N° 2812 - Proposition de loi de M. Jacques Myard visant à créer un corps d'Etat des inspecteurs des prestations sociales



N° 2812

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer un corps d’État des inspecteurs des prestations sociales,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jacques MYARD,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Des révélations régulières et plus ou moins médiatisées rendent compte de nombreuses pratiques frauduleuses destinées à percevoir indument des prestations sociales ou familiales. Afin de donner une estimation du montant de la fraude, une enquête réalisée en 2009 sur 10 000 dossiers représentatifs évalue le montant des prestations perçues frauduleusement entre 500 et 800 millions d’euros, soit un préjudice considérable pour le contribuable et les assurés sociaux.

Bien que représentant moins de 3 % du montant total des prestations versées, la fraude pèse donc directement sur les comptes sociaux, autant qu’elle porte atteinte à la crédibilité du système de solidarité nationale. Considéré en effet comme étant l’un des plus généreux au monde, le modèle social français ne peut être accepté que s’il ne bénéficie qu’aux personnes qui en ont besoin.

L’étude montre en outre que les types d’allocations « universelles », bénéficiant à la quasi totalité des familles, comme l’allocation familiale ou l’allocation de rentrée scolaire, sont peu fraudées, alors que les prestations de nature purement sociale à tendance redistributive, comme l’allocation de parent isolé (API) et le RSA, affichent les taux de fraude les plus élevés.

Le versement des aides sociales est de la compétence des départements, qui délèguent l’instruction des dossiers aux Caisses d’Allocations Familiales. Toutes les aides sociales présentent des conditions d’éligibilité plus ou moins strictes, mais les dossiers sont constitués en grande partie sur une base déclarative. Des contrôles sont ensuite diligentés par les inspecteurs des CAF, sur une base relativement aléatoire, et peuvent donner lieu à un remboursement d’indus, et le cas échéant à des poursuites pénales.

Ce fonctionnement est analogue à celui des inspecteurs de la sécurité sociale, qui contrôlent le bien fondé des prescriptions médicales et des remboursements. Il s’appuie sur le principe d’autonomie des différentes caisses. Il en résulte cependant d’importantes disparités, certaines caisses étant beaucoup plus actives que d’autres dans la lutte contre la fraude, en fonction des caractéristiques et des enjeux locaux. Mais de façon générale, la logique organisationnelle d’une CAF autonome est de payer les prestations sociales dans un contexte de besoins croissants. Aussi, le fait d’avoir la responsabilité de son propre contrôle place les caisses d’allocations familiales dans une position de juge et partie quelque peu contradictoire avec leur cœur de métier de travailleurs sociaux.

À la différence de l’Assurance maladie, la procédure de contrôle ne nécessite pas une compétence très spécialisée comme la médecine. Elle exige surtout une activité de vérification de la situation professionnelle et sociale des intéressés.

En outre, les événements montrent que les fraudes aux prestations sociales ne sont pas isolées, mais sont souvent liées à d’autres types d’activités illégales comme la fraude fiscale ou le travail dissimulé. En outre, dans le cas du RSA et de l’API, elle est souvent liée à la polygamie de fait. La lutte contre les fraudes aux prestations sociales doit être incluse dans un ensemble plus vaste. La lutte contre les fraudes de toute nature doit ainsi être considérée comme une politique publique à part entière.

C’est pourquoi les agents de contrôle des allocations familiales font partie des comités locaux de lutte contre la fraude créés par le décret du 18 avril 2008, au même titre que les inspecteurs des impôts et les inspecteurs du travail, sous l’autorité des procureurs. Or, si les inspecteurs des impôts et du travail sont des corps d’État, les personnes chargées de la lutte contre la fraude aux prestations sociales restent des agents des différentes branches de la sécurité sociale et sont placés sous une autorité souvent réticente à admettre la fraude.

Dans un souci d’efficacité organisationnelle, les inspecteurs des prestations sociales devraient ainsi constituer un corps d’État, au sein du ministère des affaires sociales, sur le modèle de l’inspection du travail.

Telles sont les raisons de la proposition de loi qu’il vous est demandé d’adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le Chapitre III du Titre II du Livre 1er du code de l’action sociale et des familles est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Inspection de l’action sociale et familiale

« Art. L. 124. – Les inspecteurs de l’action sociale et familiale sont chargés de veiller à l’application des dispositions du présent code, en ce qui concerne le droit à l’aide sociale, aux allocations familiales, et au revenu de solidarité active.

« Art. L. 125. – Les inspecteurs de l’action sociale et familiale sont nommés par le Ministre des affaires sociales, après réussite à un concours suivant les modalités des articles 19 à 28 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 relative au statut général de la fonction publique.

« Art. L. 126. – Les inspecteurs de l’action sociale et familiale ont accès à tous les fichiers et dossiers des allocataires des prestations dont ils assurent le contrôle au sein des services départementaux et communaux mentionnés aux articles L. 123-1 à L. 123-9, ainsi qu’au sein des Caisses d’Allocations Familiales.

« Art. L. 127. – Les inspecteurs de l’action sociale et familiale peuvent diligenter des enquêtes sur les allocataires des prestations dont ils assurent le contrôle afin de vérifier leurs droits aux diverses prestations. Ils peuvent les convoquer et leur demander tout justificatif complémentaire.

« Art. L. 128. – Les inspecteurs de l’action sociale et familiale constatent les prestations indues par des procès verbaux qui font foi jusqu’à preuve du contraire. Lorsque ces prestations indues sont de nature involontaire, ils transmettent le procès verbal à l’organisme payeur qui se charge du recouvrement.

« Lorsque les prestations indues sont le fruit d’une fraude relevant d’une ou plusieurs infractions pénales, ils mettent en demeure l’intéressé de rembourser les prestations concernées, et informent le Procureur de la République des infractions constatées. »

Article 2

Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de la présente loi.

Article 3

Les charges pour l’État résultant de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


© Assemblée nationale