N° 2864
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2010.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2011 (n° 2824)
TOME III
SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES
SOLIDARITÉ
Par M. Christophe SIRUGUE,
Député.
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Voir le numéro : 2857 (annexe n° 42).
A. LE FINANCEMENT DU RSA : DES ÉCONOMIES BUDGÉTAIRES POUR L’ÉTAT ; DES CHARGES EN HAUSSE POUR LES DÉPARTEMENTS 8
1. La distinction RSA socle/RSA socle majoré/RSA activité 8
2. Le RSA activité : un financement toujours incertain 9
a) La contribution sur les revenus du capital : un rendement décevant 10
b) Un net désengagement budgétaire en 2011 11
3. Les mesures nouvelles pour 2011 : le RSA jeunes et l’extension du RSA outre-mer 12
a) Un RSA jeunes minimaliste 12
b) L’extension du RSA à l’outre-mer 14
c) Des mesures connexes : la suppression de la prime de retour à l’emploi pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique et l’expérimentation d’un revenu contractualisé d’autonomie pour les jeunes 15
4. Toujours plus de charges pour les départements 17
a) Une compensation du RSA socle figée dans la continuité de celle du RMI 18
b) Les modalités de compensation de l’intégration de l’API au RSA socle 18
c) La non-compensation des dépenses d’accompagnement des parents isolés et des bénéficiaires du RSA activité 20
d) Des charges non compensées qui continuent à augmenter 21
B. LE SOUTIEN AUX FAMILLES VULNÉRABLES : LA POURSUITE DU DÉSENGAGEMENT BUDGÉTAIRE 22
1. L’accompagnement des parents et des couples 22
2. Les mesures de protection des personnes majeures fragiles 24
C. L’ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES : UNE AUGMENTATION DES MOYENS EN TROMPE-L'ŒIL 25
D. LE FONCTIONNEMENT DES ADMINISTRATIONS SOCIALES 27
II.- LE PREMIER BILAN DU RSA : BEAUCOUP D’INTERROGATIONS 29
A. UNE MONTÉE EN CHARGE TRÈS LENTE DU RSA ACTIVITÉ 29
B. UNE GOUVERNANCE QUI PEINE À SE METTRE EN PLACE DANS UN CONTEXTE DE RESTRICTIONS BUDGÉTAIRES 32
1. La redéfinition du rôle des acteurs administratifs selon la loi généralisant le RSA 32
2. La difficile adaptation des acteurs à la nouvelle donne 34
3. Cette organisation administrative plus complexe est-elle efficace ? 37
a) Des problèmes de coordination entre administrations, renforcés par des obstacles juridiques 38
b) Des délais parfois excessifs entre le premier contact avec les administrations et la mise en place effective d’un accompagnement 38
c) Une séparation entre l’accompagnement social et l’accompagnement professionnel qui distend les liens et empêche une prise en charge globale 39
d) Une implication de Pôle emploi que beaucoup jugent limitée 39
e) Des difficultés pour mettre en œuvre l’aide personnalisée de retour à l’emploi 40
C. DES RÉSULTATS INCERTAINS PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS DÉCLARÉS 41
1. Le RSA fait-il baisser la pauvreté ? 41
2. Le RSA accélère-t-il l’accès ou le retour à l’emploi ? 43
a) Des incertitudes quant à l’efficacité des dispositifs d’incitation financière à l’emploi en général 43
b) Dans le cas du RSA, une incitation financière à l’emploi qui peut être rognée, voire annulée, du fait des « droits connexes » 45
c) L’évaluation de l’expérimentation préalable du RSA : des résultats peu concluants sur l’emploi 47
d) Un vrai risque de « trappe à temps (très) partiel » ? 48
e) L’enjeu de l’accompagnement 49
3. Le RSA est-il toujours une prestation juste ? 49
a) Une prestation qui repose sur une idéologie du « mérite » 49
b) Les ambiguïtés d’une prestation « familialisée » 50
c) La pertinence d’un seuil d’assujettissement aux « droits et devoirs » 51
d) Les interférences des droits connexes 51
ANNEXE 1 : Liste des personnes auditionnées 55
ANNEXE 2 : Les principaux aménagements des droits connexes nationaux suite à la généralisation du RSA 57
Désormais, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se répartissent principalement en trois grands blocs : la contribution de l’État au financement du revenu de solidarité active (RSA) ; sa participation aux politiques du handicap (traitée dans l’avis budgétaire de M. Paul Jeanneteau) ; les frais de fonctionnement des administrations sociales.
Il est à noter qu’une nouvelle fois, des modifications ont été apportées au contour de cette mission rendant souvent le travail de comparaison plus difficile. Il en est ainsi du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » qui a vu une partie de ses crédits basculer sur le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ». Déjà, l’an passé, le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » avait été transféré à la mission « Ville et logement », dispersant les moyens de lutte contre les exclusions et pour les solidarités.
Du point de vue de l’analyse budgétaire, le projet du Gouvernement pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » en 2011 se caractérise par de nombreuses mesures de restriction et de désengagement de l’État. La plus marquante concerne le financement du RSA, avec une contribution nationale qui diminuera, par rapport à la loi de finances pour 2010, de plus d’un milliard d’euros (en prenant en compte aussi la disparition du financement résiduel de l’allocation de parent isolé-API). Dans le même temps, de 2009 à 2011, la charge nette des seules allocations de RSA (hors dépenses de gestion et d’insertion des bénéficiaires) pourrait passer, pour les départements et après déduction des ressources de compensation transférées, de 0,6 à 1,2 milliard d’euros. Ces mouvements symétriques de désengagement de l’État et d’aggravation de l’impasse budgétaire pour les départements confirment une tendance initiée en 2004.
Plus d’un an après l’entrée en vigueur effective du RSA généralisé, votre rapporteur pour avis a souhaité, au-delà des enjeux financiers, essayer d’en tirer un premier bilan. Dans un contexte marqué par la crise économique, le « RSA activité », qui est le seul « plus » de la nouvelle prestation par rapport au revenu minimum d’insertion (RMI) et à l’API qu’elle remplace, monte très lentement en puissance – ce qui n’est sans doute pas sans lien avec le chômage de masse. Quant à l’organisation administrative censée le mettre en œuvre, elle repose sur divers intervenants (et donc des partenariats) et n’est pas encore stabilisée. Dans un climat rendu plus difficile par de grandes difficultés budgétaires, les liens se sont manifestement distendus entre ces intervenants, alors même que les concepteurs du RSA l’ont voulu plus « efficace » que les dispositifs RMI et API préexistants. Au-delà des problèmes conjoncturels, qui seront dépassés à terme, certains choix qui ont présidé à la définition du dispositif de gestion du RSA sont en cause ; il s’agit souvent de choix largement idéologiques, tel que celui de donner une primauté absolue à l’insertion dans l’emploi en séparant strictement un public en « accompagnement professionnel » et un public en « accompagnement social ».
Vu son déploiement laborieux, les résultats que l’on attendait du RSA activité en matière de lutte contre la pauvreté et d’amélioration de l’accès à l’emploi restent forcément minimes à cette heure, pour autant qu’ils soient perceptibles. Car c’est un fait qui frappe : le RSA ne paraît pas avoir vraiment trouvé sa place dans le paysage des politiques sociales ; des acteurs majeurs de celles-ci – des villes et de leurs centres d’action sociale jusqu’à Pôle emploi en passant par les entreprises d’insertion – poursuivent leurs missions sans compter sur l’aide de ce nouveau dispositif pour les accomplir.
En fusionnant plusieurs prestations, le RSA se voulait être une simplification du dédale des minima sociaux, et pour les acteurs de l’insertion, et pour les bénéficiaires. Aujourd’hui, ils dénoncent conjointement l’extrême complexité du dispositif. En fondant, sous la même appellation, le RSA socle qui garantit un revenu minimum et le RSA activité qui apporte un complément salarial, la prestation voulait déstigmatiser les bénéficiaires du RMI. Aujourd’hui, les travailleurs pauvres refusent par centaines de milliers d’entrer dans un dispositif qui les ferait basculer, selon leurs propres termes, dans l’aide sociale et le RSA activité affiche un taux record de non-recours. En incitant financièrement à la (re)prise d’emploi, le RSA se voulait être l’instrument majeur de lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi. Aujourd’hui, les centres d’action sociale et les associations caritatives s’alarment de l’augmentation des demandes d’aide et d’accueil, y compris de personnes en emploi. Le RSA activité n’est pas un emploi ; il repose pour être efficace sur un marché de l’emploi dynamique et montre ses limites en temps de crise économique, ce qui conduit au paradoxe qu’il fonctionnerait davantage s’il était moins nécessaire. Les réflexions de certains économistes, mais aussi les enseignements du bilan définitif tiré de l’expérimentation qui a précédé la généralisation du RSA, conduisent à s’interroger sur la pertinence de la conception même d’une telle prestation.
Le débat est ouvert et, s’il fallait en quelques mots résumer ces premiers éléments de bilan, on pourrait dire que les questionnements restent aujourd’hui beaucoup plus nombreux que les réponses convaincantes. Cette politique publique devra certainement être réexaminée au cours des années qui viennent, au regard d’éléments d’évaluation plus complets.
Votre rapporteur pour avis avait demandé que les réponses au questionnaire budgétaire lui parviennent le 25 septembre 2010. À cette date, 20 % des réponses lui étaient parvenues.
Par ailleurs, l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour de ces réponses. Au 10 octobre 2010, le taux de réponses transmises s’élevait à 61 %.
I.- LES PRINCIPALES INFLEXIONS DES CRÉDITS DE LA SOLIDARITÉ
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » présente un caractère interministériel. Plusieurs membres du Gouvernement sont en effet responsables de sa gestion : d’une part, M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée des aînés, et Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité ; d’autre part, M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives. Cette mission regroupe, pour un montant total de crédits de plus de 12 milliards d’euros, cinq programmes de poids très inégal. Le mieux doté, le programme « Handicap et dépendance », qui représente les trois quarts de l’ensemble des crédits, n’est pas commenté dans le présent avis car, conformément aux usages, la commission des affaires sociales a désigné un rapporteur spécialement chargé de ce programme (M. Paul Jeanneteau).
Comme on le voit sur le tableau ci-dessous, les crédits globaux de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ressortent dans le projet de loi de finances pour 2011, après « retraitement » pour les présenter à périmètre constant, en baisse de 2,7 %. Cette évolution recouvre une augmentation des moyens consacrés au handicap, mais une forte baisse – de plus d’un milliard d’euros – de la contribution de l’État au financement des minima sociaux et la poursuite de son désengagement des dispositifs d’aide à la parentalité, de conseil conjugal et familial et de protection des personnes fragiles. Cette réduction intervient alors que le contexte économique et social est encore marqué par la crise démarrée fin 2008.
Les principales lignes de crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »
Crédits de paiement en millions d’euros |
LFI 2010 |
PLF 2011 |
Évolution 2011/2010 (%) |
MISSION SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES (1), DONT : |
12 708,76 |
12 366,47 |
- 2,7 |
Programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », dont : |
1 607, 6 |
705 |
- 56,1 |
– Expérimentations |
10,06 |
5 |
- 50,3 |
– Revenu de solidarité active (RSA) |
1 597,54 |
700 |
- 56,2 |
Programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables », dont : |
408,54 |
231,85 |
- 43,2 |
– « Accompagnement des familles dans leur rôle de parents » |
14,77 |
12,52 |
- 15,2 |
– Allocation de parent isolé (API) |
164,22 |
- |
- 100 |
– Mesures de protection (des majeurs) |
229,54 |
219,33 |
- 4,5 |
Programme 157 « Handicap et dépendance » |
9 104,92 |
9 883,73 |
8,6 |
Programme 137 « Égalité entre les hommes et les femmes » (1) |
17,76 |
18,64 |
4,9 |
Programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » (1) |
1 569,94 |
1 527,25 |
- 2,7 |
Source : projet annuel de performances (« bleu ») « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
(1) Les montants pour 2010 sont « retraités » à périmètre constant.
A. LE FINANCEMENT DU RSA : DES ÉCONOMIES BUDGÉTAIRES POUR L’ÉTAT ; DES CHARGES EN HAUSSE POUR LES DÉPARTEMENTS
Des crédits votés pour 2010 au projet loi de finances pour 2011, l’effort de l’État pour le financement du RSA, tel que retracé dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », diminue de plus d’un milliard d’euros : la subvention au Fonds national des solidarités actives (FNSA) se trouve réduite de près de 900 millions d’euros et, corrélativement, l’extension du RSA outre-mer amène la disparition du financement résiduel de l’allocation de parent isolé (API), qui subsistait en 2010 à hauteur de 164 millions d’euros.
L’analyse des flux budgétaires afférents au RSA implique de se plonger dans la mécanique de cette prestation complexe, afin notamment de rappeler la distinction entre le « RSA socle », le « RSA socle majoré » et le « RSA activité » (dit aussi « RSA chapeau »).
En France métropolitaine, le RSA s’est substitué le 1er juin 2009 au revenu minimum d’insertion (RMI) et à l’allocation de parent isolé (API), qui ont été supprimés.
Dans la continuité de l’ex-RMI, le RSA vise d’abord à garantir un revenu minimum, dont le montant varie selon la composition du foyer. En 2010, le montant de revenu mensuel garanti – ou « RSA socle » – est de 460,09 euros pour une personne isolée ; 690,14 euros pour un foyer de deux personnes (couple ou parent isolé avec un enfant) ; 828,17 euros pour un foyer de trois personnes, etc. Dans la continuité de l’ex-API, ces montants garantis sont majorés pour certains parents – et femmes enceintes – isolés (pendant douze mois après la séparation ou le décès à l’origine de l’isolement ou tant qu’au moins un enfant à charge a moins de trois ans) : c’est le « RSA socle majoré ». On relève que les règles d’attribution de cette majoration, très proches de celles de l’ex-API, sont un peu plus larges pour deux raisons : dans le cas d’un isolement dû à une séparation ou un décès, l’âge limite des enfants à charge, qui était de vingt ans pour l’API, est porté à vingt-cinq ans pour le RSA (dans la continuité de l’ex-RMI) ; par ailleurs, le complément d’allocations familiales versées pour les enfants adolescents, qui intervenait dans le calcul des ressources propres dans l’API, n’intervient plus dans le calcul du RSA (comme pour l’ex-RMI).
On ajoute ensuite au revenu minimum familial une fraction des revenus d’activité du foyer (si de tels revenus sont présents), fraction dont le taux est fixé à 62 %. On verse alors une allocation, le RSA, égale à la différence entre le revenu garanti qui résulte de cette addition et les revenus propres (revenus d’activité, certains revenus de remplacement et « forfait logement » représentatif des aides au logement ou de l’avantage procuré par l’occupation d’un logement dont est propriétaire ou qu’on occupe à titre gratuit). Concrètement, chaque bénéficiaire du RSA qui augmente les revenus issus de son travail de 100 euros ne voit son allocation diminuer que de 38 euros, son revenu global augmentant donc de 62 euros. C’est le « RSA activité ».
La lenteur de la montée en charge du RSA activité est sans doute la principale justification du recul des crédits que prévoit d’y consacrer l’État, mais ce n’est pas la seule. Le peu d’ambition de certaines mesures, comme l’extension du RSA à un petit nombre de jeunes seulement, et la recherche systématique d’économies budgétaires expliquent aussi largement cette évolution. Les moyens réels dont disposera le ministère pour mettre en œuvre les dix mesures de simplification et d’amélioration du dispositif, annoncées par le ministre des solidarités actives en juillet 2010, restent à vérifier. Dans le même temps, les compensations versées aux départements sont loin de couvrir les charges du RSA socle.
Le financement du RSA activité transite par le FNSA, fonds géré par la Caisse des dépôts et consignations et non doté de la personnalité morale. Ce fonds est alimenté par une subvention budgétaire, inscrite au programme 304 de la mission, et par le produit d’une contribution sociale additionnelle de 1,1 % sur les revenus du capital instituée à cet effet. Dans le « montage » financier initial du RSA, cette contribution, dont le rendement était espéré à environ 1,5 milliard d’euros par an, devait financer l’intégralité du surcoût (par rapport aux dispositifs préexistants) du RSA pour l’État, de sorte que la réforme devait être une « opération blanche » pour le budget de l’État. Ainsi qu’on le voit sur le tableau ci-dessous, la contribution budgétaire au FNSA équivalait au « recyclage » d’économies réalisées sur d’autres postes grâce à l’instauration du RSA. En effet, outre la suppression des dispositifs absorbés (API, mesures dites d’intéressement), la création du RSA s’est accompagnée de la remise en cause partielle de certains « droits connexes » qui étaient liés au RMI en matière d’aides au logement, de taxe d’habitation et de redevance audiovisuelle, ainsi que d’une non-revalorisation en 2009 de la prime pour l’emploi (PPE) et d’une impossibilité de cumuler RSA et PPE.
L’impact du RSA sur le budget de l’État dans le montage initial (fin 2008)
En millions d’euros, les mesures d’« économie » sont en négatif |
2009 |
2010 |
2011 |
Suppression de la prime de retour à l’emploi (mesure d’« intéressement » au retour à l’emploi à la charge de l’État) |
- 38 |
- 153 |
- 170 |
Suppression de l’API |
- 439 |
- 928 |
- 1 065 |
Baisse de dépenses sur les aides au logement |
- |
- 23 |
- 23 |
Diminution de la prime pour l’emploi (non-indexation et subsidiarité par rapport au RSA) |
- 400 |
- 750 |
- 1 100 |
Réforme du dégrèvement de taxe d’habitation |
- |
- 30 |
- 30 |
Compensation de l’extension de compétence des départements aux parents isolés (suppression de l’API) |
322 |
644 |
688 |
Contribution budgétaire au FNSA |
555 |
1 240 |
1 700 |
Solde (coût net théorique du RSA pour l’État) |
- |
- |
- |
Source : travaux préparatoires de la loi généralisant le RSA.
Cette construction budgétaire est restée toute théorique. Le tableau ci-dessous montre à la fois les errements, au fil des documents budgétaires, d’une part, de l’évaluation du rendement de la contribution sur les revenus du capital, d’autre part, de la subvention budgétaire prévue. Encore, en 2009, cette subvention qui a été versée à un niveau inférieur aux prévisions budgétaires (420 millions d’euros au lieu de 555 millions) a-t-elle pour l’essentiel servi à couvrir la traditionnelle « prime de Noël » des bénéficiaires du RSA et des autres minima sociaux, ce qui n’était pas prévu…
Les ressources du Fonds national des solidarités actives au gré des prévisions
(en millions d’euros)
2009 |
2010 |
2011 | ||||||
Tableau de financemt initial du RSA |
Réalisation |
Tableau de financemt initial du RSA |
Prévision en LF pour 2010 |
Prévision révisée en PLF pour 2011 |
Tableau de financemt initial du RSA |
PLF pour 2011 | ||
Taxe sur les revenus du capital |
1 432 |
833 (1) |
1 502 |
1 287 |
1 223 (2) 1 109 (1) |
1 570 |
1 168 (2) 1 068 (1) | |
Subvention budgétaire |
555 |
420 |
1 240 |
1 598 |
1 386 |
1 700 |
700 |
Source : documents budgétaires.
(1) Selon l’annexe « Évaluations des voies et moyens » pour 2011.
(2) Selon le projet annuel de performances (« bleu ») « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2011.
Pour ce qui est de la cohérence élémentaire, il est assez frappant de constater que dans les annexes relatives au même projet de loi de finances pour 2011, on ne trouve même pas exactement les mêmes estimations s’agissant du rendement de la contribution sur les revenus du capital : ce rendement est ainsi évalué pour 2011 à 1,168 milliard d’euros dans le projet annuel de performances « Solidarité, insertion et égalité des chances », contre 1,068 milliard seulement dans l’annexe « Évaluation des voies et moyens » ! Sur le fond, deux constats dominent : le rendement décevant de la contribution sur les revenus du capital ; le désengagement budgétaire de l’État.
La contribution sur les revenus du capital, dont le rendement devait être, selon les estimations initiales, de l’ordre de 1,5 milliard d’euros par an, ne représente finalement guère plus d’1 milliard d’euros de ressources. La crise financière est passée par là, l’assiette de la contribution, qui comprend notamment les plus-values boursières, étant très fragile.
Par ailleurs, il convient de rappeler qu’à l’initiative de parlementaires de la majorité, il a été prévu, dans la loi généralisant le RSA, que le taux de cette contribution serait diminué, au vu de l’effet du plafonnement des niches fiscales institué par la loi de finances pour 2009, du rendement (en impôt sur le revenu supplémentaire) de ce plafonnement. Il y est également disposé que « le Gouvernement dépose annuellement au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances afférent à l’exercice suivant, un rapport faisant état de la mise en œuvre du revenu de solidarité active, du produit [de la contribution sur les revenus patrimoniaux], du produit du plafonnement [des niches fiscales] et de l’équilibre du fonds national des solidarités actives pour le dernier exercice clos ainsi que de ses prévisions d’équilibre pour l’exercice en cours et l’exercice suivant. Ce rapport propose, le cas échéant, une diminution du taux [de la contribution sur les revenus du capital] en fonction de ces prévisions d’équilibre ».
Fort heureusement, le taux de la contribution n’a pas été diminué, car cette diminution aurait contribué à complexifier et à déstabiliser encore davantage un financement souvent qualifié d’usine à gaz.
Après des coupes claires dans les crédits votés pour 2009 et 2010, la subvention budgétaire de l’État au FNSA, inscrite sur le programme 304 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », sera seulement de 0,7 milliard d’euros en 2011 selon le présent projet loi de finances, contre 1,7 milliard inscrits dans le tableau prévisionnel de financement du RSA il y a deux ans.
Comme il apparaît sur le tableau ci-après, cette réduction drastique de la subvention budgétaire au FNSA rend compte d’une révision négative très forte des prévisions de dépenses d’allocation de RSA activité, révision que l’on peut comprendre compte tenu de la montée en charge beaucoup plus lente que prévu de cette prestation.
Mais il est regrettable qu’à la même occasion, on prévoie une diminution non moins forte des moyens affectés à l’aide personnalisée de retour à l’emploi (APRE), qui passeraient de 150 millions d’euros en 2009 à 84 millions en 2011. Certes, ces crédits sont actuellement sous-consommés, mais il serait plus pertinent de s’interroger sur les remèdes à apporter à cette situation. Ce dispositif a en effet pour objet d’accorder à des allocataires qui prennent un emploi une aide au cas par cas destinée à répondre concrètement aux problèmes qui se posent alors : garde d’enfants, préparation du permis de conduire… Tous les spécialistes s’accordent pour estimer que ce type d’intervention est déterminant pour l’accès à l’emploi des personnes qui en sont éloignées. Les difficultés de montée en puissance du RSA activité, loin de justifier un recul de ces crédits, devraient au contraire entraîner une augmentation de ces moyens.
Tableau de financement du Fonds national des solidarités actives
(selon les documents budgétaires)
(en millions d’euros)
Prévision 2010 initiale (PLF pour 2010) |
Prévision 2010 révisée (PLF pour 2011) |
Prévision 2011 (PLF pour 2011) | |
Dépenses : |
3 127 |
1 548 |
2 239 |
– RSA complément de revenu |
2 900 |
1 313 |
1 803 |
– RSA jeunes |
- |
20 |
75 |
– RSA DOM + RSTA (en extinction) |
- |
- |
200 |
– Aide personnalisée de retour à l’emploi (APRE) |
150 |
138 |
84 |
– Frais de gestion |
77 |
77 |
77 |
Recettes : |
3 127 |
2 842 |
2 239 |
– Subvention budgétaire |
1 675 |
1 386 |
700 |
– Créance ACOSS /dette CCMSA au titre de 2009 |
- |
233 |
- |
– Contribution sociale |
1 287 |
1 223 |
1 168 |
– Prélèvement sur la trésorerie |
165 |
- |
371 |
Résultat cumulé (trésorerie) |
- |
1 294 |
923 |
Source : projet annuel de performance « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
L’article 87 du présent projet loi de finances met à la charge du FNSA, à titre exceptionnel :
– pour 2011, l’intégralité du « RSA jeunes » (alors que, selon le droit commun, le FNSA ne couvre que le RSA activité, et non le RSA socle) ;
– pour 2011 et 2012, le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA) versé outre-mer, auquel le RSA qui y est étendu va se substituer progressivement.
Lorsque l’extension du RSA aux jeunes fut annoncée en septembre 2009, suite notamment à une délibération (1) de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) qui établissait le caractère discriminatoire de l’exclusion des jeunes de ce dispositif, il était question de 160 000 bénéficiaires potentiels, pour un coût annuel de 250 millions d’euros. Votre rapporteur pour avis avait alors fait état des déceptions et interrogations que suscitait la limitation du nombre de jeunes pouvant prétendre à cette prestation. Ces observations restent valables alors qu’un an après, le « RSA jeunes » est enfin applicable à compter du 1er septembre 2010 :
– L’exigence d’avoir à justifier, pour bénéficier du RSA avant 25 ans, de 3 214 heures travaillées (soit deux ans de travail à temps plein) durant les trois dernières années (hors les périodes de chômage indemnisé, qui seront neutralisées dans la limite de six mois) sera très lourde à gérer pour les jeunes, qui devront prouver les heures déclarées, correspondant parfois à une multitude de contrats précaires. Il leur sera difficile de mobiliser les pièces administratives établissant la preuve de ces « petits boulots », sans parler de l’impossibilité d’établir la vérité entre les heures effectuées et les heures déclarées. Pour leur part, les organismes payeurs chargés de contrôler ces déclarations risquent de ne pas pouvoir instruire les dossiers dans des délais raisonnables.
– Par ailleurs, la question de la compatibilité – ou non – du RSA avec le statut d’étudiant n’est toujours pas réglée de manière satisfaisante. En effet, dans la législation actuelle, indépendamment de la règle d’âge des 25 ans, il existe une exclusion des étudiants, élèves et stagiaires du RSA, à laquelle le RSA jeunes ne changera apparemment rien, d’après les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis : les étudiants, élèves et stagiaires (quel que soit d’ailleurs leur âge, plus ou moins de 25 ans) continueront à ne pas avoir accès au RSA (sauf s’ils sont parents isolés), même s’ils remplissent la condition de deux années de travail durant les trois dernières (dans l’hypothèse d’une reprise d’études). Enfin, en cas de cumul d’un emploi avec la poursuite d’études, ils devront justifier d’un revenu d’activité de 500 euros par mois au moins pour être considérés comme des « travailleurs » et non des « étudiants » et donc bénéficier éventuellement du RSA activité si, par ailleurs, ils ont moins de 25 ans et satisfont la condition des deux années de travail à temps plein… Selon les réponses au questionnaire budgétaire, « les systèmes d’information des organismes payeurs ont été paramétrés pour intégrer cette règle de gestion », dont on peut pourtant penser qu’au regard de ses enjeux, elle aurait mérité de figurer au moins dans un texte réglementaire et d’être débattue publiquement, plutôt qu’intégrée dans le logiciel de gestion du RSA comme si elle allait de soi…
– En tout état de cause, 160 000 bénéficiaires potentiels, comme annoncé initialement, cela représenterait moins de 3 % des 6 millions de 18-25 ans. Or, dans le présent projet loi de finances, le coût annuel du RSA jeunes est révisé à la baisse à 75 millions d’euros – et non 250 millions –, ce qui correspondrait à un nombre de bénéficiaires nettement plus faible, de 48 000 par extrapolation. Au 9 octobre de cette année, selon les chiffres du Gouvernement, on en était à 5 635 demandes de RSA jeunes déposées, nombre présenté comme compatible avec un objectif, pour le moins modeste, de 15 000 bénéficiaires…
L’extension du RSA aux départements d’outre-mer (DOM) ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin a été décidée par l’ordonnance n° 2010-686 du 24 juin 2010 et est applicable à compter du 1er janvier 2011. L’allocation, qui se substituera au RMI et à l’API, sera servie dans les conditions identiques à celles de la métropole et devrait, selon le Gouvernement, concerner 180 000 foyers au terme de sa montée en charge.
La question se pose quand même de son articulation avec le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA). Le RSTA, on le rappelle, a été institué (2) en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à La Réunion suite à la crise sociale qui a secoué les Antilles et La Réunion début 2009. Comme son nom l’indique, il a une durée déterminée. C’est une prestation financée par l’État, d’un montant de 100 euros (proratisés pour les salariés à temps partiel) par mois, qui est versée aux salariés ayant un revenu inférieur ou égal à 1,4 fois le SMIC mensuel. Il est complété en Guadeloupe et en Martinique par des primes financées par les collectivités territoriales et des compléments de salaires apportés par les employeurs, qui portent la majoration de revenu à 200 euros.
Le gouvernement prévoit de fermer au 1er janvier 2011 le dispositif RSTA, dont il a toujours été admis qu’il n’avait pas vocation à se pérenniser. Cependant, les droits acquis au RSTA antérieurement à cette date seront conservés. Le RSTA demeurera provisoirement en vigueur (jusqu’au 31 décembre 2012 selon l’exposé des motifs de l’article 87 du présent projet de loi) pour ceux de ces bénéficiaires qui l’auront perçu en novembre ou décembre 2010 et qui continueront à remplir les conditions d’attribution, sans toutefois qu’il soit possible de cumuler les deux prestations.
Cette transition suscite plusieurs interrogations :
– Le mode de calcul du RSA est différent de celui du RSTA. Dans la mesure où le RSA prend en compte la situation familiale, il sera en général plus avantageux que le RSTA pour les familles, mais pourra en revanche l’être beaucoup moins pour des personnes isolées. On rappelle en effet que pour un célibataire, le RSA disparaît aux alentours d’un revenu d’activité égal au SMIC, alors que l’intéressé a actuellement pleinement droit à un RSTA de 100 euros par mois. Cette différence de mode de calcul devrait donc faire des « perdants ».
– Lors du débat budgétaire pour 2010, les élus ultramarins et de l’opposition, avaient pu obtenir – en dépit des intentions initiales contraires du Gouvernement – que le RSTA puisse être intégralement cumulé avec la prime pour l’emploi-PPE (laquelle est d’environ 80 euros par mois au niveau du SMIC mensuel). A contrario, le RSA n’est pas cumulable avec la PPE (celle-ci est subsidiaire par rapport au RSA, c’est-à-dire qu’un reliquat de PPE peut être versé si le RSA est inférieur à la PPE due, de sorte que la personne concernée ne soit pas perdante par rapport à la PPE qu’elle percevrait en l’absence de RSA). Cette situation entraînera aussi des « perdants » à la transition du RSTA au RSA.
– Enfin, il convient de rappeler qu’en Guadeloupe et en Martinique, le RSTA, suite à des accords régionaux interprofessionnels, est « amélioré » par un effort des employeurs et des aides des collectivités locales qui porte à 200 euros par mois le supplément versé aux salariés. Ce dispositif, provisoire, a vocation à s’éteindre.
c) Des mesures connexes : la suppression de la prime de retour à l’emploi pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique et l’expérimentation d’un revenu contractualisé d’autonomie pour les jeunes
Dans ce passage consacré aux mesures nouvelles du budget, votre rapporteur pour avis souhaite évoquer deux autres dispositions, bien qu’elles n’affectent pas les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », car elles sont connexes de la problématique du RSA.
● La suppression de la prime de retour à l’emploi pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique
L’article 92 du présent projet de loi de finances supprime la prime de retour à l’emploi pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), qui est actuellement financée sur les crédits de la mission « Travail et emploi »
L’ASS, on le rappelle, est une prestation dédiée aux chômeurs de longue durée : elle est versée aux travailleurs privés d’emploi qui ont épuisé leurs droits à l’assurance chômage (allocation de retour à l’emploi ou allocation de fin de formation) et peuvent justifier de cinq ans d’activité salariée au cours des dix ans précédant la fin du contrat de travail à partir de laquelle ils ont bénéficié de l’assurance chômage. Bien que son montant soit très voisin de celui de l’ex-RMI devenu RSA socle, l’ASS n’a pas été absorbée par le RSA lorsque celui-ci a été créé.
L’ASS est assortie d’un régime dit d’« intéressement » à la reprise d’emploi, destiné à inciter financièrement ses bénéficiaires à reprendre un emploi et proche de celui qui existait pour les bénéficiaires du RMI et de l’API avant leur fusion dans le RSA. Ce dispositif d’intéressement est organisé dans des conditions différentes selon le volume de l’activité reprise :
– si elle représente moins de 78 heures par mois, l’ASS et la rémunération d’activité peuvent être cumulées intégralement pendant les six premiers mois dans la limite d’une rémunération brute d’un demi-SMIC mensuel ; si la rémunération excède cette limite, l’ASS est réduite d’un montant égal à 40 % de la fraction supplémentaire de rémunération. Pendant les six mois suivants, le cumul est partiel : une somme équivalant à 40 % de la rémunération brute totale d’activité est déduite du montant de l’allocation versée ;
– si l’activité reprise a un volume horaire mensuel d’au moins 78 heures, le cumul allocation/rémunération est intégral pendant trois mois, puis, pendant les neuf mois suivants, une prime forfaitaire de 150 euros par mois est ajoutée à la rémunération. Par ailleurs, les intéressés perçoivent une prime de retour à l’emploi de 1 000 euros pour tout emploi d’au moins quatre mois. Cette prime est versée à compter de la fin du quatrième mois d’activité professionnelle, mais peut être anticipée dès la fin du premier mois d’activité en cas de conclusion d’un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée de plus de six mois.
C’est cette prime de retour à l’emploi que l’article 92 du présent projet de loi de finances supprime. Elle est également supprimée pour les bénéficiaires du RMI et de l’API outre-mer.
En 2010, d’après les documents budgétaires, le coût de la prime de retour à l’emploi est estimé à environ 57 millions d’euros :
– 40,03 millions d’euros pour 39 500 bénéficiaires de l’ASS ;
– 16,79 millions d’euros pour 16 500 bénéficiaires de l’API et du RMI outre-mer.
Si la suppression de cette aide outre-mer est la conséquence logique de l’extension du RSA, qui y amène la suppression du RMI et de l’API, rien, sinon un souci d’économies budgétaires, ne justifie sa suppression quant aux bénéficiaires de l’ASS, d’autant que, pour le reste, leur régime spécifique d’intéressement à la reprise d’activité ne serait apparemment pas modifié. L’argument présenté dans l’exposé des motifs du présent projet loi de finances selon lequel il s’agirait seulement d’« aligner » les dispositifs d’intéressement, dans un « souci d’harmonisation et d’équité entre les dispositifs et de cohérence avec les incitations de retour à l’emploi prévues dans le cadre du RSA », n’est donc pas recevable : il ne s’agit pas vraiment d’alignement, mais d’économies aux dépens des chômeurs de longue durée, en particulier de ceux qui reprennent un emploi.
● L’expérimentation d’un revenu contractualisé d’autonomie de 250 euros pour certains jeunes
Le « revenu contractualisé d’autonomie » (RCA), prévu par l’article 138 de la loi de finances pour 2010, devrait enfin – un an après que cette loi l’ait institué, comme le RSA jeunes – être mis en œuvre prochainement selon les annonces faites par le ministre de la jeunesse et des solidarités actives le 28 septembre dernier ; un décret est en cours de finalisation. Il s’agit d’une mesure expérimentale prévue pour trois ans. Destinée à des jeunes de 18 à 25 ans, elle prendra la forme d’une allocation de 250 euros par mois au plus (en l’absence d’autres ressources), versée pendant deux ans au maximum ; cette allocation pourra être partiellement cumulée avec un salaire jusqu’au niveau du SMIC (avec un dispositif dégressif du même type que celui du RSA) ; son versement sera conditionné au respect d’engagements contractuels de recherche d’emploi et/ou de suivi de formation. Deux populations seront visées : les jeunes peu qualifiés (éligibles au contrat d’insertion dans la vie sociale-CIVIS) ; les titulaires d’une licence ou d’un diplôme plus élevé en recherche d’un premier emploi depuis plus de six mois. Selon les annonces effectuées, près de 9 500 jeunes devraient être concernés, dont 5 500 toucheraient l’allocation de 250 euros.
Le financement de ce dispositif, estimé à 20 millions d’euros, paraît devoir être extrabudgétaire : il sera à la charge du Fonds d’appui aux expérimentations en faveur des jeunes qui a été créé par l’article 25 de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA. Ce fonds est géré hors budget par la Caisse des dépôts et consignations ; doté par l’État de 150 millions d’euros pour la période 2009-2011, il bénéficie également de contributions d’entreprises privées et de fédérations patronales.
Votre rapporteur pour avis ne peut qu’être très dubitatif sur l’intérêt d’une telle mesure. Son champ limité – 9 500 jeunes – est manifestement hors de proportion avec la situation sociale catastrophique des jeunes d’aujourd’hui : faut-il rappeler que près de 638 000 jeunes étaient inscrits à Pôle emploi (en catégorie A, B ou C) en août 2010, contre 489 000 en août 2008, soit un différentiel de presque 150 000 ? Quant au montant de l’allocation, ces 250 euros représentent 54 % du montant du RSA socle et 27 % de celui du seuil de pauvreté : qui peut imaginer qu’un jeune puisse être financièrement « autonome » avec cela ? On est évidemment très loin de ce qui pourrait assurer une véritable autonomie aux jeunes et gommer la différence de situation entre ceux qui, indépendamment de leurs difficultés propres, restent soutenus par leur famille et ceux qui doivent réellement se débrouiller tout seuls.
Dans le même temps, les charges des départements au titre du RSA socle sont de plus en plus mal compensées.
On rappelle que cette compensation doit être envisagée sur plusieurs plans, le RSA étant une prestation composite qui prend la suite à la fois du RMI et de l’API.
Pour ce qui est des bénéficiaires du RMI « basculés » sur le RSA socle, leurs allocations étaient déjà à la charge des départements, depuis 2004, en contrepartie de quoi une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) avait été attribuée aux départements. Le décalage qui s’est creusé entre les dépenses effectives de RMI et cette ressource peu dynamique est bien connu et n’a pas été comblé par la création d’un Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI) à hauteur de 500 millions d’euros par an.
Quant aux dépenses d’insertion des bénéficiaires du RMI, elles ont toujours été à la charge des départements.
Le RSA socle des ex-bénéficiaires du RMI devrait rester compensé dans les mêmes conditions. En effet, l’article 22 du présent projet de loi de finances a pour objet de proroger en 2011 le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI), qui existe depuis 2006, en maintenant sa dotation annuelle au même niveau, soit 500 millions d’euros. Quant au droit à compensation assis sur la TIPP, il serait le même en 2011 qu’en 2010 et les années précédentes en euros courants : 4,942 milliards d’euros.
L’intégration de l’API au RSA socle (donnant ce qu’il est convenu d’appeler le RSA socle majoré) entraîne sa prise en charge par les départements, alors que l’API était financée par l’État. Elle est également compensée par l’attribution aux départements d’une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP).
Cependant, cette compensation ne couvre pas la totalité de la dépense d’ex-API. En effet, le milliard d’euros de dépense globale d’API avant la création du RSA a d’abord été réduit du montant des mesures d’intéressement à la reprise d’activité, que le Gouvernement estime ne pas avoir à verser puisque dans le régime RSA, l’intéressement rendu permanent est assuré par le RSA activité, lequel n’est pas à la charge des départements. La compensation à verser aux départements au titre de l’API a donc été estimée à 644 millions d’euros en année pleine.
L’article 7 de la loi généralisant le RSA du 1er décembre 2008 dispose que le montant de cette compensation, fixé pour la première fois, pour 2009, par la loi de finances pour cet exercice, est calculé sur la base des comptes administratifs des départements pour l’exercice précédent. Il doit ensuite être ajusté sur la base de ces comptes afférents aux exercices 2009 et 2010. La fixation définitive du droit à compensation devrait donc s’effectuer sur la base des comptes 2010 (au cours de l’année 2011).
L’article 51 de la loi de finances pour 2010 a effectué un premier ajustement aux dépens des départements : le montant global du droit à compensation en base annuelle a été réduit de 644 à 599 millions d’euros, les dépenses à prendre en compte ayant été révisées à la baisse ; certes, pour l’exercice 2010, c’est bien 644 millions d’euros qui doivent être versés aux départements compte tenu d’une mesure non pérenne de 45 millions d’euros, mais le droit à compensation est réduit pour l’avenir.
Pour 2011, en application de l’article 25 du présent projet de loi de finances, la compensation du transfert de l’ex-API sur le RSA socle majoré devrait s’élever à 832,1 millions d’euros. Ce montant tient compte :
– d’une part, d’un ajustement de la compensation due aux départements métropolitains (+ 100,4 millions d’euros). En application de la deuxième clause de revoyure prévue par l’article 7 de la loi du 1er décembre 2008, la compensation provisionnelle de l’extension de compétences est ajustée au vu des dépenses constatées en 2009, dans les comptes administratifs des départements, en faveur des bénéficiaires du RSA socle majoré. Le droit à compensation des départements métropolitains au titre de l’ex-API est ainsi porté à 699,3 millions d’euros. Il devrait faire l’objet d’un nouvel ajustement en 2011 au regard des comptes administratifs des départements pour 2010 ;
– d’autre part, de l’extension du RSA aux DOM ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin. La compensation doit en être calculée sur la base des dépenses exposées par l’État en 2010 au titre de l’API, nettes des sommes exposées au titre de l’intéressement au retour à l’emploi. Dans l’attente des données de l’exécution budgétaire 2010, elle est calculée à titre provisionnel, dans le projet de loi de finances pour 2011, sur la base des dépenses exposées en 2009 et sera ajustée ultérieurement au regard des dépenses définitives constatées en 2010. Le droit à compensation provisionnel des DOM pour 2011 est estimé à 132,8 millions d’euros (3).
Ce montant de « droit à compensation » pérenne serait enfin complété en 2011 par une mesure non pérenne de 82,9 millions d’euros, également financée par une fraction de TIPP, visant à corriger la compensation allouée aux départements métropolitains en 2009 et 2010 au titre du transfert du RSA socle majoré.
Le tableau ci-après récapitule les montants de compensation aux départements qui sont prévus au titre du RSA socle, majoré ou non (ex-RMI et ex-API). En 2011, le montant total de la compensation versée par l’État, sous forme de fractions de TIPP, au titre du RSA serait donc de 5,857 milliards d’euros.
Montants de la compensation du RSA aux départements
(en euros)
2010 |
2011 | |
« Droit à compensation » du RSA socle (ex-RMI) |
4 941 824 606 |
4 941 824 606 |
« Droit à compensation » du RSA socle majoré (ex-API) |
598 863 846 |
832 146 706 |
Mesures non pérennes (rattrapage d’exercices antérieurs) |
45 136 147 |
82 925 499 |
Total |
5 585 824 599 * |
5 856 896 811 * |
* Les 500 millions d’euros du FMDI s’ajoutant à ces montants.
Source : questionnaire budgétaire.
c) La non-compensation des dépenses d’accompagnement des parents isolés et des bénéficiaires du RSA activité
Par ailleurs, alors même que la loi confie au président du conseil général la responsabilité globale de l’attribution du RSA (sans distinguer le cas du RSA socle de celui du RSA activité, ni le cas des familles monoparentales), aucune ressource de compensation n’est attribuée aux départements pour la gestion et l’accompagnement, d’une part des bénéficiaires ex-allocataires de l’API qui entrent dans le RSA socle majoré, d’autre part des nouveaux entrants que sont les bénéficiaires du seul RSA activité. Auparavant, les départements avaient seulement à charge l’insertion des bénéficiaires du RMI, devenu le RSA socle.
Certes, pour ce qui est des familles monoparentales, l’accompagnement semble rester pour le moment assuré par les caisses d’allocations familiales, qui avaient développé ces dernières années une action en direction des bénéficiaires de l’API. Cela dit, la loi ne leur demande pas de réaliser cet accompagnement. Quant à la convention d’objectifs et de gestion CNAF/État pour 2009-2012, elle comporte un engagement limité en ces termes : « dans la continuité de la COG 2005-2008, poursuivre la mise en œuvre du socle minimum d’accompagnement : information et conseil sur la prestation RSA et sur les offres de service et actions collectives des CAF ». Pour le reste, cette convention renvoie aux « partenariats locaux » et aux ressources de chaque caisse pour apporter éventuellement un appui au service public de l’emploi (pour les bénéficiaires du RSA qui lui seront adressés) ou se voir déléguer par le conseil général l’accompagnement des familles monoparentales.
Quant au RSA activité, on peut supposer que la majorité de ses bénéficiaires, qui par définition ont déjà un emploi et donc un certain niveau d’insertion, seront suivis par Pôle emploi. Mais les prestations de Pôle emploi, dès lors qu’elles excédent les « interventions de droit commun » au bénéfice des demandeurs d’emploi, doivent faire, selon la loi du 1er décembre 2008, l’objet d’un financement contractuel par le département.
Les mesures d’insertion financées par les départements pour environ un million de bénéficiaires du RMI représentaient ces dernières années, selon l’ODAS, de l’ordre de 600 millions d’euros par an (4). Même si la dépense par bénéficiaire du RSA activité sera logiquement moindre (puisque les intéressés sont déjà en emploi), on voit que le passage à 3 millions de bénéficiaires du RSA ne peut se faire sans d’importantes dépenses supplémentaires d’insertion. L’enveloppe annuelle d’aide personnalisée au retour à l’emploi, réduite à 84 millions d’euros pour 2011, ne saurait les couvrir et les départements sont nécessairement mis à contribution en l’absence de nouvelle ressource de compensation.
L’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS) se livre régulièrement à des évaluations des charges d’action sociale transférées aux départements et insuffisamment compensées par l’État. Le tableau ci-dessous montre ce qu’il en est pour le RMI devenu RSA.
Charges et charges nettes de transferts de l’État résultant du RSA pour les départements selon l’ODAS
(en millions d’euros)
2007 |
2008 |
2009 | |
Dépenses d’allocations brutes RMI, puis RSA |
5 240 |
5 160 |
5 830 |
Indus |
90 |
120 |
120 |
Dépenses d’allocations nettes |
5 150 |
5 040 |
5 710 |
Dépenses d’insertion nettes |
920 |
890 |
870 |
Total des charges des départements pour le RMI/RSA |
6 070 |
5 930 |
6 580 |
Compensation (TIPP + FMDI) |
4 810 |
4 800 |
5 140 |
Charges nettes des départements pour le RMI/RSA après compensation par l’État |
1 260 |
1 130 |
1 440 |
Montant des allocations brutes de RMI-RSA, intéressement déduit |
5 070 |
4 920 |
5 720 |
Montant des allocations brutes d’API, intéressement déduit |
920 |
860 |
380 |
Total des allocations, intéressement déduit |
5 990 |
5 780 |
6 100 |
Source : « Dépenses départementales d’action sociale en 2009 : vers l’impasse ? », Lettre de l’ODAS, juin 2010.
Comme on le voit, la « charge nette » – après déduction des sommes obtenues au titre de la compensation – du RMI-RSA pour les départements s’est élevée en 2009 à plus de 1,4 milliard d’euros, en augmentation de 0,3 milliard par rapport à 2008. Certes, ce calcul prend en compte des dépenses dont il a toujours été admis qu’elles étaient à la charge des départements, comme celles consacrées à l’insertion des bénéficiaires du RMI (et donc du RSA socle).
Mais, même en raisonnant sur les seules charges d’allocations, on a en 2009 un différentiel de près de 0,6 milliard d’euros entre ces charges (5,7 milliards d’euros) et les transferts censés les compenser (5,1 milliards). Cet écart aux dépens des départements est dû principalement, d’après l’analyse de l’ODAS, à l’augmentation du nombre des bénéficiaires des minima sociaux dans le contexte de la crise : à champ constant (RMI + API, puis RSA socle), on est passé, de 2008 à 2009, de 1,177 million à 1,316 million de bénéficiaires, soit une augmentation de 12 %, que les transferts de compensation, fondés sur des bases historiques, ne prennent par construction pas en compte.
En 2010, ce différentiel devrait encore s’accroître. En effet, selon des estimations produites dans les réponses au questionnaire budgétaire, la dépense globale d’allocations « RSA socle » pourrait représenter, d’après les dernières données disponibles, de 6,52 à 6,67 milliards d’euros environ (selon différentes hypothèses sur le nombre de bénéficiaires en fin d’année) ; quant à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), ses propres estimations tournent autour de 6,9 milliards. Dans le même temps, les ressources de compensation aux départements, FMDI inclus, seront inférieures à 6,1 milliards d’euros.
Pour 2011, la CNAF anticipe 7,57 milliards d’euros (5) de dépenses d’allocations de RSA socle, tandis que le montant des ressources de compensation serait, même en tenant compte du FMDI, de 6,36 milliards d’euros, comme on l’a développé supra. La charge nette pour les départements sur les seules allocations de RSA socle pourrait donc être d’environ 1,2 milliard d’euros.
La baisse de 43 % des moyens du programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables » prévue en 2011 résulte en premier lieu de la disparition définitive de l’API avec l’extension du RSA outre-mer, et donc de la ligne budgétaire correspondante. Mais cette baisse s’inscrit aussi dans un mouvement continu de désengagement de l’État quant au financement des mesures pour les couples, les familles et les adultes en difficulté.
L’État se propose de consacrer en 2011 un montant de 12,52 millions d’euros à ses interventions destinées à « accompagner les familles dans leur rôle de parents », montant en diminution de plus de 15 % par rapport à 2010. Ces crédits sont pour l’essentiel versés à des associations intervenant dans le champ visé. Ils comportent une petite part de crédits nationaux destinés aux « têtes de réseau » de ces associations et sont pour le reste gérés de manière déconcentrée.
Le tableau ci-dessous permet de mesurer l’ampleur du désengagement de l’État : de 2007 à 2011, ces crédits déconcentrés auront été réduits de 25 millions d’euros à moins de 10 millions, soit plus de 60 % de baisse.
Évolution des crédits déconcentrés d’accompagnement des familles
(en millions d’euros)
LFI 2007 |
LFI 2008 |
Réalisé 2009 |
LFI 2010 |
PLF 2011 | |
Conseil conjugal et familial |
2,5 |
2,5 |
2,3 |
2,1 |
2,1 |
Médiation familiale |
2,4 |
2,4 |
2,3 |
2 |
1,5 |
Soutien à la parentalité |
17,6 |
13,6 |
6,1 |
6 |
6 |
Autres actions, dont « maisons des adolescents » |
2,5 |
2,5 |
2,7 |
2 |
- |
Total |
25 |
21 |
13,4 |
12,1 |
9,6 |
Source : questionnaires budgétaires 2010 et 2011. NB : les montants indiqués sur les différentes lignes sont essentiellement indicatifs, car fongibles en gestion.
Ce très fort recul des moyens budgétaires est en principe compensé par la sollicitation d’autres sources de financement, en particulier ceux de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), qui s’est engagée dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion conclue avec l’État pour 2009-2012 à consacrer 8,5 millions d’euros en 2009, 9 millions en 2010 et 9,5 millions en 2011 aux « réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents » (REAAP).
Il n’empêche que cette évolution des crédits apparaît quelque peu contradictoire, d’une part avec l’affirmation d’ambitions nationales importantes en la matière – par exemple dans la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce et ses mesures d’application s’agissant de la médiation familiale –, d’autre part avec la volonté affichée de renforcer le pilotage national des dispositifs, suite aux critiques de la Cour des comptes. Ce renforcement doit en principe conduire à la mise en place d’un comité national de la parentalité, présidé par le ministre chargé de la famille, et de comités départementaux.
Plus généralement, ce désengagement va à l’encontre des préconisations, venant de tous les bords, qui insistent sur l’importance des actions d’accompagnement social des couples et des familles dans un contexte social où le délitement des liens sociaux et familiaux et la progression de la « précarité relationnelle » sont peut-être encore plus inquiétants que la pauvreté matérielle.
Enfin, votre rapporteur pour avis regrette que les modalités de financement des actions de conseil conjugal et familial restent dans le présent projet de loi de finances fondées sur la même architecture baroque qu’en 2010. On se souvient, en effet, que le Mouvement français pour le planning familial, principal réseau associatif intervenant dans ce domaine, et l’État ont signé, le 11 mars 2009, un protocole visant à garantir un financement stable du conseil conjugal et familial à hauteur de 2,6 millions d’euros par an. Pour répondre à ses engagements tout en limitant sa contribution budgétaire, l’État a sollicité, en 2009 puis en 2010, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé) à hauteur de 500 000 euros en complément d’une subvention budgétaire de 2,1 millions. Mais ce « bricolage » ne va pas sans grandes difficultés, notamment dans les relations des associations pratiquant le conseil conjugal avec l’Acsé. On constate une absence de tout pilotage national dans ce domaine, de sorte que les instances territoriales de l’État et de l’agence parfois ignorent les engagements pris au niveau national, parfois ne se sentent pas tenus de les respecter. En 2009 et surtout en 2010, des associations locales se sont donc retrouvées dans de grandes difficultés budgétaires. Il est pourtant proposé de reconduire en 2011 cette clef de financement inefficace, pour « économiser » (en apparence) 0,5 million d’euros de crédits budgétaires…
Les crédits affectés aux mesures de « protection des enfants et des familles » sont destinés pour l’essentiel à financer la part de l’État dans les mesures légales de protection des majeurs (tutelles, curatelles et sauvegardes de justice). Ils sont fixés pour 2011 à 219 millions d’euros, soit un niveau en recul sur 2010, où ces crédits atteignent près de 230 millions d’euros. Il s’agit d’un ajustement aux conséquences de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui a modifié les clefs de financement en la matière. En effet, alors qu’avant 2009, l’État prenait à sa charge l’ensemble des mesures de tutelle et curatelle dites d’État, depuis cette date, il ne couvre que celles des personnes qui ne perçoivent pas de prestations sociales ou qui perçoivent une prestation du département. La sécurité sociale continue à financer les mesures confiées aux établissements hospitaliers et participe au financement de celles destinées aux bénéficiaires de prestations de sécurité sociale. Les départements financent quant à eux les mesures d’accompagnement pour les personnes percevant des prestations à leur charge : le RSA, mais aussi l’allocation personnalisée d’autonomie-APA et la prestation de compensation du handicap-PCH.
Le tableau ci-après précise l’impact budgétaire de la réforme pour les différents financeurs. On voit que la progression des charges de l’État et de la sécurité sociale est modérée, tandis que les départements verront de 2009 à 2011 leurs charges presque multipliées par trois (+ 192 %). Même si le Conseil constitutionnel (6) a estimé que cette réforme n’est pas constitutive d’un transfert, d’une extension ou d’une création de compétence départementale qui aurait exigé une compensation financière en application de l’article 72-2 de la Constitution, c’est bien à une forme de débudgétisation aux dépens des départements que l’on assiste.
Impact budgétaire de la réforme des mesures de protection des majeurs sur 2009-2011
(en millions d’euros)
2009 |
2010 |
2011 |
Évolution 2009-2011 (en %) | |
État |
201,39 |
211,12 |
213,08 |
5,8 |
Sécurité sociale |
285,45 |
298,41 |
301,02 |
5,5 |
Départements, dont : |
15,37 |
32,02 |
44,88 |
192 |
– Volet juridique (tutelles…) |
5,87 |
6,13 |
6,18 |
|
– Mesures d’accompagnement social personnalisé (MASP) |
9,5 |
25,89 |
38,7 |
|
TOTAL |
502,22 |
541,55 |
558,98 |
11,3 |
Source : questionnaire budgétaire.
Dans la présentation du projet annuel de performances (« bleu »), les crédits 2011 du programme 137 « Égalité entre les hommes et les femmes » s’élèvent à 18,64 millions d’euros et apparaissent en progression de presque 5 % sur ceux ouverts en 2010 « retraités », présentés à 17,76 millions d’euros.
Ce « retraitement » opéré par le Gouvernement a consisté à appliquer rétroactivement à la présentation des crédits votés pour 2010 une mesure de transfert de crédits qui consiste à inscrire désormais sur le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » les frais de personnel du service des droits des femmes et de l’égalité, soit 10 millions d’euros. Le projet de loi de finances pour 2010 prévoyait en fait 29,5 millions d’euros pour le programme 137.
Ce retraitement dans la présentation budgétaire, effectué à des fins louables de neutralisation des changements d’imputation des crédits, n’a toutefois pas pris en compte d’autres transferts de crédits prévus pour 2011. Seront désormais inscrits sur le programme 137, alors qu’ils l’étaient auparavant sur d’autres lignes, 0,18 million d’euros de subvention au Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF) et 1,91 million de subventions aux associations luttant contre la prostitution.
Pour véritablement raisonner à périmètre constant, il faudrait donc majorer de 2,09 millions d’euros les crédits « retraités » 2010. Cela fait, la véritable évolution des crédits du programme 137 de 2010 à 2011 se révèle : - 6,1 %. La promotion de l’égalité de genre n’est pas épargnée par la rigueur budgétaire !
On ajoutera que la décision d’imputer désormais les crédits de soutien aux associations qui aident les personnes prostituées sur le programme 137, et non plus sur le programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Ville et logement », suscite l’inquiétude de certaines associations, qui craignent une moins bonne prise en compte de la dimension d’exclusion de ces personnes. Par ailleurs, cette ligne de crédit est emblématique des changements permanents de périmètre. Passée dans la mission « Ville et logement », avec le programme 177, à l’occasion de la loi de finances pour 2009, elle est transférée aujourd’hui dans le programme 137, changeant donc deux fois d’attache en deux ans. Cet aller-retour ne peut pas être sans conséquence sur le pouvoir de veille et donc d’alerte des associations.
Les crédits destinés à l’accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision s’élèvent à 491 201 euros. Par rapport au projet de loi de finances pour 2010, les crédits de ce programme diminuent de 65 037 euros, soit une baisse de 11,7 %. Le projet annuel de performances précise que cinq associations nationales (elles étaient douze en 2010 à recevoir une subvention de 4 731 euros) et moins de cent associations locales reçoivent une subvention moyenne de 4 678 euros pour le financement d’actions de sensibilisation des chefs d’entreprise et des directeurs de ressources humaines à la nécessité de promouvoir les femmes au sein de l’entreprise.
Les crédits pour l’égalité professionnelle s’élèvent à 5,06 millions d’euros et baissent de 8 % par rapport à 2010. La loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes pose pourtant l’obligation de négocier toutes les mesures susceptibles de supprimer les écarts de rémunération dus au genre avant la fin de l’année 2010.
Les crédits pour l’égalité en droit et en dignité atteignent 12,15 millions d’euros soit une augmentation de 15,4 % mais cette hausse apparente est due, comme on l’a vu supra, au transfert des crédits destinés à subventionner des associations luttant contre la prostitution.
La subvention versée au Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF) est identique à celle versée depuis deux ans (2009 et 2010) et s’élève à 1,14 million d’euros. Le CNDIFF coordonne les 114 centres d’information sur les droits des femmes et des familles. Ces centres ont pour mission l’accueil et le conseil juridique aux femmes. Le seul indicateur de performance qui lui soit lié vise l’amélioration de l’efficience des centres d’information avec pour objectif la réduction de l’écart des coûts par personne accueillie entre eux.
La Fédération nationale solidarité femmes, chargée de l’écoute des femmes victimes de violences, recevra une subvention de 910 000 euros en 2011, somme identique à celle versée pour 2010. En France, en 2008, près d’un million de femmes ont été victimes de violences. Dans plus de 60 % des cas, les violences ont lieu dans la sphère familiale. En 2010, l’estimation des violences conjugales s’élève à 1,3 million. Selon l’étude nationale des décès au sein du couple réalisée chaque année par la délégation aux victimes, en 2008, 156 femmes sont décédées sous les coups de leur compagnon ou ex-compagnon, 166 en 2007 et 137 en 2006.
Les crédits pour l’articulation des temps de vie atteignent 149 092 euros et baissent de 11,3 %. Les crédits de cette action sont consacrés à la sensibilisation d’élus locaux et de responsables d’entreprises à la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Ils financent également des projets innovants de garde des jeunes enfants et des actions visant à renforcer la pratique sportive des femmes. Cette baisse significative montre le désengagement de l’État, alors que l’articulation des temps de vie s’avère cruciale pour les salariées précaires travaillant en horaires décalés, particulièrement dans le secteur du nettoyage.
Le périmètre du programme 124, rebaptisé en conséquence « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », est élargi dans le cadre du présent projet de loi de finances : il couvrira désormais l’ensemble des moyens de fonctionnement des administrations des secteurs santé, solidarité, sport, jeunesse et vie associative. Le programme absorbe en conséquence l’ex-programme 210 « Conduite et pilotage de la politique du sport, de la jeunesse et de la vie associative », qui était doté dans le projet de loi de finances pour 2010 de 429 millions d’euros. Les crédits présentés dans le projet annuel de performances tiennent compte, y compris pour le montant 2010 « retraité », de cette absorption.
L’évolution négative des crédits présentée pour 2011 rend d’abord compte de diverses autres modifications de périmètre, notamment :
– le rattachement des moyens affectés à la Défenseure des enfants au programme spécifique dédié au Défenseur des droits à partir du 1er janvier 2011, en lien naturellement avec la suppression de l’autorité administrative indépendante « Défenseur des enfants » ;
– la mise en place, dans le cadre de la réforme des administrations déconcentrées de l’État, de directions départementales interministérielles, qui se traduit par le transfert de plus de 46 millions d’euros vers les programmes 129 « Coordination du travail intergouvernemental » et 333 « Fonctionnement des directions départementales interministérielles » ;
– la prise en charge de la taxe sur les salaires dans les agences régionales de santé (29 millions d’euros) ;
– l’intégration, comme on l’a dit, des frais de personnel du service des droits des femmes et de l’égalité, pour un montant de 10 millions d’euros.
Cette évolution s’inscrit aussi dans la politique de rigueur du Gouvernement. La politique de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux se traduira en 2011 par une diminution de 304 du nombre des emplois dans les administrations sociales, sur un total de 12 000.
II.- LE PREMIER BILAN DU RSA : BEAUCOUP D’INTERROGATIONS
Plus d’un an après l’entrée en vigueur effective du RSA généralisé, le premier bilan qu’on peut en dresser reste surtout marqué par beaucoup d’interrogations. La nouvelle prestation monte lentement en charge. L’organisation administrative censée la mettre en œuvre peine à se mettre en place. Les résultats en matière de lutte contre la pauvreté et d’emploi sont minimes, mais il est difficile de distinguer ce qui tient aux difficultés de démarrage et à la conjoncture économique de facteurs structurels qui mettraient en cause la pertinence même d’une prestation ainsi conçue.
La montée en charge du RSA socle a été rapide, ce qui était prévisible puisque les ex-bénéficiaires du RMI et de l’API ont été transférés automatiquement sur le RSA et dans le contexte de la crise économique. Dès juin 2009, on décomptait près de 1,2 million de bénéficiaires du RSA socle (éventuellement combiné à du RSA activité). En juin 2010, ce nombre atteint 1,33 million, soit une progression de 11 % en un an, qui rend compte de la dégradation rapide de la situation des plus modestes de nos concitoyens.
En revanche, la montée en charge du RSA activité – dont on rappelle qu’il est le « plus » du RSA par rapport au RMI et à l’API – reste très en deçà des objectifs.
Alors que les prévisions tablaient lors de l’adoption de la loi généralisant le RSA sur 1,6 million de bénéficiaires du RSA activité « pur » (sans RSA socle), on n’en dénombrait encore que 434 000 en juin 2010. Et comme on peut le voir sur le graphique ci-après, la progression de ce nombre tend plutôt à se ralentir : dans les six premiers mois du RSA (juin-décembre 2009), il a augmenté de 124 000 ; dans les six mois suivants (décembre 2009-juin 2010), qui sont les derniers connus, cette augmentation numérique n’est plus que de 30 000. Si ce rythme se maintenait à l’avenir, il faudrait une vingtaine d’années pour atteindre l’effectif « cible » de 1,6 million…
Il est possible de percevoir à la fois le RSA socle et le RSA activité, lorsqu’on est titulaire de revenus d’activité n’atteignant pas le montant garanti au titre du RSA socle. Dans ce cas, l’allocation globale perçue comprend un RSA socle qui porte les ressources au niveau de l’ex-RMI (ou API) et un complément de RSA activité. À titre d’exemple, un travailleur célibataire tirant 400 euros mensuels d’un emploi à temps partiel, perçoit ainsi 60 euros supplémentaires au titre du RSA socle de façon à ce que l’ensemble de ses ressources atteignent le « socle » d’environ 460 euros ; à ces 60 euros s’ajoute, au titre de son activité, la part de RSA activité à hauteur de 62 % des 400 euros de revenu d’activité, soit 248 euros. Si l’on prend donc en compte, outre les bénéficiaires du RSA activité « pur », les personnes qui perçoivent à la fois du RSA socle et du RSA activité, on avait 410 000 bénéficiaires en juin 2009, 580 000 en décembre de la même année, 618 000 en juin 2010 et 649 000 en août. À en croire les réponses au questionnaire budgétaire, le Gouvernement n’escompte plus que 934 000 bénéficiaires en 2011 et 1,2 million en 2012, contre plus de 2 millions initialement envisagés à terme.
Évolution du nombre de foyers bénéficiaires ayant un droit payable au RSA
(France métropolitaine)
(en milliers)
Sources : L’e-ssentiel (publication électronique de la CNAF), n° 102, 2010 ; données diffusées par le ministère des solidarités actives le 28 octobre 2010 ; documents préparatoires de la généralisation du RSA.
Observation complémentaire : il y a toujours peu de dossiers conduisant à des prestations de RSA activité faibles (quelques dizaines d’euros). Ce phénomène, très net dans les premiers mois du RSA, ne s’atténue que lentement : alors que l’on tablait plutôt, lors des débats sur l’instauration du RSA, sur un gain mensuel moyen par ménage de l’ordre de 109 euros, le montant moyen de RSA activité versé en août 2009 représentait 185 euros par foyer bénéficiaire. En mars 2010, il était encore de 165 euros (7). D’après les réponses au questionnaire budgétaire, ce montant moyen s’élèverait à 173 euros pour l’ensemble de l’exercice 2010 et encore 161 euros pour l’exercice 2011. Les « petits » RSA activité sont donc sous-représentés et semblent devoir le rester.
Plusieurs éléments d’explication peuvent être avancés quant à la lenteur de la montée en charge du RSA activité, en particulier pour de petits montants d’allocation.
● Il y a d’abord la complexité intrinsèque de la prestation, difficile à comprendre dans son principe et qui doit être recalculée tous les trois mois, avec une grande imprévisibilité de l’allocation qui sera finalement versée ainsi que de lourdes obligations déclaratives trimestrielles. À cet égard, des observateurs relèvent le turn-over très élevé des bénéficiaires du RSA activité, dont environ un quart sortent des fichiers tous les trimestres, avec pour conséquence le fait que le nombre de bénéficiaires au cours d’une année est le double de celui de ces bénéficiaires un mois donné. Dans quelle mesure cet état de fait rend-t-il compte de la variabilité intrinsèque de la prestation et/ou du découragement des bénéficiaires quand on leur demande de renouveler trimestriellement leur déclaration de ressources, et ce pour un gain financier qui peut finalement s’avérer minime et instable ? Des personnes auditionnées ont fait état d’une certaine déception ressentie de ce fait par les bénéficiaires. En tout état de cause, cette situation paraît générer de nombreuses situations d’indus, dont le remboursement est ensuite réclamé aux foyers concernés.
Face à ce type de difficultés, il semble que la réflexion sur la périodicité du calcul de la prestation doive être ouverte : ne faudrait-il pas évaluer les coûts et avantages d’une mensualisation, qui pourrait limiter les indus et faciliterait la compréhension de la prestation par ses bénéficiaires (en rapprochant dans le temps la perception de revenus d’activité et ses conséquences sur le montant de l’allocation) ? Dans l’autre sens, serait-il opportun d’autoriser, pour les seuls bénéficiaires potentiels de faibles montants de RSA activité, donc sous un plafond d’allocation, un versement annuel opéré sur la base d’une déclaration annuelle, le montant anticipé de ce versement devenant alors suffisamment attractif pour justifier la démarche administrative de demande ? Le fait est qu’alors la logique du RSA se rapprocherait beaucoup de celle de la prime pour l’emploi, à laquelle il se substitue pour partie.
La dématérialisation des déclarations est également une piste à expertiser.
● On peut aussi évoquer la crainte de contrôles tatillons pour un bénéfice financier limité, qui est entretenue par la conjonction de plusieurs facteurs : un discours politique insistant sur les « droits et devoirs » ; un questionnaire d’inscription au RSA qui reste perçu comme très intrusif (notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre des obligations alimentaires) ; les méthodes de radiation automatique – pour des peccadilles dont les personnes concernées ne sont même pas toujours responsables – dont les médias font fréquemment état s’agissant de Pôle emploi…
● Autre élément d’explication, les conditions insatisfaisantes de la prise en charge et de l’accompagnement des personnes, sur lesquelles on reviendra infra.
● Enfin, certains relèvent le refus de certaines personnes d’entrer dans un dispositif qu’elles perçoivent comme d’assistanat. Le RSA a été institué pour mettre fin à la stigmatisation des « RMIstes ». Il serait regrettable qu’il débouche finalement sur la stigmatisation des « travailleurs pauvres » qui y recourent. Or, c’est bien ce que l’on semble constater. Alors même qu’il a fallu des années pour faire reconnaître l’existence de la grande pauvreté de personnes qui pourtant travaillent, l’émergence de l’expression « travailleur pauvre » est perçue comme une dévalorisation et refusée par une partie des personnes ainsi désignées.
Les remontées du terrain font état de réelles difficultés pour l’organisation de la gestion administrative et la gouvernance du RSA. Les liens entre les acteurs administratifs divers qui intervenaient déjà dans la mise en œuvre du RMI se sont manifestement distendus. Sans doute est-il inévitable que la mise en place d’un nouveau dispositif entraîne des problèmes d’organisation, des conflits, des délais pour l’établissement de nouveaux partenariats, et ce a fortiori quand cela a lieu dans un contexte budgétaire particulièrement défavorable, en particulier pour les départements… Ces problèmes seront-ils dépassés à terme ? La question est de savoir si, intrinsèquement, certains des choix opérés pour la gestion du RSA ne sont pas inutilement porteurs de complexité. L’enjeu est d’importance car, s’agissant d’une prestation de cette nature, il est impératif que l’administration sache s’organiser pour que les bénéficiaires aient un parcours d’inscription et d’accompagnement le plus lisible et le plus continu possible.
La généralisation du RSA s’est accompagnée de plusieurs aménagements de l’organisation administrative qui permet sa mise en œuvre, par rapport à ce qui prévalait s’agissant du RMI (étant rappelé que l’API était quant à elle gérée par la branche famille de la sécurité sociale).
Pour ce qui est de l’instruction des demandes, le dispositif RMI la confiait : aux services d’action sociale des départements ; aux centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS/CIAS) ; aux caisses d’allocations familiales (CAF) ou – s’agissant des ressortissants du monde agricole – de mutualité sociale agricole (CMSA), sous réserve qu’elles aient été agréées pour cela par le président du conseil général ; à des associations ou organismes à but non lucratif également agréés.
Le dispositif RSA a aménagé cette organisation sur plusieurs points :
– les CAF et CMSA deviennent instructeurs « de droit commun », sans avoir à recevoir de délégation du conseil général ;
– le principe de la gratuité de l’instruction (donc de sa non-facturation aux départements par les autres organismes) est affirmé ;
– les CCAS/CIAS ne continueront à instruire les dossiers que s’ils décident d’exercer cette compétence ;
– enfin, il est prévu une possibilité d’intervention de Pôle emploi. À cet égard, l’article D. 262-27 du code de l’action sociale et des familles (8) dispose que « le conseil d’administration de Pôle emploi peut décider que cet organisme instruit tout ou partie des demandes de revenu de solidarité active. Les modalités d’exercice de cette mission, et notamment les catégories de demandeurs d'emploi pour lesquelles cette instruction est réalisée, sont précisées dans une convention conclue entre Pôle emploi, la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse centrale de la mutualité agricole, après avis de l’association représentative des départements au niveau national ».
Le service (calcul des droits et paiement) des allocations de RSA est quant à lui assuré, comme c’était le cas pour le RMI, par les CAF et les CMSA.
Si une telle exigence était absente du dispositif API, le dispositif RMI comportait déjà l’obligation pour les bénéficiaires d’entrer dans une démarche d’insertion, formalisée par un contrat d’insertion qu’ils devaient, en principe, passer dans les trois mois suivant l’ouverture de leurs droits. Ce contrat pouvait conduire à des prestations d’accompagnement social, mais aussi à une orientation vers le service public de l’emploi, des stages, des emplois aidés, etc.
La mise en place du RSA s’accompagne d’une insistance renforcée sur les devoirs des bénéficiaires, qui sont tenus de rechercher un emploi, de chercher à créer leur entreprise ou d’entreprendre des actions d’insertion sociale ou professionnelle. Cette obligation ne s’applique toutefois pas aux personnes ayant un emploi qui leur fournit un certain niveau de revenu (fixé à 500 euros par mois, soit un peu moins d’un mi-temps au SMIC).
Par ailleurs, deux dispositifs d’accompagnement sont clairement distingués s’agissant du RSA :
– « de façon prioritaire », l’accompagnement professionnel assuré par Pôle emploi ou d’autres organismes participant au service public de l’emploi (maisons de l’emploi, plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi-PLIE, entreprises d’intérim, opérateurs privés de placement…). Le respect de l’obligation d’insertion est alors assuré par l’élaboration d’un projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), comme pour les autres demandeurs d’emploi ;
– à défaut, l’accompagnement social. Un contrat qui se place dans la continuité des contrats d’insertion du RMI doit alors être conclu dans les deux mois suivant la décision d’orientation.
Cette distinction stricte de deux circuits d’accompagnement nécessite d’insérer une phase nouvelle dans la procédure en amont : l’orientation du demandeur entre l’un ou l’autre. La priorité donnée à l’accompagnement professionnel se traduit par une obligation de réexamen après six à douze mois de la situation des personnes orientées vers l’accompagnement social.
En vue d’assurer une forme de coordination dans ce dispositif complexe, il est prévu que les organismes auxquels l’accompagnement, professionnel ou social, aura été délégué désignent pour chaque bénéficiaire un « référent » et que le président du conseil général désigne un « correspondant chargé de suivre les évolutions de la situation des bénéficiaires et d’appuyer les actions des référents ».
On relèvera enfin l’obligation faite aux conseils généraux de conventionner – en y apportant des financements – l’accompagnement professionnel avec Pôle emploi et/ou d’autres organismes participant au service public de l’emploi.
Naturellement, on ne dispose encore que d’éléments provisoires sur la manière dont ce nouveau dispositif est appliqué sur le terrain. Un sentiment général paraît cependant se dégager : la plupart des acteurs administratifs évoquent des liens qui se sont distendus entre eux. L’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS) relève ainsi que le passage du RMI au RSA ne s’est pas effectué avec une continuité d’organisation administrative. Au contraire, tout a été remis à plat, et pas toujours avec succès.
Des enquêtes de l’ODAS (9) auprès des conseils généraux et de l’UNCCAS (10) auprès des CCAS/CIAS donnent quelques orientations sur la reconfiguration des dispositifs.
● Un renforcement conséquent du rôle des organismes payeurs (CAF et MSA) dans l’instruction des dossiers
Comme on l’a dit, la loi fait des organismes payeurs des instructeurs de droit commun, et à titre gratuit, du RSA. Dans ce contexte, l’ODAS constate que 95 % des départements prévoient de déléguer tout ou partie de l’instruction des dossiers de RSA aux CAF, quand ce n’était le cas que pour le tiers d’entre eux s’agissant du RMI.
Dans l’autre sens, le rôle des CCAS/CIAS dans ce domaine pourrait se réduire, estime l’ODAS, même si les données recueillies ne permettent pas de l’affirmer de manière certaine, dans la mesure où, s’agissant du RSA qui vient d’être mis en place, on est encore souvent aux déclarations d’intention quant aux modes de gestion choisis, certains départements ne se prononçant même pas sur leurs orientations en la matière. 80 % des départements se déclarent quand même en faveur d’une délégation à des CCAS/CIAS pour l’instruction de dossiers du RSA et 68 % en faveur d’une délégation à d’autres organismes à but non lucratif.
L’enquête de l’UNCCAS auprès de ses adhérents montre que 64 % des CCAS/CIAS y ayant répondu participent à un ou plusieurs titres à la mise en œuvre du RSA, en particulier pour ce qui est de l’instruction : 52 % des CCAS/CIAS ont déclaré l’effectuer.
Il est enfin à noter que Pôle emploi n’a pas, pour le moment, décidé d’exercer sa compétence facultative de participer à l’instruction des demandes de RSA, alors que l’idée de faire de Pôle emploi un lieu d’attribution du RSA peut apparaître, au-delà des considérations de rationalité administrative, comme un moyen d’améliorer l’image de la prestation en la rattachant plus au monde du travail qu’à celui des aides sociales traditionnellement gérées par les caisses d’allocations familiales et les services sociaux des collectivités locales.
● Une probable redistribution des rôles en matière d’accompagnement
L’ODAS attend que l’instauration du RSA amène les départements à se recentrer sur le volet « accompagnement social » de l’insertion, compte tenu de la distinction légale entre accompagnement professionnel et accompagnement social. Le volet « accompagnement professionnel » serait a contrario plutôt laissé à Pôle emploi. Le fait est que le passage du RMI au RSA s’est accompagné de l’inscription d’un plus grand nombre de bénéficiaires à Pôle emploi. En juin 2010, 45 % des bénéficiaires du RSA étaient inscrits à Pôle Emploi, alors que l’on était plutôt à 35 % au temps du RMI. On est passé de fin 2008 à août 2010 de 390 000 bénéficiaires du RMI à 711 000 bénéficiaires du RSA inscrits au chômage (dans les catégories A, B et C), soit une augmentation de 82 %.
87 % des départements ont indiqué, dans l’enquête de l’ODAS, vouloir confier pour tout ou partie le volet « accompagnement professionnel » à Pôle emploi (20 % totalement et 67 % partiellement). Il semble que les négociations engagées se heurtent souvent (un tiers des départements en faisant état au moment de l’enquête) au problème de la ligne de partage entre « interventions de droit commun » – que Pôle emploi doit selon la loi assurer à titre gratuit (comme envers tout demandeur d’emploi) – et mesures d’accompagnement supplémentaires – que les départements doivent financer. Les autres intervenants des politiques de l’emploi seraient également sollicités, tels que les PLIE (par 43 % des départements), les missions locales (par 32 % des départements) et les maisons de l’emploi (par 14 % des départements).
Des données recueillies auprès de Pôle emploi semblent attester d’un certain désengagement des départements sur le volet « accompagnement professionnel » : de 2009 à 2010, on est passé de 60 à 48 conseils généraux qui ont passé (ou négocient) des conventions avec Pôle emploi comprenant le financement d’un accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA ; le nombre global d’emplois équivalents temps plein dédiés à ce public par ces conventions est tombé de 585 à 395 (de surcroît concentrés dans un petit nombre de départements). Bien sûr, plusieurs explications peuvent être données à ce phénomène : les difficultés budgétaires des conseils généraux ; la volonté de certains de mettre en place une procédure de marché public, notamment afin d’être éligibles aux cofinancements du Fonds social européen ; l’esprit de la loi généralisant le RSA, qui mise tout sur l’accès à l’emploi et le rôle de Pôle emploi ; le mécontentement de certains conseils généraux quant à leurs relations avec Pôle emploi ; des motifs politiques…
Pour ce qui est du volet « accompagnement social », 60 % des départements se déclarent, dans l’enquête de l’ODAS, favorables à une délégation (partielle) aux CCAS, 43 % à la MSA, mais 20 % seulement aux CAF. De manière générale, on relève, selon l’ODAS, une volonté de se placer dans la continuité des pratiques de gestion du RMI. Les réticences quant à un rôle des organismes de protection sociale – et plus généralement les difficultés à contractualiser les partenariats pour l’accompagnement – seraient imputables aux incertitudes quant au financement de l’accompagnement dans un contexte budgétaire plus général très incertain pour les départements.
L’enquête précitée de l’UNCCAS révèle que 35 % des CCAS/CIAS y ayant répondu participent à la phase d’orientation et 37 % à l’accompagnement des bénéficiaires. L’accompagnement est la modalité d’intervention pour laquelle les CCAS/CIAS obtiennent le plus souvent une contribution financière des départements, mais ce cas reste minoritaire (44 % de ceux qui sont engagés dans le dispositif) dans le contexte budgétaire actuel.
Il est légitime de se demander si la complexification de l’organisation administrative qu’entraîne la mise en place du RSA est vraiment au service d’une gestion efficace de la prestation.
Qu’est-ce qu’une gestion efficace d’une prestation sociale ? C’est bien sûr une gestion qui limite les charges administratives et permet de contrôler les versements effectués. Mais c’est aussi une gestion adaptée à un public qui, en plus de difficultés sociales, est mal à l’aise dans les méandres de l’administration, voire parfois en totale rupture administrative.
Ce public doit être informé et doit pouvoir comprendre la prestation qui lui est proposée, ce qui est en soi une gageure s’agissant du RSA, compte tenu de la complexité intrinsèque du calcul de l’allocation et du dispositif d’insertion et de « droits et devoirs ». Un des points positifs de la gouvernance du RSA, telle qu’elle a été voulue par le législateur, réside d’ailleurs dans la volonté d’y faire participer les bénéficiaires, notamment en les insérant dans les « équipes pluridisciplinaires » qui reprennent une partie des missions des anciennes commissions locales d’insertion. À en croire certains mouvements associatifs, il reste cependant beaucoup à faire pour que les bénéficiaires se sentent réellement associés à la mise en œuvre du RSA. Sans doute serait-il intéressant que les « enquêtes de satisfaction » qui seront menées s’efforcent d’analyser la contribution réelle des personnes dans les décisions d’orientation prises à leur égard ou la définition des actions contractualisées avec elles…
Les bénéficiaires doivent aussi être accompagnés en continu dans les démarches qu’implique la prestation. À cet égard, les problèmes que pose la gestion du RSA ne sont peut-être pas très différents de ceux que posait celle du RMI et on pourrait sans doute appliquer au RSA, mutatis mutandis, les recommandations que faisait, en 2009, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans le rapport qu’elle consacrait aux politiques d’insertion menées en faveur des allocataires du RMI. Ce rapport insistait notamment sur :
– l’importance d’une prise en charge rapide et en continu des bénéficiaires, ce qui conduisait notamment à recommander aux départements de fixer un engagement de service aux bénéficiaires en matière de délais et à faire en sorte que le contrat d’insertion puisse être signé dans les deux mois suivant le dépôt de la demande ;
– la nécessité de bien coordonner les différents acteurs administratifs, avec diverses propositions dont certaines ont d’ailleurs été intégrées à la réforme qui a institué le RSA, telles que l’affirmation du rôle des organismes payeurs dans l’instruction des dossiers.
Or, par rapport à ces enjeux, de nombreuses difficultés apparaissent, relayées d’ailleurs dans certains articles de presse (11).
D’après une enquête de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) conduite auprès des travailleurs sociaux associatifs au début de l’été 2010, 50 % de ceux ayant répondu ne sont pas informés des modalités du dispositif local mis en place par leur conseil général ; s’agissant de l’accompagnement, 39 % mettent l’accent sur le manque de coordination entre les organismes qui en sont chargés.
De même, les conseils généraux ne sont pas toujours satisfaits de leurs relations avec les organismes payeurs (CAF et CMSA), censés, selon la loi, leur adresser chaque mois, en justification de leurs demandes d’acomptes au titre du RSA socle, une liste nominative des allocataires et des montants qui leur sont payés. Faute sans doute de moyens administratifs suffisants dans les CAF, les données transmises ne seraient pas toujours actualisées et manqueraient donc souvent de fiabilité. Les départements ont manifestement beaucoup de difficultés à mettre en place avec les caisses un partenariat efficace du point de vue de la simple gestion de la prestation et des échanges d’informations.
Les problèmes peuvent aussi résulter d’obstacles juridiques, notamment en matière d’échanges et de conservation de données. Ainsi le décret relatif aux traitements automatisés des données personnelles des bénéficiaires du RSA ne permet-il pas aux CCAS/CIAS, même d’ailleurs quand ils ont été les premiers à recueillir ces données en tant qu’organismes instructeurs, de les conserver ou de les récupérer, notamment pour assurer ensuite l’accompagnement des personnes, d’où des contraintes administratives (double saisie), des démarches complexifiées pour les usagers, des difficultés pour distribuer ensuite les aides extralégales municipales sur des critères de ressources plutôt que de statut, alors que le Gouvernement promeut pourtant cet objectif s’agissant des « droits connexes »…
b) Des délais parfois excessifs entre le premier contact avec les administrations et la mise en place effective d’un accompagnement
Les acteurs de terrain mentionnent souvent des délais excessifs dans la mise en œuvre des différentes phases de la procédure : accueil, instruction, ouverture des droits, diagnostic social et professionnel, orientation, contractualisation et mise en place d’un accompagnement effectif. Les délais d’obtention d’un rendez-vous pour l’instruction d’une demande de RSA iraient ainsi d’une semaine à un mois. Des retards de plusieurs mois sont signalés pour la désignation des référents.
c) Une séparation entre l’accompagnement social et l’accompagnement professionnel qui distend les liens et empêche une prise en charge globale
La stricte distinction entre deux dispositifs d’accompagnement, l’un professionnel, l’autre social, ne simplifie pas la mise en œuvre du RSA.
D’une part, cela contribue à allonger les procédures à l’entrée dans la prestation en ajoutant une phase d’orientation.
D’autre part, cela contribue à distendre les liens qui avaient pu se créer entre structures plutôt orientées vers les problèmes d’emploi (Pôle emploi au premier chef) et services sociaux (départementaux ou municipaux) pour le suivi des personnes, qui de fait ont très souvent besoin à la fois d’un accompagnement social et de mesures d’accès à l’emploi. À cet égard, des évolutions très récentes, telles que la participation de certains CCAS à l’animation de maisons de l’emploi, étaient prometteuses. Or, avec le RSA, le public bénéficiaire est strictement scindé, avec un sentiment de dépossession chez certains travailleurs sociaux. Et l’on a parfois des situations complexes à gérer, comme celles de couples de bénéficiaires dont l’un est dans le circuit « professionnel » et l’autre dans le circuit « social », alors qu’il serait tout de même logique qu’ils aient le même référent…
Pour conclure sur ce point, il est assez piquant d’observer que l’une des dix mesures annoncées en juillet dernier par le Gouvernement pour simplifier et améliorer le RSA consiste à « expérimenter avec Pôle Emploi et des conseils généraux volontaires des dispositifs d’accompagnement global des bénéficiaires et un traitement simultané des champs professionnel et social ». On reviendrait donc par l’expérimentation à ce que l’on a voulu interdire par la loi…
La priorité donnée à l’accompagnement dit professionnel a pour effet que Pôle emploi suit plus de 62 % des bénéficiaires du RSA (chiffre d’avril 2010). Votre rapporteur pour avis peut comprendre que cette institution, confrontée à l’obligation de conduire à terme la fusion des structures issues des Assédic et de l’Agence nationale pour l’emploi, aux restrictions budgétaires, à la situation désastreuse de l’emploi, ait « d’autres chats à fouetter » que la mise en œuvre du RSA. Cela dit, le fait est que de nombreux intervenants reprochent à Pôle emploi une implication qu’ils jugent limitée par rapport au RSA.
Ainsi certains départements semblent-ils avoir des difficultés à identifier le « plus » dans l’accompagnement des bénéficiaires du RSA (par rapport au service assuré à tous les demandeurs d’emploi) qui est la contrepartie des conventions financières qu’ils signent avec Pôle emploi. Ils reprochent aussi à cette institution sa centralisation qui a pour effet une impossibilité, pour les conseils généraux, d’avoir en face d’eux des directions départementales ayant suffisamment d’autonomie pour négocier de manière intéressante.
De l’autre côté, Pôle emploi assume parfaitement qu’en l’absence de contribution financière spécifique des conseils généraux, les prestations proposées aux bénéficiaires du RSA soient exactement les mêmes que pour les autres demandeurs d’emploi, car l’État ne lui a pas attribué de crédits spécialement flèches « RSA ». Quant aux bénéficiaires du RSA activité dispensés d’obligations d’insertion sanctionnables du fait qu’ils occupent un (modeste) emploi qui leur rapporte au moins 500 euros par mois, ils sont en conséquence l’objet d’un accompagnement certes moins contraignant, mais surtout moins présent…
D’autres intervenants, notamment associatifs, évoquent un « gouffre de l’accompagnement », avec de longs délais de prise en charge, une insuffisance manifeste du nombre de conseillers de Pôle emploi par rapport aux besoins… Est aussi signalé le problème que posent les déplacements plus longs qu’entraîne pour beaucoup de bénéficiaires l’obligation de se rendre dans une agence Pôle emploi plutôt que dans un lieu tel que leur CCAS.
Dans l’enquête précitée de la FNARS, 56 % des travailleurs sociaux font état de difficultés d’accompagnement des bénéficiaires par les référents uniques, notamment ceux de Pôle emploi (37 %) ; 28 % observent des ruptures d’accompagnement assez fréquentes, voire très fréquentes. Des CCAS/CIAS s’inquiètent de « pertes en ligne » dans les effectifs de personnes accompagnées : ils assurent le suivi de moins de personnes sans avoir aucune information sur leur éventuelle prise en charge par Pôle emploi au titre de la filière « accompagnement professionnel ». Parmi les dix mesures annoncées en juillet dernier par le Gouvernement pour simplifier et améliorer le RSA, l’une des plus attendues est apparemment la mise en place, dans chaque site de Pôle emploi, d’un « correspondant RSA ».
La mise en œuvre de l’aide personnalisée de retour à l’emploi (APRE), tentative appréciable de généraliser le principe d’aides « sur mesure », reste insuffisante. Pôle Emploi gère l’« APRE nationale » qui représente 20 % du budget global prévu pour le dispositif, soit une enveloppe de 15 millions d’euros en 2009 (pour un semestre) et 30 millions d’euros en 2010. La consommation de ces moyens n’a été que de 5,35 millions en 2009 (un peu plus du tiers de l’enveloppe). En août 2010, 10,75 millions d’euros avaient été dépensés sur les 30 millions de l’enveloppe 2010. En dehors des problèmes classiques de démarrage de toute nouvelle mesure, la sous-consommation des crédits destinés à l’APRE serait liée en particulier, selon l’institution, à l’orientation de cette prestation vers l’accompagnement des reprises d’emploi, qui suppose que les intéressés aient trouvé un emploi dans le contexte économique actuel…
Dans le même temps, cependant, les CCAS/CIAS restent souvent sollicités pour des aides extralégales destinées à financer des charges liées à la recherche d’emploi (des frais de déplacement notamment), que l’APRE ne couvre pas. Il n’apparaît pas non plus que cette aide réponde aux problèmes bien connus d’accès à la formation, au logement et aux solutions de garde d’enfants que l’IGAS signalait déjà, s’agissant des bénéficiaires du RSA, dans son rapport précité.
Le concepteur du RSA, M. Martin Hirsch, lui a toujours donné deux objectifs, qu’il est censé poursuivre de manière indissociable : favoriser le retour à l’emploi et réduire la pauvreté. Par ailleurs, comme toute mesure de politique publique, a fortiori comme toute mesure sociale, le RSA doit aussi être apprécié au regard de l’exigence de justice.
Les premiers éléments de bilan dont on dispose restent très incertains et peu concluants, et on ne peut qu’en partie mettre cela sur le compte d’éléments conjoncturels : difficultés de déploiement de la nouvelle prestation et crise économique. Certes, ces éléments conjoncturels rendent plus difficile l’appréciation des premiers résultats du RSA. Ainsi, la lenteur relative de la montée en charge du RSA activité – alors que le RSA socle n’est pas une nouveauté puisqu’il s’inscrit dans la continuité du RMI et de l’API – réduit-elle inévitablement les résultats positifs qu’il peut apporter en matière de lutte contre la pauvreté. Il est difficile de déterminer ce que cette lenteur doit au fait que le RSA ne peut intrinsèquement pas créer d’emploi (il n’a pas été conçu pour), d’une part, et ce qu’elle doit à la dégradation conjoncturelle du marché de l’emploi due à la crise économique, d’autre part. Mais, au-delà, même ces éléments conjoncturels peuvent inspirer des réflexions de fond sur le bien-fondé et la légitimité d’une prestation conçue comme le RSA.
Même si sa montée en charge est très en deçà des espoirs de ses concepteurs, le RSA activité (qui est le « plus » par rapport au RMI et à l’API) apporte actuellement un supplément de revenu à environ 640 000 foyers, et ce supplément de revenu n’est pas négligeable – plus de 160 euros par mois en moyenne, dont il faudrait, il est vrai, déduire les pertes de droits connexes entraînées, notamment en matière de prime pour l’emploi. Ces foyers sont par construction détenteurs de revenus modestes (inférieurs au SMIC pour une personne isolée et pouvant dépasser quelque peu un double SMIC pour des familles). À ce titre, le RSA concourt incontestablement à une certaine redistribution des revenus.
Mais ces résultats restent modestes et les acteurs de terrain ne les observent manifestement pas. Dans une enquête récente auprès des centres communaux d’action sociale, 72 % ont répondu que l’instauration du RSA activité n’avait pas entraîné de baisse des demandes d’aides (facultatives) qui leur étaient adressées, contre 5 % qui constataient cette baisse (12). De même, le travail d’analyse des aides sociales municipales que vient de rendre une équipe d’universitaires suite à un questionnaire adressé à toutes les villes de plus de 20 000 habitants (13) montre que, pour justifier les modifications de leurs régimes d’aides, les villes évoquent beaucoup moins souvent l’instauration du RSA (évoquée par 26 % des villes dans cette situation en 2010) que l’évolution de leurs priorités propres (58 % des villes), l’évolution des publics (51 % des villes) ou encore la coordination avec d’autres acteurs de l’action sociale (49 % des villes). Manifestement, s’il y a des changements dans le « paysage » de la pauvreté et de l’exclusion, l’existence du RSA n’y est pas pour grand-chose.
Dans la communication gouvernementale qui a accompagné la généralisation du RSA, celui-ci était présenté comme devant entraîner une baisse de 700 000 du nombre de nos concitoyens « pauvres » au sens statistique, c’est-à-dire ayant un revenu par unité de consommation inférieur à 60 % du revenu médian. Si on lit le rapport déposé au Parlement en octobre 2009 sur le « Suivi de l’objectif de baisse d’un tiers de la pauvreté en cinq ans », on s’aperçoit cependant que d’autres estimations officielles étaient moins favorables : « on estime qu’entre 1,6 à 1,7 million de foyers environ (hors DOM) devraient pouvoir bénéficier du seul RSA versé en complément de leur activité (…). Une fois la montée en charge achevée, le RSA devrait diminuer le taux de pauvreté monétaire relatif (au seuil de 60 %) de 0,5 point, soit une baisse de -4,4 % ». Or, 0,5 point rapporté à la population française, cela représente 300 000 personnes, et non 700 000. Et, comme on le voit, cette évaluation de l’efficacité du RSA en tant qu’instrument de lutte contre la pauvreté partait de l’hypothèse d’une montée en charge conduisant à au moins 1,6 million de bénéficiaires du RSA activité « pur », ce dont on reste très loin. Dans la mesure où l’on a actuellement atteint environ le quart de cet objectif, une extrapolation sans doute un peu simple, mais légitime en l’absence d’autres éléments de réponse, conduit à penser que c’est probablement moins de 100 000 personnes que le RSA fait actuellement passer au dessus du « seuil de pauvreté ». Un chiffre que l’on peut comparer, par exemple, au nombre de demandeurs d’emploi non indemnisés recensés par Pôle emploi, qui est passé, d’août 2008 (début de la crise) à juillet 2010, de 1,288 million à 1,646 million, soit + 358 000 ; on peut en effet penser qu’un grand nombre de ces 358 000 demandeurs d’emploi non indemnisés supplémentaires (sans parler de leurs familles) sont passés sous le seuil de pauvreté lorsque leur indemnisation a été interrompue…
Il est clair que l’impact direct du RSA, en tant qu’outil de redistribution, sur la pauvreté restera corrélé à la montée en charge effective du RSA activité, seul « plus » par rapport à l’ex-RMI. Or, cette montée en charge, on l’a dit, est lente.
Quant à l’impact moins direct que le RSA pourrait avoir dans la mesure où il permettrait à des personnes de sortir durablement de l’exclusion, il dépendra évidemment de la capacité du dispositif à favoriser effectivement l’accès ou le retour à l’emploi.
Le simple constat de la lenteur de la montée en charge du RSA activité, c’est-à-dire du RSA combiné avec l’emploi, conduit nécessairement à un regard critique sur son efficacité pour doper l’emploi.
Certes, il y a l’effet de la crise, qui explique certainement, en partie, les difficultés du RSA activité. Mais la réalité économique présente met justement en doute la pertinence d’une prestation qui avantage ceux qui sont en emploi. Est-ce crédible en période de chômage de masse ? Est-il aujourd’hui opportun de miser sur un dispositif « pro-cyclique » – c’est-à-dire qui accentue les effets positifs ou négatifs des cycles économiques – en ce qu’il conduit à distribuer d’autant plus d’argent public qu’il y a de personnes en emploi, donc que l’économie va mieux, et, a contrario, d’autant moins d’argent public qu’il y a de personnes en chômage total…
Au-delà de ces réflexions sur la conjoncture économique, plusieurs éléments conduisent à douter de l’efficacité du RSA comme instrument des politiques de l’emploi.
a) Des incertitudes quant à l’efficacité des dispositifs d’incitation financière à l’emploi en général
Le premier de ces éléments, c’est le doute que l’on peut avoir sur l’efficacité intrinsèque des mécanismes d’incitation financière à la prise (ou reprise) d’emploi. Les travaux des économistes n’apportent en effet pas de réponse définitive quant à ce type de mesures, qui paraissent moins fondées sur des résultats tangibles que sur une construction idéologique, celle qui réduit la société à l’addition d’individus-agents économiques réputés opérer des choix toujours rationnels et dictés par le seul intérêt.
Bien sûr, travailler doit être rémunérateur par rapport à l’inactivité ; bien sûr, un coup de pouce financier peut être décisif.
Mais, pour le plus grand nombre de ceux qui en sont privés, accéder à l’emploi est tout autant une affaire de dignité, indépendamment de l’avantage financier immédiat qu’ils en retirent ou non. Par ailleurs, il y a aussi ceux qui sont beaucoup trop éloignés de l’emploi pour que ce genre de politique puisse suffire à les y ramener. Enfin, encore faut-il qu’il y ait des emplois offerts pour qu’éventuellement on puisse inciter des personnes à les occuper. On atteint là une limite intrinsèque des dispositifs d’incitation financière à l’emploi : le plus souvent, si jamais ils ont un effet sur les comportements de prise d’emploi, ils conduiront tout au plus à ce que des personnes prennent des emplois que, sinon, d’autres auraient occupés. Ce type de dispositifs ne peut, en effet, contribuer à créer des emplois supplémentaires dans l’économie qu’à une condition : s’ils allègent les coûts et/ou les obligations des employeurs en amenant des personnes à accepter des salaires et/ou des conditions de travail (par exemple des temps partiels avec des horaires excessivement décalés ou fragmentés) que personne, sinon, n’aurait acceptés…
Les pays anglo-saxons ont largement et depuis plusieurs décennies testé les mécanismes d’incitation financière à l’emploi avec des dispositifs d’impôt négatif ou d’aide sociale conditionnelle tels que l’Earned income tax credit (EITC) aux Etats-Unis et le Working families tax credit (WFTC), puis le Working tax credit (WTC), en Grande-Bretagne. Les analyses qui en ont été faites (14), souvent divergentes, semblent montrer plutôt :
– certes un effet positif sur le taux d’emploi des parents isolés ;
– mais des effets souvent plutôt négatifs sur l’activité des femmes dont le conjoint travaille (un revenu supplémentaire pouvant faire sortir ces couples du bénéfice de ces mesures) ;
– des risques, même si cela est moins étudié, de pression à la baisse des salaires.
Tout récemment (2007), la ville de New York a lancé l’expérimentation d’un programme d’aide sociale, Opportunity NYC, allant encore plus loin dans l’incitation financière : il ne s’agissait plus d’offrir des allocations tenant compte globalement de la situation d’emploi des personnes en veillant à la rendre financièrement intéressante, mais de récompenser individuellement, par de petites primes cumulables, toutes sortes de comportements « vertueux » (tels que travailler plus, mais aussi suivre une formation, se rendre à des visites médicales de contrôle ou à des réunions de parents d’élèves, pour les enfants être assidu à l’école, etc.). Cette expérimentation, qui a été évaluée, vient d’être interrompue, au bout de trois ans, faute de résultats probants. Malgré des incitations financières de 30 à 600 dollars par comportement « vertueux », 50 % des personnes soumises à l’expérimentation n’ont en effet adopté aucun de ces comportements censés les sortir de la pauvreté, tandis que 25 % avaient déjà ces comportements avant le démarrage du programme. Et si les 25 % d’« expérimentateurs » restants ont modifié leurs comportements, la différence globale dans les comportements entraînée par l’expérimentation n’a été que de 2 % (15).
Pour ce qui est de la France, il est intéressant de se pencher sur un dispositif déjà ancien, et qu’a remplacé le RSA, celui de l’API, qui, a contrario, pouvait être présenté comme désincitant à l’emploi : lorsque l’API a été instituée, en 1976, elle fournissait un revenu significatif aux parents isolés (16), et ce sans aucune obligation de démarche d’insertion. Or, une analyse a posteriori (17) conclut que la création de l’API n’a sans doute pas eu beaucoup d’impact sur l’accès à l’emploi des mères isolées (pour arriver à ce résultat, les auteurs comparent l’évolution du taux d’emploi entre les mères d’enfants de moins de trois ans bénéficiaires de l’API et la population « témoin » aux caractéristiques très proches que constituent les mères isolées d’enfants un peu plus âgés, avec diverses corrections).
L’impact effectif des incitations financières sur l’accès à l’emploi des foyers à faibles revenus n’est donc pas évident.
b) Dans le cas du RSA, une incitation financière à l’emploi qui peut être rognée, voire annulée, du fait des « droits connexes »
Quand bien même un gain net significatif pour toute prise d’emploi serait une incitation au travail suffisante, il reste à s’assurer que le RSA permet véritablement d’atteindre cet objectif intermédiaire. C’est la fameuse question des « droits connexes » dont la perte, au fur et à mesure que l’on travaille plus, rogne et peut même annuler le gain net final de revenu disponible, créant des « trappes à inactivité ». Il convient d’ailleurs de reconnaître que le Gouvernement s’est préoccupé de la question et a confié, préalablement puis postérieurement à la généralisation du RSA, des travaux de vérification de ce point à des chercheurs, sans avoir été capable, malgré tout, d’anticiper des situations inextricables dans lesquelles les bénéficiaires s’aperçoivent, au rythme des délais de versement, de la perte brutale de certains droits connexes. Ces droits pouvant être nationaux ou locaux, le Gouvernement a également réformé les premiers, tandis que, s’agissant des seconds, un article de portée générale de la loi du 1er décembre 2008 (l’article 13) a posé un principe de non-discrimination « à l’égard de personnes placées dans la même situation, eu égard à l’objet de l’aide ou de l’avantage, et ayant les mêmes ressources rapportées à la composition du foyer » ; une mission a enfin été confiée à Mme Sylvie Desmarescaux, sénatrice.
Pour autant, est-on certain d’avoir évité toutes les trappes à inactivité, quand, d’après l’enquête précitée menée par la FNARS auprès de ses travailleurs sociaux au début de l’été 2010, 35 % ont constaté la perte de certains droits connexes dans le RSA par rapport au RMI ou à l’API ?
● Les droits connexes nationaux
Les droits connexes nationaux peuvent représenter un complément significatif. C’est ainsi qu’une personne seule sans emploi au RSA socle peut bénéficier d’une aide au logement pouvant atteindre 267 euros, d’une « prime de Noël » correspondant, étalée sur l’année, à 13 euros par mois, d’un abattement de taxe d’habitation pouvant représenter 15 à 25 euros mensuels, d’une exonération de la redevance audiovisuelle correspondant à 10 euros mensuels, d’une réduction téléphonique et électricité évaluée à 11 euros mensuels et de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC), qui permet une économie moyenne de l’ordre de 40 euros. Au total, cela représente plus de 350 euros de revenus supplémentaires (ou de charges supprimées), soit plus des trois quarts du montant du RSA socle auxquels ils s’ajoutent.
Ces droits connexes nationaux ont été aménagés (18) par la loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA et ses textes d’application (19), dans une logique consistant à privilégier la prise en compte des ressources des personnes plutôt que de leur « statut » de bénéficiaires d’une allocation. Toutefois, l’importance des pertes de droits qu’aurait entraînées un passage systématique à la prise en compte des ressources a conduit à des compromis, ce qui n’empêche pas qu’un nombre important de foyers soient financièrement perdants, au moins par rapport à tel ou tel droit connexe.
Il apparaît par ailleurs que l’une des difficultés globales qui se pose au système national d’aides sous conditions de ressources tient à la périodicité différente des ressources étudiées pour déterminer les droits à ces aides : celles de l’année « n – 2 » pour les aides au logement, des douze derniers mois pour la CMUC, des trois derniers mois, avec révisions trimestrielles et non annuelles, pour le RSA. Cela conduit à des effets complexes et parfois aberrants sur l’évolution des montants globaux d’aides sociales finalement versés.
Parmi les droits connexes nationaux qui paraissent poser le plus de difficultés, sont fréquemment évoquées :
– d’une part les aides au logement, du fait de leur montant significatif et de leur forte dégressivité par rapport au revenu ;
– d’autre part, la CMUC, dont le bénéfice représente un enjeu essentiel pour beaucoup de foyers, en particulier des familles, qui tiennent à éviter de dépasser le plafond de ressources, qui reste très bas (634 euros/mois pour une personne seule).
Il est enfin nécessaire d’évoquer la prime pour l’emploi (PPE), qui n’est pas à proprement parler un « droit connexe », mais se combine nécessairement avec le RSA activité, les deux dispositifs visant plus ou moins le même public des détenteurs de revenus d’activité faibles ou modestes. S’agissant de leur articulation, le choix effectué est celui de la subsidiarité : la PPE due est diminuée et éventuellement supprimée à due concurrence du RSA activité versé. Cela signifie que lorsque le droit à PPE – qui atteint 80 euros par mois pour un salaire au niveau du SMIC – est égal ou supérieur au RSA activité, il ne peut y avoir, par construction, aucun gain à l’instauration du RSA, sauf pendant la première année de son versement, puisque la PPE est calculée sur les revenus de l’année « n – 1 », soit sur une année durant laquelle le bénéficiaire ne percevait pas encore le RSA.
● Les droits connexes locaux
En surplus des dispositifs nationaux, interviennent diverses aides « extralégales », qui proviennent essentiellement des fonds d’action sociale des caisses de sécurité sociale et des collectivités territoriales, en particulier les communes. Un inventaire (20) des prestations sociales communales effectué en 2007 dans treize villes françaises (dont Paris, Lyon et Marseille) a montré qu’il s’agit d’une multitude d’aides diverses, de tarifs sociaux, qui sont d’un montant unitaire faible, mais dont le bénéfice cumulé conduit à des compléments de ressources qui ne sont pas absolument négligeables : en moyenne, dans l’échantillon, environ 900 euros par an pour une personne isolée sans ressources et la moitié de ce montant si cette personne gagne un demi-SMIC mensuel ; environ 2 300 euros pour une famille avec trois enfants (qu’elle soit sans ressources ou ait un petit revenu d’activité d’un demi-SMIC).
L’analyse précitée tendait aussi à justifier le RSA tel qu’il a été conçu, car elle concluait que, sauf exceptions, il permettrait, dans les différentes villes étudiées et selon les différentes compositions de foyers, d’éviter les trappes à inactivité en garantissant un gain net pour tout revenu d’activité supplémentaire, malgré les éventuelles pertes de droits connexes.
L’expérimentation du RSA qui a été menée dans 34 départements avant sa généralisation a donné lieu à une évaluation de cette nouvelle politique fondée sur la comparaison des résultats obtenus dans les zones d’expérimentation avec d’autres zones (dites « zones témoins ») comparables par leurs caractéristiques socio-économiques, mais où l’expérimentation n’était pas engagée.
Un premier rapport d’évaluation, dit d’étape, avait observé un taux d’accès/retour à l’emploi (21) des allocataires (du RSA expérimental ou, dans les zones témoins, du RMI) supérieur de 30 % dans les zones d’expérimentation par rapport aux zones témoins. Cela dit, le rapport définitif sur cette expérimentation (22) ne fait plus état que d’un écart de 9,1 % en faveur des zones d’expérimentation ; compte tenu de la marge d’incertitude statistique, cet écart serait « significatif » à 88 % – en d’autres termes, selon le rapport, « la probabilité de se tromper en affirmant que l'effet du RSA expérimental sur le retour à l'emploi est supérieur à zéro est de 12 %, une valeur un tout petit peu élevée mais qui laisse néanmoins une place limitée à l’incertitude. En grossissant légèrement le trait, on pourrait donc dire qu’il y a un peu moins de 9 chances sur 10 que le RSA ait un effet positif sur la reprise d’emploi et un peu plus de 1 chance sur 10 qu’il ait l’effet opposé ». A posteriori, l’effet positif du RSA expérimental sur l’accès à l’emploi apparaît donc probable, mais pas certain.
On sait que cette expérimentation avait par ailleurs suscité des critiques portant sur sa brève durée (elle a duré au maximum un an et demi avant la loi de généralisation du RSA, le premier département expérimentateur, l’Eure, ayant commencé en juin 2007, et la plupart des autres entre novembre 2007 et mars 2008), insuffisante pour avoir un retour d’expérience pertinent, et sur les biais susceptibles d’avoir influé sur ses résultats jugés positifs. Le succès apparent du RSA expérimental en termes d’accès à l’emploi peut en effet s’expliquer aussi par des facteurs qu’on ne retrouve pas ensuite dans un dispositif généralisé et pérenne :
– un degré d’incitation financière généralement meilleur (les départements ont souvent expérimenté des taux de cumul allocation/salaire plus favorables que les 62 % du dispositif généralisé) ;
– l’effet de mobilisation des acteurs administratifs propre à une expérimentation ;
– une sorte d’effet d’« écrémage » flatteur à court terme, un dispositif d’incitation financière comme le RSA pouvant d’abord permettre une hausse du taux d’emploi dans la mesure où il est dans un premier temps efficace pour ramener vers l’emploi ceux qui en sont le plus proches, cette efficacité s’atténuant ensuite face au « noyau dur » des personnes les plus éloignées de l’insertion professionnelle. À cet égard, un constat du rapport définitif sur l’expérimentation est significatif : « les écarts [d’accès à l’emploi entre zones d’expérimentation et zones témoins] sont plus marqués (…) pour les personnes seules, sans conjoint ni enfant (22 % ont occupé un emploi au cours de la période étudiée contre 17 % en zone témoin) et les personnes titulaires d’un baccalauréat ou d’un diplôme supérieur (35 % accèdent à l’emploi en zone expérimentale contre 18 % en zone test). L’accès à l’emploi semble avoir été facilité pour les populations ne cumulant pas trop d’obstacles pour le retour à l’emploi (comme le manque de qualifications ou les problèmes de garde d’enfants) ».
Tous ces éléments font nécessairement douter de l’impact du RSA sur l’accès à l’emploi.
On peut enfin s’interroger sur la qualité des emplois auxquels accèdent les bénéficiaires du RSA. Selon le rapport d’évaluation précité, 30 % seulement sont des emplois dits « durables » (en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée de plus de six mois). Il semble aussi que le RSA expérimental ait conduit, plus souvent que l’ancien RMI, à la prise d’emplois à temps partiel : l’écart zones d’expérimentation/zones témoins, qui est globalement de 9,1 % pour l’accès à l’emploi comme on l’a dit, atteint 10,6 % pour les prises d’emplois assortis de salaires inférieurs à 500 euros par mois (pour le foyer) et même 12,4 % pour ceux assortis de salaires de moins de 200 euros.
Autre source, l’analyse de la répartition des bénéficiaires du seul RSA activité (lequel est le « plus » du RSA par rapport au RMI) montre que 55 % d’entre eux travaillent moins d’un mi-temps, 28 % entre un mi-temps et un trois-quarts temps et seulement 17 % plus que ce quantum d’activité (23).
S’inspirant de l’analyse des expériences anglo-saxonnes précitées, des auteurs (24) recommandent de modifier le barème du RSA pour rendre l’allocation moins avantageuse pour des revenus d’activité très faibles (correspondant à des temps très partiels) que pour des revenus un peu plus élevés.
Enfin, il est clair que le RSA, en tant que prestation financière, ne pourrait déboucher sur une amélioration durable de l’accès à l’emploi que si les mesures d’insertion et d’accompagnement sont à la hauteur. Sans revenir sur ce point, déjà longuement développé, le fait est que ce qu’offre notamment Pôle emploi est très loin, pour le moment, d’être satisfaisant…
En conclusion, votre rapporteur pour avis se devait de poser la question de la justice, valeur essentielle pour une prestation telle que le RSA. Au demeurant, ses concepteurs ont largement justifié le RSA par des arguments moraux : la valorisation du travail ; la nécessité en conséquence de valoriser par un gain supplémentaire tout travail supplémentaire ; la nécessité d’assurer l’égalité de traitement entre les foyers dès lors que leur composition et leur niveau de revenu du travail seraient identiques… Il existe pourtant de bonnes raisons de douter du caractère équitable de cette prestation.
La valorisation du travail est certes légitime, mais votre rapporteur pour avis considère qu’en faire l’alpha et l’oméga des politiques sociales peut conduire à des choix qui ne sont ni les plus efficaces, ni les plus justes.
Le RSA repose sur une construction idéologique (plus ou moins explicite) dans laquelle ceux qui ne travaillent pas sont moins « méritants » que ceux qui occupent un emploi. Mais ne pas travailler est-il vraiment un choix pour ceux auxquels une multitude de handicaps éducatifs et sociaux, voire de problèmes de santé, interdit quasiment l’accès à l’emploi ? Et même pour ceux qui sont moins éloignés de l’emploi, peut-on vraiment soutenir que c’est un choix en période de chômage de masse ? Dans une telle période, est-ce nécessairement juste de favoriser, dans une réforme sociale, ceux qui ont la chance (relative) d’occuper un emploi, aussi modeste soit-il ?
Le RSA, on l’a dit, vise à garantir un niveau de revenu égal aux ménages dès lors que leur composition familiale et leurs revenus d’activité sont égaux.
Cela signifie d’abord qu’il s’agit d’une prestation « familialisée » (comme le RMI et l’API auparavant) : elle est accordée à l’ensemble d’un foyer, en fonction des ressources de tous ses membres. Cette situation implique des conséquences qui sont souvent très mal vécues par les personnes en difficulté : l’obligation préalable d’avoir à faire jouer les créances alimentaires ; la dépendance dans laquelle se retrouvent des personnes qui perdent leurs ressources propres si leur conjoint continue à gagner correctement sa vie, car alors le foyer ne perçoit pas de RSA… Cette situation entraîne aussi une contradiction juridique : la prestation est familiale, collective, mais s’accompagne de « droits et devoirs » qui sont nécessairement individuels (25) ; quelle sanction lorsqu’un seul des membres adultes d’un foyer manque à ses « devoirs » d’insertion ?
La justice du principe selon lequel des foyers ayant le même niveau de revenus d’activité (et la même composition) doivent recevoir la même allocation est également contestée. Cela revient en effet à traiter de la même manière les ménages mono-actifs et bi-actifs dès lors que leurs revenus globaux d’activité sont identiques – par exemple, d’une part un ménage mono-actif dont le chef de famille gagne un SMIC à temps plein, d’autre part un ménage bi-actif cumulant deux mi-temps. Or, la bi-activité entraîne de fait des coûts supplémentaires (de garde d’enfants, de transports…), qui ne sont pas pris en compte. Outre une question de justice, ce constat pose aussi la question du caractère incitatif, ou non, du RSA quant au développement de la bi-activité dans les couples, c’est-à-dire, de fait, quant au développement de l’emploi féminin. Des auteurs (26) recommandent donc de majorer la prestation lorsque les deux membres d’un couple travaillent (par rapport à la situation d’un foyer mono-actif ayant le même niveau global de revenus d’activité).
L’une des spécificités du RSA par rapport au RMI tient à la distinction RSA socle/RSA activité : cette distinction entraîne l’identification d’un « seuil des droits et devoirs » ; les bénéficiaires occupant un emploi rémunéré plus de 500 euros par mois sont exonérés des obligations sanctionnables d’insertion, mais risquent aussi, en conséquence, de se voir proposer un accompagnement encore plus réduit. Cette distinction suscite beaucoup d’incompréhension et recrée des sous-catégories de bénéficiaires là où l’un des objectifs du RSA était de mettre fin à la stigmatisation des « RMIstes ».
Enfin, les possibilités de pertes de droits connexes, déjà évoquées, avec en conséquence des situations de « trappe à inactivité », posent non seulement question par rapport à l’incitation au retour à l’emploi, mais aussi à l’équité du dispositif.
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L’expérience du RSA doit naturellement être poursuivie, car elle est encore toute récente. Mais les premiers éléments de bilan permettent déjà de dégager des pistes susceptibles, d’après votre rapporteur pour avis, d’en corriger certains défauts : ● Étudier les mesures – augmenter le plafond de ressources ? – qui permettraient d’éviter que la crainte de perdre la couverture maladie universelle complémentaire ne décourage des reprises d’emploi dans le cadre du RSA activité. ● Étudier l’opportunité de modulations du RSA activité, d’une part afin d’éviter qu’il ne favorise le développement des emplois à temps très partiel, d’autre part afin d’éviter qu’il ne décourage la bi-activité des couples, donc l’emploi féminin. ● Élargir progressivement le RSA jeunes, diverses options (non exclusives) étant possibles (réduire la durée d’activité dont il faut justifier ; prendre en compte toutes les périodes d’activité antérieures et non pas seulement celles des trois dernières années ; élargir l’accès des étudiants et stagiaires de la formation professionnelle à la prestation, du moins quand ils respectent la condition d’activité antérieure et travaillent à temps partiel ; généraliser aux jeunes le seul RSA « activité »). ● Parvenir à l’unification des périodes de référence pour le décompte des ressources prises en compte pour l’ouverture du droit aux diverses prestations sociales, en particulier au RSA, à la prime pour l’emploi, aux aides au logement et à la couverture maladie universelle complémentaire. ● Réfléchir à l’opportunité de périodicités autre que trimestrielle pour la déclaration de ressources RSA : mensuelle pour limiter les indus ? Annuelle pour les allocations de faible montant, afin de rendre plus attractif le fait de demander le RSA activité pour les personnes que leurs revenus placent à la limite supérieure du dispositif ? ● Mettre en place un dispositif stable et efficace d’échange d’informations entre les différents acteurs administratifs, notamment en prenant le décret permettant aux CCAS/CIAS d’échanger des données personnelles relatives aux bénéficiaires qu’ils gèrent avec les autres intervenants. ● Obtenir de Pôle emploi, le cas échéant grâce à une subvention fléchée de l’État, une plus grande implication dans le dispositif RSA, comprenant notamment une participation à la phase d’instruction et d’attribution de la prestation. ● Revenir sur la stricte séparation des filières d’accompagnement « social » et d’accompagnement « professionnel » des bénéficiaires du RSA (ce qui entraînerait la suppression de la phase d’orientation). Au-delà des mesures qui seraient de nature à gérer plus efficacement le RSA, on peut observer qu’un certain nombre de critiques à son encontre – sur le caractère « familial » de la prestation, sur le risque de développement d’emplois à temps très partiel dans lesquels les personnes s’enfermeraient, sur l’opportunité d’un dispositif favorisant ceux qui travaillent durant une période d’explosion du chômage… – pourraient converger pour justifier une architecture complètement différente, dans laquelle coexisteraient : – d’une part un « revenu d’existence » individuel et décent (donc bien supérieur à 400 euros par mois), qui prendrait en compte l’extrême difficulté qu’auront certains exclus à rentrer dans le monde du travail, quelles que soient les incitations. Le bénéfice de ce revenu pourrait être subordonné à un critère d’âge, car un critère objectif de cette nature n’est pas en soi stigmatisant et permettrait de fait d’identifier assez clairement, parmi les personnes en exclusion, celles dont les chances de retour à l’emploi sont les plus faibles ; – d’autre part, une mesure de soutien aux revenus modestes (mais pas insignifiants) du travail, individualisée et indépendante de la composition des foyers, bref une prime pour l’emploi « boostée ». Quel est le type de dispositif de lutte contre la pauvreté et l’exclusion qui serait à la fois le plus efficace, mais aussi le plus juste et le plus respectueux de la dignité des personnes ? Il est clair que l’instauration du RSA ne clôt pas ce débat. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
EXAMEN DES CRÉDITS
À l’issue de l’audition en commission élargie de M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives, et de Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité (27), la Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sur le rapport de M. Christophe Sirugue, sur les crédits relatifs à la solidarité, et sur le rapport de M. Paul Jeanneteau, sur les crédits relatifs au handicap et à la dépendance.
M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la solidarité. Nous avons entendu les réponses apportées par le Gouvernement. Elles ne remettent pas en cause les remarques que j’ai faites sur les crédits. Il y a sur le revenu de solidarité active des interrogations lourdes qui ne justifient pas la diminution des crédits pour 2011, laquelle correspond à une situation transitoire. Quant aux crédits relatifs à l’égalité des hommes et des femmes, on constate également des baisses de crédits et l’on voit mal comment les objectifs affichés pourraient être atteints.
M. Paul Jeanneteau, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs au handicap et à la dépendance. Mon avis sera naturellement différent, en raison de l’engagement du Gouvernement sur ces crédits, notamment ceux du programme « Handicap et dépendance ». Ceux-ci augmentent, en effet, fortement pour permettre la mise en place de politiques réaffirmées en 2008. Je donne donc un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission.
La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
ANNEXE 1
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
(par ordre chronologique)
Ø Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS) –M. Patrick Kanner, président, et M. Daniel Zielinski, délégué général
Ø Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) – M. Marc Desplats, président, Mme Zalie Mansoibou, représentant « Chômeurs et précaires de Paris », et M. Pierre-Edouard Magnan, représentant la « Maison des chômeurs de Nanterre »
Ø Assemblée des départements de France (ADF) – M. Yves Ackermann, président du conseil général du territoire de Belfort, et M. Clément Prunières, conseiller du groupe de gauche
Ø Département de l’Ille-et-Vilaine – Mme Jacqueline Créquer, chargée de projet « RSA »
Ø Département du Rhône – Mme Anne-Camille Veydarier, directrice générale adjointe, et Mme Martine Montmasson, directrice du service « insertion »
Ø Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ) – M. Zinn-Din Boukhenaïssi, délégué général
Ø ATD Quart Monde – M. Patrick Valentin, chargé de l’emploi et de la formation, et Mme Marisol Nodé-Langlois, chargée des relations institutionnelles
Ø Alliance-Ville-Emploi (AVE) – Mme Marie-Pierre Establie d’Argencé, déléguée générale
Ø Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS) – M. Michel Dinet, président (et président du conseil général de la Meurthe-et-Moselle), M. Jean-Louis Sanchez, délégué général, et M. Didier Lesueur, directeur général adjoint
Ø Secours populaire français – M. Julien Lauprêtre, président
Ø Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) – Mme Nicole Maestracci, présidente, M. Matthieu Angotti, directeur général adjoint, et Mme Sophie Alary, responsable du service des missions
Ø Pôle emploi – M. Christian Charpy, directeur général, et Mme Nathalie Hanet, directrice « collectivités et partenariats »
Ø Association pour l’emploi, l’information et la solidarité des chômeurs et travailleurs précaires (APEIS) – M. Thierry Bailly, membre du bureau national
Ø Mme Hélène Périvier, économiste à l’Office français des conjonctures économiques (OFCE), co-responsable du Programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre (PRESAGE)
Ø M. Martin Hirsch, président de l’Agence du service civique
Ø M. Yannick L’Horty, professeur à l’université d’Évry-Val-d’Essonne, directeur de la fédération de recherche « Travail, emploi et politiques publiques »
Ø Comité national des entreprises d’insertion (CNEI) – Mme Claudie Buisson, secrétaire générale, et M. Olivier Dupuis, secrétaire général adjoint
Ø AC ! - Agir ensemble contre le chômage – M. Alain Marcu, chargé de mission, et Mme Catherine Quentier, bénévole
Ø Union nationale des missions locales (UNML) – M. Jean-Patrick Gille, député, président
Ø Mme Elisa Chelle, doctorante en science politique à l’Institut d’études politiques de Grenoble
Ø Comité national d’évaluation du revenu de solidarité active – M. François Bourguignon, président (et directeur de l’École d’économie de Paris)
Ø Secours catholique – M. Bernard Schricke, directeur général
Ø Assemblée des départements de France (ADF) – M. René-Paul Savary, président de la commission « insertion » (et président du conseil général de la Marne), M. Jean-Pierre Hardy, directeur du service des politiques sociales, M. Augustin Rossi, conseiller technique « RSA », et Mme Marylène Jouvien, chargée des relations avec le Parlement
Ø Mouvement français pour le planning familial – Mme Françoise Laurant, présidente départementale en Isère, et Mme Jeannine Langleur, membre du bureau confédéral
Des problèmes d’agenda n’ayant pas permis une audition, la Caisse nationale des allocations familiales a adressé une contribution écrite.
ANNEXE 2
LES PRINCIPAUX AMÉNAGEMENTS DES DROITS CONNEXES NATIONAUX SUITE À LA GÉNÉRALISATION DU RSA
● Pour ce qui est des aides au logement (aide personnalisée au logement et allocations logement dites familiale ou sociale), le principe de neutralisation des revenus perçus pendant l’année de référence (dont on rappelle que c’est l’année « n – 2 »), qui permettait aux bénéficiaires du RMI de percevoir automatiquement ces aides au taux le plus élevé, a finalement été conservé pour les bénéficiaires du RSA socle (mais pas pour ceux du seul RSA activité).
Sur cette question du « taux plein automatique », un amendement d’initiative gouvernementale à la loi de finances rectificative pour 2009 (28) a apporté une réponse à un problème particulier concernant certains bénéficiaires amenés à sortir du RSA socle (et donc à perdre l’avantage du taux plein automatique) alors que dans le régime RMI ils auraient conservé cet avantage lié au statut. Il dispose que, pour les bénéficiaires du RSA ayant signé un contrat aidé (contrat insertion-revenu minimum d’activité ou contrat d’avenir) avant le 1er juin 2009, les droits afférents aux aides personnelles au logement et à la CMU-C seront maintenus en l’état jusqu’à l’échéance de leur contrat, c’est-à-dire qu’ils conserveront le taux plein automatique pour les allocations logement et le droit automatique à la CMU-C qu’ils tenaient de leur statut de bénéficiaire du RMI. La mesure est par construction transitoire, puisqu’elle maintient simplement les droits de personnes qui étaient dans une situation particulière à une certaine date ; ces personnes sont peu nombreuses (moins de 10 000). En revanche, à l’avenir, les personnes reprenant un emploi et passant pour cette raison du RSA socle au RSA activité perdront cet avantage, alors que les bénéficiaires du RMI pouvaient le conserver dans certaines situations d’emploi telles que les contrats aidés (quand ces situations maintenaient le statut de bénéficiaire du RMI).
● Pour ce qui est de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC), on s’est efforcé d’assurer une continuité dans la transition du RMI au RSA. La présomption de droit reconnue aux bénéficiaires du RMI a été maintenue aux bénéficiaires du RSA dont les ressources n’excèdent pas le montant du RSA socle et les allocations de RSA ne sont pas prises en compte dans la « base-ressources » pour apprécier le droit à la CMUC (par rapport au plafond de ressources). Un problème peut toutefois exister en cas de reprise d’emploi et de passage au RSA activité, dans les mêmes conditions que pour les aides au logement (voir supra).
● Pour ce qui est de la taxe d’habitation, on rappelle que les allocataires du RMI bénéficiaient d’un dégrèvement total, quel que soit leur niveau de revenu, droit prolongé un an après leur sortie du RMI. En revanche, les bénéficiaires du RSA bénéficient seulement, au même titre que les autres contribuables, d’un plafonnement de leur cotisation en fonction de leur revenu fiscal de référence, en application du régime de droit commun. Ce dispositif conduit à un dégrèvement total seulement en cas de revenu fiscal de référence nul, c’est-à-dire d’absence de tout revenu autre que d’allocations. D’après les estimations faites au moment du vote de la loi généralisant le RSA, cette réforme était susceptible de faire environ 390 000 ménages « perdants », dont 240 000, disposant d’un revenu fiscal supérieur au seuil de plafonnement, qui est tout de même très modeste (5 038 euros par an, soit 420 euros par mois, pour une personne seule, avec ensuite des majorations familiales), paieraient en moyenne environ 170 euros de taxe par an. L’économie budgétaire résultant pour l’État de cette restriction des conditions de dégrèvement a été chiffrée à environ 36 millions d’euros.
● Pour ce qui est de la redevance audiovisuelle, on rappelle que les bénéficiaires du RMI en étaient dégrevés de droit. À l’instar de la solution retenue pour la taxe d’habitation, cette exonération est désormais limitée aux seuls bénéficiaires du RSA dont le revenu fiscal de référence est nul (avec une période transitoire). Au total, la réforme ferait en 2012 environ 340 000 foyers « perdants » (c’était le nombre de bénéficiaires du RMI dont le revenu fiscal de référence était non nul) désormais assujettis, au tarif actuel, à 121 euros de redevance annuelle. Ces foyers verseraient donc environ 41 millions d’euros de redevance supplémentaire.
● Pour ce qui est de la réduction sociale téléphonique, la réduction tarifaire du service public universel téléphonique qui était allouée aux bénéficiaires du RMI a été maintenue pour les bénéficiaires du RSA dont les ressources sont inférieures au montant du RSA socle.