N° 3229 - Proposition de loi de M. Jean-Pierre Giran visant à réglementer les campagnes de communication et de promotion des collectivités territoriales



N° 3229

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mars 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à réglementer les campagnes de communication et de promotion des collectivités territoriales,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Pierre GIRAN, Jean-Paul ANCIAUX, Brigitte BARÈGES, Patrick BEAUDOUIN, Jean-Louis BERNARD, Marc BERNIER, Étienne BLANC, Philippe BOËNNEC, Marcel BONNOT, Bruno BOURG-BROC, Chantal BOURRAGUÉ, Michel BOUVARD, Françoise BRANGET, Dominique CAILLAUD, Patrice CALMÉJANE, François CALVET, Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Jean-Louis CHRIST, Dino CINIERI, Georges COLOMBIER, François CORNUT-GENTILLE, Louis COSYNS, Alain COUSIN, Marie-Christine DALLOZ, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEFLESSELLES, Sophie DELONG, Bernard DEPIERRE, Michel DIEFENBACHER, David DOUILLET, Jean-Pierre DUPONT, Paul DURIEU, Alain GEST, Georges GINESTA, Claude GOASGUEN, François-Michel GONNOT, Michel GRALL, François GROSDIDIER, Jacques GROSPERRIN, Arlette GROSSKOST, Louis GUÉDON, Christophe GUILLOTEAU, Michel HEINRICH, Jacqueline IRLES, Christian KERT, Fabienne LABRETTE-MÉNAGER, Jacques LAMBLIN, Laure de LA RAUDIÈRE, Pierre LASBORDES, Marc LE FUR, Michel LEJEUNE, Dominique LE MÈNER, Lionnel LUCA, Richard MALLIÉ, Jean-Pierre MARCON, Alain MARLEIX, Philippe Armand MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Henriette MARTINEZ, Jean-Claude MATHIS, Pierre MÉHAIGNERIE, Christian MÉNARD, Damien MESLOT, Philippe MEUNIER, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Georges MOTHRON, Jean-Marc NESME, Béatrice PAVY, Bérengère POLETTI, Didier QUENTIN, Jacques REMILLER, Jean ROATTA, Jean-Marc ROUBAUD, Francis SAINT-LÉGER, Jean-Marie SERMIER, Éric STRAUMANN, Lionel TARDY, Michel TERROT, Marie-Hélène THORAVAL, Dominique TIAN, Yves VANDEWALLE, Isabelle VASSEUR, Marie-Jo ZIMMERMANN, Michel ZUMKELLER et Bruno SANDRAS,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À l’occasion d’élections récentes, notamment les élections régionales de mars 2010, la question des campagnes de communication des collectivités territoriales a refait surface dans le débat politique.

Les campagnes de communication des collectivités posent en effet deux séries de questionnement surtout en période électorale :

– le dénigrement de l’action d’une collectivité par une autre et son influence sur la sincérité du scrutin ;

– l’utilisation sans encadrement des moyens publics à des fins politiques.

La législation en vigueur ne couvre pas tous les cas de figure, notamment les campagnes de dénigrement qui peuvent intervenir en raison d’un vide juridique dans la législation actuelle. Alors que la communication des collectivités publiques en période électorale est déjà encadrée par l’article L. 52-1 du code électoral, on a pu observer des pratiques qui tendent à contourner l’esprit de la loi qui doit garantir l’égalité devant les suffrages, principe fondateur de notre système démocratique consacré tant par le Conseil constitutionnel que par le Conseil d’État.

En outre, le juge de l’élection apprécie in concreto les éventuels manquements aux règles, en particulier l’utilisation des moyens publics à des fins politiques en période électorale.

Enfin, lorsque les élus utilisent les moyens de la publicité commerciale par la voie de la presse quotidienne régionale, cette publicité est toujours présentée comme destinée à promouvoir la commune ou la collectivité. Pourtant, on est bien conduit à observer, que très souvent, la promotion de la collectivité constitue un prétexte ou, en tous les cas, un moyen pour la promotion de son responsable au moins autant que pour celle de sa ville. À ce titre, le nom, la photographie et la mise en scène du maire ou du président servent souvent d’illustration. Cette campagne électorale qui ne dit pas son nom, financée par le contribuable local, et donc également par l’opposition au pouvoir en place, dénature le débat public et sa transparence. La situation de monopole dans laquelle se trouve souvent la presse quotidienne régionale dans un département ou une région impose une exigence de vigilance.

Ce contexte conduit à s’interroger aujourd’hui sur l’intérêt d’un ajustement du cadre législatif dans une double direction : en renforçant tout d’abord la cohérence interne des règles du droit électoral, en précisant ensuite les modalités de la communication des collectivités territoriales.

C’est pourquoi il est proposé, dans le strict respect des principes constitutionnels de la liberté de communication et de la libre administration des collectivités territoriales, de réglementer ces pratiques qui tendent à brouiller le jeu démocratique.

À cette fin, la présente proposition de loi vise à :

– faire converger à 12 mois les délais relatifs, d’une part, à la prohibition des campagnes de promotion des collectivités (L. 52-1) et, d’autre part, à l’obligation d’ouverture d’un compte de campagne (L. 52-4) ;

– à rendre automatique le rejet d’un compte de campagne qui se verrait imputer une dépense prohibée au titre de l’article L. 52-8 (dons des personnes morales) : l’automaticité serait justifiée en raison de la nature même de l’origine du don, et non du montant ou de son impact sur le plafond du compte, comme c’est le cas dans la jurisprudence actuelle. On notera que cette mesure conduit à étendre aux dons des personnes morales de droit public l’automaticité du rejet d’un compte de campagne lié aux dons des personnes morales de droit privé ;

– à rendre obligatoire la mention du coût d’une campagne de communication sur les supports utilisés (quels qu’ils soient) : la publication de cette information est motivée par un souci de transparence dans l’utilisation des deniers publics ;

– à s’assurer que la communication de la collectivité n’a pas en réalité pour objectif principal la promotion personnelle de son responsable.

L’article 1ervise à aligner la période, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral, au cours de laquelle aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressés par le scrutin sur la période, avec celle mentionnée à l’article L. 52-4 du même code, qui impose au mandataire financier de recueillir les fonds destinés au financement de la campagne pendant les douze mois précédant le premier jour du mois de l’élection.

Un tel alignement participerait à une plus grande clarification et à une plus grande cohérence des dispositions du code électoral tant pour les élus locaux que pour les candidats et les citoyens.

Il permettrait également d’accroître la neutralité dans l’usage des moyens publics des collectivités publiques, et en particulier des dépenses de communication, moyen qui a fait l’objet de nombreux contentieux lors des élections régionales de 2010.

L’article 2 impose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) de rejeter le compte de campagne d’un candidat ayant bénéficié, en violation de l’article L. 52-8 du code électoral, d’une aide financière, d’avantages directs ou indirects, ou d’un don prohibé d’une personne morale (à l’exception des partis ou groupements politiques). Sur ce fondement, et en application de l’article L. 118-3 du code électoral, le juge pourrait prononcer une peine allant jusqu’à un an d’inéligibilité ou bien au contraire refuser le rejet des comptes par la CNCCFP. Le candidat dont la bonne foi est établie pourra toujours être relevé de cette inéligibilité.

L’article 3 a pour objet de créer un cadre législatif pour les campagnes de communication des collectivités territoriales ayant pour effet ou pour objet de susciter un débat afin de veiller à la bonne utilisation des deniers publics. Dans un souci de transparence, le coût des opérations et campagnes de communication serait mentionné sur le support utilisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Une amende de 3 750 euros en cas de non-respect de ces dispositions est prévue.

Enfin, chaque année, au moment de la présentation de son compte administratif, la collectivité devrait présenter pour information un rapport détaillé sur les dépenses de communication et de publicité effectuées pendant l’année écoulée, permettant ainsi aux contribuables de mieux connaître l’affectation de leurs impôts.

L’article 4 a pour objet, en supprimant toute possibilité d’utilisation à des fins de promotion personnelle de la campagne de communication d’une collectivité, de maintenir les conditions d’une compétition démocratique loyale sur le terrain local.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Au dernier alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « douzième ».

Article 2

Après le troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’elle constate une infraction aux dispositions de l’article L. 52-8, la commission rejette le compte de campagne et saisit le juge de l’élection. »

Article 3

I. – Le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complété par un chapitre V ainsi rédigé : 

« Chapitre V

« Communication

« Art. L.2145-1. – Toute opération ou campagne de communication entreprise par la commune et visant à la diffusion d’informations à destination du public quel que soit le support utilisé mentionne le coût de celle-ci.

« Les modalités de calcul du coût total de l’opération ou de la campagne de communication ainsi que celles relatives à l’affichage de ce coût sur le support utilisé sont déterminées par décret en Conseil d’État.

« Est punie d’une amende de 3 750 euros, toute opération ou campagne de communication qui ne respecterait pas les dispositions prévues par cet article.

« Par dérogation, les informations relatives au fonctionnement de la commune et à l’exercice courant de ses compétences ainsi que celles relatives aux démarches des administrés ne sont pas soumises à l’obligation prévue au premier alinéa.

« Chaque année la commune, lors de la séance de présentation de son compte administratif présente un rapport détaillant les dépenses liées à sa politique de communication pendant l’année écoulée. »

II. – Le livre Ier de la troisième partie du même code est complété par un titre V ainsi rédigé :

« TITRE V

« COMMUNICATION

Chapitre unique« Art. L.3151-1. – Toute opération ou campagne de communication entreprise par le département et visant à la diffusion d’informations à destination du public quel que soit le support utilisé mentionne le coût de celle-ci.

« Les modalités de calcul du coût total de l’opération ou de la campagne de communication ainsi que celles relatives à l’affichage de ce coût sur le support utilisé sont déterminées par décret en Conseil d’État.

« Est punie d’une amende de 3 750 euros, toute opération ou campagne de communication qui ne respecterait pas les dispositions prévues par cet article.

« Par dérogation, les informations relatives au fonctionnement du département et à l’exercice courant de ses compétences ainsi que celles relatives aux démarches des administrés ne sont pas soumises à l’obligation prévue au premier alinéa.

« Chaque année le département, lors de la séance de présentation de son compte administratif présente un rapport détaillant les dépenses liées à sa politique de communication pendant l’année écoulée. »

III. – Le livre Ier de la quatrième partie du même code est complété par un titre VI ainsi rédigé :

« TITRE VI

« COMMUNICATION

Chapitre unique« Art. L.4161-1. – Toute opération ou campagne de communication entreprise par la région et visant à la diffusion d’informations à destination du public quel que soit le support utilisé mentionne le coût de celle-ci.

« Les modalités de calcul du coût total de l’opération ou de la campagne de communication ainsi que celles relatives à l’affichage de ce coût sur le support utilisé sont déterminées par décret en Conseil d’État.

« Est punie d’une amende de 3 750 euros, toute opération ou campagne de communication qui ne respecterait pas les dispositions prévues par cet article.

« Par dérogation, les informations relatives au fonctionnement de la région et à l’exercice courant de ses compétences ainsi que celles relatives aux démarches des administrés ne sont pas soumises à l’obligation prévue au premier alinéa.

« Chaque année la région, lors de la séance de présentation de son compte administratif présente un rapport détaillant les dépenses liées à sa politique de communication pendant l’année écoulée. »

IV. – Après la section 9 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la cinquième partie du même code, est insérée une section 9 bis ainsi rédigée :

« Section 9 bis

« Communication

« Art. L. 5211-55. – Toute opération ou campagne de communication entreprise par l’établissement public de coopération intercommunale et visant à la diffusion d’informations à destination du public quel que soit le support utilisé mentionne le coût de celle-ci.

« Les modalités de calcul du coût total de l’opération ou de la campagne de communication ainsi que celles relatives à l’affichage de ce coût sur le support utilisé sont déterminées par décret en Conseil d’État.

« Est punie d’une amende de 3 750 euros, toute opération ou campagne de communication qui ne respecterait pas les dispositions prévues par cet article.

« Par dérogation, les informations relatives au fonctionnement de l’établissement public de coopération intercommunale et à l’exercice courant de ses compétences ainsi que celles relatives aux démarches des administrés ne sont pas soumises à l’obligation prévue au premier alinéa.

« Chaque année l’établissement public de coopération intercommunale, lors de la séance de présentation de son compte administratif présente un rapport détaillant les dépenses liées à sa politique de communication pendant l’année écoulée. »

Article 4

L’article L. 52-1 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Durant toute la période du mandat électoral, une commune, un établissement public de coopération intercommunale ou une collectivité territoriale ne peuvent utiliser la photographie et/ou le patronyme du chef de son exécutif ou de l’un de ses délégués lorsqu’ils mettent en œuvre une publicité commerciale dans un organe de la presse quotidienne régionale ».


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