N° 2355 - Proposition de loi de M. Francis Saint-Léger visant à préciser la notion d'ouverture à la circulation publique des chemins



N° 2355

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 février 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à préciser la notion
d’ouverture à la circulation publique des chemins,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Francis SAINT-LÉGER,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La circulation des véhicules à moteur dans les espaces naturels est strictement réglementée au travers de la loi n° 91-2 du 3 janvier 1991 codifiée aux articles L. 362-1 et suivants du code de l’environnement dont les termes ont été rappelés par circulaire du 6 septembre 2005. Par ailleurs, l’article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales permet aux maires de réglementer ou d’interdire la circulation des véhicules sur certaines voies ou certains secteurs de leur commune pour des motifs d’environnement. Enfin, le code de la voirie routière définit les conditions de circulation dans les chemins ruraux.

Ce cadre a pour légitime objet de protéger les milieux naturels et de concilier les différents usages de la nature.

À l’heure actuelle, en dehors des voies publiques appartenant au domaine de l’État, des départements et des communes mais aussi en dehors des chemins ruraux, la jurisprudence considère qu’une voie doit être manifestement praticable par un véhicule de tourisme non spécialement adapté au « tout-terrain » pour que la présomption d’ouverture à la circulation existe.

Cette situation ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes, en particulier en zone rurale de montagne. En effet, dans ces secteurs, les voies de circulation sont souvent inutilisables par des véhicules classiques à la fois en raison de l’altitude, de la déclivité, de la topographie générale et des conditions climatiques.

Ainsi, les usagers locaux professionnels (agriculteurs, forestiers, etc.) mais aussi les utilisateurs habituels (chasseurs, résidents ruraux…) qui possèdent des véhicules adaptés aux caractéristiques physiques de leur territoire peuvent se voir pénalisés dans leurs activités du fait de la fermeture administrative à la circulation de diverses voies de communication. Des remises en état récurrentes sont devenues nécessaires afin que ces voies restent ouvertes aux véhicules de tourisme ce qui sous-tend des difficultés financières pour de petites communes rurales, quand ces chemins appartiennent au domaine privé de la collectivité. Ces travaux s’avèrent inutiles et absurdes car ces voies sont strictement empruntées par des véhicules adaptés à leurs caractéristiques. Il s’agit d’un non-sens environnemental car pour laisser circuler les véhicules adaptés, il convient également d’offrir les conditions de circulation à tous les types de véhicules. Des chemins qui jusqu’à présent n’étaient accessibles qu’à un certain type de véhicules se transforment peu à peu en de véritables pistes avec un trafic surmultiplié du fait de leur mise en état. Des chemins ayant une vocation de sentier et s’intégrant parfaitement dans le paysage sont transformés en pistes de plusieurs mètres de large. Nos anciens n’avaient pas fait ces chemins dans cet esprit et à l’époque, les voitures particulières n’existaient pas.

Enfin, dans la circulaire du 6 septembre 2005 la notion de « non carrossabilité » qui limite l’accès des véhicules à un certain nombre de voies et chemins est manifestement trop subjective. L’interprétation de la loi et de la réglementation en vigueur pose problème, y compris pour ceux qui sont chargés de les faire appliquer. Des actions de contrôle et même de mesures de répression paraissent parfois infondées à l’égard d’utilisateurs de chemins pourtant ouverts à la circulation, au motif que ces chemins sont non carrossables. Cela contribue à stigmatiser certaines activités et à considérer leurs pratiquants comme des délinquants. Si la confusion existe pour ceux qui sont chargés de faire appliquer la loi, elle est encore bien plus importante pour les simples usagers qui ne peuvent pas toujours connaître la nature juridique des chemins sur lesquels ils circulent. Il est indispensable de clarifier les dispositions législatives et réglementaires. La notion de « carrossabilité » doit tenir compte du type de véhicule. On ne peut interdire la circulation d’un tracteur sur un chemin d’exploitation au motif qu’une voiture particulière ne peut y circuler. Sinon, il faudra créer des pistes là où il n’en est nullement besoin et cela ira à l’inverse de la protection de l’environnement.

Il apparaît nécessaire qu’une évolution du droit aujourd’hui flou et inadapté intervienne. Les maires et les services de l’État doivent bien évidemment garder l’entière possibilité de réglementer et d’interdire la circulation sur les voies relevant de leur compétence. S’agissant des chemins privés, les propriétaires conservent bien entendu toute latitude.

La protection des espaces naturels est parfaitement légitime mais le critère de carrossabilité est bien trop vague et faire l’objet d’une interprétation subjective de la loi. Les utilisateurs des chemins peuvent donc être en infraction sans le savoir mais aussi par méconnaissance évidente de la nature juridique de la voie empruntée. Il est en effet impossible de matérialiser par une signalisation le statut de tous les chemins. Il est donc impératif de faire évoluer la définition des voies accessibles aux véhicules de tourisme.

Il est donc proposé d’une part de rappeler dans le code de la voirie routière l’ouverture de droit des chemins ruraux à la circulation publique, d’autre part de définir les conditions d’ouverture à la circulation sur les autres voies appartenant soit au domaine privé de la commune soit à des particuliers.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 161-1 du code de la voirie routière est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Tout chemin rural praticable par des véhicules homologués pour une circulation routière et adaptés à ses caractéristiques est considéré comme ouvert à la circulation publique sauf décision contraire motivée de la commune. »

Article 2

L’article L. 162-1 du code de la voirie routière est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Toute voie appartenant au domaine privé de la commune ou à des propriétaires particuliers dont l’utilisation est non réglementée, praticable par des véhicules homologués pour une circulation routière et adaptés à ses caractéristiques est considérée comme ouverte à la circulation publique.

« Conformément aux dispositions de l’article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales, le maire conserve la possibilité d’interdire par arrêté motivé la circulation des véhicules sur des voies, portions de voie ou secteurs de sa commune. La fermeture de la voie doit être signalée matériellement et règlementairement sur le terrain. »


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