No 4406 (rectifié)
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 février 2012.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE
sur les relations entre l’Union européenne et la Chine,
(Renvoyée à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)
PRÉSENTÉE,
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES,
par Mme Marie-Louise FORT et M. Jérôme LAMBERT,
Rapporteurs,
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu les articles 153, 191, 207 et 218 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et le traité sur l’Union européenne,
Vu la communication de la Commission européenne « Commerce, croissance et affaires mondiales-La politique commerciale au cœur de la stratégie Europe 2020 », COM (2010) 612 du 9 novembre 2011, ainsi que les conclusions des Conseils européens des 16 septembre 2010 et 23 octobre 2011,
Considérant qu’il est de la responsabilité de l’Union européenne de défendre son modèle social et un modèle démocratique fondé sur les droits de l’Homme et l’économie de marché ;
Considérant que les niveaux de développement comparés de l’Union européenne et de la Chine et les relations d’interdépendance entre les deux économies impliquent le passage d’une relation asymétrique à une relation équilibrée fondée sur des avantages réciproques ;
Considérant qu’en adhérant à l’Organisation mondiale du commerce en 2011, la Chine a fait le choix du libre-échange dont elle retire des bénéfices importants et qu’elle s’est engagée à en respecter les règles de réciprocité et les disciplines ;
Considérant que les pratiques inéquitables et les comportements protectionnistes contraires aux engagements internationaux de la Chine faussent le jeu d’une concurrence loyale avec l’Union européenne ;
Considérant, compte tenu des perspectives de croissance des pays émergents, que le rééquilibrage des relations entre l’Union européenne et la Chine passe par un accès équitable au marché chinois pour les entreprises européennes, alors que l’Europe a largement ouvert ses frontières ;
Rappelant que l’Union européenne a reconnu la République populaire de Chine en 1975, qu’elle a conclu en 1985 un accord de commerce et de coopération, que les deux partenaires ont établi en 2003 un partenariat stratégique et ont ouvert, en 2006, des négociations sur un nouvel accord cadre pour remplacer l’accord obsolète de 1985, qui n’ont toujours pas abouti, en dépit d’un dispositif de dialogues économique, commercial et stratégique ;
Prenant acte des résultats encourageants mais limités du quatorzième sommet entre l’Union européenne et la Chine à Pékin, le 14 février 2012 ;
1. Estime indispensable que l’Union européenne surmonte les divergences entre États membres pour définir une stratégie ambitieuse à la mesure de ses atouts de première zone commerciale mondiale et qu’elle assure le respect par les États membres de ses priorités et intérêts communs ;
2. Considère que l’Union européenne doit prendre en compte le système productif régional intégré dont la Chine est le moteur, et inscrire le développement de son partenariat commercial et stratégique avec la Chine dans une vision plus large englobant l’Asie et ne négligeant pas les autres pays de la région dans une approche trop fragmentée ;
3. Rappelle que la Chine bénéficie de l’accès au marché européen et juge que sa participation éventuelle aux opérations du Fonds européen de stabilité financière et du Mécanisme européen de stabilité ne doit pas se traduire par des concessions spécifiques de la part de l’Union européenne ;
4. Souligne la nécessité pour l’Union européenne de compléter sa politique commerciale par le développement d’une politique industrielle et de compétitivité encourageant l’innovation et la protégeant par la création d’un marché unique des droits de propriété intellectuelle ;
5. Demande à l’Union européenne de soutenir l’accès de ses petites et moyennes entreprises aux marchés globaux ;
6. Estime que l’Union européenne ne doit accorder le statut d’économie de marché à la Chine qu’à la condition que celle-ci remplisse effectivement les critères définis par l’Union européenne ;
7. Se félicite de la révision du règlement sur le système des préférences généralisées accordant à la Chine le bénéfice de préférences unilatérales non justifiées et recommande à la Commission européenne d’utiliser, autant que de besoin, les instruments de défense commerciale et la saisine de l’Organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce ;
8. Rappelle qu’imposer strictement aux produits importés les normes européennes ne constitue pas du protectionnisme, dans la mesure où ces normes ne sont pas discriminatoires ;
9. Demande à la Commission européenne d’accentuer sa lutte contre les produits de contrefaçon qui portent atteinte aux efforts d’innovation et de qualité des entreprises européennes et à la santé publique et insiste pour que la Chine adhère à l’accord international de lutte contre la contrefaçon ;
10. Estime indispensable que la Commission européenne mette en œuvre un mécanisme permettant de s’assurer que les investissements étrangers réalisés dans l’Union européenne n’aient pas pour objet ou pour effet de capter les bénéfices des innovations technologiques dans des domaines essentiels au développement de l’économie européenne ;
11. Demande aux États membres de contrôler le respect des normes sociales en vigueur sur leur territoire par les entreprises étrangères qui emploient des travailleurs originaires de leur pays ;
12. Invite la Commission européenne à négocier un accord sur les investissements afin de réduire les barrières non tarifaires contraignantes qui n’existent pas au sein de l’Union européenne, d’établir l’égalité de traitement dans l’accès au marché chinois dans des secteurs actuellement interdits ou restreints et de défendre la propriété intellectuelle, notamment par la suppression de l’obligation de constituer des entreprises partagées (« joint venture ») avec ou sans transfert forcé de technologie ;
13. Appelle la Commission européenne à prendre une initiative sur les marchés publics afin de clarifier les règles européennes permettant d’encadrer les offres anormalement basses et l’utilisation d’aides d’État et de définir le traitement des entreprises de pays n’ayant pas souscrit à l’Accord plurilatéral sur les marchés publics (AMP) et lui demande d’introduire une clause de réciprocité prévoyant que l’Union européenne n’ouvre ses marchés que si le pays tiers accorde un accès comparable et effectif à ses marchés publics ;
14. Souhaite que l’Union européenne poursuive ses efforts afin de faire avancer les négociations multilatérales dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce pour introduire des normes sociales et environnementales et faire progresser le volet « services »;
15. Estime qu’il ne peut y avoir de dialogue concret avec la Chine sans que soit posée la question du taux de change et de la convertibilité de la monnaie chinoise ;
16. Appelle la Chine à éliminer les restrictions d’exportations de matières premières et de terres rares auxquelles elle pourrait procéder, après sa récente condamnation par l’Organisation mondiale du commerce pour sa politique discriminatoire en la matière ;
17. Invite tous les États membres, en particulier les plus grands, à s’accorder sur une position commune avant d’entreprendre une démarche individuelle sur la question des droits de l’Homme et à se soutenir mutuellement au cas où la Chine essaierait de les isoler, afin de ne pas affaiblir la position de l’Union européenne sur cette question majeure ;
18. Considère que l’Union européenne doit renforcer la promotion des valeurs démocratiques et du respect des droits de l’Homme dans son dialogue avec la Chine, au moment où le changement du modèle économique chinois, nécessitant une ouverture vers la société civile et l’octroi de la liberté intellectuelle en faveur de l’innovation technologique, pourrait favoriser une évolution vers la démocratie.
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