N° 875 - Rapport d'information de M. Hervé Mariton déposé en application de l'article 146 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du Plan sur les péages ferroviaires




N° 875

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 mai 2008.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

Sur les péages ferroviaires

ET PRÉSENTÉ

par M. Hervé MARITON,

Député.

——

INTRODUCTION 7

I.– LES PÉAGES FERROVIAIRES : POUR QUOI FAIRE ? 9

A.– LA FONCTION DES PÉAGES SELON L’ANALYSE ÉCONOMIQUE 9

1. Les insuffisances de la tarification au coût marginal social 9

2. Le coût complet, un élément indispensable de la tarification 10

3. La révélation des coûts réels et le partage du financement entre le consommateur et le contribuable 11

B.– LES PÉAGES FERROVIAIRES EN FRANCE ET EN EUROPE 12

C.–  DES BESOINS DE FINANCEMENT POUR LA RÉGÉNÉRATION ET L’EXTENSION DU RÉSEAU À ÉVALUER AVEC SÉRIEUX 15

1. Les augmentations de tarifs envisagées 15

2. Réforme de la structure des tarifs et traçabilité des flux financiers 16

3. Des financements additionnels indispensables 17

4. Trop de péages tueraient les péages 18

D.– LE DYNAMISME DES ENTREPRISES FERROVIAIRES A CONFORTER 19

1. Les tarifs de péages dans le modèle économique du TGV 20

2. Des besoins de financement importants dans les prochaines années 20

3. Une dynamique à ne pas casser 21

E.– DES HAUSSES DE TARIFS PROGRESSIVES ET SUBORDONNÉES À UNE AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ 22

II.– NE PAS SABOTER LA RÉFORME DE 1997 25

A.– LA PRIORITÉ : APPLIQUER COMPLÈTEMENT LA RÉFORME DE 1997 25

1. L’amélioration de la convention de gestion de l’infrastructure 26

2. Les progrès nécessaires de la maîtrise d’ouvrage 27

B.– UNE MODIFICATION ORGANISATIONNELLE CENTRÉE SUR L’INDUSTRIALISATION DE L’OFFRE DE SILLONS 28

1. Un changement organisationnel incrémental portant sur les seuls horairistes 28

2. Les progrès technologiques indispensables pour la gestion des sillons 29

C.– L’INDUSTRIALISATION DE LA RÉGÉNÉRATION 30

D.– L’INDISPENSABLE RESPECT DE LA LIMITE POSÉE EN 1997 POUR L’ENDETTEMENT DE RFF 31

1. L’application indispensable de l’article 4 du décret de 1997 32

2. L’amortissement nécessaire par RFF de l’ensemble de sa dette 33

3. Valoriser le patrimoine de RFF et en réaliser une partie 34

E.– LA CLÉ DE VOÛTE DE LA RÉFORME, UNE AUTORITÉ DE RÉGULATION FERROVIAIRE DE PLEIN EXERCICE 37

EXAMEN EN COMMISSION 39

ANNEXE : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL 47

Propositions

La régénération du réseau ferroviaire nécessite une hausse des tarifs des péages, le gestionnaire d’infrastructure, Réseau ferré de France (RFF), enregistrant un résultat d’exploitation de plus en plus négatif. Ces hausses sont également indispensables pour se rapprocher de la vérité des coûts. Elles ne doivent pas pour autant casser la dynamique de développement des lignes à grande vitesse et la relance, entre autres par la concurrence, du fret ferroviaire.

Des hausses progressives devront être programmées sur une période d’au moins cinq années. Elles pourraient, dans le cas du fret ferroviaire, être appliquées a posteriori, si la qualité du sillon utilisée s’est révélée conforme aux engagements de RFF. (Proposition n° 1)

Dans l’hypothèse d’une hausse limitée des péages, la contribution de la SNCF au financement de la régénération du réseau ferroviaire pourrait être accrue par une augmentation de ses dividendes versés à l’État. Pour améliorer l’information des consommateurs, les billets de TGV devraient mentionner le prix du péage correspondant au trajet effectué. (Proposition n° 2)

La réforme des droits de péage distinguant les droits de circulation correspondant aux coûts variables, les droits d’entrée correspondant aux coûts fixes et les droits majorés correspondant aux coûts du capital, devrait permettre de mieux identifier la couverture des coûts du réseau par les tarifs appliqués aux différentes catégories de lignes. Au-delà, il est indispensable que les comptes de RFF permettent la traçabilité des moyens affectés à la régénération et la part de chacune des sources de financement. (Proposition n° 3)

Les orientations de base de la loi du 13 février 1997 portant création de RFF en vue du renouveau du transport ferroviaire, demeurent plus que jamais valides. L’ampleur de cette réforme justifie de passer à une deuxième phase du processus initié en 1997.

Le système ferroviaire doit se désendetter par ses propres moyens. La reprise par l’État d’une partie des dettes de RFF n’est pas plus envisageable aujourd’hui qu’en 1997 et constituerait un mauvais signal adressé au secteur. (Proposition n° 4)

RFF est invité à publier chaque année un tableau des investissements réalisés dans le cadre de l’article 4 du décret du 5 mai 1997, avec le détail de leur financement. (Proposition n° 5)

En vue du renforcement de la structure financière de RFF, votre Rapporteur spécial propose le transfert des gares à RFF. Il suggère au Gouvernement un rapport au Parlement sur cette question avant la fin de l’année 2008. (Proposition n° 6)

Afin d’améliorer la maîtrise par RFF de l’offre de sillons, il est proposé que le bureau des horairistes nationaux et régionaux de la SNCF lui soit transféré. Par ailleurs, la modernisation et l’automatisation des systèmes d’aiguillage et l’industrialisation de la régénération des voies devraient faire l’objet de programmes d’investissement, et le cas échéant de R & D, dont il serait rendu compte chaque année au Parlement. (Proposition n° 7)

Afin de garantir l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, une autorité de régulation de plein exercice devrait être mise en place avant la fin de l’année 2008. Associée étroitement au processus d’attribution des sillons, cette autorité devrait être en mesure d’instruire les différends dans les délais les plus courts. (Proposition n° 8)

INTRODUCTION

Des décisions s’annoncent d’ici peu sur les péages ferroviaires. Elles seront d’une importance cruciale pour l’avenir du système ferroviaire et pour le rééquilibrage modal nécessaire au développement durable.

Ces décisions s’appuient fort heureusement sur de solides travaux préparatoires. On citera en particulier le rapport sur la tarification du réseau ferré de l’Inspection des finances et du Conseil général des Ponts et chaussées, le rapport public thématique « Le réseau ferroviaire : une réforme inachevée, une stratégie incertaine » de la Cour des comptes, publié en avril 2008. On ne saurait passer sous silence le rapport « Infrastructures de transport, mobilité et croissance » de MM. Michel Didier et Rémy Prud’homme pour le compte du Conseil d’analyse économique.

En complément à l’étude de ces documents, votre Rapporteur spécial s’est attaché à rencontrer l’ensemble des parties prenantes au dossier.

Deux conclusions majeures résultent de ce tour d’horizon.

En premier lieu, la question des péages ferroviaires touche à l’organisation des transports en France et pas seulement au système ferroviaire. Plusieurs questions doivent être posées : à quoi servent les péages ferroviaires ? À quelle politique leurs niveaux respectifs peuvent-ils contribuer ? Jusqu’où peut-on aller dans l’augmentation des péages ferroviaires ?

En second lieu, les décisions à prendre s’inscrivent dans un processus de réforme ouvert en 1997 par la loi du 13 février 1997 portant création de l’établissement public « Réseau ferré de France », en vue du renouveau du transport ferroviaire. Plusieurs évolutions complémentaires sont intervenues depuis lors. Une remise en cause profonde apparaît à certains experts comme une nécessité.

Pourtant, l’adaptation d’un système aussi complexe que le ferroviaire avec ses quelque cent quatre-vingt mille agents, ses trente mille kilomètres de lignes, ses contraintes de production et ses impératifs de sécurité, ne peut, à l’évidence, être opérée brutalement.

Les contraintes financières pesant sur le système ferroviaire sont plus lourdes que jamais. La réforme de 1997 a construit des gardes fous particulièrement utiles dans la situation actuelle.

Par ailleurs, la concurrence, qui s’est imposée dans le fret, va peser sur le transport international de voyageurs dans moins de deux années. Le ferroviaire se révèle un levier du développement durable. La loi de 1997 comporte les solutions nécessaires pour relever ces défis.

Le dispositif actuel appelle, non une remise en cause, mais une mise à jour, avec des ajustements à la marge et la mise en place d’une autorité de régulation de plein exercice.

S’il est une priorité à retenir pour les prochaines années, il faut l’attribuer non pas aux changements institutionnels, mais à la réduction de l’endettement de RFF et à l’efficience des outils industriels.

I.– LES PÉAGES FERROVIAIRES : POUR QUOI FAIRE ?

Les péages ferroviaires sont les redevances d’utilisation des infrastructures ferroviaires. Ils sont payés par les entreprises ferroviaires, en particulier la SNCF, au gestionnaire d’infrastructure, Réseau ferré de France (RFF).

Les barèmes de ces péages ferroviaires sont fixés sur une base annuelle, leur élaboration intervenant deux ans avant leur entrée en vigueur. Depuis 2005, les demandes des différentes parties prenantes en France convergent en faveur d’une refondation de la tarification.

L’année 2008 est celle d’une réflexion approfondie sur les péages ferroviaires. Les propositions du Gouvernement, en cours d’élaboration, feront l’objet d’une consultation incluant les régions puis d’un arrêté interministériel publié fin 2008, pour une entrée en vigueur en 2010.

A.– LA FONCTION DES PÉAGES SELON L’ANALYSE ÉCONOMIQUE

L’analyse économique reconnaît aux péages deux fonctions essentielles : d’une part couvrir les coûts d’exploitation et de renouvellement du service considéré, et, d’autre part, permettre un choix optimal de mode de transport par les usagers.

1. Les insuffisances de la tarification au coût marginal social

La théorie économique propose plusieurs méthodes de tarification des péages d’infrastructure. Parmi celles-ci, on peut citer la tarification au coût marginal social, la tarification Ramsay-Boiteux, et la méthode du coût complet (1).

L’infrastructure étant considérée comme préexistante, le coût marginal représente le coût supplémentaire d’utilisation de celle-ci par un usager additionnel, ce coût comprenant le coût d’entretien et éventuellement le coût du capital supplémentaire si la saturation est atteinte. Pour parvenir au coût marginal social, il faut ajouter le coût marginal pour la collectivité, qui se compose principalement des coûts de congestion et les coûts externes environnementaux. En toute logique, la partie du péage correspondant au coût marginal pour la collectivité doit revenir à cette dernière.

La plus souvent citée, la tarification au coût marginal social est préconisée, en particulier par la Commission européenne, car elle est censée conduire au meilleur usage d’une infrastructure donnée.

Selon la directive européenne 2001/14/CE, les péages ferroviaires sont égaux au « coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire. Toutefois, la redevance peut être augmentée pendant les périodes de saturation pour tenir compte de la rareté des capacités. Elle peut aussi être modifiée pour tenir compte des coûts des effets sur l’environnement de l’exploitation des trains, à condition que la tarification des coûts environnementaux s’applique aussi aux modes de transport concurrents ».

Les liens entre les différents types de coûts – fixes, variables ou de capital – et le coût marginal de court terme ou de long terme, sont explicités dans l’encadré suivant.

Quelques définitions comptables appliquées aux transports ferroviaires

Les coûts variables correspondent aux dépenses de maintenance, d’entretien et d’exploitation liées à l’intensité du trafic.

Les coûts fixes se rapportent aux dépenses d’investissement, d’entretien et d’exploitation indépendantes de l’intensité du trafic.

Les frais généraux correspondent aux dépenses de personnel et aux dépenses en moyens de fonctionnement. Ces frais généraux peuvent, le cas échéant, être ventilés entre coûts variables et coûts fixes.

Le coût complet est égal à la somme des coûts variables et des coûts fixes (et éventuellement des frais généraux si ceux-ci sont identifiés).

Cette nomenclature est à comparer à celle en usage dans le domaine de l’électricité. Le coût variable correspond au coût marginal de court terme, c’est-à-dire au coût de production d’une unité supplémentaire lorsque des capacités de production – ici des sillons – sont disponibles. Le coût complet correspond au coût marginal de long terme, où il est nécessaire d’augmenter la capacité de production pour produire une unité supplémentaire.

2. Le coût complet, un élément indispensable de la tarification

La tarification au coût marginal social ne garantit pas l’équilibre financier de l’exploitant de l’infrastructure.

Une variante dite tarification Ramsay-Boiteux a été mise au point pour tenter de remédier à cet inconvénient et appliquée notamment dans le domaine de la tarification du réseau de transport de l’électricité. Selon cette méthode qui s’applique au cas d’une entreprise commercialisant plusieurs produits ou services, pour calculer le tarif de chaque produit, on applique au coût marginal de chacun d’entre eux un coefficient inversement proportionnel à l’élasticité de la demande pour ce produit, de sorte que la somme des coûts ainsi pondérés couvre la totalité des coûts de l’entreprise. Dans le cas d’un réseau ferroviaire, on appliquera ainsi des niveaux de péages différents selon le type de trafic, en appliquant au coût marginal un coefficient d’autant plus élevé que la demande sera peu sensible au prix.

Pour autant, dans la situation actuelle où la régénération du réseau est une question centrale, c’est le coût complet qui constituerait la meilleure base de tarification car il est le seul à prendre en compte la totalité des coûts, y compris les coûts de renouvellement de l’infrastructure.

Le coût complet comprend le coût d’entretien de l’infrastructure, le coût d’amortissement de celle-ci et le coût d’opportunité du capital immobilisé. Il n’est pas étonnant que la méthode du coût complet conduise à des tarifs beaucoup plus élevés que ceux issus de la méthode du coût marginal. Une estimation récente montre à cet égard que le coût complet de la fourniture des infrastructures ferroviaires françaises en 2008 est plus de deux fois supérieur au seul coût d’entretien du réseau (2).

S’il n’est pas possible de mettre en place rapidement une tarification au coût complet en lieu et place d’une tarification au coût marginal social, il n’en demeure pas moins que l’information résultant de cette méthode doit être connue non seulement des décideurs mais aussi des usagers.

La qualité de service est une autre dimension fondamentale à prendre en compte. Une augmentation des tarifs pour passer de la tarification au coût marginal à une tarification plus proche du coût complet ne se justifie que si les conditions d’utilisation de l’infrastructure sont satisfaisantes. Pour prendre en compte cette condition essentielle, on peut imaginer des augmentations de tarifs subordonnées à une augmentation préalable du niveau de qualité (3).

3. La révélation des coûts réels et le partage du financement entre le consommateur et le contribuable

Selon la théorie économique, l’usager qui tire des bénéfices d’un service doit en assumer le coût. C’est ainsi que l’allocation des ressources répond le mieux à la demande. S’il n’est pas possible, pour une raison ou une autre, de faire payer la totalité du coût à l’usager, alors il est important qu’au moins celui-ci connaisse le montant de la subvention dont il bénéficie. La révélation des coûts est essentielle pour s’approcher de l’optimum (4).

À titre d’exemple, les exploitants et les usagers d’une ligne de TER devraient connaître le montant des subventions dont celle-ci bénéficie. Ainsi un arbitrage pourrait être effectué entre l’exploitation et la fermeture ou la non-utilisation de la ligne.

Autre résultat généralement peu contesté de l’analyse économique, la redistribution par l’impôt est, en particulier pour les services en réseau, plus efficace que la diminution des tarifs pour telle ou telle catégorie d’usagers.

En conséquence, la péréquation des tarifs entre le fret et le transport de voyageurs, et entre les différents types de transport de voyageurs, ne semble pas la meilleure solution. À titre d’exemple, d’après la théorie, l’augmentation des péages TGV pour baisser ceux du fret ferroviaire serait une solution moins bonne que celle consistant à rapprocher les tarifs le plus possible des coûts, quitte à subventionner directement les entreprises de fret ferroviaire.

Si ces dispositions sont respectées, alors les rôles respectifs du consommateur et du contribuable dans le financement des services ferroviaires sont clarifiés. En effet, la question ultime est de savoir qui, du consommateur ou du contribuable, doit financer les infrastructures ferroviaires. La part du contribuable dans le financement ne peut augmenter que si la collectivité dans son ensemble bénéficie du développement des transports ferroviaires.

Au demeurant, si un opérateur ferroviaire historique détient une rente d’exploitation, notamment de par son ancienneté, comment la collectivité peut-elle la récupérer à son profit ?

Une première méthode consiste à augmenter le tarif de péage de l’infrastructure concernée et à la reverser à la collectivité. L’intérêt de cette méthode est de pouvoir s’appliquer à d’autres opérateurs dès lors qu’il y a ouverture à la concurrence.

À titre d’exemple, sur la ligne à grande vitesse Paris-Lyon, proche de la saturation, on peut considérer que la SNCF bénéficie d’une rente, ce qui peut justifier une augmentation forte du tarif d’utilisation correspondant.

Mais un haut niveau de tarif pourrait conduire à une diminution du trafic si elle était répercutée sur les prix du billet.

Par ailleurs, un tarif élevé pourrait être considéré comme une barrière à l’entrée pour un nouvel entrant ne disposant pas de l’avantage comparatif dont dispose la SNCF qui exploite une flotte de rames TGV amorties. Des recours de concurrents potentiels sur ce marché seraient donc à craindre.

La méthode ne semblant pas pérenne, le versement de dividendes élevés à l’État actionnaire doit donc être considéré comme préférable.

B.– LES PÉAGES FERROVIAIRES EN FRANCE ET EN EUROPE

Selon les informations communiquées par RFF, les péages ferroviaires ne couvraient en 2005 les coûts complets, entendus comme la somme des coûts variables, des coûts fixes et des coûts du capital, que pour le seul Transilien.

COUVERTURE DES COÛTS DES ACTIVITÉS FERROVIAIRES PAR LES REDEVANCES
DE PÉAGES EN 2005

(en millions d’euros)

Source : Réseau ferré de France – COPIL interministériel

Pour les TGV, les péages couvrent les coûts variables et les coûts fixes mais seulement une partie du coût du capital. Les péages des TER couvrent les coûts variables mais seulement une partie des coûts fixes.

Les cas les plus critiques sont ceux des trains Corail et du fret. Les péages des trains Corail ne couvrent que les coûts variables. Les péages du fret ne couvrent même pas les coûts variables. Il y a, dans ce cas, destruction de valeur à chaque fois qu’un convoi de fret circule.

Selon la SNCF, les péages représentent environ 25 à 30 % des coûts de la grande vitesse et, globalement, 15 % de ses charges d’exploitation courantes.

Les comparaisons internationales faites par RFF montrent que les tarifs de péages ferroviaires pratiqués en France pour les TGV soit voisins des niveaux observés en Allemagne et deux fois élevés que ceux pratiqués par la Belgique. Pour les TER, les niveaux dans les trois pays sont comparables. Pour le fret, les tarifs français sont deux fois et demie plus faibles qu’en Allemagne.

Le tableau ci-après présente les tarifs de péages obtenus en appliquant les barèmes allemands, belges et néerlandais à différents types de lignes du réseau national.

COMPARAISON DES TARIFS DE PÉAGES FERROVIAIRES

(en euros par train x kilomètre)

 

Barèmes RFF

Barèmes allemands

Barèmes belges

Barèmes néerlandais

I. Axe Massy Bordeaux – toutes activités (longueur totale : 570 km dont 218 km de lignes à grande vitesse Massy Tours)

TGV non cadencé

10,26

10,95

5,51

-

TGV cadencé à 50 %

10,26

10,49

5,51

 

TER non cadencé

3,83

-

3,59

 

TER cadencé à 50 %

3,83

4,08

3,59

 

Fret

1,31

3,35

2,90

 

II. Magistrale Éco-fret (Luxembourg Perpignan 1 050 km)

Trains de fret – 1 000 tonnes de masse moyenne

1,49

2,30

1,16

2,24

III. LGV Paris Lyon (440 km)

Prix unitaire TGV

14,80

13,56

5,15

1,55

IV. LGV Méditerranée (Lyon – Marseille) 338 km

Prix unitaire TGV

8,19

14,36

5,15

1,55

Source : Réseau Ferré de France

Selon une étude de l’Union internationale des chemins de fer, citée par la SNCF, les tarifs de RFF sont les plus élevés d’Europe pour les péages voyageurs, le calcul étant faits sur 25 relations grande vitesse domestiques et 75 relations grande vitesse internationales.

Les péages fret français sont actuellement inférieurs à la moyenne européenne mais seront au niveau de la moyenne européenne en 2008, après l’entrée en vigueur des augmentations déjà décidées.

Compte tenu du nombre important de paramètres à déterminer pour comparer les péages ferroviaires en Europe, la seule conclusion solide est que les tarifs de RFF ne diffèrent pas significativement de ceux de son homologue allemand, DB Netz.

C.–  DES BESOINS DE FINANCEMENT POUR LA RÉGÉNÉRATION ET L’EXTENSION DU RÉSEAU À ÉVALUER AVEC SÉRIEUX

La régénération d’une part importante du réseau ferroviaire national est une nécessité compte tenu de sa dégradation. Les dépenses à consentir, selon une estimation datant de 2006, devront passer d’environ 900 millions d’euros en 2005 à 1,5 milliard d’euros en 2010 et à 2 milliards d’euros en 2015.

Les contraintes de réduction du déficit budgétaire et de la dette publique obligent à diminuer les financements de l’État dans ce domaine, selon un mouvement déjà amorcé. La contribution de l’État aux charges d’infrastructure (CCI), est en effet passée de 979 millions d’euros en 2006 à 828,1 millions d’euros en 2007.

Des sources de financement complémentaires doivent donc être trouvées. Les contributions des collectivités territoriales, elles-mêmes en hausse, devraient toutefois rapidement trouver leurs limites, en raison de leur endettement croissant et de la pression fiscale qu’elles exercent sur les contribuables, ménages et entreprises.

D’où le recours à une hausse des péages acquittés par les utilisateurs du réseau ferroviaire. Cette hausse des péages est justifiée d’un point de vue économique, dans la mesure où rares sont les lignes dont les péages couvrent le coût complet de leur utilisation. Elle semble en outre possible puisque la SNCF, en tant qu’établissement public, a dégagé, en 2007, un résultat net positif de 997 millions d’euros, tandis que le résultat net de RFF pour la même année est négatif à hauteur de 795,8 millions d’euros (5).

Si d’excellentes raisons militent en faveur d’une augmentation des péages, dont le montant total devrait avoisiner 2,6 milliards d’euros en 2008-2009, celle-ci doit s’efforcer de respecter un certain nombre de principes.

1. Les augmentations de tarifs envisagées

Les tarifs étant déjà arrêtés pour l’année en cours et l’année prochaine, il est d’ores et déjà acquis que les recettes de RFF devraient croître de 60 millions d’euros en 2008 et de 85 millions d’euros en 2009. Le cumul des recettes additionnelles de péages sera donc en 2009 de 145 millions d’euros, au titre des augmentations décidées pour 2008 et 2009.

Les discussions actuelles portent sur les augmentations à mettre en place de 2010 à 2014. Les hypothèses envisagées actuellement consistent à prévoir une augmentation annuelle allant de 20 à 60 millions d’euros, pour chacune des cinq années 2010 à 2014.

Dans l’hypothèse haute d’une augmentation annuelle des péages de 60 millions d’euros pour chacune des années 2010 à 2014, les recettes additionnelles de RFF sur la période 2008 – 2014 par rapport au maintien des tarifs 2007 sur la même période atteindraient un total de 1,83 milliard d’euros.

Un scénario alternatif proposé par la SNCF consiste en des augmentations des péages plus faibles et décroissantes, assorties d’une augmentation des dividendes versés à l’État. L’augmentation annuelle des recettes de péages serait décroissante, passant de 40 millions d’euros en 2010 à 0 en 2014. De 2008 à 2014, les dividendes versés par la SNCF à l’État seraient supérieurs de 120 millions d’euros à leur montant de 2007 (131 millions d’euros). En cumulé sur la période 2008-2014, le surcroît de péages s’élèverait à 1,33 milliard d’euros, et le surcroît de dividendes à 840 millions d’euros, soit un versement total supplémentaire de la SNCF à RFF et à l’État de 2,17 milliards d’euros.

La combinaison d’une augmentation limitée des péages et d’une augmentation des dividendes versés à l’État permet ainsi d’augmenter les sommes disponibles pour la régénération.

La méthode de versement de dividendes accrus à l’État présente bien sûr le risque que les montants correspondants soient gelés ou alloués à d’autres usages que la régénération. Pour éviter un tel risque, il pourrait être décidé de verser systématiquement les sommes correspondantes sur un compte de l’AFITF dédié à la régénération, comme cela a été décidé pour 40 % du dividende versé au titre de l’année 2007 (131 millions d’euros).

Un autre inconvénient de cette méthode, dont le corollaire est le versement de subventions accrues à RFF, est d’entraîner une hausse des dépenses et donc, de ne pas contribuer au respect de la norme de dépenses alors même que celles-ci sont financées.

Mais cette solution a une logique économique solide, dans la mesure où elle confie à la SNCF la responsabilité de maximiser son bénéfice d’exploitation en n’alourdissant pas ses charges d’exploitation.

L’évolution des tarifs de péages, telle qu’elle est envisagée par Réseau ferré de France, comprendrait, en tout état de cause, deux étapes. Comme on l’a vu, la première étape repose sur une mobilisation accrue de la capacité contributive de la SNCF. La deuxième étape serait fondée sur le nombre de passagers transportés.

2. Réforme de la structure des tarifs et traçabilité des flux financiers

L’augmentation des tarifs de péage à partir de 2010 sera couplée à une refonte de leur structure. Il serait souhaitable que la nomenclature utilisée soit aisément compréhensible et permette de retracer la destination des sommes collectées.

Les produits des péages se répartissent, pour le moment, en droit de réservation des sillons ou d’arrêts en gare, en droit d’accès et en droits de circulation. Dans son rapport public thématique « Le réseau ferroviaire : une réforme inachevée, une réforme incertaine », la Cour des comptes indique que ces catégories de droits ne correspondent à aucune réalité économique.

Il est donc logique que la mission commune de l’Inspection générale des finances et du Conseil général des Ponts et Chaussées ait proposé une nouvelle décomposition distinguant les charges directement liées aux circulations, les charges fixes et un droit majoré correspondant à l’amortissement du capital.

Si les décisions ne sont pas encore totalement arrêtées, certaines orientations semblent d’ores et déjà acquises.

Désormais, le droit de circulation correspondra aux charges variables. L’unité d’œuvre utilisée sera le train x kilomètre, d’où un montant dépendant de l’activité, avec une réduction sur les petites lignes.

Le droit d’entrée correspondra aux charges fixes pour les activités concurrentielles (TGV et fret) et à un forfait payé par les autorités organisatrices de transport (AOT) pour les activités conventionnées (TER, Transilien).

Un droit majoré sera perçu pour les lignes les plus utilisées, où l’élasticité prix de la demande est la plus faible.

On peut se demander si, à long terme, le droit majoré sera jugé compatible avec les règles de la concurrence, dans la mesure où il pourrait être considéré comme une barrière à l’entrée.

Parallèlement à cette redéfinition des différentes composantes des tarifs, les concours de l’État à RFF pourraient être présentés en fonction des différents types de services ferroviaires. Dans la mesure où les augmentations tarifaires ne seront pas assez fortes pour couvrir les coûts du fret, des TER ou des trains Corail, les subventions compensatrices versées par l’État à RFF apparaîtront dans les comptes de ce dernier.

En tout état de cause, la subvention pour régénération sera absorbée par les recettes correspondant aux droits d’entrée ou coûts fixes.

Les droits d’entrée étant eux-mêmes composites, la traçabilité de l’effort fait par l’État pour la régénération du réseau disparaîtrait.

Un tel résultat est loin d’être satisfaisant et même en contradiction avec l’objectif de la réforme. L’une des raisons essentielles de l’augmentation des péages n’est-elle pas précisément de financer la régénération ?

3. Des financements additionnels indispensables

La régénération ne saurait être généralisée sans précaution, compte tenu de son coût.

Si l’on prend comme hypothèse que, pour régénérer le réseau actuel, les dépenses annuelles de régénération devront passer à 1,5 milliard d’euros en 2010 et à 2 milliards d’euros en 2015 (6), selon un plan de régénération dit Perben 2 (7), alors le surcroît de dépenses sur la période 2008 – 2015 atteint en cumulé environ 5 milliards d’euros.

Or dans l’hypothèse haute d’une augmentation, chaque année, de 60 millions d’euros des recettes de péages, le total de recettes supplémentaires perçues par RFF n’atteindrait que 1,83 milliard d’euros (hypothèse haute) ou 2,17 milliards d’euros (scénario alternatif).

Deux conséquences d’une grande importance doivent être tirées de ce déficit de moyens tirés des péages (et des dividendes de la SNCF, le cas échéant).

D’une part, des ressources complémentaires devront être mobilisées.

D’autre part, une évaluation préalable de coûts et des bénéfices attendus est nécessaire pour un nombre non négligeable de lignes, cette évaluation devant inclure une comparaison avec des solutions alternatives de transports collectifs.

S’agissant de l’extension du réseau, les péages ne pourront pas non plus pourvoir au financement de nouvelles lignes.

Les lignes les moins coûteuses ont déjà été construites. Le coût au kilomètre d’une LGV transversale comme Nantes-Lyon est évalué à 30-35 millions d’euros par kilomètre, soit trois fois plus qu’une ligne comme Perpignan-Figueras (8).

En termes de recettes, l’écrémage des liaisons les plus rentables a déjà été effectué. La fréquentation des liaisons transversales devrait être inférieure à celle des radiales. Le développement des partenariats public privé nécessitera donc des subventions complémentaires qui ne sont pas disponibles, ou d’autres financements.

Dans ces conditions, des études d’opportunité rigoureuses devront être réalisées afin de sélectionner les projets les plus rentables.

4. Trop de péages tueraient les péages

L’augmentation trop forte et trop rapide des péages porte en soi ses propres limites.

Qu’elle soit répercutée ou non dans le prix des billets ou du fret, une diminution du nombre de dessertes et donc des recettes des péages peut en résulter pour l’opérateur historique. Une augmentation trop forte peut aussi constituer une barrière à l’entrée pour de nouveaux opérateurs.

Les déterminants des péages ont également leur importance. Si le tarif de péage devait croître fortement en fonction du nombre de passagers par rame, alors les entreprises ferroviaires ne seraient plus incitées à augmenter la capacité de celles-ci, avec les rames duplex par exemple. La conséquence en serait une consommation plus élevée de sillons, la saturation étant plus rapidement atteinte et donc aussi le plafond de recettes. S’agissant du fret ferroviaire, la prise en compte du tonnage transporté qui influe sur l’usure de la voie est nécessaire mais ne doit pas, là aussi, être dissuasive.

Enfin, le recours à la péréquation ne constitue pas une solution optimale, comme on l’a vu précédemment. L’augmentation des péages au-delà des coûts complets, coût du capital inclus, pour compenser des péages réduits sur des lignes non rentables, ne délivre pas le signal économique adéquat ni à l’État ni au consommateur.

D.– LE DYNAMISME DES ENTREPRISES FERROVIAIRES A CONFORTER

Le transport ferroviaire de voyageurs connaît depuis quelques années une dynamique de développement remarquable, le fret se caractérisant pour sa part par l’entrée sur le marché de nouveaux opérateurs.

La SNCF enregistre des augmentations spectaculaires du trafic voyageur sur ses liaisons TGV. Ces succès sont durables car ils prennent appui sur des besoins de déplacement et de vitesse liés à la croissance économique (9).

La hausse des prix des carburants et des autres postes de coûts des transports routiers, ainsi que la congestion des réseaux routiers contribuent au décollage du fret ferroviaire. Les dynamiques nouveaux opérateurs de ce secteur connaissent un développement significatif de leur trafic.

L’augmentation des péages est nécessaire en tant qu’opération vérité, de façon que les entreprises prennent en charge une part plus importante de leurs coûts réels et que leurs performances économiques soient ainsi évaluées avec plus de précision.

La dynamique de développement des entreprises ferroviaires doit toutefois être préservée, dans un contexte de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et d’ouverture à la concurrence.

1. Les tarifs de péages dans le modèle économique du TGV

Le modèle économique du TGV est, selon la SNCF, celui de la grande vitesse et de la haute technologie à des prix accessibles au plus grand nombre de voyageurs.

Alors que les compagnies aériennes à bas coût, les low costs, détiennent des marchés substantiels, comme au Royaume Uni et en Allemagne, et que les prix du ferroviaire sont élevés comme au Royaume Uni, la SNCF a su développer une fréquentation de masse pour un service de haute qualité, tant pour la vitesse que pour l’accessibilité en centre ville et pour la régularité.

Le trafic ferroviaire croît avec le PIB et le pouvoir d’achat. Un système sophistiqué de « yield management » permet d’optimiser le remplissage et la recette de chaque liaison TGV.

On peut même dire, à cet égard, qu’il est apparu une sorte de droit au TGV pour les différentes régions françaises et leurs habitants, qui réclament des liaisons à grande vitesse lorsqu’elles en sont dépourvues.

2. Des besoins de financement importants dans les prochaines années

La SNCF estime que ses besoins de financement pour les prochaines années sont considérables.

Le renouvellement de sa flotte de TGV et de Transilien nécessiterait un investissement de 500 millions d’euros par an. Compte tenu de ses autres objectifs – les dessertes TGV supplémentaires, l’amélioration des performances du transport de proximité, la croissance du fret et l’expansion européenne du groupe –, ses besoins d’investissement atteindraient 1,1 à 1,5 milliard d’euros par an.

En 2007, le résultat net de la SNCF, établissement public, s’est élevé à 997 millions d’euros, et le résultat net récurrent à 658 millions d’euros.

La dette du groupe SNCF était en diminution, fin 2007, à 4,5 milliards d’euros. Il est généralement reconnu que le groupe possède une capacité d’endettement supplémentaire.

Toutefois, une telle évolution ne serait pas sans conséquence sur ses résultats. Or la SNCF est, à l’heure actuelle, deux fois moins rentable que la Deutsche Bahn.

Par ailleurs, sur un plan plus général, on peut se demander si la reprise de la croissance de l’endettement du système ferroviaire dans son ensemble serait un bon signal macroéconomique.

3. Une dynamique à ne pas casser

Compte tenu de ses résultats bénéficiaires au plan global et de la marge dégagée par ses activités TGV, la SNCF est généralement considérée comme ayant une capacité contributive lui permettant de participer significativement au financement de l’entretien et de l’extension du réseau.

L’impact d’une augmentation de tarifs de péages ferroviaires sur la viabilité du modèle économique qu’elle a mis en place, doit toutefois être soigneusement évalué, sauf à menacer la pérennité de son modèle économique.

Premièrement, jusqu’à quel niveau d’augmentation la SNCF peut-elle absorber la hausse sans la répercuter sur le prix des billets ?

La grande vitesse tirant l’ensemble de l’activité de la SNCF et assurant la plus grande part de ses excédents d’exploitation, la dégradation des résultats des TGV du fait d’une hausse trop rapide des tarifs des péages qui lui sont appliqués, pourrait réduire ses capacités d’investissement, et l’empêcher d’atteindre les autres objectifs qui lui sont fixés.

Rappelons à cet égard que la lettre de mission au Président de la SNCF lui assigne comme objectifs de prendre sa part du développement du fret ferroviaire, d’améliorer les TER et le Transilien et de devenir un logisticien figurant aux premiers rangs mondiaux du secteur, le tout en comptant exclusivement sur sa propre capacité d’autofinancement et d’endettement.

La SNCF souligne également ses besoins d’investissement pour le renouvellement de sa flotte de TGV et de ses autres parcs roulants, la période 2011-2015 étant particulièrement chargée à cet égard.

Il paraît en conséquence difficile pour la SNCF d’absorber totalement une hausse importante des tarifs de péage, sauf à réduire ses projets d’investissement.

Deuxièmement, s’il est inévitable de répercuter la hausse, au moins en partie, sur les consommateurs, quelle est l’élasticité de la demande vis-à-vis du prix du billet ?

Les succès enregistrés jusqu’alors ne sauraient dissimuler le fait qu’il existe une influence négative de l’augmentation des prix sur la demande de billets. Actuellement, le prix moyen du billet est de 47 €. La SNCF estime que l’élasticité prix du billet de train est comprise entre - 0,7 et – 1,2, selon le type de trafic, ce qui signifie qu’une augmentation de 10 % du prix du billet entraîne une baisse de 7 à 12 % de la demande.

La SNCF a, dans son portefeuille clientèle, 3 à 4 millions de clients fréquents, qui effectuent entre 6 et 30 voyages par an. Il est établi qu’une augmentation du prix du billet peut entraîner une diminution du nombre de des déplacements de clients fréquents comme les jeunes et les seniors.

Ce que craint essentiellement la SNCF, c’est la remise en cause de son modèle si les tarifs des péages ferroviaires devaient augmenter trop fortement et trop rapidement.

Une telle évolution risquerait d’autant plus de réduire ses débouchés que les compagnies aériennes à bas coût seraient autorisées à se déployer plus largement sur le territoire national.

Selon la SNCF, l’élasticité du prix du fret ferroviaire par rapport au prix du péage est presque parfaite, ce qui signifie qu’une augmentation du tarif de péage est intégralement répercutée dans le prix.

E.– DES HAUSSES DE TARIFS PROGRESSIVES ET SUBORDONNÉES À UNE AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ

La lourdeur de leurs investissements nécessite pour les entreprises ferroviaires une prévisibilité suffisante de leurs coûts d’exploitation.

Pour ne pas casser leur dynamique de développement, les tarifs des péages ferroviaires devront, à l’avenir, enregistrer des hausses non seulement progressives mais programmées dans le temps sur une période aussi étendue que possible, d’au moins 5 ans.

En tout état de cause, pour améliorer l’information du consommateur, il est indispensable qu’à l’avenir, le coût du péage apparaisse sur le billet.

Si le niveau des tarifs des péages est une dimension importante des activités ferroviaires, la qualité des sillons en termes d’accessibilité, de prévisibilité, de réactivité et de vitesses moyennes de déplacement est aussi un paramètre fondamental de l’exploitation.

Les entreprises ferroviaires doivent pouvoir obtenir les sillons correspondant aux besoins de leurs clients, ce qui renvoie au volume de sillons produits par le gestionnaire d’infrastructure.

Ces sillons doivent être garantis, ce qui suppose une fréquence aussi faible que possible des incidents d’exploitation ou de maintenance et l’absence de priorités de dernière minute imposée aux détenteurs initiaux de sillons.

Les entreprises ferroviaires doivent aussi pouvoir obtenir des sillons de dernière minute pour répondre à des besoins imprévus de leurs clients, d’où la nécessité d’une gestion réactive et productive des sillons.

Enfin, les sillons de qualité, c’est-à-dire ceux correspondant à des vitesses élevées et à des temps de trajet réduits, doivent être accessibles à tous les opérateurs, le fret ferroviaire ne pouvant être cantonné aux sillons les plus lents, sauf à obérer son développement (10).

S’agissant du fret ferroviaire, l’augmentation des tarifs de péage au-delà de ce qui a été décidé pour 2008 et 2009, devrait être subordonnée à une augmentation préalable de la qualité. Sur un ou deux sillons de qualité, cette augmentation pourrait être appliquée a posteriori (11).

Conclusion

L’augmentation des péages ferroviaires est indispensable pour se rapprocher de la vérité, pour le moment très éloignée, des coûts.

Au demeurant, la hausse des seuls péages ne suffira pas à financer la régénération du réseau et la construction de nouvelles lignes à grande vitesse, l’équilibre financier de ces dernières restant un mystère.

Pour ne pas casser la dynamique de développement du ferroviaire, il convient de procéder avec mesure, en programmant les hausses sur une période aussi longue que possible, et, notamment pour le fret, en les subordonnant à une augmentation de la qualité des sillons.

L’amélioration de la productivité et de la qualité du réseau ferroviaire est indispensable et dépend de l’application complète de la réforme de 1997.

II.– NE PAS SABOTER LA RÉFORME DE 1997

La réforme de 1997 a deux composantes essentielles, l’une structurelle et l’autre financière.

Pour répondre aux obligations de la France découlant de la directive européenne n° 91/440 du 29 juillet 1991, la réforme de 1997 a séparé la propriété et la gestion de l’infrastructure ferroviaire, dévolues à Réseau ferré de France (RFF), et la fourniture de services ferroviaires, dévolue à la SNCF.

Deuxième composante essentielle, la majeure partie de la dette du système ferroviaire a été transférée à RFF, en contrepartie de la propriété du réseau ferroviaire, estimée à 148 milliards de francs (22,562 milliards d’euros). La SNCF a ainsi été placée dans une situation financière compatible avec un développement accéléré. À cette occasion, l’État n’a pas repris à son compte une partie de la dette, contrairement à ce qui a été fait dans d’autres pays, l’Allemagne par exemple.

Des réformes de structure complémentaires de celle de 1997 sont-elles nécessaires ?

La réforme de 1997 a posé des principes de rigueur financière qui s’appliquent plus que jamais à la situation présente des finances publiques. Ceci pourrait conduire, sous réserve d’études complémentaires, au renforcement des actifs immobiliers de RFF.

En tout état de cause, la priorité ne semble pas devoir être donnée à des changements organisationnels de grande ampleur, concernant des effectifs de personnel importants, mais plutôt à l’application pleine et entière de la réforme de 1997 et à l’industrialisation tant de l’exploitation que de la régénération du réseau, où se trouvent des gisements de productivité considérables.

La réforme de l’organisation industrielle ferroviaire est une condition essentielle pour que la situation financière de Réseau ferré de France et celle du système ferroviaire tout entier puissent s’améliorer.

A.– LA PRIORITÉ : APPLIQUER COMPLÈTEMENT LA RÉFORME DE 1997

La directive européenne n° 91/440 du 29 juillet 1991 requiert une séparation au moins comptable entre le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire et les entreprises ferroviaires, de façon à permettre une égalité d’accès au réseau entre les nouveaux entrants et l’opérateur historique.

À la fin 2005, un peu plus de la moitié des pays européens avait choisi une séparation totale du gestionnaire d’infrastructure et de l’entreprise ferroviaire historique. La filialisation du réseau ferroviaire, accompagnée éventuellement comme en Allemagne de la création d’une holding contrôlant, d’une part, le gestionnaire d’infrastructure, et, d’autre part l’exploitant ferroviaire historique, était la solution adoptée par un tiers des pays européens. Quant à la séparation fonctionnelle et comptable, quinze pour cent des pays l’ont mise en œuvre.

La France a choisi, par la loi du 13 février 1997 portant création de l’établissement public Réseau ferré de France, la séparation juridique et patrimoniale du gestionnaire d’infrastructure et de l’exploitant historique. Mais compte tenu des impératifs de sécurité et de continuité du service public, la SNCF conserve la responsabilité de la gestion du trafic et des circulations, ainsi que, naturellement, du fonctionnement et de l’entretien des installations techniques. Cette responsabilité est exercée pour le compte de RFF, à qui il revient de définir les objectifs et les principes de gestion.

Différents compléments ont été apportés à la réforme, sans toutefois, jusqu’à présent, remettre en cause son architecture. Parmi ces compléments, on peut citer, en 1999, un accroissement des dotations en capital de RFF et une augmentation des redevances d’infrastructure ; en 2002, la décentralisation des services régionaux de transports de voyageurs ; et, en 2006, la création d’un établissement public de sécurité ferroviaire par la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports.

Des bilans approfondis de la réforme ont été effectués par la Cour des comptes.

Dans son rapport public de 2004, la Cour a relevé qu’en six années, les concours publics et l’endettement du système ferroviaire n’avaient pas diminué. Au terme des contrôles des comptes et de la gestion de SNCF et de la RFF, réalisés en 2006 et en 2007, la Cour souligne dans son rapport public thématique d’avril 2008, la persistance de relations conflictuelles entre les deux acteurs et l’insuffisance de la régénération et la sous-utilisation du réseau.

En conclusion des analyses approfondies publiées dans son rapport public thématique, la Cour a présenté deux options pour une éventuelle évolution institutionnelle du système ferroviaire.

C’est à tort que les perspectives évoquées, à savoir le transfert à RFF de la branche infrastructure de la SNCF ou sa filialisation ont monopolisé l’attention.

Les analyses de la Cour montrent en effet que la réforme de 1997 est loin d’être entrée en vigueur dans sa totalité, et qu’en raison de la complexité des problèmes à traiter, plusieurs de ses dispositions restent à appliquer.

1. L’amélioration de la convention de gestion de l’infrastructure

Ainsi qu’on l’a vu plus haut, RFF délègue à la SNCF, selon l’article 1er de la loi du 13 février 1997, la gestion du réseau ferroviaire. L’article 11 du décret du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de RFF précise quelques-unes des deux types de tâches – exploitation et entretien – impérativement confiées à la SNCF, parmi lesquelles les études de sillons, la gestion opérationnelle des circulations et des systèmes de régulation et de sécurité, ainsi que la surveillance et la maintenance des installations du réseau.

La Cour des comptes détaille, dans son rapport d’avril 2008, les difficultés de mise en place de la convention régissant les rapports de RFF et de la SNCF dans ce domaine. Les avenants à la convention de 1998 n’ont pas suffi à préciser les paramètres de la rémunération de la SNCF, de sorte que celle-ci, en réplique à un quasi gel de ses recettes, a réduit ses prestations. La convention de 2007 est plus précise dans la définition des tâches à accomplir par la SNCF, avec des avenants annuels et des sanctions ou bonifications en fonction des résultats obtenus.

Mais si la SNCF réalise des comptes séparés pour ses cinq branches - infrastructure, fret, transport public régional, autres transports de voyageurs, services communs –, ceux-ci ne sont pas encore contrôlés en profondeur par les commissaires aux comptes et devront l’être à l’avenir.

2. Les progrès nécessaires de la maîtrise d’ouvrage

La maîtrise d’ouvrage des opérations d’investissement sur le réseau ferré national appartient, selon la loi du 13 février 1997, à RFF, qui peut, le cas échéant, la confier à un tiers.

La Cour des comptes souligne que des progrès doivent encore être faits, pour les études préalables aux investissements, par RFF qui n’en maîtrise pas encore tous les paramètres socio-économiques et doit ainsi s’en remettre à la SNCF.

Pour les opérations effectuées sur le réseau historique, RFF ne peut opérer en maîtrise d’ouvrage directe que dans des cas peu nombreux, compte tenu des contraintes d’exploitation et de sécurité du réseau.

Dans les cas les plus nombreux où RFF recourt à la SNCF comme maître d’ouvrage délégué, cette dernière est à la fois maître d’ouvrage délégué et maître d’œuvre. Selon la Cour, la séparation des deux fonctions est correctement observée.

Mais la SNCF est également fournisseur de biens et travaux pour les chantiers correspondants.

Il reste à mieux séparer les interventions de la SNCF en tant que maître d’œuvre et celles qu’elle effectue en tant que fournisseur, afin de peser sur les prix et d’accroître la productivité de ses opérations.

Pour les lignes nouvelles, les performances de RFF en termes de maître d’ouvrage sont, en revanche, jugées satisfaisantes par la Cour.

Au demeurant, en application de la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports, l’État a aujourd’hui, la possibilité de mettre RFF en concurrence, dans le cadre de partenariats public privé ou de délégations de service public, ce qui devrait conduire RFF à améliorer encore ses performances.

B.– UNE MODIFICATION ORGANISATIONNELLE CENTRÉE SUR L’INDUSTRIALISATION DE L’OFFRE DE SILLONS

S’il est un changement organisationnel indispensable et urgent, c’est celui qui doit permettre l’industrialisation de l’offre de sillons. Qu’il puisse ne s’agir que d’une modification limitée ne la rend pas moins indispensable.

Au-delà de ce progrès limité en ampleur mais fondamental en importance, des investissements considérables doivent être engagés pour moderniser les outils informatiques de préparation et de gestion des sillons.

1. Un changement organisationnel incrémental portant sur les seuls horairistes

Réseau ferré de France est souvent décrit comme un organisme vendant un produit, les sillons, c’est-à-dire les droits d’utilisation d’une section de voie donnée pendant une période donnée, dont elle ne maîtrise pas la fabrication, dévolue dans les faits à la SNCF.

Plusieurs types de critiques sont formulés à l’égard de l’organisation actuelle. En particulier, les allers et retours entre les clients et RFF, et entre RFF et la SNCF, avant l’obtention définitive et l’utilisation effective du sillon, sont dommageables à la qualité de service. En outre, par construction, la SNCF peut être soupçonnée de favoriser ses propres demandes de sillons, qu’elle formule, non plus en tant que gestionnaire délégué de l’infrastructure mais en tant que transporteur.

Pour améliorer cette situation, plusieurs solutions sont envisageables.

La première consisterait en la filialisation de la branche infrastructure de la SNCF. Un tel modèle serait voisin de celui en vigueur dans le secteur de l’électricité, avec le gestionnaire d’infrastructure, le Réseau de transport de l’électricité (RTE), qui est une société anonyme à capitaux publics, filiale du groupe EDF. Des règles de gouvernance claires permettraient une indépendance de gestion de la filiale par rapport à la maison mère.

Mais il ne semble pas que ce modèle soit directement transposable au système ferroviaire. Pour sa part, le secteur électrique est organisé selon un schéma à trois composantes, avec d’abord, le groupe des producteurs d’électricité, dont fait partie bien entendu EDF, ensuite le gestionnaire du réseau de transport, RTE, et, enfin, la Commission de régulation de l’énergie (CRÉ).

La filialisation de la branche infrastructure de la SNCF conduirait à une complexité sans doute accrue, sans supprimer, institutionnellement, le rôle de juge et partie de la SNCF. Alors qu’une autorité de régulation ferroviaire doit être créée, le rôle de RFF serait à redéfinir, son existence pouvant même être remise en cause.

La deuxième solution correspond au transfert pur et simple à RFF de la branche infrastructure de la SNCF. Dans cette hypothèse, les 55 000 agents de cette branche seraient transférés à RFF, qui, possédant le réseau et disposant du personnel, aurait tous les moyens d’assumer sa mission. La SNCF serait alors un opérateur ferroviaire parmi d’autres, une autorité de régulation contrôlant la bonne marche du système.

S’il a l’avantage de la clarté, un tel système serait difficile à mettre en place. De nombreux problèmes devraient être résolus, en termes de statuts des personnels, d’engagements de retraite, de transferts de bâtiments et de matériels. Sa mise en place supposerait une adhésion des personnels, qui est loin d’être acquise, comme en témoigne l’opposition manifestée par la CGT à cette solution présentée, parmi d’autres, par la Cour des comptes, dans son rapport d’avril 2008.

Une troisième solution, incrémentale celle-là, consisterait à transférer à RFF les seuls horairistes nationaux et régionaux de la SNCF. Ces mille agents, environ, jouent un rôle décisif pour l’attribution des sillons et la préparation du graphique de circulation qui décrit l’ensemble des sillons disponibles et leur usage sur l’ensemble de l’année. Les horairistes locaux resteraient dans les cadres de la SNCF, tout comme les gestionnaires de l’infrastructure, ce qui serait un facteur de sécurité et un gage de paix sociale.

Grâce à ce transfert, RFF maîtriserait l’organisation des circulations et la commercialisation des sillons. RFF aurait, de surcroît, la capacité réelle de mettre en concurrence les différents opérateurs ferroviaires pour l’acquisition des sillons.

Simultanément, une modernisation accélérée des logiciels informatiques de gestion des circulations serait lancée, de manière à améliorer l’utilisation du réseau.

2. Les progrès technologiques indispensables pour la gestion des sillons

Ainsi que l’indique dans son article premier la loi du 13 février 1997, l’établissement public Réseau ferré de France a pour mission, « conformément aux principes du service public et dans le but de promouvoir le transport ferroviaire en France dans une logique de développement durable, l’aménagement, le développement, la cohérence et la mise en valeur de l’infrastructure du réseau ferré national »

Dès sa création en 1997, Réseau ferré de France a reçu la mission de contribuer au développement durable et la responsabilité du développement et de la mise en valeur de l’infrastructure.

La modernisation du réseau est indispensable pour accroître le trafic. Plusieurs défis technologiques sont à relever pour y parvenir.

Les logiciels informatiques doivent être améliorés en termes de performances et en termes de compatibilité entre les différents niveaux géographiques.

La modernisation des aiguillages et la centralisation des postes de commandes sont des chantiers d’une exceptionnelle ampleur, dont la durée pourrait être d’une vingtaine d’années.

Ces améliorations techniques sont essentielles pour augmenter la production, c’est-à-dire le nombre de sillons disponibles, et faire face à la croissance de la demande entraînée par le développement des Trains express régionaux (TER) à l’initiative des régions et au développement du fret ferroviaire, qui requiert des sillons non seulement plus nombreux mais aussi de meilleure qualité.

Ces améliorations sont en outre indispensables pour la mise en place du cadencement.

Le cadencement consiste à proposer une même liaison ferroviaire à des intervalles réguliers, avec des correspondances assurées sur l’ensemble du réseau. Renforçant encore les besoins en sillons, le cadencement représente une révolution majeure et indispensable pour accroître le rôle du ferroviaire dans notre pays.

Au contraire de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la Suisse, la France n’a mis en place le cadencement que de manière résiduelle, voire exceptionnelle. Le cadencement est à l’évidence plus difficile à mettre en place sur un réseau étendu comme le réseau français que sur un réseau de petite taille comme le réseau helvétique. Il s’agit pourtant là d’un moyen essentiel pour faire croître la fréquentation et abaisser les coûts unitaires d’exploitation.

La France n’échappera pas à cette révolution si l’on veut véritablement accroître la part du ferroviaire dans la demande de transport.

Ces progrès technologiques pour la gestion des sillons doivent eux-mêmes être complétés par une industrialisation de la régénération.

C.– L’INDUSTRIALISATION DE LA RÉGÉNÉRATION

Selon l’audit réalisé en 2005 par l’École polytechnique de Lausanne, les 13 600 kilomètres des lignes des catégories 7 à 9, qui représentent 46 % du linéaire du réseau national, n’assurent que 6 % du trafic total et sont dans un mauvais état.

La question de la fermeture est posée pour certaines d’entre elles. Cette question est toutefois inséparable des coûts de régénération, même si le coût d’exploitation est également une dimension non négligeable du problème.

La régénération du réseau constitue une tâche de très grande ampleur, dont la mesure n’a été vraiment prise qu’à partir de 2006.

L’efficacité et l’efficience des opérations correspondantes sont actuellement compromises par deux insuffisances, l’une concernant la programmation et l’autre les techniques utilisées.

Dans l’organisation actuelle, les plages de temps dévolues à la maintenance ou à la régénération du réseau sont trop courtes, en raison de la priorité dévolue au trafic de voyageurs. Les coûts des travaux en sont augmentés, en raison de la nécessaire répétition des opérations de mise en place et de démontage des chantiers.

À cet égard, la combinaison de suspensions provisoires de trafic et de dispositifs sécurisés de circulation sur voie unique permettrait de réduire considérablement les coûts de maintenance légère et de régénération lourde du réseau.

Par ailleurs, l’industrialisation des opérations concrètes de régénération pourrait encore progresser, de façon à réduire les délais et les coûts.

La montée en charge de liaisons ferroviaires cadencées de proximité est, dans une perspective de développement durable, nécessaire tant pour le transport de voyageurs que pour le fret. Ce développement est, pour le moment, assuré principalement par l’opérateur historique et pourra l’être, dans un délai limité, par de nouveaux entrants.

Dans les deux cas, il appartient à l’État de fixer au gestionnaire de l’infrastructure et au gestionnaire délégué la priorité de l’industrialisation de la régénération, ce qui passe par une nouvelle impulsion donnée à la recherche et développement dans ce domaine.

D.– L’INDISPENSABLE RESPECT DE LA LIMITE POSÉE EN 1997 POUR L’ENDETTEMENT DE RFF

Ainsi que le souligne la Cour des comptes, la dette ferroviaire totale, comprenant les dettes de la SNCF, du service annexe d’amortissement de la dette (SAAD) et de RFF, est passée de 38,1 milliards d’euros, fin 1997, à 41,1 milliards d’euros à la fin 2006.

Les dettes du SAAD et de la SNCF ne devraient pas rencontrer de difficultés particulières pour leur remboursement. La dette du SAAD est reprise par l’État comme le prévoit la loi de finances rectificative pour 2007. La SNCF a, en 2007, dégagé un résultat opérationnel de 994 millions d’euros et fait passer son endettement de 6,458 milliards d’euros fin 2006 à 4,480 milliards d’euros fin 2007. La marge d’exploitation de la SNCF est considérée comme suffisante pour permettre à la SNCF d’accroître, le cas échéant, son endettement de 3 à 4 milliards d’euros.

L’endettement de RFF, soit 27,9 milliards d’euros fin 2007, est, au contraire, considéré comme préoccupant, tant en ce qui concerne son niveau que son évolution. Plusieurs solutions sont envisageables, les unes inspirées des exemples étrangers avec une reprise de dettes par l’État, l’autre, bien préférable, consistant en la valorisation et la réalisation de la part de son patrimoine détachable de l’infrastructure proprement dite.

1. L’application indispensable de l’article 4 du décret de 1997

La réforme ferroviaire de 1997 encadre les possibilités d’endettement de Réseau ferré de France. Les dispositions correspondantes n’ont, toutefois, pas été appliquées avec rigueur. Pertinentes dans leur principe, ces dispositions devraient être durcies à l’avenir de manière à contrecarrer toute hausse de l’endettement de RFF.

L’article 4 du décret du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau ferré de France détaille le processus d’investissement de RFF.

Réseau ferré de France élabore chaque année son programme d’investissement, qui peut comporter un volet pluriannuel, et qui est assorti d’un plan de financement.

Les projets d’investissement inscrits à son programme à la demande de l’État, d’une collectivité locale ou d’un organisme public local ou national, ne peuvent être acceptés par RFF qu’à la condition que les demandeurs contribuent à leur financement par un concours financier « propre à éviter toute conséquence négative sur les comptes de RFF sur la période d’amortissement de cet investissement ».

Ces dispositions ont été contournées à plusieurs reprises, notamment pour la LGV Est et pour la LGV Rhin-Rhône. Les prévisions les plus optimistes ont été systématiquement privilégiées, quitte à laisser déraper l’endettement de RFF, une fois les prévisions démenties.

Il est vrai que les coûts de construction peuvent augmenter en raison d’aléas imprévus. De même, les prévisions de recettes d’une desserte peuvent faire l’objet de plusieurs versions, plus ou moins optimistes. Il en est de même pour les concours de l’Union européenne, qui peuvent s’avérer inférieurs aux espoirs.

En tout état de cause, il n’est pas acceptable que la dette financière nette de RFF soit passée de 20,5 milliards d’euros en 1997 à 27,9 milliards d’euros fin 2007, soit une augmentation de 36 % en dix ans.

L’article 4 du décret du 5 mai 1997 devrait donc être modifié de manière à préciser la notion de « conséquence négative sur les comptes de RFF ». Le creusement de la dette de RFF devrait être explicitement proscrit. Dans la mesure où des prévisions à long terme sont relativement aléatoires, il serait sans doute aussi utile de prévoir que les nouveaux projets contribuent, à hauteur d’une marge à définir, au désendettement de RFF.

En outre, RFF devrait publier chaque année un tableau des investissements réalisés dans le cadre de l’article 4 du décret du 5 mai 1997, avec le détail de leur financement.

2. L’amortissement nécessaire par RFF de l’ensemble de sa dette

À sa création, RFF a reçu, en même temps que le réseau, les droits et obligations liés, fixés à hauteur de 134,2 milliards de francs (20,428 milliards d’euros) par l’article 7 de la loi du 13 février 1997. Fin 2006, la dette de RFF représentait 27 milliards d’euros, soit 30 % de plus qu’en 1997.

Cette dette est décomposée en trois parties par RFF lui-même et par la tutelle.

Représentant un montant de 6,8 milliards d’euros fin 2006, la première composante correspond aux dettes contractées dans les conditions de l’article 4 du décret du 5 mai 1997 précité. Dans la pratique, l’amortissement de la dette correspondante doit provenir des recettes des péages ferroviaires.

D’un montant de 6,7 milliards d’euros fin 2006, la dette « hors article 4 amortissable » par RFF correspond à, sa capacité d’autofinancement hors article 4 jusqu’en 2028.

Enfin, 13,5 milliards d’euros, soit la moitié du total de la dette, sont considérés comme la dette « hors article 4 non amortissable » de RFF.

Pour la Cour des comptes, il importe que l’État trouve une solution pour cette dette de 13,5 milliards d’euros que RFF est jugé dans l’impossibilité de rembourser.

À cet égard on doit rappeler que la reprise par l’État d’une partie des dettes de la SNCF, n’avait pas été retenue en 1997, afin de satisfaire aux critères de Maastricht. À la fin 1997, la dette des administrations publiques représentait 59,3 % du PIB.

En 2008, le même ratio d’endettement devrait s’établir, selon les estimations d’avril de la Commission européenne, entre 61,6 et 63,1 % du PIB.

La reprise par l’État de la dette ferroviaire ne semble pas davantage possible aujourd’hui qu’hier.

Par ailleurs, aussi claire qu’elle soit sur le papier, la décomposition de la dette de RFF en dette amortissable, ou non, ne repose pas sur une pratique comptable avérée au jour le jour. En tout état de cause, la subvention de désendettement, versée par l’État depuis 2004, et de 730 millions d’euros en 2006, n’opère aucune distinction entre les catégories de dette précitées.

Plutôt que de rechercher une solution extérieure au système ferroviaire, celui-ci doit réduire son endettement par ses propres moyens.

Plusieurs solutions existent, dont la mise en place ne peut plus souffrir aucun retard.

La première a été décrite précédemment, avec l’augmentation de la productivité du réseau et des opérations de régénération, de manière à améliorer la rentabilité du système ferroviaire.

La seconde consiste en la valorisation et en la réalisation d’une partie du patrimoine de RFF.

3. Valoriser le patrimoine de RFF et en réaliser une partie

La loi du 13 février 1997 a défini les biens constitutifs de l’infrastructure apportés en pleine propriété à RFF (12). Il convient que le patrimoine de RFF soit rapidement arrêté, valorisé et, dans certains cas, réalisé de manière à réduire la dette de RFF.

Deux questions se posent à ce sujet, à savoir, d’une part l’achèvement du partage en application de la répartition de la loi de 1997, et, d’autre part, une éventuelle extension du périmètre du patrimoine de RFF.

Les recommandations de la mission d’évaluation et de contrôle sur la clarification des relations financières entre le système ferroviaire et ses partenaires publics (13) ont permis d’accélérer un processus au demeurant défini avec précision par la loi de 1997.

Malgré la mise en place d’une Commission nationale de répartition des actifs (CNRA) pour régler les cas litigieux, le partage du patrimoine entre RFF et la SNCF n’est pas encore terminé (14).

La Cour des comptes souligne à juste titre que l’inachèvement du partage n’a pu que ralentir les cessions d’actifs, qui ont représenté, de 1997 à 2006, un montant cumulé de 600 millions d’euros, alors qu’elles auraient pu atteindre 2 milliards d’euros. La Cour recommande que les derniers arbitrages soient « très rapidement rendus et exécutés ».

Au-delà de l’indispensable achèvement du partage, il convient de dynamiser la cession des actifs de RFF qui ne présentent pas d’intérêt opérationnel pour sa mission.

Par ailleurs, une réflexion pourrait être engagée sur la propriété des gares.

L’ouverture à la concurrence en 2010 du transport international de voyageurs placera les concurrents de la SNCF dans l’obligation de recourir aux installations de cette dernière. Cette situation pourrait être invoquée comme un obstacle à l’ouverture à la concurrence, si les possibilités ou les redevances d’accès n’étaient pas jugées satisfaisantes par les nouveaux entrants sur le marché des transports ferroviaires. Le transfert de la propriété des gares à RFF résoudrait cette question.

Autre conséquence d’un tel transfert, prendraient fin les difficultés occasionnées par la distinction faite actuellement entre les quais longitudinaux appartenant à RFF et les quais transversaux appartenant à la SNCF, qui nuit à une exploitation optimale des emplacements publicitaires de chacun.

Mais le principal avantage d’un transfert de propriété des gares à RFF serait de lui attribuer des sources de revenus supplémentaires et la maîtrise de la valorisation de ces actifs immobiliers importants.

Les revenus hors trafics tirés de l’exploitation des gares sont d’ores et déjà élevés, de l’ordre d’une centaine de millions d’euros par an pour les seuls commerces présents dans l’enceinte des gares.

Ces revenus sont à l’évidence susceptibles de croître rapidement avec le développement du trafic ferroviaire et de l’intermodalité, qui conduiront à la construction de parkings, de gares routières ou de gares de tramways au voisinage des gares ferroviaires proprement dites.

Les gares pourraient également être valorisées, en tant que patrimoine immobilier, dans des opérations d’aménagement et constituer la base de cessions partielles ou complètes d’actifs susceptibles de désendetter RFF.

Autre conséquence positive du transfert, les conditions d’emprunt de RFF seraient améliorées et ses coûts d’endettement réduits, compte tenu des revenus additionnels générés et des garanties supplémentaires apportées par son patrimoine immobilier.

Alors que RFF a aujourd’hui démontré ses capacités et ses compétences, une étude approfondie devrait être conduite sur les conditions du transfert de la propriété des gares à RFF.

E.– LA CLÉ DE VOÛTE DE LA RÉFORME, UNE AUTORITÉ DE RÉGULATION FERROVIAIRE DE PLEIN EXERCICE

La réforme de 1997 ne doit pas être remise en cause dans deux de ses principales avancées, la prise en charge de son endettement par le système ferroviaire lui-même et le régime de séparation - coopération entre le gestionnaire d’infrastructure et l’opérateur ferroviaire historique.

S’il reste encore des difficultés à surmonter, elles sont identifiées et les solutions sont connues. En tout état de cause, le processus de résolution des problèmes va pouvoir s’accélérer considérablement avec la mise en place, dans les prochaines semaines, d’une autorité de régulation ferroviaire, si celle-ci se voit conférer de larges responsabilités.

La création d’un organisme de contrôle du système ferroviaire dans les États membres de l’Union européenne, est requise par la directive 2001/14/CE (15).

Cet organisme doit être indépendant des gestionnaires d’infrastructure, des organismes de tarification, des organismes de répartition et des entreprises ferroviaires, sur le plan organisationnel, juridique, décisionnel et pour ce qui est des décisions en matière financière.

Le Président de la République a annoncé le 26 juin 2007, lors de l’inauguration du satellite n° 3 de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, la création d’une agence de régulation ferroviaire, sous la forme d’une autorité administrative indépendante : « Je crois qu’il faut maintenant donner au secteur ferroviaire une organisation adaptée à un marché ouvert. Les sillons ferroviaires sont un bien rare, qui doit être attribué de façon impartiale entre les opérateurs et entre le fret et les voyageurs. Le montant du péage des voies ferrées, tellement central pour la compétitivité des entreprises, doit faire lui aussi l’objet d’une proposition objective fondée sur des critères transparents. C’est pour ces diverses raisons que je crois nécessaire de confier à une autorité indépendante la régulation du secteur ferroviaire. »

La création de l’autorité de régulation ferroviaire sera portée par le projet de loi relatif à l’application des mesures du Grenelle de l’environnement, soumis au Parlement dans les prochaines semaines.

Pour l’étendue des missions de cette autorité, plusieurs solutions sont envisageables, depuis le modèle d’une autorité aux compétences limitées au contrôle du bon fonctionnement du marché des sillons, jusqu’à celui d’une autorité aux compétences étendues fixant elle-même les tarifs des péages ferroviaires.

La directive 2001/14/CE fixe les compétences minimales que devra recevoir l’agence de régulation.

Ainsi que le prévoit l’article 30 de la directive, l’organisme de contrôle doit avoir un droit de communication de toute information relative au fonctionnement du système ferroviaire. Il peut être saisi par les entreprises ferroviaires estimant être victime d’un traitement inéquitable en matière d’accès au réseau, de tarification et de certification en matière de sécurité. Il doit se prononcer sur toute plainte dans un délai maximum de deux mois, ses décisions étant contraignantes. Il contrôle que les péages ferroviaires reflètent les coûts d’exploitation, éventuellement augmentés en cas de saturation de la ligne considérée et prenant en compte des coûts environnementaux à condition que les autres moyens de transport soient également taxés à cet égard.

Les compétences minimales définies par la directive ne semblent pas, en tout état de cause, suffisantes pour assurer le bon fonctionnement du système ferroviaire. Il serait sans doute utile que l’autorité puisse au moins participer en amont au processus de fixation des tarifs de péage, sinon se voir confier la responsabilité de les édicter. Il devrait en être de même pour les règles d’accès aux infrastructures, la répartition pratique entre les opérateurs et entre le fret et le trafic de voyageurs pouvant éventuellement lui être confiée sur la base d’orientations gouvernementales. Enfin, ses délais de règlement des différends devraient être plus rapides que ceux inscrits dans la directive.

Les orientations fixées par le Président de la République laissent entendre que le transfert de compétences du gouvernement à l’autorité administrative indépendante doit être important.

Un tel transfert, qui représenterait l’achèvement de la réforme de 1997, contribuerait d’une manière décisive au développement du transport ferroviaire dans notre pays.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de la séance du mercredi 7 mai 2008 à 11 heures, votre commission des Finances a procédé, en application de l’article 146 du Règlement, à l’examen d’un rapport d’information sur les péages ferroviaires, présenté par M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial.

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a indiqué que la révision des péages ferroviaires, préparée par le Gouvernement pour 2010, a été le sujet de départ du présent rapport d’information. Les polémiques entre la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), l’établissement public gestionnaire de l’infrastructure, ont montré l’acuité de ce sujet qui touche à la question essentielle du financement de la régénération du réseau. Le rapport thématique de la Cour des comptes « Le réseau ferroviaire : une réforme inachevée, une stratégie incertaine », appuyé sur un rapport particulier relatif aux comptes 2000-2005 de RFF et complété dans les prochaines semaines par un rapport particulier sur les comptes 2000-2005 de la SNCF, a toutefois élargi le débat aux conditions non seulement financières mais également techniques du renouvellement du réseau et au partage des frontières entre RFF et la SNCF. Une mission parlementaire a en outre été confiée au sénateur Hubert Haenel sur le système ferroviaire et sur la loi de 1997.

Le présent rapport traite donc à la fois de la question des péages ferroviaires et des conditions d’application de la réforme de 1997, dont l’apport essentiel est la création de RFF, gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire indépendant de la SNCF.

Il s’agit d’un rapport d’étape sur un sujet de fond qui sera examiné une nouvelle fois par le rapport spécial relatif au projet de loi de finances pour 2009. Ce rapport, volontairement bref, présente huit propositions tendant, d’une part, à rapprocher progressivement les péages de la vérité des coûts ferroviaires, et, d’autre part, à recommander une application pleine et entière de la réforme de 1997.

L’augmentation des péages est indispensable pour contribuer au financement de la régénération et à la vérité des coûts loin d’être actuellement atteinte. Elle doit toutefois être mesurée et progressive, pour ne pas nuire à la dynamique de la grande vitesse et aux tentatives de relance du fret ferroviaire (Proposition n° 1).

La contribution de la SNCF aux dépenses de régénération pourrait se faire en combinant une augmentation raisonnable de ses redevances d’utilisation du réseau et une hausse de ses dividendes versés à l’État que celui-ci pourrait affecter à un compte spécial « régénération » de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Même si l’augmentation de la dépense publique qui en résulterait doit être compatible avec la norme de dépenses, la maximisation des dividendes serait un meilleur signal économique pour la SNCF qu’une hausse importante des péages décidée en fonction de sa capacité contributive supposée. De façon que les consommateurs soient mieux informés des coûts des transports ferroviaires, les billets de TGV devraient comporter le montant des péages correspondant au trajet effectué (Proposition n° 2).

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a souligné la nécessité que les comptes de Réseau ferré de France retracent avec précision les moyens alloués à la régénération du réseau, avec mention de l’origine du financement (Proposition n° 3).

Par ailleurs, RFF devrait assurer son désendettement par ses moyens propres, quitte à ce que ses sources de revenus soient élargies. La reprise de sa dette dite non amortissable, de 13,5 milliards d’euros, suggérée par la Cour des comptes, semble en effet difficile à mettre en œuvre (Proposition n° 4).

Alors que la liste des projets d’investissements ferroviaires résultant du Grenelle de l’environnement n’est pas assortie des financements correspondants, il est indispensable que l’État applique l’article 4 du décret du 5 mai 1997. Cet article prévoit que RFF ne peut réaliser un investissement à la demande de l’État ou d’une collectivité territoriale qu’à la condition que ceux-ci assument leur part de financement et qu’en conséquence les comptes de l’établissement public ne soient pas dégradés sur toute la période d’amortissement de l’investissement. À plusieurs reprises, en particulier dans le cas de la ligne à grande vitesse (LGV) Est, l’État n’a pas respecté ses engagements à cet égard, ce qui a conduit RFF à augmenter son endettement. C’est pourquoi le Rapporteur spécial recommande que RFF publie chaque année un tableau des investissements réalisés dans le cadre de l’article 4, avec le détail de leur financement (Proposition n° 5).

Le transfert de la propriété des gares à RFF présenterait l’intérêt d’augmenter ses revenus, d’améliorer la structure de son bilan, de réduire ses coûts d’emprunts et de préparer l’ouverture à la concurrence qui ne saurait être compatible avec la situation actuelle où l’opérateur historique maîtrise des services aux voyageurs importants pour tout opérateur (Proposition n° 6).

Pour améliorer à la fois le volume et la qualité des sillons ferroviaires, il semble opportun de transférer à RFF les bureaux d’horairistes nationaux et régionaux, dont l’activité fait partie intégrante de la mission dévolue à l’établissement public. Cette solution semble préférable au transfert à RFF de la totalité de la branche infrastructure de la SNCF, ou, inversement, à la refilialisation de RFF au sein de la SNCF (Proposition n° 7).

Enfin, la création d’une autorité de régulation ferroviaire dotée de compétences pleines et entières est indispensable mais devrait s’effectuer dans le respect de la géométrie de la réforme de 1997 (Proposition n° 8).

En conclusion, M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a souligné que la réforme de 1997, saine dans son principe, ne doit pas être remise en cause. Un ajustement supplémentaire des frontières de RFF et de la SNCF doit certes être effectué avec le transfert des gares au gestionnaire d’infrastructure. Mais, pour que RFF puisse se désendetter, il convient que l’État et les collectivités territoriales respectent l’article 4 du décret de 1997 et qu’un calendrier raisonnable, assorti de moyens suffisants, soit établi pour les projets d’extension du réseau à grande vitesse liés au Grenelle de l’environnement, sauf à se reposer sur RFF dont l’endettement augmenterait alors inéluctablement.

Le Président Didier Migaud a remercié le Rapporteur pour ses travaux et ses propositions, la réflexion de la commission devant se poursuivre au cours de la table ronde organisée mercredi 14 mai.

M. François Goulard a dit souscrire à la plupart des conclusions du Rapporteur, sauf à celle selon laquelle la loi de 1997 est adaptée. Au contraire, cette loi a établi un mauvais partage des responsabilités, et notamment le partage « physique » de la gestion des infrastructures entre la SNCF et RFF, d’où le retard considérable qui en est résulté et dont les conséquences ont été néfastes. Les dix années de discussion entre les deux entités sur le partage du foncier entre elles a immobilisé la situation, empêchant de valoriser le foncier. Le transfert des gares à RFF serait positif, mais l’objectif de ce transfert doit être très précis : la valorisation du foncier, qui est de l’intérêt de toutes les parties et aussi des collectivités territoriales. Par ailleurs, RFF est obligé par convention de recourir aux services de la SNCF pour l’entretien et l’étude du réseau ; la SNCF est assurée de vendre ses prestations, que RFF de son côté est obligé d’acheter. Ce système n’incite pas à rechercher la productivité et il faut le réformer de façon urgente, la question des péages n’étant que la manière de faire émerger cette réforme de fond.

Le système ferroviaire actuel apparaît complètement bloqué depuis la guerre, et il est difficile de renoncer à telle ou telle liaison ferroviaire. Alors que se développent les préoccupations environnementales, il importe de prendre les bonnes décisions au cas par cas : il n’est pas utile de maintenir des lignes ferroviaires lorsque la desserte par autocar, voire la mise à disposition de taxis, sont moins coûteuses, comme le souligne, à juste titre, le président de la SNCF. Le maintien des lignes ne doit pas entraîner de catastrophe financière. La réforme des péages, favorisant des tarifs adaptés aux liaisons, doit permettre une certaine lisibilité dans la dépense, ainsi qu’une vérité des coûts pour la collectivité et les organismes eux-mêmes.

M. Alain Rodet a estimé que le mauvais partage des responsabilités en ce qui concerne le foncier a conduit à une sous-utilisation regrettable. Il est vrai qu’aujourd’hui les lignes les moins coûteuses ont déjà été construites. Le programme d’équipement dans le cadre du Grenelle de l’environnement comporte beaucoup de liaisons coûteuses, mais on constate que d’autres liaisons, moins coûteuses, n’y figurent pas : il faut que la dimension de la rentabilité figure parmi les préoccupations des décideurs.

M. Charles de Courson s’est dit attristé de constater que l’État a été incapable, dix années durant, d’arbitrer entre la SNCF et RFF. Cette situation va aujourd’hui prendre fin. Cependant il a appelé à la clarté : lorsque l’on dit que la SNCF est excédentaire cette année de 700 millions, il ne faut pas oublier que RFF a constitué 800 millions d’euros de dette et que, depuis l’origine, cet établissement public ne couvre pas ses coûts. Le Rapporteur spécial a signalé la convergence des tarifs des péages français avec ceux de l’Allemagne et leur niveau plus élevé que les tarifs des péages belges ; cependant on peut se demander si la comparaison est pertinente surtout par rapport à la Belgique, car, la France ayant une densité de population très inférieure, la distance moyenne y est beaucoup plus longue.

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a souligné que les prix des péages français sont proches de ceux de l’Allemagne, avec des distances très comparables.

M. Charles de Courson a estimé que l’on devrait se trouver en dessous des prix de revient allemands. Admettre des hausses successives de tarifs par RFF est difficile, mais l’objectif principal doit être de ramener les comptes de RFF d’un déficit de 1 milliard ou 1,2 milliard d’euros à l’équilibre, voire à l’excédent. Cependant la réforme doit aller jusqu’au bout, c’est-à-dire au transfert vers RFF des 55 000 cheminots chargés de l’entretien des voies qui sont restés à la SNCF. RFF doit gérer ce personnel en examinant l’opportunité du recours à la sous-traitance pour certaines tâches. La gestion est loin d’être optimisée aujourd’hui. La troisième proposition du Rapporteur spécial, relative à la traçabilité des comptes, ne pourra prendre son effet que quand RFF aura la pleine gestion de ces 55 000 agents.

Une autorité de régulation ferroviaire va être créée pour éviter les conflits entre la SNCF et RFF. Elle devra veiller à la répartition des sillons, aujourd’hui peu opérante, ce qui explique les difficultés de fret. L’autonomie de RFF doit être affirmée. Son désendettement par ses propres moyens ne peut être approuvé.

L’État doit recevoir la rémunération normale de ses capitaux afin de contraindre la SNCF à améliorer sa gestion. Il ne serait pas satisfaisant de substituer les dividendes aux péages, ce qui ne serait pas neutre au regard de la concurrence.

Il serait souhaitable que le Rapporteur spécial évalue le montant des provisions à passer pour maintenir en bon état les infrastructures confiées à RFF. On sait que les ouvrages d’art ne sont pas entretenus sur de nombreuses lignes secondaires. Le partage des responsabilités d’entretien des routes et infrastructures ferroviaires doit être clarifié : la jurisprudence du Conseil d’État quant à la compétence des communes dans l’entretien des ponts se trouvant au-dessus des lignes ferroviaires place les communes dans une situation inextricable. L’État ayant construit ces ponts, il doit conserver la charge de ses ouvrages et il n’est pas normal d’en confier le maintien aux communes, car dans la plupart des cas, les budgets très limités des petites associations foncières ne permettront pas de conserver les ponts en l’état. Elles ont d’ailleurs refusé le transfert. La détérioration de nombreux ponts sur le Rhône dans les années passées montre l’importance de la question des provisions constituées aux fins d’entretien.

M. Charles de Courson a ensuite indiqué que dans le partage opéré en 1997, des charges ont été transférées à RFF pour soulager la SNCF. La SNCF a même bénéficié de la création du service annexe d’amortissement de la dette (SAAD), ultérieurement pris en charge par l’État.

Pour M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, il faut « imputer le crime à celui qui l’a commis initialement ».

M. Charles de Courson a estimé que RFF ne pourrait pas devenir une entreprise à part entière avec 30 milliards de dette, un montant au demeurant en augmentation.

En accord avec la proposition n° 5 concernant l’information sur les investissements réalisés dans le cadre de l’article 4 du décret du 5 mai 1997, M. Charles de Courson a recommandé la prudence quant au transfert des gares à RFF, celles-ci ayant une partie voyageurs et une partie liée à l’exploitation commerciale des services aux voyageurs. Des superpositions de domanialité peuvent exister, comme à la Gare Montparnasse, où des droits à construire sur la dalle de couverture ont été vendus (hôtels, restaurant, etc.).

M. François Goulard a précisé qu’il fallait distinguer le concept général de « gare » de la définition technique du « bâtiment voyageur ». S’il existe plusieurs opérateurs ferroviaires, le bâtiment voyageur ne doit pas être remis à l’autorité de l’un d’entre eux.

M. Charles de Courson a souligné le fait que, dans le cas du transfert, il faudrait, d’une part, instaurer un loyer payé à RFF par la SNCF, et, d’autre part, transférer également des éléments de passif pour équilibrer les comptes. S’agissant des responsabilités respectives de RFF et de la SNCF, il a souligné qu’il faut aller dans le sens de la Cour des comptes et créer une autorité indépendante pour la fixation des péages et avec des personnels transférés. Il s’est enfin déclaré en accord avec la proposition n° 8 du Rapporteur spécial.

M. Philippe Vigier a émis des réserves au sujet de la compensation d’une hausse limitée des péages par une augmentation des dividendes versés à l’État. Son expérience pratique relative au contrat de projet État-région (CPER) de la région Centre montre que la SNCF et RFF n’apportent aucune contribution à la centaine de millions d’euros nécessaire pour régénérer une ligne TER, qui, dès lors, est financée par l’État et les collectivités territoriales. Comment la SNCF pourrait-elle assumer une hausse des péages et verser de surcroît des dividendes plus élevés ?

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a alors précisé que l’accroissement de dividendes de la SNCF versés à l’État serait reversé à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

M. Philippe Vigier, a, par ailleurs, remarqué que pour le financement de la rénovation de 80 gares TER de la région Centre, la contribution de la SNCF, qui devait être de 40 %, s’est finalement limitée à 10 %, la rénovation de la seule gare de Chartres coûtant 1,5 million d’euros. On voit mal comment la SNCF pourrait, avec des charges financières plus élevées, accroître sa contribution aux dépenses de rénovation (réparation) ou de régénération (réfection complète) des voies.

M. François Goulard a estimé que la SNCF pourrait absorber une hausse des péages, à condition de réaliser des gains de productivité au-delà du rythme actuel. Il a signalé par ailleurs que la loi de février 2005 crée des obligations pour améliorer l’accessibilité des personnes handicapées, d’où un besoin d’investissement accru. Au rythme actuel d’investissement, ni la SNCF, ni RFF ne seront au rendez-vous en 2015 sur ce sujet important.

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a précisé que son rapport ne doit pas être considéré comme définitif mais qu’il intervient à un moment particulier du débat sur les péages, sur la situation financière de RFF et sur la répartition des rôles entre les différents acteurs. Concernant la valorisation du foncier, voulue par la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de 2004, beaucoup a été fait mais beaucoup reste à faire.

La dotation financière de RFF devrait être augmentée pour faire correspondre son actif à sa dette actuelle. Sur les conditions d’exercice des services effectués par la SNCF, quand elle est maître d’œuvre délégué, le Rapporteur spécial s’est déclaré en accord avec les observations de M. François Goulard. En revanche, l’autorité de régulation ne doit pas être investie de responsabilités trop vastes, au-delà de son activité de régulation, par exemple sur la définition et la vente de sillons qui doivent rester l’apanage de RFF. Mais il ne faut pas, à ce stade, donner à RFF plus de responsabilités qu’il n’en peut supporter, par exemple en lui confiant l’ensemble de la branche infrastructure de la SNCF.

M. Hervé Mariton n’est pas, non plus, favorable à l’autre schéma évoqué par la Cour des comptes, consistant à réintégrer RFF et l’ensemble de son patrimoine et de ses responsabilités au sein d’une filiale de la SNCF. Mme Anne-Marie Idrac, lorsqu’elle était présidente de la SNCF, avait avancé cette hypothèse à l’automne 2007 au cours d’un entretien avec les membres du bureau de la commission des Finances. Il estime préférable d’améliorer le fonctionnement de RFF, en lui attribuant les gares et les bureaux des horairistes, en augmentant ses ressources grâce à une hausse des péages et aux concours de l’AFITF, et enfin en l’incitant à faire des progrès de productivité dans toutes ses activités. Une meilleure transparence est également souhaitable concernant les investissements prévus par l’article 4 du décret de 1997, dont l’inobservation a été une source d’endettement inopportune.

Sur proposition du Président Didier Migaud, la Commission a alors autorisé la publication du rapport d’information.

ANNEXE

LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Cour des Comptes :

M. Christian DESCHEEMAEKER, Président de la 7ème chambre

M. François ECALLE, conseiller référendaire

M. Alexis ROUQUE, auditeur

Ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables :

M. Christian FRÉMONT, directeur du cabinet de M. Jean-Louis BORLOO, ministre d’État

M. Patrick VIEU, directeur des transports ferroviaires et collectifs

M. Henri PEYRAFITTE, chef de bureau

M. Julien DEHORNOY, chef de bureau

Réseau Ferré de France :

M. Hervé DE TRÉGLODÉ, directeur général adjoint, pôle commercial

M. Gérard DEPOND, directeur du service des prix

Mme Marie-Reine du BOURG, chargée des relations parlementaires

SNCF :

M. Guillaume PÉPY, président

M. Jean-Pierre MENANTEAU, directeur finances, achat, systèmes d’information et de télécommunications

Mme Mireille FAUGÈRE, directeur Voyageurs France Europe

Mme Laurence EYMIEU, directrice des relations institutionnelles

VEOLIA TRANSPORTS :

M. Antoine HUREL, directeur général

M. LEANDRI, directeur général adjoint

Mme Marie-Thérèse SUART-FIORAVANTE, directrice des relations institutionnelles

École supérieure des Mines de Paris :

M. François LÉVÊQUE, professeur de droit et d'économie

Conseil d’analyse économique :

M. Rémy PRUD’HOMME, professeur honoraire à l’Université Paris-12

Laboratoire d’Économie des transports – Université de Lyon :

M. Yves CROZET, professeur d’économie, directeur de recherches.

1 () M. Rémy Prud’homme, audition du 14 avril 2008.

2 () Note de M. Rémy Prud’homme au Rapporteur spécial, avril 2008.

3 () M. Yves Crozet, audition du 14 avril 2008.

4 () M. François Lévêque, audition du 1er avril 2008.

5 () Le résultat net de RFF en 2006 a été de – 283,4 millions d’euros.

6 () M. Patrick Vieu, Directeur des transports ferroviaires et collectifs, MEEDDAT, audition du 3 avril 2008.

7 () Le plan dit Perben 1 a prévu un fort accroissement des moyens alloués à la régénération du réseau ferroviaire. Par rapport à 2005, les moyens supplémentaires sont les suivants : 2006 : +110 M€ ; 2007 : +260 M€ ; 2008 : +400 M€ ; 2009 : +500 M€ ; 2010 : + 600 M€.

8 () Les 44 kilomètres de la ligne correspondent à un investissement de 952 millions d’euros, dont 31% pour le seul tunnel frontalier du Perthuis.

9 () M. Yves Crozet, audition du 14 avril 2008.

10 () M. Antoine Hurel, Directeur général, Veolia Transports, audition du 14 avril 2008.

11 () M. Yves Crozet, audition du 14 avril 2008.

12 () Ces biens sont les suivants : voies, y compris les appareillages fixes associés, les ouvrages d’art et les passages à niveau, les quais à voyageurs et à marchandises, les triages et les chantiers de transport combiné, les installations de signalisation, de sécurité, de traction électrique et de télécommunications liées aux infrastructures, les bâtiments affectés au fonctionnement et à l’entretien des infrastructures.

13 () Rapport d’information de M. Hervé MARITON, déposé par la commission des finances, de l’économie générale et du plan en conclusion des travaux d’une mission d’évaluation et de contrôle sur la clarification des relations financières entre le système ferroviaire et ses partenaires publics, Assemblée nationale, n° 1725, 8 juillet 2004.

14 () C’est notamment le cas pour les cours des gares, qui séparent les voiries des bâtiments voyageurs.

15 () Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité.


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