N° 3173 - Proposition de loi de M. William Dumas visant à lutter contre les "marchands de sommeil"



N° 3173

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 février 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre les « marchands de sommeil »,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

William DUMAS, Jacques BASCOU, Jean-Paul DUPRÉ, Kléber MESQUIDA, André VÉZINHET, Henri JIBRAYEL, Philippe PLISSON, Pascale GOT, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Daniel GOLDBERG, Chantal ROBIN-RODRIGO, Frédérique MASSAT, Jean-Louis GAGNAIRE, Jean GRELLIER, Marie-Lou MARCEL, Annick LE LOCH, Jean-Marc AYRAULT et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

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(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Michel Delebarre, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Odette Duriez, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Catherine Génisson, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Marie-Renée Oget, Françoise Olivier-Coupeau, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Martine Pinville, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Bernard Roman, René Rouquet, Alain Rousset, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

(2)  Chantal Berthelot, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Apeleto Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo, Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Selon le rapport annuel 2010 de la fondation Abbé-Pierre, la France compte 3,5 millions de personnes non ou très mal logées, dont plus de 600 000 enfants.

Environ 600 000 logements dans lesquels vivent 1 million de personnes sont considérés comme potentiellement indignes. La moitié d’entre eux concernerait des logements donnés en location. Parmi les propriétaires figurent souvent des héritiers ou des indivisaires n’ayant pas les moyens de rénover correctement leur patrimoine immobilier, mais très régulièrement aussi des marchands de sommeil seulement soucieux de tirer de larges profits d’un marché locatif parallèle, directement adossé à l’encaissement en tiers paiement d’allocations logement, s’adressant aux ménages les plus fragiles.

Même si, depuis la loi Solidarité et renouvellement urbains, du 13 décembre 2000, l’arsenal judiciaire s’est étoffé, appuyé sur les exigences de décence auxquelles doivent répondre tous les logements mis en location, il ne concerne essentiellement que des recours de droit privé.

Or, il est largement reconnu que les ménages en situation de précarité préfèrent quitter un logement indécent, voire insalubre, plutôt que devoir engager et soutenir une action judiciaire souvent longue et coûteuse.

Si la loi Molle du 25 mars 2009 est venue supprimer la condition antérieure d’un agrément nécessaire des associations susceptibles d’accompagner en justice ces locataires, et impose la transmission par le juge, aux préfets, de tous les jugements relatifs à la non-décence, force est de constater que les tribunaux d’instance sont très peu saisis sur ce sujet.

Par ailleurs, il semble que très peu de greffes aient pu s’organiser pour transmettre ces jugements aux préfets (aucun chiffre national n’est d’ailleurs disponible à ce titre, aucun recensement n’ayant été opéré à propos de ces transmissions, pourtant obligatoires, ni par le ministère de l’intérieur ni par le ministère de la justice).

Malgré un arsenal juridique, des mesures incitatives et coercitives et la convention signée entre l’État et l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat visant à accélérer le traitement des logements indignes, les marchands de sommeil continuent de prospérer, profitant à la fois de la pénurie de logement et d’une loi trop imprécise.

Si l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 dite Malandain-Mermaz (modifiée par la loi SRU du 13 décembre 2000) introduit la notion d’habitat décent en précisant que le bailleur a obligation de délivrer un logement décent, elle n’assortit cette obligation d’aucune preuve ni certification.

Depuis bientôt dix ans, les bailleurs sont donc tenus de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Mais cette obligation repose seulement sur du déclaratif.

C’est également seulement sur du déclaratif que les bailleurs indélicats, et au premier chef les marchands de sommeil, se font verser des allocations logement, en toute impunité, alors que l’éligibilité à ces aides est désormais assujettie au respect des normes de décence.

Pour se loger, la plupart des ménages vulnérables bénéficient d’allocations logement (allocations de logement familiales et allocations de logement sociales). En 2009, 6 058 300 ménages ont bénéficié d’allocations logement versées par les caisses d’allocations familiales, soit un total de 15,504 milliards d’euros. À ces chiffres il faudrait évidemment ajouter les mêmes allocations versées par les caisses de mutualité sociale agricole.

Outre que les droits à une allocation logement ne sont ouverts qu’à partir d’une simple attestation déclarative du bailleur, sans aucun contrôle préalable, le phénomène de détournement des aides est facilité par la systématisation du mécanisme de tiers paiement mis en œuvre depuis la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 sur le pouvoir d’achat, article 11.

Ce versement direct de l’aide au bailleur s’impose à l’organisme prestataire, dès lors que le bailleur le demande, sans que l’avis de l’allocataire ne soit sollicité ni qu’il puisse s’y opposer (article L. 553-4 et L. 835-2 du code de la sécurité sociale).

Une circulaire d’application de ce nouveau dispositif (Direction des prestations familiales Lc n° 2008-062) précise même : « Désormais, pour que l’allocation de logement soit versée directement entre les mains du bailleur ou du prêteur, il n’est plus nécessaire que l’allocataire ait donné conjointement son accord. La seule demande du bailleur ou du prêteur est suffisante. »

Prescrire la mise en œuvre d’un certificat de décence du logement proposé à la location, et en rendre la communication obligatoire pour déclencher le versement d’une allocation logement (familiale ou sociale) en tiers paiement serait de nature à mieux armer les organismes prestataires face aux marchands de sommeil.

Ce diagnostic décence, obligatoire, à la charge du propriétaire, permettrait de certifier le respect des caractéristiques contenues dans le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002.

Une fois réalisé, le diagnostic décence devra être transmis par le bailleur à l’organisme payeur des aides au logement, comme pièce nécessaire à la mise en œuvre du tiers paiement.

La non-communication de ce document à l’organisme prestataire permettrait l’ouverture des droits à l’allocation de logement mais celle-ci serait alors directement versée au locataire.

Il est donc proposé d’adopter la disposition suivante.


PROPOSITION DE LOI

Article unique

I. – Le troisième alinéa du II de l’article L. 553-4 du code de la sécurité sociale est complété par trois phrases ainsi rédigées :

« L’allocation ne peut être versée au bailleur que si le logement répond aux exigences prévues au 2° de l’article L. 542-2, le respect des caractéristiques de décence devant être attesté par un certificat, établi par un contrôleur technique ou un technicien de la construction, transmis par le bailleur à l’organisme prestataire. Pour les logements compris dans un patrimoine d’au moins dix logements dont le propriétaire ou le gestionnaire est un organisme d’habitations à loyer modéré, une société d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux ou l’établissement public de gestion immobilière du Nord-Pas-de-Calais et les sociétés à participation majoritaire de cet établissement, le bailleur peut continuer à percevoir l’allocation s’il s’engage par convention avec l’État à rendre le logement décent dans un délai fixé par cette convention. Le bailleur adresse une copie de la convention aux organismes payeurs de l’allocation de logement. »

II. – Après l’article L. 134-7 du code de la construction et de l’habitation, est insérée une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Diagnostic décence

« Art. L. 134-8. – Le diagnostic décence réalisé par un propriétaire souhaitant louer son bien immobilier à des bénéficiaires des allocations logement est un document venant certifier le respect des caractéristiques fixées par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002. »


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