Document
mis en distribution
le 18 décembre 2009
N° 2126
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 décembre 2009.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à modifier l’article 141 du Règlement afin de garantir à chaque groupe d’opposition ou minoritaire la possibilité d’obtenir, une fois par session ordinaire, la création d’une commission d’enquête,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Roland MUZEAU, Jean-Claude SANDRIER, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Huguette BELLO, Martine BILLARD, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Yves COCHET, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Noël MAMÈRE, Alfred MARIE-JEANNE, Daniel PAUL, François de RUGY, et Michel VAXÈS,
député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En application de l’article 51-1 de la Constitution, qui dispose que « le règlement de chaque assemblée (…) reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires », le Règlement de notre Assemblée a reconnu à l’opposition le droit de prendre l’initiative de certaines missions de contrôle et d’évaluation.
L’article 141 de notre Règlement prévoit ainsi que chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire peut désormais demander, une fois par session ordinaire (à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée), en Conférence des Présidents, qu’un débat sur une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête soit inscrit d’office à l’ordre du jour d’une séance au cours de la première semaine de contrôle et d’évaluation. Une demande qui ne peut être rejetée qu’à la majorité des trois cinquièmes des membres de l’Assemblée.
Le 14 juin dernier, lors des débats sur la modification du Règlement, le président de la commission des lois, M. Jean-Luc Warsmann, n’avait pas manqué de souligner le caractère novateur de cette disposition : « Ce que la majorité propose ce soir », soulignait-il, « aucune majorité ne l’a proposé sous la Ve République. Nous proposons que chaque groupe d’opposition ou minoritaire puisse obtenir la création d’une commission d’enquête, sauf si l’Assemblée s’y oppose à la majorité des trois cinquièmes. En d’autres termes, le fait majoritaire ne prévaut plus. »
En sa qualité de rapporteur, M. Warsmann avait jugé opportun d’ajouter que « ce sera la fierté de ceux qui voteront le nouveau règlement que d’avoir jeté les bases d’un véritable statut de l’opposition ».
Quelques mois après l’entrée en vigueur du nouveau Règlement, force nous est cependant de constater que les nouveaux droits reconnus à l’opposition sont réduits à la portion congrue et que l’exercice du fameux « droit de tirage » s’avère en réalité une prérogative purement formelle.
Sans doute n’avons-nous pas été suffisamment attentifs, au printemps dernier, lors de l’examen de ce nouvel article 141, aux pièges ou lacunes que recelait sa rédaction. Si une lecture cursive de cet article laisse à penser que les propositions de résolution déposées dans le cadre du « droit de tirage » sont « inscrites d’office » à l’ordre du jour, sous réserve de satisfaire aux conditions fixées aux articles 137 à 139, la pratique nous révèle aujourd’hui que ces textes sont en réalité renvoyés devant la commission permanente compétente, qui a toute latitude pour les amender, les modifier ou les rejeter pour des motifs d’opportunité.
Le fait majoritaire continue donc de prévaloir. La majorité peut modifier à son gré l’objet, le périmètre ou le contenu des commissions d’enquête projetées et dispose donc de la faculté de les vider de toute substance ou de les faire, de manière plus pernicieuse, coïncider avec ses objectifs d’affichage politique.
Le groupe d’opposition ou minoritaire qui souhaite la création d’une commission d’enquête se voit ainsi soumis au bon vouloir de la majorité, en contradiction flagrante avec l’esprit de l’article 51-1 de notre Constitution.
Pour pallier ces détournements de procédure et garantir l’effectivité des droits de l’opposition, une modification du Règlement s’impose. Il est en effet nécessaire qu’à la reconnaissance d’un droit spécifique corresponde une procédure d’examen dérogatoire.
Si notre Assemblée doit pouvoir vérifier que les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête satisfont aux conditions fixées aux articles 137 à 139, la majorité ne peut avoir licence d’amender ou de se prononcer sur l’opportunité de la création de commissions d’enquête dès lors que celles-ci entrent dans le champ d’application de l’article 141 et relèvent à ce titre de l’exercice d’un droit reconnu aux groupes d’opposition ou minoritaire. Il convient donc, en pratique, par dérogation aux dispositions de l’article 140, d’exclure explicitement le renvoi devant la commission permanente compétente des propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête dont l’inscription à l’ordre du jour est demandée par un président de groupe d’opposition ou minoritaire, en application de l’article 141, al.2.
Nous proposons donc de modifier la rédaction de cet alinéa et de confier au Bureau de l’Assemblée le soin de statuer sur la recevabilité des propositions de résolution en question. Nous proposons en outre de préciser, par analogie avec les dispositions de l’article 136 alinéa 9, que les propositions de résolution déposées dans le cadre de cet alinéa ne peuvent faire l’objet d’aucun amendement.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, chers collègues, à adopter la présente proposition de résolution.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
Le deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale est ainsi rédigé :
« Chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire peut demander, une fois par session ordinaire, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, en Conférence des présidents, qu’un débat sur une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête dont le Bureau de l’Assemblée a déclaré qu’elle satisfait aux conditions fixées par les articles 137 à 139, soit inscrit d’office à l’ordre du jour d’une séance de la première séance tenue en application de l’article 48, alinéa 4, de la Constitution. Ces propositions de résolution ne peuvent faire l’objet d’aucun amendement. »
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