N° 3439 - Proposition de résolution européenne de M. Jean-Marc Ayrault relative à l'introduction d'une taxe sur les transactions financières en Europe



N° 3439

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mai 2011.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE

relative à l’introduction d’une taxe sur les transactions financières
en
Europe,

(Renvoyée à la commission des affaires européennes, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Marc AYRAULT, Pierre-Alain MUET, Christophe CARESCHE, Marc GOUA, Henri EMMANUELLI, Christian ECKERT et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

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(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Michel Delebarre, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Odette Duriez, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Catherine Génisson, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Marie-Claude Marchand, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Marie-Renée Oget, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Martine Pinville, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Bernard Roman, Gwendal Rouillard, René Rouquet, Alain Rousset, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

(2)  Chantal Berthelot, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Apeleto Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo, Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les échanges financiers revêtent désormais une importance dépassant de loin le service que les marchés doivent rendre à l’activité économique. S’élevant à des milliers de milliards d’euros, les transactions financières ont pour objet essentiel la couverture financière dans le cadre d’échanges de biens et services. Ce jeu de couverture assurantielle conduit à ce que les montants des transactions financières soient mécaniquement plus importants que les transactions de biens et services.

Mais la crise a révélé les dysfonctionnements majeurs au sein d’un marché déréglementé et prisonnier de stratégies de profit à court terme. En 2008, le montant des transactions financières internationales était estimé à environ 1 600 000 Mds €, soit deux fois plus qu’en 2002 (FMI, Banque mondiale). Cette inflation des transactions financières ne correspond pas à l’augmentation des échanges de biens et services, mais provient de la multiplication de prises de positions spéculatives. L’hypertrophie des échanges financiers résulte notamment de comportements d’acteurs qui ne cherchent pas à contribuer au financement des activités de production ou à la couverture des échanges, mais spéculent pour leur simple profit, au moyen d’outils de plus en plus sophistiqués, protégés par une opacité empêchant les pouvoirs publics de vérifier la pertinence de ces transactions.

Cette opacité n’est malheureusement remise en cause qu’à l’occasion de crises financières mettant en péril toutes nos économies. Lors de la dernière crise économique et financière, les États ont été obligés de mettre à contribution l’ensemble de la collectivité pour sauver un secteur de ses propres dérives. Ainsi, les banques et organismes financiers ont bénéficié de très lourdes mesures de sauvetage, financées par le contribuable.

Par ailleurs, le secteur financier est faiblement taxé au regard des contributions des autres secteurs. Il est dès lors juste et équitable de soumettre le secteur financier à une taxation plus élevée.

Au surplus, à l’heure où la mondialisation met en concurrence des acteurs économiques de taille internationale, des géants économiques comme les États-Unis ou la Chine, l’Europe doit élaborer des instruments pour mieux réguler cette globalisation et protéger davantage ses propres citoyens.

Tous ces éléments plaident en faveur de la mise en place d’une taxe sur un secteur financier qui participe à la création de richesses, mais peut aussi par ses excès détruire le fruit de l’effort du travail de millions de salariés. Introduire une taxe sur les transactions financières produira au moins trois effets vertueux :

– contribuer à la transparence d’un secteur complexe, accompagnant ainsi la directive EMIR, laquelle vise notamment à rendre obligatoire l’enregistrement de toute transaction financière au niveau européen ;

– dissuader de ce fait certains mouvements spéculatifs et fournir à l’Union européenne les moyens juridiques de sanctionner les transactions spéculatives inutiles ou nuisibles ;

– et doter les États membres de l’Union européenne, et éventuellement l’UE elle-même, d’une recette budgétaire supplémentaire pour financer par exemple de nouvelles politiques industrielles ou développer les énergies renouvelables.

Un taux faible de taxation, applicable à partir d’un montant seuil à définir, garantira que la finalité des transactions financières, à savoir couvrir des transactions réelles, ne sera pas détournée. La contrepartie d’une plus grande transparence, donc d’un enregistrement systématique des transactions, est d’offrir aux acteurs financiers un environnement juridique stable et protecteur.

Nos propositions réintroduisent donc une régulation pour garantir la meilleure allocation des ressources, remettre l’épargne au service de l’investissement à long terme et de l’économie réelle plutôt que de la seule rente, et mettre un terme au capitalisme de « casino ». Nous proposons, en somme, d’engager la moralisation du secteur financier.

L’argument contre l’instauration d’une telle taxe sur les transactions financières est connu : l’évasion fiscale. Celle-ci peut se traduire en terme géographique, en déplaçant les transactions vers d’autres lieux. Elle peut aussi prendre une forme plus complexe par la modification des outils et contrats supports de transactions.

Dans le premier cas, il faut observer deux éléments.

– Les acteurs de la finance ont tout autant besoin de l’économie européenne que celle-ci a besoin des acteurs financiers. L’éviction concernerait donc, au pire, les transactions qui veulent échapper à tout contrôle.

– Or, et c’est le deuxième élément, le projet européen de régulation financière doit rendre obligatoire l’enregistrement de toute transaction. Ainsi, l’exil géographique de transactions financières hors du champ européen concernera essentiellement les transactions douteuses ou inutilement spéculatives. Les transactions qui se feront délibérément hors du regard du contrôle fiscal révéleront leur caractère douteux, et pourront, si le législateur le décide, éventuellement être assujetties à une taxe plus importante encore.

Dans le deuxième cas, la recherche du profit maximal des acteurs financiers conduira ces derniers à toujours optimiser fiscalement leurs transactions financières. À ce titre, le choix entre différents supports de transactions ne doit pas affaiblir l’efficacité de la taxe, et celle-ci ne doit pas être un élément d’arbitrage entre placements. Cet élément plaide pour qu’aucune transaction financière n’échappe à cette taxe. Toutes doivent être taxées uniformément.

Enfin, le principe de transparence évoqué plus haut doit conduire les pouvoirs publics à examiner les risques que certains organismes bancaires font prendre à une partie de leurs clients en mobilisant leurs investissements et en effectuant des opérations spéculatives pour leur compte propre. Ce sont autant de ressources qui ne sont pas consacrées au financement de l’économie réelle. Ces écarts constatés font courir un risque à toute l’économie réelle et justifient d’être taxés à des fins dissuasives. Une étude de faisabilité devra être réalisée sur la taxation spécifique des organismes bancaires effectuant des opérations spéculatives pour leur compte propre, afin de préciser les instruments de lutte contre les positions spéculatives.

La faisabilité d’une taxe portée à 0,1% pour toutes les transactions financières dont il s’avèrerait qu’elles ont été délibérément effectuées hors du regard des pouvoirs publics européens, devrait faire l’objet d’une étude.

Le 8 mars 2011, le Parlement européen a adopté un rapport à une très large majorité demandant la mise en place d’une taxe sur les transactions financières au niveau mondial ou européen. La demande a été prise en compte par la réunion des chefs d’État du 11 mars, lesquels se sont engagés à faire avancer les travaux aux niveaux de la zone euro et de l’Union européenne, ainsi que sur le plan international.

Toutefois, si le gouvernement fédéral allemand a annoncé, à l’été 2010, vouloir consacrer ses efforts avec le gouvernement français à l’introduction d’une taxe européenne sur les transactions financières, aucune avancée concrète dans ce sens n’a depuis été réalisée de part et d’autre du Rhin.

Nous entendons, conjointement avec nos collègues parlementaires allemands, initier un processus de moralisation du secteur financier et redonner à l’Union les moyens d’une politique européenne ambitieuse.

Les groupes SRC à l’Assemblée nationale et SPD au Bundestag demandent ainsi que soit prise la résolution de l’instauration d’une taxe à faible taux (0,05 %) couvrant toutes les transactions financières au comptant et à terme.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution ;

Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale ;

Vu la résolution du Parlement européen du 8 mars 2011 sur les financements innovants à l’échelon mondial et à l’échelon européen ;

Vu les conclusions du Conseil européen du 17 juin 2010 et du Conseil européen du 11 décembre 2009 ;

Vu le procès-verbal de la réunion du Conseil ECOFIN du 19 octobre 2010 et le rapport au Conseil européen cité dans ledit procès-verbal,

Vu la déclaration du G20 adoptée le 15 novembre 2008 à Washington, la déclaration du G20 adoptée le 2 avril 2009 à Londres et la déclaration des dirigeants du sommet du G20 adoptée le 25 septembre 2009 à Pittsburgh ;

Vu le rapport 2010 du FMI à l’intention du G20 sur la taxation du secteur financier ;

Recommande au gouvernement de présenter de manière conjointe avec nos partenaires européens, au plus tard lors du premier Conseil européen de l’automne 2011, une proposition législative visant à introduire une taxe sur les transactions financières qui contiendrait les éléments suivants :

– Une taxe sur toutes les transactions financières de 0,05 % ;

– Une assiette de cette taxe sur les transactions financières englobant toutes les transactions boursières et non boursières, titres, obligations, et produits dérivés, de même que toutes les transactions sur le marché des changes ;

– L’affectation des recettes de la taxe sur les transactions financières à chacun des budgets nationaux ;

– Une telle proposition législative devra être introduite au niveau de l’Union européenne, ou à défaut d’abord au niveau de la zone euro ou d’un groupe de plusieurs États membres de l’Union.

Demande au gouvernement d’informer l’Assemblée et ses organes compétents de manière complète et sans tarder concernant le calendrier, le contenu et les progrès des négociations pour parvenir à cette proposition législative visant à introduire une taxe européenne sur les transactions financières.


© Assemblée nationale