N° 3424
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 mai 2011.
PROPOSITION DE LOI
tendant au versement des allocations familiales dès le premier enfant
et à allouer une somme identique à chaque enfant,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Christian ESTROSI, Manuel AESCHLIMANN, Alfred ALMONT, Edwige ANTIER, Abdoulatifou ALY, Jean AUCLAIR, Patrick BEAUDOUIN, Jacques Alain BÉNISTI, Jean-Louis BERNARD, Jérôme BIGNON, Jean-Claude BOUCHET, Bruno BOURG-BROC, Marc BERNIER, Pascal BRINDEAU, Bernard BROCHAND, François CALVET, Bernard CARAYON, Éric CIOTTI, Dino CINIERI, Philippe COCHET, Georges COLOMBIER, Édouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Sophie DELONG, Bernard DEPIERRE, Nicolas DHUICQ, Éric DIARD, Dominique DORD, Olivier DOSNE, David DOUILLET, Raymond DURAND, Yannick FAVENNEC, Jean-Michel FERRAND, Nicolas FORISSIER, Marie-Louise FORT, Yves FROMION, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Alain GEST, Jean-Pierre GIRAN, Jean-Pierre GORGES, Philippe GOUJON, Jean-Pierre GRAND, François GROSDIDIER, Pascale GRUNY, Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, Christophe GUILLOTEAU, Francis HILLMEYER, Françoise HOSTALIER, Alain JOYANDET, Yvan LACHAUD, Jean LASSALLE, Michel LEJEUNE, Lionnel LUCA, Alain MARLEIX, Guy MALHERBE, Muriel MARLAND-MILITELLO, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MATHIS, Christian MÉNARD, Damien MESLOT, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jean-Marie MORISSET, Alain MOYNE-BRESSAND, Bernard PERRUT, Didier QUENTIN, Frédéric REISS, Jean-Luc REITZER, Arnaud RICHARD, Jean-Marc ROUBAUD, Max ROUSTAN, Francis SAINT-LÉGER, Rudy SALLES, François SAUVADET, Fernand SIRÉ, Michel SORDI, Daniel SPAGNOU, François VANNSON, Francis VERCAMER, Jean-Sébastien VIALATTE, François-Xavier VILLAIN et André WOJCIECHOWSKI, Geneviève COLOT, Jacques LAMBLIN, Jacqueline FARREYROL, Patrice MARTIN-LALANDE et Françoise BRANGET,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
« La difficulté n’est pas de faire des enfants mais de les nourrir », disait l’économiste britannique, Thomas Robert Malthus.
Afin de compenser la charge que représente l’arrivée d’un enfant dans la vie d’un couple et surtout de favoriser la natalité française, le gouvernement français a décidé, par un décret loi du 12 novembre 1938, de créer des allocations familiales. Elles sont dans un premier temps allouées dès le premier enfant et progressives en fonction du nombre de chérubins.
Cependant, par un autre décret loi du 29 juillet 1939, l’État décide de supprimer les allocations familiales pour le premier enfant. La justification de cette exclusion réside dans la volonté du gouvernement de dynamiser la natalité française et de promouvoir la famille nombreuse : on estimait alors que nul n’a besoin d’allocation familiale pour faire son premier enfant.
La France a donc basé son système d’allocations familiales, confirmé par le Général de Gaulle au lendemain de la seconde guerre mondiale, sur le principe d’une attribution dès le deuxième enfant avec un montant progressif afin d’augmenter le taux de natalité.
Dans le même esprit, les taux des allocations familiales ont plusieurs fois été modifiés, le plus souvent dans le sens d’une revalorisation pour le troisième enfant.
Le système actuel de prestations sociales pour compenser la charge des enfants repose encore aujourd’hui sur les principes édictés dans les années trente comme en témoignent les montants alloués aux familles reproduit ci-après pour l’année 2011:
– 1 enfant : 0 € ;
– 2 enfants : 125,78 € ;
– 3 enfants : 286,94 € ;
– puis 161,17 € par enfant supplémentaire.
Il existe également une majoration :
– 62,90€ par enfant de plus de 14 ans sauf pour l’aîné lorsque l’on a plusieurs enfants à charge.
Aujourd’hui, la situation n’est heureusement plus celle de l’après guerre. Avec 828.000 naissances en 2010 en France, le taux de fécondité a atteint 2,01 enfants par femme, un record depuis la fin du baby-boom (1).
Par ailleurs, la taille de la famille diminue : on recensait plus de 900 000 familles avec 4 enfants et plus en 1968, on en compte moins de 325 000 en 1999. Si à l’époque, la famille nombreuse était la règle et l’enfant unique l’exception, la situation s’est peu à peu inversée.
Certaines familles, qui n’ont qu’un enfant, peuvent déjà bénéficier de prestations familiales (allocation parent isolé en cas de monoparentalité, prestation d’accueil du jeune enfant) mais ce ne sont pas des charges qui correspondent à l’objectif de compensation du coût de l’enfant.
Or, selon une enquête de l’INSEE, le coût d’un enfant, l’année de sa naissance, a été évalué à 36 861 € par an alors que le second reviendrait à 3 084 € par an et le troisième à 1 689 € par an (2). Ce montant est certes à prendre avec précaution car il est très difficile à estimer et toutes les familles n’ont pas les mêmes besoins et les mêmes revenus. Cependant, il est acquis que ce coût décroît avec le nombre d’enfants puisque les parents n’auront pas les mêmes dépenses à faire pour le premier, le second ou le troisième enfant.
Pour les jeunes couples qui entrent dans la vie active, la perte de revenus à l’arrivée du premier enfant est considérable. Aussi, il apparaît nécessaire d’aider les jeunes couples qui souhaitent avoir leur premier enfant.
Dans cet esprit, l’allocation de rentrée scolaire a été ouverte au premier enfant en 1999.
Dans le même temps, la nécessité d’instaurer cette allocation dès le premier enfant a été maintes fois réaffirmée et notamment par:
– des associations familiales depuis de nombreuses années ;
– la proposition de loi de Pierre Cardo, député des Yvelines en 1996 (3) ;
– le rapport du conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale de 2004 (4) : « L’instauration d’une allocation familiale (sans ou sous conditions de ressources), dès le premier enfant, permettrait, d’une part, de réduire le risque de pauvreté pour ces familles et, d’autre part, de ne pas pénaliser financièrement le retour à l’emploi des allocataires de minima sociaux. Le Conseil avait souligné ce point dans son premier rapport “Accès à l’emploi et protection sociale” » ;
– Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle : « J’aiderai les familles à chacune des étapes de leur existence. En particulier, j’allouerai des allocations familiales dès le premier enfant » (5).
La mise en œuvre de cette proposition permettra de mettre fin à deux inégalités : l’une résidant dans le fait que la France est le seul pays de l’Union européenne à ne pas attribuer d’allocation familiale pour le premier enfant et l’autre étant qu’il existe déjà une allocation familiale pour le premier enfant dans les départements d’outre-mer.
Le problème épineux de la mise en oeuvre de cette réforme est évident le coût qu’elle représente.
Combien coûterait cette mesure ?
Les allocations familiales concernent, en 2006, 4,6 millions de familles pour une dépense totale de 12 milliards d’euros, soit près de 40 % du total de dépenses des prestations familiales de la branche famille de la sécurité sociale.
La Caisse nationale des allocations familiales, qui se base sur une allocation de base de 60 € pour le premier enfant, a estimé en 2006 ce coût à 2,5 milliards d’euros, c’est-à-dire plus de 20 % des dépenses totales d’allocations familiales (6).
Aussi, afin de limiter l’impact budgétaire d’une telle mesure, il convient de réfléchir à une réforme plus globale des allocations familiales qui n’ont pas été revues depuis 1945.
Quelles sont les pistes de réforme ?
Certains préconisent une mise sous condition de ressources des allocations familiales. Cela n’est clairement pas souhaitable car cette allocation doit conserver son caractère universel puisque c’est l’existence de l’enfant qui doit donner droit à la prestation; pas les ressources des parents.
D’autres préconisent de fiscaliser les allocations familiales. Ce n’est pas souhaitable non plus car elles ne constituent pas un revenu complémentaire, donc n’ont pas vocation à être inscrites dans l’assiette de l’impôt sur le revenu.
D’aucun suggèrent encore d’arrêter les allocations familiales à l’âge de la majorité mais cela pourrait paraître injuste car c’est lorsqu’il devient étudiant que l’enfant coûte parfois le plus cher à sa famille.
En revanche, il semblerait logique d’allouer une somme identique par enfant quel que soit son rang dans la famille et non plus progressive en fonction de son rang dans la fratrie. Que l’enfant, soit le cadet, le puîné ou l’aîné, à âge égal, son coût pour la famille est identique voire même dégressif si l’on considère que les effets du premier enfant servent aux enfants suivants. Cette réforme aurait alors pour conséquence de réaffirmer le lien entre l’enfant et l’allocation.
Ce système d’allocation forfaitaire par enfant existe au Danemark, en Allemagne, en Espagne, en Hongrie, en Autriche, au Portugal, au Royaume-Uni...
D’après une étude du CREDOC de 2007, 76 % des personnes interrogées indiquent préférer une politique familiale fondée sur l’égalité de traitement de chaque enfant.
Si l’on prend par exemple une somme de 65 € par enfant, voici l’effet s’agissant de l’allocation familiale de base (sans majoration). Ce tableau ne constitue qu’un exemple car il appartient au Gouvernement de fixer le montant alloué pour chaque enfant.
1 enfant |
2 enfants |
3 enfants |
4 enfants | |
Système actuel |
0 |
120 |
270 |
420 |
Système proposé |
65 |
130 |
195 |
260 |
Gains/Pertes |
65 |
10 |
-90 |
-160 |
Nombres de familles concernés |
3 600 000 |
3 300 000 |
1 300 000 |
470 000 |
Source : CNAF.
Cette réforme aurait ainsi l’avantage de la simplicité.
Une première lecture peut laisser penser qu’une telle réforme désavantagerait les familles nombreuses mais il faut bien garder à l’esprit qu’une famille de 3 ou 4 enfants est au départ une famille d’un enfant.
Pour compléter le financement de cette réforme, il est proposé de moduler la majoration prévue à l’âge de 14 ans et constituant actuellement une somme de 62,90 €, en fonction du revenu de la famille.
Aussi, l’article 1erde la présente proposition de loi vise à donner une définition des allocations familiales en affirmant :
– qu’elles ont pour objet de compenser le coût de l’enfant pour la famille ;
– qu’elles peuvent être attribuées dès le premier enfant ;
– qu’elles sont accordées quels que soient les revenus de la famille ;
– qu’il s’agit de l’allocation d’une somme identique pour chaque enfant.
L’article 2 vise à compléter le financement de la réforme en modulant la majoration prévue par l’article L521-3 du Code de la sécurité sociale en fonction des revenus de la famille.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Le premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé:
« Les allocations familiales constituent une somme attribuée par l’État dès le premier enfant à charge et destinée à compenser le coût de cet enfant pour une famille quels que soient ses revenus. La somme attribuée, dont le montant est fixé par décret, est identique pour chaque enfant. »
Article 2
Le premier alinéa de l’article L. 521-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé:
« Chacun des enfants à charge, à l’exception du plus âgé, ouvre droit à partir d’un âge minimum à une majoration des allocations familiales dont le montant est déterminé par décret en fonction des revenus de la famille. »
Article 3
Les charges qui pourraient résulter pour les organismes de sécurité sociale de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
1 () Étude de mars 2010 de l’INED.
2 () Article du Figaro du 15 octobre 2007 de Guirec Gombert.
3 () Proposition de loi n° 2482 de Pierre Cardo du 11 janvier 1996 visant à attribuer des allocations familiales substantielles dès le premier enfant.
4 () Page 17 du rapport n° 4 du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale de 2004.
5 () Discours de Nicolas Sarkozy à Maison-Alfort le 2 février 2007.
6 () Déclarations de Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’admministration de la CNAF dans le rapport d’information de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 19 juillet 2007 et intitulé « Finances sociales, après la rechute, la guérison ».
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