N° 2354 - Proposition de loi de M. Germinal Peiro relative à la prolongation de la durée de validité de l'inscription sur listes d'aptitude pour les lauréats des concours de la fonction publique territoriale



N° 2354

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 février 2010.

PROPOSITION DE LOI

relative à la prolongation de la durée de validité de l’inscription sur listes d’aptitude pour les lauréats des concours de la fonction publique territoriale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Germinal PEIRO,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La fonction publique territoriale (FPT) est aujourd’hui forte d’environ 1 750 000 agents répartis sur l’ensemble du territoire national au sein de 60 000 employeurs locaux : communes, départements, régions, structures intercommunales diverses, établissements publics. Les trois quarts de ces personnes sont des fonctionnaires « statutaires », c’est à dire titulaires ou stagiaires. Organisée à la suite des premières lois de décentralisation, la situation juridique de ces agents relève principalement de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, et surtout de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dite Titre III du Statut de la Fonction Publique ou encore loi Le Pors.

Et comme pour la fonction publique de l’État et la fonction publique hospitalière, le recrutement statutaire dans la FPT s’opère, sauf exceptions, par la voie du concours fondée sur l’égalité des chances de chaque candidat. Ce principe, inspiré de règles à valeur constitutionnelle (notamment l’article VI de la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen), représente l’un des fondements actuels et historiques de la méritocratie et de la tradition républicaines. C’est pourquoi le concours se retrouve aujourd’hui expressément consacré par le législateur à travers l’article 36 de la loi du 26 janvier 1984 et l’article 16 de la loi du 13 juillet 1983.

Les concours de la fonction publique territoriale touchent alors des publics très nombreux et hétérogènes en fonction de leurs modalités : sur épreuves ou sur titres, par voie externe (pour les étudiants), interne (pour les fonctionnaires), du troisième concours (pour les élus ou salariés de droit privé) ... Ils sont organisés au sein des trois catégories hiérarchiques de la FPT (A encadrement et conception, B missions intermédiaires, C exécution) et dans chacune des huit filières qu’elle comprend : technique, administrative, médico-sociale, culturelle, animation, sportive, sécurité et incendie-secours. Ils s’appliquent ainsi à la quasi-totalité des 55 cadres d’emplois inclus dans ces filières. Dès lors ces concours territoriaux concernent directement chaque année en France plusieurs centaines de milliers de candidats, et plusieurs dizaines de milliers de reçus (les lauréats), inscrits sur des listes d’aptitude propres à chaque concours.

Mais la FPT présente ici une singularité. À la différence des fonctions publiques étatiques et hospitalières, la réussite à l’un de ses concours n’est pas suivie d’une affectation automatique et immédiate sur un poste. Le recrutement dans la FPT se caractérise ainsi par une liberté de choix laissée aux autorités territoriales et aux candidats admis. Les collectivités n’ont par conséquent nulle obligation d’embauche, notamment en vertu du principe constitutionnel de libre administration affirmé aux articles 24 et 72 de la Constitution, et inversement chaque lauréat dispose de toute latitude pour choisir son employeur en fonction du poste proposé ou de sa localisation géographique.

Ainsi les articles 39 et surtout 44 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale prévoient que chaque lauréat de concours se retrouve inscrit sur une liste d’aptitude officielle à valeur nationale, valable un an et renouvelable ensuite deux fois à sa demande. Le décret n° 85-1229 du 20 novembre 1985 modifié, notamment l’article 18, assure la mise en œuvre de ces prescriptions. Cette durée totale de trois années est censée permettre au lauréat de conduire ses démarches de recherches d’emploi. Il lui appartient alors de se rapprocher des collectivités en faisant acte de candidature auprès des décideurs locaux. Toutefois, à l’issue de cette période de trois ans, le lauréat qui n’a pas été recruté perd irrémédiablement le bénéfice de sa réussite au concours.

Le nombre de postes ouverts dans chaque concours est censé correspondre au nombre de postes préalablement déclarés vacants par les collectivités. Il apparaît cependant aujourd’hui que tous les lauréats, même en recherche active et sérieuse, ne parviennent pas à obtenir un poste pendant le délai qui leur est juridiquement imparti. Ils deviennent alors des « reçus collés ».

Il semble en effet que des difficultés soient particulièrement évidentes pour les filières culturelle et sportive, et, dans une moindre mesure, avérées pour la filière administrative.

D’après des chiffres récents du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) sur le sujet(1), les pourcentages de lauréats qui se retrouvent « reçus collés » à l’issue des trois ans peuvent en effet apparaître significatifs. Ainsi, parmi la catégorie A, on retrouve 20 % des conseillers des activités physiques et sportives, 17 % des bibliothécaires, 15 % des attachés de conservation du patrimoine, 13 % des ingénieurs, 13 % des attachés territoriaux ou 8 % des professeurs d’enseignement artistique.

Parmi les concours de catégorie B, ce problème concerne 16 % des chefs de service de police municipale, 15 % des éducateurs des activités physiques et sportives, 11 % des assistants qualifiés de conservation du patrimoine et des bibliothèques, 10 % des contrôleurs de travaux ou encore 7 % des assistants spécialisés d’enseignement artistique.

Cette situation représente une source d’amertume bien légitime pour ces lauréats sans poste. Elle peut sembler insatisfaisante, injuste et choquante à l’égard de candidats diplômés ou surdiplômés, qui ont satisfait par leur travail et leur mérite à la réussite d’épreuves difficiles, sélectives et auxquelles ils ont pu consacrer beaucoup de temps, d’énergie ou de sacrifices financiers. De plus, elle prive certains lauréats d’un emploi parfois nécessaire et indispensable à leur existence, notamment les étudiants en fin d’études ou les contractuels dont le contrat n’a pas été renouvelé.

Pour expliquer ce résultat, plusieurs raisons parfois cumulatives peuvent, sans prétendre à l’exhaustivité, être avancées. D’abord et surtout la contrainte d’une mobilité géographique limitée pour beaucoup de lauréats, une expérience professionnelle insuffisante ou atypique pour d’autres, un contexte économique local, régional ou national difficile, la recherche délibérée d’un poste rare ou très spécialisé, certaines discriminations liées à l’âge, au sexe ou à l’origine sociale ou géographique...

C’est pourquoi cette proposition de loi a un objectif simple et clair. Pouvoir prolonger à cinq ans l’inscription sur listes d’aptitude pour les lauréats qui en manifestent dûment l’intention.

Cette évolution législative offrirait alors une souplesse et une tranquillité supplémentaires aux lauréats qui le désirent pour organiser une recherche de poste sereine et cohérente avec leurs objectifs professionnels et personnels. Elle sécuriserait davantage la période après la réussite au concours, parfois angoissante et incertaine pour les lauréats éprouvant des difficultés de recrutement à mesure que se rapproche l’éventualité d’une perte irréversible du bénéfice du concours.

Sans pouvoir atteindre la perfection du 0 % de reçus collés, ce délai plus long permettrait d’en réduire fortement le risque, et les désillusions qui accompagnent cette situation. Il favoriserait une intégration quasiment assurée à tous les lauréats qui, de bonne foi, effectuent des recherches motivées, réfléchies et organisées.

Cette modification législative s’effectuerait à droit constant pour tous les autres aspects statutaires des lauréats et agents territoriaux. Elle ne nécessiterait pas la modification ou la publication de nouveaux textes réglementaires pour sa mise en œuvre. Elle serait neutre pour les finances publiques puisque les collectivités conserveraient naturellement la plénitude de leurs prérogatives constitutionnelles en matière de liberté d’administration et qu’elles n’auraient nulle obligation de recruter davantage de candidats reçus aux concours.

Ainsi l’article 1er prévoit que le renouvellement sur la liste d’aptitude devrait être demandé annuellement par le lauréat, faute de quoi il en serait radié. Cela éviterait ainsi tout risque « d’enlisement » durable et sans utilité pour ceux qui, par choix personnel et volonté délibérée prennent une autre orientation professionnelle que la FPT. Il fixe le départ de cette mesure au 1er janvier 2010 et en fait bénéficier tous les lauréats inscrits à cette date sur listes d’aptitude. Il accorde aussi le bénéfice de cette prolongation aux lauréats qui, après cette date, pourraient se réinscrire sur listes d’aptitude à la suite d’une suspension temporaire obligatoire (maternité, longue maladie...).

L’article 2 ajuste et précise le cas particulier des fonctionnaires stagiaires qui se retrouvent à nouveau réinscrits sur listes d’aptitude pour des raisons indépendantes de leur manière de servir (notamment lorsque la fin du stage survient en raison de la suppression de l’emploi décidée par l’autorité territoriale). Il leur accorde naturellement la possibilité d’une durée d’inscription totale de cinq années sur les listes d’aptitude.

C’est pourquoi, mesdames et messieurs, il vous est demandé d’adopter cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le quatrième alinéa de l’article 44 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est ainsi rédigé :

« Toute personne déclarée apte depuis moins de cinq ans, ou depuis le dernier concours si celui ci est intervenu au delà de ce délai, peut être nommée dans un des emplois auxquels le concours correspondant donne accès ; chaque lauréat bénéficie de ce droit les deuxième, troisième, quatrième et cinquième années qui suivent son inscription initiale sur la liste d’aptitude, sous réserve d’avoir fait connaître dûment son intention d’y être maintenu pendant le mois qui précède le terme de chaque année.

« Cette prolongation à cinq ans de la durée de validité de la liste d’aptitude prend effet au 1er janvier 2010, et concerne tous les lauréats de concours inscrits à cette date sur les listes d’aptitude, ainsi que ceux susceptibles d’y être inscrits ou réinscrits ensuite. »

Article 2

Le sixième alinéa de l’article 44 de la loi précitée est ainsi rédigé :

« Il peut y demeurer inscrit pendant une durée totale et cumulée de cinq années à compter de son inscription initiale, selon les conditions et les modalités précisée au quatrième alinéa du présent article. Si aucun concours n’a été organisé dans ce délai, il conserve le bénéfice de ce droit jusqu’ à la date d’organisation d’un nouveau concours. »

1 () La Gazette des communes, des départements, des régions, 28 septembre 2009.


© Assemblée nationale