N° 4466 - Proposition de loi constitutionnelle de M. Marc Dolez visant à soumettre au référendum la ratification des traités ayant une incidence sur le fonctionnement des institutions, la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation ou sur les services publics qui y concourent



N° 4466

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 mars 2012.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à soumettre au référendum la ratification des traités
ayant une incidence sur le fonctionnement des institutions,
la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation ou sur les services publics qui y concourent,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Marc DOLEZ, Roland MUZEAU, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Martine BILLARD, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 27 février dernier, le chef de l’État a refusé explicitement de soumettre au référendum, s’il était réélu président, le traité européen de discipline budgétaire en cours d’adoption, jugeant le sujet trop complexe.

C’est ainsi la troisième fois depuis son élection à la Présidence de la République qu’il refuse toute consultation du peuple sur les traités européens.

Le référendum a d’abord été écarté en 2008 pour la ratification du traité de Lisbonne, qui n’était pourtant rien d’autre qu’une autre présentation du TCE, refusé par le peuple français lors du référendum de mai 2005. Plus récemment, le Président de la République s’est associé à la Chancelière allemande pour empêcher le peuple grec de s’exprimer par référendum sur le plan d’austérité que l’Europe lui impose. Il a également exclu de soumettre au référendum le traité instituant le mécanisme européen de stabilité, dont la ratification a été approuvée par le Parlement dans la précipitation et sans réel débat démocratique.

Ces refus successifs trahissent une défiance à l’égard des peuples, et de nos concitoyens en particulier, d’autant plus inacceptable que les textes en cause ont ou auront des incidences graves sur nos institutions et sur la conduite de la politique économique, sociale et budgétaire de la Nation.

Il en va ainsi du traité instituant le mécanisme européen de stabilité qui confie aux ministres des finances de la zone euro, agissant au titre de « gouverneurs », des pouvoirs étendus et une immunité totale. Les États en difficulté financière devront ainsi céder de façon « irrévocable et inconditionnelle » à leurs demandes sans que puissent s’exercer les pouvoirs de contrôle du Parlement. Le Conseil des gouverneurs du MES pourra ester en justice mais sera lui-même irresponsable et n’aura de compte à rendre ni aux gouvernements, ni aux administrations ni aux tribunaux. Certains documents déclarés « inviolables » ne seront rendus publics que si le Conseil des gouverneurs le souhaite…

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, dit aussi « pacte budgétaire », va plus loin encore. Bouclé en six semaines, dans l’urgence et sous la pression des agences de notation, ce texte prévoit de durcir les règles du pacte de stabilité en mettant en place de puissants outils de coercition.

Au terme de ce traité, les budgets des États signataires devront se soumettre à une règle d’équilibre stricte visant à restreindre l’investissement et le périmètre des dépenses et services publics. Si un pays s’écarte de cet objectif, la Commission européenne disposera d’un pouvoir de supervision sur les projets de politique économique des pays de la zone en difficulté financière, avec l’automaticité des amendes en cas de dérapage des finances publiques ou la mise en garde sur les déséquilibres de paiement. Sous l’injonction de Bruxelles la Belgique vient par exemple de geler 1,4 milliard d’euros de dépenses supplémentaires sur 11 milliards d’économies prévues. L’Espagne espère toujours un geste pour être autorisée à desserrer l’étau de la trajectoire de ses déficits.

Le mécanisme européen de stabilité et le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire représentent une nouvelle étape dans le processus d’intégration économique et financière de l’Union européenne. Un processus qui ne s’accompagne d’aucun renforcement de la démocratie, de la solidarité et de la coopération mais viole au contraire, délibérément, quelques-uns des principes démocratiques qui forment le socle de notre pacte républicain, comme les principes de séparation et d’équilibre des pouvoirs et le principe de souveraineté budgétaire du Parlement.

Un pas de plus est franchi dans le dessaisissement démocratique des citoyens et des peuples qui vont devoir subir les conséquences des politiques d’austérité que les États seront contraints de conduire, sous la pression de la Commission européenne et des marchés financiers.

Il n’est pas acceptable que les recettes néo-libérales jugées indiscutables par les « experts » continuent à imposer à tous les peuples européens le règne des banques et des marchés et la destruction des liens de solidarité et des acquis sociaux.

Depuis vingt ans, les libéraux ont tenté, afin d’asseoir l’acceptation générale des mécanismes du marché, de dépolitiser l’économie, en prétendant se situer au-delà des « idéologies », sur le seul plan de l’expertise gestionnaire. Ils ont échoué à convaincre et veulent aujourd’hui triompher par la voie de la contrainte en imposant un libéralisme autoritaire.

La défense des droits démocratiques rend dans ce contexte plus que jamais nécessaire le recours au référendum pour la ratification des traités européens. Il est indispensable et urgent de systématiser le recours à la consultation référendaire dès lors que les traités ont, par analogie avec la rédaction de l’article 11 de notre Constitution, une « incidence sur le fonctionnement des institutions, la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation ou sur les services publics qui y concourent ». Nous proposons de modifier en ce sens l’article 88-5 de notre Constitution et, en conséquence, l’alinéa 1er de l’article 11 qui offre au chef de l’État la possibilité de soumettre au référendum tout projet de loi « tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions » sans lui en faire obligation.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous proposons, Mesdames, Messieurs, d’adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

I. – L’article 88-5 de la Constitution est ainsi rédigé : «Tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne ou d’un traité qui, sans être contraire la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions, la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation ou sur les services publics qui y concourent est soumis au référendum ».

II. – En conséquence, au 1er alinéa de l’article 11 de la Constitution, les mots : « ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions » sont supprimés.


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