N° 3680 - Rapport de M. Guy Lengagne sur le projet de loi autorisant l'adhésion au protocole relatif à la convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche (n°3039)




N
° 3680

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 février 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 3039, autorisant l’adhésion au protocole relatif à la convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche,

PAR M. GUY LENGAGNE,

Député

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INTRODUCTION 5

I – MALGRÉ LES EFFORTS DE L’ORGANISATION MARITIME INTERNATIONALE, AUCUNE NORME DE SÉCURITÉ INTERNATIONALE CONTRAIGNANTE NE S’APPLIQUE À L’ENSEMBLE DES NAVIRES DE PÊCHE 7

A – LA CONVENTION INTERNATIONALE POUR LA SAUVEGARDE DE LA VIE HUMAINE EN MER NE S’APPLIQUE PAS AUX NAVIRES DE PÊCHE 8

B – LA CONVENTION DE TORREMOLINOS DE 1977 N’EST JAMAIS ENTRÉE EN VIGUEUR 8

C – LES NAVIRES DE PÊCHE EUROPÉENS SONT SOUMIS À DES RÈGLES COMMUNAUTAIRES PLUS CONTRAIGNANTES 10

II – LE PROTOCOLE DE TORREMOLINOS DE 1993 TENTE DE COMBLER CETTE LACUNE EN RETENANT DES NORMES PLUS SOUPLES QUE CELLES FIXÉES EN 1977 11

A – DES NORMES DONT LA RIGUEUR VARIE AVEC LA TAILLE DES NAVIRES 11

B – UNE MARGE DE MANœUVRE IMPORTANTE LAISSÉE AUX ADMINISTRATIONS DES ETATS PARTIES 13

C – DES ETATS PARTIES RESPONSABLES DU CONTRÔLE DU RESPECT DES RÈGLES 13

D – UNE ENTRÉE EN VIGUEUR TOUJOURS INCERTAINE 14

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

Si les décisions communautaires relatives à la gestion des ressources halieutiques sont souvent critiquées par les pêcheurs, les normes européennes en matière de sécurité des navires de pêche, les plus sévères du monde, sont très appropriées et contribuent incontestablement à rendre plus sûr l’exercice d’une profession qui reste dangereuse.

Fixées par une directive communautaire de 1997, elles sont en fait inspirées directement – tout en étant plus rigoureuses – des règles établies par l’Organisation maritime internationale (OMI) par l’intermédiaire de la Convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche de 1977, puis par le Protocole de 1993 relatif à cette convention. Le présent projet de loi vise à autoriser l’adhésion à ce second protocole, qui a été élaboré pour remplacer la Convention de 1977, approuvée par la France mais jamais entrée en vigueur, les Etats y ayant adhéré ne représentant pas un nombre suffisant de navires de pêche de grande taille.

Pour ne pas se heurter à cette même difficulté, le nouveau protocole impose donc des normes moins strictes, mais dont le respect serait déjà un progrès notable par rapport à la situation internationale actuelle. Il permet aussi aux Etats parties d’exiger de tous les navires de pêche qui passent par un de leurs ports le respect de ces règles minimales, même s’ils battent le pavillon d’un Etat qui n’y est pas partie.

Après avoir rappelé les raisons de l’échec de la Convention de 1977 et les normes communautaires en vigueur, votre Rapporteur présentera les stipulations du Protocole de 1993, en insistant sur les points qui le distingue de la Convention de 1977.

I – MALGRÉ LES EFFORTS DE L’ORGANISATION MARITIME INTERNATIONALE, AUCUNE NORME DE SÉCURITÉ INTERNATIONALE CONTRAIGNANTE NE S’APPLIQUE
À L’ENSEMBLE DES NAVIRES DE PÊCHE

Au niveau mondial, on estime le nombre de pêcheurs à 15 millions de marins, embarqués sur 3,8 millions de navires. 95 % des pêcheurs sont embarqués sur des navires de moins de 24 mètres. Seuls 1,25 million de navires sont pontés.

Quels que soient la région du monde et son niveau de développement, le métier de la pêche est l’un des plus dangereux. Au Danemark, le taux d’accidents mortels des pêcheurs pour 100 000, étudié de 1989 à 1996, a été évalué de vingt-cinq à trente fois supérieur à celui des travailleurs terrestres. Aux Etats-Unis, il a été estimé en 1996 à huit fois le taux des chauffeurs professionnels de véhicules à moteur, seize fois celui des pompiers et policiers, et quarante fois la moyenne nationale.

Les statistiques de l’OMI entre 1994 et 1999 font état de 300 à 400 pertes totales de navires de pêche, dont la moitié concerne des navires de moins de 12 mètres, les navires de plus de 24 mètres ne représentant qu’un dixième. Les pertes de vies humaines consécutives à des naufrages sont de l’ordre d’une centaine par an. Les pertes de vie accidentelles hors événement de mer sont également de l’ordre d’une centaine par an, la cause la plus importante étant la chute à la mer. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture estime pour sa part à 24 000 le nombre d’accidents mortels qui surviennent chaque année à travers le monde dans l’exercice de l’activité de pêche, toutes tailles de navires confondues. L’importance de la différence entre ces évaluations témoigne de la difficulté de disposer de données fiables dans ce domaine.

En France, il y a environ 6 000 navires de pêche, chiffre décroissant, dont 5 000 de moins de 12 mètres, et 150 de plus de 24 mètres. Le nombre de marins, aussi en baisse, est de l’ordre de 14 500. Le taux de décès pour 100 000 est de 19,6, alors qu’il est de 3,57 pour 100 000 par accident de travail à terre.

La grande dangerosité de l’activité de pêche a rendu nécessaire l’élaboration de normes de sécurité internationales applicables aux navires de pêche susceptibles de naviguer loin des côtes du pays dont ils battent pavillon, c’est-à-dire d’une certaine taille, mais les spécificités de cette activité ont justifié que ces normes soient différentes de celles imposées aux navires de la marine marchande.

A – La Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer ne s’applique pas aux navires de pêche

Dès sa création, en 1948, l’OMI est chargée d’élaborer des dispositions relatives à la sécurité en mer. Elle reprend alors, pour l’améliorer, la Convention Safety of Life at Sea, adoptée en 1914 à la suite du naufrage du Titanic, et modifiée à deux reprises. Ce travail a conduit, en 1960, à l’adoption de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (dite Convention SOLAS), dont une nouvelle version, achevée en 1974, est entrée en vigueur en 1980. Mais cette convention, qui impose des normes minimales de construction, d’équipement et d’exploitation des navires compatibles avec leur sécurité, ne s’applique pas aux navires de pêche.

Elle concerne en effet seulement les navires dits « de la marine marchande », navires transportant des passagers et navires de charge, qui pratiquent une navigation internationale. En raison de l’importance des échanges économiques internationaux, la marine marchande est très orientée vers l’international, contrairement à la marine de pêche, ce qui rend particulièrement utile une réglementation internationale harmonisée applicable à ces navires.

En fait, l’administration d’un Etat partie à la Convention SOLAS peut décider d’appliquer certaines de ses dispositions aux navires de pêche, mais un seul cas de ce type a été signalé, qui porte sur les règles de sécurité de la navigation.

Fondée sur la même philosophie et structurée de manière analogue
– avec des prescriptions techniques déclinées en chapitres couvrant des exigences de même nature –, la Convention de Torremolinos de 1977 peut être considérée comme une adaptation de la Convention SOLAS aux navires de pêche pratiquant une navigation océanique. Ainsi, les prescriptions techniques de la Convention de Torremolinos sont nettement moins contraignantes que celles de la Convention SOLAS dont l’application aux navires de pêche rendrait prohibitifs les coûts de construction, d’exploitation et d’entretien.

B – La Convention de Torremolinos de 1977 n’est jamais entrée en vigueur

Dans la mesure où l’application de règles internationales harmonisées n’est nécessaire que pour les navires de pêche qui ne travaillent pas exclusivement dans les eaux de l’Etat dont ils battent pavillon, ces normes ne visent que les navires de plus de 24 mètres de longueur, qui peuvent entreprendre de longs voyages. Pour les autres, des règles nationales suffisent et aucune norme internationale n’existe.

La Convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche de 1977 a été la toute première convention internationale sur la sécurité des navires de pêche. Elle contient des prescriptions de sécurité pour la construction et l’équipement des navires de pêche pontés, long-courriers, neufs, de 24 mètres de longueur ou plus, y compris ceux qui assurent également le traitement de la capture. Les navires existants ne sont visés que pour les prescriptions relatives à l’équipement radio.

L’une des caractéristiques les plus importantes de la convention était que, pour la première fois dans une convention internationale, certaines prescriptions concernaient la stabilité des navires. D’autres chapitres traitaient de divers sujets : construction, étanchéité et équipement ; machines et installations électriques et locaux machines sans surveillance ; prévention, détection et extinction des incendies et lutte contre l’incendie ; protection de l’équipage ; engins de sauvetage ; procédures d’urgence, postes et exercices de rassemblement ; radiotélégraphie et radiotéléphonie ; et équipement de navigation à bord.

La convention s’est heurtée à beaucoup de réticences dues à une série de raisons : de nombreux Etats conçoivent la pêche comme une activité interne et ne voient pas l’utilité de lui appliquer des normes internationales ; le fonctionnement décentralisé de certains d’entre eux conduit à ce que la réglementation des conditions d’exercice de la pêche soit du ressort de provinces ou d’Etats fédérés ; la tradition de « risque assumé » continue à prévaloir chez de nombreux pêcheurs, pour lesquels la notion de sécurité n’a guère de sens.

La convention a néanmoins été signée en 1977 par les représentants de 45 pays, mais elle n’a pas obtenu ensuite un nombre suffisant de ratifications, approbations ou adhésions pour entrer en vigueur, car de nombreux Etats affirmaient qu’elle était soit trop soit pas assez stricte pour leur flotte de pêche. Ainsi, en janvier 1990, seulement dix-neuf Etats (1) étaient parties à la convention, nombre ultérieurement ramené à dix-huit du fait de la réunification des deux Allemagnes.

L’article 10 de la Convention de 1977 fixait comme condition d’entrée en vigueur une ratification par au moins quinze Etats constituant une flotte de pêche d’au moins 50 % en nombre de la flotte mondiale des navires de pêche de longueur égale ou supérieure à 24 mètres. Cette dernière condition de 50 % en nombre de navires n’a jamais été remplie, ce qui explique que la convention originelle ne soit pas entrée en vigueur.

Il a donc été décidé de préparer un protocole à la convention, dont l’objet était de surmonter les contraintes des dispositions de la convention mère qui avaient soulevé des difficultés pour les Etats. Pour ce faire, on a porté dans plusieurs chapitres la longueur minimale des navires de 24 mètres à 45 mètres. Le protocole adopté le 2 avril 1993 prévoit également l’élaboration de directives régionales pour les navires dont la longueur est comprise entre 24 mètres et 45 mètres, compte tenu de leur mode d’exploitation, de la situation éventuellement abritée et des conditions climatiques de la région en question.

C – Les navires de pêche européens sont soumis à des règles communautaires plus contraignantes

Sans attendre l’entrée en vigueur du Protocole de 1993, mais en cohérence avec celui-ci, l’Union européenne s’est dotée de sa propre réglementation en matière de sécurité des navires de pêche par l’adoption de la directive 97/70/CE du Conseil du 11 décembre 1997 instituant un régime harmonisé pour la sécurité des navires de pêche de longueur égale ou supérieure à 24 mètres.

Cette directive a été transposée en France par la division 228 du règlement annexé à l’arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires.

Elle contient les mêmes exigences techniques que le Protocole de 1993, mais impose un champ d’application plus contraignant. Ainsi, quatre chapitres (2) de l’annexe du Protocole de 1993 applicables aux navires de longueur égale ou supérieure à 45 mètres s’appliquent en Europe aux navires de longueur égale ou supérieure à 24 mètres.

Les navires de pêche de plus de 24 mètres battant pavillon d’un Etat membre de l’Union européenne sont donc d’ores et déjà conformes aux stipulations du Protocole de 1993. C’est pourquoi, parmi les douze Etats ayant ratifié ce protocole, huit sont membres de l’Union : il s’agit de l’Allemagne, de la Bulgarie, du Danemark, de l’Espagne, de l’Irlande, de l’Italie, des Pays-Bas et de la Suède. S’y ajoutent l’Islande et la Norvège, qui sont situés à proximité des zones de pêche des membres de l’Union européenne, ainsi que Cuba et Saint-Kitts et Nevis.

La quasi-totalité des Etats membres de l’Union qui possèdent une flotte de pêche significative a donc ratifié le protocole. Il convient que la France les rejoigne. En effet, l’entrée en vigueur de ce protocole n’entraînera aucune contrainte supplémentaire pour notre flotte de pêche, mais elle permettra aux autorités françaises – comme à celles des autres Etats l’ayant ratifié – de contrôler, et, en cas de problème de retenir, les bateaux de pêche qui se trouveraient dans un port national, que l’Etat dont ils battent le pavillon ait ou non ratifié le protocole.

II – LE PROTOCOLE DE TORREMOLINOS DE 1993 TENTE DE COMBLER CETTE LACUNE EN RETENANT DES NORMES PLUS SOUPLES QUE CELLES FIXÉES EN 1977

Le Protocole de 1993, qui est l’objet du présent projet de loi, vise à se substituer à la Convention de 1977 : il est identique à elle quant à sa structure (un traité de quatorze articles fixant les principes, qui remplace celui de 1977, et une longue annexe, qui modifie sur de nombreux points l’annexe de la Convention de 1977) et à ses finalités, mais moins contraignant en termes de prescriptions techniques et de conditions d’entrée en vigueur.

Ce protocole est également conçu de façon à tenir compte des évolutions survenues, depuis l’adoption de la Convention de 1977, dans le domaine de la pêche et de la technologie des navires de pêche, dans la mesure où elles affectent la sécurité des bateaux et des pêcheurs. La tendance actuelle à exploiter à grande échelle les zones de pêche en eau profonde et à développer la pêche hauturière exige des conditions de vie et de travail plus sûres et confortables pour les pêcheurs. Ce fait a contraint l’industrie de la pêche à concevoir et à construire une nouvelle génération de navires de pêche qui soient à la fois modernes et plus sophistiqués. Pour pouvoir être exploités efficacement, ces navires doivent avoir à bord un matériel de détection du poisson et de navigation très perfectionné. Bien qu’ils soient équipés de matériel de chalutage efficace, on passe peu à peu à des méthodes de chalutage moins pénalisantes pour l’environnement afin de protéger les ressources de la pêche et le fond de la mer. Il est généralement admis que, pour être rentables, les navires de pêche de conception moderne doivent être équipés de machines et d’apparaux de pêche améliorés, être conçus pour une meilleure sécurité à tous égards et fournir de meilleures conditions de travail pour les pêcheurs. Tous les Etats du monde ne sont naturellement pas sensibilisés au même degré à ces questions de sécurité et de condition de travail des personnels.

Les dispositions de sécurité prévues par le protocole portent sur les locaux de machines à commande automatique, les engins de sauvetage améliorés, les combinaisons d’immersion et moyens de protection thermique, les systèmes de télécommunication par satellites et d’autres aspects du système mondial de détresse et de sécurité en mer.

A – Des normes dont la rigueur varie avec la taille des navires

Les différences de normes applicables en fonction de la longueur du navire et/ou selon que le navire est neuf ou existant se trouvent aussi bien dans la convention d’origine que dans le protocole. En effet, plus la taille d’un navire est grande, plus celui-ci est appelé à s’éloigner des côtes pour exercer son activité de pêche, ce qui est justifié par sa capacité de pêche, de stockage, voire de traitement des prises.

L’article 3 du protocole, qui établit son champ d’application, stipule que les normes s’appliquent aux navires de pêche d’une longueur égale ou supérieure à 24 mètres, « sauf disposition expresse contraire ». Mais il apparaît qu’une grande partie de ses stipulations concerne seulement les navires de plus grande taille.

Les seuils de 24, 45, 60 et 75 mètres de long, retenus dans la convention et le protocole, correspondent à une typologie des navires en fonction de leur éloignement des côtes : les plus gros navires étant ceux susceptibles de rencontrer les pires conditions de navigation, ce sont aussi ceux pour lesquels les prescriptions de construction et d’équipement sont les plus sévères.

Les principales différences entre la Convention de 1977 et le Protocole de 1993 résident dans les seuils fixés pour l’application de telle ou telle obligation, les seuils étant plus élevés dans le protocole, ce qui implique qu’un nombre inférieur de navires sera soumis à cette obligation. Plusieurs exemples de ce type peuvent être cités :

– les obligations en matière de machines, d’installations électriques et d’automatisation (chapitre IV de l’annexe du protocole) s’appliquaient à tous les navires de 24 mètres ou plus dans la Convention de 1977 ; leur champ d’application est restreint par le protocole aux navires de 45 mètres et plus ;

– pour ce qui est des stipulations relatives à la protection contre l’incendie (chapitre V), la Convention de 1977 opérait une distinction selon que la longueur du navire égalait ou dépassait 55 mètres (partie A du chapitre V) ou était inférieure à cette longueur (partie B du chapitre V) ; le Protocole de 1993 comporte des prescriptions pour les navires de plus de 60 mètres, d’autres pour ceux compris entre 45 et 60 mètres, et n’impose rien pour les navires de moins de 45 mètres ;

– le chapitre VII de la Convention de 1977, sur les engins et dispositifs de sauvetage, devait s’appliquer à tous les navires de longueur supérieure ou égale à 24 mètres, en opérant une distinction relative au nombre et à la capacité des embarcations et radeaux de sauvetage selon que la longueur du navire était supérieure à 75 mètres, comprise entre 45 et 75 mètres, ou inférieure à 45 mètres ; le même chapitre du Protocole de 1993 s’applique aux navires d’une longueur de 45 mètres et plus, et reprend les distinctions de la convention initiale selon la longueur du navire (égale ou supérieure à 75 mètres, ou inférieure à 75 mètres mais supérieure ou égale à 45 mètres) ;

– en 1977, il était prévu que les stipulations concernant les radiocommunications (chapitre IX) s’imposent à tous les navires de 24 mètres et plus ; le nouveau protocole limite leur champ d’application aux navires de 45 mètres et plus. En revanche, ce chapitre est, selon les deux accords internationaux, applicable non seulement aux navires neufs mais aussi aux bateaux existants (3).

Par ailleurs, le Protocole de 1993 tient compte des évolutions techniques réalisées depuis l’élaboration de la Convention de 1977. Il intègre ainsi, par exemple, les dispositions du système mondial de détresse et de sécurité en mer. En revanche, il ne traite pas du système d’identification automatique (dit AIS), dont l’utilisation est postérieure à 1993.

B – Une marge de manœuvre importante laissée aux administrations des Etats parties

Dans tous les cas, nombreux, où le protocole prescrit une longueur du navire supérieure à 24 mètres pour l’application d’une norme, il revient aux Etats parties de déterminer lesquelles de ces règles s’appliqueront aux navires dont la longueur est comprise entre 24 mètres et la longueur prescrite. Dans cette perspective, le protocole recommande aux Etats d’instaurer des normes uniformes au sein d’une même région. En effet, il est probable que les navires de cette taille n’exerceront pas leur activité à l’extérieur de la zone géographique dans laquelle se trouve l’Etat dont ils battent le pavillon. La directive communautaire précitée répond parfaitement à cette recommandation. Dans la même logique, une « directive pour la sécurité des navires de pêche de 24 à 45 mètres opérant dans la région de l’Asie de l’Est et du Sud-Est » a été adoptée à Tokyo en 1997.

La règle 4 du chapitre Ier (4) de l’annexe du protocole permet aux Etats d’autoriser des équivalences aux dispositifs prescrits, dès lors qu’il est démontré que les dispositifs alternatifs « ont une efficacité au moins égale à celle qui est prescrite par les présentes règles ». Les caractéristiques de ces solutions de substitution doivent être communiquées à l’OMI, avec un rapport sur les essais qui ont été faits.

C – Des Etats parties responsables du contrôle du respect des règles

Il revient aux Etats parties de veiller au respect des règles internationales par les navires battant leur pavillon, comme par les navires relevant du pavillon d’un autre Etat, qu’il soit ou non partie au protocole.

Les autorités compétentes de l’Etat dont le navire bat le pavillon doivent effectuer une série de visites pour s’assurer qu’il respecte les règles du protocole (règle 6 du chapitre Ier de l’annexe du protocole) : la première visite, la plus complète, intervient avant la mise en service du navire ; d’autres visites sont exigées selon une régularité qui dépend des éléments contrôlés (par exemple, tous les ans pour les installations radioélectriques, tous les deux ans pour l’équipement du navire, tous les quatre ans – ou cinq ans – pour la structure du navire). La première visite se traduit par la délivrance d’un certificat, sur lequel les visites suivantes sont mentionnées. Cette mission de contrôle relève de l’administration des Etats, mais celle-ci peut la confier à des inspecteurs désignés à cet effet, ou à des organismes reconnus par elle. En France, elle est remplie par les inspecteurs de la sécurité des navires et de la prévention des risques professionnels maritimes, lesquels travaillent au sein des centres de sécurité des navires, répartis sur le littoral métropolitain ainsi que dans les départements et territoires d’outre-mer.

En application de l’article 4 du protocole, lorsqu’un bateau de pêche relevant du protocole (c’est-à-dire long de 24 mètres ou plus) se trouve dans le port d’un Etat partie au protocole, l’administration compétente de cet Etat doit s’assurer qu’il possède le certificat attestant de son respect des règles du protocole. Si ce navire n’est pas en mesure de présenter un tel certificat en cours de validité, ou s’il apparaît que le navire n’est pas en conformité avec le certificat ou ne respecte pas les règles applicables, les autorités de l’Etat doivent prendre les mesures nécessaires pour empêcher le navire d’appareiller et en informer le consul de l’Etat du pavillon, les autorités chargées de délivrer le certificat et l’OMI.

L’article 4 du protocole contient deux stipulations importantes, nouvelles par rapport à la Convention de 1977. Le paragraphe 6 de cet article pose le principe selon lequel une autorité ne peut retenir ou retarder indûment un navire au titre du contrôle du respect des stipulations du protocole. Si elle le fait, l’armateur du navire aura droit à réparation pour les pertes ou dommages subis. Il convient de souligner que des dispositions de ce type tendent à se généraliser en matière de droit maritime, en particulier pour ce qui concerne la prévention de la pollution. Ces mêmes garanties figurent notamment dans la Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires et dans la Convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissure nuisibles sur les navires signée en 2001, toutes les deux ratifiées par la France.

L’autre innovation, plus importante encore, figure au paragraphe 7 de l’article 4. Elle consiste à permettre aux autorités d’un Etat partie au protocole d’appliquer les prescriptions de celui-ci aux navires des Etats qui ne sont pas parties au protocole « dans la mesure où cela est nécessaire pour ne pas faire bénéficier ces navires de conditions plus favorables ». Cette pratique, dénommée contrôle par l’Etat du port, est destinée d’une part à éliminer ou réduire le nombre de navires ne respectant pas les normes minimales, d’autre part à assurer une concurrence plus équitable entre les navires opérant sur une même zone de pêche.

D – Une entrée en vigueur toujours incertaine

Afin d’éviter les problèmes auxquels s’est heurtée l’entrée en vigueur de la Convention de 1977, les conditions d’entrée en vigueur du Protocole de 1993 sont moins exigeantes. En application de son article 10, l’entrée en vigueur interviendra douze mois après l’adhésion au protocole de quinze Etats (comme en 1977) dont le nombre total de navires de pêche d’une longueur minimale de 24 mètres est au moins égal à 14 000. Cette seconde condition est moins exigeante que les 50 % de la flotte de 24 mètres et plus mentionnés dans la Convention de 1977.

En effet, fin 2004, l’OMI évaluait à 56 800 le nombre total de navires de pêche de 24 mètres ou plus. Le chiffre de 14 000 correspond donc au quart de la flotte mondiale seulement. Mais comme plus de 30 000 de ces navires sont chinois, 14 000 représente aussi la moitié environ des navires de pêche de plus de 24 mètres relevant des autres Etats que la Chine.

48 Etats, parmi lesquels la Chine, ont envoyé une délégation à la conférence à l’occasion de laquelle le projet de protocole a été examiné. Il est traditionnel que tous les participants signent l’acte final, sans que cela engage leur Etat. Les flottes de navires de pêche de plus de 24 mètres de ces Etats comptent au total environ 47 500 bateaux.

Pourtant, fin avril 2005, les dix Etats (5) qui avaient ratifié ou approuvé le protocole ne représentaient que 3 060 gros navires de pêche. L’ensemble des Etats de l’Union européenne à 25 n’en possède que 3 650 au total. La France n’en compte pour sa part que 150. Il est donc à craindre que, même réduite de moitié entre 1977 et 1993, la seconde condition d’entrée en vigueur des règles internationales de sécurité ne puisse toujours pas être remplie.

CONCLUSION

L’adhésion de la France au Protocole de 1993 ne présente que des avantages : dans la mesure où notre pays respecte les règles communautaires sur la sécurité des navires de pêche, plus strictes que celle du protocole, l’application de celui-ci n’entraînera de contrainte ou de dépense supplémentaires ni pour l’Etat ni pour les armateurs français ; en revanche, elle permettra à nos autorités d’empêcher d’appareiller tout navire de pêche étranger qui ne respecterait pas les normes minimales de sécurité, en application du principe du contrôle par l’Etat du port.

La principale difficulté réside dans le volume trop limité de la flotte de pêche des Etats ayant adhéré au protocole, qui risque d’empêcher encore longtemps son entrée en vigueur. L’adhésion de notre pays ne contribuera que très modestement à augmenter ce volume.

Votre Rapporteur est néanmoins favorable à l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 7 février 2007.

Après l’exposé du Rapporteur et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 3039).

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La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte du protocole et celui de son annexe figurent en annexe au projet de loi (n° 3039).

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