N° 666 - Rapport d'information de MM. Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission de la défense nationale et des forces armées sur l'aéromobilité



N° 666

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 janvier 2008

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

sur l’aéromobilité

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Alain MARTY, Michel SORDI et Jean-Claude VIOLLET,

Députés.

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S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : DES CAPACITÉS AÉROMOBILES CONTRAINTES 9

I. —  UN BESOIN INDISPENSABLE POUR TOUS LES THÉÂTRES D’OPÉRATIONS 9

A. UNE DOCTRINE D’EMPLOI FONDÉE SUR LA COMPLÉMENTARITÉ DES FORCES 9

1. La doctrine d’emploi des hélicoptères 9

2. Les avions de transport et les ravitailleurs 10

3. La gendarmerie nationale et la sécurité civile 11

B. DES CAPACITÉS FORTEMENT SOLLICITÉES 11

1. Sur le territoire national 11

2. Hors du territoire national 13

a) Le transport vers les théâtres d’opérations 13

b) Les transports intra-théâtres 14

II. —  UNE ORGANISATION ET DES MOYENS À MODERNISER 15

A. UNE ORGANISATION ENCORE TROP CLOISONNÉE 15

1. Un éparpillement des ressources 16

a) Une organisation de l’aéromobilité propre à chaque armée 16

b) L’organisation de l’aéromobilité dans les forces de sécurité et de protection 17

2. Une insuffisante complémentarité au sein de l’État 18

B. L’INADAPTATION DES ÉQUIPEMENTS AUX MISSIONS 19

1. Des matériels d’une autre génération 19

a) Les avions de transport et les ravitailleurs des armées 19

b) Les hélicoptères des forces armées 20

2. Une maintenance difficile 22

a) La maintenance des avions s’inscrit dans une logique de fin de vie 22

b) Un soutien complexe des hélicoptères des armées 22

c) Les aéronefs de la gendarmerie et de la sécurité civile 23

DEUXIÈME PARTIE : DES ÉQUIPEMENTS DÉFAILLANTS 25

I. —  L’INCONTOURNABLE DÉFICIT CAPACITAIRE POUR LES HÉLICOPTÈRES 25

A. UN DÉFICIT CAPACITAIRE PROGRAMMÉ 25

1. Une situation maîtrisée pour les hélicoptères d’attaque 25

2. Un scénario critique pour les hélicoptères de manœuvre 26

B. UNE ARRIVÉE TARDIVE POUR LES NH90 28

1. Un programme industriel européen 28

2. Une commande française tardive 29

C. LES AUTRES APPAREILS 30

II. —  DES AVIONS DE TRANSPORT ET DES RAVITAILLEURS EN LIMITE DE CAPACITÉ 31

A. DES MOYENS INADAPTÉS AUX BESOINS 31

1. Une situation préoccupante 31

a) Des moyens propres insuffisants 31

b) Les différents affrètements et locations 32

2. Un nouveau dimensionnement des flottes 33

B. UN A400M TRÈS ATTENDU 33

1. Le programme 34

2. Les capacités techniques de l’A400M 34

C. LES MRTT : ENTRE ACQUISITION ET PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ 36

TROISIÈME PARTIE : DE NÉCESSAIRES CHOIX STRATÉGIQUES ET
FINANCIERS
39

I. —  REDÉFINIR LE SEUIL D’ENGAGEMENT ET LA DOCTRINE D’EMPLOI 39

A. LES AMBITIONS DE LA FRANCE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE 39

B. UN EFFORT PARTICULIER POUR LA MAINTENANCE ET LE SOUTIEN 40

1. L’indispensable modernisation de la maintenance 40

2. Un défi à relever : la gestion des personnels 41

II. —  FAIRE DE LA MUTUALISATION UN MODE DE FONCTIONNEMENT NORMAL 42

A. UN IMPÉRATIF NATIONAL 42

1. Une nécessité absolue 42

2. Deux exemples à suivre : le DAOS et le GIH 43

a) Le DAOS 43

b) Le GIH 44

B. UN ENJEU ESSENTIELLEMENT EUROPÉEN ET, PLUS GLOBALEMENT,
INTERNATIONAL
45

III. —  VERS DES SYSTÈMES DE GESTION INNOVANTE ? 47

A. LES EXTERNALISATIONS ET LES PARTENARIATS PUBLICS PRIVÉS 47

1. Les externalisations 47

2. Les partenariats public-privé (PPP) 48

a) L’exemple de l’école de Dax et la logique de partenariat 48

b) Vers une extension des PPP ? 49

B. UNE NOUVELLE GESTION DE FIN DE VIE DES MATÉRIELS 49

EXAMEN EN COMMISSION 51

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES 57

INTRODUCTION

La multiplication des engagements français à travers le monde a révélé des difficultés croissantes pour assurer le transport vers les théâtres d’opérations ou pour garantir des capacités de déplacement au sein même des théâtres. La situation de l’aéromobilité des armées ne permet pas d’assurer dans des conditions satisfaisantes l’ensemble des missions et risque de remettre en cause la présence de la France sur la scène internationale. Les personnels n’hésitent pas à faire des sacrifices en termes de conditions de travail ou de rémunération ; mais leur volonté et leur professionnalisme ne suffisent pas à compenser les insuffisances des matériels.

Les moyens aéromobiles apparaissent pourtant indispensables sur tous les théâtres d’opérations, tant intérieures qu’extérieures, et pour tous les services de l’État, qu’il s’agisse des armées, de la gendarmerie nationale ou des unités de la direction de la défense et de la sécurité civiles. Dans leur immense majorité, les appareils actuellement en service sont en limite de capacité. Leur moyenne d’âge particulièrement élevée explique une augmentation constante des coûts de maintenance, même si ces dépenses ne permettent de maintenir qu’une trop faible disponibilité opérationnelle.

Des programmes de rénovation et de remplacement ont été lancés pour la plupart des équipements. Intervenant en même temps pour tous les parcs, ils provoquent des changements brutaux qui aggravent encore les difficultés opérationnelles. En outre, le cadre industriel et institutionnel de ces programmes ne semble pas optimal, la concurrence ou l’incompatibilité de certains acteurs pouvant générer des retards supplémentaires voire des divergences de conception ou de production.

Sans céder à l’alarmisme, le déficit capacitaire ne semble plus pouvoir être évité, mais il pourra se limiter si des engagements forts sont pris dès aujourd’hui. À ce titre, il est impératif que les commandes prévues soient effectivement livrées, que les options soient confirmées, que les arbitrages programmés interviennent au plus vite et que la rationalisation des structures améliore la mutualisation des moyens.

PREMIÈRE PARTIE : DES CAPACITÉS AÉROMOBILES CONTRAINTES

I. —  UN BESOIN INDISPENSABLE POUR TOUS LES THÉÂTRES D’OPÉRATIONS

A. UNE DOCTRINE D’EMPLOI FONDÉE SUR LA COMPLÉMENTARITÉ DES FORCES

L’utilisation des moyens aéromobiles est définie pour chaque armée ou chaque service de l’État en fonction du contexte d’emploi et prend en compte les capacités des appareils actuellement en service. Les armées au sens strict, c'est-à-dire les armées de terre et de l’air ainsi que la marine nationale, ont développé une doctrine stratégique spécifique orientée vers l’aérocombat et insistant sur la nécessaire complémentarité entre forces aériennes et forces terrestres. Les unités participant à la sécurité civile ou à des missions de police, comme la gendarmerie nationale ou les services de la direction de la défense et de la sécurité civiles (DDSC), utilisent leurs moyens aériens à des fins de surveillance, de recherche, d’intervention ou de sauvetage lorsque les moyens terrestres ne sont pas en mesure d’intervenir.

1. La doctrine d’emploi des hélicoptères

L’emploi des hélicoptères est établi selon un schéma qui complexifie progressivement les missions et qui impose une association avec d’autres forces aériennes ou avec des forces terrestres. Une fois les compétences élémentaires maîtrisées, c'est-à-dire des capacités simples de pilotage ou de mise en œuvre des armements, les appareils peuvent participer à des opérations tactiques dans un cadre interarmes voire interarmées. La distinction entre un emploi purement fonctionnel et un emploi tactique justifie les différences d’équipement et de conception des appareils militaires par rapport à ceux de la sécurité civile par exemple. Chaque aéronef répond à un besoin spécifique adapté à la mission. Même si la polyvalence tend à réduire la spécialisation, un seul type d’équipement ne saurait assurer tous les types de mission.

L’opération Balbuzard noir de 1995, qui visait à libérer des otages retenus dans la périphérie de Sarajevo, prévoyait par exemple un emploi conjoint d’hélicoptères d’attaque, d’hélicoptères de manœuvre et de troupes au sol. Les seuls hélicoptères de manœuvre destinés à transporter des forces spéciales n’auraient pas pu accomplir cette mission faute d’une protection suffisante et d’un appui au sol. Ils se seraient alors exposés à des ripostes dangereuses pour eux et pour les otages, la rapidité et la précision de l’attaque étant décisives.

En ce qui concerne l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT), la comparaison des doctrines française et allemande confirme ce besoin de complémentarité même entre les hélicoptères. À ce jour, l’Allemagne dispose de 90 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque et de 90 hélicoptères de manœuvre de type Puma ou NH90. Leurs Tigre ayant été conçus avant la chute du mur de Berlin, ils sont exclusivement destinés à la lutte antichar et ne peuvent efficacement protéger et appuyer des hélicoptères de manœuvre. Dès lors, les six hélicoptères de manœuvre allemands déployés en Afghanistan ne peuvent pas être employés dans des zones de combats intenses, faute d’un appui aérien adéquat. Les forces françaises ont en revanche choisi d’insister sur la complémentarité de ces deux types d’appareils. Les Tigre assurent la reconnaissance et la sécurisation du théâtre et appuient les hélicoptères de manœuvre convoyant les troupes ou le matériel. L’efficience de ce concept tactique simple est aujourd’hui reconnue par l’ensemble de nos alliés. Elle suppose toutefois une évolution parallèle des hélicoptères de manœuvre et d’attaque pour assurer leur interopérabilité.

Il convient de noter qu’il n’existe pas de doctrine spécifiquement dédiée à l’aéromobilité dans la marine nationale, même si cette armée partage les principes fondateurs de la doctrine terrestre.

Initialement dédiés au combat ou à des interventions militaires de pacification, les hélicoptères des armées sont également amenés à intervenir sur le territoire métropolitain. Au-delà des circonstances exceptionnelles comme les catastrophes naturelles, ils peuvent durablement contribuer à des missions étatiques civiles ou civilo-militaires. 25 à 30 % de l’activité en mer de la marine nationale se fait par exemple au profit de l’État. La marine nationale participe également à des opérations aériennes d’antiterrorisme maritime, en association avec les autres armées, la gendarmerie nationale et les autorités civiles.

2. Les avions de transport et les ravitailleurs

Matériels militaires rattachés à l’armée de l’air, les avions de transport et les ravitailleurs sont principalement destinés à la projection des forces armées.

Selon son contrat opérationnel, l’armée de l’air doit être capable de projeter, en moins de deux mois, une centaine d’avions de combat avec leur soutien opérationnel, pouvant être engagés simultanément sur deux théâtres d’opérations au minimum. Les premières missions aériennes doivent pouvoir être conduites, en mode restreint, trois à cinq jours après le début de la phase de déploiement. Des affrètements privés peuvent répondre à ces besoins, mais ils ne sauraient garantir la réactivité nécessaire en cas de crise, seuls des appareils militaires pouvant être déployés dans ces conditions.

Les ravitailleurs participent également à cet effort de projection, permettant notamment d’atteindre des théâtres d’opérations de plus en plus lointains. Plus décisive est peut-être leur participation à la dissuasion nucléaire ; ils déterminent en effet le rayon d’action des avions de chasse portant des missiles nucléaires. Le recours à des affrètements privés peut alléger le plan de charge des ravitailleurs militaires mais ne peut concerner que des missions simples, sans implication stratégique majeure.

3. La gendarmerie nationale et la sécurité civile

Les moyens de la direction de la défense et de la sécurité civiles sont destinés en priorité à des missions de secours d’urgence et de protection. Les avions sont pour l’essentiel dédiés à la lutte contre les feux de forêts, alors que les hélicoptères interviennent majoritairement au profit des personnes ou des biens et sont prioritairement déployés pour répondre à des catastrophes naturelles ou aux scenarii de crise. En association avec les forces de police et de gendarmerie, ces appareils peuvent toutefois être mobilisés pour des opérations de police.

Les forces aériennes de la gendarmerie interviennent également pour les missions d’assistance et de secours aux personnes, en particulier en haute montagne. Depuis 2004 elles ont toutefois recentré leurs actions sur des missions de prévention et de surveillance, qu’il s’agisse de sécurité routière, de recherche de personnes disparues, de maintien de l’ordre ou de police judiciaire… Leurs appareils sont employés sur l’ensemble du spectre des missions en matière de sécurité publique ; les missions de police représentent la moitié de l’activité, celles d’assistance et sauvetage environ un sixième. La gendarmerie peut ponctuellement recevoir un soutien d’appareils militaires pour assurer par exemple la sécurité de grands événements comme la coupe du monde de rugby ou le sommet du G8 à Évian.

La complémentarité entre les différents équipements est également très avancée, les moyens aériens prenant la relève des moyens terrestres qui ne peuvent pas intervenir sur certains types de terrain ou dans un délai suffisamment bref. À la différence des forces armées, ces appareils sont souvent amenés à opérer en urgence et doivent être en mesure d’agir en concertation avec tous les acteurs dès leur mobilisation. À ce titre, il est primordial de maintenir un niveau élevé d’entraînement pour toutes les unités.

B. DES CAPACITÉS FORTEMENT SOLLICITÉES

1. Sur le territoire national

Les efforts demandés aux forces aériennes de gendarmerie et aux unités de la sécurité civile sur le territoire national apparaissent conséquents et justifient que des moyens militaires viennent ponctuellement renforcer leurs capacités.

En 2007, les forces aériennes de la gendarmerie ont effectué 11 011 missions opérationnelles d’une durée moyenne d’une heure et quinze minutes, soit une moyenne annuelle de 306 interventions par appareil. Le maillage territorial des bases a été établi en fonction du contrat opérationnel : chaque point du territoire métropolitain doit être atteint en moins de 30 minutes de vol. La gendarmerie doit également intégrer une diversification croissante des missions attribuées à ses moyens aériens. La consommation moyenne des heures de vol budgétées est ainsi en constante augmentation depuis 2004, notamment pour les missions exercées au profit de la police nationale. En 2006, la police nationale n’a fait appel au soutien aérien de la gendarmerie que durant 29 heures, c'est-à-dire moins de 10 % de l’enveloppe totale (1). En revanche, en 2007, cette consommation est passée à 50 % et devrait atteindre 100 % en 2008. De même, les forces présentes outre-mer interviennent fréquemment et apportent une contribution essentielle à la manifestation de l’autorité de l’État sur des territoires étendus. En Guyane, elles apportent un soutien indispensable dans le cadre de la lutte contre l’orpaillage.

L’utilisation des moyens aériens de la sécurité civile, bien que dépendante des conditions climatiques ou du nombre d’accidents justifiant une intervention aérienne, apparaît relativement stable au cours des dernières années. Malgré un parc relativement récent et des efforts pour développer la polyvalence des matériels, les unités de la défense et de la sécurité civiles peinent à répondre à l’ensemble des demandes sans renforts extérieurs. Pour faire face aux feux de forêt, la DDSC fait par exemple appel à un hélicoptère de l’armée de l’air (de type Caracal) qu’elle transforme en bombardier d’eau grâce à une piscine gonflable. Lorsque l’armée de l’air ne peut libérer cet appareil, la DDSC est contrainte de louer un hélicoptère américain. Selon le protocole Héphaïstos (2), l’ALAT met également à sa disposition, chaque année, 270 heures de vol pour trois appareils durant la période du 2 juin au 10 septembre.

L’armée de l’air est également amenée à intervenir sur le territoire national dans le cadre de la posture permanente de sûreté. L’exemple de l’escadron d’hélicoptères 3/67 « Parisis » illustre cet impératif de disponibilité et de réactivité. Il assure la surveillance et la protection de l’espace aérien de l’Île-de-France contre toute intrusion d’appareils évoluant à faible ou moyenne vitesse (montgolfière, planeur, petit avion de tourisme…), la lenteur de ces appareils empêchant leur prise en charge par des avions de chasse trop rapides. L’escadron doit pouvoir intervenir dans des délais très brefs : le décollage intervient dans un délai de 5 minutes après l’alerte le jour, et dans un délai de 30 minutes la nuit et pendant les jours fériés.

Plus globalement, les armées mobilisent en permanence sur le territoire métropolitain 34 hélicoptères pouvant à tout moment renforcer ou appuyer les appareils des unités de la gendarmerie nationale ou de la sécurité civile.

2. Hors du territoire national

La multiplication du nombre d’opérations extérieures pèse fortement sur l’aéromobilité de l’ensemble des services de l’État, forces armées comme unités de sécurité civile. Les demandes concernent à la fois des moyens de transport vers et au sein des théâtres d’opérations.

a) Le transport vers les théâtres d’opérations

Les avions de transport de l’armée de l’air prennent en charge l’acheminement vers les théâtres d’opérations des matériels et des personnels. Les avions de transport les plus utilisés sont les C160 Transall et les C130 Hercules, respectivement déployés à hauteur de 12,3 % et 14 % du parc. Ce taux apparaît d’autant plus élevé que la maintenance de ces équipements apparaît de plus en plus difficile et coûteuse, compte tenu notamment de leur âge, les premiers Transall ayant été construits en 1968. Ces appareils ne parviennent pas à assurer l’ensemble des besoins d’affrètement. Les armées ont ainsi recours à des affrètements privés, soit pour le transport de troupes, soit pour des matériels particulièrement volumineux, comme des hélicoptères.

Les théâtres étant de plus en plus éloignés du territoire métropolitain, il est impossible d’éviter le ravitaillement en vol. La sollicitation des ravitailleurs KC 135 est donc permanente alors que la flotte est en constante détérioration. Des problèmes d’entretien apparaissent également pour les 11 C135 même si leur disponibilité moyenne restait proche de 70 % en 2006.

De nouveaux besoins de transport apparaissent par ailleurs notamment en ce qui concerne les unités de la sécurité civile amenées à intervenir en cas de catastrophe naturelle ou sanitaire. Pour faire face à l’épidémie de Chikungunya sur l’île de la Réunion, la DDSC a déployé 80 personnes. De même les feux de forêt en Nouvelle-Calédonie ont nécessité l’envoi de 90 personnes et d’une tonne de matériel. Le transport de voyageurs peut être aisément confié à des transporteurs privés ordinaires mais le transport de fret ne peut être assuré que par des avionneurs spécialisés ou par les forces armées. En 2005 et 2006, la DDSC a fait appel quatre fois aux avions de l’armée de l’air, essentiellement pour des transports de matériel lourd. Le tableau suivant synthétise cette participation des forces armées à la projection d’unités de la sécurité civile.

Projection d’unités de la sécurité civile par des vecteurs militaires en 2005 et 2006

Missions

Composition des vols

Effectif global/fret

Vecteur Aérien

Nombre de vols

Nouvelle-Calédonie

Feux de forêts

Personnel et matériel

90 personnes,

1 tonne

Civil (MASC) et militaire

6 allers-retours

Île de la Réunion

Cyclone Gamède

Personnel et matériel (DICA cyclone)

60 personnes,

6 tonnes

Militaire

1 aller-retour

Île de la Martinique

Cyclone Dean

Personnel et matériel

(DICA cyclone)

100 personnes,

6 tonnes

Militaire

1 aller-retour

Grèce

Feux de forêts

Personnel et matériel

30 personnes,

1 tonne

Militaire

1 aller-retour

Source : direction de la défense et de la sécurité civiles.

b) Les transports intra-théâtres

L’essentiel des besoins de transport tactique au sein des théâtres est pris en charge par les hélicoptères. À ce jour, 78 hélicoptères (33 hélicoptères légers ou d’attaque et 45 de manœuvre) sont déployés hors de métropole, sur 15 théâtres différents. Pour les opérations extérieures en cours (Côte-d’Ivoire, Afghanistan, Bosnie, Kosovo, Tchad et République centrafricaine), sont mobilisés 13 hélicoptères légers ou d’attaque et 23 hélicoptères de manœuvre.

Les graphiques suivants résument l’effort réalisé par les forces armées en opérations extérieures (OPEX) pour les hélicoptères.

Source : centre de planification et de conduite des opérations (CPCO).

L’effort consenti par la France pour les OPEX apparaît particulièrement élevé. Pour les hélicoptères d’attaque, il est globalement admis qu’un effort supérieur à 10 % est insoutenable à moyen ou à long terme sans conséquences lourdes sur l’entraînement ou sur la disponibilité opérationnelle en métropole.

Source : CPCO

Les capacités de projection d’hélicoptères de manœuvre apparaissent aujourd’hui insuffisantes au regard des engagements français hors du territoire national. Le format de projection était en effet fondé sur des besoins de projection pour deux à trois théâtres alors qu’aujourd’hui la France est engagée sur six théâtres majeurs (Côte-d’Ivoire, Afghanistan, Bosnie, Kosovo, Tchad et République centrafricaine). Un appareil ne pouvant pas être déployé seul mais devant être intégré à une flotte opérationnelle, la France est donc contrainte de répartir ses efforts et d’augmenter globalement sa contribution aérienne pour assurer à chaque théâtre des moyens suffisants.

II. —  UNE ORGANISATION ET DES MOYENS À MODERNISER

A. UNE ORGANISATION ENCORE TROP CLOISONNÉE

Les moyens aériens de l’État sont caractérisés par une hétérogénéité d’emploi. Même si tous les appareils ne répondent pas aux mêmes impératifs, force est de constater qu’au sein de structures participant à un objectif stratégique commun, il n’existe pas de commandement ou d’organisation harmonisée pour l’aéromobilité. La distinction des missions civiles et militaires doit certes être préservée, mais ne doit pas conduire à un éparpillement des ressources d’autant plus que les coopérations entre les unités apparaissent nettement insuffisantes.

1. Un éparpillement des ressources

a) Une organisation de l’aéromobilité propre à chaque armée

— L’aviation légère de l’armée de terre dispose de 70 % du parc d’hélicoptères du ministère de la défense avec un peu plus de 400 hélicoptères regroupés en trois régiments (trois bases), une école (deux bases) et un centre d’expérimentation (une base). Le commandement de l’ALAT (COMALAT) est chargé de « la mise en condition et de la définition des conditions techniques d’emploi des moyens aériens de l’armée de terre » (3). Il conseille le chef d’état-major de l’armée de terre pour toutes les questions relatives à l’aéromobilité et assure la mise en cohérence de la formation, de la préparation opérationnelle, de la logistique, de l’infrastructure et de la gestion des espaces aériens.

Les unités aéromobiles de combat dépendent du commandement de la force d’action terrestre et appartiennent à la 4e brigade aéromobile (BAM) et à la brigade des forces spéciales terre (BFST). La 4e BAM se compose de trois régiments d’hélicoptères de combat comprenant chacun une soixantaine d’appareils de tous types. Capable d’être entièrement ou en partie projeté par voie aérienne, maritime ou de façon autonome, chaque régiment est polyvalent et apte à conduire tous les types de missions dévolues aux hélicoptères : renseignement, reconnaissance, appui-protection, attaque, commandement, manœuvre ou soutien logistique. Les savoir-faire des équipages permettent également l’engagement de ces moyens dans des opérations humanitaire, sécuritaire ou de service public (aide aux populations lors de catastrophes naturelles, lutte contre les feux de forêt, recherche et sauvetage…). Intégré à la BFST, le détachement ALAT des opérations spéciales (DAOS) fournit quant à lui des moyens en hélicoptères au commandement des opérations spéciales.

Sont également rattachées à l’ALAT des unités spécifiques comme l’escadrille d’hélicoptères de l’armée de terre d’Étain spécialisée dans les missions d’aide au commandement en interarmées ou interministériel et dans la préparation opérationnelle de l’armée de terre. L’escadrille de haute montagne de Gap opère principalement au profit de la 27e brigade d’infanterie de montagne et constitue un centre d’entraînement pour toutes les unités de l’ALAT, voire des unités étrangères. Le groupement aéromobile de la section technique de l’armée de terre (GAMSTAT) a pour mission d’expérimenter tous les appareils et systèmes intégrés mis en œuvre dans l’armée de terre. L’escadrille avion de l’armée de terre (EAAT) est équipée de 12 TBM 700 utilisés pour les missions de liaison sur le territoire national ou en dehors des frontières et l’escadrille de transport et de convoyage du matériel (ETCM) assure principalement le convoyage de pièces détachées pour les unités de soutien de l’ALAT.

Même si l’ensemble des appareils relèvent d’une même instance de coordination, le COMALAT, leur emploi est déterminé par le commandement de la force d’action terrestre (CFAT), en association avec les structures relevant du chef d’état-major des armées et en particulier avec le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO).

— Au contraire de l’armée de terre, la marine nationale ne dispose pas d’une structure organique spécifiquement dédiée aux moyens aériens. Le terme « aéromobile » relatif à l’emploi opérationnel des hélicoptères de l’armée de terre n’est pas transposable aux moyens aériens de l’aéronautique navale, à l’exception de quelques missions de servitude représentant une part marginale de l’activité d'une petite partie seulement de ces unités. Néanmoins, la marine est impliquée dans tout le spectre des opérations qui peuvent être conduites en mer ou à partir de la mer dans les quatre fonctions stratégiques que sont la dissuasion, la protection, la prévention et la projection. La marine remplit également des missions d’action de l’État en mer, auxquelles elle consacre 25 à 30 % de son activité. L’ensemble des aéronefs en service dans la marine dépendent du commandant de l’aéronautique navale (ALAVIA) installé à proximité du commandement de la force d’action navale (ALFAN) auquel sont rattachés les appareils lorsqu’ils opèrent à partir d’un bâtiment. Les moyens aériens de la marine sont ainsi répartis sur cinq bases métropolitaines et une base outre-mer.

— Les moyens aéromobiles de l’armée de l’air sont également organisés selon une structure opérationnelle résultant des missions qui sont confiées aux appareils. L’essentiel des moyens de transport est regroupé dans la brigade aérienne d’appui et de protection qui comprend principalement sept escadrons de transport, quatre escadrons d’hélicoptères et sept escadrons de transport outre-mer. L’emploi opérationnel des moyens aéromobiles de l’armée de l’air est déterminé par le commandement des forces aériennes de Metz placé sous les ordres du commandement des forces aériennes stratégiques (CFAS) ou du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA).

Chaque armée dispose donc d’une organisation propre pour l’aéromobilité même si l’emploi des moyens relève des structures opérationnelles de l’état-major des armées. Il convient également de souligner que l’organisation de la maintenance suit un schéma identique et qu’il n’existe pas, à quelques exceptions près, de structures communes aux trois armées.

b) L’organisation de l’aéromobilité dans les forces de sécurité et de protection

La gendarmerie nationale et la direction de la défense et de la sécurité civiles privilégient une organisation territoriale de leurs moyens aériens même s’ils relèvent d’un commandement organique centralisé.

— Au contraire de formations de l’armée de l’air ou de l’armée de terre, les forces aériennes de gendarmerie cherchent à couvrir le plus grand territoire possible et chaque base ne comprend qu’un ou deux appareils, l’objectif étant de pouvoir soutenir une unité départementale dans un délai de 30 minutes. La réorganisation en cours, facilitée par l’arrivée de nouveaux appareils, mettra l’accent sur les zones rurales et sur les zones difficiles d’accès : les 22 bases existantes en métropole devraient laisser la place à une implantation densifiée avec 35 bases opérationnelles.

Pour assurer une meilleure coordination entre les bases, il existe dans chaque région zonale un groupe des forces aériennes de gendarmerie relevant du groupement central des formations aériennes de la gendarmerie de Villacoublay qui assure quant à lui le commandement organique de toutes les unités. Il s’assure en particulier de la formation, de la sécurité des vols et du soutien technique, valide l’ensemble des procédures en cours et définit le schéma général d’emploi notamment pour les entraînements.

— En ce qui concerne la sécurité civile, l’ensemble des aéronefs relèvent du groupement des moyens aériens (GMA) de la direction de la défense et de la sécurité civiles. Il est constitué d’un échelon central de direction et de coordination et de deux services opérationnels délocalisés, soumis à la seule autorité de l’échelon central : la base d’avions de la sécurité civile de Marignane et le groupement d’hélicoptères de la sécurité civile. Ce dernier comporte un échelon central à Nîmes, avec l’état-major, le centre de formation et le centre de maintenance, et 22 bases opérationnelles (21 en métropole et une en Guadeloupe).

2. Une insuffisante complémentarité au sein de l’État

L’implantation des unités militaires ou civiles permettrait de déployer sur l’ensemble du territoire des moyens aéromobiles en quantité suffisante si une parfaite coordination existait entre les différents services. Lors de leurs auditions et déplacements, les rapporteurs ont malheureusement constaté que l’intervention des services de gendarmerie et de sécurité civile était encore trop marquée par une logique de concurrence, la direction nationale de la défense et de la sécurité civiles semblant contester le fait que les gendarmes puissent exercer des missions de sécurité civile. Or compte tenu de leur dimension judiciaire, certaines opérations ne peuvent être assurées que par des gendarmes ou des policiers ayant la qualité d’officier ou d’agent de police judiciaire. Les conditions extrêmes dans lesquelles les unités sont amenées à opérer, comme par exemple en haute montagne, justifient pourtant que toutes les compétences soient mobilisées afin de porter assistance et secours dans les meilleures conditions possibles, aucun service ne disposant d’une primauté particulière. Au-delà de bonnes pratiques locales, des efforts doivent être engagés nationalement pour gagner en efficacité et en rationalité, à l’image de ce qui existe actuellement entre la police et la gendarmerie nationales.

La concurrence qui semble encore prévaloir entre les unités de sécurité et de protection perdure également au sein des armées en ce qui concerne les opérations extérieures. La spécialisation excessive des appareils et des équipages empêche en effet de mutualiser les moyens. Alors que l’ensemble des armées doit faire face à un déficit capacitaire croissant, il est regrettable que les coopérations et les mutualisations ne soient pas plus avancées.

L’arrivée de nouveaux matériels polyvalents impose de réorienter la logique d’utilisation pour maximiser l’emploi des appareils et éviter, au temps que faire se peut, de recourir à des affrètements privés ou à des locations, solutions particulièrement coûteuses et qui ne font que traduire un cloisonnement entre les services.

B. L’INADAPTATION DES ÉQUIPEMENTS AUX MISSIONS

1. Des matériels d’une autre génération

Bien qu’indispensable à la projection des forces armées, l’aéromobilité est contrainte par le vieillissement des flottes. Les aéronefs sont fortement sollicités et leur remplacement, sans cesse retardé, devient urgent pour ne pas aggraver le déficit capacitaire.

a) Les avions de transport et les ravitailleurs des armées

Le parc d’avions de transport est composé de :

- 55 C160 Transall dont le taux de disponibilité était de 60 % en 2006. Construits en 1968, les plus anciens de ces appareils ont 40 ans. Leur retrait du service a débuté en 2005 et devrait s’achever en 2015.

- 14 C130 Hercules de transport logistique et tactique dont le taux de disponibilité était de 65 % en 2006. Leur retrait du service est prévu à compter de 2020 et devrait se poursuivre jusqu’en 2025.

- 3 Airbus A310 de transport de passagers, disponibles à 94 % en 2006.

- 19 Casa CN235 aux capacités logistiques limitées à l’intra-théâtre. Neuf appareils sont positionnés outre-mer ou en opérations extérieures. Leur taux de disponibilité était de 74 % en 2006.

Il comprend également deux A340 à très long rayon d’action (TLRA). Appareils récents, ils avaient un taux de disponibilité de 97 % en 2006. Ces avions sont loués à un groupement composé de la compagnie portugaise TAP et de la banque Ingemar. Conclu en 2004, le marché prévoit une tranche ferme de cinq ans, suivie de deux tranches conditionnelles de deux ans avec option d’achat à l’issue. Le coût est de l’ordre de 30 millions d’euros par an pour une utilisation annuelle prévue de 1 500 heures de vol par appareil.

À l’exception des A310, sans capacité de transport de fret, et des TLRA, non équipés pour le transport de fret palettisé, les avions de transport logistique sont anciens : l’essentiel de la flotte est à renouveler ou moderniser. Le remplacement des Transall est programmé et la rénovation des C130 est nécessaire pour atteindre 2020 sans disparition des capacités opérationnelles.

Les capacités en ravitaillement en vol, essentielles au maintien de la posture permanente de sûreté (dissuasion et sauvegarde), comme à la projection de puissance, reposent sur une flotte hétérogène, vieillissante, coûteuse et peu fiable. Le parc d’avions ravitailleurs est constitué de 11 C135FR acquis (neufs) en 1964 et 3 KC135-R construits en 1962 et acquis en 1998.

b) Les hélicoptères des forces armées

La flotte d’hélicoptère des armées est constituée de 576 appareils dont le taux de disponibilité est préoccupant. Seules 24 machines sont récentes, 10 Tigre et 14 Caracal (soit 4 % des appareils).

Le tableau suivant retrace pour les armées de terre et de l’air le potentiel actuel (nombre d’unités, âge moyen en 2007 et taux de disponibilité) et illustre les difficultés résultant de l’ancienneté des hélicoptères.

Situation opérationnelle des hélicoptères des armées de terre et de l’air

 

Armée de terre

Armée de l’air

HM (1)

Puma

Nombre

Âge moyen

96 appareils

38 ans

28 appareils

31 ans

Taux de disponibilité

48 %

55 %

Super Puma

Nombre

Âge moyen

 

7 appareils

22 ans

Taux de disponibilité

 

53 %

Cougar

Nombre

Âge moyen

28 appareils

18 ans

3 appareils

15 ans

Taux de disponibilité

50 %

80 %

EC725 Caracal

Nombre

Âge moyen

8 appareils

1 an

6 appareils

1 an

Taux de disponibilité

Non significatif

Non significatif

HA (2)

Gazelle

Nombre

Âge moyen

238 appareils

33 ans

 

Taux de disponibilité

59 % (70 % pour les appareils école, 50 % pour les appareils équipés de missiles)

 

Fennec

Nombre

Âge moyen

18 appareils

12 ans

42 appareils

17 ans

Taux de disponibilité

59 %

62 %

Tigre

Nombre

Âge moyen

10 appareils

1 an

 

Taux de disponibilité

Non significatif

 

(1) HM : hélicoptères de manœuvre

(2) HA : hélicoptères d’attaque

Source Ministère de la défense.

L’arrivée et la mise en place du soutien des Tigre et des Caracal dans les flottes sont trop récentes pour que l’indication du taux de disponibilité soit pertinente. Toutefois, la disponibilité technique opérationnelle (DTO) des Tigre de l’école du Luc est considérée comme mauvaise, ces appareils connaissant des difficultés d’approvisionnement en pièces de rechange.

Les capacités de manœuvre aéromobile de l’armée de terre reposent sur une flotte en fin de vie dont la DTO est fortement affectée par l’âge des aéronefs, de grandes difficultés étant notamment constatées sur le parc Puma. Compte tenu des exigences en matière de pratique de vol aux instruments en Europe, l’emploi des hélicoptères de manœuvre sera limité si les Puma et les Cougar ne sont pas adaptés aux règles de circulation aérienne générale (standard CAG). En outre, leur interopérabilité avec les flottes alliées est limitée faute d’investissement de mise à niveau, en particulier des moyens de communication, limitant ainsi la capacité de transport tactique en OPEX. Pour l’armée de l’air, le retrait progressif des Puma s’effectuera jusqu’en 2023, celui des Super Puma comme celui des hélicoptères d’attaque Fennec se fera jusqu’en 2025.

La marine dispose quant à elle de 93 hélicoptères. À l’exception des Dauphin dont le taux de disponibilité est de 80 %, celui des autres appareils est préoccupant. Les 28 Alouette III de formation et de soutien de la flotte affichent un âge moyen de 26 ans et sont disponibles à 62 % ; les 9 Super Frelon, hélicoptères lourds dédiés au sauvetage maritime et aux missions de contre terrorisme maritime, ne le sont qu’à 60 % et leur fin de vie est programmée en 2011 ; la disponibilité des 31 Lynx de lutte anti-sous-marine, dont la moyenne d’âge est de 27 ans, est limitée à 53 % et celle des 16 Panther de soutien de la flotte, bien que l’âge moyen du parc soit de 12 ans, chute à 44 %.

Le parc d’hélicoptères de la gendarmerie est en cours de renouvellement, conformément au schéma directeur en matière d’emploi et de moyens des formations aériennes de la gendarmerie à l’horizon 2015 (plan FAG 2015). Il comprend une composante « sauvetage-intervention » de 8 EC145 et 4 Alouette III et une composante « surveillance-intervention » de 32 Écureuil. Les plus anciens EC145 ont 6 ans. Les Alouette III, dont la réforme est prévue pour 2008, sont âgées d’une quarantaine d’années et les Écureuil ont environ 30 ans. À l’horizon de 2013, échéance de l’opération de renouvellement (4) du parc, les huit machines les plus anciennes auront entre 5 et 11 ans, les autres ayant moins de 5 ans.

La modernisation de la flotte est indispensable pour répondre à l’évolution de la réglementation européenne et des zones d'action des aéronefs de la gendarmerie. Depuis le 1er septembre 1998, le survol de certaines zones, notamment les zones urbanisées, est interdit aux appareils monoturbines. Comme la majorité des Écureuil en service dans la gendarmerie appartient à cette catégorie et que les missions en milieu urbain se sont accrues ces dernières années, cette évolution réglementaire nécessite la mise en place d'un régime dérogatoire. La mise à disposition de la police d’un potentiel d’heures de vol augmentera encore la part des missions en zone urbaine.

Le potentiel aéromobile de la gendarmerie sera accru par le remplacement d’hélicoptères de deux tonnes par des appareils de trois tonnes (EC135) ou quatre tonnes (EC145). Les appareils qui entrent en dotation représentent un progrès technologique considérable en matière d’avionique comme d’outils de prise de vue et d’acquisition d’informations dans le respect des libertés publiques et des règles juridiques strictes de navigation aérienne. L’évolution entre les anciens appareils et les EC145 et EC135 témoigne du saut générationnel entre les deux parcs.

2. Une maintenance difficile

a) La maintenance des avions s’inscrit dans une logique de fin de vie

Le maintien en condition opérationnelle (MCO) des Transall s’avère de plus en plus difficile et coûteux. Il s’inscrit dans une logique de maintien en condition d’un parc en fin de vie qui consiste à utiliser au maximum le potentiel technique de tous les appareils et faire en sorte qu’à la date de remplacement, il soit le plus faible possible. Dans ce cadre, tout retard de livraison des appareils de remplacement devient catastrophique. Parallèlement, toute hausse d’activité, contraire au principe de réduction d’activité de chaque appareil pour prolonger sa durée de vie, se traduit par une augmentation des difficultés. En outre, la priorité donnée aux aéronefs déployés peut contraindre à prélever des pièces sur des appareils en métropole. Ce cannibalisme affecte les moyens disponibles pour le soutien et le MCO des forces métropolitaines.

Le maintien en condition opérationnelle des ravitailleurs connaît les mêmes difficultés, tout spécialement pour les trois KC135-R dont la sortie de flotte est prévue pour 2011.

b) Un soutien complexe des hélicoptères des armées

La maintenance des hélicoptères est contrainte par le fort taux de projection, facteur de déséquilibres capacitaires, et la multiplicité des théâtres hors métropole.

Les principales difficultés sont :

- l’indisponibilité des rechanges. Le contexte budgétaire difficile impose une gestion logistique à flux tendus avec des conséquences sur la disponibilité. L’acquisition initiale, souvent minimale, de moyens de soutien est une source potentielle de difficulté lors du soutien en service, comme c’est le cas pour les Cougar. Pour la marine, le manque de rechanges pèse sur la disponibilité des Panther embarqués sur les frégates. La notification à Eurocopter, en décembre 2007, d’un contrat global portant sur le maintien en condition opérationnelle de tous les hélicoptères, à l’exception des Lynx, devrait permettre d’améliorer la situation ;

- le manque de personnels. Outre les difficultés découlant du nombre croissant de projections (5), la gestion des personnels de maintenance est compliquée par l’éclatement des unités sur de multiples théâtres alors que les régiments sont construits pour fonctionner de manière concentrée. Les armées doivent en outre composer avec une attrition des techniciens de maintenance de haut niveau, ces derniers étant attirés par le secteur privé ;

- le vieillissement des parcs. L’entretien curatif devient plus fréquent et les opérations préventives plus longues. Pour les Puma, alors que chaque heure de vol nécessitait 6 heures de maintenance, ce sont maintenant 12 heures qui doivent y être consacrées, renchérissant ainsi le coût de l’heure de vol ;

- un environnement industriel peu concurrentiel voire monopolistique, empêchant de diversifier les opérateurs ;

- la nécessité de multiplier les lots d’outillages, à l’instar des équipes de soutien, pour la maintenance des détachements pré-positionnés outre mer ou projetés en OPEX.

c) Les aéronefs de la gendarmerie et de la sécurité civile

La maintenance des Alouette III et des Écureuil de la gendarmerie est effectuée en interne par le pilote et le mécanicien pour les 1er et 2e échelons (6), celle de 3e échelon étant externalisée. Le taux de disponibilité enregistré en 2006 est de 84,3 %. Ce résultat est obtenu grâce à un fort effectif de gendarmes mécaniciens qui possèdent un haut niveau de compétence et exercent leur métier à la fois au sol et en vol. Leur implication est ainsi à la fois technique et opérationnelle. Les échanges permanents menés entre le deuxième et le troisième échelon par le biais de renforts réciproques contribuent à ce résultat.

Les appareils déployés au sein des cinq sections aériennes de la gendarmerie outre mer nécessitent un entretien ou une adaptation particulière aux conditions climatiques locales (surveillance accrue de la corrosion, adaptation du volume du stock de pièces de rechange en raison de l'éloignement). En outre, le rapatriement de l’aéronef est nécessaire pour certaines opérations de maintien en condition opérationnelle. Le transport est actuellement assuré par des moyens privés et il est soumis à l’octroi de mer (7) ; il serait souhaitable de déterminer dans quelle mesure le recours à des moyens militaires permettrait de s’affranchir de ce droit afin de réduire les coûts de maintenance. Comme les armées, la gendarmerie rencontre des difficultés de MCO liées à l’éclatement des bases ; s’y ajoute la nécessité d’adapter les procédures de la SIMMAD pour préserver un fort taux de disponibilité par machine et non par flotte.

La sécurité civile affiche une disponibilité de 95 % pour l’ensemble de ses moyens aériens, soit 66 aéronefs (26 avions et 40 hélicoptères parmi lesquels 30 EC145, six Alouette et quatre Écureuil). Les durées de maintenance des aéronefs de la sécurité civile sont longues, compte tenu des conditions dans lesquelles les appareils opèrent, proches des conditions de guerre.

DEUXIÈME PARTIE : DES ÉQUIPEMENTS DÉFAILLANTS

I. —  L’INCONTOURNABLE DÉFICIT CAPACITAIRE POUR LES HÉLICOPTÈRES

Équipements indispensables que ce soit sur le territoire national ou en opérations extérieures, les hélicoptères actuellement en service dans les forces armées peinent pourtant à assurer l’ensemble de leurs missions. L’arrivée programmée de nouveaux hélicoptères d’attaque et de manœuvre ne permettra pas d’éviter un déficit capacitaire conséquent qui risque même de s’amplifier au vu des retards accumulés par les différents programmes. Une réflexion doit par ailleurs être menée au sein de l’ensemble des services étatiques disposant de moyens aériens pour mieux adapter les parcs aux besoins.

A. UN DÉFICIT CAPACITAIRE PROGRAMMÉ

Le parc aérien actuel est largement composé d’appareils âgés et en limite de capacité, tant pour les hélicoptères de manœuvre que pour les hélicoptères d’attaque. En l’absence de remplacement des aéronefs, les armées sont conduites à mettre en place des procédures alternatives pour limiter dans la mesure du possible le déficit capacitaire programmé.

1. Une situation maîtrisée pour les hélicoptères d’attaque

Les hélicoptères d’attaque et de protection représentent actuellement plus de la moitié de la flotte totale des armées, l’armée de terre disposant de 266 appareils, l’armée de l’air de 42 Fennec et la marine nationale de 31 Lynx. Ce type d’appareil est notamment utilisé pour des missions de protection, de prévention ou de stabilisation. Ils permettent également de procéder, dans les conditions de sécurité appropriées, à des reconnaissances pour éclairer l’avancée de troupes au sol ou d’autres moyens aériens. Pour l’engagement opérationnel des hélicoptères de l’armée de terre, l’état-major des armées estime que 24 hélicoptères de reconnaissance et 68 hélicoptères d’attaque sont nécessaires. Les Fennec de l’armée de l’air sont quant à eux dédiés aux mesures actives de sûreté aérienne (MASA). Ils équipent notamment l’escadron d’hélicoptères 3/67 « Parisis » implanté sur la base aérienne de Villacoublay qui assure la surveillance et la protection de l’espace aérien de l’Île-de-France. Les Lynx de la marine assurent enfin des missions de lutte anti-sous-marine.

L’ensemble de ces appareils semblent aujourd’hui en limite de capacité malgré les modernisations qui leur ont été progressivement apportées. Leur disponibilité opérationnelle est assez faible : 53 % pour les Lynx, 59 % pour les Gazelle et 62 % pour les Fennec. Ces derniers ne peuvent d’ailleurs que difficilement intervenir auprès de petits avions de tourisme devenus trop rapides pour eux mais encore trop lents pour être pris en charge par des avions de chasse.

Les premières livraisons de Tigre devraient permettre de remplacer progressivement les Gazelle en évitant tout déficit capacitaire. Toutefois, la cible initiale de 120 appareils a d’ores et déjà été ramenée à 80. Toute nouvelle réduction de commande ou tout retard de livraison créerait nécessairement un trou capacitaire que les armées ne pourraient pas combler compte tenu du retrait programmé des Gazelle. Outre les incertitudes calendaires, il convient surtout de s’assurer que les unités prennent effectivement possession de ces nouveaux équipements et que toutes les structures d’entretien soient à même d’assurer leur suivi, la préservation du caractère évolutif des équipements apparaissant désormais comme une condition de leur opérationnalité.

2. Un scénario critique pour les hélicoptères de manœuvre

La situation des hélicoptères de manœuvre apparaît particulièrement préoccupante. Les armées disposent à ce jour de 124 Puma dont 96 pour la seule aviation légère de l’armée de terre, de 31 Cougar et de 14 EC 725 (Caracal). À l’exception du Caracal entré dans les forces à partir de 2006, tous les hélicoptères de manœuvre se caractérisent par une moyenne d’âge très élevée. En moyenne les Puma ont plus de 38 ans et les Cougar plus de 18 ans. Le vieillissement du parc impacte directement la disponibilité des appareils, ne serait-ce que compte tenu des difficultés de maintenance dues à la multiplicité des parcs et des évolutions combinée à des difficultés de recrutement et de fidélisation des mécaniciens et à l’arrêt de production de certaines pièces de rechange. Outre la complexité technique, ces difficultés augmentent également la durée des opérations de maintenance, détériorant encore la disponibilité opérationnelle.

La priorité est donnée aux appareils projetés en opérations dont la disponibilité moyenne dépasse les 74 % pour l’armée de terre. Cet effort nécessite de déployer une suractivité en maintenance et pèse sur la disponibilité technique opérationnelle en métropole.

Pour compenser la vétusté du parc, les armées ont tenté d’initier des programmes de rénovation afin de garantir au moins l’interopérabilité des matériels. Au vu du contexte budgétaire, seule une minorité d’appareils a pu bénéficier de ces améliorations comme les 46 Puma de l’ALAT qui ont été équipés de postes « SATURN » dans le cadre du programme de modernisation lancé en 2002. Ces radios qui répondent aux standards internationaux sont indispensables pour assurer les transmissions entre les hélicoptères et avec les troupes au sol. Le système radio de 24 Cougar a également fait l’objet d’une revalorisation. Ces adaptations restent toutefois limitées, la plupart des appareils ne disposant pas, par exemple, des branchements électriques adaptés aux dernières générations de systèmes de communication. L’apparition de nouveaux équipements contribue par ailleurs à augmenter le poids des appareils, diminuant ainsi leur autonomie et leurs capacités d’emport.

Les améliorations partielles ne permettent pas aux Puma de correspondre aux nouvelles normes internationales de l’aviation civile. En 2010, ils ne seront plus autorisés à voler dans l’espace aérien international et ne pourront plus être déployés que pour des opérations à caractère exceptionnel et exclusivement sous contrôle militaire. Un programme de rénovation lourde de ces appareils devrait permettre de les faire évoluer mais aucun engagement contractuel ni financier n’a encore été pris à ce sujet. La rénovation équivalente des Cougar a été notifiée à la fin du mois de décembre 2007 et devrait permettre de maintenir le nombre de Cougar en service. Des incertitudes demeurent toutefois quant à la capacité de l’industriel à respecter le calendrier de livraison, le délai initial de 18 mois pourrait en effet être porté à plus de deux ans. Ce nouveau retard ne remettrait pas en cause la disponibilité mais imposerait de prolonger encore la durée de vie des Cougar non rénovés.

Le graphique suivant synthétise l’évolution du parc d’hélicoptères de manœuvre de l’armée de terre. Il intègre des prévisions de livraison relativement optimistes et considère que la notification du contrat de rénovation des Puma interviendra dans un délai permettant les premières livraisons en 2010.

Évolution du parc d’hélicoptères de manœuvre de l’armée de terre

(1) Cette prévision intègre la commande de 12 appareils en 2007, complétée par celle de 22 hélicoptères en 2008, une commande de 34 appareils étant ensuite programmée.

(2) La rénovation des Cougar a été notifiée en décembre 2007.

(3) La rénovation des Puma n’est pas contractualisée ni budgétée en 2008.

(4) OACI : organisation de l’aviation civile internationale.

Source : état-major de l’armée de terre (EMAT).

Même si tous les engagements contractuels sont pleinement respectés, l’armée de terre devra donc faire face à un déficit capacitaire majeur dès 2010 et ne retrouvera la moitié de ses capacités qu’à l’horizon de 2015.

La situation apparaît d’autant plus inquiétante que la disponibilité des appareils devrait continuer à se détériorer pour deux raisons principales. Les opérations de maintenance des nouveaux équipements sont plus fréquentes, plus longues et nécessitent des compétences techniques très avancées. L’entretien d’un Caracal intervient par exemple après 600 heures de vol alors que l’entretien d’un Écureuil se fait après 1 000 heures de vol. La contraction du budget de fonctionnement de l’armée de terre en 2008 pourrait aggraver ce manque, voire remettre en cause l’entrée en service opérationnel de certains équipements, faute d’équipages et de maintenanciers.

B. UNE ARRIVÉE TARDIVE POUR LES NH90

1. Un programme industriel européen

Le NH90, NATO Helicopter, est un hélicoptère biturbine européen de transport militaire conçu à l’origine entre la France, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas ; le Portugal a rejoint le programme en juin 2001 et la Belgique en 2006. Les États peuvent financer les travaux de développement ou la production. La participation financière est actuellement organisée selon le schéma suivant.

Participation financière des États au programme NH 90

 

France

Italie

Allemagne

Pays-Bas

Portugal

Développement

41,6 %

28,2 %

23,7 %

6,5 %

-

Production

30,85 %

31,6 %

30,85 %

5,5 %

1,2 %

Source : état-major des armées (EMA).

La participation française représente un effort global de 925 millions d’euros pour le développement et de 6,3 milliards d’euros pour assurer la production de 160 hélicoptères conformément à la cible fixée (133 en version terrestre et 27 en version marine).

Ce programme multipartite, qui contribue à la construction d’une défense européenne intégrée, est géré au niveau étatique par une agence de l’OTAN, la NAHEMA (NATO Helicopter Management Agency) créée en 1992. Elle assure la gestion du contrat de développement et du contrat d’industrialisation et de production passés au maître d’œuvre industriel NATO Helicopter Industries (NHI). La NAHEMA est l’interface unique entre l’industriel et les États clients.

Le consortium NHI, installé à Aix-en-Provence, rassemble trois industriels européens : le franco-allemand EADS via sa filiale Eurocopter détient 62,5 % du groupe, l’italien Agusta en possède 32 % et le néerlandais Stork-Fokker 5,5 %. L’organisation industrielle est fondée sur une complémentarité avancée des partenaires, EADS se spécialisant dans le fuselage, les circuits électriques dont les systèmes de commandes et de communication, l’avionique et l’intégration des motorisations ; Agusta dans les circuits hydrauliques et la boîte de transmission principale ; Fokker dans les poutres de queue, les portes et les carénages de roues ainsi que les trains et la boîte de transmission intermédiaire.

Le NH90 se décline en deux versions : une de transport tactique (TTH) et une de lutte de surface et anti-sous-marine. Cet appareil n’est à ce jour pas équipé pour assurer des missions de recherche et de sauvetage au combat (RESCO), seule l’Allemagne ayant manifesté un pareil besoin. La version TTH du NH90 est spécialement conçue pour transporter 14 à 20 personnes et plus de 2,5 tonnes de matériel.

Le pilotage de ce programme se heurte à deux écueils majeurs : en vertu de l’accord de partenariat, toutes les décisions industrielles, qu’il s’agisse du développement ou de la production, doivent être prises à l’unanimité. Les conceptions des partenaires divergeant fréquemment, il est difficile voire impossible de parvenir à un accord dans des délais raisonnables. Par ailleurs, les États ont peu à peu souhaité adapter le concept initial à leurs besoins. Il n’a pas été possible de préserver une unité de développement et le NH 90 compte désormais 23 versions.

2. Une commande française tardive

À la fin de l’année 2007, 379 NH90 TTH ont été commandés par onze pays, les six pays associés au programme ayant passé 218 commandes, 160 fermes et 58 en options. L’Allemagne est le premier client avec 122 commandes. D’autres États ont également souhaité acquérir cet appareil, le total des commandes dépassant les 500 appareils pour 14 pays. Le tableau suivant récapitule les commandes des six pays ayant participé au développement du programme.

Commandes de NH 90

   

France

Allemagne

Italie

Pays-Bas

Belgique

Portugal

TTH(1)

Commandes fermes

12

122

70

 

4

10

Options

56

     

2

 

NFH(2)

Commandes fermes

27

 

46

20

4

 

Options

 

 

 

 

 

 

(1) TTH : version terrestre

(2) NFH : version marine

Source : délégation générale pour l’armement.

En 2001, se sont ajoutés les pays nordiques (Norvège, Suède et Finlande) avec 52 commandes et sept options. Depuis 2003, de nouveaux pays ont également souhaité acquérir ces appareils, qu’il s’agisse du sultanat d’Oman avec une commande de 20 appareils en version TTH, de l’Espagne pour 45 hélicoptères TTH en décembre 2006 ou de l’Australie avec une commande de 46 engins (12 TTH commandés en 2005 et 34 en 2006).

La France n’a procédé à ses premières commandes qu’au mois de décembre 2007, contrairement à ses partenaires qui ont notifié leurs commandes dès la fin du développement. Son implication financière dans le programme lui a permis d’obtenir les mêmes conditions financières. Mais compte tenu du carnet de commandes, il ne sera toutefois pas possible de livrer les appareils français avant 2011 pour le premier et la cadence de livraison ne sera régulière qu’à compter de 2013.

C. LES AUTRES APPAREILS

Bien que les hélicoptères d’attaque et de manœuvre réalisent l’essentiel des missions confiées aux unités aériennes de l’État, ils ne répondent pas à l’intégralité des besoins notamment en ce qui concerne la sécurité civile ou le transport lourd.

Les forces aériennes de la gendarmerie et celles de la défense et de la sécurité civiles disposent à ce jour d’hélicoptères qui sont parfaitement adaptés aux missions qui leur sont confiées. L’entrée en service progressive des EC 145 devrait permettre de moderniser les parcs et de remplacer les Alouette III en fin de vie tout comme les EC 135 vont remplacer les Écureuil. Malgré ces évolutions, la DDSC n’est pas en mesure de faire face à l’intégralité des besoins et doit, dans le cadre de la lutte contre les feux de forêt, faire appel à d’autres appareils, qu’il s’agisse de Caracal de l’armée de l’air ou d’hélicoptères privés loués. Des hélicoptères lourds pourraient certes remplir ces missions mais à un coût élevé alors que les Caracal ou les Super Puma répondent aux besoins et que leur prix de location est deux fois inférieur aux appareils américains précédemment utilisés. Toutefois la raréfaction de ce type d’appareil au sein des armées limite les possibilités d’extension des coopérations existantes.

Les incertitudes portant sur les délais de livraison effective des NH 90 ou de l’entrée en service opérationnel de Puma rénovés pourraient justifier le recours à des hélicoptères lourds qui maintiendraient les capacités de transport et de projection des armées. Mais au vu de la contrainte budgétaire, il semble préférable de concentrer les crédits disponibles sur les programmes existants. Par ailleurs, l’entrée en service de ce type d’appareil supposerait la mise en place concomitante d’une structure de soutien assez lourde et coûteuse. Elle contribuerait également à la spécialisation du parc alors que tous les éléments indiquent qu’il convient au contraire de privilégier la polyvalence des appareils. Dans la mesure où ces appareils assureraient certaines des missions qui auraient dû être confiées aux hélicoptères de manœuvre, leur arrivée pourrait marquer une forme de renoncement de la France à voir ses NH 90 livrés dans les temps et pourrait conduire à terme à un abaissement de la commande d’hélicoptères de manœuvre, ne faisant ainsi que repousser le problème.

II. —  DES AVIONS DE TRANSPORT ET DES RAVITAILLEURS EN LIMITE DE CAPACITÉ

A. DES MOYENS INADAPTÉS AUX BESOINS

1. Une situation préoccupante

a) Des moyens propres insuffisants

Le transport aérien est assuré par l’armée de l’air. En 2006, sa flotte a effectué 75 901 heures de vol toutes misions confondues.

Deux contrats principaux dimensionnent la flotte de transport :

— le contrat opérationnel actuellement fixé en matière de transport et qui correspond à la projection d’une force de réaction immédiate (FRI), en trois jours et à 5 000 kilomètres, de 2 200 personnes et 3 400 tonnes de matériel ;

— le contrat de projection, à partir d’une base opérationnelle aéroportée, de 1 500 parachutistes équipés et disposant d’une autonomie de trois jours.

Le parc d’avions de transport et de ravitailleurs en vol permet d’honorer le contrat relatif à la FRI pour ce qui concerne le transport de personnel mais l’objectif n’est atteint qu’à 31 % pour le transport de fret. Le déficit capacitaire constaté doit être comblé en recourant à l’affrètement. Le centre multimodal des transports (CMT) (8) parvient à satisfaire les demandes mais au prix d’une baisse significative des jours d’instruction et de formation des équipages.

La déflation du parc de Transall augmentera dans les huit prochaines années aggravant les difficultés de soutien des troupes en opérations, compte tenu de la multiplicité des théâtres, des prépositionnements et des nécessités d’entraînement en métropole pour les troupes aéroportées. Conjuguée à l’échéancier prévisionnel actuel de livraison des premiers A400M, elle accentuera le déficit capacitaire en matière de transport aérien militaire jusqu’en 2011.

Les capacités de ravitaillement en vol, essentielles au maintien de la posture permanente de sûreté (dissuasion et sauvegarde) comme à la projection de puissance, reposent sur une flotte hétérogène, vieillissante, coûteuse et peu fiable. Le taux de disponibilité en 2006 est de 70 % pour les C135 et de 47 % pour KC 135-R.

L’âge et l’obsolescence des KC 135-R limitent leur utilisation aux missions de sûreté aérienne sur le seul territoire métropolitain. Leur remplacement au plus tôt est une priorité pour l’armée de l’air. Certains Transall sont à la fois ravitailleurs et ravitaillables : ils peuvent consacrer une partie de leur carburant propre au ravitaillement d’autres appareils, sous réserve de préserver le carburant nécessaire à leur mission de transport. Une avarie ou une défaillance techniques toujours possibles sur des avions de cette ancienneté font peser un risque critique sur l’ensemble de cette flotte. Leur remplacement au plus tôt est une priorité pour l’armée de l’air.

b) Les différents affrètements et locations

Pour répondre à une forte sollicitation ponctuelle, les armées peuvent recourir aux accords ATARES et SALIS et se voir mettre à disposition des capacités de transport venant d’armées étrangères.

Mis en place en 2000, l’accord ATARES (Air Transport and Refueling Exchange of Services) permet aux pays contractants (9) d’échanger des équivalents en heures de vol. La France et le Royaume-Uni en sont les principaux contributeurs.

Les accords SALIS (Strategic Airlift Interim Solution) constituent le principal contrat multinational d’affrètement pour la projection de troupes. Ils visent à satisfaire les besoins propres des pays membres ainsi que les besoins multinationaux en transport aérien hors gabarit dans le cadre de l’Union européenne ou dans celui de l’OTAN. Signé pour trois ans le 26 octobre 2005 (10) et applicable dès le 1er janvier 2006, le contrat est fondé sur l'affrètement à temps plein de deux avions gros porteurs Antonov 124 (AN124), basés à Leipzig en Allemagne, pour lesquels 2 000 heures de vol par an sont prépayées en totalité et 2 800 heures supplémentaires prépayées à quarante pour cent. Au contraire des marchés cadres, le coût du contrat SALIS est fixe, que les heures prévues soient effectivement consommées ou non. La contribution française est de 527 heures fermes et 738 heures supplémentaires, soit un total de 1 265 heures. Pour la France, le coût à l’heure de vol de l’AN124 évolue entre 27 000 euros (pour 527 heures utilisées) et 21 000 euros pour 1 265 heures. En 2006, les armées ont utilisé environ 615 heures de vol du contrat SALIS pour un coût de 16,5 millions d’euros. Au potentiel initial, s’ajoute la garantie de disposer en six jours de deux AN124 supplémentaires, puis en neuf jours de deux autres. La mise en œuvre des aéronefs est coordonnée par une cellule multinationale spécialisée insérée au sein de l’European Airlift Centre (EAC) basé à Eindhoven depuis le 12 décembre 2005.

Les contrats d’affrètement SALIS assurent une certaine stabilité mais sont insuffisants lorsque plusieurs pays demandent des moyens identiques au même moment. Ainsi en prévision d’une intervention au Tchad, certains pays ont d’ores et déjà pré-réservé les moyens aéromobiles disponibles dans ce cadre. En outre, si le dispositif donne globalement satisfaction, la capacité de transport offerte n’est pas toujours compatible avec les objectifs visés, le recours à de gros porteurs était peu pertinent pour le transport de plusieurs charges de moyen tonnage (dix tonnes) dans différentes directions.

Les armées affrètent également de façon ponctuelle des avions de transport de passagers ou de fret. En 2006, 64 affrètements ont été souscrits pour un montant global de 12 millions d’euros. Le ministère de la défense loue également des « blocs sièges » au travers d’un marché spécifique conclu avec un agent de voyage pour un coût annuel moyen de 73 millions d’euros.

La gendarmerie est dépourvue de moyens propres de transport de troupes. Or, elle doit pouvoir transporter ses militaires et dépend pour ce faire des armées. La sécurité civile dispose quant à elle de moyens propres qui peuvent être renforcés si nécessaire par ceux de l’armée de l’air.

2. Un nouveau dimensionnement des flottes

Le renouvellement du parc de transport stratégique et de ravitaillement en vol a été défini pour répondre aux besoins nationaux ou liés aux engagements internationaux de la France. Les besoins en aéronefs ont été exprimés avec le souci de rationaliser la dépense publique en combinant deux types d’appareils et en orientant le choix vers un programme européen permettant d’accroître l’interopérabilité et la coopération, notamment dans les domaines du soutien et de la formation. Le modèle retenu comprend 50 A400M et des avions MRTT, 14 de type A330-200 ou 16 de type KC767.

A400M et MRTT sont indissociables au sein de la composante projection de l’armée de l’air. En effet, grâce à la dimension multirôles des appareils, des réductions de cibles ont été possibles : sans cette polyvalence globale des futurs appareils, 62 A400M (et non 50) et 20 ravitailleurs (et non 14 ou 16) auraient été nécessaires. À terme, la quinzaine de MRTT remplacera 19 appareils (14 C135, deux A340 actuellement loués et trois A310).

B. UN A400M TRÈS ATTENDU

Depuis fin 2005, la capacité de transport aérien est en diminution du fait du retrait des 45 premiers Transall programmé entre 2005 et 2015. Le programme A400M est destiné à renouveler cette capacité.

1. Le programme

Les sept nations initiatrices du projet en ont délégué la responsabilité à l’organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr). Cette dernière a passé un contrat pour la conduite du programme avec Airbus Military Sociedad Limitada dont les actionnaires sont Airbus (auquel participent la France, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Allemagne, à hauteur de 69,4 %), FLABELl (Benelux, pour 4,4 %), Turkish Aerospace Industries (Turquie, pour 5,6 %) et EADS-CASA (à hauteur de 20,6 %).

Le contrat de ce programme a été signé le 27 mai 2003 et est entré en vigueur le 31 mai de la même année. Le prix unitaire de l’avion a été fixé à 123 millions d’euros et des pénalités ont été prévues en cas de retard. Ce programme constitue un nouveau type de contrat militaire : aucun engagement financier des États n’est intervenu au stade des études amont et l’industriel explique les difficultés calendaires actuellement rencontrées en partie par une mauvaise évaluation du risque qu’il a accepté de supporter seul. Or, il aurait été utile de réaliser en amont des développements exploratoires pour le minimiser. Le glissement de certaines échéances résulte aussi de difficultés techniques apparues sur les moteurs. Un audit est actuellement en cours et les problèmes sont en voie de résolution.

Les besoins en A400M des sept États à l’origine du projet s’élèvent à 180 avions (60 pour l’Allemagne, 50 pour la France, 27 pour l’Espagne, 25 pour le Royaume-Uni, 10 pour la Turquie et 8 (6+2) pour la Belgique et le Luxembourg). Deux nouveaux clients ont intégré le programme : l’Afrique du Sud (8 avions) et la Malaisie (4 avions). Les perspectives d’exportation sont évaluées à 60 appareils par le ministère de la défense et à 200 par le constructeur. Mais cet appareil visant aussi à remplacer les C130, nombreux dans le monde, les perspectives d’exportation pourraient être plus importantes.

Le premier avion de développement est en cours d’assemblage ; le premier vol est prévu pour juillet 2008 et la première livraison à l’armée de l’air française est programmée pour 2009. L’échéancier de livraison négocié prévoit la livraison de six appareils en 2010, de six en 2011, puis un étalement des livraisons suivantes jusqu’en 2019. L’industriel ayant annoncé des retards, il est vraisemblable que l’échéancier fixé connaîtra quelques évolutions. Des discussions sont actuellement en cours entre Airbus et l’OCCAr pour en minimiser les effets.

2. Les capacités techniques de l’A400M

L’avion est conçu pour répondre aux spécificités exprimées par les pays à l’origine du programme. Il doit posséder une capacité duale de transport tactique et logistique.

Équipé de quatre turbopropulseurs de 11 000 CV chacun, sa vitesse et son altitude de croisière sont respectivement de 0,72 Mach et de 37 000 pieds. Sa capacité de transport maximum est de 37 tonnes. Ses capacités de transport logistique sont de 4 445 kilomètres avec une charge de 30 tonnes et 6 389 kilomètres avec une charge réduite à 20 tonnes (11). Les besoins de l’armée française sont de 25 tonnes à 3 700 kilomètres ou 17 tonnes à 5 550 kilomètres.

Une liste contractuelle des matériels transportables a été définie, des modifications restant possibles. Ainsi, l’A400M pourra embarquer deux NH90, deux Tigre, du matériel du génie ou deux camions de pompiers. Le potentiel en charges multiples est de 25 tonnes et en charge unitaire de 16 tonnes (charge maximale unitaire de largage). Les tests de chargement du matériel en réel ont été réalisés. Le plancher est structuré de manière à offrir de multiples possibilités ; outre le transport de personnes, la grande flexibilité de la cabine lui permet de recevoir 116 parachutistes ou 66 civières et 25 personnels médicaux – ce qui permettra d’y transposer le nouveau dispositif MORPHEE (12). Grâce à des rouleaux associés à un système de treuils et de grue, l’appareil peut également transporter des palettes militaires. En utilisant les moyens disponibles dans la carlingue, le chargement de la soute pourra être effectué par une seule personne. Le train peut s’affaisser pour réaliser un transbordement depuis un camion.

L’A400M autorise le largage de parachutistes à haute altitude grâce à un système de pressurisation/dépressurisation rapide. Le calcul du point de largage est automatisé. Il permet également le largage de matériel par gravité ou parachutage. À basse altitude (15 pieds), il peut larguer des charges unitaires de 6,35 tonnes et des charges multiples de 19 tonnes. Il ne requiert pour ses décollages et atterrissages que des terrains courts et sommaires (décollage en 700 mètres). Son autonomie en navigation ou pour les manœuvres au sol lui permet d’utiliser sans aide de telles pistes et par tout type de temps.

L’avion résiste à un niveau de menaces important. Il est équipé de dispositifs d’autoprotection performants : sa détectabilité et sa vulnérabilité sont réduites grâce à ses capacités de vol en suivi de terrain à 500 pieds (cette capacité est l’une des spécificités exprimées par les pays participants), à sa trace minimale, à sa possibilité de descente rapide (jusqu’à une pente de 14°), à ses contre-mesures (détection de poursuite radar, leurres, détection de départ missile) et à son aptitude à résister s’il est touché grâce à sa tolérance aux dommages élevée, tant pour la structure que pour ses systèmes redondants.

L’A400M dispose d’une capacité de ravitaillement en vol par l’adjonction de deux pods de ravitaillement sous les ailes. Il peut ainsi ravitailler les avions de chasse à 300 nœuds à 25 000 pieds et les hélicoptères à 110 nœuds à 5 000 pieds. Il est lui-même ravitaillable.

L’A400M pourra acheminer ou parachuter la plupart des matériels en service (à l’exception des chars lourds), au cours de missions tactiques ou logistiques. Avec une disponibilité attendue de 80 %, les 50 A400M acquis par la France permettront de réaliser 75 % du contrat fret de la FRI. Par ailleurs, 25 A400M seront équipés pour effectuer des missions tactiques.

C. LES MRTT : ENTRE ACQUISITION ET PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ

Les capacités offertes par la flotte d’A400M devront être complétées pour satisfaire les contrats opérationnels des armées en matière de ravitaillement en vol et de transport stratégique. Le programme MRTT (Multi-Role Transport Tanker – avion multirôle de transport et de ravitaillement en vol) est destiné à répondre à ce besoin par une quinzaine d’appareils d’un modèle unique de type gros porteur polyvalent. Le futur avion doit pouvoir projeter, à 5 000 kilomètres et sans escale, 280 personnes au minimum ou 30 tonnes de fret palettisé. Cette capacité de transport logistique conséquente permettra aux MRTT de réaliser 15 % du contrat de la FRI et de contribuer significativement aux capacités européennes en matière de transport stratégique, de ravitaillement en vol ou d’évacuation sanitaire stratégique.

Le dossier de lancement de la conception du programme « Avion multirôle de ravitaillement en vol et de transport » a été signé par la ministre de la défense le 19 avril 2007. Il souligne l’intérêt d’approfondir l’acquisition en mode de contrat de partenariat au travers d’une phase d’évaluation préalable, conduite durant le stade de conception et permettant de proposer le choix du mode d’acquisition : achat patrimonial ou contrat de partenariat d’État (CPE) en 2008. La comparaison de l’acquisition en mode patrimonial et de l’acquisition en mode CPE s’effectue sur le périmètre, plus étendu, du coût global de possession de la fonction transport stratégique et de ravitaillement en vol. Les estimations actuelles des deux options étant très proches, il est nécessaire d’approfondir l’analyse de l’acquisition en mode CPE et le recours éventuel à des avions d’occasion. Il fut un temps envisagé de présenter l’évaluation préalable au deuxième semestre 2007, pour un avis de l’organisme expert fin 2007 ou début 2008, mais cette présentation a été reportée à la mi-2008. La décision finale devra combiner des éléments de coût avec les nécessités opérationnelles. L’achat patrimonial garantit un coût brut plus faible mais nécessite une dépense concentrée sur une courte période alors que le contrat de partenariat permet d’étaler le versement des paiements mais impose de couvrir l’ensemble du contrat en autorisations d’engagement dès sa signature. Par ailleurs, la mise en place d’un contrat de partenariat peut demander beaucoup de temps : au Royaume-Uni, il a fallu près de huit ans pour que le contrat soit signé (13). Il implique également des complexités juridiques incompatibles avec le besoin de remplacer rapidement les trois KC135 en fin de vie puisque, pour ces derniers, un remplacement au plus tard en 2011 impose une prise de décision dès 2008.

Pour un achat patrimonial, le calendrier initial prévoyait un lancement de l’étape de la réalisation fin 2008, une signature de la commande fin 2009 et une première livraison en 2012. Dans le cadre d’un contrat de partenariat, le glissement des échéances calendaires est estimé à un an pour la première étape et six mois pour les deux dernières. L’échéancier prévisionnel est susceptible de se dégrader en fonction du volume de commandes enregistrées par le constructeur.

La fonction ravitaillement et transport stratégique de personnels pourra à terme être assurée par huit A400M en configuration ravitaillement et transport intra-théâtre et entre neuf et 14 MRTT, neufs ou d’occasion.

À l’horizon de 2020, les 50 A400M et les 14 MRTT, renforcés par des C130, seront à même de remplir le contrat opérationnel de déploiement de la Force de Réaction Immédiate.

TROISIÈME PARTIE : DE NÉCESSAIRES CHOIX STRATÉGIQUES ET FINANCIERS

I. —  REDÉFINIR LE SEUIL D’ENGAGEMENT ET LA DOCTRINE D’EMPLOI

Les contraintes qui pèsent sur l’aéromobilité française semblent difficiles à résoudre à court terme et imposent une redéfinition, au moins temporaire, du nombre et des modalités des interventions françaises dans le monde, un effort particulier devant être fait pour la maintenance et le soutien.

A. LES AMBITIONS DE LA FRANCE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

L’apparition de nouveaux conflits dépassant les cadres étatiques a conduit la France à déployer des forces armées sur des théâtres de plus en plus nombreux et de plus en plus éloignés de la métropole. Les armées sont ainsi engagées dans six opérations extérieures d’envergure alors que leur contrat opérationnel n’est conçu que pour en assumer deux. La projection d’un nombre croissant d’appareils sur les théâtres se heurte d’une part à l’insuffisante disponibilité des matériels et d’autre part aux difficultés de transport jusqu’à ces théâtres.

Les caractéristiques des théâtres de projection aggravent encore l’écart avec le contrat opérationnel : les unités déployées ont en effet un besoin indispensable de moyens aéromobiles intra-théâtres pour assurer leurs missions. Deux exemples l’illustrent bien : en Côte-d’Ivoire, les hélicoptères sont nécessaires pour que 900 chasseurs sécurisent seuls une zone équivalant à cinq départements français, les véhicules terrestres ne permettant pas de réagir avec suffisamment de célérité. En Afghanistan, le relief montagneux augmente globalement le temps de transport et interdit même l’accès de certaines zones à des véhicules terrestres.

Dans le même temps, le maintien de forces de souveraineté dans les territoires et collectivités d’outre-mer suppose un effort permanent en matière d’aéromobilité, seuls des hélicoptères ou des avions pouvant intervenir en Guyane ou en Polynésie française par exemple. Or, tout comme les appareils dédiés aux opérations extérieures, ces engins se caractérisent par une moyenne d’âge élevée et par une dégradation constante de leur disponibilité opérationnelle.

Les armées françaises opérant de plus en plus fréquemment dans un cadre international, que ce soit au sein de l’OTAN ou de l’Union européenne, une réflexion pourrait utilement être engagée pour améliorer la mutualisation des moyens et pour redéfinir les conditions d’intervention. Même si le rôle moteur de la France dans la construction d’une politique européenne de défense doit être préservé, elle ne saurait prendre à sa charge tous les efforts. Les discussions actuellement en cours pour le déploiement d’une force européenne au Tchad illustrent parfaitement les lacunes de la doctrine européenne de défense : il s’agit plus d’un agrégat de forces nationales sous un commandement unique que d’une mutualisation de moyens. Cette logique conduit chaque pays à projeter des ensembles autonomes alors que les fonctions de soutien, de combat, de transport… pourraient utilement être réparties entre les pays impliqués, chacun se spécialisant dans la ressource dont il dispose le plus. Comme elle dispose d’un parc de Transall encore très opérationnels, l’Allemagne pourrait par exemple assurer le transport vers le théâtre d’opération de toutes les troupes.

Cette politique implique toutefois que la France accepte de ne plus pouvoir intervenir seule comme elle le fait aujourd’hui, c'est-à-dire qu’elle reconnaisse temporairement être en limite de capacités. Elle demande également un effort européen d’harmonisation des procédures autour d’une politique communautaire clairement définie.

B. UN EFFORT PARTICULIER POUR LA MAINTENANCE ET LE SOUTIEN

1. L’indispensable modernisation de la maintenance

La maintenance des appareils aéronautiques doit être organisée dans un souci de rationalisation qui passe par l’interarmisation, la mutualisation et n’exclut pas l’externalisation selon les opportunités, cette dernière solution étant plus compliquée en opérations.

Le soutien est encore très marqué par la spécialisation par armée. Pour un même type d’appareil, chaque armée a développé ses propres procédures et documentations. L’interchangeabilité des techniciens s’en trouve limitée. Conscientes de la nécessité d’inscrire les forces dans un contexte opérationnel interarmées et d’interopérabilité, les armées se sont engagées dans un processus de coordination et de rationalisation du soutien qui passe par la définition de structures communes. Les efforts d’harmonisation qui ont été engagés doivent être poursuivis. Si leur efficacité est limitée pour des appareils en fin de vie, ils sont indispensables pour les nouveaux aéronefs entrant dans les flottes. L’entrée en service de ces appareils doit être l’occasion de définir à l’échelon national des processus de maintenance interarmées. Les futurs aéronefs étant issus de programmes multinationaux, la concertation avec les différents partenaires, notamment européens, contribuera à garantir l’interopérabilité des moyens et permettra des économies d’échelle accrues.

La structure intégrée du maintien en conditions opérationnelles des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD), organisme à vocation interarmées organiquement rattaché à l’armée de l’air, assure la maîtrise d’ouvrage déléguée du maintien en condition opérationnelle des moyens aéronautiques qu’ils relèvent des armées ou de la gendarmerie. Elle n’a aucune autorité en matière de décisions et ne dispose pas de personnel pour assurer la maîtrise d’œuvre. Toute la fonction « achat » liée à la maintenance aéronautique relève désormais de la SIMMAD qui conduit différents travaux visant à mettre en œuvre une politique de gestion de stock dans un cadre interarmées. Anciens opérationnels, les personnels de la SIMMAD ajoutent aux compétences techniques nécessaires une expérience du terrain indispensable à la mise en œuvre d’un soutien efficace et de qualité.

Créé le 1er janvier 2008, le service industriel aéronautique (SIAé) rassemble dans une seule entité les intervenants étatiques industriels. Maître d’œuvre des prestations qui lui sont confiées, les entités qu’il regroupe réalisent environ 20 % du soutien industriel aéronautique des forces. Lui sont confiées les interventions pour lesquelles il représente la solution la plus économique pour la SIMMAD ou lorsque les compétences nécessaires n’existent plus dans le secteur privé. Il a vocation à permettre à l’État de maîtriser les coûts et de conserver une expertise. Le savoir-faire alors acquis est particulièrement utile lorsque ces personnels retournent ensuite en unité.

2. Un défi à relever : la gestion des personnels

L’entretien des aéronefs nécessite des personnels compétents et suffisamment nombreux pour répondre aux besoins. La contribution française sur une multitude de théâtres conduit à une répartition des moyens dans de multiples projections. Alors que les régiments sont organisés pour fonctionner de manière concentrée sur un nombre réduit de sites, cet éclatement des équipes complique la gestion des personnels de maintenance.

L’arrivée de nouveaux aéronefs accentuera le manque d’effectifs. Lorsque par exemple la mise en œuvre d’une Gazelle requiert une personne et demie, celle d’un Tigre en nécessite quatre. Le redimensionnement de l’emploi, tant en termes d’équipage que de personnels de maintenance, découlant de l’évolution du parc d’appareils doit faire l’objet d’une étude approfondie afin que le processus de renouvellement ne se heurte pas à un problème de disponibilité humaine.

Pour les hélicoptères, l’expansion du marché civil et l’attractivité du secteur privé génère un flux important de départs des spécialistes militaires vers les industriels privés, générant des difficultés importantes pour maintenir en qualité et en quantité du personnel qualifié pour l’entretien des machines. Les techniciens, très bien formés, entraînés, performants, sont séduits par une deuxième carrière dans le secteur privé qui leur offre, selon certaines sources, des rémunérations supérieures de 40 % en même temps qu’une stabilité géographique. Jusqu’en 2010 le déficit constaté de 25 % de mécaniciens-chefs d’équipe résultant de ce glissement de personnels du monde militaire vers le civil perturbera la réalisation des opérations de maintenance. À cette échéance, des maintenanciers auront acquis l’expérience nécessaire pour prétendre à la qualification de chef d’équipe.

La fidélisation des personnels hélicoptéristes, qui pose aujourd’hui quelques difficultés, est l’un des enjeux majeurs de la maintenance des appareils à voilure tournante. Pour répondre efficacement à ce problème, plusieurs voies peuvent être explorées : l’attribution d’une prime de technicité permet de répondre à certaines préoccupations. Proposer aux militaires une meilleure lisibilité sur leur avenir en termes de carrière et de mutation contribuerait aussi à les inciter à poursuivre leur activité militaire. Enfin, pour conserver les chefs d’équipe au sein des armées, il pourrait être envisagé d’augmenter leur obligation de lien avec le service à l’issue de leur obtention du brevet leur ouvrant les postes de très haute technicité. De même, une réflexion doit s’engager pour que les militaires quittant les armées souscrivent un engagement à servir dans la réserve (ESR). Les forces armées pourraient ainsi les rappeler en cas de besoin, y compris pour des opérations à caractère militaire.

II. —  FAIRE DE LA MUTUALISATION UN MODE DE FONCTIONNEMENT NORMAL

La conjugaison de la contrainte budgétaire et le haut niveau d’engagement des forces invite à mutualiser les moyens tant en interarmées, qu’en interministériel ou dans un cadre international. Dans ce dernier cas, des obstacles d’ordre culturel ou juridique doivent être surmontés.

A. UN IMPÉRATIF NATIONAL

1. Une nécessité absolue

Agissant désormais dans un cadre interarmées pour répondre aux besoins, il apparaît indispensable que les forces, lorsque les armées sont dotées de moyens identiques, évoluent vers une interchangeabilité des équipages et des appareils. Des mutualisations pourront être trouvées dans les domaines de la formation des pilotes ou de la maintenance. À terme, c’est une mutualisation de moyens qui pourrait être mise en place afin de réaliser des économies, rationaliser les organisations, fédérer des missions identiques, renforcer une capacité ou combler un déficit capacitaire. En interarmées elle passe par la gestion coordonnée ou intégrée de tout ou partie des ressources humaines et matérielles et peut aller jusqu’à la fusion de structures existantes qui se sont développées au sein d’organisations aux cultures différentes. En matière d’aéromobilité, les principaux obstacles à surmonter résultent des différences de matériels, de statut des personnels, de normes ou de procédures. La seule limite de l’interarmisation tient aux spécificités d’emploi de chaque force.

Les créations récentes du centre multimodal des transports (CMT), de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD), du commandement intégré des hélicoptères (CIH) témoignent de la volonté de progresser sur la voie de la mutualisation. Créé en juillet 2007 sur la base aérienne de Villacoublay, le CMT fusionne toutes les ressources terre - air - mer pour la projection de matériel et de personnel. Il assure la coordination interarmées des transports et des transits pour les opérations initiales et, à l’été 2009, il prendra en charge l’ensemble des opérations de transport et de transit. Le CMT est chargé de la conception et de la mise en œuvre de l’acheminement stratégique au profit de l’ensemble des forces armées, des autres départements ministériels et des alliés ou nations étrangères, selon les accords en cours. La montée en puissance de la SIMMAD permet la mutualisation progressive de la maintenance et de la logistique des aéronefs de la défense.

Les formations de plus en plus communes (pilotes, mécaniciens, pompiers, spécialistes météo…) participent à une amélioration de la mutualisation qui sera encore facilitée à moyen terme avec la diminution des types d’appareils dans les armées (A400M, NH90).

Les armées fournissent des moyens dans le cadre de leur mission de liaison et de transport et interviennent, sur demande de concours ou sur réquisition, en complément des moyens de la sécurité civile. Outre-mer, le nombre d’hélicoptères déployés au profit de la sécurité civile étant insuffisant, les armées sont amenées à réaliser certaines missions, parfois en permanence, et en supportent généralement le coût. Un rééquilibrage financier global devra permettre de répartir la charge de ces opérations entre les différents services.

2. Deux exemples à suivre : le DAOS et le GIH

a) Le DAOS

Créé en 1997 (14), le Détachement ALAT des opérations spéciales (DAOS) est l’unité aéromobile de la brigade des forces spéciales terre (BFST) dédiée au commandement des opérations spéciales (COS). Intervenant au profit de l’ensemble des unités du COS et du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), il a une vocation interarmées affirmée et est compétent sur l’ensemble du spectre des missions des forces spéciales et de la lutte contre le terrorisme.

Constitué de six escadrilles (deux escadrilles de Puma, deux d’hélicoptères d’attaque, une de Cougar et une de Caracal), son dimensionnement permet de composer plusieurs détachements engagés simultanément. L’ensemble des moyens du DAOS étant regroupés sur la base de Pau, les détachements sont constitués et projetés à partir de la plateforme paloise. L’engagement d’un détachement du DAOS sur un théâtre n’a généralement pas vocation à s’inscrire dans la durée : les projections sont réalisées sur des opérations limitées et courtes à l’exception de celle au sein de l’opération Licorne qui, bien qu’étant une mission opérationnelle, permet de conduire des missions d’entraînement. Le contrat opérationnel qui lui est fixé peut se traduire par un taux de projection élevé ; une difficulté de disponibilité des machines peut alors être palliée par un complément provenant de l’ALAT voire par l’intégration de moyens étrangers.

Les moyens aéromobiles de manœuvre et d’attaque sont complémentaires et indissociables. Ils doivent être déployés ensemble avec les capacités de commandement et les systèmes d’informations associés. Comme pour les commandos qu’ils transportent, le renseignement et l’action sont indissociables. L’intégration de quatre Tigre au sein du détachement et leur positionnement à Pau compléteront de manière adéquate les moyens actuels.

La maintenance du DAOS est mutualisée avec celle du 5e régiment d’hélicoptères de combat avec lequel il est co-localisé et qui dispose d’une escadrille dédiée à cet effet. Compte tenu des difficultés de maintenance liées à l’éclatement de petits détachements sur différents théâtres, il paraît inopportun d’envisager un transfert de charges pour intégrer la maintenance au sein du DAOS ; il est en revanche primordial que le personnel dédié à cette tâche soit clairement identifié et spécifiquement entraîné.

Pour fonctionner de manière optimale, le DAOS a dû développer une organisation, une harmonisation des procédures et une mutualisation du soutien lui permettant d’intervenir efficacement dans un contexte interarmées particulièrement exigeant compte tenu de la nature des missions qui lui sont confiées. Une telle démarche nécessite du temps : plusieurs années sont nécessaires pour que le fonctionnement d’une unité comme le DAOS parvienne à sa pleine maturité. Cette dimension doit être prise en compte dans la mise en œuvre des politiques de mutualisation.

b) Le GIH

La mutualisation est compliquée quand, pour un même type d’aéronef, il s’agit de mélanger les équipages et les aéronefs au sein d’un dispositif opérationnel. Il en est de même pour la maintenance. Le groupe interarmées d’hélicoptères (GIH) résout progressivement les difficultés d’interarmisation qu’il rencontre depuis sa création.

La mise en œuvre du groupe interarmées d'hélicoptères (GIH) est l’une des mesures issues des réflexions conduites après la prise d’otages massive de Beslan en septembre 2004 qui ont conduit le ministère de la défense à mettre en place des moyens de projection au profit du groupement de sécurité et d'intervention de la gendarmerie nationale (GSIGN) devenu GIGN. Dès le 1er février 2006, le GIGN a bénéficié du concours d'une unité d'hélicoptères de manœuvre implantée à Villacoublay. Le GIH répond à trois types de mission : de soutien avec projection de personnels en zone sécurisée et sans engagement des vecteurs dans l’intervention ; d’appui, la projection de personnels (en environnement sécurisé ou non) s’accompagnant d’un engagement des appareils en appui renseignement ou feu ; exceptionnellement de transport de personnalités ou de défense civile.

Initialement composé de quatre appareils, le GIH est monté en puissance avec six hélicoptères de type Puma en provenance de l'armée de terre (quatre appareils) et de l'armée de l'air (deux appareils). Compte tenu des difficultés de disponibilité rencontrées sur ce type d’engins en fin de vie, les armées tentent de mettre à la disposition du GIH des hélicoptères supplémentaires. L’armée de l’air n’a toutefois pas réussi à fournir de manière durable un troisième hélicoptère au GIH. Le contrat opérationnel pour le GIGN est fixé à la projection de 25 hommes et 2,2 tonnes de fret dans un rayon de 400 kilomètres avec un délai d’alerte d’une heure, ce qui nécessite l’engagement de quatre hélicoptères. Le GIH ne pourrait garantir la disponibilité à 95 % de quatre appareils qu’en disposant de neuf hélicoptères au total. Faute de pouvoir dédier en permanence un nombre d’appareils suffisants, les armées renforcent ponctuellement le GIH autant que de besoin. Un équipage des forces spéciales soutient si nécessaire le GIH ; et le 5e RHC renforce également le GIH en équipes de maintenance.

Organisme à vocation interarmées rattaché au DAOS, dont les moyens relèvent pour 2/3 de l’armée de terre et pour le dernier tiers de l’armée de l’air, appelé à travailler au profit de la gendarmerie, le GIH est un modèle d’interarmisation tant par le niveau d’intégration qui lui est demandé que par les résultats obtenus en la matière. Des efforts très importants ont été déployés pour assurer l’interopérabilité des militaires. Désormais hommes et appareils sont interchangeables : des équipages de l’armée de l’air peuvent voler sur des appareils de l’armée de terre et inversement. Cette adaptation améliore la disponibilité : peu importe le type d’appareil disponible, le GIH est en mesure de répondre aux demandes. La maintenance des appareils est assurée par des personnels des deux armées sous le commandement d’un commandant de l’armée de l’air au sein de l’escadron de soutien technique aéronautique basé à Villacoublay. Le GIH maîtrise aujourd’hui les savoir-faire nécessaires à son intervention au profit du GIGN. Après deux ans d’existence, le taux de réponse du GIH aux missions qu’il reçoit est extrêmement satisfaisant.

B. UN ENJEU ESSENTIELLEMENT EUROPÉEN ET, PLUS GLOBALEMENT, INTERNATIONAL

Hors du territoire, l’intervention des forces armées s’inscrit le plus souvent dans un contexte international. Agissent ensemble des forces dont l’efficacité passe par l’interopérabilité. Aujourd’hui, des forces européennes ont vocation à s’équiper de matériels de modèles similaires dans le cadre des programmes actuellement en cours. Enfin, des besoins identiques pour des objectifs communs sont identifiés, comme le transport de personnes ou de fret vers les théâtres. Malgré les différences institutionnelles ou culturelles, des efforts doivent être faits par les différents partenaires pour mettre en commun des structures, des moyens, mutualiser des formations ou du MCO afin d’optimiser l’utilisation des vecteurs dans un contexte budgétaire difficile. La volonté et l’implication des États sont indispensables pour y parvenir.

Malgré quelques difficultés de mise en place, Le développement de l’European Airlift Center (EAC) doit être souligné. Implanté à Eindhoven, l’EAC a pour mission de coordonner le transport aérien des pays de l’Union. Sa mise en œuvre révèle des divergences dans les approches structurelles, fonctionnelles et opérationnelles. Sa transformation progressive vers une structure de commandement du transport aérien européen vise à harmoniser les concepts et les procédures des pays membres avant de devenir un véritable maître d’œuvre organique. La communauté d’équipements (A400M et MRTT), la recherche d’une communauté de soutien et de formation (A400M) devraient ouvrir la voie à la mutualisation de ces moyens qui pourrait aller jusqu’à la création d’une unité de transport internationale.

Programme européen mené en coopération, l’A400M garantit une très forte interopérabilité entre les flottes européennes et constitue une première étape vers l’émergence d’une capacité européenne de projection. La coopération aurait pu être plus ambitieuse mais les divergences en termes de formation et surtout de soutien logistique entre les partenaires européens restent aujourd’hui importantes. Si certaines mutualisations ont vu le jour, comme la formation des pilotes français belges et néerlandais à l’école d’Avord dans le Cher, il apparaît difficile de dégager des volontés communes en matière de soutien. Les États participant au programme préparent avec l’OCCAr la mise en place d’un soutien commun de l’avion mais des réticences sur cette approche commune du soutien demeurent, chaque pays défendant une structure de soutien nationale qu’il est toutefois prêt à ouvrir aux autres partenaires. L’Allemagne souhaite ainsi mettre en place un système coopératif avec la Lufthansa et propose à ses partenaires un système d’abonnement ; la France privilégie le maintien d’une compétence au sein du SIAé ; britanniques, espagnols et italiens suivent la même logique. Des accords sont toutefois possibles sur la gestion des configurations et la mise en œuvre d’un pool logistique et technique commun pour les pièces.

Pour que les mutualisations mises en œuvre restent opérantes, les définitions ne doivent pas diverger. L’emploi des appareils par les armées européennes ne justifie pas l’existence de versions différentes et il est de l’intérêt de tous les partenaires de maintenir une forte cohésion des évolutions. Les principaux motifs de divergence sont, d’une part, les systèmes de commandement et les moyens radio mais dont l’interopérabilité peut être obtenue par l’adhésion aux normes techniques et opérationnelles de l’OTAN et, d’autre part, les conditions d’emploi des forces. Pour le NH90, il est indispensable de définir un cœur de prestations pour le MCO et de conserver une communauté de standard la plus élevée possible. Pour l’A400M, comme pour le NH90, une gestion communautaire de la configuration est indispensable pour ne pas reproduire les erreurs commises avec le Transall. Les versions allemandes et françaises de cet appareil pourtant conçu ensemble ne coïncident plus qu’à hauteur de 40 % aujourd’hui.

S’agissant des moyens d’aéromobilité des forces spéciales, à l’échelon européen, seules la France et le Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, l’Espagne disposent de moyens qui leur sont spécifiquement dédiés. De nombreux pays sont intéressés par des accords de partenariat avec le DAOS. Seuls les britanniques ont une typologie d’emploi opérationnel proche de celle du DAOS ; pour les autres demandeurs, le travail en commun apporte une connaissance mutuelle utile pour un engagement commun et permet aux forces de s’entraîner dans des espaces variés.

Le niveau de difficultés rencontrées dans le cadre de mutualisations avec des partenaires non européens est par nature plus important. Les participations aux exercices interalliés, les standardisations dans le cadre de l’OTAN, les déploiements sur des théâtres d’opérations communs, constituent autant de moyens de lisser ces obstacles vers toujours plus d’interopérabilité.

III. —  VERS DES SYSTÈMES DE GESTION INNOVANTE ?

A. LES EXTERNALISATIONS ET LES PARTENARIATS PUBLICS PRIVÉS

1. Les externalisations

La contrainte budgétaire conduit les armées à se recentrer sur leur cœur de métier qui s’articule autour de l’opérationnel et à confier les missions plus éloignées à des partenaires privés par exemple. Ce choix n’est nullement à remettre en cause, mais il doit définir avec précision et prudence le champ exact de l’opérationnel. L’externalisation engagée à Cognac doit à ce titre servir d’exemple car elle a trouvé un point d’équilibre pertinent entre les armées et les partenaires privés.

Depuis 2007, la base aérienne 709 de Cognac expérimente une externalisation de la maintenance et de la mise en œuvre des outils de formation de l’école de pilotage de l’armée de l’air (avions et entraîneurs au sol). Le prestataire de service s’est engagé à remettre au niveau des normes de navigation les 33 Epsilon, cette flotte devant être complétée par 18 Grob 120 et par trois entraîneurs de vol. La mise en place de cette externalisation s’est caractérisée par un dialogue compétitif permanent entre les armées et l’industriel jusqu’à la conclusion du contrat. Ces échanges ont permis d’une part de cerner au mieux les attentes des unités et d’autre part de transférer progressivement des compétences, en parfaite complémentarité.

Au-delà des avantages budgétaires d’une telle solution, une économie de l’ordre de 35 % par rapport au coût des mêmes services exercés par les armées ayant été réalisée, il convient de souligner la nouveauté et l’efficacité de cette logique coopérative. Elle permet aux armées de se recentrer sur leur cœur de métier tout en maintenant des capacités de formation de haut niveau avec des appareils modernes.

Toute nouvelle externalisation pourrait utilement s’inspirer de la procédure de dialogue mise en place à Cognac afin d’établir précisément le rôle de chaque partenaire pour éviter que l’externalisation soit présentée comme un retrait des armées ou comme un désaveu des unités en charge des activités confiées à un prestataire privé.

Cet exemple met également en avant les limites de l’externalisation : les activités à caractère opérationnel doivent être exercées par les militaires. À Cognac, seules les activités de soutien ont été confiées à un partenaire privé, les missions de formation des pilotes et de sécurité en vol continuant à être assurés par des moniteurs militaires.

2. Les partenariats public-privé (PPP)

a) L’exemple de l’école de Dax et la logique de partenariat

Rattachée à l’armée de terre, la base-école de Dax sert de pôle interministériel pour la délivrance du brevet de pilote d’hélicoptère selon les normes européennes (JAR/FCL2). Tous les pilotes d’hélicoptères y effectuent leur formation initiale, y compris pour les pilotes de la DDSC, charge ensuite à chaque service de spécialiser ses personnels. L’école accueille également des militaires étrangers à l’instar des pilotes de l’armée belge qui sont formés à Dax depuis 2006.

Le parc initial de 55 appareils a été progressivement réduit, la base-école ne dispose plus à ce jour que de 37 Gazelle arrivant en fin de vie. Pour maintenir les capacités de formation, des Gazelle SA 342 sont prélevées sur les forces, pesant nécessairement sur les capacités opérationnelles des armées. Pour remplacer le parc, un programme « nouvel hélicoptère école » (NHE) a d’abord été étudié dans les années 1990 mais une solution d’externalisation lui a finalement été préférée. Compte tenu de la complexité du projet, une procédure ordinaire de marché public ne pouvait être retenue. Une solution partenariale est apparue plus justifiée. L’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat a donné au projet un cadre juridique et financier.

Après les étapes de publication et de dialogue compétitif, le contrat de partenariat a été signé à la fin de l’année 2007. Il est centré sur l’achat par les armées d’heures de vol auprès d’un partenaire privé. Elles disposeront annuellement de 22 000 heures de vol et 28 appareils au quotidien, 35 hélicoptères pouvant être ponctuellement mobilisés. Les stages ne commenceront toutefois qu’en 2010, le prestataire disposant de deux années pour constituer sa flotte d’hélicoptères EC 120, modèle retenu pour assurer les formations.

Ce partenariat permettra aux armées de former les pilotes sur des appareils modernes et disponibles. Il évitera ainsi de prélever des appareils au sein des forces, dégradant encore leurs capacités opérationnelles, et libérera des personnels alors mobilisés de manière captive pour assurer l’entretien des appareils de l’école. En dehors de toute considération financière, ce système donnera donc plus de souplesse et d’efficacité aux armées et devrait renforcer la qualité de la formation actuellement limitée par la vétusté des appareils en service.

b) Vers une extension des PPP ?

À l’instar de l’école de Dax, d’autres missions, actuellement assurées par les armées et qui ne relèvent pas directement du cadre opérationnel, pourraient être prises en charge par des partenaires privés. Le Royaume-Uni a par exemple choisi d’externaliser sa flotte de ravitailleurs multi-rôles au travers d’un contrat de partenariat d’une durée prévue de 27 ans. Les appareils restent dans le parc de l’industriel et les armées les mobilisent seulement en cas de besoin. Pour les missions à caractère civil, aucune modification n’est apportée. En revanche pour une mission militaire, l’appareil entre dans le parc militaire et sort définitivement du champ de responsabilité de l’industriel. Les armées ne prennent donc à leur charge que les appareils ayant assuré au moins une mission à caractère exclusivement militaire. Ce partage permet d’alléger les fonctions de soutien des armées et responsabilise les industriels qui doivent créer leur propre chaîne logistique. Il n’en reste pas moins que « l’effet cliquet » du dispositif peut nuire à son efficacité et conduire in fine à reproduire l’organisation actuelle, les armées finissant par assurer l’entretien et la maintenance de tous les appareils. En outre, une analyse financière précise doit déterminer si le partenariat permet effectivement de modérer les coûts de maintenance.

B. UNE NOUVELLE GESTION DE FIN DE VIE DES MATÉRIELS

Les aéronefs actuellement en service se caractérisent par leur degré avancé d’obsolescence et par la perte constante de leurs capacités opérationnelles. Les difficultés d’entretien sont de plus en plus importantes, certaines pièces ne pouvant même plus être remplacées faute d’industriel en mesure de les produire. L’exemple du Transall est significatif : seul le service industriel aéronautique (SIAé) peut assurer l’entretien de ses cellules, c'est-à-dire de sa carrosserie ou de ses structures de base, tous les industriels se concentrant désormais sur des équipements plus récents. À l’inverse, le C-130 Hercules est majoritairement entretenu par les industriels, la taille du parc mondial nécessitant de maintenir une compétence industrielle pour le constructeur. La préservation de capacités techniques nationales pour le Transall est certes profitable mais elle empêche toute rationalisation budgétaire, l’entretien correspondant plus à une gestion individualisée des appareils qu’à une maintenance industrielle. Même si cette politique a permis d’allonger la durée de vie des Transall, elle a de lourdes conséquences financières et ne doit en aucun cas être étendue à d’autres types d’appareils.

Le fait d’assurer en interne la maintenance d’appareils vieillissants permet toutefois d’optimiser leur fin de vie : les armées ont actuellement choisi d’utiliser au maximum les capacités des appareils avant de les remplacer par de nouvelles générations. La maximisation de l’utilisation est pourtant risquée car en cas de retard des aéronefs de remplacement, elle impose de procéder en urgence à des travaux de maintenance lourds, non programmés et nécessairement coûteux.

Les coûts de fonctionnement des appareils sont particulièrement élevés en début et en fin de vie, suivant une évolution en forme de « U ». Les armées évaluent actuellement à 9 800 euros l’heure de vol d’un C160 (Transall) et à 17 350 euros l’heure de vol d’un ravitailleur C135. Les coûts ne devraient pas immédiatement diminuer avec l’entrée en service des nouveaux matériels, le coût de l’heure de vol d’un A400M étant estimé entre 10 000 et 12 000 euros. De même, l’heure du vol du Puma revient actuellement à 7 300 euros et celle du NH 90 devrait coûter 7 000 euros. L’entrée en service du Tigre a conduit à constater une hausse très importante des coûts de fonctionnement : l’heure de vol passe de 600 euros environ pour une Gazelle à plus de 7 000 euros pour un Tigre, l’écart s’expliquant essentiellement par le saut technologique entre les deux générations qui impose des opérations de maintenance plus complexes et plus fréquentes. Le renouvellement des parcs ne devrait donc pas permettre de réduire, dans un premier temps, les dépenses de maintien en condition opérationnelle même si une fois les chaînes de soutien parfaitement intégrées et lorsque ces équipements seront en nombre suffisant dans les forces, leur coût d’entretien devrait significativement diminuer.

L’évolution des coûts d’entretien suivant un schéma similaire pour tous les équipements, une réflexion devrait être engagée sur la date de remplacement : les armées pourraient remplacer leurs équipements avant qu’ils ne soient trop âgés, limitant ainsi leurs coûts d’entretien et alimentant le marché de l’occasion. Les appareils retirés progressivement du service seraient alors remplacés par une nouvelle génération. Les parcs seraient ainsi constamment renouvelés, évitant les changements brutaux auxquels les armées sont aujourd’hui confrontées et qui concernent tous les équipement au même moment. Cela permettrait également de lisser les coûts et de maintenir un effort constant en matière de recherche, de développement et de production.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le présent rapport d’information au cours de sa réunion du mercredi 30 janvier 2008.

Un débat a suivi l’exposé des rapporteurs.

Le président Guy Teissier a jugé le contenu du rapport particulièrement préoccupant, notamment pour les Puma dont la rénovation n’est ni prévue, ni budgétée. Le décalage des livraisons de NH 90 est également problématique, alors même que cette question avait déjà été évoquée en 2002 avec le précédent ministre de la défense.

Il s’est ensuite interrogé sur la priorité donnée aux programmes de cohérence opérationnelle, qui permettent notamment d’assurer la communication entre les aéronefs et sur les difficultés juridiques et financières que pourrait poser la mise à disposition d’heures de vol par un prestataire privé.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur, a indiqué que le programme « SATURN » a été lancé en 2002 afin d’assurer la communication entre les aéronefs. Cependant, faute de crédits, ce dispositif n’a été installé que sur un nombre réduit d’hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT). En la matière, ce ne sont pas les moyens techniques qui font défaut, mais bien les moyens budgétaires. Il a par ailleurs rappelé que les « petits » programmes de cohérence opérationnelle conditionnent la capacité et la sécurité des forces.

Il a ensuite estimé qu’au vu de l’urgence de la situation actuelle, le recours à des partenariats public-privé ne pouvait systématiquement être écarté. Cette solution doit néanmoins être envisagée avec précaution, tant pour des raisons juridiques que pour des raisons de réversibilité, et doit s’accompagner d’un dialogue compétitif afin que personne ne soit perdant, ni la défense, ni les industriels.

Ne souhaitant pas de solutions trop systématiques, M. Alain Marty, rapporteur, a fait valoir que si les appareils déployés en opérations doivent bien évidemment demeurer sous contrôle militaire, on peut s’interroger sur la propriété publique des MRTT. Pour ce qui est des avions de transport, le besoin est aujourd’hui évalué à 50 A400M complétés par 14 à 17 MRTT selon le modèle retenu. Il convient de trouver la meilleure solution juridique et financière possible pour répondre rapidement à cette nécessité, des contrats de mise à disposition pouvant permettre d’alléger la contrainte financière.

Le président Guy Tessier a alors suggéré une solution mixte pour les MRTT, l’armée acquerrant les appareils indispensables à son activité et ayant recours à un complément privé en fonction de ses besoins opérationnels. Cela permettrait d’éviter des immobilisations coûteuses et non justifiées par un besoin continu.

M. Alain Marty, rapporteur, a adhéré à cette solution, en rappelant qu’un dispositif de ce type existe pour les transports lourds, avec les contrats SALIS et ATARES qui permettent de disposer d’un droit de tirage pour des heures de vol de gros porteurs.

Évoquant les débats sur le coût de MCO des avions Crusader, M. Michel Voisin a rappelé que les carences capacitaires en matière d’aéromobilité ne sont pas nouvelles. Il a ensuite souligné que la gestion d’un parc d’équipements, quels qu’ils soient, doit, en bonne logique comptable, intégrer son coût d’amortissement, ce qui semble avoir fait défaut en l’espèce.

M. Alain Marty, rapporteur, a estimé qu’une telle gestion de parc serait inacceptable dans une entreprise privée et aurait très certainement été sanctionnée.

M. Jean Michel a regretté que ces problèmes aient été dissimulés pendant des années, faisant aujourd’hui apparaître une crise d’une ampleur insoupçonnée. Les commandes n’ont pas été passées suffisamment tôt, notamment pour les NH 90, ce qui conduit à un déficit capacitaire impossible à combler. De même, pour l’A400M, de nouveaux retards semblent se profiler, alors que les Transall sont à bout de souffle depuis dix ans et que la sécurité des troupes n’est plus assurée de façon satisfaisante.

Il a fait valoir que les difficultés rencontrées pour disposer des matériels nécessaires en opérations extérieures, comme au Tchad ou en Afghanistan, placent de facto la France dans une situation de dépendance à l’égard des États-unis. La diplomatie et la situation de notre pays dans le monde s’en trouvent pénalisées. Il est très regrettable que la France ne fasse plus l’effort nécessaire pour disposer d’une défense digne de ce nom et qu’il n’existe plus de volonté politique en la matière, quel que soit le gouvernement. Pourtant, chaque fois que notre pays a eu la volonté de réaliser les investissements nécessaires à sa défense, cela a été bénéfique à la nation toute entière.

Le président Guy Tessier a rappelé que, dès 2002, la commission avait insisté sur l’importance du programme NH 90.

M. Alain Marty, rapporteur, a relativisé la comparaison avec des acteurs du secteur privé, les armées ayant dû renouveler l’ensemble de leurs parcs au même moment. Tous les domaines sont concernés, qu’il s’agisse des avions Rafale ou des chars Leclerc dont l’utilité au regard du contexte actuel des conflits peut faire débat. L’aéromobilité constituant un élément indispensable à la conduite des OPEX, tout déficit capacitaire poserait nécessairement la question de la présence française sur certains théâtres d’opérations extérieures et pourrait conduire la France à réduire sa présence internationale. La dernière loi de programmation militaire a été globalement respectée, même si des efforts d’investissement restent encore à faire dans certains domaines. Un outil de défense complet et suffisamment équipé garantit la place de la France dans le monde. La commission de la défense peut jouer un rôle dans la nécessaire prise en compte par nos concitoyens du coût qu’il implique.

M. Jacques Lamblin s’est déclaré effaré des coûts de MCO évoqués par les rapporteurs et observé que l’utilisation de matériels au-delà de l’usure se révèle toujours plus coûteuse qu’un renouvellement programmé et étalé. Aujourd’hui beaucoup de matériels doivent être remplacés au même moment. Dans un contexte budgétaire dégradé, il faut soit privilégier certains équipements au détriment des autres, soit étaler le renouvellement de chaque matériel. Se pose également la question du financement pour lequel diverses pistes peuvent être envisagées telles le partenariat public-privé ou le leasing par exemple. Toutes ces solutions doivent faire l’objet d’une réflexion sans tabou. En tout état de cause, les dépenses actuellement engagées pèsent sur le budget de la défense pour un résultat peu convainquant, avec des conséquences négatives sur les cahiers des charges des industriels.

Le président Guy Teissier a tempéré cette dernière assertion en considérant que les industriels ne font pas état de difficultés à remplir leurs carnets de commande.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur, a précisé que la réforme en cours de normes comptables de l’État devrait permettre d’intégrer l’amortissement dans les budgets de tous les ministères. En matière d’aéromobilité, le tableau ne doit pas être noirci à l’excès et l’on peut saluer des initiatives telles le GIH, la SIAÉ ou le centre multimodal de transport. Il a précisé que les 463 millions d’euros de MCO ne concernent que les Transall, les ravitailleurs C 135 et les Puma. Le coût d’entretien annuel des ravitailleurs apparaît aujourd’hui égal à celui d’un appareil neuf. Le Tigre et le NH 90 sont complémentaires sur le terrain, comme le sont le Leclerc, le VBCI et le Tigre. Mettant en garde contre toute tentation de favoriser un programme plus qu’un autre, il a souhaité que la commission de la défense rejette l’approche strictement comptable de ces questions qui ne pourrait que conduire à aggraver les difficultés actuelles.

Reprenant ces propos, Mme Patricia Adam a considéré que la commission de la défense se devait, alors qu’elle est représentée au sein de la commission pour le Livre blanc, d’être informée en amont des travaux de la révision générale des politiques publiques (RGPP), afin d’éviter que les questions de défense ne soient traitées sous le seul angle comptable au détriment de l’opérationnel. Évoquant la lettre adressée par le chef d’état-major de l’armée de terre au chef d’état-major des armées, elle a estimé que l’état de déshérence de certains matériels mettait en danger la vie des hommes. Elle a enfin souhaité revenir sur l’articulation entre le secteur civil et le secteur militaire dans le domaine de la sécurité.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur, a fait état des réticences du directeur de la défense et de la sécurité civiles à voir les gendarmes assurer des missions de la sécurité civile notamment en haute montagne. Ce cloisonnement apparaît inadapté d’autant que les moyens sont clairement complémentaires. Par ailleurs, certaines missions nécessitent la présence d’officiers de police judiciaire, justifiant encore la participation des gendarmes. De même, pour les interventions dites « Go fast », de poursuite de voitures rapides en effraction, le recours à l’hélicoptère est indispensable, faute de véhicules adaptés. On peut aussi regretter que la RGPP semble condamner la création de bases aériennes pour la gendarmerie alors que ces ouvertures, qui améliorent le maillage territorial et qui se font avec un nombre constant d’appareils, répondent à de véritables nécessités opérationnelles.

Le président Guy Teissier a approuvé ces propos en considérant qu’il était contre-productif de dupliquer l’existant et qu’il convenait, au contraire, de mutualiser les moyens.

M. Michel Voisin a vivement regretté l’attitude du secours civil à l’endroit de la gendarmerie alors que les gendarmes sont des professionnels unanimement reconnus pour le sauvetage en montagne.

M. Francis Hillmeyer a observé que l’existence de 23 versions différentes de NH 90 risque de peser sur le coût d’exploitation comme ce fut le cas avec les chars Leclerc. Les exigences d’emploi ne justifient pourtant pas l’existence de ces nombreuses variantes.

Rappelant que la France et l’Allemagne s’étaient initialement équipées de Transall identiques, M. Alain Marty, rapporteur, a observé que les flottes des deux pays ont divergé du fait des différences d’emploi au point qu’aujourd’hui la France ne peut pas utiliser les appareils allemands. Cet exemple montre l’importance de la mutualisation, y compris pour l’entretien et l’évolution des matériels. Le nombre de versions comme celui des modes d’emploi doit être limité au maximum.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur, a remarqué que la convergence des besoins relève de la compétence de l’agence européenne de défense. Pour dépasser les limites actuelles, la construction de l’Europe de la défense doit donc être poursuivie.

Il a relevé que les problèmes rencontrés dans certains programmes résultent de l’organisation industrielle voulue par les États qui ont souhaité associer des entreprises aux cultures ou aux compétences parfois incompatibles.

Évoquant les différents volumes de cellule des NH 90, il a considéré que les convergences de besoin doivent être examinées dès le lancement des projets. Il appartient ensuite de limiter les dérives des programmes en responsabilisant davantage les différents acteurs.

M. Christian Ménard s’est interrogé sur les possibilités d’externalisation et sur leurs limites.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur, s’est félicité du dialogue compétitif engagé entre l’armée de l’air, la DGA et l’industriel pour la remise aux normes des avions Epsilon, la fourniture d’heures de vol sur Grob et la mise à disposition de simulateurs de vol sur la base de Cognac. La procédure est apparue performante et sans incidence sur les délais d’obtention des prestations. La formation des pilotes et la sécurité des vols restent du ressort des militaires. L’exemple de cette base école n’est peut-être pas systématiquement transposable mais le principe du dialogue compétitif doit être repris et considéré comme une des solutions aux difficultés de l’aéromobilité.

M. Michel Sordi a signalé qu’en 2007, les forces aériennes de gendarmerie ont effectué plus de 306 interventions par appareil et que le maillage territorial de ces unités leur permet d’atteindre tout point du territoire en moins de 30 minutes de vol.

M. Michel Voisin s’est interrogé sur l’opportunité de publier le rapport d’information qu’il a jugé alarmiste et qui participerait à un certain défaitisme ambiant.

Le président Guy Teissier a observé qu’il relève de la responsabilité du Parlement de faire état de la situation réelle, même si elle apparaît difficile.

Mme Patricia Adam a souligné que le rapport constitue une base de travail très utile et qu’il alimente les réflexions en cours. Quoi qu’il en soit, il est urgent de renforcer les moyens de l’armée de terre, et en particulier ceux de l’ALAT.

M. Dominique Caillaud a suggéré que la commission entende de nouveau le chef d’état-major de l’armée de terre pour faire le point sur les difficultés de son armée.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur, a estimé qu’il appartient aux parlementaires, plutôt qu’aux militaires, de soulever certaines difficultés. Le fait que ces derniers s’expriment, montre que le point de rupture est atteint. Il a considéré que la publication du rapport sera politiquement utile et devrait permettre de faire émerger des solutions pour sortir de la crise.

La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES

AUDITIONS EFFECTUÉES À PARIS 

o M. François Lureau, délégué général pour l’armement ;

o Le général Elrick Irastorza, major général armée de terre, accompagné du colonel Michel Nicolaï ;

o Le général Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées, accompagné du vice-amiral d’escadre Christian Pénillard, du colonel Philippe Boussard et du colonel Olivier de la Motte,

o Le général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale ;

o Le général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air, accompagné du colonel Guy Gauthier et du colonel Frédéric Parisot ;

o L’amiral Alain Oudot de Dainville, chef d’état-major de la marine nationale, accompagné du capitaine de vaisseau Olivier Beauchesne, du capitaine de vaisseau Bertrand Mopin et du capitaine de frégate Jérôme Puech ;

o M. Georges Ladevèze, conseiller pour l’armée de terre du groupe EADS ;

o M. Henri Masse, directeur de la défense et de la sécurité civiles, accompagné de M. Charles Giusti, chef du groupement des moyens aériens ;

o Le vice-amiral Jean-Pierre Teule, commandant le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) ainsi que le colonel Claude Tafani, chef de la conduite des opérations du CPCO, accompagné du lieutenant-colonel Lucien Salva ;

o Le général Jean-Jacques Verhaeghe, directeur du SIMMAD, accompagné du lieutenant-colonel Michel Gaounach et du lieutenant-colonel Serge Kluhs ;

o L’ingénieur général Christian Chabbert, directeur du SIAé ;

o M. Fabrice Brégier, directeur général d’Airbus ;

VISITES D’UNITÉS ET DÉPLACEMENTS

• Base aérienne de Villacoublay

o Le colonel Benoît Coq, commandant la base aérienne 107 ;

o Le colonel Dominique Clavier, commandant le centre multimodal de transports (CMT) accompagné du lieutenant-colonel Gilles Ducatillon, commandant adjoint, du lieutenant-colonel Éric Marceau et du commandant (R) Jean-Claude Lamaison ;

o Le colonel Jean-Thierry Daumont, commandant le groupement des forces aériennes de la gendarmerie nationale, accompagné du colonel Didier Bossard, commandant en second, et du colonel Éric Polaillon, chef du bureau des formations et moyens spécialisés de la direction générale de la gendarmerie ;

o Le général Jean-Claude Allard, commandant l’aviation légère de l’armée de terre ;

• Usine Eurocopter de Marignane

o M. Dominique Maudet, directeur exécutif des programmes gouvernementaux ;

o M. Philippe Bottrie, directeur des relations institutionnelles ;

o M. Alain Rolland, directeur du programme NH90 ;

o M. Jacques Sauvel, directeur chargé des offres gouvernementales ;

o M. Alexandre Dupuy, directeur des affaires gouvernementales (France) ;

o M. Michel Lombardo, directeur des chaînes d’assemblage et des prototypes ;

o M. Laurent Melloul, responsable du centre de compétence des ensembles mécaniques ;

• Usine Airbus de Toulouse

o M. Jacques Rocca, directeur de la communication d’Airbus France ;

o M. Alain Cassier, ingénieur en chef du programme A400M ;

o M. François Winterhalter, responsable du soutien A400M pour la France chez Airbus Military ;

o M. Jean-Pierre Cornand, directeur du programme MRTT ;

• 5e régiment d’hélicoptères de Pau

o Le colonel Gilles Darricau, chef de corps ;

• DAOS

o Le colonel Yann Pertuisel, chef d’état-major du COMALAT ;

o Le colonel Pierre Dautrey, chef de corps du DAOS ;

• SAG de Tarbes

o Le lieutenant-colonel Patrice Bar, commandant le groupe des formations aériennes de la gendarmerie Sud-Ouest accompagné du capitaine David Girodet, commandant la section aérienne de gendarmerie de Toulouse, du lieutenant Jacques Hein, commandant le détachement aérien de la gendarmerie de Tarbes et de l’adjudant-chef Hervé Loonis, chef de piste du détachement aérien de Tarbes.

1 () Les violences urbaines de novembre 2005 ont été l'occasion de proposer dans l'urgence à la police nationale les capacités d'observation d'analyse et d'intervention de la flotte gendarmerie. Dans le prolongement de cette expérience, un protocole d'accord entre la direction générale de la gendarmerie nationale et la direction générale de la police nationale (DGPN) a été signé afin de mettre annuellement à disposition de la police nationale pour ses besoins opérationnels 300 heures de vol. Ce quota pourrait être augmenté si la DGPN en exprime le besoin.

2 () Le protocole Héphaïstos définit les conditions de coopération entre les forces armées et la sécurité civile en matière de lutte contre les feux de forêt.

3 () Article 2 du décret n° 66-149 du 16 mars 1966 relatif au commandement de l’aviation légère de l’armée de terre.

4 () Les moyens aériens de la gendarmerie compteront alors :

- 15 EC 145, appareils de sauvetage et d’intervention remplaçant les Alouette III. 8 sont déjà déployés et les derniers devraient normalement être livrés avant l’été 2008,

- 37 EC 135, hélicoptères de surveillance et d’intervention remplaçant les Écureuil ; le marché pour l’achat des 12 premiers a été notifié pour une livraison en 2009 ; l’affermissement de la tranche conditionnelle des 25 suivants devra être réalisé en 2009 pour que les délais soient respectés.

5 () À titre d’exemple, alors qu’au sein de l’armée de terre, la moyenne est de 4 mois d’OPEX sur 16 mois d’activité, elle est quasiment doublée pour les équipages des hélicoptères de manœuvre du 5e RHC.

6 () La maintenance de 1er et de 2e niveau concerne l’utilisation quotidienne des appareils incluant des réparations limitées. Certaines opérations légères de prévention peuvent également être réalisées à ce niveau. Le 3e niveau correspond à des opérations lourdes (rénovation complète) impliquant un démontage des appareils.

7 () Dans les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion, l'importation de marchandises et les livraisons de biens, faites à titre onéreux, par des personnes qui y exercent des activités de production, sont soumises à une taxe dénommée octroi de mer, les taux étant fixés par les conseils régionaux.

8 () Organisme à vocation interarmées (OVIA), le CMT, assure une partie de la coordination interarmées des transports et des transits. Sa compétence est appelée à s’étendre.

9 () France, Royaume-Uni, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie, Espagne, Danemark, Norvège et Suède.

10 () Il a été signé entre l’entrepreneur RUSLAN et la NATO Maintenance and Supply Agency (NAMSA) au nom des 17 nations participantes.

11 () Données constructeur.

12 () MORPHEE : Module de réanimation pour patients à haute élongation d'évacuation. Mis en oeuvre en 2005, le dispositif complète la gamme des vecteurs de transport sanitaire aérien stratégique utilisés dans le cadre du soutien santé des forces armées françaises déployées à distance du territoire métropolitain et offre à l'autorité gouvernementale un moyen d’évacuation médicalisée de haut niveau utilisable au bénéfice de victimes à l’étranger d’événements de grande ampleur.

13 () Le Royaume-Uni s’est engagé sur 27 ans pour 14 appareils dont neuf seront dans les forces et cinq resteront au sein des compagnies avec un statut d’appelables. Cette solution comporte un effet cliquet potentiel : il est peu vraisemblable qu’un avion versé dans les armées retourne en compagnie.

14 () En 1992, à la création du commandement des opérations spéciales (COS), un droit de tirage sur 3 appareils d’une escadrille de l’ALAT est accordé aux forces spéciales. En 1993, une escadrille d’hélicoptères de manoeuvre Puma puis Puma et Cougar est dédiée à ces opérations. En 1997, le DAOS est composé d’une escadrille d’hélicoptères de manoeuvre, une escadrille d’hélicoptères d’attaque Gazelle et d’un état major tactique ; il constitue une formation à part entière de l’armée de terre dédiée aux forces spéciales et commandée par un officier supérieur de l’ALAT.


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