N° 688 - Rapport d'information de M. Serge Grouard et Mme Odile Saugues déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission de la défense nationale et des forces armées sur les enjeux stratégiques et industriels du secteur spatial



N° 688

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 février 2008

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

sur les enjeux stratégiques et industriels du secteur spatial

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Serge GROUARD et Mme Odile SAUGUES

Députés.

——

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

I. —  LA CROISSANCE CONSIDÉRABLE DES ACTIVITÉS SPATIALES

MILITAIRES À L’ÉCHELLE MONDIALE 7

A. DES ACTEURS PLUS NOMBREUX, ANIMÉS PAR UNE FORTE VOLONTÉ 7

1. Le retour de la Russie ? 7

2. Deux nouvelles puissances spatiales : l’Inde et la Chine 9

B. LA DOMINATION AMÉRICAINE 11

1. Une suprématie incontestable 12

2. Une place centrale dans l’outil de défense américain,

induisant une vulnérabilité nouvelle 13

C. LES RISQUES D’UNE ARSENALISATION DE L’ESPACE 14

1. Les limites toutes relatives des normes juridiques internationales 15

2. Des menaces avérées 16

II. —  L’EUROPE EN PANNE D’AMBITION 19

A. DES CAPACITÉS RÉELLES DANS CERTAINS DOMAINES 19

1. Un outil spatial de défense couvrant essentiellement

l’observation de la Terre et les télécommunications 19

2. Un nombre réduit d’États disposant des capacités industrielles

et technologiques nécessaires 23

B. UN BESOIN DÉSORMAIS RECONNU MAIS INSUFFISAMMENT PRIS EN COMPTE 26

1. Un diagnostic clairement établi et largement partagé 26

2. Des obstacles nombreux 28

III. —  LA HIÉRARCHIE DES URGENCES 33

A. AVANT TOUT, GARANTIR LE RENOUVELLEMENT DES OUTILS ACTUELS 33

1. Préparer la prochaine génération des télécommunications militaires 33

2. Mettre en service le successeur d’Hélios II à temps 34

B. NE PAS RENONCER AU DÉPLOIEMENT DE CAPACITÉS

NOUVELLES PROMETTEUSES 37

1. Combler progressivement les lacunes technologiques

en matière d’alerte avancée 37

2. Le renseignement d’origine électromagnétique :

passer des démonstrateurs technologiques à un véritable programme 37

3. Organiser l’autonomie européenne dans le domaine

de la surveillance de l’espace 39

C. UNE AMBITION PLUS QUE RAISONNABLE 42

1. Adapter les structures de commandement à l’enjeu que constitue l’espace 42

2. Un cas unique en matière d’armements : la baisse des coûts 43

CONCLUSION 45

EXAMEN EN COMMISSION 47

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 51

INTRODUCTION

Le constat de l’utilité croissante de l’espace pour des applications de défense a été maintes fois établi. Tout aussi nombreux ont été les travaux parlementaires mettant l’accent sur les risques que fait peser une forme d’austérité budgétaire sur nos capacités spatiales de défense et sur les industries de haute technologie qui les soutiennent. Ainsi, par-delà les clivages politiques, les rapporteurs pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées chargés du budget de l’espace ont attiré l’attention sur la nécessité d’un effort constant dans ce domaine. De manière plus large, l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a dressé en 2007 un constat sans concession de la crise que traverse actuellement le secteur spatial européen (1).

Dans le domaine de la défense, l’évolution de plus en plus perceptible vers une arsenalisation de l’espace mérite d’être soulignée. La rapidité de ce processus ainsi que la saisissante progression technologique de nouveaux acteurs émergents contrastent avec les lenteurs d’une Europe peinant à couvrir le spectre de ses besoins. Si elle doit davantage s’unir au travers de programmes communs pour peser sur la scène mondiale, ceux-ci ont parfois pour effet en retour de souligner les divergences d’intérêts industriels nationaux et de toujours retarder les décisions.

Les défis à relever sont considérables, mais la conscience des enjeux semble encore trop insuffisamment partagée. Il est vrai que le contexte financier se prête mal au lancement d’initiatives souvent jugées trop hâtivement dispendieuses. Aussi est-il est apparu nécessaire à la commission de la défense de se pencher plus en détail sur ces questions, tout particulièrement dans le contexte actuel de réflexion sur l’avenir de notre outil de défense et de préparation de la prochaine loi de programmation militaire.

I. —  LA CROISSANCE CONSIDÉRABLE DES ACTIVITÉS SPATIALES MILITAIRES À L’ÉCHELLE MONDIALE

En moins de dix ans, le paysage spatial mondial a été profondément transformé. Davantage d’États entendent désormais y jouer un véritable rôle, tant pour des raisons économiques et industrielles que stratégiques. De ce dernier point de vue, la signification même des activités spatiales est en train de changer. L’utilisation croissante des apports spatiaux pour les opérations militaires tend à faire prévaloir dans ce milieu, jusqu’ici relativement préservé, des logiques d’équilibre des puissances, voire à l’avenir d’affrontements.

A. DES ACTEURS PLUS NOMBREUX, ANIMÉS PAR UNE FORTE VOLONTÉ

L’espace est de moins en moins la chasse gardée de quelques puissances. Nombre d’États affichent désormais des ambitions spatiales, non seulement en tant qu’utilisateurs, mais aussi en développant les capacités technologiques nécessaires à leur indépendance. En cela, les modifications rapides que connaît le paysage spatial reflètent largement les évolutions du contexte stratégique, avec l’arrivée d’acteurs émergents de plus en plus audacieux et la remise à niveau de la Russie, ancienne deuxième grande puissance spatiale. Tous inscrivent leurs activités spatiales dans une stratégie de pouvoir clairement assumée.

1. Le retour de la Russie ?

À la veille de son effondrement, l’URSS disposait d’un puissant capital spatial, la plaçant immédiatement après les États-Unis. La dislocation de l’empire soviétique s’est tout d’abord traduite par la perte du contrôle direct sur le cosmodrome de Baïkonour, situé au Kazakhstan, tandis que près d’un quart des entreprises appartenant au secteur spatial se retrouvaient hors du territoire russe, tout particulièrement en Ukraine. Le début des années 1990 a été marqué en outre par une chute considérable des dotations budgétaires, avec une division par 18 entre 1991 et 2000 (2), les crédits restants étant largement consacrés aux vols habités. Il n’est pas exagéré de dire que pendant dix ans le secteur spatial russe a été pratiquement à l’arrêt.

Le rétablissement des finances publiques russes grâce à l’augmentation des cours des hydrocarbures a permis un infléchissement très net à partir du milieu des années 2000. Comme l’a indiqué le président Vladimir Poutine lors d’un discours prononcé le 12 avril 2004, « le déploiement aussi large que possible et l’approfondissement de notre activité dans l’espace sont notre priorité stratégique. Il est évident que ce n’est qu’à cette condition que la Russie peut prétendre à des positions internationales majeures » (3). Cette volonté politique s’est traduite par un redressement du budget spatial fédéral, qui a pratiquement doublé depuis 2004, comme en témoigne le tableau ci-après.

Budget de l’agence spatiale russe de 2004 à 2007

 

2004

2005

2006

2007 (1)

Budget spatial estimé
en milliards de roubles

13

18

23

25

Équivalence en millions d’euros

374

518

663

705

(1) Entre 2006 et 2015, le programme spatial fédéral table sur une augmentation de 6 % par an du budget spatial.

Source : ministère de la défense.

Le programme spatial fédéral 2006-2015 prévoit une progression continue des moyens. Une somme de 305 milliards de roubles devrait être dégagée à son profit sur l’ensemble de la période, pouvant être complétée éventuellement par 130 milliards de roubles provenant de fonds extrabudgétaires. Au total, ce sont 12,5 milliards d’euros qui devraient bénéficier à l’ensemble du secteur spatial au cours de cette programmation, soit une moyenne annuelle plus de trois fois supérieure aux crédits disponibles en 2004. Pour conserver une échelle de comparaison, on notera toutefois que l’ensemble des crédits ainsi prévus sur dix ans n’atteint pas le montant annuel des crédits alloués chaque année à la NASA.

Sur le plan institutionnel, la réforme de la tutelle administrative du secteur s’est traduite par la création en 2002 d’une agence spatiale fédérale, elle-même placée à partir de 2006 sous l’autorité de la nouvelle commission militaro-industrielle (VPK), dont la mission est de superviser l’ensemble des agences et ministères intervenant dans le secteur de l’armement ou dual. La restructuration du secteur industriel spatial est toutefois encore loin d’être achevée, la stratégie de l’État étant d’amener la création d’ici à 2015 de trois ou quatre grands ensembles regroupant l’essentiel des compétences, afin d’en améliorer une compétitivité pour l’instant faible et de combler les retards technologiques dans certains domaines clés (télécommunications, observation optique et radar).

S’agissant des projets proprement dits, le programme spatial fédéral précité fixe pour l’ensemble de son parc à l’horizon 2015 une cible de 70 satellites actifs. Un effort particulier est réalisé pour la modernisation du cosmodrome de Plessetsk et pour les lanceurs en général, domaine d’excellence traditionnel de la Russie, pour conserver l’autonomie de l’accès à l’espace.

Cette stratégie vise également à moderniser le système de positionnement par satellites Glonass. Développé au cours des années 1980, celui-ci était le seul concurrent du GPS américain jusqu’au milieu des années 1990, date à partir de laquelle le nombre de satellites opérationnels a été progressivement ramené à seulement six. À partir de 2005, le rétablissement et la modernisation du système ont été déclarés prioritaires, ce qui s’est traduit par une accélération du lancement de satellites. Dotée de 18 satellites à la fin de 2007, la constellation devrait atteindre les 24 engins à la fin de 2009, ce qui permettra d’assurer une couverture mondiale. Glonass reste avant tout un programme civil, mais dont l’intérêt militaire est évident puisqu’il permet de s’affranchir du GPS américain.

Les lacunes restent toutefois importantes dans le domaine de la défense et les effets de la baisse des financements après la fin de la guerre froide sont encore sensibles. Si les télécommunications gouvernementales sont assurées par une quarantaine de satellites, la capacité d’alerte avancée a désormais atteint le seuil minimum requis pour la surveillance des États-Unis. En matière d’écoutes électronique et de surveillance, des moyens restent disponibles, mais à un niveau très bas. Enfin, la capacité d’imagerie est extrêmement limitée et repose sur des technologies anciennes (satellites à courte durée de vie et prises de vue argentiques). Aucun projet de nouveau satellite de reconnaissance militaire n’est connu.

De fait, la Russie n’est certainement pas à la poursuite de la parité avec les États-Unis. Ses ambitions somme toute mesurées dans le secteur spatial militaire sont directement liées à ses préoccupations stratégiques, c’est-à-dire la garantie des communications pour ses forces et leur fonctionnement interarmées, ainsi que la crédibilité de sa dissuasion nucléaire.

2. Deux nouvelles puissances spatiales : l’Inde et la Chine

• Le programme spatial indien a débuté dès 1962 mais n’a véritablement pris son essor qu’avec la création en 1969 de l’agence spatiale indienne (Indian Space Research Organization, ISRO). L’ambition de l’Inde se mesure à la forte progression de son budget spatial, qui est passé de 384 millions d’euros en 2000-2001 à 675 millions d’euros pour l’exercice 2006-2007, soit une progression de 76 %. Il convient en outre de souligner que si ces budgets restent modestes en valeur absolue par comparaison avec l’Europe ou le Japon (4), il faut prendre en compte le fait que les coûts de production nettement moindres confèrent à l’ISRO un « pouvoir d’achat » considérable, lui permettant de mener des activités dans de nombreux domaines.

L’axe principal de la politique spatiale indienne consiste dans l’accès indépendant à l’espace. Pour cela, l’Inde a développé une gamme de lanceurs légers PSLV (Polar Satellite Launch Vehicle), destinés à des charges d’une tonne en orbite basse. Elle développe désormais un lanceur plus puissant GSLV (Geosynchronous Satellite Launch Vehicle), capable de placer un satellite de 2,5 tonnes en orbite géostationnaire et prévoit pour 2008 le premier lancement d’une version améliorée (GSLV-MkIII) pouvant envoyer une charge de 4 tonnes en orbite de transfert géostationnaire.

L’Inde a en outre mis en œuvre une politique de développement de satellites dans de nombreux domaines, dont principalement les télécommunications mais aussi la météorologie et la science.

En ce qui concerne les activités susceptibles d’avoir un rôle militaire, il convient de souligner l’expérience acquise en matière d’observation de la Terre, au travers du programme Indian Remote Sensing Satellite (IRS), avec six satellites en orbite actuellement. Lancé en 2005, CARTOSAT-1 a une résolution de 2,5 mètres. Parmi les propositions du onzième programme quinquennal de l’ISRO, couvrant la période 2007-2012, figure le développement d’un satellite CARTOSAT-3 de très haute résolution (30 cm), parfaitement adapté à un usage de renseignement militaire.

• Parmi les nouveaux acteurs sur la scène spatiale, la Chine occupe une place singulière par l’ampleur de ses programmes et par l’importance symbolique qui leur est accordée pour l’affirmation de la puissance du pays.

Le programme militaire chinois reste d’ailleurs très largement sous la tutelle de la défense, même si depuis 1998 les activités civiles et les lanceurs ont été séparés des activités militaires, contrôlées par la commission des sciences, technologies et industries pour la défense nationale (COSTIND). Le secteur civil est désormais placé sous la tutelle de l’agence spatiale chinoise (China National Space Agency, CNSA), laquelle supervise les activités de plusieurs entités industrielles et de recherche, dont la CASC (China Aerospace Corporation). Pour donner une idée de l’ampleur du programme spatial chinois, on relèvera que ce dernier organisme emploie pas moins de 130 000 personnes. Le budget consacré par la Chine à l’espace représenterait deux milliards d’euros en 2007-2008, contre 1,5 milliard d’euros en 2003-2004. Il s’agit cependant d’une simple estimation car il est très difficile d’obtenir des données chiffrées fiables sur les sommes affectées à l’espace, phénomène d’ailleurs également constaté de manière plus générale s’agissant des dépenses militaires chinoises.

La Chine a développé une gamme complète de lanceurs autour de la famille Longue Marche, dont le modèle le plus puissant lui permet d’envoyer une charge de 5 tonnes sur une orbite de transfert géostationnaire. Elle dispose également de satellites dans les domaines de la météorologie et des télécommunications, en cherchant autant que possible à nouer des partenariats avec des sociétés ou organismes étrangers afin de progresser plus rapidement et de disposer d’une plus grande autonomie technologique. En matière d’observation de la Terre, elle mène une politique de coopération avec le Brésil au travers des satellites CBERS (China-Brazil Earth Resources Satellite), dont les modèles les plus avancés prévus pour 2008 et 2009 devraient avoir une résolution de 5 mètres. Elle dispose en outre de trois satellites d’observation optique Zi Juan-2, probablement affectés à des missions militaires et le onzième plan quinquennal de la COSTIND prévoit le développement de technologies de haute résolution. Dans le domaine du positionnement par satellites, la Chine s’est engagée dans un ambitieux programme COMPASS avec le lancement du premier satellite d’une constellation sur orbite moyenne en avril 2007.

La palette des activités spatiales est donc extrêmement large. Mais l’émergence de la Chine comme un acteur spatial de tout premier plan s’est surtout manifestée au travers de son entrée dans le club jusqu’ici réduit aux États-Unis et à la Russie s’agissant tout d’abord du vol habité, en 2003, puis de la maîtrise démontrée de technologies antisatellite (ASAT), en 2007 (5).

Les premiers vols habités réalisés par la Chine depuis octobre 2003 obéissent tout d’abord à une logique d’affirmation de la puissance nationale. Ils ont également vocation à résoudre un certain nombre de difficultés technologiques (navigation, propulsion, intégration des systèmes) au travers d’un objectif mobilisateur, avec des retombées potentielles pour de nombreuses applications militaires. En un certain sens, l’homme dans l’espace « tire vers le haut » l’ensemble du programme spatial chinois.

Quant à l’interception réussie d’un satellite réalisée en janvier 2007, sur laquelle les rapporteurs reviendront plus loin, elle s’inscrit dans un processus général de militarisation de l’espace directement lié à l’importance stratégique croissante de ce dernier. Elle relève aussi d’une politique de contestation de la volonté de domination spatiale américaine, non pas en cherchant une parité des moyens mais sur un mode asymétrique.

B. LA DOMINATION AMÉRICAINE

Affirmer que l’espace est actuellement américain serait quelque peu provocateur, mais l’écart des capacités avec le « reste du monde » est des plus impressionnants. De fait, les moyens spatiaux dont disposent les États-Unis sont infiniment supérieurs à leur poids relatif à l’échelle mondiale, tant économique que militaire. Ils représentent ainsi 72 % du total des investissements consacrés à l’espace et, en matière militaire, cette part dépasse les 90 %. Leur domination s’exprime aussi dans une doctrine militaire qui accorde désormais à l’espace une dimension centrale.

1. Une suprématie incontestable

La première caractéristique du secteur spatial américain est l’abondance des crédits. Avec un total de plus de 32 milliards d’euros de dotations budgétaires pour l’ensemble de l’espace, dont plus de 18 milliards d’euros pour les programmes militaires. Comme l’indique le tableau ci-après, ce budget est stable depuis plusieurs années. Mais il représente un montant six fois supérieur aux crédits consacrés au secteur spatial par l’ensemble des États membres de l’Union européenne.

Le budget spatial américain

(en milliards d’euros)

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

NASA

12,8

13,2

13,5

13,7

13,8

13,8

DoD (1)

16,0

19,7

18,6

18,5

18,0

18,5

Total

28,8

32,9

32,1

32,2

31,8

32,3

Taux de change moyen € / $

1,1

1,15

1,2

1,2

1,2

1,25

(1) Le budget du Département de la défense (DoD) incluant les programmes secrets n’est qu’une estimation. Officiellement, le budget du DoD alloué aux activités spatiales est de 12,8 milliards d’euros. Eu égard aux variations de change, les crédits consacrés au secteur spatial sont en augmentation par rapport à l’exercice fiscal 2007.

Source : ministère de la défense.

L’importance des moyens financiers n’est pourtant pas le gage du meilleur rapport coût-efficacité. Le secteur spatial américain est ainsi marqué par des coûts sans commune mesure avec les programmes équivalents ailleurs, dus à la recherche d’une avance technologique aussi grande que possible, mais aussi en raison des duplications nombreuses des moyens, comme par exemple dans le secteur des lanceurs. Si les dérives de coûts de certains projets de la NASA sont bien connues, elles existent aussi dans le domaine militaire du fait d’une insuffisante maîtrise des programmes (6).

Il reste que les États-Unis sont la seule nation à disposer de capacités spatiales couvrant l’ensemble du spectre des besoins militaires. Le monopole est le plus affirmé en matière de positionnement avec la constellation GPS (Global Positioning System), seule à offrir à l’heure actuelle une couverture mondiale complète. Sa modernisation est en cours, avec une mise en service du GPS III à partir de 2012.

En matière de télécommunications spatiales militaires, les États-Unis disposent de 26 satellites actifs, épaulés par 5 satellites de secours et 9 satellites relais. Ces éléments sont au cœur d’un dispositif destiné à mettre à la disposition des unités combattantes des débits aussi importants que possible. L’avance actuelle devrait être consolidée au travers des programmes WGS (Wideband Global Satcom) et MUOS (Mobile User Objective System), lesquels devraient multiplier par dix les débits aujourd’hui disponibles (7).

S’agissant du renseignement, les États-Unis s’appuient prioritairement sur huit satellites d’observation, optique et radar, mais peuvent également compter sur l’apport de sociétés d’imagerie commerciale comme DigitalGlobe ou GeoEye, très liées financièrement à la défense. En outre, les États-Unis ont une avance considérable dans le domaine du renseignement d’origine électromagnétique (ROEM), avec une quinzaine de satellites en orbite.

Enfin, ils sont les seuls à disposer d’un système complet d’alerte avancée pour la détection des lancements de missiles, complété par des radars au sol particulièrement performants pour la trajectographie et la surveillance des activités spatiales.

Par-delà le simple aspect quantitatif, l’ensemble de ces moyens est mis au service d’une doctrine assignant une place centrale aux capacités spatiales, en vue de s’assurer de la supériorité opérationnelle.

2. Une place centrale dans l’outil de défense américain, induisant une vulnérabilité nouvelle

• Comme l’a indiqué lors de son audition M. Xavier Pasco, maître de recherche à la fondation pour la recherche stratégique (8), l’histoire du secteur militaire spatial américain comprend trois périodes distinctes.

À partir du milieu des années 1950, le socle des moyens militaires spatiaux américains obéit à la logique de la guerre froide et participe étroitement à l’exercice de la dissuasion nucléaire. Le secteur spatial est alors véritablement cantonné à une fonction stratégique de renseignement sur les capacités ennemies et d’alerte sur leur emploi éventuel.

À partir des années 1990 et à la suite des enseignements tirés de la guerre du Golfe, le souhait d’un emploi plus tactique apparaît, notamment au travers des possibilités d’amélioration des systèmes d’armes existants (guidage de munitions par GPS, par exemple). L’espace est dès lors considéré comme un « multiplicateur de force ». Ce sont les programmes d’armement conçus durant cette période qui arrivent actuellement en service dans les forces américaines.

Enfin, un nouveau cap est franchi au milieu des années 1990 puisqu’il s’agit désormais de concevoir les futurs systèmes d’armes autour de l’espace, afin de gagner en rapidité et d’être capable de dicter le rythme des opérations. L’espace devient dès lors un « catalyseur stratégique » et une nouvelle période s’ouvre où les États-Unis divergent radicalement des autres puissances militaires. La rançon de cette évolution réside dans une dépendance croissante de l’appareil militaire à l’égard de l’espace, celle-ci introduisant une vulnérabilité préoccupante.

• Face aux risques de l’exploitation de cette dépendance par d’éventuels adversaires, deux mouvements se dessinent.

Le premier est d’ordre technique. Le dispositif spatial américain est constitué actuellement par un nombre de satellites important mais la perte de plusieurs d’entre eux pourrait affecter significativement l’ensemble des performances du système, sans compter l’effet psychologique d’un tel évènement (9). La solution peut passer par des dispositifs de protection accrue des futurs satellites, mais au prix d’un accroissement très sensible de leur coût unitaire. À la recherche de ruptures technologiques et de solutions nouvelles, la DARPA (Defence Advanced Research Projects Agency) développe actuellement des projets pouvant conduire à une architecture spatiale plus souple, plus réactive et donc plus résistante, notamment au travers de microsatellites (programme TICS – Tiny, Independant, Co-ordinating Spacecraft) et de lanceurs moins coûteux.

L’autre évolution est doctrinale : à partir du moment où l’espace devient indispensable, il s’intègre de fait dans les intérêts nationaux vitaux. L’expression apparaît dès 1999 et figure en bonne place dans le dernier document officiel sur le sujet (US National Space Policy), publié en octobre 2006. Celui-ci reprend ainsi le thème de la nécessité de la préservation de la liberté d’action américaine dans l’espace, présent dans les documents sur la politique spatiale depuis la fin des années 1970. Il précise aussi qu’en cas de nécessité, les États-Unis doivent pouvoir dénier cette liberté d’action à des adversaires. On ne saurait être plus clair : pour protéger ces intérêts, il convient de dominer l’espace (10), ce qui suppose de se doter de technologies antisatellite, en orbite ou au sol.

C. LES RISQUES D’UNE ARSENALISATION DE L’ESPACE

Dès les débuts de l’aventure spatiale, l’espace a avant tout été un domaine d’applications militaires et il n’a jamais constitué un sanctuaire pacifique. L’idée même de déployer des armes en orbite apparaît très tôt, dès les années 1950. Une limitation de la compétition militaire dans ce domaine est toutefois également intervenue rapidement en raison du contexte très particulier de la guerre froide. Ses deux principaux protagonistes se sont tacitement entendus pour maintenir à chacun la liberté d’accès à l’espace. Il s’agissait de préserver les moyens d’observation qui y étaient de plus en plus largement déployés et qui contribuaient directement à la crédibilité de la dissuasion nucléaire, tout en permettant de limiter les risques de méprise sur le comportement de l’adversaire. Le Traité de l’espace de 1967 s’inscrit dans cette époque bien déterminée, ce qui explique d’ailleurs en grande partie sa portée des plus limitées. Si elle n’est pas caractérisée par une véritable course aux armements dans l’espace, la période qui s’est ouverte avec la chute de l’URSS et la multiplication des acteurs est marquée par un développement de stratégies et d’outils techniques visant non seulement à davantage utiliser l’espace à des fins militaires, mais surtout à empêcher les concurrents d’exploiter pleinement les avantages opérationnels de ce milieu. À la militarisation ancienne de l’espace, caractérisée par la présence en orbite de nombreux systèmes à vocation militaire, succèderait une phase d’arsenalisation, c’est-à-dire de déploiement de véritables armes spatiales (11).

1. Les limites toutes relatives des normes juridiques internationales

Outre le Traité d’interdiction partielle des essais nucléaires de 1963, qui a proscrit de tels essais dans l’espace, les règles juridiques internationales concernant les aspects militaires de l’utilisation de l’espace sont intégralement contenues dans le Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploitation et d’utilisation de l’espace extra atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, signé le 27 janvier 1967. Son préambule souligne l’intérêt d’une exploration et d’une utilisation de l’espace extra atmosphérique à des fins pacifiques. L’article I précise d’ailleurs que ces activités « doivent se faire pour le bien et dans l’intérêt de tous les pays, quel que soit le stade de leur développement économique ou scientifique ; elles sont l’apanage de l’humanité tout entière ».

Par-delà ces déclarations de principe, ce texte vise plus directement les activités militaires à l’article IV, dont le premier alinéa stipule que « les États parties au Traité s’engagent à ne mettre sur orbite autour de la Terre aucun objet porteur d’armes nucléaires ou de tout autre type d’armes de destruction massive, à ne pas installer de telles armes sur des corps célestes et à ne pas placer de telles armes, de toute autre manière, dans l’espace extra atmosphérique ». Cet article ne prohibe donc pas les utilisations militaires de l’espace : seules les armes de destruction massive basées en orbite le sont. Au demeurant, les mécanismes de contrôle sont pour ainsi dire inexistants si l’on se réfère à l’article IX du Traité qui prévoit que « tout État ayant lieu de croire qu’une activité ou expérience envisagée par une autre partie au Traité dans l’espace extra atmosphérique […] causerait une gêne potentiellement nuisible aux activités poursuivies en matière d’exploration et d’utilisation pacifiques de l’espace […] peut demander que des consultations soient ouvertes au sujet de ladite activité ou expérience ».

Les négociations sur le sujet menées dans le cadre de la Conférence du désarmement à Genève n’ont jamais permis de définir précisément la notion d’activités pacifiques, ce qui laisse largement ouverte la possibilité de développer et de déployer dans l’espace des armes offensives ou antisatellites. Aucune avancée diplomatique n’a pu être obtenue jusqu’à présent pour deux raisons principales.

En premier lieu, les États-Unis se sont constamment opposés à toute mesure diminuant leur prépondérance en matière spatiale. La politique spatiale nationale de 2006 précitée indique ainsi que les États-Unis sont contre le développement de nouveaux régimes juridiques ou toute autre restriction qui limiterait leur accès à l’espace ou encadrerait son utilisation. En outre, les traités de limitation des armements ne devront pas porter atteinte à leur droit de conduire des recherches, des développements, des essais ainsi que des opérations dans l’espace destinés à répondre à l’intérêt national. Selon une analyse largement dominante aux États-Unis, il n’y aurait en effet aucun intérêt à réduire un avantage stratégique en se soumettant à des limitations dont le contrôle effectif sera probablement impossible à assurer sérieusement (12). Ce contrôle serait d’autant plus difficile que les technologies susceptibles d’affecter le fonctionnement des moyens spatiaux vont bien au-delà des systèmes antisatellites pour ainsi dire « classiques » que sont les engins antibalistique et leurs dérivés immédiats. Les actions contre les dispositifs spatiaux peuvent employer des formes extrêmement diverses, allant du brouillage à la mise hors service par des armes à énergie dirigée, que ce soit par le biais de dispositifs au sol ou en orbite. On observera en outre que les segments sol constituent la partie la plus vulnérable des systèmes spatiaux, ce qui implique de réfléchir à leur durcissement aux brouillages, à leur protection physique et à l’organisation de redondances.

Le second élément rendant désormais plus délicate l’adoption de normes juridiques internationales véritablement contraignantes réside dans le fait que l’un des promoteurs les plus constants de cette démarche (13) a procédé à un test d’arme antisatellite, affaiblissant singulièrement sa crédibilité, d’une part, et attirant l’attention sur l’ampleur de programmes destinés à entamer la domination spatiale américaine, d’autre part.

2. Des menaces avérées

• Le 11 janvier 2007, la Chine a procédé à un spectaculaire essai en détruisant un de ses satellites météorologiques en fin de vie Fengyun 1C situé sur une orbite basse, à environ 850 km de la Terre. Pour cela, elle aurait utilisé un nouveau vecteur balistique mobile, à deux étages et à propulsion solide, emportant un intercepteur exo atmosphérique (14). La destruction du satellite aurait eu lieu par collision directe, ce qui indique que la Chine serait la deuxième nation après les États-Unis à maîtriser la technologie du « hit-to-kill ».

Cet événement a eu deux conséquences principales. Tout d’abord, il a produit une augmentation considérable du nombre de débris en orbite du fait même de la collision. Celle-ci aurait produit plus de 35 000 objets de plus de 1 cm de diamètre, soit une croissance instantanée de 10 % des débris capables de menacer des systèmes spatiaux en orbite basse.

Ensuite, la Chine a confirmé les inquiétudes à propos de l’importance de son programme d’arsenalisation de l’espace. Dès 2003, le rapport remis chaque année au Congrès par le Département de la défense sur la puissance militaire de la République populaire de Chine avait alerté sur l’ampleur des ambitions chinoises en la matière. Après avoir parfois attiré le reproche de surestimer la menace, ces rapports avaient reçu un début de confirmation avec la révélation d’une opération d’aveuglement temporaire d’un satellite américain par un laser chinois basé au sol durant l’été 2006.

À ce stade, les capacités ASAT chinoises d’interception prouvées portent uniquement sur les interceptions en orbite basse, ce qui menace avant tout les systèmes d’observation mais laisse hors de portée les engins en orbite haute, et donc, dans le cas américain les satellites de la constellation GPS ainsi que la plupart des satellites de télécommunications. Il semble cependant que la Chine développe une palette bien plus large de moyens antisatellites. L’édition 2007 du rapport précité au Congrès indique que Pékin a mené depuis plusieurs années un programme sérieux visant à se doter de capacités de brouillage dans les très hautes fréquences, afin de pouvoir s’attaquer aux télécommunications militaires et au GPS. La Chine mènerait également des travaux importants dans le domaine des armes à énergie dirigée tout en améliorant ses moyens de détection et d’identification des satellites. Le débat reste encore ouvert outre-Atlantique sur le point de savoir si cette politique vise à long terme à obtenir une forme de parité spatiale avec les États-Unis ou si elle cherche, plus probablement, à profiter d’avantages asymétriques mis au service d’objectifs stratégiques plus limités, notamment dans la perspective d’un conflit éventuel avec Taiwan.

• Si l’essai chinois a révélé au grand public la réalité des armes antisatellites, celles-ci sont de fait déjà anciennes. Même s’ils ne les ont pas déployées en grand nombre lors de la guerre froide, l’URSS et les États-Unis ont mené de nombreux programmes dans ce domaine.

L’URSS a ainsi testé avec succès des satellites antisatellites de la fin des années 1960 au début des années 1980. Elle a également déployé un système d’interception au moyen d’un missile balistique, armé d’une charge conventionnelle, entre 1976 et 1983. La Russie n’aurait plus de programme ASAT, mais elle a conservé les savoir-faire d’une grande nation spatiale et maintient une activité de recherche générale sur les applications militaires des lasers.

Après avoir tenté sans grand succès des interceptions de satellites au moyen de missiles balistiques à la fin des années 1950, les États-Unis ont pour leur part réussi en 1985 une telle opération grâce à un missile à guidage infrarouge lancé depuis un chasseur F-15. Ce programme a ensuite été abandonné tant en raison du réchauffement des relations avec l’URSS dès 1986 que de dérives de coût considérables. Mais les inquiétudes sur la vulnérabilité du dispositif spatial américain, ainsi que le souci de s’assurer d’une domination dans ce secteur ont conduit à remettre ouvertement en chantier d’ambitieux projets. Le plan stratégique d’ensemble (Strategic Master Plan) présenté par l’US Air Force Space Command en octobre 2003 prévoit ainsi le développement sur une période de quinze ans de trois « blocs » permettant le contrôle du milieu spatial. Le premier d’entre eux porte sur l’amélioration continue du système américain de surveillance de l’espace. Le deuxième vise à développer une capacité de défense des satellites américains. Cela passe tout d’abord par le durcissement des télécommunications contre le brouillage électronique mais repose aussi sur des projets plus évolués, devant entrer en service à partir de 2018, concernant l’agilité des satellites et le développement déjà évoqué d’une architecture spatiale plus souple et adaptable. Enfin, il est prévu de disposer de moyens d’attaque de systèmes ennemis, comprenant aussi bien des dispositifs basés au sol qu’en orbite.

On notera que si les données budgétaires sur l’ampleur de ces projets ne sont pas accessibles, le programme de défense antimissile balistique mené depuis de longues années par les États-Unis représente des sommes considérables (8,7 milliards de dollars dans le projet de budget pour 2008) tout en ayant des applications en quelque sorte « duales ». Les technologies développées en matière de détection, de suivi et d’interception exo atmosphérique pour les missiles balistiques et leurs têtes sont en effet largement transposables pour des armes antisatellites. Il convient en outre d’ajouter que si le programme de défense antimissile ne prévoit pas pour l’instant le déploiement de systèmes d’interception installés en orbite, le débat sur la nécessité d’une telle composante n’est pas clos.

II. —  L’EUROPE EN PANNE D’AMBITION

Alors que le paysage spatial mondial connaît de profondes mutations, l’Europe apparaît immobile. Ce phénomène est d’autant plus regrettable qu’elle dispose de capacités scientifiques et technologiques parfaitement à même de faire face aux nouveaux défis du secteur spatial et qu’une véritable prise de conscience de l’importance des enjeux semble acquise. Pour autant, la traduction des discours dans les faits tarde à se manifester, principalement pour des raisons budgétaires, mais aussi du fait de certaines faiblesses structurelles qui rendent délicate la mise en place de coopérations indispensables.

A. DES CAPACITÉS RÉELLES DANS CERTAINS DOMAINES

Si la disproportion des moyens spatiaux opérationnels entre les États-Unis et l’Europe est bien réelle, elle n’est cependant pas proportionnelle aux écarts des budgets qui y sont consacrés. Sous l’impulsion d’un nombre limité d’États, au premier rang desquels figure la France, l’Europe a su se doter d’un outil spatial militaire loin d’être ridicule et qui se renforce progressivement. Des nations jusqu’ici en retrait s’engagent davantage en matière spatiale et ce rééquilibrage n’est d’ailleurs pas sans poser des difficultés nouvelles sur le plan de la répartition des compétences industrielles.

1. Un outil spatial de défense couvrant essentiellement l’observation de la Terre et les télécommunications

• En 2006, les États membres de l’Union européenne ont affecté 4,95 milliards d’euros à l’ensemble du secteur spatial, à comparer aux 32 milliards d’euros du budget spatial américain. Pour l’essentiel, les crédits publics consacrés au secteur spatial sont destinés aux satellites (2,9 milliards d’euros) et aux lanceurs (1,2 milliard d’euros), le solde, soit 850 millions d’euros, servant à financer les activités scientifiques. Les activités de défense occupent une place limitée, avec 950 millions d’euros, soit seulement 5 % du budget spatial militaire américain. Malgré la faiblesse de l’effort, les capacités disponibles ne sont pas négligeables, comme en témoigne le tableau ci-après.

Comparaison des capacités américaines et européennes

Domaine

États-Unis

Europe

Télécommunications

26 satellites militaires de télécommunications actifs et 5 en secours en orbite

9 satellites relais dédiés à la transmission des données satellite (contrôle et imagerie)

10 satellites :
- 5 Royaume-Uni (Skynet), 1 Italie (Sicral) ;
- 2 Espagne (Xstar, SpainSat) ;
- 2 France (Syracuse 3A et 3B).

Navigation

24 satellites de navigation GPS actifs et 5 en secours en orbite

1 (démonstrateur GIOVE A)

(programme Galileo (1) en cours, opérationnel en 2013)

Observation

8 satellites militaires d’observation (4 optiques et 4 radars)

5 satellites radars (3 Allemagne, 2 Italie)

2 satellites optiques (Hélios 1A et 2A)

Alerte

8 satellites d’alerte avancée en orbite

Un système sol performant (optique et radar) d’alerte antimissile et de surveillance de l’espace

(1 démonstrateur français – Spirale - prévu en 2008)

Écoute

15 systèmes d’écoute électronique en orbite

France : démonstrateur ESSAIM

(1 démonstrateur français – ELISA - prévu en 2010)

(1) Il s’agit d’un programme civil disposant d’un service gouvernemental sécurisé PRS permettant une utilisation duale.

Source : ministère de la défense.

S’il existe bien un fossé capacitaire entre les États-Unis et l’Europe, celui-ci est de deux ordres. Numérique tout d’abord, les premiers jouissant de ce fait d’une permanence de l’observation et de l’écoute. En outre, leurs capacités en matière de télécommunications sont sans commune mesure avec celles des Européens. Le second décalage est temporel : les États-Unis ont déployé certains moyens depuis beaucoup plus longtemps (notamment dans le domaine de l’observation radar, où les systèmes italiens et allemands sont encore en cours de déploiement) et ont de véritables capacités opérationnelles là où l’Europe en est encore au développement de quelques démonstrateurs technologiques (écoute électromagnétique et alerte avancée). Toutefois, si l’avance technologique américaine est réelle dans bien des domaines et repose sur une politique de financement des recherches beaucoup moins sélective, le niveau technologique atteint par l’Europe pour ses systèmes spatiaux déployés reste assez comparable.

• En matière d’observation de la Terre, les capacités européennes se sont significativement améliorées récemment, tant en matière optique que radar, tandis qu’ont été posées les bases d’une coopération étroite, fondée sur l’échange des informations.

S’agissant de la filière optique, la France a joué un rôle pionnier en 1995 avec le lancement d’Hélios I, la guerre du Golfe ayant souligné la dépendance trop grande vis-à-vis des moyens satellitaires d’observation américains. Ce programme a été poursuivi avec Hélios II, dont le premier exemplaire a été mis en orbite en décembre 2004, le tir du second étant prévu pour mars 2009. Hélios II a constitué un véritable saut technologique avec l’amélioration de la résolution des images optiques (très haute résolution et stéréo haute résolution) tout en introduisant une précieuse capacité d’observation infrarouge. Ce programme est mené en coopération avec la Belgique et l’Espagne depuis 2001, avec l’Italie depuis juin 2005 et avec la Grèce depuis mars 2007. Les taux de participation des cinq pays sont désormais les suivants : 90 % pour la France et 2,5 % respectivement pour la Belgique, l’Espagne, l’Italie et la Grèce. L’Allemagne fait également partie de la communauté Hélios par le biais d’un échange de capacités.

L’Allemagne et l’Italie se sont intéressées plus récemment au développement de capacités d’imagerie radar, notamment à la suite des opérations militaires au Kosovo, qui ont souligné la nécessité de disposer de moyens de renseignement autonomes. Avec le déploiement engagé en décembre 2006 d’une constellation de cinq petits satellites de très haute résolution radar SAR-Lupe, l’Allemagne se dote d’un système d’observation très performant pour un coût évalué à 350 millions d’euros et une durée de vie de dix ans. À ce jour, trois satellites ont déjà été lancés et sont en cours de validation opérationnelle. L’Italie développe pour sa part un programme d’observation radar COSMO-SkyMed, à vocation duale et technologiquement moins ambitieux sur le plan de la résolution des images. Ce système devrait comporter quatre satellites à l’horizon 2009, deux d’entre eux ayant déjà été mis en orbite en juin et décembre 2007.

On assiste donc à une spécialisation de fait en Europe dans le domaine de l’observation de la Terre, la France se chargeant de la composante optique et l’Allemagne et l’Italie de la composante radar. En raison de la complémentarité de ces deux techniques, deux accords de partage ont été signés par la France, l’un avec l’Italie (accord de Turin du 29 janvier 2001), l’autre avec l’Allemagne (accord de Schwerin du 30 juillet 2002). Ils définissent les principes d’un échange de droits de programmation entre les systèmes radar COSMO-SkyMed et SAR-Lupe, d’une part, et le système Hélios II, d’autre part. Le programme de segment sol d’observation (SSO) a pour objet de concrétiser ces accords. Pour l’Italie, déjà partenaire financier d’Hélios II à hauteur de 2,5 %, l’accord de Turin se traduit par une augmentation de son quota d’images. L’échange de capacités avec la France devrait être effectif à partir du début de 2008. S’agissant du programme SAR-Lupe, le segment sol français permettant l’accès direct au système devrait être déployé à l’horizon 2010. Un accord d’application signé en août 2006 permet pendant une phase transitoire un échange d’images.

Dans le domaine des télécommunications, la dispersion des programmes nationaux domine en raison de l’échec en 1998 du projet Trimilsatcom, destiné à fédérer les besoins français, britanniques et allemands. De fait, chaque nation souhaitant bénéficier de télécommunications militaires spatiales développe son propre programme, qu’il s’agisse de la France (deux satellites Syracuse-III), de l’Allemagne (deux satellites SATCOM-BW à partir de 2008), de l’Italie (deux satellites SICRAL-1 à partir de 2008), de l’Espagne (deux satellites) et du Royaume-Uni (trois satellites prévus dans le cadre du programme Skynet-5). On notera que ces deux derniers pays ont décidé de recourir à la solution de l’acquisition de services auprès d’un opérateur privé plutôt qu’à une acquisition patrimoniale par le ministère de la défense (15).

La seconde caractéristique des télécommunications satellitaires militaires européennes, à l’exception du cas du Royaume-Uni, est l’insuffisance des capacités et des débits par rapport aux besoins croissants des armées, notamment en opérations extérieures.

C’est le cas de la France, qui a renoncé à la construction d’un troisième satellite de la génération Syracuse-III, tandis qu’une réduction du nombre de stations sol a été opérée au regard des ambitions initiales (16). Afin de répondre à l’amélioration des débits et de l’étendue des zones d’exploitation prévues par la loi de programmation militaire 2003-2008, une étude sur les différentes solutions permettant d’obtenir une capacité complémentaire aux deux satellites existants a été menée. Ses conclusions ont été remises au ministre de la défense en mars 2007 et il a été conclu à l’avantage du choix d’une coopération avec l’Italie. Ce partenariat comprend, d’une part, la contribution de la France à hauteur de 38 % du satellite italien SICRAL-2 (soit une somme de 120 millions d’euros), ce qui lui permettra d’y installer une charge utile destinée aux communications sécurisées. Son lancement est prévu en 2011. D’autre part, l’Italie financera à hauteur de 120 millions d’euros le développement du satellite ATHENA FIDUS (French Italian Dual Use Satellite), qui permettra de fournir du haut débit non protégé aux troupes déployées. Ce dernier sera réalisé sous la responsabilité de l’agence spatiale italienne et du CNES. Le financement français représente 90 millions d’euros (17) et sera assuré à parts égales par le CNES et le ministère de la défense. Le projet repose sur une utilisation maximale de la dualité, avec des émissions en bande Ka (celle-ci comporte des fréquences civiles et réservées à l’usage gouvernemental voisines) et l’utilisation de technologies peu coûteuses développées dans le secteur civil pour le segment sol utilisateur. En ce qui concerne l’état d’avancement des projets, un Memorandum of Understanding a été signé pour SICRAL-2, même si le contrat ne l’est pas encore. Pour ATHENA FIDUS, l’accord technique existe et une lettre d’intention a été signée lors du sommet franco-italien qui s’est tenu à Nice le 30 novembre 2007.

• Dans les autres domaines spatiaux susceptibles d’applications militaires, l’Europe reste presque complètement absente.

S’agissant du positionnement et de la navigation par satellites, Galileo reste un dossier à part dans la mesure où il s’agit avant tout d’un programme à vocation civile et commerciale (18). Mais il s’agit aussi d’un système essentiel pour l’autonomie stratégique de l’Europe en raison de ses applications potentielles dans le domaine de la sécurité grâce au signal de précision PRS (Public Regulated Service(19). Si le passage à un financement public communautaire de Galileo a finalement pu être entériné lors de la réunion de chefs d’État et de gouvernement des 13 et 14 décembre 2007, les négociations menées témoignent par leur âpreté à la fois de l’importance accordée à la règle du « juste retour » industriel dans les coopérations spatiales et, plus largement, d’une difficulté à s’unir autour d’enjeux technologiques et stratégiques pourtant déterminants.

En ce qui concerne la surveillance de l’espace, de plus en plus nécessaire ne serait-ce qu’en raison de la prolifération des débris en orbite, l’Europe est complètement dépendante des moyens américains, seuls quelques systèmes limités étant actuellement en service.

Enfin, dans les domaines du renseignement d’origine électromagnétique et plus encore de l’alerte avancée, les Européens ne disposent d’aucun système spatial opérationnel, la France seule ayant déployé des démonstrateurs technologiques dans le premier cas et projetant de le faire en 2008 dans le second.

Les lacunes capacitaires sont donc bien réelles et, face à l’ampleur des besoins, elles ne pourront être comblées que par l’établissement de coopérations étroites entre les principaux acteurs spatiaux européens, qui restent peu nombreux mais de plus en plus concurrents.

2. Un nombre réduit d’États disposant des capacités industrielles et technologiques nécessaires

• La France continue à occuper une place particulière en matière spatiale en raison de l’ampleur de ses ambitions dans ce domaine dès les années 1960. Outre son caractère symbolique pour l’affirmation de l’indépendance nationale, le secteur spatial a été très tôt lié à la mise en place d’une force autonome de dissuasion nucléaire, notamment au travers du développement de vecteurs balistiques. Les liens entre l’espace et la dissuasion ont également été très étroits en matière de satellites, l’une des missions principales assignées à Hélios I étant le recueil d’informations sur les cibles potentielles. Plus largement, la politique menée a eu pour objectif constant la maîtrise de l’ensemble des secteurs, de l’accès à l’espace aux systèmes satellitaires, civils ou militaires, en passant par la connaissance scientifique. L’un des résultats de cette ambition est l’existence d’une industrie spatiale sans équivalent en Europe.

En 2006, sur 28 900 emplois liés directement au secteur spatial en Europe, 11 100 étaient situés en France, soit 39 % du total. La part française dans le chiffre d’affaires du secteur spatial européen atteint quant à elle 2,15 milliards d’euros, sur un total de 4,95 milliards d’euros (43 %).

En outre, les deux principaux acteurs industriels transnationaux européens dans le secteur sont d’origine française.

Filiale à 100 % d’EADS, Astrium emploie 13 000 personnes en Europe (20), avec des implantations dans cinq pays. L’entreprise représente la moitié de l’industrie spatiale française, 80 % de celle de l’Allemagne et 90 % de celle du Royaume-Uni. Ses installations aux Pays-Bas et en Espagne sont moins importantes, avec respectivement 50 % et 25 % des industries spatiales de ces pays. Avec un chiffre d’affaires de 3,2 milliards d’euros (dont un peu moins du tiers réalisé dans le secteur de la défense et de la sécurité), Astrium est le premier acteur du secteur spatial européen et le quatrième à l’échelle mondiale, derrière trois entreprises américaines (Boeing, Lockheed Martin et Northrop Grumman).

Thales Alenia Space est directement issu de deux opérations récentes : la fusion entre Alcatel Space et Alenia Spazio en 2005, tout d’abord, la constitution de Thales Alenia Space à l’occasion de la fusion entre Alcatel et Lucent en 2007, ensuite. La société est détenue à hauteur de 67 % par Thales et de 33 % par Finmeccanica. Thales Alenia Space emploie 7 200 salariés répartis entre 11 implantations, les principales étant situées en France (Toulouse et Cannes avec 2 300 personnes), en Italie (2 000 personnes en tout, notamment à Rome et L’Aquila), en Belgique (Anvers et Charleroi) et en Espagne (Madrid). Ses deux domaines d’activité principaux sont les télécommunications (50 % du chiffre d’affaires) et l’observation (19 %). Son chiffre d’affaires total s’est élevé à 1,62 milliard d’euros en 2006.

La question est parfois posée de l’intérêt d’un éventuel rapprochement de ces deux acteurs, afin de disposer d’un industriel unique dont la taille permettrait de mieux faire face à la concurrence internationale tout en limitant les affrontements « fratricides » en Europe, particulièrement dans le domaine des télécommunications. Il reste qu’une telle opération présente plusieurs difficultés. La principale est d’ordre social, en raison de l’existence de centres de production directement concurrents, particulièrement en France dans le domaine des optiques. La deuxième réside dans le risque à terme d’une sclérose scientifique des bureaux d’études et d’une augmentation des devis du fait de l’absence de pression concurrentielle. Il est d’ailleurs probable que cette situation conduirait à l’émergence d’industriels plus innovants, sous la pression d’États souhaitant à la fois développer leurs propres capacités et ne pas dépendre d’une entreprise en situation de quasi-monopole, tandis qu’elle ouvrirait dans le même temps davantage le marché satellitaire européen à des industriels américains pour la même raison.

• Plusieurs États européens s’impliquent de plus en plus dans l’espace, ce qui les conduit à développer leurs propres compétences industrielles.

Le cas du Royaume-Uni est à part car il a choisi là encore de s’appuyer très largement sur sa relation privilégiée avec les États-Unis pour accéder au renseignement d’origine satellitaire, qu’il s’agisse d’images ou d’écoutes électromagnétiques. L’effort en matière militaire est concentré sur les télécommunications, pour lesquelles le Royaume-Uni dispose des moyens les plus importants en Europe. Son budget spatial annuel est inférieur à 500 millions d’euros, dont 285 millions d’euros pour les programmes civils. On notera toutefois que la société Surrey Satellite Technology Limited, liée à l’Université du Surrey, a réalisé en 2005 un microsatellite d’observation optique de la Terre, premier exemplaire d’une constellation destinée au suivi des catastrophes naturelles et de l’environnement (DMC – Disaster Monitoring Constellation), dont la résolution est de 2,8 m.

Outre sa participation à Hélios II, l’Espagne dispose de deux satellites de télécommunications et a annoncé en 2007 le lancement d’un programme national d’observation, avec le lancement de deux satellites d’ici à 2012, dont l’un plus particulièrement destiné aux applications de sécurité et de défense (21), pour un coût total de 325 millions d’euros. Les crédits affectés aux activités spatiales de défense représentent environ 50 millions d’euros en 2007.

L’Italie mène une politique ambitieuse : le budget de l’agence spatiale italienne est passé de 400 millions d’euros en 1998 à 850 millions d’euros en 2008 et elle s’efforce d’être présente dans tous les secteurs de l’espace civil et de la recherche scientifique. Elle cherche également à acquérir une compétence dans le domaine des lanceurs au travers du programme Vega, destiné à couvrir à partir de 2009 les besoins pour les charges allant jusqu’à 1,5 tonne en orbite basse. En matière de défense, elle mène les projets précités COSMO-SkyMed (pour un coût de près d’un milliard d’euros, dont 20 % sont financés par le ministère de la défense) et SICRAL-1 et 2.

Enfin, l’Allemagne est un acteur de plus en plus important du secteur spatial européen. Elle y consacre près d’un milliard d’euros par an, dont plus de la moitié est consacrée aux programmes de l’ESA (tout particulièrement au titre du laboratoire Colombus destiné à la station spatiale internationale). Son intérêt pour les activités de défense et de sécurité est plus récent mais remarquable, avec un programme spatial militaire représentant 75 millions d’euros par an. Ce budget permet la mise en œuvre des projets SATCOM-BW et SAR-Lupe, dont le coût total sur dix ans est respectivement de 939 millions d’euros et de 350 millions d’euros. La maîtrise d’oeuvre du système SAR-Lupe a été confiée à la société OHB (22), nouvel opérateur émergent et compétitif.

De manière générale, cette appétence plus grande des Européens pour le secteur spatial se traduit par la multiplication des équipementiers, dont beaucoup n’ont pas la taille critique nécessaire, avec des duplications croissantes de compétences.

B. UN BESOIN DÉSORMAIS RECONNU MAIS INSUFFISAMMENT PRIS EN COMPTE

La volonté de s’investir davantage dans les activités spatiales ne relève pas d’une question de prestige ou de fierté nationale. Elle repose sur une analyse des besoins réels et des enjeux de souveraineté désormais bien établie, tant par les travaux de prospective et d’identification des lacunes réalisés en France qu’au sein de l’Union européenne, plus récemment. Pourtant, la traduction de ces études dans les faits tarde à se manifester en raison de nombreux obstacles, tant institutionnels que budgétaires.

1. Un diagnostic clairement établi et largement partagé

• Le secteur spatial figure en bonne place dans les travaux français de préparation de l’avenir, et notamment dans le plan prospectif à 30 ans, régulièrement actualisé. En outre, en octobre 2003, le ministre de la défense a confié à l’ambassadeur de France François Bujon de l’Estang la présidence d’un groupe de travail sur les orientations stratégiques de politique spatiale de défense (GOSPS). Son rapport a été remis fin 2004 et classifié, mais une version publique en a été présentée en février 2007.

Ce document détaille tout d’abord les apports considérables du secteur spatial pour faire face aux missions des armées, dans un contexte marqué par l’incertitude sur les menaces et leur évolution rapide (prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, terrorisme, trafics de matières et technologies sensibles). Dans ce contexte, le renseignement et l’anticipation des crises sont devenus déterminants, et ce d’autant plus que les armées interviennent prioritairement en opérations extérieures, certaines très lointaines. Comme le note la version déclassifiée du rapport, « en donnant la capacité de voir, écouter, communiquer, localiser et synchroniser, à l’échelle mondiale et avec une disponibilité permanente, les satellites ont acquis un rôle majeur dans la maîtrise de l’information dans les phases d’appréciation de situation, de préparation et d’action ». Évoluant dans un milieu de circulation libre, les moyens spatiaux permettent à la fois une économie de moyens et une efficacité militaire maximale. En outre, les applications militaires de l’espace se sont considérablement rapprochées des utilisateurs sur le terrain et cette évolution est destinée à s’accentuer à l’avenir.

Le deuxième intérêt du rapport du GOSPS réside dans l’analyse exhaustive des domaines dans lesquels il est nécessaire que l’Europe soit présente si elle entend préserver son autonomie stratégique. Au premier rang figure la préservation d’une capacité indépendante d’accès à l’espace. Sur le plan des moyens satellitaires, il convient de maîtriser l’ensemble des applications potentiellement intéressantes, dans les domaines des télécommunications et de l’ensemble des moyens d’observation de la Terre (observation optique et radar, cartographie, météorologie et océanographie) mais aussi en matière de renseignement d’origine électromagnétique et d’alerte avancée. Le rapport note également l’enjeu que constitue l’acquisition d’une capacité de surveillance de l’espace pour l’Europe.

Enfin, compte tenu de l’ampleur des besoins, il souligne la nécessité de construire une architecture spatiale de défense concertée à l’échelle européenne. Aucune nation européenne n’apparaît en mesure de maîtriser seule l’ensemble des applications spatiales de sécurité et de défense et il convient par conséquent de s’engager dans la voie d’une dépendance mutuelle acceptée et aussi efficace que possible.

• Si la prise de conscience de la nécessité de la mise en place d’une politique spatiale à l’échelle de l’Union européenne est plus récente, elle a néanmoins donné lieu à de nombreux travaux de définition des besoins.

En novembre 2003, la Commission a publié un ambitieux Livre blanc sur l’espace (23). Celui-ci souligne l’importance de l’enjeu en termes économiques et de souveraineté et, de ce fait, la nécessité pour l’Union d’accroître les ressources allouées à ce secteur. Le Livre blanc reconnaît également la contribution que les moyens spatiaux peuvent apporter à la mise en œuvre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ainsi qu’à la politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Il est ainsi noté qu’ « outre les satellites de télécommunications et d’observation déjà utilisés actuellement à des fins de sécurité, il est nécessaire d’aller plus loin dans le domaine de la surveillance, du positionnement et de la navigation ainsi que de la synchronisation et des communications, du renseignement, de l’alerte précoce et de la surveillance de l’espace, afin de réaliser les objectifs de l’UE et de ses États membres en matière de sécurité ». Le document prévoit deux phases pour la mise en œuvre de cette politique. De 2004 à 2007, il s’agira de mettre en place une coopération efficace entre l’Union et l’Agence spatiale européenne (ESA). Dans un second temps, l’espace devrait devenir un domaine de compétence partagée entre l’Union et les États membres. Le Traité de Lisbonne prévoit pour sa part que « dans les domaines de la recherche, du développement technologique et de l’espace, l’Union dispose d’une compétence pour mener des actions, notamment pour définir et mettre en œuvre des programmes, sans que l’exercice de cette compétence ne puisse avoir pour effet d’empêcher les États membres d’exercer la leur ».

Des travaux plus précis ont par la suite été menés pour l’identification des lacunes européennes en matière spatiale. La Commission a notamment mis en place un groupe d’experts sur l’espace et la sécurité qui a remis son rapport dit « SPASEC » en mars 2005. De son côté, le Conseil a mené une réflexion approfondie qui s’est traduite par l’adoption de deux documents sur les besoins de systèmes spatiaux pour les opérations militaires et de gestion de crise (24).

Enfin, la Commission a publié en avril 2007 une communication au Conseil et au Parlement européen sur la politique spatiale européenne (25). Après avoir salué le travail réalisé depuis 30 ans par l’ESA, la Commission manifeste la volonté de l’Union sinon de prendre ouvertement le relais, du moins de s’affirmer comme un acteur à part entière de la scène spatiale, afin que des efforts supplémentaires soient déployés et que l’Europe puisse affirmer sa position concurrentielle à l’échelle mondiale. Si les capacités purement militaires resteront de la compétence des États membres, « les besoins en matière de systèmes spatiaux pour la planification et la conduite des opérations civiles et militaires de gestion de crise se recoupent » et le partage des ressources utilisant des technologies duales et des normes communes devrait offrir des solutions plus rentables.

2. Des obstacles nombreux

• La principale raison expliquant l’insuffisante prise en compte des besoins spatiaux est tout simplement d’ordre budgétaire. On peut en effet parler d’une véritable forme d’austérité budgétaire imposée au secteur spatial européen pendant près de dix ans, contrastant avec le dynamisme des budgets spatiaux des acteurs émergents et la stabilité à un très haut niveau des budgets américains. Cette évolution porte en elle le risque d’un décrochage capacitaire de l’Europe, préalable à un décrochage technologique d’autant plus regrettable que nos industries disposent encore d’un niveau les plaçant aux tout premiers rangs de la compétition.

La limitation des investissements publics consacrés au secteur spatial a concerné au premier chef la France, affectant son rôle moteur traditionnel en la matière. Depuis 2000, les dépenses publiques consacrées à l’espace ont en effet diminué de 1,6 % par an. S’agissant de l’évolution des dépenses consacrées au secteur spatial de défense, la LPM 2003-2008 prévoyait un montant moyen annuel de crédits de paiement sur la période de 450 millions d’euros environ (hors budget civil de recherche et de développement mais y compris les études amont). Le tableau ci-après fait bien apparaître une tendance à l’augmentation des budgets votés, mais aussi et de façon préoccupante l’accroissement progressif de l’écart entre ces crédits votés et la consommation réelle des crédits. La ressource disponible a en moyenne atteint de l’ordre de 440 millions d’euros par an de 2003 à 2007 et les crédits effectivement consommés un peu plus de 370 millions d’euros jusqu’en 2006.

Évolution des crédits de paiement consommés en matière spatiale militaire

(en millions d’euros courants)

Année

2003

2004

2005

2006

2007

Budget voté (a)

(hors BCRD) (1)

436,20

402,30

469,33

489,05

469,01

Annulations, reports et ajustements

- 38,39

- 23,59

- 43,92

26,38

80,66 (2)

Ressources disponibles

397,31

378,71

423,73

515,43

486,67 (2)

Budget réalisé (b)

398,70

330,37

374,07

391,41

274,58 (2)

Écarts (a - b)

37,50

71,93

95,26

97,63

185,15 (2)

(1) Budget civil de recherche et développement.

(2) A la fin de juin 2007.

Source : ministère de la défense.

Ce mouvement s’explique tout d’abord par les retards rencontrés dans l’exécution de certains programmes (décalage de la réalisation du segment sol d’observation à la suite des déploiements différés des satellites COSMO-SkyMed, SAR-Lupe et Pléiades ; report du tir du deuxième satellite Hélios II (26)). Il est en outre exact que les principales échéances des programmes spatiaux se situaient en début de programmation. Au total, de 2003 à 2006, l’écart en euros courants entre crédits votés et consommés représente 302 millions d’euros, soit 67 % d’une annuité moyenne de crédits votés sur cette période.

La loi de finances pour 2008 interrompt la tendance à la hausse des dotations initiales pour le secteur spatial militaire observée depuis 2004. Le total des crédits de paiement s’élève à presque 393 millions d’euros, soit une baisse de 16,2 % par rapport à la loi de finances pour 2007 (27). Le phénomène est encore plus marqué s’agissant des autorisations d’engagement : avec 155 millions d’euros prévus, la diminution est de 70,3 %.

• Par-delà l’évolution peu favorable des crédits, il convient de souligner que l’Europe n’est pas indépendante pour l’ensemble des technologies spatiales.

Entre 60 et 70 % des composants électroniques utilisés dans les systèmes satellitaires sont d’origine américaine et cette proportion atteint 100 % pour les composants durcis. Ils sont soumis aux règles d’exportation américaines ITAR (International Traffic in Arms Regulations), dont l’application est confiée au Département d’État. Cette dépendance peut se transformer en vulnérabilité si aucune source d’approvisionnement alternative n’existe (28). Consciente des risques d’une telle situation, l’ESA et les agences spatiales nationales européennes ont lancé dès 2003 des actions correctrices pour limiter cette dépendance dans le secteur critique des composants durcis (processeurs, fusibles…). La fragilité de l’Europe réside moins dans un retard technologique que dans l’absence de filières industrielles locales viables sur un marché trop réduit. Le problème concerne d’ailleurs également le contrôle du capital des PME-PMI réalisant des composants spatiaux, qui sont le plus souvent d’autant plus fragiles face aux prises de participations étrangères que la concurrence est importante entre des équipementiers européens dispersés et n’ayant pas la taille critique nécessaire. En témoigne par exemple le rachat en 2003 par un fonds d’investissement américain de la division Saft d’Alcatel, fournisseur de batteries utilisées dans plusieurs programmes militaires français stratégiques. La commission de la défense a eu l’occasion de se pencher sur cette question lors de la précédente législature au travers du rapport de nos collègues Bernard Deflesselles et Jean Michel sur l’industrie de défense européenne (29), dont les analyses restent pleinement d’actualité. La préservation du contrôle de savoir-faire rares suppose une grande vigilance, tout particulièrement de la part de l’Agence européenne de défense, l’une de ses missions étant la préservation et le développement de la base industrielle et technologique de défense. De manière ponctuelle, des prises de participation au capital d’entreprises sensibles peuvent permettre d’en assurer le fonctionnement ou la transmission dans des conditions satisfaisantes, grâce à des instruments comme la Financière de Brienne (30). Il reste que, pour l’essentiel, la survie d’un outil industriel performant et autonome dans ce domaine est liée au volume d’activité et à une volonté politique réelle d’acheter prioritairement en Europe.

La question se pose d’ailleurs dans des termes assez proches en ce qui concerne le recours à des lanceurs européens. La stratégie poursuivie par l’Europe dans le domaine essentiel de l’accès à l’espace vise à disposer d’une gamme couvrant l’ensemble des besoins, avec Ariane 5 (10 tonnes en orbite géostationnaire), Soyouz lancé depuis la Guyane pour les charges intermédiaires (3 tonnes) et Vega pour les orbites basses (jusqu’à 1,5 tonne à 700 km). Ces deux derniers lanceurs ne couvriront les besoins européens de lancement de petits satellites qu’à partir de 2009. En 2005, un progrès a pu être enregistré, la France et l’Italie ayant convaincu l’Allemagne d’accepter que les satellites de l’ESA soient lancés par des lanceurs européens. Mais ce n’est toujours pas le cas pour l’ensemble des programmes gouvernementaux, comme en témoigne la mise en orbite des satellites COSMO-SkyMed par des fusées Delta 2 américaines et des satellites SAR-Lupe par des lanceurs russes. On notera que lors du sommet franco-italien du 30 novembre dernier, une déclaration commune sur l’utilisation préférentielle des lanceurs européens pour les satellites gouvernementaux a été adoptée. Cette démarche mérite d’être poursuivie au regard des efforts consentis par les Européens pour maintenir leurs compétences dans ce domaine.

• Si la dualité doit effectivement être recherchée au maximum pour des raisons budgétaires et d’efficacité, le succès de cette démarche suppose de bien en apprécier les limites.

Tout d’abord, il convient de remarquer qu’en raison de leur caractère très particulier, certains besoins spécifiquement militaires ne peuvent être couverts par des programmes civils. C’est notamment le cas du renseignement d’origine électromagnétique et de l’alerte avancée.

Ensuite, même dans des domaines où une offre civile est disponible, il est nécessaire de ne pas négliger les contraintes d’emploi et le besoin d’autonomie propres aux activités militaires. Dans le domaine de l’observation optique, on assiste actuellement au développement d’une offre civile dans le domaine de la très haute résolution. Ainsi, la société DigitalGlobe a lancé en septembre 2007 un satellite Worldview-1 d’une résolution de 50 cm. Il reste que ce programme a été cofinancé par la National Geospatial-Intelligence Agency, placée sous l’autorité du Département de la défense. Celui-ci exerce un contrôle très étroit de la diffusion de ces images grâce à un droit d’acquisition prioritaire dont il fait largement usage en cas de crise. De plus, aucune véritable confidentialité sur les centres d’intérêt n’est envisageable lors de commandes à une société privée, ce qui en réduit évidemment l’attrait pour les services de renseignement. Le recours à l’achat d’images commerciales ne peut constituer un substitut aux programmes gouvernementaux indépendants ou en coopération, à moins d’accepter une perte complète d’autonomie en matière d’accès aux images, sans parler de l’impossibilité de confirmer leur authenticité.

Enfin, la mise à profit des possibilités offertes par la dualité suppose que les besoins spécifiquement militaires soient intégrés très en amont, dès la phase de conception des systèmes spatiaux. En France, la mise en place à partir de 2003 d’une équipe défense au sein du CNES a permis une bien meilleure gestion de la dualité. Cette équipe associe étroitement la délégation générale pour l’armement et l’état-major des armées à la décision d’emploi des crédits affectés au CNES dans le cadre du programme 191 « Recherche duale », soit 165 millions d’euros en 2008. Le projet de satellite d’observation Pléiades constitue l’un des meilleurs exemples d’intégration en amont des besoins de la défense dans un programme dual, notamment avec la grande agilité donnée à la plate-forme (31). Une démarche similaire devra être menée à l’échelle européenne, l’Union européenne affichant des ambitions spatiales à vocation duale, comme en témoignent les réflexions sur le volet sécurité du programme GMES et l’inscription de lignes consacrées à l’espace et à la sécurité dans le 7e programme cadre de recherche et de développement.

• Outre les difficultés liées aux intérêts industriels nationaux, l’organisation de programmes en coopération à l’échelle européenne est handicapée par un paysage institutionnel particulièrement fragmenté (32). Historiquement, l’Europe spatiale a été construite totalement en dehors du cadre communautaire, grâce aux États et à l’ESA. Organisation intergouvernementale, cette dernière a joué le rôle de forum efficace de coopération entre les États et ses membres n’appartiennent pas tous à l’Union européenne. Des liens étroits ont cependant été noués entre l’Union et l’ESA grâce à un accord-cadre adopté en novembre 2003, d’une part, et à l’organisation d’un conseil espace réunissant périodiquement le conseil de l’ESA et le conseil des ministres de l’Union, d’autre part. Si cette dernière a désormais clairement pour objectif de définir la politique spatiale européenne, l’ESA continue à vouloir jouer tout son rôle sur ce plan, en espérant que ses programmes pourront bénéficier des financements communautaires. L’un des principaux enjeux de cette forme de compétition est de savoir si la communautarisation progressive de la politique spatiale permettra de limiter les effets paralysants de la règle du « juste retour » industriel en vigueur à l’ESA. S’agissant de la défense proprement dite, ni l’ESA ni l’Union européenne n’ont actuellement vocation à définir et mettre en œuvre une politique spatiale militaire et leur intervention restera sans doute encore longtemps cantonnée aux aspects duaux, même si la notion de « sécurité » est au fond susceptible de couvrir des besoins extrêmement proches de ceux des armées. Si l’AED a vocation à constituer le principal instrument de définition de besoins et de solutions communes en matière de défense, force est cependant de constater que les moyens trop limités de cet organe récent ne lui permettent pas pour l’instant de susciter lui-même des initiatives d’envergure. Les États ne doivent donc pas abdiquer le rôle moteur qu’ils ont eu jusqu’ici dans le développement de capacités spatiales.

III. —  LA HIÉRARCHIE DES URGENCES

Sauf à renoncer à des capacités technologiques et à une autonomie d’appréciation et de décision chèrement acquises, il n’est guère envisageable de laisser les capacités dont disposent l’Europe et la France s’éroder progressivement. L’exercice de relance des ambitions peut paraître délicat dans le contexte actuel de raréfaction des ressources budgétaires, mais il est indispensable vu l’ampleur des lacunes. Des coopérations pragmatiques entre États sont de surcroît susceptibles de permettre une mutualisation des charges, au demeurant relativement modestes et décroissantes au regard des services rendus par l’espace.

A. AVANT TOUT, GARANTIR LE RENOUVELLEMENT DES OUTILS ACTUELS

1. Préparer la prochaine génération des télécommunications militaires

C’est dans le domaine des télécommunications que les échéances de renouvellement des systèmes actuellement en service ou en cours de déploiement sont les plus lointaines. La France sera toutefois la première concernée, les successeurs des satellites Syracuse III devant être lancés à partir de 2018. L’Allemagne devra songer à remplacer ses satellites SATCOM-BW à partir de 2020, de même que le Royaume-Uni pour le premier exemplaire de Skynet 5, tandis que le successeur du satellite italien SICRAL-1B devrait être lancé pour 2022. Ces dates sont donc suffisamment proches les unes des autres pour permettre une plus grande coordination et essayer d’en finir avec la dispersion actuelle des programmes nationaux.

Les travaux de réflexion et de recherche doivent cependant démarrer de manière assez rapide. Il s’agit en effet de préparer le saut technologique à venir en matière d’augmentation des débits, qui devrait être du même ordre qu’entre Syracuse II et Syracuse III, soit une multiplication par dix. Les études amont dans ce domaine doivent également permettre de veiller au maintien des compétences technologiques des bureaux d’études concernés. À ce stade, les réflexions sont encore très ouvertes sur les solutions qui pourraient être retenues, achat de service ou acquisition des systèmes en pleine propriété. Le choix devra reposer sur une analyse financière et juridique approfondie, le retour d’expérience des solutions de partenariat public-privé retenues par certains de nos partenaires pouvant de ce point de vue se révéler éclairant. La capacité d’expertise du ministère de la défense en la matière mérite d’être renforcée compte tenu de la complexité des dossiers.

À l’échelle européenne, on notera que l’AED a mis en place une équipe de projet sur les satellites de télécommunications militaires. Celle-ci a notamment pour mission d’étudier l’opportunité de la mise en place d’une forme de « centrale d’achat » associant des États membres pour l’acquisition groupée de capacités commerciales et doit mener une concertation en matière de R&T sur le futurs programmes de télécommunications spatiales. Enfin, les réflexions devront inévitablement porter sur les spécialisations industrielles. Actuellement, trois États disposent de compétences dans le domaine des communications militaires très protégées : le Royaume-Uni, la France et l’Italie. Plusieurs voies de rationalisation sont possibles. L’une d’elles consiste à s’acheminer progressivement vers une forme de spécialisation nationale par bande de fréquence, ce qui suppose l’acceptation d’une interdépendance entre Européens, à l’image de ce qui a été de fait réalisé dans le domaine de l’observation de la Terre. Une autre possibilité consisterait à s’orienter vers des développements communs dans le domaine des super hautes fréquences (SHF), sur lesquelles reposent les télécommunications de « routine » et qui peuvent représenter 80 % du coût total des satellites militaires. Les États se réserveraient pour leur part la faculté de continuer à maîtriser les technologies plus sensibles des bandes ultra hautes fréquences (UHF).

2. Mettre en service le successeur d’Hélios II à temps

• Compte tenu d’un calendrier très serré et de l’ampleur de l’enjeu, la succession d’Hélios II doit figurer au premier rang des priorités.

Hélios IIA a été mis en orbite en décembre 2004 et Hélios IIB devrait être lancé en 2009. En 2014, ce dernier atteindra sa fin de vie contractuelle. Même si l’on peut espérer que son fonctionnement se prolongera au-delà, cela ne peut absolument pas être garanti. Or, il faut sept ans pour la réalisation d’un système capable de lui succéder, dont deux ans pour la conception et cinq pour le développement. Ce délai ne peut raisonnablement pas être raccourci et impose un lancement du programme dès 2008.

Prendre le risque d’une rupture capacitaire ne paraît pas acceptable au regard de l’importance déterminante du renseignement d’origine image. L’imagerie optique est en effet la capacité de base du renseignement spatial. Outre son intérêt militaire pour le ciblage et la cartographie, elle est extrêmement utile aux autorités politiques en permettant d’apprécier des situations et de suivre des crises de manière autonome.

L’urgence est également manifeste s’agissant du maintien des compétences technologiques. Depuis le début des années 1980, les pouvoirs publics ont investi considérablement dans le développement d’une industrie de haut niveau en matière optique, dont les résultats au travers des programmes Hélios successifs et prochainement de Pléiades en font la filière d’excellence à l’échelle européenne. De fait, en matière d’imagerie, la spécialisation est accomplie, la France réalisant les programmes optiques tandis que l’Italie et l’Allemagne se consacrent à l’imagerie radar haute résolution. Il serait regrettable de laisser s’éroder un savoir-faire reconnu mais qui repose sur un nombre réduit de personnes. Dès 2004, la question du maintien des compétences a été posée avec la livraison du dernier instrument haute résolution pour Hélios II. Le CNES a alors mené un travail de recensement des compétences critiques qui l’a amené à mettre en place un plan adapté (33). Celui-ci reposait toutefois sur l’hypothèse d’un lancement dès 2008 des travaux sur la composante spatiale optique (CSO) destinée à la succession d’Hélios II.

• Les réflexions techniques sont d’ores et déjà très avancées et ont été menées dans un cadre largement européen.

Le projet MUSIS (Multinational Spacebased Imaging System) a permis d’associer les six États formant la « communauté » Hélios, à savoir la France, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et la Grèce au travers de la signature en 2006 d’un besoin opérationnel commun (BOC). Celui-ci prend en compte à la fois les capacités d’observation optique et radar, afin d’assurer la continuité des systèmes actuellement en service ou sur le point de l’être, et vise à mettre en place une architecture plus efficace pour les segments sol. S’agissant de la CSO, il est prévu de reconduire les capacités actuelles très haute résolution et infrarouge, tout en les complétant par un accès à l’extrêmement haute résolution, permettant de disposer d’une capacité d’identification et non plus seulement de reconnaissance. Le CNES a contribué aux études de faisabilité et un accord entre les industriels, la DGA et l’état-major des armées est récemment intervenu sur l’architecture générale du système et ses performances. La résolution des images devrait ainsi être au moins deux fois meilleure que celle offerte par Hélios II et la capacité de fourniture d’images pour un théâtre d’opération serait multipliée par dix.

• La décision de lancement du programme n’a pas encore été prise en raison de l’incertitude qui subsiste sur le degré et la nature de la coopération européenne dans le cadre de MUSIS. Deux approches sont en effet envisageables.

La première consiste à rechercher le plus haut degré possible d’intégration. C’est cette voie que privilégie la France actuellement. Durant l’été 2007, le chef d’état-major des armées et le délégué général pour l’armement ont adressé un lettre aux participants au système Hélios pour approfondir la coopération et créer une « Europe de la confiance » en matière de renseignement d’origine spatiale, avec une réalisation et une exploitation en commun des futures capacités optique et radar. Politiquement et opérationnellement ambitieuse, cette démarche ne pourra entraîner des économies que si les compétences industrielles et techniques de chacun sont bien utilisées. Si elle ouvrait la porte à des revendications de « juste retour » industriel ou des volontés de développement de compétences nouvelles de la part de nos partenaires, une telle opération ne présenterait guère d’intérêt en termes financiers. Au demeurant, il semble que les réponses apportées par les autres États ne sont pas très engageantes : seule la Belgique s’y est déclarée favorable, l’Italie paraît réticente, l’Allemagne et l’Espagne attendent le résultat d’études complémentaires et la Grèce ne s’est pas encore prononcée. Le principal risque est désormais celui d’un retard excessif du dossier en raison de négociations plus longues que prévues avec nos partenaires.

Une deuxième solution, sans doute plus pragmatique, consiste à organiser au sein du programme MUSIS l’apport par chaque pays d’une composante satellitaire dans son domaine d’expertise, l’optique revenant pour l’essentiel à la France, tandis que l’effort de coordination serait concentré sur la réalisation d’un système d’exploitation au sol aussi commun que possible (34). Outre une plus grande simplicité de mise en œuvre sur le plan industriel, cette démarche présente l’avantage d’être bien adaptée aux différents calendriers de renouvellement des systèmes spatiaux. Si les décisions à prendre pour la succession d’Hélios II doivent intervenir très rapidement pour une échéance située en 2015, nos partenaires allemands sont moins pressés dans la mesure où leurs satellites d’observation radar sont en cours de déploiement et ne devront pas être remplacés avant 2018.

Enfin, la question de la coopération européenne pourrait être abordée en allant au-delà de la seule communauté Hélios, par exemple au travers d’un accès à certaines images archivées moyennant une contribution financière, ce qui permettrait à davantage d’États de constater l’apport essentiel du renseignement d’origine image. Devenus utilisateurs, ils seront certainement enclins à participer par la suite à des programmes en coopération.

La question de la décision politique du lancement des véritables travaux de conception de la CSO pose celle de leur financement. L’équipe défense du CNES a été chargée le 4 décembre 2007 d’entamer les études de conception mais les 20 millions d’euros nécessaires à cet effet pour 2008 n’ont été inscrits ni sur le budget du CNES ni au sein de la mission défense. Des redéploiements budgétaires internes sont actuellement étudiés pour faire face aux besoins.

L’importance de l’enjeu rend indispensable une décision rapide s’agissant de la réalisation de la composante optique de MUSIS, les financements nécessaires devant être dégagés dans le même temps. À défaut, les quelques économies réalisées par le décalage du programme se paieraient à terme au prix fort si les autorités politiques n’étaient plus en mesure pendant quelques années de s’appuyer sur une capacité autonome de renseignement, dont le caractère extrêmement précieux a pu être mesuré lors des conflits dans les Balkans et de la préparation de l’invasion de l’Irak en 2003.

B. NE PAS RENONCER AU DÉPLOIEMENT DE CAPACITÉS NOUVELLES PROMETTEUSES

1. Combler progressivement les lacunes technologiques en matière d’alerte avancée

Les systèmes d’alerte avancée placés en orbite sont destinés à détecter de manière précoce le tir de missiles pendant leur phase propulsée et de collecter les données permettant d’identifier le type d’engin employé ainsi que l’agresseur. À l’heure actuelle, seuls la Russie et surtout les États-Unis disposent de tels systèmes, mis en place depuis plus de 35 ans.

En Europe, les travaux de recherche sur le sujet sont encore embryonnaires. La France a décidé en 2004 le lancement d’un programme d’études amont dénommé SPIRALE, destiné à acquérir un certain nombre de technologies nécessaires pour la maîtrise de l’alerte avancée. Ce démonstrateur repose sur deux microsatellites dont la mise en orbite est prévue pour la fin de 2008. L’exploitation des données devrait durer un peu moins de deux ans. Cofinancé par le CNES, dont il utilise la plate-forme Myriade, il constitue une étape de recherche très en amont, destinée à la caractérisation du « bruit de fond » infrarouge de la Terre. Il doit également permettre d’élaborer une chaîne de traitement et d’alerte tout en recueillant des informations sur le dimensionnement d’un éventuel système complet.

Si la réalisation d’un dispositif d’alerte avancée est utile pour la crédibilisation de la dissuasion nucléaire dans un contexte marqué par la prolifération balistique, elle ne prend cependant tout son sens que dans le cadre de la mise en place d’une défense antimissile. La composante alerte avancée doit dès lors être complétée par des radars en mesure de suivre la trajectoire des têtes, ainsi que par des moyens d’interception. Compte tenu du coût et des implications politiques d’un tel ensemble, sa réalisation éventuelle ne pourrait avoir lieu qu’à l’échelle européenne. On notera qu’il s’agit d’un choix onéreux, puisque la seule composante alerte avancée représenterait entre 500 millions d’euros et un milliard d’euros, selon le champ couvert. Le choix français de se doter d’une capacité d’expertise technologique susceptible d’être mise en valeur le moment venu est donc raisonnable. Il pourrait être complété par des études techniques permettant d’acquérir des compétences dans le domaine de l’interception, et ce d’autant plus que la France dispose des connaissances nécessaires en raison de son investissement historique dans les vecteurs balistiques.

2. Le renseignement d’origine électromagnétique : passer des démonstrateurs technologiques à un véritable programme

S’agissant du ROEM, la situation est très différente de celle constatée en matière d’alerte avancée compte tenu des nombreux démonstrateurs technologiques développés avec succès depuis plus de dix ans au travers d’Euracom, de Cerise et de Clémentine. Ces premiers développements ont été complétés plus récemment par le lancement du démonstrateur ESSAIM en 2004, dont l’objectif est d’étudier l’interception d’émissions dans les bandes basses (essentiellement par des émetteurs de communication et certains radars). La phase d’exploitation est en cours et permet d’entrevoir nombre d’applications pratiques. Enfin, cette opération devrait être suivie en matière de détection et de caractérisation des émissions dans les bandes hautes, c’est-à-dire des radars, par le démonstrateur ELISA (Electronic Intelligence Satellite), dont la mise en orbite est prévue pour 2010 (35). De fait, ces démonstrateurs sont très avancés et fournissent pratiquement une capacité opérationnelle embryonnaire. La maturité des technologies et l’expérience acquise doivent désormais être exploitées au travers d’un véritable programme, d’autant plus nécessaire qu’en matière de ROEM l’érosion progressive des capteurs disponibles pour les armées est préoccupante.

Un objectif d’état-major a été approuvé en juin 2007 pour un projet nouveau, baptisé CERES (capacité ROEM spatiale), dont la mise en service est prévue pour 2013. L’utilisation d’une plate-forme existante peu coûteuse de la classe des 400 kilos, la limitation au nécessaire des spécifications techniques et l’expérience des deux démonstrateurs précités pour les charges utiles ont permis de ramener l’objectif de prix à moins de 350 millions d’euros, pour un système composé de trois ou quatre satellites en formation avec une durée de vie de dix ans.

L’une des conditions posées au lancement de ce programme est l’association de partenaires européens, avec au moins un État comme l’Italie ou l’Allemagne. Une coopération est ainsi recherchée avec les cinq membres de la communauté Hélios, de même qu’avec la Suède. On peut souligner l’évolution intervenue dans ce domaine sensible, puisque la première version du rapport du GOSPS prévoyait seulement une coopération avec l’Allemagne, étendue à l’Italie dans la deuxième version. À ce stade, aucune réponse ferme n’est parvenue. Outre le fait que nos partenaires potentiels n’ont pas d’expérience technique en la matière, il ne faut pas oublier que l’Allemagne a concentré ses efforts sur les drones HALE Eurohawk.

Compte tenu du coût somme toute mesuré de CERES au regard de son apport opérationnel et des sommes déjà investies dans le passé dans les développements technologiques, faire de la participation financière d’autres États une condition indispensable du lancement effectif du programme pourrait rapidement déboucher sur une impasse. Une alternative possible serait l’échange de capacités avec l’Allemagne, sur le modèle de l’accord de Schwerin pour le renseignement image, et ce d’autant plus que les drones et les satellites sont parfaitement complémentaires. S’agissant de l’Italie, il pourrait être envisagé de lui offrir un accès aux données issues de CERES en contrepartie du financement par celle-ci du lancement des satellites, grâce à sa future fusée Vega.

3. Organiser l’autonomie européenne dans le domaine de la surveillance de l’espace

• L’enjeu principal de la surveillance de l’espace est tout simplement d’assurer la sécurité des engins placés en orbite face à la menace croissante des débris spatiaux. La NASA évalue en effet à 11 000 le nombre de débris d’une taille supérieure à 10 cm et à plus de 100 000 ceux compris entre 1 et 10 cm. Cette masse va croissant, tant en raison des effets de l’interception réalisée par la Chine que du fait de la croissance des activités spatiales. Le risque pour les systèmes spatiaux n’est pas théorique, comme en témoigne la destruction en 1996 du satellite Cerise, touché par un fragment d’une fusée Ariane tirée dix ans plus tôt. Cet événement a également souligné la dépendance des Européens en matière de surveillance de l’espace : si un radar britannique avait bien repéré la déstabilisation du satellite, celle-ci n’avait ensuite pu être véritablement confirmée que par les États-Unis. La France était alors totalement dépourvue de capacité dans le domaine de la surveillance de l’espace et n’avait pas été en mesure de vérifier par elle-même ces informations (36).

De fait, seuls la Russie et surtout les États-Unis disposent de systèmes globaux de surveillance de l’espace leur permettant d’entretenir un catalogue des objets en orbite et d’en identifier certains. L’United States Space Command dirige un réseau de surveillance global (SSN) reposant sur des moyens de repérage et d’observation radars et optiques installés sur seize sites dans le monde. Le catalogue issu de cette couverture géographique complète permet de suivre les objets de plus de dix centimètres en orbite basse et de un mètre en orbite géostationnaire. C’est sur la base des informations figurant dans cette base de données et transmises par le commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du nord (NORAD) que le CNES assure les manœuvres d’évitement de débris par les satellites étatiques français, lesquelles sont de plus en plus fréquentes.

Disposer d’une indépendance dans ce domaine devient désormais l’une des conditions d’un accès autonome à l’espace.

• L’Europe n’est pas complètement dépourvue car elle a mené récemment le développement de démonstrateurs technologiques. Ceux-ci sont cependant loin d’offrir une capacité opérationnelle suffisante et, surtout, ils ont été bâtis isolément par les États (37).

Dans le domaine des radars, ce sont la France et l’Allemagne qui ont mené les principales recherches. La première dispose depuis de nombreuses années des différents radars installés sur le Monge, capables de suivre simultanément trois objets jusqu’à 4 000 km d’altitude. Ces capacités ont été substantiellement accrues avec l’entrée en service du radar GRAVES (grand réseau adapté à la veille spatiale), dont les principales caractéristiques sont résumées dans l’encadré ci-après.

Dans les années 1990, l’état-major des armées avait envisagé un programme couvrant l’ensemble des aspects techniques de la surveillance de l’espace mais, compte tenu des contraintes budgétaires, seul le projet de radar GRAVES a pu être maintenu. Techniquement, ce radar peut suivre des objets d’une taille supérieure à un mètre carré entre 400 et 1 000 km d’altitude, soit environ 30 % des objets en orbite basse et tout particulièrement les satellites consacrés à l’observation. En tout, GRAVES assure le suivi d’un peu plus de 2 000 objets et a permis de repérer des écarts intéressants avec les informations figurant dans les catalogues américains en source ouverte.

Ce système présente des avantages sur trois plans. Tout d’abord, il fournit une relative indépendance par rapport aux bases de données américaines, en permettant de les compléter. Ensuite, il permet une meilleure prise en compte de la menace spatiale, notamment grâce à la connaissance plus précise des horaires de passage des satellites d’observation (il est ainsi possible d’adapter certaines postures, soit pour dissimuler des activités, soit au contraire pour leur donner un caractère démonstratif). Enfin, il offre une base pour les discussions et des échanges avec nos partenaires européens et américains. En ce sens, il constitue une véritable rupture, analogue à celle qu’a pu constituer en son temps l’arrivée en service d’Hélios I, en permettant d’accéder au « club » réduit des États disposant de ce type de technologie.

Les lacunes restent toutefois nombreuses et s’expliquent par la nature de développement exploratoire de GRAVES. L’analyse des données reste manuelle, ce qui empêche l’exploitation optimale du système. Des améliorations sont possibles pour accroître le périmètre de suivi des objets ainsi que la réactivité lors de détection d’événements, pour un coût estimé à environ un million d’euros. L’essai antisatellite chinois de janvier 2007 illustre la manière dont GRAVES peut être employé : c’est à la suite d’une information de source extérieure que les données collectées ont pu être utilisées a posteriori pour confirmer l’impact aux autorités politiques. Des décisions devront être prises prochainement pour assurer la pérennité de ce système, son financement par des crédits d’études amont ne permettant pas d’en assurer le fonctionnement à moyen terme, et pour déterminer ses améliorations éventuelles, ce qui représenterait un investissement de 22,5 millions d’euros sur la durée de la prochaine LPM.

En tout état de cause, GRAVES restera un outil limité, ne permettant ni un suivi complet des objets ni leur caractérisation. L’identification repose pour l’instant sur des échanges informels avec les Allemands, qui sont les seuls en Europe à posséder un radar imageur capable de reconnaître des satellites en orbite basse. Ce système nommé TIRA (Tracking and Imaging Radar) permet de détecter des objets de deux centimètres à 1 000 km d’altitude et peut réaliser des images avec une résolution de 18 cm. En ce qui concerne les dispositifs optiques nécessaires pour l’observation des objets en orbite lointaine, plusieurs outils sont disponibles. L’ESA dispose d’un télescope performant installé à Ténériffe. En France, la DGA met en œuvre le SPOC (système probatoire d’observation du ciel) et le CNES utilise son télescope ROSACE. Le ministère de la défense britannique a pour sa part mis en place trois instruments optiques PIMS (Passive Imaging Metric Sensor) au Royaume-Uni, à Gibraltar et à Chypre, capables de détecter des objets d’un mètre placés en orbite géostationnaire.

Des « briques » technologiques de haut niveau existent donc, mais elles ne forment pas pour l’instant un système cohérent.

• Consciente des faiblesses de l’Europe et de l’enjeu crucial que constitue la surveillance de l’espace, l’ESA a lancé une démarche de renforcement des moyens au travers du projet Space Situational Awareness (SSA), dont les conclusions devraient être soumises au conseil ministériel de l’agence d’octobre 2008. L’objectif poursuivi est d’atteindre à terme le niveau actuel du réseau de surveillance américain, soit une capacité de détection des objets de plus de 10 cm en orbite basse et d’un mètre en orbite géostationnaire, tout en pouvant repérer des fragmentations d’objets et des manœuvres orbitales. Les différents systèmes radars et optiques permettront d’élaborer progressivement un catalogue autonome des objets et débris. Le coût d’un ensemble cohérent pourrait représenter au total entre 120 et 150 millions d’euros.

Cette initiative de l’ESA porte seulement sur les systèmes de détection, dont la vocation est par nature duale, mais elle ne couvre pas le besoin d’identification, spécifiquement militaire. Il est donc nécessaire que les États les plus intéressés par ce dernier aspect coordonnent leurs actions afin de déployer des systèmes haute résolution radars et optiques. Ils pourraient comprendre le développement de démonstrateurs technologiques de lasers installés au sol et capables de suivre des objets particuliers, de les identifier grâce à l’imagerie active et, à terme, d’être éventuellement capables de dévier des débris en focalisant de l’énergie sur eux. Les coopérations en la matière pourraient prendre la forme soit de programmes de recherche associant quelques pays, soit reposer sur une forme de partage des tâches et des informations recueillies.

Le développement des savoir-faire technologiques et d’un système complet de surveillance de l’espace jouera à l’avenir un rôle dissuasif déterminant vis-à-vis d’éventuels agresseurs, tout en contribuant à la mise en place d’une protection efficace des satellites européens.

C. UNE AMBITION PLUS QUE RAISONNABLE

1. Adapter les structures de commandement à l’enjeu que constitue l’espace

L’espace apparaît de plus en plus comme un milieu dont la connaissance et la maîtrise, au même titre que la terre, l’air et la mer, sera déterminante à l’avenir pour l’emploi des forces et dans les stratégies de puissance. Il s’agit d’une rupture profonde qui conduit à ne plus le considérer comme un simple point haut à occuper et à s’interroger sur les conséquences de ce mouvement en termes d’organisation des forces.

Il faut souligner la clairvoyance des rédacteurs des textes réglementaires organisant la défense nationale, puisque le décret n° 75-930 du 10 octobre 1975 relatif à la défense aérienne et aux opérations aériennes avait déjà prévu que la défense aérienne a notamment pour objet de « surveiller l’espace, les approches aériennes du territoire et l’espace aérien national, de déceler et d’évaluer la menace ». Elle doit également concourir à la diffusion de l’alerte aux populations en cas de danger spatial ou aérien inopiné (38). Le chef d’état-major des armées est responsable de la mise en œuvre du plan militaire de défense aérienne, dont l’exécution est confiée au commandant de la défense aérienne.

L’armée de l’air joue donc d’ores et déjà un rôle opérationnel de premier plan en matière spatiale. Largement utilisatrice de prestations spatiales, qu’il s’agisse de télécommunications protégées, d’information géographique (utilisation des modèles numériques de terrain), des services de navigation et de datation et des moyens de météorologie atmosphérique, elle est également elle-même prestataire de services spatiaux. La mise en œuvre d’accords de partage d’informations avec nos alliés en matière de météorologie spatiale lui revient. Elle est aussi chargée de l’analyse des performances des constellations GPS et bientôt de Galileo, afin de déterminer avec précision leur niveau de performance en fonction de l’heure et du lieu. Enfin, il lui revient d’assurer la gestion des segments sol d’une partie des moyens militaires spatiaux nationaux (Hélios II principalement) et de la surveillance de l’espace (exploitation du radar GRAVES).

On notera que l’extension du rôle des armées de l’air au spatial est également à l’œuvre chez nos principaux partenaires. Les Britanniques ont récemment annoncé que leur équivalent du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes, dorénavant baptisé NASOC (National Air and Space Operational Center), couvrirait aussi les opérations spatiales. La Luftwaffe s’est pour sa part manifestée comme l’acteur incontournable dans le domaine spatial, à la fois du fait que les forces aériennes sont un des principaux utilisateurs des services offerts par les moyens spatiaux, mais aussi en raison d’une logique opérationnelle proche de celle du milieu aérien (rapidité, diffusion des informations directement vers les autorités politiques). (39)

Afin d’affirmer symboliquement l’importance accordée à la maîtrise de ce milieu, il est souhaitable de transformer l’armée de l’air en armée de l’air et de l’espace. Un tel mouvement mettrait avant tout l’accent sur l’aspect opérationnel, la détermination des programmes relevant toujours du niveau interarmées. D’une certaine manière, la « visibilité » de l’espace au sein des armées serait accrue, ce qui ne constitue en rien une garantie d’augmentation des crédits mais peut cependant y contribuer.

2. Un cas unique en matière d’armements : la baisse des coûts

« L’espace est cher » entend-on souvent dire par ceux qui craignent que des ambitions technologiques mal maîtrisées ne grèvent le budget de la défense, au détriment des besoins légitimes et plus immédiats des troupes déployées en opérations extérieures. La réflexion n’est pas fausse si l’on s’en tient aux coûts en valeur absolue : à l’évidence les programmes spatiaux sont des concentrés de haute technologie et leur prix s’en ressent. Elle passe cependant à côté d’une caractéristique très particulière, tranchant singulièrement avec la dérive des coûts des armements modernes et de leur entretien : alors que les performances des systèmes spatiaux augmentent continûment, leurs prix baissent.

Comme l’indique la version déclassifiée du rapport du GOSPS, les performances et services offerts n’ont cessé de s’améliorer, aussi bien dans le domaine des télécommunications (avec une multiplication par dix des débits d’une génération de satellites à l’autre) que dans celui de l’observation de la Terre (entre Hélios I et II, la capacité de prises de vue sur un théâtre a été multipliée par cinq, avec une résolution améliorée significativement). La baisse des coûts s’explique par les progrès de la miniaturisation, l’utilisation maximale de la dualité et l’arrivée à maturité des technologies, laquelle limite les besoins de redondances tout en ayant permis une augmentation de 50 % de la durée de vie des satellites en dix ans. Rien n’indique que cette tendance se ralentit, bien au contraire. Un exemple permet de mieux comprendre l’ampleur du phénomène. Alors que la réalisation d’Hélios II a coûté au total près de 1,8 milliard d’euros, les deux satellites destinés à assurer la succession de ce système au travers de la composante optique de MUSIS représenteraient entre 800 millions d’euros et un milliard d’euros, là encore avec une progression très importante des performances, tant en termes de flux d’images que de qualité de celles-ci.

L’apport des systèmes spatiaux au vu de leur prix en fait donc des investissements éminemment raisonnés. L’effort supplémentaire à consentir pour se doter de capacités nécessaires et cohérentes est très largement à la portée des Européens. Le rapport du GOSPS a ainsi permis d’évaluer à 650 millions d’euros par an en moyenne le montant des crédits que la France devrait consacrer au secteur spatial militaire (40). Complété par un effort proportionnellement comparable de nos partenaires européens, il permettrait à l’Union de se doter de la palette des moyens dont elle a besoin, pour une dépense d’ensemble d’environ deux milliards d’euros. Il ne s’agit donc nullement de démesure puisque l’écart avec le budget militaire américain en la matière, aujourd’hui pratiquement de un à vingt, serait simplement ramené de un à dix.

CONCLUSION

L’espace joue désormais un rôle déterminant non seulement dans l’activité économique et la vie courante mais aussi dans les activités militaires. Cette omniprésence discrète et efficace n’est guère payée de retour. D’une certaine manière, les apports de l’espace sont considérés comme un acquis, alors qu’ils sont en fait fragiles et supposent un renouvellement des moyens et une mise à niveau technologique régulière. La poursuite de la stagnation budgétaire ou, pire encore, la régression des crédits conduirait inévitablement à de graves pertes de compétences technologiques. À moyen terme, elle se traduirait par des ruptures capacitaires inacceptables politiquement et militairement, sans parler de la persistance de lacunes criantes dans de nombreux segments des activités spatiales de sécurité et de défense.

À l’heure où se préparent en France des arbitrages budgétaires dont chacun sait combien ils seront difficiles, la tentation du court terme doit être écartée. Bien au contraire, il convient de mettre en valeur le multiplicateur extraordinaire de force et d’influence que constitue l’espace, surtout dans la perspective d’une affirmation de l’autonomie européenne et du renforcement de ses capacités de renseignement.

Le constat de la nécessité d’une relance des activités spatiales a été établi de longue date et il est largement partagé à l’échelle européenne ; les lacunes ont été précisément identifiées ; les solutions techniques sont prêtes et les possibilités de coopération pragmatiques nombreuses. Il reste à la volonté politique à se traduire par des actes.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport d’information au cours de sa réunion du mardi 5 février 2008.

Un débat a suivi l’exposé des rapporteurs.

Le président Guy Teissier a partagé le constat réaliste des rapporteurs sur la politique spatiale. Malgré sa dimension stratégique, elle ne bénéficie pas d’arbitrages budgétaires à la hauteur des enjeux. Il a par ailleurs souhaité connaître le coût des programmes ESSAIM et GRAVES.

M. Serge Grouard, rapporteur, a indiqué que la France dispose de plusieurs démonstrateurs technologiques de surveillance de l’espace depuis le sol, avec le système probatoire d’observation du ciel (SPOC) de la délégation générale pour l’armement ou du télescope ROSACE du CNES. Toutefois, ces outils ne sont pas suffisamment coordonnés et n’assurent pas de surveillance de l’espace en temps réel. Le système GRAVES s’inscrit dans cette logique : il souffre en effet d’une limite opérationnelle importante puisqu’il n’est pas capable de fonctionner en temps réel. Il peut seulement détecter a posteriori des évènements, comme ce fut le cas avec l’analyse des débris du satellite détruit par la Chine. Des travaux sont actuellement en cours au sein de l’agence spatiale européenne pour améliorer l’imbrication des systèmes, mais ces études restent limitées au domaine civil.

Mme Odile Saugues, rapporteure, a précisé que le démonstrateur ESSAIM avait coûté 80 millions d’euros. S’agissant de GRAVES, sa réalisation a représenté 30 millions d’euros, mais il conviendra de prévoir dans la prochaine loi de programmation militaire les crédits relatifs à son fonctionnement.

M. Serge Grouard, rapporteur, a fait valoir que le démonstrateur Spirale permet de développer les compétences dans le domaine de la détection de tirs de missiles balistiques, pour un coût d’environ 180 millions d’euros. Il ne permet cependant pas le suivi des trajectoires, que seuls les États-Unis sont en mesure d’effectuer actuellement. De fait, un système complet de défense antimissile excède les possibilités financières des Européens. La mise en place d’un système opérationnel comportant deux satellites d’alerte en orbite demanderait à elle seule un effort de l’ordre d’un milliard d’euros. Les propositions figurant dans le rapport tiennent compte des contraintes budgétaires et proposent une approche réaliste.

M. Jean Michel a estimé que la faiblesse des crédits consacrés à l’espace militaire est un problème récurrent, soulevé par la commission depuis de nombreuses années. En 2004, Mme Alliot-Marie, ministre de la défense, s’était engagée à porter ce budget à 600 millions d’euros. Or les années suivantes, celui-ci, loin de s’accroître, a diminué, les crédits inscrits n’étant même pas consommés en totalité. Bien sûr, l’espace ne se voit pas et les satellites ne défilent pas sur les Champs-Élysées, mais si les enjeux continuent d’être ainsi ignorés, la France sera bientôt dépassée par les avancées technologiques d’autres États. Pour plus d’efficacité, il serait souhaitable que le Président de la commission tienne avec les rapporteurs une conférence de presse sur le sujet afin de tirer le signal d’alarme.

Il a ensuite considéré que l’insuffisance des investissements dans l’espace militaire devait également être rapportée à l’ambition et à la posture internationale de la France. Dans ce domaine, notre pays ne semble plus vouloir se donner les moyens de ses ambitions et exister par lui-même. Cette résignation exprime peut-être une décision de s’en remettre à nos alliés américains, revenant ainsi sur les choix de souveraineté et d’indépendance faits par le général de Gaulle il y a quarante ans. Pourtant, il ne s’agit pas de dépenses considérables : les propositions faites par les rapporteurs ramèneraient seulement de un à dix, contre un à vingt actuellement, le rapport entre les investissements européens et américains.

En réponse, M. Serge Grouard a évoqué quatre raisons pouvant expliquer l’insuffisance du budget de l’espace militaire. Il y a tout d’abord un problème interne au ministère de la défense, où personne n’est véritablement en charge du dossier, ce qui constitue un handicap très lourd compte tenu du mode de fonctionnement des armées. Ensuite, par définition, l’espace ne se voit effectivement pas : il peut donc sembler plus rentable, sur les plans politique et médiatique, d’investir dans des programmes plus spectaculaires. En outre, l’espace est toujours conçu comme un multiplicateur de forces qui ne se suffit pas à lui-même et peut donc être sacrifié à l’urgence. Enfin, pendant longtemps, nos partenaires européens n’ont pas été intéressés par l’espace militaire du fait de leur positionnement stratégique. La France était un peu seule sur le sujet, comme en témoigne sa part encore prépondérante (50 %) dans le budget militaire spatial européen. Aujourd’hui, les positions stratégiques se rapprochent, notamment avec l’Italie et l’Allemagne, et les besoins et les échéances convergent, que ce soit dans les télécommunications ou dans l’observation. Il y a donc un espoir de ce côté-là, pour peu que l’on parvienne à bien définir les rôles respectifs de l’ESA et de l’Union européenne. C’est un véritable enjeu pour la présidence française de l’Union.

Mme Odile Saugues a ajouté que le pouvoir politique avait été mobilisé sur les questions spatiales tant que la conquête de l’espace était une aventure humaine passionnant le grand public. Aujourd’hui, l’opinion publique s’est désintéressée de ces questions et le citoyen n’a pas conscience de l’importance de l’espace pour sa sécurité. C’est donc au politique d’apporter une réponse à ces enjeux.

M. Jean Michel a rappelé que les États-Unis ont quant à eux fait de l’espace une priorité et ont clairement affirmé leur refus d’être concurrencés dans ce domaine.

M. Jean-Louis Bernard a regretté que l’espace n’ait pas été considéré comme une priorité pour la défense et s’est félicité que la commission ait choisi ce thème pour sa dernière université d’été et ce rapport d’information. Il a approuvé la nécessité de donner plus de visibilité à ce dossier au sein de l’organigramme du ministère de la défense, même si la proposition des rapporteurs de renommer l’armée de l’air « armée de l’air et de l’espace » n’est pas totalement satisfaisante car l’espace ne concerne pas la seule armée de l’air. Il conviendrait en tout cas de confier ce dossier à un responsable disposant de compétences et prérogatives identiques à celles d’un chef d’état-major.

Il a ensuite évoqué les difficultés rencontrées dans la coopération européenne, tant sur les financements que sur les lanceurs, certains de nos partenaires se défiant d’Arianespace et préférant avoir recours à des prestataires extérieurs à l’Union. Comment progresser dans la coopération s’il n’y a pas de confiance entre les États membres ? Il a également souligné la nécessité d’engager une coopération solide avec la Russie, qui détient une grande expérience dans le domaine spatial.

Mme Odile Saugues a indiqué qu’une avancée était intervenue lors du sommet franco-italien du 30 novembre 2007, avec l’adoption d’une déclaration commune sur l’utilisation préférentielle de lanceurs européens pour les satellites gouvernementaux.

Mme Patricia Adam a constaté que les deux derniers rapports d’information présentés devant la commission faisaient état de problèmes capacitaires graves, respectivement dans les domaines de l’aéromobilité et de l’espace. Cela ne peut qu’inquiéter au regard des engagements pris depuis cinq ans. Dans le domaine spatial particulièrement, le maître mot est l’anticipation. La dualité des investissements dans ce domaine n’est plus à démontrer et les retombées économiques concernent tout à la fois le domaine civil et le domaine militaire. Les rapporteurs ont indiqué qu’un investissement complémentaire de 300 millions d’euros permettrait de satisfaire les besoins majeurs ; si l’on y ajoute l’alerte avancée, ce montant s’élève à 900 millions d’euros. Il serait curieux que la France ne puisse investir des sommes de cet ordre de grandeur dans un domaine aussi crucial. Les travaux de la commission chargée de l’élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité, dont la presse s’est récemment faite écho, accordent une place éminente à l’anticipation et au renseignement. Par-delà cette prise de conscience se pose la question de la décision. Il faut bien constater que les états-majors sont actuellement surtout préoccupés par les besoins opérationnels immédiats et souligner que l’anticipation de l’avenir relève du domaine politique et diplomatique. Aussi, dans la perspective de l’élaboration de la prochaine loi de programmation militaire, le pouvoir de décision ne doit pas revenir aux seuls états-majors mais bien aux autorités politiques. On peut espérer que le Conseil de défense et de sécurité nationale permettra d’aborder ces questions. En tout état de cause, c’est bien au pouvoir politique qu’il revient de définir le rôle des armées. Enfin, si dans le domaine spatial la coopération européenne est éminemment souhaitable, il ne sera pas possible d’attendre que l’ensemble des partenaires potentiels s’entendent sous peine de ne pas être au rendez-vous des prochaines échéances.

*

La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

• CNES :

– M. Yannick d’Escatha, président directeur général du CNES ;

– M. Stéphane Janichewski, directeur général délégué et directeur des programmes et des relations internationales ;

– M. Pierre Tréfouret, directeur de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques.

• Délégation générale pour l’armement :

– M. l’ingénieur général de l’armement Charles de Lauzun, chargé de la coordination des activités spatiales au sein de la DGA.

• Conseil scientifique de la défense :

– M. l’ambassadeur de France Francis Gutmann, président du CSD ;

– M. l’ingénieur en chef de l’armement Michel Bouthier, secrétaire général.

• Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes :

– M. le général de corps aérien Patrick de Rousiers, commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes ;

– M. le colonel André Lanata, chef du bureau « plans » ;

– M. le lieutenant-colonel Franck Schrottenloher, chef de la division spatiale.

• Astrium :

– M. François Auque, président d’EADS-Astrium ;

– M. Gilles Maquet, senior vice-président, chargé des relations institutionnelles.

• Thales Alenia Space :

– M. Benoît Hancart, directeur commercial défense ;

– amiral (2S) Benoît Montanié, conseiller défense.

• Fondation pour la recherche stratégique :

– M. Xavier Pasco, maître de recherche.

1 () Politique spatiale : l’audace ou le déclin, M. Christian Cabal, député, et M. Henri Revol, sénateur, rapport AN n° 3676, douzième législature, et Sénat n° 223, session ordinaire 2006-2007.

2 () Une heure stratégique pour le spatial russe, Andreï Ionine, Politique étrangère 2-2007, page 270.

3 () Cité par Isabelle Facon et Isabelle Sourbès-Verger, La place du spatial dans le projet de restauration de la puissance russe, note de la FRS, mai 2007.

4 () Le budget spatial japonais représente 2,1 milliards d’euros en 2007 et il a eu tendance à décroître de manière presque continue depuis 2001, date à laquelle il atteignait 2,62 milliards d’euros. La part des projets militaires est de 400 millions d’euros environ, principalement au titre du programme de satellites de reconnaissance optique et radar IGS (Information Gathering Satellites), lancé en 2003 afin de surveiller les activités de la Corée du Nord. La Constitution japonaise continue toutefois à limiter les aspects militaires des programmes spatiaux. Mais il est plus que probable que l’intérêt du Japon pour la défense antimissile en coopération avec les États-Unis conduira à un développement des activités militaires et duales.

5 () China’s Space Ambitions, Joan Johnson-Freese, Proliferation Papers - centre d’études de sécurité de l’IFRI, été 2007.

6 () Selon la presse, dans le domaine de l’observation de la Terre, le projet Future Imagery aurait été abandonné en 2003 après qu’au moins quatre milliards de dollars y ont été affectés. In death of spy satellite program, lofty plans and unrealistic bids, Philip Taubman, The New York Times, 11 novembre 2007.

7 () US pushes the boundaries in race to revolutionise comms in space, Dee Ann Divis, Jane’s International Defense Review, septembre 2007.

8 () La liste des personnes auditionnées figure en annexe du présent rapport.

9 () America’s brittle space systems, général William L. Shields, Armed Forces Journal, septembre 2007.

10 () L’idée de domination de l’espace apparaît notamment dans un document de l’United States Space Command de 1997, intitulé « Vision pour 2020 », ainsi que dans le rapport remis en janvier 2001 par la commission chargée d’évaluer la gestion et l’organisation des activités spatiales dans la perspective de la sécurité des États-Unis, présidée par Donald Rumsfeld.

11 () L’arsenalisation de l’espace : projets américains, réactions européennes, Laurence Nardon, Note de l’IFRI, octobre 2007.

12 () La dynamique de l’arsenalisation de l’espace, James A. Lewis, Politique étrangère, 2-2007.

13 () La Chine est notamment l’un des promoteurs, avec la Russie, l’Inde et le Canada, d’une initiative visant à prévenir une course aux armements dans l’espace, dite PAROS (Preventing an Arms Race in Outer Space), qui prendrait la forme d’un code de bonne conduite ou d’un traité complétant le Traité de 1967.

14 () China’s military space strategy, Ashley J. Tellis, Survival, vol. 49 n° 3, automne 2007.

15 () Détenue à 100 % par le groupe EADS, la société Paradigm Secure Communications fournit le service issu de Skynet-5 au MoD moyennant un effort financier de 5,5 milliards d’euros sur la période 2004-2020 dans le cadre d’un partenariat public-privé.

16 () Lors du lancement du projet en 2004, il avait été prévu de déployer 587 stations sol entre 2006 et 2014. En 2007, cette cible a été réduite à 489 stations, cette mesure étant complétée par un étalement des commandes et des livraisons qui conduit à utiliser plus longtemps les anciennes stations Syracuse II. Les dernières stations sol devraient être commandées en 2015, soit seulement deux ans avant la fin de vie prévisible des satellites.

17 () Dont une moitié pour le satellite et l’autre pour le segment sol.

18 () Sur l’ensemble du dossier Galileo, on se reportera utilement au rapport d’information de MM. Bernard Deflesselles et Michel Delebarre au nom de la délégation pour l’Union européenne, Galileo : un pilier majeur de la puissance scientifique et technologique de l’Europe, treizième législature, n° 440.

19 () Le document de politique spatiale européenne, adopté par les ministres de l’Union européenne réunis en conseil espace le 22 mai 2007, reconnaît en outre expressément que certains programmes duaux, comme Galileo et GMES (Global Monitoring for Environment and Security), pourraient avoir des applications militaires.

20 () Dont 45 % en France, 27 % en Allemagne, 21 % au Royaume-Uni et le reste aux Pays-Bas et en Espagne.

21 () Ce satellite PAZ d’observation radar utilisera un capteur du même type que celui équipant le satellite dual allemand Terrasar, lancé en juin 2007, et offrira une résolution métrique.

22 () La charge utile des satellites est réalisée par Thales Alenia Space.

23 () Espace : une nouvelle frontière européenne pour une Union en expansion. Plan d’action pour la mise en œuvre d’une politique spatiale européenne, COM (2003) 673 final.

24 () Generic Space Systems Needs for Military Operations, 7 février 2006 (6920/06) et Outline of Generic Space Systems Needs for Civilian Crisis Management Operations, 27 juin 2006 (10970/06).

25 () COM (2007) 212 final.

26 () Les participations de l’Italie et de la Grèce à Hélios II décidées au cours de la LPM ont également contribué à limiter les besoins en paiements.

27 () Crédits de paiement figurant au sein du programme 146 « Équipement des forces » ainsi que ceux du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » (pour l’essentiel les études amont espace et, plus marginalement, une partie des études technico-opérationnelles).

28 () Les règles d’exportations américaines pourraient être éventuellement utilisées dans le cadre d’une stratégie de déni d’accès à l’espace. À la suite de la publication du rapport Cox par la Chambre des représentants, en 1999, les États-Unis ont significativement durci les règles d’exportation et de réexportation de composants sensibles américains, ce qui a considérablement limité le développement des programmes de lanceurs commerciaux chinois.

29 () Industrie de défense européenne : de la maîtrise à l’indépendance, rapport d’information n° 2202, mars 2005.

30 () Société de capital investissement dans les PME - PMI de hautes technologies duales à potentiel de croissance et positionnées sur les secteurs stratégiques nationaux et européens, elle est dotée d’un capital variable de 10 à 100 millions d’euros.

31 () Ce programme associant le CNES et l’agence spatiale italienne prévoit la réalisation de deux satellites d’observation optique de très haute résolution (0,7 m), le lancement du premier exemplaire étant prévu en 2010. Par son champ très large, Pléiades est complémentaire des moyens militaires d’observation Hélios II.

32 () Quelle organisation pour l’Europe spatiale ? Florence Autret, Politique étrangère, 2-2007.

33 () D’un montant total de 2 millions d’euros sur la période 2007-2009, il porte sur des actions techniques, hors domaine défense, relatives notamment à l’instrumentation grand champ à haute qualité radiométrique et aux sondeurs infrarouges haute performance, pour la météorologie.

34 () Une telle coopération suppose de trancher la question épineuse du degré de connaissance réciproque de la programmation des images. Il peut être envisageable de conserver un quota de programmation qui resterait maîtrisé par les États de manière individuelle, afin de lever certaines réticences à une ouverture complète, fut-elle entre un nombre réduit de partenaires.

35 () Le démonstrateur ESSAIM a coûté environ 80 millions d’euros ; cofinancé par le CNES, ELISA représente pour sa part 160 millions d’euros.

36 () Space Situational Awareness and International Policy, Laurence Nardon, documents de travail de l’IFRI, octobre 2007.

37 () S’agissant des caractéristiques techniques des différents systèmes de surveillance de l’espace déployés en Europe, on se reportera utilement à l’article de H. Klinkrad, Monitoring Space – Efforts Made by European Countries, publié sur le site de la fédération des scientifiques américains (http://www.fas.org/spp/military/program/track/klinkrad.pdf).

38 () Ce texte a été intégré au code de la défense à l’article D. 1441-1.

39 () Aux États-Unis, dès 1985 un commandement spatial a été créé (US Space Command), mais son rôle réside avant tout dans la coordination des programmes spatiaux à l’échelon interarmées. La marine et les armées de terre et de l’air ont leur propre commandement spatial, le plus important étant néanmoins l’Air Force Space Command, employant plus de 38 000 personnes (dont une large partie au titre de la mise en œuvre de la composante balistique terrestre de la dissuasion américaine).

40 () Hors BCRD.


© Assemblée nationale