros par an, les principaux projets concernent la santé, la coopération vétérinaire et agricole, la sauvegarde de l’environnement, le soutien à l’Etat de droit (formation des journalistes et des fonctionnaires), la gestion des situations d’urgence et la modernisation de l’enseignement du français.

L’ouverture, en 2005, d’une antenne de l’Institut français d’études anatoliennes à Bakou contribue au développement de notre coopération scientifique et notre coopération universitaire vise à soutenir l’instauration de filières francophones au sein des établissements supérieurs d’Azerbaïdjan. Afin de former des professeurs de français pour les universités, a été créé un master d’études de français. Un centre culturel est implanté à Bakou depuis 2004.

La France dispose en outre d’un attaché de sécurité intérieure et d’un attaché de défense, installés à Tbilissi mais compétents aussi pour l’Azerbaïdjan. L’attaché douanier en poste à Moscou possède une compétence pour l’Azerbaïdjan.

II – LA PRÉSENTE CONVENTION PERMETTRA UNE MEILLEURE COOPÉRATION DANS LA LUTTE CONTRE LES INFRACTIONS DOUANIÈRES, ALORS QUE L’AZERBAÏDJAN SE TROUVE
SUR UNE ROUTE DU TRAFIC DE STUPÉFIANTS

La France a signé des accords du même type avec plus d’une trentaine d’Etats, parmi lesquels, en 2000 et 2001, l’Argentine, le Surinam et Malte. Dans tous les cas, il existe des courants de fraudes avérés entre les Etats signataires et la France : ils concernent les cigarettes et les articles de contrefaçon à partir de Malte, le trafic illicite de stupéfiants en provenance d’Argentine et du Surinam. C’est aussi le trafic de stupéfiants qui a conduit la France à négocier une convention avec l’Azerbaïdjan.

A – La situation géographique de l’Azerbaïdjan en fait un lieu de passage pour le trafic de stupéfiants

Depuis qu’il s’est détaché de l’ancienne Union soviétique, en 1991, l’Azerbaïdjan est devenu une route alternative à celle des Balkans pour le trafic de l’héroïne et du haschich, produits en Afghanistan et au Pakistan. Les drogues traversent la Caspienne ou sont acheminées par voie terrestre, via l’Iran avec lequel l’Azerbaïdjan possède 700 kilomètres de frontières communes. La ville de Lenkoran située sur la mer Caspienne, est considérée comme un des grands centres du trafic par lequel passeraient 90 % de l’héroïne en transit dans le pays. En 2001, les douanes ont saisi dans le port de Bakou, un cargo transportant 48 tonnes de graines de pavot. Depuis l’Azerbaïdjan, les stupéfiants peuvent être acheminés rapidement jusqu’aux marchés de consommation, Bakou disposant de liaisons aériennes directes avec de nombreux pays, dont la France.

Il est extrêmement difficile d’évaluer les flux de stupéfiants qui transitent par un pays donné. Selon les informations fournies à votre Rapporteure, 70 % de la drogue produite en Afghanistan prendraient le chemin de l’Europe en traversant le Caucase – le reste étant envoyé vers l’Extrême Orient – ; une partie de ce flux passe par l’Azerbaïdjan après avoir traversé la mer Caspienne, tandis que l’autre partie rejoint la Turquie en passant par l’Iran.

D’autres formes de trafic concernent l’Azerbaïdjan. Les véhicules volés, notamment en Allemagne, sont ainsi acheminés, via la Pologne, l’Ukraine et la Russie, jusqu’en Azerbaïdjan.

L’administration azérie des douanes entretient une coopération importante avec l’Organisation mondiale des douanes (appui à la création d’un centre de formation, programmes cynophiles) et les autorités du pays s’impliquent dans les programmes régionaux de l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime, organisation dont la France est l’un des principaux contributeurs. Elles sont aussi intéressées par l’expertise française dans le domaine de la sécurité des frontières, de la lutte contre l’immigration irrégulière, et de la lutte contre les trafics, notamment de drogue.

B – La convention permettra une collaboration plus efficace entre les services douaniers français et azerbaïdjanais

La présente convention ne présente pas de différence par rapport aux accords du même type déjà en vigueur.

Son préambule renvoie à la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 1988 et à la Recommandation de l’ancien Conseil de coopération douanière, désormais dénommé Organisation mondiale des douanes, sur l’assistance administrative mutuelle du 5 décembre 1953.

Il vise, grâce à une étroite coopération entre les administrations douanières, à défendre les intérêts communs des Etats parties auxquels les infractions à la législation douanière portent préjudice, que ceux-ci soient économiques, sociaux, fiscaux, culturels ou commerciaux.

L’article 1er est consacré aux définitions ; l’article 2 porte sur le champ d’application géographique.

L’article 3 prévoit l’assistance mutuelle des administrations douanières dans le but de prévenir, rechercher, constater et sanctionner les infractions. Cette assistance n’inclut pas la perception par une partie de droits de douane, impôts, taxes et amendes au bénéfice de l’autre partie. Toutefois, l’administration douanière peut requérir celle de l’autre partie en vue de notifier aux personnes résidant sur le territoire de cette dernière tous avis, décisions, dispositions ou autres documents afférents à l’application de la législation douanière de la partie requérante. D’une façon générale, toute assistance est encadrée par la législation nationale de la partie requise.

L’article 4 précise les conditions de la communication, spontanée ou sur demande, des renseignements dont les administrations douanières disposent concernant les opérations irrégulières ou paraissant présenter un caractère frauduleux, les nouveaux moyens ou méthodes de fraude, les nouvelles techniques de lutte contre les infractions douanières ayant fait preuve de leur efficacité, les personnes susceptibles de commettre des infractions, les aéronefs, navires ou autres moyens de transport suspectés d’être utilisés pour commettre des infractions douanières. En outre, la fourniture de copies de documents douaniers concernant les opérations frauduleuses ou supposées comme telles est prévue.

L’article 5 prévoit que, à la demande de l’une des parties, des modalités de surveillance spéciale des personnes, des marchandises, des moyens de transport et du trafic de drogue peuvent être engagées par l’administration douanière de l’autre partie.

Les administrations douanières peuvent recourir aux méthodes de livraisons surveillées internationales de marchandises, après accord de l’autorité judiciaire ou administrative compétente, et selon les modalités de l’article 6.

La dispense d’assistance fait l’objet de l’article 7. Les cas pour lesquels l’assistance peut être refusée sont l’atteinte à l’ordre public ou à d’autres intérêts essentiels, au secret industriel, commercial ou professionnel.

Aux termes de l’article 8, chaque administration douanière procède, dans les limites de ses compétences, aux enquêtes, interrogatoires de personnes suspectes, auditions de témoins, demandés par l’autre administration, et peut autoriser certains de ses agents à être présents lors des enquêtes menées par l’administration requérante.

L’article 9 stipule que les deux administrations douanières prennent toutes dispositions utiles pour que certains agents de leurs services respectifs soient personnellement et directement en relation en vue d’échanger des renseignements. Elles se notifient la liste de ces agents.

L’article 10 prévoit que les renseignements, communications et autres documents obtenus ne puissent être utilisés qu’aux fins prévues par la convention. Ils bénéficient d’une protection identique, en termes de confidentialité, à celle accordée par le droit national de la partie requérante aux informations d’origine nationale de même nature. Ils peuvent être utilisés comme preuves devant les tribunaux selon l’article 11.

Les douaniers d’une partie peuvent être autorisés, à la demande d’un tribunal ou d’une autorité de l’autre partie, à comparaître en qualité de témoins ou d’experts selon l’article 12. Les indemnités versées et les frais de déplacement engagés à cette occasion sont supportés par la partie requérante.

Comme précisé à l’article 13, les frais résultant de la mise en œuvre de la convention ne donnent pas lieu à remboursement, à l’exception de ceux pouvant être engagés en application de l’article précédent.

L’article 14 prévoit la création d’une commission mixte chargée de s’assurer de la bonne application du texte, le règlement des différends, non résolus par celle-ci, se faisant par la voie diplomatique.

Les dispositions finales figurant à l’article 15 prévoient l’entrée en vigueur de la convention, prévue pour une durée illimitée, après échange des instruments d’approbation. Sa dénonciation est possible, sous réserve d’un délai de préavis de six mois.

CONCLUSION

La convention qui est l’objet du présent projet de loi permettra de renforcer la coopération douanière entre la France et l’Azerbaïdjan, afin de combattre plus efficacement les trafics de stupéfiants et de véhicules volés organisés entre l’Europe occidentale et certains Etats de la Caspienne ou d’Asie centrale.

Les autorités d’Azerbaïdjan ont notifié à notre ambassade à Bakou l’accomplissement de leur procédure interne d’approbation en mai 2004. Le Sénat ayant adopté le présent projet de loi, son entrée en vigueur ne dépend plus que de son approbation par notre Assemblée.

C’est pourquoi votre Rapporteure est favorable à l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 6 décembre 2006.

Après l’exposé de la Rapporteure, M. Michel Destot a souhaité savoir s’il existait un cadre multilatéral de coopération douanière pour fédérer les accords passés entre la France et une trentaine d’Etats.

Mme Martine Aurillac a indiqué que les accords étaient exclusivement bilatéraux.

Suivant les conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (no 3087).

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La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 3087).

© Assemblée nationale