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mis en distribution
le 25 mai 2009
N° 1644 (rectifié)
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 mai 2009.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
sur les relations entre l’Union européenne et l’État d’Israël,
(Renvoyée à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Jean-Paul LECOQ, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Maxime GREMETZ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, et Michel VAXÈS,
député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis 1975, date de l’accord de coopération économique avec la Communauté Européenne, l’Union européenne entretient des relations partenariales avec l’État d’Israël.
Le processus de Barcelone, initié en 1995, a créé un cadre de coopération politique, économique et sociale qui a conduit l’Union européenne à s’engager juridiquement avec l’État d’Israël au travers d’un accord d’association conclu le 20 novembre 1995 et entré en vigueur le 1er juin 2000.
En 2003, pour approfondir ce processus, l’Union a proposé à ses voisins de l’Est et du Sud une relation privilégiée en instituant la politique européenne de voisinage (PEV) qui vise, non seulement à éviter l’émergence de nouvelles lignes de division entre l’Union européenne élargie et ses voisins , mais également à renforcer la prospérité, la stabilité et la sécurité de tous.
Cette politique européenne de voisinage concerne aujourd’hui 16 pays dont Israël. Pour sa mise en œuvre, l’Union a conclu en 2005 un « plan d’action PEV » avec l’État d’Israël dont le suivi est assuré dans le cadre du conseil d’association entre l’Union européenne et l’État d’Israël.
Selon les termes de l’accord de partenariat euro-méditerranéen, les États participants s’engagent à se conformer aux normes de droit international.
Notamment, ils sont tenus « d’agir en conformité avec la Charte des Nations unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi qu’aux autres obligations résultant du droit international, en particulier celles qui découlent des instruments régionaux et multilatéraux. (…) Les partenaires doivent également respecter l’intégrité territoriale et l’unité de chacun des autres partenaires et régler leurs différends par des moyens pacifiques, (...) Ainsi, ils doivent demander à tous les participants de renoncer à la menace ou à l’usage de la force contre l’intégrité territoriale d’un autre participant, y compris l’acquisition de territoire par la force. »
L’article 2 de l’accord d’association mentionne également que « les relations doivent être fondées sur le respect des droits de l’homme et les principes démocratiques qui régissent leur politique intérieure et internationale ».
Pourtant, depuis maintenant 60 ans, l’État d’Israël viole de manière récurrente le droit international, notamment la convention de Genève et la Charte des Nations unies, mais également les principes démocratiques énoncés à l’article 2 par toute une série de mesures discriminatoires concernant les Palestiniens vivant en Israël et dénoncés par l’ensemble des associations de défense de droit de l’Homme.
De plus, le conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies depuis 1967 a régulièrement adopté des résolutions à l’encontre de la politique israélienne.
Notamment, les résolutions 446, 452 et 465 demandaient à l’État d’Israël de cesser de construire des colonies et de démanteler celles qu’il avait construites et les résolutions 252, 267, 271, 298, 476 et 478 lui demandaient de revenir sur son annexion de Jérusalem-Est.
Celles ci n’ont jamais été respectées par l’État d’Israël qui, en toute impunité continue sa politique de colonisation.
En conséquence, le 10 avril 2002, le Parlement européen a voté une proposition de résolution demandant, au regard du non respect de l’article 2 de l’accord d’association, la suspension de cet accord. Le Conseil de l’Union, à l’époque, n’a pas jugé opportun d’accéder à cette exigence.
La Cour internationale de justice du 9 juillet 2004 a également demandé à Israël « de cesser immédiatement les travaux d’édification du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, de démanteler immédiatement l’ouvrage situé dans ce territoire et d’abroger immédiatement ou de priver immédiatement d’effet l’ensemble des actes législatifs et réglementaires qui s’y rapportent ».
Pourtant, le 16 juin dernier, lors du 8e Conseil d’association entre l’Union européenne et Israël, le Conseil s’est engagé politiquement, à la demande du gouvernement israélien, au rehaussement des relations bilatérales avec cet État.
En effet, le gouvernement israélien a transmis à l’Union européenne fin 2007 un document non officiel demandant un « statut spécial » dans le cadre de la politique européenne de voisinage. L’État d’Israël voudrait ainsi participer à plusieurs politiques et programmes communautaires, notamment pour renforcer la coopération technologique et commerciale mais également participer aux réunions du Conseil ayant trait à l’économie, l’environnement, l’énergie ou la sécurité.
Il faut ici souligner que les négociations autour du contenu possible de ce rehaussement se sont déroulées dans la plus grande opacité jusqu’à ce conseil d’association.
Au moment même où cette demande était examinée et accueillie favorablement lors du conseil d’association, une enquête des parlementaires européens, tous groupes politiques confondus, concluait à l’inopportunité d’ouvrir de telles négociations, au vu de la dégradation de la situation et du non respect des engagements d’Annapolis.
De même, le 3 décembre dernier, le Parlement européen a repoussé le vote sur la participation accrue d’Israël aux programmes communautaires, élément constitutif du rehaussement des relations bilatérales, au motif que la situation humanitaire à Gaza ne se prêtait pas à un rehaussement des relations avec Israël.
Pourtant, contre toute attente, sur initiative du ministre français des affaires étrangères, cette proposition du conseil d’association a été examinée par le conseil « affaires étrangères et relations extérieures » du 8 décembre dernier, qui a affirmé, en guise de conclusion, « la détermination du Conseil à rehausser le niveau et l’intensité de sa relation avec Israël, à la faveur de l’adoption du nouvel instrument qui succédera à l’actuel plan d’action « PEV » », sans toutefois, il faut le souligner, définir quel serait cet instrument.
L’annexe des conclusions du Conseil définit les lignes directrices en vue du renforcement des structures du dialogue politique avec Israël. Elles consistent en l’ouverture du champ des négociations ministérielles, l’ouverture à Israël du Comité politique et de sécurité de l’Union Européenne, la facilitation de l’audition d’experts israéliens par les groupes et comités du Conseil, la systématisation et l’élargissement des consultations stratégiques informelles, l’approfondissement des échanges thématiques, notamment sur les droits de l’Homme, l’encouragement d’Israël à s’aligner sur la politique étrangère et de sécurité commune, la mise en œuvre d’une coopération de terrain en matière de politique européenne de sécurité et de défense (PESD), l’insertion et l’implication d’Israël dans les enceintes multilatérales et enfin l’approfondissement du dialogue interparlementaire.
De fait, l’État d’Israël demande un partenariat politique qui n’a jamais été accordé à ce jour à aucun pays au titre de la politique de voisinage.
Sur le fond et par respect des normes de droit internationales et communautaires, il n’est pas envisageable que l’État d’Israël puisse se voir octroyer comme une récompense un statut spécifique de quasi membre de l’Union alors même que, sur le terrain, Israël accélère la construction de colonies, renforce le bouclage des territoires palestiniens, notamment dans la bande de Gaza, et pratique de nombreuses formes de violation des droits de l’homme.
Les conclusions du Conseil des ministres des affaires étrangères du 8 décembre 2008 sont d’autant plus consternantes qu’au même moment, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui regroupe 47 États, adoptait une liste de 99 recommandations à Israël allant de la levée du blocus de Gaza à la libération de prisonniers arabes.
Récemment, une enquête de diplomates européens remise le 18 décembre 2008, consacrée à la situation de Jérusalem-Est, estime notamment que les démolitions sont « illégales au regard du droit international et n’ont aucune justification évidente. ».
De plus, en décembre 2008, l’État israélien a engagé une offensive militaire massive contre la population palestinienne dans la bande de Gaza. Cette agression intolérable, condamnée par la résolution 1860 de l’ONU, a fait plus de 1 400 morts dont de nombreux civils, femmes et enfants. De nombreuses associations déplorent aujourd’hui des crimes de guerre et la CPI a été saisi sur ce fondement. Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a créé une commission d’enquête sur les crimes de guerre et les violations du droit humanitaire dans le conflit meurtrier de Gaza.
Aujourd’hui, plus de 10 000 prisonniers politiques sont détenus dans les geôles israéliennes, les territoires palestiniens se sont réduits comme peau de chagrin, le « mur de la honte » s’est construit autour de Jérusalem, et la bande de Gaza est soumise à un blocus inacceptable qui en fait un territoire totalement bouclé.
Tout processus politique de résolution du conflit a échoué faute d’une volonté forte de la communauté internationale, particulièrement des États-Unis, pour peser en faveur du dialogue et de la reconnaissance effective des deux peuples à vivre en paix.
À ce titre, le rapport d’information de la délégation européenne n° 451 du 9 juillet 2008 sur le bilan d’étape de la politique de voisinage indiquait que la généralisation de statut ad hoc portait le risque de « diluer la solidarité qui peut exister entre l’ensemble des pays voisins, et à compromettre définitivement l’objectif de coopération régionale. Or, la coopération régionale peut être un outil de développement et d’autonomie précieux pour le voisinage de l’Union européenne, tout comme elle peut contribuer à résoudre les conflits gelés. » Cette conclusion trouve toute sa pertinence lorsque l’on sait à quel point le processus de paix au Proche-Orient est aujourd’hui enlisé.
On peut donc légitimement s’interroger sur la pertinence d’un tel statut privilégié qui viendrait compléter le cadre de coopération établi par l’accord d’association.
En effet, cette volonté délibérée du gouvernement israélien de poursuivre sa politique de colonisation et d’exactions contre les populations palestiniennes, n’appelle certainement pas de félicitations ni d’encouragements de la part de l’Union européenne mais au contraire, des sanctions ou à tout le moins des pressions. L’Union européenne, avec l’accord d’association, détient cet instrument efficace de pression, notamment par la possibilité ouverte à l’article 2.
Par conséquent, aujourd’hui, l’Union européenne, si elle veut concrètement la relance d’un processus politique menant à un accord de paix, doit dès maintenant exercer la pression nécessaire en suspendant l’accord d’association tant qu’Israël n’aura pas montré des signes tangibles de sa volonté de respecter le droit international, les résolutions de l’ONU et ses engagements pris lors de la conclusion de l’accord d’association.
Dans ce cadre, les ministres européens des affaires étrangères doivent aujourd’hui en tirer les conséquences en gelant tout processus de rehaussement des relations bilatérales entre l’Union européenne et l’État d’Israël et suspendre l’accord de partenariat en raison du non-respect de l’article 2 de cet accord.
Aujourd’hui, le processus de paix au Proche-Orient doit trouver un soutien efficace des partenaires européens. L’Union européenne doit enfin jouer un rôle politique majeur dans cette partie du monde pour qu’une paix juste et durable puisse s’établir garantissant la sécurité des deux peuples. La création d’un État palestinien, dans les frontières définies en 1967, à côté de celui d’Israël, doit rester une priorité politique pour l’Union européenne, notamment au travers de sa politique de voisinage.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88-4 de la Constitution ;
Vu la décision 2000/384/CE, concernant la conclusion d’un accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël d’autre part,
Vu le protocole à l’accord euro-méditerranéen avec Israël concernant la participation d’Israël aux programmes communautaires (Texte européen E3713 - COM (2007) 713 final adopté le 12/02/2008),
Vu les conclusions de la huitième réunion du conseil d’association UE–Israël, qui s’est tenue le 16 juin 2008,
Vu les conclusions du conseil « Affaires étrangères et relations extérieures » des 8 et 9 décembre 2008 concernant le rehaussement des relations avec Israël,
Vu la décision du Parlement européen du 3 décembre 2008 de reporter son vote sur la participation d’Israël aux programmes communautaires,
Vu la résolution du Parlement européen du 10 avril 2002 demandant la suspension de l’accord d’association (P5_TA(2002)0173),
Vu la déclaration de la présidence au nom de l’Union européenne concernant les activités d’implantation de colonies de peuplement israéliennes du 24 février 2009,
Vu la déclaration de la présidence au nom de l’Union européenne sur la multiplication des violences des colons à l’encontre des civils palestiniens du 31 octobre 2008,
Vu les résolutions de l’ONU précitées,
Considérant la dégradation dramatique de la situation économique et sociale dans les territoires occupés, imputable à la politique de colonisation et de violation du droit international menée par le gouvernement israélien,
Considérant que la perspective de la coexistence des Israéliens et des Palestiniens dans un climat de paix et de sécurité ne peut être restaurée que par la voie de la négociation et moyennant le respect du droit international,
Considérant que l’accord d’association du 20 novembre 1995, entré en vigueur en juin 2000, entre les Communautés européennes et Israël a notamment pour but de fournir un cadre approprié au dialogue politique et d’encourager la coopération régionale afin de consolider la coexistence pacifique ainsi que la stabilité politique et économique; qu’en vertu de l’article 2 de cet accord, « [les] relations entre les deux parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, se fondent sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, qui inspire leurs politiques internes et internationales et qui constitue un élément essentiel du présent accord »,
Considérant qu’en tant que médiateur dans le conflit du Moyen-Orient, l’Union européenne dispose, avec l’accord d’association, d’un instrument important dans les négociations,
1. Condamne le recours à la violence à l’encontre des populations civiles ;
2. Rappelle le principe que tout partenariat avec l’Union européenne doit être lié au respect des droits humains et du droit humanitaire, notamment découlant des résolutions de l’Organisation des Nations unies ;
3. Rappelle la nécessité que l’Union européenne joue un rôle politique prépondérant dans la recherche d’une solution pacifique au conflit au Proche Orient pour une paix juste et durable ;
4. Estime que cela passe par une condamnation sans équivoque par les institutions européennes de la politique de colonisation et de violation du droit international menée par le gouvernement israélien ;
5. Demande en conséquence au Gouvernement de faire prévaloir au sein du conseil de l’Union et du conseil d’association entre l’Union européenne et l’État d’Israël :
– La suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël sur le fondement du non-respect par l’État d’Israël de ses obligations découlant de l’article 2 de cet accord, à savoir « le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques » ;
– Le report de tout principe de rehaussement des relations avec Israël tant que cet État poursuivra sa politique de colonisation et de violations des droits de l’homme.
© Assemblée nationale