N° 2860 tome VII - Avis de M. Alfred Trassy-Paillogues sur le projet de loi de finances pour 2011 (n°2824)



N
° 2860

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2010

AVIS

présenté

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 2824),

TOME VII
ÉCONOMIE

COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET POSTES

PAR M. Alfred TRASSY-PAILLOGUES,

Député.

——

Voir le numéro : 2857 (annexe 17)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— LE SECTEUR POSTAL 7

A.— L’ÉVOLUTION DES MARCHÉS 7

B.— L’ÉVOLUTION DE LA POSTE 9

II.— LE SECTEUR DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES 11

A.— L’ÉVOLUTION DES MARCHÉS 11

B— LA RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES 14

III.— LE BUDGET POUR 2011 20

A.— L’ACTION N° 04 « DÉVELOPPEMENT DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, DES POSTES ET DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION » 21

B.— L’ACTION N° 13 « RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES (ARCEP) » 21

C.— UN BUDGET MAÎTRISÉ 22

IV.— FOCUS : L’AMÉLIORATION DES RELATIONS ENTRE LES OPÉRATEURS DE TÉLÉPHONIE MOBILE ET LES CONSOMMATEURS 23

A.— LES DISPOSITIONS DE LA LOI DITE « CHATEL » 23

B.— LES PROPOSITIONS DE L’ARCEP ET LES COMMENTAIRES DES ACTEURS 26

V.— RÉSUMÉ 28

EXAMEN EN COMMISSION 31

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 33

Mesdames, Messieurs,

Au cours de l’année qui vient de s’écouler, les postes et les communications électroniques ont été, plus encore que les années précédentes, au cœur de l’actualité. Pour le législateur, cela s’est traduit par l’examen et l’adoption de deux textes emblématiques et importants : la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique d’abord ; celle du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales ensuite.

Alors que la crise frappe de très nombreux secteurs, le numérique continue d’apparaître comme la composante essentielle de notre croissance économique. Les risques liés à ce domaine sont à la hauteur des espoirs qu’il suscite, qu’ils concernent la concurrence, la protection des données personnelles ou encore la souveraineté étatique. Le secteur postal est par ailleurs profondément affecté par la révolution numérique : le segment des correspondances pâtit de l’essor de la messagerie électronique alors que celui du colis bénéficie du développement du commerce en ligne.

Le budget des postes et des communications électroniques qui figure dans la loi de finances est sans commune mesure avec l’importance de ces deux secteurs, dont les revenus représentent plus de 3 % du PIB, puisque les crédits afférents de la mission « Économie » s’élèvent à 230 M€ environ. Il faut cependant y ajouter 2 Mds€ que le Gouvernement a décidé de consacrer, dans le cadre du grand emprunt, au financement du déploiement des réseaux de fibre optique dans les zones les moins denses et 2,7 Mds€ qui seront investis prochainement par l’État et la Caisse des dépôts et des consignations dans la recapitalisation de La Poste afin de l’aider à se moderniser. Il y a lieu de se réjouir de cet effort public spectaculaire en direction de ces deux secteurs clés.

Si des enjeux de régulation nouveaux apparaissent constamment, les problèmes classiques continuent de se poser de manière vive, notamment en matière de relations entre consommateurs et opérateurs de communications électroniques. La dernière partie de ce rapport y est consacrée, à la suite des recommandations avancées par l’ARCEP cet été dans son bilan de l’application de la loi Chatel et des discussions qu’a eues votre rapporteur à ce sujet avec une grande variété d’acteurs du secteur.

I.— LE SECTEUR POSTAL

Le déclin des activités postales amorcé depuis plusieurs années se traduit notamment par une forte baisse des volumes de courrier adressé. Le secteur postal reste toutefois important d’un point de vue économique : ses revenus représentaient, en 2008, 15,5 Mds€, soit un peu moins de 1 % du PIB français. La valeur ajoutée de ce secteur continue même à croître : + 0,2 % en 2008 pour les objets adressés et 4,5 % pour la publicité non adressée, en dépit d’une évolution en volume respectivement de - 2,4 % et + 5,9 %. Si le courrier diminue, le marché postal n’est donc pas aujourd’hui dans son entier un marché en déclin.

L’opérateur historique La Poste est au cœur de ce marché, avec un chiffre d’affaires de 20 Mds€ en 2009, banque postale comprise, un réseau de plus de 17 000 points de contact et 287 000 collaborateurs. La concurrence, comme le montrent les données présentées ci-dessous, est très hétérogène selon les segments de marché et reste globalement faible. La modernisation et l’adaptation de l’entreprise publique La Poste sont de ce fait les principaux enjeux de l’action de l’État dans ce secteur.

Le secteur postal comprend des segments de marché – correspondance adressée et non adressée, colis, express et distribution de la presse – dont les caractéristiques économiques, la régulation et les propriétés concurrentielles apparaissent sensiblement différentes.

Sur le plan économique, le dernier observatoire des activités postales de l’ARCEP disponible, portant sur l’année 2008, met en évidence les évolutions suivantes :

– repli de la valeur des envois de correspondance adressée de 2,3 %, pour un revenu total associé de 8,4 Mds€ ;

– progression de la valeur des envois express de 1,8 % (« lettres et colis remis contre signature ») pour un revenu de 1,5 Md€ ;

– hausse de la valeur des envois de colis de 5,6 % pour un revenu de 4 Mds€ ;

– diminution de la valeur de la distribution de la presse par voie postale de 3,9 % pour un revenu de 0,5 Md€ ;

– croissance de la publicité non adressée de 4,5 % pour un revenu de 0,7 Md€.

Le tableau ci-dessous, issu de l’observatoire des activités postales pour 2008, présente de manière complète ces grandes tendances du marché.

Source : ARCEP.

Sur le plan de la régulation, l’acheminement des correspondances reste un segment de marché atypique puisque jusqu’au 1er janvier 2011 la distribution sur le territoire français des courriers dont le poids ne dépasse pas 50 grammes et dont le prix est inférieur à deux fois et demi le tarif de base reste réservé à La Poste. Les autres segments sont libéralisés. Il faut toutefois noter que le transport de presse par voie postale fait aussi l’objet de mesures budgétaires spécifiques puisqu’en vertu d’un accord État-Presse-La Poste signé le 23 juillet 2008, l’État participe au financement des tarifs postaux préférentiels consentis par La Poste aux éditeurs de presse à hauteur de 242 millions d’euros jusqu’en 2011 puis de manière dégressive jusqu’en 2015 (1). Les autres segments de marchés ne font pas l’objet d’une réelle régulation sectorielle.

Sur le plan de la concurrence, la situation est très contrastée. La distribution du courrier adressé est assurée à 99 % par La Poste, le principal concurrent de La Poste, Adrexo, s’étant retiré de ce segment de marché en 2009. Le courrier non adressé se partage à 50 % pour La Poste (Médiapost) et 50 % pour Adrexo. 33 % de la presse est distribuée par La Poste, contre 48 % en kiosque et 19 % portée à domicile. 60 % des colis sont distribués par La Poste (Coliposte), et 40 % par ses trois concurrents principaux (Kiala, Sogep et Distrihome). Enfin, La Poste (Geopost) n’assure que 30 % de l’express, contre 70 % pour ses concurrents (DHL, UPS, Geodis, Extand).

Les résultats financiers de La Poste en 2009 sont à l’image du marché. Le chiffre d’affaires diminue de 1,3 % à 20,5 Mds€ mais le résultat net progresse de 2 M€ à 531 Mds€. Si on distingue par métier, le chiffre d’affaires évolue de la façon suivante : courrier – 3 % ; colis-express – 4 % ; banque postale + 4 % ; le résultat d’exploitation de chacune de ces branches restant positif.

Face à la dégradation des perspectives économiques sur le marché des correspondances, une commission présidée par M. François Ailleret avait été chargée en 2008 d’évaluer les besoins financiers de La Poste ((2). Elle dressait le constat suivant : au moins 6,3 Mds€ nécessaires à La Poste pour mettre en place sa stratégie 2009-2012 ; une capacité d’autofinancement de l’ordre de 3,6 Mds€ sur la même période ; un besoin de financement externe d’au moins 2,7 Mds€. La commission n’avait pas établi de consensus sur les modalités suivant lesquelles cet apport pouvait être réalisé. Le Président de la République a arrêté, en 2009, un schéma suivant lequel l’État apporterait 1,2 Md€ et la Caisse des dépôts et consignation (CDC) 1,5 Md€.

Afin de mettre en œuvre ce schéma, il était nécessaire de faire évoluer dans la loi le statut de La Poste, ce qui a été réalisé par la loi du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste. On peut rappeler à cet égard que :

– le titre Ier de cette loi transforme d’abord La Poste en société anonyme dont le capital peut désormais être détenu par l'État, actionnaire majoritaire, et par d'autres personnes morales de droit public, à l'exception de la part pouvant être détenue au titre de l'actionnariat des personnels (art. 1er). Des détails ont été apportés depuis sur l’utilisation des 2,7 Mds€ d’apport décidés par le Président de la République dans le plan « Ambition 2015 », présenté le 15 avril 2010 par le président de La Poste. Ce plan d’affaires a constitué la base sur laquelle a été déterminée la part du capital de La Poste correspondant à l’apport de la CDC. Selon les informations communiquées le 19 octobre par le ministère de l’économie, l’État investira 1,2 Md€ dans La Poste et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) 1,5 Md€ pour 26,32 % du capital (3) ;

– le même titre réaffirme ensuite les quatre grandes missions de service public confiées à La Poste : service universel postal, aménagement du territoire, distribution de la presse par voie postale, et accessibilité bancaire. Le service universel postal est explicitement confié à La Poste pour une durée de quinze ans (art. 19). La mission d’aménagement du territoire est pérennisée à la fois dans son extension géographique, obligation étant faite à La Poste par la loi de disposer de 17 000 points de contact sur le territoire (art. 3), et dans son financement, l’ARCEP étant chargée sur le fondement d’un décret de déterminer le coût du maillage supplémentaire par rapport à la mission de service universel postal (art. 4). Le décret nécessaire à la mise en œuvre du nouveau dispositif de financement n’a toujours pas été pris ;

– le titre II de la loi assure enfin la transposition en droit français de la dernière directive postale, en ouvrant notamment à la concurrence au 1er janvier 2011 le secteur réservé des envois de correspondance de moins de 50 g et en prévoyant en contrepartie la mise en place d’un fonds de compensation du service universel (4).

II.— LE SECTEUR DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

Le secteur des communications électroniques est important. D’abord parce qu’il représente 44,3 Mds€ de revenus en 2009, soit 2,3 % du PIB, 6 Mds€ d’investissement, 120 000 emplois directs. Le revenu total des opérateurs s’est légèrement replié l’an dernier, de 0,2 %, soit sensiblement moins que le reste de l’économie (- 2,3 %), et repart à la hausse au premier semestre 2010. Le changement technique qui affecte le secteur reste élevé, entraînant dans son sillage des évolutions réglementaires continues. Il n’est pas possible, dans le cadre limité qui est celui de ce rapport, de revenir sur la totalité des évolutions réglementaires intervenues depuis l’année dernière ; les modifications principales ont pour la plupart été abordées par le législateur à travers l’examen de la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique.

Source : ARCEP.

En ce qui concerne les évolutions économiques, les données les plus récentes, qui figurent dans l’observatoire des communications électroniques de l’ARCEP pour le second trimestre 2010, mettent en évidence la poursuite de tendances déjà perceptibles au cours des années précédentes :

– les revenus liés à l’accès fixe croissent globalement de 0,6 % par rapport à la même période de l’année précédente. Les abonnements triple play continuent de se substituer peu à peu aux abonnements téléphoniques classiques (RTC). Sur 35 M de lignes téléphoniques, plus de 20 M reçoivent aujourd’hui l’internet à haut débit ;

– le marché de l’accès mobile augmente de 3,2 %. La part des abonnements post-payés continue à croître à une vitesse relativement importante (+8,9 %), alors même que le parc prépayé diminue ne représente plus que 28 % du parc d’abonnés (-4,9 %) ;

– les services à valeur ajoutée accusent enfin une forte baisse : - 8,7 %.

Revenus

(en millions d’euros)

T2 2009

T3 2009

T4 2009

T1 2010

T2 2010

Variation 2T10/1T09

Services fixes (1)

3 970

3 934

3 996

4 028

3 993

0,6 %

Services mobiles (2)

4 739

4 848

4 852

4 761

4 889

3,2 %

Ensemble de la téléphonie et internet

8 710

8 781

8 848

8 789

8 882

2,0 %

Services à valeur ajoutée

564

568

587

533

514

- 8,7 %

Services de capacité

856

859

864

855

844

- 1,4 %

Liaisons louées

384

390

386

388

380

- 1,2 %

Transport de données (3)

471

469

478

467

464

- 1,6 %

Total services de communications électroniques

10 129

10 208

10 299

10176

10 240

1,1 %

Revenus annexes (4)

899

932

1 079

783

888

- 1,2 %

Total des revenus des opérateurs sur le marché final

11 028

11 140

11 377

10 960

11 128

0,9 %

Les chiffres en italique ont été modifiés par rapport à la publication précédente

(1) Cet indicateur couvre les revenus des frais d’accès et abonnements, des communications depuis les lignes fixes (RTC et VoIP facturée en supplément des forfaits multiplay), de la publiphonie et des cartes et des accès internet (à bas débit, à haut et très haut débit).

(2) Cette rubrique intègre la téléphonie mobile et le transport de données sur réseaux mobiles (SMS, MMS, accès à l’internet mobile…)

(3) L’indicateur comprend uniquement les revenus du transport de données depuis les lignes fixes, le transport de données depuis les lignes mobiles étant intégré dans le chiffre global des services mobiles.

(4) Ces revenus ne relèvent pas à proprement parler du marché des services de communication électroniques. La contribution des opérateurs déclarés ne donne qu’une vision partielle de ces segments de marché. Cette rubrique couvre les revenus liés à la vente et à la location de terminaux et équipements (y compris ceux des fournisseurs d’accès à l’internet), les revenus de l’hébergement et de la gestion de centres d’appels, et les revenus des annuaires papier, de la publicité et des cessions de fichiers.

Source : ARCEP.

En ce qui concerne la concurrence, les parts de marchés sur le marché du mobile sont, dans l’attente de l’entrée d’un quatrième opérateur, totalement stables (5). En revanche, la contestabilité du marché fixe continue de progresser avec la hausse du dégroupage.

Source : ARCEP.

L’augmentation du nombre d’abonnements fixes et mobiles montre l’importance prise par l’accès aux réseaux de communications électroniques. Elle ne reflète cependant pas l’évolution rapide des usages numériques. La dernière étude du CREDOC sur la diffusion des technologies de l'information et de la communication dans la société française permet de faire le point sur ces évolutions (6) :

– l’équipement des ménages en ordinateur et l’accès à internet continuent à se développer de manière rapide en dépit de la crise, avec un taux d’équipement en ordinateur atteignant 74 % (+5 points par rapport à 2008) et un taux d’accès à internet à 67 % (+6 points) tandis que  le double équipement fixe et mobile en matière téléphonique est de plus en plus la règle avec 88 % des individus disposant d’un accès fixe et 82 % d’un accès mobile ;

– l’internet mobile commence seulement son développement sur le plan des usages (hors SMS) tandis que l’internet est de manière croissante une plate-forme permettant l’accès à aux nouvelles modalités de distribution commerciale et à l’e-administration.

Les graphiques qui suivent tirés de l’étude du CREDOC permettent de représenter de manière synthétique ces évolutions.

Source : CREDOC.

Source : CREDOC.

L’essentiel des débats intervenus depuis un an en matière de régulation des communications électroniques a porté sur des sujets en lien avec les dispositions qui figurent dans la loi du 17 décembre 2010 relative à la lutte contre la fracture numérique. Plusieurs questions majeures restent par ailleurs en suspens, concernant notamment la transposition du paquet télécoms et la neutralité de l’internet et des réseaux qui devraient faire l’objet de travaux au Parlement au cours de l’année 2011.

► La loi du 17 décembre 2010 était relative à la lutte contre la fracture numérique. Dans son rapport fait au nom de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Mme Laure de La Raudière soulignait que c’est aux inégalités d’accès territoriales que le législateur entendait s’intéresser, plus qu’aux inégalités d’accès sociales (7) désignées à travers l’expression de « fossé numérique ».

La rapporteure résumait à travers les chiffres qui suivent l’ampleur de cette fracture territoriale (8) :

– 0,18 % de la population n’est couverte par aucun opérateur mobile (« zone blanche ») ;

– 2,2 % de la population n’est couverte que par un ou deux opérateurs mobiles (« zone grise ») ;

– 21 % de la population ne peut avoir accès à l’internet mobile (3G) ;

– 1,7 % de la population ne peut avoir accès à l’internet fixe haut débit, c’est-à-dire supérieur ou égal à 512 Kbps ;

– 11 % de la population ne peut avoir accès à Internet fixe avec un débit supérieur à 2 Mbps ;

– 25 % de la population ne peut avoir accès à une offre en dégroupage total ;

– 98 % de la population ne peut avoir accès au très haut débit en fibre optique.

► Concernant le déploiement des réseaux mobiles 2G et 3G, l’essentiel des enjeux de couverture du territoire relève du passé. Le programme « zones blanches » visant à assurer la couverture par au moins un opérateur mobile de la totalité des centre-bourgs des communes françaises arrive, dix ans après son lancement, en phase terminale. Par ailleurs, en dépit du retard pris par les opérateurs dans le déploiement de leurs réseaux 3G par rapport au calendrier qu’ils avaient accepté au moment de l’attribution de leurs licences et qui a conduit l’ARCEP à leur adresser une mise en demeure l’an dernier, le nouveau réseau est aujourd’hui assez largement déployé.

L’ARCEP a dressé, dans deux rapports parus au second semestre 2009 auxquels on se rapportera pour plus de précisions (9), un bilan de la couverture mobile du territoire français.

Source : ARCEP

Les principaux. enjeux à venir concernent l’entrée sur le marché mobile de Free, qui a obtenu une licence 3G au début de cette année et le déploiement des réseaux 4G.

À ce sujet, il faut rappeler que la loi relative à la fracture numérique contient des dispositions fondamentales pour assurer le bon déploiement des futurs réseaux 4G. D’une part, elle a mis en place un système de subvention visant à faciliter le passage à la télévision numérique et l’extinction du signal analogique, qui permettra la libération des fréquences dites du « dividende numérique » ayant vocation à être utilisées par les réseaux 4G. D’autre part, elle dispose que les fréquences devront être attribuées suivant des critères orientés prioritairement vers l’aménagement du territoire. Ce souhait s’explique de deux manières : il renvoie premièrement au constat de la mise en œuvre laborieuse du programme « zones blanches », qui a montré qu’au déploiement naturel des réseaux par les opérateurs, incités économiquement à couvrir prioritairement les zones les plus denses devait être préféré un schéma de déploiement simultané en zones denses et non denses, afin d’éviter des correctifs ultérieurs difficiles à négocier ; il fait ensuite écho au développement du très haut débit : la fibre optique ne sera pas disponible dans les régions les plus reculées avant une quinzaine d’années et dans l’intervalle, il convient de trouver des solutions alternatives qui peuvent être radioélectriques et s’appuyer sur la 4G. L’ARCEP a lancé ses premières consultations sur l’attribution des fréquences 4G cette année et prévoit d’attribuer des licences à l’été 2011.

► Concernant la couverture fixe, la question qui fait l’objet de l’actualité la plus intense est celle de la montée vers le très haut débit. Le cadre de déploiement de la fibre optique est en cours de finalisation.

– L’action de l’ARCEP.

Sa réflexion sur le sujet ayant progressé, l’ARCEP a demandé l’an dernier au législateur de bien vouloir compléter les dispositions issues de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 afin de prévoir des mesures spécifiques visant à encourager la concurrence dans les zones les plus denses. La décision de l’ARCEP du 23 décembre 2009, faisant suite à la promulgation de la loi relative à la lutte contre la fracture numérique, oblige les opérateurs fibrant les grands immeubles (plus de 12 logements) dans les zones les plus denses (4,5 M de foyers) à poser à la demande de leurs concurrents des fibres supplémentaires dédiées, de manière technologiquement neutre et sous condition de cofinancement.

Pour les zones non denses, le cadre réglementaire sera prochainement stabilisé, l’ARCEP finalisant un projet de décision organisant la mutualisation de la boucle locale de fibre optique, le coinvestissement entre opérateurs et une couverture cohérente du territoire.

– L’action du Gouvernement.

Dans le cadre des investissements d’avenir, un plan doté de 2 Mds€ a été lancé par le Gouvernement afin de faciliter le déploiement du très haut débit dans les zones peu denses. Ce plan commencera par une phase expérimentale qui devrait durer jusqu’au début de l’année prochaine et conduire à la sélection de cinq projets de déploiement de petite ampleur, permettant d’organiser un retour d’expérience rapide sur les principaux problèmes de déploiement.

Le plan lui-même comporte trois volets : volet A = labellisation des projets rentables des opérateurs en zones non denses, offrant une meilleure visibilité et l’accès à des prêts en contrepartie de l’engagement de couvrir chaque zone dans un délai de cinq ans ; volet B = dans les zones dans lesquelles il n’y a pas de projet tangible d’opérateur, financement possible de projets très haut débit et, subsidiairement, de montée en débit (renforcement des réseaux existants), sur appel à projet et jusqu’à 33 % du coût via le fond national pour la société numérique et le fond d’aménagement numérique des territoires ; volet C = étude des moyens permettant d’aboutir à une couverture systématique du territoire très haut débit.

– La montée en débit.

Au total, le coût du déploiement de réseaux de fibre optique sur l’ensemble du territoire est estimé par l’ARCEP à moins de 25 Mds€ et ce déploiement ne devrait pas être terminé avant 2025. En l’absence d’action spécifique des pouvoirs publics, cela risquerait de conduire à un accroissement de la fracture numérique. Des solutions palliatives doivent donc être rapidement trouvées : c’est la problématique de la « montée en débit ».

Dans son rapport rendu public en septembre 2010 sur la montée vers le très haut débit (10), l’ARCEP recommande d’éviter de mettre en œuvre des solutions conduisant à des investissements qui ne pourront être réutilisés dans la perspective du déploiement de la fibre et apparaîtraient à l'issue du fibrage comme du gaspillage.

Un des problèmes concerne les lignes inéligibles à l’ADSL. L’inéligibilité peut tenir à des paramètres purement physiques (distance trop importante entre le répartiteur et la prise qui conduit à une atténuation du signal électrique rendant impossible l’utilisation de cette technologie) mais aussi à des paramètres d’ingénierie de réseaux : aujourd’hui plus de 100 000 lignes sont inéligibles car elles sont « multiplexées », c’est-à-dire mutualisées avant le répartiteur. Cette question a fait l’objet d’une attention particulière de l’ARCEP, répondant au souci exprimé par le législateur ; l’Autorité a recommandé que France Télécom lance un programme permettant la résorption de 70 000 lignes pour un coût de 60 M€. À l’occasion du GRACO de septembre 2010, France Télécom s’est engagé à mettre en œuvre rapidement ce programme (11).

► Deux autres sujets afférents à la régulation du marché des communications électroniques apparaissent particulièrement importants.

– La transposition du paquet télécoms.

Il s’agit de trois textes adoptés le 24 novembre 2009 : un règlement instituant un Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE), d’application directe ; deux directives modifiant le droit européen en vigueur qui doivent être transposées par les Etats-membres avant le 25 mai 2011.

Les directives laissent peu de marge de manœuvre aux Etats-membres et doivent pour l’essentiel être transposées mot à mot en droit interne. En raison de la technicité des modifications à apporter au droit national, le Gouvernement a décidé d’effectuer la transposition par voie d’ordonnance. Un avant-projet d’ordonnance a été mis en consultation en mai 2010. Les réponses ont fait apparaître le caractère largement consensuel de la transposition. Le Gouvernement doit maintenant être habilité à procéder à la transposition par le législateur.

Pour ce faire, l’article 11 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques, n° 2789, déposé le 15 septembre 2010 (12), renvoyé pour examen au fond à la commission des affaires sociales, habilite le Gouvernement à effectuer un certain nombre de modification de la législation française par voie d’ordonnance. Il s’agit de modifier toutes dispositions législatives nécessaires pour transposer les deux directives du paquet télécoms, toutes dispositions du code des postes et des communications électroniques (CPCE) permettant « d’accroître l’efficacité de la gestion des fréquences radioélectriques », toutes dispositions législatives permettant de « renforcer la lutte contre les faits susceptibles de porter atteinte à la vie privée et au secret des correspondances en matière de communications électroniques » et de « répondre et prévenir les atteintes à la sécurité des systèmes d’information des autorités publiques ainsi que des opérateurs d’installation l’importance vitale », ainsi que de corriger les erreurs et de clarifier toutes dispositions du code des postes et des communications électroniques.

Ce projet de loi devrait être adopté d’ici la fin de l’année, et l’ordonnance être édictée au début de l’année prochaine.

– Le principe de neutralité de l’internet et des réseaux.

Popularisé par le chercheur américain Tim Wu (13), ce principe a fait son apparition dans le débat public français par l’intermédiaire du « paquet télécoms ». Plusieurs de ses dispositions conduisent en effet à la reconnaissance d’une version minimale du principe de neutralité. Une marge de manœuvre relativement importante subsiste pour les Etats-membres, et la sensibilité de la question, qui concerne l’architecture même d’internet et le modèle économique de l’économie numérique a conduit le Gouvernement et l’ARCEP à engager des travaux sur le sujet (14). Le législateur devrait prochainement se saisir de la question.

III.— LE BUDGET POUR 2011

Les crédits consacrés spécifiquement au secteur des postes et des communications électroniques au sein du budget de l’État sont peu importants au regard du poids du secteur dans la richesse nationale. Ils sont regroupés au sein de la mission « Économie », programme 134 « Développement des entreprises et de l’emploi », actions n° 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l’information » et n° 13 « Régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ».

Pour 2011 ces crédits s’élèvent au total en autorisations d’engagement à 232,9 M€ contre 234,6 M€ pour 2010 et 229,9 M€ en 2009, soit une diminution de 0,8 % faisant suite à une augmentation de 2 % en 2010.

Autorisations d’engagement pour 2010 (en €)

(en euros)

Action

Dépenses de personnel

Dépenses de fonctionnement

Dépenses d’intervention

Total

Développement des télécommunications, des postes et de la société de l’information PLF 2011

 

36 400 000

173 404 175

209 804 175

Idem PLF 2010

 

37 136 464

174 304 175

211 440 639

Évolution 2011/2010

 

- 2 %

- 0,5 %

- 0,8 %

Régulation des communications électroniques et des postes PLF 2011

15 528 885

7 557 013

 

23 085 898

Idem PLF 2010

15 045 696

8 100 000

 

23 145 696

Évolution 2011/2010

+ 3 %

- 7 %

 

- 0,3 %

TOTAL PLF 2011

     

232 890 073

Total PLF 2010

     

234 586 335

Évolution 2011/2010

     

- 0,8 %

Source : projets annuels de performance 2010 et 2011.

Les crédits de cette action se répartissent de la manière suivante.

– 36,4 M€ de subventions sont versés à l’agence nationale des fréquences (ANFr), chargée notamment de la planification du spectre, des négociations internationales le concernant, du contrôle et de la police sur les fréquences. Ce montant est en légère baisse par rapport à 2010 (37,1 M€) après une légère hausse en 2010 par rapport à 2009 (36,7 M€).

– 165 M€ sont versés à La Poste pour la compensation des surcoûts liés à la mission de service public de transport postal de la presse écrite (159 M€), le remboursement des courriers des particuliers adressés en franchise postale (1,7 M€) et la compensation des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires prévues par la loi TEPA du 21 août 2007 (4,2 M€). Tous ces montants sont stables par rapport à 2010.

– Enfin, 8,4 M€ sont versés aux organismes internationaux intervenant dans le secteur ainsi qu’à des associations qui accompagnent le développement de la société de l’information, en baisse sensible par rapport à 2010 (9,3 M€) et poursuivant un mouvement déjà repérable en 2010 par rapport à 2009 (9,5 M€).

L’action retrace le budget de l’ARCEP et les crédits afférents peuvent être ventilés comme suit.

– Dépenses de personnel en légère hausse : pour 2011, les autorisations d’engagement sont fixées à 15,5 M€ en 2011, contre 15,05 M€ en 2010 et 14,7 M€ en 2009, pour un nombre d’équivalents temps plein travaillés (ÉTAT) et une répartition par catégories stables.

– Dépenses de fonctionnement en baisse : 7,6 M€ d’autorisations d’engagement sont prévues à ce titre pour 2011 contre 8,1 M€ l’année précédente. Les éléments transmis à ce sujet par l’ARCEP soulignent que ce montant « est conforme à la norme fixée par le Premier ministre pour le nouveau cycle triennal 2011-2013 (baisse de 10 % en moyenne sur la période, en commençant par 5 % dès le premier exercice) » et que « cette démarche procède d’un ajustement progressif et systématique de certains postes de dépenses : communication et frais de représentation à partir de 2007, missions et déplacements à partir de 2008, réduction du parc automobile à partir de 2009, projets liés au développement durable à partir de 2010 et renégociation du bail sous l’égide de France Domaine, qui a abouti en juillet à la signature d’un avenant impliquant une réduction d’environ 15 % du loyer. ».

Le budget du secteur est maîtrisé et n’appelle pas de remarque particulière de votre rapporteur, autre que l’incohérence déjà souligné les années précédentes de l’éclatement de la subvention versée à La Poste pour la distribution de la presse écrite. Cette subvention figure en effet pour 159 M€ au sein de l’action n° 4 du programme 134 et pour 83 M€ au sein de la mission « Médias ».

Le Gouvernement justifie ainsi ce maintien : « dans le protocole d’accord État-Presse-La Poste, signé le 23 juillet 2008, l’État s’est engagé à compenser, sous forme d’une participation financière annuelle, les surcoûts de la mission de service public de transport postal de la presse. Le texte prévoit que cette contribution annuelle sera de 242 M€ en 2009, 2010 et 2011, et évoluera ensuite selon la séquence suivante : 232 M€ en 2012, 217 M€ en 2013, 200 M€ en 2014, 180 M€ en 2015. Ce protocole, ne précisant pas les modalités de gestion de l’aide, les modalités d’affectation prévues par les accords précédents ont été reconduites pour les années 2009 et 2010. Le maintien dans le programme 134 permet de maintenir une unité de pilotage, sous l’égide de la Direction rattachée au Ministre chargé des postes. »

Il faut noter que les 2 Mds€ alloués au déploiement du très haut débit dans le cadre des investissements d’avenir (loi de finances rectificative pour 2010) et la suppression de la TVA à taux réduit sur les offres incluant de la télévision (art. 11 du PLF pour 2011) sont en dehors de ce budget (15).

IV.— FOCUS : L’AMÉLIORATION DES RELATIONS ENTRE LES OPÉRATEURS DE TÉLÉPHONIE MOBILE ET LES CONSOMMATEURS

Suite au non-respect par les opérateurs des engagements qu’ils avaient pris dans le cadre des « tables rondes entre opérateurs et consommateurs » organisées par le Gouvernement en 2005 et 2006, le législateur a souhaité introduire, par le biais de l’article 17 de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite loi Chatel, trois nouvelles dispositions dans le code de la consommation :

– l’obligation faite aux opérateurs de proposer des offres d’engagement de 12 mois à un prix « non disqualifiant » par rapport aux offres d’une durée supérieure, d’un maximum 24 mois ;

– la limitation au quart des sommes restant dues jusqu’à la fin de l’engagement des frais de résiliation anticipée en cas de rupture d’un engagement supérieur à 12 mois au-delà du douzième mois ;

– la limitation des frais de résiliation non anticipée au-delà de la durée d’engagement limités aux coûts effectivement supportés par l’opérateur.

Dans un rapport rendu public en juillet 2010 (16), l’ARCEP dresse un premier bilan de l’application de ces dispositions et fait des recommandations afin de les prolonger. Votre rapporteur a jugé qu’il était important, préalablement à une éventuelle action du législateur dans ce domaine, d’évaluer ces propositions. Il faut noter que l’ARCEP devrait proposer au mois de novembre 2010 un plan visant à améliorer les relations entre consommateurs et opérateurs, articulé autour de cinq thèmes : transparence dans la tarification ; disponibilité des services et des offres et qualité de service ; encadrement des services à valeur ajoutée ; accès des personnes handicapées aux services ; fluidité du marché.

L’ARCEP dresse un bilan globalement mitigé de l’application de ces dispositions.

Elle souligne d’abord que seuls les opérateurs mobiles proposent des engagements d’une durée supérieure à 12 mois et qu’ils ne facturent pas de frais de résiliation au-delà de la période d’engagement. Les opérateurs mobiles sont donc concernés par les deux premières dispositions de l’article 17 de la loi Chatel, tandis que les opérateurs fixes sont concernés par la troisième.

L’autorité note ensuite que les dispositions sont respectées sur un plan formel :

– les opérateurs mobiles proposent effectivement des offres d’une durée de 12 mois ;

– ils limitent les frais de résiliation anticipée en cas de résiliation au-delà du douzième mois ;

– les conditions générales de ventes des opérateurs fixes affirment que les frais de résiliation au-delà de la durée d’engagement correspondent aux coûts supportés.

Mais l’ARCEP constate aussi que l’intention du législateur n’a pas été entièrement satisfaite. D’abord, la loi n’a pas provoqué d’accroissement mesurable de la fluidité du marché. Ainsi les parts de marché des opérateurs mobiles restent totalement stables :

Source : ARCEP.

Ensuite, la part des clients mobiles sous engagement tend à s’accroître. Cette tendance a sans doute pour origine le souhait des consommateurs de disposer rapidement de nouveaux terminaux, subventionnés par les opérateurs à travers des engagements de long terme. Elle est cependant porteuse de difficultés sur un plan concurrentiel alors que le taux de résiliation reste relativement faible (17).

Source : ARCEP.

Concernant l’obligation de proposer une offre d’engagement de 12 mois à un prix non disqualifiant par rapport aux offres d’engagement pour une durée supérieure, l’ARCEP fait le constat suivant :

– les offres de 12 mois sont insuffisamment mises en avant par rapport à celles de 24 mois dans les documents commerciaux ;

– les différences de prix entre les engagements sur 12 mois et 24 mois sont souvent élevées et fortement variables en fonction des types de forfait ; s’il existe des cas rares de différences tarifaires manifestement discriminantes (18), dans le cas normal l’analyse économique est complexe et l’ARCEP propose des lignes directrices afin de la faciliter (19).

Concernant la limitation des frais de résiliation anticipée, l’autorité constate que :

– certains opérateurs facturent la totalité des sommes encore dues en cas de résiliation avant la fin du douzième mois, ce qui semble aller contre l’esprit de la loi Chatel mais n’était pas contraire à la lettre de la loi ;

– certains opérateurs refusent d’assurer la portabilité du numéro en cas de résiliation anticipée, ce qui est clairement illégal.

Concernant enfin la limitation des frais de résiliation hors durée d’engagement, il faut noter qu’un opérateur facture des frais d’activation à perception différée dégressifs qui ne paraissent pas correspondre aux coûts de la résiliation et que les autres opérateurs facturent des frais de résiliation sans justification claire.

Afin de corriger les difficultés qui viennent d’être relevées et d’améliorer de manière plus générale la fluidité des marchés de détail, l’ARCEP a fait plusieurs recommandations. Les opérateurs ont pris, par l’intermédiaire de la fédération française des télécommunications et auprès du ministre chargé de la consommation, un certain nombre d’engagements, répondant ainsi d’eux-mêmes à une partie des demandes de l’ARCEP (20). Votre rapporteur souhaite vous faire part d’un certain nombre d’éléments d’analyse qui permettent d’évaluer ces propositions.

Première recommandation : préciser sur la facture le montant des frais dus par le client en cas de résiliation anticipée. Les opérateurs ont fait valoir, par la voie de la FFT, qu’une mention sur la facture serait coûteuse. Ils se sont engagés à mettre en place sur leurs sites internet un module facile à utiliser permettant à tout consommateur d’obtenir ce montant.

Cette proposition ne semble pas susceptible de répondre aux difficultés constatées par les personnes connaissant le secteur ou traitant les réclamations. D’abord de nombreux clients changent encore aujourd’hui d’opérateur sans savoir qu’ils sont engagés et se retrouvent à devoir payer des frais de résiliation importants en raison de leur manque d’information. Ensuite, beaucoup de clients ne feront pas la démarche d’obtenir le montant des frais de résiliation sur un site internet, soit parce qu’ils ne savent pas bien se servir d’un ordinateur soit parce que la procédure leur semblera trop lourde. Votre rapporteur recommande donc de rendre obligatoire la recommandation de l’ARCEP car il ne considère pas le coût de mise en œuvre insupportable par rapport au chiffre d’affaires concerné.

Deuxième recommandation : plafonner le montant des frais de résiliation anticipée intervenant au cours de 12 premiers mois d’engagement à l’addition de la somme des montants restant dus avant le douzième mois et du quart de la somme due au-delà. Les opérateurs se sont engagés à appliquer cette règle, ce qui satisfait tous les acteurs.

Mais la concurrence sur le marché de détail des communications électroniques est aujourd’hui à un moment crucial. D’une part, il semble que les opérateurs anticipent l’entrée de Free sur le marché et tentent de verrouiller le marché en bradant les terminaux les plus récents afin de réengager pour 24 mois la plus grande partie de leur clientèle et d’empêcher la fuite vers le nouvel opérateur. D’autre part, dans ce contexte, la généralisation probable des offres quadruple play associant fixe et mobile risque d’étendre ce verrouillage du fixe au mobile. Dans ce contexte, votre rapporteur recommande de réévaluer le choix fait à l’occasion des débats sur la loi Chatel de ne pas limiter les durées d’engagement à 12 mois.

Troisième recommandation : obliger les opérateurs à communiquer automatiquement aux abonnés les procédures de désimlockage (21) des terminaux bloqués au bout de six mois au lieu de ne le faire que sur demande. Les opérateurs se sont engagés à communiquer sur demande le code au terme d’une durée de trois mois, en notant là aussi le coût que représenterait une impression sur les factures.

La logique des opérateurs serait compréhensible s’ils défendaient l’idée d’un blocage du terminal pendant sa durée d’amortissement sur l’abonnement. Elle ne l’est plus s’ils sont d’accord pour réduire cette durée à trois mois. Il existe aujourd’hui d’autres moyens que le simlockage pour lutter contre le vol, notamment en se fondant sur les numéros IMEI. Votre rapporteur s’interroge donc sur l’intérêt réel du « simlockage » et souhaite que la réflexion soit poursuivie à ce sujet.

Quatrième recommandation : assimiler les frais d’activation à perception différée à des frais de résiliation. L’opérateur facturant ces frais fait valoir que cela évite d’avoir à obliger ses consommateurs à souscrire des engagements et permet de subventionner le renouvellement des box. Le ministre a annoncé que cette pratique serait interdite, ce dont votre rapporteur ne peut que se féliciter.

Pour conclure et de manière plus générale, la subvention des terminaux par les abonnements a permis d’accroître rapidement le taux d’équipement des clients français. L’opacité de cette subvention entraîne vraisemblablement une surconsommation et il peut y avoir « transfert de charge », les abonnements proposant des terminaux « dernier cri », étant subventionnés par les autres. De plus, l’absence de grands fabricants de terminaux en France et de filière industrielle ne justifie pas cette incitation. Votre rapporteur souhaite en conséquence que des études soient rapidement réalisées par le Gouvernement ou l’ARCEP sur l’opportunité de découpler vente de terminaux et vente de forfaits.

V.— RÉSUMÉ

Les revenus du marché postal ont augmenté de 0,2 % en 2008, dernière année pour laquelle des données consolidées sont disponibles, et représentaient à cette date 15,5 Mds€ soit un peu moins de 1 % du PIB. Si les revenus du segment courrier diminuent de 2,3 %, ceux du segment colis sont en hausse de 5,6 %, révélant l’effet contrasté du développement des communications électroniques sur le secteur postal. Pour 2009, La Poste voit son chiffre d’affaires diminuer de 1,3 % à 20,5 Mds€, banque postale comprise, mais son résultat net est en légère progression et s’établit à 531 M€. La loi du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales représente l’évolution essentielle en terme de régulation, avec deux mesures phares : l’ouverture à la concurrence du secteur réservé (moins de 50 g) au 1er janvier 2011 ; la transformation de La Poste en société anonyme à capitaux 100 % publics. Selon les informations communiquées le 19 octobre par le ministère de l’économie, l’État investira 1,2 Mds€ dans La Poste et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) 1,5 Mds€ en contrepartie de 26,32 % du capital.

Les revenus des communications électroniques ont stagné en 2009 à 40,7 Mds€ représentant un peu plus de 2 % du PIB. Les derniers chiffres disponibles, portant sur le second trimestre 2010, laissent apparaître une reprise sur le segment fixe (+ 0,6 %) comme sur le segment mobile (+ 3,2 %) alors que se poursuit la dégradation des services à valeur ajoutée (- 8,7 %). La loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique a permis au législateur de faire évoluer en profondeur la régulation au travers de trois mesures essentielles : le pouvoir donné à l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) d’obliger les opérateurs à poser des fibres supplémentaires dédiées dans la partie terminale des grands immeubles des zones denses et de les contraindre à couvrir en fibre optique des zones cohérentes ; la mise en œuvre d’un fond d’aménagement numérique des territoires ; l’attribution future des fréquences 4G prioritairement pour les besoins de l’aménagement du territoire. Par ailleurs, l’année 2010 a vu l’attribution d’une quatrième licence 3G à Free et l’annonce par le Gouvernement de la mise en œuvre d’un plan doté de 2 Mds€ pour faciliter le déploiement du très haut débit dans les zones non denses.

Le budget des postes et des communications électroniques de la mission « Économie » est parfaitement maîtrisé, en baisse de 0,8 % avec des dépenses s’élevant à 232 M€. Celles-ci sont composées pour l’essentiel du budget de l’ARCEP (23 M€), de l’agence nationale des fréquences (ANFr – 36 M€) et de subventions à La Poste (165 M€, essentiellement pour compenser les tarifs préférentiels de distribution de la presse par voie postale) ainsi qu’à des organisations internationales et associations du secteur (8 M€).

Il faut noter que les 2 Mds€ alloués au déploiement du très haut débit dans le cadre des investissements d’avenir (loi de finances rectificative pour 2010) et la suppression de la TVA à taux réduit sur les offres incluant de la télévision (art. 11 du projet de loi de finances pour 2011) sont en dehors de ce budget.

Enfin, votre rapporteur a accordé cette année une attention particulière aux relations entre consommateurs et les opérateurs mobiles. Après évaluation des recommandations faite par l’ARCEP dans son bilan d’application de la loi Chatel, il préconise que le montant des frais de résiliation anticipée soit précisé sur les factures, que l’opportunité d’une limitation des durées d’engagement à 12 mois contre 24 mois actuellement soit réévaluée, qu’il soit mis fin au « simlockage » des terminaux et que l’intérêt économique du modèle de subvention des terminaux par les opérateurs fasse l’objet d’investigations de la part de l’ARCEP et du Gouvernement.

EXAMEN EN COMMISSION

À l’issue de la commission élargie (voir compte rendu analytique officiel de la réunion du lundi 25 octobre 2010 sur le site Internet de l’Assemblée nationale), la commission des affaires économiques a examiné pour avis les crédits de la mission « Économie », sur les rapports de Mme Laure de La Raudière, M. Daniel Fasquelle, M. François Loos, M. Jean Gaubert et M. Alfred Trassy-Paillogues.

*

Conformément aux conclusions de Mme Laure de La Raudière, M. Daniel Fasquelle, M. François Loos et M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteurs, et contrairement aux conclusions de M. Jean Gaubert, rapporteur, la Commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie » pour 2011.

——fpfp——

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) :

– M. Denis Rapone, membre du collège,

– M. Christophe Cousin, directeur adjoint des services fixe et mobile et des relations avec les consommateurs de l'ARCEP,

– Mme Delphine Gomes de Souza, chargée de mission au sein de l’unité relations avec les consommateurs.

Bouygues Télécom :

– M. Emmanuel Forest, directeur général délégué et vice-président

– Mme Brigitte Laurent, directrice de la communication externe et institutionnelle

Confédération logement cadre de vie (CLCV) :

– M. Thierry Saniez, délégué général

– Mme Isabelle Le Diberder, chargée de mission

Illiad / Free

– M. Maxime Lombardini, directeur général

– M. Olivier de Baillenx, directeur des relations institutionnelles

Médiateur des communications électroniques :

– M. Raymond Viricelle, médiateur

SFR :

– Mme Marie-Georges Boulay, directeur de la réglementation et des relations extérieures

UFC Que-Choisir :

– M. Edouard Barreiro, chargé de mission TIC et commerce

© Assemblée nationale