N° 1974
——
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2009.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2010 (n° 1946),
TOME V
JUSTICE ET ACCÈS AU DROIT
PAR M. Jean-Paul GARRAUD,
Député.
Voir le numéro : 1967 (annexe 28).
En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les réponses devaient parvenir au rapporteur au plus tard le 10 octobre 2009. À cette date, la totalité des réponses a été transmise. Votre rapporteur félicite donc la Chancellerie. |
A. LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE 7
B. LA RÉFORME DE L’ÉCOLE NATIONALE DE LA MAGISTRATURE 11
II.– LA JUSTICE JUDICIAIRE 14
A. LES DÉPENSES DE PERSONNEL 17
B. L’ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT : LES FRAIS DE JUSTICE AUGMENTENT DE NOUVEAU 27
1. Une progression de nouveau inquiétante 27
2. La réforme du circuit d’exécution des frais de justice 32
C. L’ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES 34
III.– L’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE 39
A. L’ÉVOLUTION DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE 40
1. Vers une hausse du nombre des bénéficiaires ? 41
2. La répartition par type de contentieux 42
3. Des améliorations récentes 43
B. LES CRÉDITS EN FAVEUR DE L’ACCÈS AU DROIT, DE LA MÉDIATION FAMILIALE ET DE L’AIDE AUX VICTIMES 44
IV.– LA CONDUITE ET LE PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE ET LES ORGANISMES RATTACHÉS 49
A. UNE STABILISATION DES MOYENS DE L’ADMINISTRATION CENTRALE 50
B. LA RÉFORME DE L’ADMINISTRATION CENTRALE 52
1. La réorganisation de l’administration centrale 52
2. Le comité de gouvernance des systèmes d’information 53
3. La poursuite de l’effort en faveur du développement des applications informatiques 53
Alors que le projet de loi de finances prévoit que budget total de l’État pour 2010 ne progresse que de 1,2 %, celui de la mission « Justice » augmente de 3,4 % en crédits de paiement, après une hausse de 2,6 % en 2009, de 4,5 % en 2008, de 5 % en 2007, de 4,6 % en 2006 et de 4 % en 2005.
Pour autant, votre rapporteur constate que la hausse des crédits des programmes concernés par son rapport est plus limitée, puisque ceux du programme « Justice judiciaire » ne progressent que de 0,6 %, ceux des deux programmes relatifs à la conduite et au pilotage de la politique de la justice augmentent de 0,5 %, tandis que ceux du programme « Accès au droit et à la justice » sont en baisse apparente de 7,2 %. L’essentiel de la hausse des crédits observée pour la mission « Justice » est, en fait, lié au programme « Administration pénitentiaire ».
Le Gouvernement a engagé la nécessaire refonte de la carte judiciaire. La réforme sera mise en œuvre d’ici à 2011. Au 1er octobre 2009, 190 implantations judiciaires sur un total de 438 concernées par la réforme sont déjà fermées, soit plus de 43 %. En effet, 62 conseils de prud’hommes ont été supprimés le 3 décembre 2008, 55 tribunaux de commerce le 1er janvier 2009, 27 tribunaux d’instance et 13 greffes détachés entre le 1er janvier et le 1er octobre 2009 et deux tribunaux de grande instance le 1er octobre 2009.
Au cours des auditions qu’il a menées, votre rapporteur a pu constater que les inquiétudes suscitées par la réforme de la carte judiciaire étaient encore importantes.
Votre rapporteur rappelle que la commission des Lois a entendu, le 7 octobre dernier, en présence de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, et MM. Gérard Moreau et Gérard Ganser, conseillers maîtres, responsables respectivement des secteurs « justice » et « intérieur ». Cette audition a permis de montrer que la refonte de la carte judiciaire était une réforme qui ne pourrait produire des effets positifs qu’à long terme. M. Alain Pichon a ainsi indiqué qu’on ne pouvait attendre d’effets positifs et d’économies qu’après une période d’au moins cinq ans. Autrement dit, il a estimé que la réforme sera une charge nette pour le budget de l’État au moins « pendant le premier lustre ».
La formation des magistrats à l’École nationale de la magistrature (ENM) est en cours de réforme. Votre rapporteur s’inquiète tout particulièrement du nombre des auditeurs de justice actuellement recrutés. Au total, la promotion 2006 de l’ENM comptait 286 magistrats (dont 36 issus du recrutement sur titre) alors que la promotion 2009 n’en compte que 141 (dont 36 issus du recrutement sur titre). Il est vrai que le ministère de la Justice estime que le nombre de départs en retraite sera d’environ 180 par an.
S’agissant de la situation des fonctionnaires des services judiciaires, votre rapporteur ne peut que déplorer que le ratio entre le nombre de magistrats et celui des fonctionnaires des services judiciaires soit passé, pour la première fois, sous le seuil de 2,5 fonctionnaires pour un magistrat puisqu’il est de seulement 2,46 en 2009.
Votre rapporteur insiste sur le fait qu’un magistrat ayant besoin de se concentrer sur ses missions, les fonctionnaires des services judiciaires doivent pouvoir pleinement jouer leur rôle essentiel dans le fonctionnement de la justice. Il rappelle que, sans fonctionnaires, aucun magistrat ne peut prendre de décision. En effet, les fonctionnaires et les magistrats forment une équipe dont tous les acteurs jouent un rôle essentiel.
Il souligne la légère augmentation des effectifs de fonctionnaires de catégorie B et le fait que les effectifs réels de fonctionnaires de catégorie C baissent depuis 2006. Les syndicats de fonctionnaires entendus, toutes catégories confondues, ont souligné la nécessité de recruter des fonctionnaires de catégorie C.
Par ailleurs, il est proposé de doter le programme « Accès au droit et à la justice » de 295 millions d’euros en crédits de paiement, en baisse apparente de 23 millions d’euros par rapport à 2009. Les crédits affectés à l’aide juridictionnelle sont en baisse de près de 23 millions d’euros, pour se fixer à 275 millions d’euros. Le Gouvernement a indiqué que cette dotation sera, en réalité, stable. En effet, il est prévu de doubler le rythme des rétablissements de crédits, qui ne devaient atteindre que 12 millions d’euros en 2009, pour les porter à 24 millions d’euros.
Même si des crédits viennent abonder la dotation prévue pour 2010, votre rapporteur observe que celle-ci sera, au mieux, égale à celle ouverte en 2009, alors même que les besoins devraient croître de 3 % selon les données figurant au projet annuel de performances.
Il est vrai que s’agissant des propositions concernant la mobilisation de ressources supplémentaires au profit de l’aide juridictionnelle, de leur gestion ainsi que du développement de l’assurance de protection juridique, le garde des Sceaux a demandé à un conseiller d’État et à un magistrat de la Cour des Comptes de lui remettre, avant la fin de l’année 2009, une analyse approfondie de ces propositions et, le cas échéant, des modalités et un calendrier de mise en œuvre.
I.– LA MODERNISATION DU MINISTÈRE
Outre la réforme majeure de la carte judiciaire, le ministère de la Justice a engagé une politique de modernisation ambitieuse, notamment en réformant la formation des magistrats.
La réforme de la carte judiciaire s’étend, selon la nature des juridictions concernées du 17 février 2008 (date de suppression des greffes détachés sans effectif et sans activité) au 1er janvier 2011. La mise en œuvre progressive de la réforme de la carte judiciaire doit permettre de préparer dans des conditions optimales et avec une anticipation suffisante, les évolutions de structure et de format des juridictions, tout en organisant dans le temps la prise en compte de la situation individuelle des personnels concernés.
Au 1er octobre 2009, 190 implantations judiciaires sur un total de 438 concernées par la réforme sont déjà fermées, soit plus de 43 %. En effet, 62 conseils de prud’hommes ont été supprimés le 3 décembre 2008, 55 tribunaux de commerce le 1er janvier 2009, 27 tribunaux d’instance et 13 greffes détachés entre le 1er janvier et le 1er octobre 2009 et deux tribunaux de grande instance le 1er octobre 2009.
En outre, a été transféré aux juridictions consulaires, le 1er janvier 2009, le contentieux commercial jusque-là traité par 23 tribunaux de grande instance, ce transfert permettant d’uniformiser le traitement du contentieux commercial sur tout le territoire. Enfin, ont été créés un conseil de prud’hommes, 5 nouveaux tribunaux de commerce, un tribunal mixte de commerce et un tribunal d’instance sur les 14 juridictions devant être créées, soit un taux de réalisation de 57 %.
Votre rapporteur rappelle que la commission des Lois a entendu, le 7 octobre dernier, en présence de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, et MM. Gérard Moreau et Gérard Ganser, conseillers maîtres, responsables respectivement des secteurs « justice » et « intérieur ».
Interrogé par votre rapporteur, M. Alain Pichon a présenté un tableau inquiétant de la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire :
« Il s’agit d’une réforme d’envergure, attendue et annoncée depuis longtemps. Elle touche aux hommes – juges, avocats pour lesquels on s’est empressé de trouver un système de dédommagement, etc. –, mais elle représente également un grand bouleversement immobiliser. Fermer un tribunal revient souvent à restituer le bâtiment, après remise en état, à la collectivité qui en était propriétaire – laquelle collectivité avait complètement perdu de vue cet aspect et n’a pas toujours envie de s’en embarrasser. Vendre un tribunal n’est pas forcément chose facile !
À ce problème de ressources s’ajoute celui de la construction des nouveaux tribunaux. Entre la décision et l’inauguration, il s’écoule rarement moins de quatre ou cinq ans.
Le ministère de la justice doit être bien conscient que cette réforme lourde suppose le recrutement d’experts en ressources humaines, en gestion et en opérations immobilières, etc. Il s’est doté d’un opérateur, l’agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ), qui peut se charger du travail, mais il a trop longtemps vécu en autarcie administrative, confiant à ses magistrats des tâches de gestion » (1)
M. Alain Pichon concluait donc qu’on ne pouvait attendre d’effets positifs et d’économies qu’après une période d’au moins cinq ans. Autrement dit, il a estimé que la réforme sera une charge nette pour le budget de l’État au moins « pendant le premier lustre ».
Les 400 magistrats et les 1 400 fonctionnaires affectés dans les juridictions supprimées bénéficient d’un plan d’accompagnement social, dont les lignes directrices sont les suivantes :
— un accompagnement individualisé des agents ;
— un reclassement en priorité au sein d’une juridiction, puis d’un autre service du ministère de la justice et, le cas échéant, dans un autre poste d’une des trois fonctions publiques ;
— une indemnisation pour tous les personnels concernés par une mobilité du fait de la réforme de la carte judiciaire. En particulier, les personnels (magistrats, fonctionnaires et agents non titulaires de l’État recrutés pour une durée indéterminée) affectés dans l’une des juridictions supprimées bénéficieront, dans les conditions prévues par le décret n° 2008-368 du 17 avril 2008 et l’arrêté ministériel du 9 juillet 2008, de la prime de restructuration de service et d’une allocation d’aide à la mobilité du conjoint ;
— un droit à la formation ;
— différentes mesures d’action sociale, dont des aides au logement (recherche et mise à disposition prioritaire de logements, aide à l’installation, prêt d’accession à la propriété).
L’accompagnement social est assuré au niveau central par la mission carte judiciaire placée auprès du secrétaire général, assistée de la direction des services judiciaires, et au niveau local par des correspondants sociaux désignés dans chaque cour d’appel.
S’agissant des fonctionnaires qui étaient affectés dans les conseils de prud’hommes supprimés, des solutions conformes à leurs souhaits ont pu être mises en œuvre : 57 % d’entre eux ont rejoint la juridiction de rattachement, 38 % ont été mutés dans une juridiction de leur choix et 5 % sont partis à la retraite ou en détachement. Des solutions de télétravail ou de délégations ont en outre été mises en place pour les fonctionnaires qui n’étaient pas mobiles. À cet égard, la réforme de la carte judiciaire est l’occasion d’expérimenter cette nouvelle modalité de travail à distance que constitue le télétravail, dans un contexte de dématérialisation des procédures de plus en plus poussé. Enfin, pour ne pas compromettre le fonctionnement des conseils de prud’hommes qui devaient être supprimés, les mutations des fonctionnaires de ces juridictions ont pris effet à la date de fermeture de celles-ci, soit le 3 décembre 2008.
S’agissant des tribunaux de commerce, les diverses mesures intervenues, dont notamment l’attribution des greffes des tribunaux de commerce créés prioritairement aux greffiers des tribunaux supprimés et l’allègement des conditions d’accès des greffiers de commerce aux professions judiciaires, ont permis à la quasi-totalité des greffiers de trouver un reclassement professionnel. Les contrats des salariés des greffes supprimés ont par ailleurs été repris de plein droit par les greffiers absorbants, en application de l’article L. 1224-1 du code du travail, les salariés ne souhaitant pas rejoindre le greffe « absorbant » bénéficiant d’indemnités de licenciement et de préavis.
c) Le personnel des tribunaux de grande instance, tribunaux d’instance et greffes détachés supprimés
Pour les tribunaux de grande instance, tribunaux d’instance et greffes détachés fermés par anticipation entre le 1er janvier et le 1er octobre 2009, il a été systématiquement vérifié que la situation des personnels (magistrats et fonctionnaires) était réglée soit par une mutation, soit par un accord de l’agent pour rejoindre par anticipation le tribunal de rattachement et que la situation immobilière de la juridiction de rattachement permettait le regroupement anticipé.
Pour les 151 tribunaux d’instance, les 41 greffes détachés et les 35 bureaux fonciers devant fermer à la fin de l’année 2009, l’ensemble des mesures induites par les regroupements est en cours de réalisation, qu’il s’agisse de l’accompagnement social, de l’immobilier, des transferts de données informatiques ou des autres opérations matérielles nécessaires (tri des archives, préparation du déménagement …).
La situation des magistrats chargés du service des tribunaux d’instance supprimés est réglée. Ils ont tous été mutés, cette mesure ne prenant effet pour un certain nombre d’entre eux qu’au moment de la fermeture de la juridiction. Il en est de même des juges de proximité. La situation d’une centaine de fonctionnaires, sur 850 concernés, reste à régler essentiellement par voie de mutation, à l’occasion des prochaines commissions administratives paritaires de novembre et décembre 2009. Le projet annuel de performances pour 2010 indique qu’une enveloppe de 2 millions d’euros est prévue au titre de primes de restructuration.
L’attention de votre rapporteur a été attirée sur le fait que les fonctionnaires des départements de la petite couronne parisienne, affectés par la fermeture de leur tribunal, ne devraient pas percevoir de prime. Lors de la commission élargie, la garde des Sceaux a précisé à votre rapporteur que les personnels qui remplissent les critères règlementaires bénéficieront de cette prime.
S’agissant des dépenses de fonctionnement induites par la mise en œuvre de la carte judiciaire, 15,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 12 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus pour 2010.
L’impact en matière immobilière de la réforme de la carte judiciaire se traduira par quelque 350 opérations de regroupement de juridictions. Le ministère indique que des études ont été menées sur la totalité des sites concernés afin de retenir le scénario immobilier le plus pertinent.
Lors de la réunion de la commission des Lois du 7 octobre, M. Alain Pichon a observé (2) que le ministère devra également veiller à tirer les conséquences de la réforme de la carte judiciaire en matière de ressources humaines et de gestion de l’immobilier. Il a ainsi précisé que « la réforme va coûter cher : entre 250 et 750 millions d’euros selon les estimations de la Chancellerie. Nous ne pourrons engranger les effets positifs des évolutions en cours qu’à moyen terme ».
Dans la recherche des solutions immobilières, le ministère de la justice s’est attaché à respecter les orientations en matière de politique immobilière de l’État. C’est ainsi que, dans de nombreux cas, la « densification » et les petites restructurations à moindre coût dans des locaux existants ont été privilégiées. Par ailleurs, lorsque l’acquisition de locaux s’est révélée nécessaire, le recours à des biens domaniaux a été recherché. Votre rapporteur avait fait valoir, l’an dernier, que la « densification » des locaux existants devait demeurer compatible avec les conditions de travail des magistrats et fonctionnaires des services judiciaires. Les auditions qu’il a menées montrent que son inquiétude était fondée.
Une centaine d’opérations provisoires permettront le regroupement de juridictions entre la date de suppression des juridictions prévue par les décrets et celle de la livraison des locaux définitifs lorsqu’elle dépend d’opérations lourdes. Ces opérations provisoires consistent dans la plupart des cas à « densifier » des locaux existants ou à recourir à des locations.
En 2008, les regroupements des tribunaux de commerce, des conseils de prud’hommes et des chambres commerciales ont été réalisés. À cette fin, 123 opérations, dont 35 provisoires, ont été menées à bien. En 2009, ont été lancées ou poursuivies 334 opérations – dont 216 pérennes – dont les livraisons s’échelonneront de fin 2009 jusqu’à 2016 pour celles les plus importantes, dont la construction de nouveaux tribunaux de grande instance ou de nouvelles cités judiciaires. À la fin de l’année 2009, 125 opérations – dont 80 pérennes – aboutiront à une livraison. En 2010, il est prévu de livrer 80 autres opérations dont 55 pérennes et 25 provisoires. Le financement lié au volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire a été estimé par le ministère à 375 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, sur 5 ans.
Pour 2009, une enveloppe de 80 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement a été ouverte.
Pour 2010, cette enveloppe sera de 77,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 30 millions d’euros en crédits de paiement. Ces crédits devraient être complétés, en 2010, par une dotation en provenance du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » à hauteur de 37,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 15 millions d’euros en crédits de paiement.
L’École nationale de la magistrature fait l’objet d’une profonde réforme afin de la moderniser et d’adapter son recrutement pour l’ouvrir sur la société et sur le monde et recruter et former des magistrats capables de prendre davantage en compte la dimension humaine des dossiers.
La réforme de l’École nationale de la magistrature vise à davantage structurer le recrutement, la formation initiale et la formation continue des magistrats, à partir des compétences et capacités attendues des magistrats, et s’articule autour des principaux axes suivants :
— un recentrage du concours sur les fonctions du magistrat, le cœur de métier et les besoins du corps judiciaire, en particulier par le renforcement des épreuves juridiques ;
— une meilleure prise en compte de la personnalité des candidats, en particulier par la mise en œuvre de tests de personnalité, ainsi que d’une épreuve de mise en situation collective à l’instar de nombreuses grandes écoles, suivie d’un entretien avec le jury ;
— une amélioration de la diversité du corps judiciaire par la création de trois classes préparatoires intégrées à Bordeaux, Paris et Douai, l’assouplissement des modalités de mise en œuvre des cycles préparatoires aux concours, prenant la forme d’une préparation par correspondance, tant pour les fonctionnaires, que pour les candidats issus du secteur privé et l’élargissement de la composition du jury.
Le décret n° 2008-1551 du 31 décembre 2008 relatif à l’École nationale de la magistrature a profondément modifié le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l’École nationale de la magistrature.
Le tableau suivant présente le déroulement de la scolarité à l’ENM
DÉROULEMENT DE LA SCOLARITÉ À L’ÉCOLE NATIONALE DE LA MAGISTRATURE
Stage découverte du TGI |
1 semaine |
Stage avocat |
21 semaines |
Études |
28 semaines (dont 2 semaines d’accueil) |
Stage services d’enquêtes (police/gendarmerie) |
2 semaines |
Stage pénitentiaire (milieu fermé) |
2 semaines |
Stage juridictionnel |
38 semaines |
Stages extérieurs |
9 semaines dont 4 semaines à l’étranger |
Choix du poste et stage de langue |
1 semaine |
Préparation (théorie) aux premières fonctions |
6 semaines |
Stage Cour d’Appel |
1 semaine |
Stage de préparation aux premières fonctions |
10 semaines dont 1 semaine de préparation à la prise de fonction |
Congés et autorisations d’absence |
17 semaines |
Total |
135 semaines |
Source : École nationale de la magistrature « Programme pédagogique, formation initiale, Promotion 2009 »
2. La mise en œuvre de la réforme
Le coût de la réforme est estimé à 3,6 millions d’euros en 2010 puis 4,3 millions d’euros en 2011 et en 2012. L’évolution du coût de la réforme, constatée à partir de l’exercice 2011, correspond à la mise en place d’une mesure importante qui consiste à prévoir un stage d’un mois à l’étranger pour l’ensemble des auditeurs de justice.
Le ministère fait valoir que la mise en œuvre de la réforme s’effectue à budget constant, c’est-à-dire sans financement spécifique, grâce à la conjugaison de plusieurs éléments :
— des économies générées par la diminution du nombre des auditeurs de justice ;
— des mesures d’économies réalisées sur différents postes de fonctionnement courant et rendues possibles en partie par certaines actions de la réforme ;
— la mise en œuvre de certains éléments de la réforme par des redéploiements internes limitant d’autant le coût des mesures concernées.
Votre rapporteur s’inquiète de nouveau de la baisse du nombre des auditeurs de justice. En effet, les postes offerts au premier concours de l’ENM sont passés de 192, pour la promotion 2006 à seulement 80 pour les promotions 2009 et 2010. Simultanément, les postes offerts aux deuxième et troisième concours passent, respectivement, de 45 à 19 et de 13 à 6 sur la même période.
De plus, les recrutements « latéraux » ne pourront pas compenser cette baisse puisque le nombre des auditeurs de justice issus de l’intégration directe ne peut dépasser le tiers du nombre des auditeurs issus des concours, figurant dans la promotion à laquelle ils seront intégrés, en vertu de l’article 18-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut des magistrats, dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007. Pour la promotion 2010, 36 magistrats, au maximum, pourront être recrutés sur titre.
Au total, la promotion de 2006 comptait 286 magistrats (dont 36 issus du recrutement sur titre) alors que la promotion 2009 n’en compte que 141 (dont 36 issus du recrutement sur titre).
Lors de la réunion de la commission élargie, la garde des Sceaux a indiqué que le nombre de départs en retraite devrait être d’environ 170 à 180 par an à l’horizon 2014.
Le programme « Justice judiciaire » regroupe les crédits nécessaires au fonctionnement de la justice civile, pénale, commerciale et sociale. Il concerne les magistrats et les agents des services judiciaires (fonctionnaires et contractuels), ainsi que plus de 20 000 juges non professionnels bénévoles ou rémunérés à la vacation (juges consulaires, conseillers prud’hommes, assesseurs des tribunaux pour enfants, juges de proximité…), assistants et agents de justice, déployés dans les juridictions judiciaires.
Les services judiciaires ont pour mission principale de rendre la justice. Ils ont également la charge de la conduite des politiques publiques orientées vers la prévention et la dissuasion de la délinquance ainsi que vers la réinsertion. Ils participent en outre aux politiques publiques menées en matière économique ou sociale (prévention des difficultés des entreprises, protection des mineurs, droit du travail).
La gestion des juridictions est assurée exclusivement par des personnels des services judiciaires et comprend deux fonctions :
— le support logistique de l’activité judiciaire proprement dite revient aux greffiers (catégorie B) et agents de catégorie C, encadrés par des greffiers en chef (catégorie A). Les greffiers assistent en outre les magistrats dans leurs missions, notamment par le suivi et l’authentification des procédures ;
— la gestion des moyens humains et matériels est pour l’essentiel assurée de manière déconcentrée au niveau des chefs de cour. Ceux-ci disposent à cet effet d’un service administratif régional (SAR), composé de fonctionnaires et contractuels des services judiciaires, professionnels de la gestion, et dirigé par un coordonnateur, magistrat ou greffier en chef, placé sous l’autorité des chefs de cour.
Les services judiciaires assurent par ailleurs la formation de leurs personnels. L’École nationale de la magistrature (ENM), constituée sous la forme d’un établissement public, est en charge de la formation initiale et continue des magistrats professionnels et non professionnels (juges de proximité, juges consulaires). La formation initiale des greffiers et greffiers en chef et la formation continue de l’ensemble des fonctionnaires des services judiciaires incombent à l’École nationale des greffes (ENG), service à compétence nationale. Enfin, le budget des services judiciaires inclut les crédits du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), organe constitutionnel qui, par ses missions en matière de nomination des magistrats du siège et du parquet et ses compétences disciplinaires sur le corps judiciaire, est le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.
Avec une dotation de 2 838,6 millions d’euros en crédits de paiement, le programme « Justice judiciaire » est en faible progression de 0,6 % par rapport à 2009 :
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME
« JUSTICE JUDICIAIRE »
(en millions d’euros)
Actions du programme « Justice judiciaire » |
LFI 2009 |
PLF 2010 |
Évolution |
Traitement et jugement des contentieux civils |
890,4 |
891,7 |
0,1 % |
Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales |
956,6 |
964,1 |
0,8 % |
Cassation |
65,2 |
65,9 |
1,1 % |
Conseil supérieur de la Magistrature |
2,8 |
2,2 |
-21,4 % |
Enregistrement des décisions judiciaires |
14,2 |
14,0 |
-1,4 % |
Soutien |
786,7 |
792,9 |
0,8 % |
Formation |
79,1 |
80,7 |
2,0 % |
Support à l’accès au droit et à la justice |
27,4 |
27,22 |
-0,7 % |
Total |
2 822,42 |
2 838,62 |
0,6 % |
Source : projet annuel de performances pour 2010
Les crédits de l’action « Traitement et jugement des contentieux civils » progressent de 0,1 %. Une somme de 54 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sera consacrée aux frais de justice.
Ces crédits ont été évalués sur la base de la prévision de consommation au titre de l’année 2009 estimée à environ 52,4 millions d’euros. Cette dotation devra prendre en charge le coût de la revalorisation tarifaire des experts.
Les crédits de l’action « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » progressent de 0,8 % en crédits de paiement. Les frais de justice affectés à cette action s’élèvent à 270 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 68 % de l’enveloppe globale des frais de justice. La dotation allouée permettra le financement de mesures nouvelles telles que la réforme de la médecine légale et la mise en place de tests salivaires pour le dépistage de la consommation de stupéfiants, en matière routière.
Les crédits de l’action « Cassation » progressent de 1,1 % et financent essentiellement les dépenses de structure. Ces dépenses, évaluées à 6,9 millions d’euros, soit environ 75 % du budget de fonctionnement, seront en grande partie consacrées aux charges locatives. Cette dotation doit permettre de couvrir également les dépenses d’activité, d’équipement et d’informatique, respectivement estimées à hauteur de 1,75 million d’euros, 0,32 million d’euros et 0,30 million d’euros.
L’action « Conseil supérieur de la magistrature » voit ses crédits de fonctionnement courant croître très fortement de 47 % par rapport à 2008. Cette évolution prend en considération des besoins nouveaux tels que le financement des charges afférentes aux locaux occupés jusqu’alors gratuitement. En effet, afin de répondre aux nouvelles orientations de la Présidence de la République, le Conseil supérieur de la magistrature devra désormais s’acquitter d’une redevance dont le coût est fixé à 286 000 euros en compensation de l’occupation de ces locaux. Les crédits de personnels ont été ajustés à l’exécution observée en 2008.
Les crédits de l’action « Enregistrement des décisions judiciaires » sont stables.
Les crédits de fonctionnement de l’action « Soutien », sont en baisse de 1,9 % par rapport à la loi de finances pour 2009. Par ailleurs, il convient de souligner que des crédits ont été inscrits pour financer les mesures liées à la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire, notamment son volet immobilier. En revanche, les crédits de personnel connaissent également une augmentation du fait des recrutements envisagés et de l’évolution des effectifs qui seront rattachés à cette action.
Les crédits de paiement de l’action « Formation » sont en hausse de 2 % en 2010. Cette hausse s’explique par la forte augmentation des dépenses de personnel, liée à la prise en charge des auditeurs de justice. En effet, les crédits de masse salariale correspondant, transférés dans le programme, s’élèvent à 17,3 millions d’euros.
En revanche, les crédits de fonctionnement de cette même action connaissent une forte baisse de 37 % en raison de la diminution du montant de la subvention allouée à l’opérateur « École nationale de la magistrature ». Cette diminution apparente par rapport à 2009 est liée aux modifications introduites dans la gestion budgétaire des emplois des auditeurs de justice. Jusque-là gérés par l’École, les crédits concernés sont désormais inscrits à la présente action, minorant à due concurrence le montant de la subvention pour charges de service public allouée à l’établissement.
Enfin, les dépenses de fonctionnement directement liées à la formation initiale des auditeurs de justice seront en 2010 prises en charge par la présente action, à hauteur d’environ 3,2 millions d’euros. Il s’agit essentiellement des frais de déplacement et des indemnités de stage des auditeurs de justice. Là encore, cette modification de périmètre minore à due concurrence la subvention versée à l’ENM.
Le programme « Justice judiciaire » comprend 29 653 équivalents temps plein travaillé (ETPT) (contre 29 295 en 2009, 29 349 en 2008 et 30 301 en 2007), dont 8 282 ETPT de magistrats, 2 241 ETPT de fonctionnaires de catégorie A+ ou A, 8 361 ETPT de fonctionnaires de catégorie B (96 % sont des greffiers) et 10 769 ETPT de fonctionnaires de catégorie C.
Le tableau suivant retrace l’évolution des ETPT du programme par catégories d’emplois :
ÉVOLUTION DES EMPLOIS EN ÉQUIVALENTS TEMPS PLEIN
Plafond LFI 2009 |
Plafond PLF 2010 |
Variation | |
Magistrats de l’ordre judiciaire |
7 896 |
8 282 |
+ 386 |
Personnels d’encadrement |
2 198 |
2 241 |
+ 43 |
Personnel de greffe, d’insertion et éducatifs (catégorie B+) |
8 038 |
8 107 |
+ 69 |
Personnels administratifs et techniques de catégorie B |
305 |
254 |
– 51 |
Personnels administratifs et techniques de catégorie C |
10 858 |
10 769 |
– 89 |
Total |
29 295 |
29 653 |
– 358 |
Source : projet annuel de performances pour 2010
Derrière la hausse apparente du nombre des emplois du programme, se cache, en fait, une variation due au transfert de 414 équivalents temps plein.
C’est ainsi que :
— 2 ETPT sont transférés auprès du Défenseur des enfants et figurent au programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » ;
— un ETPT est transféré à la commission des recours contre les refus de visas et figure au programme « Immigration et asile » ;
— un ETPT est transféré au programme « Coordination du travail gouvernemental » dans le cadre de la politique de constitution des échelons régionaux du service des achats de l’État ;
— un ETPT est transféré à ce même programme « Coordination du travail gouvernemental » et est affecté à l’Institut des hautes études de sécurité (INHES).
À l’inverse, le programme reçoit, 419 ETPT, précédemment affectés au sein du plafond d’emplois alloué à l’opérateur « École nationale de la magistrature ».
Il est indiqué, dans le projet annuel de performances, que ce transfert permettra la prise en charge des auditeurs de justice au sein de la dotation de titre 2 du programme « Justice judiciaire », et « a vocation à fluidifier la gestion du corps ».
Au total, les transferts conduisent à faire progresser de 414 ETPT le plafond d’emplois du programme. Le nombre d’ETPT n’augmentant que de 358 ETPT, votre rapporteur constate donc que le plafond d’emploi baisse, à périmètre constant, de 56 ETPT.
Plus particulièrement, votre rapporteur souligne que le plafond d’emplois des magistrats augmente globalement de 386 ETPT. Or, celui-ci intègre le transfert de 419 ETPT des auditeurs de justice de l’ENM et cinq transferts d’ETPT vers d’autres programmes, soit un solde de 414 ETPT. À périmètre constant, le plafond d’emploi des magistrats va baisser de 28 ETPT.
Pour autant, ce plafond n’est qu’un « maximum » et sa baisse n’emportera pas de suppressions de postes. Le ministère de la Justice fait valoir qu’il est important d’observer que les crédits de la masse salariale sont adaptés aux besoins.
Dans le cadre de la réforme de la représentation devant les cours d’appel (3), M. Gilles Bourdouleix, rapporteur de votre commission sur le projet de loi portant réforme de la représentation devant les cours d’appel a indiqué que les 380 ETP concernés se répartissaient de la manière suivante : 19 en catégorie A, 139 en catégorie B et 222 en catégorie C (4).
Or, le tableau des entrées et sorties présenté dans le projet annuel de performances ne mentionne que 22 entrées de fonctionnaires de catégorie C. Le ministère de la Justice a indiqué à votre rapporteur que ce tableau n’avait pas été actualisé en fonction des derniers arbitrages rendus, notamment en faveur du recrutement de salariés d’avoués.
Ÿ Au titre des départs de magistrats et des fonctionnaires, le ministère estime qu’ils concerneront :
– 216 magistrats de l’ordre judiciaire, dont 205 départs en retraite ;
– 78 fonctionnaires d’encadrement (A+ et A), correspondant uniquement à des départs en retraite ;
– 285 fonctionnaires de la catégorie B+ (greffiers), correspondant uniquement à des départs en retraite ;
– 416 fonctionnaires de catégorie C (dont 385 départs en retraite), sachant que 100 personnes accéderont au corps des secrétaires administratifs, résultant du décret n° 2007-1106 du 16 juillet 2007 relatif à la création du corps des secrétaires administratifs des services judiciaires et à la fusion des corps de secrétaires administratifs relevant du ministère de la justice et de la grande chancellerie de la Légion d’honneur.
Au total, le ministère anticipe que 995 agents quitteraient leurs fonctions au cours de l’année 2010, dont 953 départs en retraite.
Ÿ Au titre des entrées de magistrats et des fonctionnaires, le ministère estime qu’ils concerneront :
– 216 magistrats de l’ordre judiciaire ;
– 42 fonctionnaires d’encadrement (A+ et A) ;
– 301 fonctionnaires de catégorie B+ (greffiers) ;
– 100 fonctionnaires de catégorie B ;
– 22 fonctionnaires de catégorie C.
Afin d’accompagner les réformes structurelles en cours (réforme de la carte judiciaire, mise en œuvre des propositions des rapports des commissions respectivement présidées par le premier président Magendie et par le recteur Guinchard, introduction des nouvelles technologies dans le débat judiciaire…) et d’optimiser la gestion des effectifs, il a été décidé de mettre en œuvre une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences fondée sur la performance. Ainsi, le ministère de la justice a-t-il fait connaître par note en date du 5 août 2008 l’abandon des notions de « structure de référence » et de vacances d’emplois. Il faut, au niveau de chaque cour d’appel, déterminer, à partir de ces constats, les besoins en effectifs.
La détermination du besoin en effectifs doit reposer sur des données objectives d’activité. À cet égard, l’étude complète réalisée par la cellule contrôle de gestion fournit aux chefs de Cours des éléments utiles à la réflexion. En outre, sont intégrées à ces documents les prévisions des départs à la retraite pour chaque ressort.
Les dialogues de gestion rendront ainsi possible un arbitrage final par le responsable de programme entre les BOP en fonction des gains à attendre sur la performance d’ensemble. Afin de pourvoir les postes ainsi retenus, les critères seront pris en compte dès les prochains mouvements de magistrats, réalisés conformément aux règles statutaires régissant le corps.
S’agissant des effectifs de magistrats, le tableau suivant montre que la progression constante des effectifs depuis 2002 :
ÉTAT DES EFFECTIFS (ETPT) DE MAGISTRATS
(au 1er septembre 2009)
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 | |
A – Magistrats en détachement |
226 |
221 |
245 |
218 |
221 |
228 |
217 |
215 |
B – Magistrats en congé de longue durée |
17 |
16 |
21 |
20 |
25 |
16 |
21 |
15 |
C – Magistrats en congé parental |
19 |
21 |
15 |
7 |
11 |
13 |
15 |
15 |
D – Magistrats en disponibilité |
76 |
77 |
79 |
71 |
80 |
88 |
90 |
83 |
E – Magistrats en activité |
6 952 |
7 206 |
7 382 |
7 586 |
7 718 |
7 950 |
8 113 |
8 208 |
G – Magistrats maintenus en activité en surnombre |
53 |
49 |
50 |
47 |
50 |
45 |
51 |
61 |
H Effectifs réels des magistrats en activité (F+G) |
7 005 |
7 255 |
7 432 |
7 633 |
7 768 |
7 995 |
8 164 |
8 269 |
Source : ministère de la Justice
En ce qui concerne les fonctionnaires des services judiciaires, le tableau suivant montre l’évolution des effectifs depuis 2004 :
ÉVOLUTION DEPUIS 2004 DES EFFECTIFS RÉELS DE FONCTIONNAIRES
DES SERVICES JUDICIAIRES
Catégories de fonctionnaires |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 (1) |
Greffiers en chef |
1 805 |
1 775 |
1 843 |
1 839 |
1 785 |
1 797 |
Greffiers |
8 724 |
8 904 |
8 753 |
8 762 |
8 772 |
8 875 |
secrétaires administratifs |
168 |
166 | ||||
Personnel de catégorie C (2) |
10 767 |
10 881 |
11 595 |
11 575 |
11 317 |
11 342 |
Total |
21 296 |
21 560 |
22 191 |
22 176 |
22 042 |
22 180 |
(1) Situation au 1er juillet 2009
(2) Personnel de bureau et personnel technique
Source : ministère de la Justice
Ce tableau permet de constater que le nombre de greffiers en chef en poste en 2008 et 2009 est inférieur à celui constaté en 2006 et 2007. Il convient aussi d’observer la stabilisation globale des effectifs de greffiers depuis 2004. Enfin, les effectifs réels de fonctionnaires de catégorie C baissent depuis 2006, de 2,2 %.
Cette tendance à la baisse des effectifs de fonctionnaires de catégorie C devrait se poursuivre puisque cette catégorie devrait perdre 89 ETPT en 2010. Or, les syndicats de fonctionnaires entendus, toutes catégories confondues, ont souligné la nécessité de recruter des fonctionnaires de catégorie C.
Si votre rapporteur salue les mesures permettant aux personnels de catégorie C de pouvoir accéder au corps des secrétaires administratifs, de catégorie B, il observe que les fonctions accomplies par les fonctionnaires de catégorie C doivent toujours être assumées.
Le tableau suivant présente les effectifs des magistrats et des fonctionnaires ainsi que l’évolution du ratio entre magistrats et fonctionnaires depuis 1999 (les effectifs sont arrêtés au 1er juillet de chaque année) :
ÉVOLUTION DEPUIS 1999 DES EFFECTIFS DE FONCTIONNAIRES
DES SERVICES JUDICIAIRES ET DES MAGISTRATS (en poste au 1er juillet)
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 | |
Magistrats |
6 327 |
6 539 |
6 846 |
7 144 |
7 294 |
7 434 |
7 525 |
7 891 |
7 950 |
8 113 |
8 195 |
Fonctionnaires |
17 819 |
17 966 |
18 172 |
18 665 |
19 125 |
19 757 |
19 841 |
20 057 |
20 107 |
20 285 |
20 205 |
Ratio |
2,82 |
2,75 |
2,65 |
2,62 |
2,62 |
2,66 |
2,63 |
2,54 |
2,53 |
2,50 |
2,46 |
Source : ministère de la Justice
Le nombre de fonctionnaires retenu dans le tableau précédent ne prend en compte que les greffiers en chef, les greffiers et les agents de catégorie C chargés de fonctions administratives, à l’exclusion donc des agents de catégorie C chargés de fonctions techniques.
Votre rapporteur ne peut que déplorer la dégradation du ratio entre le nombre de magistrats et celui des fonctionnaires des services judiciaires, alors que les missions confiées à la justice ont été, depuis 1998, profondément alourdies. Il constate que ce ratio est passé, pour la première fois, sous le seuil de 2,5 fonctionnaires pour un magistrat puisqu’il est de seulement 2,46 en 2009.
Il insiste donc sur le fait qu’un magistrat ayant besoin de concentrer sur ses missions, les fonctionnaires des services judiciaires doivent pouvoir pleinement jouer leur rôle essentiel dans le fonctionnement de la justice. Il rappelle que, sans fonctionnaires, aucun magistrat ne peut prendre de décision. En effet, les fonctionnaires et les magistrats forment une équipe dont tous les acteurs jouent un rôle essentiel.
Par ailleurs, votre rapporteur a souhaité connaître le ratio entre les magistrats et les greffiers dans les juridictions. Ces données figurent dans le tableau suivant :
ÉVOLUTION DU NOMBRE DES MAGISTRATS ET
DES GREFFIERS AFFECTÉS AUPRÈS DE MAGISTRATS
2006 |
2007 |
2008 |
2009 | |
Magistrats |
7 891 |
7 950 |
8 113 |
8 195 |
Greffiers affectés auprès de magistrats |
6 915 |
6 942 |
7 012 |
7 059 |
Ratio |
0,87 |
0,87 |
0,86 |
0,86 |
Source : ministère de la Justice
Il convient de préciser que le nombre de magistrats présenté dans le tableau précédent correspond aux personnes physiques en activité au 1er juillet 2008. De même, le nombre de greffiers ne prend en compte que les greffiers affectés dans des services travaillant en liaison directe avec des magistrats à cette même date.
Les ratios observés montrent bien que les magistrats et les greffiers ne sont pas affectés paritairement dans les juridictions : les greffiers sont 12 % moins nombreux que les magistrats. Votre rapporteur constate que les greffes se trouvent dans une situation très tendue, qui semble se dégrader.
Seul le très fort dévouement au service public des fonctionnaires permet de maintenir l’équilibre fragile dans lequel se trouvent les juridictions.
Le total des crédits de personnel prévus pour la justice judiciaire atteint 1 939,6 millions d’euros (– 0,6 %) répartis de la manière suivante :
RÉPARTITION DES CRÉDITS DE PERSONNEL
(en millions d’euros)
Magistrats |
919,7 |
Fonctionnaires d’encadrement |
149,3 |
Fonctionnaires de catégorie B+ |
416,9 |
Fonctionnaires de catégorie B |
11,6 |
Fonctionnaires de catégorie C |
442,1 |
Total |
1 939,6 |
Après avoir été fortement réévalués de 1988 à 1996 – les mesures inscrites en lois de finances pour 1988, 1990, 1991, 1994, 1995 et 1996 ont permis de faire passer le taux indemnitaire des magistrats de l’ordre judiciaire de 19 % en 1987 à près de 37 % en 1996 –, les taux indemnitaires des magistrats sont restés inchangés de 1997 à 2002, alors que dans le même temps les régimes indemnitaires des magistrats de l’ordre administratif ont bénéficié de revalorisations successives. Afin d’assurer aux magistrats de l’ordre judiciaire un régime indemnitaire à la hauteur des responsabilités importantes et des fortes sujétions de service qui sont les leurs, le ministère de la Justice a engagé dès 2003 un effort significatif de revalorisation, avec pour objectif une parité avec les magistrats des juridictions administratives et financières.
Cette revalorisation s’est accompagnée, depuis le 1er janvier 2004, d’une nouvelle modification du régime indemnitaire des magistrats par une série de textes publiés au Journal officiel du 30 décembre 2003 comportant notamment l’instauration d’une modulation partielle de ce régime. En effet, le 1er octobre 2004, la part modulable a été revalorisée de 4 %. Cette part a été à nouveau revalorisée de 1 % à compter du 1er octobre 2005 par des arrêtés du 8 septembre 2005.
La prime modulable est attribuée aux magistrats concernés en fonction de leur contribution au bon fonctionnement de l’institution judiciaire. Pour les magistrats exerçant leurs fonctions dans les juridictions du premier degré ou pour les magistrats de cours d’appel, l’attribution de cette prime modulable est gérée de manière déconcentrée au niveau des cours d’appel. Elle repose sur l’identification d’enveloppes régionales par cour d’appel, distinguant le siège et le parquet, réparties par décision de chaque chef de cour au profit des magistrats du ressort, sur proposition du chef de juridiction sous l’autorité duquel est placé le magistrat pour ceux affectés dans une juridiction du premier degré. Les enveloppes régionales sont globales et ne peuvent faire l’objet d’une subdélégation. Le taux moyen de cette prime est fixé à 9 % du traitement indiciaire brut et le taux maximal d’attribution individuelle à 15 %. Le taux de la prime modulable versée aux chefs des cours d’appel et des tribunaux supérieurs d’appel ainsi qu’à l’inspecteur général des services judiciaires et au directeur de l’École nationale des greffes, est fixé à 9 %. Pour les magistrats exerçant leurs fonctions à la Cour de cassation, le taux moyen est de 14 % et le taux maximal de 20 %.
Le montant global annuel de la prime modulable est passé de 22,06 millions d’euros en 2007 à 22,17 millions d’euros en 2008 et 22,87 millions d’euros en 2009, selon les dernières informations transmises à votre rapporteur.
Par ailleurs, la nouvelle bonification indiciaire (NBI) en faveur des magistrats de l’ordre judiciaire exerçant des fonctions de responsabilité supérieure a été mise en œuvre par le décret n° 2004-676 du 5 juillet 2004 et son arrêté d’application du même jour. Sont concernés, à la Cour de cassation, les chefs de juridiction, les présidents de chambre et les premiers avocats généraux, les doyens de chambre et les magistrats chargés du secrétariat général. De plus, sont également concernés les chefs de cour d’appel ainsi que les magistrats chargés du secrétariat général des cours d’appel de Paris et Versailles, les chefs des 12 tribunaux de grande instance les plus importants et le directeur de l’école nationale des greffes. Au total, 117 magistrats bénéficient de cette première phase de mise en œuvre de la NBI. Le décret du 7 décembre 2006 – et son arrêté du même jour – a permis d’attribuer une NBI à 179 magistrats supplémentaires.
En 2009 ce sont donc 296 magistrats de l’ordre judiciaire exerçant des responsabilités supérieures qui bénéficient de la nouvelle bonification indiciaire, pour un coût annuel de 1,8 million d’euros.
Le régime indemnitaire des greffiers en chef et des greffiers n’a pas évolué depuis 2001, malgré plusieurs demandes de revalorisation – dans le cadre de la préparation des projets de lois de finances – présentées par le ministère de la Justice, mais qui ont fait l’objet d’arbitrages interministériels défavorables. Le régime indemnitaire des fonctionnaires de catégorie C n’a pas été revalorisé depuis 2006.
En application du décret n° 2005-1602 du 19 décembre 2005, les greffiers en chef et les greffiers perçoivent une indemnité forfaitaire de fonction (IFF) fixée en pourcentage de l’indice réel moyen (IRM) de leur grade. Le taux indemnitaire moyen de ces deux corps n’a pas été revalorisé depuis 2001. Il a même diminué pour les greffiers, lors de la mise en œuvre de la réforme statutaire en 2003. En effet, la transformation de la structure de ce corps (deux grades au lieu de trois) a entraîné une modification de l’indice réel moyen par grade. Cependant, cette baisse du taux indemnitaire n’a pas entraîné de diminution des montants individuels servis.
En application du décret n° 2005-1603 du 19 décembre 2005, les fonctionnaires de catégorie C des services judiciaires bénéficient d’une indemnité spéciale fixée en pourcentage de l’indice réel moyen (IRM) de leur grade, dont le taux moyen a été régulièrement valorisé. Une augmentation de 2 points du taux indemnitaire avait été demandée par le ministère de la Justice, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2006, au bénéfice de l’ensemble des personnels de catégorie C. Les arbitrages interministériels rendus ont permis de revaloriser d’un point ce taux indemnitaire. La mesure nouvelle obtenue au titre de l’année 2006 a permis de faire passer le taux moyen de l’indemnité spéciale servie aux fonctionnaires de catégorie C à 24 %.
Le régime indemnitaire des fonctionnaires des services judiciaires a été modifié en 2005, afin de permettre à ceux-ci de bénéficier, sous certaines conditions, d’une indemnité complémentaire à raison d’attributions spécifiques qui peuvent leur être confiées. Si les conditions de son attribution sont réunies, l’indemnité complémentaire s’ajoute à l’IFF actuellement attribuée aux greffiers en chef et aux greffiers et à l’indemnité spéciale allouée aux fonctionnaires de catégorie C.
L’indemnité complémentaire est attribuée :
– aux fonctionnaires qui exercent à titre habituel leurs fonctions dans un service spécialisé dans la poursuite ou l’instruction des infractions terroristes. Le montant mensuel maximal de l’indemnité complémentaire « anti-terroriste » serait de 90 euros pour l’ensemble des fonctionnaires concernés, quel que soit leur grade, les personnels de ces services étant exposés au même risque ;
– et aux fonctionnaires qui exercent par intérim la fonction de chef de greffe, lorsque l’emploi afférent à cette fonction est vacant et que le fonctionnaire est d’un grade inférieur à celui de l’emploi vacant. Le montant mensuel de cette indemnité complémentaire serait fixé à 70 euros sauf pour les greffiers en chef du premier grade assurant l’intérim d’un emploi de chef de greffe hors hiérarchie, pour lesquels il s’élèverait à 110 euros eu égard à l’importance des responsabilités exercées.
Par ailleurs, le ministère de la justice avait souhaité mettre en œuvre en 2007 une politique indemnitaire modulable concernant les fonctionnaires des services judiciaires, pour un montant de 1,06 million d’euros. Cette expérimentation n’a cependant pas été conduite. L’an dernier, le ministère avait indiqué à votre rapporteur qu’« alors que le principe applicable en matière indemnitaire consiste normalement à récupérer 50 % des économies tirées des suppressions d’emplois, il a été décidé, dans le cadre du PLF 2009, et en l’absence de suppressions d’emplois de fonctionnaires des greffes, de dégager une enveloppe budgétaire supplémentaire de 2,9 millions d’euros ». Le ministère précisait que cette enveloppe allait « permettre la mise en œuvre de la modulation indemnitaire envisagée ».
Selon les informations transmises à votre rapporteur, la modulation indemnitaire vise à valoriser la performance d’un fonctionnaire, telle qu’elle est appréciée dans le cadre des procédures d’évaluation et de notation, selon les termes même d’une circulaire récente (5).
Sont exclus de ce dispositif les agents dont les résultats professionnels peuvent être objectivement considérés comme peu ou pas performants (écart au mérite négatif, égal à zéro, inférieur à celui de 2007, inférieur ou égal à un seuil dont la performance n’est pas avérée). Plusieurs représentants syndicaux ont indiqué à votre rapporteur que sont exclus du bénéfice de ce dispositif les fonctionnaires en formation. Même s’il comprend que ces fonctionnaires ne sont plus effectivement dans les juridictions, votre rapporteur juge cette situation incohérente car elle n’est pas de nature à inciter les agents du ministère à se former.
Le pourcentage d’agents ne pouvant bénéficier de cette modulation s’élève à 10,64 %. Trois niveaux de performance ont été retenus pour chacun des corps : « excellent », « très bon » et « bon », chaque niveau correspondant à un taux de modulation indemnitaire différent. La répartition des agents entre chaque niveau sera effectuée sur la base de 20 % des agents d’un même corps dans le niveau « excellent », 30 % dans le niveau « très bon » et 50 % dans le niveau « bon ».
Le paiement de l’indemnité annuelle est intervenu en septembre 2009. Votre rapporteur constate que le montant perçu par les fonctionnaires concernés est sans commune mesure avec les primes perçues par les magistrats. Il souhaite donc que ces indemnités soient très significativement revalorisées.
Votre rapporteur tient à rappeler, une nouvelle fois, la nécessité de réduire l’écart entre le régime indemnitaire des magistrats et celui des fonctionnaires des services judiciaires. L’effort consenti en faveur des catégories B et C n’est pas à la hauteur du rôle joué par les corps concernés dans le fonctionnement des juridictions. L’amélioration du service public de la justice est l’affaire de tous les personnels, qu’ils soient magistrats ou fonctionnaires.
Par ailleurs, il est prévu de mettre en place, en 2010, une prime de fonctions et de résultats (PFR) qui s’inscrit dans une démarche de révision indemnitaire. Cette démarche vise à simplifier l’architecture indemnitaire afin de la rendre plus cohérente, plus souple et plus transparente et à accroître l’efficacité managériale à travers une facilité de pilotage pour l’employeur et une lisibilité accrue pour l’agent. Elle permet d’assurer une reconnaissance du mérite et de la performance individuelle ou collective des agents.
La prime de fonctions et de résultats a vocation à s’appliquer aux corps et emplois de la filière administrative. Les corps et emplois bénéficiaires de ce dispositif seront déterminés par un arrêté ministériel. Cette mise en place nécessitera que soit préalablement tranchée la question de l’appartenance des corps de greffier en chef et de greffier à la filière administrative. Dans la négative, le dispositif PFR ne leur sera alors pas applicable. Il conviendra alors de mettre en place un dispositif spécifique en leur faveur.
L’adoption d’un nouveau cadre indemnitaire pour les greffiers en chef et greffiers des services judiciaires induit une complète remise à plat du dispositif indemnitaire existant et implique notamment l’intégration de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) à la prime de fonctions et de résultats. Les organisations représentatives des personnels devront être étroitement associées à cette mise en place.
Enfin, l’attention de votre rapporteur a été attirée sur le fait que les heures supplémentaires ne sont pas payées aux fonctionnaires des services judiciaires, tandis que le dispositif du compte épargne-temps ne peut être alimenté que de dix jours par an. Au cours de la réunion de la commission élargie, la garde des Sceaux a indiqué, en réponse à votre rapporteur,qu’un projet de décret était en préparation pour permettre le paiement des heures supplémentaires.
De même, plusieurs personnes entendues ont signalé à votre rapporteur que les frais de déplacement sont remboursés de plus en plus tardivement. Il souligne que cette situation peut être vécue comme inutilement vexatoire par les fonctionnaires et les magistrats concernés.
Les années 2007, 2008 et 2009 sont marquées par une montée significative du montant des frais de justice. Pourtant, les efforts accomplis par le ministère de la justice avaient permis de diminuer de 22 % les frais de justice au cours de l’exercice 2006. Il est vrai que la modification du périmètre des frais de Justice depuis 2006 rend délicate la comparaison entre ces deux exercices.
Outre les révisions de tarifs en matière de téléphonie et d’empreintes génétiques engagées par les services de l’administration centrale du ministère de la justice, la baisse considérable de la dépense de frais de justice trouve son origine dans la mise en œuvre d’un plan de maîtrise qui s’est traduit concrètement par la mise en place de structures dédiées, le développement d’action de formation et de sensibilisation, la création d’outils de suivi et d’analyse et les changements de comportement des magistrats prescripteurs. Enfin, le ministère de la justice s’attache aujourd’hui à adapter le circuit d’exécution des dépenses de frais de justice.
De 2002 à 2005, la dépense globale en frais de justice a progressé de 68 %. Sur la même période, les frais de justice pénale ont globalement augmenté de 82 %. L’année 2006 a marqué une rupture avec cette tendance structurelle à la hausse.
Les frais de justice pénale sont la composante essentielle des frais de justice (67 % du volume global, soit un peu plus de 269 millions d’euros en 2008). Les frais de justice en matière commerciale (30 millions d’euros) constituent désormais une composante des frais de justice plus importante que les frais de justice en matière civile (24 millions d’euros).
Cette évolution correspond, pour partie, à une modification de la nomenclature budgétaire, consécutive de l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. En effet, les frais postaux relevant des frais de justice sont désormais imputés sur l’action « Soutien ». Or, ils représentaient près de 60 % des dépenses de frais de justice en matière civile et prud’homale. Par ailleurs, la présentation de la nouvelle nomenclature budgétaire ne permet plus de distinguer les différentes composantes des dépenses en matière commerciale.
En 2008, les frais de justice ont connu une nouvelle hausse de 3,37 % (après une augmentation de2,42 % en 2007) pour atteindre 401,7 millions d’euros. Les frais de justice en matière pénale ont progressé de 8,8 millions d’euros entre 2007 et 2008 (+ 3,36 %) et restent la composante essentielle des frais de justice (67,07 % du volume global 2008).
La dépense de frais de justice en matière commerciale, en hausse de 19,8 % (30,39 millions d’euros en 2008, après une hausse de 8,82 % en 2007) dépasse désormais nettement celle relative aux frais de justice en matière civile, pourtant en hausse significative de 4,57 % en 2008 (24,03 millions d’euros).
Les prévisions de consommation de crédits pour 2009, transmises à votre rapporteur, sont inquiétantes. En effet, le volume global devrait encore progresser de 7,3 millions d’euros, soit une hausse de 1,8 %.
Le ministère estime que les frais de justice en matière civile et en matière commerciale devraient baisser respectivement de 4,0 % et 3,1 %. Votre rapporteur juge cet objectif ambitieux. Dans le même temps, les frais de justice pénale devraient continuer à augmenter de plus de 3,2 millions d’euros (+1,2 %) tandis que les « autres frais de justice » connaissent une énorme hausse de près de 6 millions d’euros (+7,6 %).
Les personnes entendues par votre rapporteur lui ont rappelé que plusieurs cours d’appel ont été – ou sont actuellement – dans l’impossibilité d’honorer les factures liées aux frais de justice.
Le tableau suivant présente l’évolution des frais de justice depuis 2004, les frais postaux, figurant à l’action « Soutien » et non ventilés par catégorie étant présentés dans la ligne « Autres frais de justice » :
ÉVOLUTION DES FRAIS DE JUSTICE DEPUIS 2004
(en millions d’euros)
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 | |
Frais de justice pénale |
320,2 |
376,7 |
262,4 |
262,4 |
269,5 |
272,7 |
Frais de justice en matière civile et prud’homale |
56,5 |
60,6 |
23,0 |
23,0 |
24,0 |
23,1 |
Frais de justice commerciale |
30,1 |
37,5 |
23,2 |
23,2 |
30,3 |
29,4 |
Autres frais de justice |
12,3 |
12,6 |
70,8 |
70,8 |
77,9 |
83,9 |
Total frais de justice |
419,1 |
487,4 |
379,4 |
379,4 |
401,7 |
409,0 |
Source : ministère de la Justice
Globalement, 409 millions d’euros d’autorisations d’engagement avaient été ouverts en 2009 pour l’ensemble des frais de justice. Diminués du montant de la réserve de précaution, les crédits disponibles s’élevaient à 388,5 millions d’euros.
Au sein de cette enveloppe de 388,5 millions d’euros, une réserve pour aléas de gestion de 35 millions d’euros a été constituée dès le début de l’exercice budgétaire afin d’abonder les BOP des cours d’appel en cours d’année pour prendre en compte le niveau réel des charges à payer 2008 et assurer, sur l’ensemble de l’exercice, une équité de répartition de la ressource entre les différents BOP. La levée de cette réserve a permis de procéder à des délégations de crédits complémentaires, dès la fin du premier semestre.
La loi de finances rectificative pour 2009 n° 2009-431 du 20 avril 2009 a annulé 4,98 millions d’euros de crédits mis en réserve de précaution au titre des frais de justice. C’est pourquoi le ministère a obtenu la levée de la réserve de précaution, pour un montant de 15,47 millions d’euros.
Par ailleurs, les reports de crédits issus de la gestion 2008 ont été intégralement alloués aux frais de justice, à hauteur de 8,1 millions d’euros en crédits de paiement. Enfin, des mesures de fongibilité au sein du programme ont été réalisées pour ajuster la dotation mise à disposition des cours d’appel en matière de frais de justice.
Au total, l’enveloppe des crédits destinés au paiement des frais de justice s’élevait, à la fin du mois de septembre 2009 à 406,47 millions d’euros en autorisations d’engagement et 410,74 millions d’euros en crédits de paiement.
La consommation au 30 juin 2009 s’élevait à 245,4 millions d’euros contre 226,1 millions d’euros à la même période en 2008, soit une hausse de 8,5 %. Selon le ministère de la justice, cette progression traduit :
— les effets de l’expérimentation d’un nouveau circuit de paiement des frais de justice, qui permet d’accélérer le traitement administratif des mémoires de frais ;
— les effets du premier recensement exhaustif des mémoires de frais réalisé en fin de gestion 2008, qui a également généré une accélération, par rapport aux exercices antérieurs, du rythme des paiements en début de gestion 2009 ;
— les revalorisations tarifaires intervenues en 2009.
Sur ce dernier point, seule la revalorisation des tarifs des interprètes était effective au cours du premier semestre 2009 (décret n°200-764 du 30 juillet 2008 et arrêté du 2 septembre 2008). Cependant, certaines revalorisations de tarifs, introduites en 2008, ont pu produire leurs effets à compter de 2009, telle que, par exemple, la revalorisation des tarifs des experts psychiatres et des administrateurs ad hoc).
Le tableau suivant présente l’évolution des principaux postes de dépenses de frais de justice en matière pénale :
ÉVOLUTION DES PRINCIPAUX POSTES DES FRAIS DE JUSTICE EN MATIÈRE PÉNALE
(en millions d’euros)
Nature de dépenses |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Évolution 2004/2008 |
Évolution 2007/2008 |
Frais médicaux (hors génétique à partir de 2005) |
77,0 |
70,3 |
61,4 |
65,0 |
72,3 |
- 6,1 % |
11,2 % |
Analyses génétiques |
ND |
23,9 |
20,5 |
16,8 |
17,5 |
- 26,6 % |
4,4 % |
Réquisitions opérateurs (hors location matériel) |
66,0 |
69,1 |
38,3 |
34,6 |
33,3 |
- 49,6 % |
- 3,9 % |
Frais d’huissiers |
14,3 |
14,5 |
14,3 |
14,5 |
15,1 |
5 % |
3,8 % |
Traduction interprétariat |
13,9 |
15,0 |
13,2 |
14,2 |
15,1 |
8,6 % |
6,4 % |
Frais en matière de scellés |
19,8 |
26,9 |
18,3 |
17,1 |
15,2 |
- 23,3 % |
- 11,1 % |
Enquêtes sociales rapides, de personnalité, contrôle judiciaire |
10,7 |
20,3 |
19,8 |
21,0 |
22,6 |
110,2 % |
7,5 % |
Total frais de justice pénale |
201,8 |
240,0 |
185,9 |
183,2 |
191,1 |
- 6,1 % |
11,2 % |
Source : ministère de la Justice
— Parmi ces dépenses, deux catégories connaissent des baisses importantes.
Les frais liés aux réquisitions adressées aux opérateurs de télécommunications sont en baisse depuis 2006. La hausse constatée en 2005 (+ 12,9 %) était déjà bien moindre que celle constatée sur les dernières années (plus de 50 % en 2002 et 2004). Dès la fin de l’année 2005, les négociations menées avec les opérateurs et les sociétés de locations de matériel d’enregistrement d’écoutes téléphoniques se sont traduites par d’importantes baisses de tarifs. De plus, l’arrêté du 22 août 2006, pris en application de l’article R. 213-1 du code de procédure pénale et qui fixe les tarifs applicables conformément au principe de « juste rémunération », a permis des économies significatives. Cette dépense qui s’élevait à 69,1 millions d’euros en 2005, ne représentait plus que 34,6 millions d’euros en 2007 et 33,25 millions d’euros en 2008.
Les frais liés aux scellés sont en nette décrue. Les montants élevés acquittés en 2005 s’expliquent principalement par le paiement d’importants stocks de mémoires de frais impayés présentés par la préfecture de police de Paris et correspondant au gardiennage de véhicules au cours des années antérieures. En 2008, ces dépenses se sont élevées à 15,2 millions d’euros (– 11,1 % par rapport à 2007).
— Les autres catégories de dépenses connaissent des hausses parfois extrêmement fortes
Les frais médicaux sont le premier poste des frais de justice pénale. La dépense est passée de 65,0 millions d’euros en 2007 à 72,31 millions d’euros en 2008, soit une hausse de 11,2 % en un an et de 17,7 % sur deux ans. Ils comprennent les honoraires et les indemnités alloués pour la réalisation d’examens psychiatriques, médico-psychologiques ou psychologiques, les honoraires et indemnités alloués pour des examens toxicologiques, biologiques ou radiologiques, ainsi que les honoraires et indemnités alloués pour autres examens médicaux.
Si ces dépenses baissaient entre 2003 et 2006, elles ont de nouveau augmenté en 2007 de 5,8 %. Ces frais font pour la plupart l’objet d’une tarification par le code de procédure pénale mais les revalorisations successives de la « lettre C » (consultation d’un médecin généraliste) intervenue au 1er août 2006 et au 1er juillet 2007 ont conduit à augmenter le tarif de certaines prestations majeures en matière de frais de justice (examen médical de garde à vue, examen médical des victimes avec fixation de l’incapacité temporaire de travail). Cette hausse est particulièrement significative au niveau de la mise à exécution et de l’application des peines (+ 38,9 %).
La progression des frais d’interprétariat et de traduction est de 6,4 % entre 2007 et 2008 du fait de l’internationalisation croissante de la délinquance pénale et de la forte augmentation des procédures impliquant des étrangers. Le ralentissement de cette hausse s’explique par les mesures d’information des juridictions – leur rappelant notamment que les textes obligent non pas une traduction dans la langue maternelle mais plus simplement dans une langue comprise par le prévenu – et par la diffusion de certaines instructions mettant fin à des pratiques tarifaires contestables – notamment la pratique tendant à rémunérer le temps de transport de l’interprète requis.
La passation de marchés publics portant sur la réalisation d’analyses génétiques effectuées sur les individus aux fins d’alimentation du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) a permis d’obtenir une baisse considérable du tarif unitaire de ces analyses. Cette mise en concurrence a également eu un effet général sur les prix pratiqués par les laboratoires publics et privés et a permis une baisse de cette dépense de 26,6 % entre 2004 et 2008. Cependant, ces frais ont connu une hausse de 4,4 % en 2008 correspondant principalement au développement des analyses génétiques effectuées sur les traces.
La dépense relative aux frais d’huissiers passe de 14,52 millions d’euros en 2007 à 15,06 millions d’euros en 2008. Cette hausse résulte de la revalorisation des tarifs alloués aux huissiers audienciers en application du décret n° 2007-1388 du 26 septembre 2007.
Les crédits demandés pour 2010 s’élèvent à 395 millions d’euros, soit 14 millions d’euros de moins que le montant figurant dans le projet de loi de finances pour 2009.
Le ministère de la justice indique que ce montant tient compte de la réforme de la médecine légale, qui représente un montant de 14 millions d’euros et de la revalorisation des mesures alternatives aux poursuites, pour 4,8 millions d’euros.
La ventilation des crédits entre les différentes catégories de dépenses devrait s’inscrire dans la tendance générale observée depuis 2004.
L’architecture générale de la nouvelle procédure de traitement de la dépense est fondée sur la création d’un service spécialisé placé auprès des plus importants arrondissements judiciaires. Ce service est chargé du traitement de tous les actes de gestion des frais de justice (réception et enregistrement de tous les mémoires reçus par les juridictions de son ressort, contrôle de ces mémoires et mises en paiement). Les services administratifs régionaux assurent, sur délégation des chefs de cour, le rôle de pilotage, de suivi et d’analyse de ce nouveau circuit des paiements dans les domaines relevant de la compétence de l’ordonnateur secondaire. Cette architecture repose sur les principes suivants :
— le magistrat prescripteur conserve le pouvoir de contrôle et d’appréciation du mémoire présenté ; autrement dit, il a la possibilité de rendre une ordonnance de taxe, s’il le souhaite, dans le délai d’un mois après dépôt du mémoire ;
— l’ordonnance de taxe lorsqu’elle est rendue, conserve son caractère juridictionnel ; elle est susceptible de recours (appel et cassation) ;
— l’ordonnateur secondaire (c’est-à-dire le chef de cour) n’a pas le pouvoir de remettre en cause la décision juridictionnelle lorsqu’elle est rendue, mais il acquiert la maîtrise du circuit des paiements et dispose de la possibilité de mettre en place, pour les mémoires d’un faible montant, un contrôle hiérarchisé de la dépense en concertation avec le trésorier-payeur général.
La caractéristique principale de ce nouveau circuit est de mettre en place un régime de traitement spécifique des mémoires de frais de justice dont le montant est inférieur à 150 euros. Ces mémoires qui représentent 80 % des mémoires de frais de justice mais seulement 20 % de la dépense, font désormais l’objet d’un contrôle allégé avant paiement. L’objectif poursuivi est le raccourcissement des délais de paiement. Cependant pour mesurer les risques comptables, un contrôle des mémoires par sondage est mis en place tant au niveau du service centralisateur que de la régie. Ce service centralisateur ayant enregistré l’ensemble des mémoires adressés à la juridiction sera à même de connaître les stocks à payer ainsi que, en fin d’année, le volume des charges à payer.
Ce schéma est entré en application en 2008, à titre expérimental, dans cinq ressorts de cours d’appel. Ces expérimentations s’appuient sur un protocole national entre le ministère de la Justice et le ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique ainsi que des protocoles locaux passés entre les chefs de cour et les trésoriers payeurs généraux.
Cependant la qualité comptable du circuit doit être améliorée. Un effort doit notamment être conduit pour améliorer la procédure de vérification du service fait et du contrôle des mémoires inférieurs ou égaux à 150 euros. Par ailleurs, une réflexion sur le circuit des frais de justice (avec ou sans régie) est en cours, notamment dans la perspective de la mise en place de Chorus. Si l’expérimentation n’a pas été jugée suffisamment probante pour être généralisée en 2009, les résultats encourageants ont justifié qu’elle soit prolongée. Elle a donc été étendue à trois nouvelles cours d’appel – Bastia, Dijon et Nancy– depuis le 1er septembre 2009 et devrait l’être à la cour d’appel d’Aix-en-Provence au 1er janvier 2010.
Le tableau suivant présente, de manière synthétique, l’activité judiciaire observée en 2008 :
L’ACTIVITÉ JUDICIAIRE CIVILE EN 2008
Juridictions |
Affaires nouvelles |
Évolution par |
Affaires terminées |
Durée moyenne |
Cour de cassation |
18 932 |
+ 3,8 % |
18 684 |
NC |
Cours d’appel |
218 315 |
+ 8, 6 % |
217 412 |
12,4 mois |
Tribunaux de grande instance |
921 597 |
+ 1,1 % |
911 574 |
7 mois |
Tribunaux d’instance |
628 700 |
+ 1,1 % |
600 677 |
5 mois |
Sources : Répertoire général civil et rapport annuel de la cour de cassation.
Le nombre d’affaires civiles nouvelles (18 932) portées devant la Cour de cassation a progressé en 2008 de 3,8 %. La Cour a rendu 18 684 décisions, soit 8,2 % de moins qu’en 2007.
La procédure de filtrage institué par la loi organique du 25 juin 2001 permet à la Cour de cassation de déclarer « non admis » « les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation ». Depuis 2002 les affaires en « non-admissions » viennent diminuer à la fois les rejets et les irrecevabilités. En 2008, 3 918 affaires (– 20 %) se terminent ainsi, soit près d’une décision rendue sur quatre.
Les cassations ont diminué en 2008 (– 12,6 %). Elles ont représenté 22 % des décisions rendues. Si l’on ramène ce chiffre aux seules affaires soumises à la chambre, les cassations représentent alors près de 27,8 % des décisions. Les rejets de pourvois représentent 23,7 % de l’ensemble des affaires.
Le nombre d’affaires portées en appel est en nette augmentation de 8,6 % en 2008. Si l’on examine les juridictions qui sont à l’origine des décisions appelées, on constate que la hausse est générale mais particulièrement nette pour les tribunaux de grande instance, les cours d’appel, les tribunaux paritaires des baux ruraux et les juridictions de l’expropriation (+ 36,3 %).
Pour analyser ces chiffres, il convient d’observer si l’évolution des affaires nouvelles des cours d’appel est un simple corollaire de la variation de l’activité des juridictions de première instance, ou s’il s’y superpose une évolution de la propension des justiciables à faire appel.
Le taux d’appel contre les décisions des tribunaux d’instance et des conseils de prud’hommes est en baisse bien que le nombre d’affaires traitées par ces juridictions soit en hausse. En revanche, les taux d’appel progressent contre les décisions des tribunaux de grande instance.
S’agissant des affaires terminées, le mouvement de hausse, interrompu en 2007, est de nouveau très net. Avec 217 412 affaires terminées, l’activité de l’année 2008 connaît une hausse de 5,6 %. Contrairement aux années précédentes, les affaires terminées sont inférieures en nombre aux affaires nouvelles, les cours d’appel ont donc connu un gonflement de leur stock d’affaires en cours de 1 100 affaires, soit un stock global estimé à 219 776 affaires âgées en moyenne de 9,8 mois. Au rythme moyen d’évacuation des affaires en 2008, les 219 776 affaires en stock dans les cours fin 2008 demanderaient désormais 12,1 mois pour être traitées.
La durée moyenne des affaires terminées par les cours d’appel en 2008 s’établit à 12,4 mois, en baisse d’un mois par rapport à 2007. Cette baisse poursuit la tendance amorcée en 2001 en nette rupture par rapport à l’allongement observé les années précédentes. Il convient de préciser que 25 % des affaires sont traitées en moins de 5,3 mois, la moitié en moins de 10,7 mois et 25 % durent plus de 16,7 mois.
Pour l’analyse des statistiques relatives aux tribunaux de grande instance (TGI), il convient de rappeler que, depuis 2004, les données d’activité des TGI comprennent des procédures qui ne faisaient pas auparavant l’objet d’un enregistrement au Répertoire général civil (RGC). Avec la mise en place du nouveau RGC, ces procédures peuvent être identifiées en tant que telles puisqu’elles constituent l’activité de la juridiction au même titre que les affaires traditionnellement prises en compte. Ce changement provoque inévitablement une importante rupture de série en 2004, tant au niveau des flux d’affaires nouvelles et terminées que des durées d’affaires.
En 2008, le nombre d’affaires nouvelles portées devant les TGI s’élève à 921 597 affaires (+1 %) parmi lesquelles se trouvent 113 847 référés et 137 510 ordonnances sur requête. Après une diminution très lente du nombre d’affaires entre 2000 et 2002, l’année 2003 a connu une hausse sensible du nombre d’affaires nouvelles. À périmètre constant, l’année 2004 avait déjà permis de noter une pause dans cette évolution. En 2005 le nombre d’affaires portées devant les TGI était quasiment stable (+ 0,1 %). En 2006 et 2007, le nombre d’affaires a baissé.
En 2008, le nombre d’affaires terminées (911 574) est en hausse de 2,1 %. Son niveau reste inférieur à celui des affaires nouvelles, ce qui provoque une hausse des affaires en cours de plus de 10 000 affaires. Le stock s’établit en fin d’année à 605 504 affaires, âgées en moyenne de 14 mois.
La durée moyenne de traitement toutes affaires confondues (fond et référé) s’établit à 7 mois sachant que cette durée intègre les ordonnances sur requête qui durent en moyenne 6 jours et les référés dont la durée moyenne d’établit à 1,9 mois. La durée des affaires au fond s’établit, en fait, à 7,8 mois.
Il convient de préciser que 25 % des affaires terminées en 2008 devant les TGI l’ont été en moins de 1,6 mois (notamment les ordonnances sur requête) et 50 % en moins de 3,9 mois (notamment les référés). À l’opposé, 25 % des affaires terminées l’ont été en plus de 9,9 mois.
La hausse des affaires terminées est plus particulièrement sensible devant le juge aux affaires familiales (+ 5 %) et le juge de l’exécution (+ 6 %), le contentieux général baisse quant à lui de près de 5 %.
En 2007 les tribunaux d’instance ont été saisis de 628 700 nouvelles affaires, soit 1,1 % de plus qu’en 2007.
Le nombre d’affaires terminées en 2008 atteint 600 677, en baisse de 0,4 %, dont près de 75 000 référés (– 2,7 %). Cette évolution est en rupture avec la tendance à la hausse observée ces dernières années. Le nombre d’affaires terminées demeure en dessous de celui des affaires nouvelles. Le stock d’affaires restant à traiter au 31 décembre 2008 (530 000 affaires) s’est donc accru mécaniquement de 28 000 affaires par rapport à l’année précédente.
La durée moyenne de toutes les affaires terminées en 2008 par les tribunaux d’instance s’est établie à 5 mois, en légère hausse. Les référés sont traités en moyenne en 3,2 mois.
Il apparaît que 25 % des affaires terminées par les tribunaux d’instance l’ont été en moins de 2,2 mois, 50 % l’ont été en moins de 3,7 mois et qu’en revanche 25 % des affaires ont été terminées en plus de 6,4 mois.
Si l’on examine l’évolution des principales familles de contentieux civils en 2008, il apparaît que la hausse des affaires nouvelles au fond s’observe principalement sur les régimes de protection et les autres contentieux civils. Pour la première fois en 2008, les affaires de protection des personnes (tutelle ou curatelle des majeurs, incapacité des mineurs) enregistrent une hausse sensible qui aboutit au niveau le plus élevé des dix dernières années (+ 5,4 %). Au sein de cet ensemble, les ouvertures de régime de protection pour les majeurs augmentent faiblement (+ 0,5 %) par rapport à 2007, tandis que les demandes concernant le fonctionnement des régimes en cours affichent plus de 33 % de hausse. Les ouvertures de régime de protection pour les mineurs diminuent de 10 %.
Le nombre d’affaires enregistrées, qui avait augmenté sensiblement de 2005 à 2006 (7 765 à 9 205), s’est réduit en 2007 pour atteindre 7 963. Ce nombre est de nouveau en hausse de 4,8 % en 2008, soit 8 149 décisions.
Les arrêts de cassation prononcés en matière pénale (480) sont en baisse en 2008, ils ont constitué 6 % de l’ensemble des décisions et 14 % des seules affaires soumises à la chambre (non-admission exceptée). De leur côté, les rejets de pourvois représentent près de 45,5 % des seules affaires admises.
En 2008, les chambres des appels correctionnels ont été saisies de 52 721 affaires, ce qui constitue une hausse de 6,7 % par rapport à 2007. Avec 52 337 arrêts et ordonnances rendus, le volume des affaires terminées a augmenté de 8,9 %. Avec un nombre d’affaires terminées inférieur à celui des affaires nouvelles, le stock d’affaires en cours au 31 décembre a progressé de près de 13 %. Le stock en fin d’année (30 914 affaires) représentait 7 mois d’activité. Par ailleurs, le nombre de personnes condamnées a augmenté de 3,2 % et celui des personnes relaxées est stable.
En outre, depuis le 1er janvier 2005, les appels contre les décisions des juges de l’application des peines relèvent de la chambre de l’application des peines ou de son président. En 2008 elle a ainsi été saisie de 14 859 affaires (+ 23,2 %) et a rendu 15 234 décisions (+ 22,5 %) dont la moitié par le seul président de la chambre.
Par ailleurs, les chambres de l’instruction ont rendu 35 679 arrêts, soit une diminution de 10,4 % par rapport à 2007.
L’ensemble des décisions rendues par les tribunaux correctionnels est en légère hausse en 2008. Le nombre de jugements portant condamnation ou relaxe (359 185) est en baisse de 1,9 % pour la cinquième année consécutive. Cette baisse est, en partie, compensée par l’augmentation (+ 4,3 %) des ordonnances pénales délictuelles (126 667) et la montée en puissance plus massive (+ 15,3 %) de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (plus de 55 000 procédures).
Au total, 488 729 personnes physiques ont été soit condamnées (461 004), soit relaxées (23 239) ce qui aboutit à un taux de relaxe de 4,8 %, stable. De même, 2 533 personnes morales ont été, soit condamnées (1 868) soit relaxées (611) ce qui aboutit à un taux de relaxe de 24,1 %. 126 667 ordonnances pénales ont condamné 126 249 personnes et relaxé 418, soit un taux de relaxe extrêmement faible de 0,3 %.
Globalement les condamnations correctionnelles, qui atteignent 589 121 en 2008, ont augmenté de 4,5 % par rapport à 2007.
Les autres décisions des tribunaux correctionnels (jugements sur intérêts civils essentiellement) sont en hausse de 4,2 % par rapport à 2007.
Le nombre d’affaires en attente de jugement au 31 décembre de l’année demeure important (193 166 en 2008 contre 198 731 en 2007).
Les décisions de poursuite devant les tribunaux de police se sont stabilisées en 2008, marquant la fin du transfert de compétence vers les juridictions de proximité. Ainsi, 2 047 affaires ont été poursuivies devant les tribunaux de police, soit une hausse de 17,5 % par rapport à 2007.
En conséquence, les affaires traitées par les tribunaux de police (hors intérêts civils) sont en baisse en 2008 (– 7 %). Ainsi, les jugements des quatre premières classes rendus par les tribunaux de police deviennent résiduels (à peine 3 000) bien qu’en hausse par rapport à 2007 tandis que les jugements de 5e classe (6), au nombre de 34 194, ont diminué de 6,2 %. De même les ordonnances pénales pour les contraventions des quatre premières classes dépassent à peine 1 500 et celles relatives à des contraventions de 5e classe s’établissent à 30 500, en baisse de 12,1 %.
Parallèlement, devant la juridiction de proximité qui ne traite que des contraventions des quatre premières classes, les poursuites continuent leur progression à un rythme de 1,6 %, nettement plus lent qu’en 2007, avec 455 128 affaires. L’ensemble des affaires traitées progresse au rythme de 8,2 %. Au nombre de 390 399, elles atteignent le niveau le plus élevé jamais connu par ces juridictions. La hausse s’observe davantage sur les jugements (+ 9,3 %) que sur les ordonnances pénales (+ 7,7 %).
III.– L’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE
Le programme « Accès au droit et à la justice » regroupe les crédits destinés à permettre au citoyen de connaître ses droits pour les faire valoir. Ces politiques comprennent quatre volets :
— l’aide juridictionnelle, qui s’adresse aux personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits devant une juridiction, en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense. Elle s’applique aux procédures, actes et mesures d’exécution pour lesquels une admission a été prononcée. Les prestations sont versées aux auxiliaires de justice soit directement, soit par l’intermédiaire des caisses de règlements pécuniaires des avocats ;
— le développement de l’accès au droit, qui repose sur les conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD), institués dans 90 départements. Ces groupements d’intérêt publics sont chargés de recenser les besoins, de définir une politique locale, de faire l’inventaire des dispositifs en place et d’impulser des actions nouvelles. Leurs interventions sont complétées par le réseau judiciaire de proximité, le plus souvent implanté dans les zones urbaines sensibles, constitué d’une centaine de maisons de la justice et du droit, ainsi que d’antennes et de points d’accès au droit ;
— l’aide aux victimes, qui vise à améliorer la prise en compte des victimes d’infractions par l’institution judiciaire, et à rechercher des modalités d’indemnisation plus justes et plus transparentes. Elle s’appuie aujourd’hui sur les commissions d’indemnisation des victimes d’infractions qui constituent des juridictions spécialisées, installées dans chacun des tribunaux de grande instance, et sur un réseau d’associations d’aide aux victimes, chargées d’accueillir, d’orienter et d’accompagner les victimes.
— la médiation familiale, que la loi de finances pour 2007 a inscrite dans le périmètre du programme « Accès au droit et à la Justice ». Ces crédits, auparavant inscrits sur le programme « Justice judiciaire », sont destinés au soutien des fédérations nationales et du réseau des associations et services intervenant en ce domaine.
Il est proposé de doter le programme « Accès au droit et à la justice » de 295 millions d’euros en crédits de paiement, en baisse apparente de 23 millions d’euros par rapport à 2009.
Le tableau suivant détaille, par action, l’évolution des crédits de paiement du programme « Accès au droit et à la Justice » :
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME
« ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE »
(en millions d’euros)
Actions du programme « Accès au droit et à la Justice » |
LFI 2009 |
PLF 2010 |
Évolution |
Aide juridictionnelle |
297,9 |
275,0 |
-7,7 % |
Développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité |
6,5 |
6,4 |
-1,5 % |
Aide aux victimes |
11,0 |
11,0 |
0,0 % |
Médiation familiale et espaces de rencontre (1) |
2,6 |
2,5 |
-3,8 % |
Total |
317,9 |
295,0 |
-7,2 % |
(1) anciennement libellé « Médiation familiale et lieux neutres de rencontre »
Source : projet annuel de performances pour 2010
La commission de réflexion sur les professions juridiques et judiciaires, présidée par Maître Jean-Michel Darrois, a remis son rapport au Président de la République le 8 avril dernier.
S’agissant des propositions concernant la mobilisation de ressources supplémentaires au profit de l’aide juridictionnelle, de leur gestion ainsi que du développement de l’assurance de protection juridique, le garde des Sceaux a demandé à un conseiller d’État et à un magistrat de la Cour des Comptes de lui remettre, avant la fin de l’année 2009, une analyse approfondie de ces propositions et, le cas échéant, des modalités et un calendrier de mise en œuvre.
Les autres propositions font l’objet d’une analyse par les services de la Chancellerie, en liaison avec les professions concernées, avec un double objectif :
— confirmer la disponibilité de l’aide juridictionnelle au profit des plus démunis,
— en renforcer l’efficacité.
Le projet de loi de finances prévoit d’allouer 275 millions d’euros au dispositif d’aide juridictionnelle. Ce montant, en repli de près de 23 millions d’euros par rapport aux crédits ouverts en 2009, sera majoré en gestion de 24 millions d’euros par rétablissement de crédits. Cette procédure est conforme à la recommandation de l’audit de modernisation sur le recouvrement de l’aide juridictionnelle de janvier 2007, visant à mettre en œuvre un mécanisme d’incitation budgétaire lié aux résultats du recouvrement en cette matière.
En réalité, selon le Gouvernement, les crédits disponibles devraient donc être stables en 2010 et conformes aux prévisions de consommation. Votre rapporteur s’interroge tout de même sur le doublement du rythme des rétablissements de crédits, qui ne devaient atteindre que 12 millions d’euros cette année.
Ce budget est destiné à financer plusieurs dispositifs prévus par la loi du 10 juillet 1991 : l’aide juridictionnelle proprement dite, l’aide à l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue, l’aide en matière de médiation et de composition pénales, et l’aide à l’intervention de l’avocat pour l’assistance aux détenus au cours de procédures disciplinaires.
Cette dotation finance également des protocoles d’amélioration de la défense des justiciables conclus entre les juridictions et les barreaux, conduisant à une majoration de la rétribution de l’avocat, limitée dans une proportion maximum de 20 %, pour certaines missions d’aide juridictionnelle et d’aide à l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue et en matière de médiation ou de composition pénales. Ces dispositions concernent les barreaux qui ont souscrit avec les chefs de juridictions des engagements d’objectifs assortis de procédures d’évaluation visant à assurer une meilleure organisation de la défense.
Le nombre des demandes recensées en 2008 baisse de 1,3 % par rapport à 2007. Après une baisse en 2007 (-1,2 %) le nombre total des admissions est stable en 2008. Rappelons qu’après une hausse continue depuis 2002 (+ 9,8 % en 2003, + 10 % en 2004, + 6,6 % en 2005, + 2,1 % en 2006), le nombre total des admissions avait baissé en 2007 (– 1 %).
L’évolution est contrastée selon la nature de l’aide : la baisse des admissions se poursuit sur l’aide partielle en 2008 (-2,8 %), alors que les admissions à l’aide totale, après une baisse en 2007 (-1 %), croissent à nouveau en 2008 (+ 0,3 %).
Le nombre des rejets s’établit en 2008 à 102 475, en baisse de 9,2 % par rapport à 2007, soit un taux de rejet de 9,9 % par rapport aux 1 038 929 demandes examinées. L’un des motifs de rejet est le défaut de communication des pièces justificatives demandées. Le décret n° 2007-1142 du 26 juillet 2007 a introduit une sanction du défaut de production par le justiciable des pièces demandées par le bureau d’aide juridictionnelle dans le délai imparti : la caducité de la demande d’aide juridictionnelle. Dans cette hypothèse, les bureaux ne prononcent plus de décision de rejet, mais une décision de caducité de la demande.
Votre rapporteur s’inquiète cependant des prévisions d’admissions à l’aide juridictionnelle que le Gouvernement prévoit pour 2010. C’est ainsi que le nombre d’admissions pour le contentieux civil devrait passer de 499 400 en 2009 à 514 250 en 2010 (+3 %). De même, le nombre d’admissions annuelles pour le contentieux pénal devrait progresser de 408 600 à 420 750 entre 2009 et 2010, soit une hausse de 3 %.
Même si 24 millions d’euros de crédits viennent abonder la dotation prévue pour 2010, celle-ci sera, au mieux, égale à celle ouverte en 2009, alors même que les besoins devraient croître.
Le tableau suivant présente l’évolution des admissions annuelles à l’aide juridictionnelle :
ÉVOLUTION DES ADMISSIONS ANNUELLES À L’AIDE JURIDICTIONNELLE DE 2004 À 2010
Nombre d’admissions |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
Civil et autres |
478 470 |
503 035 |
515 420 |
500 718 |
489 247 |
499 400 |
514 250 |
Pénal |
353 407 |
383 498 |
389 541 |
389 420 |
400 773 |
408 600 |
420 750 |
Total |
831 877 |
886 533 |
904 961 |
890 138 |
890 020 |
908 000 |
935 000 |
Évolution |
+10,1% |
+6,6% |
+2,1% |
-1,2% |
0% |
+2% |
+3% |
Source pour les années 2002 à 2008 : Répertoire de l’aide juridictionnelle ; à partir de 2007 seules sont comptabilisées les admissions pouvant donner lieu à paiement effectif, toutefois les admissions résultant du maintien de plein droit de l’aide sont exclues du champ de cette statistique.
En 2008, les admissions concernaient pour 47,5 % des procédures civiles, pour 45 % des procédures pénales et pour 7,4 % des affaires administratives ou relatives aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers. En 2002, la répartition était presque similaire (52 % pour des procédures civiles, 42 % pénales et 6 % autres).
Le tableau suivant présente la répartition par type de contentieux des admissions à l’aide juridictionnelle :
RÉPARTITION PAR TYPE DE CONTENTIEUX DES ADMISSIONS À L’AIDE JURIDICTIONNELLE
Nature du contentieux |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Civil |
357 362 |
388 020 |
430 118 |
448 623 |
457 436 |
440 563 |
423 022 |
Pénal |
290 385 |
320 439 |
353 407 |
383 498 |
389 541 |
389 420 |
400 773 |
Administratif |
12 220 |
13 720 |
14 402 |
14 614 |
17 691 |
20 224 |
21 489 |
Entrée et séjour des étrangers |
28 670 |
33 672 |
33 950 |
39 798 |
40 293 |
39 820 |
44 619 |
Total |
688 637 |
755 851 |
831 877 |
886 533 |
904 961 |
890 138 |
890 020 |
Source : Répertoire de l’aide juridictionnelle
En 2008, seules les admissions relatives au contentieux civil baissent
(- 4 %). Les admissions pour le contentieux pénal (+ 2,9 %), administratif (+ 6,3 %), ou le contentieux relatif aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers (+12,1%) continuent à augmenter.
Les admissions à l’aide juridictionnelle civile connaissent une baisse qui concerne quasiment toutes les juridictions civiles et particulièrement le contentieux du divorce (-7,2 %) et le contentieux général devant le tribunal de grande instance (-6,6 %). Rappelons que les admissions à l’aide juridictionnelle civile avaient connu une forte augmentation en 2003 et 2004 (+ 8,6 % et + 10,8 %) et que, depuis 2005, le rythme de progression s’était infléchi nettement (+ 4,3 % en 2005 et + 2 % en 2006) et qu’elles avaient même baissé de 3 % en 2007.
Les admissions à l’aide juridictionnelle pour des contentieux administratifs ont, de nouveau, connu une forte progression en 2008 de 6,3 % après une hausse de 15,1 % en 2007, qui était proche de celle de 2003 (+ 12,3 %), inférieure à celle de 2006 (+ 21,1 %), après une croissance plus modérée entre 2004 et 2005 (+ 5 % en 2004, + 1,5 % en 2005). En revanche, le nombre des admissions relatives aux conditions de séjour des étrangers augmente fortement (+12,1%) après la stabilité observée en 2007.
Les admissions à l’aide juridictionnelle pour des contentieux devant les juridictions pénales, après une relative stabilité en 2007, sont de nouveau en hausse en 2008 (+ 2,9 %). Les admissions pour des procédures correctionnelles représentent, en 2008, 70 % des admissions pénales, les admissions pour des procédures devant le juge des enfants ou le tribunal pour enfants 15 %.
La hausse du nombre des admissions à l’aide juridictionnelle enregistrée au cours des dernières années s’explique par les mesures prises en faveur des justiciables les plus fragiles ou démunis depuis 2002. C’est ainsi qu’ont été permis l’admission sans condition de ressources des victimes des atteintes les plus graves à la personne ou de leurs ayants droit, l’augmentation des correctifs familiaux pour les deux premières personnes à charge du demandeur et l’exclusion des allocations logement de l’appréciation des ressources pour l’admission.
Certaines améliorations ont porté sur la rémunération des avocats. Le décret du 5 septembre 2003 précité a revalorisé le barème de rétribution de l’avocat effectuant des missions d’aide juridictionnelle. La loi de finances pour 2004 a augmenté de 2 % l’unité de valeur de référence. La loi de finances pour 2007 a poursuivi cet effort puisqu’elle a conduit à augmenter de 6 % l’unité de valeur de référence permettant de fixer la contribution de l’État à la rétribution des avocats pour les missions d’aide juridictionnelle, entraînant une hausse de 6 % des rétributions versées aux avocats pour les missions d’aide juridictionnelle achevées à compter du 1er janvier 2007.
D’autres réformes ont conduit à accroître le nombre des bénéficiaires. La loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 (et les décrets du 2 avril et du 5 septembre 2003) a amélioré le régime de l’aide juridictionnelle pour les familles aux ressources modestes et les victimes. La loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a institué une procédure de rétablissement personnel qui a induit une augmentation de 19 % des admissions pour des procédures devant le juge de l’exécution en 2004, suivie d’une hausse de 12 % en 2005 et 5 % en 2006.
S’agissant des procédures d’appel des reconduites à la frontière, l’article 22 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France a prévu le principe du transfert aux cours administratives d’appel de l’appel des décisions des tribunaux administratifs en matière de reconduite à la frontière, antérieurement porté devant le Conseil d’État. Le décret n° 2004-789 du 29 juillet 2004 a fixé la date de ce transfert de compétence au 1er janvier 2005, ce transfert de l’appel aux cours s’est traduit par un nombre important de demandes d’aide juridictionnelle et de décisions d’octroi de l’aide.
L’amélioration de la prise en compte des victimes d’infractions par l’institution judiciaire est un élément essentiel de la politique pénale. Cette évolution majeure s’est traduite par un renforcement des droits des victimes dans le cadre de la procédure pénale et la mise en place de structures appropriées.
L’accès à la connaissance de ses droits, qui est un élément fondamental du pacte social, est une mission assurée par les conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD).
En 2010, les crédits du ministère de la justice destinés au développement de l’accès au droit et au réseau judiciaire de proximité s’élèveront à 5,5 millions d’euros (hors personnels) contre 4,18 millions d’euros en 2009 (+ 32 %). La majorité de ces crédits est allouée, sous forme de subventions pour charges de service public, aux conseils départementaux d’accès au droit.
Cette dotation se décompose en :
— 943 000 euros pour la réalisation de travaux dans cinq maisons de justice et du droit de nouvelle génération ;
— 4,39 millions d’euros pour les conseils départementaux d’accès au droit et le développement des points d’accès au droit.
Dans un contexte où la réforme de la carte judiciaire conduit à développer l’offre de services de proximité en matière d’accès au droit, les principales actions qui seront soutenues en 2010 visent à étendre la couverture du territoire national en conseils départementaux de l’accès au droit et à améliorer la qualité du service rendu aux usagers du service public de l’accès au droit.
En 2009, 91 départements sont dotés d’un conseil départemental de l’accès au droit et 5 nouveaux conseils devraient être constitués d’ici à la fin de l’année dans le Doubs, la Haute-Marne, le Territoire de Belfort, et les Hautes-Pyrénées.
Cette dynamique devrait se poursuivre en 2010, avec la création prévue de conseils départementaux en Vendée, dans l’Aveyron et l’Ariège.
Le programme d’action et de création des conseils départementaux de l’accès au droit s’articule avec les activités en ce domaine des Maisons de la Justice et du Droit (MJD) anciennes ou de nouvelles générations.
La loi d’orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) du 9 septembre 2002 a donné la possibilité à la victime d’obtenir la désignation d’un avocat dès le début de la procédure, et a conféré l’aide juridictionnelle sans condition de ressources aux victimes d’infractions les plus graves. L’intégration de l’assistance des parties civiles dans le champ des protocoles d’amélioration de la défense conclus entre les barreaux et les juridictions, assure la mise en œuvre effective de ces droits.
La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a renforcé, d’une part, l’information des victimes (remise du procès-verbal de plainte à la demande de la victime, information systématique des motifs de classement sans suite) tout en organisant, d’autre part, les conditions d’une meilleure prise en compte des intérêts des victimes au stade de l’exécution des peines et la simplification de la procédure d’indemnisation devant les Commissions d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI).
Par la suite, la loi du 12 décembre 2005 relative à la prévention de la récidive permet à l’avocat de la partie civile de présenter ses observations devant les juridictions de l’application des peines, lors de l’examen d’une demande de libération conditionnelle. La loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, rend possible l’indemnisation des ayants droit des victimes françaises d’actes de terrorisme commis à l’étranger, même lorsque ces ayants droit n’ont pas la nationalité française. La loi du 4 avril 2006 relative à la répression des violences au sein du couple étend la circonstance aggravante liée à l’existence d’une relation de couple aux infractions de meurtre, viol et autres agressions sexuelles.
Une Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) existe dans chacun des 181 tribunaux de grande instance. Cette juridiction civile est composée de deux magistrats et d’un assesseur non professionnel. Les CIVI sont avec le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) les éléments clefs du dispositif autonome d’indemnisation des victimes d’infractions.
Le décret du 13 novembre 2007 a institué un juge délégué aux victimes (JUDEVI), et un service d’aide au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d’infractions (SARVI) a été créé par la loi n° 2008-644 du 1er juillet 2008 créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l’exécution des peines. Ces deux innovations nécessitent de renforcer la performance et la réactivité du réseau des 178 associations locales d’aide aux victimes conventionnées et subventionnées. Près de 65 % d’entre elles devraient signer des conventions pluriannuelles d’objectifs avec les cours d’appel d’ici 2011.
Enfin, aux termes de l’article 706-14-1 du code de procédure pénale introduit par la loi du 1er juillet 2008 précitée, les automobilistes dont le véhicule a été volontairement incendié par un tiers bénéficient de conditions d’indemnisation étendues devant la CIVI.
Le ministère de la Justice accompagne la mobilisation du secteur associatif en finançant, par l’intermédiaire des crédits déconcentrés auprès des cours d’appel, l’action des associations d’aide aux victimes.
En 2006, les crédits ouverts pour les 168 associations locales d’aide aux victimes s’élevaient à 7,3 millions d’euros, en hausse de 12 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005. En 2007, le montant total des crédits déconcentrés aux cours d’appel dans le cadre du soutien aux 172 associations locales d’aide aux victimes est de 7,45 millions d’euros. Ce montant a été porté à 8,8 millions d’euros en 2008 et à 9 millions d’euros en 2009 pour 177 associations locales d’aide aux victimes.
Pour 2010, les crédits destinés au financement du réseau des associations d’aide aux victimes sur le territoire national sont stabilisés à ce même montant. Cette dotation se décompose de la manière suivante :
— 8,8 millions d’euros consacrés au soutien des activités du réseau des associations locales d’aide aux victimes, dont 7,7 millions d’euros pour le financement des conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) et 1,1 million d’euros pour le réseau des associations et services d’aide aux victimes n’ayant pas signé de convention pluriannuelle d’objectifs ;
— 0,22 million d’euros au titre d’actions nouvelles, dont 0,12 million d’euros sera consacré au recrutement de psychologues et de juristes à temps partiel pour 2,95 ETPT en 2010 pour améliorer l’accompagnement des victimes particulièrement vulnérables (90 574 euros), ainsi qu’à la poursuite du développement des permanences des associations dans deux nouveaux bureaux de l’exécution immédiate des peines, au sein de deux nouvelles cours d’assises et dans des hôpitaux les plus importants (33 660 euros) et 0,1 million d’euros consacré au soutien, parallèlement à la réforme de la carte judiciaire, de la réorganisation du réseau associatif dans trois cours d’appel (60 000 euros), et de la modernisation des équipements techniques et informatiques d’associations d’aide aux victimes (40 000 euros).
Des actions spécifiques en direction de victimes particulièrement fragilisées (mineurs victimes, femmes victimes de violences intra-familiales et conjugales, victimes prises en charge dans les services d’urgence des hôpitaux) seront également développées. Le ministère de la Justice prévoit de consacrer une somme de 1,9 million d’euros au versement de subventions à ces structures ainsi qu’au soutien des projets d’accompagnement des personnes particulièrement fragilisées connues du ministère de la Justice, cofinancés par le Fonds social européen.
Les organismes concernés sont notamment les fédérations et les associations nationales avec lesquelles le ministère de la Justice a renouvelé en 2009 des conventions pluriannuelles d’objectifs. Elles participent à des instances de concertation (comme le conseil national de l’aide aux victimes) ou à des groupes de travail chargés de faire des propositions d’amélioration de la situation des victimes, et qui animent des réseaux locaux d’associations qui mettent en œuvre des missions de service public.
Cette dotation de 1,87 million d’euros, en crédits de paiement, se décompose de la manière suivante :
— 1,61 million d’euros pour le renouvellement en 2010 de la convention pluriannuelle d’objectifs avec le Fonds national de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP), et à la suite du renouvellement en 2009 des conventions pluriannuelles d’objectifs avec les fédérations nationales les plus importantes. Entre dans ce champ la mutualisation des plates-formes téléphoniques avec le financement du « 08 victimes » – dont la charge repose entièrement sur le ministère de la Justice et dont le financement n’a pas augmenté depuis deux ans en raison de la politique de resserrement du dispositif –, d’une partie des dispositifs « Alerte enlèvement » et « SOS enfants disparus » qui est remplacé depuis le 25 mai 2009 par le numéro téléphonique européen « 116000 » pour la signalisation des enfants disparus ;
— 0,26 million d’euros consacré aux associations nationales de victimes et d’aide aux victimes appelées à participer à des travaux de réflexion sur le droit pénal et sur la place des victimes dans le procès, à agir auprès des familles de victimes et à intervenir dans des domaines jusqu’alors peu pris en compte par la Justice (violence routière, traite des êtres humains, esclavage moderne, violences faites aux femmes, discriminations, etc.). Des projets bénéficiant des soutiens du Fonds social européen seront également soutenus.
Il est en outre prévu de maintenir un fonds de réserve de 100 000 euros pour les accidents collectifs et les procès exceptionnels.
Votre rapporteur rappelle que 104 290 euros ont été consommés en 2008 par ce fonds et qui ont servi à 93,4 % pour des procès exceptionnels. La cellule de coordination est plus particulièrement intervenue pour le procès de Michel Fourniret et Monique Olivier (mars à mai 2008, devant la cour d’assises des Ardennes), le procès du crash aérien de Saint-Barthélemy (janvier 2008), le procès de l’hormone de croissance extractive (février à juin 2008) et le procès en appel de Pierre Bodein (septembre et octobre 2008).
L’action « Médiation familiale et espaces de rencontre » serait dotée de 2,54 millions d’euros en 2010 (hors dépenses de personnel), soit une progression de 4 %. Cette action s’inscrit dans les orientations du ministère de la Justice qui visent à maintenir les liens familiaux au-delà des séparations et des divorces. La mise en œuvre de ces dispositions repose essentiellement sur le réseau des 213 associations et services de médiation familiale ou espaces de rencontre entre parents et enfants qui bénéficie d’un soutien financier. Ces associations se voient confier par les juridictions ou, à titre conventionnel, par d’autres organismes ou les intéressés eux-mêmes, des missions dont la finalité est d’informer les parties et de permettre un règlement apaisé des conflits familiaux (médiation familiale) et le maintien des liens entre un enfant et ses parents dans des situations où ces derniers ne peuvent les accueillir à leur domicile (espaces de rencontre).
L’essentiel de ces crédits d’intervention (2,57 millions d’euros) est destiné au financement du réseau des associations de médiation familiale ou d’espaces de rencontre sur le territoire national. Sur cette somme, des crédits de 0,9 million d’euros permettront de payer les dépenses courantes de ces structures et une dotation de 1,6 million d’euros sera destinée aux espaces de rencontre qui doivent faire face à une hausse constante du nombre des mesures ordonnées par les juges. S’agissant des espaces de rencontre, il est prévu d’accroître la part prise par le budget de la mission « Justice » dans leur financement qui devrait passer progressivement de 14 % en 2007 à plus de 22 % en 2011, et d’apporter, en 2010, un soutien supplémentaire de 0,18 million d’euros au fonctionnement de 18 espaces de rencontre.
IV.– LA CONDUITE ET LE PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE ET LES ORGANISMES RATTACHÉS
La réforme de l’administration centrale du ministère de la justice (opérée par le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008), la mise en œuvre à titre expérimental du nouveau système d’information financière de l’État (Chorus) et la modification du rattachement des crédits de la Commission nationale informatique et des libertés modifient sensiblement le périmètre du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » (7).
Pour des raisons techniques liées à la mise en œuvre de Chorus, l’essentiel des crédits et des emplois du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » (213) est transféré sur le nouveau programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice : expérimentations Chorus » (310). Seules demeurent sur le programme antérieur les dépenses déconcentrées habituellement supportées par ce programme, ainsi que les dépenses en faveur d’agents de l’INSEE.
Alors qu’il avait indiqué l’an dernier que, dans le projet de loi de finances pour 2010, tous les crédits budgétaires du programme seraient regroupés au sein du nouveau programme, le ministère a prévu le maintien de ce programme. Il est en effet indiqué que la poursuite de la mise en œuvre du nouveau système d’information financière de l’État « rend nécessaire le maintien d’un programme 213 qui permettra la gestion des dépenses déconcentrées d’action sociale et de fonctionnement des magistrats de liaison ».
L’évolution des crédits de ce programme est retracée dans le tableau suivant :
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE CONDUITE ET DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE (HORS CHORUS)
(en millions d’euros)
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | ||||
Ouvertes en 2009 |
Demandées pour 2010 |
Évolution |
Ouverts en 2009 |
Demandés pour 2010 |
Évolution |
11,3 |
5,4 |
– 8,8% |
248 |
5,4 |
– 4,4% |
Placé sous la responsabilité du secrétaire général du ministère de la justice, le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice : expérimentations Chorus » a une double finalité. D’une part, il vient en appui des directions du ministère de la justice, notamment dans les secteurs de l’action sociale, de l’informatique, de la statistique, des études et de la recherche et, d’autre part, il dispose des crédits nécessaires au fonctionnement des services centraux de la Chancellerie.
Pour pouvoir mieux apprécier l’évolution des crédits et notamment ceux affectés à l’administration centrale du ministère, votre rapporteur a collationné les données relevant des deux programmes concernés :
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DES PROGRAMMES DE CONDUITE ET DE PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE (NOS 310 ET 213)
(en millions d’euros)
Ouverts en 2009 |
Demandés pour 2010 |
Évolution | ||
Programme 310 |
||||
État major |
8,59 |
8,71 |
0,12 |
+ 1,4% |
Activité normative |
22,05 |
22,41 |
0,36 |
+ 1,6% |
Évaluation, contrôle, études et recherche |
11,49 |
11,24 |
- 0,25 |
- 2,2 % |
Gestion de l’administration centrale |
86,01 |
86,07 |
0,06 |
+ 0,1% |
Action informatique ministérielle |
83,53 |
86,19 |
2,67 |
+ 3,2% |
Action sociale ministérielle |
25,26 |
29,53 |
4,26 |
+ 16,9% |
Total du programme |
236,92 |
244,15 |
7,23 |
+ 3,0% |
programme 213 |
||||
Activité normative |
0,19 |
0,19 |
– |
0,0% |
Évaluation, contrôle, études et recherche (ancien) |
1,60 |
– |
- 1,60 |
n.s. |
Gestion de l’administration centrale |
9,55 |
5,18 |
- 4,37 |
- 45,8 % |
Total du programme |
11,34 |
5,37 |
- 5,97 |
- 52,7 % |
Total des deux programmes |
248,26 |
249,51 |
1,25 |
+ 0,5% |
Le ministère de la justice, et notamment son administration centrale, était très peu attractif sur le plan indemnitaire, par rapport à l’ensemble des autres grands ministères. Il lui était souvent difficile d’attirer, mais aussi de retenir, dans les services de l’administration centrale, les collaborateurs de bon niveau dont il avait besoin. Dans le cadre de la loi de programmation pour la justice, des mesures indemnitaires ont permis d’améliorer le niveau des indemnités versées aux agents en poste en administration centrale.
Rappelons qu’en 2009, sept emplois (3,5 ETPT) d’agents de l’administration centrale partant à la retraite ont été supprimés.
Il est de nouveau proposé une mesure nouvelle indemnitaire de 200 000 euros pour financer la politique de refondation indemnitaire des différents corps fusionnés de la filière administrative. Cette mesure permettra de continuer à financer, d’une part, la mise en place de la prime de fonction et de résultats pour les attachés de l’administration centrale et, d’autre part, de financer le projet de réforme de la reconstruction des grilles des corps de catégorie B.
Les crédits liés à la conduite et au pilotage de la politique de la justice (programme 310) atteindraient en 2010 244,15 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 3,0 % par rapport à 2009.
Votre rapporteur s’est interrogé sur l’ampleur de cette hausse, compte tenu de la stagnation des crédits destinés au programme « Justice judiciaire ».
Cette hausse s’explique notamment par l’intégration de la masse salariale de 19 agents de l’INSEE qui relevaient précédemment du programme 213 « Conduite et pilotage (hors Chorus) ».
Les crédits de l’action « Gestion de l’administration centrale » sont en hausse notable par rapport au projet de loi de finances pour 2009 – et en hausse modérée par rapport aux crédits effectivement ouverts cette année pour plusieurs raisons :
— une mesure de transfert de 1,5 million d’euros est destinée à reconstituer le fonds de roulement de l’agence pour les projets immobiliers de la justice (APIJ), financée à part égale entre le programme « Justice judiciaire » et le programme « Administration pénitentiaire ». Pour 2010, la subvention pour charge de service public sera, en effet, portée de 8,8 millions d’euros à 10,3 millions d’euros, afin de maintenir un fonds de roulement supérieur à un mois et tenir compte de la baisse des ressources propres ;
— une mesure de transfert de 0,15 million d’euros vers le programme « Entretien des bâtiments de l’État » ;
— une mesure de 0,8 million d’euros, du fait de l’extension en 2010 de la base des loyers budgétaires.
Enfin, les crédits de l’action sociale, en hausse apparente de près de 17 % sont, en réalité stables. La hausse s’explique par le regroupement de ces crédits, dont une partie figure en 2009 au programme 213.
En 2010, l’ensemble des moyens consacrés à l’action sociale sur les deux programmes 213 et 310 et tous titres confondus s’élève à 23 millions d’euros dont un million d’euros de crédits de titre 2 et 22 millions d’euros de dépenses de fonctionnement.
La dotation de titre 2 correspond à des prestations versées directement aux agents et consacrées aux enfants handicapés et aux séjours d’enfants.
Les dépenses de fonctionnement correspondent à des prestations essentiellement assurées par des organismes tiers. Parmi celles-ci, on peut relever une dotation de 3,5 millions d’euros consacrée à la mutuelle de la Justice et une somme de 8,8 millions d’euros en faveur de la Fondation d’Aguesseau pour couvrir les séjours pour les enfants et les familles, les aides et prêts au logement, les secours et prêts sociaux la restauration et le fonctionnement de la fondation.
La réforme de l’administration centrale doit permettre d’optimiser la gestion des fonctions transversales, notamment par la mise ne place d’un secrétariat général rénové. Les fonctions de synthèse budgétaire, de statistique, de pilotage informatique et immobilier sont désormais rationalisées. Un décret du 9 juillet 2008 relatif à l’organisation du ministère de la justice a mis en œuvre cette réforme à compter du 1er septembre 2008.
Le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008 met en œuvre la décision prise par le comité de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 qui vise à regrouper au sein du secrétariat général du ministère de la Justice des compétences antérieurement réparties entre plusieurs directions et services de l’administration centrale et de proposer une nouvelle définition des missions des directions du ministère. Cette réforme est entrée en vigueur le 1er septembre 2008.
Le secrétariat général du ministère de la justice est désormais composé des services suivants :
— le service de la synthèse et de la programmation dont la mission est principalement d’assurer la synthèse des dossiers et documents stratégiques transversaux visant à mettre en œuvre les politiques publiques définies par le garde des Sceaux ;
— le service du support et des moyens du ministère qui apporte son concours aux directions du ministère dans les domaines de l’immobilier, de l’informatique, de la statistique et du contentieux ;
— le service de l’administration centrale qui assure la gestion des personnels et des locaux d’administration centrale du ministère de la justice ;
— le service des affaires internationales et européennes et le service de l’accès au droit et aux victimes, dont les missions sont inchangées.
La direction de l’administration générale et de l’équipement a donc été supprimée. Les compétences de son service central d’information et de communication ont été réparties entre le bureau du cabinet, un département de l’information et de la communication au sein du service de l’administration centrale et la direction des services judiciaires. Le périmètre des missions des autres directions du ministère de la justice n’a pas été sensiblement modifié.
Destiné à se substituer à la Commission de l’informatique, des réseaux et de la communication électronique (COMIRCE) créée en 1996, le comité de gouvernance des systèmes d’information du ministère de la Justice réunit les principaux responsables des directions, des services, des partenaires du ministère de la justice et des représentants des organisations professionnelles. Ce comité a repris les missions originelles de la COMIRCE visant à définir et conduire la politique informatique globale du ministère en faisant notamment émerger une hiérarchie des besoins, piloter les actions de mutualisation et de normalisation, préparer un schéma directeur des systèmes d’information, réaliser une veille technologique et être le représentant de la Commission nationale informatique et des libertés pour l’ensemble du ministère.
L’objectif principal de la réforme a consisté en la mise en place d’une organisation dont la structuration, du fait notamment de la création d’un comité restreint réduit et plus opérationnel, est à même d’assurer une véritable gouvernance de l’ensemble du système d’information et de communication des différentes directions du ministère de la Justice.
Le ministère poursuit ses efforts en faveur du développement des applications informatiques et des moyens bureautiques destinés aux juridictions, aux services déconcentrés, et à l’administration centrale du ministère.
Le budget de l’action informatique ministérielle atteindra 71,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Cinq grands projets informatiques font l’objet d’un effort particulier :
— 6,5 millions d’euros seront affectés à la chaîne applicative supportant le système d’information opérationnel pour le pénal (CASSIOPEE) ;
— 1,5 million d’euros sera destiné au système d’information en matière de gestion des ressources humaines (SIRH) pour l’ensemble des personnels du ministère ;
— 2 millions d’euros seront affectés à la plateforme des interceptions judiciaires ;
— 4 millions d’euros seront consacrés au projet GENESIS qui permet la réécriture du projet GIDE (gestion informatisée des détenus en établissement) ;
— un million d’euros sera affecté au projet PORTALIS pour la chaîne civile. Ce projet a, en effet, été retardé compte tenu de la priorité donnée à la résorption des difficultés du projet CASSIOPEE.
Lors de sa réunion du 2 novembre 2009, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État auprès de la ministre d’État, ministre de la justice et des libertés, sur les crédits de la mission « Justice » pour 2010.
*
* *
M. le président Didier Migaud. Nos deux commissions sont heureuses d’accueillir Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État auprès de la ministre d’État, ministre de la justice et des libertés, afin de les entendre à propos des crédits consacrés à la mission « Justice ».
Pour permettre des échanges directs et vivants avec les ministres et laisser toute sa place au jeu des questions et des réponses, j’invite nos collègues à se montrer concis.
J’en profite pour saluer le travail du rapporteur spécial et des rapporteurs pour avis, qui, au-delà de la présentation de leurs rapports budgétaires, s’apprécie tout au long de l’année, lors de la préparation du projet de loi de finances mais aussi dans le cadre du suivi, du contrôle de l’exécution et de l’évaluation des politiques publiques.
J’appelle l’attention du Gouvernement sur deux points.
D’abord, la carte judiciaire. Certes, l’objectif initial de la simplification n’était pas d’ordre financier puisqu’il s’agissait, je crois, de parvenir à une meilleure administration de la justice. Néanmoins, jusqu’à ce jour, le Parlement a disposé de très peu d’informations concernant les effets de cette réforme sur le coût de la justice. Certains de nos collègues ont même souligné l’apparition de facteurs d’aggravation des coûts. M. Yves Deniaud, rapporteur spécial du programme « Politique immobilière de l’État », a cité l’exemple suivant : le tribunal de Saintes, récemment rénové, a été fermé et ses services ont déménagé vers La Rochelle, où les locaux n’ont pas fait l’objet de travaux récents. En outre, les palais de justice appartenant souvent aux collectivités territoriales, la fermeture des tribunaux n’apporte pas toujours à l’État la perspective de cessions immobilières. Il serait intéressant, madame la garde des sceaux, que vous nous éclairiez sur le détail, par année et par catégorie, des coûts de la réforme et des économies prévisibles.
Ma seconde interrogation concerne le programme de construction d’établissements pénitentiaires. Votre ministère a recouru à des partenariats public-privé : avec le recul, quel bilan en tirez-vous, du point de vue de la complexité de la procédure, des délais et des coûts d’investissement et de fonctionnement, en comparaison avec une maîtrise d’ouvrage publique ?
M. le président Jean-Luc Warsmann. À structure constante, les crédits de la mission « Justice » progressent de 3,3 %, pour atteindre 6,859 milliards. En une période aussi contrainte, cette dotation mérite d’être saluée.
Mais, au-delà des chiffres, nous souhaitons évidemment que vous nous présentiez les grandes lignes de votre politique. L’occasion nous est offerte aujourd’hui de faire le point sur les réformes lancées depuis le début de la législature.
Par ailleurs, comment réagissez-vous aux travaux récents de la Commission des lois ? La mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale a rendu un rapport fort intéressant relatif à la prise en charge sanitaire, psychologique et psychiatrique des personnes placées sous main de justice. J’ai demandé au président de l’Assemblée nationale que ses propositions puissent faire l’objet d’un débat, en application de l’article 145, alinéa 6, du règlement, au cours de la prochaine semaine de séance publique consacrée au contrôle de l’action gouvernementale.
La Commission des lois vient aussi de formuler plusieurs propositions tendant à optimiser la dépense fiscale.
D’abord, le développement de la médiation dans les contentieux familiaux accélérerait le règlement des problèmes de garde d’enfant ou de pension alimentaire tout en améliorant le rapport qualité/prix du service rendu par l’État.
Ensuite, nous avons travaillé sur l’hypothèse d’une fusion entre justice de proximité et justice de première instance, ce qui serait de nature à réduire l’effet de structure et à simplifier le fonctionnement de la justice.
Et puis, la visioconférence devrait devenir la règle et l’extraction judiciaire l’exception.
Nous proposons enfin l’allégement de la procédure de suspension du permis de conduire, qui concerne beaucoup de nos concitoyens, en fusionnant la phase administrative et la phase judiciaire, le système actuel coûtant beaucoup d’argent à l’État et nuisant à la lisibilité de la sanction.
M. René Couanau, rapporteur spécial. Les crédits de paiement de la mission « Justice » augmentent de 3,42 %, à 6,859 milliards. La progression est d’ailleurs ininterrompue depuis des années – la part des crédits consacrés à la justice dans le budget de l’État est passée de 1,85 % en 2003 à 2,45 % en 2010 –, ce qui montre combien la justice est une priorité.
Les nouveaux moyens en personnel sont concentrés sur l’ouverture d’établissements pénitentiaires et, pour un montant équivalent, sur l’accompagnement de la réforme de l’appel, intégrant les professions d’avoué et d’avocat. Peut-être conviendra-t-il, dans les années à venir, de poursuivre le renforcement des effectifs dans les greffes et les services administratifs des tribunaux, les effectifs de magistrats ne semblant pas soulever beaucoup de questions. Quelles sont vos intentions pour les futurs budgets ?
La réforme de la carte judiciaire, menée avec détermination, suit son cours. Dans certaines juridictions, des décisions ont même été prises de façon anticipée. La fermeture de tribunaux s’est déroulée dans des conditions meilleures que prévu, avec des mutations de magistrats jugées convenables. Personne n’attendait d’effet financier immédiat. Cela dit, la réforme de la carte judiciaire coûte de l’argent cette année, en coûtera l’an prochain et continuera d’en coûter au-delà. Quel bénéfice financier pouvons-nous espérer au terme du processus en cours ?
L’un des reproches majeurs émis par les justiciables à propos de notre système judiciaire concerne la longueur des délais s’écoulant entre la commission des faits et le jugement puis entre le jugement et l’exécution de la peine. Vos services ont-ils apprécié les moyens en personnel et en informatique qu’il convient de mettre en œuvre, dans le cadre de la nouvelle politique pénale, afin de raccourcir ces délais ?
La dématérialisation des procédures s’inscrit dans une dynamique de réformes du ministère de la justice qui, fait réconfortant, emporte l’adhésion de l’administration. Cette dématérialisation se heurte toutefois à des obstacles. Les avez-vous identifiés ? Comment espérez-vous les surmonter dans les années à venir ?
Le programme de construction de nouveaux établissements pénitentiaires se poursuit. Quand sera-t-il achevé ? Peut-on d’ores et déjà mesurer ses effets sur la population carcérale ?
Le principe de l’encellulement individuel n’est pas applicable immédiatement, nous le savons bien. L’enjeu n’est pas seulement individuel, les directeurs d’établissement que nous avons rencontrés nous l’ont tous fait observer. La surpopulation de l’établissement complique en effet l’organisation de la « journée du détenu », qui doit comporter des activités de formation et de prévention de la récidive.
À propos du futur programme de construction, divers chiffres ont circulé. Pouvez-vous préciser à quelle date il débutera et quel sera son volume ? Définirez-vous des priorités pour tenir compte du très mauvais état dans lequel se trouvent nombre de maisons d’arrêt, à cause de la surpopulation mais aussi par manque d’entretien et d’espace ?
Quels sont les points forts de votre politique carcérale ? Supposent-ils l’attribution de moyens financiers supplémentaires, en particulier pour les SPIP, les services pénitentiaires d’insertion et de probation ? Compte tenu des allégements de peine prévus dans le cadre de la nouvelle politique pénale, le travail des conseillers des SPIP ira croissant. Le taux d’encadrement des personnes suivies étant déjà assez faible, les moyens seront probablement concentrés sur les actions extérieures aux établissements. Or, pour lutter contre la récidive, il importe de maintenir un accompagnement dans les établissements. Pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions en la matière ?
Il me semble que la déconcentration des décisions financières pourrait être encore renforcée. Les établissements pénitentiaires comme les juridictions manquent sérieusement d’autonomie dans l’utilisation des crédits disponibles, et le délai de réactivité de l’échelon régional n’est pas très bon.
Des sommes considérables sont consacrées à la remise en état des maisons d’arrêt et des établissements pour peine. À Fleury-Mérogis, par exemple, le coût de rénovation par cellule ou par détenu excède largement celui de la construction d’un établissement neuf. Pendant trente ans, le ministère a négligé l’entretien de ses établissements. Pourrait-il se montrer désormais plus prévoyant ?
Enfin, la coopération avec vos services est excellente, puisque le taux de réponse à nos questions atteint 99 %. Je n’en dirai pas autant des indices figurant dans les documents, dont je trouve la signification faiblarde.
M. le président Didier Migaud. Il semblerait que quelques cours d’appel, comme celles de Paris ou de Grenoble, rencontrent des difficultés de paiement. Pourrez-vous nous donner quelques explications, madame la garde des sceaux – à moins que le problème ne soit résolu ?
M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis de la Commission des lois, sur les programmes « Administration pénitentiaire » et « Protection judiciaire de la jeunesse ». Les crédits des deux programmes que je rapporte révèlent la cohérence et la continuité de l’action du Gouvernement. Ces deux administrations jouent un rôle central dans l’exécution des décisions de justice.
Les crédits de paiement alloués au programme « Administration pénitentiaire » sont certes en baisse mais ses autorisations d’engagement augmentent. Il s’agit en effet d’un budget d’exécution de dépenses engagées dans les lois de finances des années précédentes, d’après un calendrier pluriannuel, notamment en vue d’assurer les constructions des établissements du plan 13 200. La hausse des effectifs, à hauteur de 840 équivalents temps plein travaillés – ETPT –, permettra à l’administration pénitentiaire non seulement d’ouvrir de nouveaux établissements mais aussi de faire progressivement monter en charge le nombre de placements sous surveillance électronique.
Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » subit quant à lui une baisse légère, de 1 %, le nombre d’ETPT autorisés diminuant de 333 postes. Toutefois, loin de traduire un désengagement de l’État en matière de prise en charge des mineurs, les crédits ouverts constituent la stricte traduction budgétaire des deux lois du 5 mars 2007, relatives respectivement à la prévention de la délinquance et à la protection de l’enfance. Ces lois tendent à recentrer l’action de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants, tandis que celle des mineurs en danger doit surtout être assurée par les départements, conformément à leur compétence de droit commun en matière d’action sociale.
L’action engagée depuis l’an dernier se poursuivra donc en 2010, des effectifs antérieurement affectés à la prise en charge des mineurs au civil étant réaffectés sur des missions pénales.
Par ailleurs, grâce à une réorganisation administrative bien menée de ses directions régionales et départementales, la PJJ a pu faire baisser de 133 ETPT le nombre d’emplois autorisés pour l’action « Soutien ». Cette rationalisation administrative mérite d’être saluée.
J’ai souhaité étudier trois thèmes : la formation initiale et continue des agents ; la mise en œuvre de la loi pénitentiaire ; la prise en charge éducative des mineurs placés en établissement pénitentiaire pour mineur, ou EPM.
En visitant l’École nationale de l’administration pénitentiaire, à Agen, et l’École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse, à Roubaix, j’ai été très favorablement impressionné par la qualité des formations dispensées. À Agen, par exemple, un bâtiment reproduisant des parties d’un établissement pénitentiaire est utilisé à des fins de simulation, notamment afin de former à la prévention du suicide. Les deux écoles accomplissent également des efforts particuliers en matière de formation continue, nécessité absolue pour des métiers connaissant d’importantes évolutions.
Cependant, l’ENAP, du fait de l’augmentation importante des effectifs formés, apparaît saturée, tandis que l’ENPJJ n’est pas utilisée à sa pleine capacité. En outre, certains enseignements gagneraient à être dispensés en commun, notamment ceux concernant les mineurs incarcérés. Certaines formations de l’administration pénitentiaire pourraient même être réalisées en partenariat avec d’autres écoles de la fonction publique, par exemple, dans le domaine de la sécurité, avec les écoles de police ou de gendarmerie. Quelles mesures envisagez-vous pour favoriser la complémentarité des formations entre les deux écoles relevant du ministère de la justice, mais aussi avec des écoles relevant d’autres ministères ?
J’ai pu apprécier la remarquable implication de l’ENAP et de l’ENPJJ dans la mise en œuvre des classes préparatoires intégrées, dispositif extrêmement novateur et important pour promouvoir l’égalité des chances. Les résultats des deux premières sessions sont d’ailleurs remarquables : neuf auditeurs admis à des concours de la fonction publique sur douze élèves préparés par l’ENAP ; neuf auditeurs sur vingt-cinq admis au concours d’éducateur pour l’ENPJJ.
Il existe cependant des disparités dans les statuts des auditeurs des classes préparatoires des deux écoles : ceux de l’ENAP, inscrits à l’université par leur école, bénéficient du statut d’étudiant et de l’allocation pour la diversité dans la fonction publique, tandis que ceux de l’ENPJJ, en raison d’une durée de formation trop courte, sont dépourvus du statut d’étudiant et ne sont donc pas éligibles à cette allocation. Est-il envisageable de doter d’un statut commun l’ensemble des auditeurs des classes préparatoires intégrées, en lien avec les ministères de l’enseignement supérieur et de la fonction publique ?
L’article 27 de la loi pénitentiaire a institué une obligation d’activité pour les personnes condamnées détenues, avec pour corollaire l’obligation positive, à la charge de l’administration pénitentiaire, de proposer des activités aux détenus. Dans un contexte d’emploi dégradé, quelles mesures 1’administration pénitentiaire prendra-t-elle pour tenter de maintenir et de développer l’offre de travail pénitentiaire ?
Plusieurs dispositions de la loi pénitentiaire ont des implications immobilières significatives, en particulier le droit des personnes détenues au respect de leur dignité, le principe de l’encellulement individuel et l’adaptation de la taille des cellules au nombre de détenus qui y sont hébergés. Ces dispositions rendent indispensable la fermeture des établissements les plus vétustes et la construction de nouveaux établissements pour les remplacer. Le programme 13 200 étant en voie d’achèvement, pouvez-vous nous donner les premiers éléments concernant le futur programme immobilier envisagé, en termes d’ouverture de places nouvelles, de fermetures de places anciennes et de calendrier ?
L’augmentation du nombre d’exécutions de peine en milieu ouvert contraint à s’interroger sur les effectifs des SPIP : si l’on veut éviter que le développement des aménagements de peine conduise à une augmentation du taux de récidive, les mesures de milieu ouvert doivent être assorties d’un suivi et d’un contrôle des condamnés aussi intensifs que possible. Quelles sont vos intentions en termes d’augmentation des effectifs d’insertion et de probation, dans une perspective pluriannuelle ?
Enfin, en visitant l’EPM de Quiévrechain, j’ai constaté que les équipes de l’administration pénitentiaire, de la PJJ, de l’éducation nationale et de la santé pouvaient collaborer très efficacement, dans le respect des cultures professionnelles de chacun mais animées par un objectif commun : l’intérêt du mineur.
Une difficulté liée à la préparation de la sortie des mineurs a cependant été soulevée par l’ensemble du personnel. La semi-liberté est très peu prononcée s’agissant de mineurs, surtout lorsqu’ils sont incarcérés en EPM. Or, cette formule peut être parfaitement adaptée pour les jeunes incarcérés en EPM, dans la mesure où elle leur permet de suivre une formation à l’extérieur et de reprendre ainsi contact avec la société, tout en continuant à bénéficier de l’encadrement éducatif renforcé propre à l’EPM. Ne serait-il pas souhaitable que les conférences régionales des aménagements de peine investissent davantage les questions concernant les mineurs, afin de mobiliser toutes les énergies ?
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la Commission des lois, sur les programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice ». Les crédits de la mission « Justice » augmentent, cela a été dit. L’essentiel de cette hausse est lié au programme « Administration pénitentiaire », ce dont je me félicite. Les augmentations des crédits des programmes concernés par mon rapport sont plus modérées. Ainsi, ceux du programme « Justice judiciaire » progressent de 0,6 % et ceux des deux programmes de soutien de 0,5 %. Quant à ceux du programme « Accès au droit et à la justice », ils sont en baisse apparente de 7,2 %.
Même si elle suit son cours normalement, la réforme de la carte judiciaire suscite des inquiétudes au sein du corps judiciaire. On s’interroge sur la charge qu’elle peut entraîner pour le budget de l’Etat. En présence du Premier président de la Cour des comptes, M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour, a d’ailleurs indiqué à la Commission des lois que la réforme représentera dans un premier temps une charge nette pour le budget de l’État, sans pouvoir préciser expressément ni le montant ni la durée de ce surcoût. Il a envisagé une période comprise entre cinq et dix ans. Je souhaitais, madame la garde des sceaux, appeler votre attention sur cette inquiétude persistante.
Je tiens aussi à revenir sur les modalités de l’accompagnement social de la réforme. A ce sujet, mon attention a été appelée sur le fait que les fonctionnaires des départements de la petite couronne parisienne, affectés par la fermeture de leur tribunal, ne percevraient ni les primes d’aide à la mobilité du conjoint ni les primes de restructuration de service. Qu’en est-il ?
Je vous interrogerai ensuite sur l’Ecole nationale de la magistrature, un sujet qui m’est cher. Une réforme de l’Ecole a été décidée à la suite des conclusions rendues par la commission d’enquête parlementaire chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire d’Outreau. Cette réforme est en cours, mais je m’interroge sur le nombre des recrutements : la promotion 2006 de l’ENM comptait 286 auditeurs de justice ; celle de 2009 n’en compte que 141. Ces recrutements ne suffiront pas à compenser les départs à la retraite des magistrats, estimés à quelque 300 chaque année à l’horizon 2014. Qu’en pensez-vous, madame la garde des sceaux ?
Par ailleurs, la masse salariale des auditeurs de justice figurera en 2010 au budget de la mission « Justice » et non plus au budget de l’ENM. Celle-ci perd donc la maîtrise de ses finances ; et si cela concerne aussi les frais de déplacement, cette évolution ne risque-t-elle pas d’avoir une incidence sur la pédagogie de l’ENM ?
Mes questions suivantes portent sur la situation des fonctionnaires des services judiciaires. Au cours des auditions, mon attention a été à nouveau appelée sur la réduction de leur effectif : on est passé pour la première fois sous le seuil de 2,5 fonctionnaires – toutes catégories confondues – pour un magistrat, avec un ratio de 2,46 en 2009. Or, tout magistrat doit pouvoir s’appuyer sur les fonctionnaires des services judiciaires, avec lesquels il forme équipe, et qui jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de la justice. Sans fonctionnaires, aucun magistrat ne peut prendre de décision.
Pourtant, l’effectif des fonctionnaires de catégorie B stagne. Quant à celui des fonctionnaires de catégorie C, il baisse, alors qu’ils accomplissent un travail d’exécution indispensable. Il est nécessaire d’en recruter, et aussi de revaloriser leur situation, ce qui me conduit à évoquer à nouveau la question des primes.
Le principe d’une prime au mérite modulable, est entré en vigueur. Cette prime vaut pour les magistrats et pour les fonctionnaires des services judiciaires, mais même si l’on tient compte du degré de responsabilité exercé par les uns et par les autres, force est de constater la très forte différence des primes respectivement perçues par les magistrats et par les fonctionnaires concernés. Cette situation, parfois très mal vécue, peut susciter de graves difficultés au sein des équipes, voire mettre le travail en péril. Il semble par ailleurs que les fonctionnaires en congé de formation ne bénéficient pas de ces primes. On peut le comprendre, mais cela a pour effet pervers de ne pas inciter les fonctionnaires judiciaires à se former.
Il apparaît aussi que beaucoup d’heures supplémentaires ne seraient pas payées aux fonctionnaires des services judiciaires et que leur compte épargne-temps ne peut être alimenté que de dix jours par an. Qu’en est-il ? Et qu’en est-il des frais de déplacement qui semblent être remboursés très tardivement ?
J’en viens à l’intégration des salariés d’avoués, pour vous demander, madame la garde des sceaux, si les 190 ETPT sont bien inclus dans le plafond d’emplois figurant dans le projet annuel de performance. Cela semble être le cas ; toutefois, les salariés d’avoués n’apparaissent pas dans le tableau des entrées et des sorties du bleu du ministère des finances ? Qu’en est-il ? Par ailleurs, comment ces salariés seront-ils recrutés ? S’agira-t-il d’un concours réservé, de recrutements sur dossier, ou d’autres modalités ?
Je constate par ailleurs que les frais de justice, après avoir été maîtrisés au cours des années précédentes, augmentent à nouveau. M. le président Migaud et M. le président Warsmann l’ont indiqué, plusieurs cours d’appel sont dans l’impossibilité d’honorer ces factures.
Je conclurai en traitant de l’aide juridictionnelle. Les crédits qui lui sont affectés sont en baisse apparente mais vous nous avez indiqué, madame la ministre, que cette dotation serait en réalité stable puisqu’il est prévu de doubler le rythme des rétablissements de crédits et de les porter ainsi à 24 millions en 2010. Mais, au-delà de la stabilité ainsi rétablie, une augmentation de 3 % de l’aide juridictionnelle devrait être prévue l’an prochain si l’on s’en tient aux données figurant au projet annuel de performances. Je sais qu’une réflexion est engagée sur la réforme de l’aide juridictionnelle ; quelles sont les pistes privilégiées ?
M. le président Didier Migaud. La parole est aux représentants des groupes politiques.
M. Philippe Goujon. L’année 2010 sera, pour la justice, celle de plusieurs grands rendez-vous. Le groupe UMP considère que ce budget aidera à ne pas les manquer car il opère un rattrapage. Le premier rendez-vous, c’est l’entrée en phase opérationnelle de la nouvelle carte judiciaire qui, après s’être heurtée à tous les immobilismes et à tous les corporatismes, est aujourd’hui acceptée dans son principe. Le moment est venu d’en accélérer l’application, sous réserve de quelques corrections là où elles sont nécessaires, à la demande des chefs de cours. Où en est-on du regroupement prévu des 178 tribunaux d’instance et comment se dessine celui des 23 tribunaux de grande instance prévu pour 2011 ? L’enveloppe globale de 375 millions prévue pour l’ensemble de la réforme sera-t-elle maintenue ? Comment se fait l’accompagnement social de la réforme, notamment pour les personnels les plus touchés que sont les greffiers et les autres fonctionnaires de justice, souvent en poste depuis très longtemps ? Comment s’accomplit la réorganisation des barreaux concernés ? Confirmez-vous l’économie programmée de 300 ETPT ? L’anticipation des conséquences immobilières de la réforme pour lesquelles 77 millions sont inscrits a-t-elle été suffisante ?
Cent millions confortent par ailleurs la modernisation immobilière des juridictions. Mais qu’en est-il du nouveau tribunal de grande instance de Paris, dont la réalisation a été décidée mais pour lequel aucun crédit d’acquisition des terrains nécessaires dans le quartier des Batignolles n’est prévu ?
Le deuxième grand rendez-vous, c’est l’application de la loi pénitentiaire, texte fondateur. Au-delà du plan « 13 200 », lancerez-vous effectivement un nouveau programme de 11 000 places de remplacement des établissements les plus vétustes, vous conformant ainsi aux règles pénitentiaires européennes et à la loi pénitentiaire ? Pouvez-vous faire le point sur les travaux en cours aux Baumettes et, à la demande de mon collègue Serge Blisko, à La Santé ? Comment, dans le cadre de la RGPP, comptez-vous abaisser les coûts de construction ?
L’alternative à la construction de prisons, ce sont les aménagements de peine, qui ont triplé depuis 2007 pour concerner 14 % des condamnés en 2009. L’objectif de 18 % sera-t-il atteint en 2011 et pourrez-vous aller au-delà ? L’organisation devra sans doute être revue pour permettre, comme le préconise le rapport Lamanda, de doubler le nombre de bracelets électroniques disponibles tout en les miniaturisant. Mais l’objectif prioritaire que constitue, dans la loi pénitentiaire, le développement des aménagements de peines doit être tenu dans toutes ses dispositions. À ce sujet, combien de nouvelles places spécialisées en quartier de courtes peines, en centres de semi-liberté et en centres pour peines aménagées sont-elles prévues ? Quelles perspectives peut-on envisager pour le travail en détention, pour aller au-delà des 37 % de détenus actuellement employés ?
Après le récent pic de suicides – déjà connu en 2000 –, quelles mesures comptez-vous prendre, outre celles déjà appliquées ?
En matière d’accès aux soins, où en est la mise en œuvre du schéma national d’hospitalisation et l’ouverture, prévue entre 2010 et 2012, des neuf premières unités hospitalières spécialement aménagées ? L’augmentation de l’indemnité annuelle et la réorganisation des missions des médecins coordinateurs rendront-elles ces postes suffisamment attractifs pour satisfaire les besoins ? A-t-on pourvu les quartiers de mineurs de médecins référents ?
Le troisième grand chantier est celui de la prise en charge des mineurs délinquants, marqué par les deux lois de 2007. Quel sera l’effet de ces lois sur l’affectation des effectifs ? Serez-vous en mesure d’améliorer le taux de réponse pénale – qui a déjà augmenté de dix points en cinq ans – pour atteindre l’objectif d’une réponse rapide pour chaque infraction et, en 2011, de 70 % de jeunes n’ayant ni réitéré ni récidivé ?
L’attention portée aux victimes et aux justiciables en général est une autre priorité. Des marges de progrès existent encore dans de nombreuses juridictions pour une meilleure maîtrise des délais de traitement des affaires ; certaines juridictions ont fait des efforts sensibles, d’autres beaucoup moins – comment les y inciter ?
La meilleure reconnaissance des personnels passe par la revalorisation de la fonction de greffier, selon les préconisations du rapport Guinchard. Cela concerne le paiement des heures supplémentaires, la création d’un greffier juridictionnel, l’arrêt de la dégradation du ratio magistrats-greffiers, le rapprochement avec les corps administratifs. Où en est-on ?
Enfin, où en sont les efforts en matière d’extraction judiciaire et de réduction des escortes et transfèrements ? Pourra-t-on aller au-delà de la baisse de 5 % programmée en 2010 et recourir beaucoup plus fréquemment à la visioconférence comme je le recommandais dans le débat sur la loi pénitentiaire ? Quand on sait que ces missions mobilisent, pour la seule gendarmerie, mille gendarmes mobiles par jour, on se rend compte que cette question mérite d’être traitée avec attention.
En conclusion, et sous réserve des réponses aux questions ainsi posées, je considère que ce budget permet, dans un contexte contraint, la mise en œuvre de réformes ambitieuses et attendues par nos concitoyens, et la correction des dysfonctionnements constatés par plusieurs rapports récents et illustrés par des affaires qui ont défrayé la chronique. C’est en cela que 2010 sera une année importante pour la justice.
M. Dominique Raimbourg. Comment, se demande le groupe SRC, répondre aux interrogations si délicatement formulées par M. Garraud ? Il vous demandait en réalité, madame la garde des sceaux, comment vous parviendriez à faire plus ou au moins autant avec des moyens en baisse, avec 314 postes de greffiers en moins, avec la morosité que suscite la différence du montant des primes alloué aux magistrats d’une part, aux fonctionnaires judiciaires d’autre part ? Ces questions sont évoquées chaque année par les syndicats de greffiers, avec une amertume qui confine maintenant à la désespérance.
Comment la protection judiciaire de la jeunesse fera-t-elle face avec des postes en moins ? J’ai bien compris que le report est dû à l’examen du projet de loi sur l’enfance en danger, mais quelle sera l’articulation entre l’Office national de l’enfance en danger, les services du conseil général et ceux des services de protection judiciaire de la jeunesse ? Comment prendra-t-on en charge les jeunes majeurs relevant actuellement de la DJJ ? Comment se fera la transition ?
La même interrogation vaut pour l’aide juridictionnelle, dont le budget baisse de 317 à 295 millions. Certes, vous espérez voir s’améliorer le recouvrement des frais de justice, mais c’est bien aléatoire, et il n’est pas sûr que ce meilleur recouvrement suffise à compenser la baisse des crédits de l’aide juridictionnelle.
S’agissant de l’informatique, quand l’efficacité du programme Cassiopée sera-t-elle à peu près satisfaisante et quel est son coût ? Où en est la « mise en état virtuelle » ? Peut-on espérer l’harmonisation des opérations conduites par les avocats et de celles que conduisaient les avoués ?
S’agissant de la justice civile, les indicateurs de performance ont-ils été établis en concertation avec les magistrats et les greffiers ? Sinon existe-t-il une perspective de concertation pour mesurer la performance de chaque service ? Permettez-moi à ce sujet de m’attarder un instant sur le mode de calcul de l’un de ces indicateurs – celui de la durée des procédures –, qui peut sembler anecdotique mais qui ne l’est pas. Il est en effet spécifié que cette durée est calculée en incluant les procédures de référé. Belle preuve d’honnêteté intellectuelle que cette précision, à ce détail près que, à télescoper des données aussi disparates, on ne facilite pas la mesure véritable du délai d’attente dans les juridictions ordinaires – pour les affaires familiales par exemple.
S’agissant de la procédure et du droit pénal, il est impératif d’augmenter le nombre des conseillers d’insertion et de probation. Ils devront affronter des tâches nouvelles, et ils ne sont manifestement pas assez nombreux pour les mener à bien.
Comment, d’autre part, va-t-on recruter des médecins coordonnateurs en nombre suffisant ? Alors que votre prédécesseur, madame la garde des sceaux, avait annoncé la présence de 500 de ces médecins fin 2009, on en compte guère que 200 ! Un manque cruel d’appétence se fait sentir pour cette fonction assez peu attirante, et en termes de rémunération et en terme de culture professionnelle. Or, les médecins coordonnateurs sont une pièce importante du dispositif d’injonction thérapeutique. Comment progressera-t-on ?
Vos services, madame la ministre, disposeront-ils de bracelets électroniques en nombre suffisant pour respecter les nouvelles dispositions de la loi pénitentiaire, qui rendent automatiques l’examen de la situation des détenus à quatre mois de leur libération. Il existe 4 000 de ces bracelets aujourd’hui, 15 000 sont en commande – est-ce suffisant, alors que 65 000 détenus sont libérés chaque année ?
J’en viens aux bâtiments et, plus exactement, aux interrogations que ne manque pas de susciter la réforme de la carte judiciaire. Combien va-t-elle coûter, quel bénéfice en attendez-vous, et à quel terme ?
La presse se plaît à rapporter certaines malfaçons qui ont affecté la construction de maisons d’arrêt, comme ces portes qui ne ferment pas. N’y aurait-il pas lieu de renforcer la direction chargée de la maîtrise d’ouvrage ? S’agissant des partenariats public/privé, les groupes qui répondent aux offres sont peu nombreux : dès lors, la concurrence est-elle suffisante pour garantir des prestations de qualité et des prix bas ?
Enfin, j’ai constaté lors de nos auditions que certaines catégories de personnel, notamment les greffiers, font état chaque année des mêmes griefs et ressassent leur amertume. Comment entendez-vous agir pour remédier à cette morosité générale ?
M. Michel Vaxès. Au préalable, permettez-moi de vous poser deux questions relatives aux réformes prévues pour 2010. La recommandation du rapport Darrois – tendant à instaurer l’acte contresigné par l’avocat – et reprise dans une proposition de loi de M. Étienne Blanc, emporte-t-elle votre adhésion ? Nous partageons pleinement l’inquiétude et le désaccord dont ont fait part les notaires : une prérogative de puissance publique ne peut être confiée qu’à un professionnel placé sous le contrôle permanent de l’État. De fait, cette réforme aboutirait à un affaiblissement du service public du droit.
L’arrêt rendu le 13 octobre par la Cour européenne des droits de l’homme impose le plein exercice des droits de la défense dès la première minute de la privation de liberté, soit dès le début de la garde à vue. Envisagez-vous de suivre cette jurisprudence ou lui préférez-vous les conclusions de la commission Léger, qui vont en sens contraire ?
J’en viens au budget 2010. La France se situe au 35e rang européen pour la part du budget consacrée à la justice – 2 % cette année. Comme le faisait remarquer M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, auditionné par notre commission : « les moyens financiers dont disposent le ministère de la justice ne sont pas à la mesure de ce qu’exigeraient une démocratie et une République modernes ».
La hausse que connaît ce budget est absorbée dans sa quasi-totalité par le programme « Administration pénitentiaire ». Mais celui-ci, au regard de la nouvelle loi pénitentiaire, demeure très insuffisant. Certes, il est le seul à bénéficier de créations de postes, mais leur nombre – 1 113 – est faible puisque, rien que pour les nouveaux établissements, 1 200 postes seraient nécessaires. Est-ce à dire que les effectifs ne seront pas renforcés dans les prisons existantes ?
L’objectif n° 3 du programme est de développer les aménagements de peine. Mais seuls 262 agents, toutes filières confondues, viendront renforcer les SPIP. Tant que les moyens alloués seront aussi faibles, comment mener cette action majeure ?
Enfin, alors qu’il avait été question d’améliorer les conditions de détention des détenus, seuls 17,3 % du budget alloué à l’administration pénitentiaire seront dédiés à l’action 2 – accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice dans des conditions dignes et satisfaisantes. Comment, dans ces conditions, atteindre les objectifs affichés par le Gouvernement lors de l’examen de la loi pénitentiaire ?
S’agissant du programme « Justice judiciaire », les 18 indicateurs du projet annuel de performance tendent principalement à mesurer les délais de procédure. La Cour des comptes, soulignant que « cet objectif ne peut-être la seule préoccupation du service public de la justice », a recommandé en 2007 de compléter le projet par un indicateur sur le nombre de détentions provisoires suivies d’un non-lieu. Cette recommandation n’a été suivie d’effet ni en 2007 ni en 2008. Votre prédécesseure, interrogée l’année dernière à ce sujet, avait pourtant trouvé l’idée intéressante.
Si les besoins en emplois de l’administration pénitentiaire sont considérables, ceux de la justice judiciaire sont pressants. Pourquoi le nombre de places offertes aux concours de l’Ecole nationale de magistrature ne cesse-t-il de diminuer ? Pourquoi n’y aura-t-il pas de concours de greffier en chef en 2010 ? Les greffiers peuvent-ils espérer voir leurs heures supplémentaires – certains en cumulent 600 – indemnisées en 2010 ?
Pour ce qui est du programme « Accès au droit et à la justice », le budget alloué à l’aide juridictionnelle et à l’accès au droit est en baisse constante depuis trois ans – 7,8 % par rapport à 2009 –, alors même que les prévisions font état d’une progression du nombre de bénéficiaires – + 3 % par rapport à 2009. En violation de la Convention européenne des droits de l’homme, l’État continue ainsi de réduire sa participation et risque de mettre en péril la pérennité du système.
Dans le programme « Protection judiciaire de la jeunesse », je note que l’écart entre la part consacrée à la mise en œuvre des mesures judiciaires en direction des mineurs délinquants – 71,35 % – et la part dédiée aux mineurs en danger ou aux jeunes majeurs – 9,26 % – se creuse, puisque le rapport était de 62/19 l’année dernière et de 50/30 l’année précédente. J’y vois une anticipation du rapport Varinard, qui prônait un recentrage des établissements et des services de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse sur les mineurs ayant commis des actes de délinquance.
Cela impacte directement les finances des départements. Pourquoi le fonds national pour la protection de l’enfance, institué en 2007 pour compenser le transfert de la compétence de la protection sociale et de l’aide sociale à l’enfance aux départements n’est-il toujours pas doté ? Pourquoi le décret n’est-il pas encore paru ? La Cour des comptes a insisté sur la nécessité de renforcer la position de l’Observatoire national de l’enfance en danger, associant l’État et les départements, et de le doter de moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux. Allez-vous œuvrer afin que cette recommandation soit suivie d’effets ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Pour répondre d’abord à M. Jean-Luc Warsmann, qui me demandait quelles étaient les grandes lignes de notre politique, je dirais que nous essayons d’abord de renforcer ce pilier institutionnel qu’est la justice. Si les citoyens ont le sentiment que des règles du jeu existent, qu’elles sont respectées par tous et appliquées équitablement, la cohésion d’une nation est garantie.
Mais nous voulons aussi répondre aux attentes, aux inquiétudes et aux critiques dont la justice fait l’objet. Il nous paraît essentiel de la rendre plus rapide dans son exécution, plus simple dans son fonctionnement et plus effective lorsque des sanctions sont prononcées.
La hausse du nombre des greffiers et des fonctionnaires doit permettre aux magistrats de se concentrer sur le cœur de leur mission, rendre des jugements. J’ai écrit aux procureurs pour leur demander de me communiquer les délais moyens, afin de dresser un état des lieux annuel, juridiction par juridiction. Je leur ai aussi demandé de me transmettre la liste des dossiers en instance depuis plus de cinq ans. La dématérialisation devrait permettre d’accélérer les procédures. Enfin, certaines procédures simplifiées ne sont pas suffisamment utilisées, comme la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
La tendance à la judiciarisation des affaires contribue de façon certaine à l’engorgement des tribunaux. Or, qu’il s’agisse du pénal, du civil ou des prud’hommes, il est possible de recourir à la médiation et à la conciliation : cela permet d’éviter le passage devant le juge ou, si la procédure doit suivre son cours, de la simplifier et de l’accélérer.
Enfin, j’ai rappelé lors des débats sur la loi pénitentiaire que je m’étais fixé un objectif de résorption des 32 000 condamnations annuelles qui ne sont pas exécutées. Pour cela, nous disposons de plusieurs outils dont la possibilité, donnée par la loi pénitentiaire, d’aménager les peines de moins de deux ans.
M. Migaud m’a interrogée sur la simplification de la carte judiciaire. Le coût immobilier de la réforme se situe aux environs de 385 millions d’euros, les dépenses étant censées s’étaler jusqu’en 2018. S’agissant des économies attendues à plus long terme, les réponses que j’ai obtenues de mon administration sont pour le moment insuffisantes : il nous faut encore affiner nos évaluations.
Vous m’avez parlé ensuite des difficultés de paiement de certaines cours d’appel. La responsabilité gestionnaire des cours d’appel appartient, je le rappelle, aux premiers présidents et aux procureurs généraux. Elle s’exerce évidemment dans le cadre des crédits disponibles, qui s’élevaient en 2009 à 315 millions – montant globalement suffisant. Si certaines cours d’appel rencontrent des difficultés de paiement, il s’agit de difficultés ponctuelles, auxquelles on remédiera facilement. Elles sont dues peut-être au relèvement des tarifs médicaux ou aux frais de stages.
S’agissant des visioconférences, 6 000 ont été réalisées depuis le début de l’année, dont 4 000 avec les détenus. Les situations varient d’une juridiction à l’autre, les tribunaux de Marseille, Bordeaux et Auxerre marquant une certaine avance. Ces pratiques, qui doivent rentrer dans la culture judiciaire, permettent notamment de réaliser des économies sur les transfèrements.
M. Warsmann m’a interrogée sur les nouveaux programmes d’ouverture de prisons qui compensent, dans le cadre de la RGPP, les fermetures d’établissements anciens. Je ne suis pas opposée à la fermeture de prisons vétustes et mal adaptées. Mais je me réserve la liberté de revenir sur certaines décisions qui tendraient à créer des ensembles gigantesques et déshumanisés, risquant de mettre en échec notre politique de réinsertion. Il nous faut trouver un équilibre entre la rationalisation et une approche plus humaniste de la détention.
La prise en charge sanitaire et médicale dépend aussi du ministère de la Santé. Dès mon arrivée place Vendôme, je me suis entretenue avec Mme Bachelot ; nos cabinets respectifs travaillent en étroite collaboration sur la question du déficit en personnels dans certaines spécialités et sur le manque général d’appétence des médecins pour le travail en prison.
S’agissant du retrait du permis de conduire, il est difficile de réaliser une fusion complète des phases administrative et judiciaire tout en respectant les caractéristiques de chacune des procédures. Mieux vaut s’attacher, par exemple, à réduire les délais pour la récupération de points.
Monsieur Couanau, vous avez rappelé que la justice était l’un des rares ministères à voir ses crédits augmenter. Cela nous permet de répondre à un certain nombre de priorités, mais pas à toutes. Un budget est une somme de choix, l’expression d’une politique ; je n’en connais aucun qui ait permis de répondre aux attentes de tous. De ce point de vue, les ministres sont égaux devant Bercy !
S’agissant de la carte judiciaire, qu’il soit clair que je ne reviendrai sur aucune décision prise avec moi. Il y va de la continuité de l’État. Le secrétaire d’État, M. Bockel, effectue de nombreux déplacements pour vérifier que les personnels reçoivent un traitement conforme à nos engagements.
Alors qu’on avait parlé de 700 à 800 millions d’euros, le coût des investissements immobiliers est aujourd’hui fixé à 385 millions d’euros, auxquels il faut ajouter, bien entendu, les charges de personnel ainsi que les frais d’adaptation des cabinets d’avocats à la réforme de la carte judiciaire. Ces derniers crédits sont en effet inscrits dans le budget. S’ils ont été très peu consommés jusqu’à présent, on doit prévoir un accroissement en 2010 des dossiers soumis à la commission.
Vous me demandez si la réforme va générer des économies : sincèrement, je ne peux pas répondre aujourd’hui à cette question.
Vous avez signalé les difficultés de la dématérialisation, notamment en ce qui concerne Cassiopée. Nous travaillons à les résoudre. Les services et les opérateurs en cause ont été convoqués et avertis que nous ne tolérerions plus à l’avenir ni nouveaux retards ni dysfonctionnements. Toutefois, nos services ne sont pas les seuls à devoir apprendre cette nouvelle culture : nos efforts resteront vains tant qu’ils ne seront pas partagés par nos partenaires – nous ne pouvons pas encore, par exemple, échanger avec les services de police.
La chancellerie, pour sa part, continue son grand mouvement de modernisation, qu’il s’agisse des chantiers de la signature électronique, des documents d’état-civil, des procès-verbaux électroniques ou de la visioconférence. Tout cela entre progressivement dans les mœurs.
L’augmentation du nombre de fonctionnaires, de greffiers et d’assistants est un de mes choix budgétaires et une demande unanime des syndicats de magistrats. Je compte en outre proposer dans quelques semaines de nouvelles solutions pour recentrer les missions des agents sur leur cœur de métier, dans une perspective d’enrichissement des tâches ainsi que de simplification et d’accélération du fonctionnement de la justice.
Vous avez appelé mon attention, monsieur le rapporteur spécial, sur le risque que l’intervention des services pénitentiaires d’insertion et de prévention, les SPIP, se développe en matière d’aménagement des peines au détriment de leur mission à l’intérieur des établissements pénitentiaires. Vous avez noté que le projet de budget crée 260 postes supplémentaires pour les SPIP, ce qui n’est pas négligeable. Nous travaillons en outre à faire évoluer leurs missions vers une prévention accrue et vers une plus grande cohérence, conformément à l’accord statutaire signé en juillet. Une telle évolution contribue également à l’enrichissement des tâches.
M. René Couanau, rapporteur spécial. À propos du programme de construction de nouvelles places en maisons d’arrêt, les chiffres de 11 000 et de 5 000 places ont été évoqués, en sus du programme de 13 200 places. Qu’en est-il ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Le programme de construction de 11 000 places est essentiellement destiné à remplacer les places vétustes, conformément à la volonté du Président de la République que les établissements pénitentiaires respectent davantage la dignité humaine. Quant aux 5 000 places supplémentaires, elles doivent permettre, non plus d’atteindre un objectif de baisse de la surpopulation carcérale, qui est d’ores et déjà réalisé– avec 63 000 places pour 61 000 condamnations en 2012 –, mais de commencer à répondre à l’obligation d’encellulement individuel voté par le Parlement.
M. René Couanau, rapporteur spécial. Dans des établissements de petite taille ou de taille moyenne ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. De taille moyenne en tous les cas. Le problème est de trouver la bonne échelle, en sachant qu’elle dépend aussi de la qualité humaine des personnels. J’ai pu constater en effet que celle-ci permettait d’assurer des conditions d’incarcération acceptables même dans des établissements de grande taille, voire vieillots.
Vous avez souligné à juste titre, monsieur le rapporteur pour avis, que ce budget se caractérise, à la fois par une diminution des engagements et une augmentation des paiements, ce qui est tout à fait normal. Quant à la baisse des postes de la PJJ, vous avez souligné qu’elle traduit le recentrage de son action sur la lutte contre la délinquance des mineurs, conformément à la loi. Les changements que l’on demande aujourd’hui à la PJJ font peser sur elle une forte pression : il est de notre rôle d’accompagner ces personnels dans des mutations parfois traumatisantes.
La complémentarité des formations et des moyens doit être renforcée.
Dès mon arrivée place Vendôme, j’ai demandé aux responsables de L’ENM et de l’école nationale des greffes d’approfondir les relations de travail qu’elles entretenaient déjà l’une avec l’autre.
La disparité de statuts des auditeurs des classes préparatoires intégrées, que vous avez soulignée, est inévitable, certains relevant d’un établissement public, les autres d’un simple service administratif.
Vous savez que j’ai fait de l’obligation d’activité, inscrite dans la loi pénitentiaire, une de mes priorités. Je suis persuadée que nous pouvons améliorer la situation actuelle, et j’ai demandé qu’on en dresse le bilan, établissement par établissement. J’ai d’ores et déjà, dans le même but, établi des contacts avec de grandes entreprises et avec le MEDEF, qui est prêt à prendre sa part de cet effort. Nous devons faire preuve d’imagination dans ce domaine et saisir les opportunités offertes par la protection de l’environnement ou les nouvelles technologies. Nous devons également développer certains travaux d’intérêt général. C’est de l’intérêt de tous, notamment si cela permet à l’opinion publique de considérer les détenus comme susceptibles de participer positivement à la vie de la société. J’ai de la même façon demandé qu’on m’expose un bilan de la formation des détenus : il est indispensable de donner aux détenus des perspectives d’avenir en leur permettant de s’intégrer et de progresser. S’ils ont pour seule perspective la stagnation ou la régression, à l’intérieur comme à l’extérieur, ils s’enfonceront dans le désespoir.
En ce qui concerne les difficultés de la sortie et les possibilités d’utilisation du régime de semi-liberté pour les jeunes, vous faites une proposition intéressante, qui relève du bon sens et offre des perspectives d’avenir.
Vous m’interrogez, monsieur Garraud, sur les primes des fonctionnaires touchés par les restructurations en petite couronne. Les dispositifs de droit commun s’appliquent bien évidemment à eux, pourvu qu’ils satisfassent aux conditions requises. Le changement seul ne suffit pas : il faut que celui-ci entraîne une contrainte ou une difficulté particulières qui doivent être compensées.
Les postes mis au concours de l’ENM correspondent au nombre de départs à la retraite. Ceux-ci ne sont pas de 200 ou de 300, comme certains le prétendent, mais de 170 à 180. L’incertitude tient au fait que certains magistrats émettent le souhait de rester en poste au-delà de l’âge de la retraite. Il faudrait, à ce propos, creuser l’idée d’une « réserve judiciaire », qui permettrait aux magistrats en retraite de faire profiter de leur expérience.
S’agissant des magistrats, le problème n’est pas de créer des postes supplémentaires, mais de mieux les répartir par cour et par juridiction, certaines juridictions interrégionales spécialisées, JIRS, supportant une charge de travail bien supérieure aux autres.
Quant aux frais de déplacement, ils sont intégrés dans le périmètre de la mission « Justice » et correspondent à peu près aux besoins : je ne pense pas que ceux qui sont chargés de les répartir localement le fassent de façon aberrante.
C’est à tort que vous évoquez une stagnation du nombre des fonctionnaires de catégorie B : leur nombre est en légère augmentation. Il est vrai en revanche que les effectifs de la catégorie C diminueront. Cette diminution traduit notre souci de proposer aux fonctionnaires une véritable promotion professionnelle, ce qui suppose à mes yeux, non seulement des perspectives en termes de carrière et de revenus, mais également en termes d’intérêt du travail. Or la dématérialisation entraîne la suppression de certaines tâches jusqu’à présent dévolues à des agents de catégorie C, à qui nous devons ouvrir la possibilité de passer en catégorie B. C’est pourquoi le nombre des fonctionnaires de catégorie C a vocation à diminuer de façon continue.
Vous m’interrogez sur les primes au mérite modulables. Il est hors de question d’aligner les primes des fonctionnaires sur celle des magistrats. Pourquoi ne pas alors aligner toutes les primes de la fonction publique ? Certains le souhaiteraient peut-être, mais ce n’est pas du tout l’esprit de la politique actuelle ! Une prime traduisant la reconnaissance d’un effort, d’une contrainte ou d’un travail spécifiques, elle diffère forcément selon les catégories.
En ce qui concerne les frais engagés par les fonctionnaires pour les heures supplémentaires, le projet de décret rédigé par les services de la chancellerie ayant été approuvé par la commission technique paritaire compétente, ils devraient être remboursés d’ici à la fin de l’année.
Les 380 emplois de catégories A, B et C prévus par le projet de budget pour 2010 pour la reconversion des salariés des cabinets d’avoués sont naturellement compris dans le plafond d’emplois de la mission.
Il est vrai que les frais de justice augmentent, même si cette augmentation est inférieure à celle des années précédentes. Elle est liée au volume des appels – d’où l’intérêt de la « déjudiciarisation » – et à un « effet prix », par exemple à l’augmentation des tarifs médicaux. Nous pouvons cependant réduire certains coûts, pourvu que nous sachions tenir la dragée haute à certains des prestataires de services avec lesquels nous négocions. Je m’étonne par exemple que nous acquittions des frais d’interception téléphonique trois, voire quatre fois supérieurs à ceux de certains de nos homologues étrangers. Des économies sont également réalisables en interne : pourquoi de tels frais de courrier à l’heure d’Internet, pour ne prendre que cet exemple ? Ce sont les efforts de tous en matière de rationalisation et de bon sens qui nous permettront de réduire nos coûts.
L’aide juridictionnelle, outre le fait, non négligeable, qu’elle permet à certains avocats de vivre, traduit d’abord le principe essentiel qu’aucun justiciable ne doit être dépourvu des moyens de se défendre. Le projet de budget pour 2010 doit nous permettre, comme le rappelait M. Raimbourg, de recouvrer 24 millions d’euros sur cette aide. Nous devons en outre nous engager dans une réflexion sur la modernisation de l’aide juridictionnelle. Je viens de confier à M. Belaval, conseiller d’État, et à M. Arnaud, conseiller maître à la Cour des comptes, le soin de me faire avant Noël des propositions, dans la continuité du rapport Darrois, afin que nous puissions en débattre au cours de l’année 2010.
En ce qui concerne le nouveau tribunal de grande instance de Paris, monsieur Goujon, le choix du site des Batignolles a été approuvé par le conseil municipal et le terrain sera acheté à la SNCF d’ici à la fin de l’année. Y seront regroupés le tribunal de grande instance, le nouveau tribunal d’instance, le tribunal de police, la Direction de la police judiciaire et peut-être le barreau de Paris.
M. Jean Tiberi. La décision de supprimer les tribunaux d’instance dans les arrondissements est-elle définitive ? Y maintiendra-t-on des contacts directs avec la justice, tels les conciliateurs de justice ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Il est indispensable de maintenir un contact direct, et je ne peux qu’approuver toutes les mesures qui vont dans le sens de médiation ou de la conciliation, afin d’accélérer le traitement des affaires. Il n’est pas question que la justice s’éloigne du justiciable.
Si j’ai retenu le principe de partenariats public-privé, c’est parce que ceux-ci nous permettent d’aller vite. Je demande aux partenaires de prêter une attention toute particulière à l’architecture, qui doit être exemplaire, tant sur le plan esthétique qu’environnemental.
M. Didier Migaud, président de la Commission des finances. Y a-t-il eu une comparaison du coût de chacune des formules ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Une comparaison formule par formule est pratiquement obligatoire. De toute façon, je ne suis une idéologue, ni de l’externalisation, ni des partenariats public-privé : je demande simplement qu’on prenne en compte, dans chaque cas, différents facteurs, notamment de coût, qu’il s’agisse des coûts immédiats – dans ce cas, la solution du partenariat public-privé est toujours meilleure – ou des coûts de long terme. Ces derniers ne peuvent pas être connus a priori et doivent être négociés avec nos partenaires. Cette politique est conforme aux principes de la LOLF et de la RGPP.
Monsieur Goujon, en ce qui concerne le nombre de places dans les prisons, sachez que nous aurons réalisé l’essentiel de notre programme – dont l’échéance était fixée en 2018 – en 2012. Nous comptons conserver 250 places à la prison de la Santé. Les centres pénitentiaires de très petite taille doivent sans doute être regroupés, mais je n’ai pas l’intention, sous prétexte de baisser les coûts de construction, de créer des centres de plus de 1 000 places.
L’alternative à l’emprisonnement va se mettre en place progressivement – notre objectif étant de parvenir à 18 % de peines aménagées. Je le répète, l’aménagement de peine ne remplace pas la prison, mais l’absence de toute sanction. Le nombre de bracelets électroniques que nous avons commandés me paraît suffisant pour réduire le nombre des peines non exécutées et assurer les aménagements de peine, d’autant que le bracelet n’est pas la seule alternative à l’emprisonnement.
Je ne suis pas en mesure de vous indiquer le nombre de places qui seront créées dans les quartiers réservés aux courtes peines, et pour ce qui est du travail en détention, je crois vous avoir répondu.
Vous m’interrogez sur la question des suicides en prison. Dès mon arrivée au ministère, j’ai fait mettre en ligne le rapport Albrand et j’ai demandé que toutes les mesures préconisées soient immédiatement mises en œuvre. Mais il nous faut faire plus encore, et c’est pourquoi j’ai confié une mission au professeur Terra. J’ai par ailleurs engagé une réflexion avec Roselyne Bachelot afin d’améliorer l’accès aux soins dans les prisons, et j’ai tenu à accélérer la livraison des UHSA – unités hospitalières spécialement aménagées.
Pour ce qui est de la présence des médecins coordonnateurs et du niveau de l’indemnité annuelle, je serai bientôt en mesure de vous répondre.
Je suis tout à fait d’accord avec vous : il faut accélérer encore plus les réponses à l’égard des mineurs délinquants, tout en prenant les précautions qui s’imposent. Un rappel à l’ordre, un travail, une action sont tout aussi pédagogiques que quelques semaines de prison. Mais nous pouvons aller plus loin. Le code pénal des mineurs doit évoluer car, depuis 1945, notre société a changé, tout comme les mineurs eux-mêmes. Aujourd’hui, des enfants de huit ans commettent des actes de délinquance. Nous devons engager une véritable réflexion sur cette évolution. Les victimes, elles aussi, attendent que nous leur apportions des réponses plus rapides.
Vous m’avez interrogé sur la fonction de « greffier juridictionnel ». Je crois vous avoir répondu sur leur nombre et leur mission. Des greffiers font actuellement le travail des magistrats : c’est pourquoi il est indispensable de recentrer leur métier sur ses missions essentielles.
S’agissant de la réduction des escortes judiciaires, des efforts restent à faire, mais notre objectif d’en réduire le nombre de 5 % sera atteint en 2009, et il sera plus ambitieux encore pour 2010. L’introduction de la visioconférence nous y aidera. M. Brice Hortefeux et moi-même avons mis en place un groupe de travail pour faire évoluer les choses en ce sens. En tout cas, lorsque les transfèrements s’avèrent obligatoires, il est indispensable que le personnel judiciaire connaisse les horaires de passage des personnes.
Je pense vous avoir répondu, monsieur Raimbourg, au sujet de la différence du montant des primes entre magistrats et greffiers.
J’ai écris récemment aux présidents de conseil général pour les inviter à améliorer l’articulation entre leurs services et ceux de la justice, mais je n’ai pas reçu de leur part une réponse enthousiaste. Je me suis même demandée si la création de la commission de consultation et d’évaluation des normes était une bonne chose. Les présidents de conseil général, à qui la loi a confié des responsabilités, ont tendance à se tourner vers l’État.
Je crois vous avoir également répondu sur l’aide juridictionnelle ainsi que sur l’équipement informatique, qui est l’une de mes priorités.
Quant à la justice civile, c’est vrai, nos concitoyens lui reprochent sa lenteur.
Je vous ai aussi répondu s’agissant de l’augmentation du nombre des agents du service d’insertion et de probation, ainsi que sur le recrutement des médecins coordonnateurs – actuellement à l’étude au sein de mon ministère, en concertation avec le ministère de la santé.
Le nombre de bracelets électroniques devrait être suffisant pour une première année. Par la suite, nous en augmenterons les commandes.
Je vous le confirme, je ne remets nullement en cause la carte judiciaire.
S’agissant des malfaçons dans les maisons d’arrêt, nous disposons de garanties décennales sur les travaux, mais j’ai souhaité que les contrats soient étudiés de façon à donner une suite aux fautes commises par les maîtres d’œuvre. Les problèmes semblent réglés pour les livraisons récentes, après quelques explications courtoises mais viriles.
Dans les périodes de mutation comme celle que nous traversons, les personnels s’interrogent sur leur avenir. C’est pourquoi il est indispensable de mettre en oeuvre la réforme du statut des greffiers. Je ne la remettrai pas en cause. Les greffiers doivent en connaître le calendrier. Le recentrage sur le cœur de métier leur redonnera le sens de leur mission. Nous discutons actuellement de la Charte du dialogue social, que j’avais déjà mise en place dans les deux ministères régaliens que j’ai précédemment dirigés. J’espère que nous parviendrons à un accord au cours des prochains mois.
Monsieur Vaxès, vous me demandez ce que je pense de l’acte contresigné. Pour la juriste que je suis, l’acte authentique a des caractéristiques qu’il n’est pas question de remettre en cause – je ne vois d’ailleurs pas comment. Les notaires sont les représentants de l’État, et cette mission de représentation ne saurait être confiée à des personnes qui ne sont pas habilitées pour cela. Pour autant, pour faire face à la concurrence des grands cabinets anglo-saxons, nos avocats doivent avoir les moyens de se défendre.
Qu’est-ce qu’un acte contresigné ? C’est un contrat synallagmatique par lequel une personne assure que les deux parties ont connaissance des conséquences juridiques de leur acte. Il engage donc la responsabilité du signataire. Selon les avocats que j’ai contactés, l’acte contresigné pourrait être signé par toute personne autre qu’un avocat – pourquoi pas un notaire ? – dans la mesure où il ne s’agit pas d’un acte authentique. Je ne voudrais surtout pas opposer des professions confrontées à une concurrence de plus en plus vive. Nous disposons de formidables opportunités, car les métiers du droit français sont reconnus à l’étranger. Nous essayons, ensemble, d’élargir nos capacités d’action, en France comme à l’étranger. Nous devons parvenir à une entente qui respecte la spécificité de chacune des professions en évacuant les rivalités du passé.
La question de la présence de l’avocat tout au long de la garde à vue sera abordée dans le cadre de la réforme de la procédure pénale, à laquelle nous travaillons actuellement. Mais il est clair que la Cour de Strasbourg ne souhaite pas recourir à une telle obligation dès la première heure dans une affaire de terrorisme, par exemple.
S’agissant des moyens de la justice – que vous estimez insuffisants, monsieur Vaxès –, je répète que ce budget prévoit des créations d’emplois, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.
En matière de justice, je vous l’accorde, la rapidité ne doit pas être le seul indicateur. Nos concitoyens attendent une justice de grande qualité, aussi rapide qu’efficace.
Si le nombre de postes à la PJJ a diminué, c’est que les lois qui ont été votées ont donné un rôle aux conseils généraux.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la justice. J’ai peu de choses à ajouter à l’exposé très complet de Mme la garde des sceaux.
Nous faisons actuellement le tour des juridictions concernées par la carte judiciaire, notamment celles qui sont confrontées à des changements importants. Mais il est certain que la rationalisation entraînée par les regroupements satisfait pleinement les magistrats, les justiciables et les fonctionnaires, d’autant que la réforme accélère l’informatisation d’un certain nombre de procédures pénales.
Sur le plan de l’aide juridictionnelle, nos efforts en matière d’accueil incitent un certain nombre de justiciables à faire un autre choix que celui du procès. Un meilleur traitement des dossiers les amènent parfois à préférer une aide partielle, moins coûteuse, ce qui permet de freiner la fuite en avant budgétaire.
Les ministères de la justice, de l’intérieur et de la défense ont intérêt à croiser leurs réflexions. À ce titre, la création de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice constitue un progrès.
Monsieur Vaxès, la réforme du code de procédure pénale est un vaste chantier. La garde des sceaux a mis en place deux groupes de travail, l’un technique, l’autre politique. Donnons-nous le temps d’aller au fond des choses avant de toucher à quelques 3 000 articles du code de procédure pénale.
M. Yves Censi. Je souhaitais vous interroger sur l’acte sous seing privé, madame la garde des sceaux, mais votre réponse, parfaitement claire, m’a totalement rassuré.
Les pôles d’instruction, qui ont été mis en place dans la réforme de la carte judiciaire pour des raisons purement administratives et judiciaires, souffrent de l’absence de critère territorial. Ainsi, il n’existe pas de pôle d’instruction dans la zone située entre Clermont-Ferrand, Lyon, Toulouse et Montpellier. La suppression du juge d’instruction ne risque-t-elle pas de remettre en question la création de ces pôles d’instruction ?
En matière budgétaire, vous avez évoqué les partenariats public-privé, mais je rappelle que la LOPSI – loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure – autorise des montages financiers intéressants entre l’État et les collectivités locales, mais ni Bercy ni l’administration pénitentiaire ne se sont rués pour utiliser à plein ces innovations financières. Pourquoi ne pas permettre aujourd’hui aux collectivités locales de les utiliser ?
Mme George Pau-Langevin. Madame la ministre d’État, vous nous avez dit avoir pris à bras-le-corps les problèmes posés par la mise en place du système Cassiopée. Ne faudrait-il pas associer davantage les personnels à cette remise en ordre ? Il paraît en effet extraordinaire que les difficultés soient en partie imputables au fait que les prestataires n’ont pas suffisamment travaillé avec les utilisateurs. Comment allez-vous faire pour que ces difficultés soient réglées avant les regroupements de tribunaux prévus pour janvier prochain ?
Par ailleurs, alors que ce budget est marqué par les économies, comment expliquer que les crédits de gestion de l’administration centrale, notamment du secrétariat général, semblent avoir été épargnés ? J’observe que leur montant est équivalent à celui des crédits destinés à la mise en œuvre des mesures judiciaires pour majeurs en danger et jeunes majeurs.
M. Christian Vanneste. Je renouvelle la question que j’avais déjà posée lors de la discussion de la proposition de loi d’Eric Ciotti et à l’occasion du projet de loi pénitentiaire : quelle place va-t-on donner aux travaux d’intérêt général ? Chacun est convaincu qu’il s’agit d’une excellente peine de substitution, qui non seulement évite l’incarcération des primo-délinquants et leur donne la possibilité d’avoir une utilité sociale, voire de se former, mais en outre permet de donner un exemple positif, au lieu de l’exemple négatif trop souvent donné en prison.
Je lis dans l’annexe budgétaire deux bonnes nouvelles : le taux d’exécution des TIG atteint 90 %, et le délai d’exécution a été ramené de 6,4 mois à 5,3 mois. Mais les informations que j’ai recueillies sur le terrain ne vont pas dans le même sens. On me dit en effet que les magistrats font assez peu appel à ce type de peines, au point qu’il y a davantage d’offres de postes que de demandes.
Quelle sera la part consacrée aux TIG dans le budget 2010 ? J’entends beaucoup parler des moyens que l’on va consacrer au développement du bracelet électronique, mais quels sont ceux qui seront destinés à développer cette peine de substitution ?
M. Serge Blisko. Le débat sur la loi pénitentiaire a montré une volonté partagée de faire en sorte que la prison soit un temps utile. Or je m’inquiète de la traduction budgétaire de ses dispositions.
Les surveillants et personnels d’insertion et de probation, qui ploient déjà sous la charge de travail, vont-ils être assez nombreux pour faire face au développement de la surveillance électronique ? Ne faut-il pas faire en sorte que les personnes sorties de prison soient mieux encadrées ?
À l’intérieur des prisons, il faudrait que non seulement votre département ministériel, mais également d’autres concourent au développement de la formation et du travail des détenus. Cela suppose à la fois une organisation des locaux adaptée et un encadrement des détenus.
Il faut par ailleurs s’atteler au problème majeur des troubles psychiatriques en prison, et donc à celui de la revalorisation du travail des médecins coordinateurs, faute de quoi nous en resterons au stade des vœux pieux, et les UHSA – unités hospitalières spécialement aménagées – ne pourront pas fonctionner.
Nous continuons à nous interroger sur le nombre de peines non exécutées : 32 000, c’est encore beaucoup. En particulier pour les petits délits commis par des jeunes, il est très dommageable qu’une peine ne soit pas effectuée.
Enfin, je reviens sur les établissements pour mineurs, ces fameux EPM dont nous souhaitions, sans doute avec des réserves, qu’ils puissent remplacer au mieux les quartiers pour mineurs. Ces établissements semblent avoir un peu de mal à fonctionner, que ce soit pour des raisons matérielles ou parce que le mélange de cultures ne se fait pas toujours bien entre les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, de la PJJ et de l’éducation nationale. Comment remédier à cette situation ? Nous avons été surpris de constater que l’EPM de Meaux-Chauconin ne fonctionnait pas et que sa destination avait été changée. Si on veut prévenir la récidive, il est indispensable de faire tout ce qui est possible en direction des mineurs.
M. Didier Quentin. Comme élu de la Charente-Maritime, je voudrais tout d’abord rectifier le propos liminaire du président de la Commission des finances, qui a évoqué la fermeture du tribunal de Saintes : il s’agit en fait du tribunal de Rochefort sur Mer.
À Mayotte, l’établissement pénitentiaire de Majicavo, qui a un excellent directeur et dispose d’un excellent encadrement, a l’inconvénient d’avoir un taux d’occupation de 251 % …
Un autre problème lancinant est celui de la commission de révision de l’état-civil – CREC. Philippe Gosselin, René Dosière et moi vous avons écrit récemment à ce sujet, madame le ministre d’État. L’une des clés de la réussite de la départementalisation, approuvée massivement il y a quelques mois, est un état-civil fiable. Or son fonctionnement laisse encore à désirer : 16 000 dossiers sont en souffrance. Il est donc impératif, si cela n’a pas déjà été fait, de nommer au plus vite un magistrat permanent à la tête de la CREC.
En ce qui concerne les suites du rapport Léger et la suppression du juge d’instruction – dont je rappelle qu’il n’a à connaître que de 5 % des affaires –, je vous serais très reconnaissant de nous préciser les mesures que vous entendez prendre, en liaison avec les magistrats et les avocats, pour accompagner cette éventuelle réforme.
Enfin, pourriez-vous rassurer pleinement les notaires, comme vous avez commencé à le faire en répondant à notre collègue Vaxès, au sujet des propositions du rapport Darrois, reprises par une proposition de loi de l’un de nos collègues de la Commission des lois ?
Mme Sylvia Pinel. Tout en saluant la création de postes au sein de l’administration pénitentiaire, je déplore que les crédits alloués ne permettent pas, l’année prochaine encore, de lutter efficacement contre la surpopulation carcérale. Les moyens mis au service de la loi pénitentiaire sont insuffisants.
L’examen médical et psychologique d’entrée est trop sommaire, faute de moyens humains. Le suivi médical est également insuffisant, ce qui est dangereux pour les détenus eux-mêmes et pour la société, comme l’actualité judiciaire l’a récemment montré. La création de nouveaux postes de surveillants pénitentiaires, auxquels je veux rendre un hommage appuyé tant leurs missions sont difficiles, ne pourra combler la carence des professionnels de santé en milieu carcéral.
Des prisons surpeuplées, une institution judiciaire trop souvent dans l’incapacité d’apporter une réponse pénale rapide, graduée et proportionnée à la gravité des infractions : c’est malheureusement le constat partagé sur nos territoires ruraux, dont le mien. Il n’est pas rare que des délinquants condamnés, connus de tous les services de police ou gendarmerie, soient remis en liberté sans contrôle judiciaire et continuent de troubler l’ordre public en attendant leur incarcération, au grand désespoir des victimes. Dans quelle proportion et de quelle manière entendez-vous développer les mesures alternatives à l’incarcération ? Quelles dotations budgétaires et quelles mesures prévoyez-vous pour, d’une part, lutter contre l’inexécution des peines et, d’autre part, rétablir les victimes dans leurs droits ?
M. Jean-Michel Clément. Vingt-trois tribunaux de grande instance, 171 tribunaux d’instance, 50 tribunaux de commerce et 61 conseils de prud’hommes sont supprimés ; et on prévoit dans le programme « Accès au droit » la création de cinq maisons de la justice et du droit de nouvelle génération, à partir de janvier 2010 : le rapprochement des chiffres est éloquent. Non seulement la nouvelle carte judiciaire va coûter cher pendant longtemps, mais la justice s’éloigne des justiciables. Ainsi dans mon département, les deux tribunaux ont disparu. Où est l’accès au droit et à la justice ?
Par ailleurs, il est écrit à la page 195 de l’annexe budgétaire que les crédits attachés à l’action « développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité », soit 6,5 millions d’euros, « constituent de véritables leviers financiers au niveau local, les actions pouvant bénéficier de cofinancements dans le cadre de la politique de la Ville ou être soutenues par des partenaires locaux particulièrement impliqués dans la politique d’accès au droit ». Cela signifie qu’il n’y aura d’accès au droit demain que dans la mesure où les collectivités locales s’impliqueront.
S’agissant enfin des greffiers de juridiction, comment les nouveaux postes se répartissent-ils entre la justice civile et la justice pénale ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la justice. Monsieur Censi, la réflexion politique va se poursuivre à la suite du rapport Léger, et les parlementaires y seront bien sûr associés très en amont. Il nous faut surmonter les contradictions apparentes et les risques réels, pour parvenir à une solution respectant les principes de notre État de droit et l’équilibre de notre système judiciaire.
Moi-même élu local, je ne vois pas d’inconvénient à explorer dans certains cas, sans nécessairement généraliser, la piste que vous avez évoquée en prenant l’exemple du Grand Rodez.
Madame Pau-Langevin, j’ai déjà constaté, à l’occasion de mes visites de juridictions, des efforts de regroupement informatique qui permettaient d’améliorer le système. Nous savons qu’il est des endroits où les choses sont plus difficiles ; nous nous y rendrons afin d’examiner comment surmonter les difficultés.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. J’ai demandé que des missi dominici, par équipes de deux personnes, aillent dans les tribunaux pour un mois ou deux afin d’aider les personnels locaux à acquérir la culture nécessaire – car on m’a rapporté que dans certains cas, l’informatisation aboutissait à un doublement de travail, ce qui n’est évidemment pas le but.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la justice. En ce qui concerne le secrétariat général, madame Pau-Langevin, contrairement à ce que vous dites, des efforts ont été engagés, qui se sont traduits par une diminution nette d’emplois. Au demeurant, le secrétariat joue un rôle transversal important, en accompagnant la démarche de modernisation.
Les TIG dont a parlé M. Vanneste, très utiles, ont vocation, comme dans beaucoup de pays européens, à monter en puissance. Mme la garde des sceaux en a précisé dans une circulaire les objectifs et les modalités. Une implication des collectivités locales ou d’autres acteurs locaux pourrait renforcer encore les possibilités. On est déjà passé de 10 000 à 11 000 TIG il y a sept ou huit ans à 15 000 à 16 000 depuis deux ans : il y a donc un progrès, même si nous pouvons encore faire mieux.
Monsieur Blisko, vous saluez avec raison le travail des SPIP, avec lesquels le ministère a conclu un accord en juillet dernier. Je suis très admiratif de ce qu’ils font, mais je pense comme eux que l’on peut faire encore mieux.
En ce qui concerne le travail en prison, au-delà du plan Entreprendre qui a été mis en œuvre début 2008, nous avons renforcé les contacts avec le monde économique. J’ai pu constater de visu à plusieurs reprises que dans certains établissements, malgré la crise, la charge de travail était stable ou progressait. D’ailleurs, au niveau européen, autant nous sommes très perfectibles en matière de lutte contre l’oisiveté, autant nous sommes plutôt bien placés en matière de travail rémunéré. Cela dit, en termes de masse salariale, nous n’avons pas tout à fait atteint les objectifs 2009 – on sent quand même l’impact de la crise.
Une réflexion approfondie serait nécessaire sur l’amélioration des réponses apportées à la délinquance des mineurs. Le taux d’occupation des établissements est actuellement de 65 %. Nous évitons donc le problème de la surpopulation, mais à l’inverse il faut se poser la question du devenir de certains établissements ou de certains quartiers de mineurs.
Monsieur Quentin, à Mayotte la mise en œuvre d’un véritable état-civil est en effet un préalable indispensable. Un magistrat permanent s’y consacre déjà, et la garde des sceaux a décidé d’affecter un deuxième magistrat, qui sera en poste début 2010.
Enfin, nous avons eu à plusieurs reprises des discussions avec les professionnels sur l’état des prisons outre-mer. Il existe quelques belles réalisations, mais il y a encore beaucoup de travail à faire. A Mayotte, on est en outre confronté à l’explosion démographique.
Madame Pinel, les problèmes de santé en prison, et plus particulièrement les problèmes psychologiques et psychiatriques, sont en effet préoccupants. C’est une priorité que nous partageons avec Mme Bachelot, sans remettre en cause les décisions prises en 1994.
S’agissant de la procédure pénale et de l’exécution des peines, nous sommes déterminés à renforcer la chaîne de sécurité entre le bloc police-gendarmerie et la justice.
Monsieur Clément, il y a beaucoup de MJD en France. Celle que Mme Guigou était venue inaugurer il y a dix ans à Mulhouse était le fruit d’un partenariat entre le ministère et les collectivités. Cette conception, respectant les compétences de chacun, a fait le succès des MJD. Les MJD nouvelle génération, qui viennent pour partie compenser des disparitions de tribunaux, donneront lieu à une implication de l’État, financière et en personnel ; mais il ne faudra pas pour autant se priver d’un partenariat, adapté à la réalité du terrain, avec les collectivités territoriales.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Nous réfléchissons aux moyens de rapprocher encore plus l’information juridique et judiciaire de la population. Il serait peut-être possible, à partir des MJD, de mettre en service un système d’Intranet, y compris à destination de communes qui n’avaient pas de tribunal.
M. le président Didier Migaud. Madame la ministre d’État, monsieur le secrétaire d’État, merci. Nous en avons terminé avec l’examen des crédits de la mission.
*
* *
À l’issue de l’audition de Mme Michèle Alliot-Marie, Ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État auprès de la ministre d’État, ministre de la justice et des libertés, la Commission, sur proposition de ses rapporteurs pour avis, M. Jean-Paul Garraud, pour la justice et l’accès au droit et M. Sébastien Huyghe, pour l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse, donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » pour 2010.
PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR (8)
• GIE Conseil national des barreaux, Barreau de Paris et Conférence des Bâtonniers
• Conseil national des barreaux :
Me Denis LEQUAI, membre et ancien bâtonnier du barreau de Lille
Me Brigitte MARSIGNY, membre et ancien bâtonnier du barreau de Seine-Saint-Denis
• Barreau de Paris :
— Me Dominique BASDEVANT, membre du conseil de l’Ordre du barreau de Paris
• Conférence des Bâtonniers
— Me Frédéric COVIN, membre
• Syndicat de la magistrature
— Mme Natacha RATEAU, vice-présidente
— M. Matthieu BONDUELLE, secrétaire général
• Union syndicale des magistrats :
— M. Christophe RÉGNARD, président
— M. Laurent BEDOUET, secrétaire général
• Association nationale des greffiers en chef des tribunaux d’instance et de police (AGECTI) :
— Mme Christine GUEZOU, vice-présidente
— Mme Charlotte THIBAUD, vice-présidente
• Syndicat des greffiers de France
— Mme Sophie GRIMAULT, première secrétaire générale, greffière au TGI de Limoges
— Mme Annette PELLETIER, secrétaire générale ajointe, greffière au tribunal d’instance de Louhans
• Syndicat C Justice
— Mme Lydie QUIRIÉ, secrétaire générale
• Syndicat CGT des chancelleries et des services judiciaires :
— Mme Martine MOTARD, secrétaire générale
— M. Joël THEILLARD, secrétaire général adjoint