N° 288 - Proposition de résolution de M. Nicolas Perruchot tendant à la création d’une commission d’enquête visant à étudier la représentativité et le financement des syndicats



Document

mis en distribution

le 20 novembre 2007


N° 288

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2007.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête visant à étudier la représentativité et le financement des syndicats,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Nicolas PERRUCHOT,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les syndicats sont aujourd’hui des acteurs déterminants de la vie démocratique de notre pays. De récentes affaires viennent de remettre sous les feux de l’actualité la question de leur financement.

Le rapportde mai 2006 du conseiller d’État Raphaël Hadas-Lebel, aborde en effet le sujet délicat de l’opacité qui règne en matière de financement syndical, et conclue ainsi : « Ce domaine est caractérisé par une grande opacité : aucun document public ou administratif porté à notre connaissance ne présente de synthèse des ressources financières des syndicats en France, ni même des mécanismes de financement ».

Les syndicats sont ainsi les seules personnes morales non tenues par la loi à avoir une comptabilité!

La faiblesse des effectifs des syndicats fait en effet que les cotisations ne représentent que 15 % à 57 % du budget des organisations françaises, contre 80 % à 90 % pour leurs homologues européennes.

Les syndicats sont par ailleurs subventionnés par le ministère du travail, par le biais de crédits pour former les conseillers des prud’hommes et les salariés exerçant des responsabilités syndicales. Le budget 2008 prévoit ainsi 29,9 millions d’euros de crédits pour l’action « dialogue social et démocratie sociale ». Les collectivités ont toute latitude pour accorder des subventions aux syndicats au même « échelon » qu’elles : local, départemental ou régional.

Autre forme de financement public, les « décharges de service » de fonctionnaires. Le rapport Hadas-Lebel situe entre 5 000 et 5 500 « équivalents temps plein » le nombre d’agents payés par l’État mais travaillant en fait pour un syndicat, pour un coût de plus de 158 millions d’euros.

On ne peut en outre passer sous silence la question du vide juridique concernant les mises à disposition de personnel par les entreprises.

Les syndicats sont également rémunérés pour les « missions d’intérêt général » auxquels ils participent : formation professionnelle, instances paritaires de protection sociale. Dans ce dernier cas, il s’agit à la fois de remboursements de frais pour les administrateurs, mais aussi de subventions permettant de salarier des conseillers – y compris issus des rangs syndicaux.

Autant d’exemples qui démontrent l’absence, scandaleuse, de transparence du financement des syndicats dans notre pays.

Ajouté à l’opacité du financement des syndicats, se pose le problème de leur représentativité: Seulement 8 % des salariés français sont syndiqués aujourd’hui, et éclatés entre des organisations très divisées, quand ils sont plus de 50 % en Belgique et en Italie, et près de 90 % en Suède.

Le Conseil économique et social a ainsi émis, en novembre 2006, un avis favorable à la modification des règles de représentativité des syndicats. Jusqu’ici, la représentativité est appréciée au niveau de la branche par le ministre chargé du travail et au niveau de l’entreprise par le juge d’instance. En aucun cas, ces organisations ne sont habilitées à agir au niveau national au même titre que les autres organisations syndicales bénéficiant de la « présomption irréfragable ».

L’avis du Conseil économique et social souligne : « Cette situation qui pouvait avoir sa justification dans le contexte historique de l’après-guerre apparaît aujourd’hui largement obsolète. Aujourd’hui, le principe d’une représentativité syndicale conférée à certains ad vitam aeternam par la puissance publique n’est plus compris ».

Il est clair pourtant que les réformes les plus importantes pour notre pays ne pourront se faire sans les syndicats: Ce sont eux en effet qui, dans les pays où ils sont forts, ont été à l’origine de réformes majeures.

Au regard de la situation actuelle, il est grand temps d’éclaircir la question du financement des syndicats, et celle de leur représentativité, afin de retrouver un dialogue social légitime et constructif. Face à l’ampleur de la tâche, et à l’importance du sujet qui concerne bon nombre de français, seule une commission d’enquête, dotée de pouvoirs d’investigation larges, aura les moyens de faire la lumière sur la situation.

Telles sont les raisons pour lesquelles, Mesdames, Messieurs, il vous est demandé de bien vouloir adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres chargée de préciser le montant global des subventions accordées par l’État pour le financement des syndicats, d’évaluer le nombre de personnels mis à disposition des centrales syndicales et les coûts que cela représente, et de réfléchir à la question de la représentativité actuelle et future des syndicats.


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