N° 3808 tome III - Avis de Mme Henriette Martinez sur le projet de loi de finances pour 2012 (n°3775)



N
° 3808

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2012 (n° 3775),

TOME III

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

par Mme Henriette MARTINEZ,

Députée

Voir le numéro 3805 (annexe n° 5).

AVERTISSEMENT 5

INTRODUCTION 7

I – UN CONTEXTE EN FORTE EVOLUTION, DES BESOINS TOUJOURS MAJEURS, UNE CONJONCTURE DIFFICILE 9

A – L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT, TOUJOURS AU CœUR DES PRÉOCCUPATIONS MONDIALES 9

1) La présidence française des G8 et G20 9

a) L’ambition et les priorités de la France 9

b) Le sommet de Deauville : réactivité et engagement résolu du G8 en faveur du développement 11

c) Le G20 trace désormais un sillon déterminant en faveur du développement 12

2) Plus que jamais, maintenir l’effort 14

a) Le degré d’avancement des OMD justifie toujours une attention soutenue 15

b) Des financements historiquement élevés mais néanmoins en deçà des promesses 17

c) Le plaidoyer en faveur des financements innovants 20

d) Les perspectives de Busan : priorité à l’efficacité 22

B – UNE POLITIQUE FRANÇAISE D’AIDE AU DÉVELOPPEMENT QUI S’AFFIRME 25

1) Un effort budgétaire qui soutient aisément la comparaison 25

a) Un regard comparatif pour resituer le débat 25

b) Le maintien global des moyens français dans le cadre du triennum budgétaire 28

2) Une politique dont le pilotage reste encore perfectible 30

C – DE QUELQUES INTERROGATIONS ET INQUIÉTUDES 33

1) Les quatorze pays prioritaires le seront-ils vraiment un jour ? 33

2) Ne pas sacrifier les pays du Sahel ! 37

3) Les incidences durables du rapport prêts/dons 39

4) Des prévisions d’annulations de dette toujours très conséquentes 44

a) Une critique récurrente… 44

b) Des perspectives d’annulations au plus haut pour 2012 46

c) Des incidences qu’il faudra assumer 47

5) Parviendra-t-on encore longtemps à garder une bonne image sur la scène internationale ? 49

II – LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2012 53

A – UN BUDGET PRÉSERVÉ POUR LA MISSION, CONFORMÉMENT AUX ENGAGEMENTS 53

B – LES CRÉDITS DE L’AIDE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE AU DÉVELOPPEMENT (PROGRAMME 110) 57

1) Données générales 57

2) Les crédits de l’action n° 1 : « Aide économique et financière multilatérale » 58

3) Les crédits de l’action n° 2 : « Aide économique et financière bilatérale » 59

4) L’action n° 3 : les crédits du traitement de la dette des pays pauvres 60

C – LE PROGRAMME 209 : SOLIDARITÉ À L’ÉGARD DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT 61

1) Bilatéralisme et multilatéralisme : vous avez dit « rééquilibrage » ? 62

2) Les crédits de l’action n° 2 : la coopération bilatérale 64

3) Les crédits de l’action 5 : la coopération multilatérale 69

4) Les crédits de l’action n° 7 : la coopération communautaire 71

5) Les crédits de l’action 8 : les dépenses de personnel concourant au programme « Solidarité à l’égard des pays en développement » 71

D – LES CRÉDITS DU PROGRAMME 301 : DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE ET MIGRATIONS 72

1) Considérations générales 72

2) Les crédits des actions du programme 73

CONCLUSION 75

EXAMEN EN COMMISSION 77

ANNEXES 83

Annexe 1 - Crédits 2012 de la mission APD 85

Annexe 2 - Liste des personnalités rencontrées par votre Rapporteure 87

Annexe 3 - Données statistiques 89

AVERTISSEMENT

L’an dernier, cet avis budgétaire débutait par un semblable avertissement pour regretter que tous les documents budgétaires et réponses au questionnaire parlementaire n’aient pas été transmis à temps à la représentation nationale.

Dans une démarche commune, les cinq rapporteurs spéciaux et pour avis de l’Assemblée nationale et du Sénat s’en étaient émus par un courrier adressé aux trois ministres en charge des budgets de la mission. En réponse, MM. Alain Juppé et Henri de Raincourt avaient réaffirmé l’attachement du Gouvernement à la pleine et diligente information de la représentation nationale ainsi que les dispositions et l’engagement personnel qu’ils prenaient pour que, dans les délais, les assemblées parlementaires reçoivent toutes les informations requises, garantissant un débat constructif et éclairé.

Dernièrement, votre Rapporteure recevait encore des assurances verbales en ce sens.

Elle regrette par conséquent de devoir, une fois de plus, constater le manque de respect que l’Exécutif porte à la représentation nationale : pour la deuxième année consécutive, en effet, le document de politique transversale sur l’aide publique au développement sera rendu public après l’examen des crédits de la mission par la commission des affaires étrangères.

Notre commission devra donc de nouveau se prononcer sans disposer de l’ensemble des éléments lui permettant d’avoir une vision exhaustive de l’effort que la France consacre à cette politique, puisque, faut-il le rappeler, les crédits de la mission n’en représentent que le tiers.

Une nouvelle fois, votre Rapporteure dénonce vivement ces manquements qui empêchent la représentation nationale d’assurer comme elle devrait ses missions d’information et de contrôle de l’activité gouvernementale.

Mesdames, Messieurs,

Depuis des années, l’œil rivé sur la ligne de crête du pourcentage de RNB que les pays riches consacrent à l’APD, nous ne cessons les uns et les autres de déplorer les retards avec lequel les pays riches tiennent leurs promesses ; de regretter la complexité croissante des mécanismes et l’impossible coordination entre des centaines d’acteurs éparpillés et toujours plus nombreux ; de condamner les lenteurs de la mise en œuvre des résolutions, déclarations et autres plans d’action adoptés dans tant de forums internationaux sur l’harmonisation, l’efficacité, l’appropriation de l’aide, pour ne prendre que les thématiques les plus débattues au cours de la dernière décennie.

De fait, les progrès peuvent paraître bien lents. Car, pour ne prendre que cette seule donnée, désormais, depuis le surgissement de la crise alimentaire de 2008, ce sont plus de un milliard de personnes qui sont sous-alimentées. Pour le dire autrement, et c’est un terrible paradoxe, l’aide au développement atteint aujourd’hui ses niveaux historiquement les plus élevés, pour représenter un montant total de près de 130 Mds$ en 2010, alors que jamais la population souffrant de la faim n’a été aussi importante... Et si de son côté le suivi des OMD montre certains progrès, parfois très réels, on ne peut se cacher que le bilan général est à la fois mitigé, très différent selon les régions et les secteurs.

Or, l’aide au développement est sans doute en train de connaître aujourd’hui des changements majeurs, sur tous les plans, et l’on ne peut que s’en féliciter. Nous sommes peut-être à l’aube d’un changement d’époque. La réflexion et les décisions que prennent en effet le G8 et le G20 depuis quelques années, tout particulièrement depuis l’adoption du « Consensus de développement pour une croissance partagée » et du Plan d’action de Séoul en 2010, sont en train d’impulser une dynamique nouvelle et forte à laquelle les différents acteurs et parties prenantes ne peuvent que s’associer. La France a eu au long de cette année à exercer la présidence des deux groupes. Le Président de la République a souhaité y promouvoir un certain nombre de thématiques, communes à la fois aux pays en développement et aux pays riches, unis par une communauté de destins, pour reprendre les termes des propos qu’il a eu l’occasion de tenir il y a peu.

Tels sont les thèmes sur lesquels votre Rapporteure a choisi d’ouvrir son avis budgétaire sur les crédits de la Mission Aide au développement, avant de vous en proposer l’analyse détaillée, étant entendu que, en l’absence de l’ensemble des documents budgétaires, la mise en perspective de la politique française pour l’avenir est impossible : si les crédits de la mission APD, qui ne représentent que le tiers des sommes que la France consacre chaque année à l’aide au développement sont stabilisés, aucune information n’est en revanche à ce jour disponible quant à l’évolution des crédits que les autres administrations de l'Etat y consacrent.

I – UN CONTEXTE EN FORTE EVOLUTION, DES BESOINS TOUJOURS MAJEURS, UNE CONJONCTURE DIFFICILE

A – L’aide au développement, toujours au cœur des préoccupations mondiales

1) La présidence française des G8 et G20

L’année 2011 aura été marquée par la présidence française du G20 qui, comme le Président de la République s’y était engagé, aura permis de faire avancer un certain nombre de dossiers cruciaux pour l’avenir de l’aide au développement mondiale.

a) L’ambition et les priorités de la France

La Présidence française a eu la charge d’entamer la mise en œuvre du plan d'action pluriannuel sur le développement adopté lors du sommet de Séoul, dans le prolongement de la décision du sommet de Toronto d'inclure dans l'agenda du G20 les questions de développement. Un groupe de travail a été mis en place à cette fin, co-présidé par la France, la Corée du Sud et l'Afrique du Sud.

Le plan de Séoul avait prévu un ensemble de 24 actions visant à assurer une croissance plus forte, inclusive et résiliente dans les pays en développement. Neuf thématiques différentes sont concernées : infrastructures ; ressources humaines ; commerce ; investissement privé et création d'emplois ; sécurité alimentaire ; protection sociale et transferts des migrants ; inclusion financière ; mobilisation des ressources domestiques dans les PED et partage des connaissances.

La France a souhaité accorder la priorité à deux domaines : les infrastructures et la sécurité alimentaire, sans omettre de poursuivre son plaidoyer en faveur des mécanismes de financements innovants du développement, notamment en faveur de la taxe sur les transactions financières, ainsi que sur la protection sociale

Pour le Président de la République, « au travers de ces choix en faveur du développement, c'est bien le nouveau visage de la mondialisation que nous dessinons ensemble. Car l'enjeu est là : quelle mondialisation voulons-nous ? Nous voulons une mondialisation qui s'éloigne des choix à courte vue, une mondialisation qui ne vise plus la rentabilité immédiate qui a mené l'économie mondiale au bord du gouffre il y a trois ans et qui la menace encore aujourd'hui. Nous voulons une mondialisation créatrice de richesses durables et partagées. Nous voulons une mondialisation capable d'anticiper les enjeux de l'avenir et de répondre aux défis globaux qui se posent à chacun de nous. » (1)

Pour traiter la question du manque d’infrastructures qui prive l'Afrique de plus de 2 % de croissance économique par an, un panel de haut niveau a été réuni. Présidé par Tidjane Thiam, PDG de la compagnie d’assurances Prudential et ancien ministre du plan de Côte d’Ivoire, il est chargé de réfléchir aux moyens de lever les obstacles à leur financement, d’évaluer les propositions qui seront faites par les banques multilatérales de développement et d’établir les critères de sélection des projets d'envergure régionale que le G20 pourrait soutenir. Comme le précisait le rapport préliminaire sur le plan d’action du G20 sur le développement présenté par la France à la réunion des ministres du développement de Washington en septembre dernier, « en concertation avec les banques multilatérales de développement, le panel est chargé d’identifier des projets d’infrastructures exemplaires sur la base de critères de sélection relatifs notamment à leur portée régionale, leur effet d’entraînement sur la croissance et le développement durable, et leur attractivité pour le secteur privé. » Il s’agit donc pour le G20 de mettre désormais l’accent sur des instruments permettant en premier lieu de contribuer à une croissance économique soutenable dans les pays partenaires. A cet effet, le programme d’investissements d’infrastructures qui sera débattu au sommet de Cannes, portera aussi sur les améliorations à apporter à l’environnement des affaires, sur la diversification et l’accroissement des ressources de financement et sur le développement des instruments financiers. Donald Kaberuka, président de la Banque africaine de développement, comme Mamadou Cissokho, président d’honneur du Réseau des organisations paysannes et des producteurs de l’Afrique de l’Ouest, ROPPA, soulignaient l’un comme l’autre, parmi d’autre intervenants à la Conférence de Paris, l’extrême importance de porter l’effort sur le manque d’infrastructures et l’espoir que le programme qui serait présenté à Cannes représentait.

En ce qui concerne la sécurité alimentaire, deux pistes complémentaires sont actuellement explorées. Celle des solutions de long terme, qui ont été proposées dans le cadre du plan d'action, qui incluent entre autres, la promotion d'instruments de couverture des risques, l'interdiction des restrictions aux exportations d'aide alimentaire d'urgence, la régulation des marchés agricoles, ainsi qu’une réflexion sur la recherche agricole. Celle de la réponse d’urgence aux crises, avec la mise en place de projets pilotes de réserves alimentaires d'urgence pour l’Afrique de l’Ouest, conduit par la CEDEAO.

La Présidence française souhaitait également faire avancer d'autres sujets au cours de sa présidence, et notamment obtenir le soutien des membres du G20 sur la question de la protection sociale comme élément fondamental garantissant une croissance résiliente, sujet sur lequel notre pays œuvre en faveur d'un consensus autour d'un socle universel de protection sociale promu par les Nations unies.

Enfin, la question des financements innovants est le dernier volet majeur des travaux conduits durant la présidence française du G20 et votre Rapporteure y consacrera plus loin un développement particulier.

b) Le sommet de Deauville : réactivité et engagement résolu du G8 en faveur du développement

Indéniablement, le Sommet de Deauville, réuni les 26 et 27 mai dernier en présence des chefs d’Etat et de gouvernement des pays du G8, aura constitué un temps fort de la présidence française, avant le sommet du G20 de Cannes convoqué pour les 3 et 4 novembre.

L’actualité internationale a fortement modelé l’agenda de ce sommet, puisque la question de l’aide économique à apporter aux pays arabes en transition démocratique a dominé les débats, dès lors qu’il a été considéré que le G8 devait être à la hauteur des bouleversements politiques initiés par les Printemps arabes. Au-delà du seul soutien affirmé aux pays concernés en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, un partenariat de long terme, politique et économique, a été conclu qui implique l’ensemble des Parties au G8, Etats membres et institutions internationales.

Ainsi, un soutien financier de 40 Mds$ a-t-il été concédé à l’Egypte et à la Tunisie, assumé à 50 % par les banques multilatérales de développement (2), l’autre moitié, étant constituée, d’une part, d’aides bilatérales apportées par les Etats membres du G8, pour un montant total de 10 Mds$, dont plus de 1 Md€ sur trois ans par la France, et d’autre part, de 10 Mds$ en provenance des pays du Golfe, cependant que l’extension du mandat de la BERD au sud de la Méditerranée était souhaitée (3), moyennant la création d’un fonds dédié au sein de la banque, pour appuyer la modernisation économique des pays intéressés, et notamment le développement du secteur privé et de l’emploi.

Le Partenariat a ensuite été élargi à la Jordanie et au Maroc, nouveaux bénéficiaires. De leur côté, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït, le Qatar et la Turquie se sont joints aux soutiens des pays engagés dans un processus de transformation politique et économique.

Selon les informations qui ont été communiquées à votre Rapporteure, pour ces deux nouveaux pays, 1,1 Md€ de financements supplémentaires pourraient être envisagés : en premier lieu, 800 M€ pour le Maroc, soit 300 M€ sous forme de prêts et 500 M€ sous forme de projets dans les secteurs des infrastructures – énergie et transports –, de l’éducation et de la formation professionnelle, de l’agriculture et de la pêche) ; en second lieu, 300 M€ pour la Jordanie, répartis entre prêts et projets dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’eau et du soutien aux PME. D’autres financements, de la réserve Pays émergents (RPE) pour un montant de 500 M€ sur la période 2011-2013, pourraient aussi être mobilisés.

S’agissant de l’aide bilatérale française, en trois ans, l’AFD apportera 650 M€ d’aide à l’Egypte, sous forme de prêts souverains d’aide-projet pour les secteurs de l’agriculture et de la sécurité alimentaire, la formation professionnelle et le soutien aux PME, la réhabilitation de quartiers informels. En Tunisie, l’apport, 425 M€, sera composé d’une aide budgétaire sectorielle (185 M€) destinée aux volets emploi et formation, et secteur bancaire et financier du Programme d’appui à la relance (PAR) des autorités tunisiennes et, d’autre part, de financements de projets (240 M€) en appui au secteur privé, à la micro-finance, à l’accès à l’eau potable, à la formation professionnelle et au développement régional. Pour les quatre pays concernés, c’est donc un total de 2,7 Mds€ de financements de l’AFD qui est programmé sur la période 2011-2013.

Le sommet de Deauville a également été l’occasion de renforcer le partenariat du G8 avec l’Afrique dont plusieurs dirigeants (4) récemment élus démocratiquement avaient été conviés, auxquels un soutien politique a été manifesté. Pour la première fois, une déclaration conjointe du G8 et de ses partenaires africains a été adoptée. Le G8 a notamment voulu souligner les résultats économiques remarquables de l’Afrique depuis une décennie, en insistant sur la croissance africaine, le développement du secteur privé et des financements innovants, et rendre compte du suivi de ses engagements en matière d’aide publique au développement, en mettant l’accent sur la santé et la sécurité alimentaire.

c) Le G20 trace désormais un sillon déterminant en faveur du développement

La France a donc attaché une particulière importance à ce nouveau volet de compétences du G20 car, comme le Président de la République a eu l’occasion de le dire en inaugurant la Conférence de Paris le 21 octobre, « une communauté de destin régit les équilibres mondiaux. Tous les pays sont concernés par la question du développement, qu'ils reçoivent une aide ou qu'ils la prodiguent, qu'ils soient récemment sortis de la grande pauvreté ou qu'ils y aient plongé ces dernières années. Tous doivent faire entendre leurs propositions pour rebâtir un modèle stable, durable et prospère. Les puissances économiques du monde, qui se réunissent pour répondre aux grands enjeux économiques de notre temps, ne peuvent détourner leur attention des pays en développement. Le G20, ce n'est pas la somme des intérêts des pays qui le composent ; parce que le G20, doit être l'incarnation de l'intérêt général (…) Le G20 a donc le devoir de porter la question du développement sur le devant de la scène mondiale. » 

Le G20 s’oriente en conséquence désormais de manière déterminée vers des thématiques qu’il n’abordait pas jusqu’alors et mène une réflexion holistique sur l’ensemble des sujets qui, peu ou prou, concernent la croissance globale : pour le Président de la République, s'attacher à la question du développement, c'est mettre en place dès aujourd'hui les fondements de la croissance de demain car, loin d’une contradiction entre les impératifs de développement et de croissance, « il n'y aura pas de croissance future et durable pour l'économie mondiale sans un développement partagé. (…) Le soutien aux pays en développement est un élément majeur de la relance de l'économie mondiale. » 

En parallèle aux décisions prises par le G8 pour l’avenir de la région arabe, le G20 s’est donné les moyens de ses ambitions. Pour la première fois, un G20 Développement a réuni ministres des finances et de la coopération au développement à Washington fin septembre. Y ont entre autres été confirmés les engagements antérieurs et, au-delà de la crise humanitaire qui frappe la Corne de l’Afrique aujourd’hui et appelle une réponse rapide, les questions à plus long terme de la production agricole mondiale et de la sécurité alimentaire ont été approfondies. Un projet pilote, notamment, conduit par la CEDEAO, prévoyant la constitution de réserves d’urgence, sera mis en œuvre pour réduire l’impact des crises alimentaires sur les populations les plus vulnérables. En juin, lors de la réunion du G20 Agriculture à Paris, un très fort accent avait déjà été mis sur les questions touchant à la sécurité alimentaire. L’initiative AMIS (5) y avait notamment été lancée pour permettre une meilleure information sur l’évolution des prix alimentaires, afin de contribuer à réduire leur volatilité dont le rôle est un facteur crucial d’insécurité. Par ailleurs, comme on l’a vu, d’autres questions d’intérêt pour le développement des pays du sud et l’APD ont été traitées : les carences en matière d’infrastructures, notamment dans les secteurs de l’énergie et des transports, en premier lieu, en tant qu’ils constituent des obstacles majeurs à l’activité économique des pays du sud (6). A cet effet, un plan d’action conjoint des banques multilatérales de développement a été demandé par les membres du G20, et des pistes pour améliorer l’environnement des affaires et favoriser les investissements publics et privés dans le secteur des infrastructures, sont explorées par un groupe de travail qui proposera à Cannes un certain nombre de projets exemplaires en la matière.

En complément de ces thématiques sur lesquelles la France a centré son action, d’autres questions ont été à l’étude au long de cette année, qui confirment également les orientations prises antérieurement. Il en est ainsi de la mobilisation des ressources fiscales internes, de la transparence de l’aide, autour de l’initiative EITI, « Initiative pour la transparence des industries extractives », ou de la volatilité des prix des matières premières. Des questions comme celles des transferts des migrants, du développement d’un socle de protection sociale, sont également de celles sur lesquelles les membres du G20 ont réaffirmé leurs propositions.

En d’autres termes, ainsi que le ministre de la coopération l’a indiqué à votre Rapporteure lors de son audition, les choses bougent et, en dépit des difficultés présentes, l’aide au développement reste une priorité reconnue et partagée. La valeur ajoutée du G20 sur les thématiques de développement s’affirme, grâce à la diversité et à la complémentarité des expériences de ses membres en matière d’aide au développement. C’est également le sentiment qu’exprimait Andris Piebalgs, commissaire européen au développement, lors de la Conférence de Paris du 21 octobre, en saluant le virage très important pris par le G20 en matière de développement depuis la présidence coréenne, fortement accentué par la présidence française.

A la publication du présent rapport, le sommet du G20 de Cannes aura eu lieu et aura confirmé, du moins l’espère-t-on, les ambitions que la France avait placées dans sa présidence. Les orientations que prennent le G8 et le G20 en ce qui concerne le développement sont en consonance avec les analyses contemporaines et l’accent mis actuellement sur les facteurs contribuant à la croissance économique comme devant constituer les axes privilégiés des politiques d’aide au développement. En témoigne entre autres le rapport 2011 des Nations Unies sur les OMD qui souligne que beaucoup des progrès accomplis sont dus en partie à une croissance économique soutenue dans certains pays en développement et à des efforts ciblés dans des domaines cruciaux des OMD, comme la santé, dans la mesure où « pour atteindre les objectifs, une croissance économique inclusive et équitable est nécessaire, une croissance qui touche tout le monde et permet à tous, et en particulier ceux qui sont pauvres et marginalisés, de profiter des opportunités économiques » (7), ainsi que le soulignait le Secrétaire général des Nations Unies dans sa présentation. Sans doute assiste-t-on aujourd’hui à un tournant majeur dans les politiques d’APD, tant dans leurs orientations que dans leur gestion.

2) Plus que jamais, maintenir l’effort

L’engagement des pays membres du G8 et du G20 en faveur du développement depuis le sommet de Toronto a représenté un tournant majeur. Les décisions qui sont prises depuis lors par les principaux acteurs de l’aide impriment une marque profonde, d’autant plus importante que les besoins des pays en développement restent considérables, malgré les avancées, qu’il s’agisse des besoins des populations concernées sur le terrain, des besoins de financements, de l’amélioration de l’efficacité des politiques qui sont menées, ou de la coordination entre les bailleurs.

a) Le degré d’avancement des OMD justifie toujours une attention soutenue

En présentant le rapport 2011 de suivi annuel des OMD, en juillet dernier, le Secrétaire général des Nations Unies soulignait à la fois les fortes avancées constatées et le fait que les populations les plus vulnérables restaient laissées pour compte, de sorte que la réalisation globale des objectifs du millénaire d’ici à 2015 est, plus que jamais, un défi considérable.

Ainsi, le rapport indique que dans son ensemble le monde est en voie d’atteindre la cible de réduction de la pauvreté, puisque d’ici à 2015, le taux mondial de pauvreté devrait passer sous la barre des 15 %, soit nettement en deçà de la cible, malgré les revers récents dus à la crise économique, alimentaire et énergétique. Certains des pays qui ont connu les plus grandes avancées sont parmi les plus pauvres : le Burundi, le Rwanda, Samoa, Sao Tomé-et-Principe, le Togo et la Tanzanie ont par exemple d’ores et déjà atteint l’objectif de l’éducation primaire pour tous ou en sont très proches. Le nombre de décès annuels d’enfants de moins de cinq ans a diminué de 4,3 millions entre 1990 et 2009, tandis que la mortalité due au paludisme a diminué de 20 % depuis 2000, de même que les nouvelles infections au VIH qui diminuent avec régularité dans les mêmes proportions depuis 1997.

Néanmoins, on sait aussi que ces progrès remarquables sont fragiles et très inégalement répartis, comme le traduit le tableau reproduit ci-dessous, et que les disparités restent importantes, fondées sur des trajectoires différentes, des situations intra et inter-pays diverses, et qu’elles rendent nécessaire l’intensification des efforts. Pour ne s’attarder que sur l’objectif de réduction de la faim et de la pauvreté, on constate au niveau mondial des chiffres paradoxaux : ainsi, la proportion de personnes souffrant de la faim a certes diminué de 20 % entre 1992 et 2007 mais, compte tenu de la forte croissance démographique, le nombre de personnes souffrant de la faim a en fait crû de plusieurs dizaines de millions. C’est pour cette même raison que, en Afrique Subsaharienne, le nombre de pauvres a augmenté de 100 millions alors que l’évolution des taux était aussi orientée à la baisse.

Les autres OMD présentent des profils statistiques plus ou moins comparables, ainsi que le montre ce tableau. En matière d’éducation, de fortes disparités subsistent et les progrès peuvent être jugés relatifs si l’on rappelle que les taux actuels de scolarisation en Afrique subsaharienne restent malgré tout inférieurs à la statistique moyenne des pays en développement en 1990. La promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes montre également de fortes disparités selon les régions. Si en valeur absolue, la réduction de la mortalité infantile a marqué de réels progrès, comme on l’a vu, l’amélioration de la santé maternelle n’a pas été suffisante pour que l’objectif de réduction de trois quarts de la mortalité d’ici 2015 soit atteint. Les politiques menées pour assurer un environnement durable, notamment en matière d’accès à l’eau et d’assainissement ont donné partout de bons résultats, cependant parfois très insuffisants pour que les objectifs soient totalement respectés.

Les progrès des OMD (8)

En d’autres termes, ces résultats, somme toute mitigés, confirment la nécessité pour la communauté internationale de maintenir son effort. Deux axes restent essentiels. En premier lieu, celui des financements au développement : le fait que les engagements des donneurs ne soient pas totalement respectés, et qu’un hiatus important entre les ressources promises et celles réellement décaissées existe, impose la recherche de financements complémentaires, indispensables. En second lieu, celui de l’amélioration de l’efficacité de l’aide, dont les progrès sont, de l’avis de tous, encore trop lents, malgré les décisions prises depuis plusieurs années.

b) Des financements historiquement élevés mais néanmoins en deçà des promesses

Les montants versés aux pays pauvres au titre de l’aide au développement n’ont jamais été aussi élevés. Selon les données disponibles en avril 2011, l’APD mondiale pour 2010 s’est établie à 147,2 Mds$, en versements nets et, comme le rappelle le rapport des Nations Unies précité, en 2010 les pays donateurs ont pour leur part fourni le montant record de 129 Mds$ de contributions, contre 119,8 Mds$ l’année précédente, soit 0,32 % du RNB des pays membres du CAD (Comité d’aide au développement) de l’OCDE, contre 0,25 % en 2004. Seuls cinq d’entre eux ont dépassé le taux de 0,7 %, cible définie en 1970 par l’Assemblée générale des Nations Unies et sans cesse réaffirmée depuis lors. A cette aune, un écart important de 153 Mds$ reste à combler.

En ce qui concerne les seuls pays membres du G8, ce pourcentage est passé de 0,22 % à 0,28 % sur la même période, soit une augmentation de 27 %, l’APD du G8 représentant aujourd’hui environ 70 % de l’APD totale des donateurs de l’OCDE. « Depuis 2004, le G8 a fourni près de 70 % de l'APD totale provenant de l’ensemble des donateurs du Comité d’aide au Développement de l’OCDE. Durant cette période, le G8 a augmenté son APD de 31,2 Mds$ courants ce qui représente une augmentation de 54 %, tandis que l’APD totale de l’ensemble des donateurs du CAD de l’OCDE augmentait de plus de 48 Mds$ courants. En dépit de contraintes budgétaires, le G8 a maintenu son effort budgétaire avec une augmentation de son APD de 7,3 Mds$ courants entre 2009 et 2010. Cela représente 82 % de l’augmentation de 8,9 Mds$ de l’APD mondiale entre 2009 et 2010. » (9)

Malgré ces chiffres impressionnants, à ce jour, les engagements pris par l’ensemble des donateurs lors du Sommet de Gleneagles d’augmenter l’APD mondiale de 50 Mds$ d’ici à 2010, dont 25 Mds seraient destinés à l’Afrique, n’ont été respectés qu’aux deux-tiers et le CAD de l’OCDE estime le manque pour l’Afrique subsaharienne à environ 14,5 Mds, en dollars constants de 2004, comme l’illustrent le tableau et le graphique reproduits ci-dessous :

 (10)

Ainsi, si elle reste le premier contributeur mondial pour l’année 2010, avec une APD de 53,8 Mds$, soit 0,43 % du RNB de la zone UE, l’Union européenne n’a toutefois pas réussi à atteindre les objectifs qu'elle s'était fixés, bien que les montants qu’elle y consacre aient augmenté de 4,5 Mds€ par rapport à 2009. Une projection, à partir des données de 2010, du besoin de financement nécessaire pour que les dix principaux contributeurs atteignent l’objectif des 0,7 % fait ressortir un écart de près de 128 Mds$ (117 % de l’APD des dix principaux contributeurs en 2010). Les Etats-Unis et le Japon comptent pour 80 % de cette somme, avec respectivement 72 et 28 Mds$ d’écart. L’Allemagne, avec un manque à gagner de 10,7 Mds$, le Canada (5,7 Mds$) et la France (5,3 Mds$), devraient fournir également des efforts de très grande ampleur afin d’atteindre la barre des 0,7 %. Les 15 Etats à la fois membres du CAD et de l'Union européenne qui s'étaient engagés à porter leur aide à 0,51 % de leur RNB en 2010, ne sont finalement qu'à 0,46 %.

Selon les Nations Unies, les contraintes budgétaires auxquelles font face nombre de pays donateurs laissent prévoir que la croissance de l’APD devrait rapidement ralentir pour atteindre environ 2 % par an entre 2011 et 2013, contre 8 % annuellement au cours des trois dernières années. Comme votre Rapporteure le montrera plus loin, certains d’entre eux procèdent d’ores et déjà à des coupes drastiques de leurs budgets.

 (11)

Quoi qu’il en soit, ces déficits ont évidemment des impacts sur leurs destinataires. Ainsi, si l’aide aux PMA a augmenté, elle est inférieure aux niveaux attendus. Les pays membres du CAD leur ont versé 37 Mds$ d’APD, soit 0,10 % de leur RNB combiné, loin de l’objectif fixé par l’ONU, de 0,15 % à 0,20 %. En valeur, cela représente pour cette catégorie de pays un manque de 21 à 40 Mds$. D’autres groupes de pays prioritaires - en Afrique, ainsi que les petits États insulaires ou sans littoral en développement – sont dans la même situation, et il apparaît que l’APD reste très concentrée, les 10 principaux bénéficiaires percevant environ le quart de l’aide du CAD, et les 20 principaux bénéficiaires 38 %. Ce déséquilibre se traduit par le fait qu’un grand nombre de pays reçoivent une aide insuffisante et que d’importants besoins en ressources restent insatisfaits.

 (12)

c) Le plaidoyer en faveur des financements innovants

Les mécanismes innovants ont déjà fait la preuve de leur intérêt et de l’apport qu’ils pouvaient représenter en matière de financement du développement. Ils permettent en effet la mobilisation de ressources complémentaires considérables, comme en témoignent la taxe sur les billets d’avion et la facilité internationale de financement pour la vaccination, IFFIm, qui permettent de disposer de budgets d'ores et déjà considérables, alors même que les acteurs qui les mettent en œuvre sont encore relativement peu nombreux. En témoignent les données figurant au tableau reproduit ci-dessous (13) qui présente les contributions par donateur sur la base des recettes de la contribution de solidarité sur les billets d’avion.

Contributions cumulées sur la période 2006-2010 (en milliers de dollars)

France

852 648

Royaume Uni

177 016

Norvège

90 789

Espagne

84 415

Fondation Bill and Melinda Gates

40 000

Brésil

37 202

République de Corée

21 000

Chili

18 118

Maurice

5 095

Luxembourg

1 351

Chypre

1 090

Mali

402

Guinée

49

Madagascar

15

Total des contributions

1 329 190

Les ressources des deux mécanismes précités, comme celles de quelques autres encore, ont plus particulièrement été fléchées vers les besoins en santé, sujet sur lequel les pays du G8 et du G20 sont très actifs : la promotion de tels instruments de financements fait désormais partie intégrante de leurs stratégies au même titre que l’approche multilatérale de cette thématique, le développement de partenariat public-privé, l’amélioration de la recherche, de la mise en réseau, de la coordination et de la diffusion des bonnes pratiques ou encore le renforcement des systèmes de santé des pays partenaires par leurs appuis bilatéraux, en synergie avec les actions menées par les institutions internationales.

Aujourd’hui, le thème est définitivement à l’ordre du jour des principaux rendez-vous internationaux. 63 États du Nord et du Sud, auxquels sont alliées les plus importantes organisations internationales, des ONG et des fondations, participent désormais aux travaux du groupe pilote sur les financements innovants pour le développement, créé en 2006, dont le secrétariat permanent est assuré par la France. Le groupe pilote est devenu la principale plate-forme de réflexion et d’action consacrée à cette question inscrite à l’agenda international, notamment depuis qu’en décembre 2010, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution (14)prenant note du fait que les mécanismes de financement innovants permettaient de disposer de ressources substantielles sur une base durable, prévisible et volontaire. De nombreuses études, commandées par le groupe pilote ou à l’initiative d’autres sources, confirment la faisabilité technique et l’intérêt des financements innovants en termes de contribution au développement, que ce soit au niveau général ou pour soutenir des politiques sectorielles, en particulier en éducation, santé, secteur privé. Lors du sommet de Cannes en novembre, Bill Gates remettra un rapport sur le sujet, et les conclusions du G20 seront déterminantes pour l’orientation des initiatives que notre pays, leader sur cette question, compte prendre au niveau international dans les prochains mois sur ce dossier.

Comme on l’a évoqué, les financements innovants ont en effet constitué au cours de cette année l’une des priorités de la présidence française du G20, le Président de la République ayant plus particulièrement soutenu devant ses partenaires l’idée d’une taxe sur les transactions financières, TTF, pour le développement. Si en septembre dernier, la France et l’Allemagne ont publié un document de travail précisant les grands principes sur lesquels devrait reposer une TTF et ont apporté leur soutien à l’initiative de la Commission européenne qui a annoncé une proposition pour l’automne 2011 de créer une TTF au niveau européen d’ici 2018, comme ressource propre de l’Union européenne, force est de constater que le G20 n’est cependant pas le lieu où les choses ont le plus avancé : nombre de pays, le Royaume-Uni en premier lieu, y restent encore opposés. Le communiqué publié à l’issue de la réunion ministérielle du G20 sur le développement de Washington, le 23 septembre, reste à cet égard dans des termes très généraux et attentistes, et confirme que ce n’est pas du G20 dans son intégralité que des progrès substantiels devraient venir à court terme.

A l’instar de la France, plusieurs pays membres du groupe pilote - l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Bénin, l’Espagne, le Japon et la Norvège, notamment- s’y sont également déclarés favorables, cependant que le Parlement européen a adopté deux résolutions invitant les États membres de l’Union européenne à introduire une faible taxe sur les transactions financières, qui pourrait générer quelque 200 Mds€ par an pour les gouvernements européens. Conscient des oppositions fortes sur ce terrain, le Président de la République a eu l’occasion d’indiquer : « Nous prendrons nos responsabilités et nous sommes prêts à appliquer les financements innovants avec un groupe de pays leaders, même si tout le monde n'est pas d'accord. » (15), et même d’interpeller la société civile pour qu’elle exerce la pression nécessaire à la levée de toutes les réticences : « La question, c'est : qui osera dire que la légitimité d'une taxation sur les transactions financières est contestable ? Qui osera dire à son opinion publique : " nous ne voulons pas taxer les transactions financières, car les milieux financiers se sont tellement bien comportés que l'on doit les récompenser " ? Qui osera porter ce message ? Mon espérance, c'est qu'il existe une opinion publique internationale qui portera la colère et la révolte pour des discours de cette nature. En tout cas pour la France, sa détermination est totale et ce que nous souhaitons, c'est qu'au minimum un groupe de pays leaders se dotent d'une taxation sur les transactions financières et je suis persuadé que dans les semaines et les mois à venir, les opinions publiques des pays qui ne se seront pas dotés de cette règle interrogeront avec beaucoup de violence leur gouvernement en disant : " pourquoi refusez-vous de faire ce geste ? " ». (16) 

Si, aux termes de la résolution 65/146 de l’Assemblée générale des Nations Unies, « il importe que ces mécanismes facultatifs soient efficaces et qu’ils aient pour but de mobiliser des flux stables et prévisibles de ressources qui viennent s’ajouter, et non se substituer, à ceux provenant des sources traditionnelles de financement et qui aillent aux pays en développement dans le respect de leurs priorités et sans leur imposer des charges excessives », votre Rapporteure relève aussi que notre pays y attache une importance d’autant plus considérable que les contraintes budgétaires sont fortes. C’est entre autres grâce à la mobilisation de financements innovants complémentaires que notre pays pourra dans l’avenir maintenir son effort d’APD.

d) Les perspectives de Busan : priorité à l’efficacité

« Appropriation », « alignement », « harmonisation », « gestion axée sur les résultats », plus récemment « responsabilité mutuelle », sont les termes autour desquels la réflexion de la communauté internationale tourne depuis bientôt une décennie pour renforcer l’efficacité de l’aide. On ne compte plus les initiatives et rapports qui ont mis cette question, sans doute aussi ancienne que l'APD elle-même, au cœur des préoccupations. Comme le rappelle le rapport des Nations Unies déjà cité (17), depuis près d’une décennie maintenant, « une attention internationale considérable a été consacrée au renforcement de l’efficacité. Pour ce faire, les capacités des gouvernements des pays en développement ont été développées et une promotion des principes d’efficacité, tels que l’alignement des objectifs en matière d’aide sur les stratégies nationales de développement des pays bénéficiaires, la rationalisation des processus administratifs ainsi que la promotion d’une " prise en main " par les bénéficiaires des programmes et projets soutenus par les donateurs, a été assurée. » La Déclaration de Paris adoptée en 2005 constitue à cet égard le document de référence sur lequel se sont articulés les efforts tendus vers l’amélioration de l’efficacité de l’aide.

Nonobstant, sur le terrain, les effets en sont encore modestes, voire même insuffisants. C’est notamment la conclusion à laquelle se livre un récent rapport (18) pour qui l’efficacité de l’aide doit rester d’autant plus une priorité qu’il s’agit d’une question qui marque le pas : « s’agissant de l’efficacité de l’aide, les progrès réalisés au regard de la plupart des objectifs cibles fixés pour 2010 dans la Déclaration de Paris ont été lents, et la situation ne s’est guère améliorée depuis le dernier rapport. Selon une enquête effectuée en 2008, des avancées se sont produites en Afrique et dans les autres pays en développement sur le plan du déliement. Toutefois, dans d’autres domaines, les progrès accomplis en Afrique ont été plus lents ou les résultats se sont détériorés. De même, s’agissant de la comptabilisation de l’APD dans les budgets des bénéficiaires, indicateur essentiel de la transparence, l’amélioration globale a été minime. ».

Le CAD s’est livré à un bilan de la Déclaration de Paris (19) et son constat conclut à la pertinence des principes affirmés dans le document. Cela étant, si la mise en œuvre de ces principes a contribué à une meilleure efficacité de l’aide, à plus de transparence et des partenariats plus équilibrés entre les bailleurs et les pays récipiendaires, ou à assurer la gestion de volumes d’aide croissants, le bilan global fait cependant apparaître des résultats mitigés. Il y a notamment des différences considérables dans le sens et le rythme des progrès enregistrés et il apparaît que les pays en développement ont dans l’ensemble davantage progressé dans la mise œuvre de la Déclaration de Paris, marquant parfois des avancées importantes en ce qui concerne leur gestion de l’aide, que les bailleurs. Un accent mérite d’être porté pour réconcilier efficacité de l’aide et impact sur le développement. La Déclaration de Paris montre aussi ses limites, dans la mesure où, dans certains domaines, peu ou pas de progrès ont été enregistrés, notamment en ce qui concerne la fragmentation de l’aide, sa prévisibilité à moyen terme ; il en est de même des progrès en matière de déliement de l’aide et de coordination entre donateurs, qui restent notamment insuffisants. Sans doute le fait que l'APD est entre autres un instrument d’influence et de visibilité des Etats joue-t-il un rôle déterminant dans ce fait.

C’est en tout cas un constat de la même teneur auquel se livre l’ensemble de la communauté internationale, notamment les donateurs les plus actifs. La Déclaration de Deauville, « Un nouvel élan pour la liberté et la démocratie », adoptée les 26 et 27 mai dernier, réitère ainsi un certain nombre d’affirmations, sur la responsabilité partagée entre pays donateurs et pays partenaires, en matière d'efficacité, sur l’engagement ferme et résolu des membres du G8 à tenir leurs engagements et à surveiller leur mise en œuvre de manière totalement transparente et cohérente, sur l’amélioration de la rigueur du processus d'évaluation des progrès réalisés pour le respect par le G8 de ses engagements non financiers.

Très prochainement, du 29 novembre au 1er décembre, se tiendra le quatrième Forum de haut niveau sur l'efficacité de l'aide, à Busan, en Corée du sud, après les précédentes réunions de Rome, Paris et Accra, qui ont débouché sur l’adoption de déclarations ou programmes d’action d’une grande importance, qui ont tracé le chemin de l’efficacité de l’aide. Il sera suivi en juillet 2012 du débat de haut niveau que le Conseil économique et social des Nations Unies organisera à New York pour tirer le bilan des précédentes initiatives, formuler des recommandations, consolider l’efficacité et la cohérence et tenter d’instaurer le principe d’une responsabilité mutuelle au regard de l’exécution de leurs engagements en matière de coopération pour le développement en vue de la réalisation des OMD.

S’il faut se féliciter de ces initiatives et souhaiter leur plein succès, l’expérience incite cependant à la prudence quant à l’espoir d’un bénéfice et d’un réel effet à court terme. Car à mesure que s’empilent les débats et les résolutions unanimes, l'APD se révèle d’une part de plus en plus complexe et ambitieuse, devant faire face à un nombre impressionnant de défis. Il s’avère qu’elle implique aussi, si ce n’est surtout, un nombre chaque année plus important d’acteurs, tant publics que privés, qu’il s’agit d’amener à partager les valeurs et objectifs accordés au sein du CAD de l’OCDE, afin que leurs pratiques soient à leur tour alignées sur les stratégies nationales de développement des bénéficiaires. Cette équation constitue sans doute l’une des plus importantes que l’aide au développement doit réussir à résoudre. Les difficultés de la coordination des politiques, de leur mise en cohérence, au sein d’un ensemble de bailleurs comme l’Union européenne qui a de son propre chef adopté ses propres règles en la matière et peine à les respecter, conduit à relativiser les perspectives de ce que l’on peut concrètement espérer des prochains sommets de Busan et New York : il va s’agir de définir un nouveau paradigme vers une approche plus inclusive des résultats du développement et de l'impact de l'aide, comme l’a souligné la Déclaration de Deauville, et de définir un nouveau cadre de la qualité de l’aide. Votre Rapporteure ne peut omettre de rappeler que 2010 avait été arrêtée comme année butoir pour honorer les engagements figurant à la Déclaration de Paris et ceux du programme d’Accra.

B – Une politique française d’aide au développement qui s’affirme

Sur cette toile de fond globale ambitieuse et complexe, l'APD que notre pays met en œuvre n’a évidemment pas à rougir. Elle soutient sans conteste la comparaison avec les efforts de la plupart des membres du CAD de l’OCDE. Cela étant, avant d’analyser en détail le PLF pour 2012, votre Rapporteure souhaitera dans un second temps revenir un instant sur différents aspects, plus politiques, de notre aide. Il y a longtemps, en effet, que la représentation nationale insiste sur un certain nombre de questions et le fait qu’elle indique que le volet budgétaire est à porter au crédit du gouvernement ne l’exonère pas de continuer de soulever quelques points qui lui paraissent importants pour le futur de cette politique publique.

1) Un effort budgétaire qui soutient aisément la comparaison

En matière d’APD, le PLF 2012 tient les promesses annoncées l’an dernier et votre Rapporteure s’en félicite d’autant plus que la conjoncture n’est évidemment pas la plus favorable pour cela. C’est d’autant plus important à relever que l’analyse comparée montre que les choix sont à l’heure actuelle difficiles. Les décisions que prennent certains de nos partenaires, européens ou plus lointains, en témoignent.

a) Un regard comparatif pour resituer le débat

Ainsi que le montre le diagramme ci-dessous, les pays qui aujourd’hui respectent d'ores et déjà les objectifs fixés par les Nations Unies en 1970 sont très peu nombreux. Notre pays n’y figure pas encore et ne pourra évidemment intégrer ce petit groupe avant longtemps (20). Pour autant, ses performances ne sont pas déshonorantes, loin de là.

Tendanciellement, trois groupes de pays se distinguent actuellement en ce qui concerne le niveau de leurs contributions en faveur de l'APD et dont les trajectoires se différencient. En premier lieu, ce sont toujours les pays de l’Europe du nord qui restent les leaders incontestés de l’aide au développement : les Pays-Bas, la Norvège et la Suède ont par exemple dépassé l’objectif onusien d’une contribution pour l'APD de 0,7 % de leur RNB. Respectivement 6e, 9e et 10e pays contributeurs en 2010, ces trois pays fournissent un effort d’aide de 0,81 %, 1,1 % et 0,97 % de leur RNB, attestant d’un profond engagement dans les politiques de développement. Il en est de même de pays comme le Luxembourg ou le Danemark.

 (21)

Les autres pays européens ont calé leur politique sur les engagements pris suite au Consensus européen pour le développement, qui prévoyait d’atteindre 0,51 % en 2010, et ont fourni leur effort dans cette perspective. L’Allemagne a ainsi connu une augmentation sensible de son APD (+ 22 % entre 2007 et 2010). Avec un ratio aujourd’hui de 0,38 % d’APD / RNB, l’Allemagne est toutefois loin des engagements européens de 2010 et, a fortiori, des 0,7 %. En 2010, il lui manquait plus de 8 Mds€ d’APD pour atteindre le ratio de 0,7 % d’APD.

L’Espagne présente un cas particulier : elle a tout d’abord enregistré la plus forte augmentation de son aide en dollars constants (+ 38 %) et en dollars courants (+ 55 %) entre 2006 et 2010, qui l’a hissée parmi les principaux contributeurs à l’APD mondiale. Après le pic en 2009 notamment qui lui a permis d’atteindre un ratio de 0,46 % d’APD/RNB, l’aide espagnole a cependant brutalement chuté. Dans les circonstances actuelles, on peut douter que la tendance puisse aisément s’inverser et que le gouvernement espagnol redresse son effort, les priorités étant désormais autres : Le Plan annuel de coopération internationale, approuvé en mars 2011, a en effet acté la diminution de plus de 1 milliard d’euros du budget consacré à l'APD par rapport à celui de 2010, tel que le vote du budget national au mois de décembre précédent l’avait prévu. En ont résulté des coupes importantes dans les secteurs clefs de l’aide au développement espagnole, telles que l’éducation ou la santé. Cette diminution budgétaire a représenté une chute de l’aide au développement à 0,4 % du RNB espagnol pour 2011, à comparer au taux de 0,51 % budgété en 2010. L’objectif d’atteinte du taux de 0,7 % a parallèlement officiellement été reporté à 2015, alors que, quelques mois plus tôt, il avait été fixé à 2012, avec une étape intermédiaire à 0,56 % en 2010 (22)...

Le Royaume Uni, avec 0,56 % de son RNB versé sous forme d’APD, a atteint les engagements du consensus européen. Le gouvernement de David Cameron a confirmé dès son entrée en fonction en mai 2010 l’orientation antérieurement prise par Gordon Brown d’inscrire dans la loi l’objectif de 0,7 % pour 2013, et continue de faire de l’aide au développement une des priorités fortes de son action (23). Les orientations concrètes sont précises qui prévoient, selon le dernier budget approuvé en avril dernier, que les sommes allouées aux programmes de l'APD augmenteront jusqu’en 2015, selon l’échéancier que traduit le tableau ci-après :

 

2010-2011

2011-2012

2012-2013

2013-2014

2014-2015

Budget APD (Mds£)

5,9

6,7

7,2

9,4

9,4

Evolution prévue du budget de l’APD britannique (24)

Il est à relever que cet effort s’accompagne d’une importante réflexion stratégique, au terme de laquelle il est notamment procédé à un resserrement drastique de la géographie de l’aide, et ce, dans un temps très bref. En effet, en 2008/2009, quelque 140 pays recevaient du Royaume-Uni une forme quelconque d’aide, dont 87 bénéficiaient, à un titre ou à un autre, des services du DFID ; dans 43 pays, des programmes bilatéraux significatifs étaient mis en œuvre. Au terme de la revue de l’aide bilatérale (25) à laquelle l’agence britannique a procédé en 2010, il a été décidé que le DFID, à l’horizon 2016, ne se concentrerait plus, au mieux, que sur 27 pays (26) et trois programmes régionaux, en Afrique, Asie et dans les Caraïbes (27). Nombre de programmes bilatéraux seront par conséquent clos et toutes les catégories de pays sont concernées : en tout premier lieu, les grands pays émergents, la Chine ou la Russie, mais aussi les pays à revenus intermédiaires, considérés comme ne dépendant désormais plus de l’aide pour leur développement, tel le Vietnam, dont l’économie est jugée performante. Certains PMA, comme le Niger, verront aussi l’assistance du DFID s’interrompre, dans la mesure où d’autres donateurs sont désormais vus comme étant mieux placés pour continuer à y travailler en bilatéral (28). Il en est de même au Burundi, autre PMA, dans lequel il est jugé que l’aide britannique, pour se traduire par un impact significatif, aurait dû être considérablement réévaluée. Il a par conséquent été jugé préférable de fermer le programme dès 2012, et le pays ne continuera à être soutenu que via les programmes régionaux d’intégration auxquels le DFID contribue par ailleurs.

Pour la revue de son aide bilatérale, l’administration britannique s’est livrée à une analyse croisée mettant en balance besoins concrets et efficience de son aide dans les cinq secteurs de priorités qu’elle a conservés : création de richesses ; OMD ; gouvernance et sécurité ; changement climatique et assistance humanitaire. Cette approche est à combiner avec celle de la revue de la politique de défense stratégique et de sécurité, qui avait préalablement conclu au fait qu’au moins 30 % de l’aide au développement britannique devait être dépensés dans des Etats fragiles ou en sortie de crise, mais on est surpris de relever l’absence de certains pays relevant de cette dernière catégorie avec lesquels la Grande Bretagne entretient pourtant des liens historiques forts, telle l’Egypte, de la même manière que le programme bilatéral avec le Cameroun sera également fermé.

Hors Union européenne, les pays du CAD, tels que les Etats-Unis, le Japon ou le Canada, font également partie des contributeurs en retrait quant aux objectifs internationaux d’aide au développement. En volume, les Etats-Unis restent les premiers contributeurs, loin devant les pays européens mais ils fournissent l’un des efforts relatifs les plus faibles qui soient parmi les pays du CAD en pourcentage de leur RNB : 0,21 % du RNB. Ils ont d’ailleurs rappelé lors de la revue par les pairs de l’OCDE, ne pas s’être engagés à atteindre l’objectif des 0,7 %. Parmi les 10 premiers contributeurs, Le Japon est le seul pays à avoir vu baisser son APD depuis 2006, tant en volume qu’en part de RNB. Il possède désormais le ratio APD/RNB le plus faible des 10 premiers contributeurs en 2010 (0,2 %), après être tombé à 0,17 % en 2007. Le Canada maintient pour sa part un effort d’aide au développement proche de la moyenne des pays du CAD, à 0,33 % en 2010.

b) Le maintien global des moyens français dans le cadre du triennum budgétaire

Votre Rapporteure souhaite par conséquent saluer comme il se doit l’ambition de l’effort de la France qui ne se résout pas à la prise en compte des intérêts nationaux de notre pays, dimension certes présente et essentielle, mais semble peut-être mieux garder que d’autres la préoccupation des pays bénéficiaires et des objectifs généraux qu’elle a définis.

En regard de ces quelques exemples, l'APD de notre pays est en effet aujourd’hui dans une position avantageuse : quelque critique que l’on puisse encore formuler, l’offre d’aide au développement que notre pays continue de proposer à ses partenaires du Sud, telle qu’elle résulte des divers documents de stratégie récemment adoptés, reste incontestablement large, tant sur le plan de ses géographies que de ses secteurs d’intervention.

Votre Rapporteure montrera plus tard la stabilisation des moyens budgétaires conférés aux trois programmes de la Mission Aide publique au développement, comme cela était inscrit dans le triennum budgétaire 2011-2013. Au regard du contexte économique et budgétaire actuel, cette décision du gouvernement en volume à un niveau très élevé par rapport à ses principaux partenaires, est exemplaire. L’effort financier ne souffre pas, du moins dans l’immédiat et à l’inverse de nombre d’autres secteurs de l’action gouvernementale, des réductions prévues pour l’an prochain dans le cadre du plan de stabilité, qui entraîne pour ceux-ci la réduction de 10 % des crédits de paiement.

Cette décision repose sur le respect des engagements internationaux pris par la France en matière de santé, de lutte contre le changement climatique et la déforestation ou de développement des investissements en Afrique, en particulier en matière d’infrastructures. Elle repose aussi à court et moyen terme sur la mise en œuvre de traitements de dette significatifs en Afrique (Côte d’Ivoire, Guinée, Soudan, notamment), ainsi que sur la mobilisation de financements innovants complémentaires.

En conclusion et pour le dire autrement, la France se donne aujourd’hui mieux que naguère, grâce aux crédits qu’elle inscrit aux programmes de la mission APD, les moyens d’une véritable politique d’APD. La question de savoir de quelle politique il s’agit n’est pas à écarter, dans la mesure où certaines incertitudes subsistent, dues aux instruments qui sont mis en œuvre. Car notre APD n’est pas non plus exempte de critiques. Il est opportun de continuer de relever que la lisibilité de notre politique n’est pas la meilleure et que des progrès considérables restent à faire, pour mettre en cohérence discours politique, ambitions affirmées et réalités de notre effort. A tout le moins pour se défaire de l’impression qu’il en est ainsi.

Cela étant, comme votre Rapporteure l’a indiqué dans son avertissement, les développements qui précèdent sont incomplets dans la mesure où le document de politique transversale n’a pas encore été communiqué à la représentation nationale : que les moyens de la mission aient été stabilisés ne préjuge en rien du maintien de l’effort global d’APD de la France pour 2012 : nul, à ce stade, et compte notamment tenu de l’effort demandé aux services de l'Etat, ne peut dire si les crédits que la vingtaine d’autres administrations qui concourent à leur niveau à la politique transversale d’aide au développement, seront ou non maintenus. En d’autres termes, si la France restera au niveau qui est aujourd’hui le sien.

A toutes fins utiles, votre Rapporteure rappelle à ce sujet que les prévisions d’APD pour la durée du triennum, telles qu’indiquées dans le DPT publié l’an dernier étaient les suivantes et que la majorité des missions de l’Etat a vu ses crédits commencer à diminuer dès l’an dernier :

Synthèse des prévisions d’APD de 2010 à 2013 (29)

2) Une politique dont le pilotage reste encore perfectible

En septembre 2010, lors de la revue à mi-parcours de l’aide française par les pairs, Eckhard Deutscher, alors président du CAD, avait eu l’occasion de souligner que, d’une manière générale, la France était sur la bonne voie et qu’elle avait su prendre les bonnes décisions pour mettre en oeuvre la majorité des recommandations que le CAD lui avait faites en 2008. Plusieurs aspects méritent d’être mentionnés ici qui confortent le sentiment des pairs.

Par comparaison avec l’année passée, plusieurs indices laissent penser que la politique d’APD de notre pays semble avoir enfin trouvé la voie d’un meilleur pilotage. D’autres progrès restent cependant à faire.

On ne peut manquer de rappeler en premier lieu que l’an dernier à la même époque, le portefeuille ministériel n’avait pas de titulaire, ce qui pouvait laisser quelque inquiétude sur le degré de priorité politique que représentait l’aide au développement pour l’Exécutif. La nomination de M. Henri de Raincourt à la mi-novembre 2010, après une vacance de plus de quatre mois, est venue mettre fin à cette regrettable anomalie.

A cette époque également, un certain nombre de documents de stratégie, globale ou sectoriels, étaient alors en préparation ou venaient d’être adoptés :

Le Document cadre, « Coopération au développement : une vision française » en premier lieu, qui avait l’ambition de définir le cadre général de notre politique d’aide au développement pour la prochaine décennie, ses priorités et modalités d’intervention pour répondre aux enjeux du temps présent, venait d’être validé en réunion interministérielle et allait être publié. S’il n’a pas été entériné par le CICID qui lui aurait donné l’onction politique que justifiait son importance, comme cela avait d’ailleurs prévu lors de sa mise en chantier et confirmé au fil des discussions, il n’en reste pas moins que ce document est sans conteste celui sur lequel se déclinent aujourd’hui l’ensemble des volets stratégiques de notre pays. Surtout, il résulte d’un ample travail de consultation, notamment de la société civile et de personnalités qualifiées, ainsi que le CICID l’avait souhaité.

D’autres documents, d’ambition plus modeste, ensuite, notamment ceux que la France a élaborés pour ses différentes politiques sectorielles, en santé par exemple, ou vis-à-vis de la politique européenne de coopération ou de la Banque mondiale.

C’est enfin le cas des divers textes par lesquels, ces derniers mois, le pilotage de l’AFD s’est resserré : le Contrat d’objectifs et de moyens de l’agence, adopté au premier semestre de cette année, en premier lieu ; le Plan d’orientation stratégique, en second lieu, actuellement en cours de négociation. Si à la date d’aujourd’hui le COM, validé par le conseil d’administration de l’agence en juillet dernier, n’a toujours pas été signé par les tutelles de l’AFD, ce dont on peut bien sûr s’étonner, si le POS est de son côté toujours en préparation, il n’en reste pas moins que leur simple existence marque un changement indéniablement positif par rapport à la situation antérieure où un certain flou prédominait : il suffit par exemple de rappeler qu’auparavant les activités de l’AFD étaient autrefois régies par deux COM différents, chacun signé par l’agence avec l’une de ses tutelles. Le nouveau, unique, couvre au demeurant la période 2011-2013, et permet ainsi de caler précisément l’exercice sur le triennum budgétaire.

Cet ensemble de textes s’inscrit dans la révision de la gouvernance de l’agence, intervenue après la réforme de ses statuts en 2006 et, surtout, après la révision de ses relations avec ses tutelles en juin 2009 qui, désireuses d’un dialogue plus étroit et régulier avec l’opérateur pivot de l'APD, ont créé un conseil d’orientation stratégique, COS, de l'AFD, présidé par le ministre de la coopération. Les relations entre les tutelles elles-mêmes ne sont évidemment pas toujours des plus fluides – cf. certains débats récents sur la répartition des dividendes de l’agence –, différences de cultures et de visions obligent, mais ces progrès ne sont pas à ignorer.

Cela étant, si meilleur pilotage de l’aide publique au développement il y a sans doute aujourd’hui grâce à quelques aspects indéniablement positifs, votre Rapporteure ne peut cependant que regretter, - une nouvelle fois ! - que les crédits de l’aide au développement française restent éparpillés entre un nombre excessif d’administrations publiques qui ne relèvent pas de la seule mission APD, dont la coordination politique, faute de réunion au moins annuelle du CICID, conformément à ce que stipule son décret constitutif (30), est nécessairement lacunaire. Il faut rappeler que ces dernières années, il y a eu jusqu’à 23 administrations différentes impliquées dans la politique d’aide au développement, alors que seules trois d’entre elles participent à la Mission. En 2012, il en est probablement de même, sans que, une fois de plus, votre Rapporteure puisse garantir qu’il en sera de même.

Se posent ainsi un certain nombre de questions qui intéressent directement l’action du gouvernement : celle de savoir dans quelle instance et de quelle manière, aujourd’hui, ces différentes administrations, dont toutes ne sont au demeurant pas membres du CICID, et qui consacrent chacune des crédits considérables à l’aide au développement, selon la déclaration annuelle de la France au CAD, sont associées à la définition et à l’exécution de la politique gouvernementale ; de savoir de quelle manière le ministère chargé de la coopération s’assure que chacun de ces 23 acteurs agit précisément en cohérence avec les lignes directrices qu’il a tracées ; de savoir si l’on est même certain qu’il est parfaitement informé de toutes les initiatives…

Si la réforme de la politique de coopération lancée en 2004 a confirmé le recentrage du ministère des Affaires étrangères et européennes sur la stratégie, la programmation et le pilotage de la mission Aide publique au développement, si l’autorité du ministre chargé de la Coopération a été renforcée, en ce qu’il assure le rôle de chef de file du dossier au sein du gouvernement, il n’en reste pas moins regrettable, aux yeux de votre Rapporteure, que la dimension politique de ce pilotage paraisse dans la pratique des plus réduites. On ne saurait à cet effet se satisfaire de ce que les outils de suivi et pilotage aient été renforcés, qu’un tableau de bord de l’APD ait été élaboré qui permette de rendre compte des efforts réalisés par géographies et secteurs et de suivre les équilibres entre prêts et dons ou entre crédits bilatéraux, communautaires et multilatéraux. Si ces instruments techniques sont évidemment bienvenus, le renforcement du rôle du ministère en matière de pilotage de l’aide ne peut se limiter à sa participation au co-secrétariat du CICID, qu’il assure conjointement avec ceux de l’économie et de l’intérieur. Cette instance permet certes un travail collectif et une meilleure cohérence du dispositif, mais votre Rapporteure y voit avant tout une instance administrative qui ne saurait assumer la dimension politique du pilotage qui doit être exercé par les ministres de tutelle et qu’il ne peut être question de remplacer par l’examen technique de quelque tableau de bord que ce soit par les services concernés.

En outre, un meilleur pilotage politique de la mission Aide au développement contribuerait aussi au meilleur contrôle de la part de la représentation nationale qui ne cesse de l’appeler de ses vœux : comme votre Rapporteure et nombre de nos collègues, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, le disent chaque année, il est anormal que le Parlement ne soit jamais saisi que des projets de budgets dans des conditions qui ne sont au demeurant pas idéales. Il n’est pas exagéré non plus de soutenir qu’il lui est difficile d’exercer correctement sa mission : il reçoit en effet l’ensemble des documents budgétaires - quand il les reçoit en totalité - de manière toujours extrêmement tardive. C’est en particulier le cas du document de politique transversale, le seul qui propose une vision d’ensemble de la politique menée, qui pour le deuxième année consécutive, n’est toujours pas disponible. Les délais très contraints laissés à l’Assemblée nationale ne lui permettent pas d’avoir tout le recul nécessaire sur une politique qui regroupe autant d’intervenants et d’aspects, met en œuvre autant d’instruments et de modalités, vis-à-vis d’autant de partenaires. Certes, est par exemple annoncée une grille de 19 indicateurs de suivi de l’aide bilatérale, se déclinant en indicateurs de moyens, de résultats attendus et de performance, dont les contours précis sont en cours de finalisation, pour les mettre en cohérence avec le Document cadre et les documents annexes au projet de loi de finance. Cette initiative opportune ne saurait se substituer à la dimension politique du contrôle que le parlement doit pouvoir exercer sur d’autres bases.

C – De quelques interrogations et inquiétudes

Votre Rapporteure souhaite ici faire part de ses remarques quant à la géographie de l’aide de la France et au choix des instruments.

1) Les quatorze pays prioritaires le seront-ils vraiment un jour ?

On est en premier lieu fortement tenté de soutenir que les décisions politiques se concrétisent avec une certaine lenteur. Qu’il soit permis à votre Rapporteure de rappeler, une fois encore, que le dernier CICID a réaffirmé, il y a plus de deux ans, la priorité des pays les plus pauvres d’Afrique subsaharienne qui doivent être les premiers destinataires de la politique d’aide de notre pays et se voir « allouer 60 % des ressources budgétaires de l’aide ».

Une liste nominative avait alors été publiée qui regroupait les quatorze pays suivants : Bénin, Burkina Faso, Comores, Ghana, Guinée Conakry, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République Démocratique du Congo, République Centrafricaine, Sénégal, Tchad, Togo. Il était précisé que « dans cette catégorie de pays, composée essentiellement des pays pauvres d’Afrique subsaharienne francophone entretenant avec la France des liens privilégiés, la France affectera de manière prioritaire ses moyens d’aide au développement. S’agissant en particulier des instruments financiers, ceux-ci pourront prendre toutes les formes qu’autorise notre palette d’instruments (subventions, prêts, garanties, prises de participation), avec un accent sur les financements les plus concessionnels (subventions ou prêts très concessionnels). ». Trois autres catégories de pays étaient ensuite définies, dont un deuxième groupe privilégié, composé essentiellement des pays à revenu intermédiaire d’Afrique, sans que cette liste ni les deux autres ne soit nominative.

Le Document cadre « Une vision française », fixant la stratégie de notre pays pour les dix prochaines années, publié il y a un an, a bien sûr confirmé ces orientations, soulignant que l’Afrique subsaharienne était la priorité de la politique française de coopération, qu’en termes financiers, elle se verrait allouer plus de 60 % de l’effort financier de l’Etat sur l’ensemble de la zone, plus de 50 % des subventions étant dirigées sur les 14 pays pauvres prioritaires.

On s’attendrait dans ces conditions à lire aujourd’hui d’autres chiffres que ceux qui sont régulièrement publiés, qui ne peuvent que donner le sentiment d’un décalage aux effets regrettables, sinon désastreux. Le Document cadre (31) présentait en effet dans le tableau reproduit ci-dessous la liste des vingt premiers bénéficiaires de l’aide bilatérale nette de la France, sur les années 2007-2009.

Il n’est pas indifférent de souligner qu’il en ressort que les Pays les moins avancés, PMA, n’étaient alors représentés que par le Burkina Faso, la Guinée, Madagascar, le Mali et le Sénégal, pour des montants, toutes modalités d’intervention confondues, relativement modestes. De la future liste des quatorze pays prioritaires qui serait déterminée en juin 2009, seuls figuraient dans ces années ces cinq pays figuraient donc parmi les 20 premiers récipiendaires de notre aide. Le Sénégal étant même le seul d’entre eux à apparaître parmi les dix premiers. Quant aux montants concernés, on constate que ces cinq pays étaient au demeurant parfois très loin derrière des pays comme l’Irak, la Chine et la Turquie, cependant que le Brésil ou l’Indonésie apparaissaient en bonne place générale.

L’analyse de nos collègues du Sénat l’an dernier les avait conduits pareillement à exprimer des préoccupations similaires sur les orientations géographiques de notre APD qu’il n’est pas inutile de citer ici : « Les crédits consacrés aux 14 pays prioritaires de la coopération française ont diminué de 2005 à 2009. Le CICID de juin 2009 avait défini la priorité géographique de la coopération française à travers une liste de 14 pays pauvres prioritaires (…). Vos rapporteurs ont été surpris de constater que, dans les faits, les crédits avaient baissé depuis 2004 dans ces pays plus qu'ailleurs, constat qui justifie pleinement les mesures visant à concentrer notre effort sur ces pays. (…) Notre pays s'est engagé en faveur des Pays les moins avancés (PMA) à leur consacrer 0,15 % du RNB lors de l'adoption du Programme d'action 2001-2010 des Nations unies sur les PMA en 2001. Le CICID du 18 mai 2005 avait acté l'atteinte de cet objectif d'ici 2012. Or l'aide publique en direction des PMA s'élevait à 0,11 % du RNB en 2007 et 2008. En 2008, la France consacre 28 % de son APD totale aux PMA représentant 0,11 % du RNB français et 17 % de son APD bilatérale. » Votre Rapporteure ne dit pas autre chose et les perspectives n’incitent pas à un optimisme excessif.

Selon les données les plus récentes en effet, la situation n’a pas fondamentalement changé, comme en témoigne le tableau ci-dessous, hors Mayotte :

En 2010, la Chine, l’Indonésie et le Mexique figurent donc désormais parmi les dix pays les mieux servis. Le Togo et le Liberia sont les seuls PMA présents, cependant que la majorité des pays de cette liste, sept, appartient aux pays à revenu intermédiaire inférieur, (pour 6 d’entre eux), ou supérieur, pour un d’entre eux. Au final, le Togo est le seul pays des 14 prioritaires de la liste du CICID à apparaître en 2010 parmi les principaux bénéficiaires de notre APD bilatérale nette.

Les explications sont connues. Le Document cadre les donnait et les membres de la représentation nationale ne cessent de les critiquer. C’est donc l’occasion pour votre Rapporteure de revenir encore sur un sujet qui le mérite assurément : celui de l’affichage de notre effort d’aide au développement.

On sait que ce classement ne traduit pas le seul effort budgétaire que la France consacre à son APD, mais qu’il comptabilise l’ensemble des dépenses bilatérales nettes déclarées au CAD, tout types d’instruments confondus, et notamment annulations de dette et écolages. Cette présentation des données donne une vision évidemment faussée de notre effort bilatéral qui semble surtout bénéficier à des pays du G20 ! - Chine, Turquie, Mexique, Indonésie et Brésil – dont on aurait du mal à justifier qu’ils puissent constituer le cœur de cible d’une politique d’aide au développement ayant placé les OMD au centre de ses priorités...

A tout le moins s’impose en parallèle la publication d’autres tableaux statistiques, complémentaires, permettant de distinguer les bénéficiaires de notre aide en fonction des instruments mis en œuvre. Cela seul permettrait d’avoir une photographie fidèle de notre véritable effort en direction de chacune de ses cibles géographiques et sectorielles. A défaut, les commentaires du mémorandum de la France au CAD en prévision de la revue des pairs garderont toute leur actualité : « La part de l’aide française allouée aux pays les moins avancés (PMA) représente en moyenne 0,12% du RNB depuis 2001, légèrement en deçà de l’objectif de 0,15 % fixé à Monterrey en 2002. Cette part était jusqu’à présent fortement tributaire des volumes d’annulation de dette. » (32)

Source : base de données du CAD et DG Trésor.

En l’espèce et entre autres aspects, l’excessive prise en compte des frais d’écolage dans la comptabilisation de l'APD que la France déclare au CAD (33), comme celui du poids des prêts dans la structure de nos financements, induit la distorsion des résultats. La part des frais d’écolage, tient à une lecture toujours extensive par la France des directives de l’OCDE (34). Il en est de même de la prise en compte des frais relatifs aux réfugiés, comme des restructurations de dettes. Cela contribue de manière regrettable à gonfler artificiellement notre effort et à en donner une présentation en partie faussée. On sait notamment que c’est essentiellement pour cette raison que la Chine figure en tête des bénéficiaires de l’aide française. Comme elle n’a cessé de le dire, avec d’autres de nos collègues (35), votre Rapporteure réitère encore qu’il lui paraît essentiel à la lisibilité et à la sincérité de notre politique que les effets d’affichage soient limités.

Encore une fois, comme il a été maintes fois dit par la représentation nationale, le choix de nos instruments impacte fortement et regrettablement sur la réalité de notre politique, votre Rapporteure y reviendra plus loin. La représentation nationale a décidément du mal à être entendue…

2) Ne pas sacrifier les pays du Sahel !

Parmi les priorités géographiques de notre politique d’aide au développement, les pays sahéliens méritent une attention toute particulière : Burkina Faso, Mali, Mauritanie et Niger, en particulier, sont membres des 14 pays que le CICID a définis comme prioritaires en juin 2009 ; ce sont des PMA ; leurs besoins en matière de développement sont cruciaux ; pour diverses raisons, ce sont aussi des pays qui sont aussi fortement demandeurs d’une politique bilatérale soutenue, pour laquelle ils affichent leur nette préférence par rapport à celle que les institutions internationales ou européennes peuvent mettre en œuvre, notamment pour des raisons de proximité politique, voire de réactivité. A ces aspects en eux-mêmes essentiels, s’ajoute le fait que le territoire des trois derniers est depuis quelques années le théâtre sur lequel Al Qaeda au Maghreb islamique, AQMI, sévit.

Chacun sait que le développement économique et social représente nécessairement l’une des clefs du problème, et qu’il contribuera à endiguer un phénomène qui se nourrit de la pauvreté et de la faiblesse des Etats, non seulement pour s’enraciner et étendre son influence, mais aussi pour continuer de menacer très directement nos intérêts, sur place et au-delà.

Aussi, indépendamment de notre strict devoir de solidarité envers des populations qui comptent parmi les plus défavorisées d’Afrique, il est aussi essentiel pour la sauvegarde de nos propres intérêts, au sens le plus large, que nous offrions à ces trois pays une politique d’aide au développement des plus actives et à la hauteur des enjeux. Cette dimension plus « sécuritaire » de notre politique d’aide au développement doit être assumée comme elle se doit. A cet égard, il n’est pas inutile de rappeler une nouvelle fois l’orientation prise par la coopération britannique qui, très officiellement, a choisi de dédier désormais le tiers de son aide à des pays faibles ou en crise, dans lesquels des considérations semblables priment évidemment au-delà des exigences immédiates de lutte contre la pauvreté.

Votre Rapporteure souhaite d’autant plus vivement attirer l’attention du gouvernement sur cet aspect que, selon certaines informations, des arbitrages seraient actuellement à l’étude pour réaffecter certains budgets vers l’Afghanistan. On sait en effet que lors de la visite qu’il a effectuée à Kaboul en juillet dernier, le Président de la République a proposé au Président Hamid Karzaï la signature d’un traité d’amitié sur 20 ans, assorti d’un programme de coopération de 5 ans. En d’autres termes, à mesure que la coopération militaire se réduirait, concomitante au retrait d'ores et déjà amorcé des troupes françaises, la coopération civile bilatérale avec ce pays, actuellement d’un montant global de 37 M€, serait réévaluée pour atteindre un montant total de 50 M€.

Sans nier l’intérêt que peut représenter pour les populations afghanes notre soutien, ni celui de la France d’apporter une assistance civile à ce pays, se pose néanmoins la question du montant des ressources qui seront affectées à cette aide. Compte tenu des disponibilités budgétaires actuelles, on imagine mal que des arbitrages ne doivent pas être faits et que des redéploiements de crédits soient décidés. Il est évidemment inenvisageable qu’ils se fassent au détriment des modestes ressources allouées aux pays sahéliens et votre Rapporteure demandera au gouvernement un engagement ferme et précis en ce sens en séance publique, considérant qu’il commettrait une grave erreur, tant politique que même stratégique, si le Niger et ses voisins devaient être sacrifiés au cours du prochain exercice et au-delà, au profit de l’Afghanistan. Elle est en revanche convaincue de la nécessité, non seulement de sanctuariser les faibles crédits que reçoivent les pays sahéliens, voire de les accroître dans toute la mesure du possible.

Cela lui paraît d’autant plus urgent que, au-delà des aspects sur lesquels elle a ouvert son propos, des enjeux majeurs se jouent d'ores et déjà dans cette région de l’Afrique. Les perspectives démographiques, notamment, laissent présager une catastrophe à moyen terme, dans la mesure où la population du Mali, du Burkina Faso et du Niger passera d’ici à 2050 de 44 millions aujourd’hui à plus de 125 millions, dans une période de temps où, selon certaines estimations, sur la base des politiques agricoles actuelles, la production alimentaire africaine devrait diminuer d’un cinquième (36). L’urgence impose, entre autres choses mais prioritairement, la réhabilitation des agricultures des pays sahéliens, tout à la fois indispensable à la satisfaction des besoins alimentaires des populations mais aussi, à la stabilité sociale. Pour le dire autrement, notre politique d’aide au développement doit maintenir plus que jamais un focus fort sur les problématiques auxquelles sont confrontés les pays de la région sahélienne, qu’ils ne pourront relever seuls ou avec des moyens insuffisants. Cela suppose de ne distraire aucune des ressources disponibles au profit de nouvelles priorités qu’il pourrait être considéré comme opportun de traiter, d’autant que, comme on l’a vu, certains donateurs bilatéraux, le Royaume-Uni en premier lieu, se retirent de la région, préférant laisser à d’autres mieux placés, i.e. la France, le soin d’intervenir dans une zone dans laquelle ils bénéficient d’avantages comparés indéniables pour une aide efficace.

3) Les incidences durables du rapport prêts/dons

Depuis longtemps, la question du déséquilibre persistant entre les prêts et les dons figure en bonne place parmi les critiques récurrentes que la représentation nationale formule sur l'APD.

Comme on sait, il ne s’agit pas pour votre Rapporteure de sacraliser le don comme instrument idéal de solidarité envers les pays les plus pauvres, ni de nier l’intérêt et l’utilité que peuvent présenter à divers titres les mécanismes de prêts, indépendamment de leur opportunité incontestable pour les donateurs dans une conjoncture budgétaire contrainte. Dans cet ordre d’idées, que l’AFD ait développé diverses modalités, adaptées aux situations très variées de ses partenaires, doit être considéré comme un point des plus positifs. En premier lieu, votre Rapporteure est notamment consciente de l’effet de levier (37), aujourd’hui considérable, des prêts qui permettent d’augmenter très significativement le volume des financements disponibles pour le développement. L’effet de levier est en effet aujourd’hui bien plus important qu’il ne l’était il y a quelques années, dans la mesure où le coût-Etat des prêts octroyés à l’AFD a sensiblement diminué par rapport à l’époque où les taux d’intérêts étaient plus élevés. Les précisions relatives aux indicateurs de performance figurant dans les documents budgétaires annexés au PLF 2012 indiquent à cet égard que « la cible 2012 est portée à 9,3 pour tenir compte du fort développement de l’activité de prêts de l’AFD y compris dans des zones géographiques nouvelles et/ou à des conditions faiblement bonifiées, tout en maintenant la priorité accordée aux pays africains, auxquels un niveau plus élevé de bonification doit être consenti. » (38)

Cela étant, le sujet appelle la discussion car cet effet de levier varie en fait considérablement en fonction des secteurs d’intervention. Il en est de même des pays concernés. Il est ainsi toujours inférieur à la moyenne dans les PMA et autres pays à faible revenu, alors qu’il est bien plus élevé dans les pays à revenu intermédiaire, tranche supérieure, comme en témoigne le tableau ci-dessous.

 Effet de levier par type de pays (39)

PFR : pays à faible revenu

PMA : pays les moins avancés (sont des PFR)

PRITI : pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure

PRITS : pays à revenu intermédiaire, tranche supérieure

Un examen plus détaillé montre d’ailleurs que pour ceux des 14 pays pauvres prioritaires qui sont concernés, l’effet de levier est même parfois très considérablement inférieur, au Mali, au Burkina Faso, au Ghana ou en Mauritanie en particulier, oscillant en fait entre 2,6 et 4,9.

La principale des critiques porte donc plutôt sur le fait que l’ampleur de la priorité donnée à cet instrument contribue depuis quelques années à détourner en partie notre APD des objectifs qu’elle s’est donnés, et ce, à deux égards. Tout d’abord dans le fait qu’il ne peut pas être aujourd’hui contesté que les véritables bénéficiaires de notre politique sont de facto non plus les pays les plus pauvres, mais les émergents. Une remarque similaire pouvant être faite en ce qui concerne les secteurs définis comme prioritaires par le CICID ou dans les documents de stratégie.

Cette analyse était - et reste – partagée par le CAD qui avait souligné que cette manière de privilégier le prêt sur le don était l’une des singularités de notre APD : « contrairement à la pratique de la plupart des membres du CAD, la France tend à augmenter sensiblement la part et le volume des prêts concessionnels comptabilisés en APD. Avec un montant de 1 226 M€, les engagements de prêt représentaient en 2006 les deux tiers des concours financiers de l’aide bilatérale programmable de la France. Mis en oeuvre par l’AFD, ils sont principalement destinés aux pays à revenus intermédiaires et sont utilisés dans le secteur des infrastructures et du développement urbain, de l’environnement et du secteur productif. La part des prêts non souverains, alloués aux entreprises privées ou collectivités locales, tend à augmenter. » (40). L’an dernier, Eckhard Deutscher, président du CAD, avait pointé la contradiction sous-jacente et réitéré que « les cinq secteurs sur lesquels la France veut se concentrer, d’après la décision du CICID, sont des secteurs dont la plupart sont susceptibles d’être appuyés par des dons, et ne se prêtent pas facilement aux prêts, puisqu’ils ne sont pas des secteurs productifs. Pourtant, la France a réduit ses dons. Ceci pose un défi pour la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de la France et le ciblage sur les PMA qu’elle a proposé » (41). On ne saurait mieux dire.

D’une certaine manière, le glissement des instruments vers les prêts conditionne les cibles, géographiques comme sectorielles, et l’objectif premier de lutte contre la pauvreté poursuivi dans les pays les plus pauvres d'Afrique subsaharienne se trouve de facto limité par la faiblesse des ressources disponibles en dons dès lors que le recours éventuel aux prêts pour cette catégorie de pays doit tenir compte de la nécessité de ne pas contribuer à leur ré-endettement. En revanche, l’objectif de préservation des biens publics mondiaux poursuivi dans les pays émergents et à revenu intermédiaire, pour lequel il peut effectivement être recouru à l’instrument prêt, se voit privilégié. Il serait évidemment préférable, comme le disait le CAD dans sa revue de 2008 que l’allocation géographique et sectorielle de l’aide soit déterminée sur la base d’une vision stratégique – et prenant en compte, au niveau de chaque pays, les besoins et les stratégies nationales – et non pas sur la base d’opportunités d’instrument, et l’OCDE invitait la France à y veiller.

Il y a évidemment une forme de contradiction entre le fait d’insister sur le fait que les pays les plus pauvres sont le cœur de cible de notre politique d’aide au développement et celui de mettre en place une politique tournée de manière croissante vers les pays émergents, utilisant des prêts peu ou pas concessionnels. Comme le soulignait aussi la revue des pairs de 2008 : « compte tenu de la montée des prêts dans les pays émergents, l’AFD a diminué le niveau moyen de concessionnalité, allant jusqu’à générer 3€ de prêt pour 1€ de bonification. Les prêts sont ainsi un moyen pour l’AFD d’augmenter son volume d’activité et, dans une logique financière propre à tout établissement bancaire, de dégager des marges. » (42).

Or, depuis ces divers avertissements, alors même, aussi, que la représentation nationale, ainsi que la société civile - cf. les nombreuses remarques adressées par Coordination SUD sur cette question - ne cessent d’attirer l’attention du gouvernement sur ce paradoxe, force est de constater que la politique que conduit le gouvernement ne varie en rien. Elle aurait même au contraire tendance à s’accentuer, si l’on en croît les indications fournies, puisque les crédits consacrés à la bonification de prêts dans les Etats étrangers pour 2012 sont en augmentation par rapport à l’an passé. Sont en effet demandés pour 2012 242 M€ d’autorisations d’engagements (AE), contre 225 demandés en 2011, et 179 M€ de crédits de paiement (CP), contre 167 demandés en 2011. Le Projet annuel de performances APD précise notamment, pour justifier cette augmentation, que les AE demandées « permettront de poursuivre la croissance des activités de l’Agence tout en respectant la priorité donnée aux pays d’Afrique subsaharienne. En particulier, elles permettront d’assurer la croissance des activités de l’AFD en matière de soutien au secteur privé (prêts non souverains), conformément aux engagements pris par le Président de la République dans le discours prononcé en février 2008 devant le Parlement sud-africain. » (43). Nous sommes par conséquent en cela clairement dans une logique en consonance avec les orientations politiques prises par les G8 et G20, qui tendent à privilégier plus directement les opérations d’aide contribuant au soutien de la croissance économique.

En M€

2006

2007

2008

2009

2010

2011 (PA)

2011

(1er semestre)

Prêts souverains

597

737

1217

1847

2476

2200

1399

Prêts souverains bonifiés

597

678

1077

1247

1610

1300

754

Prêts post-tsunami

0

59

15

0

Nd

0

0

Prêts souverains, conditions marché

0

0

125

600

866

900

645

Prêts non souverains

427

642

762

1524

1711

1800

25

Prêts non souv. Bonifiés

424

635

595

635

755

900

25

Prêts non souv., conditions marché

3

7

167

889

956

900

0

Total prêts souverains et non souv.

1024

1379

1979

3371

4187

4000

1424

Coût Etat consommé (y compris PTS)

328,9

426,7

409,5

476,1

355

336

121

Evolution de la croissance des prêts de l'AFD (44)

A l’inverse, les données relatives à la politique de subventions sont plus préoccupantes.

en M€

2008

2009

2010

Prévisions 2011

Autorisés au 1er semestre 2011

Afrique Sub-Saharienne

130

145

110

164

50

dont 14 PMA prioritaires CICID

71

112

59

142

37

dont Projets régionaux Afrique

39

15

46

13

10

Pays fragiles

60

56

39

32

1

Autres pays

13

20

22

7

3

dont Méditerranée

6

7

7

 

2

dont Asie

6

10

6

 

1

dont projets régionaux

 

3

9

 

 

Projets transversaux

18

7

11

8

1

Total subventions

222

228

182

211

54

dont PMA

122

158

158

105

37

Afrique Sub-Saharienne

59%

63%

61%

78%

92%

Pays Fragiles

27%

25%

21%

15%

2%

Autres pays

6%

9%

12%

3%

5%

Projets transversaux

8%

3%

6%

4%

1%

Total subventions

100%

100%

100%

100%

100%

Indicateur de concentration 14 PMA prioritaires CICID (*)

67,6 %

76,2 %

76,6 %

89,9 % 

 

(*) 14 PMA prioritaires CICID / total des subventions hors projets régionaux, hors projets transversaux et hors pays fragiles.

Engagements en subventions par groupes de pays (PMA/non PMA) et par grandes régions (45)

Certes, ces deux tableaux montrent une très réelle tendance à la concentration des subventions sur les 14 pays pauvres prioritaires, PPP, définis par le CICID. L’indicateur de concentration ne laisse aucun doute. Cela étant, force est de constater que les sommes consacrées, bien qu’également orientées à la hausse, restent modestes : même sur la base des prévisions pour 2011, qui sont très élevées par rapport à 2010 ou aux années antérieures, on reste sur une moyenne de dons à peine supérieure à 10 M€ par an et par pays.

en M€

2008

2009

2010

Réalisations

1er semestre 2011

Agriculture et sécurité alimentaire

30

45

39

15

Eau et assainissement

70

15

26

4

Education

17

30

16

13

Environnement et ressources naturelles

10

15

27

2

Infrastructures et développement urbain

34

28

31

12

Santé et lutte contre le sida

19

52

15

 

Secteur productif

14

32

17

4

Autres et multi secteurs

27

12

10

5

 

222

228

182

54

Répartition des engagements en subventions selon la nomenclature sectorielle du CICID (46)

Votre Rapporteure tirera plus loin une conclusion de ces considérations.

4) Des prévisions d’annulations de dette toujours très conséquentes

Traditionnellement, à la différence notable de nombreux donateurs, une large part des sommes qui sont déclarées par la France au CAD au titre de l’APD correspondent à des annulations de dette.

a) Une critique récurrente…

Cette question est l’une de celles sur lesquelles la France est la plus critiquée, et l’on sait que l’OCDE ou les ONG lui ont adressé à plusieurs reprises des observations, parfois sérieuses, à ce sujet. La prise en compte de ces données gonflent les chiffres, ne contribue pas à garantir la prévisibilité de l’aide et fausse pour partie la lecture de l’effort réellement fourni. Si l’on en croit par exemple Coordination SUD, citant les recommandations d’une étude réalisée pour le Centre de développement de l’OCDE sur les annulations de dettes des PPTE, seuls 10 % de ces annulations devraient en fait être comptabilisées en APD, les 90 % restants devant être inscrites en pertes sur allègements, dans la mesure où, dans la grande majorité, il s’agit d’un effacement comptable de créances irrécouvrables. (47)

Compte tenu de l’importance de cette question dans les chiffres de l’APD française, il n’est pas inutile de reprendre ici l’analyse qu’en faisait le CAD lors de la revue des pairs de 2008, qui reste d’actualité même si les données datent un peu : « La France (…) a consenti depuis une dizaine d’années un effort considérable d’allégement de la dette des pays en développement, les plus importantes étant celles du Nigeria (2005-06) et de l’Irak (2005-08). Entre 2001 et 2006, le montant annuel des annulations de dette nettes a été multiplié par 7, passant de 366 M€ à 2,7 Mds€, et les estimations pour 2007 et 2008 s’élèvent à 1,3 Md€ et 2,02 Mds€ respectivement. Sur cette période, la France a poursuivi la mise en place de contrats de désendettement et de développement visant à financer les programmes de lutte contre la pauvreté. La part de l’allégement de la dette représentait 41 % de l’APD bilatérale de la France en 2005-06. » Le CAD poursuivait en indiquant que « les opérations d’annulation de dettes vont rapidement décroître, et il est donc impératif de prévoir dès à présent quelles ressources seront mobilisées pour compenser cette baisse et poursuivre l’augmentation du niveau d’APD (48) »

Parmi les principaux contributeurs, l’Allemagne est dans une situation comparable à celle de la France, et lors de la dernière revue des pairs, réalisée en 2010, le CAD lui a adressé le même avertissement. Il concluait qu’elle serait bien inspirée de planifier la transition vers d’autres utilisations et canaux d’acheminement de son aide, compte tenu du fait que les possibilités d’allégements de dette commençant à s’épuiser, ce type d’opérations devraient céder la place à d’autres formes d’aide, multilatérale et bilatérale, pour que le volume puisse augmenter, ou à tout le moins être maintenu, la diminution des allégements de dette étant la principale raison de la baisse du niveau de l’APD allemande en 2009.

Il en est de même en ce qui concerne le Japon (49) qui, parenthèse dans la diminution constante de son APD constatée depuis une dizaine d’années, a récemment tenu son engagement de doubler son volume d’aide à l’Afrique précisément grâce « au niveau exceptionnel » des allègements de dettes, étant entendu que « le Japon parle de " doublement " car les niveaux de référence utilisés sont les versements moyens pour la période 2003-2007 lorsque l’APD à l’Afrique, hors allégements de dette, était très inférieure à son niveau au cours de l’année où l’engagement a été pris. » (50). Mais comme le soulignait le CAD à son sujet lors de la revue des pairs également effectuée en 2010, un doublement « véritable » de l’aide implique en fait une augmentation de l’enveloppe globale allouée à l’aide publique au développement, ce qui permettrait aussi d’aider le Japon à concrétiser ses engagements de Gleneagles même avec un certain retard.

Toutes choses égales par ailleurs, ces mêmes travers étaient aussi ceux que le CAD avait pointés, depuis au moins 2004, en ce qui concerne la structure des financements de l’aide française. Ils étaient bien sûr porteurs des mêmes risques et la France avait été invitée à définir les moyens de compenser la diminution prévisible des annulations de dette pour tenir les engagements internationaux. En 2008, ils restaient encore à préciser.

Le Document cadre de stratégie a d’ailleurs reconnu l’an dernier l’importance de ce poste dans l’augmentation de notre APD ces dernières années, poste qui devrait diminuer à partir de 2013 : « Cette hausse est due pour partie aux annulations de dette, notamment pour les années 2003-2006, mais elle reflète également une augmentation de l’aide multilatérale et européenne (qui passe de 23 à 41 % du total sur la période), tandis que l’APD bilatérale, hors annulations de dettes, tend à diminuer » (51), comme l’illustre ce tableau :

Evolution de la structure de l’APD française ; Données 1989-2009 ; Estimations 2010-2013 (52)

b) Des perspectives d’annulations au plus haut pour 2012

Or, les dernières informations données à votre Rapporteure montrent que les prévisions en matière d’allègements de dettes sont très fortes pour 2012, compte tenu du fait que certains dossiers sont désormais arrivés à maturité, concernant la RDC, la Côte d’Ivoire ou la Guinée, ceux des deux premiers pays devant même être instruits très prochainement. Ceux d’autres pays, qui bénéficiaient de C2D, vont les voir renouveler. Ce sera notamment le cas du Congo et du Cameroun. Au total, la France prévoit de déclarer au titre de l’APD en 2012 un montant de près de 1,8 Md€, voire même plus, selon les informations qui ont été communiquées à votre Rapporteure soit au moins le double de ce qui a été déclaré en 2010 et devrait l’être en 2011, comme le montre le tableau (53) ci-dessous.

En effet, en 2010, les créanciers du Club de Paris, dont le secrétariat est assuré par la France, ont conclu neuf accords : huit avec des pays éligibles à l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés) et un avec un pays en voie de développement non éligible à l’initiative PPTE, Antigua-et-Barbuda. Deux accords ont été conclus avec la seule République Démocratique du Congo en 2010. Au total, en 2010, 9 Mds$ ont été annulés dans le cadre des accords du Club de Paris avec des PPTE et 4,3 Mds$ ont été rééchelonnés.

L’ensemble des PPTE dont la dette a été traitée en 2010 se sont engagés à allouer les ressources libérées par les traitements aux secteurs prioritaires identifiés dans la stratégie de réduction de la pauvreté du pays.

Ainsi, suite à l’atteinte par la RDC du point de décision en février 2010, un accord de restructuration de la dette publique extérieure a été conclu avec le Club de Paris. Il a permis de réduire de 97 % le service de la dette dû par ce pays aux créanciers du Club de Paris pendant la durée du programme FMI. Suite à l’atteinte par le pays du point d’achèvement de l’initiative, en juillet 2010, le Club de Paris a décidé d’annuler 7,35 Mds$ du stock de dette dû par la RDC (54).

 

Montants annulés

Montants déclarés en APD

Indemnisation Natixis
Prog. 114

Indemnisation AFD (1)

Solde non reporté en loi de règlement
Prg. 851 et 852

COFACE

TOTAL

Annulations Club de Paris PPTE

Annulations Club de Paris hors PPTE

Annulations bilatérales

Total

2010

-

133,83

501,37

378,58

1 013,78

1 054,30

25,59

17,64

1 097,52

En %

0,00%

13,20%

49,46%

37,34%

100%

96,06%

2,33%

1,61%

100%

2011
(prévision)

-

70,01

581,65

443,15

1 094,81

879,75

12,51

15,09

907,35

En %

0,00%

6,40%

53,13%

40,48%

100%

96,96%

1,38%

1,66%

100%

2012
(prévision)

-

61,35

891,76

2 159,99

3 113,10

1 618,05

165,32

12,67

1 796,04

En %

0,00%

1,97%

28,65%

69,38%

100%

90,09%

9,20%

0,71%

100%

(1) Crédits inscrits au sein de l'action Traitement de la dette des pays pauvres du programme 110.

Vis-à-vis de la République du Congo (Brazzaville) voisine, le Club de Paris a décidé d’annuler, en mars 2010, 981 M$ de son stock de dette. Les créanciers se sont également engagés, à titre bilatéral et sur une base volontaire à annuler 1,4 Md$ supplémentaires, allégeant de 100 % le stock de dette.

D’autres pays, notamment africains, sont concernés par cet effort, notamment : la Guinée-Bissao, avec laquelle le Club de Paris a convenu d’un accord de rééchelonnement de sa dette publique extérieure traitant 171 M$, dont 54 ont été annulés et 117 rééchelonnés en juillet 2010 ; les Comores, qui ont bénéficié d’une restructuration de leur dette publique en août 2010 ; le Libéria, pour 1,26 Md$, auxquels s’ajoutent les renoncements des créanciers du Club de Paris à titre bilatéral et sur une base volontaire pour un total de 107$ supplémentaires ; le Togo : pour 203 M$ de dette et 404 M$ supplémentaires, ou encore Antigua-et-Barbuda.

c) Des incidences qu’il faudra assumer

En d’autres termes, année après année persiste le poids des annulations de dette, et par conséquent un déséquilibre dans la structure de l’APD de la France qui verra à partir de 2013 son effort mécaniquement diminuer, et ce, de manière considérable, tant en volume qu’en pourcentage de son RNB, faute d’avoir pu ou su revoir ses modalités d’intervention.

Cette situation entraîne à son tour à une autre caractéristique de l’aide française, la distorsion également persistante entre les intentions et la réalité, ne serait-ce que quant à la concentration de l’effort sur un nombre restreint de pays bénéficiaires : dans l’immédiat, les principaux bénéficiaires de l’aide de la France seront encore et toujours ceux pour lesquels les frais d’écolage les plus importants sont engagés, avec toutes les réserves que l’on a déjà rappelées, et d’autre part, ceux qui se voient accorder des aménagements de dette. Les effets de ces deux aspects se combinent et, encore une fois, l’objectif de concentration de l’aide vers les 14 PPP s’en trouve affadi, que ce soit en termes d’affichage ou dans la réalité des faits. « La concentration géographique semble augmenter puisque la part de l’aide bilatérale allouée aux quinze premiers bénéficiaires de l’aide de la France est passée de 62 % en 2000-04 à 70 % en 2005-06, un niveau proche de la médiane du CAD de 73 %. Mais cette évolution est essentiellement due à l’effet des volumes d’annulation de dette. Ainsi, hors opérations de remise de dette, les 15 premiers bénéficiaires ne représentaient en 2005-06 que 59 % de l’aide bilatérale allouable » soulignait le CAD en 2008 ; votre Rapporteure n’est pas certaine qu’il en aille très différemment quatre ans plus tard.

En regard, si le volume d’aide bilatérale programmable est désormais orienté à la hausse, ce dont on doit bien sûr se féliciter, il reste encore très limité comparativement à ceux qu’engagent nos principaux partenaires. Compte tenu de la faiblesse de ces moyens, et malgré la décision du CICID de juin 2009 et les révisions stratégiques qui en ont découlé, sans doute peut-on considérer qu’il y a encore une trop grande dispersion géographique. Hors annulations de dette, la concentration géographique ne progresse pas, relevait encore le CAD en 2008. Parallèlement, la part de l’aide allouée aux pays les moins avancés (PMA) diminue. Elle ne représentait que 20 % de l’aide bilatérale allouable en 2006 et seuls six PMA figuraient parmi les vingt plus importants récipiendaires de l’aide française en 2005-06, hors opérations de remise de dette. Cette dispersion tend à affaiblir la position de la France auprès de la plupart des partenaires historiques et en particulier des PMA. Votre Rapporteure a montré plus haut ce qu’il en était de la prise en compte des PMA aujourd’hui, et les commentaires de l’OCDE lui semblent toujours d’actualité. C’est effectivement la structure de son aide qui a amené la France à ne plus occuper « la position clé qui était la sienne dans de nombreux pays africains (…). Si le fait que la France ne soit plus un partenaire bilatéral quasi exclusif permet d’assainir la relation partenariale, il est important que la France garde les moyens nécessaires à une stratégie ambitieuse d’appui à la lutte contre la pauvreté dans ces pays, où elle bénéficie d’un avantage comparatif lié à une relation historique à multiples facettes, incluant un effort de coopération de long terme. » (55)

En d’autres termes la stratégie de recentrage géographique et sectorielle que notre pays a décidée est certes opportune et bienvenue. Il ne reste qu’à lui donner les moyens de son ambition.

5) Parviendra-t-on encore longtemps à garder une bonne image sur la scène internationale ?

Le traitement des quelques questions que votre Rapporteure a soulevées dans les développements précédents conditionne en partie l’image de notre politique d’aide. Les moyens que la France y consacre sont certes élevés mais souffrent de certains effets d’affichage, qu’on ne cessera de regretter, tout comme les déséquilibres constatés induisent une distorsion entre le discours politique et la réalité. Or, sauf à ce que la crédibilité de notre pays soit mise en défaut, les promesses réitérées au plus haut sommet de l'Etat dans les instances internationales devraient être tenues. Il apparaît aujourd’hui quelque peu imprudent de maintenir avec autant de force celle relative au taux d’APD de 0,7 % de RNB, dont on sait depuis maintenant longtemps l’effort qu’elle suppose (56). Ce, d’autant plus que la répartition de nos instruments n’y aide pas et risque même d’amplifier les difficultés.

En effet, au-delà des promesses, le choix des instruments que notre pays a fait est aussi porteur du risque de voir notre taux d’APD mécaniquement diminuer à mesure de la croissance des remboursements de prêts. Ces dernières années, il est déjà arrivé, à plusieurs reprises, que les remboursements de prêts se révèlent supérieurs aux décaissements, parfois dans une proportion considérable, comme en témoigne le tableau reproduit ci-dessous, tiré de la revue des pairs de 2008 : il montre que, entre 2003 et 2006, par exemple, les volumes remboursés étaient de 620,98 M€, 644,97 M€, 713,99 M€ et 848,67 M€, pour des versements de 395,24 M€, 409,27 M€, 446,04 M€ et 679,44 M€ respectivement. En d’autres termes, l’effet négatif sur le volume global d’APD était conséquent. Compte tenu de la politique que ses tutelles ont demandé à l’AFD de mener, cette tendance n’est sans doute évidement pas appelée à s’inverser, tout au contraire, et les remboursements de prêts sont appelés à croître, même si à partir de 2008, compte tenu de la très forte augmentation des décaissements des nouveaux prêts, l’effet des prêts est redevenu positif.

Décomposition de l'APD de la France entre 2003 et 2006 (57)

Comme le soulignait pertinemment Coordination SUD de son côté, dans une étude publiée l’an dernier (58), « actuellement, le montant des prêts délivrés par l’AFD est plus important que le montant des remboursements, ce qui fait que, en termes d’APD, les flux restent positifs. Mais au niveau actuel d’ouverture de nouveaux prêts, ces flux deviendront rapidement négatifs. Lorsque l’AFD aura atteint la limite de ses capacités d’augmentation des prêts AFD, elle se retrouvera avec un encours de prêts considérable. L’AFD produira alors d’importants flux négatifs d’APD. Dans cette hypothèse, cette course en avant aux prêts d’APD entretiendrait une bulle de prêts, préjudiciable, à terme, à la poursuite de la progression de l’APD totale vers l’objectif des 0,7 % en 2015. Il est important que l’Etat assainisse cette bulle des prêts APD dans les prochaines lois de finances, en privilégiant une augmentation des financements par dons des projets AFD, plutôt qu’une augmentation du montant des bonifications. » Si l’on regarde la situation sur un plan sectoriel, on s’aperçoit que certains pays bénéficiaires de notre aide sont aujourd’hui dans la situation de devoir rembourser plus qu’ils ne reçoivent. C’est par exemple d’ores et déjà le cas dans le secteur de l’agriculture : selon une récente analyse, « en 2009, huit pays avaient ainsi une APD nette négative dans le secteur Agriculture et sécurité alimentaire, c’est à dire qu’ils ont remboursé des sommes plus importantes que celles qu’ils ont reçues : la Tunisie (- 6,4M€), l’Île Maurice (- 0,35M€), le Maroc (- 4,7 M€), le Kenya (- 0,7 M€), la Côte d’Ivoire (- 50,7M€), le Cameroun (- 3,4 M€), le Burundi (- 1,3 M€) et l’Angola (- 0,2 M€). Dans la mesure où, pour les prêts, l’APD est mesurée par les flux nets, c’est-à-dire en soustrayant les remboursements, l’accroissement de l’APD par les prêts condamne l’AFD à une fuite en avant volumétrique, d’autant plus exigeante que le volume des subventions baisse. » (59)

Plus largement, on peut craindre à terme l’effet désastreux, notamment en termes d’image, qu’aurait une APD négative, induite par un taux de remboursement de prêts important, entraînant une diminution nette de notre effort. Cette hypothèse n’est pas anodine ni irréaliste, dans la mesure où c’est semble-t-il d'ores et déjà le cas de certains bailleurs importants. On y voit par exemple l’une des causes de la baisse constante depuis quelques années de l'APD japonaise : « L’APD nette japonaise a crû continûment depuis les années soixante, dépassant même les volumes de l’aide des États-Unis en 1995 et entre 1997 et 2000. Depuis cette date, le volume de l’APD japonaise baisse, ce qui semble s’expliquer par d’importants flux de remboursements de prêts (qui réduisent l’APD nette), par les difficultés économiques et les tensions budgétaires que connaît le Japon, ainsi que par un phénomène de " fatigue de l’aide " dans l’opinion publique. » (60)

La France, actuellement 3e contributeur mondial, selon les déclarations des membres du CAD en 2010, présente un montant d’APD historique, approchant la barre des 10 Mds€ au prix de quelques artifices comptables. Le Président de la République s’est prononcé sur des engagements forts et, en dépit des contraintes budgétaires actuelles, le Parlement a voté la stabilisation des crédits d’APD pour le triennum 2011-2013. Entre l’incidence prochaine du niveau de prêts et les annulations de dette, la gestion de l’image de la politique française sur la scène internationale ne sera pas aisée. Il serait dommage que le choix des instruments vienne dans quelques années ruiner la dynamique, mais on voit mal comment la France, dans la conjoncture actuelle et compte tenu de la structure de ses financements, pourrait respecter ses engagements d’atteindre un taux d’APD équivalent à 0,7 % de son RNB.

II – LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2012

A – Un budget préservé pour la mission, conformément aux engagements

A en croire les résultats d’un récent sondage commandé par le MAEE et l’AFD (61), une large majorité de nos concitoyens approuvent la politique d’aide de la France aux pays en développement, qu’ils jugent crédible et légitime tout en considérant suffisant l’investissement budgétaire qui y est consacré.

Quoi qu’il en soit de la perception des Français quant à l’APD et de ses fondements, il apparaît que notre aide au développement bénéficie dans la conjoncture budgétaire actuelle d’un traitement relativement privilégié. Tout du moins pour ce qui concerne les crédits des trois programmes qui composent la mission Aide publique au développement puisque l’on ne peut, en l’état actuel, porter aucune appréciation sur l’ensemble des très nombreux autres programmes qui y concourent.

Pour la deuxième année consécutive, le projet de loi de finances 2012 a été construit sur la règle « zéro valeur », aux termes de laquelle les crédits de l’Etat sont stabilisés au niveau de 2011 en crédits courants, ce qui induit selon les documents du PLF, une baisse historique des moyens des ministères, étant précisé que « les dépenses des missions du budget général diminuent de manière inédite grâce à une stricte mise en œuvre de la stratégie de réformes du budget du Gouvernement : - des réformes structurelles ciblées, qui ont été pour la plupart conçues dans le cadre des deux vagues de la Révision générale des politiques publiques depuis 2007 ; - des mesures transversales d’économies portant sur les crédits de fonctionnement et d’intervention des ministères pour lesquels un objectif de réduction brute de 10 % sur la période 2010-2013 a été fixé »

Dans ce cadre particulièrement contraint, le projet annuel de performances souligne en revanche, comme l’an dernier, que « les crédits de la mission " Aide publique au développement " resteront stables sur la période 2011-2013, demeurant à leur niveau de 2010. Cette stabilisation permettra d’honorer les engagements financiers pris auprès de plusieurs institutions et fonds multilatéraux, de financer les engagements pris par la France dans plusieurs domaines d’action prioritaires, tels que la santé, la lutte contre le changement climatique, les questions alimentaires, et de poursuivre son aide aux pays en situation de crise. » (62).

Les tableaux reproduits ci-dessous rappellent d’une part les montants votés dans la loi de programmation 2011-2013 et d’autre part les plafonds de la mission pour 2012.

Montants votés dans la loi de programmation 2011-2013 (63)

Plafonds de la mission pour 2012 (64)

Globalement, les autorisations d’engagements, (AE), des trois programmes de la mission représentent donc quelque 2,72 Mds€, les crédits de paiement, (CP), se montant à 3,33 Mds€. Ce montant de crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » respecte l’annuité 2012 inscrite dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

Votre Rapporteure rappelle que la mission APD regroupe les crédits de trois programmes seulement qui concourent à l’aide au développement, ce qui en rend l’analyse et le contrôle malaisés, dans la mesure où ils ne couvrent qu’un peu plus du tiers des financements que notre pays déclare à ce titre au CAD. A titre de comparaison, le DFID britannique est pour sa part responsable de la très grande partie de l’APD britannique – 86 % en 2008, et ce, de manière très stable, voire même en progression régulière. Le reste de l’APD britannique provient de 14 autres ministères et entités gouvernementales et les composantes les plus importantes en sont les allégements de dette consentis par le Service des garanties de crédit à l’exportation (Export Credits Guarantee Department – ECGD), les investissements transitant par la CDC7, organisme dépendant du DFID pour les questions relatives au Commonwealth, et les contributions gérées par le Foreign Office. En d’autres termes, quand bien même ne disposeraient-ils pas de l’intégralité des documents budgétaires, ce dont on peut douter, nos collègues de la Chambre des communes n’en auraient pas moins une connaissance des moyens de la politique du DFID incomparablement supérieure à celle qu’il nous est permis d’avoir depuis deux ans.

Ces trois programmes sont mis en œuvre respectivement par le MAEE, le MINEFI et le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Les enveloppes se répartissent de la manière suivante :

 

Programme 110

Programme 209

Programme 310

AE

627,70

1 867,70

28,0

CP

1 191,90

1 890,60

28,0

Cela étant, ce projet de budget, comme les précédents et comme cela a été souligné à maintes reprises, reste construit sur une logique d’instruments plus que sur la logique des objectifs politiques qu’il permet de poursuivre, comme l’esprit de la LOLF le supposerait. Le projet annuel de performances en ce qui concerne l'APD n’y répond pas vraiment. Aux yeux de votre Rapporteure, cela serait d’autant plus opportun que l’un des axes forts de cette politique publique est précisément la recherche de l’efficacité, thème central des débats internationaux sur le développement depuis bientôt une décennie. Une mise en perspective des objectifs poursuivis par chaque programme de la mission avec les moyens et instruments prévus pour ce faire permettrait d’accroître considérablement la visibilité et la lisibilité politiques de l’action de la France de même que sa prévisibilité, et votre Rapporteure appelle fortement de ses vœux une réflexion des services concernés par cette question. Au demeurant, l’opportunité apparaît d’autant mieux que la France a adopté l’an dernier une stratégie politique d’aide au développement déclinée en quelques objectifs qui devraient désormais être les axes autour desquels le budget de la mission devrait être articulé.

Ces remarques faites, votre Rapporteure vous propose l’analyse des crédits proposés dans les trois programmes.

B – Les crédits de l’aide économique et financière au développement (Programme 110)

1) Données générales

Pour l’ensemble des trois actions du programme 110, géré par la Direction générale du Trésor, les crédits demandés s’établissent à 627,70 M€ en AE et 1191,90 M€ en CP, contre respectivement 2492 M€ et 1170,1 M€ en 2011. Il est précisé que ce volume d’AE correspond principalement à la onzième reconstitution du Fonds asiatique de développement, FAsD, aux compensations des annulations de dette envers l’Association internationale de développement, AID, et le Fonds africain de développement, FAD, dans le cadre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés, PPTE, ainsi qu’au renouvellement de la contribution française au FIAS (« Foreign Investment Advisory Services »).

Ils se décomposent de la façon suivante entre les trois actions du programme.

Présentation par action des crédits demandés (65)

2) Les crédits de l’action n° 1 : « Aide économique et financière multilatérale »

Les crédits de cette action concernent essentiellement la participation de notre pays aux banques multilatérales de développement dont il est actionnaire : Banque mondiale, Banque africaine de développement, Banque interaméricaine de développement, Banque asiatique de développement. La contribution de la France aux Fonds de développement que ces institutions financières mettent en œuvre est également couverte par cette action, de même que d’autres Fonds multilatéraux, tels que le Fonds pour l’environnement mondial, ou initiatives financières multilatérales, telle que l’IFFIm (Facilité Internationale pour le Financement de la vaccination).

En ce qui concerne les dépenses d’intervention, les AE, d’un montant demandé de 1641 M€ en 2011 passent à 77,7 M€ pour 2012, tandis que la demande de CP diminue également fortement : de 704,8 M€ en 2011 à 155 M€ pour 2012.

Pour le reste, peu de changements notables sont à relever, et les participations aux divers fonds du groupe de la Banque mondiale et du FMI ne varient pas d’une année sur l’autre. Il en est de même, tant en AE qu’en CP, en ce qui concerne les contributions de la France aux fonds sectoriels : METAC, AFRITAC et IFFIm voient leurs crédits rester stables. Votre Rapporteure note une demande d’AE et de CP, pour 15,5 M€ et 1,5 M€ respectivement, qui permettront de financer les initiatives en faveur du développement qui seront décidées lors du sommet de Cannes des 3 et 4 novembre, en conclusion des travaux du G20 Développement, sans qu’il soit évidemment possible à ce stade d’en préjuger.

En ce qui concerne la participation de la France au Fonds pour l’environnement mondial, FEM, qui s’est engagée pour 215,5 M€, (195,9 M€ après décote), soit la cinquième contribution, 64 M€ de CP sont demandés, pour couvrir la deuxième échéance. Il est à noter que la contribution française au FEM pour ce qui relève des actions en faveur de la forêt sur la période 2011-2012 devait être en partie financée par le programme 782 « Engagements internationaux en matière de la lutte contre le changement climatique dans le cadre du mécanisme dit de financement précoce ». Au sein du compte d’affectation spéciale, CAS, les dépenses environnementales sont conditionnées aux recettes issues de la vente d’Unités de Quantités Attribuées de carbone, (UQA (66)), toujours pour l’heure inexistantes. C’est donc le programme 110 qui, pour respecter les engagements du Président de la République, assure pour le moment le financement de l’ensemble des engagements du FEM, compte tenu de la priorité de cet instrument. Votre Rapporteure n’a pas d’information sur les perspectives de vente d’UQA, mais elle se demande néanmoins si le mode de financement de ces actions ne serait pas à revoir et si, à l’heure où les initiatives en matière de financements innovants se développent, où notamment la réflexion porte sur les transports maritimes et aéronautiques, il ne serait pas opportun d’envisager un changement qui bénéficierait aux actions du FEM.

En matière de dépenses d’opérations financières, rubrique qui n’était pas distinguée dans le PLF 2011, votre Rapporteure relève tout d’abord les crédits aux institutions financières internationales. 400 M€ de CP sont tout d’abord demandés pour l’AID de la Banque mondiale. On rappelle à cet égard que l’an dernier, la reconstitution de l’IAD15, pour laquelle les AE avaient été demandées en 2008, a été soldée. Dans le même temps, les AE correspondant à la seizième reconstitution, pour laquelle la France s’est engagée en décembre dernier pour 1,2 Md€, étaient demandés. L’enveloppe de 400 M€ correspond à la première échéance. Sont également prévus des crédits de paiement à destination du FAD de la Banque africaine de développement, pour un montant de 126,97 M€, au titre de la deuxième échéance du FAD12, pour la reconstitution duquel la France s’est engagée pour 400 M€, soit au quatrième rang des contributeurs, derrière le Royaume Uni, l’Allemagne et les USA, à 8,7 % du total, conte 10,9 % auparavant.

Dans le même ordre d’idées, 92,5 M€ en AE et 24,28 M€ en CP, sont demandés pour la contribution à la dernière annuité au dixième Fonds asiatique de développement. Les AE demandées sont prévisionnelles, pour couvrir la contribution de notre pays au FAsD-11, dont les négociations se concluront en 2012.

Enfin, sans changement par rapport à l’an passé, des CP sont également demandés pour assurer les contributions de la France à divers fonds, tels le Fonds multilatéral d’investissement (1,74 M€) ou le Fonds des opérations spéciales de la BID, ainsi qu’au FIDA, Fonds international de développement agricole, pour 11,7 M€ comme solde de notre engagement.

3) Les crédits de l’action n° 2 : « Aide économique et financière bilatérale »

Outre quelques crédits en AE=CP pour 2,9 M€, destinés à assurer diverses dépenses de fonctionnement, à savoir la rémunération de l’AFD pour ses opérations d’aides budgétaires globales, de conversion de dettes et sa participation au programme de renforcement des capacités commerciales, une dotation est aussi prévue pour le financement des évaluations des actions bilatérales et multilatérales d’aide au développement de la Direction générale du Trésor : 0,48 M€ en AE=CP. 6,07 M€ en AE=CP sont par ailleurs destinés à la rémunération de Natixis au titre de la gestion des prêts de la RPE et des dons aux Etats étrangers (FASEP).

Pour le reste, l’essentiel des crédits demandés concerne les dépenses d’intervention effectuées par l’AFD au titre de l’action. Les AE demandées pour 2012 se montent à 318,26 M€ contre 437,14 M€ en 2011 et les CP sont en revanche supérieures, à 318,12 M€ contre 302,23 M€ l’an dernier. Sont notamment couvertes ici les bonifications de prêts dans les Etats étrangers, pour lesquelles il est prévu un total de 242 M€ en AE, contre 225 M€ en 2011 et 179 M€ en CP contre 167 M€ en 2011. Il est précisé que ce montant d’AE est destiné à permettre à l’agence de poursuivre la croissance de ses activités, comme ses tutelles l’ont souhaité. De la même manière, est prévue sur cette rubrique la bonification d’intérêt pour le prêt de l’AFD engagé pour l’initiative de lutte contre le changement climatique (5,16 M€ de CP).

A l’instar du financement du FEM, il était prévu que le Fond Français pour l’environnement mondial, FFEM, soit assuré par le programme 782. Les AE demandées ici, à hauteur de 15 M€, permettront de sécuriser les financements en faveur de la forêt, en l’absence d’autres ressources. Il est aussi prévu 26 M€ de CP.

Le financement des aides budgétaires globales se chiffre pour 2012 à quelque 61,26 M€ et 85,36 M€, respectivement, en AE et CP.

Enfin, trois types de dépenses en matière de coopération technique et d’ingénierie sont prévus dans cette action. Le FASEP, en premier lieu, à hauteur de 19 M€ en AE et 35 M€ de CP, lesquels permettront entre autres de financer les études relatives au projet de ligne à grande vitesse au Maroc. Sans changement par rapport à 2011, la dotation de l’ADETEF est prévue pour 4,2 M€ de CP, cependant que le programme de renforcement des capacités commerciales des pays en développement se voit doté de 4,5 M€ de CP pour couvrir la quatrième tranche de l’engagement de la France.

4) L’action n° 3 : les crédits du traitement de la dette des pays pauvres

Au titre du traitement de la dette des pays pauvres, dont on a vu plus haut l’importance, sont prévues des dépenses d’intervention et de fonctionnement dans le cadre de l’action n° 3. Elles permettent de compenser les annulations de dettes bilatérales, d’une part, et multilatérales, d’autre part.

En ce qui concerne les annulations bilatérales, intervenant dans le cadre des accords de Dakar I et II, ainsi que dans le cadre des accords de la Conférence de Paris, les CP demandés indemnisent l’AFD, gestionnaire des prêts, au titre de ces annulations. Ils se montent à 61,37 M€ en 2012, sur la base d’une provision de 637,3 M€ en AE budgétée en 2009, couvrant l’intégralité des annulations alors connues.

En ce qui concerne les annulations de la dette multilatérale, est concernée dans cette action l’Initiative PPTE, et les crédits prévus portent sur la compensation des annulations de dettes multilatérales de pays appartenant à cette catégorie envers la Banque mondiale. Il est indiqué que les AE engagées en 2006 couvraient la période courant jusqu’en 2016. Un engagement additionnel d’AE est par conséquent nécessaire, pour la période 2017 - 2022. Une partie de ces AE seront engagées fin 2011 à hauteur des AE accordées pour 2011 (265,84 M€). Le complément, 77,27 M€, sera engagé début 2012 pour couvrir la totalité de cet engagement. Les CP demandés pour 2012 s’établissent à 21,74 M€ et correspondent à des AE ouvertes en 2006. Sont également compensées ici les annulations de la dette multilatérale des PPTE envers le FAD. Pour les mêmes raisons que celles indiquées précédemment, des AE sont d’ores et déjà nécessaires pour couvrir la période 2015-2021, qui se montent à 28,55 M€. Les CP demandés correspondent aux AE engagés en 2006, et s’élèvent à 15,4 M€.

C – Le Programme 209 : Solidarité à l’égard des pays en développement

Le programme 209 est mis en œuvre par le MAEE. Il se décline autour de trois axes principaux :

• la coopération bilatérale sur les secteurs définis comme prioritaires par le CICID, santé, éducation, agriculture, développement durable et croissance, essentiellement mis en œuvre par l’AFD et la gouvernance, de la compétence directe du MAEE ;

• la coopération multilatérale dans ces mêmes secteurs, avec un accent particulier porté à la lutte contre le SIDA, via le FMSTP (fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme), à la promotion et l’amélioration des conditions de vie des enfants et en particulier l’éducation des jeunes filles, via les contributions de la France à l’UNICEF, au soutien aux réfugiés palestiniens à travers l’UNRWA et à l’aide alimentaire. Le suivi du « Partenariat de Deauville » décidé par le G8 dans le cadre du soutien des printemps arabes, par le développement de l’intégration du bassin méditerranéen, s’inscrit également dans ces actions ;

• la coopération communautaire enfin, mise en œuvre à travers un unique instrument : le Fonds européen de développement.

En 2012, les crédits de ce programme s’élèvent, hors dépenses de personnel, à 1867,7 M€ en AE, soit + 2 % par rapport à 2011, et 1890,6 M€ en CP, - 1,1 %. Titre 2 inclus, ces crédits s’élèvent à 2089,9 M€ en AE et 2112,8 M€ en CP.

1) Bilatéralisme et multilatéralisme : vous avez dit « rééquilibrage » ?

Les documents budgétaires avancent que « le rééquilibrage du bilatéral par rapport au multilatéral est poursuivi. » (67). Comme votre Rapporteure a eu maintes fois l’occasion de le relever, cette affirmation est pour le moins rapide et mériterait d’être nuancée : une autre lecture, tout aussi juste, conclurait sur une réalité radicalement différente. D’autres documents soulignent d’ailleurs pour leur part que « la dimension multilatérale de la mission se manifestera en 2012 par l’importance des contributions aux fonds multilatéraux, qu’ils soient mondiaux, régionaux ou sectoriels. Ainsi, hors dépenses de personnel, les crédits dévolus à l’aide multilatérale représenteront environ 64 % des crédits de la mission », voire même 65 % selon la note Achille.

Pour être tout à fait précis, il importe donc d’indiquer en premier lieu que, en ce qui concerne les crédits budgétaires du programme 209, les données sont les suivantes, qui montrent que la part multilatérale, hors communautaire, reste orientée à la hausse en 2012 : 420,27 M€ contre 412,83 M€ en 2011 sont demandés en AE, soit + 1,8 % ; cette évolution est comparable à la hausse de 1,73 % des CP pour la coopération multilatérale, qui passent de 434,71 M€ à 442,24 M€ en 2012.

En parallèle, en ce qui concerne les crédits affectés aux opérations bilatérales, il est certes indiqué une hausse de 5,77 % des AE parallèle à une baisse de 3,36 % des CP. Il est précisé que cette diminution en CP tient au fait que le budget de 2011 incluait une enveloppe exceptionnelle au titre des engagements antérieurs et que la dotation pour 2012 est conforme à l’échéancier de paiements prévisionnel de l'Etat et de l’AFD. Dont acte. Une lecture plus fine montre que cette baisse des CP affecte en fait la coopération hors gouvernance, qui n’est plus dotée que de 630,7 M€ cette année contre 654,96 M€ en 2011. Elle perd donc 24,26 M€ et diminue donc de - 3,7 %, cependant que la coopération en matière de gouvernance augmente de + 8,7 % en AE=CP : 20,63 M€ en 2012 contre 18,98 M€ l’an dernier.

Si l’on compare ensuite d’une année sur l’autre la part que chacun des actions du programme représente, on relève les aspects suivants :

L’action n° 2, coopération bilatérale représente en 2012 31,12 % contre 29,98 % des AE demandés en 2011. En ce qui concerne les CP, la part est cependant désormais de 30,8 % contre 31,6 % en 2011.

Si les crédits de l’action n° 5, coopération multilatérale, sont stables en % d’une année sur l’autre en AE, à 20,1 %, ils augmentent très légèrement en CP : ils représentaient 20,4 % du programme 209 en 2011 et passent à 20,9 % en 2012.

Les crédits de l’action n° 7, coopération communautaire, diminuent en AE, représentant 38,1 % du programme contre 39,2 % en 2011, cependant que les CP sont stables à 37,7 %.

En d’autres termes, si tendance il y a au rééquilibrage en faveur du bilatéral, force est de constater que l’effort reste encore des plus modérés.

Le PAP précise en outre que les principaux instruments bilatéraux (dons projets, aide d’urgence, aide alimentaire, appui à la sortie de crise en Afghanistan et Pakistan) sont maintenus en valeur par rapport à 2011 et 2010, cependant que les projets mis en œuvre dans le cadre des engagements pris par le Président de la République lors du Sommet du G8 de Muskoka en juin 2010, en matière de réduction de la mortalité infantile et d’amélioration de la santé maternelle (OMD 4 et 5) sont poursuivis.

Toutefois, en ce qui concerne notre contribution au FED, la Commission européenne a indiqué aux Etats-membres de nouvelles prévisions de décaissements en fonction de la reprogrammation de divers engagements. Il en résulte pour notre pays une diminution de 7 M€ en 2012 par rapport au 804 M€ prévus en 2011. En regard des hypothèses initiales de plafond, c’est une somme de 26 M€ qui se trouve ainsi économisée sur le FED. Votre Rapporteure se félicite que cette somme n’ait pas été reversée au budget de l’Etat mais conservée sur ce même programme 209. Tout en ayant diminué, la contribution française au Fonds européen de développement continue de représenter un peu plus du quart des crédits de la mission, hors crédits de personnel, puisque 797 M€ y seront consacrés en 2012. Il est indiqué que ces 26 M€ seront redéployés en faveur de priorités sectorielles et géographiques, et notamment affectée à des projets mis en œuvre par l’UNICEF pour la scolarisation des filles au Sahel et en Côte d’Ivoire, à l’augmentation de la contribution française à l’UNRWA, ainsi qu’au financement du sommet de la francophonie à Kinshasa l’an prochain. Une participation accrue au Centre de Marseille pour l’intégration est également prévue et s’inscrit dans le cadre du soutien aux printemps arabes par le Partenariat de Deauville.

Enfin, la contribution française au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme est maintenue à 300 M€ sur le programme 209, cependant que les 60 M€ additionnels souhaités par le Président de la République seront financés par les recettes extrabudgétaires apportées par la contribution de solidarité sur les billets d’avion. Votre Rapporteure avait appelé de ses vœux un accompagnement des pays récipiendaires du Fonds Mondial dans l’instruction de leurs dossiers dans la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des programmes sur les trois maladies –VIH/Sida, paludisme et tuberculose. Elle se félicite que le gouvernement ait retenu cette idée et qu’un dispositif soit mis en place aux termes duquel jusqu’à 5 % de la contribution de la France au FMSTP seront réservés sur la période 2011-2013, soit 18 M€ par an. Cet accompagnement pourra prendre la forme d’un appui court/moyen terme par une assistance technique ciblée, ou, à plus long terme, d’appui au renforcement des capacités, mis en œuvre par France Expertise Internationale, au profit essentiellement des pays d’Afrique subsaharienne francophone les moins performants au regard des subventions du Fonds Mondial sida.

2) Les crédits de l’action n° 2 : la coopération bilatérale

Cette action est scindée en deux sous-actions, la coopération en matière de gouvernance, d’une part, notamment tournée en direction des Etats fragiles et en sortie de crise. Le lien entre sécurité et gouvernance est au centre de la stratégie française, comme internationale, et la France bénéficie d’une influence réelle sur ces thématiques, notamment en Afrique, principale bénéficiaire des actions de gouvernance. Les axes stratégiques en la matière reprennent les priorités fixées par le CICID, en consonance avec celles de l’agenda international : lien sécurité/développement ; lutte contre les grands trafics et la corruption ; réduction de la fracture urbaine et gouvernance foncière ; renforcement de la gouvernance financière. L’action n° 2 comporte également un volet coopération hors gouvernance, qui couvre les autres secteurs définis comme prioritaires par le CICID. Les instruments bilatéraux de réponse aux urgences humanitaires (Fonds d’urgence humanitaire et aide alimentaire) ainsi que les aides budgétaires et de sortie de crises accordées aux Etats fragiles, en relèvent, comme les projets mis en œuvre à Haïti à la suite du tremblement de terre de janvier 2010, en cours d’achèvement, ainsi que les projets gérés par la cellule Afghanistan/Pakistan.

Dans les crédits demandés, la part des dépenses de fonctionnement de l’action n° 2 s’élève à quelque 37,2 M€ en AE et 36,2 M€ en CP, stable ou en légère hausse par rapport à ce qui était demandé en 2011 : 36,9 M€ d’AE et 33,7 M€ de CP. L’essentiel permet de couvrir la rémunération de l’AFD, à hauteur de 28 M€ (AE=CP), selon la clef fixée dans la convention cadre de 2007, ainsi que les subventions pour charge de service public des GIP Esther pour 3,9 M€ (AE=CP), stables, et ENA (Education numérique en Afrique) pour 5 M€ d’AE et 4,1 M€ de CP ; la diminution de moitié des AE et de 40 % des CP par rapport à l’an dernier est conforme à la programmation des activités du GIP ENA. Sous la tutelle du MAEE et du ministère des solidarités et de la cohésion sociale, le GIP Esther reste le principal outil bilatéral de la France pour l’accès aux traitements des patients atteints de VIH/Sida. Le programme 209 n’assure qu’une partie de son financement, le reste étant à la charge du programme 124, « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales ».

En ce qui concerne les dépenses d’intervention, les AE demandées se répartissent entre les deux sous-actions de la manière suivante : en matière de gouvernance, la ligne « transferts aux ménages » est sans changement par rapport à 2011, avec 7,4 M€, AE=CP, pour le financement de bourses pour des étudiants étrangers, dans le cadre de formations ou stages à l’ENA et autres structures publiques. 3,3 M€, AE=CP, identiques à 2011, sont destinés aux échanges d’expertises. Un total de 9,65 M€ est prévu, AE=CP, notamment pour la mise en œuvre directe par le MAEE de projet en matière de gouvernance. La dotation prévue pour cette activité, 8,9 M€ est supérieure à celle demandée en 2011, la contribution de la France au centre de Marseille pour l’intégration étant désormais à hauteur de 2 M€, pour marquer, comme évoqué, la volonté de la France de contribuer aux processus de transitions démocratiques arabes, conformément à l’engagement du Président de la République à Deauville.

La coopération bilatérale hors gouvernance voit ses crédits fortement diminuer par rapport à 2011.

Crédits bilatéraux de la coopération hors gouvernance (68)

Les subventions projets représentent plus de la moitié des crédits de cette sous-action tant en AE qu’en CP. Il s’agit des interventions mises en œuvre par l’AFD (subvention-projets, assistance technique et subventions aux ONG) et par le Département via le Fonds de solidarité prioritaire (FSP). Le niveau des AE pour l’ensemble des dons-projets est maintenu sur le triennum, il augmente même de 4 % par rapport à 2011, avec 324,3 M€ demandés contre 311,8 M€ l’an dernier, en revanche, le CP diminuent fortement, de 389,3 M€ demandés en 2011 à 321,1 M€ cette année, soit – 17,52 %. Cette très forte baisse est notamment expliquée par le fait qu’il y avait eu l’an dernier une ouverture exceptionnelle de 27 M€ de CP au titre de la compensation de la dette de l'AFD, qui s’est ajoutée aux CP calculés à partir de la clef de décaissement, établie à partir des projets ouverts par l'AFD, sur la base des AE qui lui sont notifiées par le MAEE. Pour le reste, et selon les informations que votre Rapporteure a pu obtenir, le détail de la répartition de ces crédits est d’une année sur l’autre la suivante :

 

PLF 2011

PLF 2012

AE

CP

AE

CP

Subventions projet AFD

170

220,1

170

173,4

Assistance technique (hors transfert)

40

46,7

46,8

43,5

ONG

45

35,7

45

40,6

Transfert AT

6,8

6,8

12,5

1,2

Total AFD

261,8

309,3

274,3

258,7

FSP

50

80

50

62,4

TOTAL

311,8

389,3

324,3

321,1

Répartition des AE et CP des dons-projets des PLF 2011 et 2012, en M€ (69)

Il est précisé que, en ce qui concerne les autorisations d’engagement, la répartition des subventions se fera de la manière suivante : 170 M€ pour les subventions projets de l’AFD dont 48 M€ destinés à des projets en matière de réduction de la mortalité infantile et d’amélioration de la santé maternelle (OMD 4 et 5) dans le cadre de l’engagement pris par le Président de la République à Muskoka ; 59,3 M€ au titre de l’assistance technique dont 12,45 M€ correspondant au transfert de l’assistance technique (réengagement des contrats d’AT transférés en 2010 et poursuite du transfert en 2012, 8 ETPT) ; 45 M€ pour les subventions aux ONG, gérées par l’AFD depuis 2010 ; 50 M€ pour les projets FSP dont 25 M€ pour des projets à décaissement rapide en faveur des OMD 4 et 5 (« engagement Muskoka »).

En termes de crédits de paiement, la répartition, calculée sur le fondement d’une loi statistique sera la suivante : 173 M€ pour les subventions projets de l’AFD ; 41 M€ pour les ONG ; 62 M€ pour le FSP et enfin 45 M€ pour l’assistance technique dont 1,16 M€ correspondant au transfert d’assistance technique.

Votre Rapporteure note avec satisfaction la concentration croissante des crédits du FSP sur l’Afrique subsaharienne.

Répartition par zone géographique

2009

%

2010

%

2011

%

1er semestre

Afrique subsaharienne et océan indien

21 000 000

26%

11 970 000

50%

25 500 000

78%

Afrique du Nord et Moyen-Orient

2 600 000

3%

3 300 000

14%

2 800 000

9%

Asie –Pacifique

6 600 000

8%

6 580 000

28%

900 000

3%

Amérique et caraïbes

2 500 000

3%

372 000

2%

1 300 000

4%

Europe Centrale

5 400 000

7%

0

0%

0

0%

Mobilisateur/ ensemble de la ZSP

 

0%

1 528 000

6%

2 000 000

6%

Transfert des subventions ONG à l’AFD à partir de 2010

42 000 000

52%

 

0%

 

0%

TOTAL

80 100 000

100%

23 750 000

100%

32 500 000

100%

Cela étant, dans le même temps, les données chiffrées restent faibles, comme en témoigne le tableau ci-dessous, qui traduit des évolutions en volume qui ne sont pas particulièrement positives, compte non tenu de la chute de 2010, qui correspond pour l’essentiel au transfert des financement de projets d’ONG à l’AFD .

En M€

2009

2010*

2011

2012

AE

80,1

23,75

48,52

50,0

CP

102,7

61,9

78,31

62,47

Par ailleurs, selon les informations recueillies, en 2011, le Ministère des Affaires étrangères gère aujourd’hui très exactement 967 experts techniques internationaux (ETI), dont 209 volontaires internationaux (VI). Les deux tiers des effectifs sont affectés dans des pays membres de la zone de solidarité prioritaire, et 72 % d’entre eux travaillent sur trois secteurs de priorité : l’agriculture, l’éducation et la santé. 195 sont mis à disposition de structures régionales et multilatérales où ils constituent désormais notre principal vecteur d’influence. Près de la moitié de ces experts œuvrent dans le domaine de la gouvernance : appui à la mise en place de réformes institutionnelles, ingénierie administrative, conception de politiques de développement en liaison avec les bailleurs de fonds multilatéraux, élaboration de politiques de lutte contre la pauvreté. La moitié restante intervient dans les domaines de l’enseignement supérieur/recherche et de la culture/Francophonie.

Cela dit, et même si les prévisions établies pour l’année 2011 font apparaître une inversion de la tendance à la baisse des effectifs observée depuis 2008, la question de l’assistance technique est toujours, aux yeux de votre Rapporteure, aussi maltraitée dans notre politique d’aide au développement, car la réduction de postes par rapport à 2010 est de 168. En 2001, les effectifs s’élevaient à 2463 postes (dont 468 volontaires internationaux, VI). La baisse des effectifs en dix ans représente donc 60%, et les données du tableau ci-dessous se passent de tout commentaire. Toutes les régions du monde ont été concernées et seule l’Union européenne a vu le nombre d’experts mis à sa disposition augmenter. Si l’Afrique sub-saharienne concentre toujours 70 % de l’AT, c’est aussi la région qui a le plus souffert des baisses d’effectifs : en dix ans près des trois quarts des postes ont été supprimés. La zone Méditerranée et Moyen-Orient a vu décroître sa part relative des financements. La zone Amérique Latine et Caraïbes est la seule à voir le nombre d’ETI augmenter en 2010.

Le nombre des experts techniques internationaux (ETI) recrutés sur financement de l’Agence française de développement (AFD) et en poste au 31 décembre 2010 s’élevait à 145, soit une diminution de 25 % par rapport à l’année précédente (198 ETI), avec une perspective de 162 AT financés à la fin de l’année.

Géographies

2001

2011

Evolution

Amérique

128

75

- 53

- 41,4 %

Afrique du Nord et Moyen Orient

218

133

- 85

- 39 %

Asie

141

102

- 39

- 27,7 %

Afrique subsaharienne

1769

503

- 1266

- 71,6 %

Union européenne

68

108

40

+ 58,8 %

Europe hors UE.

139

46

- 93

- 66,9 %

Total

2463

967

- 1496

- 60,7 %

Evolution des effectifs de l’assistance technique entre 2001 et 2011 (70)

Comme on le sait, cette situation constitue une autre des singularités de notre APD qui se prive ainsi d’un instrument à la fois particulièrement efficace et permettant une très grande visibilité de notre pays, instrument dont ne se privent pas nos voisins, l’Allemagne en tout premier lieu, qui en emploie quelque 10 000, voire même plus selon les estimations, à l’instar du Royaume-Uni. Selon les informations que votre Rapporteure a obtenues, l’AFD réfléchit à la création d’un Fonds de coopération technique de 25 M€ qu’elle gérerait, qui serait abondé par une partie de ses dividendes. Ces ressources permettraient la mobilisation d’environ 1500 experts qui rejoindraient ceux qui ont été transférés du MAEE à l’agence. Quelles que soient les modalités qui pourraient être finalement retenues, votre Rapporteure est d’avis que cette question mérite d’être étudiée avec le plus grand soin et invite les tutelles de l’agence à y réfléchir.

Sans surprise, compte tenu de ce qui a été indiqué plus haut quant à la politique d’allègements de dettes, les crédits prévus pour les contrats de désendettement et de développement, C2D, sont en forte hausse par rapport à 2001 puisqu’ils passent de 78,3 M€ en AE=CP à 129,1 M€, AE=CP. Il s’agit ici de l’imputation budgétaire sur le programme des remboursements de créances portées par l’AFD. Pour 2012, les prévisions de décaissement des C2D ont été calculées sur la base des contrats signés et en cours d’exécution à la date d’établissement du projet de loi de finances (Mozambique, Ouganda, Bolivie, Tanzanie, Mauritanie, Ghana, Madagascar, Cameroun, Rwanda, Burundi, Congo et Malawi) et des besoins estimés par anticipation des contrats qui seront signés d’ici la fin de l’année 2011 ou au cours de l’année 2012 (Guinée, Côte d’Ivoire et République Démocratique du Congo).

Un certain nombre de rubriques voient leur crédits inchangés d’une année sur l’autre : AFPAK, le Fonds de coopération Pacifique et Haïti, dont les 10 M€ de CP, dernière tranche, permettront de poursuivre les actions engagées par l’AFD, à savoir la reconstruction de l’hôpital universitaire de Port-au-Prince et divers projets d’aménagement urbain.

Les crédits de l’aide budgétaire post-conflit et sorties de crise, ceux destinés à la coopération décentralisée, à l’aide alimentaire, au volontariat international ainsi qu’au fonds d’urgence humanitaire, sont identiques à ceux de l’an dernier, tant en AE qu’en CP. En matière de post-conflit, les crédits prévus visent à répondre aux urgences ponctuelles ; si l’attention était portée en 2011 sur des pays comme l’Afghanistan, le Soudan et les territoires palestiniens, il est indiqué pour 2012 un accompagnement aux processus électoraux africains. L’essentiel du volet « volontariat international » est destiné à France Volontaires, à hauteur de 12 M€.

Enfin, Canal France international, opérateur de la coopération audiovisuelle du MAEE, reçoit des crédits quasiment identiques à ceux de l’an dernier, en très légère diminution, pour près de 15 M€ en AE=CP.

3) Les crédits de l’action 5 : la coopération multilatérale

Ainsi qu’il a été indiqué plus haut, les crédits de la coopération multilatérale sont en très légère hausse avec 420,3 M€ demandés en AE et 442,2 M€ demandés en CP, contre respectivement 412,7 M€ et 434,6 M€ demandés en 2011.

En dépenses de fonctionnement, 5,3 M€ sont nécessaires en CP pour assurer le loyer annuel de la Maison de la francophonie, indexé sur l’indice national du coût de la construction, et pour lequel les AE, pour 52 M€ ont été budgétés en 2010, qu’il faudra évidemment réévaluer un jour.

Les dépenses d’intervention représentent 420,3 M€ en AE et 436,9 M€ en CP.

Votre Rapporteure relève notamment une augmentation des contributions volontaires au système onusien, de + 5,1 %, à 51,4 M€ en AE=CP, contre 48,9 M€ en 2011. Elle salue la rationalisation de notre effort et la concentration de ces contributions sur un nombre désormais restreint d’organisations internationales : le PNUD, le HCR, l’UNICEF et l’UNWRA. Le PNUD est aujourd’hui le premier bénéficiaire de ces contributions volontaires, et en reçoit le tiers. L’UNWRA devrait voir sa contribution augmentée de quelque 1,5 M€. La contribution versée à la Francophonie aurait dû être stable mais il est prévu un effort particulier de 5 M€ destiné au financement du XVIe sommet de la Francophonie qui se tiendra en 2012 à Kinshasa. Pour le reste, cette ligne comprend les parts obligatoire, 13,4 M€, et volontaire, 16 M€, de la contribution de la France à l’OIF.

Les crédits demandés pour renforcer l’expertise française auprès des organisations du système des Nations Unies, « Jeunes experts associés – Fonds fiduciaire », sont sans changement en AE et CP, de même que ceux destinés au Fonds mondial de lutte contre le sida, FMSTP, qui restent, sur ce programme, à 300 M€ en AE=CP. Comme on le sait, l’augmentation de 20 % de la contribution nationale souhaitée par le Président de la République sera acquittée par prélèvement sur la taxe sur les billets d’avion. L’« Initiative Fast Track » en matière d’éducation dans le cadre des OMD reçoit cette année encore 16,7 M€ en CP, les AE ayant été engagées en 2010, pour des décaissements prévus pour s’échelonner jusqu’en 2013.

4) Les crédits de l’action n° 7 : la coopération communautaire

797 M€ en AE=CP sont demandés pour l’année 2012 contre 804 M€ en 2011. Ils sont destinés à assurer la part de la France au fonctionnement du FED, auquel les contributions dues par les Etats membres sont obligatoires.

Par rapport aux estimations antérieures de la Commission européenne, telles qu’elles apparaissent dans le tableau reproduit ci-dessous, la diminution est conséquente, de – 26 M€.

Elle résulte, comme votre Rapporteure l’a indiqué, de la révision par la Commission de ses prévisions. Le plafond des contributions 2012 a finalement été établi à 4080 M€, par décision du Conseil 16971/10, au lieu de 4200 M€, comme cela avait été initialement décidé. En conséquence, la contribution de la France ne doit plus s’élever qu’à 797 M€, correspondant à 19,55 % de l’enveloppe globale révisée, selon la clef de contribution en vigueur pour le 10e FED en cours d’exécution.

5) Les crédits de l’action 8 : les dépenses de personnel concourant au programme « Solidarité à l’égard des pays en développement »

Si les crédits sont stabilisés, si le ministère des affaires étrangères et européennes voit aujourd’hui notamment reconnu l’effort de contraction de ses personnels qu’il a dû supporter dans les dernières années, anticipant les exigences de la RGPP, pour 2012, le PLF prévoit néanmoins une diminution des ETP de 169 sur l’ensemble du périmètre des programmes Action extérieure de l'Etat et Aide publique au développement.

En ce qui concerne celui-ci, la diminution est de 80 ETP, contre 150 l’an dernier, dont 30 sont transférés à l’Institut français, 50 aux EAF d’une quarantaine de pays, dans le cadre de la mise en œuvre de la fusion des services de coopération et d’action culturelle. S’y ajoutent 8 autres ETP transférés à l’AFD, sur les domaines des Biens publics mondiaux, en santé, éducation, agriculture et environnement.

La détermination des effectifs précis affectés au programme 209 est malaisée, car les agents de la DGM interviennent aussi fréquemment sur le programme « Diplomatie culturelle et d’influence ». Indépendamment de ceux qui travaillent à Paris, sont concernés aussi les personnels des 112 Services de coopération et d’action culturelle (SCAC) à l’étranger, chargés de la mise en oeuvre de la coopération bilatérale avec les pays et institutions partenaires, des 64 établissements culturels pluridisciplinaires, établissements dotés de l’autonomie financière, de 19 centres de recherche, qui interviennent surtout en matière de recherche en archéologie et en sciences sociales, du réseau des 178 alliances françaises, dans lesquels le MAEE affecte des personnels expatriés, soit en 2011, 252 agents expatriés (178 contractuels et 74 volontaires internationaux) et enfin de l’assistance technique mise à la disposition des institutions des pays partenaires.

D – Les crédits du programme 301 : Développement solidaire et migrations

1) Considérations générales

Le programme 301, désormais exécuté par le ministère de l’intérieur depuis la disparition du ministère de l’immigration en novembre 2010, connaît peu de modifications par rapport au PLF 2011.

Les AE et les CP demandés sont identiques, 28 M€, et seront destinés à la mise en œuvre les accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire dont le nombre n’a pas varié d’une année sur l’autre malgré les souhaits du gouvernement, malgré le traitement préférentiel possible au profit des pays signataires en matière d’APD.

Présentation des crédits par titre et par catégorie (71)

Les crédits demandés abonderont également la mise en œuvre des projets de développement dans les pays d’origine des flux migratoires, garantiront le maintien d’un appui au retour des migrants qui, avec le soutien de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), créent un projet économique dans leur pays. Ils sont comparables en ordre de grandeur, voire même souvent considérablement supérieurs, selon les informations qu’a recueillies votre Rapporteure, avec ceux engagés pour le codéveloppement par nos principaux partenaires qui interviennent sur les mêmes thématiques.

Comme les années précédentes, le programme est divisé en trois actions et oriente son activité en direction des zones d’émigration d’un certain nombre de pays prioritaires, les mêmes que l’an dernier, auxquels s’est ajouté, dans la liste indicative figurant dans les documents budgétaires, le Suriname. (72)

Comme les années précédentes également, l’ambition du programme est tout d’abord de soutenir en premier lieu les projets portés par des migrants en faveur du développement de leurs pays d’origine, quelles que soient la nature et les modalités de leur contribution. Ces projets sont sélectionnés prioritairement sur les 5 axes suivants : développement local des régions de fortes migrations ; promotion de l’investissement productif, y compris en facilitant la réinsertion des migrants ; mobilisation des diasporas, en particulier l’aide à des missions d’experts ; soutien à des initiatives de la jeunesse ; transferts de fonds des migrants. En second lieu, les projets participant dans ces pays à une meilleure maîtrise des flux migratoires, à savoir les politiques sectorielles (santé, formation, gouvernance, en particulier état-civil, etc.) menées dans le cadre des accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire.

Il n’est pas inutile de rappeler ici que les dispositions légales que notre pays avait adoptées il y a quelques années en faveur de l’épargne des migrants ont été supprimées dans la loi de finances pour 2011 (article 107 de la loi 2010-1657 du 29 décembre 2010), qui avaient révélé leur inadéquation aux réalités des besoins, comme votre Rapporteure avait eu l’occasion de le souligner dans un de ses précédents avis.

2) Les crédits des actions du programme

L’action n° 1, « Aides multilatérales au développement solidaire », concrétise le soutien de la France à la création d’un fonds multi-donateurs pour l’initiative " Migration et Développement " portée conjointement par la Banque africaine de développement (BAfD) et le Fonds africain de développement (FAD). Les AE correspondantes, de 6 M€, avaient été engagées en 2008 et les CP correspondants ont été régulièrement payés à leur échéance. Le solde, de 80 000€ sera réglé d’ici à la fin de l’année et cette opération multilatérale entre la France et la BAD sera alors close. Aucun AE ni CP ne sont donc demandés pour 2012.

L’action n°°2, « Aides à la réinstallation des migrants dans leur pays d’origine », se voit dotée de 2,5 M€, AE=CP. Ces dépenses d’intervention sont versés à l’OFII qui, sous tutelle du ministère, intervient dans l’aide au montage, le soutien financier, l’accompagnement et le suivi des projets portés par des migrants créateurs d’entreprises souhaitant se réinstaller dans leur pays d’origine après avoir séjourné en France.

L’établissement travaille en lien avec les préfectures et, dans les pays d’origine des migrants, avec les ambassades. Il est précisé que le nombre de projets de réinsertion validés et financés par l’OFII s’est progressivement accru, passant de 347 en 2007 à 561 en 2009 puis à 1383 projets en 2010. Cette augmentation est liée aux projets de réinsertion acceptés dans le cadre de la convention OFII/Organisation internationale des migrations (OIM), qui cible la réinstallation dans des pays connaissant des flux migratoires importants vers la France.

Au premier semestre 2011, 146 projets avaient été acceptés. Il est indiqué qu’une diminution du nombre de projets est attendue pour 2011, en raison de l’arrêt de la mise en oeuvre de la convention signée avec l’OIM. Les crédits demandés sont néanmoins identiques à ceux de l’an dernier.

L’action N° 3, « Autres actions bilatérales de développement solidaire », enfin, est dotée en 2012 de 25,5 M€, AE=CP. Ces crédits sont destinés à soutenir, d’une part, les projets participant à une meilleure maîtrise des flux migratoires, dans les pays d’origine des migrants, et d’autre part, ceux portés par des migrants en faveur du développement économique et social des pays d’origine, quelles que soient la nature et les modalités de leur contribution. Il a été prévu pour la période 2011-2013 70 M€ en AE et 68,3 M€ en CP pour le soutien de ces accords.

La tranche 2012, comme celle de 2011, permettra la poursuite de la mise en œuvre des accords de partenariat signés avec le Cameroun, le Bénin, le Congo Brazzaville, le Cap-Vert et le Burkina Faso, ainsi qu’avec le Sénégal et la Tunisie. Dans ce cadre, des actions de soutien aux secteurs suivants sont prévues :

Santé : Bénin, Cameroun et Burkina Faso ;

Formation professionnelle : Tunisie et Cameroun ;

Enseignement supérieur : Tunisie, Cameroun, Burkina Faso et Congo ;

Appui à la création d’entreprises dans les pays africains ayant signé un accord ;

Mobilisation des associations de migrants : Sénégal, Cap Vert et Cameroun.

Il est précisé que, en parallèle à la mise en oeuvre des accords, cette action soutient aussi des projets des collectivités territoriales, des organisations de solidarité issues de la migration ou des organisations de solidarité internationales pour faire émerger des projets de développement modestes mais ayant un impact concret et immédiat sur les conditions de vie des populations. Ces projets impliquant des migrants préparent le terrain pour de futurs accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire. Ils sont par conséquent conduits prioritairement dans les pays avec lesquels des négociations sont en cours et qui présentent un enjeu migratoire important pour la France, notamment au Mali, au Maroc, en Haïti et aux Comores. Un montant de 3 M€, AE=CP, y sera consacré.

CONCLUSION

En quelques années, l’aide publique au développement a considérablement évolué. Elle se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins : à l’exigence de solidarité internationale envers les plus déshérités s’est ajoutée celle de la gestion collective des biens publics mondiaux ; s’est imposée la nécessité de faire face à des enjeux toujours plus nombreux et d’une importance cruciale, dans une conjoncture budgétaire plus difficile que jamais.

Le renforcement de l’efficacité de l’aide s’impose donc plus que jamais. Pour cela, un effort de coordination entre acteurs, du Nord et du Sud et la mise en œuvre de véritables partenariats entre donateurs et bénéficiaires sur la base des stratégies nationales de développement que ceux-ci définissent, sont indispensables. Certes, ces thématiques sont bien connues, répétées à longueur de conférences internationales depuis dix ans. Mais il est essentiel que la réunion de Busan soit l’occasion d’un changement d’échelle qui permette de mieux traduire dans les faits discours et bonnes intentions. Efficacité et qualité doivent être au cœur des préoccupations afin que l’aide soit à la hauteur des défis contemporains.

A son tour, la question des modes de financement de l’aide au développement n’en est également que plus brûlante. Nul ne peut aujourd’hui ignorer la réalité de la crise budgétaire que l’ensemble de nos pays traversent. Aujourd’hui, au-delà des incantations en faveur du taux de 0,7 % de RNB consacré à l'APD, le véritable plaidoyer doit désormais porter sur les financements innovants.

Pour le dire autrement, il s’agit de ne plus se bercer d’illusions, et d’avoir le courage politique de tenir un discours de transparence et de sincérité, sans artifices comptables, en cohérence avec nos réelles possibilités budgétaires, et sans renoncer à nos engagements. Mais qu’on le veuille ou non, les contributions des pays donateurs ne suffiront pas pour relever la multiplicité des défis du sous-développement. Chacun sait bien qu’il ne peut en être autrement, et que les fonds innovants constitueront d’ici peu une part déterminante de l’effort international consacré au développement.

C’est pourquoi votre Rapporteure veut saluer comme elle doit l’être la démarche de notre pays en ce sens. Après le succès de la taxe sur les billets d’avion, elle formule le vœu que son leadership sur la scène internationale convainque ses partenaires d’adopter celle sur les transactions financières qui permettra l’obtention de ressources considérables en faveur du développement.

Au terme de son analyse, votre Rapporteure salue donc la double démarche du gouvernement qui mène ce plaidoyer indispensable sur la scène internationale tout en maintenant son effort budgétaire en stabilisant les crédits de la mission APD dans le PLF 2012. Elle vous demande d’adopter les crédits de la mission aide publique au développement.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères examine pour avis, sur le rapport de Mme Henriette Martinez, les crédits de la mission Aide publique au développement du projet de loi de finances pour 2012 au cours de sa séance du mercredi 2 novembre 2011.

Après l’exposé du rapporteur pour avis, un débat a lieu.

M. Jean-Louis Christ. Je voudrais d’abord féliciter notre rapporteure qui a toujours beaucoup de rigueur dans son analyse. Nous pouvons effectivement nous réjouir que la France reste grand contributeur. J’ai deux questions. Premièrement, comment le pilotage de l’aide publique au développement que vous avez évoqué peut-il être amélioré ? Deuxièmement, cela avait fait l’objet de débats dans notre commission, les dividendes de l’Agence française de développement lui sont-ils désormais affectés ?

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis. Le pilotage de l’aide apparaît complexe. Il est régi par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, qui se réunit théoriquement tous les deux ans et aurait dû se réunir en juin dernier. Il est présidé par le Premier ministre et cordonne les politiques des différents ministères. Ce comité s’est réuni en juin 2009 et a défini dans le document de pilotage de grandes orientations, auxquelles personnellement j’adhère. Je pense qu’on ne peut qu’y adhérer en termes géographique et sectoriel même s’il y a quelques améliorations à apporter sur le plan géographique. Il y a également le document stratégique et le document de l'Agence française de développement. Il y a donc beaucoup de documents différents dont la cohérence n’est pas forcément évidente.

Je regrette que notre commission n’examine que 3,3 milliards d’euros sur les 10 milliards de crédits de l’aide publique au développement. Les autres crédits dépensés par d’autres ministères ne sont pas analysés dans l'esprit du CICID et par rapport aux objectifs fixés par le gouvernement. Les ministères ne participent pas tous au CICID et on a l’impression qu’ils ont des politiques de coopération qui ne sont pas coordonnées et qui ne contribuent pas forcément à l'objectif de ce dernier. C’est là que réside la complexité : deux tiers des crédits de l’aide publique au développement échappent donc au vote de la mission « Aide publique au développement » et ne peuvent être contrôlés.

Sur les dividendes de l'Agence Française de Développement, nous avons demandé que cette question soit réglée depuis des années, et encore cette année lors de la définition du contrat d’objectifs et de moyens de l'AFD. Elle n'a pas été intégrée dans le COM et nous l’avons tous regretté. Néanmoins, ce dernier a été accompagné d’une lettre du ministère des finances précisant les modalités selon lesquelles l’Etat laissera une partie des dividendes à l'AFD. Je remercie à ce propos le Président de la commission de s’être fait l'écho de notre volonté en adressant un courrier à Bercy. Ce n’est pas dans les proportions que nous avions souhaitées mais l'Etat prélèvera finalement 75 % du résultat net de l’agence jusqu'à 75 millions d’euros et 50 % entre 75 et 140 millions d’euros. Plus les rentrées d’argent de l’agence sont importantes et plus elle y gagne. Au-delà de 140 millions d’euros, rien n’est prévu.

M. Serge Janquin. J’avais observé l’année dernière que le rapport de Mme Martinez avait été précédé par un avertissement cinglant qui n’a pas été suivi d’effets. J’ai donc beaucoup de respect et de considération pour le travail qu’elle fait dans des conditions aussi inacceptables. Nous avons aussi l’impression d’être méprisés et de ne pas travailler dans des conditions convenables. Si je présentais un projet de budget devant mon conseil municipal dans ces conditions, il ne serait pas adopté et ferait tout de suite l’objet de tous les recours. J’espère que les regrets que vous avez formulés l’année dernière et cette année ne seront pas des regrets éternels.

Sur le financement de l’aide publique au développement dans le secteur de l'eau, la France s’était engagée en passant de 104 millions d’euros en 2001 à 559 millions en 2002 mais la part des dons est passée de 48 % à 11 %. L’aide est surtout constituée de prêts, en milieu urbain, au profit d’Etats solvables, ce qui n’est pas du tout conforme aux objectifs du millénaire pour le développement et à la pratique de nos partenaires. Comment peut-on justifier la singularité de la politique française, notamment à propos de l'Afrique subsaharienne alors que l’Afrique va être le principal moteur de la croissance démographique mondiale et que nous aurons du mal à assurer l’approvisionnement en eau et son traitement ?

Concernant le financement de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement, la France s'est engagée à Copenhague à verser 1,26 milliard d’euros sur la période 2010 à 2012. Le Président de la République avait précisé que 20 % seraient alloués à des actions de réduction des émissions liées à la déforestation dans ces pays. Où en est-on de la consommation des crédits des financements en cause ? J’ai l’impression que tout n’avance pas comme il aurait été souhaitable.

Ma dernière question porte sur les financements innovants, qui ne seront pas toujours utilisés conformément à leurs objectifs. La mise en place d’une taxe sur les transactions financières est envisagée par plusieurs pays. Elle est censée financer les agences sociales et environnementales mondiales. A-t-on des garanties de la part du Gouvernement que cette taxe sera additionnelle et que le produit sera affecté aux objectifs initialement définis ?

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis. Concernant la question de l’eau, je ne peux pas vous donner de chiffres. La part globale des dons est en effet très réduite : 321 millions en crédits de paiement et 324 millions en autorisations d’engagement. Les dons sont réservés à des secteurs et pays prioritaires et conformes aux objectifs du CICID : 67 % vers les pays les moins avancés et 61 % vers l’Afrique subsaharienne. Ils sont plutôt affectés aux secteurs sociaux et éducatifs qu'on ne peut financer par les prêts. Dans le secteur de l’eau, on a en effet plutôt tendance à utiliser des prêts, quitte à avoir des prêts concessionnels car on peut les amortir à long terme.

Concernant les financements contre la déforestation, je n'ai pas de réponse précise à vous donner. Une partie des crédits de l'écologie sont sur l'aide publique au développement et l’autre sur le ministère de l'Ecologie.

Sur la taxe sur les transactions financières, je me pose la même question que vous. J’ai participé à une réunion organisée dans le cadre du G20 la semaine dernière, ouverte par le Président de la République et présidée toute la journée par M. Henri de Raincourt. Les propos du Président de la République ont été très clairs : ces financements seront utilisés pour financer le développement. Je n’ignore pas que des tentatives de récupération existent et il faut rester vigilant. Les ambitions du gouvernement sont claires pour mettre en place cette taxe. Nous n’en sommes pas à discuter son montant. La France doit être dans un groupe pilote et on doit garantir son affectation au développement et à la préservation des biens publics mondiaux. Le Président de la République avait dit l’année dernière au sommet d’Addis Abeba qu'elle serait mise en place avant la fin de l'année à l’initiative de la France avec un petit groupe de pays. Nous espérons donc une bonne nouvelle au sommet de Cannes.

M. François Asensi. Je voudrais remercier la rapporteure et saluer la rigueur intellectuelle avec laquelle elle mène chaque rapport dans cette commission. C’est un budget de reconduction, nous sommes loin d'atteindre les objectifs du millénaire pour le développement et le taux de 0,7 % du produit intérieur brut affecté à l’aide publique au développement. Je rappelle les objectifs du millénaire pour le développement : réduire la pauvreté, assurer l’éducation primaire pour tous, réduire la mortalité infantile, combattre le sida et les épidémies.

Le budget, s'il reste stable dans les crédits de paiement, diminue dans les crédits d’engagement. En 2008, le budget de cette mission était de 7,5 milliards d’euros contre 3,3 milliards aujourd’hui selon l’OCDE. Les allégements de dette ne contribuent pas directement à la lutte contre la pauvreté, ni même les prêts à taux faibles. J'observe qu'il y a un ciblage sur certains pays d'Afrique dont on peut s'interroger sur l'utilisation des fonds. Je vous cite M. Biya, le dictateur du Cameroun, dont le pays est le 3ème bénéficiaire de l’aide publique au développement.

La réduction des crédits de coopération multilatérale et la baisse des aides apportées aux organisations non gouvernementales sont à noter. Ces dernières veulent un ciblage plus précis des crédits de l'aide publique au développement, qui est actuellement plus ciblée sur certains pays à revenus intermédiaires. Que viennent faire l’aide apportée pour l’électrification d’une ligne de chemin de fer en Chine ou l’aide pour la construction d’un tramway aérien en Colombie ? Ce budget de reconduction n’est pas à la hauteur des besoins. Pour ces raisons, nous ne le voterons pas. Nous sommes attachés depuis longtemps à la taxe sur les transactions financières, j'espère qu'il y aura des avancées au G20 à Cannes. Sinon, c'est à désespérer de la solidarité internationale et du besoin d’aider les pays en difficulté.

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis. Tout en respectant l’avis émis par notre collègue, je souhaite apporter certaines précisions. D’abord, concernant les CP et les AE, il convient de les apprécier dans le cadre du triennum, car sur trois ans on s’y retrouve. Concernant les annulations de dettes, dès lors qu’il y a des C2D, on concourt à la baisse de la pauvreté par les actions mises en œuvre en contrepartie du désendettement. Concernant le budget des ONG, il est passé depuis le début de la législature, en pourcentage de l’APD, de 1,54 %, à 2,08 %, après 2,18 et 2,28 % en 2008 et 2009. Enfin, s’agissant du métro de Medellin, il a été construit par une entreprise française, Alstom, au moyen d’un prêt dans le cadre de la reconstruction d’un bidonville et il semble avoir transformé la vie des habitants. Il y a bien sûr des intérêts économiques, mais il y a aussi un savoir-faire français en matière d’urbanisme. Si des prêts permettent des transferts de compétences, pourquoi pas, mais il est vrai qu’ils viennent gonfler artificiellement le montant de l’APD française.

Le président Axel Poniatowski. Si le métro de Medellin n’avait pas été financé par un prêt APD, Alstom n’aurait pas pu en assurer la construction.

M. Jacques Myard. C’est donc que ce n’est pas de l’APD.

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis. Ce sont des cofinancements.

M. Michel Terrot. Je souhaiterais féliciter la rapporteure et lui poser trois questions. D’abord, l’augmentation en faveur du Fonds mondial devait être de soixante millions d’euros. Or, il est question de 40 millions d’euros financés par la taxe sur les billets d’avion. Comment est financée la différence ? Lorsque j’avais interrogé il y a quelques mois le ministre de la coopération, il m’avait été répondu que le financement serait assuré, non par cette taxe, mais par des financements innovants, parmi lesquels la taxe sur les transactions financières. Ce n’est pas le cas, même si l’on peut espérer une avancée au G20 de Cannes.

Ensuite, dans le rapport sur l’aide au développement de M. Jean-Paul Bacquet et Mme Nicole Ameline, la baisse des contributions au FED était bien plus importante que les 26 millions que vous avez évoqués. On avait également compris que si des économies étaient constatées, elles seraient sanctuarisées et viendraient abonder des actions bilatérales. Or, une grande partie des 26 millions servira à financer l’Unicef.

Enfin, parmi les quatorze pays prioritaires, ne figure pas le Burundi, pays francophone, alors qu’un pays comme le Rwanda qui a rejoint le Commonwealth y figure. Cela fait plusieurs années que je plaide en faveur de l’intégration du Burundi à cette liste et je souhaiterais que cette position soit encore relayée.

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis. Concernant le Fonds mondial, la contribution est de 360 millions, dont 60 millions d’augmentation financée par la taxe sur les billets d’avion. La différence s’expliquerait par l’augmentation prévisionnelle du produit de la taxe.

Concernant le FED, la contribution a beaucoup diminué, en 2011 déjà. Comme l’an passé, on constate des économies mais la contribution est faite sur cinq ans et le décaissement est variable d’une année sur l’autre. Le montant est cette année de 26 millions d’euros. Quant à leur affectation partielle à l’Unicef, c’est pour du bi-multi, c'est-à-dire une délégation donnée dans le cadre bilatéral à une agence multilatérale. Je soutiens pleinement l’intégration du Burundi parmi les pays prioritaires. Cela apparaît comme une évidence. Nous l’avons tellement dit que j’ai bon espoir que cela aboutisse au prochain CICID si l’on persévère.

M. Jean-Paul Bacquet. Je souhaite également féliciter la rapporteure. Comme chaque année son rapport est de grande qualité et elle n’hésite pas, malgré son appartenance à la majorité, à égratigner le Gouvernement sur les décisions qu’il ne prend pas. Je voudrais m’associer à sa satisfaction car nous avons été entendus. Pas beaucoup, mais les parlementaires ont été si longtemps exclus du débat sur la coopération qu’on peut apprécier le peu d’avancées qui ont été faites. Sur le FED, Michel Terrot a raison, on n’est pas du tout à la hauteur des engagements qui avaient été pris. Sur les intérêts des prêts de l’AFD, on a obtenu qu’une petite partie soit réaffectée à l’action bilatérale. C’est peu mais c’est la première année que cela se fait et on aurait tort de ne pas le souligner.

Sur l’efficacité en revanche, je suis plus réservé. Nous avons tous souligné qu’il fallait plus d’efficacité, ce qui implique plus de visibilité. Or l’opacité perdure concernant les ONG. Dans des pays comme le Niger ou ailleurs, la multiplicité des intervenants, qui font tous la même chose ou finissent par ne plus rien faire du tout, pose question. De la même façon, le manque de coordination de la coopération décentralisée nuit beaucoup à son efficacité. Enfin, nous ne sommes pas d’accord les uns et les autres sur le pourcentage du PIB consacré à l’APD, dont tout le monde s’accorde à dire qu’il n’est pas 0,7 %, car la lisibilité n’est pas assurée.

M. Jacques Myard. Je souhaiterais des précisions sur quelques chiffres. Combien représentent les milliards d’aide publique au développement en pourcentage du PIB ? Y en a-t-il une partie affectée aux territoires d’outre mer ? Quelle est la part des dons dans ce total ?

Mme Henriette Martinez, rapporteur pour avis. L’APD représente 0,5 % du PIB. Wallis et Futuna bénéficient de l’APD pour des montants que je pourrai vous communiquer. Enfin, sur les dix milliards, les dons représentent une enveloppe de 321 millions en CP et 324 millions en AE, le reste prenant des formes diverses : annulations de dettes, prêts, écolages, aide aux réfugiés, etc. C’est la structure de l’APD qui compte, plus que le pourcentage.

M. Jean-Paul Lecoq. Je tiens à féliciter notre rapporteure qui sait faire preuve de ténacité pour des enjeux qui en valent la peine. La question du pilotage de l’aide publique au développement est essentielle. On évoque souvent le manque de coordination de l’aide au développement conduite par les collectivités territoriales, mais c’est aussi l’aide nationale qu’il faut coordonner au mieux. Ce pilotage doit concerner l’ensemble de l’aide, et pas seulement le tiers inscrit sur cette mission et s’accompagner d’une grande lisibilité. En effet, mal expliqués, des dispositifs peuvent déclencher des réactions de rejet. Ainsi, comment comprendre que la France accorde de l’aide au développement à la Chine, alors que, dans le même temps, l’Union européenne recourt à son appui financier pour sauver l’euro ? Il faut toujours préciser à quoi l’aide est utilisée. Il me semble que la commission devrait exiger d’avoir toutes les informations nécessaires et qu’un pilotage réel soit mis en place.

M. Jean-Pierre Kucheida. L’aide publique au développement manque de lisibilité, même si la rapporteure fait preuve d’un grand sens de la pédagogie. La coopération décentralisée doit être davantage soutenue et coordonnée car elle permet de démultiplier la capacité d’action. Par exemple, après le tremblement de terre à Haïti, beaucoup de personnes voulaient faire quelque chose pour aider les populations touchées, mais il n’y avait personne pour coordonner leurs initiatives. Je partage l’avis de M. Terrot sur le Burundi : il faut absolument l’intégrer dans la zone de solidarité prioritaire, afin de soutenir davantage le travail déjà effectué par des gens remarquables.

M. François Rochebloine. Pourriez-vous nous préciser quels sont les financements accordés à des ONG et les principales bénéficiaires, quels sont les critères d’attribution et les contrôles effectués ? De nombreuses associations se sont mobilisées pour aider les enfants d’Haïti, mais des difficultés de gestion sont apparues.

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis. Sur l’AFD, des progrès importants ont été enregistrés au cours des dernières années : elle fournit ses comptes, son directeur général est entendu régulièrement, elle tient au courant les parlementaires les plus intéressés par sa lettre « Parlementaires et développement » et à travers des invitations fréquentes, elle diffuse largement ses documents, que les commissions peuvent examiner…

L’Etat participe aux efforts des collectivités territoriales en matière de coopération décentralisée à hauteur de 9,8 millions d’euros par an. Un délégué à la coopération décentralisée assure leur coordination.

Les ONG les plus soutenues sont les plus grandes, à l’exemple de Solidarité internationale, Action contre la faim, Amnesty international, l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT)… Il y a deux ans, j’avais déposé un amendement pour que 5 % de la contribution versée au Fonds mondial sida soient utilisés par l’intermédiaire d’ONG françaises ou francophones. Je l’avais retiré contre l’engagement du Gouvernement de reconsidérer cette question au moment de la reconstitution du Fonds. Cela a été fait et il est désormais acquis que 5 % de ce fonds transiteront par des ONG ou des structures françaises, sous la responsabilité de France Expertise Internationale.

Conformément à l’avis du rapporteur pour avis, la commission émet alors un avis favorable à l’adoption des crédits Aide publique au développement pour 2012.

ANNEXES

Annexe 1

Crédits 2012 de la mission APD, en M€

 

AE

CP

TOTAL MISSION APD

2726

3311

     

Les crédits du programme 110

627,7

1191,9

Bilatéral

351,2

371,7

Dont bonifications prêts AFD

321,2

321

Multilatéral

170,2

721,7

Dont AID + Banque mondiale et FMI

 

434,2

Dont FAD

92,5

154,9

Dont Fonds sectoriels

 

11,7

Compensation annul. dettes

106,2

98,5

Dont bilatérales

 

61,4

Dont multilatérales

105,8

37,1

     

Les crédits du programme 209

2090,4

2113,3

Bilatéral

650,5

651,3

Rémunération AFD

28

28

Dons projets

324,3

321,1

Coopération décentralisée

9,8

9,8

Aide alimentaire et urgences

46

46

Volontariat international

21,6

21,6

Multilatéral

420,3

442,2

Nations Unies (contrib. volont.)

51,4

51,4

OIF

61

61

Fonds mondial sida

300

300

Union européenne (FED)

797

797

Dépenses de personnel

222,7

222,7

     

Les crédits du programme 301

28

28

Dont bilatéral

25,5

25,5

Annexe 2

Liste des personnalités rencontrées par votre Rapporteure

M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, accompagné de MM. René Troccaz, directeur-adjoint du cabinet et Moncef Follain, conseiller G8, santé et éducation, et de Mmes Virginie Bleitrach, conseillère APD, Alhem Friga-Noy, conseillère Afrique, et Christelle Celas de Salengre, conseillère parlementaire

M. Andrew Mitchell, secrétaire d’Etat britannique du développement international, accompagné de Mme Michelle Edwards, chef-adjointe de cabinet, et MM. Richard Parr, conseiller spécial et Anthony Smith, directeur des relations internationales, DFID

M. Serge Tomasi, directeur de l’économie globale et des stratégies du développement, accompagné de M. Alexandre Ziegler, chef du service des programmes et du réseau et Melle Claire Bodonyi, chef de la mission des programmes, MAEE

M. Rémy Rioux, sous-directeur des affaires financières internationales et du développement, service des affaires multilatérales et du développement à la Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE), accompagné de Melle May Gicquel et de M. Laurent Weill, adjoint

M. Dov Zerah, directeur général de l’Agence française de développement, accompagné de MM. Stéphane Foucault, secrétaire général, Arthur Germond, conseiller du directeur général et Hervé Gallèpe, chargé des relations parlementaires

Pierre Duquesne, ambassadeur chargé des questions économiques de reconstruction et de développement

M. Gustavo Gonzalez-Canali, sous-directeur de la santé et du développement humain, direction des biens publics mondiaux, MAEE

M. Serge Michailof, professeur à l’IEP de Paris

M. Daniel Verger, directeur exécutif de Coordination Sud, accompagné de Mmes Flore Tixier, chargée de mission APD et Anne Chetaille, commission climat, GRET, et de MM. Sébastien Fourmy, chef de file de la commission APD, Oxfam France, et Vincent Brossel, commission APD, Comité catholique contre la faim dans le monde

Mme Cécile Molinier, directrice du bureau du PNUD, Genève

Mme Aline Coudouel, économiste, Banque mondiale

Annexe 3

Données statistiques

Aide publique au développement nette des membres du CAD en 2009 (73)

a) Compte tenu de l'inflation et des fluctuations des taux de change

Part des dons d’allègements de dettes dans l’APD nette des membres du CAD (74)

APD nette par pays du CAD, versements nets aux prix et taux de change courants (75)

APD nette par pays du CAD, versements nets aux prix et taux de change courants, en % du RNB

APD des pays du CAD aux pays les moins avancés, versements nets

(Y compris les apports multilatéraux imputés, c'est-à-dire compte tenu des contributions acheminées par l'intermédiaire des organismes multilatéraux, telles qu'elles ressortent de la répartition géographique des versements de ces derniers pour l'année de référence)

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