N° 1046 - Rapport d'information de M. Yves Bur déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales préalable au débat d'orientation des finances publiques



N° 1046

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juillet 2008.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

préalable au débat d’orientation des finances publiques,

ET PRÉSENTÉ

par M. Yves Bur,

Député.

——

INTRODUCTION

Le présent rapport constitue le deuxième rapport d’information déposé par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales préalablement à la tenue, dans notre Assemblée, d’un débat sur les orientations des finances publiques.

En effet, l’obligation, pour le Gouvernement, de présenter un rapport sur les orientations des finances sociales, en vertu de l’article L.O. 111-5-2 du code de la sécurité sociale, inspiré de l’article 48 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), ne remonte qu’à l’article 6 de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) : « En vue de l’examen et du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année suivante par le Parlement, le Gouvernement présente, au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, un rapport sur les orientations des finances sociales comportant :

« 1° Une description des grandes orientations de sa politique de sécurité sociale au regard des engagements européens de la France ;

« 2° Une évaluation pluriannuelle de l’évolution des recettes et des dépenses des administrations de sécurité sociale ainsi que de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. »

Comme le rapport que le Gouvernement doit présenter au même moment « sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques », celui sur les orientations des finances sociales « peut donner lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat ». Fort logiquement, l’article L.O. 111-5-2 du code de la sécurité sociale prévoit que ce débat sur les orientations des finances sociales (DOFS) peut être concomitant du débat d’orientation budgétaire (DOB).

D’emblée, le 22 juin 2006, DOB et DOFS avaient d’ailleurs été regroupés, M. Pierre-Louis Fagniez ayant présenté dans ce cadre, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, un rapport d’information (n° 3159).

Le 16 juillet 2007, suite aux élections législatives, seul un DOB avait été organisé dans notre Assemblée, mais les perspectives des finances sociales n’en avaient pas moins été abordées.

Cette année également, le décret du 21 juin 2008 portant convocation du Parlement en session extraordinaire ne mentionne qu’un « débat d’orientation budgétaire », mais sa portée n’en sera pas moins large. C’est ce qu’indique clairement l’intitulé du rapport du gouvernement présenté en application de la LOLF et de la LOLFSS, « préparatoire au débat d’orientation des finances publiques », par conséquent au-delà des seules orientations budgétaires, et visant « l’évolution de l’économie nationale et les orientations des finances publiques ».

En outre, si, en 2006, quatre ministres étaient intervenus en séance publique pour couvrir l’ensemble du champ social et budgétaire, l’organisation gouvernementale mise en place depuis 2007, rapprochant, au sein d’un même ministère, le budget, les comptes publics et la fonction publique, contribue à une approche globale de nos finances publiques.

De ce point de vue, LOLF comme LOLFSS inscrivent explicitement ce débat dans une logique commune, celle des « engagements européens de la France » mentionnés par la LOLFSS. Il serait donc peu compréhensible et même incohérent que le DOB et le DOFS se tiennent séparément, même s’il ne faut évidemment jamais perdre de vue ni la spécificité des dépenses de sécurité sociale – le plus souvent des prestations versées en application de dispositions légales – ni le rôle des partenaires sociaux dans la gestion de la protection sociale.

La réflexion du Parlement vient d’être enrichie par le Rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale 2007 établi par la Cour des comptes en application de l’article L. O. 132-2-1 du code des juridictions financières. Alors que le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin dernier venait d’estimer à 9,5 milliards d’euros le déficit du régime général pour 2007, la Cour, faisant état de trois désaccords avec ce chiffre, pour un impact total de 980 millions d’euros, estime que le montant du déficit serait en réalité de 10,5 milliards d’euros.

En tout état de cause, hors Fonds de solidarité vieillesse (FSV), le déficit du régime général, qui était de 8,7 milliards d’euros en 2006, s’est dégradé en 2007. C’est bien là l’essentiel, même s’il est demeuré en-deçà du niveau de 2005 (11,6 milliards d’euros).

Soldes du régime général par branche (2005-2008)

(en milliards d’euros)

 

2005

2006

2007

2008

Maladie

Accidents du travail

Vieillesse

Famille

- 8,0

- 0,4

- 1,9

- 1,3

- 5,9

- 0,1

- 1,9

- 0,9

- 4,6

- 0,5

- 4,6

+ 0,2

- 4,1

+ 0,3

- 5,6

+ 0,4

Total régime général

- 11,6

- 8,7

- 9,5

- 8,9

FSV

- 2,0

- 1,3

+ 0,2

+ 1,0

Régime général et FSV

- 13,6

- 10,0

- 9,3

- 7,9

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2008).

Toutefois, comme nous y incite l’article L.O. 111-5-2 du code de la sécurité sociale, ces évolutions récentes doivent être replacées dans une perspective pluriannuelle, c’est-à-dire avec une projection sur les moyen et long termes. Tels sont les vrais enjeux, car nous savons bien désormais que les plans conjoncturels s’efforçant, presque chaque année, de freiner la progression des charges de la branche maladie n’ont qu’un temps, car ils se heurtent aux évolutions structurelles de la dépense de santé. Quant à celles de la branche vieillesse, elles sont inscrites dans la démographie et, par conséquent, déjà connues pour les décennies à venir.

À moyen terme, le rapporteur fait entièrement sien l’objectif du gouvernement, à savoir un retour à l’équilibre d’ici la fin de la présente législature. Le chemin à parcourir est ardu, ce que nous ne pouvons plus faire semblant d’ignorer, car depuis l’entrée en vigueur de la LOLFSS, un rapport, figurant en annexe B à la loi de financement de l’année et établi sur les hypothèses économiques sous-jacentes à la loi de finances initiale, décrit les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche pour les quatre années à venir.

Le rapport annexé à l’article 8 de la LFSS 2008 permet ainsi d’illustrer les incidences de plusieurs scénarios économiques différents sur l’évolution à moyen terme des finances sociales. Même en adoptant le scénario « haut », qui se fonde sur des postulats particulièrement optimistes – produit intérieur brut (PIB) et objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) progressant respectivement de 3 % et 2 % par an en volume –, l’équilibre ne serait pas atteint en 2012. Pour le seul régime général, il faudrait que l’ONDAM ne progresse que de 1,5 % par an en volume à partir de 2009 pour que l’équilibre soit atteint en 2012. Quant au Fonds de financement de la protection sociale agricole (FFIPSA), son déficit cumulé atteindrait plus de 20 milliards d’euros en 2012, de telle sorte qu’on ne pourra pas continuer de reporter indéfiniment le traitement de cette situation, qui devient nécessairement plus délicat au fur et à mesure que les années passent.

Solde des régimes obligatoires de base et des organismes
concourant au financement de ces régimes (2009-2012)

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

Maladie

Accidents du travail

Vieillesse

Famille

- 4,2

+ 0,5

- 6,0

+ 1,8

- 3,0

+ 0,8

- 7,1

+ 3,2

- 1,6

+ 1,0

- 8,3

+ 4,7

- 0,2

+ 1,2

- 9,3

+ 6,1

Total toutes branches consolidé

- 7,9

- 6,1

- 4,3

- 2,2

FSV

+ 0,9

+ 1,4

+ 1,9

+ 2,4

FFIPSA

– 2,7

– 3,1

– 3,4

– 3,7

Ensemble

- 9,7

- 7,8

- 5,8

- 3,5

Source : LFSS 2008 (annexe B).

Il n’est plus possible de faire peser ces déficits sur les générations futures, alors même que la dette accumulée, non seulement celle déjà reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) au titre des exercices antérieurs à 2006 mais aussi celle, postérieure, qui lui sera transférée, ainsi que le gouvernement l’a annoncé, ne sera remboursée qu’en 2021.

Il est donc urgent d’agir tant sur les recettes que sur les dépenses.

Cela passe d’abord par une remise en ordre du financement de la protection sociale. À cet égard, le concept de « TVA sociale » n’a pas nécessairement permis de clarifier les termes du débat : « TVA sociale », « TVA pouvoir d’achat » ou « TVA emploi », à tout prendre, c’est davantage une « TVA compétitivité » qui serait préférable, afin de diminuer les charges des entreprises. Mais dans tout cela, il n’est en réalité question que de transferts, l’ordre de grandeur étant que 5 points de TVA permettraient d’effacer les cotisations famille (un peu plus de 30 milliards d’euros), voire une partie des cotisations maladie (65 milliards d’euros) à la charge des entreprises.

Car la problématique est essentiellement la suivante : ordonner le financement selon ce qui relève du contributif et ce qui relève de la solidarité. Dans cet esprit, schématiquement, les prestations sociales liées au travail (vieillesse, accidents du travail, chômage) doivent continuer à être financées par les entreprises. En revanche, la logique voudrait que les prestations relevant de la solidarité (maladie, famille) ne soient plus liées aux employeurs, ceux-ci n’étant dès lors plus assujettis à ce titre qu’à une contribution traduisant l’effort de solidarité de l’ensemble de la Nation. Les responsabilités seraient ainsi clairement identifiées.

Les partenaires sociaux sont désormais ouverts à la mise en œuvre d’une telle logique, préconisée en décembre dernier par le Conseil économique et social dans un avis adopté sur le rapport de Mme Anne Duthilleul, quatre des grandes confédérations ayant voté pour et la cinquième s’étant abstenue.

Autre constat qui recueille un large consensus, et ce au sein même de notre assemblée, comme l’ont montré les récents travaux de la mission d’information commune aux commissions des affaires sociales et des finances (1) : la nécessité de procéder à une révision générale des exonérations de cotisations sociales.

La mission d’information commune a ainsi conclu que sans remettre en cause l’apport indéniable des allégements généraux (« réduction Fillon ») au soutien de l’emploi peu qualifié, des aménagements pouvaient néanmoins leur être apportés, au regard de leur volume, qui atteint désormais près de 27 milliards d’euros, y compris les exonérations bénéficiant aux heures supplémentaires. Abaisser progressivement le seuil de sortie de 1,6 à 1,4 SMIC, réserver ces allégements aux 500 ou 1 000 premiers emplois d’une entreprise, annualiser le calcul de ces allégements, conditionner leur octroi à l’ouverture d’une négociation salariale et à la réduction du temps partiel subi : beaucoup de pistes sont ouvertes.

Quant aux exonérations ciblées, leur montant est certes nettement moins élevé, de l’ordre de 7 milliards d’euros, mais elles paraissent excessivement éparpillées, et ce pour une efficacité très insuffisamment prouvée. La mission plaide donc pour leur réexamen complet, sur la base d’un modèle commun de cahier des charges.

Enfin, elle juge que les 40 milliards d’euros de nature très diverse qui échappent entièrement à l’assiette des cotisations et contributions, c’est-à-dire les « niches sociales », dont la croissance est nettement supérieure à celle de la masse salariale, doivent faire l’objet d’une contribution de solidarité (flat tax) à un taux de 5 %. Dans son rapport préparatoire au présent débat d’orientation des finances publiques, le gouvernement se montre d’ailleurs disposé à ce qu’un prélèvement de nature comparable à celui qui a été institué l’année dernière pour les stock-options et attributions gratuites d’actions soit « étudié pour les autres niches qui y échappent aujourd’hui ».

S’il n’est sans doute pas réaliste de cumuler toutes les propositions de la mission d’information commune, qui a souhaité constituer une « boîte à outils » à la disposition du gouvernement et des députés, quelques-unes de ces mesures permettraient chaque année d’accroître les recettes de plusieurs milliards d’euros. Et, pour l’avenir, il convient de mettre en place une stricte gouvernance, afin de s’assurer que de futures exonérations soient instaurées en parfaite connaissance de cause puis périodiquement réévaluées.

Même si des progrès pouvaient être accomplis en ce sens en matière de recettes, ils ne dispenseraient pas pour autant d’adopter des mesures structurelles visant à maîtriser l’évolution des dépenses. Ainsi, à l’hôpital, après la mise en place de la tarification à l’activité (T2A), il faut maintenant réfléchir aux moyens de responsabiliser véritablement les établissements, en leur assignant des objectifs précis et, si les gestionnaires ne se montrent pas capables de les atteindre, en prenant alors les dispositions qui s’imposent. Par ailleurs, le futur projet de loi « patients, santé et territoires » permettra notamment de mettre en place un pilotage plus satisfaisant, grâce à la création des agences régionales de santé.

À plus long terme, les tendances démographiques doivent être prises en compte. Pour la France, comme pour tous les pays développés, c’est le vieillissement. Et nous savons déjà qu’à l’horizon 2050, son impact sur nos finances publiques équivaudra à 3,2 points de PIB : 57 milliards d’euros de 2007, autrement dit l’équivalent de 10 points de TVA ou du montant de l’impôt sur le revenu. Tel est le diagnostic porté par le Conseil d’orientation des finances publiques dès son premier rapport de février 2007.

Par conséquent, les incidences du vieillissement sur nos systèmes sont connues : 2 points de PIB au titre des retraites, bien sûr, mais aussi 1,8 point pour la santé et 0,2 point pour la dépendance. Ces charges supplémentaires ne sont que peu corrigées par la baisse des dépenses d’éducation (0,5 point) et d’indemnisation du chômage (0,3 point).

Il est donc impératif d’entamer dès maintenant le redressement de nos finances sociales afin de pouvoir affronter sereinement ces inexorables défis.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 9 juillet 2008, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le rapport d’information de M. Yves Bur préalable au débat d’orientation des finances publiques.

Après l’exposé du rapporteur, le président Pierre Méhaignerie a rappelé que si le débat d’orientation des finances publiques ne conduit pas à un vote mais à une publication d’un rapport d’information, il n’en demeure pas moins que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales doit être très présente dans le débat.

Autant on peut imaginer un retour à l’équilibre pour la branche vieillesse, avec notamment des marges sur l’UNEDIC, autant le chemin paraît plus ardu et politiquement plus sensible en matière d’assurance maladie. À cet égard, la commission se devra d’être exigeante en matière d’exonérations multiples qui ne sont bien souvent qu’une manière de justifier des projets de loi qui n’auraient pas autrement de réel intérêt.

La maîtrise des dépenses reste évidemment le point sensible mais il y a encore des marges de manœuvre, notamment avec le bouclier sanitaire qui permettrait de s’attaquer au problème du reste à charge.

Il convient enfin de ne pas oublier que l’on se situe désormais dans un monde ouvert. Or, dans les dix dernières années, la France a été parmi les pays européens celui qui a le plus augmenté la dépense publique et les dépenses de protection sociale. Le besoin qui s’exprime aujourd’hui est clairement d’augmenter le salaire direct. Il y a donc un équilibre à trouver, qui ne pourra aboutir en faisant abstraction de la situation des autres pays.

Le débat d’orientation des finances publiques est crucial. Dans ce cadre, un amendement a été déposé conjointement avec Didier Migaud, Gilles Carrez et Yves Bur visant à ce que toute exonération d’impôts et de cotisations sociales ne puisse plus figurer à l’avenir que dans les lois de finances ou les lois de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Luc Préel s’est interrogé sur les conséquences du récent refus par la Cour des comptes de certifier les comptes de l’ACOSS et de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF). Il convient de s’interroger sur les conséquences à tirer de ce refus de certification car si cette décision restait sans effets, ce serait remettre en question l’utilité même de la procédure de la certification des comptes.

Est-il par ailleurs possible de préciser si certaines dettes des régimes sociaux au titre des exercices 2007 et 2008 seront transférées à la CADES ? Il faut aussi s’inquiéter du déficit structurel du FFIPSA, qui est évalué à 20 milliards d’euros en 2012, alors qu’il atteint déjà un montant de 8 à 9 milliards d’euros actuellement. Est-il raisonnable de continuer à autoriser le régime agricole à emprunter ? Le rapporteur a-t-il des solutions à proposer pour mettre fin à cette situation totalement anormale ?

Le niveau des déficits des régimes sociaux risque encore de s’aggraver du fait du relèvement des taux d’intérêt. A-t-on évalué les charges financières induites liées à ce renchérissement du coût du crédit pour la CADES ?

Le débat d’orientation des finances publiques gagnerait en crédibilité si les prévisions macroéconomiques présentées par le gouvernement étaient réalistes. En effet, comment évaluer le montant des déficits publics si les hypothèses de croissance du PIB ou de la masse salariale sont exagérément optimistes ? Rien ne sert de se bercer de douces illusions, il est indispensable d’afficher des prévisions réalistes lorsque nous discuterons du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Le rapporteur doit veiller tout particulièrement à la véracité des chiffres présentés par le gouvernement.

Comment parvenir à voter un PLFSS en équilibre ? Il faut d’abord adapter les recettes à l’évolution des dépenses et passer au crible toutes les exonérations de cotisations sociales pour évaluer leur justification économique. Quant aux dépenses, il serait urgent d’étudier la faisabilité d’une proposition que font les députés du groupe Nouveau Centre (NC) depuis plusieurs années, à savoir passer à un régime de retraite par points comme dans les régimes de retraites complémentaires, ce qui assurerait automatiquement un équilibre financier de la branche vieillesse, la valeur du point de retraite variant selon les contraintes financières de la branche. Quant aux dépenses de santé, seule la responsabilisation de l’ensemble des acteurs du système de soins et des patients permettra d’atteindre des résultats significatifs.

M. Marcel Rogemont s’est tout d’abord interrogé sur la pertinence d’examiner la situation des finances de l’État et des comptes de la protection sociale au cours d’un même débat d’orientation des finances publiques. Cette approche globale comporte le grave inconvénient de gommer les spécificités des dépenses sociales et tout particulièrement la singularité des dépenses de santé. Tous les pays développés sont confrontés à une augmentation inéluctable de leurs dépenses de santé et il faut avoir le courage d’évaluer cette situation particulière. Ce débat global donne encore plus de poids au ministère des finances qui impose une véritable « religion du taux de prélèvement ». Tous les moyens sont bons pour faire baisser le taux des prélèvements obligatoires, même les plus illusoires comme l’idée consistant à faire prendre en charge certaines dépenses de santé par les organismes de prévoyance complémentaire. Il s’agit d’un simple effet d’optique : les dépenses de santé ne sont pas réduites, mais on pourra afficher une baisse du taux des prélèvements obligatoires ! Les experts du ministère des finances semblent peu préoccupés de savoir comment les Français financeront le surcoût des assurances complémentaires.

Il convient de remettre en cause le postulat actuel selon lequel la protection sociale coûte trop cher et d’exercer son esprit critique pour contester les solutions proposées, telles que la mise en place des franchises médicales ou l’acceptation de la généralisation des dépassements d’honoraires médicaux. Toutes ces solutions conduisent à mettre à contribution les assurés sociaux alors que peu d’efforts sont demandés aux professionnels de santé ou aux industriels du secteur.

Les commissaires SRC se félicitent des propos courageux tenus par le président Pierre Méhaignerie au sujet des exonérations de cotisations sociales. Il n’est pas normal qu’au gré des déplacements en province du Président de la République, on décide au coup par coup d’accorder des exonérations de cotisations sociales pour apaiser telle ou telle colère. Lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, il faut espérer que le président Pierre Méhaignerie maintiendra sa position selon laquelle aucune décision d’exonération de cotisations sociales ne devra intervenir sans une évaluation précise de sa justification économique.

Sur la question du financement du déficit des régimes sociaux, plusieurs commissaires socialistes et tout particulièrement M. Jean-Marie Le Guen ont attiré l’attention des ministres successifs chargés des comptes sociaux sur la situation préoccupante de la CADES. La détérioration financière de la CADES est d’ailleurs la preuve de l’échec de la loi du 13 août 2004 relative à la réforme de l’assurance maladie. Qu’en est-il des rumeurs selon lesquelles le taux de la CRDS sera augmenté ?

M. Maxime Gremetz a fait remarquer qu’il est normal que notre pays connaisse une augmentation des dépenses de santé. L’ensemble des pays développés doit faire face au même phénomène qui est lié à la progression de l’espérance de vie et au progrès médical. Cette évolution représente un réel progrès social et il faudrait s’inquiéter si la France s’orientait vers une politique de réduction des dépenses d’assurance maladie car il s’agirait là d’une véritable régression sociale.

L’urgence est de trouver de nouvelles sources de financement pour la protection sociale et non pas de chercher les moyens de réduire la prise en charge des dépenses de santé. Comment accepter les déremboursements massifs et l’extension des franchises médicales ? Les hôpitaux publics se trouvent dans une situation dramatique : par exemple, 92 % des CHU sont en déficit, ce qui n’est pas acceptable. La tarification à l’activité devait être la solution miracle, mais en fait il n’en est rien et on constate une détérioration considérable des conditions de travail des personnels hospitaliers. L’hôpital public est véritablement en danger.

Face à cette situation dramatique, il convient de s’interroger sur les mécanismes de financement. La crise actuelle a au moins le mérite de remettre en question des politiques qui semblaient aller de soi il y a quelques années. Que n’a-t-on entendu sur les députés communistes quand ils mettaient en cause le caractère équitable des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises sans aucune contrepartie sociale. Il y a dix ans on se moquait de leurs propositions, alors qu’aujourd’hui un consensus se dégage pour remettre en cause la multiplication des mesures d’exonérations de cotisations sociales.

La montée de la financiarisation de l’économie doit conduire à trouver des solutions innovantes pour financer la protection sociale. Il est urgent de revoir l’assiette des cotisations sociales et de trouver les moyens adéquats pour permettre aux revenus financiers de contribuer au financement des régimes sociaux. En matière d’assurance maladie, il est impératif de mettre un terme à certaines dérives, comme le recours systématique aux dépassements d’honoraires. Il est tout à fait anormal que dans certaines zones géographiques il ne soit plus possible de se faire soigner sans devoir payer des dépassements d’honoraires.

M. Patrice Debray a fait remarquer que dans certaines régions les dépassements d’honoraires étaient loin d’être généralisés.

M. Michel Issindou, en tant que membre de la mission d’information commune sur les exonérations de cotisations sociales, a félicité M. Yves Bur pour son travail de rapporteur de cette mission car ces exonérations ne sont effectivement pas toutes d’une grande efficacité. Il faut se féliciter de ce que le sujet ne soit plus tabou ; il existe des réserves tellement importantes qu’il serait dommage de ne pas pouvoir récupérer dans le temps les 10 milliards d’euros manquant aux recettes de la sécurité sociale. Une nuance doit cependant être faite aux propositions présentées par le rapporteur : la flat tax proposée avec un taux bas sur une assiette large ne doit pas exonérer les parlementaires d’examiner chaque « niche sociale » sans craindre d’y rencontrer des chiens qui mordent… Il n’est en outre pas possible de mettre sur un même plan les exonérations applicables aux stock-options et aux chèques-restaurant en raison de leur nature différente. On fait valoir que les exonérations sociales ont permis de sauver 800 000 emplois. Rien n’est moins sûr car l’estimation porte en fait sur une fourchette allant de 300 000 à 1 500 000 emplois. Dans les entreprises, l’emploi ne se joue pas sur des exonérations. Espérons toutefois que les propositions de la mission d’information ne finiront pas, comme tant d’autres, dans un placard des couloirs de l’Assemblée nationale.

Mme Catherine Lemorton a invité les commissaires à ne pas s’enthousiasmer sur le bouclier sanitaire. Il conviendrait d’abord de se préoccuper de définir le reste à charge en distinguant la partie visible de la partie invisible des dépenses des assurés. Les travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur les affections de longue durée tournent également autour de cette question du bouclier sanitaire. Il serait intéressant de se rendre en Allemagne pour voir comment des personnes sont sorties du champ de couverture de la sécurité sanitaire à cause du bouclier sanitaire.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a donné les éléments d’information suivants :

– L’absence de certification des comptes d’un organisme de sécurité sociale n’entraîne certes aucune conséquence juridique. La Cour des comptes souligne dans son rapport les divergences d’appréciation entre elle et le ministère chargé des comptes publics, mais également l’amélioration globale des pratiques comptables en matière de sécurité sociale. Il reste toutefois un problème important concernant la CNAF, dont les contrôles sont jugés insuffisants pour que la Cour estime possible de certifier ses comptes.

– En matière de comptes publics, on peut avoir une appréciation différente des engagements de la France vis-à-vis de l’Union européenne. M. Didier Migaud, président de la commission des finances, pense toutefois qu’il est indispensable d’avoir une approche commune des finances sociales et des finances publiques tellement elles sont imbriquées. Chacune doit cependant garder sa spécificité.

– En matière de financement de la protection sociale, la France anticipe mal les réformes, ce qui la conduit à être confrontée à des difficultés de financement. Ainsi, en matière de retraites, la France aurait dû anticiper voici plus de dix ans les évolutions que nous constatons aujourd’hui, comme l’ont fait les autres pays européens. En matière de santé, l’Allemagne sait gérer les excédents contrairement à la France et a mis en place un bouclier sanitaire égal à 1 % du revenu pour les salariés souffrant d’affections de longue durée, le reste à charge ne devant pas excéder 2 % pour les autres assurés.

– Le transfert de certaines dépenses de santé aux assurances complémentaires ne règle pas le problème du financement car 8 % des Français ne sont pas couverts par une assurance complémentaire santé. Une enquête de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) a montré que deux tiers des contrats des mutuelles et des assurances complémentaires de santé proposent une couverture égale à 100 % du tarif de la sécurité sociale : les dépassements tarifaires ne sont donc pas pris en charge par deux tiers des contrats.

– Lors de la discussion du projet de loi de financement pour 2008, l’instauration d’une contribution sur les stock-options a nécessité un important effort d’explication auprès du gouvernement et du monde des entreprises. Le rapporteur n’a pas eu le sentiment d’avoir alors reçu un soutien actif de l’opposition.

– Concernant les dépassements d’honoraires, l’Assemblée nationale avait proposé, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, qu’un accord puisse être conclu sur le montant de ce dépassement. L’amendement a, par la suite, été supprimé par le Sénat puis par la commission mixte paritaire. Cette proposition reste de bon sens pour garantir l’accès de tous les Français à l’assurance maladie.

– Il ne faut pas faire porter les efforts de maîtrise médicalisée uniquement sur la médecine de ville : la maîtrise médicalisée s’impose à tous. La défense du service public hospitalier ne doit pas conduire à exonérer l’hôpital public de ces efforts. Il doit être restructuré afin que soit inversée cette tendance cruelle qui lui a fait perdre des parts de marché au profit du secteur privé, ces parts étant d’autant plus importantes qu’il a laissé le secteur privé se positionner sur les activités les plus rentables. Il faut savoir être exigeant vis-à-vis de l’hôpital public quand on constate qu’avec deux fois plus de personnel, il réalise deux fois moins d’interventions.

– Les déficits pour 2007 et 2008 ne sont effectivement pas financés. Or, on atteint la limite de la capacité de financement par la Caisse des dépôts et consignations. Le rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 pour les recettes et l’équilibre général veillera à ce que des ressources pérennes soient affectées au financement de ces déficits, ainsi qu’à celui prévu pour 2009. Les marchés financiers internationaux exigent des garanties. La gestion financière de l’État français doit être améliorée quand on observe que le taux moyen de refinancement de la France est de 4,2 % alors que l’Allemagne obtient un taux de 4 %, qui était celui de la France en 2004. Cela s’explique par le fait que nous n’avons pas entrepris les réformes nécessaires. Le projet de loi de révision constitutionnelle en cours d’adoption exige un vote des comptes publics en équilibre. C’est un signal fort, après celui de 2005 qui a conditionné tout nouvel accès au financement de la CADES à la définition de nouvelles ressources. En Allemagne, l’ensemble des groupes politiques s’apprête à modifier, d’ici la fin de la législature, un amendement à la Loi fondamentale imposant au Parlement de voter un budget en équilibre. Les réformes en matière de financement des dépenses publiques exigent aujourd’hui un large consensus politique.

Mme Catherine Lemorton a fait observer qu’il ne faut pas tout mélanger au point de favoriser l’hôpital privé.

M. Marcel Rogemont a jugé que les députés auraient dû augmenter par avance, de manière claire, les ressources destinées à financer la CADES plutôt que de le faire sous la contrainte des déficits. Lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, le gouvernement a fui ses responsabilités, ce que l’opposition avait souligné en séance.

Le rapporteur a estimé qu’arrivé à un certain stade, il faut faire des réformes de structurelles en allant plus loin que les précédentes années. Notamment, il faudrait optimiser le parcours de soins. On constate que 0,2 point de CSG serait nécessaire chaque année pour financer le déficit de la sécurité sociale mais ce prélèvement social conduirait à baisser le revenu disponible des Français.

Par ailleurs, s’agissant de l’hôpital public, on ne peut pas toujours se réfugier derrière ses missions de service public. C’est M. Claude Évin, qui, voici plus de dix ans, a mis en place les premiers éléments de la T2A, mais nous attendons encore aujourd’hui les données qui, d’ici à la fin 2008, devraient enfin faire apparaître le coût pour l’hôpital public de ses missions de service public. Sur cette base, il faudra soumettre l’hôpital à une cure d’efficacité. Le rapport de la mission d’information sur les ARS a montré que cinq millions de journées d’hospitalisation, soit deux milliards d’euros de dépenses, sont inutiles. En particulier de nombreuses dépenses concernant des personnes âgées devraient relever de l’action médico-sociale et non de l’hôpital public.

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La commission a autorisé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

1 () Vers une révision générale des exonérations de cotisations sociales, rapport d’information (n° 1001) déposé par la mission d’information commune sur les exonérations de cotisations sociales.


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