N° 3809
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 octobre 2011.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2012 (n° 3775)
TOME V
DÉFENSE
PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES
MARINE
PAR Mme Marguerite LAMOUR,
Députée.
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Voir le numéro : 3805 (annexe n° 11)
S O M M A I R E
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Pages
A. L’ACTIVITÉ DES FORCES 9
B. L’ENTRETIEN ET LA DISPONIBILITÉ 16
1. Le fonctionnement courant et l’entretien des matériels 16
2. Une attention particulière au démantèlement des navires 19
3. La disponibilité 21
C. LES RESSOURCES HUMAINES 23
1. La déflation des effectifs se poursuit 23
2. Un recrutement exigeant 25
3. La condition militaire 28
II. — UNE MARINE EN PLEINE MUTATION, AU RENDEZ-VOUS DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 31
A. LES GRANDS PROGRAMMES D’ÉQUIPEMENT 31
1. La force océanique stratégique 31
2. La composante frégates 32
3. Le porte-avions et la composante aéronavale 33
4. Les autres bâtiments de surface 33
B. LA RÉFORME DU SOUTIEN 35
TRAVAUX DE LA COMMISSION 39
I. — AUDITION DE L’AMIRAL BERNARD ROGEL, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE LA MARINE 39
II. — EXAMEN DES CRÉDITS 53
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 57
Avec l’engagement dans l’opération Harmattan, qui vient de s’achever sur un succès total, la marine a connu une année 2011 exceptionnelle. Pour la première fois depuis douze ans, et l’opération Trident au Kosovo – certains disent même depuis l’opération Mousquetaire en 1956 –, la marine a engagé toutes ses composantes dans une opération de guerre.
S’il est encore trop tôt pour dresser un bilan complet de cette opération, on peut d’ores et déjà trouver des motifs de satisfaction dans la force morale des équipages, la qualité des entraînements et la disponibilité du matériel. Avec un préavis très court, la marine a répondu présente et s’est engagée de toutes ses forces dans l’opération.
De ce point de vue, l’opération Harmattan a permis de confirmer la validité des choix opérés par la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 : les équipements sont au rendez-vous et la nouvelle organisation du soutien, à travers ici la base de défense de Toulon, a donné pleinement satisfaction.
Cette guerre en Libye va surtout marquer durablement toute une génération de marins, comme votre rapporteure a pu le constater au cours de ses déplacements à Brest et Toulon. Alors qu’ils étaient pour beaucoup cantonnés à des actions de sauvegarde maritime, leur participation à une guerre, avec des objectifs clairs et au service d’une cause louable, redonne tout son sens à leur engagement.
On ne peut cependant pas passer sous silence quelques sujets d’inquiétude. Si le format de notre flotte était suffisant pour répondre aux exigences opérationnelles, il n’en demeure pas moins que plusieurs autres missions de la marine ont dû être adaptées ou annulées. Surtout, les conséquences sur l’usure des bâtiments entraîneront un surcoût du maintien en condition opérationnelle qui risque de peser, à terme, sur la disponibilité des bâtiments.
Malgré un contexte budgétaire exceptionnellement difficile, la fragilité des équilibres de la marine impose de poursuivre les réformes engagées depuis cinq ans et de ne pas remettre en cause les grands programmes d’équipement entrepris. Des choix qui seront effectués en 2012 dépendra la capacité de la France à continuer à peser sur les équilibres du monde, comme elle a su si bien le faire cette année.
Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2011, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, 50 réponses étaient parvenues, soit un taux de 94 %. |
Au sein du programme 178, l’action 3, « Préparation des forces navales », a pour objectif de maintenir la capacité de la marine à assurer les missions qui lui sont confiées, notamment dans le cadre interarmées, interministériel et international.
Avec 4 544,9 millions d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 4 209 millions d’euros de crédits de paiement (CP) inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012, la marine représente désormais près d’un cinquième, 19,8 %, des crédits de ce programme.
Sur l’ensemble de l’action, les crédits se répartissent ainsi entre les différents titres.
Évolution des crÉdits allouÉs À la prÉparation (en millions d’euros) | ||||
Titre |
LFI 2011 |
PLF 2012 | ||
AE |
CP |
AE |
CP | |
2 |
2 492,2 |
2 492,2 |
2 339,8 |
2 339,8 |
3 |
1 696,4 |
1 703,7 |
2 167,2 |
1 833,9 |
5 |
34,4 |
29,7 |
37,9 |
35,3 |
6 |
0,005 |
0,005 |
0 |
0 |
Total |
4 223,01 |
4 225,61 |
4 544,9 |
4 209,0 |
Source : ministère de la défense et des anciens combattants. |
Conformément à la trajectoire initiée par la loi de programmation militaire, les dépenses du titre 2, dépenses de personnel, baissent une nouvelle fois cette année. Les crédits inscrits pour 2012 prennent en effet en compte la diminution du plafond ministériel d’emplois autorisés de 4 362 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Cette diminution se décompose en 645 suppressions d’ETPT au titre des économies engendrées par la réforme globale du ministère de la défense et des anciens combattants et du transfert de 3 717 ETPT hors de l’action 3.
Les crédits de fonctionnement du titre 3 sont en légère augmentation par rapport à l’année dernière. L’année 2012 voit en effet le renouvellement de nombreux contrats pluriannuels pour un montant de 437,8 millions d’euros. La hausse du coût du baril de Brent justifie par ailleurs une augmentation des ressources prévues au titre des carburants opérationnels à hauteur de 23,9 millions d’euros.
Douze sous-actions, présentées dans le tableau ci-après, permettent de détailler la ventilation des crédits de l’action 3 du programme 178.
Ventilation des crÉdits de paiement de l’action « prÉparation des forces navales » | ||||||||||
(en millions d’euros) | ||||||||||
Numéro et intitulé des sous-actions |
Titre 2 (personnel) |
Titre 3 (fonctionnement) |
Titre 5 (investissement) |
Total |
Évolution en % | |||||
2011 |
2012 |
2011 |
2012 |
2011 |
2012 |
2011 |
2012 | |||
40 |
Commandement |
145,08 |
124,12 |
126,71 |
59,70 |
271,79 |
183,82 |
- 32,37 | ||
41 |
Activité de la force d’action navale |
738,89 |
752,97 |
91,40 |
114,65 |
830,29 |
867,62 |
+ 4,50 | ||
42 |
Activité des forces sous-marines |
158,66 |
165,47 |
158,66 |
165,47 |
+ 4,29 | ||||
43 |
Activité de l’aviation navale |
362,64 |
270,15 |
41,57 |
51,77 |
404,21 |
321,92 |
- 20,36 | ||
44 |
Activité de la force des fusiliers-marins commandos |
129,63 |
130,88 |
129,63 |
130,881 |
+ 0,97 | ||||
46 |
Formation du personnel |
349,27 |
333,44 |
18,73 |
14,98 |
7,69 |
7,22 |
375,69 |
355,65 |
- 5,33 |
47 |
Gestion, recrutement, fidélisation et reconversion |
57,53 |
47,01 |
27,00 |
31,00 |
84,53 |
78,01 |
- 7,71 | ||
48 |
Soutien de la force d’action navale |
56,54 |
101,32 |
461,74 |
432,65 |
518,29 |
533,97 |
+ 3,03 | ||
49 |
Soutien de la force sous-marine |
48,13 |
47,42 |
410,83 |
469,72 |
458,97 |
517,13 |
+ 12,67 | ||
50 |
Soutien de l’aviation navale |
44,62 |
50,83 |
353,98 |
415,40 |
5,65 |
6,50 |
404,26 |
472,73 |
+ 16,94 |
51 |
Soutien de la force des fusiliers-marins commandos |
19,15 |
14,91 |
8,27 |
22,35 |
27,42 |
37,25 |
+ 35,85 | ||
54 |
Soutiens transverses |
380,64 |
301,32 |
165,03 |
221,69 |
16,31 |
21,60 |
561,98 |
544,61 |
- 3,09 |
TOTAL |
2 490,82 |
2 339,84 |
1 705,27 |
1 833,91 |
29,66 |
35,32 |
4 225,75 |
4 209,08 |
- 0,39 | |
Source : projet annuel de performances de la mission défense. |
Les objectifs d’activité des bâtiments fixés par la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2009 à 2014 sont de 100 jours de mer pour l’ensemble de la flotte et de 110 jours de mer pour les grands bâtiments (plus de 1 000 tonnes). Les réalisations sur les cinq dernières années sont présentées dans le tableau ci-après.
ActivitÉ des cinq derniÈres annÉes (en jours) | |||||||
2006 Réalisation |
2007 Réalisation |
2008 Réalisation |
2009 Réalisation |
2010 Réalisation |
2011 Prévision |
2012 Prévision | |
Jours de mer par bâtiment (grands bâtiments) |
92 (109) |
94 (110) |
87 (94) |
87 (97) |
91 (103) |
PAP 2011 : 88 (97) Actualisation : 94 (104) |
90 (99) |
Source : ministère de la défense et des anciens combattants. |
Ces résultats, en deçà des objectifs, trouvent leur principale explication dans les contraintes financières qui pèsent sur le maintien en condition opérationnelle des bâtiments. Les nombreuses opérations effectuées en 2011, au premier rang desquelles se situe l’opération Harmattan en Libye, expliquent le surcroît d’activité constaté cette année par rapport à la prévision du projet annuel de performance (PAP) 2011. Les objectifs de réalisation en 2012 sont fixés à 90 et 99 jours. Ils constituent une valeur « plancher » nécessaire à la réalisation des opérations et de l’entraînement.
Les cibles et prévisions d’activité de l’aéronautique navale pour 2012 sont conformes à la LPM, et elles constituent un plancher indispensable au maintien des qualifications des pilotes et à la préservation de la sécurité des vols. Les cibles LPM et les réalisations sur les cinq dernières années sont présentées dans les tableaux ci-après.
Objectifs d’activitÉ de la marine — Norme annuelle LPM (2009 – 2014) | |
Norme annuelle LPM | |
Heures de vol par pilote de chasse (qualifié nuit) |
180 (220) par an |
Heures de vol par pilote d’hélicoptère |
220 par an |
Heures de vol par équipage de patrouille maritime |
350 par an |
Source : ministère de la défense et des anciens combattants. |
ActivitÉ aéronautique des cinq derniÈres annÉes (en heures de vol par catégorie) | |||||||
Catégorie |
2006 Réalisation |
2007 Réalisation |
2008 Réalisation |
2009 Réalisation |
2010 Réalisation |
2011 Prévision |
2012 Prévision |
Pilote de chasse marine (qualifié nuit) |
167 (196) |
172 (199) |
170 (200) |
195 (199) |
199 (224) |
PAP 2011 : 180 (220) Actualisation : 203 (224) |
180 (220) |
Pilote d’hélicoptère marine |
217 |
211 |
193 |
188 |
218 |
PAP 2011 : 220 Actualisation : 220 |
220 |
Équipage de patrouille maritime |
342 |
339 |
325 |
324 |
318 |
PAP 2011 : 350 Actualisation : 320 |
320 |
Source : ministère de la défense et des anciens combattants. |
Les objectifs devraient être atteints en 2011 pour l’ensemble des composantes de l’aéronautique navale, hormis la patrouille maritime en raison d’une insuffisance du nombre d’aéronefs en dotation. L’opération Harmattan a entraîné une suractivité des pilotes de chasse qualifiés ce qui induit une sous-activité des pilotes en formation.
La marine s’est pleinement engagée cette année dans l’opération Harmattan au large de la Libye. Elle a participé aux trois volets de la résolution 1973, adoptée le 17 mars 2011 par le Conseil de sécurité de l’ONU :
– mise en place d’une zone d’exclusion aérienne interdisant les vols dans l’espace aérien libyen, à l’exception des vols humanitaires ou d’évacuation afin de protéger les populations civiles contre les forces du colonel Kadhafi ;
– prise de mesures nécessaires pour protéger la population civile et faire respecter la zone d’exclusion aérienne ;
– contrôle approfondi des navires à destination ou en provenance de la Libye afin de faire respecter l’embargo sur les armes.
Si l’OTAN a pris part à l’engagement militaire sous le nom « Unified Protector », le commandement de chaque moyen militaire est resté assuré par chaque état-major national. C’est donc le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), placé sous l’autorité du chef d’état-major des armées, qui a assuré le commandement des moyens français engagés, en étroite coordination avec les pays alliés. Ceux engagés par la marine, qui ont pris l’appellation de Task Force 473, étaient donc sous commandement national, ce qui a permis une grande rapidité dans la prise de décision et dans l’exécution des missions.
La marine française n’avait pas fourni un effort d’une telle ampleur depuis une douzaine d’années et l’opération Trident au Kosovo : près de 24 bâtiments, représentant la quasi-totalité des moyens dont dispose la marine (groupe aéronaval, frégates, avions de patrouille maritime, sous-marins nucléaires d’attaque) et 5 500 marins de la Force d’action navale ont participé successivement à cette opération. Le dispositif au large de la Libye a suivi trois évolutions. La Task Force 473 s’est d’abord organisée autour du porte-avions jusqu’à la mi-mai, puis a été renforcée par la présence d’un bâtiment de projection et de commandement (BPC), soit plus de 2 500 marins déployés sur la zone. Enfin, à partir du milieu de l’été, avec le retour à Toulon du porte-avions, le dispositif s’est articulé autour d’un BPC, soit environ un millier de marins.
De nouveaux matériels ont pu être utilisés pour la première fois dans un contexte opérationnel : les frégates de défense aérienne Forbin et Chevalier Paul - cette dernière tout juste admise au service actif -, équipées d’un système de combat de dernière génération, ont notamment confirmé leurs excellentes performances et prouvé leur endurance à la mer. Les nouveaux missiles de croisière SCALP ont fait preuve, à l’occasion de leurs quinze tirs, de leur extrême précision.
Le BPC a prouvé une nouvelle fois sa remarquable adaptation et sa grande efficacité dans ce genre d’opération dirigée vers la terre, en embarquant près de 18 hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT) et en accueillant l’état-major français de conduite des opérations. L’emploi d’un groupe important d’hélicoptères en opération à partir d’un BPC aura été une nouveauté et a montré toute sa puissance. Les hélicoptères de l’armée de terre ont effectué environ une quarantaine de raids nocturnes et sont responsables de plus de 40 % des dommages infligés.
Cette opération de grande envergure a démontré également l’importance et la nécessité de maintenir un entraînement complet des unités. L’exemple de l’appui feu naval, dont les capacités et le savoir-faire ont été maintenus alors qu’ils n’avaient pas été pratiqués au combat de longue date, s’est avéré crucial dans la conduite des opérations. Plus de 3 000 obus de 76 mm et 100 mm ont ainsi été tirés pour détruire des objectifs côtiers.
Enfin, on peut souligner que les équipages se sont montrés prêts moralement et opérationnellement. Les actions menées au large des côtes libyennes dans des circonstances exceptionnelles se sont révélées favorables à la cohésion des équipages qui ont très vite adhéré aux objectifs visés par cette opération. L’engagement rapide a également démontré la pertinence de la doctrine d’entraînement des marins. La disponibilité des bâtiments a été bonne, aucune avarie n’a remis en cause l’exécution de la mission, ce qui démontre que les efforts dans le maintien de la condition opérationnelle (MCO) des navires ont porté ses fruits.
Si le format de la flotte a permis de mener à bien l’opération et de confirmer le rôle premier que joue la marine française sur le plan international, quelques motifs d’inquiétude ont pu apparaître.
Tout d’abord, des missions ont dû être adaptées ou annulées, même si cela n’a pas eu de conséquences majeures. La présence française dans l’océan Indien a ainsi été réduite à un seul bâtiment pour lutter contre la piraterie. La France a dû également se priver de la présence d’un SNA en Atlantique pendant plus de quatre mois, la mission Corymbe a été gelée pendant un mois, enfin la moitié des missions de lutte contre le narcotrafic en Méditerranée ont été annulées.
Des actions d’entraînement, de remise en condition opérationnelle et des exercices internationaux ont également subi les conséquences de cette opération. Les unités déployées n’ont généralement pas pu maintenir un entraînement régulier dans certains domaines spécifiques, notamment en lutte anti-sous-marine. Un engagement prolongé aurait influé de manière durable sur l’entretien de savoir-faire spécifiques, l’aéronaval étant particulièrement touché. Le déploiement du porte-avions a ainsi empêché d’effectuer la formation des jeunes pilotes restés à terre. Ce retard de formation et de qualification à l’appontage est évalué à une année par rapport aux prévisions. La composante patrouille maritime est également touchée, le retard dans la formation des équipages étant évalué à un semestre.
Les conséquences d’une telle opération en termes d’usure et de MCO pour les navires engagés sont importantes. Elles devront être évaluées dans les mois à venir. Les BPC semblent les plus touchés dans leur programme d’entretien, le maintien de la permanence sur zone ayant nécessité à plusieurs reprises de reprendre la planification des arrêts techniques. D’autres points de vigilance ne doivent pas être ignorés. La possibilité d’assurer une permanence de frégates de défense aérienne et une permanence de frégate anti-sous-marine est fragile pour une telle opération, compte tenu du vieillissement des matériels.
Mais la situation est encore plus délicate en ce qui concerne la liaison logistique opérationnelle à partir des pétroliers ravitailleurs. Le vieillissement du parc ne permet plus de disposer de 100 % des capacités sur chacun des bâtiments ; des transferts de matériels lourds ont dû être effectués lors de chaque relève afin de disposer de tout le potentiel de ces bâtiments.
– l’opération Atalanta
Lancée le 8 décembre 2008 par le conseil des affaires étrangères de l’Union européenne, sur une initiative franco-espagnole, l’opération navale européenne de lutte contre la piraterie Atalanta est aujourd’hui prolongée jusqu’en décembre 2012. Elle s’appuie sur les résolutions 1814 et 1816 (1) du conseil de sécurité de l’ONU qui autorisent la protection des navires du programme alimentaire mondial (PAM), ainsi que la répression des actes de piraterie au large de la Somalie. Elle a donc pour mission d’assurer :
– la protection des navires du PAM qui acheminent l’aide alimentaire aux populations déplacées en Somalie, et celle des navires assurant le soutien logistique de l’« African Mission for Somalia » (AMISOM) ;
– la protection des navires vulnérables au large des côtes somaliennes ;
– la dissuasion, la prévention et la répression des actes de piraterie.
Première opération aéronavale de l’Union européenne, Atalanta est une concrétisation de la politique de sécurité et de défense commune.
Depuis le début de l’opération (2), 100 bâtiments de l’AMISOM et 96 bâtiments du PAM ont été escortés sans qu’un seul ait été capturé. 1 600 000 Somaliens sont nourris chaque jour grâce à cette aide.
Du 1er janvier au 9 juin 2011, les moyens militaires engagés dans l’opération ont participé au démantèlement de 41 groupes de pirates (en général un bateau mère et deux à trois embarcations d’attaque) et à l’échec de 112 attaques.
L’opération est donc un succès opérationnel incontestable de l’Union européenne. Au côté des autres forces présentes et des missions nationales de nombreux États tiers (Russie, Inde, Chine, Japon…), elle contribue efficacement à contenir la piraterie dans l’océan Indien, sans pour autant la réduire : le flux des pirates partant en mer reste continu.
Entre 2009 et 2010, la France a mis à disposition de l’opération, de manière permanente, une frégate porte-hélicoptères et un avion de patrouille maritime. En 2011, la participation a été réduite à une frégate porte-hélicoptères. Des renforts (avion de surveillance, de patrouille maritime, bâtiments de surface) peuvent compléter ponctuellement le dispositif lors des périodes d’inter-mousson, plus favorables aux actions des pirates.
Enfin, d’autres unités françaises sont susceptibles de participer en soutien associé à l’opération lors de leur transit dans la zone d’opérations. Ainsi, le groupe école d’application des officiers de marine, composé du bâtiment de projection et de commandement Mistral et de la frégate Georges Leygues a participé à cette opération en 2011.
– l’opération Héraclès
L’opération Héraclès recouvre la participation française à l’opération Enduring Freedom sous commandement américain, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international menée depuis 2001. Cette opération met en œuvre des moyens de renseignement, de sécurisation et de combat en Afghanistan ainsi que dans l’océan Indien.
Les volets Héraclès-air et Héraclès-terre ont été progressivement intégrés dans l’opération Pamir avec les moyens de l’ISAF (force internationale d’assistance et de sécurité) depuis la prise de commandement par l’OTAN des opérations en Afghanistan en 2003. Le volet Héraclès-mer a pour mandat d’interdire les espaces aéromaritimes dans le nord de l’océan Indien et dans le golfe Arabo-persique aux groupes terroristes et aux trafics illicites soupçonnés de les financer.
À ce jour, même si aucun terroriste n’a été capturé en mer et si aucun lien n’a été formellement établi entre les trafics illicites et le financement du terrorisme, le dispositif en place constitue un outil dissuasif très utile. Il entrave la liberté d’action des terroristes et perturbe les activités illicites s’exerçant en mer et dont ces derniers pourraient tirer bénéfice. La vocation de lutte contre le terrorisme, fondement de l’opération, se décline ainsi aujourd’hui en de nombreuses tâches d’interdiction (drogues, armes, migrants, piraterie…) coordonnées par la Combined Maritime Force, composée d’une coalition de 24 nations.
La participation de la France s’inscrit également dans une approche de coopération régionale avec les pays riverains de l’océan Indien et du golfe Arabo-persique dans le but de leur faire assumer des responsabilités accrues dans la sécurité régionale.
La participation à cette opération avec des forces alliées, en particulier américaines, permet de maintenir le dialogue et un haut niveau d’interopérabilité entre nos forces. La permanence de moyens aéro-maritimes permet d’améliorer la connaissance des activités dans cette zone d’intérêt stratégique majeur située au centre de l’arc de crise.
La France et le Royaume-Uni sont les principaux contributeurs européens aux Task Force 150 et 152.
La posture permanente de renfort en océan Indien repose normalement sur trois bâtiments dont deux frégates (75 % du temps), et un avion de patrouille maritime. La participation directe à Enduring Freedom se limite à un bâtiment.
Le dispositif français, Héraclès-mer, compte 87 militaires en moyenne. La coalition peut également bénéficier du renfort de moyens français lors de la prise de commandement de la Task Force 150 par la France (quatre mois par an) ou du déploiement du groupe aéronaval (mission Agapanthe).
En outre, une dizaine de militaires français sont insérés dans trois états-majors américains (Tampa, Djibouti et Bahreïn) associés à l’opération Enduring Freedom.
La sauvegarde maritime comprend, d’une part, les missions de défense effectuées par la marine au titre de la fonction stratégique « protection » et, d’autre part, son soutien à l’action de l’État en mer. Elle couvre ainsi les missions de souveraineté, de service public (avec notamment la prévention et le traitement des pollutions marines, la lutte contre le narcotrafic, la police des pêches, la lutte contre l’immigration clandestine) et enfin de sécurité et de sûreté maritimes.
Les missions de sauvegarde maritime représentent 28 % de l’activité de la marine, toutes unités confondues.
Les missions de souveraineté ont représenté, en 2010, 666 jours de mer et 4 161 heures de vols. La chaîne sémaphorique constitue le socle de la surveillance de nos côtes. Son action, combinée avec celles des bâtiments en patrouille, a permis d’identifier plus de 100 000 navires dans nos approches maritimes. 7 538 navires ont, de plus, été contrôlés en mer par la marine et la gendarmerie maritime.
En 2010, 226 pollutions marine d’importance variable ont été observées grâce aux moyens de la marine et d’autres administrations, selon la répartition géographique suivante : 2 dans la Manche ou en mer du Nord, 58 dans l’océan Atlantique, 160 en Méditerranée et 6 outre-mer. 73 jours de mer et 71 heures de vol ont été consacrés à cette mission.
La marine assure le segment hauturier du dispositif interministériel de lutte contre le narcotrafic, qui représentait en 2010, 245 jours de mer et 264 heures de vol. Dans le cadre d’un renforcement de la coopération interministérielle et internationale, la marine est ainsi représentée dans les trois centres internationaux de coordination (3). En 2010, 5 navires ont été déroutés et 0,716 tonne de produits stupéfiants a été saisie par la marine. Durant le 1er semestre 2011, les saisies de produits stupéfiants se sont élevées à 8,8 tonnes dans les Caraïbes et 0,675 tonne en méditerranée.
La marine participe à la politique nationale de contrôle des pêches en métropole et outre-mer, où elle est souvent la seule administration disposant des moyens hauturiers nécessaires à ce type de missions. En métropole, la marine fournit son concours aux plans de contrôle des pêches (plan « thon rouge » en Méditerranée et dans l’océan Atlantique). Outre-mer, la marine a dû réduire sa participation à la protection de la zone maritime des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), la plupart de ses moyens ayant été affectés aux missions de lutte contre la piraterie dans la partie nord de l’océan Indien. En 2010, 3 224 navires de pêche ont été contrôlés en mer par les moyens de la marine et de la gendarmerie maritime, ce qui a conduit au déroutement de 56 navires. Cette activité représente 1 789 jours de mer et 279 heures de vol.
La lutte contre l’immigration clandestine représente 308 jours de mer et 83 heures de vol. En métropole, les moyens de la marine participent au dispositif national de détection, mais constituent aussi une part importante de la contribution de la France aux opérations menées sous l’égide de l’Union européenne (4). Coordonnée par l’agence FRONTEX, la coopération européenne s’inscrit dans un réseau de patrouilles internationales conjointes. En outre, la lutte contre l’immigration clandestine requiert une mobilisation permanente de moyens à Mayotte. Ceux de la marine ont permis d’y intercepter, en 2010, 40 embarcations et 1 794 immigrants clandestins, et d’arrêter 65 passeurs.
Tous les bâtiments et aéronefs de la marine concourent au secours en mer. Plus spécifiquement, la marine entretient un dispositif d’alerte aérienne permanent, constitué d’avions de surveillance ou de patrouille maritime (basés à Lorient et jusqu’à l’été 2010 à Nîmes), de cinq détachements d’hélicoptères Dauphin (Le Touquet, Cherbourg, La Rochelle, Hyères et Lanvéoc) et d’un détachement d’hélicoptères lourds (Lanvéoc) pour la façade Atlantique. L’ensemble des moyens de la marine a permis, en 2010, de secourir directement 409 personnes.
Les moyens de la marine et de la gendarmerie maritime participent également aux missions de prévention de sûreté et de sécurité maritimes. Dans ce cadre, 310 opérations de déminage (4 tonnes d’explosifs purs) ont été effectuées à partir de la terre par les groupements de plongeurs démineurs.
– les crédits de fonctionnement courant
Les crédits de fonctionnement courant de la marine s’élèvent à 349,51 millions d’euros en crédits de paiements en 2012, ce qui constitue une hausse significative, de 14,06 %, par rapport aux crédits 2011.
CrÉdits de fonctionnement courant de la marine (hors MCO et hors carburants) (en millions d’euros) | ||||
AE 2012 |
CP 2012 |
AE 2011 |
CP 2011 | |
Fonctionnement courant hors carburants |
201,55 |
204,95 |
189,75 |
189,75 |
Carburants opérationnels |
144,56 |
144,56 |
116,67 |
116,67 |
Total fonctionnement courant |
346,11 |
349,51 |
306,42 |
306,42 |
Source : ministère de la défense et des anciens combattants. |
Regroupés dans l’opération stratégique « Activités et fonctionnement des armées », ils comprennent les ressources qui couvrent les dépenses relatives aux besoins spécifiques de la marine. Les dépenses de fonctionnement courant qui correspondent au périmètre des soutiens communs assuré par les bases de défense sont financées par le BOP soutien.
Les transferts de charges et de ressources associées opérés dans le projet de loi de finances pour 2012 au titre des bases de défense (de l’action 3 vers l’action 5, Logistique et soutien interarmées) s’élèvent à 7,44 millions d’euros, diminué de 2,70 millions d’euros au titre d’une correction des transferts effectués en 2011 (5).
Les crédits de fonctionnement courant incluent en premier lieu l’entraînement et la préparation des forces : acquisition de matériels et prestations spécifiques nécessaires à l’entraînement (12,1 millions d’euros pour 2012), les contrats d’affrètement passés dans le cadre de la sauvegarde maritime (30 millions d’euros), les dépenses de fonctionnement des bâtiments en escale (10,8 millions d’euros).
Ils comprennent également les dépenses d’alimentation (50,5 millions d’euros), les frais de changement de résidence du personnel (24 millions d’euros) ou encore les frais de déplacement du personnel (21,34 millions d’euros).
L’augmentation des ressources de fonctionnement en 2012 résulte principalement d’un souci de sincérité des dépenses de fonctionnement courant - c’est-à-dire par la prise en compte dès le stade de la construction budgétaire des mouvements récurrents opérés en gestion - portant notamment sur les contrats d’affrètement, les frais de déplacement et les frais de mutation.
Elle s’explique également par la hausse de la dotation dédiée aux carburants opérationnels en 2012, +23,91 %.
L’activité des forces programmée pour 2012 implique ainsi une consommation de 128 500 tonnes de combustible de navigation et de 73 500 m3 de carburéacteur.
Au regard de ces consommations prévisionnelles et des dépenses d’ingrédients associées, la dotation de carburants opérationnels s’élève donc à 144,56 millions d’euros, avec des hypothèses de tarif de cession de 691,50 euros/m3 pour le carburéacteur F-34, de 739 euros/m3 pour le F-44, et de 670 euros/tonne pour le combustible de navigation. Ces estimations correspondent à un cours du baril de Brent à 100 dollars avec une parité à 1,4 dollar/euros.
Allocations en combustible de navigation et en carburants opÉrationnels | |||||
En millions d’euros courants (CP) |
2012 (PLF) |
2011 (LFI) |
2010 (LFI) |
2009 (LFI) |
2008 (LFI) |
Dotation budgétaire (en millions d’euros) |
144,56 |
116,67 |
109,56 |
106,1 |
89,6 |
Hypothèse budgétaire de parité $/€ |
1,4 |
1,35 |
1,40 |
1,45 |
1,3 |
Hypothèse budgétaire de cours du baril $ |
100 |
75 |
60 |
75 |
65 |
Source : ministère de la défense et des anciens combattants. |
L’hypothèse budgétaire de cours du baril retenue pour 2012 reflète la tendance à la hausse des cours du Brent sur le marché qui s’est traduite par une augmentation de l’ordre de 55 % entre les mois de juillet 2010 et juillet 2011.
- les crédits d’entretien programmé des matériels
Les crédits d’entretien programmé des matériels (EPM) servent à financer la maintenance des aéronefs, des bâtiments de surface, des sous-marins et des systèmes de transmission à longue distance. Ils s’élèvent pour 2012 à 1 714 millions d’euros en autorisation d’engagement et à 1 375 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation significative par rapport à 2011 : + 41,5 % en autorisations d’engagement et + 13 % en crédits de paiements.
CrÉdits d’EPM par sous-action (en millions d’euros courants) | |||||
Sous action |
LFI 2011 |
PLF 2012 | |||
AE |
CP |
AE |
CP | ||
48 |
Soutien de la force d’action navale |
375 |
374 |
582 |
416 |
49 |
Soutien de la force sous-marine |
338 |
411 |
662 |
470 |
50 |
Soutien de l’aviation navale |
421 |
344 |
394 |
407 |
54 |
Soutiens transverses des forces navales |
77 |
88 |
76 |
82 |
Totaux |
1 632 |
1 211 |
1 714 |
1 375 | |
Ce tableau restitue uniquement les crédits relatifs à l’EPM. Source : ministère de la défense et des anciens combattants. |
Cette évolution résulte principalement de l’augmentation des notifications de contrats de soutien pluriannuels pour les flottes de frégates multimissions (FREMM) et de sous-marins (pour 411 millions d’euros), ainsi que du transfert en 2012 des crédits (pour 28 millions d’euros) dédiés à l’entretien des missiles et des torpilles auparavant imputés sur l’agrégat « équipements d’accompagnement » (EAC).
La maintenance des systèmes de transmission longue distance (hors liaisons de la force océanique stratégique) sera en partie financée par des ressources extrabudgétaires liées à la vente des fréquences de la défense.
En cas d’indisponibilité de ces ressources, la marine pourrait être amenée à réduire la part des crédits consacrée au traitement des indisponibilités sur aléas. Cette mesure conduirait à une baisse des objectifs d’activité des bâtiments de la marine.
Enfin, il est important de noter que le renouvellement des matériels se traduit par un nombre plus restreint de moyens ayant des capacités supérieures (Rafale, NH90, FREMM), mais avec des coûts de maintenance également supérieurs.
Les mésaventures du Clemenceau avaient conduit les pouvoirs publics à engager une réflexion générale sur la situation des navires en fin de vie. Comme le souhaitait votre rapporteure en conclusion d’une mission d’information sur le sujet (6), la marine s’est dotée depuis d’un véritable plan d’action pour la déconstruction de ses navires, sous la responsabilité d’un chargé de mission auprès du chef d’état-major de la marine.
La démarche adoptée pour la déconstruction de la coque Q790, celle du Clemenceau, constitue aujourd’hui une référence qui sous-tend le plan d’action entrepris pour les autres coques (7).
Ce plan d’action donne la priorité aux coques les plus anciennes. La déconstruction est confiée – selon la procédure du marché négocié après publicité préalable exécuté sur le territoire de l’Union européenne – à des industriels. Afin de favoriser la concurrence et offrir une visibilité propre à conforter l’apparition éventuelle de nouveaux acteurs, il est veillé à ce que les lots proposés soient attractifs pour les industriels. Ils représentent donc trois à quatre années d’activité.
Le processus de déconstruction débute par la mise en sécurité des navires au moment de leur désarmement. Dans l’esprit de la convention internationale de Hong-Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires du 19 mai 2009, en cours de ratification par les États membres de l’Organisation maritime internationale (OMI), un inventaire des matières potentiellement dangereuses présentes à bord est réalisé par un expert indépendant. Plusieurs marchés d’inventaire des matières potentiellement dangereuses et polluantes ont été conclus depuis 2009. Ils couvrent tous les grands navires actuellement retirés du service actif ou qui le seront d’ici à 2013 et tous les petits navires et engins nautiques en attente de déconstruction.
Cette expertise est ensuite fournie aux industriels candidats à la déconstruction. Ces derniers assurent, sous le contrôle constant du service de soutien de la flotte (SSF), le remorquage, la dépollution, la déconstruction, l’élimination des déchets et la valorisation des matériaux recyclables dans les filières autorisées.
Quelques marchés ponctuels de déconstruction ont été ou sont en cours d’exécution. Ainsi l’ex-patrouilleur Epée (120 tonnes) et trois engins nautiques anciennement stockés à Lorient (300 tonnes) ont été déconstruits par le chantier Gardet et De Bezenac au Havre. Le marché pour l’ex-dragueur de mines Phénix (environ 360 tonnes) a été attribué à la société CMO à Cherbourg.
Plusieurs procédures, pour des déconstructions de plus grande envergure, ont pour objectif de couvrir d’ici 2014 la déconstruction de tous les navires et engins nautiques actuellement retirés du service. Les procédures pour les déconstructions de l’ex-escorteur d’escadre Bouvet (3 700 tonnes) et des ex-pétroliers-ravitailleurs et bâtiments de débarquement de chars Saône, Dives et Argens (12 000 tonnes au total) ont été lancées.
L’objectif est ensuite de conclure deux marchés de déconstruction par an concernant, en 2012, des ex-escorteurs d’escadre, des avisos-escorteurs et A69 amarrés à Brest et à Toulon (six coques pour environ 13 000 tonnes), des petits navires et engins nautiques de la base navale de Brest (34 unités pour environ 4 000 tonnes). Les avis d’appel public à la concurrence de ces deux marchés ont été récemment publiés.
À compter de 2014 la déconstruction des navires devrait suivre la cadence des retraits du service actif des bâtiments, à l’exclusion des navires qui pourront être cédés, en limitant autant que possible la durée de stockage en attente de déconstruction.
S’ils ne permettent de parvenir à un équilibre financier, les contrats de déconstruction de la marine permettent de couvrir une grande partie des dépenses engagées. Ils comprennent en effet deux flux financiers :
– un poste de « dépenses » pour rémunérer le titulaire du marché et lui garantir la prise en charge de tous les frais identifiés afin de limiter, pour lui, le risque financier ;
– un poste de « recettes » par lequel l’État récupère le produit des ventes des matières valorisables, assorti de clauses d’intéressement de l’industriel pour favoriser un recyclage maximal (plus le taux de recyclage est important moins il reste de déchets à enfouir en décharge et plus les recettes sont importantes à la fois pour l’État et pour l’industriel).
Pour 2012, les crédits inscrits s’élèvent à 9,6 millions d’euros. Les recettes de la vente des matériaux issus de la coque Q790 se sont élevées à 4,2 millions d’euros.
Les prévisions de réalisation 2012 et les cibles 2013 sont en baisse par rapport aux prévisions du projet annuel de performance pour 2011 en raison de la refonte de l’indicateur « disponibilité par rapport aux exigences des contrats opérationnels ». Pour les bâtiments, cet indicateur est désormais étendu aux systèmes « armes et équipements », afin de mieux rendre compte de l’aptitude technique globale des bâtiments à remplir les missions requises par les contrats opérationnels. Pour les aéronefs, cet indicateur a été également rénové pour harmoniser les approches entre armées. Les données entre parenthèses sur la prévision actualisée 2011 sont calculées sur les références précédentes.
La baisse enregistrée est plus marquée pour les bâtiments amphibies, car leur parc est réduit de 25 % momentanément, et les bâtiments de souveraineté et de présence, dont le parc est en cours de renouvellement. Pour l’ensemble des bâtiments, la baisse de la disponibilité s’explique par une réduction des ressources en entretien programmé des matériels. Cette pression budgétaire entraîne pour les bâtiments une prise de risques supplémentaires en raison de la fragilité sur les rechanges et d’une plus grande sensibilité aux aléas.
Pour l’aéronautique navale, les stocks ne pourront pas être recomplétés après délivrance du fait des contraintes financières.
Objectifs de performance et prÉvisions de rÉalisation (en pourcentage) | ||||||
2009 |
2010 |
2011 |
2011 |
2012 |
2013 | |
Porte-avions |
49,5 |
7-0,7 |
75 |
(75) 75 |
46 |
75 |
SNA |
63 |
54 |
60 |
(61) 60 |
60 |
60 |
Synthèse autres bâtiments |
73,4 |
74 |
80 |
(85) 54 |
52 |
51 |
Composante frégates |
67 |
67,4 |
80 |
(79) 58 |
60 |
60 |
Composante Guerre des mines |
97,3 |
88,3 |
100 |
(98) 72 |
70 |
68 |
Bâtiments amphibie |
85,25 |
77,4 |
75 |
(79) 47 |
49 |
50 |
Bâtiments de souveraineté et de présence |
79 |
75,7 |
85 |
(76) 52 |
50 |
50 |
Synthèse matériels aéronautiques de la marine |
76 |
74 |
76 |
(75) 50 |
49 |
48 |
Aéronefs embarqués |
72 |
65 |
75 |
(70) 49 |
49 |
49 |
Hélicoptères (service public et combat) |
64 |
76 |
79 |
(73) 51 |
51 |
49 |
Source : ministère de la défense et des anciens combattants. |
Au cours du premier semestre, le porte-avions disposait d’un potentiel important qui lui a permis d’assurer sans difficulté son déploiement dans l’océan Indien puis sa participation à l’opération Harmattan. Il débute une période d’arrêt technique pour entretien intermédiaire et le groupe aérien embarqué débute sa régénération organique.
La disponibilité technique opérationnelle de bâtiments de la flotte est pénalisée par la dégradation des performances d’un certain nombre de systèmes d’armes et équipements, ainsi que d’un nombre important d’arrêts techniques programmés au cours du premier semestre. À ces difficultés viennent s’ajouter de nombreuses et importantes indisponibilités pour aléas sur bâtiments amphibies et frégates.
Pour le matériel aéronautique, la situation est très en deçà des objectifs capacitaires pour plusieurs parcs (SEM, Lynx, Panther, ATL2) dont la dotation est fortement obérée par d’importants retards de sorties de visite, la poursuite des chantiers de modernisation, les carences logistiques et les aléas techniques.
La disponibilité des matériels par rapport aux exigences des contrats opérationnels s’établit de la façon suivante pour le premier semestre 2011 :
– porte-avions : 75 % ;
– SNA : 60 % ;
– composante frégates : 58 % ;
– composante guerre des mines : 72 % ;
– bâtiments amphibies : 47 % ;
– bâtiments de souveraineté et de présence : 52 % ;
– synthèse matériels aéronautiques de la marine : 49 % ;
– aéronefs embarqués : 49 % ;
– patrouille maritime : 35 % ;
– hélicoptères (service public et combat) : 51 %.
L’essentiel des effectifs de la marine relèvent de l’action 3 « Préparation des forces navales » du programme 178 et sont rassemblés dans le budget opérationnel de programme (BOP) 178-21C.
Dans le cadre de la réforme entreprise à la suite des travaux du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et de la loi de programmation militaire, la marine supprimera, entre 2008 à 2015, 5 600 postes en son sein, auxquels il convient d’ajouter le retour de marins mis à disposition d’autres BOP et également soumis à des restructurations de leur organisme d’accueil. Le total global des réductions est en conséquence de 6 000 postes.
Évolution des effectifs de la marine | ||||
2009 |
2010 |
2011 |
Prévisions 2015 | |
Officiers |
5 087 |
5 103 |
4 795,5 |
4 730,0 |
Officiers mariniers |
26 457 |
26 143 |
25 600,5 |
24 090,0 |
Militaires du rang |
7 8810 |
7 741 |
7 580,0 |
7 103,0 |
Volontaires |
1 159 |
912 |
859,0 |
654,5 |
Militaires |
40 584 |
39 899 |
38 835,0 |
36 577,5 |
A |
393 |
423 |
358,7 |
336,0 |
B |
968 |
875 |
694,5 |
570,0 |
C |
2 490 |
2 009 |
1 754,5 |
951,0 |
OE |
3 559 |
2 998 |
2 148,1 |
1 301,0 |
Civils |
7 410 |
6 305 |
4 955,8 |
3 158,0 |
Ensemble |
47 994 |
46 204 |
43 790,8 |
39 735,5 |
Source : ministère de la défense et des anciens combattants. |
La suppression de ces 6 000 postes se répartit globalement en trois tiers :
– un tiers au titre exclusif du soutien dans le cadre de la réforme globale du ministère ;
– un tiers au titre exclusif du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et qui se traduira par le désarmement d’unités et/ou la fermeture de bases ;
– un tiers au titre de la réorganisation interne et du retour de marins servant à l’extérieur de la marine.
Elle aboutira, à l’horizon 2015, à la suppression de 4 814 postes de militaires et 1 186 postes de civils – hors transfert des postes au soutien commun – eux-mêmes répartis entre 442 fonctionnaires et 744 ouvriers d’État. 4 000 postes de soutien de la marine sont par ailleurs transférés au soutien commun sous le commandement de l’EMA.
La mise en œuvre de la déflation des effectifs se traduit par la fermeture de plusieurs sites, parmi lesquels la base d’aéronautique navale de Nîmes-Garons, les sites de Toussus-le-Noble et de Dugny. Ces fermetures de sites s’ajoutent aux désarmements de bâtiments de surface programmés sur la période de réforme.
Plusieurs axes ont été mis en place pour réaliser les suppressions de postes :
– définition des postes pérennes et des postes dont le maintien n’est pas indispensable compte tenu des évolutions de mission et des mutualisations possibles ;
– adaptation des flux de recrutement et de départ pour le personnel militaire, notamment par les outils disponibles (pécules d’aide au départ) ;
– mesures d’incitation au départ avec versement d’une indemnité pour départ volontaire pour les fonctionnaires et les ouvriers d’État.
Le projet de loi de finances pour 2012 traduit naturellement ces réorganisations. La déflation en ETPT inscrite est la suivante.
DÉflation des ETPT du BOP 178 21C inscrite dans le PLF 2012 (en unités) | |
Officiers |
- 59,0 |
Sous-officiers |
- 434,5 |
Militaires du rang |
- 71,0 |
Volontaires |
- 9,0 |
Total militaires |
- 573,5 |
Cat. A |
0 |
Cat. B |
- 1 |
Cat. C |
- 18,5 |
Ouvriers d’état |
- 54 |
Total civils |
- 73,5 |
TOTAL |
- 647,0 |
Source : ministère de la défense et des anciens combattants. |
Les transferts intra et inter programmes s’élèvent à – 3 717 ETPT. Ils prennent notamment en compte les transferts, vers le BOP 178 68C, des personnels affectés dans les groupements de soutien des bases de défense, et ceux, vers le BOP 178 31 C de l’armée de l’air, de l’ensemble du personnel du SIAé.
La déflation des effectifs de la marine est menée de pair avec des exigences en termes de recrutement très importantes. L’arrivée de nouveaux bâtiments, avec des équipages de taille réduite, nécessite en effet de disposer de nouvelles compétences. La variété des métiers exercés par les marins impose également de gérer plusieurs centaines de micropopulations qui représentent chacune un maillon essentiel du fonctionnement de la marine. La manœuvre RH - « richesses humaines » selon l’expression de l’Amiral Olivier Lajous, directeur du personnel militaire de la marine - impose donc de rester attentif à la qualité du recrutement.
Depuis 2009, le recrutement des officiers s’est réduit en cohérence avec la réduction des effectifs de la marine nationale. Après avoir essentiellement concerné les métiers du soutien, notamment les officiers sous contrat (OSC) courts (- 61 % entre 2007 et 2010), les besoins en postes opérationnels ayant été maintenus, cette diminution du flux d’entrée touche depuis 2011 les recrutements directs d’officiers de carrière par le biais de l’école navale.
Elle se poursuivra dans les années à venir conformément au plan triennal glissant de l’état-major des armées. L’objectif est de maintenir un flux suffisant pour conserver une moyenne d’âge en relation avec les exigences du métier et de répondre aux demandes supplémentaires pour l’organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN).
Malgré une baisse récente de l’ordre de 20 % du nombre de candidats, le recrutement des officiers ne soulève pas de difficulté particulière pour l’ensemble des métiers et carrières.
Tableau de recrutement des officiers (en unités) | |||||
Recrutement – effectif physique |
Année 2008 |
Année 2009 (réalisé) |
Année 2010 (réalisé) |
Année 2011 (prévisions, en cours de réalisation) |
Année 2012 (prévisions) (8) |
EN (1) externe |
70 |
70 |
71 |
66 |
65 |
EN interne |
11 |
15 |
11 |
8 |
13 |
Titres 2 (2), 3 (3) |
9 |
9 |
9 |
10 |
7 |
Titres X (4) |
0 |
0 |
2 |
1 |
1 |
EFENA (5) |
4 |
2 |
1 |
1 |
2 |
OSM (6) concours |
30 |
27 |
24 |
30 |
28 |
OSM choix |
31 |
24 |
24 |
20 |
20 |
OSC longs |
61 (35 OM 26 OSM) |
45 (34 OM 11 OSM) |
40 (29 OM 11 OSM) |
34 (23 OM 11 OSM) |
44 (29 OM 15 OSM) |
OSC courts (OSM) |
52 |
41 |
35 |
38 |
32 |
Commissionnés |
4 |
1 |
2 |
2 |
1 |
Total |
272 |
234 |
219 |
210 |
213 |
Commissaires de la marine |
11 |
11 |
8 |
8 |
8 |
EOPAN (7) |
22 |
12 |
25 |
26 |
Non déterminé |
(1) : école navale ; (2) : admission en 2e année pour les étudiants en Master 1 scientifique, validé ou en cours d’obtention (étudiants en 2e année d’école d’ingénieur...) ; (3) : admission en 3e année pour les étudiants en Master 2 (scientifique ou non) validé ou en cours d’obtention (écoles d’ingénieurs, de commerce, universités...) ; (4) : recrutement sur titres à l’issue de l’école polytechnique ; (5) : élève en formation à l’école navale allemande, dans le cadre d’un échange franco-allemand ; (6) : officier spécialisé de la marine ; (7) : élève-officier pilote de l’aéronautique navale ; (8) : plan triennal glissant de l’état-major des armées. Source : ministère de la défense et des anciens combattants. |
Des difficultés de recrutement existent en revanche pour les officiers mariniers, principalement pour les spécialités opérationnelles (besoins des unités de surface et des sous-marins).
Recrutement annuel des officiers mariniers par origine depuis 2008 | |||||
Recrutements |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 (en cours de réalisation) |
Prévisions 2012 (2) |
Externes |
616 |
711 |
719 |
716 |
780 |
Internes (1) |
20 |
21 |
17 |
18 |
20 |
TOTAL |
636 |
732 |
736 |
734 |
800 |
(1) : Volontaires en service dans la marine admis à l’École de maistrance. (2) : Les prévisions 2012 définitives seront établies au dernier trimestre 2011. Source : ministère de la défense et des anciens combattants. |
Pour remédier à cela, la marine a lancé une campagne de communication en mars 2011, qui a permis de faire connaître l’offre de recrutement de la marine dans la société française (cf. ci-après). La promotion de février 2011 de l’école de maistrance a été honorée à 93 % et la tendance pour celle de septembre est similaire. C’est pour compenser ces difficultés rencontrées en 2011 que les prévisions de recrutement pour 2012 sont supérieures.
Bilan de la campagne de recrutement 2009-2011
La campagne 2009-2011 de communication s’achèvera en décembre 2011 avec la fin du marché triennal, d’un montant de 9 millions d’euros, confié à l’agence DDB Corporate pour le conseil – 2,2 millions d’euros – et l’achat d’espaces publicitaires par l’agence Carat pour 6,8 millions d’euros. La stratégie de communication durant ces trois années de marché visait à diffuser le message : « la marine nationale, employeur et recruteur ».
La campagne principale de communication de mars 2011 a produit des résultats supérieurs aux attentes. À la télévision, 3 140 spots ont été diffusés sur TF1, France Télévision, Canal+, M6 et de nombreuses chaînes numériques lors d’émissions dont l’audience correspondait à la cible visée (5 400 000 jeunes de 15 à 24 ans ont vu les spots « marine » en moyenne 5,4 fois) et à leurs prescripteurs (24 000 000 personnes de 25 à 59 ans ont vu ces spots en moyenne 5,9 fois). Dans la presse gratuite d’information, 26 insertions dans Metro, 20 Minutes et Direct Matin ont généré 17 900 000 contacts chez les 17-25 ans et 41 791 000 chez les 25-29 ans. Des insertions sur les sites Internet les plus prisés par les jeunes ont généré 500 millions d’impressions qui ont engendré 430 000 clics sur les bannières « marine ». Les achats de mots-clefs sur le moteur de recherche Google ont permis 4 972 715 vues des offres de métiers de la marine et 35 696 clics sur le site etremarin.fr. Enfin, au niveau local, des achats d’espace dans les médias tout au long de l’année ont appuyé l’action des bureaux marine des CIRFA.
Cette campagne de trois semaines a généré 527 313 visites et 1 184 146 pages vues de mi-mars à début avril 2011 – soit 10 fois plus que le mois précédent et 1,25 fois plus que lors de la campagne 2010 – sur le site etremarin.fr, point focal de la campagne et a abouti à plus de 1 500 candidatures spontanées sur le site Internet, soit dix fois plus qu’en période normale.
Deux campagnes secondaires, en juin et octobre 2011, ont ensuite capitalisé sur cette campagne de mars. Le service du recrutement de la marine travaille désormais avec l’agence de conseil en communication EURO RSCG pour la campagne 2012 à 2014. Elle s’appuiera sur une campagne nationale dans les grands médias (spots TV, insertion presse, animations Internet) complétée d’événements de communication de terrain dans huit grandes villes de France.
Enfin, le recrutement des quartiers-maîtres et matelots rencontre quelques difficultés. En 2011, la réalisation de certains contingents mensuels est rendue plus délicate par la baisse du nombre de dossiers de candidature (- 15 %). Cette situation, qui concernait auparavant les spécialités du « cœur de métier », s’étend désormais à d’autres métiers (« matelot restauration » notamment).
Tableau du recrutement annuel des quartiers-maîtres et matelots par origine depuis 2008 | |||||
Recrutement |
2008 (1) |
2009 |
2010 |
2011 (2) |
Objectif estimé 2012 |
Externe |
1 514 |
1 626 |
885 |
1 178 |
1 350 |
Interne (2) |
275 |
290 |
192 |
116 |
140 |
(1) Écart de 39 avec les données du budget 2011 en raison d’une fiabilisation des données requêtées. (2) « Réalisé » arrêté au 30 juin 2011 + prévisionnel du 2e semestre 2011. (3) Volontaires en service dans la marine admis à contracter un engagement. Source : ministère de la défense et des anciens combattants. |
- le moral des troupes
Au cours des entretiens qu’elle a pu avoir avec des marins de tout grade lors de ses déplacements sur les bases navales de Brest et Toulon, votre rapporteure a pu constater que l’engagement opérationnel, en équipages, loin et longtemps, reste la principale source de motivation : un marin est heureux lorsqu’il navigue. L’année 2011, avec le succès de l’opération Harmattan, a procuré un légitime sentiment de fierté à l’ensemble des marins. Les équipages sortent renforcés de ces longues périodes à la mer et forts de l’acquisition de nouvelles compétences. Ce succès opérationnel s’est accompagné de nombreux sacrifices : le porte-avions a, par exemple, totalisé, 270 jours de mer sur l’année écoulée et 450 sur les deux dernières années. La recherche d’un juste équilibre entre vie professionnelle et vie privée est donc toujours fragile.
Si les transformations en cours sont globalement comprises, elles demeurent un domaine de préoccupation majeur des marins. La rapidité avec laquelle ces réformes sont menées, le manque de visibilité sur l’avenir, la perte de repères brutale qu’elles induisent, l’ampleur du travail qu’elles génèrent, constituent les principaux thèmes sur lesquels les marins s’expriment aujourd’hui. Le personnel non-officier souffre de l’augmentation des contraintes et de la charge de travail induite par la réduction des effectifs. Les officiers craignent que, par effet des regroupements, les restructurations et disparitions d’unité ne conduisent à une baisse de leur niveau de responsabilité. Le personnel civil, enfin, fait part de sa vie inquiétude face aux externalisations et aux restructurations, avec notamment la mise en place difficile des centres ministériels de gestion.
- les mesures indemnitaires
Afin d’engager le chantier essentiel de la refondation du système indemnitaire des militaires, une dotation de 3 millions d’euros est prévue par le projet de loi de finances. Par ailleurs, la transposition aux officiers mariniers du « nouvel espace statutaire » des corps de catégorie B de la fonction publique de l’État est prévue à partir de l’année 2012, et ce, sur quatre années. À ce titre, une première dotation de 2,6 millions d’euros est inscrite au budget du BOP marine (21 C). Enfin, une dotation de 2,5 millions d’euros est prévue pour accompagner la réforme de l’indemnité de résidence à l’étranger pilotée par les services du ministère des affaires étrangères.
- les mesures sociales et familiales
Les préoccupations de la marine en matière sociale ne diffèrent pas fondamentalement de celles des autres armées, les attentes les plus fortes s’exprimant notamment dans les domaines de la garde des jeunes enfants, du travail des conjoints et du logement. La marine présente toutefois des spécificités :
- la concentration de la majorité de son personnel dans les deux villes de Brest et Toulon ;
- l’absence du port base pendant plus de 100 jours par an pour près d’un tiers de ses effectifs.
Pour répondre à ces préoccupations, les villes de Brest et de Toulon devraient être dotées de deux à trois nouvelles crèches d’une capacité de 60 berceaux chacune. Compte tenu de l’importance des coûts d’infrastructure, supérieur à 7 millions d’euros, l’ensemble des opérations de remise à niveau ou de transformation des installations existantes sera étalé jusqu’en 2013 et devrait permettre de bénéficier à terme d’un total de 350 berceaux. La réalisation de la Maison de l’Enfance de Brest, dont le coût global est estimé à 6,6 millions d’euros, est bien engagée. La livraison est prévue en septembre 2014.
Le plan de réhabilitation du casernement relève dorénavant du centre de pilotage et de conduite du soutien (CPCS) de l’état-major des armées, chargé des infrastructures dites de « soutien commun ». Le casernement en région maritime Méditerranée, dont les opérations seront encore pilotées par la marine durant la période transitoire liée à la réforme de la fonction infrastructure, nécessite un effort tout particulier compte tenu de son état. Une ressource de 30 millions d’euros sera nécessaire sur les trois prochaines années (2012-2014) pour achever cet effort initié en 2011.
- les mesures de fidélisation
La politique de fidélisation de la marine s’adresse en priorité au personnel dont le départ compromettrait la réalisation de ses missions, soit à court terme par la perte de compétences clés, soit à moyen terme par une remise en cause des flux nécessaires à la formation de personnel qualifié. Visant à inciter aussi bien le personnel non-officier de carrière aux compétences sensibles à servir plus longtemps, que les marins sous contrat à renouveler leur engagement, cette politique doit rester souple et réactive face aux évolutions des compétences et des besoins.
Pour la deuxième année consécutive, la marine a utilisé la prime réversible de compétences à fidéliser (PRCF) qui remplace la prime de haute technicité (PHT) et la prime réversible des spécialités critiques (PRSC). Cette prime dont l’attribution est assortie d’un engagement à rester au service est un outil souple et efficace pour le gestionnaire.
La situation particulière des jeunes engagés nécessite, quant à elle, le renforcement des outils de fidélisation qui leur sont plus particulièrement destinés. Ainsi, le projet de loi de finances prévoit 2 millions d’euros pour la revalorisation des primes versées lors d’un réengagement.
- les mesures d’accompagnement des restructurations
Afin de permettre l’adaptation du ministère de la défense aux nouvelles missions qui lui sont dévolues et suite aux orientations prises par le gouvernement dans le cadre du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et de la réforme globale du ministère, un dispositif d’accompagnement social a été mis en place pour faciliter les réorganisations programmées à compter de 2009. Ce plan d’accompagnement social des restructurations comprend des mesures d’incitation au départ et des mesures d’aide à la mobilité.
En 2011, la marine a été dotée de 18,2 millions d’euros au titre du pécule d’incitation à une seconde carrière, enveloppe reconduite en 2012. Par ailleurs, les crédits d’aide à la mobilité du conjoint s’élèvent à 138 000 euros.
Enfin, dans le cadre général de l’accompagnement de la réforme des retraites, la création d’une indemnité proportionnelle de reconversion (IPR), en faveur de certains militaires non-officiers, dont le contrat n’aura pas été renouvelé par l’administration, a dû être mise en œuvre en cours d’année 2011. Pour 2012, la dotation à ce titre s’élève à 800 000 euros.
La loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2009 à 2014 a retenu pour la marine un format privilégiant la capacité hauturière avec la mise en œuvre de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), de six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), d’un porte-avions et de son groupe aérien, de 18 frégates de premier rang et de quatre bâtiments de projection et de commandement (BPC). Les appareils de l’aéronavale sont inclus dans une composante aérienne unique de 300 avions de combat modernes, Rafale et Mirage 2000 polyvalents.
La LPM prévoit également que la marine doit disposer des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions de sauvegarde maritime (bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers, patrouilleurs maritimes et avions de surveillance et d’intervention maritime).
Cependant, à l’exception de la capacité de dissuasion sous-marine, l’essentiel de la modernisation des équipements de la marine est plutôt prévu sur la seconde phase de la programmation (2015-2020), qu’il s’agisse des premières livraisons d’équipements dont les programmes sont déjà engagés (comme les frégates multi-missions, les SNA Barracuda ou les missiles de croisière navals) ou du lancement de programmes importants et attendus comme les bâtiments de surveillance et d’intervention maritime (Batismar), les avions de surveillance et d’intervention maritime (Avismar), les pétroliers ravitailleurs de nouvelle génération, les bâtiments d’intervention et de souveraineté pour le transport outre-mer (en remplacement des BATRAL) ou encore la composante guerre des mines (système de lutte anti-mines du futur).
Si tous ces programmes semblent répondre en qualité aux besoins de la marine, cet étalement du renouvellement des équipements risque de générer des ruptures capacitaires temporaires et des réductions de format qui pourraient s’avérer préjudiciables à la bonne exécution des missions de la marine. Une vigilance toute particulière sur la tenue des calendriers et sur le respect de financements programmés sera donc nécessaire.
La composante océanique de la dissuasion est constituée de la flotte des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de nouvelle génération, SNLE-NG. Leur renouvellement s’est achevé en 2010 avec la livraison du Terrible, équipé du missile mer-sol balistique stratégique M51. Les trois premiers SNLE de la série, Le Triomphant, Le Téméraire et Le Vigilant seront progressivement adaptés aux systèmes d’armes M51 durant leurs prochaines IPER au cours de la décennie à venir. Les têtes nucléaires qui équipent actuellement les missiles M45 et les premiers missiles M51 seront également progressivement remplacés par une nouvelle génération d’ogives dites « océaniques » (TNO) à partir de 2015. Ces programmes sont financés par les sous-actions 13, 14 et 15 de l’action 6 du programme 146.
Le Livre blanc a fait du renouvellement des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) une « priorité stratégique » : « par leur discrétion et leur ubiquité, ils apportent en particulier une contribution essentielle à la sûreté de la FOST et à la protection du groupe aéronaval. » (8). Le programme Barracuda livrera ses six sous-marins entre 2017 et 2017, au prix néanmoins d’une prolongation maîtrisée des SNA de classe Rubis actuellement en service. Ce programme est financé par la sous-action 74, Opérer en milieu hostile, de l’action 9 du programme 146. Le troisième sous-marin de la série a été commandé en juin 2011.
La loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 a prévu un important renouvellement de la flotte de surface entre 2009 et 2023.
Les frégates de premier rang sont la catégorie de bâtiments qui a été la plus touchée par la réduction de format qui résulte des conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014. Au lieu des 26 frégates existantes, la marine ne pourra plus s’appuyer que sur 18 frégates à l’horizon 2023 : 11 frégates multi-missions, 2 frégates de type Horizon et 5 frégates de classe La Fayette.
L’essentiel de la composante frégate reposera sur les 11 bâtiments du programme de frégates européennes multi-missions (FREMM). Mené en coopération avec l’Italie, le programme prévoit la réalisation de 11 bâtiments, 9 en version anti-sous-marine pour remplacer les frégates de type F67 et F70 entre 2012 et 2020, et 2 en version antiaériennes pour remplacer celles de type Cassard à partir de 2021.
La commande des huit premières frégates, inscrite dans la LPM 2003-2008 a été notifiée le 16 novembre 2005. La commande des trois dernières frégates est intervenue fin septembre 2009. Pour tenir compte de la réduction de format inscrite dans la LPM 2009-2014, la cadence de livraison a été réduite à une frégate par an sur la période 2012-2022. La première de la série, L’Aquitaine, a effectué sa première sortie à la mer en avril 2011 et devrait être livrée en novembre 2012. Ce programme est financé la sous-action 73, Opérer en milieu hostile, de l’action 9 du programme 146.
Le deuxième programme, celui des frégates de défense aérienne Horizon, s’est achevé cette année avec l’admission au service du Chevalier Paul le 10 juin 2011. Avec le Forbin, admis au service actif le 14 octobre 2010, ces deux frégates ont remplacé les frégates lance-missiles Suffren et Dusquesne, retirées du service actif en 2001 et 2007.
La composante frégates est enfin constituée des cinq frégates de classe La Fayette, admises au service actif entre 1996 et 2001. Elles arriveront bientôt à mi-vie et devraient subir une refonte structurelle et une modernisation. Cette phase pourrait avoir un impact sur leur disponibilité.
Le porte-avions Charles de Gaulle, après son premier arrêt technique majeur est, depuis fin 2009, opérationnel avec son groupe aérien embarqué.
Le rythme de décroissance du parc des Super Étendard est actuellement conditionné par la livraison des Rafale Marine – quatre en 2012, jusqu’au retrait du service des derniers avions en 2015. Une période de rupture capacitaire risque de survenir pendant la période 2015-2017, puisque la marine ne disposera alors que de 34 Rafale, soit six de moins que le seuil de criticité du groupe aérien embarqué, évalué à quarante.
Les avions de patrouille et de surveillance maritimes Atlantique 2 ne sont plus que vingt-deux, après le retrait du service actif de cinq avions. Ce format, au regard de la disponibilité moyenne de ces avions, rend très difficile l’exécution de leurs missions. Afin de pouvoir être maintenus en service jusqu’en 2032, un programme de rénovation en deux phases sera engagé dès l’année prochaine, pour une première livraison en 2017.
La marine a commandé 27 hélicoptères NH90, rebaptisés Caïman marine. Les quatre premiers exemplaires ont été livrés en 2010 et 2011, quatre autres devant l’être en 2012. La vocation du Caïman est celle d’un hélicoptère de combat naval embarqué. Il devrait assurer ses premiers détachements sur frégates Horizon et FREMM en 2012.
La marine nationale dispose aujourd’hui de deux bâtiments de projection et de commandement (BPC) admis au service actif en 2006 et 2007, en remplacement des transports de chalands et de débarquement (TCD). La LPM a repris les conclusions du Livre blanc en confirmant une cible de quatre BPC. Le troisième BPC, le Dixmude, doit entrer en service actif à l’été 2012. Le quatrième de la série, prévu en remplacement du TCD Sirroco, est prévu à l’horizon 2022.
Le remplacement des patrouilleurs actuels ne devait être entrepris qu’à partir de 2017, à travers le programme Batismar, qui prévoit la livraison de 16 patrouilleurs dotés de grandes capacités hauturières. Pour répondre à des réels déficits capacitaires outre-mer, le projet de loi de finances prévoit l’acquisition de trois patrouilleurs multimissions de type supply ship qui seront déployés aux Antilles, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Le financement de ces bâtiments, appelés à assumer des tâches relevant de la fonction garde-côtes, sera assuré par le ministère de la défense mais également par ceux de l’intérieur, des finances, de l’agriculture et de la pêche.
Le patrouilleur hauturier L’Adroit
Le 21 octobre 2011, DCNS a mis officiellement à disposition de la marine, pour trois ans, le patrouilleur hauturier L’Adroit. Selon une procédure originale et, à beaucoup d’égards, exemplaire – un programme développé en moins de deux ans, un coût inférieur de 35 % au budget initial – DCNS a développé ce bâtiment sur ses fonds propres et en reste propriétaire. Elle bénéficiera du retour d’expérience de la marine ainsi que du label « sea proven » pour ce navire à l’exportation. De son côté, la marine met en œuvre ce navire, acquiert l’expérience opérationnelle à la mer sur ce type de bâtiment et développe une capacité d’expérimentation de différents systèmes (optronique, communications, drones, etc.). Il sera employé pour des missions de sauvegarde maritime.
Un bâtiment de soutien et d’assistance hauturier (BSAH) sera également commandé en 2012 pour initier le programme de remplacement des bâtiments de soutien de région, les remorqueurs de haute mer, les remorqueurs ravitailleurs ainsi que les bâtiments de soutien, d’assistance et de lutte contre la pollution.
Le renouvellement de la flotte logistique n’est prévu qu’à partir de 2018 avec le programme Flotlog de quatre pétroliers ravitailleurs pour remplacer les quatre actuellement en service type Durance, dont l’âge est compris entre vingt et trente ans. Pour pallier cette difficulté, la commission de la défense a adopté, à l’initiative conjointe de votre rapporteure et de François Cornut-Gentille, un amendement visant à abonder les crédits de l’action 8 « Projection, mobilité, soutien » du programme 146 à hauteur de 5 millions d’euros pour engager, dès 2012, les études nécessaires à la modernisation ou au remplacement de ces navires (9).
Enfin, deux des treize chasseurs de mine ont été désarmés en 2009 pour économiser des crédits de MCO. Les moyens actuels de guerre des mines seront remplacés vers 2020 par une composante à base de drones sous-marins et de surface de différents types, mis en œuvre soit à partir de cinq bâtiments dédiés, capables d’en assurer la projection, soit depuis d’autres bâtiments indifférenciés (FREMM, BPC) pour des opérations limitées. Des études ont été lancées en ce sens dans le cadre de la coopération franco-britannique à partir de celles initiées par l’Agence européenne de défense. Le lancement d’un marché de développement commun est prévu pour 2012.
Les services du soutien sont au cœur des efforts d’optimisation et de rationalisation entrepris par la révision générale des politiques publiques (RGPP). On distingue trois types de soutien :
– le soutien spécialisé : à caractère interarmées, il correspond à des prestations relevant d’un domaine métier, tels que le service de santé, le service des essences ou le service des systèmes d’information ;
– le soutien spécifique, qui correspond à la maintenance des matériels propres à la marine : bâtiments de combats, avions, etc ;
– le soutien commun, assuré par les bases de défense, qui comprend toutes les prestations et tous les produits relevant de la vie courante tels que les transports en commun, l’hébergement ou la restauration.
Le soutien spécifique des unités navigantes est assuré par le service de soutien de la flotte (SSF), qui assume la maîtrise d’ouvrage déléguée du maintien en condition opérationnelle (MCO) des bâtiments pour le compte du chef d’état-major de la marine.
L’arrivée de nouveaux bâtiments, plus sophistiqués et disposant d’un équipage réduit, représente un défi pour le MCO de la marine. L’entretien courant, effectué à bord par les marins, pourrait en effet souffrir de la baisse des effectifs et les gains effectués sur la masse salariale pourraient, par conséquent, se reporter à terme sur le coût du MCO.
Le MCO repose sur une contractualisation, par famille de bâtiment ou d’équipement, avec des critères d’appréciation ou de disponibilité fixés par l’autorité organique. Le SSF passe des marchés avec des maîtres d’œuvre industriels pour assurer la maintenance. Il privilégie les contrats verticaux par famille de bâtiments (sous-marins, frégates fortement armées, frégates légères, bâtiments de soutien, etc.) mais a également recours à des contrats transverses pour certains types de matériels. Cette stratégie a été confirmée lors d’une enquête du contrôle général des armées en juin 2010.
La stratégie d’acquisition des marchés repose sur :
– des objectifs de résultat incitant les industriels à proposer une optimisation des politiques de maintenance ;
– un regroupement par flotte de navires similaires, indépendamment du port de stationnement ;
– un allongement de la durée des contrats de façon à inciter l’industrie à investir et favoriser des gains de productivité, tout en prévoyant un allotissement favorisant la mise en compétition et l’accès à la commande publique.
Les procédures compétitives utilisées dans le projet CAP 2008 ont accentué l’émergence de nouveaux maîtres d’œuvre industriels dans le domaine du MCO naval, en complément de l’opérateur historique DCNS, avec le renforcement de la position des acteurs précédents (comme CNN/MCO), l’émergence de nouveaux acteurs (STX) ou la création de groupements industriels pour répondre aux appels d’offres. 84 % des marchés (en nombre) ont été mis en concurrence pour CAP 2008 (71 % pour CAP 2005). DCNS n’est plus titulaire que de 30% des marchés de MCO, mais représente encore près 70% des sommes qui y sont consacrées.
Regroupant les activités de maîtrise d’œuvre technique et logistique spécifiques de la marine (ateliers et magasins), le service logistique de la marine (SLM) a conduit sans difficulté le travail d’intégration des entités issues des ex-ateliers militaires de la flotte et des entités issues des ex-services des marchés du commissariat.
S’il est encore trop tôt pour pouvoir quantifier les gains de productivité du soutien naval engendrés par ce regroupement sous une tête unique, les premiers travaux de programmation globale des activités des ateliers au niveau national, jamais réalisés auparavant, sont en cours de finalisation, en étroite liaison avec le service de soutien de la flotte (SSF), maître d’ouvrage délégué du MCO naval.
En ce qui concerne la programmation nationale du réapprovisionnement des matériels mobiles d’armement des bâtiments, son analyse et sa pleine mise en œuvre ne feront sentir leurs effets qu’en 2012.
Le SLM semble aujourd’hui bien structuré pour apporter une réponse satisfaisante à la contrainte budgétaire et pour s’adapter aux exigences des bâtiments de nouvelle génération (FREMM en particulier).
L’adossement de la marine au service industriel de l’aéronautique (SIAé) est effectif depuis le 1er janvier 2011. Service de soutien qui relève du chef d’état-major de l’armée de l’air, il exécute les actions de maintenance industrielle des matériels aéronautiques dont la responsabilité lui est confiée ou dont il obtient commande. L’adossement de la marine au SIAé permet la mise en commun des moyens humains et matériels et la réduction des coûts et des délais du soutien. Les conditions exceptionnelles d’activité du premier semestre 2011 ne permettent de tirer un retour d’expérience significatif.
Il faudra veiller à ce que la mixité des cultures, source de richesse quand elle permet un échange de savoir-faire industriel, ne remette pas en cause l’identité de l’aéronautique de la marine. Celle-ci gère en effet son personnel militaire dans une logique de flux afin de disposer de personnels aguerris, aptes à l’embarquement et au combat. Pour cela, ils sont affectés alternativement en unités opérationnelles, déplorables sur les théâtres, et à des postes dans les ateliers industriels. Selon une logique toute autre, le SIAé privilégie plutôt la conservation de l’expertise industrielle par du personnel civil sédentaire, occupant les mêmes postes dans la durée.
La prise en compte de la particularité de la marine, qui fait alterner postes à terre et postes embarqués, est valable pour toutes ses composantes, et constitue, d’une manière générale, un des enjeux des réformes du soutien en cours.
Décidée par le président de la République sous la double impulsion du Livre blanc et de la réforme générale des politiques publiques (RGPP), la rationalisation de l’administration générale et du soutien commun a été mise œuvre à partir de 2009. Elle vise à adapter les capacités opérationnelles des armées aux exigences des conflits et à moderniser l’administration du ministère de la défense, notamment en réduisant son coût global de soutien et de fonctionnement.
Unique formation administrative de la défense à l’échelle locale, la base de défense a pour mission d’assurer l’administration générale et le soutien commun des formations implantées dans son secteur de responsabilité.
La marine dispose avec les bases de Brest et de Toulon de deux bases de défense aux dimensions particulières – les seules de type III en dehors de Paris – qui soutiennent à elles seules la quasi-totalité des équipements et du personnel de la marine.
La base de défense de Toulon soutient près de 200 formations représentant 23 400 personnes. Toutes les armées et les services interarmées (service de santé, direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information, service du commissariat des armées, direction du renseignement militaire, service des essences et service interarmées des munitions) y sont représentés ainsi que la délégation générale pour l’armement et le secrétariat général pour l’administration. Elle compte quatre antennes locales sur les sites principaux pour assurer un service de proximité suffisamment réactif.
La base de défense de Brest, expérimentale depuis 2009, soutient une centaine de formations représentant 22 500 personnes, principalement de la marine. Son périmètre géographique chevauche trois départements et a nécessité la mise en place de neuf antennes locales.
De par leur format et leur forte coloration « marine », ces deux bases ont été conduites à adapter les processus génériques de soutien interarmées. La taille de leurs sites, tout d’abord, industrialisés et sensibles, nécessite une coordination locale forte pour assurer la maîtrise des risques dans tous les domaines ainsi que l’organisation de la vie sur base. La rationalisation du soutien avait été déjà bien engagée par la marine dans le cadre des travaux de densification de l’activité autour des ports. Le caractère indivis des équipages des bâtiments de la marine impose de maintenir en leur sein le personnel chargé de l’administration générale et du soutien commun.
Cherbourg est érigée en base de défense depuis le 1er janvier 2010. C’est une base à dominante marine mais soutenant quelques entités de l’armée de l’air et des organismes du SGA implantés à Caen. De dimension beaucoup plus modeste, elle assure le soutien de près de 70 unités représentant 3 000 personnes dont 600 élèves journaliers moyens. Elle dispose d’un port militaire, tourné vers les missions de sauvegarde maritime, siège d’une préfecture maritime et d’un port militaire nucléaire, qui accueille des sous-marins nucléaires en début et en fin de vie. Elle héberge également un pôle de formation interarmées : l’école des fourriers de Querqueville et l’école des applications militaires de l’énergie atomique.
Si l’organisation en base de défense a démontré toute sa pertinence cette année grâce au succès de l’opération Harmattan, votre rapporteure est consciente que cette nouvelle organisation déstabilise un peu les habitudes des marins. Là où les équipages n’avaient qu’un interlocuteur, le commissariat de la marine, la multiplication des services peut sembler déroutante. La disparition de la coordination exercée jusque-là par les commandants de base navale ou d’aéronautique navale laisse un vide que les commandants de base de défense, voire des officiers généraux de zone de soutien (OGCZS) pourraient peut-être combler.
Des efforts particuliers sont également fournis aux différents échelons afin de répondre aux difficultés nées d’un niveau insuffisant des allocations budgétaires initiales, et à celles liées au rodage du processus d’achat. L’ensemble de ces efforts participe à l’amélioration permanente de la nouvelle structure de soutien dont les premières années de fonctionnement confirment :
– le maintien de l’efficacité des soutiens, notamment en opérations, malgré les difficultés transitoires inhérentes à une réorganisation d’une telle ampleur ;
– le gain en personnel que l’harmonisation des procédures et des systèmes d’information devrait permettre à échéance de trois ans, pour atteindre les cibles de déflation prévues ;
– l’économie sur les budgets de fonctionnement au fur et à mesure de la modernisation des procédures et des systèmes d’informations.
La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu l’amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la marine, sur le projet de loi de finances pour 2012 (n° 3775), au cours de sa réunion du mercredi 12 octobre 2011.
M. Philippe Vitel, président. Je suis très heureux d’accueillir ici pour la première fois l’amiral Bernard Rogel, nouveau chef d’état-major de la marine.
Permettez-moi de retracer brièvement les étapes de votre carrière. Vous l’avez commencée, après l’école navale, comme commandant des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) Casabianca puis Saphir. Commandant en second de la frégate anti-sous-marine Tourville puis du sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) l’Indomptable, vous rejoignez le cabinet du chef d’état-major des armées en 1998. Vous serez ensuite commandant du SNLE l’Inflexible puis adjoint marine au chef de l’état-major particulier du Président de la République de 2004 à 2006. De 2006 à 2009, vous êtes chef de cabinet du chef d’état-major des armées.
Vous devenez le 12 septembre 2011 amiral et chef d’état-major de la marine à un moment particulier : cette année a été en effet particulièrement riche pour notre marine, qui s’est illustrée de manière éclatante au cours de l’opération Harmattan. Elle y a démontré à la fois la valeur de ses équipages, la qualité de sa préparation ainsi que l’excellent comportement de ses équipements. Vous allez nous préciser, amiral, l’effort fourni dans cette opération et nous présenter, naturellement, le projet de budget pour 2012 de votre armée.
Amiral Bernard Rogel. C’est la première fois que j’ai le plaisir et l’honneur de m’exprimer devant les membres de votre commission à l’occasion de l’examen du projet de budget.
Ce rendez-vous annuel est naturellement pour moi un moment privilégié pour évoquer la situation de la marine et je voudrais dire toute l’importance que revêt à mes yeux cette audition par la représentation nationale.
Avant de vous donner mes éléments d’appréciation sur le projet de loi de finances, je souhaite rappeler les engagements de la marine au cours de cette année – qui ne se limitent pas à l’opération Harmattan, en tirer les principaux enseignements et vous présenter les axes d’effort et les grands chantiers de la marine pour 2012.
Sur les douze derniers mois, le niveau de l’activité de la marine nationale a très fortement augmenté en raison de sa participation, aux côtés de nos camarades des autres armées, à de nombreuses opérations combinées.
Si, en 2010, l’activité est restée maîtrisée dans la limite des potentiels alloués, le premier semestre 2011 se caractérise par une augmentation de l’activité globale de 12 % de l’ensemble des bâtiments. Ainsi, ce sont en moyenne 3 170 marins qui ont été engagés dans des opérations extérieures au premier semestre, contre 1 280 pour l’ensemble de l’année 2010. Aujourd’hui, la consommation de potentiel dépasse l’allocation annuelle de plus de 30 % pour le porte-avions, les bâtiments de projection et de commandement (BPC) et les avions de patrouille maritime Atlantic 2. En bref, nous venons de vivre une période « extra-ordinaire » au sens très littéral du terme, c’est-à-dire très au-delà de l’ordinaire budgétaire prévu.
Cette intense activité opérationnelle se caractérise par un engagement sur de nombreux théâtres. En océan Indien, tout d’abord : de novembre 2010 à février 2011, le groupe aéronaval y a été déployé, renforçant considérablement les moyens prépositionnés dans cette région. Il a ainsi apporté un soutien précieux aux opérations en Afghanistan.
Je rappelle que l’un de nos bâtiments participe à l’opération Enduring Freedom de lutte contre le terrorisme depuis octobre 2001. D’avril à août 2011, nous avons d’ailleurs assuré le commandement de la Task Force 150.
Notre participation à l’opération Atalanta se traduit aussi par la présence permanente d’une frégate et d’avions de patrouille maritime pour la lutte contre la piraterie. Nous avons dû également renforcer notre dispositif à l’occasion du commandement français de la Task Force 465 d’août à décembre 2010 et, ponctuellement, lors des périodes d’inter-mousson, plus favorables aux pirates, comme c’est le cas en ce moment.
En Afrique, au Sahel, nous avons participé aux opérations antiterroristes de septembre 2010 à avril 2011, avec un dispositif qui a compté jusqu’à trois Atlantique 2, un Falcon 50M et huit équipages.
En Côte d’Ivoire, je souhaite insister sur le rôle déterminant du BPC – et du TCD (transport de chalands de débarquement) qui lui a succédé – pour l’opération Licorne. Resté 63 jours à la mer, sans toucher terre, il a apporté un renfort de troupes essentiel et discret. Grâce à sa polyvalence, de nombreux flux de matériel et de personnel ont été programmés, alors que la logistique par voie aérienne et terrestre était devenue très difficile.
En Méditerranée, nous sommes engagés, depuis le 23 février 2011, dans l’opération Harmattan. Par son caractère littoral et son intensité, cette opération a nécessité un niveau d’engagement exceptionnel de l’ensemble des composantes de la marine.
Nos unités ont appareillé en quelques jours, voire en quelques heures. Cet exercice de vérité nous a permis de mesurer notre réactivité, mais aussi notre capacité à mener des opérations de haute intensité, exigeant un niveau de coopération interarmées, inter-composantes et interalliée, dont très peu de marines sont aujourd’hui capables.
Jusqu’à présent, 29 bâtiments se sont succédé au large de la Libye pour assurer la permanence du volet naval de notre engagement militaire, contrôler l’espace aéromaritime, opérer des missions de renseignement et conduire des frappes coordonnées impliquant des avions de chasse, des hélicoptères, des avions de patrouille maritime et des bâtiments de surface en appui-feu naval. À lui seul, l’engagement du groupe aérien a permis d’effectuer 1 573 missions de guerre, tandis que les hélicoptères d’attaque de l’aviation légère de l’armée de terre ont effectué une quarantaine de raids à partir du BPC.
Cette opération n’a pas mobilisé seulement les équipages mais l’ensemble de la marine, tant dans le domaine des ressources humaines que dans celui du maintien en condition opérationnelle (MCO) et de la chaîne du soutien.
Les missions de combat, que je viens d’évoquer, ont été menées de manière concomitante à nos missions permanentes même si, et j’y reviendrai, il a fallu faire des choix pendant cette période. En effet, la marine nationale agit au quotidien pour défendre les intérêts de notre pays avec toutes ses composantes et dans chacune des autres fonctions stratégiques que sont en premier lieu la dissuasion, mais aussi la connaissance et l’anticipation, la prévention, la protection et l’intervention.
La dissuasion demeure la garantie fondamentale de notre sécurité. La marine y participe grâce à la permanence à la mer de la force océanique stratégique et la capacité de la force aéronavale nucléaire (FANU) à partir du porte-avions.
Pour les autres missions permanentes, je voudrais citer quelques exemples. Dans la lutte contre le narcotrafic dans l’arc antillais, cinq navires ont été déroutés et près de neuf tonnes de cocaïne saisies. En matière de lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte en provenance des Comores, 2 236 migrants et 132 passeurs ont été interceptés. La police des pêches, qui représente plus de 1 000 jours de mer et 200 heures de vol, a contrôlé plus de 3 000 navires et en a dérouté près de 50. La recherche et le sauvetage en mer ont permis de sauver un peu moins de 400 vies. Je peux enfin signaler le remorquage d’urgence de neuf navires en difficulté et la vingtaine d’escortes réalisées.
Je voudrais maintenant revenir sur l’opération Harmattan. S’il est évidemment trop tôt pour en dresser le bilan final, puisque la crise n’est pas terminée, je souhaite m’y arrêter car cette opération est déjà riche d’enseignements significatifs.
Tout d’abord, elle a amplement validé et confirmé les grandes orientations capacitaires, actuelles ou futures, retenues pour la marine. Elle a aussi souligné l’indispensable complémentarité interarmées pour les opérations de projection « d’entrée en premier » et d’action vers la terre.
Elle a notamment montré la remarquable efficacité, la fiabilité et la polyvalence du Rafale marine, la justesse de nos choix pour le BPC qui ont conduit à privilégier la fonction « porte-hélicoptères d’assaut », la forte implication des frégates et des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) dans l’action vers la terre et notre capacité de frappe dans la profondeur (missile SCALP, complété demain par le MDCN).
Elle a également conforté la valeur de notre modèle de préparation opérationnelle, grâce aux trois principes de notre socle organique renforcé : un niveau de disponibilité opérationnelle homogène au sein de la flotte, qui a permis d’engager sans délai la plupart des bâtiments de premier rang ; une grande polyvalence de nos bâtiments et de nos équipages qui peuvent changer de mission sans difficulté ; un professionnalisme orienté vers la combativité des équipages grâce à un entraînement permanent et exigeant.
Enfin, cette opération a aussi confirmé la pertinence des choix qui ont conduit à conserver des savoir-faire classiques tels que l’appui-feu naval (85 engagements en tir contre terre), l’intérêt des déploiements réguliers de groupes navals constitués qui favorisent la capacité des forces à être engagées sans délai ainsi que l’importance de la mobilisation organique dans les domaines des ressources humaines et de la logistique, pour répondre, dans la durée, au besoin opérationnel et effectuer des relèves régulières.
Elle a également mis en évidence l’intérêt des drones tactiques embarqués, la nécessité d’une mise à niveau des pods de désignation et de l’extension du spectre d’emploi des armes sur le Rafale marine dans le cadre d’un conflit urbain, l’intérêt d’une artillerie navale optimisée pour le tir contre la terre.
Mais ce fort engagement a conduit à arbitrer entre les opérations. Toutes les demandes, notamment certaines prévues par le contrat opérationnel de la marine, n’ont pu être honorées.
Parmi les plus significatives, je citerai notamment l’interruption de la présence d’Atlantique 2 en océan Indien suite aux déploiements au Sahel puis en Libye, alors que la piraterie ne faiblit pas, l’absence de SNA en Atlantique pendant quatre mois, la réduction de la présence en océan Indien à un seul bâtiment de surface à compter du mois de juin, le gel de la mission Corymbe dans le golfe de Guinée en juillet 2011 ainsi que l’annulation de deux missions sur quatre de lutte contre le narcotrafic en Méditerranée.
Enfin, la disponibilité des forces n’a pu être maintenue qu’au prix d’une tension extrême sur nos moyens de soutien. À titre d’exemple, à peine trois mois après le début des opérations, les taux de prélèvements de pièces sur les bâtiments avaient augmenté de 300 %, la permanence d’une frégate de défense aérienne de type Horizon en état opérationnel a, en pratique, nécessité la mutualisation d’équipements entre les deux frégates (32 prélèvements mutuels sur des composants majeurs comme les conduites de tir, le radar de veille aérienne et la propulsion).
Tout ceci démontre que le format de notre marine est aujourd’hui juste suffisant pour répondre aux ambitions de défense et de sécurité de notre pays.
Nos moyens ont été sollicités de manière exceptionnelle et requièrent aujourd’hui toute notre énergie pour le maintien et la régénération de notre potentiel. Mon premier souci sera donc d’assurer le meilleur emploi des ressources.
Cette année, le niveau d’activité de la plupart de nos grands bâtiments de combat a excédé très sensiblement les normes de la loi de programmation militaire (LPM). Il a induit un surcroît de dépenses inhabituel, évalué à moins de 100 millions d’euros sur les périmètres du MCO naval et aéronaval. L’abondement des ressources par la dotation OPEX sera donc déterminant pour l’équilibre de la gestion 2011.
Les ressources du projet de loi de finances sont en légère hausse par rapport à celles de 2011. Elles se partagent essentiellement entre le titre 2 (environ 1,46 milliard d’euros hors compte d’affectation spéciale pensions) et l’entretien programmé du matériel (1,34 milliard d’euros). Cette répartition situe les grands enjeux physico-financiers du budget opérationnel de programme (BOP) et met en évidence mes deux grandes préoccupations au plan budgétaire.
La maîtrise de la masse salariale tout d’abord. Elle se heurte à une sous-dotation classique qui, en cette période de grandes transformations, pourrait obérer les effets des revalorisations catégorielles et de la réforme des retraites. Un travail approfondi est mené depuis plusieurs mois sur les régimes indemnitaires. Nécessaire, il doit néanmoins être poursuivi avec précaution car il pèsera sur le moral et l’attractivité des carrières.
Ma deuxième grande préoccupation est celle de la maîtrise des coûts du MCO sans sacrifier la disponibilité des équipements. Cette dernière est fragile, vous le savez : s’agissant de la flotte de surface, si la disponibilité des plateformes a atteint un niveau satisfaisant et s’y maintient (environ 70 %), la disponibilité des systèmes d’armes reste insuffisante. Un plan d’actions ciblé, mis en œuvre avec le service de soutien de la flotte (SSF) et les commandants de force, s’attache à y remédier. Les SNA ne peuvent être soutenus qu’au prix d’un gel d’activité de ces bâtiments pendant neuf mois avant leur entrée en longue période d’entretien. Enfin, la disponibilité des aéronefs (environ 50 %) peine à se redresser.
Par ailleurs, il convient de ne pas oublier les infrastructures portuaires qui doivent être adaptées pour accueillir les frégates multimissions (FREMM) et les Barracuda. De même, la refonte des installations électriques des ports de Brest et Toulon, la poursuite de la modernisation des infrastructures de l’Île Longue et la réorganisation de la base aéronavale de Lann-Bihoué – pour accueillir les équipages de la base de Nîmes-Garons – sont autant de chantiers importants lancés dans un contexte budgétaire contraint.
Cet effort de maîtrise des coûts, dans le périmètre budgétaire confié à la marine, doit être mené dans un contexte de réformes qui est aussi l’un des grands défis à relever par la marine, comme par les autres armées.
La marine poursuit et consolide la transformation en s’assurant de l’adhésion de son personnel. Elle prend notamment part aux évolutions du commandement organique outre-mer, des espaces et des zones maritimes, de la fonction garde-côtes, dont la mise en place, il y a tout juste un an, représente une avancée très significative.
2011 a vu également l’aéronautique navale faire évoluer son format et ses implantations – fermeture de deux bases d’aéronautique navale et de deux établissements d’aéronautique navale, tout en menant à bien les premières externalisations de soutien de flottes particulières – F10 et Xingu – ainsi que l’adossement au service industriel de l’aéronautique (SIAé).
Les trois années qui viennent verront l’échelon central de la marine rejoindre le site de Balard et le commandement s’organiser en conséquence.
Ces réformes s’accompagnent d’une déflation des effectifs sans précédent qui se traduit pour la marine par la suppression de 6 000 emplois entre 2008 et 2015. Il s’agit d’atteindre un modèle défini à 32 000 marins militaires et 3 000 civils sans compter les 5 000 marins militaires employés en dehors de la marine. Un tiers de la déflation est lié au regroupement des capacités opérationnelles – les équipages des frégates vont passer de 350 à une centaine avec l’arrivée des FREMM, un autre tiers correspond aux rationalisations décidées.
Dans un tel mouvement, rendu compliqué par la réforme des retraites qui vieillit le personnel en poste et ralentit l’avancement, c’est toute la diversité des métiers de marins qui est en jeu. À cet égard je m’attacherai tout particulièrement à maintenir les compétences et les savoir-faire de la marine (53 métiers, dont certains gérés en microflux, notamment les atomiciens) et à maintenir les flux de recrutements et de départs. Cette transformation est résolument engagée et les choix faits par la marine sont orientés, en priorité, vers les forces opérationnelles et leurs équipages. Car ma préoccupation première reste bien le moral de nos équipages. Il est primordial. On ne fait pas un tel métier, avec de telles contraintes, sans être heureux.
En conclusion, je voudrais insister sur le fait qu’en 2012, la marine va poursuivre avec détermination l’effort d’adaptation qu’elle a entrepris depuis 2008. Je suis aujourd’hui à la tête d’une marine de premier rang, efficiente et réactive qui permet à notre pays de répondre aux enjeux de sécurité et de défense de notre pays dans un monde qui se mondialise, donc se « maritimise ». Cette marine, elle l’a démontré dans les mois qui viennent de s’écouler, est bien équipée, bien entraînée et vous pouvez compter sur les forces morales de ses femmes et de ses hommes dont l’unique but est de servir notre pays. Mais cela n’a pas été sans arbitrage et mon souci majeur, à l’issue d’une période d’activité intense, est de gérer les sollicitations opérationnelles et les moyens disponibles.
Ma mission est de mettre à la disposition du chef d’état-major des armées une marine équilibrée, polyvalente, prête à faire face rapidement à toute sollicitation pour répondre aux ambitions de sécurité et de défense de notre pays, protéger ses intérêts en mer comme à terre, promouvoir ses valeurs et l’aider à remplir ses obligations internationales. Soyez sûrs de ma détermination à remplir ces objectifs, sous les ordres du chef d’état-major des armées et l’autorité du ministre de la défense.
M. Philippe Vitel, président. Nous effectuons, avec ma collègue Patricia Adam, une mission d’information sur l’action de l’État en mer. Si nous jugeons satisfaisante la mise en place de la fonction garde-côtes et de son centre opérationnel, nous nous interrogeons sur ce qui se passe en outre-mer.
La France possède la deuxième zone économique exclusive mondiale et des territoires répartis sur toutes les mers du monde. Au cours d’un déplacement à la Réunion et à Mayotte, nous avons constaté l’obsolescence de certains bateaux, comme les Batral (bâtiments de transport légers) qui vont bientôt prendre une retraite bien méritée, mais qui, selon les programmations, ne seront pas forcément tous remplacés. Par ailleurs, le patrouilleur Osiris fait l’objet d’un partenariat public/privé qui donne des jours d’utilisation à la marine, mais peut-être pas toujours les jours où celle-ci en a besoin.
Alors que l’activité est particulièrement soutenue en matière de lutte contre l’immigration clandestine ou de surveillance des pêches illicites, nous nous interrogeons donc sur l’avenir de certains programmes. L’arrivée prochaine de bâtiments multimissions semble toujours virtuelle car elle n’apparaît pas encore dans les programmations. Quels sont vos projets dans ces domaines ?
Amiral Bernard Rogel. L’action de la marine et des autres administrations s’occupant de la vie en mer, car je n’oublie jamais que nous sommes dans un domaine interministériel, est importante dans les territoires ultramarins.
Il est certain que nous avons une flotte vieillissante, dont le remplacement est prévu à terme, par le programme Batsimar par exemple. Les besoins sont croissants, comme je l’ai illustré avec certains chiffres sur la lutte contre l’immigration et la surveillance des pêches. Je suis de ceux qui pensent que la mondialisation se traduira par une « maritimisation » et qu’on verra se multiplier les flux maritimes importants.
Nous avons pris des dispositions pour pallier les réductions temporaires de capacités, en attendant les nouveaux programmes. On a ainsi redéployé les patrouilleurs Arago et le Malin, respectivement vers la Polynésie et la Réunion . En outre, nous avons lancé un programme des bâtiments multimissions outre-mer qui seront gérés en interministériel. Nous ne sommes plus tout à fait dans le virtuel puisque l’appel à candidatures a été lancé en juillet 2011, que les candidats seront sélectionnés en février 2012, et que le contrat sera notifié en septembre 2012. Nous espérons donc voir ces bâtiments multimissions interministériels arriver à partir de 2014 pour remplacer les Batral vieillissants.
Les trois premiers iront en Nouvelle-Calédonie, aux Antilles et en Polynésie. Nous travaillerons pour avoir un autre bâtiment de ce type à La Réunion.
Le projet d’acquérir ces bâtiments en interministériel, avec une grosse part pour le ministère de la défense, et l’objectif d’un usage partagé entre le ministère de la défense et les autres administrations, est une bonne solution.
Mme Marguerite Lamour, rapporteure pour avis. Je me suis déplacée récemment sur les bases navales de Brest et Toulon, et je confirme que le moral de nos marins est bon, quels que soient les personnels. Ils sont légitimement fiers d’avoir participé à un moment inédit avec l’opération Harmattan. Je voudrais leur rendre hommage car ils ont fait œuvre de paix, ce qui est le cœur même de leur métier.
J’ai également perçu quelques interrogations sur la mise en place des bases de défense. Ce qui devait être une simplification apparaît parfois comme une complication, car les marins ont le sentiment que l’on a créé des tuyaux d’orgue en multipliant les interlocuteurs – service logistique de la marine, soutiens spécialisés, groupement de soutien – là où ils n’en avaient qu’un, le commissariat de la marine. Est-il prévu des ajustements, des points d’étape ?
Vous avez évoqué la mobilisation importante que l’opération Harmattan a nécessitée et les conséquences sur le matériel mais aussi sur l’entraînement et la formation de nos marins. Compte tenu de leur « surutilisation », cela signifie-t-il qu’il sera difficile, dans les mois qui viennent, de conserver des temps de mer suffisants pour nos marins ?
Vous disposez d’un parc de navires de générations différentes – entre la frégate Aquitaine et le Tourville, il y a un monde. Quelle est l’incidence de cette diversité du matériel sur le coût du maintien en condition opérationnelle (MCO) ?
Vous nous avez parlé de déflation des effectifs, mais la marine est également un gros recruteur avec près de 3 000 personnes par an, dont certains sur des spécialités très pointues. C’est le cas par exemple des atomiciens qu’il convient de recruter puis de fidéliser. Quelles mesures catégorielles sont envisageables pour ces personnels ?
Je n’évoquerai pas le second porte-avions mais j’imagine que, comme chef d’état-major de la marine vous êtes favorable à sa construction pour assurer la permanence à la mer. C’est une réponse politique que nous devons apporter.
Dernier point, le démantèlement des navires de guerre. J’ai lu dans un entretien que vous avez donné lors de votre venue à Brest, qu’il était une de vos priorités. Je vous en remercie car c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur.
Amiral Bernard Rogel. La marine est dans une période transitoire. La réforme des bases de défense est indispensable, compte tenu de l’évolution du format des armées. La difficulté pour la marine réside dans la nécessité d’absorber une phase transitoire de « désoptimisation ». Le soutien devient interarmées et il faut rompre avec des habitudes parfois séculaires, ce qui peut être perturbant. Les personnels de la chaîne soutien sont très compétents et au cours de mes déplacements, je n’ai pas rencontré d’obstacle majeur à la mise en place de cette réforme.
On ne peut parler de « surutilisation » de la marine lors de l’opération Harmattan : la marine a fait son métier qui est de faire des opérations ! Cette opération l’a cependant conduite à se retirer de certains exercices et a induit une petite baisse d’activité dans le domaine de la formation, notamment pour la lutte anti-sous-marine. Certaines décisions ont dû être décalées, telles que la transformation de la flottille 11F sur Rafale. Il va donc falloir à la marine un peu plus de six mois pour revenir à l’ensemble de ses qualifications opérationnelles.
Le maintien en condition opérationnelle (MCO) est effectivement compliqué car il concerne des navires de deux générations. Ces choses évolueront quand l’ancienne génération sera complètement remplacée par la nouvelle. Cependant, il n’y aura pas pour autant une diminution des crédits affectés au MCO car l’entretien des matériels modernes est coûteux.
En ce qui concerne le recrutement, je veille à ce que les ruptures de contrats ne soient pas trop nombreuses. Par ailleurs, le système indemnitaire vient d’être refondu et il faudra veiller à ce que de nouvelles mesures catégorielles ne soient pas créées en trop grand nombre.
La décision sur le second porte-avions est un choix politique. Les ambitions de la France en matière de défense et de sécurité doivent être mises au regard de son contexte budgétaire. Le chef d’état-major de la marine ne peut remettre en cause tout l’équilibre des armées françaises, même s’il aimerait naturellement avoir un deuxième porte-avions.
La déconstruction de ses navires est une préoccupation pour la marine depuis longtemps. Il s’agit d’un sujet sensible, tant sur le plan environnemental que sur le plan budgétaire, et il faut prendre en compte l’attachement des marins à leurs bateaux. Les contraintes environnementales se sont récemment renforcées. Si un équilibre peut être atteint entre le coût de déconstruction et la vente de l’acier pour les grands bâtiments, cela n’est pas le cas pour les plus petits.
Mme Patricia Adam. Quels moyens l’Europe peut-elle mettre en commun dans le domaine de la sauvegarde maritime ? Quelles sont les pistes de coopération avec les Britanniques dans le domaine de la guerre des mines ?
M. Gilbert Le Bris. Je m’associe à ce qui a été dit par Philippe Vitel sur les forces de souveraineté. Quand arrivera-t-on à faire le choix de bateaux simples, robustes et peu coûteux ?
L’intervention en Libye a mis au jour des trous capacitaires. Par exemple, seuls trois sous-marins nucléaires d’attaque étaient disponibles sur les six que nous possédons. Par ailleurs, il n’a pas été possible de réaliser des transferts à la mer de missiles SCALP car ils étaient trop lourds pour nos hélicoptères et nous avons dû recourir à la coopération. Que pensez-vous de cette situation ?
M. Francis Hillmeyer. Les collisions qui ont eu lieu en 2009 ont-elles eu un impact sur la permanence à la mer de nos sous-marins nucléaires ? Pouvez-vous faire un retour d’expérience de l’entraînement multinational de lutte anti-sous-marine, Spontex 11, qui a eu lieu au printemps dernier ?
Amiral Bernard Rogel. Il ne faut pas, Monsieur Le Bris, tirer un bilan mitigé de l’action de la marine en Libye. Elle a réalisé toutes les missions qui lui ont été confiées, mais elle évolue dans un contexte budgétaire contraint. Il est vrai que la situation des hélicoptères lourds est délicate mais nous avons quand même trouvé des solutions. Aucune opération ne se déroule exactement comme prévu et nous devons nous adapter ! En Libye, la France a montré qu’elle disposait d’une marine polyvalente, capable de remplir ses missions.
En ce qui concerne la sauvegarde maritime, la réflexion a beaucoup avancé au niveau européen. Les échanges d’informations sont désormais faciles. La difficulté réside dans les différences d’organisation entre les pays de l’Union européenne. En France nous avons la chance d’avoir un modèle interministériel, une organisation très intégrée, mais ceci n’est malheureusement pas le cas de tous nos partenaires européens. Des progrès restent aussi à faire, notamment dans le domaine des poursuites judiciaires. En dépit de ces obstacles, nous disposons en Europe d’un système de sauvegarde maritime satisfaisant.
Concernant la coopération franco-britannique, j’ai rencontré mon homologue avant-hier. Nous avons des pistes, néanmoins le Royaume-Uni connaît également une période de grande transformation et la réflexion sur un format commun n’est pas mûre. Ce que je peux vous dire, c’est que nous avons vécu dernièrement avec les Britanniques un cycle opérationnel intense. En Afghanistan notamment, mais aussi en Côte d’Ivoire, pays dans lequel le Royaume-Uni avait des ressortissants. Et en Libye bien entendu, où nous avons travaillé main dans la main et dans une transparence opérationnelle rarement atteinte jusqu’à présent. Tout ceci est porteur d’espoir.
La dissuasion est assurée à temps complet et en permanence par les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. La rencontre fortuite de 2009 a donné lieu à un retour d’expérience et nous avons pris toutes les dispositions nécessaires avec les Britanniques pour qu’un tel accident ne se reproduise plus.
Les manœuvres Spontex sont régulières. Nous sommes toujours très heureux d’y participer avec nos partenaires et la dernière manœuvre s’est parfaitement déroulée.
M. Nicolas Dhuicq. Avez-vous des espoirs que puissent se nouer de nouveaux équilibres et de nouveaux arbitrages entre les différentes armées qui pencheraient en faveur de la marine ? Que pensez-vous de la réflexion américaine sur les navires de combats littoraux ? Que pensez-vous de la montée en puissance de la marine chinoise ? Je souhaite également vous faire part de mon inquiétude concernant la faible présence de la France près de la Nouvelle-Calédonie et dans le canal du Mozambique.
M. Damien Meslot. Pouvez-vous nous faire un bilan de l’opération Atalanta, en précisant les forces engagées et les objectifs ennemis neutralisés ?
M. Christophe Guilloteau. La marine a-t-elle déjà fait un retour d’expérience sur l’opération Harmattan ? Confirmez-vous l’information selon laquelle 3 000 obus auraient été tirés par la marine ? 15 missiles SCALP ont été tirés au cours de cette opération, la marine a-t-elle pris part à ces tirs ?
Amiral Bernard Rogel. L’opération Harmattan étant sous la responsabilité de l’état-major des armées, il ne m’appartient pas d’en faire le bilan, d’autant plus que nous ne communiquons jamais sur une mission tant qu’elle n’est pas achevée. Pour autant, je peux vous faire part des pistes que nous avons déjà identifiées pour la marine. Nos bâtiments ont effectivement tiré plus de 3 000 obus avec une précision remarquable. Nous avons également mis en œuvre les missiles SCALP, en lien et coopération avec l’armée de l’air. Je rappelle que nous avons tiré sur terre depuis la mer ; cet exemple montre qu’il faut toujours bien veiller au maintien de capacités, même si elles ne sont pas fréquemment utilisées.
Il s’est agi d’une opération coordonnée, engageant des avions de reconnaissance, des hélicoptères d’attaque de l’armée de terre, des moyens de renseignement, des avions de l’armée de l’air, de l’aéronavale… J’ajoute que nous intervenions en lien avec les troupes de l’opposition se battant au sol. Nous allons donc devoir analyser très précisément cette opération. D’ores et déjà il apparaît que nous avons réussi à être très réactifs pour l’exploitation du renseignement, même si des progrès sont encore possibles.
L’intervention dans un milieu urbain était une contrainte forte car le risque de dommage collatéral était élevé. Outre les conséquences humaines, il aurait pu être instrumentalisé par les forces du colonel Kadhafi pour rallier les indécis. Ses troupes ont d’ailleurs changé de mode d’action en réaction à nos attaques : elles sont passées des chars blindés à des véhicules tout-terrain armés.
Enfin, nous allons veiller à ce que le retour d’expérience soit partagé avec nos partenaires, en particulier avec les Britanniques.
L’opération Atalanta relève de l’état-major des armées et non de la marine nationale. 25 000 navires passent chaque année dans le golfe d’Aden. Environ 30 bâtiments militaires croisent dans la zone, qu’ils relèvent de l’opération Atalanta, de l’opération Ocean Shield de l’OTAN ou qu’ils soient sous commandement national. Aujourd’hui, une dizaine de navires sont aux mains des pirates ; c’est un volume relativement faible par rapport au nombre total de bâtiments dans ce secteur. J’ajoute que notre action porte ses fruits : en 2008 environ 30 % des attaques des pirates étaient couronnées de succès ; seules 13 % aboutissent aujourd’hui. Le problème n’est pas seulement militaire ; il est avant tout juridique. Il est difficile de traiter judiciairement le cas des pirates et encore plus celui des pirates présumés, ces derniers passant très vite du statut de présumé pirate à celui de simple pêcheur, voire de naufragé volontaire. La France s’est récemment dotée d’un dispositif législatif pertinent qui nous permet de prendre en charge et de rapatrier les pirates avérés. En revanche, la situation est plus délicate pour les pirates présumés, en dépit des accords passés avec les pays de la région.
Concernant l’équilibre entre les armées, je suis convaincu que le monde va se « maritimiser ». Il appartient au chef d’état-major des armées d’opérer les arbitrages adéquats compte tenu du contexte budgétaire. Il faut trouver un équilibre entre nos ambitions de défense et de sécurité et nos moyens financiers pour pouvoir déterminer les capacités dont nous nous souhaitons nous doter. Quoi qu’il en soit, je suis très sensible à ce que les enjeux maritimes de notre pays soient bien identifiés.
La Libye a montré que l’accès au littoral depuis la mer reste un élément déterminant. Nous n’étions pas démunis puisque nos sous-marins pouvaient s’approcher et que nos BPC pouvaient positionner des hélicoptères à proximité des côtes. Si nous n’avions pas pu passer par la mer, cela aurait compliqué très fortement notre tâche et limité nos capacités d’action. Le combat dans la zone littorale me semble être un besoin qui va croître et nous devons bien veiller à le prendre en compte.
La flotte chinoise est en croissance forte, avec des capacités océaniques qui lui permettent aujourd’hui d’intervenir au-delà de la seule mer de Chine. Ce n’est pas une surprise, les Chinois ayant bien compris l’importance de l’enjeu maritime.
M. Michel Voisin. Je souhaiterais que vous puissiez, comme l’a fait hier le chef d’état-major de l’armée de l’air, nous apporter des éléments sur les munitions. Compte tenu des obsolescences et de l’utilisation intensive de nos armes en Libye, existe-t-il un risque de rupture de nos stocks ?
M. Gwendal Rouillard. DCNS a fait le choix de construire une FREMM en dix mois alors qu’elle pourrait mener à bien un tel chantier en seulement sept mois. Est-ce pertinent ? Pouvez-vous faire le point sur l’entrée en service et l’avenir des Ocean Patrol Vessel (OPV) ?
Amiral Bernard Rogel. La gestion de nos stocks d’armement est un élément essentiel, vu l’utilisation importante de nos armes en Libye. Durant l’opération, la marine n’a pas eu à recompléter ses stocks, à l’exception des munitions de 76 mm. Des bâtiments comme Le Forbin et le Chevalier Paul ont en effet été engagés très tôt et nous n’avions pas forcément anticipé leurs besoins de munitions. Nous avons donc rapidement passé, sous l’autorité de l’EMA, de nouveaux contrats d’approvisionnement. Nous avons également procédé à des transferts entre armées.
La gestion des munitions relève désormais de plusieurs organismes : le service interarmées des munitions (SIMU), la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD), la délégation générale pour l’armement (DGA), chaque armée restant responsable de son propre stock. Aujourd’hui il faut que nous procédions au recomplètement des stocks de façon à pouvoir répondre à toute nouvelle sollicitation.
Comme je l’ai indiqué lors de ma visite à Lorient, l’avenir de la marine se prépare aussi en Bretagne où sont construites les FREMM. Le rythme de construction de ces bâtiments a été arrêté par un accord entre l’industriel et la marine ; il me convient parfaitement.
L’OPV L’Adroit est une sorte de démonstrateur mis au point par DCNS et armé par des équipages de la marine. Il s’agit d’une coopération gagnant-gagnant : nous disposons d’un bâtiment de plus et l’industriel peut expérimenter en situation réelle son prototype. C’est également une vitrine précieuse pour ses clients internationaux.
La Commission examine pour avis, sur le rapport de Mme Marguerite Lamour, les crédits du programme : « Préparation et emploi des forces : marine », pour 2012, au cours de sa réunion du mardi 25 octobre 2011.
Un débat suit l’exposé de la rapporteure.
M. Gilbert Le Bris. L’engagement français en Libye est riche d’enseignements. S’il a montré que la France était globalement capable de mener une telle opération, il a également mis en lumière plusieurs carences capacitaires, y compris pour nos alliés britanniques. J’ai notamment relevé que le Royaume-Uni a des difficultés pour la maintenance de ses Tornado et peine à assurer la formation des pilotes de Typhoon. Au vu de ces éléments, quelles mesures vont être prises en France ? Le chef d’état-major de la marine dit disposer de capacités « juste suffisantes ». Mais n’est-on pas déjà trop juste ?
L’amendement sur les pétroliers-ravitailleurs m’apparaît pleinement justifié. Il doit nous inciter à prolonger la réflexion sur les autres capacités. Je pense notamment au deuxième porte-avions : ce point doit être réglé et il faut que nous disposions, au moins, d’un échéancier indiquant à quel moment la décision finale sera prise.
Mme Marguerite Lamour. L’amendement que je vous propose apporte précisément une réponse au risque de rupture capacitaire. L’opération Harmattan a montré que la marine était capable de répondre aux demandes opérationnelles, même si elle a dû pour cela annuler une partie de ses autres opérations. Le retour d’expérience de l’opération en Libye nous permettra de tirer toutes les conséquences pour le format de la flotte.
M. Nicolas Dhuicq. Je suis tout de même surpris que les puissances européennes aient tant de mal à déployer moins de trois douzaines de bâtiments ! L’action de la marine est remarquable, ses personnels s’impliquant totalement ; l’approximation n’a pas de place dans leur quotidien mais je crois que, malheureusement la marine communique moins bien que l’armée de l’air.
Les besoins maritimes vont croître, que ce soit pour mieux contrôler les flux migratoires ou pour faire face à la présence croissante de la Chine dans l’océan Indien. Comment allons-nous faire face à ces demandes sans un deuxième porte-avions ? De même, notre présence diminue dans le Pacifique alors que la Chine témoigne de son intérêt grandissant pour cette zone. L’Australie et la Nouvelle-Zélande se sont d’ailleurs inquiétées de notre désengagement.
Au final, il me semble que nous ne faisons pas assez pour notre marine.
M. le président Guy Teissier. L’Australie et la Nouvelle-Zélande se sont certes rapprochées de la France mais après avoir durablement fait preuve d’une certaine réserve à notre endroit.
M. Jean-Louis Bernard. J’ai été sensible aux propos de François Cornut-Gentille portant sur la nécessité d’un débat serein et techniquement solide autour de la dissuasion.
Dans les récents conflits, notre force nucléaire n’a pas été engagée et c’est heureux. Pourtant, à l’heure où nous devons faire des choix budgétaires, nous ne pouvons pas oublier que la dissuasion consomme près d’un quart des ressources du ministère. Le débat public se focalise beaucoup sur la sortie du nucléaire civil mais laisse totalement de côté le nucléaire militaire.
Des décisions ont déjà été prises avec la réduction d’un tiers de la composante aéroportée, avec l’évolution de notre doctrine pour envisager des frappes ciblées ou avec l’abandon de la composante terrestre.
Je crois qu’il serait utile que la Commission puisse entendre les acteurs du secteur. Ils nous apporteraient un éclairage technique indispensable à tout positionnement politique.
M. le président Guy Teissier. Je suis certain qu’un tel débat serait intéressant. Nous pourrions d’ailleurs procéder à des auditions larges réunissant par exemple des instituts de recherche. Le chef d’état-major des armées serait certainement heureux de contribuer à ces échanges.
Je relève toutefois qu’il faut se méfier de la dénucléarisation qui ne peut en aucun cas relever d’une décision unilatérale. J’ajoute que la France est exemplaire dans la réduction de son arsenal et a déjà engagé des efforts très importants ; il ne faut pas l’oublier.
Mme Michèle Alliot-Marie. Il conviendra d’associer le commissariat à l’énergie atomique à ces discussions car l’aspect technologique ne doit pas être oublié.
M. Gérard Charasse. Je souhaiterais revenir sur la déconstruction des navires que la rapporteure a évoqués. Où est-elle prévue ?
Mme Marguerite Lamour. Tout le monde rêverait d’avoir un deuxième porte-avions, ce qui assurerait une permanence à la mer du groupe aéronaval. Mais si ce choix implique de renoncer à tout le reste, je crois que même les marins y renonceraient. Serait-il pertinent de tout sacrifier pour ce seul bâtiment ? Nous avons un choix politique à faire.
La marine va progressivement renouveler sa flotte de patrouilleurs dans le Pacifique à partir de 2017. En attendant, elle va faire l’acquisition en 2012 de trois bâtiments de type supply ship qui seront déployés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française mais aussi aux Antilles.
Pour la déconstruction de la coque du Clemenceau, le ministère avait lancé un appel d’offres avec des exigences environnementales et de traitement des matières dangereuses et c’est une société anglaise qui l’a emporté. La marine procède de la même manière pour les navires restant à déconstruire aujourd’hui. Je crois que l’émergence d’une filière européenne de déconstruction civilo-militaire est importante.
De nombreux points doivent être réglés, notamment pour les navires de commerce. Durant leurs quarante années de service, ils changent en moyenne sept fois de propriétaire. Qui doit payer pour leur déconstruction finale : l’acheteur initial, le propriétaire final ou tous les propriétaires successifs ? Cette question doit être tranchée au niveau international.
M. Alain Rousset. Il me semble essentiel que nous puissions nous positionner à partir d’éléments techniques complets sur la stratégie et sur les coûts induits. L’opération en Libye constitue pour cela un important réservoir d’enseignements. Je souhaiterais notamment que nous puissions avoir une comparaison entre le coût du déploiement d’un avion à partir d’un porte-avions et lorsqu’il opère depuis une base avancée. Je rappelle que les Rafale de l’aéronavale ont une capacité d’emport deux fois moindre en raison des contraintes de l’appontage. Pour opérer des choix cohérents et justes, nous devons disposer de toutes les données.
Il faut par ailleurs reprendre notre réflexion sur l’Europe de la défense. Je trouve nos positions excessivement pessimistes. Quel rôle la France peut-elle jouer et avec quel retour ? Nous devons commencer à préparer le successeur du Rafale. Personne ne croit que nous pourrons encore avoir dans 15 ou 20 ans trois avions de chasse en Europe. Pourquoi ne pas profiter de cette occasion pour avancer sur la coopération européenne de défense ?
M. le président Guy Teissier. Nos forces sont aujourd’hui employées sur des théâtres plus éloignés et dans des délais de plus en plus courts. Ces exigences montrent bien l’importance des capacités de projection.
La construction européenne a reculé nos frontières nationales : nous avons désormais accès à des bases situées en Sicile ou à Chypre. Cela a grandement facilité notre engagement.
Après avoir été un ardent défenseur du deuxième porte-avions, convaincu qu’il est indispensable pour assurer une permanence à la mer, j’ai revu ma position. Compte tenu du calendrier, nous ne parviendrons pas à avoir en même temps deux porte-avions ; le second ne sera opérationnel qu’en fin de vie du Charles de Gaulle. Dès lors, faut-il faire un effort financier conséquent pour un apport opérationnel aussi mesuré ?
Sur le retour d’expérience de l’opération Harmattan, j’adhère à la proposition d’Alain Rousset. Il serait utile que nous disposions d’une telle comparaison.
M. Alain Rousset. Le problème de la projection de forces renvoie à la notion de cercle de défense et à la coordination de notre présence avec celle de nos alliés. Ne peut-on se répartir la présence militaire dans le monde ?
M. le président Guy Teissier. Cette question sera très certainement intégrée à l’actualisation du Livre blanc. J’ai d’ailleurs demandé à Francis Delon, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale et chargé, à ce titre, de cette mise à jour, de venir nous en présenter les grandes lignes.
Mme Marguerite Lamour. Nous rêvons tous d’un deuxième porte-avions, mais pas à n’importe quel prix. Il apporte tout de même un avantage stratégique non négligeable par rapport à un déploiement à partir d’une base aérienne avancée, celui de se déplacer où il le souhaite sans demander l’autorisation à personne ! Ensuite, l’opération en Libye s’est déroulée relativement près de nos frontières, ce qui peut rendre la comparaison entre une projection depuis une base aérienne et une projection depuis le porte-avions pertinente, mais ce type d’opération n’est pas transposable à l’autre bout du monde. Enfin, je voudrais souligner que notre capacité de projection est complétée par nos BPC qui permettent à nos forces d’opérer loin et dans la durée.
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Conformément aux conclusions de la rapporteure, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Préparation et emploi des forces : marine ».
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1. À Paris
— l’amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la marine ;
— l’amiral Olivier Lajous, directeur du personnel militaire de la marine ;
— le vice-amiral (2S) Hubert Jouot, chargé de mission « démantèlement des navires en fin de vie » auprès du chef d’état-major de la marine ;
— M. Patrick Boissier, président-directeur général de DCNS.
2. À Toulon et Hyères, le 22 septembre 2011
— le vice-amiral d’escadre Yann Tainguy, préfet maritime et commandant de la zone maritime Méditerranée (CECMED) ;
— le vice-amiral d’escadre Xavier Magne, commandant de la force d’action navale (ALFAN) ;
— le contre-amiral Hervé de Bonnaventure, commandant la force de l’aéronautique navale (ALAVIA) ;
— des personnels de la base navale de Toulon ayant participé à l’opération Harmattan, à bord de la frégate Le Chevalier Paul ;
— le capitaine de vaisseau Frédéric Babin Chevaye, commandant de la base aéronavale de Hyères, et des personnels de la base.
3. À Brest, le 10 octobre 2011
— le vice-amiral d’escadre Anne-François de Saint Salvy, préfet maritime et commandant de la zone maritime Atlantique (CECLANT) ;
— le vice-amiral Georges-Henri Mouton, commandant des forces sous-marines et de la force océanique stratégique (ALFOST) ;
— le capitaine de vaisseau Bruno Deméocq, adjoint organique à Brest de l’amiral commandant la force d’action navale, à bord du bâtiment de commandement et de ravitaillement La Somme ;
— des personnels de tous grades et toutes affectations de la base navale de Brest ;
— le commissaire en chef de première classe Hervé Parlange, chef du groupement de soutien de la base de défense de Brest-Lorient ;
— l’ingénieur en chef de l’armement Patrick Puyhabilier, directeur du service de soutien de la flotte de Brest ;
— le capitaine de vaisseau Jean-Marc Hourtoulle, chef du service logistique de la marine de Brest et des personnels de son service.
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