N° 744 - Rapport d'information de M. Frédéric Lefebvre déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du Plan sur les emprunts immobiliers à taux variable




N° 744

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mars 2008

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

sur les emprunts immobiliers à taux variable

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Frédéric Lefebvre,

Député.

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INTRODUCTION 7

I.– UNE REMONTÉE BRUTALE DES TAUX : DE LA CRISE DES SUBPRIMES À SES EFFETS SUR LES EMPRUNTEURS À TAUX VARIABLE 9

A.– LA CRISE IMMOBILIÈRE ET FINANCIÈRE AMÉRICAINE 9

1.– Les prêts au logement aux États-Unis et la titrisation des créances 10

a) Le développement du segment subprime 10

b) La dissémination des risques par titrisation 12

c) La remontée des taux et la baisse du marché immobilier enclenchent un processus de dégradation des actifs : les prêteurs dans l’œil du cyclone 14

2.– Le processus de généralisation : d’une crise locale à une crise mondiale et d’une crise financière à une crise de liquidité et de confiance sur le marché interbancaire 15

a) La réintermédiation du crédit 15

b) Les difficultés de refinancement 17

c) La conduite de la politique monétaire par les banques centrales et la fonction de prêteur en dernier ressort 19

B.– LA FRANCE : UN PAYS RELATIVEMENT PROTÉGÉ DES EFFETS DE LA HAUSSE DES TAUX SUR L’OFFRE DE CRÉDIT À L’HABITAT ET LES EMPRUNTS EN COURS 20

1.– Un marché des prêts à l’habitat peu exposé au risque de taux 21

a) Un marché de prêts à taux fixe 21

b) Un taux d’endettement hypothécaire peu élevé 24

c) Une consommation décorrélée de la valeur du patrimoine immobilier 25

2.– Une contraction peu importante du volume des prêts octroyés 26

a) Le credit crunch : un scénario improbable 26

b) Une augmentation du coût des prêts à relativiser par la faiblesse des marges pratiquées 28

c) Le resserrement des conditions non tarifaires des offres 31

d) Un recul de l’offre plus marqué pour les prêts à taux variable 32

3.– Une hausse des taux qui affecte modérément les emprunteurs à taux variable 35

a) Une déstabilisation des emprunteurs limitée par les caractéristiques des prêts et les efforts des établissements de crédit 35

b) Une stabilité des défaillances qui contraste avec la brutalité du choc de taux 38

c) La stabilisation des taux 41

d) Un marché immobilier tiré par la demande intérieure qui ne devrait pas mettre en difficulté les emprunteurs 42

II.– LES EMPRUNTS IMMOBILIERS À TAUX VARIABLE OU L’ÉQUILIBRE ENTRE FACILITÉS ET EXPOSITION AU RISQUE 46

A.– LES EMPRUNTS À TAUX VARIABLE EN FRANCE NE SONT PAS DES SUBPRIMES « À LA FRANÇAISE » 47

1.– Une image de prêts complexes versus des prêts toxiques 47

a) Les emprunts à taux variable en France : des contrats jugés complexes par les emprunteurs 47

b) Les emprunts subprime ou la dérive de l’offre de prêts 49

2.– Des conditions d’octroi des crédits réglementées : le contexte réglementaire français facteur structurel de l’offre de crédit 51

a) La législation en faveur de la protection de l’emprunteur 51

b) La lutte contre le surendettement 52

c) La législation sur l’usure 53

3.– Le devoir de mise en garde et la sélection des emprunteurs 56

a) Le devoir de mise en garde 56

b) Le rôle de la culture du crédit 57

c) Des critères de solvabilité pour les banques, des outils de scoring élaborés pour les sociétés financières spécialisées 58

B.– APPRÉCIER L’EXPOSITION AU RISQUE EN FONCTION DE L’EMPRUNTEUR ET DE LA NATURE DE L’EMPRUNT OU COMMENT LE PRÊT À TAUX VARIABLE S’INSCRIT DANS LA DYNAMIQUE D’ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ 59

1.– Le contexte de ces dernières années : une hausse de la capacité d’emprunt des ménages qui éprouve ses limites en fin de période 60

a) La combinaison de la baisse des taux d’intérêt et de l’allongement des durées d’emprunt stimule le crédit à l’habitat 60

b) L’évolution de la distribution des prêts à taux variable fonction de la conjoncture 62

c) Des mesures d’incitation à la baisse du coût du prêt qui ont fait reculer, sans y parvenir totalement, la limite de solvabilité 65

d) Des durées de prêt et des taux de départ qui maintiennent l’attractivité des prêts à taux variable 68

2.– Les profils d’emprunteurs : des risques différents et une perception différente du risque 69

a) La logique d’investissement et l’acquisition d’une résidence secondaire 70

b) Le prêt relais et la seconde accession 71

c) La primo-accession : l’emprunt à taux variable un outil pour « monter dans le train » de l’accession 72

d) Des prêts qui exposent trop les primo-accédants au risque de taux ? 74

III.– RENFORCER LA QUALITÉ DE L’INFORMATION ET PERMETTRE AUX EMPRUNTEURS DE SE VOIR PROPOSER DES PRÊTS DONT LE PROFIL ET LES CARACTÉRISTIQUES LEUR SONT ADAPTÉS 76

A.– L’INFORMATION DES DEMANDEURS ET LA TRANSPARENCE DES CONDITIONS FINANCIÈRES 78

1.– La suppression des « taux d’appel » 78

a) L’affichage d’un taux initial réduit : un effet d’optique qui peut induire en erreur 78

b) En conserver l’intention initiale en substituant à ces taux d’appel des prises en charges temporaires d’une partie des mensualités 80

2.– La fourniture de simulations sur l’application potentielle de la clause de variation : expliquer le contenu de la clause et éclairer l’emprunteur sur ses implications 81

a) De l’origine et de la pertinence d’une obligation de simulations dans la loi « Châtel » 81

b) De l’utilité pour l’emprunteur de disposer de ces simulations dès la demande du prêt 82

c) De la nécessité d’un accord professionnel pour définir le contenu et la forme que prendront les simulations contenues dans l’offre 82

3.– La présentation et la compréhension des clauses financières 84

a) Fixer les modalités et le coût d’exercice des options 84

b) La formalisation des informations au stade de l’offre du prêt et en amont 85

B.– L’OBLIGATION DE PROPOSER SYSTÉMATIQUEMENT AU MOINS UNE FORMULE DE PRÊT À TAUX MAÎTRISABLE 87

1.– Le débat sur l’imposition systématique d’un cap de taux 87

a) La diversité des profils exclut des solutions généralisées 87

b) Un surcoût non négligeable qui pourrait contenir un effet d’éviction en amont 88

c) Des taux variables sans cap systématique mais configurés pour favoriser la renégociation « au cas par cas » : la variable remboursement anticipé 89

2.– Proposer systématiquement parmi les solutions à taux révisable au moins une formule de prêt à taux maîtrisable pour donner à chacun la possibilité de déterminer son point d’équilibre entre coût initial et risque 92

a) L’exemple des prêts conventionnés 92

b) Les caractéristiques du prêt à taux maîtrisable : maîtriser la mensualité ou maîtriser le coût 94

c) Quelques pistes de réflexion complémentaires : maîtriser le risque en début de période et développer les assurances optionnelles 98

C.– L’ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ : UNE PROBLÉMATIQUE SPÉCIFIQUE QUI APPELLE DES CONDITIONS PARTICULIÈRES DE PRÊT 100

1.– L’accession à la propriété : un objectif de société 100

a) Le faible taux de propriétaire et les instruments pour lutter contre l’exclusion des plus modestes 100

b) Isoler une filière spécifique de l’accession sociale 103

2.– La garantie apportée par l’État au travers du Fonds de garantie à l’accession sociale 104

a) Le fonctionnement du FGAS : inciter les prêteurs à élargir leur population d’emprunteurs avec une garantie de l’État en cas de réalisation du risque 105

b) Les prêts à l’accession sociale et les PTZ garantis  107

c) La diffusion des PAS et des PTZG et la part des emprunts à taux variable 109

3.– Renforcer les outils d’accession sociale à la propriété et accompagner le concours apporté par l’État d’une sécurisation optimale des emprunteurs 111

a) Mieux sécuriser encore les prêts conventionnés 111

b) Promouvoir les prêts à l’accession sociale 113

c) Réflexions complémentaires sur l’accession à la propriété 116

LISTE DES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION 123

EXAMEN EN COMMISSION 125

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 133

INTRODUCTION

À la suite d’une remontée des taux courts du marché interbancaire européen dont la durée est encore indéterminée, malgré une légère baisse au début de l’année 2008, la situation des emprunts immobiliers à taux variable interpelle. Les Français s’interrogent à raison sur le bien–fondé de la distribution passée et à venir de ces prêts dans notre pays, traditionnellement attaché aux taux fixes. Une attitude plutôt dubitative a laissé place à une plus grande inquiétude lorsque des associations de consommateurs ont fait état de plusieurs centaines de dossiers d’emprunteurs pénalisés par la remontée des taux, découvrant pour la plupart les modalités de répercussion de cette hausse sur la durée de leur emprunt et le niveau de leurs mensualités.

L’objet de la mission d’information confiée à votre Rapporteur était d’apporter un regard critique et constructif sur ces produits en se plaçant du point de vue de l’emprunteur, d’où un intitulé faisant référence aux emprunts et non aux prêts à taux variable. Pour répondre aux interrogations légitimes qui se sont fait jour, les travaux engagés ont conduit à s’intéresser aux conditions dans lesquelles ces prêts ont été distribués et ces emprunts contractés – conjoncture, évolution des offres, pratiques – pour tenter de déceler des marges d’améliorations concrètes et compatibles avec le bon fonctionnement du système concurrentiel.

Pour ce faire, il convenait de bien distinguer dès le départ la mise en cause de pratiques commerciales jugées par certains abusives, de la pertinence ou non de ces emprunts et de leurs modalités de fonctionnement dans le champ de l’offre de prêt. Sur le premier point, une réaction immédiate a conduit, à l’initiative de votre Rapporteur, à l’adoption d’un amendement dans la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, du 3 janvier 2008, instituant l’obligation de fournir à l’avenir dans les offres de prêts des simulations relatives à l’évolution des taux. Une telle obligation aura ainsi pour effet de prévenir des situations dans lesquelles les emprunteurs estimaient n’avoir pas été suffisamment avertis des risques qu’ils encouraient à la souscription de l’emprunt.

Sur le second point, à savoir la place des emprunts immobiliers à taux variable dans le paysage du crédit à l’habitat et leurs conditions de distribution, une réflexion plus approfondie devait être conduite pour être en mesure de déterminer les conditions dans lesquelles s’exerce et doit s’exercer la protection du consommateur – principe auquel la France est extrêmement attachée. Cette réflexion pouvait bien sûr rétroagir sur la mesure adoptée en loi « Châtel » mais avait un contenu beaucoup plus vaste, supposant notamment un décryptage des emprunts immobiliers à taux variable tels qu’ils existent en France, en isolant les facteurs conjoncturels, concurrentiels et culturels.

La survenue des difficultés rencontrées par les emprunteurs étant étroitement liée à la crise des subprimes, qui a accentué le mouvement de hausse des taux courts et provoqué une inversion de la courbe des taux, il apparaissait également indispensable de revenir sur la mécanique de contagion ayant conduit d’une crise financière américaine liée à des emprunts immobiliers à taux variable américains à une crise de liquidité interbancaire pénalisant des emprunteurs à taux variable français. Cet exercice permettait, d’une part, d’analyser l’effet de la crise sur l’offre de prêts à taux variable et sur les emprunts en cours, d’autre part, d’évacuer la comparaison inappropriée entre les prêts subprimes et les prêts proposés en France.

La crise a été un révélateur, autant de la résistance du modèle français au niveau macro-économique, que de la nécessité de définir finement le degré acceptable d’exposition au risque, au niveau micro-économique, pour éviter tout malentendu. Cette expérience doit être à mise à profit pour améliorer l’adéquation des offres et des besoins. Cette approche implique de discriminer les emprunts selon le profil des emprunteurs pour neutraliser ce qui doit l’être.

Les propositions formulées dans ce rapport n’ont pas vocation à affaiblir les emprunts à taux variable, ni les marges des prêteurs, mais au contraire à conforter ce type de prêts là où ils jouent un rôle clé. Outre l’intérêt qu’ils peuvent apporter à des investisseurs, ces emprunts offrent des facilités intéressantes notamment pour prodiguer aux demandeurs des solutions à long terme qu’ils n’obtiennent pas ou dans des conditions dégradées par le biais de l’emprunt à taux fixe. Dès lors que l’accession à la propriété est encouragée, il convient au contraire de maintenir la place de ces offres dans le champ du prêt à l’habitat, le cas échéant en renforçant les sécurités et garanties qui existent déjà.

Une telle thématique ne peut s’exonérer d’un éclairage particulier sur l’adéquation et les limites des emprunts à taux variable pour les primo-accédants, et plus particulièrement pour ceux disposant de revenus modestes et susceptibles d’entrer dans les dispositifs d’accession sociale à la propriété. Dès lors que les emprunts à taux variable ont acquis une proportion importante à destination de ces emprunteurs, des modalités spécifiques doivent être déterminées pour garantir le meilleur déroulement possible de ces projets pour ceux qui franchissent le pas de l’accession.

I.– UNE REMONTÉE BRUTALE DES TAUX : DE LA CRISE DES SUBPRIMES À SES EFFETS SUR LES EMPRUNTEURS À TAUX VARIABLE

La réflexion conduite aujourd’hui s’inscrit dans un cadre particulier : celui de la crise financière et de liquidité issue des défaillances du marché des subprimes aux États-Unis. La question posée l’aurait été dans des termes bien différents il y a encore un an, où plusieurs analystes plaidaient pour une dérégulation plus importante du marché du crédit à l’habitat en France, estimant que la protection du consommateur ne devait pas faire obstacle à un développement plus débridé offrant des perspectives à tous les Français. Sans contester le bien–fondé d’un certain nombre des propositions qui ont circulé à ce sujet, force est de constater que l’on peut se réjouir aujourd’hui que la crise a peu affecté le marché du crédit et qu’un nombre limité de personnes se trouve dans une situation douloureuse. La réflexion sur le degré de protection à assurer à l’emprunteur est au contraire relancée.

L’inquiétude légitime quant à la fragilisation de certains emprunteurs à taux variable est accentuée par la vision de ce qui se passe aux États-Unis et, dans une moindre mesure, dans d’autres pays européens, alors même que l’impact de la hausse des taux est aujourd’hui très modéré en France. Cette inquiétude fut et demeure donc étroitement corrélée à la crise américaine. Elle en est la résultante, la remontée des taux étant le symptôme majeur d’une crise de liquidité née de la crise financière, et se nourrit d’une banalisation du sentiment d’incertitude qui perdure. En outre, à chaque bout de la chaîne se trouvent des emprunteurs à taux variables déstabilisés.

Il convient donc au préalable d’expliciter le processus de contagion qui a été à l’œuvre depuis le développement du marché des subprimes, pour étudier avec plus de recul le degré d’exposition au risque du marché des prêts français, puis la situation des emprunteurs français compte tenu des caractéristiques des emprunts en cours et de la situation économique.

A.– LA CRISE IMMOBILIÈRE ET FINANCIÈRE AMÉRICAINE

La crise financière actuelle est à la fois une crise classique de crédits de faible qualité et une crise inédite du fait de la titrisation desdits crédits. Pourquoi la titrisation a-t-elle produit autant d’effets aussi brutaux que pervers ? Comment explique-t-elle la propagation d’une crise locale et sectorielle – la crise immobilière aux États-Unis – à l’ensemble du marché bancaire ? En quoi cette dernière crise peut-elle rétroagir sur l’économie dite réelle et particulièrement sur le secteur des prêts immobiliers et de l’immobilier en général ?

La crise déclenchée par le retournement du marché immobilier américain et la dégradation des notations des valeurs issues de la titrisation des créances hypothécaires du segment subprime a surpris par son ampleur. D’une part, elle s’est nourrie de la mondialisation des marchés, les lignes subprimes étant contenues dans des produits structurés détenus par des acteurs du monde entier. D’autre part, elle a révélé l’incapacité des marchés financiers à gérer la crise, contaminant les marchés interbancaires pour devenir une crise de liquidité et de confiance.

1.– Les prêts au logement aux États-Unis et la titrisation des créances

a) Le développement du segment subprime

Le marché des subprimes existe aux États-Unis depuis les années 1960. Il ne s’agit donc pas d’une création récente. La crise a en revanche mis en lumière l’essor non maîtrisé de ce segment au cours des dernières années. La valorisation constante des prix de l’immobilier a en effet donné l’impression aux prêteurs que la garantie hypothécaire leur permettait de proposer des prêts au logement à des emprunteurs au profil de plus en plus risqué. La part de marché du segment subprime est ainsi passée de 10 % en 2001 à plus de 30 % en 2006. Cette proportion doit être replacée dans un contexte de forte croissance du crédit : ce sont 600 milliards de dollars de prêts nouveaux qui ont été accordés en 2006, contre 190 milliards en 2001. Le poids des prêts hypothécaires exprimé en pourcentage du revenu disponible brut des ménages américains est ainsi passé de 68,5 % en 2000 à 104,3 % en 2006. Le total des crédits subprime à la mi–2007 est estimé à environ 1 000 milliards de dollars, soit 14 % de l’encours total de crédits hypothécaires en 2007, c'est-à-dire 10 % du PIB.

L’instruction d’une demande de crédit aux États-Unis implique l’évaluation du gage, effectuée par un spécialiste extérieur au prêteur, plus qu’une analyse de la solvabilité. Une note est attribuée au demandeur sur la base de son endettement et de son comportement passé en la matière, utilisant pour ce faire un fichier positif. Le marché prime est celui qui accorde des prêts aux demandeurs bien notés ; le marché subprime, comme son nom l’indique, accueille les demandeurs qui n’ont pu bénéficier d’une offre sur le marché prime. Le prêt qui leur est proposé l’est à un coût nettement supérieur. Pour être plus précis, les crédits subprimes sont consentis à des emprunteurs ne pouvant accéder au marché prime et pour lesquels le ratio service de la dette / revenu dépasse 55 % ou le ratio prêt/valeur (loan to value) 85 % (1).

Ce marché peut se développer et jouer un rôle positif comme premier point d’entrée dans le crédit, dans un système reposant sur l’extraction hypothécaire. Les emprunteurs ont en effet aux États-Unis la possibilité de mobiliser la valeur nette du bien immobilier pour bénéficier d’une ligne de crédit ou pour refinancer leur prêt. Laissons de côté le premier point, même s’il explique le risque que fait peser sur la croissance toute baisse du marché immobilier. La possibilité de refinancement et donc de sortie du marché subprime rend le mécanisme d’un segment de prêts à des taux très élevés supportable à moyen terme pour l’essentiel des emprunteurs. Car pendant que le crédit se développait – et parce qu’il se développait – le prix de vente des maisons individuelles connaissait une croissance de plus de 60 %, permettant de refinancer le prêt. Le marché subprime a donc souvent été vanté comme un modèle d’accès à la propriété, permettant à nombre d’emprunteurs, au bout de quelques années de statut de « bon payeur », de basculer vers le marché prime. La proportion de ménages propriétaires est ainsi passée de 64 % en 1995 à 69 % en 2007, soit une augmentation de 15 millions.

À partir de 2004, la hausse des prix s’est combinée au resserrement monétaire. L’indicateur de solvabilité s’est alors dégradé fortement, notamment chez les primo-accédants dont la faiblesse de l’apport personnel apparaît dès lors comme la principale contrainte financière. Sur le segment prime déjà, les ménages se tournent de plus en plus vers des nouveaux produits, qui offrent des conditions de prêts particulièrement attractives. La plupart de ces produits sont dérivés des prêts à taux variable. Leur caractère novateur et attirant repose sur le fait qu’ils permettent de différer le remboursement du capital et d’avoir des mensualités réduites en début de période. Deux types de prêt sont plus fréquemment rencontrés :

– les Interest Only Mortgage Payments : les mensualités couvrent uniquement les intérêts pendant une période spécifiée (trois à dix ans en général), le capital et les intérêts sont ensuite payés comme un prêt classique et les taux sont périodiquement ajustables ;

– les Payments Option Ajustable Rate Mortgage (ARM) : les mensualités initiales sont faibles du fait d’un taux d’intérêt très bas pendant les trois premiers mois qui progresse ensuite sur la base d’un indice de taux, augmenté d’une marge fixe pendant toute la durée du prêt. Les mensualités pendant la première année sont calculées sur le taux d’intérêt initial. Si l’emprunteur opte pour un paiement minimum, alors les mensualités ne couvrent pas l’intégralité des charges d’intérêt dues. Les intérêts non payés sont alors capitalisés (amortissement négatif). En général, les paiements sont « capés », c’est-à-dire susceptibles d’augmenter seulement dans une certaine limite lors des ajustements annuels, voire semestriels. Les options sont révisées tous les cinq ans, les réajustements ne sont alors pas « capés ».

Dans l’hypothèse où les ménages ont un apport personnel insuffisant, voire inexistant, ils ont la possibilité d’emprunter au-delà de la limite des 80 % de la valeur du bien, soit en prenant une assurance supplémentaire, soit en contractant un prêt complémentaire de second rang à un coût un peu plus élevé (2).

● Sur le segment subprime, les prêts prennent des formes de plus en plus risquées : ils sont souscrits par des personnes présentant des garanties de solvabilité très insuffisantes (3), mal informées des conditions de fonctionnement de leur prêt (jeunes et populations d’immigration récente pour l’essentiel) et comportent des clauses potentiellement explosives. Les prêts ARM sont les plus répandus, les deux tiers des prêts subprime entrant dans cette catégorie. Ils comportent des clauses de plus en plus exotiques et des formules de révision dangereuses. Les pratiques abusives fréquemment rencontrées sur le marché des subprimes s’expliquent par plusieurs facteurs et notamment par la concentration du marché : au troisième trimestre 2006, 62,2 % des crédits subprime étaient émis par seulement dix établissements et 87,6 % par vingt-cinq. C’est donc un marché faiblement concurrentiel et souvent spécialisé. De plus, en visant les minorités noires et hispaniques et les ménages à faibles revenus, les banques sont face à une population plus vulnérable, peu familière des pratiques financières et ayant un plus faible niveau d’éducation. L’absence de mise en concurrence avec d’autres organismes financiers se combine avec une mauvaise information, de la part des prêteurs sur les risques encourus, notamment lors du réajustement des mensualités. Ainsi, la pratique courante du marché des subprimes qui consiste à accepter un prêt dès lors que les mensualités, calculées sur la base du taux initial (introductory rate), sont inférieures à 50 % du revenu des ménages avant impôt, peut conduire à des situations catastrophiques lors du réajustement des mensualités.

Avec un taux d’intérêt inchangé, le nombre de défaillances sur les prêts octroyés à partir de 2005 pouvait être anticipé à la hausse. La montée des taux a décuplé ce phénomène et aboutit à des situations dramatiques sur des prêts dont certains ne prévoyaient même pas d’échéancier d’amortissements. Tous les risques sont cumulés, mais disséminés dans l’ensemble du système financier.

b) La dissémination des risques par titrisation

Dans le modèle classique de l’intermédiation, les crédits sont inscrits au bilan de la banque. La titrisation des créances consiste pour celle-ci à structurer les crédits qu’elle accorde dans des produits plus ou moins complexes distribués à des investisseurs. Elle présente, outre l’avantage de conférer de la liquidité à des créances illiquides, celui de mutualiser les risques et d’accroître la capacité d’octroi de crédit. La titrisation sous sa forme simple consiste pour une banque à vendre un ensemble de crédits à une société ad hoc qui émet des obligations vendues à des investisseurs. Ces obligations sont remboursées au fur et à mesure que les crédits qu’elles représentent le sont. Dans sa version sophistiquée, la titrisation consiste à créer des placements supposés peu risqués en mélangeant des tranches de crédits risqués qui sont remboursés en priorité. Les titres hypothécaires sont donc groupés en paquets et découpés par tranche de risques, les plus risquées étant les plus rémunératrices. Ces placements ont ensuite été à nouveau combinés à des placements supposés meilleurs, et parfois acquis à crédit par des fonds d’investissement. Encore faut-il connaître ensuite la composition exacte de ces « salades niçoises »(4).

Au cours de ces dernières années, les établissements de crédit titrisent ainsi leurs créances auprès de fonds, « conduits », se finançant par l’émission de papier commercial à court terme, et véhicules d’investissement spécialisés (SIV pour structured investment vehicule) se finançant par l’émission de notes à moyen terme. Ces « conduits » et SIV ont acquis des actifs, pas uniquement des subprimes, en grande quantité. Le papier commercial émis bénéficie d’une ligne de substitution, typiquement accordée par l’établissement à l’origine du crédit et du montage du « conduit », en cas d’incapacité à renouveler son émission à échéance. Aux États-Unis, l’encours de produits titrisés ou asset-backed securities (ABS) avoisinait avant la crise 8 000 milliards de dollars. Leur flux a connu un développement considérable avec un volume de 719 milliards par trimestre en 2005 et 2006. De 2002 à 2006, leur encours a progressé trois fois plus vite que celui des actifs bancaires. Le financement à court terme de la titrisation des crédits hypothécaires américains était assuré en partie par le marché des ABCP (asset-backed commercial paper). Après un doublement de son encours sur une période de deux ans, le volume de ces actifs s’élevait avant la crise à 1 200 milliards de dollars.

Or, plus de la moitié des actifs détenus par les émetteurs d’ABS est constituée de prêts à l’habitat. L’explosion de la titrisation aux États-Unis est donc étroitement corrélée au marché de l’immobilier résidentiel et, à mesure de sa progression, au segment spécifique du subprime correspondant aux prêts aux emprunteurs les plus risqués. Plus de la moitié des crédits hypothécaires, mais plus des deux tiers des prêts subprimes, auraient ainsi été revendus. Les gestionnaires de fonds qui recherchent des placements à hauts rendements ont incité au développement des titres hypothécaires à haut risque, plus rémunérateurs. La demande très forte sur ces titres, que manifeste l’essor du marché ABCP, s’est traduite pas une sous-évaluation des risques portés par la créance d’origine : c'est-à-dire les risques de défaillances des emprunteurs qui étaient potentiellement de plus en plus élevés avec la distribution de prêts de plus en plus exotiques et mal vendus.

La titrisation, si elle est un mode de diversification et de répartition du risque, peut aussi se transformer en un vecteur de diffusion du risque. Cette diffusion a entraîné une double incertitude : sur la localisation du risque et sur la valorisation de ces produits, segmentés et structurés différemment suivant les opérateurs. Le coût des défaillances des emprunteurs américains ayant été transféré au marché, il est supporté par les acheteurs de titres hypothécaires, qui sont autant des investisseurs privés que des établissements de crédit. Les produits de marchés issus de la titrisation des créances hypothécaires du marché subprime se sont en effet retrouvés dans les bilans des banques, des assurances, des gestionnaires d’actifs et des hedge funds, partout dans le monde.

c) La remontée des taux et la baisse du marché immobilier enclenchent un processus de dégradation des actifs : les prêteurs dans l’œil du cyclone

Les prêts cumulaient les risques : ils étaient consentis à des taux bas et révisables à des ménages fragiles, mal informés la plupart du temps sur les risques, et consistaient en des montants importants par rapport au prix des actifs, à une période où ces prix étaient très élevés. Le risque, masqué par la titrisation des créances, était donc maximum par rapport à l’évolution des taux et à celle des prix. Or, ces deux variables ont évolué au même moment et déclenché la crise.

Le resserrement des taux initié par la Réserve fédérale en juin 2004 a mis fin à une longue période de politique monétaire très accommodante mais a pris du temps à affecter l’activité. Entre juin 2004 et début 2006, le taux directeur des Federal Funds a augmenté de 4,25 points pour s’établir à 5,25 %, ce qui a conduit à une remontée des taux courts. Cependant, celle-ci ne s’est que partiellement répercutée sur les taux longs qui augmentent de seulement 1 point à la fin 2005 et encore moins sur les taux hypothécaires.

La remontée des taux, si elle a déstabilisé les emprunteurs subissant la révision de leur prêt, n’aurait pas affecté les prêteurs si le marché immobilier avait maintenu sa croissance : la réalisation des gages, c'est-à-dire la vente des biens hypothéqués, aurait permis de rembourser les créances et la valeur des créances titrisées se serait maintenue à un niveau inchangé. Le taux de saisies et le nombre de ventes auraient de toute façon été bien inférieurs, puisque, comme durant les années précédentes, les emprunteurs auraient pu profiter de la hausse des prix pour refinancer leur prêt. Or, aux États-Unis, le marché immobilier est entré en phase de récession. En 2007, le prix moyen des maisons, sur l’ensemble du territoire américain, est en baisse de 5 % sur un an. Ce chiffre s’élève à 20 % dans le neuf. La titrisation et une politique monétaire très accommodante sont à l’origine du développement d’une bulle immobilière, par l’octroi de crédits à des emprunteurs peu sûrs, structurés, segmentés et disséminés. Cette bulle se dégonfle.

La récession du secteur de la construction résidentielle, en pesant à la baisse sur le prix des logements, a affaibli la valeur des produits structurés adossés aux actifs titrisés. Avec le retournement du marché immobilier, les taux de défaut, c'est-à-dire les saisies et arriérés de plus de deux mois, sur les prêts ARM sont passés entre 2005 et décembre 2007 de 2,6 % à 13 % sur le segment subprime. Le taux de défaillance sur les prêts subprimes dans leur globalité est passé de 10 % de moyenne à 16 % (5) en août 2007.

Les faillites d’établissements spécialisés se multiplient. Lorsque les taux de défaillance augmentent, les portefeuilles de crédits hypothécaires détenus par les « conduits » et SIV se déprécient et les agences de notation commencent donc à dégrader la notation accordée aux titres qu’ils émettent. Le cercle vicieux est en marche. La décote des crédits hypothécaires titrisés atteint, en quelques mois, 25 % pour les tranches les moins risquées et 50 % pour les autres, à comparer avec les 5 % de baisse des prix des maisons précités. Pour la seule période du 11 au 19 octobre, les dégradations de titres adossés aux crédits hypothécaires subprimes opérées par S&P et Moody’s portent sur 80 milliards de dollars d’obligations.

2.– Le processus de généralisation : d’une crise locale à une crise mondiale et d’une crise financière à une crise de liquidité et de confiance sur le marché interbancaire

La crise aurait dû être contenue puisque, quand bien même l’ensemble des biens de tous les emprunteurs subprime aurait été saisi avec une décote à la vente importante, la perte totale n’aurait pas atteint des niveaux tels que les détenteurs de créances ne puissent les absorber. Cette perte demeurait en effet faible par rapport à l’ensemble de l’encours immobilier américain et cantonnée à des lignes au sein de produits structurés. C’est l’incapacité des détenteurs à connaître la composition de leurs bilans et donc à analyser leur degré d’exposition à la crise des subprimes qui a provoqué une crise de liquidité sur le marché interbancaire dont on ne sait exactement quand elle prendra fin, malgré la politique très active des autorités monétaires.

a) La réintermédiation du crédit 

De nombreux acteurs, notamment bancaires, disposaient de « conduits » et de véhicules d’investissement spécialisés (SIV précités), instruments hors bilan, ayant acquis ces actifs financés par l’émission de papier commercial court terme (asset back commercial paper précités). Les investisseurs, au déclenchement de la crise, cessent d’acheter ce papier commercial. Élément frappant et inattendu du coup d’arrêt porté aux pratiques de titrisation : la fermeture du marché américain des ABCP. En quatre mois, le volume de ces ABCP avait perdu 33 %. Plus généralement les flux d’ABS se sont taris.

FLUX DE TITRISATION AUX ÉTATS-UNIS

Source : Dedl, Oddo Securities, in Bruno Cavalier, Credit crunch ou l’heure du discrédit, Sociétal n° 59, 1er trimestre 2008

Or, les « conduits », notamment les véhicules d’investissements structurés (SIV), n’ont pas été conçus pour absorber les chocs. Ces véhicules ne détiennent pas de fonds propres et sont donc largement tributaires des mécanismes de couverture de liquidité fournis pas leurs banques sponsors avec lesquelles les relations sont parfois très ambiguës. Les véhicules d’investissement activent leurs lignes de garanties bancaires. Les banques se trouvent obligées de se substituer aux investisseurs de marché pour assurer la liquidité des « conduits » et SIV créés. La réintermédiation des crédits s’accompagne d’une augmentation des besoins en liquidité des émetteurs d’origine.

Quant aux financements qui ne peuvent plus s’obtenir sur le marché, ils transitent à nouveau par le bilan des banques, qui subissent ce phénomène au moment où elles doivent déjà provisionner et donc voient se dégrader leur situation financière. Car elles subissent les pertes sur les portefeuilles bancaires de titres adossés à des créances hypothécaires subprimes, accentuées par les ventes à prix bradés effectuées par les fonds spéculatifs spécialisés pour faire face à leurs besoins de liquidité. Certaines banques ont également joué le rôle de teneur de marché en rachetant des parts émises par des fonds qu’elles parrainaient, par exemple des OPCVM monétaires « dynamiques » lorsqu’ils avaient investi en produits liés au marché subprime, afin de maintenir les cours et la réputation de ces fonds.

Le secteur bancaire américain accuse ainsi une chute de ses profits au troisième trimestre 2007 de près de 25% sur un an. Le ratio de fonds propres rapportés aux actifs pondérés a reculé d’un demi-point pour retrouver ses niveaux de 2001. Le phénomène est moins marqué en Europe mais pas inexistant, notamment au Royaume-Uni et en Allemagne. Partout, le besoin en liquidité des banques provoque une tension sur le marché interbancaire qui s’accroît avec l’incertitude sur l’exposition des établissements et la baisse des cours.

b) Les difficultés de refinancement

L’impossibilité pour certaines banques d’apprécier correctement leurs risques et leur exposition à la crise des subprimes alimente la défiance des marchés. Aux États-Unis, le montant total des dépréciations d’actifs par les banques atteint d’ores et déjà près de 150 milliards de dollars6 et la crainte de nouvelles dépréciations est loin de se dissiper, comme en témoignent les prévisions des analystes sur Lehman brothers (90 milliards de dollars de titres immobiliers à risque), Citigroup (43 milliards de dollars), ou même Goldman Sachs (36 milliards de dollars). Cette incertitude sur la valorisation des crédits structurés n’est pas derrière nous, comme le rappelle l’annonce du Crédit suisse, mardi 19 février, d’une dépréciation inattendue de 2,85 milliards de dollars d’actifs dans ses livres, lui coûtant 1 milliard de dollars de résultat net.

Les vertus de la titrisation ne se sont pas manifestées : la dissémination des risques n’a pas permis de mutualiser et donc de contenir les pertes, mais au contraire la sophistication de cette technique financière a obéré la capacité à tracer les créances et donc à déterminer la localisation des risques, une fois ces derniers réalisés. Le marché, comme chacun sait, a horreur de l’incertitude. L’impossibilité de valoriser les titres et l’absence d’informations précises sur le montant global des risques et leur répartition entre les établissements provoque une crise brutale de liquidités. L’annonce de la BNP-Paribas le 9 août 2007 de l’interruption de rachat de parts de trois de ses fonds dont la valorisation de certains actifs liés au subprime est devenue impossible joue un rôle de catalyseur de la crise de confiance. Les banques deviennent réticentes à se prêter entre elles, même à court terme, alors que leur besoin de liquidité est au plus haut. Les déposants aussi s’inquiètent de leur résilience, comme en atteste la ruée sur les guichets de la Northern Rock le 14 septembre 2007, phénomène que la Grande-Bretagne n’avait pas connu depuis 1866.

Pour résumer, les agents sont confrontés à une hausse du coût de leur financement. Sur les marchés la tarification des risques a été réévaluée. Quant aux banques, leur coût de refinancement s’est emballé : la crainte de subir des problèmes de liquidité dans une défiance généralisée à l’égard des autres établissements aboutit à une raréfaction des échanges de liquidités et, pour ceux qui persistent, à des tarifs excessifs. Ces tensions du marché interbancaire sont illustrées par l’écart entre le taux interbancaire et la rémunération des bons du Trésor : à un horizon à trois mois, à la mi-décembre, l’écart se situe huit à dix écarts types au-dessus de sa moyenne historique, aux États-Unis, comme en Europe. La fuite vers la sécurité a provoqué une demande accrue de titres d’État contribuant à creuser cet écart.

TENSIONS DU MARCHÉ INTERBANCAIRE

(mesurées par la différence entre le taux interbancaire et le taux

de rémunération des bons du Trésor en point de base)

Source :Bloomberg, Oddo Securities, in Bruno Cavalier, Credit crunch ou l’heure du discrédit,

Sociétal n° 59, 1er trimestre 2008

Plus éloquent encore est l’écart entre le taux interbancaire à trois mois et celui d’une opération à échéance identique et presque sans risque de crédit (swap au jour le jour). La remontée récente de cet indicateur traduit la réaction aux pertes plus importantes que prévues qui ont finalement été annoncées.

ÉCARTS EN POINTS DE BASE ENTRE TAUX INTERBANCAIRES À TROIS MOIS
ET SWAPS SUR LE JOUR LE JOUR DE MÊME ÉCHÉANCE

Source :Christian Pfister, Turubulenses financières, tensions sur les marchés interbancaires et réponses

des banques centrales, Societal n°59, 1er trimestre 2008

À peu près tous les acteurs de l’industrie financière, après l’été, ont préféré privilégier des placements à très court terme parce qu’ils craignaient des demandes de remboursement de leurs Sicav et OPCVM et par méfiance à l’égard de tous les actifs longs du fait de la crise des subprimes. Le marché s’est mis à manquer de liquidité à terme alors que l’argent au jour le jour était surabondant, se matérialisant par un écart de taux considérable entre l’argent à plus d’un mois et l’argent au jour le jour, passé de 8 points de base en juin 2007 à près de 100 points de base en décembre 2007.

c) La conduite de la politique monétaire par les banques centrales et la fonction de prêteur en dernier ressort

Les orientations de politique monétaire ont été bouleversées par la crise et ont conduit les banques centrales à assouplir les positions qu’elles comptaient adopter (7). La Réserve fédérale américaine (FED) avait, avant la crise, augmenté ses taux d’intérêt à un niveau bien plus élevé que ceux de la BCE. Ils s’établissaient ainsi à 5,25 % (contre 4 %). Afin d’enrayer le risque d’une récession d’ampleur, la FED a procédé à plusieurs baisses de taux : pour la première fois de son histoire, elle a ainsi baissé son principal taux directeur de 1,25 point en huit jours. Elle a ensuite procédé à de nouvelles baisses, établissant le taux à 2,25 %. La Banque d’Angleterre a opté également pour la baisse en décembre 2007. Quant à la BCE, elle n’a pas accompli le cycle de resserrement monétaire prévu au profit du statu quo et les agents anticipent une baisse dans quelques mois. Cette politique n’a pas permis de retrouver des taux courts bas.

TAUX DIRECTEURS

Source : Bloomberg, Oddo Securities, in Bruno Cavalier, Credit crunch ou l’heure du discrédit,

Sociétal n° 59, 1er trimestre 2008

S’agissant de l’injection directe de liquidités, la FED a augmenté immédiatement les volumes de liquidités par une injection de 24 puis 38 milliards de dollars le 10 août et encore 38 milliards le 26 septembre, mais a aussi facilité le refinancement : allongement à 30 jours renouvelables pour l’accès à l’escompte, diversification des garanties acceptées en y incluant notamment les titres hypothécaires de bonne qualité (ABS précités) et assouplissement des conditions de prêt de bons du Trésor. La Banque d’Angleterre a peu modifié sa politique de liquidités, ne prêtant contre des garanties illiquides qu’à taux de pénalités (8), dans une interprétation stricte de la doctrine de prêteur en dernier ressort tendant à éviter le risque moral.

La BCE a conduit une politique de liquidité abondante pour permettre aux établissements de faire face aux chocs de liquidité, au travers des opérations principales de refinancement et des opérations de refinancement à plus long terme, réalisées à taux de marché et assorties d’une échéance de trois mois. Le 9 août 2007, elle injectait 95 milliards d’euros et le lendemain encore 61 milliards d’euros. Le 26 septembre, la banque centrale prêtait à trois mois à hauteur de 50 milliards d’euros à un taux moyen de 4,50 %, soit 0,25 point de moins que les taux interbancaires à trois mois. À la même date, elle prêtait 3,9 milliards d’euros à son taux directeur supérieur, 5 %.

B.– LA FRANCE : UN PAYS RELATIVEMENT PROTÉGÉ DES EFFETS DE LA HAUSSE DES TAUX SUR L’OFFRE DE CRÉDIT À L’HABITAT ET LES EMPRUNTS EN COURS

Autant en dresser le constat tout de suite, les cas de déstabilisation d’emprunteurs par relèvement du niveau de leur mensualité est marginal en France, parce que les emprunts à taux fixe sont prépondérants et parce que les emprunts à taux variable comportent quasiment tous des mécanismes de plafonnement, certes à l’efficacité plus ou moins avérée. Cette situation singularise la France par rapport à ses voisins européens. Votre Rapporteur s’attardera quelque peu sur les facteurs qui concourent au développement de se segment de marché, compte tenu des interrogations qui pèsent aujourd’hui sur la place de ces prêts dans le marché de l’habitat français, en isolant les facteurs conjoncturels et structurels. Par ailleurs, l’exposition au risque de taux est également limitée par un niveau d’endettement hypothécaire moyen. La situation observée en France est donc de nature à la protéger des turbulences des marchés et les prévisions sur le taux de défaillances sont plutôt bonnes.

1.– Un marché des prêts à l’habitat peu exposé au risque de taux

a) Un marché de prêts à taux fixe

La sensibilité à une hausse des taux d’intérêt varie d’un pays à l’autre et dépend en particulier des caractéristiques du marché des prêts qui déterminent le degré de répercussion des évolutions de taux sur le stock et l’offre de prêts. La prédominance des prêts à taux fixe pénalise les emprunteurs et l’économie en général en cas de baisse des taux, sauf mécanismes efficients de renégociation. Le marché des prêts est peu réactif aux améliorations susceptibles d’être apportées par des taux plus bas. En revanche, en cas de hausse des taux, les emprunts en cours sont peu affectés et une inversion de la courbe des taux se répercute modérément sur les conditions de l’offre comme sur les emprunts en cours. Le raisonnement inverse s’applique dans un marché de prêts à taux variable. La France présente un profil singulier en Europe par le poids des prêts à taux fixe dans l’offre de crédit à l’habitat. Le segment des prêts à taux variable présente en outre des caractéristiques qui le rendent sûr.

Un prêt à taux variable, aussi appelé prêt à taux révisable (9), est un prêt dont le taux d’intérêt est fonction de l’évolution d’un indice sur lequel il est indexé. L’indice de référence généralement utilisé par les établissements de crédit français est l’Euribor (euro interbank offered rate) qui représente le taux que s’appliquent les banques européennes entre elles lorsqu’elles se prêtent de l’argent. L’Euribor se décline en cinq versions : un mois, trois mois, six mois, neuf mois et un an. À l’indice de référence choisi, qui peut être autre, l’établissement ajoute une marge bénéficiaire fixe, qui s’établit en France entre 0,60 % et 1,70 %. La périodicité de révision du taux est en général annuelle, mais des prêts peuvent prévoir des révisions trimestrielles, ou au contraire tous les cinq ans par exemple. Une période où le taux est fixe peut également être prévue. Si l’indice de référence varie, une moyenne de cet indice sur la période considérée est effectuée pour déterminer la référence valable au moment de la révision. La variation obtenue résulte uniquement du mouvement de l’indice, la marge étant fixe.

Les États européens se répartissent en deux groupes :

– ceux où les emprunts sont très majoritairement à taux variables : Espagne, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Hongrie, Portugal et Suède ;

– ceux qui pratiquent couramment des prêts avec une période initiale fixe : la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la France.

Il est intéressant de noter la part réduite en France de prêts comportant une durée initiale fixe de 1 à 10 ans qui ont connu un développement notable dans d’autres pays et présentent l’avantage de combiner la fixité des taux en début de prêt, pendant la période la plus importante de l’amortissement du capital, et variation des taux lorsque le risque est faible pour l’emprunteur mais réel pour l’établissement qui doit se couvrir sur des longues périodes. Dans certains pays, ces prêts sont considérés comme des prêts à taux fixes, à tort bien sûr. 48,5 % des prêts distribués en Europe comportent une période initiale fixe, comprise entre 1 et 5 ans pour 31,1 % des prêts et entre 5 et 10 ans pour 10 % d’entre eux. C’est le modèle dominant en Allemagne, où en outre les emprunteurs peuvent souvent renégocier le taux applicable ou reconduire une période de taux fixe à un niveau déterminé à l’échéance de la première période. Au Royaume-Uni, 75 % des emprunts comprennent une période initiale fixe d’une durée comprise entre un et dix ans (contre 3 % à taux variable fixé librement par l’établissement, 15 % à taux variable de type indice + marge, 6 % à taux variable après un ou deux ans de taux initial réduit et 1 % de taux variable capé) (10).

DÉCOMPOSITION DES FLUX D’EMPRUNTS PAR TYPE DE TAUX EN EUROPE

Source : European Mortgage Federation National Experts, National Central Banks

La décomposition du marché des prêts entre taux variables et taux fixes est évidemment très dynamique dans tous les pays et liée pour l’essentiel à l’évolution de l’attractivité relative des taux courts par rapport aux taux longs. Il est manifeste que l’amplitude du mouvement de réduction des taux et la durée de maintien desdits taux à un bas niveau ont profondément modifié la structure de l’offre de prêts à l’habitat en France. La durée des crédits s’étant nettement allongée, l’endettement à taux variable en a été stimulé. La durée moyenne des opérations financées par des prêts à taux variable est passée de 10,5 ans en 1991 à 14 ans fin 2003, les années 2004 et 2005 connaissant un pic de distribution de ces prêts.

Ce mouvement de hausse de la proportion de ces prêts s’affirme à partir de 2002, témoignant de la confiance des emprunteurs dans la stabilité de l’environnement financier, mais surtout donc d’une altération de la structure de l’offre. Les contrats à taux variable, en permettant d’afficher des taux de départ attractifs, ont joué un rôle de produits d’appel pour l’offre de contrats de prêts. De 10 % des crédits nouveaux avant 2002, leur proportion s’établit à 20 % au début de 2003 et plus de 35 % en 2005 (11). La France atténue donc sa singularité pour se rapprocher de la moyenne européenne. Il ne s’agit cependant que d’une atténuation, l’écart de la production française par rapport à celle de la plupart des pays européens demeurant très net et se maintenant dans le mouvement de recul européen des prêts à taux variable depuis 2005 ou 2006 selon les pays. L’aplatissement de la courbe des taux, le coût plus bas des formules avec période initiale fixe au Royaume-Uni, l’anticipation d’une remontée des taux courts, sont autant de facteurs qui influent sur la répartition entre taux fixes et taux variables.

L’offre de prêts à taux variables est redevenue limitée. Elle ne représenterait, hors prêt relais, selon Meilleurtaux.com, que 7,1 % dans la production de crédit fin 2007, après un essor en 2004 et 2005 où elle s’élève à environ 15 % de la production. Il en résulte que le renchérissement du crédit n’affecte qu’une proportion réduite des emprunts en cours.

LA RÉPARTITION DES PRÊTS À TAUX FIXE ET À TAUX VARIABLE

Source : Meilleurtaux.com

Les pays où l’endettement a majoritairement été contracté à taux variable sont ceux où la situation des ménages est la plus fragile aujourd’hui, situation qui perdurera tant que la hausse des taux directeurs se répercutera sur celles des taux des emprunts en cours. L’augmentation des charges d’intérêt au niveau global est en conséquence plus ou moins élevée selon les pays. Si l’on compare la situation en octobre 2007, au Royaume-Uni, où la hausse des taux est intervenue plus tôt et où les ménages sont majoritairement endettés à taux variables, même si c’est après une période initiale fixe, cette hausse atteint 1,5 point de revenu disponible. En Espagne, où les taux font l’objet d’une révision annuelle avec renégociation, l’augmentation aurait été de 1,1 point. En France, elle a été quasiment nulle (+ 0,1 point). Il convient enfin d’ajouter que le taux d’épargne élevé constaté en France, de l’ordre de 15 %, laisse aux ménages des marges de manœuvre pour absorber des variations dans l’affectation de leurs revenus. Au Royaume-Uni, ce taux était en 2006 seulement de l’ordre de 6 % du revenu disponible brut (il est de 12 % en Espagne, après une baisse continue du taux d’épargne de 6 points depuis 1995).

b) Un taux d’endettement hypothécaire peu élevé

Dans les pays où le crédit hypothécaire est significativement développé, il existe un risque d’effet macroéconomique adverse dont l’ampleur dépend du degré d’ajustement des prix de l’immobilier et des taux. Le niveau d’endettement d’une économie est donc symptomatique d’une exposition plus ou moins grande au risque de taux.

D’après les données de la Banque de France (12), le flux net des crédits s’élève à 84 milliards d’euros en 2006. La croissance des prêts à l’habitat, qui forment l’essentiel de la dette des ménages (les trois quarts), s’est poursuivie à un rythme soutenu en 2006, avec une hausse de + 15 %, malgré le relèvement des taux appliqués aux crédits nouveaux, compensé par l’allongement de leur durée moyenne. La dette des ménages français atteint dans ce contexte le niveau alors inégalé de 68,4 %. Ce niveau monte à 71,6 % au troisième trimestre 2007, le ratio dette / épargne brute qui correspond à 4,5 années. Au troisième trimestre 2007, l’endettement des ménages atteint 48 % du PIB, sous l’effet combiné d’un recours accru aux crédits bancaires et de la revalorisation de l’encours des titres émis résultant de la baisse des taux à long terme.

Le montant des prêts accordés en 2006 par les établissements de crédit et institutions financières diverses français atteint 150,5 milliards d’euros pour les concours à long terme, contre 122,5 milliards d’euros en 2006. L’encours de crédits à plus d’un an des ménages et assimilés s’établit en mars 2007 à 789,70 milliards d’euros puis en novembre 2007 à 848,7 milliards d’euros, soit un taux de croissance annuel de 11,3 %. En décembre 2007, l’encours brut de crédits à l’habitat s’établit à 651,1 milliards d’euros, à comparer avec 346,8 milliards en décembre 2002. Il manifeste une certaine décélération, tant en rythme de progression annuel (12,7 % après 13,3 % en novembre) qu’en rythme trimestriel annualisé (12 % après 13 % en novembre).

Ces chiffres demeurent à des niveaux raisonnables en comparaison avec les autres pays de l’OCDE. Contrairement à la situation aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Espagne, la croissance ne s’est pas nourrie d’un endettement croissant. Le ratio encours de crédit hypothécaire résidentiel / PIB n’était que de 29,4 % en 2005 et ne devrait pas avoir excessivement progressé (13), avec un ratio dette générale / épargne brute des ménages de 68,4 % fin 2006. Pour les trois pays précités, le marché de l’immobilier donne des signes de faiblesse, ce qui ne manquera pas de peser sur la croissance. En 2006, le taux d’endettement hypothécaire des ménages s’établissait en France à 49 % en 2006, contre 87 % aux États-Unis, 90 % au Royaume-Uni et 125 % en Espagne. Le fait que l’endettement hypothécaire contracté est assis sur un patrimoine immobilier lui-même en augmentation permet d’obtenir des ratios dette hypothécaire / patrimoine hypothécaire contenus. Les États-Unis font toutefois figure d’exception avec un ratio de 43 %, lié à l’utilisation de l’endettement hypothécaire à d’autres fins qu’immobilières.

TAUX D’ENDETTEMENT HYPOTHÉCAIRE DES MÉNAGES

(en % du revenu disponible)

Source : Banques centrales nationales

Enfin, seulement 30,2 % des ménages français détiennent un crédit immobilier en 2006, chiffre en légère progression (29,1 % en 2004 et 28,6 % en 2000) mais inférieur au pourcentage constaté en 1996 (31,8 %) ou plus encore en 1990 (33,7 %) (14). Cela signifie que si l’endettement a augmenté, il est concentré sur un nombre de ménages plus réduit. Alors que l’encours de crédit immobilier a connu un essor inédit, seuls 22,9 %, un peu plus d’un cinquième, des ménages français en disposent pour accéder à la propriété. La diffusion du crédit au sein de la population suggère une sélectivité des emprunteurs à l’entrée qui contribue à estimer à un bas niveau l’exposition au risque de taux.

c) Une consommation décorrélée de la valeur du patrimoine immobilier

Les crédits à la consommation sont adossés aux prêts au logement aux États-Unis. Le principe du mortgage equity withdrawal est simple : lorsque le prix des logements augmente et à mesure que les emprunteurs remboursent leur emprunt sur le logement, l’écart positif de valeur peut être utilisé pour financer d’autres dépenses au moyen d’un nouvel emprunt. S’il s’agit d’un formidable moyen de développer la consommation et donc la croissance en période de valorisation du patrimoine, ces mécanismes produisent le même effet multiplicateur, à la baisse cette fois, en cas de difficultés sur le marché immobilier.

Misant non pas sur des anticipations de revenu mais sur l’appréciation de la valeur de leurs biens, les ménages américains sont devenus spéculateurs sans en avoir conscience, encouragés en cela par les conditions de l’offre de prêts immobiliers et les modalités de l’extraction hypothécaire.

Lorsque l’on voit en France le démarrage plus que lent de l’hypothèque rechargeable, instituée par l’ordonnance du 24 mars 2006 sur le droit des sûretés, on ne peut que conclure au cloisonnement entre patrimoine et consommation. Pourtant, le dispositif créé est très encadré, puisque le montant empruntable reste limité à la valeur retenue à l’origine lors de l’inscription hypothécaire(15). Le fait qu’il n’existe pas de rapport entre montant de la dette et valeur du gage explique que le ratio dette immobilière sur capital soit faible en France (de l’ordre de 20 %).

L’endettement ne peut en outre être qualifié d’hypothécaire puisque la France se singularise par un recours massif au cautionnement des prêts par des organismes spécialisés. Ailleurs, le crédit immobilier est systématiquement hypothécaire mais le crédit hypothécaire n’est pas systématiquement immobilier par le biais de l’extraction hypothécaire. En France au contraire, le crédit immobilier est souvent cautionné (les deux tiers des crédits accordés par les banques généralistes mais moins de 20 % pour les établissements spécialisés et les banques mutualistes) et la recharge hypothécaire quasi inexistante. La sélection des emprunteurs qui en résulte explique pour partie le faible taux de sinistralité.

2.– Une contraction peu importante du volume des prêts octroyés

a) Le credit crunch : un scénario improbable

L'impact d’une hausse des taux d’intérêt est double quant à l’offre de crédit. En premier lieu, le spread de taux précité se traduit par une hausse du coût du capital, qui se reporte sur les taux appliqués aux emprunteurs. En second lieu, ce sont les conditions non tarifaires de l’offre de crédit qui sont appelées à se durcir. Ces difficultés ne peuvent que se traduire par un report de la hausse des taux vers les clients, ménages et entreprises.

S’agissant du niveau des taux et des marges, aux États-Unis, les baisses de taux de la Fed n’ont pas été intégralement répercutées dans les taux débiteurs des établissements à l’égard de leurs clients. Dans la zone euro, le taux moyen des crédits a augmenté. Un peu partout, les emprunteurs n’ayant pas de collatéral ou de garanties à proposer voient les primes s’élever. Cet impact est relativement contenu en France, malgré les difficultés d’accès aux liquidités. Ce sont les crédits aux entreprises qui en réalité sont affectés par le durcissement de l’offre de crédit.

Dès lors que la richesse nette des emprunteurs baisse, l’accès au financement devient plus coûteux et peut aboutir à une réduction des dépenses qui freine l’économie. Historiquement, de telles évolutions ont abouti à un credit crunch et/ou à une récession. L’expression credit crunch est née aux États-Unis pour caractériser la situation des années 1960 lorsque des emprunteurs solvables ne pouvaient obtenir de prêts même en acceptant des taux élevés. Compte tenu de la pression inflationniste, les autorités appelaient en effet à une restriction quantitative des crédits. Le credit crunch correspondrait donc à un durcissement des conditions non tarifaires des crédits entraînant une baisse du volume de ceux-ci. Dans la crise actuelle, la contraction de l’offre de crédit résulte de deux facteurs : les difficultés d’accès à la liquidité mais aussi la priorité pour les banques de se maintenir ou se rétablir jusqu’à la fin du processus de dépréciation d’actifs.

En France toutefois, la robustesse du système bancaire est avérée. Des scénarios de « stress test » ou simulations de choc de taux avaient été menés au cours du premier semestre 2004 par le secrétaire général de la Commission bancaire et la Banque de France dans le cadre des « Financial sector assessment programs » mis en place par le FMI. La résistance des sept principaux groupes bancaires avait été testée sur la base d’un scénario de hausse uniforme de l’ensemble des taux de 300 points de base sur un horizon de projection de deux ans. Ce choc se traduisait par un ralentissement de l’activité, particulièrement du crédit (– 5,4 points), avec une perte de rentabilité de 13 % sous l’effet d’une montée des risques et d’une contraction de la demande de crédits et une baisse du ratio de solvabilité de 2 points. Autant dire que les conséquences, certes sérieuses, apparaissent contenues au regard de l’ampleur du choc. De plus, le nouveau ratio de solvabilité issu des accords dits de « Bâle II » améliore la prise en compte des risques, notamment du risque de taux. C’est bien du côté des emprunteurs qu’une remontée brutale des taux est susceptible de produire des effets critiques.

Depuis plusieurs années, dans un contexte de surabondance des liquidités, les marchés et les investisseurs avaient écrasé les primes de risques censées rémunérer le risque de crédit. La crise financière a pour effet positif de conduire à mieux hiérarchiser et tarifer les risques de crédit. Cette normalisation pourrait s’accentuer et durer. Aux États-Unis, les taux hypothécaires sur les prêts traditionnels (prime) ont augmenté de 50 points de base (16) dès le début de la crise, malgré la politique monétaire active de la Fed. Cette reconstitution des marges, d’une certaine façon, éloigne le scénario d’un véritable credit crunch en démontrant une réactivité des banques. Il semble toutefois évident que celles-ci sont plus regardantes sur l’octroi de crédit vis-à-vis des emprunteurs les plus risqués et que la progression des crédits décélère.

L’enquête de la Banque de France auprès des banques sur la distribution du crédit du 28 janvier 2008, relative au quatrième trimestre 2007, fait état d’une augmentation de la proportion de banques déclarant avoir rencontré des difficultés à lever des fonds sur le marché interbancaire et les marchés de titres de créances à moyen et long terme, puisqu’elles sont environ 43 % dans ce cas et 54 % à anticiper des difficultés sur ces marchés. Les difficultés rencontrées sur le marché interbancaire des opérations en blanc et le marché monétaire à court terme sont en deçà de celles attendues (28 % contre 37 %) mais tout de même significatives et sont anticipées pour le 1er trimestre 2008 par 38 % des banques. En revanche, s’agissant de la titrisation de prêts immobiliers, après les difficultés rencontrées au troisième trimestre 2007 (31 % des banques en faisaient état), celles-ci se sont atténuées en fin d’année (20 % des banques en ont signalé) et les banques s’attendent à ce qu’elles se réduisent encore davantage.

Il convient de rappeler que la structure du marché des prêts français repose pour l’essentiel sur les banques généralistes et le degré d’exposition en est donc plus faible en temps normal que dans un système d’offre fragmenté. Compte tenu de l’importance du taux d’épargne qui atteint en France 15 %, les établissements bancaires disposent aussi de sources de financement qui les dispensent de recourir au refinancement hypothécaire. Comme au Royaume-Uni, le financement du crédit immobilier est principalement assis sur les dépôts clients. Le recours au marché financier ne représentait donc que 10 % du total de l’encours fin 2004. Seules les institutions financières spécialisées recourent de façon importante aux titres du marché secondaire (pour 60 % de leurs emplois à la même date) puisqu’ils ne collectent pas de dépôt. Compte tenu du niveau élevé de leurs notations, les banques peuvent se refinancer à un coût limité sans avoir besoin de titriser les créances. En outre, d’autres outils que la titrisation permettent de tirer parti de la mutualisation de prêts hypothécaires : il s’agit des obligations foncières des Sociétés de crédit foncier (SCF) et de la Caisse de refinancement de l’habitat (CRH). Les premières, régies par la loi du 25 juin 1999 sont limitées par leur statut à l’octroi de prêts résidentiels et de prêts aux entités publiques, éligibles sous condition. La CRH date quant à elle de 1985 et émet des obligations adossées à l’ensemble des prêts hypothécaires aux particuliers qui lui sont apportés par la quinzaine d’institutions financières actionnaires. Les obligations foncières représentaient fin 2004, 3 % de l’encours total des crédits et celles de la CRH, 4 %.

b) Une augmentation du coût des prêts à relativiser par la faiblesse des marges pratiquées

Malgré tout, la crise de liquidité se répercute sur les conditions tarifaires de l’offre de crédit, dès lors que les banques se refinancent à court terme sur le marché interbancaire et que leur besoin en liquidité est tel qu’il les conduit à reconstituer leurs marges. Cependant, en France, le niveau des marges était initialement tellement bas que leur relèvement aboutit à un niveau de taux encore très avantageux par rapport aux autres pays européens. La France est, à la lecture des données disponibles sur septembre 2006, le pays avec l’Allemagne dont les marges d’intérêt se situent au niveau le plus bas.

MARGE AJUSTÉE ET TAUX NOMINAL DES PRÊTS HYPOTHÉCAIRES EN EUROPE

(septembre 2006 – en pourcentage)

Source : Mercer Oliver Wyman

Plusieurs explications peuvent être avancées pour appréhender le niveau de ces marges qui a permis une large diffusion des prêts à taux fixe à des taux plus que compétitifs, y compris par rapport aux taux variables :

– contrairement aux crédits à la consommation, les crédits à l'habitat dégagent une marge très faible, insuffisante pour couvrir les frais d'exploitation. En toute hypothèse, la résistance des marges d'intermédiation sur les crédits à la consommation a contribué à compenser la réduction des marges sur les crédits à l'habitat, ce qui témoigne de l'existence de subventions croisées ;

– dans les pays où les offreurs disposent de ressources gratuites, le taux apparent du crédit peut s’établir à un niveau plus faible que dans les pays où les établissements refinancent leurs concours auprès du marché ;

– en outre, le taux apparent du prêt est compensé par d’autres recettes, particulièrement l'existence d'indemnités dues lors des renégociations de prêts, mécanisme prohibé dans un certain nombre d'États étrangers, et les frais divers (frais de dossier, de commissions, d’assurances) qui entrent en compte dans le coût complet du crédit.

Il n’en demeure pas moins que les banques françaises ont fait du prêt à l’habitat un produit d’appel tendant à fidéliser une clientèle qui apporte son compte courant, mais aussi souscrit à tout un panel de produits d’épargne. Le coût élevé de certaines autres prestations entrant dans le calcul du taux effectif global –  frais, pénalités et assurances – compensent également le niveau des marges. Or, en 2007, plus de 85 % des crédits au logement nouveaux sont consentis par des banques généralistes.

D’après les chiffres de l’Observatoire du financement des marchés résidentiels (17), après la hausse régulière constatée durant l’année 2006 (50 points de base en un an), le taux nominal moyen des prêts du secteur bancaire a connu une progression modérée jusqu’en mai 2007, de l’ordre de 15 points de base sur cinq mois. À partir de juin, les établissements ont cependant remonté leurs taux en réponse au renchérissement du coût des ressources puis pour leur stratégie de reconstitution de leurs marges. Le taux moyen s’établit alors à 4,62 % en novembre 2007, soit le niveau du début de l’année 2003. En décembre 2007, le taux moyen s’est établi autour de 4,62 %. En 2005, 45 % des prêts étaient octroyés à un taux inférieur à 3,50 %. Ils n’étaient plus en décembre 2007 que 3,1 %. 82,1 % des prêts étaient en revanche accordés à un taux compris entre 4,5 et 5 % contre 0,3 % en 2005.

TAUX DES CRÉDITS NOUVEAUX À LA CLIENTÈLE RÉSIDENTE – HABITAT DES MÉNAGES

(en %)

Source : Banque de France

Les statistiques de la Banque de France illustrent la forte remontée des taux observée en France par rapport au reste de la zone euro. Leur niveau demeure toutefois largement inférieur à la moyenne de la zone avec un écart entre 51 et 56 points de base selon la nature du prêt (données octobre 2007). Le rattrapage n’est pas réalisé et les emprunteurs français continuent donc de bénéficier de taux avantageux par rapport aux autres pays.

TAUX MOYENS PONDÉRÉS DES CONTRATS NOUVEAUX DE CRÉDIT À L’HABITAT

(en pourcentage annuel hors frais annexe)

 

Écart

Octobre 06

Septembre 07

Octobre 07

Écart

Variation sur un an

Variation sur un mois

Crédits habitat d’une PFIT ≤ 1 an

Zone euro

54

4,42

5,22

5,28

51

+ 86

+ 6

Crédits habitat d’une PFIT ≤ 1 an

France

3,89

4,64

4,78

+ 89

+ 14

Crédits habitat 1 an < PFIT ≤ 10 ans

Zone euro

70

4,52

5,04

5,05

56

+ 53

+ 1

Crédits habitat 1 an < PFIT ≤ 10 ans

Zone France

3,82

4,37

4,49

+ 66

+ 12

Crédits habitat d’une PFIT > 10 ans

Zone euro

46

4,47

4,98

5,09

52

+ 63

+ 11

Crédits habitat d’une PFIT > 10 ans

France

4,01

4,46

4,57

+ 57

+ 11

Source : D’après les données de la Banque de France

En résumé, les perspectives sur l’environnement économique général (donc aussi l’évolution des revenus des emprunteurs), le ralentissement du marché immobilier et les conditions de refinancement concourent à faire certes preuve d’une plus grande prudence, mais qui se manifeste peu sur le segment du crédit à l’habitat. Ce constat est le même s’agissant des conditions non tarifaires.

c) Le resserrement des conditions non tarifaires des offres

Les dernières enquêtes trimestrielles de la Réserve fédérale et de la BCE indiquent une baisse de la disponibilité du crédit. Aux États-Unis, le durcissement des conditions de crédit était amorcé dès 2006 en matière de prêts hypothécaires mais s’est amplifié. Les enquêtes de la Fed auprès des banques (18) font état tout à la fois d’une baisse de la demande de crédit et d’un resserrement des conditions d’octroi, y compris sur les compartiments les moins risqués, qui, selon la dernière enquête d’octobre, commencerait même à affecter les autres catégories de prêts, y compris à la consommation. En Europe, 31 % des 82 banques interrogées par la BCE indiquent que les conditions d’accès au crédit se sont restreintes au troisième trimestre 2007, contre seulement 3 % au deuxième trimestre.

Les banques appliqueraient plus strictement les critères de crédit. Le taux de refus pour les demandes de prêts immobiliers des particuliers serait passé de 3 % à 8 % des dossiers selon le courtier de crédit en ligne Meilleurtaux.com. Pour la première fois, le nombre de dossiers prévoyant une durée de prêt de trente ans ou plus serait en baisse au quatrième trimestre 2007 par rapport au troisième trimestre 2007. Les jeunes, et particulièrement les jeunes sans apports, seraient donc les premiers affectés alors qu’ils constituaient véritablement une cible pour les établissements dans leur compétitivité. L’apport redeviendrait en effet une garantie quasi-indispensable, après plusieurs années de financement des opérations parfois au-delà de la valeur du bien. Le niveau d’endettement serait également plus rédhibitoire qu’auparavant, le seuil de 33 % devenant une norme-couperet. Le fonctionnement du compte courant serait aussi analysé, alors que les années passées la pratique de fidélisation par les banques et la qualité de produit d’appel du prêt laissaient place à beaucoup plus de souplesse. Enfin, les opérations de prêt-relais seraient étudiées avec plus d’attention : la quotité prêtée sur le bien mis en vente serait souvent réduite de 10 % (elle passe de 80 % à 70 % ou de 70 % à 60 % selon les établissements), la stabilité des revenus examinée et des expertises immobilières imposées, dont le taux pourrait atteindre 10 % de la transaction contre 2 % en 2006.

Ces données contrastent toutefois avec l’enquête auprès des banques sur la distribution du crédit du 28 janvier 2008, enquête de la Banque de France portant sur le quatrième trimestre 2007. Si au troisième trimestre 2007, 16 % des banques affirmaient avoir quelque peu durci leurs conditions d’octroi, après avoir été 16,6 % à les assouplir quelque peu au deuxième trimestre, 93,9 % des réponses font état de conditions inchangées au quatrième trimestre, les 6,1 % restant annonçant un léger assouplissement. Face à une demande de crédits à l’habitat dont la baisse s’est poursuivie au quatrième trimestre 2007, les banques indiquent donc n’avoir quasiment pas modifié leurs critères d’octroi alors qu’elles envisageaient un durcissement lors de la précédente enquête. Cette stabilité devrait encore prévaloir au premier trimestre 2008, bien que quelques banques prévoient, dans des proportions sensiblement équivalentes, de durcir quelque peu (17,2 %) ou d’assouplir légèrement (12,5 %) leurs critères.

Les résultats de cette enquête confirment la robustesse de l’offre de crédits en France. Ce constat n’est cependant pas représentatif de la diversité des réactions des établissements. M. Alain Dinin, PDG de Nexity, affirme lui aussi que « les banques ont durci les conditions d’octroi des crédits. Or une différence de 50 euros de mensualités par mois désolvabilise environ 2,5 millions de Français (19) ». De plus, si les critères d’octroi demeurent globalement inchangés, l’ajustement des conditions pratiquées sur les prêts nouveaux s’est parfois traduit, comme indiqué précédemment, par un élargissement des marges sur les divers types de produit. Mais dans l’ensemble, l’offre de prêts immobiliers a été en France moins affectée que prévue.

d) Un recul de l’offre plus marqué pour les prêts à taux variable

En décembre 2007, l’encours brut de crédit à l’habitat s’établit à 651,1 milliards d’euros, à comparer avec 346,8 milliards en décembre 2002. Il manifeste une certaine décélération, tant en rythme de progression annuel (12,7 % après 13,3 % en novembre) qu’en rythme trimestriel annualisé (12 % après 13 % en novembre).

MÉNAGES : CRÉDITS À L’HABITAT

(taux de croissance en %)

Source : Banque de France

Le recul des flux de crédits nouveaux à l’habitat est sensiblement plus marqué pour les prêts à période de fixation initiale du taux inférieure ou égale à un an (PFIT ≤ 1 an), c'est-à-dire les crédits dont le taux est révisable annuellement ou selon une périodicité inférieure. Le flux est de 23,8 milliards d’euros en décembre 2007 après 24,6 milliards d’euros en octobre. Le flux de prêt PFIT > 1 an est en légère hausse, passant de 122,1 milliards d’euros à 122,3 milliards d’euros. Si l’on regarde l’évolution sur un an, le constat est frappant :

(en milliards d’euros)

 

Décembre 06

Juillet 07

Décembre 07

Variation annuelle

Crédits habitat aux ménages

154,6

149,3

146,1

– 5,5 %

Crédits habitat d’une PFIT ≤ 1 an

35,5

28,2

23,8

 33 %

Crédits habitat d’une PFIT > 1 an

119,1

121,0

122,3

+ 2,7 %

Proportion des PFIT ≤ 1 an

23 %

18,9 %

16,3 %

 29,1 %

Source : D’après les données de la Banque de France

Cet indicateur PFIT ≤ 1 an ne permet toutefois pas de discriminer finement les prêts à taux variable de ceux à taux fixe, dès lors que des prêts révisables peuvent contenir une période initiale fixe supérieure à un an. De plus, les prêts-relais de courte durée sont inclus alors qu’ils répondent à une problématique différente. Le constat demeure cependant saisissant. Plus que la baisse de la production globale, c’est le recul de celle de prêts à taux révisable qui se dégage nettement, avec un report vers les prêts à taux fixe qui sont en légère progression malgré la remontée des taux.

Plusieurs explications peuvent être avancées, à commencer par l’augmentation du taux d’intérêt, qui rend ces formules moins attractives : le taux d’intérêt moyen sur ces crédits a continué d’augmenter en décembre pour les crédits nouveaux aux ménages et s’établit à 4,87 pour les crédits à l’habitat PFIT ≤ 1 an, après 4,82 en novembre et à 4,67 pour les crédits à l’habitat PFIT > 1 an, contre 4,63 en novembre (20). Le fait que ces prêts permettaient à des ménages en limite de solvabilité d’accéder à la propriété est également déterminant dans ce phénomène de contraction. La remontée des taux exclut ces demandeurs en alourdissant leur taux d’effort. Il est notable que la proportion de crédits à l’habitat PFIT ≤ 1 an a également baissé dans l’ensemble de la zone euro. Le flux de nouveau crédits de ce type s’établit à 43,7 % en octobre 2007 contre 49 % un an plus tôt. Ce recul de plus de cinq points correspond toutefois à une baisse de 10,8 % de la part représentée dans la production de crédits à l’habitat, contre 29,1 % de réduction de cette part dans le cas français.

Il semble donc que le segment des emprunts immobiliers à taux variable connaisse une légère crise de confiance de la part des prêteurs et emprunteurs et que l’offre se contracte au profit du taux fixe. Cette tendance de report vers le taux fixe est certes naturelle puisque le taux fixe peut être proposé à un niveau plus bas que le taux variable du fait de l’inversion de la courbe des taux. Toutefois, un déséquilibre trop marqué entre l’offre de prêts à taux variable et celle de prêts à taux fixe signifie une modification de l’offre de prêts, au détriment de certains demandeurs. Cette défiance est alimentée par la mise en cause de certaines pratiques commerciales, des emprunteurs estimant que la clause de variation des taux de leur contrat n’est pas appliquée dans les conditions qui étaient celles qu’il leur semblait avoir acceptées. Ce contentieux – le terme est approprié puisqu’une plainte a été déposée – concerne l’interprétation de contrats de prêts à taux variable. La seule réponse à apporter consiste en une clarification desdites clauses des contrats et un renforcement de l’information des emprunteurs (cf. la troisième partie du rapport).

Cet épiphénomène, quand bien même douloureux, ne remet pas en cause le bien–fondé d’une offre de prêts à taux variable en France. Il semble toutefois que le discours sur les avantages que proposent ces prêts ne soit plus audible. La stabilisation des taux initiée devrait permettre de prendre quelque recul, auquel le présent rapport prétend vouloir contribuer, pour appréhender à leur juste valeur les facilités comme les risques que comportent les prêts à taux variable. Avant d’examiner dans la deuxième partie de ce rapport l’intérêt que présentent les prêts à taux variable pour éviter d’exclure de l’offre de crédit un nombre croissant de demandeurs confrontés autant à la hausse des taux qu’à celle du marché immobilier, il convient d’examiner la situation des emprunteurs qui ont souscrit des prêts affectés par la hausse des taux.

3.– Une hausse des taux qui affecte modérément les emprunteurs à taux variable

a) Une déstabilisation des emprunteurs limitée par les caractéristiques des prêts et les efforts des établissements de crédit

Les taux de référence des emprunts immobiliers à taux variable – pour l’essentiel d’entre eux l’Euribor – ont connu une remontée progressive tout au long de l’année 2007, qui s’est accentuée à partir du mois d’août. Après plusieurs années de taux bas, dont le niveau était considéré soutenable par nombre d’analystes, et malgré un premier mouvement à la hausse à partir de 2006, qui pouvait être anticipé, les emprunteurs ont eu le sentiment d’être pris en défaut. C’est l’ampleur du relèvement qui a surpris car personne ne pouvait anticiper une telle crise de liquidité sur les marchés interbancaires où s’établissent les indices de référence et, plus improbable encore, une inversion de la courbe des taux pénalisant les prêts indexés sur les taux à court terme.

Cette inversion perdure. Cette situation ne s’est produite que 3 fois depuis 1990 : la première en novembre 1990, où les deux taux convergeaient à une valeur de 7,90 %, la seconde en avril 1995 (à 7,90 % également), et la dernière fois en novembre 2000 (à 5,40 %). Comme l’illustre le tableau suivant, en janvier 2008, le BTAN 5 ans s’établit à un niveau sensiblement inférieur à celui de l’Euribor 3 mois avec une moyenne à 3,85 contre 4,49 et un maximum à 4,18 contre 4,68. L’écart de taux moyen observé en janvier est donc de 64 points de base. L’OAT 10 ans s’établissait quant à lui en janvier à 4,07, soit un écart de 42 points de base.

TAUX D’INTÉRÊT SUR LE MARCHÉ INTERBANCAIRE EN 2007

   

2007

2008

   

Janv

Fév

Mars

Avril

Mai

Juin

Juillet

Août

Sept

Oct

Nov

Déc

Janv

Jour le jour

Moy

3,5658

3,5668

3,6948

3,823

3,7935

3,957

4,0661

4,0429

4,0171

3,9285

4,0275

3,8632

4,0097

Max

3,69

3,71

3,9

3,9

3,87

4,14

4,14

4,29

4,59

4,13

4,11

4,04

4,19

Euribor
1 mois

Moy

3,616

3,649

3,843

3,859

3,915

4,097

4,105

4,307

4,432

4,231

4,2

4,685

4,2

Max

3,633

3,75

3,865

3,865

4,03

4,119

4,115

4,459

4,495

4,389

4,822

4,947

4,288

Euribor
3 mois

Moy

3,751

3,818

3,891

3,973

4,069

4,147

4,216

4,54

4,743

4,685

4,632

4,834

4,493

Max

3,782

3,854

3,924

4,017

4,122

4,175

4,26

4,735

4,792

4,795

4,81

4,953

4,684

Euribor
6 mois

Moy

3,888

3,945

3,996

4,095

4,193

4,283

4,359

4,591

4,75

4,66

4,625

4,81

4,515

Max

3,922

3,973

4,043

4,135

4,255

4,315

4,384

4,764

4,793

4,753

4,751

4,917

4,707

Euribor 12 mois

Moy

4,062

4,095

4,104

4,249

4,367

4,505

4,565

4,666

4,727

4,642

4,603

4,786

4,515

Max

4,097

4,123

4,177

4,298

4,455

4,534

4,594

4,791

4,807

4,72

4,692

4,885

4,745

BTAN 2 ans

Moy

3,938

3,963

3,937

4,108

4,254

4,477

4,475

4,185

4,060

4,089

3,89

4,014

3,709

Max

4,00

4,00

4,05

4,18

4,42

4,53

4,56

4,43

4,14

4,28

4,12

4,13

4,08

BTAN 5 ans

Moy

3,992

4,011

3,924

4,132

4,276

4,573

4,534

4,254

4,169

4,207

3,982

4,123

3,850

Max

4,08

4,07

4,05

4,21

4,44

4,66

4,67

4,46

4,29

4,38

4,19

4,23

4,18

Source : Banque de France

Toutefois, il convient en premier lieu de souligner que le segment des prêts à taux variable comprend très peu de taux variables « purs », c’est-à-dire qui n’incluent aucun mécanisme limitant l’évolution des échéances ou du taux. Ils représenteraient moins de 2 % des prêts.

Le premier type de limite, qui s’applique pour plus de la moitié des emprunts en cours (probablement 60 % si l’on exclut les prêts-relais), consiste en un « cap » de taux. Les prêts à taux capés sont des formules qui limitent l’évolution du taux appliqué quand bien même la somme de l’indice et de la marge de l’établissement évoluerait de façon plus forte. Le « cap » plafonne l’évolution mais peut aussi constituer un plancher, l’emprunteur ne bénéficiant pas d’une baisse des taux au-delà de l’écart maximum fixé. Ces formules existent aussi en Belgique, au Danemark, en Allemagne, en Irlande, au Portugal, en Suède et au Royaume-Uni. En France, l’essentiel des prêts distribués par les banques sont capés en taux. La situation est en revanche beaucoup plus contrastée pour les établissements spécialisés : la part de prêts capés en taux varie de 0 % à 30 %.

Les encours doivent être distingués des flux, dès lors que la part des banques dans la distribution de prêts à taux variable a reflué depuis 2006 et que l’anticipation puis la réalisation d’un relèvement des taux a pu conduire certains établissements à modifier leur offre pour augmenter la part de prêts capés en taux (21). Dans un contexte de baisse sensible de la production, de l’ordre de moitié par rapport aux années fastes, la part des prêts à taux capés s’en est trouvée à la fois réduite (prépondérance des établissements spécialisés), passant sous le seuil de 50 %, mais également moins représentative de la pratique de chaque établissement. Selon Meilleurtaux.com, sur les 7,1 % de prêts à taux variable présents dans l’offre de crédit fin 2007, 5 % seraient « capés ».

Parmi les prêts non capés en taux, essentiellement proposés par des établissements spécialisés, nombre d’entre eux prévoient des sécurités consistant à limiter la répercussion des hausses de taux sur le montant des mensualités des emprunteurs, notamment en jouant prioritairement sur la durée du prêt (allongement en cas de hausse des taux, réduction en cas de baisse). Il s’agit donc de prêts incluant un mécanisme correctif ayant permis de limiter l’impact des hausses de taux sur le budget des ménages. On constate une évolution de la production de ce type de contrats sous l’effet de l’allongement de la durée des prêts, moins compatible avec des « caps » de taux, et l’augmentation du montant des acquisitions qui limite les capacités des ménages à absorber des hausses de mensualités, déjà élevées au départ.

Cette clientèle se retrouve essentiellement parmi les établissements spécialisés, ce que reflète la répartition de la production entre les banques et ces derniers en 2007, dès lors que le taux variable même capé ne présente plus ou peu d’intérêt en termes de coût du prêt pour les populations qui n’ont pas les mêmes contraintes de budget et peuvent se voir proposer un taux fixe. Ces déterminants de l’offre de prêt à taux variable seront explicités plus loin. Pour le moment, indiquons simplement que les emprunts à taux variable en cours en France sont la plupart du temps, à l’exception des prêts-relais, soit plafonnés en taux, soit comportent une limite de variation des mensualités, l’évolution de la production en faveur des seconds étant liée à celle de la conjoncture et à la concentration de l’offre chez les établissements spécialisés.

De plus, la majorité des contrats de prêts à taux variable comportent des possibilités de moduler les échéances et une option de passage à taux fixe qui atténuent, pour les premières, l’impact de la hausse des taux sur le montant des mensualités, pour la seconde, une remontée des taux courts improbables avec inversion de la courbe des taux (cas actuel). À noter que la flexibilité des échéances est également très courante aux France où l’emprunteur dispose de tout un panel d’options pour aménager son prêt.

Les caractéristiques de l’offre de prêt en France expliquent que peu d’emprunteurs sur les 1,5 million (environ) de contrats à taux variable en cours (hors prêts relais) se soient trouvés déstabilisés. Meilleurtaux.com évaluait tout de même à 100 000 le nombre de ceux qui pourraient être affectés par des hausses de mensualités de 20 % ou plus. Dès lors que les prêts à taux variable ont été beaucoup utilisés par des ménages modestes qui y trouvaient la seule source de financement possible et dont l’endettement flirtait avec le seuil de 33 %, ce chiffre doit être pris au sérieux et il ne s’agit pas de minimiser l’impact des hausses de taux pour ces ménages. Sur la globalité des emprunts en cours, une hausse d’environ 7 % des mensualités a été observée, ce qui ne rend, en outre, pas compte des modifications d’échéanciers de prêts et donc des éventuels ralentissements d’amortissement du capital.

Un relèvement sensible du montant des mensualités peut avoir quatre origines :

– l’absence de mécanisme de plafonnement (taux variable pur), auquel cas l’emprunteur a assumé le risque de taux qui lui a permis de bénéficier d’un taux très bas au départ ;

– un « cap » de taux qui est assez élevé ;

– un plafonnement des mensualités partiel ;

– une première révision du prêt plus importante qu’anticipée après application d’un taux initial non fondé sur l’indice de référence.

L’alerte sur les conséquences de la hausse des taux en France a été donnée par l’accumulation de réclamations, recueillies notamment par l’AFUB (Association française des usagers des banques), concernant des contrats qui avaient été compris comme capés en taux par les emprunteurs et ne prévoyaient en réalité qu’un plafonnement de l’évolution des échéances et à un niveau relativement élevé pour certains. Ces emprunteurs ont donc subi des relèvements de mensualités importants, cumulés à des allongements de durée, parfois lors de la première révision du prêt, impliquant un saut marqué. Le 17 janvier 2008, l’UFC-Que choisir déposait plainte auprès du Procureur de la République du Tribunal de grande instance de Paris contre le Crédit foncier de France.

Le nombre de ces dossiers ne permet cependant pas d’estimer correctement le nombre d’emprunteurs véritablement en difficulté : la majorité des réclamations concernent des emprunteurs qui ne présentent pas de risque de défaillances alors que des emprunteurs modestes disposant d’un « cap » de taux ont pu se trouver en situation très délicate. Seule une approche « au cas par cas » permettait donc de venir en aide à ceux dont le risque de défaut était exacerbé et les conséquences sur la vie quotidienne trop importantes.

b) Une stabilité des défaillances qui contraste avec la brutalité du choc de taux

Le taux de défaut est demeuré, d’après les informations transmises à votre Rapporteur, stable malgré la hausse continue des taux en 2007. La situation en France ne peut absolument pas être comparée à celle que rencontrent les ménages américains. En Europe en général, le taux de défaut a peu augmenté mais devrait remonter dans certains pays plus exposés que la France :

– en Espagne, le risque est diffus dans une population très endettée et à taux variable. Pour l’instant, la hausse des taux s’est répercutée sur le montant des mensualités sans affecter le taux de défaut. La mécanique de renégociations à échéances annuelles semble bien fonctionner ;

– au Royaume-Uni, ce sont les prêts eux-mêmes qui suscitent des inquiétudes puisque des prêts exotiques sont apparus ici ou là au cours des trois dernières années sur un segment subprime qui regroupe environ 9 % des emprunteurs (1,5 million de personnes). Il faut ajouter 4 millions d’emprunteurs à profil risqué du fait de revenus irréguliers ou d’impayés fréquents. De plus l’endettement est élevé et souvent à taux variable. L’Autorité des services financiers britanniques (FSA) a ainsi mis en garde le 4 décembre 2007 les détenteurs de crédit immobilier contre des conditions de marché « très difficiles ». Son directeur général Clive Briault a évoqué le sort de 1,4 million d’emprunteurs qui ne bénéficieront plus l’année prochaine d’indexation à taux fixe et se trouveront face à une forte hausse de leurs échéances. Un emprunteur sur trois pourrait éprouver des difficultés financières. Si le nombre d’impayés reste stable, celui des expropriations a considérablement augmenté, passant de 4 300 au second semestre 2005 à 13 500 au second semestre 2007 (0,11 % des emprunts). Selon le cabinet d’analyse comptable Grant Thornton, le nombre de faillites personnelles devrait atteindre 120 000 ménages en 2008, après 107 000 en 2007.

LA PROGRESSION INQUIÉTANTE DES DÉFAILLANCES D’EMPRUNTEURS AUX ÉTATS-UNIS

Aux États-Unis, la mise en œuvre des clauses de révision des nombreux crédits hypothécaires souscrits entre 2005 et 2007 devrait se solder par une hausse des défaillances et donc des saisies. Le taux d’impayé est en augmentation dans presque toutes les catégories de prêts.

La défaillance des emprunteurs est un phénomène qui n’est pas achevé puisque la proportion de retards de paiement atteignait 6 % pour les prêts ARM de la génération 2005 et est déjà à 10 % pour la génération 2006. Sur l’ensemble du secteur subprime, ces défauts de paiement sont passés de 8 % à 13 % après 18 mois d’émission. Or, l’expérience montre que les difficultés atteignent leur point culminant entre le 24ème et le 30ème mois d’émission du prêt. Les révisions sur la génération 2006 ont touché 14 % des titres de second rang et 1,5 % des premiers rangs. Les notes sur les titres Residential Mortgage Backed Securities adossés aux subprimes de second rang ont été cinq fois plus révisées que celles sur la génération 2005.

Les ajustements de taux sur les prêts subprime ARM monteront en puissance en 2008 où ils concerneraient pour chacun des trois premiers trimestres plus de 100 milliards de dollars. Car la génération 2007 présente des taux de difficultés encore plus élevés, avec 6 % de prêts connaissant des difficultés au cours des trois premiers mois d’existence (contre 4 % pour la génération 2006).

Le taux de défaut des primo-accédants sur ce segment est six fois plus élevé aujourd’hui, alors que la plupart n’ont pas d’autre patrimoine que le logement qu’ils ont acquis à crédit. Il convient de rappeler toutefois que le taux de défaillance sur ces crédits à risque était déjà élevé avant l’éclatement de la crise. Depuis 2006 toutefois, les difficultés de paiement se propagent aux autres segments du prêt immobilier, notamment les subprimes à taux fixe et les prêts « sans risque » à taux variable.

D’aucuns évaluent le nombre de maisons saisies dans les deux années à venir à deux millions. 1,3 million de logements a été saisi en 2007, soit une augmentation spectaculaire de 79 % par rapport à 2006 correspondant à plus de 1 % des ménages américains. Le phénomène s’est accéléré en fin d’année avec un doublement des procédures en décembre. Au quatrième trimestre, 642 150 procédures de saisies ont été déclenchées concernant 527 740 logements. Les États les plus touchés sont le Nevada, la Floride, le Michigan et la Californie. Quand l’accession à la propriété a été rendue possible par un crédit subprime, les conséquences de la baisse des prix peuvent s’avérer dramatiques car elles se traduisent, non seulement par une incapacité à faire face au montant des échéances, mais surtout par un appauvrissement net en cas de revente du bien.

En France, les défaillances sont peu nombreuses et les saisies exceptionnelles. Le taux de défaut sur l’ensemble des prêts immobiliers en cours est inférieur à 0,15 %, soit moins de 1 500 dossiers par an. Ce taux n’aurait pas augmenté en 2007. Le taux de rejet sur prélèvement demeurerait stable également, d’après les informations transmises par les établissements. La hausse du taux de défaut n’est pas impossible sur le segment des prêts à taux variable, dès lors qu’une proportion, certes faible, de ménages s’est endettée aux limites de ses capacités. Même dans le cas de contrats « capés », l’exposition nette résiduelle peut demeurer importante pour ces ménages dont la solvabilité est moins assurée. Un certain nombre d’analystes (22), dès 2005, attirent l’attention sur l’existence de ce risque, certes marginal, mais pas inexistant. Ils soulignent que dans l’hypothèse d’une forte remontée des taux courts, la proportion d’emprunteurs défaillants augmenterait très certainement et appellent à la vigilance quant à l’exposition au risque de taux des établissements de crédit. Le précédent de la crise au Royaume-Uni à la fin des années 1980, qui a vu de nombreux emprunteurs britanniques, endettés à taux variable, devenir insolvables, est souvent rappelé pour conforter la distribution de taux comportant des mécanismes de plafonnement.

La résistance des emprunts français s’explique par deux raisons :

– les mécanismes de plafonnement et modulations précités, mais qui pourraient, à moyen terme, ne pas suffire si les taux ne baissaient pas ;

– et une gestion des dossiers relativement efficace.

Alors même que votre Rapporteur appelait dès le 27 octobre 2007 les banques à renégocier au « cas par cas » avec leurs clients les plus fragiles, le Président de la République, à l’occasion d’une table ronde à l’Élysée deux jours plus tard, obtenait des établissements de crédit l’engagement d’un tel règlement au cas par cas des dossiers d’emprunteurs qui rencontreraient des difficultés liées à la hausse des taux. 75 % des dossiers transmis par l’AFUB à l’automne (600 plaintes à l’époque, 700 en janvier) auraient fait l’objet d’accords amiables. Ce chiffre ne permet pas d’appréhender correctement, ni le caractère satisfaisant ou non des compromis trouvés, ni le nombre exact de facilités offertes, par renégociation ou par modulation des échéances (donnée difficile à extraire et à apprécier). Il semble à la lecture des informations recueillies que le nombre de passages à taux fixe ait été relativement important.

Le Crédit foncier de France (23), attaqué devant les tribunaux sur ses pratiques commerciales, concédant que 11 000 de ses clients avaient connu une augmentation de mensualités de 5,7 % en moyenne, est le seul à avoir publiquement communiqué sur les mesures prises en faveur de ses clients, mais dans un contexte qui a rendu ces annonces inaudibles. Outre les réponses apportées au cas par cas, des dispositions générales ont été prises pour les 150 000 clients consistant en premier lieu à appliquer aux contrats non réglementés (90 000 clients), avec rétroactivité aux révisions intervenues à compter du 1er août 2007, les sécurités prévues pour les contrats réglementés, à savoir notamment un plafonnement de l’évolution des mensualités à l’inflation. En second lieu, le cap de taux prévu pour les 60 000 contrats réglementés (au maximum de 300 points de base) était limité au taux de 5,75 % ou 6,25 % selon l’indice de référence (Euribor ou BTAN). Ce plafonnement systématique du taux était étendu aux contrats non réglementés à un niveau de 50 points de base supérieur pour traiter des cas extrêmes. C’est ce dernier point qui a retenu l’attention alors que le premier constituait la réponse principale aux difficultés des emprunteurs en protégeant leur capacité de remboursement. La focalisation sur un cap de taux très élevé puisque secondaire par rapport au plafonnement des échéances, a en outre induit en erreur en laissant penser que le plafonnement du taux constituait la réponse appropriée pour tous, à un niveau moindre bien sûr.

Il n’existe pas – et c’est ce sur quoi il convient d’insister – de réponse unique dès lors que chaque emprunteur se trouve dans une situation unique qui appelle, au départ un prêt adapté, par la suite un traitement particulier des éventuelles difficultés. Les établissements n’ont bien entendu pas attendu la consigne de l’Élysée pour disposer de mécanismes internes de détection des difficultés, dès lors qu’elles peuvent résulter autant de la conjoncture que de l’évolution de la situation personnelle des emprunteurs. Le faible taux de défaillances constaté habituellement et stable sur la période récente malgré les événements intervenus sur les marchés interbancaires, manifeste une gestion des difficultés globalement satisfaisante, dont les premières données chiffrées devraient être disponibles prochainement.

Qu’en est-il pour l’avenir ? L’évolution de la situation est-elle susceptible d’aggraver substantiellement le taux de défaillances ? Plusieurs facteurs conduisent à écarter un risque majeur. D’une part, les taux ont atteint leur sommet : les situations délicates ont été assez bien gérées et l’impact des hausses de taux apparaît soutenable pour les ménages. D’autre part, comme indiqué précédemment, la situation financière des ménages ne dépend pas de la valorisation de leur bien immobilier sauf revente immédiate. Or, le marché immobilier devrait rester correctement orienté compte tenu de la structure de la demande de logement. Les perspectives à moyen terme ne sont pas alarmantes.

c) La stabilisation des taux

Les perspectives de « retour à la normale » sur le marché des taux courts devraient permettre d’apprécier la perte de part de marché effective de ce segment. Le niveau des taux d’intérêt ne retrouvera pas son niveau antérieur, même de 2006, avant quelque temps. Toutefois, l’environnement sur les marchés à long terme devrait peu à peu peser à la baisse sur les taux courts. La courbe des taux pourrait progressivement reprendre sa forme.

Les taux d’intérêt à long terme des marchés financiers se stabilisent à un niveau plus faible qu’en milieu d’année 2007. Ils ne devraient pas évoluer outre mesure, compte tenu de la situation économique, du climat d’incertitude et de la politique des banques centrales. Notamment, malgré les tensions inflationnistes, avec une prévision au mois de janvier 2008 à 3,2 %, et pour tenir compte des risques qui pèsent sur la croissance en zone euro déjà ralentie par la crise, les marchés anticipent une baisse des taux de la BCE de 0,5 à 0,75 point. Cette perspective s’ajoute aux effets du ralentissement économique et à la détente des taux longs liée aux reports des investisseurs vers les obligations. Les taux d’intérêt à long terme américain sont également fortement orientés à la baisse après la politique interventionniste conduite par la Fed, qui devrait encore abaisser ses taux, pourtant à un niveau déjà bas de 3 %. À tout le moins, le scénario d’une nouvelle augmentation des taux à long terme européens ne devrait pas se produire.

Les taux des prêts immobiliers ont donc baissé en février 2008 par rapport au moins de janvier, et s’éloignent du pic de décembre 2007. Cette baisse est toutefois demeurée relativement faible (0,10 %) et en février 2008, le taux fixe d’un emprunt immobilier se situe aux alentours de 4,75 % à 20 ans. Sur l’ensemble de l’année 2008, la hausse des taux des crédits devrait ralentir pour s’établir en deçà de 0,15 point. Quant à la hausse des mensualités des emprunts à taux variable en cours, elle avoisinerait les 1 % (24). Cela implique que les personnes qui n’ont pas subi de révision au second semestre 2007 seront moins affectées par le choc. La courbe des taux devrait enfin reprendre une forme plus « normale », même si les taux courts ont recommencé à augmenter en mars après une baisse sensible les deux premiers mois de l’année. L’OAT 10 ans demeure inférieur à 4 %.

d) Un marché immobilier tiré par la demande intérieure qui ne devrait pas mettre en difficulté les emprunteurs

La situation des emprunteurs à taux variable pourrait devenir véritablement délicate si la hausse des taux les fragilisait au point de les conduire à vendre leur logement en période de baisse des prix du marché immobilier, accentuant encore ce mouvement. Ce risque serait particulièrement élevé pour les emprunteurs en début de période de prêt. La situation américaine de 2006 qui voit un endettement croissant gagé sur un patrimoine qui ne cesse d’augmenter laissait planer des doutes sur la pérennité du modèle de croissance : si la valeur du collatéral venait à se contracter, les ménages les plus endettés seraient confrontés à la situation douloureuse d’une valeur du bien gagé insuffisante pour couvrir le montant du prêt. C’est ce risque qui s’est réalisé en 2007. Il est très improbable en France, non seulement parce que le niveau d’endettement est contenu, mais aussi parce que le marché immobilier est soutenu par des facteurs structurels.

Les risques pour les ménages français s’avèrent limités du fait d’un taux d’effort très élevé pour seulement 5 % des ménages, d’après les données de l’enquête patrimoine 2003–2004 de l’INSEE. Le taux d’exposition que l’enquête établit permet de juger de l’exposition des ménages à un risque de non-remboursement de la dette en cas de saisie ou de changement de situation du ménage nécessitant une revente du patrimoine. Ce taux était de 26 % inférieur à 19 % pour la moitié des ménages et inférieur à 50 % pour 85 % des ménages. Il est supérieur à 77 % pour seulement 5 % des ménages. Ce sont donc ces derniers seulement qui seraient soumis au risque de chute des prix immobiliers en cas de revente. L’origine de cette faible exposition au risque trouve sa source dans le rapport traditionnel à l’endettement, mais aussi dans les caractéristiques de l’offre de prêt en France (risque de défaillance très faible ci-dessus explicité).

Seuls les États-Unis sont aujourd’hui engagés dans une phase de retournement du marché. Aux États-Unis, au troisième trimestre 2007 et pour la première fois depuis 17 ans, les ménages américains ont subi une baisse de leur richesse nette immobilière et le marché immobilier est amené à poursuivre sa décrue. Malgré la baisse de l’offre, le stock d’invendus (4,6 millions d’unités déjà en juillet 2007) est tel que la phase d’ajustement de l’offre et de la demande prendra encore un certain temps et se traduira par une baisse des prix et une dévalorisation du patrimoine des ménages américains. L'excès d’offre tirant les prix à la baisse devrait en outre s’amplifier avec la mise sur le marché des logements des emprunteurs défaillants. L’anticipation d’une poursuite de la baisse des prix de l’immobilier, voire d’une remontée du chômage, pourrait également conduire certains propriétaires à mettre en vente leur logement pour maintenir la valeur globale de leur patrimoine et se prémunir d’un éventuel risque de défaillance qui obligerait à le céder à un moment moins opportun encore. Le repli cumulé du prix des maisons devrait excéder d’ici 2009–2010 les 15 %, certaines prévisions étant bien plus pessimistes encore. En effet, le prix des maisons dépasse encore de près de 50 % le pic précédent de 1989.

Des signes de ralentissement se manifestent cependant un peu partout. À l’exception du Royaume-Uni, qui a connu un ralentissement entre 2003 et 2005 avant de retrouver des rythmes annuels de progression de l’ordre de 10 %, les prix décélèrent depuis 2004 (cas de l’Espagne) ou 2005 (France). Le niveau de l’augmentation des prix est désormais sans comparaison avec les pics de 15 % enregistrés précédemment. Sur la période 1997–2007, la hausse des prix a atteint 85 % aux États-Unis, 195 % au Royaume-Uni, 200 % en Espagne et 150 % en France.

ÉVOLUTION DES PRIX IMMOBILIERS

(variation sur un an, en %)

Source : Ministerio de Vivienda, National Association of Realtors, INSEE,

in Immobilier: jeu dangereux, OFCE, Revue de l’OFCE 103, octobre 2007

La baisse des mises en chantier est également patente un peu partout : elle est revenue au niveau de 1997 aux États-Unis, la progression a reculé en 2006 à 3,2 % en France, 2,1 % au Royaume-Uni et 6,1 % en Espagne. Si la demande a décéléré dans tous les pays, ce que traduit l’encours de prêts hypothécaires, elle est liée à la dégradation de la solvabilité des ménages au regard de la hausse des prix plus qu’au resserrement des conditions monétaires. Les taux hypothécaires ont augmenté de seulement 0,8 point en France de mi–2005 à mi-2007. La stabilisation des prix du marché, qui en est aussi la conséquence, peut à cet égard s’avérer positive.

Aux États-Unis, la demande a reposé davantage sur des conditions de financement très attractives et sur l’accession de populations fragiles à la propriété que sur des facteurs structurels et notamment démographiques. L’excès d’offre sur la demande est à l’origine de la correction du marché immobilier. En Espagne, la situation est devenue préoccupante. Le boom immobilier de ces dernières années est bien sûr le fait d’un rattrapage du parc immobilier, qui a permis de réduire les cohabitations, et d’un niveau élevé d’investissements immobiliers étrangers. L’octroi de crédits à la construction a toutefois largement excédé le niveau de demande prévisible (+ 45 % de crédits d’exploitation accordés aux promoteurs et constructeurs sur un an fin 2006). La chute du secteur immobilier est attendue et posera sans conteste de vraies difficultés pour les emprunteurs récents qui ne supporteraient pas des mensualités accrues sur le moyen terme.

En France, l’accélération du nombre de ménages liée à une fécondité dynamique et aux décohabitations (jeunes accédants, séparations et divorces, familles recomposées) ainsi que les achats réalisés par des non-résidents s’avèrent des éléments structurels qui vont maintenir la demande à un niveau suffisant. L’offre est toutefois légèrement excédentaire, avec un stock d’invendus de près de 90 000 unités en 2007. Si le début de période de boom du crédit à l’habitat (1996-2002) peut s’expliquer par l’amélioration de la solvabilité des ménages après plusieurs années de désendettement et un rebond de l’activité, donc de l’emploi générant des revenus supplémentaires, ces explications ne valent guère pour la période suivante qui voit le taux d’endettement des ménages atteindre des niveaux records.

Car malgré la hausse des prix, le volume des acquisitions a continué de progresser, y compris en primo-accession, alors que les ménages, en l’absence de mécanisme d’extraction hypothécaire, n’en obtenaient pas d’effet de richesse. L’Observatoire du financement du logement (OFL) le chiffre à 100 000 unités environ entre 2001 et 2005. La proportion de primo-accédants sur l’ensemble des accédants recule toutefois et fluctue aux alentours de 60 %.

L’ACCESSION DE 1996 À 2005

(nombre d’opérations en milliers)

Année

1996

2001

2002

2003

2004

2005

Ensemble des accédants

521

664

673

683

714

763

Primo-accédants

380

396

433

404

449

476

Part des primo-accédants

73 %

60 %

64 %

59 %

63 %

62 %

Source : Observatoire de financement du logement

Plusieurs raisons peuvent être avancées, parmi lesquelles une incertitude quant à l’avenir et des loyers élevés qui contribuent à une préférence pour l’emprunt. La variable psychologique a pris un ascendant considérable. Selon une étude FNAIM-Credoc réalisée en 1999, 63 % des propriétaires estimaient que l’effort financier que représente l’emprunt trouve sa contrepartie dans l’idée de ne plus payer de loyer de toute sa vie. Les faibles rendements des placements financiers au début des années 2000 et l’incertitude qui pèse sur ces placements contribuent aussi à valoriser la pierre. Celle-ci demeure enfin une valeur-refuge pour tous ceux qui s’inquiètent de l’avenir de leur retraite et ne veulent prévoir de consacrer une partie de celle-ci au paiement d’un loyer. En tout état de cause, si des taux d’intérêt bas ont créé les conditions d’une offre accrue, le mouvement d’acquisition trouve son origine dans des facteurs plus structurels, les taux d’intérêt ayant dans un deuxième temps permis de repousser les limites de solvabilité face à une montée des prix à laquelle ils avaient plus que contribué.

*

* *

II.– LES EMPRUNTS IMMOBILIERS À TAUX VARIABLE OU L’ÉQUILIBRE ENTRE FACILITÉS ET EXPOSITION AU RISQUE

Les mesures prises aux États-Unis en réponse à la crise financière consistent notamment en des aides ciblées aux emprunteurs défaillants, particulièrement le projet de gel des taux de crédit subprimes pour éviter les effets négatifs des révisions des conditions de prêts. L’objectif est de contenir l’hémorragie dans un contexte de baisse des prix qui se traduit par la situation dramatique de nombreux emprunteurs obligés de se séparer de leur bien, accentuant la baisse du marché. En Europe, de telles mesures ne sont pas envisagées parce que, ni la situation des emprunteurs, ni celle de l’économie en général ne nécessitent d’en prendre. Seul le Gouvernement espagnol projette d’intervenir pour réguler le marché, mais pour apporter un soutien au secteur de la construction dont les signes de faiblesse risquent de provoquer une correction des prix de l’immobilier plus forte qu’attendue.

Les défaillances observées aux États-Unis concernent des emprunts dont l’équilibre économique est bousculé lors des révisions, compte tenu du niveau des taux de marché, mais aussi et surtout du fonctionnement de ces prêts. Un nombre très important de prêts subprimes ont été récemment accordés dans des conditions d’imprudence absolument incomparables avec les pratiques qui ont eu cours en France. Les révisions de ces prêts, en l’absence d’un retournement du marché immobilier, auraient de toute façon abouti à des défaillances nombreuses.

On a pu voir ici ou là titrer à la révélation de l’existence de « subprimes à la française » lors de la survenue des difficultés rencontrées par certains emprunteurs à l’automne suite à la remontée brutale des taux. Ce rapprochement est tout à fait infondé et il apparaît nécessaire, préalablement à toute réflexion sur les améliorations à apporter aux prêts à taux variable, de présenter les conditions de l’offre de prêt en France. Les emprunts à taux variable en cours ne justifient guère l’adoption de mesures radicales du type gel uniforme des révisions, parce qu’ils ont été accordés dans un cadre très réglementé et respectueux des emprunteurs. Ce cadre mérite d’être rappelé, avant de s’interroger sur les caractéristiques des emprunts à taux variable souscrits en France et ce qu’ils apportent comme solutions adaptées aux besoins des emprunteurs français.

Votre Rapporteur exposera ensuite la diversité des prêts à taux variable proposés en France sur la base de ces caractéristiques communes et les changements intervenus ces dernières années, afin d’expliciter la place qu’ils occupent dans le paysage du prêt à l’habitat. Plus particulièrement, il essayera de bien distinguer les différents profils de souscripteurs, l’intérêt que peut présenter pour chacun le prêt à taux variable, en isolant spécifiquement le cas de la primo-accession dans un contexte de limite de solvabilité des ménages.

A.– LES EMPRUNTS À TAUX VARIABLE EN FRANCE NE SONT PAS DES SUBPRIMES « À LA FRANÇAISE »

1.– Une image de prêts complexes versus des prêts toxiques

a) Les emprunts à taux variable en France : des contrats jugés complexes par les emprunteurs

Les prêts à taux variable proposés en France, pour des raisons qui tiennent autant à la législation protégeant les consommateurs qu’à une culture du crédit attachée à la relation humaine, ne peuvent en aucune manière être assimilés à des prêts subprimes. Ce qui a conduit à cet amalgame, c’est la mauvaise information de certains emprunteurs, qui n’avaient pas compris le fonctionnement des révisions de leur prêt et dont le sentiment a provoqué, à juste titre, un certain émoi. Des cas analogues, bien plus nombreux, sont constatés aux États-Unis depuis le début de cette crise. Ces réclamations et inquiétudes se manifestant suite au même phénomène, c'est-à-dire la remontée des taux de référence, et concernant la même famille d’emprunts – à taux variable – nul ne peut s’étonner que cet amalgame perdure, en grande partie à tort.

Les défauts de compréhension des prêts souscrits qui semblent être à l’origine, plus que les difficultés induites par la remontée des taux, de la plupart des réclamations constatées en France mettent en lumière la sophistication des prêts proposés, la complexité des contrats, avec des clauses parfois absconses au point de n’être pas comprises par les vendeurs eux-mêmes.

Pour partie, cette difficulté de lecture est la traduction d’une volonté d’adapter l’offre de prêts aux besoins des demandeurs. En premier lieu, les prêts les plus complexes sont ceux qui comportent des solutions aidées proposées par l’État, les collectivités et les employeurs, parfois les trois en même temps. Les prêteurs actifs dans le secteur du logement ont mis en place des outils permettant de gérer la complexité relative des aides. Certaines banques généralistes ne « fabriquant » pas ces prêts mixtes impliquant des formes de lissage sophistiquées, ce sont pour beaucoup les établissements spécialisés qui ont investi ce champ moins concurrentiel où ils pouvaient apporter une réelle plus-value. De même, ce sont eux ainsi que les établissements à profil social qui ont diversifié leur offre pour permettre aux emprunteurs de disposer d’une flexibilité accrue, se traduisant par un ensemble de clauses peu lisibles de modulation, variations des échéances, des taux, plafonnement divers, reports etc.

Les divers mécanismes de prêts aidés ont connu, à l’exception des prêts d’épargne logement et des prêts aidés accession à la propriété (PAP), ces derniers pour des raisons d’extinction, une progression continue qui a impliqué le développement de montages financiers relativement complexes. Le rapport crédits réglementés / totalité des crédits est éloquent sur le rôle des établissements de crédit. Il est de 6,25 % pour les banques hors banques mutualistes, de 13,2 % pour les banques mutualistes ou coopératives et de 27 % pour les institutions et sociétés financières spécialisées. Les établissements spécialisés se sont donc fait une spécialité de ces montages qui obèrent une lisibilité indispensable.

CRÉDITS DISTRIBUÉS AUX AGENTS RÉSIDENTS PAR LES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDITS DE LA MÉTROPOLE : RÉPARTITION PAR OBJETS

(en milliards d’euros)

 

Déc. 2002

Déc. 2005

Déc. 2006

Sept. 2007

Habitat

457,5

636,8

722,6

787,2

Crédits investisseurs

450,6

626,1

710,2

774,1

Prêts immobiliers conventionnés

0,2

0,4

0,2

0,6

Prêts conventionnés

36,9

44,1

46,8

48,3

Prêts principaux épargne logement (c)

34,4

30,8

12,0

11,0

Prêts locatifs aidés

42,2

45,5

46,5

47,9

Autres prêts HLM

27,5

26,2

25,3

25,3

Prêts aidés accession à la propriété

7,4

3,1

2,2

1,8

Non répartis (d)

4,7

12,7

13,6

14,5

Prêts à 0 %

10,5

13,3

15,9

17,6

Autres prêts à l’habitat

283,9

449,8

574,7

607,2

Source : Banque de France

Plus généralement, le phénomène de quasi « ventes à perte » consistant en des marges plus que réduites pratiquées par les banques affecte la soutenabilité de la concurrence qui s'exerce sur le segment du crédit à l’habitat. Comme on le verra plus loin, cette concurrence est en outre contrainte par une réglementation très structurante de l’offre de crédit. Ceci explique que la production de prêts à taux fixe soit moins importante pour les établissements spécialisés que pour les banques, puisqu’ils ne peuvent disposer du même accès à des ressources permanentes que sont les dépôts, ni du phénomène de subventions croisées précédemment évoqué. En 2007, plus de 85 % des crédits nouveaux au logement sont consentis par des banques généralistes, cette proportion ayant atteint en 2005 le niveau record de 88 %, et la concurrence se fait sur un petit nombre de produits.

La plus-value des établissements spécialisés dans l’offre de prêt se matérialise donc sur le segment des prêts à taux variable, qui représente de 27 % à 90 % de leur production selon l’établissement, ce segment ayant été progressivement délaissé par les banques généralistes, et par une palette de formules reposant sur une approche fine du profil des emprunteurs qui leur permet d’offrir à des ménages modestes des prêts qui ne leur sont pas accordés par ces dernières. Ces prêts, qui s’adaptent à la solvabilité des emprunteurs, présentent généralement un fonctionnement moins simple et donc moins lisible.

La concurrence forte du secteur du prêt a accéléré cette adaptation grandissante consistant à proposer des offres pour tous les profils possibles sans que la bonne information de l’emprunteur, parvenu à un certain stade de complexité, ne puisse plus être garantie. En l’absence de ce degré zéro de la protection de l’emprunteur qu’est une compréhension pleine et entière des engagements et droits prévus au contrat, fort heureusement peu constatée tout de même, le mieux est l’ennemi du bien. Si on laisse de côté la question de l’existence ou non de pratiques commerciales abusives, qui n’est pas du ressort du présent rapport, les difficultés rencontrées depuis l’automne dernier traduisent des défaillances dans la transparence des offres de prêt et l’information des emprunteurs et non une remise en cause de l’utilité des prêts à taux variable, sous réserve de quelques ajustements prévenant lesdites défaillances. Les emprunteurs ne présentaient en effet pas de risque de solvabilité et peu sont confrontés à des difficultés réelles, mettant en péril l’acquisition, après la remontée des taux.

b) Les emprunts subprime ou la dérive de l’offre de prêts

Le prêt subprime est une tout autre histoire, même si le défaut des emprunteurs n’y est pas étranger. Le marché subprime connaît en effet depuis plusieurs années des taux de défaillance élevés, de l’ordre de 10 % par an avant la crise, compensé par le surcoût appliqué à l’ensemble des prêts. Le marché subprime n’est pas en soi condamnable si l’on considère que chaque demandeur, qu’il apporte peu de garanties (jeunes, immigrés récemment entrés sur le territoire), ou qu’il ait déjà rencontré des difficultés peut demeurer solvable et a le droit d’obtenir un prêt, à des conditions nécessairement bien plus défavorables que sur le marché prime. Cette approche du risque, on le voit, est déjà très éloignée de celle qui prévaut en France, tant sur l’analyse du risque, que la tarification des prêts et la mécanique de refinancement. Ce marché n’existe pas en France, compte tenu de la législation sur le crédit qui exclut du prêt les personnes fragiles, et compte tenu de la culture du crédit qui prévaut et attache une importance particulière à l’emprunteur plus qu’à la valeur du gage.

Traditionnellement, l’apport personnel est plus faible sur le segment subprime. En 2004, 1 % des prêts subprime avait un ratio prêt/valeur (Loan To Value – LTV) supérieur strictement à 100 %, 17 % avaient un LTV compris entre 90 et 100, 22 % un LTV compris entre 70 et 80. Cette plus faible part d’apport personnel combinée à une antériorité du crédit marquée par un credit score dégradé fait que les taux d’intérêt basés explicitement sur le risque, sont plus élevés. La différence sur un prêt à trente ans, à taux fixe entre le marché prime et non prime est d’environ deux points, un peu plus en période de taux d’intérêt élevé, un peu moins sinon. Cette différence peut être beaucoup plus importante selon l’apport personnel et la qualité de l’emprunteur. Pour un crédit dont le Loan to Value est de 70 %, le taux d’intérêt peut varier de 6,75 % à 9,8 % selon la qualité de l’emprunteur.

En plus d’être des crédits chers adressés à des ménages à risque, ces subprimes peuvent provenir d’organismes malveillants, à la conduite spécieuse. Ce qui explique que la crise sur le marché des subprimes, n’est pas uniquement liée au profil des emprunteurs. Il est logique que le taux de défaillance s’accroisse en cas de relèvement des taux dès lors que les populations qui les ont souscrits présentaient des profils de solvabilité plus risqués. En revanche, l’ampleur de la dégradation constatée s’explique par une dérive des prêts accordés à ces emprunteurs. Certaines dérives ont été constatées sur le marché prime mais étaient quasi généralisées sur le marché subprime qui proposait des prêts toxiques, potentiellement dangereux pour les emprunteurs eux-mêmes – et finalement pour le marché. Elles ont suscité à compter de 2004 des réserves importantes et une littérature abondante sur les predatory lenders ou « prêteurs prédateurs ».

Comme indiqué précédemment, le prêt le plus répandu sur le subprime market est le 2/28 ARM déjà présenté. Le risque est fort au terme des deux ans, quand les mensualités sont révisées. Même dans l’hypothèse où les taux du marché n’ont pas varié, la prise en compte de la prime peut accroître le montant des versements de plus de 100 %. Ainsi, si le taux d’intérêt initial est de 4,5 %, l’indice de taux de 7 %, et la marge de 3 %, le nouveau taux devrait être de 7 + 3 = 10 %. Si la limite « capée » est de 5 %, le taux passera à 4,5 % + 5 %, soit 9,5 %. Le système de courtage est très peu répandu en France alors qu’il est dominant aux États-Unis pour l’octroi des prêts ARM, avec une qualité d’information des emprunteurs qui peut s’avérer, selon le degré de moralité des courtiers, à géométrie variable. La frontière est en effet difficile à tracer entre subprime lenders et predatory lenders.

Les principaux abus des predatory lenders, mis en avant par le Center for Responsible Lenders (CRL) sont variés :

– des charges et frais de dossier excessifs ou cachés. Alors qu’ils représentent moins de 1 % sur le montant des prêts classiques, ils peuvent facilement dépasser 5 % chez ces prêteurs ;

– des pénalités de remboursement abusives. 80 % des crédits subprime contiennent des clauses de pénalités en cas de remboursement anticipé, contre 2 % sur le prime market. Mais surtout ces pénalités qui s’appliquent généralement sur les deux ou trois premières années du prêt vont parfois au-delà de la date de réajustement du prêt et peuvent représenter plus de six mois d’intérêt. Or, les ménages qui empruntent à un coût élevé ont une forte incitation à rembourser avant l’échéance du prêt (par un refinancement notamment) afin d’améliorer les termes de leur emprunt ;

– l’introduction d’une prime d’écart de rendement : si le courtier prête à un taux plus élevé que ce que souhaite le prêteur, la différence est prise en charge par l’emprunteur ;

– des ventes de produits (assurances etc.) qui n’amènent rien au client ;

– des clauses de non-recours en justice au cas où le bon déroulement du prêt serait menacé par des termes illégaux ou abusifs inscrits dans le contrat ;

– des refinancements qui n’apportent aucun avantage à l’emprunteur.

La distribution des prêts subprimes s’est accompagnée de graves défaillances dans l'évaluation des risques dès l’octroi des prêts assuré par ces courtiers non supervisés. Ceux-ci sont d'autant moins incités à évaluer le risque que celui-ci est très rapidement transféré dans son intégralité au secteur bancaire. Les banques elles-mêmes, cédant les prêts au marché, sont très faiblement incitées à s'assurer de leur qualité. C'est donc finalement au stade de la titrisation que s'effectue, en principe, le contrôle du risque, contrôle qui n’a pas fonctionné.

2.– Des conditions d’octroi des crédits réglementées : le contexte réglementaire français facteur structurel de l’offre de crédit

a) La législation en faveur de la protection de l’emprunteur

La loi dite « Scrivener », n° 79–596 du 13 juillet 1979, codifiée au code de la consommation (L. 312–1 et suivants), a pour but de protéger le consommateur et pose des règles impératives qui limitent la liberté contractuelle en matière de crédit immobilier et garantissent l'information et la protection du consommateur. Outre la réglementation de la publicité, elle prévoit les modalités applicables à l'offre préalable de crédit, afin que le consommateur dispose d'une information complète sur le crédit qui lui sera accordé et d’un délai de réflexion. L'offre doit ainsi comporter l'identité des parties, la nature du prêt (prêt réglementé, prêt conventionné, prêt libre, etc.), son objet, le montant du prêt et ses modalités, dont la date de mise à disposition des fonds, l'échéancier détaillé des amortissements comportant les dates, le montant global de chaque échéance avec la part d'amortissement du capital et la part des intérêts et la notice d'information du contrat d'assurance indiquant les risques garantis et les modalités de mise en jeu de l'assurance.

Pour les prêts à taux variable, les modalités d'indexation doivent être clairement exprimées dans l'offre de crédit : indice de référence, marge sur l'indice de référence, périodicité de révision, sécurité éventuelle (modalités d'impact d'une variation de taux sur la mensualité), tableau d'amortissement prévisionnel.

Doivent également figurer le coût total du crédit, le taux effectif global (T.E.G., c'est-à-dire le taux final tout compris du crédit intégrant le taux nominal du crédit, les frais de dossier, les primes d'assurance...), les assurances, les garanties souscrites en cas de défaillance de l'emprunteur (hypothèque, privilège de prêteur de deniers ou caution), les conditions en cas de transfert du prêt, le montant des frais qui peuvent être retenus en cas de d'annulation du prêt, ainsi que le délai de réflexion accordé. Ce dernier est fixé à dix jours entiers minimum, jour de réception de l'offre non compris. Le consommateur ne peut accepter l’offre durant cette période. Elle doit être valable au moins trente jours.

Le contrat de vente du bien immobilier est réalisé sous la condition suspensive de l'obtention du prêt ou des prêts indiqués dans la promesse ou le compromis de vente. La condition suspensive est réalisée dès qu'un organisme de crédit a fait une offre préalable conforme aux caractéristiques de financement de l'opération dans la promesse de vente. L'offre de crédit est réputée acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion du contrat de crédit principal dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, de la non-obtention de tous les prêts demandés pour boucler le financement ou du refus du dossier par l’assurance proposée par la banque.

En outre, le Législateur a prévu de protéger l'emprunteur pendant la durée de vie du contrat. Notamment, un emprunteur peut toujours rembourser par anticipation un prêt, l’établissement pouvant toutefois refuser les remboursements inférieurs à 10 % du prêt sauf s’il s’agit du solde. Si le contrat de prêt prévoit une indemnité au titre des intérêts non encore échus en cas de remboursement anticipé, cette indemnité ne peut excéder la valeur d'un semestre d'intérêts sur le capital restant dû avant le remboursement, sans pouvoir excéder 3 % du capital restant dû avant le remboursement. Aucune indemnité ne peut être réclamée lorsque le remboursement est consécutif à la vente du logement suite à un changement de lieu de travail, à la cessation de son activité professionnelle ou au décès de l’emprunteur ou de son conjoint.

b) La lutte contre le surendettement

La loi dite « Neiertz » n° 89–1010 du 31 décembre 1989, par ses dispositions protectrices pour les agents surendettés, a incité les banques à une politique sélective et rigoureuse en matière d’offre de crédits. Le surendettement est défini comme l’incapacité pour un ménage de faire face à ses charges, qu'il s'agisse du paiement du loyer, de l'électricité, des dettes ou du remboursement des crédits contractés auprès d'un ou de plusieurs organismes de crédit. La loi prévoit aux fins de prévention et traitement du surendettement :

– la création d'un fichier national des incidents de crédit aux particuliers (FICP), géré par la Banque de France. Ce fichier permet aux organismes de crédit, grâce à une simple consultation de responsabiliser à titre préventif les emprunteurs éprouvant des difficultés financières ;

– la mise en place d'une procédure collective, qui permet d'avoir une vue d'ensemble de la situation du débiteur, dans le but de privilégier la voie de la conciliation entre la personne surendettée et ses créanciers. Ainsi une commission départementale a été créée, composée de cinq membres et présidée par le préfet ou son représentant. La commission recherche et élabore un plan de redressement amiable pour régler le passif du débiteur dans un premier temps, et en cas d'échec un redressement judiciaire civil est alors engagé. Une réduction des taux d'intérêt, un report, un rééchelonnement ou l'imputation des paiements sur le capital peuvent être décidés. La procédure collective de la commission de surendettement est ouverte à toute personne physique de bonne foi, qui se trouve dans l'impossibilité manifeste de faire face à ses dettes (tous crédits et dettes) non professionnelles exigibles ou à échoir.

La loi a été complétée par la loi du 8 février 1995 renforçant le rôle des commissions de surendettement, puis par la loi du 29 juillet 1998 contre les exclusions, et le traitement du surendettement s’effectue aujourd’hui dans le cadre de la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, qui a mis en place la procédure de rétablissement personnel. Un comité de suivi de l’application de ses dispositions est placé sous la présidence du Président de la Cour de Cassation.

c) La législation sur l’usure

La législation française relative à la répression de l'usure est actuellement régie par les articles L. 313–3 à L. 313–6 du code de la consommation. Certaines de ces dispositions ont été récemment modifiées par deux lois, d'une part, la loi n° 2003–721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique, d'autre part, la loi n° 2005–882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (25).

Aux termes de l'article L. 313–3, est déclaré usuraire « tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global (TEG) qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit pour des opérations de même nature comportant des risques analogues ».

Il convient donc d'apprécier le TEG d'un prêt au moment de l'octroi de celui-ci, ce qui a pour conséquence d'exclure du calcul des éléments postérieurs, extérieurs à la volonté du prêteur, qui viendraient en accroître le coût, tels que des perceptions supplémentaires liées, par exemple, au jeu d'une clause d'indexation ou à la défaillance de l'emprunteur.

Les taux effectifs moyens sont déterminés trimestriellement par la Banque de France, dans les conditions prévues par l'article D 313–7 du code de la consommation, à partir d'une enquête auprès de certains établissements de crédit ou agences d'établissements considérés comme représentatifs. L'enquête recense des données individuelles relatives à des crédits nouveaux accordés au cours de la période sous revue. Les taux effectifs moyens résultent, pour chaque catégorie de prêts définie par un arrêté du 25 juin 1990, de la moyenne arithmétique simple des TEG observés. Sont toutefois exclus de l'observation les crédits réputés non représentatifs d'opérations courantes dont les montants excèdent les chiffres fixés par arrêté.

Cette législation peut s’avérer très contraignante pour les établissements de crédit puisqu’elle limite la possibilité de reporter le risque sur l’emprunteur. En d’autres termes, l’établissement ne peut accorder de crédits à une personne qui présenterait un profil s’écartant trop de la moyenne des emprunteurs en termes de risque. Ce plafonnement légal des taux rend impossible en France l’équilibre d’une activité subprime. Ce seuil de l’usure a alimenté nombre de critiques, puisqu’il empêche la diffusion du crédit à l’habitat dans une plus large mesure et explique pour partie le retard de la France quant au niveau d’endettement et au nombre de propriétaires. Personne ne remet cependant en cause, surtout actuellement, le principe même de ce plafonnement légal (26).

TAUX DE L’USURE ET TAUX EFFECTIFS MOYENS PRATIQUÉS PAR
LES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT

CATÉGORIES

 

1er trimestre 2007
J.O. du 01.04.07

2e trimestre 2007
J.O. du 05.07.07

3e trimestre 2007
J.O. du 05.10.07

4e trimestre 2007

TEM

TU au 1.04.07

TEM  

TU au 1.07.07

TEM

TU au
1.10.07

TEM

TU au 01.01.08

Prêts aux particuliers entrant dans le champ d'application des articles L. 312-1 à L. 312-36 du code de la consommation (prêts immobiliers)

Prêts à taux fixe

 

4,70 

6,27 

4,81 

6,41 

4,97 

6,63 

5,34 

7,12 

Prêts à taux variable

4,68 

6,24 

4,90 

6,53 

5,04 

6,72 

5,29 

7,05 

Prêts-relais

4,76 

6,35 

4,86 

6,48 

4,90 

6,53 

5,25 

7,00 

Source : Banque de France

COÛT DU CRÉDIT AUX PARTICULIERS : TAUX DE L’USURE
FRANCE

(en %)

Source : Banque de France – Données disponibles le 7 janvier 2008

Les modalités de fixation de l’usure, par fixation d’un pourcentage d’écart, conduisent en outre à une restriction des possibilités de prêt en période de taux bas, l’écart en points de base se réduisant considérablement.

Les données de l’année 2005 sont à cet égard éclairantes. Au 1er janvier 2006, l’écart autorisé par rapport au TEM n’est que de 1,34 point pour les prêts à taux variable. Cette contrainte est accentuée par l’utilisation comme base de calcul du taux effectif moyen, qui ne reflète qu’un point de la courbe des taux alors que le niveau du taux d’intérêt est fonction de la durée du prêt. Au premier trimestre 2006, l’écart entre un taux à sept ans et un taux à 25 ans s’établissait à 75 points de base (27). Il résulte de la méthode de fixation du taux de l’usure que l’abaissement des taux, s’il a permis le développement du crédit en améliorant la solvabilité des emprunteurs, a enfermé les établissements dans une marge de taux compatible avec le seuil d’usure, qui a renforcé l’exclusion de la partie la moins sûre des emprunteurs. C’est donc le phénomène inverse de celui qui s’est développé aux États-Unis que l’on constate en France.

USURE ET TAUX EFFECTIFS MOYENS PRATIQUÉS PAR
LES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT AU COURS DE L'ANNÉE 2005

Prêts aux particuliers entrant dans le champ d'application des articles L. 312-1 à L. 312-36

du code de la consommation
(prêts immobiliers)

CATÉGORIES

1er trim.2005
J.O. du 25.03.05

2e trim.2005
J.O. du 25.06.05

3e trim.2005
J.O. du 23.09.05 et du 29.10.05 (rectificatif)

4e trim.2005
J.O. du 23.12.05

TEM

TU au
1.04.05

TEM

TU au
1.07.05

TEM

TU au
1.10.05

TEM

TU au
1.01.06

Prêts à taux fixe

4,72 

6,29

4,52 

6,03

4,40

5,87

4,29 

5,72

Prêts à taux variable

4,27 

5,69

4,15 

5,53

4,11

5,48

4,02 

 5,36

Prêts-relais

4,65

6,20

4,44

5,92

4,29

5,72

4,22

 5,63

Source : Banque de France

On ne peut que souscrire au souhait de permettre l’accès au crédit de populations modestes, à revenus moins réguliers et aux perspectives de revenus moins sûres, en d’autres termes à ce que les prêts ne soient pas accordés qu’à des couples mariés entre 30 et 40 ans disposant chacun d’un CDI pour des revenus annuels excédant 3 SMIC. Votre Rapporteur évoquera d’ailleurs les pistes d’approfondissement du marché dans la troisième partie du présent rapport. Personne, surtout dans le contexte actuel, ne saurait pour autant remettre en cause le bien-fondé d’un seuil de l’usure. Probablement celui-ci est-il trop rigide en période de taux très bas et un écart en points (2 points en deçà d’un TEM de 6 par exemple) serait peut-être préférable. Mais il a joué son rôle en prévenant toute dérive qui aurait consisté en l’octroi de prêts à taux d’intérêt élevés à destination des populations présentant des risques certains, dans un contexte de vive concurrence entre les établissements.

3.– Le devoir de mise en garde et la sélection des emprunteurs

a) Le devoir de mise en garde

Outre l’existence d’un taux d’usure qui limite fortement la possibilité de tarifer le coût du risque, la jurisprudence de la Cour de Cassation (28) est venue tracer, au sein du champ concurrentiel laissé ouvert, une limite claire à la distribution de prêts en n’autorisant pas l’octroi de prêts à des personnes fragiles. La distinction entre personnes fragiles, c'est-à-dire présentant des risques de solvabilité, et personnes à revenus modestes, c'est-à-dire présentant une solvabilité contrainte, est ici capitale. La Cour de Cassation considère qu’un établissement de crédit manque à son devoir de mise en garde lorsqu’il consent à un emprunteur un prêt disproportionné au regard de ses capacités de remboursement. La Cour considère que cette capacité de remboursement s’apprécie au regard des revenus actuels et prévisibles de l’emprunteur. La valeur du gage ou de l’apport ne change rien à cette responsabilité.

Qu’il s’agisse de prêts à taux fixe ou à taux variable, le devoir de mise en garde s’avère déterminant dans l’octroi de crédit. Aboutissant à des méthodes de traitement des demandes différentes selon la nature des établissements, il explique pour partie le taux de défaillances faible qui existe en France, inférieur à 1 %, et la part réduite du crédit à l’habitat dans les situations de surendettement. En effet, plus des deux tiers des cas de surendettement sont liés à des accidents de la vie et parmi le tiers restant, le prêt au logement ne constitue pas une variable déterminante, moins en tout état de cause que les crédits à la consommation.

Les cas de surendettement dits passifs en 2004 représentaient une proportion de 73 %, en progression de 9 points par rapport à 2001 (29). La perte d’un emploi est le principal facteur du surendettement (31 %) devant le divorce ou la séparation (15 %). L’endettement bancaire ou financier est prédominant, représentant dans six dossiers sur dix au moins 75 % de la totalité des dettes. Toutefois seulement 10 % des dossiers comportaient en 2004 au moins un crédit immobilier, chiffre en baisse par rapport à 2001 où il s’établissait à 15 %. Par ailleurs, le montant cumulé des mensualités des emprunts en cours (habitat, trésorerie et consommation) s’avère faible et c’est la modestie des ressources, leur diminution ou la perte d’une partie d’entre elles qui sont à l’origine des difficultés de remboursement plutôt que l’importance quantitative de l’endettement(30).

b) Le rôle de la culture du crédit

Ces situations (faible taux d’impayés et part marginale des prêts au logement dans le surendettement) s’expliquent aussi par une culture du crédit française qui à bien des égards protège l’emprunteur au-delà de ce que la loi peut prévoir. Le prêt est vécu dans une relation au client et non par référence à une valeur patrimoine.

En France, l’appréciation du risque est effectuée par l’établissement prêteur et c’est lui qui gère la vie du prêt et donc les incidents de paiement. Cet élément est essentiel et a été finalement peu bouleversé par la montée en puissance du cautionnement, qui reporte la gestion des contentieux vers un organisme externe. Il explique que les établissements préfèrent toujours trouver des solutions amiables, rééchelonnent les prêts, car la défaillance de l’emprunteur et la saisie d’un bien apparaissent stigmatisantes y compris pour le prêteur.

L’accompagnement de l’emprunteur durant la vie du prêt constitue une différence fondamentale avec les pays anglo-saxons où le prêt est cédé : un courtier apporte le dossier à un établissement qui consent le prêt, puis vend sa créance et en confie la gestion à un tiers. Dans un tel système, le risque est jugé acceptable dès lors qu’il peut être transféré au marché. La banque se rémunère sur la vente des portefeuilles de crédits et ne conserve aucun lien avec l’emprunteur. Concrètement, le risque n’est assumé par l’établissement prêteur que dans le cas où la défaillance de l’emprunteur intervient la première année. Au-delà, le coût des sinistres est intégralement supporté par les acheteurs de titres hypothécaires.

Tous les interlocuteurs auditionnés par votre Rapporteur ont insisté sur le rapport affectif au logement et la dimension psychologique que revêt pour un emprunteur d’éprouver des difficultés à payer et conserver ce bien. A fortiori lorsqu’il s’agit de sa résidence principale et de son unique bien, le logement n’est pas un produit d’investissement comme les autres. Les établissements de crédits posent ce postulat au commencement de toute relation commerciale. De même, ils considèrent que l’échec d’un prêt est un échec pour l’établissement lui-même, cette conception faisant effectivement courir un risque de réputation en cas de hausse des défaillances. La gestion des prêts accordés est donc poussée au maximum, au moins tant que la bonne foi de l’emprunteur n’est pas en cause. Par conséquent, le taux de saisies est très faible en France.

Les procédures internes de détection des difficultés n’ont pas attendu la récente remontée des taux pour être mises en place. Les établissements anticipent les révisions au moyen de listes générées informatiquement qui permettent de prendre contact avec les emprunteurs et de faire le point. Cet échange en amont permet d’informer sur les modifications du prêt qui résulteront de la variation voire de jeter les bases d’une renégociation en vue d’aboutir à une solution adaptée. Ces suivis sont d’autant plus importants qu’il n’existe pas en France de fichier positif, ni de contrôle des prêts à la consommation ou réserves disponibles obtenus après la souscription du prêt immobilier. Il faut rappeler cette réalité en cette période de défiance relative à l’égard des établissements spécialisés de crédit, qui pourtant ont pour pratique de faire souvent passer le prêt immobilier après les autres dépenses, y compris crédits postérieurs. Ces efforts de prise en compte des situations particulières, de modulation et de rééchelonnement des prêts consentis méritent d’être soulignés. Il n’est pas rare que pour permettre à des emprunteurs confrontés aux aléas de la vie de faire face à leurs échéances, les créances soient totalement réaménagées.

c) Des critères de solvabilité pour les banques, des outils de scoring élaborés pour les sociétés financières spécialisées

Au-delà de la distinction taux fixe / taux variable, c’est la distinction établissements spécialisés / banques généralistes sous-jacente (31) qui est ici pertinente. Les secondes proposent des prêts à des emprunteurs qui pour la plupart réunissent des conditions de solvabilité relativement schématiques. Le fait que près de la moitié des prêts soit assortie d’une caution est tout à fait révélateur du profil des emprunteurs et des opérations concernées. Une attention particulière est ainsi apportée au niveau d’endettement et à la stabilité des revenus. Les établissements spécialisés, qui ne pouvaient se positionner sur ce segment, notamment parce qu’ils ne proposent pas d’autres produits, comptes courants compris, ont dû développer des méthodes d’analyse du risque permettant d’octroyer des prêts à des personnes dont le profil est moins traditionnel ou qui ne respectent pas le ratio d’endettement requis par les banques.

Les sociétés financières spécialisées dans le crédit à l’habitat ont développé des outils de scoring pour évaluer les caractéristiques des emprunteurs, analyser en détail les opérations à financer, et estimer la capacité d’endettement. Dans ce cadre, la probabilité d’incidents de paiement sérieux conduit à rejeter le dossier. Le score est une méthode fine qui permet de maintenir dans le champ de l’accession à la propriété des ménages solvables mais ne répondant pas nécessairement aux critères classiques. Les éléments statistiques de scoring sont en évolution permanente et leur pertinence fait l’objet d’un suivi, renforcé par des systèmes d’alerte d’incohérence.

Dans les cas plus tendus, ces outils sont complétés par une évaluation « manuelle », tenant compte de l’évolution probable des revenus, des contraintes, notamment familiales, qui pèsent sur le ménage, du comportement budgétaire, du montant disponible pour le remboursement de nouveaux prêts et des retards de paiement de toute nature. La note ainsi obtenue est une variable beaucoup plus discriminante que le taux d’endettement pour prédire les défauts de paiement.

Votre Rapporteur a relevé à cet égard que les établissements spécialisés, ainsi que certains établissements bancaires, ne raisonnent pas en termes de taux d’effort mais de revenu résiduel ou « reste à vivre », tenant compte de l’ensemble des éléments qui affectent l’utilisation du revenu dans tous les champs de la vie (âge des enfants, localisation du bien par rapport au lieu de travail, etc.). Ces établissements articulent également un discours sur la valeur patrimoniale de l’acquisition qui nuance effectivement l’impact des hausses de taux sur le niveau de vie des emprunteurs, particulièrement en période d’appréciation des prix immobiliers. Sans intégrer la valeur du gage dans les perspectives de revenus (l’extraction hypothécaire est quasiment inconnue en France), ils intègrent les coûts liés à la propriété (charges notamment), mais aussi les avantages que ne confère pas la location.

Le Comité consultatif financier du secteur financier dans son avis du 16 mai 2006 fait état des pratiques de scoring, soulignant qu’il est reconnu aux établissements français une expertise sophistiquée en la matière et que celle-ci fait l’objet d’une adaptation permanente. Il met également l’accent sur le développement depuis dix ans de profils de barèmes modulables incorporant des réponses flexibles à l’irrégularité de certains parcours personnels (professionnels, familiaux, résidentiels) avec notamment des mensualités modulables et/ou reportables. Dans son étude de juillet 2004 sur la création en France d’un fichier positif, le Comité estimait déjà que les outils techniques avancés de score permettent d’apprécier de façon satisfaisante le niveau de solvabilité des emprunteurs.

B.– APPRÉCIER L’EXPOSITION AU RISQUE EN FONCTION DE L’EMPRUNTEUR ET DE LA NATURE DE L’EMPRUNT OU COMMENT LE PRÊT À TAUX VARIABLE S’INSCRIT DANS LA DYNAMIQUE D’ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ

Depuis 1997, la progression régulière du nombre d’accédants à la propriété ne s’est pas démentie. Pourtant, les prix de l’ancien ont plus que doublé sur cette période, les revenus connaissant une progression modérée. Il convient donc de s’interroger sur la solvabilité des ménages au cours de cette période pour mettre en exergue le rôle de la baisse des taux d’intérêt, des incitations à l’acquisition, mais aussi la modification des conditions d’offre de prêt. Le prêt à taux variable constitue en effet, dans un contexte de « désolvabilisation » des ménages sous l’effet de la hausse des prix de l’immobilier, une des réponses à la demande d’accession à la propriété en offrant un coût initial plus faible, une meilleure prise en compte des profils d’emprunteurs et une durée plus longue. En contrepartie, à mesure que le montant de l’acquisition et la durée de l’emprunt s’accroissent, le risque auquel ce type de prêt expose l’emprunteur s’élève.

1.– Le contexte de ces dernières années : une hausse de la capacité d’emprunt des ménages qui éprouve ses limites en fin de période

a) La combinaison de la baisse des taux d’intérêt et de l’allongement des durées d’emprunt stimule le crédit à l’habitat

Les taux d’intérêt des prêts au logement ont sensiblement baissé de 1995 à 2005, d’environ 4 points, et de façon continue si l’on excepte l’année 1999. Cette baisse a permis d’augmenter la capacité d’emprunt d’environ un tiers pour une même mensualité et une durée de remboursement de quatre ans(32). L’augmentation subséquente de la demande a contribué à la hausse des prix qui a connu des rythmes annuels supérieurs à 10 %. C’est alors l’allongement de la durée des emprunts qui a amplifié le phénomène, les établissements de crédit proposant des durées de plus en plus longues pour couvrir des montants de plus en plus élevés.

LA DURÉE DES CRÉDITS IMMOBILIERS AUX PARTICULIERS (EN MOIS)
ENSEMBLE DES MARCHÉS

Source : Crédit logement / CSA – Observatoire du Financement des Marchés Résidentiels

Le passage d’une durée de 15 à 20 ans permet en effet d’emprunter 11 % de plus pour une même mensualité si le taux est de 10 %, mais 20 % de plus s’il est de 5 %. « La baisse des taux a donc un double impact : un effet direct sur la capacité d’emprunt et un effet indirect par le biais de l’allongement des durées de remboursement » (33). Avec un taux d’effort identique de 30 %, un ménage pouvait en 2006 emprunter près de deux fois plus qu’en 1996. L’allongement de la durée des prêts a donc joué un rôle d’amortisseur stabilisant le taux d’effort à un niveau moyen de 30,5 % en 2006. Ce taux est toutefois plus élevé pour les ménages disposant de faibles revenus (34 % pour un couple avec un SMIC et 38 % pour un couple avec 1,3 SMIC (34)).

ÉVOLUTION DE LA CAPACITÉ D’EMPRUNT D’UN MÉNAGE NE BÉNÉFICIANT
NI DU PRÊT À TAUX ZÉRO NI D’UNE AIDE PERSONNELLE

Source :ANIL

Pour la FNAIM, si le relèvement de deux points du taux de refinancement de la BCE, intervenu au terme de huit hausses consécutives entre décembre 2005 et juin 2007, a mis fin à une période de taux historiquement bas, les conditions de crédit demeuraient en 2007 très favorables du fait d’une progression plus modérée des prix et de la poursuite de l’allongement de la durée des emprunts qui compense l’alourdissement des charges d’intérêt.

En 2007, la durée des prêts s’est encore allongée de sept mois, selon les chiffres publiés par l’Observatoire du financement des marchés résidentiels, dans le cadre d’une étude réalisée par le Crédit logement et le CSA. Les emprunteurs s’engagent désormais en moyenne sur une durée de 225 mois, soit 18 ans et 9 mois. En décembre 2007, 59 % des prêts à l’accession sont contractés sur une durée initiale comprise entre 20 et 30 ans, et 5,1 % des prêts sur une durée supérieure ou égale à 30 ans. La moyenne de 20 ans, à comparer avec celle de 14 ans début 2001, cache donc une forte concentration des durées égales ou supérieures à vingt ans, représentant 64,1 % des prêts en décembre 2007. Les jeunes sont évidemment les premiers concernés par cet allongement. S’ils étaient 20,9 % en 2001 à contracter des prêts sur une durée de 20 ans ou plus, ils étaient 73,8 % en 2007.

LES DURÉES DES CRÉDITS DE 2001 À DÉCEMBRE 2007 (ACCESSION)

Années

- de 10

10 à 15

15 à 20

20 à 25

25 à 30

30 et +

Ensemble

2001

11,6

26,7

45,3

15,6

0,7

0,1

100,0

2002

10,8

23,8

42,4

21,8

1,1

0,1

100,0

2003

9,5

21,9

38,5

27,6

2,3

0,1

100,0

2004

9,6

20,1

33,6

30,7

5,9

0,1

100,0

2005

6,5

16,3

30,1

30,6

16,2

0,2

100,0

2006

3,9

13,0

26,9

31,1

24,2

0,9

100,0

T1-07

3,3

11,0

23,6

31,2

28,6

2,3

100,0

T2-07

3,3

10,4

21,7

30,6

30,6

3,4

100,0

T3-07

3,6

11,3

21,2

29,4

30,2

4,3

100,0

10-07

3,2

10,5

22,7

30,0

29,4

4,2

100,0

11-07

3,4

11,0

21,7

29,4

29,4

5,2

100,0

12-07

3,9

10,8

21,2

30,4

28,6

5,1

100,0

Source : Observatoire du Financement des marchés Résidentiels – Crédits Logement / CSA

La FNAIM et Meilleurtaux.com évaluent quant à eux la durée moyenne des emprunts en 2007 à 21,5 ans, contre 20,5 ans en 2006, la part des prêts accordés pour une durée égale ou supérieure à 30 ans atteignant 16 % des prêts en septembre 2007, plus du tiers des jeunes optant pour une telle durée. La concurrence stimulée par la baisse des taux a modifié les conditions de l’offre de crédit, non seulement sur la durée des prêts, mais aussi sur le montant du prêt par rapport au montant de l’acquisition. Le taux d’apport exigé par les banques est passé en moyenne de 26,3 % à 21,7 % de la production entre 2000 et 2004 et la tranche d’apports compris entre 0 et 5 % du montant des acquisitions est passée de 29,6 % à 36,3 %. La pratique du surfinancement de l’opération s’est par ailleurs fortement développée pour financer 110 % du montant, incluant les frais annexes d’agence et de notaire, ainsi que les droits de mutation à titre onéreux. Votre Rapporteur n’a pu toutefois isoler ces données.

b) L’évolution de la distribution des prêts à taux variable fonction de la conjoncture

La distribution des prêts à l’habitat entre les types d’établissements de crédit est très majoritairement assurée par les banques. D’après les données de la Banque de France (35), sur les 787,2 milliards de crédits constatés en septembre 2007, les banques représentent environ 81% de la production (47 % pour les banques mutualistes ou coopératives et 34 % pour les autres c'est-à-dire FBF hors mutualistes). La CDC et Caisse nationale d’épargne assurent environ 10 % de la distribution. Si l’on s’en tient aux prêts non aidés, la part des banques représente aux alentours de 88 %. Les institutions et sociétés financières spécialisées représenteraient moins de 9 % de la distribution des prêts à l’habitat, malgré une progression remarquable des prêts consentis en 2004 et en 2006 (+ 28,9 % et + 23 %). Ces établissements réalisent environ 27 % de leur activité de crédit sur le segment du crédit à l’habitat des ménages. S’agissant de la distribution de prêts à taux variable, la proportion des banques et des établissements spécialisés a fluctué, la part des premières étant revenu à un niveau de production inférieur.

Le prêt à taux variable a connu une évolution étroitement corrélée à celle des taux. En décembre 2005, les prêts à durée fixe initiale supérieure à un an représentaient 68 % des crédits. Il est tout à fait notable qu’avec la remontée des taux initiée en 2005, la part de ces crédits s’est redressée pour atteindre 77 % en décembre 2006 (36), les agents économiques cherchant à se prémunir d’une poursuite anticipée de la hausse des taux. Pour mémoire, la BCE a relevé son principal taux directeur à six reprises en 2006 puis deux au premier semestre 2007 pour juguler les pressions inflationnistes, l’établissant à 4 % en juin. L’aplatissement de la courbe des taux, lié à la baisse des taux longs, pour partie du fait de la crédibilité de la BCE à contenir l’inflation, et à la stabilité des taux courts, stabilité inédite sur une plus longue période, a amenuisé l’attractivité relative des prêts à taux variable. Cette attractivité a été entamée plus encore lorsque les taux courts ont commencé à augmenter pour atteindre 3,6 % en moyenne au quatrième trimestre 2006 après 3,22 % au troisième trimestre. Les taux longs continuaient, eux, de baisser pour s’établir à 3,79 % contre 3,89 %.

Comme précédemment indiqué, la production de prêts à taux variable a connu un net fléchissement à partir de 2006 et est devenue très limitée au second semestre 2007, en rapport avec l’évolution de la courbe des taux. Le relèvement du coût du crédit à l’habitat en France qui a résulté de la hausse des taux a prioritairement affecté les prêts à taux variables. Si les taux fixes ont peu augmenté, passant de 3,95 % en octobre 2006 à 3,98 % en janvier 2007, les taux variables des nouveaux prêts passaient sur la même période de 3,89 % à 4,06 %, soit une augmentation de 17 points de base. Le ralentissement de la progression du crédit à l’habitat (+ 6,6 % sur un an en décembre 2006 contre + 40,5 % en février 2006) est imputable au tassement des prêts à taux variable, qui étaient en hausse de 40,8 % sur un an en février 2006 et diminuent de – 3,5 % sur un an en décembre 2006. Les prêts à taux fixe continuent d’afficher sur cette période une légère hausse (41,3 % en décembre après 39,5 % en février).

ÉVOLUTION DE L’EURIBOR DE JANVIER 2004 À JANVIER 2008

Source : D’après les données de la Banque de France

Selon l’Observatoire du Financement des marchés résidentiels, qui ne recense que les prêts à taux variable en accession à la propriété plafonnés (excluant les formules avec variabilité totale du taux et de la durée), la part de la production de ces prêts s’est fortement contractée pour descendre à 2,3 % en décembre 2007. En ajoutant les prêts à taux variable « purs », ce chiffre s’établirait à 7,1 % selon Meilleurtaux.com (37). En 2004 et 2005, lorsque la concurrence sur les taux était particulièrement vive, la part de la production de prêts à taux variable avait fortement augmenté, d’autant que les prêteurs comme les emprunteurs pouvaient anticiper un maintien de taux bas sur une longue période. Il n’était point incongru de vouloir réduire l’accès au crédit en période de hausse des prix du marché. Les banques généralistes ont investi ce champ et développé leur offre, ce qui explique sûrement que la proportion de prêts consentis en 2005 l’ait été pour 88 % par des banques généralistes. Dès 2006, la part des prêts à taux variable dans la production se contracte pour redescendre à 7,8 %. Les risques auxquels ces prêts exposent les emprunteurs à court terme dissuadent leur souscription.

La décrue du nombre de prêts à taux variable est donc bien étroitement corrélée avec la remontée des taux initiée par la BCE. Dès lors que l’écart entre le taux fixe et le taux variable est faible puis inversé, compte tenu des marges quasi-nulles des établissements de crédit, le taux de départ est nettement moins attractif.

LA PART DE PRODUCTION À TAUX VARIABLE DANS L’ENSEMBLE DE LA PRODUCTION

(en %)

Source : Crédit Logement / CSA – Observatoire du Financement des Marchés Résidentiels

c) Des mesures d’incitation à la baisse du coût du prêt qui ont fait reculer, sans y parvenir totalement, la limite de solvabilité

Deux mesures principales ont été prises pour agir directement sur le coût du prêt au logement : le renforcement du prêt à taux zéro (PTZ) et la déductibilité des intérêts d’emprunt.

Le renforcement du prêt à taux zéro s’est effectué en deux étapes. Tout d’abord, la loi de finances pour 2005 a profondément remanié le périmètre du PTZ. D’une part, elle a procédé au relèvement des plafonds de ressources afin de favoriser l’accession à la propriété des ménages à revenus moyens dans les zones où la situation sur le marché du logement est particulièrement difficile (agglomération parisienne, Côte d’Azur, Genevois français). Le plafond maximum des ressources par ménage a ainsi été porté à 51 900 euros par an (revenu fiscal de référence), contre 38 690 euros auparavant, pour un ménage de cinq personnes ou plus. D’autre part, elle a ouvert le dispositif à l’acquisition d’un logement ancien sans condition de travaux. Ensuite, la loi portant Engagement national pour le logement du 13 juillet 2006 a augmenté, pour certains ménages, le montant du PTZ d’une prime pouvant atteindre 15 000 euros.

Appliquant une promesse du programme présidentiel de Nicolas Sarkozy, la loi n° 2007–1223 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat du 21 août 2007, réaménagée par la loi de finances pour 2008, a institué la déductibilité des intérêts d’emprunt au logement. Cette déduction de l’impôt sur le revenu allège la charge d’intérêts supportée par les ménages de près de 25 % sur les cinq années de la durée du dispositif (40 % la première année, 20 % les quatre années suivantes). L’Observatoire du financement des marchés résidentiels estimait fin 2007 que les conditions de crédit ne s’étaient quasiment pas détériorées depuis plus de 18 mois : le niveau des mensualités associées à un même capital emprunté s’était accru de seulement 0,9 % depuis l’été 2005 et le coût assumé aurait même diminué de 3,6 % avec la mise en place du crédit d’impôt en faveur de l’accession à la propriété, qui correspond à la courbe haute en grisé du graphique ci-dessous.

Pour la FNAIM, la solvabilité des ménages s’est détériorée au cours du 2ème trimestre 2007 mais a connu une provisoire amélioration au troisième trimestre, tirée par le nouveau crédit d’impôt sur les emprunts immobiliers. Ce dernier allégerait le taux d’effort jusqu’à sept points la première année et 3,5 les quatre suivantes.

L’augmentation des prix de l’immobilier semble cependant avoir eu raison des mécanismes compensatoires de baisse du taux d’effort. Certains analystes, tels que l’Observatoire de financement du logement, estimaient déjà qu’il avait augmenté de 5 % entre 2001 et 2005. Surtout, coût mensuel du prêt n’est pas coût total. Le coût de l’accession équivalait ainsi en 1996 à environ 3,5 années de revenu d’un ménage au 7ème décile. Il représentait en 2006 environ 6,5 années (38). Pour l’ensemble des emprunteurs, l’achat d’un bien immobilier représentait en 2006 5 années de revenu. La déduction des intérêts au logement n’aura pas permis d’alléger le coût total, mais uniquement d’atténuer l’effet de la remontée des taux bancaires sur le taux d’effort.

L’analyse plus optimiste de l’Observatoire du financement des marchés résidentiels raisonne sur les mensualités de début de prêt. L’appréciation du coût global des prêts aboutit à d’autres conclusions. En outre, un mouvement de resserrement, même limité, des conditions de crédit, remet en cause le raisonnement tenu sur le niveau des mensualités, sauf à exclure du champ du prêt une partie plus importante de la population. L’étude de l’Observatoire indique à cet égard que la remontée de l’indicateur de solvabilité est liée à un moindre recours à l’endettement et à une mobilisation soutenue de l’apport personnel.

À ces éléments, il convient d’ajouter le coût d’accès à la propriété considérable que constituent ce qu’il est convenu à tort de nommer les « frais de notaire ». Les droits de mutation à titre onéreux sont calculés sur une base proportionnelle, de même qu’une grande partie des émoluments et frais divers (notamment pour la conservation des hypothèques). Avec des prix en hausse, le coût nominal de ces droits dans le budget de l’accession a explosé. Pris globalement, les droits de mutation à titre onéreux ont franchi la barre des 10 milliards d’euros en 2007, dont 80 % proviennent des acquisitions des ménages, et ont donc plus que doublé depuis 2000. Du côté des accédants, ils constituent un frein non négligeable à l’accession et à la mobilité. Le financement parfois jusqu’à 110 % de la valeur des acquisitions par les établissements de crédit a permis de maintenir dans le champ une partie des ménages. Elle risque de se trouver, du moins provisoirement, exclue avec les difficultés de refinancement apparues sur le marché et l’augmentation de la couverture du risque.

Or, la hausse du coût de l’accession des ménages modestes est déjà, du seul fait des prix, inquiétante. S’agissant du neuf, les calculs présentés dans le rapport précité de MM. Jean Bosvieux et Bernard Vorms sont éclairants (39). Pour une mensualité nette après déduction des aides personnelles au logement égale à 30 % du revenu, la capacité d’endettement d’un ménage ayant un revenu au 3ème décile ou un revenu médian s’est dégradée dans le neuf dès 2002. Les explications avancées sont de deux ordres : d’une part, la non-actualisation des tranches de ressources des ménages éligibles au PTZ (moindre différé d’amortissement), d’autre part, le montant d’aide personnelle a fortement décru en revenu courant et prend en charge une moindre part de la mensualité brute(40). Les conditions d’accession dans l’ancien se sont en revanche améliorées à partir de 2005 avec l’extension du PTZ. Cette mesure ainsi que la mise en vente de logements de qualité faible entrés en concurrence dans le parc locatif avec les logements neufs issus des dispositifs d’investissement locatif (41), ont suscité un redressement de la part des accédants modestes cette année-là. Leur capacité de financement a cependant recommencé à se dégrader, comme pour l’ensemble des ménages, à compter de 2006. La charge de remboursement mensuelle dans les revenus des emprunteurs à l’octroi du prêt s’est alourdie. La part des emprunteurs supportant des remboursements supérieurs à 35 % de leurs revenus a dépassé les 20 % en 2004 et tend à se stabiliser à ce niveau.

En d’autres termes, les moyens qui visent à améliorer la solvabilité des acquéreurs, qu’il s’agisse des bonifications, des primes, des aides fiscales, des décotes de prix, perdent de leur efficacité à mesure que les prix du marché augmentent – et les frais d’entrée. Le poids relatif de ces aides diminue et sauf à accroître la dépense publique pour repousser, toujours à court terme, la limite de solvabilité (42), c’est sur les modalités de l’offre de prêt que des améliorations peuvent être apportées. C’est pourquoi il faut se garder de tout raisonnement hâtif et conjoncturel sur les emprunts à taux variable qui présentent des avantages indéniables, sous réserve qu’on en comprenne le fonctionnement et que certains verrous puissent être proposés lorsque le souscripteur est un primo-accédant, a fortiori s’il a des revenus modestes.

d) Des durées de prêt et des taux de départ qui maintiennent l’attractivité des prêts à taux variable

Les chiffres présentés supra appellent des nuances importantes qui expliquent en quoi le taux variable a acquis une place importante dans l’offre de prêt et légitiment qu’on s’interroge sur les modalités de ces offres de prêts. En premier lieu, si les prêts à taux variable ont reculé, la proportion de prêts à taux variable est significativement élevée sur les prêts les plus longs : elle est de 34,9 % plus les prêts souscrits sur une durée égale ou supérieure à 30 ans selon l’Observatoire du financement des marchés résidentiels (étude précitée).

Les prêts à taux fixe ne permettent en effet pas de satisfaire la demande de prêts sur ces durées comme les prêts à taux variable. L’allongement de la durée des prêts a été rendu possible par le niveau des taux et une concurrence accrue entre les établissements. L’apparition de prêts à très long terme a été le fait d’établissements offrant de nouvelles perspectives d’endettement et une réponse à un arbitrage entre location et accession en faveur de cette dernière. Dans les établissements spécialisés, la majorité des prêts à taux variable sont d’une durée comprise entre 20 et 30 ans, la part des prêts d’une durée inférieure étant en deçà du tiers de l’offre, et celle des prêts excédant 30 ans dépassant dans certains établissements le seuil de 10 % de la production.

Ces durées sont peu compatibles avec un taux fixe sur toute la période du prêt. Ce type de prêt expose en effet l’établissement à un risque de taux : le risque se matérialise si une banque refinançant un prêt à long terme à taux fixe par un emprunt à taux variable fait face à une hausse brutale des taux d’intérêt. Ce risque est d’autant plus élevé que le terme des actifs à taux fixe est éloigné et que la proportion d’actifs à taux fixe est importante dans le bilan de l’établissement. Ce risque n’est pas absent mais beaucoup plus contenu pour les prêts à taux variable adossés à un taux de marché distinct de celui rémunérant les ressources servant au refinancement, par exemple les dépôts (écart Euribor – Libor). Dans le contexte actuel d’incertitude financière, les banques, qui ne peuvent se refinancer que sur quinze ans au plus, pourraient progressivement prendre moins de risques quant à l’octroi de prêts sur des durées trop nettement supérieures.

La proportion des prêts à taux variable est également concentrée sur les taux inférieurs à 4 %. Il convient de rappeler que cette étude ne tient compte que des prêts plafonnés et que la variation de ces prêts à taux initial très bas est contenue, ce qui maintient leur attractivité relative, particulièrement en début de prêt.

Les durées (années)

Structure de la production

- de 10

10 à 15

15 à 20

20 à 25

25 à 30

30 et +

Ensemble

 

Taux fixe

3,5

11,1

22,7

30,8

29,6

2,3

100,0

Année 2007

Taux variable

2,2

6,7

11,8

20,7

33,5

25,1

100,0

% des taux variables dans la catégorie

   

2,1

2,6

1,9

3,2

5,1

34,9

4,4

Les taux (en %)

Structure de la production

- de 3,25

3,25 à 3,50

3,50 à 3,75

3,75 à 4,00

4,00 à 4,25

4,25 à 4,50

4,5 à 5,00

5 et +

Ensemble

 

Taux fixe

6,1

11,8

26,4

30,8

18,8

5,1

0,9

0,1

100,0

Année 2007

Taux variable

30,1

19,2

21,8

22,2

5,2

0,9

0,5

0,1

100,0

% des taux variables dans la catégorie

   

5,9

8,5

8,0

7,3

3,0

3,4

3,0

6,2

4,4

Source : l’Observatoire du Financement des marchés Résidentiels – Crédits Logement / CSA

Tableau de bord mensuel – Taux et durées – 7 janvier 2008

2.– Les profils d’emprunteurs : des risques différents et une perception différente du risque

En 2004, hors prêts-relais, 80,3 % des encours de crédit étaient dédiés au financement de la résidence principale, 15,4 % à l’investissement locatif, dont la part dans la production totale de prêt était alors de 17,3 % (43), et 4,3 % à la résidence secondaire. On ne peut valablement s’interroger sur la qualité et l’adéquation de l’offre de prêts immobiliers à taux variable en France sans prendre en considération les logiques très différentes qui animent les projets immobiliers selon la catégorie à laquelle ils se rattachent. Il est clair que les modalités d’un emprunt pourront tout à fait satisfaire un emprunteur et pas du tout un autre sans même tenir compte de leur situation personnelle mais uniquement au regard de l’opération qu’ils souhaitent financer.

Si l’on ajoute cette seconde variable de la capacité d’endettement, on aboutit à une multitude de profils que reflète la diversité des contrats de prêts proposés. Il est également intéressant de souligner que, si certains établissements de crédit ont tendance à proposer plus certaines formules, c’est aussi parce qu’ils se sont en quelque sorte spécialisés sur certains types de clientèles, la primo-accession à profil social pour certains, la seconde accession pour d’autres, etc.

a) La logique d’investissement et l’acquisition d’une résidence secondaire

L’investisseur est une personne qui appréhende l’acquisition du bien à financer au regard de l’intérêt patrimonial qu’il en retire et non de l’amélioration de ses conditions de logement. Il peut en attendre un revenu, un placement à long terme ou un confort supplémentaire. Dans tous les cas, il n’a pas le même rapport affectif au bien que l’emprunteur qui acquiert sa résidence principale. L’exposition au risque qu’il assume peut être moins importante que le montant qu’il est prêt à payer, donc le coût du prêt. Deux types d’acquisitions méritent, au sein de cette catégorie, quelques éclaircissements : l’investissement locatif et la résidence secondaire.

Quatre dispositifs se sont succédé en faveur de l’investissement locatif depuis 1996 (dits « Périssol », « Besson », « de Robien » et « Borloo »). Ils offrent aux investisseurs la possibilité de bénéficier d’allégements fiscaux sous critères de plafonds de loyers. La rentabilité de ces placements a provoqué un véritablement engouement qui a stimulé l’offre dans le neuf. Le risque de taux est dans ce cas de figure beaucoup mieux géré, dès lors que d’autres avantages viennent le compenser. Il s’agit en outre d’investissements sur des durées moyennes pour lesquels l’emprunt à taux variable est une solution souvent choisie. Si tel est le cas, c’est que l'investisseur en escompte un coût plus faible, les emprunts à taux variable, dans une situation normale de courbe des taux, proposant un taux plus bas que le taux fixe.

S’agissant de la résidence secondaire, les acquéreurs disposent d’ores et déjà d’un bien et sont donc objectivement solvables. Ils n’ont d’intérêt à opter pour un emprunt à taux variable que dans les cas de figure :

– soit où ils ont un apport important et anticipent des taux plus attractifs sous ce mode donc un remboursement plus rapide. Les personnes proches de l’âge de la retraite, qui avec les jeunes sont les plus utilisatrices du prêt à taux variable, peuvent notamment y trouver un intérêt ;

– soit où ils souhaitent s’endetter à long terme, n’ayant pas l’intention de se départir du bien comme on peut l’avoir avec une résidence principale après quelques années. Ils raisonnent alors sur le long terme, avec des périodes de baisse de taux qui compensent les périodes de hausse.

Quant à l’investisseur avisé, classique pourrait-on dire, il amortit le coût d’acquisition immobilière (frais d’entrée) par un emprunt moins coûteux, du moins en début de période, et peut revendre le bien en cas de remontée des taux en pariant sur l’appréciation de sa valeur patrimoniale.

b) Le prêt relais et la seconde accession

Les personnes déjà propriétaires peuvent acquérir un bien plus conforme à leurs attentes ou tout simplement situé dans une autre zone. Deux financements différents peuvent intervenir, éventuellement combinés dans une même offre :

– lorsque leur résidence principale est en cours de remboursement de prêt, elles peuvent obtenir un prêt-relais pour financer une seconde acquisition, le temps que la première soit vendue. Ces prêts-relais sont rarement intégrés dans les statistiques qui, pour des raisons compréhensibles, tendent à approcher l’accession et se concentrent sur les prêts d’une durée supérieure à un an. Il n’est donc pas possible d’estimer le nombre annuel de ces opérations par an. On sait toutefois qu’elles sont courantes ;

– dans tous les cas, la nouvelle résidence principale est financée par l’obtention d’un prêt mais en disposant d’un apport personnel plus important que lors de la première opération. Or on sait que le montant de l’apport est un élément fondamental dans le degré d’exposition au risque du ménage accédant. Généralement, cette seconde acquisition est conservée par le ménage. La mobilité en termes de propriété n’est en effet pas un trait dominant en France, du fait notamment du montant des droits de mutation à acquitter à chaque changement. Le prêt à taux variable peut encore une fois être intéressant si le ménage raisonne sur la durée. Soit il anticipe une progression des revenus et accepte de s’exposer à un risque de taux dans la limite qu’il fixe, soit il s’inquiète assez peu du temps qu’il lui faudra pour rembourser le bien et du coût final de l’opération, et opte pour une formule limitant l’évolution des mensualités en allongeant ou rétrécissant la durée en fonction des variations du taux de référence.

c) La primo-accession : l’emprunt à taux variable un outil pour « monter dans le train » de l’accession

La primo-accession, on l’aura compris, est une tout autre problématique bien qu’elle recouvre aussi des situations très différentes, notamment dans la situation professionnelle et financière des demandeurs. Toutefois, il y a globalement un mouvement contradictoire de demande d’accession et de limite de solvabilité comme l’ont étayé les développements précédents. Faut-il déduire de ces derniers que le soutien à la demande d’accession doit être revu à la baisse, qu’il s’agisse des mesures de politique publique d’augmentation des revenus ou de l’allègement de la charge des mensualités par des offres de prêts assouplies, qui combinées aboutissent à maintenir le taux d’effort à un niveau soutenable ? Bien sûr que non. Les ménages acceptent de consentir une augmentation du taux d’effort et une augmentation substantielle de la dépense de logement à terme, parce qu’ils désirent être propriétaires malgré les sacrifices que cela implique. C’est pourquoi le volume des acquisitions, y compris en primo-accession, a continué d’évoluer à la hausse.

Si on ne peut que souhaiter la stabilisation des prix du marché de l’immobilier à laquelle on assiste pour repousser à distance convenable la limite de solvabilité et restaurer une partie du pouvoir d’achat, on ne peut renoncer à répondre à la demande d’accès à la propriété qui est un souhait largement partagé par les Français. Cette réponse passe par une offre de prêt diversifiée, adaptée aux besoins des différentes catégories d’emprunteurs, ce qui ne peut être réalisé sans le prêt à taux variable. Celui-ci permet en effet de répondre à une demande non satisfaite par l’offre de prêts à taux fixe. Or, le plus important dans l’accession, c’est de « monter dans le train ».

Il ne faudrait pas toutefois en déduire que l’emprunt à taux variable est une solution par défaut qui pénalise les emprunteurs. Car il n’a pas uniquement pour objet de permettre des durées très longues d’emprunt ou, par la pratique du score, de faire entrer dans le champ de l’accession des personnes qui ne répondent pas à des critères schématisés. Ce sont des facilités qu’il offre, mais ce ne sont pas les seules. Votre Rapporteur considère que l’amélioration de l’information ne détournera pas les emprunteurs de ces produits, peut-être aura-t-elle l’effet contraire en rétablissant une part de confiance qui a été entamée. Ces emprunts, en proposant des solutions configurées pour chaque situation individuelle, avec tout un panel de facilités, peuvent s’avérer tout à fait adéquats au-delà du fait qu’ils sont indispensables. Trois types d’avantages peuvent particulièrement être mis en exergue :

● Disposer de taux plus faibles au début de la phase d’accession : la possibilité de souscrire un emprunt avec un taux de départ plus bas en acceptant de le voir augmenter avec les révisions de prêt, c’est prendre en considération le fait que son revenu peut évoluer et que le coût initial d’un taux fixe ne permet pas de se « lancer ». La possibilité très souvent offerte de modulation des échéances ou d’allongement de la durée comme amortisseurs des variations de taux offre de ce point de vue un intérêt notable. Les jeunes ménages qui disposent de revenus plus bas peuvent ainsi accéder à la propriété ;

● Bénéficier de solutions sophistiquées permettant de combiner les aides et de lisser son prêt : si les difficultés de l’automne dernier ont mis en lumière la complexité de certains prêts, il ne faudrait pas confondre sophistication au service de l’emprunteur et illisibilité des offres. La complexité de ces prêts est indispensable puisque sans elle les ménages ne pourraient pas disposer de montages de financement intégrant aide d’État (PTZ), aide d’une collectivité (prêt Paris logement par exemple) et prêt libre ou conventionné. Dès lors que ces aides comportent en outre des différés d’amortissement, le prêt à taux variable principal s’adapte aux mécanismes des autres prêts. Les établissements proposent ainsi des solutions de lissage permettant de fixer une mensualité, soit unique, soit progressive avec un mode d’amortissement du capital étudié pour le confort de l’emprunteur et de son budget ;

● « Changer de wagon » : le nombre d’emprunts de longue durée souscrits en France manifeste une modification du comportement des ménages à l’égard des crédits. En effet, dans de nombreux autres pays les emprunts de longue durée (supérieure à vingt ans) sont monnaie courante. Généralement, le remboursement intervient dans un délai sensiblement inférieur aux durées prévisionnelles, car l’emprunt n’a pas forcément pour but d’aller à son terme mais de permettre de changer de statut d’occupation de son logement. Cette conception de l’emprunt est extrêmement répandue au Royaume-Uni avec le concept d’échelle de propriété (« property ladder ») : les ménages achètent leur première maison en bas de l’échelle puis utilisent le patrimoine acquis pour monter dans l’échelle. Il est assez courant dans ce pays de changer de maison plusieurs fois dans une vie. Les prêts à taux variable sont populaires parce qu’ils permettent aux emprunteurs de grimper facilement à l’échelle puis dans l’échelle, notamment du fait de l’absence d’indemnités de remboursement anticipé avec du taux variable.

Le changement d’attitude constaté en France a été favorisé par la baisse des taux et les caractéristiques des offres proposées, notamment la modulation des mensualités ou leur évolution progressive. La souscription de prêts à taux variable permet d’entrer dans le cercle des propriétaires à un coût supportable et de gérer ensuite plus activement ce patrimoine, notamment en rachetant un nouveau logement plus spacieux ou moins éloigné de son travail au bout de quelques années, le cas échéant à taux fixe. Le premier logement constitue alors une forme d’apport et de sécurité pour le prêteur. Ces réflexions ne sont pas uniquement intuitives, puisque la « duration », c'est-à-dire la durée effective des emprunts à taux variable, est comprise entre 7 et 10 ans (si l’on exclut les prêts-relais, il semble qu’elle soit plus proche de 10 ans que de 7 ans). Les situations sont toutefois très diverses selon les établissements qui proposent des durées initiales, hors prêt-relais, comprises en moyenne entre 14 et 26 ans.

d) Des prêts qui exposent trop les primo-accédants au risque de taux ?

Pour résumer, s’agissant des primo-accédants avec peu ou pas d’apport, le prêt à taux variable combine deux avantages qui manifestent deux approches du crédit différentes :

– une approche de long terme en offrant des prêts accessibles et souples sur des longues durées, aboutissant normalement à une compensation des périodes haussières et baissières des taux, avec des mécanismes de modulation et de plafonnement qui peuvent garantir une solvabilité des emprunteurs jusqu’au terme de la durée initiale. Les prêts à taux variable peuvent donc s’adresser à des emprunteurs qui ne trouvent pas de solution à taux fixe malgré les aides diverses (durée et mensualité initiale) et qui désirent disposer d’un patrimoine et acquérir « le » bien qu’ils posséderont ;

– une approche de moyen terme en offrant la possibilité d’accéder pour la première fois à la propriété, avec possibilité au bout de quelques années de changer de logement et, le cas échéant, de modalités d’emprunt. Les prêts à taux variables peuvent donc aussi répondre à un souhait d’être propriétaire plutôt que locataire de sa résidence principale, cette dernière changeant au fil de la vie.

Quant au prêt lui-même, il permet d’assurer dans des conditions favorables à l’emprunteur l’articulation complexe des différentes composantes du financement du projet.

Une nuance doit toutefois être apportée à ce tableau optimiste. L’allongement de la durée des prêts est autant une facilité offerte qu’une exposition plus forte au risque, car un effort financier important est difficile à soutenir sur une très longue durée alors que l’amortissement du prêt est bien plus lent. En d’autres termes, plus la durée du prêt est longue, plus une revente dans le premier tiers de cette durée rapportera peu au cédant après remboursement du capital (des pénalités de remboursement anticipé peuvent en outre trouver à s’appliquer), d’autant que ceux qui empruntent sur les plus longues durées sont ceux qui disposent du plus faible apport. Même après huit ans, le capital restant dû dans le cas d’un prêt à 30 ans s’élève en moyenne à 86 % du montant initial, contre 56 % pour un prêt à 15 ans. Dans le cas d’un prêt à taux variable, l’incertitude sur la revente est plus forte encore dès lors que le montant des intérêts à verser est inconnu. Il conviendrait d’ajouter qu’à cet égard, sans même envisager la récession, la simple stabilisation des prix du marché immobilier peut mettre les emprunteurs qui revendent leur bien en difficulté, compte tenu des coûts d’entrée dans l’accession évoqués plus haut.

Une attention particulière doit dès lors être portée au mécanisme d’allongement de durée qui peut être proposé pour absorber les variations de taux. En effet, les primo-accédants, s’ils entendent changer de logement dans un délai raisonnable, peuvent se retrouver dans l’impasse. En cas de hausse des taux et d’allongement de la durée, le capital restant dû se maintient à niveau inchangé, voire augmente, et après plusieurs années rien n’a été remboursé. Certes, les emprunteurs ont économisé le prix d’un loyer sur cette période, mais ils ne peuvent revendre pour acheter un autre bien, et encore moins un bien plus cher sauf à mobiliser une épargne supplémentaire. La situation se complique bien sûr si le ménage rencontre des difficultés et doit céder son logement. Dans le cas d’une accession à la propriété de ménages à revenus modestes, cette variable doit être contrôlée. D’ores et déjà, la plupart des établissements plafonnent les allongements et proscrivent l’amortissement négatif. Cela paraît le minimum indispensable.

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III.– RENFORCER LA QUALITÉ DE L’INFORMATION ET PERMETTRE AUX EMPRUNTEURS DE SE VOIR PROPOSER DES PRÊTS DONT LE PROFIL ET LES CARACTÉRISTIQUES LEUR SONT ADAPTÉS

Il ressort des développements qui précèdent que le prêt à taux variable est proposé à des emprunteurs relevant de profils très différents et qu’il peut offrir des solutions parfaitement adaptées en épousant au plus près les besoins, la capacité d’endettement et le projet qui leur est soumis. Toutefois, on a pu entrevoir déjà certaines réserves s’agissant des implications de certaines formules sur les primo-accédants. L’adéquation entre l’offre et la demande implique une utilisation de cet outil uniquement lorsqu’il est adapté au besoin, d’une part, et des modalités correspondant au point d’équilibre entre facilités et risques qui conviennent à chaque emprunteur, d’autre part. La satisfaction de ces conditions dépend autant des établissements qui proposent ces prêts (offre) que de la capacité des emprunteurs à déterminer leur point d’équilibre (demande).

Dans cette dynamique interactive, un certain nombre de règles et de garanties peuvent être apportées en complément de celles qui existent déjà. Elles concernent avant tout le degré de transparence et d’intelligibilité des offres. Elles se traduisent aussi par une contrainte plus forte pour les emprunts souscrits par les primo-accédants modestes. Trois axes d’améliorations sont envisagés par le présent rapport :

– l’amélioration de l’information sur les clauses des prêts proposés et des emprunts souscrits et la limitation de certaines d’entre elles ;

– la proposition systématique, lorsqu’un établissement propose des formules de prêts à taux variable à un emprunteur, d’au moins une formule répondant à une catégorie de prêt dénommée « prêt à taux maîtrisable » qui se décline en deux variantes – une variante « taux » et une variante « mensualités » ;

– le renforcement des prêts conventionnés et des prêts à l’accession sociale, prenant souvent la forme d’un prêt à taux variable, et leur plus grande sécurisation.

Les échanges qui ont eu cours avec les établissements et représentants de la profession permettent d’envisager la mise en œuvre de la plupart de ces mesures sous la forme d’engagements professionnels. Si les préconisations de ce rapport demeuraient sans suite dans les semaines à venir, Votre Rapporteur soumettrait à l’Assemblée nationale une proposition de loi tendant à codifier des obligations nouvelles relatives à l’offre de prêt, mais aussi à définir un cadre précontractuel. Une telle issue ne serait pas favorable, ni aux établissements, ni même probablement aux emprunteurs pour qui il faut avant tout concevoir des dispositifs efficaces.

Il n’est cependant pas envisageable de retarder outre mesure l’application des propositions principales de ce rapport, qui font suite aux problèmes rencontrés par de nombreux emprunteurs sur des emprunts en cours (44). À cet égard, il conviendrait qu’il soit rappelé aux emprunteurs qu’ils ont la possibilité de saisir un médiateur. Par ailleurs, s’il n’existe pas de solution uniforme pour traiter l’ensemble de ces dossiers, Votre Rapporteur souhaiterait qu’une solution collective puisse être prise par les établissements, en complément du traitement au « cas par cas », pour les emprunteurs disposant de prêts conventionnés. Cette solution consisterait à leur appliquer les règles définies pour l’avenir par le présent rapport s’agissant de cette catégorie de prêts, avec notamment un « cap » de taux systématique, indispensable pour ces emprunteurs plus sensibles au risque de taux.

Plus généralement, la première proposition de ce rapport consiste à ce que la Commission des finances puisse disposer une fois les révisions de prêt intervenues en 2008 d’informations complètes sur le traitement en cours des dossiers sous la forme d’un rapport des représentants de la profession, faisant apparaître :

– le nombre d’emprunteurs contactés par l’établissement lui-même avant toute saisine, les motifs et les suites de cette démarche,

– les moyens mis en œuvre pour informer les emprunteurs de la possibilité de saisir un médiateur,

– le nombre d’emprunteurs ayant saisi leur établissement prêteur et le nombre de dossiers portés devant un médiateur,

– le nombre de dossiers réglés et le type de solutions apportées,

– les motifs d’échec pour les dossiers non réglés,

– la politique appliquée pour l’ensemble des prêts conventionnés, en réponse au souhait émis dans ce rapport que leur soient appliquées les futures règles faisant l’objet de la proposition n° 13,

– l’évolution du taux de défaut.

Proposition n° 1 – La transmission d’un rapport fin 2008 des représentants de la profession présentant des données quantitatives et qualitatives sur le traitement des dossiers d’emprunteurs à taux variable, les solutions apportées au cas par cas et pour les prêts conventionnés, ainsi que l’information des emprunteurs sur le rôle des médiateurs

A.– L’INFORMATION DES DEMANDEURS ET LA TRANSPARENCE DES CONDITIONS FINANCIÈRES

Compte tenu de la complexité des contrats de prêts, il est difficile pour un demandeur de prêt de se faire une idée de ce que signifiera en pratique l’application des différentes clauses. Les offres contiennent bien, par application de la législation y afférente, l’ensemble des éléments descriptifs du prêt, mais souvent en des parties distinctes d’un contrat de plusieurs dizaines de pages, rattachées aux conditions générales, aux conditions particulières, aux conditions financières ou encore contenues dans une annexe s’agissant des prêts réglementés. En outre, l’ensemble de ces mentions figurent dans l’offre de prêt et ne sont pas reproduites dans un document remis à la demande de prêt, ce qui ne facilite guère la comparaison des solutions proposées par les différents établissements.

Un éclairage a été porté sur les clauses de variation des taux par l’actualité et il s’agit bien évidemment d’un point central au sujet duquel votre Rapporteur a proposé un amendement, adopté à l’unanimité, dans la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (n° 2008–3 du 3 janvier 2008). L’article 25 du texte final prévoit ainsi notamment la fourniture d’une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux et d'un document d'information contenant une simulation de l'impact d'une variation. Ces clauses ne sont cependant pas les seules qu’il convient d’encadrer pour garantir leur transparence et une bonne compréhension de l’emprunteur.

Votre Rapporteur propose pour améliorer l’information : l’interdiction des taux d’appel, la fourniture de simulations dès la demande de prêt et la transparence des options, particulièrement des modalités de passage à taux fixe. Plus généralement, votre Rapporteur appelle à ce que puissent figurer dans un document unique, accompagné de simulations, l’ensemble des clauses affectant la vie du contrat : taux initial, frais de dossiers, montant des assurances, formule de révision du taux, conditions d’application des variations de taux, clause de passage à taux fixe et modalités de remboursements anticipés. Ce document pourrait être fourni dès la demande de prêt et être repris sous forme d’encadré ou d’annexe dans l’offre de prêt. Cela s’inscrirait dans la suite du code de conduite volontaire européen de 2001, relatif à l’information précontractuelle concernant les prêts au logement, qui prévoit une fiche européenne d’information standardisée.

1.– La suppression des « taux d’appel »

a) L’affichage d’un taux initial réduit : un effet d’optique qui peut induire en erreur

Un « taux d’appel » est un taux fixe appliqué en début de prêt qui ne coïncide pas au taux résultant de l’application de l’indice qui sert de référence augmenté de la marge de l’établissement prévue au contrat. Ce taux est bien entendu plus faible.

Il semble à votre Rapporteur que la pratique des taux d’appel, ou plutôt ses dérives, constitue un point commun entre les difficultés rencontrées par les emprunteurs américains et celles des ménages français disposant d’un emprunt à taux variable. En effet, lorsque la hausse des taux s’est répercutée sur les échéances des prêts à taux variable, que ce soit aux États-Unis ou en France, elle a affecté plus durement les emprunteurs qui avaient souscrit très récemment des prêts comprenant des mensualités artificiellement basses durant les premiers mois, (voire les deux ou trois premières années aux États-Unis). Les révisions de ces prêts comportent en effet même en situation de taux constant un relèvement significatif pour les années suivantes. L’impact d’une hausse des taux peut donc s’avérer excessivement déstabilisant.

La comparaison semble s’arrêter là, dans l’ampleur des ressauts et puisque les prêts subprimes, comme rappelé précédemment, avaient été accordés à des personnes qui pour nombre d’entre elles ne disposaient pas de la capacité à rembourser à taux inchangé, ce qui n’est pas possible en France. Toutefois, outre le fait que les prêteurs américains ont vendu des types de prêts dangereux et inadéquats à des emprunteurs fragiles, il est avéré que nombre de ces emprunteurs n’avaient pas compris le mécanisme du taux d’appel.

Malgré les dispositions protectrices qui existent en France en termes d’information des emprunteurs, on ne peut affirmer que l’ensemble des emprunteurs qui ont souscrit des prêts avec des taux d’appel avaient compris que la révision s’appliquerait en fonction d’un autre taux, du marché celui-là. Un effet d’optique couplé à des formules de révision absconses peut générer une véritable incompréhension. Votre Rapporteur a même eu connaissance de pratiques consistant à transmettre un tableau d’amortissement calculé en fonction du taux d’appel, ce qui s’apparente à une véritable tromperie. On pourrait même se demander parfois si ces taux d’appel n’ont pas été utilisés pour s’exonérer des règles de l’usure, qui s’appliquent au TEG avant révision.

En tout état de cause, ces taux d’appel peuvent induire en erreur les emprunteurs, souvent désarmés face à des clauses contractuelles qui leur paraissent obscures. Afin de garantir aux emprunteurs la compréhension du mode de révision de leur prêt et de leur permettre de prendre conscience des implications de la variation dès la première révision, il convient de supprimer purement et simplement les taux d’appel.

Cette pratique est d’ailleurs déjà prohibée en Belgique depuis l’entrée en vigueur de la loi du 13 mars 1998 modifiant la loi du 4 août 1992 relative au crédit hypothécaire, qui exclut toute possibilité de ristournes dans les contrats de crédit. L’article 9 de la loi du 4 août 1992 modifiée énonce notamment que le taux d'intérêt initial est le taux d'intérêt diminué et/ou augmenté effectivement utilisé pour le calcul des intérêts dus depuis la première échéance. Étant donné que le nouveau taux d'intérêt (au moment de la variabilité) est calculé suivant le taux d'intérêt initial, les diminutions temporaires de taux ne sont plus admises.

La suppression des taux d’appel en France pourrait trouver sa place dans un engagement professionnel. À défaut d’un tel engagement, il sera proposé d’insérer un article additionnel au code de la consommation, qui pourrait être ainsi rédigé :

« Lors de l’établissement de l’offre définie à l’article L. 312–7, il est fait interdiction au prêteur d’utiliser un taux initial inférieur à celui qui résulte de l’application de la valeur de l’indice de référence servant à l’indexation, augmenté de la partie fixe servant de marge au prêteur pour toute la durée du prêt. Le tableau d’amortissement prévu à l’article L. 312–8 alinéa 2 bis est établi sur la base du taux initial du prêt tel que prévu au présent article ».

Proposition n° 2 – Supprimer la possibilité de pratiquer des taux d’appel

b) En conserver l’intention initiale en substituant à ces taux d’appel des prises en charges temporaires d’une partie des mensualités

La raison avancée à l’existence de ces taux d’appel est la facilité offerte aux emprunteurs de faire face aux coûts d’entrée dans l’acquisition (droits de mutation, déménagement, maintien provisoire d’une location, travaux, etc.). Il est exact qu’une forme d’aide en début de prêt consistant à alléger la charge de l’acquisition présente des avantages. Ces taux d’appel permettent aussi d’accorder un avantage comparatif aux établissements qui proposent une facilité de cette sorte.

Cependant, cette concurrence pourrait s’exercer au travers de mécanismes moins trompeurs, tels que des prises en charge partielles (ou totales) des premières mensualités. Les consommateurs sont habitués dans leur vie courante à des offres commerciales de cette nature. Rien n’empêcherait leur proposition, sous réserve qu’elles portent sur les mensualités et non sur le taux, qui doit correspondre dès l’origine à celui applicable sur la durée du contrat.

En revanche, l’intention de votre Rapporteur en proposant la suppression des taux d’appel n’est pas de favoriser en substitution le développement de clauses « exotiques », tendant à reporter l’amortissement du capital en milieu voire en fin de prêt, à destination d’emprunteurs qui ne rechercheraient pas ce type de contrat à des fins de gestion active de leur endettement. Une certaine vigilance doit donc continuer à être exercée par les représentants de la profession du crédit sur la pertinence des innovations proposées.

2.– La fourniture de simulations sur l’application potentielle de la clause de variation : expliquer le contenu de la clause et éclairer l’emprunteur sur ses implications

a) De l’origine et de la pertinence d’une obligation de simulations dans la loi « Châtel »

Les réclamations d’emprunteurs qui se sont manifestées à l’automne 2007 portent essentiellement sur l’application des clauses de révision de leur contrat et, plus précisément, manifestent un défaut de compréhension – ou d’explication correcte des vendeurs –de ces clauses. Un sentiment de tromperie s’en est dégagé qui affecte la réputation des prêts à taux variable et des établissements incriminés. En utilisant des mécanismes de révision complexes qui ne permettaient pas à la lecture des contrats de bien comprendre les futures hausses de mensualités, les prêteurs n’ont pas toujours garanti la bonne information des emprunteurs. La formation des employés chargés de la commercialisation des crédits doit à cet égard faire l’objet d’une attention particulière pour prévenir des dérives dans le conseil.

L’article 25 de la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs du 3 janvier 2008 insère un 2°ter à l’article L. 312–8 du code de la consommation ainsi rédigé :

« Pour les offres de prêts dont le taux d'intérêt est variable, [l’offre] est accompagnée d'une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt et d'un document d'information contenant une simulation de l'impact d'une variation de ce taux sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit. Cette simulation ne constitue pas un engagement du prêteur à l'égard de l'emprunteur quant à l'évolution effective des taux d'intérêt pendant le prêt et à son impact sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit. Le document d'information mentionne le caractère indicatif de la simulation et l'absence de responsabilité du prêteur quant à l'évolution effective des taux d'intérêt pendant le prêt et à son impact sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit ».

L’objectif de ces simulations est donc de permettre à chaque emprunteur d’être complètement informé des risques que comporte l’offre de prêt qui lui est proposée. Elles doivent permettre autant d’illustrer le fonctionnement de la clause de variation que d’attirer l’attention sur ce qu’impliquera pour l’emprunteur le jeu de cette clause en cas d’évolution, à la baisse mais surtout à la hausse, de l’indice de référence. La mise en place d’une telle obligation est d’ailleurs envisagée en Espagne pour renforcer l’information des emprunteurs (45).

b) De l’utilité pour l’emprunteur de disposer de ces simulations dès la demande du prêt

L’amendement instituant ces simulations obligatoires a été proposé en réaction aux situations révélées par les associations de consommateurs à l’automne dernier. Il s’agissait d’une réaction immédiate tendant à prévenir d’éventuels malentendus au détriment des emprunteurs. Après discussion avec un certain nombre de représentants de la profession du crédit à l’habitat, une limite à cette disposition est apparue : le stade de l’offre de prêt est déjà tardif dans la procédure d’acquisition. Lorsqu’un emprunteur reçoit son offre de prêt – et il en a rarement demandé beaucoup – il est déjà très avancé dans son projet. La prise de conscience d’un risque supérieur à celui qui lui paraît acceptable ne le conduira pas toujours à refuser l’offre. Tel sera le cas s’il a signé un compromis de vente avec une clause suspensive d’obtention d’une offre et qu’il n’en a pas obtenu d’autre. Ensuite la pression de l’entourage, le fait que la famille s’est déjà imaginée dans le lieu choisi, lui rendra très difficile un retour en arrière.

C’est pourquoi il conviendrait que l’emprunteur puisse disposer, dès la demande de prêt, de simulations sur la formule ou les formules qui lui sont proposées. Peut-être même qu’une telle information le conduirait à modifier son projet d’acquisition. Ces simulations devront respecter les principes définis pour celles figurant dans leur offre mais sous une forme allégée.

Proposition n° 3 – Fournir des simulations dès le stade de la demande du prêt

c) De la nécessité d’un accord professionnel pour définir le contenu et la forme que prendront les simulations contenues dans l’offre

Une disposition législative ne pourrait en tout état de cause apporter plus de précisions que celle qui a été insérée dans la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Il appartient donc aux établissements eux-mêmes de se concerter sur les modalités de mise en œuvre de ces nouvelles obligations de la profession. L’essentiel est en effet de permettre aux demandeurs, d’une part, de comprendre et de disposer de toute l’information utile sur les formules qui leur sont proposées et de pouvoir, le cas échéant, adapter leur projet d’acquisition ou de prêt. D’autre part, il s’agit de leur remettre des documents, certes complets, mais aussi suffisamment standards pour qu’ils puissent comparer les propositions des différents établissements et contracter l’offre qui est la plus adaptée à leur projet et à leurs facultés.

De plus, les simulations, qui n’engagent évidemment pas l’établissement quant à l’évolution effective du contrat et des taux, doivent concilier la présentation d’hypothèses vraisemblables et d’hypothèses improbables suffisamment éclairantes pour que l’emprunteur soit averti sur les avantages et les risques des prêts à taux variable proposés. Cet exercice est en soi délicat et ne peut être efficient que si des hypothèses communes ont été dégagées.

Cette réflexion de la profession de la part des établissements et de leurs associations représentatives sur les modalités de présentation des simulations est déjà en cours. Toutefois, votre Rapporteur souhaite à ce stade structurer le débat en déterminant les éléments principaux qui devraient figurer dans ces simulations.

L’amendement déposé et adopté dans la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs comprenait déjà des obligations précises en indiquant que l’objet des simulations est de présenter « l'impact d'une variation [du] taux sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit ». L’énoncé de ces trois variables est important. Les formules de prêts peuvent être si diverses que l’impact d’une variation de taux, qu’elle soit positive ou négative d’ailleurs, peut se répercuter sur une ou plusieurs d’entre elles et dans un ordre et avec une ampleur différents. L’emprunteur pourra, selon ses contraintes, notamment de solvabilité, le taux d’effort qu’il est prêt à consentir et la dépense globale qu’il est prêt à accorder au logement, apprécier l’adéquation de la formule à ses besoins. Il doit être alerté sur chacun de ces points.

Par ailleurs, sans vouloir enfermer l’accord professionnel souhaité dans un cadre trop rigide, il semble à votre Rapporteur que l’attention des emprunteurs doit être attirée sur les effets d’une éventuelle hausse de taux en début de période. Il s’agit en effet du moment qui correspond à la phase critique du prêt : l’emprunteur doit absorber les coûts d’entrée dans l’acquisition (droits de mutation et frais, déménagement, travaux, modifications du mode de vie, etc.), il amortit peu de capital, sous réserve de certaines formules spécifiques d’amortissement, et le nombre d’années restantes, par définition, est très élevé. La répercussion d’une hausse de taux en début de période a un impact sans comparaison avec une hausse intervenant en milieu et, a fortiori, en fin de prêt. L’affichage du risque sous cette forme serait, combiné à la suppression des taux d’appel, un vrai progrès en termes d’information. Cela permettrait sûrement aussi de stimuler l’imagination toujours fertile des prêteurs quant aux modalités de prêt permettant d’atténuer le degré de risque en première période.

Un système de simulations fondé sur trois ou quatre hypothèses pourrait ainsi se dessiner :

– une hypothèse basse, dans laquelle l’emprunteur bénéficie d’une révision du taux à la baisse,

– une hypothèse moyenne, dans laquelle le taux moyen appliqué sur toute la période est le taux de départ,

– une hypothèse haute critique, dans laquelle le taux évolue au niveau maximal de hausse prévu au contrat en début de prêt et se maintient à ce taux jusqu’au terme du remboursement,

– éventuellement une hypothèse haute soutenable, dans laquelle le taux évolue au niveau maximal de hausse prévu au contrat après une période cinq ans où il est resté à un niveau inchangé.

Pour chaque hypothèse, l’impact sur la mensualité, sur la durée et sur le coût devra être distinctement lisible.

Ces hypothèses ne font bien entendu pas obstacle à des aménagements ou des enrichissements, mais la présentation d’une hypothèse haute critique constitue le degré minimal d’information à faire figurer dans l’offre de prêt. Elle doit aussi être présentée, sous une forme appropriée à déterminer, durant la phase précédant l’offre. La définition du nombre et de la nature des autres hypothèses contenues dans l’offre relève d’un accord professionnel, de même que la fixation des taux maximum et minimum pour la réalisation des hypothèses retenues, afin que les simulations soient proposées de façon efficace pour les prêts non capés en taux. Il est clair que ces obligations nouvelles impliquent des lourdeurs supplémentaires pour les établissements, d’autant qu’elles concerneraient aussi les « prêts à taux maîtrisable », présentés plus loin. Elles doivent donc faire l’objet d’un consensus au sein de la profession.

Proposition n° 4 – Élaborer les simulations sur la base de plusieurs scenarii faisant notamment apparaître les effets d’une hausse de taux intervenant en début de prêt

3.– La présentation et la compréhension des clauses financières

a) Fixer les modalités et le coût d’exercice des options

En premier lieu, de façon générale, la clarté et l’intelligibilité des clauses tarifaires liées à l’exercice des différentes options du contrat doivent être assurées. Cela implique la mention des frais de dossiers par fixation d’un montant en valeur nominale ou, le cas échéant, une formule de calcul compréhensible.

Proposition n° 5 – Afficher de façon lisible les frais afférents à l’exercice des options prévues dans le contrat de prêt par fixation d’un montant en valeur nominale ou, le cas échéant, une formule de calcul compréhensible

Plus particulièrement, compte tenu du contexte actuel, l’attention de votre Rapporteur a été appelée sur les modalités de passage à taux fixe contenues dans les contrats de prêt. Les offres de prêt à taux variable comportent généralement une telle option. Cette option doit être prévue par une clause explicite, rédigée de façon lisible et concrète. La détermination du taux fixe en cas d’utilisation de l’option est en principe établie en fonction d’un indice auquel s’ajoute une marge fixe. Chacun de ces éléments, c'est-à-dire le montant de la marge et l’indice utilisé, doit être précisément donné. Par ailleurs, il serait souhaitable que l’attention des demandeurs soit attirée sur l’absence de possibilité de passage à taux fixe lorsque le contrat de prêt ne prévoit pas cette option.

Pour être tout à fait transparente, la clause de passage à taux fixe devrait comporter deux éléments additionnels : le montant des frais lié à l’exercice de l’option selon les modalités précitées (montant en valeur nominale ou formule de calcul), et en exemple l’application de la formule au moment de l’offre, incluant le cas échéant le calcul des frais de passage à taux fixe.

Sur le premier point, votre Rapporteur s’interroge sur la possibilité même d’appliquer des pénalités de passage à taux fixe, dès lors que la marge permettant de calculer le taux fixe intègre déjà le coût induit par l’application du taux variable aux seules périodes où il était véritablement attractif. Il semble en outre que dans les situations d’emprunteurs en difficulté, les établissements acceptent de réduire ou supprimer ces frais, voire de proposer un taux fixe inférieur à celui résultant de l’application de la clause de passage à taux fixe. Sans en demander l’interdiction, il serait préférable que les passages à taux fixe soient proposés sans frais. Cela correspond d’ailleurs à une pratique courante.

Sur la fourniture d’un exemple d’application de la clause en utilisant l’indice applicable à l’instant t, même si le taux obtenu ne correspond pas au taux qui s’appliquerait si l’option était exercée en cours de prêt, elle permettra aux emprunteurs, d’une part, d’apprécier l’écart entre ce taux fixe et le taux variable initial, d’autre part, de bien comprendre le fonctionnement de la clause.

Proposition n° 6 – Expliciter les conditions de l’option de passage à taux fixe en donnant le coût de son exercice et en fournissant en exemple le taux résultant de son application à un instant donné

b) La formalisation des informations au stade de l’offre du prêt et en amont

Une réflexion de la part des établissements et de leurs associations représentatives sur les modalités de présentation des simulations est en cours pour l’application de l’article L. 312–8 modifié du code de la consommation. Elle devra s’enrichir de la définition d’un cadre d’information précontractuel relativement standardisé dans le droit fil des débats sur le code de conduite européen, son application et les marges d’amélioration dans le contexte français de la fiche européenne d’information standardisée. Sans relever du domaine de la loi, qui ne régit aujourd’hui que l’offre de prêt, ce cadre pourrait donc être défini par la profession en dégageant des modalités standardisées de production de certaines informations essentielles, accompagnées des simulations sur la variation des taux. La généralisation de bonnes pratiques mises en œuvre par différents établissements, sous une forme améliorant la comparaison des offres, s’avérerait déjà très profitable pour les demandeurs.

Ces informations pourraient prendre la forme, soit d’une brochure complète de présentation des prêts proposés, complétée par la fourniture de simulations dès la demande du prêt, soit d’un document remis à chaque emprunteur en amont de la phase d’offre, lorsque le plan de financement se dessine, décrivant les conditions proposées, y compris les frais afférents à l’exécution du contrat, et incluant des simulations. La description du prêt à taux maîtrisable (dont les caractéristiques sont définies plus loin), avec les quelques lignes d’information sur ses deux variantes, pourrait aussi y figurer. L’articulation avec les obligations existantes et la fiche européenne d’information standardisée appelle un travail consensuel tendant à éviter des lourdeurs de gestion inutiles.

Dans le cas d’une brochure, il s’agirait de se rapprocher du modèle appliqué en Belgique (loi belge du 4 août 1992 modifiée précitée) : un prospectus très complet, incluant des exemples et contenant le tarif des taux d'intérêt, y compris toutes les réductions et majorations de taux éventuelles et les conditions d'octroi. On pourrait imaginer d’y ajouter des simulations informatives inspirées de la notice et du document d’information prévus par le nouvel alinéa 2 ter de l’article L. 312–8 du code de la consommation précité. Il est à noter que la loi belge ne contraint pas les établissements à appliquer strictement les informations contenues dans les brochures, les parties pouvant convenir de réductions ou de majorations dérogeant au prospectus, si celles-ci sont plus avantageuses pour l'emprunteur ou si elles ont été négociées à son initiative. Une fois encore, l’amélioration de l’information des emprunteurs et de la transparence n’a pas vocation à brider les prêteurs sur le secteur concurrentiel du crédit à l’habitat.

Toutefois, pour que le demandeur ait connaissance des modalités de variation des taux dans la ou les formules qui lui sont proposées, il convient qu’il dispose d’une information et de simulations suffisamment personnalisées. L’existence d’une brochure même complète ne peut dispenser de la fourniture de simulations correspondant, au moins dans les grandes lignes, aux clauses et tarifs proposés à l’emprunteur dès lors que certains dérogeraient à la brochure (ce qui est toujours souhaitable pour être au plus près des besoins de chaque emprunteur). Un tel cadre informatif pourrait donc s’avérer lourd et produire des effets contre-productifs en restreignant la liberté des établissements, incités à se concentrer sur un petit nombre de formules figées. Or c’est exactement le contraire que recherche votre Rapporteur en suggérant la proposition systématique d’au moins une formule comportant un mécanisme de plafonnement. Si la diversité peut obérer la comparabilité des solutions, elle est essentielle pour parvenir à la solution adaptée au demandeur ; un équilibre doit être trouvé.

La deuxième solution, consistant en la remise d’un document en amont de l’offre paraît plus souple, plus proche de ce qui est déjà pratiqué et plus opérant pour instituer des règles communes de présentation. Elle présenterait en outre l’avantage de pouvoir constituer un récapitulatif des conditions affectant le coût du prêt pour l’emprunteur, susceptible de figurer dans l’offre de prêt, sous forme d’encadré ou d’annexe. Chaque emprunteur a en effet déjà pu observer que les clauses qui l’intéressent directement dans la vie du contrat ne sont pas regroupées et peuvent être éparpillées selon la nature du prêt et les pratiques de l’établissement prêteur. Un encadré simple, renvoyant le cas échéant aux paragraphes en détaillant les conditions, améliorerait la lisibilité des emprunts souscrits. Ce souhait rejoint celui émis par le Comité consultatif du secteur financier en 2003 de la remise d’un « cœur de contrat » à l’emprunteur, proposition soutenue par le Conseil économique et social dans son récent avis sur le surendettement des particuliers (46). Votre Rapporteur a conscience toutefois de la possible difficulté à concilier une rédaction simple et le caractère obligatoire de toute information écrite dans un contrat. Cette piste doit cependant être creusée.

Proposition n° 7 – Définir des modalités standardisées de production des informations essentielles du prêt regroupées dans un même document à remettre au demandeur durant la phase précontractuelle et à faire figurer dans l’offre

B.– L’OBLIGATION DE PROPOSER SYSTÉMATIQUEMENT AU MOINS UNE FORMULE DE PRÊT À TAUX MAÎTRISABLE

1.– Le débat sur l’imposition systématique d’un cap de taux

La plupart des professionnels et associations de défense des consommateurs s’accordent à penser que la protection la plus efficace à long terme pour un emprunteur à taux variable est la fixation d’un cap de taux. C’est effectivement la seule sécurité dont les effets sont totalement prévisibles sur toute la durée du contrat. Pour autant, son imposition systématique ne semble pas être la solution la meilleure. S’il s’agit d’une solution intellectuellement séduisante, elle présente des inconvénients non négligeables :

– elle n’est pas adaptée à tous les emprunteurs,

– si elle est efficace, elle renchérit de façon importante le coût du prêt,

– si le cap est trop élevé, l’évolution des mensualités peut être importante et déstabiliser les emprunteurs qui auront crû être sécurisés.

C’est pourquoi il est plutôt proposé d’instituer une obligation de proposer au moins une formule de « prêt à taux maîtrisable » dont une des variantes serait un cap de taux, la seconde consistant en une évolution limitée des échéances. L’emprunteur pourrait bien sûr opter pour une autre formule.

a) La diversité des profils exclut des solutions généralisées

Dès lors qu’un cap se paye, il n’est pas justifié de l’imposer à des investisseurs qui souhaiteraient bénéficier du coût le plus avantageux ou anticiperaient des variations à la baisse supérieures au niveau de cette limite qui joue généralement aussi comme un plancher.

Il peut être souligné à cet égard que la loi belge impose un cap de taux, sans pour autant en fixer le niveau, ce qui dénue l’obligation de tout intérêt. Les établissements proposent des formules avec un cap efficace comme avec des caps à + 4 ou + 5 qui s’adressent aux investisseurs avisés qui souhaitent bénéficier, en conjoncture favorable, des taux les plus bas. Dans ces conditions, l’existence d’une obligation législative présente peu d’intérêt. En outre, la variation des taux est limitée en début de prêt (+ 1 les deux premières années, + 2 la troisième), ce qui se justifie assez peu pour ce type d’emprunteurs qui subissent de fait un surcoût du taux initial, alors qu’ils ne sont pas demandeurs d’une telle protection.

Par ailleurs, les conditions initiales du prêt sont différentes selon les contrats. Le taux initial peut diverger fortement en fonction du profil de l’emprunteur, du montant de l’apport, du coût de l’opération et de la durée envisagée. Un cap ne peut donc consister en un taux applicable à tous sur la base d’une formule élaborée à partir du niveau des taux fixes ou des taux du marché à moyen ou long terme. Il doit être lié au taux initial. Un cap ainsi défini ne présente pas toujours les avantages escomptés pour ceux qui souhaitent une protection.

b) Un surcoût non négligeable qui pourrait contenir un effet d’éviction en amont

Selon la conjoncture des marchés financiers et les volumes de prêts à « caper », il peut s’avérer impossible à certains moments d’acquérir des caps en suffisance (pour la totalité des prêts à taux variable s’il existait une obligation légale) ou à un tarif compétitif même par rapport à un taux fixe. Si un cap devait être proposé à un niveau modéré, rien n’assure donc que les établissements parviendraient à tous les acquérir sur le marché des caps, asséchant leur activité sur ce segment et mettant en difficulté les établissements spécialisés de crédit français dont une partie importante voire dominante de l’activité est constituée de la production de prêts à taux variable. Or, on a vu que l’offre de prêt à taux fixe des banques généralistes ne répond pas à l’ensemble de la demande. Les prix des caps sont également fonction de la volatilité de ce marché, ils peuvent donc varier très sensiblement d'une période sur l'autre. Rappelons que les établissements spécialisés achètent ces caps sur le marché, pour bénéficier d’une couverture de l’exposition au risque totale (ils ne peuvent jouer sur d’autres ressources).

Du point de vue de l’emprunteur, le surcoût d’un cap est fonction de son niveau par rapport à l’index (+ 1, + 1,5, + 2, + 3, + 5) et de la durée du prêt. Or, une protection efficace n’est assurée qu’avec un cap peu élevé. Dans un contexte d’allongement des durées d’emprunt, pour permettre l’accès à la propriété des ménages, cela est problématique. Le cap est financé par la marge appliquée à l’indice de référence. Un cap bas sur un prêt de très longue durée (25 ans ou plus) peut coûter extrêmement cher sur le marché des caps et gonfler considérablement la marge de l’établissement. Un surcoût de 200 points de base dans ces conditions n’est pas impossible, ce qui pourrait aussi se heurter à la législation sur l’usure.

Sans minorer l’intérêt pour l’emprunteur que peuvent présenter ces formules avec cap de taux, une obligation pure et simple pourrait avoir des effets contre-productifs en excluant de l’accès au crédit, du fait du taux initial, des populations qui trouveraient avec d’autres formules elles aussi protectrices des possibilités de financement. La solution tendant à limiter la variation des échéances en jouant sur la durée de l’emprunt est d’ailleurs appréciée des emprunteurs qui s’en satisfont plutôt au vu de la nature des réclamations enregistrées depuis l’automne dernier.

c) Des taux variables sans cap systématique mais configurés pour favoriser la renégociation « au cas par cas » : la variable remboursement anticipé

Dans un contexte où les concours bancaires sont principalement attribués à taux fixe, la transmission des inflexions de politique monétaire aux conditions de crédit dépend de la faculté de renégocier les encours, de procéder à des remboursements anticipés ou, ce qui peut être équivalent, de transférer ses dettes à un autre établissement. Pour les ménages, le développement de ces opérations permet de tirer parti des baisses de taux. Ce bénéfice leur est largement ouvert dans les systèmes de crédit qui privilégient l'octroi de concours à taux variable. En contrepartie, dans de tels systèmes, les ménages supportent le risque de remontée des taux. En France, dans le cas de taux variables « purs », il n’est pas appliqué d’indemnités de remboursement anticipé (IRA). Tel n’est que rarement le cas pour des prêts qui comportent un mécanisme limitant l’impact des variations de taux, quand bien même celui-ci serait très partiel (47).

Il est manifeste que les renégociations de prêts suscitent une certaine réticence des établissements de crédit, qui y voient une menace pour leur rentabilité (48). En effet, d’une part, en cas de taux fixe et compte tenu d’une pratique de marges quasi-nulles à l’octroi, celles-ci ne deviennent réellement positives qu’en cas de baisse des taux, finançant l’octroi de prêts à des conditions elles aussi attractives. D’autre part, l’établissement prêteur a endossé une part du risque de prêt à des conditions alors plus compétitives (donc moins margées) et voit nécessairement d’un mauvais œil le rachat du prêt par un concurrent. Il doit amortir le coût d’installation du prêt, y compris éventuellement l’acquisition du cap pour les prêts à taux variables. Enfin, cette réticence à la renégociation s’accroît avec la durée des prêts, dès lors que sur de longues durées les taux sont amenés à varier à la baisse comme à la hausse.

Il s’ensuit que la législation française et son application sont comparativement à d’autres pays peu favorables aux emprunteurs. Si l’article L. 311–29 du code de la consommation fait, pour les prêts à la consommation, du remboursement anticipé un « droit exerçable à tout moment, sans indemnité, pour un montant au moins égal à trois fois le montant de la première échéance non échue », l’article L.312–21 relatif au crédit immobilier prévoit : « Si le contrat de prêt comporte une clause aux termes de laquelle, en cas de remboursement par anticipation, le prêteur est en droit d'exiger une indemnité au titre des intérêts non encore échus, celle-ci ne peut, sans préjudice de l'application de l'article 1152 du code civil, excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret ». Cette indemnité « ne peut excéder la valeur d'un semestre d'intérêt sur le capital remboursé au taux moyen du prêt, sans pouvoir dépasser 3 % du capital restant dû avant le remboursement » (article R.312–2 du même code).

Votre Rapporteur considère que le montant de l’indemnité est un frein à des solutions adaptées à l’emprunteur particulièrement pénalisant en période de hausse de taux. Il ne s’agit pas ici de laisser entendre que les établissements de crédit sont rétifs à toute renégociation en période de hausse de taux. Comme indiqué précédemment, des procédures internes de suivi existent pour anticiper les révisions et si besoin modifier les conditions du prêt, par passage à taux fixe notamment. Toutefois, dès lors que des emprunteurs trouveraient des solutions plus avantageuses pour absorber la hausse de taux auprès d’autres établissements, il conviendrait de faciliter leur démarche, ce qui aurait pour effet principal d’inciter leur établissement à leur offrir des conditions analogues. Cette méthode est celle mise en avant en Espagne, dans des conditions extrêmement souples. Le système espagnol est très peu protecteur des emprunteurs si on le compare au système français, parce qu’il s’appuie sur deux formes de « garanties » :

– un taux de propriétaires de 85 %, dont seulement 25 % d’entre eux sont en cours de remboursement d’emprunt, qui est un élément sécurisant au sein des familles autant qu’un indice de l’attachement à la propriété des Espagnols (qui y consacrent une part plus importante de leurs revenus),

– et une confiance dans une concurrence saine qui assurerait à l’emprunteur une protection contre la hausse des taux en obligeant les établissements à renégocier les conditions des emprunts de leurs clients.

Le plafonnement des indemnités constitue donc un rouage important et récemment renforcé du bon fonctionnement de ce système dans lequel 98,5 % des emprunts sont à taux variable (49) et le système du cap peu répandu. À l’heure actuelle, le montant de ces indemnités ne peut excéder, les cinq premières années du prêt, 0,5 % du capital restant dû, et les années suivantes, 0,25 %.

Votre Rapporteur considère qu’un équilibre peut être trouvé dans le contexte français de marges faibles, de réglementation beaucoup plus contraignante pour les établissements et de prêts à taux variables capés en taux pour la majorité. Une quasi-suppression des indemnités de remboursement anticipé pourrait mettre en difficulté les établissements qui ont accepté de proposer un prêt à des demandeurs plus « risqués » n’ayant pas obtenu d’autre offre et se transformeraient ainsi en prospecteurs pour ceux qui, au vu de la solvabilité avérée de ces emprunteurs après plusieurs années de remboursement, sauraient leur offrir des conditions peut-être plus avantageuses dans un deuxième temps. C’est pourquoi il pourrait être envisagé de plafonner le montant des indemnités de remboursement anticipé à un niveau faible lorsque – et uniquement dans ce cas – le prêt n’est pas capé en taux et que la dernière révision du prêt se traduit par une hausse du taux applicable. Un seuil de 0,5 % du capital restant dû pourrait constituer une limite maximum acceptable. Le cas échéant, ce plafonnement pourrait ne s’appliquer qu’après une première période correspondant à la phase d’installation du prêt.

Proposition n° 8 – Envisager de plafonner à un plus faible niveau le montant des indemnités de remboursement anticipé dues sur les prêts à taux variables ne prévoyant pas de cap de taux lorsque la précédente révision du prêt s’est traduite par un relèvement du taux du prêt

Par ailleurs, il convient de souligner que la fixation d’un taux faible ou quasi-nul d’indemnités de remboursement anticipé, outre qu’elle constituerait une incitation forte à la renégociation en cas de hausse de taux, faciliterait également les remboursements partiels, même si les pénalités qui leur sont aujourd’hui appliquées sont généralement plus faibles voire nulles. Ces remboursements partiels présentent un intérêt évident dans ces circonstances d’alourdissement du coût global du prêt et sont en outre favorisés par les récentes mesures en faveur des donations.

À ce sujet, votre Rapporteur a eu connaissance de clauses contractuelles prévoyant l’application prioritaire d’un remboursement anticipé partiel sur le prêt à taux le plus bas, notamment le prêt à taux zéro. Les prêts aidés ne constituent pas des subventions aux prêteurs mais des aides aux emprunteurs. Ces pratiques, heureusement marginales, doivent être proscrites parce qu’elles pénalisent l’emprunteur pour la durée restante du prêt, par rapport au montage financier qui aurait été effectué en début de prêt avec un montant d’emprunt moins important et par rapport au montant de la mensualité dans les solutions de lissage, y compris en cas de nouvelle hausse des taux. Un remboursement partiel anticipé doit se répercuter sur les différents prêts de façon proportionnelle ou prioritairement sur les prêts les plus coûteux.

Proposition n° 9 – Proscrire les clauses imputant en priorité les remboursements partiels anticipés sur les prêts à taux le plus bas

2.– Proposer systématiquement parmi les solutions à taux révisable au moins une formule de prêt à taux maîtrisable pour donner à chacun la possibilité de déterminer son point d’équilibre entre coût initial et risque

On a vu que la difficulté à élaborer toute disposition systématique réside dans la définition d’un point d’équilibre qui convienne à chaque emprunteur entre le coût qu’il est prêt à assumer et le risque qu’il accepte. Il existe en France une forme d’aversion pour le risque, qui à bien des égards protège les consommateurs de nombre de dérives observées à l’étranger. Le risque ne peut toutefois pas être supprimé dès lors qu’il vient en contrepartie d’autres services. L’idée que l’emprunteur se voit présenter systématiquement parmi les offres de prêts à taux variable une formule de « prêt à taux maîtrisable » permet de concilier le fait que l’emprunteur se voit proposer une formule « sécurisée » et qu’il puisse opter pour une autre solution en disposant de toute l’information nécessaire à ce choix. L’impact des simulations en serait à cet égard décuplé avec une comparaison efficace de deux ou trois formules. La possibilité que ces prêts à taux maîtrisable prennent la forme d’un encadrement du taux ou d’une limite d’évolution des mensualités est laissée aux établissements, sous réserve de respecter certaines conditions concrètes que la profession est appelée à préciser sur la base des recommandations qui suivent.

a) L’exemple des prêts conventionnés

Les prêts conventionnés (PC), finançant l’acquisition ou l’amélioration de la résidence principale, se distinguent des autres prêts immobiliers par le fait qu’ils ouvrent à leurs bénéficiaires le droit à l’aide personnalisée au logement en application des dispositions de l’article L. 351–2 1° du code de la construction et de l’habitation. Ce droit justifie que ces prêts soient soumis à une réglementation particulière, définie aux articles R. 331–63 à R. 331–77–2 du même code. Cette réglementation porte notamment sur la fixation par décret de plafonds de taux, en réalité proche du seuil de l’usure, et sur les caractéristiques financières des prêts à taux variables devant comportant certaines sécurités.

LE BÉNÉFICE DE L’AIDE PERSONNALISÉE AU LOGEMENT

L'Aide Personnalisée au Logement permet à ses bénéficiaires de réduire leurs dépenses de logement en allégeant la charge de prêt pour les accédants à la propriété et les propriétaires qui occupent leurs logements.

Elle est ouverte aux propriétaires d’un logement :

– soit construit, acheté neuf, acheté et amélioré, agrandi ou transformé avec l'aide d'un PAP / Prêt Aidé à l'Accession à la Propriété, dont elles supportent elles-mêmes les charges d'intérêt et de remboursement ;
– soit construit, acheté neuf, acheté et le cas échéant amélioré, agrandi ou transformé, avec l'aide d'un PC /
Prêt Conventionné, dont elles supportent elles-mêmes les charges d'intérêt et de remboursement ;
– soit qui a fait l'objet d'un contrat de location-accession (loi du 12.7.84) avec un PAP ou un PC.

Le montant de l'APL dépend de la situation familiale du bénéficiaire, du montant de ses revenus et de celui de sa charge de logement (ressources, situation familiale, lieu de résidence, nature du logement, date de signature du prêt, montant des remboursements, nombre d'enfants ou de personnes à charge). À n'importe quelle date, une modification de la composition familiale ou des ressources du ménage peut être prise en compte.


Au 1er juillet de chaque année, la CAF ou la CMSA vérifie si la personne a droit à l'APL, et lui notifie le nouveau montant de l'aide dont elle bénéficie en fonction de l'évolution de sa situation et du barème.

L'APL est versée à compter du premier jour du mois civil suivant celui au cours duquel les trois conditions suivantes sont réunies :

– le contrat de prêt est signé,

– le bénéficiaire est dans les lieux,

– il commence à rembourser son prêt.

L'APL est versée directement à l'établissement qui a accordé le prêt ouvrant droit à l'APL et le bénéficiaire ne paie que la différence entre le montant de l'APL et la mensualité de prêt.

Depuis 1993, l’offre en matière de prêts immobiliers a considérablement évolué, avec la montée en puissance de formules de prêts à taux variable et/ou ouvrant des possibilités de modulation développées, qui permettent notamment d’offrir des prêts longs à des conditions avantageuses. Une des priorités a donc été d’adapter les dispositions existantes pour permettre aux accédants modestes de bénéficier de ces innovations avec un niveau de sécurité satisfaisant. On retrouve donc exactement le même souci que celui qui anime le présent rapport, c'est-à-dire : permettre aux demandeurs de bénéficier des facilités offertes par les prêts à taux variable tout en garantissant une maîtrise suffisante sur l’évolution de l’emprunt.

Des modifications affectant ce point ont donc été initiées par la réforme contenue dans le décret n° 2001–911 du 4 octobre 2001 et un arrêté de la même date. Cette réforme a fait l’objet d’une extension aux départements d’Outre-mer en 2003 (décret et arrêté du 25 août 2003). Les établissements de crédit peuvent aujourd’hui consentir des prêts conventionnés mixtes comportant des parties à taux fixe et des parties à taux révisable ainsi que des prêts modulables offrant à l’emprunteur la faculté de demander une modification de la durée de remboursement ou du montant de son échéance. En outre, la durée minimale du prêt conventionné a été abaissée à cinq ans, tandis que sa durée maximale a été portée à 30 ans, avec possibilité de l’allonger à 35 ans, par le décret n° 2004–286 du 26 mars 2004 relatif au nouveau dispositif de location-accession (PSLA).

L’encadrement de la mise en œuvre de ces mesures a pour but de garantir l’existence de sécurités pour l’emprunteur :

– soit la variation du taux des prêts à taux révisable est plafonnée à 300 points de base ;

– soit l’augmentation de l’échéance (limitée à la variation de l’indice INSEE des prix à la consommation entre deux révisions sans pouvoir excéder 12 %) et l’allongement de la durée (limité à 20 % de la durée initiale sans que la durée totale du prêt puisse dépasser 35 ans) sont encadrés ;

– le capital restant dû ne peut dépasser le capital initialement emprunté,

– à l’expiration de la durée maximum, le capital restant éventuellement dû est à la charge de l’établissement de crédit.

Pour votre Rapporteur, les prêts conventionnés sont par la réglementation qui les couvre une formule de prêt à taux variable maîtrisé, dont il convient de s’inspirer. Surtout, la remontée des taux observée à l’automne dernier a démontré la robustesse de la plupart de ces prêts pour les emprunteurs qui les avaient souscrits. Ainsi réglementés, ces prêts sont configurés pour assurer à l’emprunteur une maîtrise de l’évolution de sa mensualité. Le mécanisme d’allongement de la durée couplé à une limitation de l’évolution des mensualités au niveau de l’inflation a agit efficacement dans le contexte de remontée des taux en 2007 avec des emprunteurs qui peuvent faire face à leurs échéances.

En revanche, le cadre réglementaire des PC ne propose pas un cap de taux opérant. Le seuil de 300 points de base ne constitue qu’une protection contre des cas limites qui s’est avérée inopérante en 2007, la variation des taux s’étant faite à hauteur de 250 points de base. Le coût de ce « cap » est d’ailleurs quasi-nul pour la fixation du taux initial. Or, un consensus existe pour dire que seul un « cap » de taux relativement bas constitue une protection efficace et claire face à l’évolution des taux. Elle garantit un coût global du prêt maîtrisé, tout en bénéficiant d’un taux initial plus faible et/ou de perspectives de baisse des taux sur la vie du prêt. Les établissements ne peuvent toutefois pas toujours le proposer à un coût acceptable pour le demandeur et la hausse des mensualités qui résulte d’une hausse même capée n’est pas toujours supportable pour l’emprunteur.

b) Les caractéristiques du prêt à taux maîtrisable : maîtriser la mensualité ou maîtriser le coût

Votre Rapporteur considère que l’institution d’une disposition législative rendant obligatoire la proposition d’un prêt à taux maîtrisable n’est pas nécessairement souhaitable, dès lors que la proposition de ces formules de prêts interviendrait à un stade précontractuel qui n’existe pas dans la loi aujourd’hui. La réglementation des offres de prêt, qui engagent les seuls établissements pendant trente jours, constitue une contrainte nécessaire et semble-t-il suffisante en matière de responsabilité juridique. Deux options sont donc ouvertes qui devront être analysées par la profession pour déterminer celle qui présente le moins de difficultés de gestion :

– soit la formalisation dans un cadre harmonisé des propositions de prêts à taux maîtrisable et des autres prêts, dans les conditions présentées précédemment (simulations et conditions financières),

– soit une formalisation reportée au stade de l’offre de prêt par la fourniture de plusieurs offres, ce qui paraît plus contraignant.

De plus, chaque formule sécurisée comporte des limites et seule une combinaison de sécurités en phase avec la situation de l’emprunteur peut apporter une réponse adaptée et durable. Légiférer constitue donc non seulement un exercice difficile mais aussi potentiellement contre-productif. L’objectif est toutefois bien celui d’une application effective de la recommandation.

Proposition n° 10 – Proposer systématiquement en alternative une formule de « prêt à taux maîtrisable » consistant, soit en un prêt avec un cap de taux, soit en un prêt avec une limite à l’évolution des mensualités

Le présent rapport recommande la proposition systématique d’une formule de « prêt à taux maîtrisable » qui garantisse une protection des emprunteurs face au risque de taux tout en bénéficiant de la souplesse du prêt à taux révisable, à un coût de départ qui devrait être intermédiaire entre taux fixe et taux variable. Dans le cas où la conjoncture ne permettrait pas de proposer une des formules de prêt à taux maîtrisable, il pourrait être envisagé que l’établissement propose en lieu et place une formule de prêt à taux fixe. Cette possibilité doit toutefois demeurer d’utilisation résiduelle. L’objectif n’est en effet pas d’instituer une obligation de proposer un prêt à taux fixe qui servirait de repoussoir au bénéfice de formules de prêts à taux variable très flexibles et à taux initial bas. Cette pratique est déjà constatée avec les prêts conventionnés pour lesquels les établissements doivent proposer les deux types de prêts (taux variable et taux fixe).

Il revient à la concertation professionnelle de déterminer les caractéristiques précises des prêts à taux maîtrisable, notamment le niveau des plafonnements et les modalités de présentation par les établissements de ces formules aux demandeurs. En outre, ces derniers doivent conserver toute possibilité de s’approprier le prêt à taux maîtrisable compte tenu de leurs modes de fonctionnement actuels et des diverses solutions de sécurisation / modulation qu’ils entendent proposer dans ce cadre. Leur collaboration est indispensable pour le succès de ces formules qui, encore une fois, ne doivent pas servir de repoussoir par fixation d’un taux plus élevé que nécessaire afin d’inciter à la souscription de formules moins sécurisées. En proposant deux variantes, votre Rapporteur espère éviter l’écueil rencontré en Espagne, où il est fait obligation de proposer une assurance couvrant le risque de variation supérieure à une limite de taux (loi n° 36/2003 du 11 novembre 2003), mais qui n’est en pratique jamais souscrite car soit inefficace soit proposée à un coût très élevé.

Les prêts à taux maîtrisable devront répondre à l’un ou l’autre des schémas suivants, qui sont chacun très courants dans l’offre de prêt actuelle et correspondent à deux approches de la maîtrise du taux.

● Le prêt à taux maîtrisable « taux » : cette formule est la première à venir à l’esprit lorsqu’on parle de prêt capé ou plafonné. Elle est simple et totalement sûre. Elle présente l’avantage de maîtriser le coût du prêt sur toute sa durée, puisque le taux du prêt par application de la formule de révision (indice + marge) ne peut pas dépasser un taux fixé à l’avance (taux initial + cap). La suppression du taux d’appel garantira la juste compréhension de ce mécanisme.

Cette variante appelle a priori, compte tenu de ce qui a été indiqué plus haut, quelques précisions. D’une part, il convient de rappeler que le coût d’un tel cap sur toute la durée du prêt peut être très élevé, en fonction du marché du cap. De plus, l’évolution de ce marché n’est pas prévisible. C’est pourquoi l’existence de cap de taux sur des prêts très longs est difficile. Or, un cap de taux n’assure la protection de la solvabilité de l’emprunteur et du taux d’effort qu’il peut assumer que si le cap est faible (cap à + 1 ou + 1,5). La proposition d’un cap à + 3 conduit en effet à des hausses de mensualités importantes.

Pour résumer, cette formule garantit une prévisibilité de l’évolution du prêt qui est demandée par nombre d’emprunteurs et un coût final calculable. Mais elle peut, selon le cap de taux appliqué, fonction notamment du marché des caps, se traduire par une marge élevée et/ou un cap impliquant des hausses de mensualités significatives. Il conviendrait que le taux maximal du cap autorisé dans le cadre du prêt à taux maîtrisable soit fixé par la profession, à + 1, + 1,5 ou encore + 2 en fonction de ces éléments mais certainement pas au-delà. Des recommandations périodiques pourraient aussi être émises sur le niveau du cap en fonction de la situation du marché.

● Le prêt à taux maîtrisable « mensualités » : le principe de cette formule est de garantir une stabilité ou quasi-stabilité des mensualités des emprunteurs en répercutant les variations des taux sur la durée du prêt. Ce n’est qu’une fois la limite maximale d’allongement atteinte que la mensualité peut éventuellement être affectée et dans une proportion réduite. Cette variante, surnommée « option accordéon » en Belgique, permet aux emprunteurs, notamment ceux qui dès le début sont proches de la limite de leurs capacités de remboursement, de supporter les chocs de taux, le coût mensuel de leur prêt leur étant insensible. Une baisse des taux vient à l’inverse réduire la durée. Ce mécanisme a montré son efficacité ces derniers mois, sauf dans le cas où l’augmentation des mensualités après allongement au maximum de la durée du prêt était insuffisamment limitée.

L’équilibre économique du prêt peut cependant en être complètement bouleversé. D’une part, l’allongement de durée, si les taux se maintiennent à un niveau supérieur à ceux initialement en vigueur, se traduit à terme par un coût global du prêt sensiblement supérieur. Sur des prêts à long terme, le coût peut littéralement exploser. D’autre part, si le montant des mensualités est stable, leur décomposition entre intérêts et amortissement de capital est transformé, ce qui implique un ralentissement substantiel du remboursement du capital emprunté. À l’extrême, les emprunteurs peuvent se retrouver en situation d’amortissement négatif. Des cas de figure de cette nature ont été relevés l’année dernière. Lorsque la hausse des taux intervient en début de prêt, après quelques années, l’emprunteur n’a quasiment rien remboursé. Les effets des révisions à la hausse successives portent alors sur un capital restant dû croissant et entraînent l’emprunteur dans une impasse. De plus, ce risque d’amortissement négatif est particulièrement accentué lorsque ce prêt à taux révisable est combiné avec un lissage.

Pour résumer, cette formule garantit la constance du taux d’effort consenti en jouant sur la durée du prêt, mais présente des risques d’augmentation du coût du prêt et de ralentissement de l’amortissement du capital. Il conviendrait donc, pour les prêts à taux maîtrisable avec plafonnement des mensualités, que la profession :

– fixe un pourcentage maximal d’allongement de la durée,

– limite strictement toute évolution des mensualités, si elle était autorisée, par un faible pourcentage ou une référence à un indice pertinent (du type indice des prix),

– interdise pour ces formules la possibilité d’un amortissement négatif sur l’ensemble du projet immobilier : le capital restant dû au titre de l’ensemble des prêts composant le projet au paiement d’une échéance ne doit pouvoir excéder celui qui restait dû au paiement de l’échéance précédente.

Proposition n° 11 – Définir les limites maximales des variables des prêts à taux maîtrisable (taux ou durée et mensualités) et proscrire toute possibilité d’amortissement négatif, appréciée au niveau de l’ensemble du projet immobilier lorsqu’il se compose de plusieurs prêts accordés par l’établissement

Enfin, il serait utile que lors de la présentation d’un prêt à taux maîtrisable, l’emprunteur soit informé de l’existence d’une proposition systématique d’un tel prêt et des caractéristiques des deux variantes. Cette information lui permettrait de comprendre les avantages et inconvénients de chacune des formules et, le cas échéant, de s’adresser à un autre établissement si la variante proposée dans celui qu’il sollicite ne lui correspond pas. Les caractéristiques données devront faire figurer la différence « conceptuelle » entre une maîtrise du montant de ses mensualités (solvabilité et taux d’effort) et un plafonnement du prêt (coût maximum sur la durée du prêt, vitesse d’amortissement).

Les établissements pourraient alors avancer les modalités de fonctionnement de leurs propres formules pour nuancer les inconvénients de la variante dont ils relèvent (lissage, modulation, limitation de l’allongement de la durée, période initiale fixe de plusieurs années, absence de pénalités pour modulation des échéances, etc.).

Proposition n° 12 – Informer les emprunteurs de l’obligation qui serait faite de leur proposer un prêt à taux maîtrisable, ainsi que des deux variantes existantes

c) Quelques pistes de réflexion complémentaires : maîtriser le risque en début de période et développer les assurances optionnelles

Votre Rapporteur a eu connaissance de pratiques tout à fait intéressantes, qui vont dans le sens d’une plus grande souplesse au bénéfice de l’emprunteur et qui méritent d’être soulignées. Ces pratiques pourraient utilement compléter, aussi bien les prêts à taux maîtrisable que les prêts à taux variable. Elles consistent à permettre de mieux gérer son taux d’effort, qu’il soit affecté par une variation des taux (approche taux d’effort) ou par une modification de la situation personnelle de l’emprunteur (approche reste à vivre). Pour l’essentiel, les facilités mises en œuvre et les réflexions en cours portent sur la période de début de prêt qui concentre l’exposition au risque. Plus généralement, il faut encourager pour ces formules de prêts à taux maîtrisable les facilités diverses, particulièrement en début de prêt, au-delà du seul plafonnement.

● Le passage provisoire à taux fixe : il permet à l’emprunteur de maintenir son pouvoir d’achat et de bénéficier à l’issue de la période des baisses futures de taux, sans le priver du bénéfice de reports ou modulation d’échéances ;

● Le développement de prêts comportant une période initiale de taux fixe de trois, cinq ans voire dix ans reportant le risque de taux après la période critique du prêt : comme indiqué précédemment, ces formules se sont beaucoup développées en Europe alors qu’elles demeurent très marginales dans l’offre de prêt en France. Dans certains pays où le prêt à taux variable est dominant, les établissements de crédit envisagent de promouvoir les prêts ainsi configurés dans le contexte d’incertitude actuel. Tel est notamment le cas en Espagne et tel fut le cas au Royaume-Uni à une période récente ;

● Les formules de prêts mixtes (hors prêts combinés avec des prêts aidés qui sont mixtes par nature), se décomposant en une partie à taux fixe et une partie à taux variable : ces formules peuvent, en période d’écart intéressant entre taux fixe et taux variable, permettre de limiter encore plus l’exposition en risque, sous réserve de respecter les recommandations afférentes à la lisibilité des contrats. À cet égard, il semble à votre Rapporteur que la notion de taux fixe ne devrait jamais être utilisée pour qualifier la marge des établissements qui, ajoutée à l’indice de référence, détermine le taux applicable au prêt. De même, un prêt ne devrait pas être qualifié de prêt à taux fixe lorsque, même si c’est après une période longue (dix ans par exemple) le taux est soumis à révision ;

● Les assurances garantie-revente après accidents de la vie (50) : L’assurance garantie-revente est une assurance optionnelle privée, destinée à couvrir l’emprunteur contre le risque de moins-value à la revente de son logement, lorsque cette revente est consécutive à des événements précis (« accidents de la vie » notamment les divorces). Cette assurance trouve à s’appliquer au cours des premières années du contrat, toujours pour prendre en compte le caractère critique de cette période. C’est en effet en cas de revente en début de prêt, lorsque le capital a été peu amorti, que l’emprunteur peut se retrouver en situation difficile, du fait des coûts d’entrée (droits de mutation et emménagement notamment), ou des conditions de la vente. Ces assurances apportent une garantie intéressante en période de stabilisation des prix du marché, leur évolution ne permettant aujourd’hui plus de couvrir à la revente les frais occasionnés par l’acquisition. Leur calcul se fonde généralement sur le prix d’acquisition complet. Leur équilibre économique est assuré par un plafonnement des sommes restituées à l’emprunteur, plafonnement en pourcentage du prix de revient initial et en valeur absolue.

● La garantie contre les retournements de conjoncture ? Votre Rapporteur s’est interrogé sur la possibilité de garantir à l’ensemble des emprunteurs qui le souhaiteraient une couverture en cas de retournement improbable de conjoncture. Un des établissements rencontrés a proposé de réfléchir à des mécanismes définissant le retournement de conjoncture comme un écart significatif entre l’inflation et les taux d’intérêt. En effet, la première influe sur les ressources et les seconds sur les charges, altérant significativement la structure du taux d’effort et du reste à vivre. Votre Rapporteur souhaite que la réflexion puisse se poursuivre sur ce type d’assurance.

Il a renoncé pour l’heure à proposer un tel mécanisme, d’une part parce que la notion de retournement de conjoncture est malaisée et que les garanties liées à la situation individuelle permettent d’englober plus efficacement l’ensemble des difficultés. D’autre part, l’équilibre économique d’un tel système semble très improbable et le risque d’aléa moral élevé. En cas de retournement de conjoncture, ce sont l’ensemble des emprunteurs qui deviennent en effet éligibles. La solvabilité d’un fonds mutualisé ou privé, peu importe la forme, ne serait pas assurée, sauf à tarifer à un coût non négligeable cette « garantie retournement de conjoncture », ce qui reviendrait à disposer d’un système aussi inefficace qu’en Espagne, où l’assurance contre la hausse des taux, systématiquement proposée, n’est quasiment jamais souscrite du fait de son coût. Dans l’esprit de votre Rapporteur, un tel système ne devait impliquer que des cotisations faibles des emprunteurs.

Par conséquent, le prêt à taux maîtrisable semble pouvoir apporter une réponse plus appropriée et peut-être même plus lisible en termes de sécurité aux emprunteurs qui souhaiteraient s’assurer contre les aléas conjoncturels ou d’ordre privés. Le développement de compléments assurantiels bien calibrés, donc à coût raisonnable, et la multiplication des clauses de flexibilité constituent autant de soupapes supplémentaires pour que les ménages contractent des emprunts qui correspondent à leurs besoins et leur profil. Les établissements français font à cet égard, par rapport à leurs homologues européens, preuve d’innovation et d’adaptation au service de la protection des emprunteurs, les établissements et sociétés financières spécialisés jouant dans le paysage du prêt un rôle stimulant.

C.– L’ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ : UNE PROBLÉMATIQUE SPÉCIFIQUE QUI APPELLE DES CONDITIONS PARTICULIÈRES DE PRÊT

Votre Rapporteur souhaite prolonger la réflexion sur les contours de l’offre de prêts à taux variable en la replaçant dans la perspective d’un élargissement de l’offre de crédit en général. Les développements précédents ont permis de mettre en lumière la nécessité de conforter les prêts à taux variable dans le paysage du crédit à l’habitat, notamment parce qu’ils permettent à des ménages de se voir proposer un prêt là où les conditions du taux fixe éprouvent leurs limites. La proportion importante de prêts à taux variable parmi les prêts conventionnés est à cet égard éclairante. Ces possibilités doivent être approfondies et doivent l’être en ayant conscience du profil plus fragile de ces emprunteurs que l’État souhaite aider dans leur désir d’accéder à la propriété. Cela implique de garantir que les sécurités qui encadrent ces prêts et leur diffusion soient efficientes.

Une telle assertion paraît anachronique dans le contexte de la crise des subprimes mais il convient d’anticiper le moment où celle-ci sera passée pour poser dès à présent les conditions du développement et l’encadrement des modalités de l’offre des prêts à taux variable au regard de cet objectif de société que constitue l’accession à la propriété. Votre Rapporteur laissera donc de côté, dans cette dernière partie du rapport, les autres profils d’emprunteurs que les primo-accédants, qui peuvent trouver dans les prêts à taux variable ou les prêts à taux maîtrisable qui leur seraient systématiquement proposés, les conditions qui leur conviennent.

1.– L’accession à la propriété : un objectif de société

a) Le faible taux de propriétaire et les instruments pour lutter contre l’exclusion des plus modestes

Le Gouvernement et la majorité font de l’accession à la propriété un objectif central de leur politique en fixant un objectif de 70 % de propriétaires. Dans la convention logement de l’UMP rendue publique le 14 septembre 2006, parmi les 14 mesures proposées, figuraient en tête,  pour encourager l’accession à la propriété :

– renforcer l’accession populaire à la propriété par la création d’un prêt foncier à taux zéro permettant de ne payer le terrain qu’après avoir achevé le remboursement du bâti, ce qui a été réalisé avec la création du Pass foncier ;

– généraliser le crédit hypothécaire, afin de permettre l’accès de tous au crédit immobilier (51).

Aujourd’hui, seulement 56,7 % des Français sont propriétaires de leur logement, soit un niveau légèrement inférieur à la moyenne européenne. Ce chiffre n’est pas symptomatique d’une crise du logement, dès lors que des efforts substantiels ont été déployés en faveur du secteur locatif. Si les Espagnols sont propriétaires à plus de 85 %, ils ne disposent pas d’un parc locatif suffisant et nombre de jeunes ménages vivent chez leurs parents. Tandis que l’on observe avec une certaine fascination le développement économique de l’Espagne et que l’on envie son taux de propriétaires, les Espagnols font du développement de l’offre locative un axe prioritaire et étudient avec un fort intérêt le marché français et les dispositifs d’incitation qui ont été progressivement mis en place. Le faible taux de propriétaires doit donc être appréhendé au regard de l’ensemble du secteur du logement.

Il n’en demeure pas moins que les Français souhaitent en grande majorité accéder à la propriété et qu’il convient d’encourager et soutenir ce mouvement. Près de neuf Français sur dix souhaitent devenir propriétaires. Ce désir d’accès des ménages à la propriété se heurte à la diminution de leur capacité de financement depuis plusieurs années, que plusieurs mesures volontaristes ont tenté de maintenir à un niveau acceptable. Il se heurte aussi à la concentration de l’offre de prêt en direction d’une proportion de plus en plus réduite de ménages. Le taux de refus n’est pas une variable opérante, dès lors que les demandeurs sont dissuadés dans leur démarche et abandonnent leur projet avant d’avoir demandé une offre de prêt. Cependant, le fait que la proportion de ménages endettés est inférieure à ce qu’elle était il y a dix ans est suffisamment éclairant. Il ne peut y avoir une France de propriétaires si l’accession exclut les ménages modestes.

Une étude du CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) du 10 décembre 2007, présentée au colloque « Classes moyennes et politiques publiques » organisé par le Centre d’analyse stratégique, met en lumière le poids du logement dans les inégalités des Français à l’égard du patrimoine et l’aggravation de celles-ci. Alors que 70 % des ménages à hauts revenus sont propriétaires de leur logement, ce pourcentage tombe à 46 % pour les classes moyennes et 33 % pour les ménages disposant de revenus modestes. En 1980, les taux pour ces trois catégories s’établissaient respectivement à 51 %, 45 % et 46 %. Parmi les deux dernières catégories de ménages, ils sont respectivement 48 % et 55 % à considérer que les dépenses de logement pèsent de plus en plus lourd dans leur budget (26 % pour les ménages à hauts revenus). Dans la livraison 2007 des enquêtes « Budget de la famille » de l’INSEE, il apparaît que les 20 % de ménages les plus pauvres consacrent au logement 24,8 % de leur budget (10,8 % des dépenses pour les 20 % de ménages les plus riches) et ont vu cette proportion quasiment doubler au cours des trente dernières années. Si la réponse à ce coût du logement réside aussi dans l’amélioration des conditions de la location, l’accès à la propriété ne doit pas être négligé.

Ces chiffres sont confirmés par la répartition des ménages ayant accédé à la propriété en 2006 donnée par l’Observatoire de financement du logement : 17,2 % des accédants ont un revenu inférieur à 2 SMIC, contre 31,2 % disposant de revenus excédant 4 SMIC.

Le revenu du ménage

Neuf

Ancien

Ensemble

Revenu moyen (en K€)

41,9

45,7

44,5

Structure selon le revenu (en %)

     

Moins de 2 SMIC

15,0

18,3

17,2

2 à 3 SMIC

32,1

24,8

27,1

3 à 4 SMIC

27,7

23,0

24,5

4 SMIC et plus

25,2

33,9

31,2

Source : CSA (OFL 2007)

Outre le prêt à taux zéro qui, même si ses plafonds couvrent 85 % de la population, a joué un rôle de facilitation de l’accès à la propriété en direction des plus modestes, plusieurs dispositifs ont été mis en place pour favoriser l’accession sociale à la propriété. On peut ainsi brièvement évoquer :

– les prêts conventionnés dont le prêt à l’accession sociale (PAS), qui est accordé à des personnes dont les ressources sont inférieures à certains plafonds et pour lequel l’État apporte sa garantie. Ces prêts sont présentés ci-après ;

– le prêt social de location-accession (PSLA), mis en place en 2004, qui s’adresse à des ménages bénéficiant de ressources modestes ne disposant pas d’apport personnel pour acquérir le logement qu’ils occupent en tant que locataires. Le logement est d’abord financé, comme dans le cas d’une opération locative classique, par un opérateur HLM. Le ménage a ensuite la possibilité d’opter pour le statut d’accédant à la propriété ;

– les subventions accordées par l’ANRU à des opérations d’accession à la propriété menées par des personnes morales qui réalisent des logements pour les céder à des personnes physiques qui s’engagent à les occuper à titre de résidence principale pendant au moins trois ans. La subvention de l’Agence doit être répercutée sur le prix de vente par rapport au prix de revient de l’opération. Elle s’établit à un maximum de 10 000 euros par logement, mais peut être portée à 15 000 euros dans le cas d’un profil d’accédants particulièrement modestes ;

– les aides des collectivités locales qui prennent la forme de subventions ou de prêts à taux réduit et peuvent venir majorer le prêt à taux zéro ;

– les aides fiscales diverses telles que l’application d’un taux réduit de TVA à 5,5 % pour les accessions sociales à la propriété dans les quartiers de rénovation urbaine.

Les pouvoirs publics font aussi preuve de volontarisme en développant des projets appuyés sur ces divers dispositifs, au premier rang desquels la « maison à 100 000 euros » et « à 15 euros par jour » (52).

L’ensemble de ces mesures a pour effet vertueux de faciliter l’accession sociale à la propriété de façon ciblée, sans donner directement du pouvoir d’achat aux acquéreurs, donc en limitant les effets pervers de soutien à l’augmentation des prix qui en annihilerait le bénéfice. Il s’agit en effet de jouer sur l’offre de logement et sur l’offre de prêt plus que sur la demande.

b) Isoler une filière spécifique de l’accession sociale

Comme le résume Bernard Vorms dans une étude d’octobre 2007 pour l’ANIL : « C’est une chose de s’assurer que les prêts que l’on propose aux accédants ne présentent pas de risque intrinsèque, c’en est une autre de ne prêter qu’aux clients les plus sûrs » (53). Le développement de l’accession sociale à la propriété implique un accès au crédit d’emprunteurs prêts à consentir un effort important mais ne disposant que de ressources modestes et généralement de peu ou pas d’apport. Ces foyers sont modestes, soit du fait de leur jeune âge, soit du fait de leur catégorie socio-professionnelle, soit encore de leur situation familiale (personnes élevant seules leurs enfants par exemple).

S’agissant de la réflexion conduite dans ce rapport sur les prêts à taux variable, l’objectif poursuivi est de concilier le risque pris par l’emprunteur dans le choix d’acquérir un logement, qui se manifeste notamment par un risque de taux, et une protection de l’emprunteur adaptée à son profil. Pour les personnes à revenus modestes ou irréguliers, si l’on souhaite favoriser l’accession du plus grand nombre à la propriété, on ne peut s’exonérer de l’existence d’une filière spécifique de l’accession sociale à la propriété, impliquant des garanties spécifiques pour les emprunteurs. On ne peut s’en exonérer pour deux raisons : d’une part, parce que l’encouragement à l’accession sans en maîtriser la mise en œuvre auprès de populations par définition plus exposées relèverait d’une forme de schizophrénie du discours ; d’autre part, parce que l’on ne peut faire reposer sur les établissements de crédit l’entière responsabilité d’une offre jugée souvent insuffisante ou inadaptée pour ces populations.

Dans le contexte actuel, cette assertion est plus exacte encore. Dès lors que les emprunts doivent se dérouler sur une longue période, avec des conditions de refinancement plus difficiles, sous contrainte de respect du devoir de mise en garde, il est un risque de renforcement de l’exclusion des ménages modestes de l’accès au crédit parce que les établissements manifestent une réticence accrue à accepter ces dossiers. En outre, on ne peut imaginer des formules de prêts à taux non encadrés pour ces personnes, alors même qu’on institue l’obligation de proposer à tous des prêts à taux maîtrisable, ce qui nécessairement, combiné au risque-profil, renchérit le niveau du taux, même variable.

Il est donc indispensable dès à présent de définir les contours de cette filière sécurisée d’accession sociale. Encore une fois, votre Rapporteur souhaite écarter toute confusion avec le segment subprime américain, puisqu’aux États-Unis même ce segment s’est développé en marge du cadre normalisé des prêts sociaux assurés par la FHA et de celui des programmes sociaux gérés par les grandes agences de titrisation. La FHA, qui garantit les porteurs de créances contre la défaillance des emprunteurs, définit de façon très stricte les prêts qu’elle assure, excluant les prêts toxiques, notamment la pratique des taux d’appel (formules 2-28 présentées supra et assimilées), de même qu’elle définit précisément les conditions de commercialisation, les modalités de conseil obligatoire et le traitement des impayés. Il ne s’agit donc pas de revenir sur le degré de protection des emprunteurs mais au contraire d’offrir une forme de prêt particulière et sécurisée pour ces populations spécifiques.

2.– La garantie apportée par l’État au travers du Fonds de garantie à l’accession sociale

Une filière spécifique de l’accession sociale existe en France et prend la forme des prêts conventionnés, soumis à une réglementation particulière précédemment présentée et du Fonds de garantie à l’accession sociale (FGAS). Ce fonds n’a pas encore fait la preuve de son efficacité en cas d’échec du prêt, les prix du marché ayant joué le rôle de garantie pour les emprunteurs sans que le FGAS ait à intervenir. En revanche, il prévoit des mécanismes de prise en charge des difficultés des emprunteurs jusqu’à l’éventuelle garantie des pertes pour les établissements et il serait malheureux de ne pas accorder à cet outil sa pleine mesure. Son rôle est en effet appelé à se renforcer dans un contexte de resserrement du marché monétaire et de prix élevé. Le FGAS apporte sa garantie à deux types de prêts : les prêts à l’accession sociale (PAS) et les prêts à taux zéro obtenus par les emprunteurs sous plafond de revenus PAS. Les difficultés actuelles du marché du crédit constituent une opportunité de renforcer ces prêts.

a) Le fonctionnement du FGAS : inciter les prêteurs à élargir leur population d’emprunteurs avec une garantie de l’État en cas de réalisation du risque

L’objectif du FGAS est de faciliter l’accès au crédit en prenant en charge une partie du risque supporté par les établissements de crédit. L’élargissement du crédit à l’habitat passe en effet par une orientation de l’activité des prêteurs en direction de ces demandeurs et par une sécurisation des créances. La France n’est plus un système dans lequel les prêts sont définis et bonifiés par l’État lui-même. Les prêts sont accordés par des établissements privés, soumis à la concurrence. Mais lorsque l’État fixe un objectif d’accession sociale à la propriété, il intervient au travers du mécanisme du FGAS comme garant en cas de défaillances. À défaut, les établissements limiteraient le risque pris, surtout si le respect de leur devoir de mise en garde peut être contesté.

La garantie du FGAS est donc une garantie de l’État avec participation financière des établissements prêteurs (articles L 312–1, R 312–3–1 à R 312–3–3 du Code de la construction et de l’habitation), obligatoire pour tous les PAS, intervenant en cas de difficulté financière de l’emprunteur, pour couvrir la perte du prêteur liée soit à des mesures préventives à un contentieux (plan d’apurement des impayés) soit à des mesures consécutives à un contentieux (vente du logement à perte). Pour qu'une perte soit indemnisée par le FGAS, deux conditions doivent être réunies : d'une part, l'inscription du prêt au FICP, d'autre part, la justification par l'établissement de crédit d'un des événements décrits dans la convention (plan conventionnel de redressement, décision de justice exécutoire, procédure collective, vente amiable ou judiciaire, créances réputées irrécouvrables). Toutefois, il peut indemniser des pertes, même lorsqu'il n'y a pas encore d'inscription au FICP, pour les emprunteurs justifiant d'une situation durablement compromise.

Un sinistre est indemnisable par le FGAS quand le produit de la vente du gage est insuffisant pour rembourser le prêt. Pour les prêts émis à compter du 1er janvier 2007, les paramètres de sinistralité sont les suivants :

– pour une sinistralité inférieure à 0,26 % en actuariel (chaque année de la vie du prêt, en proportion de l’encours à la fin de l’année précédente), 50 % du coût du sinistre pèse sur l’établissement,

– entre 0,26 et 0,78 %, le coût du sinistre lui échoit intégralement,

– au-delà de 0,78 %, l’État seul le supporte.

La définition très large du sinistre indemnisable permet, grâce à cette garantie, d'intervenir non seulement dans les cas classiques de contentieux débouchant sur une vente (prise en charge des « sinistres définitifs »), mais également en amont des phases contentieuses pour l'emprunteur de bonne foi qui se trouve, pour une raison particulière (chômage, divorce, maladie...), dans l'impossibilité de faire face à ses échéances (prise en charge des « sinistres provisoires »).

Aux termes de l’article L. 312–1 du code de la construction et de l’habitation, la garantie est gérée par la Société de gestion du fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS). La SGFGAS est une société anonyme dont les statuts ont été approuvés par décret ; deux commissaires du gouvernement (un représentant du ministre chargé des finances et un représentant du ministre chargé du logement) assistent au conseil d’administration et disposent chacun d’un droit de veto sur les décisions affectant l’engagement financier de l’État.

Techniquement, la garantie reposait jusqu’en 2005 sur le FIAS qui était alimenté par une cotisation initiale de l’État, et par une cotisation initiale et une cotisation annuelle des établissements de crédit. Ces sommes, versées a priori, étaient placées sur le fonds et servaient à indemniser les sinistres. Dans le cadre de la loi de finances pour 2006, le dispositif de garantie a été maintenu dans une forme tout aussi efficace mais en évitant d’immobiliser des fonds. Cette réforme a été menée de façon à éviter toute interruption dans la garantie des prêts. En ce qui concerne les prêts émis jusqu’en 2006 inclus, la garantie est désormais intégralement assurée par l’État, qui a reçu, en contrepartie, la totalité des disponibilités présentes sur le FGAS à la fin de l’année 2005. Pour les prêts émis à compter de 2007, le versement a priori d’une cotisation à un fonds est remplacé par un engagement sur signature : l’État et les établissements de crédit versent l’indemnisation à leur charge uniquement au moment de la survenue d’un sinistre. Ce changement de mécanisme est imperceptible pour les emprunteurs qui bénéficient toujours, sous conditions de ressources, d’une garantie de l’État facilitant leur accès au crédit immobilier.

Au 16 juin 2007, 850 sinistres ont été déclarés à la SGFGAS, lesquels portent sur 1 372 prêts. Dans 58,1 % des cas (494 dossiers) l'opération combine un PAS et un prêt à 0 %. Sur ces 850 sinistres, 841 ont été traités : 768 ont été pris en charge, 17 ont été refusés et 56 ont été annulés à l’initiative de l’établissement de crédit ou de la SGFGAS. Les 768 sinistres pris en charge représentent un montant total indemnisé de 9,808 millions d’euros, soit un montant de perte indemnisée moyen de 12 800 euros.

Ce taux de sinistralité très faible s’explique par le contexte de hausse des prix qui limite les cas dans lesquels le produit de la vente ne suffit pas à couvrir le montant du capital restant dû.

b) Les prêts à l’accession sociale et les PTZ garantis (54)

Le FGAS apporte sa garantie aux prêts à l’accession sociale (PAS), qui appartiennent à la catégorie des prêts conventionnés (PC) ouvrant droit à l’aide personnalisée au logement, et aux prêts à taux zéro accordés à des personnes disposant de revenus entrant dans les plafonds fixés pour le bénéfice des PAS (article L. 312-1 du code de la construction et de l’habitation).

La répartition des PAS entre les établissements conventionnés est la suivante en 2006 :

PARTS DE MARCHÉ (EN MONTANTS) DES GROUPES POUR LES PAS

Source : SGFGAS

Les PAS, comme tous les prêts conventionnés, sont soumis à des conditions particulières relatives :

– à la nature des opérations éligibles (acquisition et/ou améliorations concernant la résidence principale) et les normes à respecter par les logements financés ;

– aux conditions de distribution des prêts par les établissements de crédit ;

– aux bénéficiaires ;

– aux caractéristiques financières des prêts, déjà présentées supra.

Ces conditions ont été modifiées par la réforme du 4 octobre 2001 précitée, qui a fait l’objet d’une extension aux départements d’Outre-mer par décret et arrêté du 25 août 2003.

LES CONDITIONS NON FINANCIÈRES DES PRÊTS CONVENTIONNÉS

Les caractéristiques des logements

Initialement, les PC (y compris les PAS) étaient les seuls produits financiers d’accession auxquels s’imposaient encore des normes d’habitabilité propres. Les textes adoptés en 2001 ont supprimé ces contraintes spécifiques dans le neuf, prenant acte de l’évolution des normes de qualité de droit commun. Dans l’ancien, une réglementation propre demeure mais les règles nouvelles permettent une harmonisation avec les contraintes liées, d’une part, à l’attribution des aides personnelles au logement et, d’autre part, au logement décent. Les logements de plus de vingt ans acquis à l’aide d’un prêt conventionné doivent en outre faire l’objet d’un état des lieux réalisé par un professionnel indépendant. Le décret n°2005-69 du 31 janvier 2005 définissant les caractéristiques du nouveau prêt à 0% a modernisé les normes d’habitabilité applicables aux logements anciens acquis à l’aide de prêts conventionnés.

Les caractéristiques des prêts

Les caractéristiques des prêts ont été revues de façon à mieux répondre à la demande des emprunteurs :

– les prix plafonds ont été supprimés, la régulation par le marché paraissant suffisante pour des prêts qui ne comprennent pas d’aide directe de l’État ;

– l’intégralité de l’opération peut désormais être financée par un prêt conventionné ;

– les paramètres des prêts, tels que les délais de réalisation des travaux, la nature des ressources prises en compte (revenu fiscal de référence au lieu du revenu imposable) et la délimitation des zones géographiques ont été alignés sur ceux du prêt à 0 %, de façon à encourager la diffusion conjointe des deux produits.

Par rapport aux prêts conventionnés, d’une part, les taux plafonds applicables sont plus bas de 0,60 point, d’autre part, les frais de dossier pour l’ouverture du prêt sont limités à 500 euros. Une prise de sûreté réelle de premier rang (hypothèque ou privilège) est obligatoire dès lors que le montant du PAS est supérieur à 15 000 euros ; l'inscription hypothécaire est exonérée de taxe de publicité foncière.

LES TAUX D’INTÉRÊT PLAFOND DES PC ET PAS

En application de l’article R. 331–74 du code de la construction et de l’habitation (CCH), le taux d’intérêt des prêts conventionnés (PC) ne peut excéder un taux maximum égal à l’addition d’un taux de référence, publié par la Société de gestion du fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS), et d’une marge des établissements de crédit. Les modalités de détermination et de révision du taux de référence et le niveau de la marge sont définis par arrêté du ministre chargé des finances. Elles n’ont pas été modifiées par la réforme intervenue en octobre 2001.

Le taux de référence est égal à la moyenne des trois derniers TME (taux moyen mensuel de rendement des emprunts d’État) publiés par la Caisse des dépôts et consignations. Chaque mois, la SGFGAS calcule l’écart entre ce taux de référence et le dernier taux publié. Un nouveau taux de référence est publié chaque fois que cet écart est strictement supérieur à 0,25% en valeur absolue. Le dernier taux de référence atteint 3,95 % pour la période débutant le 1er juillet 2006.

La marge est égale :

– pour les prêts à taux fixe, à 2,30 points, 2,50 points, 2,65 points ou 2,75 points selon la durée du prêt (inférieure ou égale à 12 ans, 15 ans, 20 ans, supérieure à 20 ans) ;

– pour les prêts à taux révisable, à 2,30 points quelle que soit la durée du prêt.

Pour les PAS, la marge est de 0,60 point inférieure à celle des PC (à taux fixe ou variable).

Les taux plafonds des PC applicables sont les suivants :

1/ Prêts à taux fixe

Taux plafonds PC<12 ans

Taux plafonds PC<15 ans

Taux plafonds PC< 20 ans

Taux plafonds PC>20 ans

Taux plafonds PAS<12 ans

Taux plafonds PAS<15 ans

Taux plafonds PAS<20 ans

Taux

plafonds

PAS>20 ans

6,25 %

6,45 %

6,60 %

6,70 %

5,65 %

5,85 %

6,00 %

6,10 %

Source : SGFGAS

2/ Prêts à taux révisable

Taux plafonds des PC

Taux plafonds des PAS

6,25 %

5,65 %

Source : SGFGAS

Le prêt à l’accession sociale (PAS), qui finance les mêmes opérations que le PC classique à l’exception des investissements locatifs, est réservé à des ménages dont les revenus ne dépassent pas des plafonds de ressources en application du décret du 18 mars 1993. L’arrêté du 4 octobre 2001, modifié en dernier lieu par l’arrêté du 27 mars 2007, fixe ces plafonds, qui ne bénéficient pas d’une actualisation automatique (55), conformément au tableau ci-dessous :

(en euros)

Nombre de personnes composant le ménage

Zone A

Zones B et C

1

19 005

15 183

2

27 895

22 205

3

33 500

26 705

4

39 118

31 199

5

44 751

35 713

Par personne supplémentaire

5 623

4 498

Depuis le 1er janvier 2006, ces plafonds de ressources sont définis en fonction du zonage utilisé pour le dispositif d’aide à l’investissement locatif Robien, comme pour le prêt à 0 %. Les ressources des demandeurs de PAS s’apprécient selon les mêmes modalités que celles prévues pour le nouveau prêt à 0 %, en application de l’arrêté du 31 janvier 2005 modifiant l’arrêté du 4 octobre 2001 relatif aux conditions d’octroi des prêts conventionnés.

Ainsi, le montant des ressources est déterminé sur la base des revenus fiscaux de référence perçus au cours de l’année précédant celle de la demande de prêt (année N–1) (56). L’éligibilité au PAS demeure cependant subordonnée à la production de l’avis d’imposition N–2.

Le prêt à l’accession sociale ouvre droit pour les établissements à la garantie du FGAS et pour les emprunteurs à une protection en cas de perte d’emploi. En effet, lorsqu’un emprunteur se trouve en situation de chômage à l'expiration d'un délai d'un an qui suit la date de signature du contrat de prêt, un report gratuit des échéances du PAS (et le cas échéant, du prêt à 0 %), en
fin de prêt peut être accordé. Ce report est égal à 50 % des mensualités du PAS (et le cas échéant, du prêt à 0 %), dans la limite de douze échéances, fractionnables en deux fois maximum. Une deuxième période de report de douze mois est possible au-delà de la huitième année de remboursement du prêt.

c) La diffusion des PAS et des PTZG et la part des emprunts à taux variable

Fin 2006, le FGAS comptait 775 680 PAS métropole pour un montant total de crédits de 48,7 milliards d’euros. Le nombre d’opérations garanties en 2006 avec un PAS est de 62 010, dont 42 297 avec un prêt à 0 % garanti. Le montant moyen du PAS est de 91 500 euros, en hausse de 6 % par rapport à l’année 2005, pour financer une opération en moyenne de 143 500 euros, montant en progression de 9 % sur un an. 57,5 % des opérations financées sont des acquisitions dans le neuf, 10,8 % des acquisitions dans l’ancien avec amélioration, 29,1 % des acquisitions dans l’ancien sans amélioration et 2,6 % des améliorations seules. Près des deux tiers (65,5 %) des opérations sont réalisées par des ouvriers ou des employés (respectivement 36,1 % et 29,4 %). En ajoutant les professions intermédiaires, le chiffre atteint 84,4 %. S’agissant des PTZ garantis, ils représentent 25 % de l’ensemble des prêts à taux zéro de 2006 et sont en forte hausse à la suite de l’ouverture en 2005 du PTZ à l’ancien sans travaux. Le montant moyen d’un PTZG est de 17 430 euros, en hausse de 3 % par rapport à 2005, pour financer une opération de 136 200 euros, montant en progression de 8 % sur un an. Sa durée moyenne est de 17 ans et 5 mois.

La question de l’efficacité et de la diffusion des PAS est essentielle dans le cadre des travaux conduits sur la question des emprunts immobiliers à taux variable, dès lors que la part de PAS souscrits qui prennent cette forme d’emprunts est bien supérieure à la moyenne des prêts. L’évolution de la proportion de PAS à taux révisable par année d’émission laisse apparaître une nette augmentation jusqu’en 2004 puis une relative stagnation les deux années suivantes. La part des PAS à taux révisable a connu une première phase ascendante entre 1996 et 1998 avec un pic à 37 %, qui a accompagné la baisse des taux longs. Une seconde phase de forte hausse a commencé en 1999 pour atteindre en 2004 48 % de la production, évolution parallèle à celle constatée sur l’ensemble des prêts mais à un degré plus marqué. Cette proportion diminue en 2005 puis en 2006 pour s’établir à 41 %, mais cette tendance s’est inversée pour les banques généralistes et les établissements spécialisés qui dépassent le point haut atteint en 2004.

Sur la génération 2006 la proportion de taux révisable est de 43 %. Cette part évolue de 18 % pour les PAS à durée inférieure à 12 ans à 82 % pour les prêts de durée supérieure à 25 ans. Il en résulte une fragilité des emprunteurs de PAS assez importante, qui implique de prévoir des modalités de prêt sécurisées. Le risque de taux est d’autant plus marqué que le montant moyen des opérations financées par un prêt à taux variable est d’environ 10 000 euros supérieur à celui constaté sur les opérations financées par un prêt à taux fixe. Par ailleurs, la durée des PAS continue à s’allonger passant de 223 mois (soit 18,5 ans) en 2002 à 264 mois (soit 22 ans) en 2006 parallèlement à l’accroissement du montant prêté pour compenser l’augmentation des prix avec des revenus de ménages restant stables. En un an, la durée moyenne s’est accrue de 14 mois.

PART DES TAUX CONSTANTS / TAUX RÉVISABLES PAR TRANCHE
DE DURÉE SUR LES PAS MIS EN FORCE EN 2006

Source : SGFGAS

3.– Renforcer les outils d’accession sociale à la propriété et accompagner le concours apporté par l’État d’une sécurisation optimale des emprunteurs

a) Mieux sécuriser encore les prêts conventionnés

La réglementation des prêts conventionnés, dont la très grande majorité sont des PAS, a donné lieu à des contrats qui lui sont strictement conformes mais ont pu être mis en cause à l’automne dernier dans le cadre des plaintes recensées. Or, dès lors que l’État intervient dans l’octroi d’un prêt, que ce soit par le droit aux APL versés à l’établissement du prêt en réduction du montant des échéances (ensemble des prêts conventionnés) ou par la garantie sur les pertes (PAS), voire par l’attribution d’un PTZ sur lequel est adossé un prêt principal, il convient que les contrats de prêts respectent des conditions de sécurité efficaces qui protègent les emprunteurs au projet desquels l’État apporte son concours.

À cet égard, la réglementation actuelle des prêts conventionnés, si elle propose un cadre de prêt à taux maîtrisable qui convient en pratique à la majorité des populations s’est avérée parfois insuffisante en laissant le choix entre un cap de taux élevé et une limite à l’évolution des échéances et/ou de la durée. En effet, le ralentissement de l’amortissement induit par la seule limite d’évolution des mensualités peut s’avérer dramatique pour ces ménages qui généralement ne disposaient d’aucun apport. Il n’est pas souhaitable que l’État cautionne des formules comportant un risque excessif alors qu’il participe à la mise en place de ces prêts. Le coût total du prêt doit lui aussi être maîtrisé. Parmi les dossiers d’emprunteurs en « vraie » difficulté, ayant saisi les associations ou les médiateurs depuis l’automne dernier, figurent des détenteurs de prêts conventionnés. Au-delà de la question du degré et de la justesse des informations qu’ils avaient obtenues sur le fonctionnement de leur prêt, l’existence de prêts conventionnés s’avérant ne pas contenir de sécurités suffisantes n’est pas admissible compte tenu du profil des emprunteurs qui les souscrivent, qui n’ont généralement pas d’autre choix que d’accepter une proposition ou renoncer à leur projet. L’expérience de 2007 conduit à renforcer ces sécurités.

La structure minimale de ces prêts doit consister, si le plafonnement de la mensualité est choisi, en une double sécurité par combinaison d’un cap de taux au maximum de 300 points de base et d’une évolution limitée ou nulle des mensualités. C’était d’ailleurs l’interprétation souvent donnée de la réglementation des prêts conventionnés et celle que l’on trouve sur nombre de sites d’information.

En conséquence, il conviendrait que tous les prêts conventionnés prévoient :

– soit un cap de taux maximum de 300 points de base sur toute la durée du prêt et une évolution très limitée ou nulle des mensualités avec imputation prioritaire des variations de taux sur la durée, ou sur la mensualité, l’évolution de la mensualité étant plafonnée au maximum à l’inflation et celle de la durée au maximum à 20 % dans la limite d’une durée totale de 35 ans ;

– soit un cap inférieur en adoptant la formule des prêts à taux maîtrisable « taux ».

Cette clarification suppose une modification réglementaire de l’article R. 331–75 du code de la construction et de l’habitation (le cap de taux d’au maximum 300 points de base ne doit plus apparaître comme optionnel).

La formule de prêt devra en outre respecter les conditions attachées à la variante de prêt à taux maîtrisable (ce qui peut relever d’un engagement):

– soit en prévoyant un cap de taux d’un niveau inférieur ou égal à celui qui sera fixé par la profession comme devant s’appliquer au prêt à taux maîtrisable « taux » ;

– soit en maintenant le cap à un niveau d’au maximum 300 points de base, mais en appliquant les restrictions prévues pour le prêt à taux maîtrisable « mensualités » ;

– et en interdisant tout amortissement négatif sur l’ensemble du projet immobilier (il est actuellement prévu que le capital restant dû ne peut être supérieur au capital initial).

Proposition n° 13 – Modifier, y compris par la voie réglementaire, les conditions attachées aux prêts conventionnés pour imposer que ces prêts prennent la forme, soit d’un prêt à taux maîtrisable « mensualité » combiné au cap de taux à 300 points de base maximum, soit d’un prêt à taux maîtrisable « taux ».

Il conviendrait également de réfléchir à l’application de dispositions de cette nature à tout prêt principal adossé à un prêt à taux zéro si l’on veut être cohérent avec le principe d’une filière de l’accession sociale sécurisée. En revanche, il apparaît surdimensionné d’étendre cette sécurisation à tous les plans de financement qui incluent une aide, notamment en provenance d’une collectivité locale. Pour les prêts principaux adossés à un PTZ, il serait de bonne pratique que les établissements ne proposent que des prêts à taux maîtrisable ou qu’ils appliquent la réglementation prévue pour les prêts conventionnés modifiée dans les conditions précitées.

Cette réforme des règles attachées aux prêts conventionnés a vocation à renforcer la sécurisation des emprunts accordés aux accédants modestes pour les emprunts qui seront souscrits à l’avenir. Elle ne règle pas la situation des emprunteurs actuels. Votre Rapporteur souhaite que les établissements de crédit anticipent cette réforme en transformant les emprunts en cours pour qu’ils respectent l’une ou l’autre des deux solutions proposées : prêt à taux maîtrisable combiné (cap de taux au maximum de 300 points de base, limite de l’évolution des mensualités à l’inflation) ou prêt à taux maîtrisable « taux » (cap de taux de niveau plus modéré) avec interdiction d’amortissement négatif appréciée au niveau de l’ensemble du projet immobilier.

b) Promouvoir les prêts à l’accession sociale

La baisse relative de la production des PAS contraste avec les sécurités apportées aux établissements par la garantie du FGAS. Malgré une augmentation en volume, la part des prêts conventionnés recule dans les crédits à l’habitat en s’établissant en 2006 à 6,1 % contre 7,2 % en 2005.

VENTILATION DE LA PRODUCTION SELON LE TYPE DE PRODUIT

Source : Banque de France, SGFGAS, Crédit foncier de France (CFF)

De même, la baisse des revenus mensuels moyens des bénéficiaires semble indiquer que pour les ménages dont les revenus avoisinent le plafond, les prêts du secteur libre sont plus souvent accordés. Alors que le coût moyen des opérations est en 2006 de 143 500 euros, les emprunteurs ont un revenu mensuel moyen de 1 930 euros, niveau historiquement bas atteint depuis 2002 inclus.

Une explication pourrait tenir au niveau des taux d’intérêt, si l’on supposait que les taux dans le secteur libre sont plus attractifs. Or, il ressort des statistiques de la SGFGAS que la clientèle sociale du PAS a pu bénéficier ces dernières années de conditions de taux globalement aussi avantageuses que l’ensemble des bénéficiaires du crédit immobilier en France. Le taux nominal moyen des PAS s’établit à 3,90 % en 2006, après 4,07 % en 2005. La proximité au TEG moyen est d’autant plus significative que, compte tenu du profil des emprunteurs – près des deux tiers sont des ouvriers ou des employés – et de la durée des prêts – atteignant en moyenne 264 mois en 2006 (22 ans) – les prêts du secteur libre qui sont proposés à ces ménages présentent aussi un taux supérieur à cette référence.

ÉVOLUTION DES TAUX D’INTÉRÊT DES PRÊTS CONVENTIONNÉS

Source : SGFGAS

D’autres explications peuvent être avancées : le fait que tous les établissements ne soient pas conventionnés ou encore l’obligation de prendre une hypothèque, plus coûteuse que la caution d’un organisme spécialisé. Cependant, ces facteurs, certes avérés, ont toujours existé et n’expliquent pas la diminution de la part relative des prêts conventionnés. Il semble que ce recul traduit surtout pour partie l’exclusion progressive de ces ménages de l’offre de prêt sous l’effet de la hausse des prix et pour partie une réticence de certains établissements à gérer des montages complexes de financement et des lourdeurs de procédure dont les exonère la production de prêts libres. Cela expliquerait la baisse relative des ménages dont les ressources avoisinent les plafonds. Il convient donc d’inciter plus encore les établissements à proposer ces prêts sécurisés, en améliorant la communication sur l’existence des PAS.

On ne peut exiger bien entendu la proposition de ces prêts ; cela ne serait même pas dans l’intérêt des ménages lorsque par exemple ils peuvent obtenir une caution et que leur situation ne leur permet pas de bénéficier de l’APL. En revanche, une information systématique sur leur existence et les avantages actuellement peu connus qu’ils apportent aux emprunteurs serait bienvenue. Au premier rang de ceux-ci figure bien sûr l’APL, mais les autres méritent aussi d’être portés à la connaissance des demandeurs : neutralité des revenus pour la fixation des taux d’intérêt (aussi avantageux pour les ménages modestes que pour les ménages plus aisés), des frais d’acte notariés réduits, une exonération de taxe de publicité foncière de l’hypothèque, ainsi que, pour l’acquisition d’un logement neuf, une taxe locale d’équipement réduite (valeur au mètre carré appliquée à la surface de plancher, constituant l’assiette de la taxe, de 234 contre 333, 487 ou 640 selon la surface pour les résidences principales et 640 pour les résidences secondaires) et une exonération pendant deux ans de taxe foncière. Les établissements ne peuvent en revanche pas communiquer sur la garantie de l’État qui s’appliquerait au prêt proposé.

Proposition n° 14 – Informer les emprunteurs qui sont susceptibles d’en bénéficier de l’existence et des caractéristiques des prêts conventionnés et particulièrement des prêts à l’accession sociale, ainsi que des avantages qu’ils procurent aux emprunteurs

● En contrepartie, un relèvement des plafonds de ressources du PAS permettant aux établissements de bénéficier de la garantie de l’État pour une clientèle plus large pourrait être envisagé. En effet, ces plafonds de ressources apparaissent faibles au regard, non pas du PTZ qui couvre un public très large, qui pour les tranches hautes ne justifie pas une garantie de l’État, mais des plafonds du secteur locatif social utilisés pour le prêt locatif à usage social (PLUS). Leur niveau actuel conduit en effet à exclure de la sécurisation du FGAS la plupart des ménages dont les ressources sont voisines des plafonds du PLUS.

Le rapport de décembre 2007 du groupe de travail « Accession » du Conseil national de l’habitat propose comme mesure immédiate le relèvement des plafonds PAS au niveau des plafonds PLUS (proposition n° 1), ainsi que leur actualisation avec le même indice et la même fréquence que ceux retenus pour l’actualisation des plafonds de ressources PLUS (proposition n° 4). Si les plafonds du PAS semblent si bas aujourd’hui, c’est aussi parce qu’ils n’ont pas été actualisés depuis octobre 2001.

TABLEAU COMPARÉ DES PLAFONDS ACTUELS PAS ET DES PLAFONDS RELEVÉS AU NIVEAU DES PLAFONDS DU LOCATIF SOCIAL HLM (PLUS)

Nombre de personnes du ménage

Plafonds PAS relevés au niveau PLUS Paris pour Zone A

Plafonds PAS relevés au niveau PLUS autres régions pour Zones B et C

Plafonds actuels PAS Zone A

Plafonds actuels PAS Zones B et C

1

23 553

20 477

19 005

15 183

2

35 200

27 345

27 895

22 205

3

46 144

32 885

33 500

26 705

4

55 093

39 698

39 118

31 199

5

65 548

46 701

44 751

35 713

Par pers. suppl.

+ 8 218

+ 5 871

+ 5 623

+ 4 498

Source : Conseil national de l’habitat

En termes d’effectifs nationaux de population susceptibles de bénéficier potentiellement d’un PAS en cas de relèvement des plafonds de ressources de ces prêts au niveau des plafonds du locatif social HLM (plafonds PLUS), cette augmentation des plafonds PAS aurait pour effet de porter à environ 70 % de la population la proportion de ménages éligibles au PAS, niveau de population éligible au locatif social HLM financé en PLUS en 2007, selon les informations du Ministère du logement (DGUHC, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitation et de la construction).

Cette proportion est à rapprocher du pourcentage actuel de la population éligible au PAS estimé à environ 60 % de la population. Le relèvement d’environ 30 % des plafonds PAS actuels pourrait donc avoir un impact sensible, sans pour autant bouleverser l’équilibre du FGAS. En effet, si seulement 42 554 PAS ont été déclarés mis en force auprès de la Société de gestion du FGAS avec un niveau de couverture de 60 % de la population, le ressaut qu’opérerait le relèvement des plafonds devrait être soutenable. De plus, l’avantage principal pour les emprunteurs réside dans le bénéfice de l’APL qui est lui-même soumis à des conditions de ressources. L’alignement sur les plafonds PLUS paraîtrait assez pertinent. Ce relèvement, le cas échéant à un autre niveau, doit cependant s’inscrire dans une réflexion plus globale d’harmonisation des critères d’éligibilité aux aides au logement, ci-après évoquée.

Proposition n° 15 – Étudier le relèvement des plafonds de ressources applicables aux PAS dans le cadre d’une réflexion sur l’articulation des différentes aides au logement et les divergences de critères qui les sous-tendent

c) Réflexions complémentaires sur l’accession à la propriété

● Par rapport à la location : le rapport de décembre 2007 du groupe de travail « Accession » du Conseil national de l’habitat précité met clairement en lumière certaines incohérences de la politique du logement qui définit des conditions d’éligibilité à la catégorie « sociale » en fonction des dispositifs, et non en fonction des ménages. Ce défaut de lisibilité complexifie, s’agissant de l’accession à la propriété, les montages financiers et conduit souvent à un arbitrage positif en faveur de la location. Que dire de la difficulté à communiquer sur les différentes options offertes aux ménages modestes alors que chacune propose une réponse adaptée à des situations nombreuses. Le groupe de travail, dans son rapport, exprime le souhait que « les critères d’attribution des aides à la pierre et fiscales qui sont aujourd’hui différents d’un produit à l’autre [soient] réexaminés au profit d’une logique centrée sur le ménage ». Cinq éléments d’hétérogénéité sont ainsi relevés :

– la nature des revenus pris en compte (revenu fiscal de référence ou revenu imposable) ;

– l’année de référence retenue pour l’appréciation des ressources (avant-dernière ou dernière année précédant la demande) ;

– le mode d’appréciation de la taille d’un ménage (nombre de personnes retenues, corrections éventuelles) ;

– l’existence de trois références distinctes de zonage avec modulation des plafonds qui peuvent conduire à être éligible à certaines aides et pas d’autres dans la même commune ;

– l’actualisation automatique des plafonds du locatif et pas de l’accession.

Pour être pleinement efficace, la politique du logement suppose une harmonisation des dispositifs d’aides qui postulerait comme point d’entrée le ménage lui-même, qu’il s’agisse de location ou d’accession. Harmonisation ne signifie pas uniformisation, dès lors que chaque dispositif a ses objectifs propres et son « public ». On ne saurait envisager d’aligner à la hausse, c'est-à-dire sur le PTZ, l’ensemble des dispositifs. De même, la recherche d’un logement en location n’implique pas les mêmes difficultés que la recherche d’un financement pour accéder à la propriété. Le degré de concentration des aides et le niveau de la dépense doivent s’ajuster à ces réalités. Toutefois et dès lors que l’aide publique est désormais en voie de stabilisation après la création du Pass-foncier, il devient nécessaire de conduire une réflexion aboutissant à une harmonisation offrant lisibilité et efficacité de ces dispositifs, sans limiter sans justification satisfaisante la liberté de choix des ménages entre les différents statuts d’occupation. Le relèvement des plafonds des PAS par votre Rapporteur est donc loin d’épuiser le sujet et ne peut donc être réalisé indépendamment de cette réflexion d’ensemble.

SECTEUR LOCATIF SOCIAL

(Revenu fiscal de référence N-2 en euros)

Catégorie de ménage

Paris et communes limitrophes

Reste de l’Ile-de-France

Autres régions

PLAI

PLUS

PLS

PLAI

PLUS

PLS

PLAI

PLUS

PLS

1

12 956

23 553

30 169

12 956

23 553

30 619

11 261

20 477

26 620

2

21 120

35 200

45 760

21 120

35 200

45 760

16 407

27 345

35 549

3

27 686

46 144

59 987

25 388

42 314

55 008

19 730

32 885

42 751

4

30 303

55 093

71 621

27 875

50 683

65 888

21 955

39 698

51 607

5

36 050

65 548

85 212

33 001

60 000

78 000

25 686

46 701

60 711

6

40 568

73 759

95 887

37 135

67 517

87 772

28 947

52 630

68 419

Pers. suppl.

4 521

8 218

10 683

4 138

7 523

9 780

3 228

5 871

7 632

PLAI et PLUS : arrêté du 3/12/07

PLS : arrêté du 03/05/01 (130 % du PLUS)

Source : DGTPE

SECTEUR DE L’ACCESSION

(Revenu fiscal de référence n-1* en euros)

Nb de personnes

Zone A

Zones B et C

PAS

PSLA

PTZ

PAS

PSLA

PTZ

1

19 005

27 638

31 250

15 183

23 688

23 688

2

27 895

35 525

43 750

22 205

31 588

31 558

3

33 500

40 488

50 000

26 705

36 538

36 538

4

39 118

44 425

56 875

31 199

40 488

40 488

5

44 751

48 363

64 875

35 713

44 425

44 425

Pers. suppl.

5 623

0

0

4 498

0

0

PAS : arrêté du 27/03/07 ; PSLA : arrêté du 27/03/07 ; PTZ : décret du 23/03/07 ;

Vente HLM : arrêté du 26/11/04 (= plafond PLI), cf. ci-contre)

* Entre janvier et mars les revenus considérés sont néanmoins ceux de l’année N–2

RÉSUMÉ DE LA SITUATION SELON LES DISPOSITIFS
D’AIDE EN LOCATIF ET EN ACCESSION 

 

Nature des revenues

Année de référence

Taille du ménage

Zonage

Revalorisation

PLAI/PLUS/PLS

RI

N–2

Corrigée 1

1

Annuelle

ANAH

RFR

N–2

Effective

2

Annuelle

PAS/PSLA/PTZ

RFR

N–2/N–1

Effective

3

Non prévue

Accession HLM

RFR

N–2

Effective

3

Annuelle

Borloo populaire

RFR

N–2

Corrigée 2

3

Annuelle

PLI

RI

N–2

Corrigée 1

3

Annuelle

Source : Conseil national de l’habitat

● Par rapport à la fiscalité immobilière : La réflexion sur l’accession ne pourra se dispenser d’un choix en matière de fiscalité. La déduction des intérêts d’emprunt apporte certes une aide à la « solvabilisation » des emprunteurs pour le remboursement du prêt. Mais outre le fait qu’elle n’intervient qu’après une année, elle consiste en des montants bien plus faibles que le paiement des « frais de notaire ». S’agissant des émoluments du notaire, du salaire du conservateur et des droits de mutation à titre onéreux, un mécanisme de plafonnement pourrait être introduit dans un premier temps, au moins pour les ménages susceptibles de bénéficier du PAS (57)(58).

Votre Rapporteur a conscience des mécanismes de compensation que cela implique au bénéfice des collectivités territoriales, mais des fractions d’impôts d’État ont déjà été transférées comme ressources propres à des collectivités. Surtout le coût d’une mesure, même partielle, n’est pas négligeable et ne pourra être compensé par le dynamisme du marché qui entre en phase de ralentissement, du nombre de transactions comme des prix. Le plafonnement des DMTO aurait été bien plus neutre il y a encore deux ans. Le moment semble venu d’évaluer l’efficacité des dispositifs d’allègement de la fiscalité applicable au cédant, c'est-à-dire aux plus-values immobilières, largement exonérées et d’en déduire s’il est nécessaire de rééquilibrer le système au profit de l’acquéreur.

● Par rapport à l’appréciation du risque : en réponse à une lettre de mission du Directeur général de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction et du Directeur général du Trésor et de la politique économique, paraît le 27 avril 2007 le rapport dit « Vorms – Taffin » du nom de ses auteurs (59), et intitulé « Élargir l’accès au crédit au logement des emprunteurs atypiques. Le prêt sécurisé à l’accession à la propriété et le prêt hypothécaire cautionné ». Ce rapport apporte une contribution essentielle, fruit de nombreuses discussions, sur les possibilités d’ouverture du crédit à deux catégories de population : les emprunteurs disposant de revenus irréguliers et les emprunteurs âgés ne parvenant pas à obtenir une assurance décès-invalidité (60). Il serait dommage que les analyses développées dans ce rapport soient reléguées à un second plan du fait de la crise des subprimes. Ici encore, il ne s’agit pas de développer des « prêts bas de gamme » mais au contraire de mettre en place des solutions adaptées et sécurisées, tant pour l’emprunteur que pour le prêteur.

Ces réflexions doivent être poursuivies et le rôle du Fonds de garantie sociale le cas échéant étendu à d’autres emprunteurs que ceux respectant les conditions de ressources PAS, même si le mécanisme de cotisation proposé présente un risque d’aléa moral. C’est d’ailleurs pour cette raison que votre Rapporteur n’a finalement pas retenu la proposition d’un mécanisme optionnel d’adhésion au FGAS sur la base d’une cotisation individuelle. Pour autant, l’accession à la propriété implique la prise en compte des personnes sous contrat précaire – la France est le deuxième pays après l’Espagne en nombre de contrats précaires – et des intérimaires. Cette extension ne peut se faire que sous réserve que ceux-ci disposent d’un collatéral et que les établissements, qui ne peuvent reporter le risque sur le taux du fait du seuil de l’usure, puissent disposer d’une garantie en cas de défaillance de l’emprunteur.

Votre Rapporteur est convaincu que le prêt à taux maîtrisable renforcé, en alliant la sécurité par rapport aux revenus et la flexibilité des emprunts à taux variables, offrira un cadre adapté à ces demandeurs. Il convient de souligner que les établissements spécialisés de crédit ont déjà fourni d’importants efforts en direction des intérimaires grâce à leurs techniques avancées de score. Les prêts à taux variable ou maîtrisable sont également des solutions tout à fait adaptées aux personnes relativement âgées qui souhaitent acquérir un logement. C’est dans cette classe d’âge que la proportion d’emprunts à taux variables est la plus forte (11 % en 2007 d’après les chiffres de l’Observatoire du financement des marchés résidentiels (61)). La durée du prêt, la nature de l’acquisition et la dynamique de remboursement sont en effet propices à ce type de formules, qui, en tous les cas jusqu’à aujourd’hui, se sont avérées à terme moins coûteuses (62).

*

* *

Les emprunts à taux variable peuvent constituer, en fonction de la conjoncture mais aussi du projet porté par le demandeur du prêt, des solutions intéressantes et souples pour financer une acquisition. Les facilités qu’ils offrent et que votre Rapporteur espère avoir mises en exergue, notamment pour des prêts de longue durée et les projets d’accession à la propriété, ne doivent pas occulter la part de risque qu’ils peuvent transférer sur l’emprunteur. Un équilibre doit être trouvé, qui dépend autant de la liberté d’appréciation de ce dernier, que des caractéristiques des offres qui lui sont soumises par les établissements auxquels il s’adresse. Les emprunts à taux variable constituent des solutions satisfaisantes sous réserve de prendre une forme qui convienne aux emprunteurs.

Pour ce faire, il est indispensable en premier lieu (propositions nos 2 à 9) que l’emprunteur se prononce en faveur d’une offre dont il comprend et accepte l’intégralité des clauses. Cela implique que ces dernières apparaissent de la façon la plus explicite possible dans l’offre de prêt, qu’elles ne puissent induire en erreur, mais aussi que l’attention soit attirée avant le stade de l’offre de prêt sur les modalités d’évolution de l’emprunt, notamment au moyen de simulations. Une évolution, particulièrement en cas de hausse du taux applicable, doit également pouvoir faire l’objet d’une gestion active par l’emprunteur facilitée, y compris par renégociation, passage à taux fixe ou remboursement partiel ou total anticipé.

En second lieu (propositions nos 10 à 15), les personnes souhaitant souscrire un emprunt doivent se voir proposer des solutions de prêts en adéquation avec leur profil et leur projet, ce qui signifie avec les garanties et sécurités qui leur correspondent. Le présent rapport recommande, en alternative à un prêt à taux variable et pour tous les demandeurs, la présentation systématique d’un prêt à taux maîtrisable qui inclurait, soit un plafonnement du taux, soit une évolution limitée ou nulle des mensualités en jouant sur la durée. Ces prêts à taux maîtrisable conviendraient tout à fait pour financer l’acquisition d’une résidence principale (qu’il s’agisse de la première ou non). Les personnes souhaitant bénéficier de conditions plus avantageuses avec un risque plus fort, tels que les investisseurs, continueraient à souscrire des emprunts à taux variable libres.

Pour les emprunts souscrits par des ménages modestes en vue de financer l’acquisition de leur résidence principale, la présentation de formules sécurisées ne peut constituer une simple alternative. Lorsqu’ils prennent la forme de prêts conventionnés, le présent rapport propose le renforcement des contraintes, y compris par voie réglementaire, et une meilleure information sur leur existence. En contrepartie, les critères d’éligibilité aux prêts à l’accession sociale, qui ouvrent droit à une garantie de l’État pour l’établissement de crédit, pourraient être assouplis.

Il résulte de ces propositions un paysage plus lisible du prêt à taux variable avec des formules de prêt comportant des niveaux distincts de sécurités en fonction du profil des emprunteurs auxquels elles s’adressent. À côté du prêt à taux variable simple, les deux types de prêt à taux maîtrisable déclinent en outre la maîtrise de l’évolution de l’emprunt en fonction de la sensibilité des emprunteurs à la modification des variables que sont la durée, le coût total et le montant de la mensualité. Des garanties spécifiques sont prévues pour les ménages bénéficiant d’un prêt conventionné, qui ne peuvent se voir proposer que des formules de prêt à taux maîtrisable incluant un cap de taux (prêt à taux maîtrisable « taux » ou « combiné »).

Les emprunteurs devraient dans ce cadre s’orienter en pleine conscience vers la formule qui leur convient le mieux, en fonction aussi des diverses clauses complémentaires que leur proposeront les établissements de crédit et dont le développement doit être encouragé.

FORMULES D’EMPRUNTS SELON LE PROFIL DE L’EMPRUNTEUR

 

Prêt à taux variable

Prêt à taux maîtrisable « taux »

Prêt à taux maîtrisable « mensualités »

Prêt à taux maîtrisable « combiné »

Caractéristiques

Libres

– Cap de taux d’un niveau modéré

– Interdiction d’amortissement négatif sur l’ensemble du projet

– Imputation des variations sur la durée avec limite d’allongement

– Plafonnement des hausses de mensualités à un niveau modéré.

– Interdiction d’amortissement négatif sur l’ensemble du projet

– Cap de 300 points de base au maximum

– Imputation des variations sur la durée avec limite d’allongement

– Plafonnement des hausses de mensualités à un niveau très modéré

– Interdiction d’amortissement négatif sur l’ensemble du projet

Emprunts hors prêts conventionnés

Oui

Oui

Alternative n°1 au prêt à taux variable

Oui

Alternative n°2 au prêt à taux variable

Oui

(Variante de l’alternative n°2 au prêt à taux variable)

Prêts conventionnés

Non

Oui

Non

Oui

Type d’emprunteurs prioritairement concernés

Investisseurs

Acquéreurs de leur résidence principale et accédants modestes

Acquéreurs de leur résidence principale, notamment en deuxième accession

Accédants modestes

LISTE DES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION

Proposition n° 1 – La transmission d’un rapport fin 2008 des représentants de la profession, présentant des données quantitatives et qualitatives sur le traitement des dossiers d’emprunteurs à taux variable, les solutions apportées au cas par cas et pour les prêts conventionnés, ainsi que l’information des emprunteurs sur le rôle des médiateurs…………………………………………………………………………….p.77

Proposition n° 2 – Supprimer la possibilité de pratiquer des taux d’appel p.78-80

Proposition n° 3 – Fournir des simulations dès le stade de la demande du prêt p.82

Proposition n° 4 – Élaborer les simulations sur la base de plusieurs scenarii faisant notamment apparaître les effets d’une hausse de taux intervenant en début de prêt
p.82-84

Proposition n° 5 – Afficher de façon lisible les frais afférents à l’exercice des options prévues dans le contrat de prêt par fixation d’un montant en valeur nominale ou, le cas échéant, une formule de calcul compréhensible p.84

Proposition n° 6 – Expliciter les conditions de l’option de passage à taux fixe en donnant le coût de son exercice et en fournissant en exemple le taux résultant de son application à un instant donné p.84-85

Proposition n° 7 – Définir des modalités standardisées de production des informations essentielles du prêt regroupées dans un même document à remettre au demandeur durant la phase précontractuelle et à faire figurer dans l’offre p.85-87

Proposition n° 8 – Envisager de plafonner à un plus faible niveau le montant des indemnités de remboursement anticipé dues sur les prêts à taux variables ne prévoyant pas de cap de taux lorsque la précédente révision du prêt s’est traduite par un relèvement du taux du prêt p.89-91

Proposition n° 9 – Proscrire les clauses imputant en priorité les remboursements partiels anticipés sur les prêts à taux le plus bas p.91

Proposition n° 10 – Proposer systématiquement en alternative une formule de « prêt à taux maîtrisable » consistant, soit en un prêt avec un cap de taux, soit en un prêt avec une limite d’évolution des mensualités p.94-95

Proposition n° 11 – Définir les limites maximales des variables des prêts à taux maîtrisable (taux ou durée et mensualités) et proscrire toute possibilité d’amortissement négatif, appréciée au niveau de l’ensemble du projet immobilier lorsqu’il se compose de plusieurs prêts accordés par l’établissement p.95-97

Proposition n° 12 – Informer les emprunteurs de l’obligation qui serait faite de leur proposer un prêt à taux maîtrisable, ainsi que des deux variantes existantes p.97-98

Proposition n° 13 – Modifier, y compris par la voie réglementaire, les conditions attachées aux prêts conventionnés pour imposer que ces prêts prennent la forme, soit d’un prêt à taux maîtrisable « mensualités » combiné au cap de taux à 300 points de base maximum, soit d’un prêt à taux maîtrisable « taux ». p.111-113

Proposition n° 14 – Informer les emprunteurs qui sont susceptibles d’en bénéficier de l’existence et des caractéristiques des prêts conventionnés et particulièrement des prêts à l’accession sociale, ainsi que des avantages qu’ils procurent aux emprunteurs
p.114-115

Proposition n° 15 – Etudier le relèvement des plafonds de ressources applicables aux PAS dans le cadre d’une réflexion sur l’articulation des différentes aides au logement et les divergences de critères qui les sous-tendent p.115-118

EXAMEN EN COMMISSION

Votre commission des Finances a procédé à l’examen du présent rapport d’information au cours de sa réunion du mercredi 26 mars 2008.

M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur, a tout d’abord remercié le Président et les membres de la Commission pour la confiance qui lui a été accordée en le nommant Rapporteur de la mission d’information sur les emprunts immobiliers à taux variable. Ce sujet avait suscité une intervention du Président de la Commission comme du Rapporteur dans le cadre du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Les difficultés éprouvées par certains emprunteurs avaient été révélées et il convenait de prendre les dispositions nécessaires pour que de telles situations ne se renouvellent pas.

La spécificité du rapport consiste en ce qu’il s’agit d’un travail sur les emprunts et non les prêts à taux variable. En réponse au souhait émis lors de la création de la mission d’information, le Rapporteur a essayé d’appréhender le sujet du côté des emprunteurs et non des prêteurs, pour adapter le prêt à taux variable au moyen de recommandations qui ont toutes pour objectif de correspondre à la réalité des emprunteurs. Les propositions relatives à l’ingénierie des établissements financiers trouvent leur source dans cette démarche.

Comme le rappelait le Président Didier Migaud, les prêts à taux variable sont peu développés en France. Toute une partie du rapport présente les différences qui peuvent exister entre la distribution de ces prêts dans notre pays et aux États-Unis ou dans d’autres États européens -particulièrement le Royaume-Uni et l’Espagne-. Le contexte réglementaire protecteur des emprunteurs est notamment mis en exergue, même si un petit nombre de personnes s’est tout de même retrouvé en situation difficile et que des réponses appropriées doivent être apportées.

Au-delà de ces difficultés, des dossiers d’emprunteurs ont été portés devant les tribunaux à propos de l’interprétation des contrats de prêt souscrits. Un traitement au cas par cas a été initié dès l’automne et tout le monde s’accorde aujourd’hui à penser qu’il a globalement bien fonctionné. Les dossiers les plus délicats ont été pour l’essentiel réglés. Quelques difficultés subsistent. Il faut garder à l’esprit que les dossiers litigieux faisant l’objet d’une démarche contentieuse sont environ 200. Dans certains cas, les prêts proposés étaient si sophistiqués et les contrats si complexes que les vendeurs eux-mêmes n’auraient pas compris le fonctionnement du prêt, ce dont semblent attester des mentions manuscrites. Tout comme il faut écarter l’idée d’une crise des subprimes française, du moins dans son ampleur, il convient de ne pas déduire des cas en cours une volonté délibérée de nuire aux emprunteurs, mais de dresser le constat de produits qui leur ont donné le sentiment d’avoir été trompés.

En se plaçant du point de vue des emprunteurs qui font le choix de souscrire des prêts à taux variable, aujourd’hui essentiellement distribués par des établissements spécialisés, c’est la question de leur profil qui se pose en premier. Schématiquement, trois types de profils peuvent être dégagés. À un bout de la chaîne, figurent les investisseurs, qui cherchent des solutions dynamiques et peu coûteuses, auxquels peuvent être adjoints la plupart des acquéreurs d’une résidence secondaire, qui ne mettent pas en jeu l’économie générale du budget de leur ménage. L’institution d’un plafonnement systématique du taux des emprunts avait été envisagée. Elle ne répond pas à la problématique de ces emprunteurs qui obtiendraient une protection forte qu’ils ne souhaitent pas et subiraient, en contrepartie, un renchérissement du coût de leur emprunt. De plus, rien ne garantit que les établissements parviendraient à acquérir des « caps » – plafonds du taux – en suffisance sur le marché pour continuer à distribuer du prêt à taux variable. Aucun encadrement du fonctionnement des prêts n’est donc proposé pour l’ensemble des emprunteurs. En revanche, le rapport s’attache à renforcer la transparence pour l’ensemble des emprunts à taux variable au moyen de plusieurs propositions.

À l’autre bout de la chaîne, figurent les emprunteurs de condition modeste finançant leur résidence principale. Ces emprunteurs ne se voient généralement proposer que des prêts à taux variable. Les banques généralistes qui proposent du prêt à taux fixe peuvent émettre des doutes sur leur solvabilité, alors qu’elles ont fait du prêt immobilier un produit d’appel, et des montages complexes avec lissage doivent souvent être élaborés, ce que permet le taux variable. Pour les emprunteurs bénéficiant de prêts conventionnés, pour l’essentiel des prêts à l’accession sociale, dont les revenus sont modestes, les prêts à taux variable doivent laisser place à des « prêts à taux maîtrisable » comportant une protection qui ne soit pas que de façade mais réellement efficace.

Pour les emprunteurs présentant un profil intermédiaire, le rapport propose d’obliger les établissements à offrir aux demandeurs une solution de « prêt à taux maîtrisable », sous des formes présentées dans le rapport, en alternative au prêt à taux variable. L’emprunteur peut opter pour un tel prêt ou une autre formule, l’essentiel étant qu’il soit en mesure d’arbitrer entre les solutions qui lui sont proposées.

Pour que les emprunteurs puissent arbitrer et opter pour ce qui leur convient le mieux, un effort sans précédent est demandé en matière de transparence. Un amendement au projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a d’ores et déjà été présenté par le Rapporteur et adopté à l’unanimité. Il prévoit la fourniture obligatoire de simulations dans l’offre de prêt. Au cours des auditions, il est apparu que ce stade est déjà tardif, malgré le délai de réflexion obligatoire, que le projet d’acquisition est déjà avancé, et que la fourniture de certaines simulations pendant la phase précédente, où l’emprunteur demande quel financement peut lui être proposé, serait une bonne chose.

Or, cette phase n’est pas réglementée et il n’est pas nécessairement souhaitable qu’elle le soit. Plus généralement, ce qui sous-tend les propositions du rapport, c’est le souhait que les établissements s’engagent dans un délai de 10 jours à les appliquer et à travailler sur les modalités de leur mise en œuvre. Il faut avancer vite sur ce sujet. D’une part, à défaut d’engagement ou d’avancées significatives dans les semaines suivantes, des dispositions législatives devront être prises dans les textes à venir. D’autre part, pour les emprunts en cours, le traitement au cas par cas des dossiers difficiles doit se poursuivre et il est proposé de demander aux établissements une application rétroactive des préconisations pour les prêts conventionnés. Il est aussi demandé à la profession de transmettre plus tard un rapport sur les procédures et solutions mises en œuvre pour traiter les dossiers durement affectés par la hausse des taux, qui doivent être l’occasion de rappeler aux emprunteurs qu’un médiateur existe et qu’ils peuvent le saisir.

Trois idées irriguent donc les quinze propositions formulées : parvenir à adapter le niveau de protection au profil des emprunteurs – ne pas pénaliser les investisseurs, protéger les plus modestes –, améliorer la transparence pour tous et faire profiter les détenteurs actuels de prêts conventionnés de la protection renforcée qui serait instituée pour ces emprunteurs à l’avenir.

Le Rapporteur souhaite formuler une dernière remarque s’agissant de deux propositions qui suscitent des réserves mais qui sont essentielles. La première concerne l’interdiction des taux d’appel. Même si ces taux réduits ont été initialement proposés dans de bonnes intentions, permettant aux emprunteurs d’alléger les dépenses engagées en début de prêt, d’une part, certaines dérives ont pu être observées qui constituent une tromperie, par exemple des tableaux d’amortissement calculés sur leur base, d’autre part ils produisent un effet d’optique qui peut induire en erreur. D’autres moyens sont envisageables pour que les établissements puissent continuer à proposer des offres ciblées sur les premiers mois.

La seconde proposition a trait à l’amortissement négatif. On ne peut accepter pour certains emprunteurs qu’ils se retrouvent en situation d’amortissement négatif, pris au piège dans l’attente d’une baisse des taux qui peut ne pas se produire. Des discussions ont été engagées sur ce point pour que les prêts à taux maîtrisable, parmi lesquels les prêts conventionnés, excluent cette possibilité. Lorsque le projet immobilier est financé par plusieurs prêts accordés par l’établissement, notamment avec un prêt à taux zéro, l’interdiction d’amortissement négatif doit s’apprécier au niveau de l’ensemble du projet pour ne pas mettre en péril l’existence même de ces montages. C’est du point de vue du capital restant dû par l’emprunteur, tous prêts confondus, que l’amortissement ne doit pas être négatif. Ceci précisé, le rapport préconise bien que ne puissent être qualifiés de prêts à taux maîtrisable ceux qui autorisent l’amortissement négatif.

Le Président Didier Migaud a salué l'importance et la qualité du travail accompli. Le rapport dresse un état des lieux des emprunts à taux variable et formule des propositions intéressantes. Certes la part de ces prêts est faible en France, mais les conséquences des variations de taux pour les personnes qui les ont souscrits sont importantes. Les propositions formulées par le rapport tendent à prévenir des situations difficiles. On ne peut que se réjouir à cet égard de l’utilisation peu développée du crédit hypothécaire en France.

Il semble judicieux de s’adresser aux établissements de crédit pour leur permettre de réagir en disposant d’un certain délai pour trouver les moyens appropriés de mettre en œuvre les propositions. Cette démarche ne doit cependant pas conduire, si elle ne donnait pas satisfaction, à exclure une intervention législative, et un véhicule législatif en constituera bientôt l'occasion. Il convient d’attirer l’attention des établissements sur leur intérêt à avancer rapidement.

Il convient aussi d’insister sur le traitement à apporter aux emprunts en cours. Les propositions formulées concernent l’avenir. Des difficultés réelles existent actuellement et les tribunaux ont été saisis. Il faut donc continuer à inciter les prêteurs à apporter les réponses les plus adaptées aux emprunteurs en difficulté.

Le Président Didier Migaud a enfin souligné que les protections proposées pour les prêts sociaux constituent une avancée intéressante, avec l’instauration de plafonds.

M. René Couanau a souligné le travail fouillé et précis effectué et a approuvé cette démarche d’incitation positive, plutôt que le recours à la loi. Il s’est cependant interrogé sur les moyens dont dispose la Commission des finances pour vérifier la bonne application des recommandations.

M. Alain Rodet a rappelé que des mesures d’encadrement avaient été prises suite aux désordres constatés sur les prêts à taux d’intérêt progressif, qui avaient été utilisés à grande échelle dans les années 1980. Cette réglementation semble n’avoir pas été suffisante. Il s’est interrogé sur les liens entre le Crédit Foncier et le groupe Caisse d’Epargne, auquel il appartient. Enfin il a émis l’hypothèse que l’attitude coopérative et rassurante des banques s’expliquerait par la perspective d’une banalisation des livrets A.

M. Jean-Pierre Brard a jugé le rapport intéressant car mettant le doigt sur des situations dramatiques. Les banques craignent les répercussions sur leur réputation et une position consensuelle du Président et du Rapporteur conforterait le poids des recommandations proposées. Si l’octroi aux banques d’un délai de mise en œuvre de ces dernières est acceptable, il serait toutefois utile de disposer d’un observatoire pour suivre dans la durée les mesures prises ; faute de quoi l’appât du gain inciterait les banques à renouveler leurs méthodes perverses. Il serait également utile, pour dynamiser le zèle des banques, de revivifier le souvenir de l’intervention législative dans l’affaire des cartes bleues.

M. Michel Bouvard a souligné la qualité du travail et sa méthodologie. Il est souhaitable de ne pas utiliser la voie législative, sous réserve que les délais accordés aux établissements soient compatibles avec le prochain véhicule législatif. Des instances de contrôle surveillent les pratiques des établissements. Or, certaines qui sont évoquées sont abusives. Il serait intéressant d’analyser la motivation et les méthodes de suivi utilisées pour contenir le développement de pratiques déviantes.

M. Charles de Courson a soulevé le problème, simplement évoqué dans le rapport, des produits liés aux prêts, à savoir les assurances. La faiblesse des marges pratiquées par les établissements français, illustrée dans le rapport, conduit à examiner les conditions de souscription de ces produits annexes distribués par des filiales spécialisées des banques. Ces produits multiples – assurance chômage, assurance-vie, rupture familiale… – occasionnent des coûts élevés. Il faudrait proposer d’obliger par voie conventionnelle un minimum de concurrence sur ces produits d’assurance liés aux prêts bancaires.

M. Philippe Vigier a insisté sur la qualité du rapport, montrant la situation dramatique des personnes de condition modeste. Il faudrait obtenir une charte signée par les banques, avec engagement sur les quinze propositions. Il serait également utile de travailler sur les frais de dossier, les conditions attachées aux prêts relais et les modalités du remboursement anticipé. De la grande variété des situations constatées, il ressort que ce sont toujours les personnes les plus modestes qui supportent le plus de difficultés.

M. Louis Giscard d’Estaing a salué la qualité du travail accompli par le Rapporteur et s’est déclaré en accord avec les observations de MM. Charles de Courson et Philippe Vigier en matière de relations entre les particuliers et les banques. Les emprunteurs souscrivent souvent des assurances au-delà de leurs besoins et les conditions de leur octroi, notamment les visites médicales, doivent être examinées.

M. François Goulard a indiqué que, sur ce sujet particulier, un fichier des emprunteurs pour les personnes privées, à l’instar de ce qui se fait pour les entreprises, fait défaut. Son existence éviterait les situations de cumul de crédits, qui occasionnent du surendettement. Ces situations sont d’ailleurs connues des banques, qui ne sont pas toujours de bonne foi. Un fichier de centralisation des risques permettrait une connaissance des situations réelles et limiterait les risques.

Le Président Didier Migaud a souhaité que la Commission aille au-delà de la publication du rapport et mandate le Rapporteur pour défendre les quinze propositions du rapport devant les établissements de crédit et obtienne des engagements de les mettre en œuvre.

En réponse aux différents intervenants, M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur, a souligné la nécessité d’afficher un consensus sur ce sujet et la détermination de la Commission à encadrer de façon précise les prêts à taux variable par la voie législative si les banques ne présentent pas des avancées rapides. Le souvenir de l’intervention du législateur sur le sujet de la carte bleue, il y a quelques années, peut constituer une incitation. La stratégie est de demander aux banques de prendre des engagements pour mettre en application les préconisations du rapport dans un délai de dix jours. Cela permettra au Parlement de disposer d’éléments précis de mise en œuvre d’ici un mois et demi et de prendre éventuellement des mesures complémentaires dans le cadre de la discussion sur le projet de loi de modernisation de l’économie, si les premières avancées s’avéraient insuffisantes. Cette stratégie permet en outre des avancées plus rapides que la voie législative. Le Gouvernement l’a d’ailleurs adoptée à plusieurs reprises avec les partenaires sociaux, ce qui a permis d’aboutir à plusieurs reprises à des accords intéressants.

– S’agissant du lien entre les Caisses d’épargne et le Crédit foncier de France – CFF –, les auditions ont fait apparaître que les premières sont parties prenantes du processus actuel, que les responsabilités sont assumées et que tous sont conscients de la nécessité de « sortir par le haut ». On peut rappeler que le médiateur des Caisses d’épargne est celui qui intervient pour l’essentiel des dossiers du CFF.

– Si les établissements bancaires et financiers ne prennent pas leurs responsabilités et ne proposent pas de réelles avancées sur ce sujet, elles risquent de perdre la confiance des emprunteurs et de voir disparaître les prêts à taux variable. Certains établissements spécialisés proposent en grande majorité ces produits et risqueraient aussi d’être plus qu’affaiblis.

– D’après les informations dont le Rapporteur dispose, l’État assume ses responsabilités, sous toutes ses formes.

– S’agissant des frais annexes, des progrès ont déjà été accomplis dans le domaine des assurances. Le sujet a été abordé au cours des auditions même s’il va bien au-delà de celui de la mission d’information. Il mérite certainement de s’y pencher à nouveau. Le Sénat a adopté un amendement dans le projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs qui ouvre la possibilité d’avoir recours à des assurances extérieures. Cependant, la rédaction du dispositif est ambiguë et les liens capitalistiques existants entre les banques et les assurances de groupe font qu’il est encore très difficile aujourd’hui d’avoir recours à un assureur extérieur. Les sénateurs ont ouvert une brèche. Il conviendra probablement d’aller plus loin.

M. Charles de Courson a considéré que l’article 25 de la loi du 3 janvier 2008 posait problème car sa rédaction laisse entendre au contraire que l’emprunt et l’assurance sont des produits liés.

M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur, a rappelé l’historique de l’adoption de cet amendement souhaité à l’origine par l’AFUB – Association française des usagers des banques – qui est très active dans la dénonciation de certaines pratiques bancaires. Les discussions ont abouti à une rédaction qui altère la portée du texte. S’agissant des frais de dossier, un encadrement existe déjà pour les prêts conventionnés. Quant à prévoir des mesures d’encadrement pour tous les emprunts, il convient de ne pas enlever toute marge de manœuvre aux établissements car l’absence de concurrence qui en résulterait finirait par nuire au consommateur lui-même. Le présent rapport s’attache avant tout à protéger les emprunteurs modestes avec la mise en place de prêts à taux maîtrisable.

Le Rapporteur a indiqué qu’il partageait initialement l’avis de François Goulard sur la nécessité de mettre en place un fichier national positif sur l’endettement des personnes privées. Il s’agit d’un débat ancien au sujet duquel la Commission nationale de l’informatique et des libertés s’est prononcée à plusieurs reprises. Cependant, les différentes auditions des responsables de banques et d’associations ont montré, ce que corroborent les études faites sur le sujet, que la plupart des situations de surendettement proviennent de changements dans la situation personnelle des emprunteurs, ce à quoi le fichier positif n’apporte pas de réponse.

M. Charles de Courson a souligné que les études montrent effectivement que la première cause de surendettement des ménages est l’incapacité à gérer leur budget, la deuxième est la rupture familiale et la troisième le chômage. Cependant, il serait tout de même bénéfique de mettre en place un fichier positif qui comprendrait notamment les cartes de crédit à la consommation. Certaines personnes ont sept ou huit de ces cartes et se rendent compte trop tard de leur niveau d’endettement.

M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur, a rappelé que dans les cas de surendettement liés au recours au crédit, l’emprunteur à taux variable n’est pas initialement surendetté. Les cas relatés par la presse montrent que c’est souvent le recours à d’autres crédits et réserves d’argent, qui s’ajoutent postérieurement à la souscription du prêt, qui crée des situations financières difficiles. Les interlocuteurs rencontrés sont conscients que le législateur est très attentif à ce sujet et pourrait s’en saisir.

Le Président Didier Migaud a proposé, d’une part, d’adopter les propositions du Rapporteur et de voter la publication du rapport. D’autre part, il a invité le Rapporteur à faire le point devant la Commission sur les avancées de ce dossier au moment de l’examen du projet de loi sur la modernisation de l’économie. Des propositions d’amendements pourront alors être faites si les établissements ont insuffisamment avancé dans la mise en œuvre des recommandations adoptées.

M. Charles de Courson a souhaité quelques précisions sur deux points. Il a d’abord souligné que les critiques à l’encontre des taux d’appel ont concerné des taux qui n’étaient pas identifiés comme tels et s’est interrogé sur l’interdiction totale de ces pratiques. Il a ensuite rappelé qu’il serait utile de modifier l’article 25 de la loi du 3 janvier 2008 s’agissant de la souscription des assurances des prêts.

M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur, a répondu que l’interdiction des taux d’appel était la seule mesure simple et claire pour éviter que des emprunteurs ne soient induits en erreur. D’autres types d’offres commerciales sont possibles. Les développements du rapport consacré à cette question le montrent. S’agissant de la possibilité de souscrire l’assurance de son choix, le sujet n’entre pas dans le champ de la mission d’information et n’a donc pas sa place au sein des propositions que contient le rapport. Les établissements proposant du prêt à taux variable ne sont pas nécessairement concernés et inversement. La rédaction issue de l’amendement adopté au Sénat devra faire l’objet de travaux à venir.

*

* *

La Commission a adopté à l’unanimité le rapport et ses quinze recommandations et en a autorisé la publication, en application de l’article 145 du Règlement.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

________________

– M. Jean-Claude Nasse, délégué général de l’Association des sociétés financières (ASF), et Mme Marie-Anne Bousquet-Suhit, responsable du Secteur Financement des particuliers et des entreprises ;

– Mme Ariane Obolensky, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), Mme Séverine de Compreignac, chargée des relations avec le Parlement et M. Pierre Bocquet, chargé de la banque de détail et de la banque à distance ;

– M. Nicolas Mérindol, président du conseil d’administration du Crédit foncier de France (CFF), M. François Blancard, directeur général et M. Didier Blanquy, secrétaire général du groupe Caisse d’Épargne ;

– M. Laurent Chouraki, président-directeur général de l’Union de crédit pour le bâtiment (UCB), M. Philippe Dumel, responsable du département France et M. Pierre Mariani, responsable du pôle services financiers et banque de détail de BNP Paribas ;

– M. Claude Sadoun, président du Crédit immobilier de France (CIF) et M. Jean-Marie Gambrelle, directeur des études stratégiques ;

– M. Bernard Vorms, directeur général de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) ;

– M. Serge Maître, président de l’Association française des usagers des banques (AFUB) et Mme Marie-Anne Jacquot, juriste.

– Mme Isabelle Faujour, directrice juridique adjointe de l’UFC-Que Choisir.

En complément de ces auditions, votre Rapporteur a reçu les contributions additionnelles de GE Money Bank, la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) et la Mission économique de l’Ambassade de France au Royaume-Uni.

Une série d’entretiens a été organisée à Madrid par la mission économique de l’Ambassade de France en Espagne, avec les organismes suivants : l’Association hypothécaire espagnole (M. Gregorio Mayayo Chueca, président, et Mme Lorena Mullor Gómez, économiste), la Direction générale du Trésor et de la Politique financière du ministère de l’Économie et des finances (Mme Marta de Castro, sous-directrice générale de Législation et Politique Financière), l’Association espagnole de banque (M. Juan Basurto, et M. Ángeles Carvallo Jiménez, conseillers financiers) et la Banque d’Espagne (M. José Luis Malo de Molina, directeur général du Service d’études et M. Roberto Blanco, responsable de la division des études financières).

1 () À côté des subprimes, deux types de prêts doivent être mentionnés :

– les crédits dits Alt A, prêts qui ne dépassent pas les ratios d’endettement mais qui sont consentis à des emprunteurs au sujet desquels on ne dispose que d’informations incomplètes ;

– les prêts dits Jumbo, prêts excédant les plafonds fixés pour les prêts des agences gouvernementales (Gouvernment sponsored housing Entreprises), à savoir 417 000 dollars, qui représentent environ 15 % de l’encours total des prêts hypothécaires.

2 () Il existe aussi des prêts dits combo. Les combo 80/10/10 ou 80/15/5 sont ainsi des prêts combinant un prêt traditionnel couvrant 80 % de la valeur de l’acquisition (prix de marché ou estimé (appraisal)), un crédit non conforming (ou jumbo) de respectivement 10 ou 15 %, les 10 ou 5 % restants correspondant à l’apport personnel. Il n’est pas rare de trouver des combo 80/20. Dans ce cas, le ménage emprunte la totalité de l’opération.

3 () Certains d’entre eux sont dits « ninja », c'est-à-dire « ni revenu, ni emploi, ni capital » (income, jobs, assets).

4 () Expression désormais consacrée d’Henri de Castries, président d’Axa.

5 () Ce taux est évalué entre 14 et 17 % selon les analystes.

6 () Ce chiffre est une estimation basse (Cf. Hélène Mazier, La crise a déjà coûté 186 milliards de dollars à la finance mondiale, La Tribune, 10 mars 2008, qui cite aussi l’estimation de 600 milliards de dollars de pertes à terme donnée par le courtier UBS). Parmi les banques américaines ayant déjà affiché des pertes liées aux subprimes, figurent Merril Lynch pour 24,5 milliards de dollars, Citigroup pour 22,4 milliards de dollars, Morgan Stanley pour 9,4 milliards de dollars, Bank of America pour 5,3 milliards de dollars et Wachovia pour 4,3 milliards de dollars.

7 () Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire a publié le 21 février 2008 un rapport sur le risque de liquidité (Liquidity Risk: Management and Supervisory Challenges). Ce rapport identifie, à la lumière des régimes nationaux actuels et des turbulences financières de l'été 2007, les défis relatifs à la gestion et à la supervision du risque de liquidité.

8 () La banque a fourni sous cette condition des liquidités d’urgence à la banque Nothern Rock, ce qui pu contribuer au « sauvetage » difficile de l’établissement.

9 () En réalité, un vrai prêt à taux variable est un prêt qui épouse la variation du taux de référence. Un prêt à taux révisable est un prêt dont le taux d’intérêt est révisé périodiquement.

10 () Données actualisées transmises par la mission économique de l’ambassade de France au Royaume-Uni.

11 () Les critères différents utilisés pour produire les statistiques afférentes à la production de prêts à taux variables (hors prêts-relais, hors prêts variables purs, prêts d’une durée initiale fixe inférieure à un an, prêts contenant une clause de révision, etc.) expliquent pour l’essentiel les écarts entre les données de la Banque de France, celles de la Fédération hypothécaire européenne et celles des divers analystes cités, notamment les Observatoires, la FNAIM et Meilleurtaux.com.

12 () Données issues de Stat Info du 24 janvier 2008, Endettement des agents financiers résidents France – 3ème trimestre 2007, du 10 janvier 2008, L’endettement intérieur total France Novembre 2007, du 28 janvier 2008, Les crédits au Secteur privé France, décembre 2007, et Denis Marionnet, Les comptes financiers de la Nation en 2006, Nouvelle poussée de l’endettement du secteur privé, désendettement de l’État, Bulletin de la Banque de France n°161, mai 2007.

13 () Données de la Fédération hypothécaire européenne, Hypostat 2005.

14 () Chiffres de l’Observatoire de l’endettement des ménages.

15 () Dans le but de permettre aux personnes propriétaires de pouvoir dégager des revenus et contracter d’autres prêts, l’ordonnance du 24 mars 2006 sur le droit des sûretés ouvre deux nouvelles formes de crédit : l’hypothèque rechargeable permettant à l’emprunteur qui a déjà constitué une hypothèque pour l’achat d’un bien immobilier d’affecter une partie de l’hypothèque, proportionnelle au montant du crédit déjà remboursé, à la garantie d’un autre crédit ; le prêt viager hypothécaire, permettant d’obtenir un prêt garanti par un bien immobilier à usage exclusif d’habitation, sachant que le prêt n’est remboursé qu’au décès de l’emprunteur par la vente de son bien.

16 () et de 100 points de base pour les prêts « Jumbo » .

17 () CRÉDIT LOGEMENT / CSA, L’Observatoire du Financement des Marchés Résidentiels, Tableau de bord mensuel, 7 janvier 2008

18 () Senior loan official opinion survey.

19 () Cité dans l’article L’immobilier pris dans la crise financière du Figaro du 29 janvier 2008.

20 () Stat Info du 15 janvier 2008, Les taux d’intérêt sur les crédits et les montants des contrats échéancés nouveaux France – Novembre 2007.

21 () C’est le cas d’au moins un établissement pour lequel l’inversion de la proportion de prêts capés en taux et de ceux qui ne le sont pas s’est inversée au cours de l’année 2007.

22 () Voir notamment l’article de Frédéric Wilhelm, L’évolution actuelle du crédit à l’habitat en France est-elle soutenable ?, Bulletin de la Banque de France n°140, août 2005.

23 () Sur les 700 réclamations, le Crédit foncier de France n’est pas le seul concerné. Plusieurs établissements présentent aussi un nombre de dossiers importants, notamment le Crédit immobilier de France (20 % des dossiers) et le Crédit social des fonctionnaires, qui intervenait comme courtier pour le Crédit foncier. Chiffres divulgués par Serge Maître, président de l’Afub, pour un article du Figaro Un geste pour les clients du Crédit foncier de Danièle Guinot paru dans l’édition du samedi 19 et du dimanche 20 janvier 2008.

24 () Évaluations de Meilleurtaux.com

25 () Suppression de l’usure pour les entreprises et les entrepreneurs individuels.

26 () Aux États-Unis, la plupart des États connaissent un taux d’usure mais dont le niveau peut atteindre jusqu’à 30 %. Au Royaume-Uni, ce plafonnement n’existe pas.

27 () Écart estimé dans l’Avis sur l’élargissement de l’accès au crédit et la prévention des situations de surendettement adopté par le Comité consultatif du secteur financier le 16 mai 2006, sur la base d’un taux pour un emprunt « excellent » accordé en mars 2006 de 2,80 % à sept ans et 3,55 % à vingt-cinq ans.

28 () Notamment, arrêts de la 1ère chambre civile du 12 juillet 2005 et de la chambre commerciale des 3 mai et 20 juin 2006.

29 () Enquête typologique 2004 sur le surendettement de la Banque de France.

30 () À noter à ce sujet que le surendettement a augmenté : 700 000 ménages étant en cours de procédure de désendettement selon le dernier baromètre de la Banque de France paru à l’automne dernier, et 15 % des ménages français, soit 7,5 millions de personnes, déclarent avoir des difficultés à rembourser leurs dettes.

31 () Certaines banques présentent toutefois un profil particulier comme en atteste la répartition de la distribution de PAS donnée plus loin. Le présent paragraphe présente donc une vision quelque peu stéréotypée.

32 () Estimation contenue dans le rapport de Jean Bosvieux et Bernard Vorms, L’accession à quel prix ? La baisse des taux alourdit l’effort global des ménages, ANIL, Habitat actualité, Avril 2007.

33 () Ibid.

34 () Chiffres figurant dans le 19ème rapport annuel de l’Observatoire de l’endettement des ménages de Michel Mouillart.

35 () Dépôts et crédits France Troisième trimestre 2007.

36 () Données Banque de France.

37 () Cf. page 24.

38 () Jean Bosvieux et Bernard Vorms, L’accession à quel prix ? La baisse des taux alourdit l’effort global des ménages, ANIL, Habitat actualité, Avril 2007. Chiffre obtenu sur la base d’une augmentation du revenu de 30 % sur la période et des prix de 137 %, le montant de l’acquisition passant de 100 000 euros à 237 000 euros.

39 () Ibid.

40 () Au revenu médian, le pourcentage pris en charge passe même de 29% en 1996 à 0 % en 2006.

41 () Dispositif dits Robien, Périssol et Besson.

42 () Comme indiqué plus loin, il semble toutefois à votre Rapporteur qu’une baisse de la recette fiscale par limitation des frais d’entrée, particulièrement des droits de mutation à titre gratuit, doit être envisagée dès lors qu’ils sont à l’origine même d’une désolvabilisation des ménages du fait de leur mode de calcul.

43 () Certaines dérives ont pu être observées sur ce segment, avec des acquisitions de logements bas de gamme, à la localisation contestable et inadaptés à la demande. Les mises sur le marché des années 2006 et 2007 ont déjà vu se produire certaines difficultés, les emprunteurs étant parfois en situation difficile du simple fait de la non-location du logement. Le financement des opérations étant toutefois très peu en cause, ce sujet ne sera pas développé, même si la hausse des taux d’intérêt a pu aggraver certaines situations.

44 () Cf. pages 37 à 41 du présent rapport.

45 () La récente loi n° 41/2007 du 7 décembre 2007 de réforme du marché hypothécaire élargit l’habilitation concédée au ministère de l’Économie et du logement pour définir des exigences de transparence avant la conclusion du contrat. Ces exigences pourraient prendre la forme de simulations de même nature que celles instituées en France, d’après les informations transmises à votre Rapporteur voire avec une information dès la demande du prêt. Les évolutions en cours en France sont donc regardées avec une grande attention.

46 () Au sujet des crédits à la consommation, dans Le surendettement des particuliers, Rapport présenté par Mme Pierrette Crosemarie, 2007, avis adopté par le Conseil économique et sociale au cours de sa séance du mercredi 24 octobre 2007.

47 () Du type report sur la durée puis sur les mensualités avec une variation des mensualités limitée à un niveau très haut.

48 () On rappellera à cet égard que par une décision n° 00-D-28 du 19 septembre 2000, le Conseil de la concurrence a infligé des sanctions pécuniaires, dont le montant total s'est élevé à 1,144 milliard de francs, à neuf établissements de crédit au motif d'une violation des règles de la concurrence résultant de la conclusion d'une entente constituée par un pacte de non-agression portant sur des renégociations de prêts immobiliers.

49 () 92,5 % de taux variable avec une fréquence de révision annuelle ou supérieure, 5,5 % de période initiale de taux fixe de 1 à 5 ans, et 0,5 % avec une période initiale de taux fixe de 5 à 10 ans. Le taux de 0,25 % après cinq ans de prêt est applicable aux contrats conclus à compter du 10 décembre 2007.

50 () Il est intéressant de souligner que le rapport de décembre 2007 du groupe de travail « Accession » du Conseil national de l’habitat, par sa proposition n° 10, souhaite que soit encouragée la souscription d’assurances chômage et de garanties reventes en cas d’accidents de la vie et propose pour ce faire de les rendre déductibles au même titre que les intérêts d’emprunt pour les prêts à l’accession sociale. Le coût d’une telle mesure n’est pas évalué et il semble à votre Rapporteur que le développement de l’offre doit en premier lieu être encouragée.

51 () Figurait en troisième position : «  créer un crédit d'impôt pour les intérêts des crédits immobiliers au profit des classes moyennes et modestes ».

52 () Décision de la ministre du Logement et de la Ville du 21 février 2008 de lancer la maison à 15 euros par jour durant 20 ans pour les bénéficiaires des aides publiques au logement (APL) et du Pass foncier, dans la suite du dispositif de la maison à 100 000 euros. Ces initiatives tendent à dissocier le foncier du bâti pour alléger la charge du financement pour les ménages par une acquisition en deux temps.

53 () Bernard Vorms, Développement de l’accession sociale, élargissement de l’accès au crédit et maîtrise des risques, ANIL, octobre 2007, p 2.

54 () Les chiffres figurant dans les développements qui suivent sont extraits des statistiques de la SGFGAS.

55 () Les PAS DOM bénéficient de plafonds spécifiques et d’une actualisation automatique de ces plafonds.

56 () Par exception, si la demande de prêt intervient au cours des trois premiers mois de l’année, les revenus pris en compte sont ceux de l’avant-dernière année précédant celle de la demande de prêt (année N-2).

57 () Le PAS permet de bénéficier de frais réduits mais uniquement sur les émoluments du notaire et sur une base proportionnelle.

58 () Des propositions ont également été formulées pour réduire les droits de mutation en cas de mobilité professionnelle. Dans la convention de l’UMP précitée, figuraient la proposition d’exonérer de droits de mutation les achats et les ventes de logements rendus nécessaires par la mobilité des Français. Dans le rapport du groupe de travail « Accession » du Conseil national de l’habitat, les propositions n° 23 et 24 suggèrent, respectivement, de limiter l’assiette des droits et taxes au différentiel de prix entre logement cédé et logement acquis en cas de mobilité dans les cinq ans et de relancer le mouvement de diminution des droits d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière.

59 () Bernard Vorms est Directeur général de l’ANIL, Agence nationale pour l’information sur le logement, et Claude Taffin est Directeur des études économiques et financières à l’USH, l’Union sociale pour l’habitat.

60 () Cette problématique doit être distinguée de l’accès des personnes présentant un problème de santé aggravé, qui a été traité par la convention Belorgey du 19 septembre 2001 puis la convention AERAS (S’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé), plus souple. L’accord professionnel tend à assurer le respect de la confidentialité et du secret médical, ainsi que l’information relative à la souscription d’un emprunt dans ce type de circonstances, tout en allégeant les formalités d’octroi de prêts.

61 () Comme indiqué précédemment, ne sont pris en compte par l’Observatoire que les prêts incluant un mécanisme de plafonnement, de la durée ou des taux.

62 () Calcul rétrospectif sur la base de prêts d’une durée inférieure à 10 ans, qu’il s’agisse de la durée initiale ou de la  « duration » du prêt.


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