N° 2272
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 janvier 2010.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
réaffirmant la prééminence des valeurs républicaines
sur les pratiques communautaristes et condamnant
le port du voile intégral comme contraire à ces valeurs,
présentée par Messieurs
Éric RAOULT et André GERIN,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, l’a affirmé, le 22 juin 2009, devant le Congrès du Parlement : la burqa « ne sera pas la bienvenue sur le territoire de la République française. Nous ne pouvons pas accepter dans notre pays des femmes prisonnières derrière un grillage, coupées de toute vie sociale, privées de toute identité. » Elle est « contraire à nos valeurs et contraire à l’idée que nous nous faisons de la dignité de la femme », selon la formule qu’il a employée le 13 janvier 2010.
Face à ce phénomène qui suscite une réelle réprobation dans notre pays, la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale a décidé la création d’une mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national le 23 juin 2009, à la demande du président de l’Assemblée nationale et avec l’assentiment de tous les groupes parlementaires.
À la suite de six mois de travail, après avoir entendu plus de 200 personnes, à Paris mais également à Lille, Lyon, Marseille et Bruxelles, la mission a établi un état des lieux du phénomène du port du voile intégral. Elle a estimé unanimement que cette pratique portait atteinte à nos valeurs fondamentales telles qu’elles s’expriment dans notre devise – liberté, égalité, fraternité – et lançait un véritable défi à notre République.
Devant les députés, le 9 septembre 2009, Mme Élisabeth Badinter a souligné « combien le port du voile intégral est contraire au principe de fraternité – ce principe fondamental auquel on a si peu souvent l’occasion de se référer – et, au-delà, au principe de civilité, du rapport à l’autre. Porter le voile intégral, c’est refuser absolument d’entrer en contact avec autrui ou, plus exactement, refuser la réciprocité. »
Le Conseil français du culte musulman s’est également opposé à cette pratique, par la voix de son président, M. Mohammed Moussaoui, le 14 octobre 2009 : « le Conseil français du culte musulman a pris position contre le port du voile intégral, que nous ne considérons pas comme une prescription religieuse mais comme une pratique minoritaire. » « Il s’agit d’une pratique extrême dont nous ne souhaitons pas qu’elle s’installe sur le territoire national. », ajoutait-il.
La mission d’information a proposé une série de préconisations pour lutter et faire disparaître cette pratique de notre territoire.
Parmi les préconisations figure celle du vote d’une résolution recueillant l’accord de l’Assemblée nationale afin de lancer un signal fort selon lequel le voile intégral n’est pas acceptable. Il faut le condamner fermement. Il est nécessaire de réaffirmer l’attachement de la représentation nationale aux valeurs fondatrices de la République. Tel est le sens du texte de la proposition de résolution qui suit, pour que la France dise non au voile intégral en prohibant son port. Cette proposition de résolution, si elle était adoptée, serait la première depuis 1958, à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Cela ne lui en donnera que plus de poids.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement,
Vu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, et notamment ses articles IV et X, qui disposent respectivement que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » et que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi » ;
Vu le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, selon lequel « le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés » et qui prévoit que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. » ;
Vu l’article 1er de la Constitution qui dispose que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » ;
Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, notamment ses articles 1er et 29, qui disposent respectivement que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » et que « l'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible. » ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dont l’article 14 prohibe les discriminations ;
Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, et notamment son article 18 qui dispose que « la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui. » ;
Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, qui prévoit, en son article premier, que « la dignité humaine est inviolable ».
1. Considère qu’il est nécessaire de réaffirmer les valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondent notre vivre-ensemble et qui s’opposent à toutes les formes d’intégrisme, de communautarisme et de sectarisme ;
2. Estime que ces valeurs fondatrices ont pour conséquence directe le refus de toute atteinte aux principes de mixité et d’égalité des sexes et l’obligation de protéger les personnes les plus vulnérables, en particulier les mineurs ;
3. Affirme que le port du voile intégral est contraire aux valeurs de la République ;
4. Condamne les violences et les contraintes pesant sur les femmes et préconise le renforcement des mesures visant à promouvoir l’égalité entre femmes et hommes ;
5. Affirme le soutien de la France, qui à ce titre se doit d’être exemplaire, aux femmes victimes de violences et de discriminations de par le monde ;
6. Apporte son soutien aux élus, aux agents publics, aux associations et à tous ceux qui combattent le port du voile intégral ;
7. Considère que la liberté de conscience ne peut s’exercer que dans le respect du principe de laïcité ;
8. Estime nécessaire de promouvoir une société ouverte et tolérante et de lutter contre toutes les discriminations ;
9. Proclame que c’est toute la France qui dit non au voile intégral et demande que cette pratique soit prohibée sur le territoire de la République.
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