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N° 4525
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 juin 2012.
PROPOSITION DE LOI
portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux
et d’activités syndicales et revendicatives,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Roland MUZEAU, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Martine BILLARD, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,
député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Ces dernières années, les difficultés rencontrées par les Français se sont fortement accrues : chômage, précarité, accès au logement, à la santé, inquiétudes sur l’environnement... Beaucoup de nos concitoyens se sont légitimement engagés dans des mouvements sociaux. Ils se sont exprimés pour faire respecter leurs droits fondamentaux, protéger leurs conditions de travail, préserver l’emploi, les services publics, un système de protection sociale efficace et solidaire, leur environnement. Alors qu’ils défendaient l’intérêt général, nombre d’entre eux ont fait l’objet de sanctions pénales, disciplinaires et de licenciements.
L’action collective est pourtant un droit inhérent à toute démocratie. Ainsi, la Constitution de la Ve République reconnait au citoyen le droit de défendre ses droits et intérêts ainsi que le droit de participer à la détermination des conditions de travail et à la gestion des entreprises (alinéas 6 et 8 du préambule de la Constitution de 1946).
Trop de sanctions injustes ont été infligées qui ne visaient qu’à éteindre toute velléité de contestation. C’est parfois le simple affichage ou la distribution de tracts qui donnent lieu à des menaces ou assignations judiciaires !
Les citoyens qui défendent leur école, leur outil de travail, leur hôpital ou leur retraite ne sont ni des criminels ni des délinquants. Cette proposition de loi veut leur rendre justice, notamment en vertu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 selon lequel « la Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Aussi s’attache-t-elle à amnistier les faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales ou revendicatives ainsi qu’à l’amnistie des sanctions disciplinaires.
L’article 1er ainsi que les articles 2, 3 et 4 de la présente proposition de loi visent l’amnistie des délits passibles de moins de dix ans d’emprisonnement et l’arrêt des poursuites en cours en relation avec les mouvements sociaux et l’activité syndicale et revendicative ainsi que ceux commis dans le cadre de conflits relatifs aux problèmes d’éducation, de logement, de santé et d’environnement.
Les articles 5 et 6 visent quant à eux à étendre les bénéfices de l’amnistie aux sanctions disciplinaires : c’est l’ensemble des salariés, agents publics et étudiants qui doivent en bénéficier aux côtés des militants syndicaux eux-mêmes. En effet, l’expérience montre qu’il est difficile d’établir juridiquement le lien entre une action dite fautive et un conflit social ou une action syndicale ou revendicative.
L’article 7 prévoit la réintégration, lorsqu’elle est possible, des personnes ayant fait l’objet d’un licenciement en considération des faits amnistiés. La rédaction retenue respecte la jurisprudence constitutionnelle issue de la loi d’amnistie de 1988.
L’article 8 envisage les contestations relatives au bénéfice de l’amnistie.
Les articles 9 à 11 détaillent les effets de l’amnistie et spécifient qu’elle ne préjudicie pas aux droits des tiers.
Enfin, l’article 12 prévoit le retrait des empreintes génétiques des fichiers de police ainsi que de l’ensemble des informations nominatives relatives aux faits amnistiés à l’article 1er recueillies à l’occasion d’enquêtes et de procédures judiciaires. Il amnistie le délit relatif au refus de prélèvement d’ADN prévu par l’article 706-56 du code de procédure pénale lorsqu’il est commis dans le cadre des procédures judiciaires faisant suite aux délits mentionnés à l’article 1er. Il n’est en effet pas tolérable que ces prélèvements, prévus à l’origine pour les délinquants sexuels, soient imposés aux syndicalistes et aux manifestants, participant de ce fait à créer un amalgame inadmissible.
PROPOSITION DE LOI
Amnistie des délits commis
à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives
L’amnistie prévue par la présente loi bénéficie aux personnes physiques et aux personnes morales.
Sont amnistiées de droit, lorsqu’elles ont été commises avant le 6 mai 2012, les infractions passibles de moins de dix ans d’emprisonnement commises dans les circonstances suivantes :
1° à l’occasion de conflits du travail ou à l’occasion d’activités syndicales ou revendicatives de salariés, d’agents publics, de professions libérales ou d’exploitants agricoles, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics ;
2° à l’occasion de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux, relatifs aux problèmes de l’éducation, du logement, de la santé et de l’environnement, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics.
Sont exclues de l’amnistie prévue au présent article les infractions commises en matière de législation et de réglementation du travail ainsi que celles commises, directement ou par l’intermédiaire d’un préposé doté d’une délégation de pouvoir, par les personnes mentionnées à l’article L. 1441-4 du code du travail ou par la personne morale qu’ils représentent.
Lorsqu’elle intervient après condamnation définitive, l’amnistie résultant du présent chapitre est constatée par le ministère public près la juridiction ayant prononcé la condamnation, agissant soit d’office, soit sur requête du condamné ou de ses ayants droit. La décision du ministère public peut être contestée dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 778 du code de procédure pénale.
En cas de condamnation pour infractions multiples, le condamné est amnistié si l’infraction amnistiée en application des dispositions du présent chapitre est légalement punie de la peine la plus forte ou d’une peine égale à celles qui sont prévues pour les autres infractions poursuivies.
Contestations relatives à l’amnistie
Les contestations relatives à l’amnistie de droit prévue par le présent chapitre sont soumises aux règles de compétence et de procédure prévues par les deuxième et troisième alinéas de l’article 778 du code de procédure pénale.
En l’absence de condamnation définitive, les contestations sont soumises à la juridiction compétente pour statuer sur la poursuite.
Amnistie des sanctions disciplinaires
Sont amnistiés les faits commis avant le 6 mai 2012 par tout salarié ou agent public en tant qu’ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou qu’ils sont susceptibles d’être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur.
Toutefois, si ces faits ont donné lieu à une condamnation pénale, hors celles prononcées au titre des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles est subordonnée à l’amnistie ou à la réhabilitation légale ou judiciaire de la condamnation pénale.
Sont exceptés du bénéfice de l’amnistie prévue par le présent article les faits constituants des manquements à la probité ou à l’honneur.
L’amnistie est acquise de plein droit à compter de la promulgation de la présente loi.
L’inspection du travail veille à ce qu’il ne puisse être fait état des faits amnistiés. À cet effet, elle s’assure du retrait des mentions relatives à ces sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui bénéficient de l’amnistie.
Les règles de compétence applicables au contentieux des sanctions sont applicables au contentieux de l’amnistie.
Sous réserve des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article 5, sont amnistiés les faits mentionnés au 2° de l’article 1er commis avant le 6 mai 2012 par les étudiants ou élèves des établissements universitaires ou scolaires ayant donné lieu ou pouvant donner lieu à des sanctions disciplinaires.
L’amnistie implique le droit à réintégration dans l’établissement universitaire ou scolaire auquel le bénéficiaire de l’amnistie appartenait, à moins que la poursuite de ses études ne l’exige pas.
Réintégration des salariés licenciés
Tout salarié ou agent public licencié pour une faute autre qu’une faute lourde commise en dehors de toute action revendicative ou syndicale, ayant fait l’objet d’une amnistie au titre de l’article 5, est, sauf cas de force majeure, réintégré dans le poste qu’il occupait avant son licenciement ou dans un poste équivalent.
La demande de réintégration est présentée à l’auteur du licenciement dans un délai d’un an à compter soit de la promulgation de la présente loi, soit du prononcé de la sanction.
En cas de changement d’employeur en application des articles L. 1224-1 ou L. 1224-3 du code du travail, la réintégration du salarié s’effectue chez l’employeur succédant.
En cas de défaut de réponse de l’employeur à la demande de réintégration, celle-ci est acquise dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande.
En cas de refus de mise en œuvre effective de la réintégration, le salarié ou l’agent peut saisir, en référé, la juridiction compétente pour la relation de travail qui délivre, en application de la présente loi, un titre exécutoire sous astreinte.
Le salarié réintégré bénéficie pendant douze mois, à compter de sa réintégration effective, de la protection attachée au délégué syndical prévue aux articles L. 2411-1 à L. 2437-1 du code du travail.
Les contestations relatives au bénéfice de l’amnistie des sanctions disciplinaires définitives sont portées devant l’autorité ou la juridiction qui a rendu la décision.
L’intéressé peut saisir cette autorité ou juridiction en vue de faire constater que le bénéfice de l’amnistie lui est effectivement acquis.
En l’absence de décision définitive, les contestations sont soumises à l’autorité ou à la juridiction saisie de la poursuite.
L’exécution de la sanction est suspendue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande ; le recours contentieux contre la décision de rejet de la demande a également un caractère suspensif.
Effets de l’amnistie
L’amnistie efface les condamnations prononcées ou éteint l’action publique en emportant les conséquences prévues par les articles 133-9 à 133-11 du code pénal et 6 et 769 du code de procédure pénale, sous réserve des dispositions du présent chapitre. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise des peines et des mesures de police et de sûreté.
Elle fait obstacle au recouvrement du droit fixe de procédure visé à l’article 1018 A du code général des impôts.
Toute référence à une sanction ou à une condamnation amnistiée sur le fondement de la présente loi est punie d’une amende de 5 000 euros. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, de l’infraction définie au présent alinéa. La peine encourue par les personnes morales est l’amende, dans les conditions prévues par l’article 131-38 du code pénal.
L’amnistie entraîne la remise de toutes les peines principales, accessoires et complémentaires ainsi que de toutes les incapacités ou déchéances subséquentes. Elle ne peut donner lieu à restitution. Elle rétablit l’auteur de l’infraction dans le bénéfice du sursis qui a pu lui être accordé lors d’une condamnation antérieure.
En cas d’instance sur les intérêts civils, le dossier pénal est versé aux débats et mis à la disposition des parties.
Si la juridiction de jugement a été saisie de l’action publique avant la publication de la présente loi, cette juridiction reste compétente pour statuer, le cas échéant, sur les intérêts civils.
Fichage des informations nominatives et des empreintes génétiques
L’amnistie entraîne la suppression des empreintes génétiques issues des traces biologiques recueillies dans les fichiers de police ainsi que l’ensemble des informations nominatives relatives aux délits mentionnés à l’article 1er recueillies à l’occasion des procédures d’enquête et des procédures judiciaires dans les fichiers de police judiciaire.
L’amnistie emporte amnistie de l’infraction prévue à l’article 706-56 du code de procédure pénale.
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