N° 1067
——
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 juillet 2008.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 146 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN
relatif à la modernisation de l’outil diplomatique
ET PRÉSENTÉ
par M. Jean-François MANCEL,
Député.
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INTRODUCTION 5
PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL 6
I.− POINT D’ARRIVÉE, NOUVEAU DÉPART : L’HÉRITAGE DE DIX ANS DE RÉFORMES AU MINISTÈRE 9
A.– UNE MODERNISATION EN ACTES SUR FOND DE MOYENS MESURÉS 9
B.– L’ÉVOLUTION CONTRAINTE DU BUDGET DU MINISTÈRE 11
C.– DES COMPARAISONS INTERNATIONALES À MANIER AVEC PRUDENCE 15
D.– APPLIQUER LE PRINCIPE « NI UN EURO DE PLUS, NI UN EURO DE MOINS » 18
II.– VERS UNE MEILLEURE GESTION DES PERSONNELS ET DAVANTAGE DE MISE EN VALEUR DE LEUR ACTION 20
A.– LA GRH AU MINISTÈRE : UNE RÉACTIVITÉ TROP MÉCONNUE 20
1.– Hauts fonctionnaires sans affectation : pérenniser la solution trouvée en 2008 20
2.– L’avenir du corps : rendre la carrière attractive ; prévoir une filière spécifique ? 22
3.– Les recrutés locaux : aplanir les difficultés juridiques, tracer des perspectives de carrière 24
B.– LA COMMUNICATION EXTERNE : UNE DISCRÉTION TROP MARQUÉE 26
1.– Comment mieux valoriser l’action du ministère à l’occasion des crises ? 26
2.– Comment se défaire d’une image compassée ? 27
III.– VERS DES RÉSEAUX RATIONALISÉS, MIEUX PILOTÉS ET MIEUX PROTÉGÉS 29
A.– LE RÉSEAU DIPLOMATIQUE : UNIVERSALITÉ OBLIGE 29
1.– Le choix de l’universalité, une stratégie à assumer 29
2.– La problématique immobilière : bannir le travail de gribouille 31
a) Bref retour sur le réagencement des sites parisiens 31
b) À l’étranger, envisager avec circonspection la création d’une foncière dédiée 32
3.– Les questions de sécurité davantage prises au sérieux 35
B.– LE RÉSEAU CONSULAIRE : DÉJÀ MODULAIRE 38
1.– La stabilisation souhaitable des relations avec le ministère chargé de l’immigration 38
2.– La conciliation nécessaire entre externalisation et généralisation de la biométrie 39
3.– Les consuls honoraires, de précieux relais 41
4.– Les questions de sécurité : l’accueil du public comme « spécialité consulaire » 41
C.– LE RÉSEAU CULTUREL : UNE NÉCESSAIRE REFONDATION 42
1.– Le pilotage des opérateurs dans le cadre de la réforme annoncée de la DGCID 42
2.– La rationalisation du réseau : pour un regroupement sous le label de l’Alliance française ? 43
3.– Sécurité de la culture et culture de la sécurité 46
D.– LE RÉSEAU D’ENSEIGNEMENT ET SES PROLONGEMENTS : TROP CHÈRE GRATUITÉ 47
1.– L’hypothèque de l’extension de la gratuité de la scolarité à l’étranger pour les élèves français 47
2.– L’état préoccupant du patrimoine immobilier scolaire à l’étranger et les autres aspects de sécurité à prendre en compte 49
3.– L’insuffisance de l’accueil des étudiants étrangers en France 50
CONCLUSION : CRÉER LES CONDITIONS DE RÉUSSITE DE LA RÉFORME 52
EXAMEN EN COMMISSION 55
ANNEXES 59
1.− LISTE DES AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL DEPUIS LE DÉBAT BUDGÉTAIRE POUR 2008 59
2.− COMMUNIQUÉS DE PRESSE DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR L’ACTUALITÉ RÉCENTE DU MAEE 63
3.− LISTE DES DOUZE PROPOSITIONS DU LIVRE BLANC SUR LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET EUROPÉENNE DE LA FRANCE 2008-2020 65
4.− RÉCAPITULATIF DES DÉCISIONS DU CONSEIL DE MODERNISATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DANS LE DOMAINE DE L’ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT 68
Contrepoint [kɔ̃tʀəpwɛ̃] n.m. 2° Fig. Motif secondaire qui se superpose à qqch., en ayant une réalité propre. Loc. adv. En contrepoint, simultanément et indépendamment, mais comme une sorte d’accompagnement. (Petit Robert).
Le rapport spécial de novembre dernier sur la mission Action extérieure de l’État (1) se concluait sur le souhait d’un « droit de regard actif du Parlement » sur le chantier de modernisation alors en cours au sein du ministère des Affaires étrangères et européennes. Comme en écho, l’opinion personnelle du président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale jointe au Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, remis au ministre le 11 juillet dernier, appelle notamment à une meilleure prise en compte de la représentation parlementaire au sein des instances d’orientation de la diplomatie française. Enfin, la révision constitutionnelle dont l’examen est tout juste achevé vient rappeler les enjeux d’une plus grande implication du Parlement dans la conduite de l’action extérieure.
Entre le débat budgétaire de l’automne dernier et aujourd’hui, auront été menés à leur terme − conformément à la volonté du Président de la République et du Premier ministre, exprimée dans leur lettre de mission du 27 août 2007 au ministre des Affaires étrangères et européennes −, deux exercices parallèles de réflexion sur l’adaptation des objectifs et des moyens de la politique étrangère aux défis qui sont les siens dans le contexte actuel :
− un exercice de prospective à l’horizon de 2020, celui du livre blanc précité, intitulé La France et l’Europe dans le monde, à la fois stratégique et opérationnel, en lien avec un autre livre blanc, relatif à la défense nationale (2). Après un rapport d’étape le 31 mars, le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne a été rendu public le 11 juillet ;
− un exercice moins directement politique, à visée plus gestionnaire mais parfaitement cohérent avec le premier : la déclinaison, dans le champ de l’Action extérieure de l’État, de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) pilotée au sommet de l’État par le Comité de modernisation des politiques publiques (CMPP), placé sous la présidence du Président de la République.
C’est dans ce mouvement qu’a souhaité s’inscrire votre Rapporteur spécial, pour livrer, à la lumière de ses missions à l’étranger, contrôles sur place et autres auditions (3), sa contribution au « remue-méninges » ouvert par le Livre blanc et la RGPP. Il ne s’agit que d’un bilan d’étape, au terme de cette première année de la XIIIe législature, et ainsi d’un guide pour l’action au cours des quatre années à venir, qui seront celles de la mise en œuvre des chantiers de réforme, le tout dans le cadre du premier budget pluriannuel (2009-2011).
I.− POINT D’ARRIVÉE, NOUVEAU DÉPART : L’HÉRITAGE DE DIX ANS
DE RÉFORMES AU MINISTÈRE
Lorsque le voyageur venu du sud aperçoit Kaboul,
sa ceinture de peupliers, ses montagnes mauves
où fume une fine couche de neige, et les cerfs-volants
qui vibrent dans le ciel d’automne au-dessus du bazar,
il se flatte d’être arrivé au bout du monde.
Il vient au contraire d’en atteindre le centre.
Nicolas Bouvier, L’usage du monde.
Ce n’est pas par coquetterie que votre Rapporteur spécial emprunte à M. Régis Kœtschet, ambassadeur de France en Afghanistan jusqu’en avril 2008, l’une de ses citations favorites. Elle est une façon parmi d’autres d’illustrer ce que tous les agents du ministère en fonction depuis quelques années ressentent comme une évidence et expriment à tous les observateurs extérieurs : le Quai d’Orsay serait comme « perclus de réformes » au terme de dix ans de dégraissages réguliers et d’arbitrages budgétaires douloureux.
Qu’en est-il exactement, après l’absorption du ministère de la Coopération et les chantiers successifs de réforme de l’État, qui ont vu s’enchaîner et parfois se superposer stratégies ministérielles de réforme, mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), contrat triennal de modernisation, audits de modernisation, Livre blanc, RGPP et préparation du budget pluriannuel… sur fond de publications régulières du Parlement, de la Cour des comptes, du Comité interministériel d’audit des programmes et des corps d’inspection de l’État ? Par ailleurs, quelle perception les agents ont-ils pu en avoir, au sein du « Département » comme dans les postes ?
A.– UNE MODERNISATION EN ACTES SUR FOND DE MOYENS MESURÉS
Le premier constat, aujourd’hui, est celui d’une modernisation en actes à travers l’exercice conjoint de prospective et d’application concrète : Livre blanc et RGPP. Comme en témoignent les propositions récapitulées en annexe au présent rapport, l’approche est systématique et le calendrier clair. Votre Rapporteur spécial, comme il l’indiquait à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2008 et du projet de loi de règlement des comptes et du rapport de gestion pour 2007 (4), en suivra pas à pas l’application, à laquelle il entend d’ailleurs être associé, conformément à la mesure n° 12.1 proposée par la commission du Livre blanc. Les développements suivants du présent rapport visent d’ailleurs à prendre date à propos d’une série de points-clefs du processus de modernisation.
C’est d’ailleurs dans ce contexte que notre poste à Berlin a souhaité s’inscrire en pointe dans la mise en œuvre de la RGPP :
L’ambassade de France en Allemagne, « poste pilote » de la RGPP
Quatre domaines clefs pour la mise en œuvre dans les postes des décisions du Conseil de modernisation des politiques publiques font de notre ambassade à Berlin l’un des postes expérimentateurs de la RGPP.
1.– Le décloisonnement ou l’« interministérialité » : en regroupant en pôles thématiques l’activité des nombreux conseillers, émanant d’administrations différentes, d’une importante ambassade comme celle de Berlin – l’une des huit plus grandes dans le monde avec quelque 250 agents regroupés dans le poste –, l’ambassadeur a souhaité de façon systématique éviter tout doublon dans le traitement des dossiers et optimiser ainsi les moyens existants. Ces pôles sont au nombre de cinq : la connaissance de l’Allemagne, l’actualité communautaire, les questions de défense et de sécurité (y compris la sécurité énergétique), le lobbying (à l’égard du Parlement ou d’autres acteurs) et les questions globales (du type des sujets transversaux abordés par le G8 et ne relevant d’aucun autre pôle, tel le thème du changement climatique).
Faire fonctionner ces pôles harmonieusement suppose la mise en place d’outils communs et la disparition des circuits particuliers de transmission entre tel conseiller et son administration de tutelle à Paris ; l’enjeu d’organisation et de meilleur fonctionnement interministériel est évident (y compris pour les 28 agents de la mission économique, répartis dans les différents pôles).
2.– La professionnalisation des fonctions de gestion : dans le prolongement de la mise en place des services administratifs et financiers uniques (SAFU) avec la création de SAFU interministériels (qu’il est prévu de généraliser à l’ensemble des postes avant la fin de 2009), il s’agit de convaincre l’ensemble des administrations représentées à l’étranger et l’ensemble des services de l’ambassade de l’utilité d’une rationalisation des tâches de gestion. Le meilleur moyen d’obtenir une réelle adhésion consisterait à « recycler les gains de productivité » sur place. Les chantiers prioritaires dans ce domaine concernent le service facturier unique et le service de gestion des recrutés locaux.
3.– Le réseau consulaire : dans un pays où la communauté française compte 160 000 personnes, le réseau consulaire a été considérablement réduit en dix ans, avec le passage de huit consulats à deux aujourd’hui (Munich et Francfort, ainsi qu’une section consulaire à Berlin). Pour assurer une présence consulaire et rendre une série de services à la communauté expatriée hors de ces trois pôles, notamment dans les régions à forte implantation de ressortissants français, davantage de tournées sont organisées.
Au-delà, la réflexion porte sur la mise en place d’un numéro vert de type « info services » pour économiser quelque 6,5 ETP, sur le regroupement de certaines activités consulaires (l’état civil par exemple) au sein d’un seul des trois pôles, ou encore sur la possibilité de faire prendre en charge une partie de l’aide sociale à nos ressortissants directement par le tissu local, très dense en Allemagne.
4.– Le réseau culturel : le chantier est très ambitieux puisqu’il s’agit, à terme, de regrouper l’ensemble du réseau en un seul établissement à autonomie financière, c’est-à-dire de rationaliser encore des structures déjà réduites en dix ans (les 24 instituts de 1997 ne sont plus que 12 aujourd’hui, et seront 11 dès septembre prochain), tout en conservant le maillage territorial existant. Cet important enjeu d’organisation représente toutefois des montants financiers limités (le coût du réseau culturel en Allemagne est de 10 millions d’euros par an).
Mais de façon indissociable de ce premier constat, celui de la modernisation en actes − et sauf à vouloir courir le risque d’un enlisement de la réforme par défaut d’adhésion des agents concernés −, il faut, même succinctement, établir une mise en perspective de dix années de réforme antérieures pour comprendre, d’une part, les sentiments mêlés des agents sommés de s’engager résolument dans les nouveaux chantiers évoqués à l’instant, et d’autre part, le pourquoi du débat sous-jacent aux arbitrages actuels sur la question des moyens budgétaires du ministère des Affaires étrangères et européennes.
Votre Rapporteur spécial ne peut s’empêcher de dresser ici un parallèle avec la confidence qu’il a reçue de l’ambassadeur du Royaume-Uni à Paris, Sir Peter Westmacott : maître d’œuvre au sein du secrétariat général du ministère de la réforme du Foreign and Commonwealth Office souvent citée en exemple, il a consciencieusement réduit, de sa propre initiative, en arrivant comme chef de poste, le format de l’ambassade à Paris… avant de se voir notifier par son administration centrale à Londres les efforts supplémentaires de réduction de moyens qu’il aurait à accomplir à partir du socle ainsi atteint !
Dès lors, on comprend pourquoi la commission du Livre blanc conclut prudemment son rapport sur ces mots lucides, l’une des conditions à ses yeux de la réussite de la réforme : « Accepter de payer le prix de la réforme : il faudra donner au MAEE les moyens budgétaires de l’accomplir ; à cet égard, le budget triennal 2009/2011 sera le premier vecteur permettant de crédibiliser la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre les préconisations du Livre blanc et d’engager résolument le ministère des Affaires étrangères et européennes dans la voie de la réforme. »
B.– L’ÉVOLUTION CONTRAINTE DU BUDGET DU MINISTÈRE
L’encadré suivant reprend l’analyse de la commission du Livre blanc à l’appui de son souhait, assez explicite quoiqu’exprimé en filigrane et non sous la forme d’une recommandation expresse, d’un maintien des moyens du ministère en emplois et en crédits.
Annexe n° 9 au livre blanc : budget du maee (2000-2008)
Le tableau ci-après fait apparaître l’évolution du budget du ministère des Affaires étrangères et européennes de 2000 à 2008. Il n’est qu’en apparence en progression.
En effet, si le budget du ministère a progressé de 707 millions d’euros soit + 43 % pendant cette période, ses services et ses moyens n’en ont pas bénéficié. En effet, cette hausse a été compensée pour les deux tiers par la progression de versements de la France aux organisations internationales pour les besoins de leur fonctionnement et de leurs activités, en particulier les opérations de maintien de la paix des Nations unies.
Ces contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix sont passées de 333 à 707 millions d’euros (+ 112 %). Il s’agit de contributions obligatoires, auxquelles la France ne peut se soustraire. Elle tend d’ailleurs à les acquitter avec de plus en plus de retard, nos contributions volontaires, celles qui nous valent le plus de retour en termes d’influence, diminuant en parallèle.
Ces dépenses étant imputées sur le même programme budgétaire que les moyens du réseau diplomatique, l’ajustement s’est fait sur les moyens d’intervention et de fonctionnement du ministère, qui ont baissé de 282 à 272 millions d’euros de 2000 à 2008 (− 2,8 %, soit − 22 % en volume).
Si l’on élargit le problème à l’ensemble du budget du ministère, en y incluant la contribution au Fonds européen de développement et à l’ensemble des versements aux organisations internationales, on voit que ceux-ci ont été multipliés par presque cinq entre 2000 et 2008, passant de 380 à 1 860 millions d’euros, soit une augmentation de 1 480 millions d’euros, double de celle du budget du ministère dans son ensemble.
ÉVOLUTION DU BUDGET DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (en milliers d’euros) | |||||||||
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 | |
Budget réel (chiffres LFI, euros courants) |
3 196,1 |
3 368,02 |
3 629,63 |
4 117,46 |
4 224,47 |
4 411,89 |
4 392,08 |
4 533,26 |
4 581,7 |
dont FED |
0 |
0 |
218,46 |
496 |
565 |
628 |
726 |
692 |
725 |
Indice base 100 en 2000 |
100 |
101,70 |
103,62 |
105,77 |
108,02 |
109,98 |
111,78 |
113,68 |
117,39 |
Budget en euros constants |
3 196,1 |
3 311,72 |
3 502,83 |
3 892,84 |
3 910,82 |
4 011,54 |
3 929,22 |
3 987,74 |
3 903,11 |
Aide publique au développement (Prg 209) |
1 815 |
1 822 |
1 850 |
1 765 | |||||
Fonctionnement et investissement hors personnel (euros courants) |
282 |
292 |
311 |
317 |
293 |
299 |
272 |
272 |
272 |
Fonctionnement et investissement hors personnel (euros constants) |
282 |
287 |
300 |
300 |
271 |
272 |
243 |
239 |
232 |
Fonctionnement et investissement hors personnel par rapport au budget (euros constants) |
8,8 % |
8,7 % |
8,6 % |
7,7 % |
6,9 % |
6,8 % |
6,2 % |
6 % |
5,9 % |
Contributions internationales et OMP (1) (LFI, euros courants) |
333,5 |
460,94 |
460,89 |
522,82 |
522,82 |
522,95 |
526,71 |
582,9 |
707,15 |
dont contributions internat. |
164,37 |
191,34 |
292,13 |
382,86 |
386,6 |
386,73 |
390,49 |
397,89 |
492,1 |
dont OMP |
169,13 |
269,6 |
168,76 |
139,96 |
136,22 |
136,22 |
136,22 |
185,01 |
215,05 |
Contributions internationales, OMP, FED (2), contributions volontaires, FMS (3) et francophonie (euros courants) |
380,4 |
545,94 |
765,25 |
1 104,72 |
1 183,62 |
1 395,45 |
1 620,01 |
1 727,3 |
1 860,55 |
Contributions, OMP, FED contributions volontaires, FMS et contributions pour la francophonie par rapport au budget |
11,9 % |
16,21 % |
21,08 % |
26,83 % |
28,02 % |
31,63 % |
36,88 % |
38,1 % |
40,61 % |
(1) Opérations de maintien de la paix. (2) Fonds européen de développement. (3) Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Source : ministère des Affaires étrangères et européennes. |
Sur la même période, à périmètre courant et en euros courants également, les dépenses nettes du budget de l’État en loi de finances initiale et la proportion des crédits du ministère des Affaires étrangères ont évolué comme suit :
ÉVOLUTION COMPARÉE DU BUDGET DE L’ÉTAT ET DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (en millions d’euros courants) | |||||||||
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 | |
Dépenses nettes du budget de l’État en LFI |
256 423 |
263 721 |
269 066 |
273 812 |
283 690 |
288 464 |
270 102 |
271 099 |
274 722 |
Crédits de paiement du ministère des Affaires étrangères en LFI |
3 196 |
3 368 |
3 625 |
4 117 |
4 225 |
4 412 |
4 392 |
4 533 |
4 582 |
Soit en % |
1,25 % |
1,28 % |
1,35 % |
1,5 % |
1,49 % |
1,53 % |
1,63 % |
1,67 % |
1,67 % |
Source : lois de finances initiales. |
Sont même connus depuis le 15 juillet dernier les plafonds de crédits de paiement de la mission Action extérieure de l’État et du budget général pour les années 2009 à 2011 : après 2,35 milliards d’euros en loi de finances pour 2008 (sur un total de 271,28 milliards hors remboursements et dégrèvements, soit un ratio de 0,87 %), 2,54 milliards d’euros en 2009 (sur un total de 276,75 milliards, soit 0,92 %), 2,57 milliards d’euros en 2010 (sur un total de 281,88 milliards, soit 0,92 %) et 2,54 milliards d’euros en 2011 (sur un total de 286,75 milliards, soit 0,89 %).
La démonstration est assez nette de la contrainte qui pèse continûment sur le budget de fonctionnement et d’investissement du ministère depuis une dizaine d’années, mais elle n’apparaît pas à la seule vision globale de la masse des crédits votés année après année. L’analyse ne doit donc pas s’en tenir là ; deux éléments semblent essentiels à votre Rapporteur spécial :
− d’une façon générale, la philosophie de la LOLF consistant à optimiser les moyens disponibles, à dépenser mieux en développant une culture de la performance et une plus grande responsabilité des gestionnaires au moyen d’outils de mesure adéquats (objectifs, indicateurs, comptabilité analytique et fongibilité), rend parfaitement compatible l’exigence d’une modération de certains postes de dépense et la conduite d’une politique ambitieuse, pourvu que les gestionnaires disposent des bons outils et que les dépenses incompressibles ne soient pas sous-budgétisées ;
− l’enjeu des contributions internationales, systématiquement évoqué par votre Rapporteur spécial dans ses précédents rapports, apparaît comme déterminant pour la soutenabilité du budget du ministère. Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel n’a d’ailleurs pas manqué de le souligner dans son récent rapport sur l’exercice 2007, où l’on peut lire (5) que ce poste de dépense figure parmi les « principaux risques budgétaires » identifiés.
À cet égard, l’attitude du ministère est la bonne, qui consiste à passer au crible, via un comité de pilotage, l’ensemble des contributions internationales, obligatoires comme volontaires, afin de s’assurer de leur pertinence et de leur niveau adéquat, ainsi que du bien-fondé de leur imputation sur les crédits de la mission Action extérieure de l’État. En premier lieu, il convient de bien distinguer entre les contributions obligatoires et les contributions volontaires, qui ne relèvent pas de la même logique : même si elles peuvent, dans certains cas, être renégociées à la marge, les contributions obligatoires s’imposent peu ou prou à la France, tandis qu’avec les contributions volontaires, comme le souligne pertinemment le Livre blanc, il y va de la crédibilité de notre engagement au soutien de tel fonds ou de telle organisation. Dans ce dernier cas, par conséquent, la France doit avoir le courage de faire des choix.
Au-delà, s’agissant du traitement budgétaire de ces contributions, il faut surtout éviter de se trouver confronté à des difficultés similaires à celles que votre commission des Finances a maintes fois dénoncées pour les opérations extérieures (OPEX) du ministère de la Défense. Ainsi, deux écueils doivent être écartés :
− traiter ces dépenses comme s’il s’agissait de crédits évaluatifs, leur sous-budgétisation chronique étant sans réelle conséquence et la « facture » toujours réglée in fine. D’une part, toute la conception du budget en mode LOLF s’oppose à une telle idée, et d’autre part, sur un plan plus « conjoncturel », un puissant mécanisme de rappel existe actuellement avec le mandat de commissaire aux comptes de l’ONU exercé par le Premier président de la Cour des comptes, cette dernière présidant pour la période 2007-2008 le Comité des commissaires aux comptes de l’organisation ;
− isoler ces crédits dans un programme ad hoc dont le responsable ne serait pas « intéressé » à leur bonne gestion, puisque la fongibilité ne serait pas appelée à jouer. L’identification d’un budget opérationnel de programme spécifique, qui est l’architecture actuelle, constitue le bon outil de pilotage.
Votre Rapporteur spécial ne veut cependant pas minorer la responsabilité que porte pour partie – et par fonction – le ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique. Ce dernier ne doit pas, au stade de la préparation du projet de loi de finances de l’année suivante, adopter une attitude trop rigide à l’égard de la couverture des besoins de crédits destinés à honorer les contributions internationales. Ce point continuera évidemment de focaliser l’attention dans le cadre du prochain projet de loi de finances, et ce d’autant plus que l’introduction de la pluriannualité est synonyme d’une exigence de sincérité budgétaire accrue, comme l’a souligné M. Éric Wœrth au cours de son audition du 9 juillet 2008 devant votre commission des Finances sur le débat d’orientation des finances publiques pour 2009 : le ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique a qualifié l’objectif d’équilibre et la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques de démarche « à la fois très structurante, très opérationnelle, très engageante politiquement et tout à fait complémentaire avec les réformes menées ». Il n’a pas dit autre chose en séance publique le 15 juillet : « Nous avons voulu […] faire jouer cette transparence grâce à un budget pluriannuel, outil de pilotage très précis et contraignant, amené à intégrer de nombreuses futures réformes et leurs résultats. »
Proposition n° 1 : contributions internationales :
– dans le cadre du budget pluriannuel 2009-2011, inscrire au sein du programme Action de la France en Europe et dans le monde un montant sincère de crédits destinés à financer les contributions internationales ;
– poursuivre l’amélioration du pilotage des contributions obligatoires, mais surtout faire des choix dans le domaine des contributions volontaires afin d’honorer nos engagements.
En conclusion sur cette question, la lecture des tableaux ci-dessus contribue à expliquer une forme de malentendu persistant sur « les moyens alloués à notre diplomatie » : pris globalement, ceux-ci ont progressé sur la période récente ; une analyse plus fine démontre des réaménagements de la dépense pesant sur les moyens disponibles pour les services. Le panorama doit par conséquent être complété par d’autres données.
C.– DES COMPARAISONS INTERNATIONALES À MANIER AVEC PRUDENCE
Deux éléments doivent venir préciser le propos précédent : d’une part, la prise en compte d’un périmètre de dépenses plus large que les crédits du ministère, celui de l’action extérieure de l’État lato sensu, et d’autre part, la comparaison avec l’effort budgétaire de voisins comparables. Ces deux éléments sont d’ailleurs liés car les comparaisons internationales posent des questions de périmètre.
Notre collègue Adrien Gouteyron, Rapporteur spécial de la commission des Finances du Sénat pour l’action extérieure de l’État, écrivait récemment, à l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement des comptes de 2007 (6) : « La France n’a pas à “ rougir ” du budget qu’elle consacre à l’action extérieure de l’État (10,5 milliards d’euros en 2006), dont le ministère des Affaires étrangères et européennes ne représente que 50 %. Ce budget n’a jamais décru, ni en volume, ni en valeur. Le budget de la seule action extérieure de l’État, hors aide publique au développement, est comparable à l’effort consenti par nos principaux partenaires ». Le chiffre relatif à 2006 est issu du rapport de novembre 2007 du Comité interministériel des moyens de l’État à l’étranger (CIMEE) ; il figure également dans le document de politique transversale sur l’Action extérieure de l’État joint au projet de loi de finances pour 2008.
Quant aux comparaisons internationales, elles sont des plus diverses. L’encadré suivant reprend celles annexées au Livre blanc :
Comparaisons internationales
Les comparaisons entre les budgets des ministères des Affaires étrangères des différents pays sont rendues difficiles par les différences de présentation et de procédure budgétaire et par des problèmes de périmètre : selon les cas, ces budgets incluent ou non l’aide au développement, l’action culturelle, les subventions à l’audiovisuel extérieur, etc.
Le tableau ci-après s’efforce de ramener les dépenses des différents ministères à l’action diplomatique au sens strict, hors aide publique au développement et contributions aux organisations internationales.
Poids du budget des MAE dans le PIB (hors APD et contributions internationales)
En termes de part du PIB consacrée au budget de l’action diplomatique entendue ainsi, la France se situe plutôt dans la partie basse de la fourchette, sachant que ce tableau n’élimine pas toutes les différences de périmètre : c’est ainsi que les chiffres du Foreign and Commonwealth Office britannique incluent l’action économique extérieure qui lui est rattachée, à la différence de la France, où elle relève du ministère chargé de l’économie.
Effectifs des MAE en 2007
Réseau diplomatique en 2007
Sources : réseau des missions économiques, Economist Intelligence Unit et FMI.
Les comparaisons internationales contenues dans le rapport précité du CIMEE apportent un éclairage quelque peu différent :
– le budget du Foreign and Commonwealth Office britannique y est chiffré à 2,79 milliards d’euros pour l’exercice 2006-2007, « niveau supérieur aux quatre exercices précédents ». Sur ce total, 1,47 milliard d’euros finance les « moyens des services » ;
– le budget de l’Auswärtiges Amt allemand, après avoir atteint un point bas en 2000 avec 1,74 milliard d’euros, s’est établi les années suivantes autour de 2,2 milliards, et en 2007 à 2,51 milliards d’euros, en hausse par rapport à 2006, pour une part de 0,93 % du budget fédéral ;
– le budget du Ministerio de Asuntos Exteriores y de Cooperación espagnol s’est élevé en 2006 à 1,71 milliard d’euros, en hausse de 54 % par rapport à 2005. Comme le note le rapport du CIMEE, « c’est la coopération internationale qui absorbe la majeure partie de ces crédits : 1 073 millions d’euros (soit une hausse de 121 % et 0,35 % du budget de l’État). » ;
– le budget du Ministero degli Affari Esteri italien représentait en 2007 un montant de 2,24 milliards d’euros (soit 0,33 % du budget national), en hausse de 14 % par rapport à l’année précédente ;
– le budget du ministère des Affaires étrangères et du commerce international du Canada représentait, en 2006, 1,5 milliard d’euros.
La même prudence est de mise concernant l’évolution des personnels du ministère et/ou de ceux qui concourent à l’action extérieure de l’État. Il est ainsi possible d’écrire, à la lecture du rapport précité du CIMEE, que les effectifs globaux consacrés à cette politique sont passés, entre 1993 et 2006, de 22 450 à 31 558. Le tableau figurant dans ledit rapport est le suivant :
ÉVOLUTION DES EFFECTIFS AFFECTÉS À L’ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT | |||||
1993 |
1999 |
2001 |
2005 |
2006 | |
Effectif bilatéral |
16 921 |
14 113 |
16 921 |
27 740 |
24 801 |
Effectif multilatéral |
495 |
517 |
565 |
683 |
1 016 |
Administration centrale |
5 034 |
9 630 |
6 800 |
5 532 |
5 741 |
Total |
22 450 |
24 260 |
24 286 |
33 956 |
31 558 |
Source : Comité interministériel des moyens de l’État à l’étranger. |
Mais le rapport précise bien la rupture introduite dans cette série en 2005 avec l’inclusion, dans le total recensé, des « forces pré-positionnées de la Défense ». Par ailleurs, la distinction entre catégories d’effectifs est éclairante, concernant par exemple les agents en administration centrale.
Dans le cadre du contrat triennal de modernisation conclu – une première – entre les ministères des Affaires étrangères et européennes et du Budget, pour la période 2006-2008, une réduction de 739 ETP a été programmée et réalisée (235 en 2006, 270 en 2007 et 234 en 2008), à la fois sous l’effet du non-remplacement de départs en retraite, du transfert de postes d’assistants techniques à l’Agence française de développement (AFD), de la transformation d’emplois d’expatriés en emplois de recrutés locaux et de l’externalisation de certaines tâches d’exécution. En 2009, est prévue une diminution de 190 ETPT dans le champ de la mission Action extérieure de l’État.
Le rapport spécial de l’automne prochain sera le lieu d’un examen détaillé de l’évolution des moyens et des emplois de la mission ; à ce stade, et en parfaite cohérence avec le tout récent débat d’orientation des finances publiques, à visée pluriannuelle, votre Rapporteur spécial plaide pour un traitement équitable d’un ministère qui ne cesse depuis dix ans de démontrer son implication dans la réforme de ses structures et de ses actions, et s’apprête à persévérer dans cette voie.
D.– APPLIQUER LE PRINCIPE « NI UN EURO DE PLUS, NI UN EURO DE MOINS »
C’est avec une réelle lucidité et un louable souci de prendre en compte la réalité budgétaire que la commission du Livre blanc clôt l’introduction de son rapport :
« Notre diplomatie a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Alors que nous vivons une situation paradoxale – avec d’un côté, un monde concurrentiel, fragmenté et dangereux, particulièrement exigeant pour notre action extérieure, et de l’autre, un ministère des Affaires étrangères et européennes dont les moyens n’ont cessé de se réduire – il n’est plus possible de différer la réponse à cette question essentielle.
« La Commission ne méconnaît pas les contraintes budgétaires auxquelles l’État doit faire face. Elle insiste par ailleurs sur la nécessité de faire des choix et de diriger les moyens du ministère vers les domaines prioritaires qu’elle a identifiés.
« Elle n’en estime pas moins nécessaire de faire valoir que le MAEE a d’ores et déjà fourni une contribution importante aux efforts accomplis ces dernières années, avec une réduction de ses effectifs de 11 % entre 1997 et 2007 et, ce qui est peut-être plus grave, une réduction en termes réels de ses moyens de fonctionnement et d’investissement de 21 % entre 2000 et 2008 (cf. annexe). Avec la nécessité d’un réseau dense, la montée des contributions aux organisations internationales, qui sont deux conditions de la présence de la France dans le monde, ses moyens d’action et d’intervention reculent continûment. On ne peut réduire indéfiniment ces effectifs et ces moyens sans remettre en cause les ambitions européennes et internationales assignées à notre action extérieure. »
Votre Rapporteur spécial est partagé : ce raisonnement est valide, et des éléments tangibles viennent l’étayer. Cependant, l’Assemblée nationale vient de tenir le débat d’orientation des finances publiques pour 2009 – et au-delà, puisque le budget pluriannuel court jusqu’en 2011 et que le dernier programme de stabilité transmis par le Gouvernement à la Commission européenne prévoit un retour à l’équilibre à l’horizon 2012. Les contraintes sont si fortes et si impérieuses qu’en dernier ressort, c’est bien l’exigence de l’équilibre qui doit prévaloir.
La formule « ni un euro de plus, ni un euro de moins », que traduit la perspective triennale qui vient d’être tracée par le ministre du Budget après arbitrage du Premier ministre, résume bien le contexte dans lequel l’outil diplomatique de la France va évoluer à moyen terme. Cette exigence n’est pas insurmontable ; elle est aussi une belle ambition, et les pages qui suivent tendent à démontrer, par quelques éclairages concrets tirés de déplacements sur le terrain et de nombreuses auditions, comment cet outil diplomatique peut se moderniser sans s’étioler, mais au contraire en rayonnant davantage.
Proposition n° 2 : à travers l’application du principe « ni un euro de plus, ni un euro de moins », faire confiance aux agents du ministère des Affaires étrangères et européennes pour s’impliquer dans la réforme en éloignant le spectre d’une réduction des moyens en deçà de l’étiage actuel.
II.– VERS UNE MEILLEURE GESTION DES PERSONNELS ET DAVANTAGE
DE MISE EN VALEUR DE LEUR ACTION
A.– LA GRH AU MINISTÈRE : UNE RÉACTIVITÉ TROP MÉCONNUE
1.– Hauts fonctionnaires sans affectation : pérenniser la solution trouvée en 2008
L’année écoulée a été l’occasion de mettre en lumière la question particulière de la gestion des carrières au sein du ministère des Affaires étrangères et européennes. Un point en particulier a retenu l’attention : l’encombrement du sommet de la pyramide des âges pour les agents de catégorie « A+ », autrement dit l’insuffisance de débouchés pour ces personnels ayant vocation à occuper un emploi d’ambassadeur.
Suite à la divulgation dans la presse de la substance d’un référé confidentiel de la Cour des comptes sur cette question des hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay sans affectation, votre Rapporteur spécial a publié un communiqué (cf. annexe 2) ; il persiste à penser que ce sujet mérite mieux qu’un traitement par trop spectaculaire ou polémique et pose un problème plus vaste, celui de la rigidité des statuts de la fonction publique de l’État. Il est par conséquent assez vain de nourrir une querelle sur le nombre de fonctionnaires concernés, qui oscille entre six pour le secrétaire général du ministère, correspondant à des diplomates dépourvus de toute affectation, et plusieurs dizaines, si l’on veut faire masse de l’ensemble des personnels susceptibles de prétendre à un emploi d’ambassadeur et ne l’occupant pas…
Sous l’intitulé « améliorer la politique d’affectation et la gestion des carrières », le Livre blanc (mesure 9.4) aborde la question. De ses récents échanges sur ce sujet avec la directrice des ressources humaines du ministère et le sous-directeur compétent, votre Rapporteur spécial retire deux idées-forces.
En premier lieu, la réponse immédiate au problème abordé dans le référé de la Cour des comptes a été concrétisée par le décret n° 2007-1807 du 21 décembre 2007 instituant un dispositif de fin d’activité pour les ministres plénipotentiaires et les conseillers des affaires étrangères. Ce décret était d’ailleurs inclus dans l’un des axes du contrat triennal de modernisation du Quai d’Orsay, relatif à la « gestion dynamique de l’encadrement supérieur du ministère ».
L’objectif fixé au contrat était de supprimer, sur trois ans (2006-2008), 73 ETP d’encadrement supérieur (conseillers hors classe, ministres plénipotentiaires). Au 31 décembre 2008, 58 ETP auront été supprimés, selon le schéma suivant :
MISE EN œUVRE DE LA GESTION DYNAMIQUE DE L’ENCADREMENT SUPÉRIEUR | |||||
MPHC |
MP1 |
MP2 |
CAEHC |
Total | |
Sorties de l’encadrement supérieur |
|||||
Retraites (+ dispositif de fin d’activité) |
32 |
13 |
18 |
30 |
93 |
Autres sorties définitives |
7 |
3 |
4 |
9 |
23 |
Sorties provisoires (détachement, disponibilité) |
2 |
0 |
2 |
14 |
18 |
Entrées dans l’encadrement supérieur |
|||||
Promotions |
– |
– |
– |
43 |
43 |
Intégrations |
0 |
0 |
2 |
0 |
2 |
Entrées provisoires |
2 |
1 |
3 |
7 |
13 |
Retours (fins de détachement et de disponibilité) |
2 |
1 |
6 |
9 |
18 |
Solde |
– 37 |
– 14 |
– 13 |
6 |
– 58 |
MPHC : ministres plénipotentiaires hors classe. MP1 : ministres plénipotentiaires de première classe. MP2 : ministres plénipotentiaires de deuxième classe. CAEHC : conseillers des affaires étrangères hors classe. Source : ministère des Affaires étrangères et européennes. |
Il faut souligner que la parution tardive du décret relatif au dispositif de fin d’activité, deux ans après l’entrée en vigueur du contrat, les conditions dissuasives qui y ont été ajoutées – en particulier le doublement du taux de cotisation retraite – et le raccourcissement de la période d’ouverture – en pratique jusqu’à juin 2008 seulement – n’ont pas permis de l’utiliser à plein. Dans ce contexte, la DRH estime que le nombre de onze utilisations du dispositif est déjà un bon résultat. Ce « pécule de départ », qui pallie l’absence au Quai d’Orsay du mécanisme du congé spécial existant dans d’autres corps, mérite, selon votre Rapporteur spécial, d’être reconduit voire pérennisé.
Proposition n° 3 : reconduire, en vue de sa pérennisation après évaluation approfondie de son efficacité, le dispositif de fin d’activité à destination des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et européennes.
Si le dispositif avait pu être pleinement utilisé, avec neuf départs supplémentaires, et hors ce que la DRH désigne comme des « nominations politiques », directement effectuées par l’autorité politique en dehors du cadre habituel de la gestion des carrières, le ministère aurait pleinement atteint l’objectif de 73 ETP fixé par le contrat de modernisation.
La deuxième idée-force que votre Rapporteur spécial souhaite évoquer est en partie liée au sujet qui vient d’être abordé : il s’agit du développement du recours à des agents de renfort : agents envoyés dans un poste en crise (récemment, la Birmanie par exemple), agents venant étayer une direction en grave sous-effectif, agents envoyés au soutien d’un poste devant temporairement assumer des tâches hors normes (cas de la Slovénie pendant sa présidence de l’Union européenne).
Au-delà, ce type d’affectation temporaire peut également s’inscrire dans le cadre de la gestion normale de la carrière des agents : il permet par exemple d’organiser le remplacement d’un agent expatrié désireux de suivre une formation professionnelle – typiquement, à l’Institut diplomatique.
Pour avoir rencontré l’un de ces agents, affecté au consulat général de Londres après plusieurs autres missions de renfort dans d’autres postes, votre Rapporteur spécial a acquis la conviction, qu’il ne manquera pas de tester à l’avenir, du grand intérêt d’une telle réactivité, stimulante pour la DRH, revalorisante pour les agents concernés, utile aux postes ou services ainsi épaulés.
Proposition n° 4 : développer la politique de l’emploi d’agents du ministère en renfort ponctuel, à tous les niveaux hiérarchiques, en l’utilisant à la fois comme outil de réponse aux crises et comme instrument de souplesse de la gestion des ressources humaines.
Le lien avec la question précédente réside dans les possibilités nouvelles de débouchés ainsi offertes à de hauts fonctionnaires expérimentés : tel ambassadeur assumant des fonctions temporaires de sous-directeur géographique, tel autre nommé ambassadeur en mission, tel autre encore exerçant en qualité de secrétaire général d’une commission de réflexion prospective… autant de marques d’une gestion des ressources humaines réactive en dépit des lourdeurs statutaires existantes. Une politique à encourager assurément.
2.– L’avenir du corps : rendre la carrière attractive ; prévoir une filière spécifique ?
La connexité est évidente entre gestion souple des carrières pour le bien du corps entier et attractivité du métier de diplomate pour les jeunes générations. Le Livre blanc la souligne explicitement et présente de surcroît l’intérêt de lier cet enjeu au maintien de l’universalité du réseau (cf. infra), en ces termes :
« Il est recommandé de maintenir l’universalité, tout en resserrant le format des plus petits postes : transformés en ambassades à missions simplifiées, ils disposeraient d’un effectif limité, dans certains cas, à un seul agent de catégorie A […]. Une trentaine de pays pourraient être concernés. Cette formule devrait permettre de nommer sur ces postes des agents jeunes, dont les aptitudes à l’action de terrain pourraient être ainsi évaluées précocement. »
Dans un contexte de mobilité accrue au sein des parcours professionnels, veiller à un déroulement de carrière attractif pour les jeunes agents est primordial. Pouvoir compter sur un recrutement de très haut niveau est aujourd’hui à ce prix.
Pour autant, la carrière diplomatique ne restera attractive que si elle est clairement identifiée. À cet égard, la publication du Livre blanc – un de plus, serait-on tenté de dire pour se féliciter de l’ardeur réformatrice du moment – sur l’avenir de la fonction publique, qui n’identifie pas de filière internationale spécifique, nourrit de légitimes inquiétudes au sein du ministère des Affaires étrangères et européennes.
Les sept filières professionnelles envisagées
par le Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique
(M. Jean-Ludovic Silicani, rapporteur général, avril 2008)
– filière d’administration générale ;
– filière financière et fiscale ;
– filière sociale ;
– filière de l’éducation et de la recherche ;
– filière culturelle ;
– filière technique ;
– filière de la sécurité.
Les militaires et les magistrats disposent de statuts spécifiques et sont hors du champ de réflexion.
À l’appui de sa recommandation de création d’une « filière internationale » (mesure n° 9.1), la commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne souligne que « le métier de diplomate n’est pas un métier généraliste. Il requiert une large gamme de compétences et d’aptitudes spécialisées : notamment maîtrise des langues, intimité avec la culture et la société de nombreux pays, connaissance des organisations et du droit internationaux, de l’économie internationale, des techniques de négociation, des institutions et des procédures multilatérales et européennes, que tous, ou presque, sont amenés à rencontrer dans leur parcours. Les qualités qu’il exige, capacité d’écoute et de compréhension des positions des autres, fermeté et force de conviction dans la défense des nôtres, adaptabilité à de nombreuses situations parfois dangereuses ou urgentes, ne se trouvent pas spontanément réunies : elles doivent être développées au fil de parcours professionnels diversifiés, mais où ces différentes qualités sont à un moment ou à un autre mobilisées. »
Et la commission d’ajouter que « la palette des qualités attendues d’un diplomate s’élargit. Aux aptitudes traditionnelles d’analyse et de négociation s’ajoute aujourd’hui une capacité entrepreneuriale pour monter des projets culturels ou de coopération et, de plus en plus lever des fonds privés ; ou encore, de façon croissante, des qualités de terrain, y compris dans des milieux dangereux voire hostiles. »
Votre Rapporteur spécial souscrit volontiers à cette « défense et illustration du métier de l’action publique extérieure », dont elle reconnaît d’ailleurs que le MAEE n’a pas le monopole. Faire droit à cette demande de reconnaissance semble par conséquent d’une urgente utilité, non seulement pour les diplomates de carrière mais aussi pour bon nombre de recrutés locaux.
3.– Les recrutés locaux : aplanir les difficultés juridiques, tracer des perspectives de carrière
Le nombre de recrutés locaux dans le réseau diplomatique et consulaire à l’étranger est comptabilisé depuis 2005 en ETP (équivalent temps plein). Au 1er mai 2008, le réseau diplomatique employait 5 570 agents de recrutement local en équivalent temps plein (dont 148 vacataires), se répartissant, entre la mission Action extérieure de l’État pour 5 158 ETP, et la mission Aide publique au développement pour 412 ETP :
NOMBRE DE RECRUTÉS LOCAUX EMPLOYÉS PAR LE MAEE (en ETP) | |
Programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde |
3 176 |
Programme 185 Rayonnement culturel et scientifique |
247 |
Programme 151 Français à l’étranger, affaires consulaires et sécurité des personnes |
1 735 |
Programme 209 Solidarité avec les pays ne développement (Mission Aide publique au devpt) |
412 |
Total |
5 570 |
Source : ministère des Affaires étrangères et européennes. |
Après avoir fortement augmenté pour pallier la suppression d’emplois de titulaires et de contractuels prévue par le schéma d’adaptation du réseau entre 1991 et 1996, les effectifs de recrutement local ont été maîtrisés et rationalisés : d’une part, a été opérée la suppression à un rythme régulier des postes d’agents de droit local (gardiens, jardiniers, personnels de résidence, etc.). Ainsi, environ 400 emplois ont été supprimés depuis 2000. Cela ne va parfois pas sans difficulté lorsque, localement, la politique de recrutement de ces personnels vise au moins autant la politique que les personnels… en d’autres termes, pour prendre l’exemple du poste d’Islamabad, comment concilier les consignes de réduction avec le souci explicite (et historique) de recruter des agents chrétiens dans une République islamique qui ne ménage pas beaucoup cette catégorie de la population ?
D’autre part, la transformation d’emplois d’expatriés en agents de droit local a été encouragée. Ces mouvements ont concerné aussi bien des emplois de catégorie C que des fonctions jusqu’alors assumées par des agents de catégorie B (attachés de presse notamment), voire de catégorie A dans les services de coopération et d’action culturelle.
ÉVOLUTION DU NOMBRE DE RECRUTÉS LOCAUX EMPLOYÉS PAR LE MAEE | |||||||||||
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 (*) |
2006 |
2007 |
2008 | |
Effectifs MAE |
6 014 |
5 899 |
5 894 |
5 878 |
5 895 |
5 885 |
5 862 |
5 826 |
5 698 |
5 695 |
5 496 |
(*) À partir de 2005, le décompte est effectué en ETP et non plus en nombre d’agents. (**) Prévisions. Source : ministère des Affaires étrangères et européennes. |
Dans le même temps, le « calcul » avantageux qui avait consisté à privilégier les recrutements locaux longtemps financés sur crédits de fonctionnement et non sur crédits de personnel s’est mué en désavantage avec le changement de doctrine vertueusement posé dans le cadre de la LOLF : la masse salariale consacrée à ces personnels n’a cessé d’augmenter pour se stabiliser en 2006 et 2007 à environ 98 millions d’euros (82 millions d’euros en 2000), sous l’effet conjugué de l’évolution de la structure des emplois de recrutement local (accroissement des emplois de bureau et diminution du nombre des emplois de service) et de la mise en place d’un plan d’action ambitieux visant à valoriser la situation des recrutés locaux (intégration systématique d’un ou plusieurs niveaux supérieurs de rémunération dans les nouvelles grilles ; progression plus rapide entre les échelons afin d’assurer un véritable déroulement de carrière ; amélioration de la couverture maladie / accidents du travail et retraite, etc.).
Pour autant, comme votre Rapporteur spécial a pu le constater à Londres au cours d’entretiens avec les représentantes des recrutés locaux du poste, les attentes demeurent importantes et confinent à un certain malaise dans les pays où le coût de la vie est élevé et la relative précarité du statut de recruté local durement ressentie. S’ajoute à ces difficultés l’impression d’arbitraire dans la réponse aux revendications de ces personnels, dans la mesure où les ministères de tutelle réagissent chacun différemment : pour poursuivre avec l’exemple de Londres, le paramètre d’évolution du coût de la vie n’est pas chiffré à l’identique selon les réseaux : consulaire, culturel ou d’enseignement… Dans des postes de cette taille – 57 recrutés locaux travaillent au consulat général, une trentaine à la chancellerie –, une gestion des ressources humaines prenant en compte les questions spécifiques aux recrutés locaux est éminemment souhaitable.
La question des recrutés locaux a été récemment étudiée dans un audit de modernisation (centré sur les pays de l’OCDE) et par un référé de la Cour des comptes aux conclusions parfois déroutantes, puisque penchant tantôt pour davantage de rigueur et tantôt pour davantage de souplesse. Ont notamment été abordés les sujets liés à l’emploi de ressortissants français sous ce statut, ou bien la protection sociale due aux recrutés locaux. Mais pour le ministère lui-même, les entretiens qu’a eus votre Rapporteur spécial avec la DRH ont fait apparaître, s’agissant de la gestion du dialogue social ministériel, un autre point d’achoppement, qu’il importe de mentionner avant de clore provisoirement ce chapitre.
En raison d’une lacune juridique dans l’organisation de la représentation syndicale de ses agents, la France est aujourd’hui le seul pays au monde à faire siéger des recrutés locaux au sein de son comité technique paritaire ministériel, ce qui ne va pas sans poser de nombreux problèmes pratiques en gestion : quand bien même ils ne sont pas concernés, les représentants des recrutés locaux doivent être consultés, voire conviés à des réunions à Paris, pour l’ensemble des décisions relevant du comité. Après un an de négociations cependant, le projet de mise en place d’un dialogue social local renouvelé est sur le point d’aboutir et les structures centrales de consultation des personnels du ministère en seront soulagées d’autant. Dans ce contexte, la parution attendue du nouveau Guide du recrutement local rédigé par les services du ministère n’est que plus nécessaire.
Proposition n° 5 : – faire aboutir le recentrage du dialogue social avec les recrutés locaux sur les enjeux qui les concernent directement ;
– achever et diffuser dans les meilleurs délais la nouvelle édition du Guide du recrutement local dont la précédente édition remonte à 2001, afin de donner leur vraie place à ces personnels tout en adaptant leur gestion au contexte de la LOLF ;
– rechercher toutes les voies permettant de donner aux recrutés locaux des perspectives de carrière lorsqu’ils sont présents dans un poste depuis plus de cinq ans ; développer à cet égard, dans les postes les plus importants, une politique des ressources humaines spécifique aux recrutés locaux.
L’amélioration continue de la gestion des ressources humaines a partie liée avec une plus grande mise en valeur de l’action des femmes et des hommes dont la commission du Livre blanc se plaît à dire qu’ils sont le principal atout du ministère.
B.– LA COMMUNICATION EXTERNE : UNE DISCRÉTION TROP MARQUÉE
1.– Comment mieux valoriser l’action du ministère à l’occasion des crises ?
Sans que le suivi d’un dossier particulier de gestion de crise ait pendant cette première année de la législature fait l’objet d’un suivi sur place de la part de votre Rapporteur spécial, la modernisation de l’outil diplomatique vient de trouver sa plus récente illustration dans la transformation du centre opérationnel de veille et d’appui à la gestion des crises (COVAC) en centre de crise (CDC) :
Le centre de crise du ministère des Affaires étrangères et européennes
Dans sa lettre de mission au ministre des affaires étrangères et européennes du 27 août 2007, le Président de la République avait souhaité que “ le ministère des Affaires étrangères et européennes se dote d’une capacité de gestion des crises lui permettant de remplir pleinement son rôle de coordination de l’action extérieure ”. Un dispositif conciliant les exigences d’une veille permanente et les nécessités d’une réaction immédiate en cas de crise devait lui être proposé.
Anticipant cette demande, l’arrêté du 11 juillet 2007 a créé le centre opérationnel de veille et d’appui à la gestion des crises (COVAC). Cette création est intervenue après de nombreuses réflexions, dont une menée par le centre d’analyse et de prévision, qui ont abouti à la nécessité d’une structure destinée à répondre de manière efficace aux crises de toute nature.
Depuis le 1er juillet 2008, le COVAC a pris le nom de centre de crise (CDC). Rattaché au secrétariat général du ministère, le CDC est conçu comme le point d’entrée privilégié au ministère pour les postes diplomatiques et consulaires, les autres administrations et les partenaires extérieurs (entreprises, ONG…) intervenant en situation de crise à l’étranger.
Le Centre de crise est créé par la fusion de deux services du MAEE : la sous-direction de la sécurité des personnes de la direction des Français à l’étranger et la délégation à l’action humanitaire. La réunion de ces deux services permettra de réaliser des économies budgétaires par une mutualisation des moyens, à la fois hors période de crise et en période de crise.
Le CDC n’a pas seulement vocation à traiter les crises touchant les ressortissants français à l’étranger mais aussi les crises humanitaires ou la partie humanitaire d’une crise – par exemple une catastrophe naturelle impliquant des ressortissants français et nécessitant également d’apporter une aide à un pays démuni. Il assure par ailleurs une veille permanente et une alerte précoce grâce à une équipe de permanenciers professionnels.
Comme M. Bernard Kouchner a eu l’occasion de l’indiquer au cours de son audition du 9 juillet dernier devant la commission des Affaires étrangères, la cellule de crise – donc désormais le centre de crise aux moyens renforcés, qui devrait disposer d’1,6 million d’euros en projet de loi de finances pour 2009 sur le programme Français à l’étranger, affaires consulaires et sécurité des personnes et de 9,27 millions d’euros sur le programme Solidarité avec les pays en développement de la mission Aide publique au développement – fonctionne souvent dans la plus grande discrétion, par exemple pour dénouer des affaires de prise en otage de ressortissants français, qui n’ont pas toutes le retentissement des plus médiatisées d’entre elles. Et lorsque la gestion et la sortie d’une crise font l’objet d’une action de communication particulière, force est de constater que la performance du ministère des Affaires étrangères et européennes n’est pas toujours identifiée en tant que telle par nos concitoyens, en dépit des propos louangeurs des rescapés.
Cet état de fait conduit votre Rapporteur spécial à s’interroger sur les moyens de mieux mettre en valeur les bons résultats de l’action des agents du ministère en cas de conduite réussie d’une opération en contexte de crise. Une telle attitude ne pourrait que renforcer la capacité du Quai d’Orsay à se dépouiller de l’image guindée qui est la sienne dans l’esprit de beaucoup.
2.– Comment se défaire d’une image compassée ?
En forme de conclusion de cette partie consacrée, à partir d’auditions, de contrôles et de témoignages, à la gestion des personnels du ministère des Affaires étrangères et européennes et à la mise en valeur de leur action, votre Rapporteur spécial ne peut que confirmer l’impression d’un déficit de communication ; non pas dans l’absolu, puisque la fonction de porte-parole du Quai d’Orsay est à la fois prestigieuse et efficacement remplie, mais peut-être dans la forme, qui nécessite sans doute, dans l’univers médiatique actuel, une approche complémentaire, plus « voyante » pour être plus visible, quitte à bousculer quelque peu les habitudes de discrétion du ministère.
Des mesures concrètes ont commencé d’être mises en place afin de contribuer à faire évoluer l’image du corps diplomatique et consulaire, telles les « tournées » en région des chefs de poste, en 2007, dans la foulée de la conférence annuelle des ambassadeurs. Sans méconnaître l’intérêt ponctuel d’une démarche de ce type, est-elle bien à la hauteur de l’enjeu ?
Si l’ambition consiste à remédier efficacement à un déficit de communication auprès du grand public à l’échelle nationale, alors ce sont les techniques de communication destinées au grand public qu’il convient d’utiliser, le cas échéant par le truchement du Service d’information du Gouvernement. On serait presque tenté, devant le peu de retentissement que rencontrent dans la population les « coups d’éclat » de la diplomatie française, par exemple à l’occasion d’une gestion de crise, de suggérer leur mise en scène sous forme de documentaires de fiction télévisés ! Quelle que soit la formule adoptée, en fonction des moyens que l’on voudra y consacrer, une action d’envergure est indispensable.
Proposition n° 6 : explorer les moyens concrets de « dépoussiérer » l’image injustement compassée du Quai d’Orsay, au moyen d’un véritable plan de communication déployé par des professionnels.
III.– VERS DES RÉSEAUX RATIONALISÉS, MIEUX PILOTÉS
ET MIEUX PROTÉGÉS
A.– LE RÉSEAU DIPLOMATIQUE : UNIVERSALITÉ OBLIGE
1.– Le choix de l’universalité, une stratégie à assumer
L’étendue et l’évolution du réseau, en nombre d’implantations comme en nombre d’agents, ont déjà été abordées dans la première partie du présent rapport. Par conséquent, on se contentera ici de ce bref rappel sur un réseau diplomatique et consulaire en évolution constante depuis 1989 : si sa taille est restée globalement stable (9 créations nettes depuis 1990), en revanche, sa structure a profondément évolué, grâce à une centaine d’opérations de création, de fermeture et de transformation. Ce mouvement permanent d’adaptation a notamment permis d’ouvrir 27 ambassades, en majorité dans les pays issus de l’ex-URSS et de l’ex-Yougoslavie.
L’appréciation qu’il s’agit à ce stade de porter sur le réseau diplomatique dans son ensemble est d’ordre plus stratégique :
– avons-nous les moyens d’entretenir le premier réseau du monde en nombre d’ambassades bilatérales et de représentations multilatérales ?
– quel intérêt y trouvons-nous ?
Si une seule question avait dû être posée à la commission du Livre blanc, c’est sans nul doute celle-ci qu’il aurait fallu retenir. La réponse de cette dernière est très claire, à défaut d’être parfaitement unanime – en effet, une « opinion dissidente » est publiée dans le rapport de la commission.
Dès l’audition en octobre dernier par votre Rapporteur spécial de Mme Nathalie Delapalme, inspectrice générale des finances chargée de conduire la RGPP au ministère des Affaires étrangères et européennes, il apparaissait que l’universalité de notre réseau était perçue comme l’un des avantages comparatifs de la diplomatie française et que cet irremplaçable outil de rayonnement, si importants soient ses besoins de rationalisation et de réorganisation, devait être préservé. C’est donc sans surprise que le Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril denier a entériné cette position ; c’est sans surprise non plus que votre Rapporteur spécial a constaté que la commission du Livre blanc reprenait à son compte, à l’appui de la thèse de l’universalité, un argument manié avec raison par les principaux responsables du ministère, notamment lors des auditions budgétaires de l’automne 2007. Le Livre blanc rappelle à cet égard les données essentielles : « l’universalité de notre présence représente, globalement, des enjeux budgétaires limités. À titre d’exemple, la décision de fermeture des 28 ambassades de la catégorie 7 de la directive nationale d’orientation (pays avec lesquels nos liens sont les moins denses) permettrait de réaliser une économie annuelle théorique de 40 millions d’euros (moyens de coopération compris), soit 2,4 % du budget de fonctionnement du réseau, crédits de personnel compris, 3,3 % en fonctionnement au sens strict et moins de 1 % du budget du MAEE. »
Pour autant cette démarche de la commission comme du CMPP relève bien d’un choix – qui devra d’ailleurs être périodiquement réévalué –, et la démonstration la plus éloquente en est faite par Mme Thérèse Delpech, directeur chargé de la prospective au Commissariat à l’énergie atomique, dans sa « Réserve concernant le maintien de l’universalité du réseau diplomatique » : « La densité de notre réseau diplomatique est une de nos fiertés nationales. Dans la nouvelle dénomination, les ambassades dites “ à mission restreinte ” n’ont d’intérêt diplomatique que si elles sont destinées à de jeunes ambassadeurs en début de carrière, capables de remplir leurs fonctions avec un personnel très réduit.
« Je suis opposée au maintien de la couverture actuelle pour les raisons suivantes :
« – le ministère des Affaires étrangères et européennes est plus connu pour sa gestion des fins que des débuts de carrière. Ces postes seront en fait majoritairement destinés à régler des problèmes de pyramide d’âge et à ne pas décourager des conseillers des Affaires étrangères en fin de carrière ou des ministres plénipotentiaires en bas de tableau ;
« – on peut s’interroger sur la capacité du système à maintenir des formats réduits. Actuellement, Sainte-Lucie compte une trentaine d’agents du MAEE et son budget était en 2006 de 2 millions d’euros. La Guinée-Bissao, la Zambie, les Seychelles, le Honduras, le Nicaragua, Trinité et Tobago, pour ne donner que quelques exemples frappants, sont dans le même ordre de grandeur ;
« – à un moment où l’on demande un effort si considérable aux armées, je trouve peu convenable de ne proposer aucun resserrement du réseau diplomatique français. Les économies en personnel et en frais de fonctionnement que représenterait une suppression pure et simple pourraient en outre être utilement réinvesties dans les missions prioritaires du ministère des Affaires étrangères et européennes, qui ne peut se permettre aucun luxe. »
Sans méconnaître la consistance des arguments invoqués, votre Rapporteur spécial demeure persuadé, comme il a d’ailleurs eu l’occasion de l’exprimer par un communiqué sitôt connue la décision du CMPP, de la pertinence du choix stratégique de l’universalité. Il convient en outre de rappeler que cette universalité s’accompagne de mutations internes profondes, avec en particulier la transformation d’une trentaine d’ambassades en postes de présence diplomatique simple à format allégé et simplifié et le « lissage des formats d’exception » dans les ambassades où les moyens sont les plus importants. L’exemple cité plus haut de notre ambassade à Berlin, l’un des « postes pilotes » de la RGPP, indique assez l’engagement dans la rationalisation des moyens disponibles qui va s’opérer dans les trois prochaines années. Enfin, la deuxième partie du présent rapport a été l’occasion de réaffirmer combien une nouvelle gestion des ressources humaines devait permettre de dépasser les pratiques observées dans la nomination des ambassadeurs et critiquées par Mme Delpech. L’aiguillon de cette opinion dissidente est néanmoins utile, puisque l’évaluation ex post de la pertinence du choix de l’universalité ne pourra en faire abstraction.
2.– La problématique immobilière : bannir le travail de gribouille
a) Bref retour sur le réagencement des sites parisiens
Beaucoup a été dit, par votre Rapporteur spécial mais aussi par la Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des Finances sur l’immobilier de l’État, par la MEC une seconde fois (7) pour examiner le suivi de ses recommandations, par les autres rapporteurs parlementaires compétents, par la Cour des comptes, par l’Inspection générale des finances, par le ministère lui-même bien sûr, par la presse… sur le regroupement des services parisiens du ministère des Affaires étrangères et européennes sur les trois sites du Quai d’Orsay « historique », de la rue de la Convention et de La Courneuve. Les opérations immobilières de très grande ampleur intervenues à cette occasion – notamment la vente du site de la rue La Pérouse, y compris le centre de conférences internationales de l’avenue Kléber, la vente de l’immeuble de la rue Monsieur qui abritait le ministre chargé de la Coopération et le rachat de l’ancien immeuble de l’Imprimerie nationale rue de la Convention – ont déjà fait l’objet de développements circonstanciés et seront de nouveau abordés, sous l’angle du bilan et de l’évaluation, dans les prochains rapports spéciaux.
Pour s’être rendu sur les sites de la rue de la Convention et de La Courneuve en décembre dernier, votre Rapporteur spécial peut témoigner du grand intérêt que représentent ces déménagements pour l’organisation du ministère. Chantier mené avec beaucoup de sérieux sous l’égide du service des Affaires immobilières, le site de la Convention devrait être livré à la fin de 2008 ; la polémique justifiée sur la conduite de l’ensemble du dossier s’articule autour de deux griefs : premièrement, le rachat pour 325 millions d’euros en 2007, et avec une faille dans une convention fiscale internationale pénalisante pour l’État acheteur, d’un site vendu 85 millions d’euros en 2003, le rachat intervenant certes après de premiers travaux d’un montant voisin de 100 millions d’euros. En outre, a dû être sollicitée par le Quai d’Orsay une somme globale de 31 millions d’euros pour les travaux d’aménagement et d’équipement des locaux, dont 11 millions d’euros pour le centre de conférences ministériel installé sur place. Celui-ci ne pourra rendre les mêmes services que le centre de conférences international de l’avenue Kléber, dont il faudra se passer définitivement dès la fin de la présidence française de l’Union européenne.
Par ailleurs, les loyers intercalaires payés à l’occasion de l’ensemble de ces opérations, de l’ordre de 45 millions d’euros, ont déjà attiré l’attention de votre Rapporteur spécial qui souhaite faire le point sur cette question dans son prochain rapport spécial.
Quant aux griefs existant à l’encontre de la construction à La Courneuve du nouveau bâtiment destiné à abriter les archives diplomatiques, ils portent essentiellement, comme l’ont fort bien démontré les dernières auditions de la MEC, sur les atermoiements ministériels qui ont eu pour conséquence, pendant la conduite du projet, un changement de modus operandi avec le passage de la régie au partenariat public-privé (PPP), qui a évidemment compliqué et renchéri l’opération – quelles que soient par ailleurs les réticences de principe à l’encontre de tout recours au PPP, que votre Rapporteur spécial ne partage nullement.
Proposition n° 7 : appliquer les recommandations de la MEC en matière de conduite des opérations immobilières d’ampleur du ministère, en proscrivant en particulier tout changement de portage financier d’un projet en cours de réalisation, qui ne serait pas motivé par une raison de force majeure.
b) À l’étranger, envisager avec circonspection la création d’une foncière dédiée
L’une des principales « découvertes » qui auront ponctué les contrôles sur le terrain de votre Rapporteur spécial concerne l’enjeu complexe et foisonnant de la politique immobilière de l’État à l’étranger – et encore ne sommes-nous qu’au début de l’actuelle législature. Un exemple éclairant de la délicate conduite d’opérations immobilières portant sur le réseau diplomatique est celui du poste de Dublin.
La « saga immobilière » irlandaise (au 9 juin 2008)
1998-2000 Projet regroupement des services dans un nouvel immeuble au 36 Ailesbury Road (veto des services irlandais le 9 mars 2000).
2001 Mission d’inspection : renoncement au regroupement des services, option d’extension de l’existant : environ 850 000 euros (inscrit au budget 2005 mais non réalisé).
Janvier 2006 Mission d’inspection qui débouche sur une solution plus radicale :
– vente de la chancellerie (évaluation : 18 millions d’euros) ;
– achat d’un plateau de bureaux (500 à 600 m²).
Mandat d’exclusivité conféré à une agence immobilière (dénoncé en mai 2007).
25 juin 2007 Le Secrétaire général approuve le principe d’une série d’opérations immobilières dont : « Dublin (chancellerie + résidence) ».
9 août 2007 Rupture d’établissement de l’Ambassadeur Grasset.
10 août 2007 Mission du service Affaires immobilières.
Contact pris avec des représentants de M. Denis O’Brien (échange de biens immobiliers avec procédure d’appel d’offres).
5 septembre 2007 Télégramme d’instruction demandant au poste de préparer techniquement l’opération d’échange (acte de propriété – études d’un géomètre – recherche d’un solicitor).
6 septembre 2007 Réunion de transfert d’expérience des deux ambassadeurs sous l’autorité du Secrétariat général.
18 septembre 2007 Prise de fonctions de l’Ambassadeur Roé d’Albert.
13 novembre 2007 Mission du chef du service des affaires immobilières à Dublin
(rencontre avec le solicitor et l’agence immobilière retenue).
12 décembre 2007 L’ambassade adresse au ministère le dossier technique sollicité en vue d’un examen du projet d’échange par la commission interministérielle sur les opérations immobilières de l’État.
18 décembre 2007 Avis favorable de la commission interministérielle.
17 janvier 2008 Mise en vente de nos deux biens immobiliers. La résidence de l’Ambassadeur de France est « à vendre : prix demandé 60 millions d’euros » (Irish Times).
17 janv.-17 fév. 2008 15 visites (uniquement des investisseurs irlandais).
18 février 2008 Ouverture des plis (3 offres parvenues à l’ambassade le 17 février à 17 heures), dont l’offre n° 3, pour la résidence et la chancellerie, de M. Denis O’Brien.
Les offres 1 et 3 sont déclarées recevables ; l’offre n° 2 est incomplète (elle sera considérée comme caduque le 26 février, l’acheteur n’ayant pas apporté dans le délai imparti les compléments d’information demandés : prix global + chèque de caution).
6 mars 2008 Demande de précisions complémentaires aux candidats 1 et 3.
13 mars 2008 Remise de l’évaluation de l’agence immobilière.
21 mars 2008 Lettre aux candidats 1 et 3 leur annonçant que l’analyse juridique des offres est en cours et que la visite technique des biens proposés en échange ne pourra avoir lieu avant début avril.
27 mars 2008 Article de l’Irish Times reprenant les critiques de Mme Hélène Conway, déléguée au Conseil supérieur des Français de l’étranger.
31 mars 2008 L’offreur n° 1 se désiste.
4 avril 2008 Mission du service des immeubles à Dublin (visite des biens proposés par M. Denis O’Brien).
17 avril 2008 Réunion à Paris de la commission de sélection, sous la présidence du directeur général de l’administration : il est décidé d’entrer en négociations avec M. Denis O’Brien pour lui demander d’améliorer ses propositions sur la chancellerie.
6 mai 2008 Première réunion de négociation à Paris entre le service des Affaires immobilières et les représentants de M. Denis O’Brien.
11 mai 2008 Article du Sunday Times annonçant que M. O’Brien a acheté la résidence et que l’ambassadeur s’installera à Shrewsbury Road (maison de M. O’Brien) : « De Charles de Gaulle à chez Denis ».
13 mai 2008 Avant le début de la seconde réunion de négociation, M. Denis O’Brien fait savoir qu’il retire ses propositions (confirmation par lettre du 15 mai 2008).
2 juin 2008 La commission de sélection déclare l’appel d’offres infructueux et clôt l’opération.
S’étant rendu sur place le 9 juin, votre Rapporteur spécial a pu constater le besoin de reloger une chancellerie manifestement à l’étroit, et les possibilités de transformation de la spacieuse résidence située juste de l’autre côté de la rue. La simple chronologie de cette « saga » – à défaut de ballade – irlandaise démontre la complexité de la conduite d’une opération immobilière à l’étranger. Sont en effet impliqués le ministère et son service des affaires immobilières (mais aussi, on le voit, la direction générale de l’administration, voire le secrétariat général), l’administration des Domaines, et le poste sur place par définition, le tout dans un contexte à chaque fois très particulier : à Dublin le caractère très fermé du marché immobilier, à Istanbul la valeur toute relative du cadastre et des historiques firmans du Sultan valant titre de propriété, à Moscou la jouissance sans titre de propriété mais avec un régime différent pour le bâti et le non bâti, à Londres la propriété de plein droit et la propriété de « second rang »…
En définitive, et pour reprendre l’exemple de Dublin, c’est la solution de bon sens qui semble désormais devoir prévaloir après l’échec de l’ambitieux montage élaboré essentiellement par l’administration centrale : des travaux d’extension de la résidence devraient permettre de reloger les services de la chancellerie. Votre Rapporteur spécial y voit un signe éloquent de l’importance, pour la conduite d’opérations immobilières à l’étranger, d’une bonne connaissance du contexte immobilier, qui se double dans bien des pays de considérations à la fois juridiques, historiques et politiques.
Dès lors, il est permis de douter que le projet, contenu dans les décisions du CMPP, de création d’une « foncière de l’État à l’étranger » soit la solution la plus adéquate et la plus efficiente au défi que représente la gestion de ce patrimoine. Ne risque-t-on pas avec un tel outil de compliquer les projets, de les gérer de trop loin, en méconnaissance du contexte local ? Qui, par exemple, sera le mieux à même, entre une structure parisienne − que par ailleurs il faudra doter en personnels et en compétences − et le poste de Londres, de gérer le parc de 59 logements détenus par l’État dans la capitale britannique, en fonction des besoins particuliers des agents ou pour l’inclusion de cet élément dans une offre de recrutement ? Qui sera le mieux placé pour négocier le loyer de la résidence de l’ambassadeur versé à la famille royale, et dont la modicité compense le montant élevé des charges de copropriété ?
Plutôt que de risquer d’alourdir la gestion immobilière avec une structure centrale ad hoc, il paraît bien préférable d’améliorer l’existant en mobilisant les ambassadeurs et les consuls généraux sur ce thème de travail, car ils sont évidemment les acteurs les mieux placés pour analyser toutes les implications du contexte local. Dans un premier temps, il pourrait être demandé à chaque chef de poste de dresser sous trois ans un bilan exhaustif du patrimoine immobilier de l’État dans chaque pays et de proposer la définition d’une stratégie locale à cet égard. Devrait également être concerné le patrimoine immobilier scolaire (8).
Proposition n° 8 : envisager avec la plus grande prudence la création d’une « foncière de l’État à l’étranger » et préférer, dans un premier temps, la mobilisation des ambassadeurs sur ce thème en demandant à chacun d’eux, d’ici trois ans, un bilan exhaustif du patrimoine immobilier de l’État ainsi que du patrimoine immobilier scolaire dans leur pays de résidence, et un plan d’action (cessions, relocalisations, co-localisations, clarification juridique de propriété, etc.) pour procéder à une rationalisation et/ou à une remise à niveau du parc.
En complément, le soutien apporté aux chefs de poste par les antennes immobilières régionales placées sous la responsabilité de fonctionnaires issus de l’administration de l’Équipement, et dont votre Rapporteur spécial a pu apprécier la qualité − à Istanbul, Moscou ou Kaboul −, pourra, en tant que de besoin, être renforcé ponctuellement à l’occasion de telle ou telle opération importante.
3.– Les questions de sécurité davantage prises au sérieux
Le contexte d’une menace croissante à l’égard des intérêts de la France, en particulier de la menace terroriste, relevait davantage du Livre blanc sur la défense et la sécurité que de celui sur la politique étrangère et européenne ; il n’en demeure pas moins que les implications de cette situation sont importantes pour la sécurité de nos postes diplomatiques – et même de chaque implantation sur laquelle flotte notre drapeau. Votre Rapporteur spécial a pu, si besoin était, s’en convaincre avec l’audition du chef du service de la Sécurité diplomatique (SSD), M. Éric Gérard, et en se rendant dans deux postes exposés, soumis au régime dit « des cinq mois » (9) : Islamabad et, à un tout autre degré, Kaboul.
Effectivement mis en place en mars 2007 sous l’impulsion de M. Xavier Driencourt, alors directeur général de l’administration, le SSD est encore circonscrit à cette direction générale mais a vocation à s’étendre à brève échéance pour englober l’ensemble des aspects de la sécurité ; d’ores et déjà une fusion est en cours avec la structure du Haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère. À partir de huit intervenants différents au sein du ministère (c’est-à-dire, outre le haut fonctionnaire précité, la direction des Affaires financières, le secrétariat du programme Action de la France en Europe et dans le monde, et tel ou tel bureau spécialisé dans plusieurs directions « support ») non coordonnés entre eux, il s’agit de créer un réseau intégré dans lequel chaque intervenant conserve sa spécificité mais le point d’entrée est unique : le SSD. Cette coordination de premier rang est d’autant plus importante que, par cercles concentriques, nombre d’autres acteurs sont concernés par la sécurité : à l’intérieur du MAEE, il s’agit des directions géographiques, des directions en charge des affaires juridiques, des systèmes d’information ou de la formation des agents, ainsi que de l’Inspection générale. À l’extérieur, il s’agit a minima de la police, de la gendarmerie et de la DGSE.
Rompant avec la dispersion des moyens et la relative absence de rigueur préexistante dans le domaine de la sécurité diplomatique, l’organisation du SSD prend la mesure du problème, avec vingt agents en propre, organisés en trois divisions : sûreté générale (chargé de la conception, de l’analyse, de la prospective, du contrôle et de l’évaluation), technique et sûreté (qui effectue notamment les visites de postes), administration et comptabilité.
Votre Rapporteur spécial souligne que cette réorganisation et cette attention accrue aux questions de sécurité n’emportent pas de progression démesurée des moyens employés ; au contraire, la réflexion ordonnée sur la sécurité passive et active des agents et des postes permet des gains d’efficience : moins de « gardes pousse-bouton » et une nette amélioration de la « culture de sécurité », même si beaucoup reste à faire en ce domaine.
L’encadré suivant décrit les principaux aspects de la sécurité passive et active mise en œuvre dans les postes et leur implication budgétaire.
La sécurité dans les postes
1.– La sécurité passive
Le Département poursuit l’effort engagé depuis ces dernières années de remise à niveau des équipements (sas, détecteurs de masse métallique, systèmes anti-intrusions, vidéosurveillance, etc.) dont sont dotés les postes diplomatiques et consulaires (financement sur les crédits de titre 3).
Comme votre Rapporteur spécial a pu le constater à Istanbul, Islamabad et Kaboul, cet effort est visible. Néanmoins nos procédures ne sont pas toujours appropriées au contexte local. Ainsi de cette anecdote significative : le portail destiné à sécuriser l’entrée du poste de Kaboul, en application de la règle, a été importé de France et répond à un substantiel degré de sophistication, caractérisé par l’introduction de composants électroniques… qui n’ont pas résisté plus de quelques semaines au climat chaud et poussiéreux de la capitale afghane. D’un niveau supérieur aux standards habituels de sécurité passive, cet équipement fondamental a été rabaissé en deçà d’un robuste matériel « classique », par méconnaissance des conditions locales particulières. La sécurité doit aussi se construire en association avec ses acteurs locaux ; il faut espérer que les missions du service de la Sécurité diplomatique dans les postes aboutissent à une telle prise en compte.
Au cours de l’année 2007, le budget du service a permis de mettre en œuvre la réforme des systèmes de sécurité, conformément aux conclusions du Livre blanc sur la sécurité des implantations de l’État, qui se traduit par les investissements nécessaires de mise à niveau ou de renforcement des moyens techniques de sécurité des postes. Le SSD est également consultant sur les investissements immobiliers impliquant la sécurité. En outre, le parc de véhicules blindés du Département nécessite une mise à niveau à laquelle doit s’employer le SSD en liaison avec la direction des affaires financières (crédits de titre 5).
2.– La sécurité active
La sécurité des postes diplomatiques et consulaires repose également sur la présence, dans les ambassades ou représentations permanentes et certains consulats, de gardes de sécurité expatriés. Issus de la gendarmerie ou de la police nationales, les gardes de sécurité permanents étaient 441 au 31 décembre 2007 (286 gendarmes et 155 policiers). Outre le traitement de ces gardes (titre 2, dépenses de personnel), le MAEE finance certains de leurs droits sur crédits de titre 3. Un gendarme représente un coût de 150 000 euros annuels, un policier (non logé) 110 000 euros. Mais dans les cas de renfort pour les postes très exposés (cf. infra), tel celui de Kaboul où s’est rendu votre Rapporteur spécial, le coût annuel d’un renfort assuré par des gendarmes représente pour le MAEE 860 000 euros, grâce à une convention aux termes de laquelle la gendarmerie assume elle-même une partie du coût, et 2,5 millions d’euros pour un renfort assuré par des policiers. Toutefois, une externalisation de cette fonction représenterait un surcoût de 250 000 euros par mois.
L’effort de rationalisation poursuivi dans l’affectation des gardes de sécurité (mise en place de chefs de la sécurité opérationnels (CSO) ayant autorité sur des vigiles dans 16 postes à niveau de menace faible, mise en place de 55 postes à deux gardes seulement) a permis le report des ETP gagnés sur des postes plus exposés. Cette politique a permis le gain de 78 ETP en deux ans, sans avoir dans les faits reporté le montant de la rémunération de ces ETP sur le budget de la sécurité passive (donc sans faire jouer le mécanisme de la fongibilité asymétrique).
De surcroît, l’évolution du contexte sécuritaire ou l’apparition de foyers de crise qui dégradent particulièrement la situation locale, le lancement de travaux d’aménagement à long terme nécessitent l’envoi d’agents en mission de renfort dans les postes (sur crédits de titre 3) pour assurer, outre la garde des bâtiments, la protection rapprochée ou l’accompagnement des autorités. En juin 2008, 46 policiers et 61 gendarmes en renfort étaient déployés dans certains postes : missions de longue durée renouvelées constamment dans des cas de crises persistantes comme à Beyrouth, Bagdad, Alger et Kaboul, ou nouvelles missions comme à Erbil, La Paz, ou Conakry.
Les postes diplomatiques ou consulaires ont, en outre, recours à des vigiles issus du recrutement local (titre 2) ou des prestataires de sociétés de sécurité (titre 3) pour compléter leur dispositif de sécurité. Un recensement exhaustif de ces vigiles a été lancé au début de l’année 2008 (vigiles prestataires et vigiles d’ambassade) afin d’évaluer leur coût, dans le cadre d’une étude sur la possibilité d’externalisation des missions de sécurité. Votre Rapporteur spécial sera particulièrement attentif à ses résultats, ayant pu constater sur place non seulement le coût modique de la contribution d’agents recrutés locaux à la sécurité de notre poste à Kaboul, mais bien au-delà, le dévouement de ces hommes, dont trois sont morts en défendant le poste alors désert, quand les combats se déroulaient en pleine la ville et que seule leur fidélité à la France – et non leur contrat, qui alors n’existait plus et n’a été renouvelé qu’avec la réouverture du poste en 2002 – justifiait leur présence sur place.
La Cour des comptes devrait prochainement faire connaître ses conclusions sur ce sujet majeur, ainsi que M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre, avait eu l’occasion de l’annoncer à votre Rapporteur spécial en octobre dernier.
B.– LE RÉSEAU CONSULAIRE : DÉJÀ MODULAIRE
1.– La stabilisation souhaitable des relations avec le ministère chargé de l’immigration
Le réseau consulaire n’a pas échappé au mouvement de redéploiement et d’adaptation des implantations diplomatiques depuis 1990 : 20 consulats généraux ou consulats ont été fermés (pour la plupart en Europe occidentale), tandis que 13 ont été ouverts, essentiellement dans les pays émergents. Sur ce point également, votre Rapporteur spécial renvoie à l’état des lieux qui sera dressé, comme de coutume, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances.
Davantage lié aux rencontres de terrain, en centrale et surtout dans les postes, est le thème, très polémique l’an dernier, et aujourd’hui évoqué de manière plus apaisée, du partage des compétences entre le ministère des Affaires étrangères et européennes et le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, tant il est vrai que depuis mai 2007, il a été procédé à un transfert important des attributions de l’un vers l’autre en matière de visas.
En effet, le décret n° 2007-999 du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre chargé de l’immigration précise que ce dernier est chargé, conjointement avec le ministre des Affaires étrangères et européennes, de la politique d’attribution des visas. Dans ce cadre, le MAEE a, depuis le 1er janvier 2008, procédé à un transfert de services et de 137 ETP au profit du ministère chargé de l’immigration.
Par ailleurs, les décisions des derniers comités de modernisation des politiques publiques ont d’ores et déjà permis de préciser la ligne de partage des compétences :
− la compétence partagée du MAEE s’agissant de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique d’attribution des visas ;
− la compétence pleine et entière du MAEE pour les visas diplomatiques et de service ;
− la compétence du MAEE sur certaines décisions individuelles de visas (adoptions, visas relevant de la politique étrangère) ;
− le maintien de l’unité des consulats ainsi que l’autorité des ambassadeurs et des consuls sur l’intégralité des services consulaires ;
− le transfert au ministère en charge de l’immigration des crédits correspondant à la gestion informatique des visas ;
La répartition des effectifs des services des visas entre les différents consulats doit faire chaque année l’objet d’une décision conjointe des deux administrations. Votre Rapporteur spécial souhaite que ce principe, dont l’économie générale est compréhensible, ne soit ni un facteur d’instabilité de la répartition des compétences, ni un sujet de tension entre les deux ministères, qui nuirait à l’action de chacun des deux. Un équilibre satisfaisant a été trouvé pour cette première année de fonctionnement ; il doit être préservé.
2.– La conciliation nécessaire entre externalisation et généralisation de la biométrie
La demande globale de visas adressée à la France, après avoir chuté significativement en 2003, s’est, depuis, stabilisée autour de 2,4 millions de dossiers déposés annuellement auprès de nos postes. En 2007, la demande de visas est restée stable par rapport à 2006. L’introduction de la procédure de paiement des frais de dossiers au dépôt de la demande, à compter du 1er janvier 2003, est à l’origine d’une baisse très importante enregistrée en Algérie. Elle s’est poursuivie en 2007, en étant partiellement compensée par l’augmentation de la demande indienne et chinoise perceptible depuis 2005. La demande se maintient depuis à ce niveau malgré des variations par pays dont les causes ne sont pas toujours prévisibles ni maîtrisées.
L’introduction de la biométrie dans les visas et l’externalisation du traitement matériel des dossiers de demande constituent les deux éléments majeurs de la modernisation de ce pan de l’action consulaire. Résultant de la loi de novembre 2003, la biométrie dans les visas précède la mise en place du VIS (10) et doit conduire à court terme à modifier les modes d’organisation, notamment en mettant en place dans tous les postes de « bonnes pratiques » destinées à faire face, selon les cas, à la généralisation de la comparution personnelle de tous les demandeurs − qui concernerait un million de personnes supplémentaires − ou à gérer de façon optimale l’externalisation étendue à la « capture » des données biométriques nécessaires à l’établissement du visa.
À la fin de cette année, 100 postes devraient être équipés pour délivrer des visas biométriques, correspondant à 52 % des visas demandés. Selon le MAEE, la généralisation de la biométrie dans les visas à l’ensemble du réseau diplomatique et consulaire pourrait être envisagée pour 2009.
Quant à l’externalisation de la réception des dossiers de demande de visas, elle existe actuellement dans 14 postes consulaires. Sont plus précisément concernés l’information du public, la réception des demandeurs, la collecte des frais de dossiers, la vérification du caractère complet des dossiers, la saisie des données alphanumériques (dans 7 des 14 postes), le transfert des dossiers au consulat, et la restitution du passeport aux demandeurs après la décision des agents du consulat. Les fonctions régaliennes d’examen des dossiers et de prise de la décision restent de la compétence exclusive des services consulaires. Les frais de service sont payés par les requérants qui restent libres de déposer directement leur dossier au service des visas, le passage par le prestataire n’étant pas obligatoire.
Votre Rapporteur spécial a déjà eu l’occasion de l’évoquer ; une série d’avantages est liée à cette externalisation :
− elle permet le renforcement de la qualité du traitement des dossiers. En effet, en étant déchargés de tâches annexes, les services des visas peuvent consacrer plus de temps à l’examen des demandes. Les postes consulaires conservent toujours en cas de doute la possibilité d’inviter un requérant à se présenter dans leurs locaux pour un entretien approfondi ;
− elle encourage la modernisation des outils d’analyse des risques migratoires de lutte contre la fraude, en contrepartie de l’absence de comparution systématique des demandeurs. Cette démarche est rendue possible par les marges dégagées par le recours à l’externalisation ;
− elle contribue au renforcement de la sécurité, puisqu’elle réduit les risques de corruption en éloignant les agents des services des visas des sollicitations diverses. Pour sa part, le prestataire agréé n’a aucun intérêt à voir ses agents se faire corrompre, sous peine de se voir retirer son agrément et de perdre tout espoir d’en retrouver un ;
− elle permet une meilleure couverture du territoire, l’ouverture de multiples centres de réception des dossiers visas pouvant permettre de limiter les déplacements des demandeurs. Tel est par exemple l’enjeu à Rostov sur le Don, dont le dossier, que votre Rapporteur spécial a abordé lors de sa mission à Moscou, est en cours de montage.
Plus que jamais, l’enjeu actuel concerne la conciliation entre cette externalisation et la délivrance de visas biométriques qui impose la collecte systématique des données (photographie d’identité et empreintes digitales) de tous les demandeurs de visas. L’externalisation de la biométrie chez des prestataires agréés est actuellement à l’étude : les textes réglementaires afférents et les logiciels nécessaires sont en cours d’élaboration en vue de leur proche présentation à la CNIL et au Conseil d’État. Partout où il s’est penché sur la question avec les agents des postes concernés, l’intuition de votre Rapporteur spécial s’est trouvée confirmée : le succès de l’externalisation de la biométrie est indispensable à la « capitalisation » des gains de l’externalisation qui viennent d’être mentionnés.
Proposition n° 9 : ne pas laisser la généralisation des visas biométriques faire obstacle à l’externalisation du traitement matériel des demandes de visas, sous peine d’alourdir inutilement une procédure aujourd’hui parfaitement maîtrisée, à la fois source de recettes et outil de rayonnement.
Votre Rapporteur spécial compte organiser à l’automne une audition du Président de la CNIL afin de faire le point sur cette question cruciale.
3.– Les consuls honoraires, de précieux relais
Le réseau des consuls de France honoraires comprend 499 agences consulaires en activité. Bien que ce mouvement soit largement méconnu, le profil des consuls honoraires évolue : les notables locaux ont souvent été remplacés par des consuls honoraires à qui une multitude de tâches consulaires sont confiées : dossiers d’inscription au registre, demandes de passeport, procurations de vote, assistance aux Français de passage, etc. Ces consuls honoraires ont donc, davantage que par le passé, besoin d’une subvention pour fonctionner. Comme le prochain rapport spécial devrait le préciser, la dotation demandée pour 2009 et destinée au réseau des consuls honoraires serait de 1,77 million d’euros, dont 1,32 million d’euros de subventions.
Le ministère souhaite par ailleurs équiper certains d’entre eux − de nationalité française − du registre mondial, afin qu’ils puissent réaliser certaines opérations (inscription des Français, préparation d’une demande de passeport ou au minimum restitution des passeports biométriques). Le but recherché est d’éviter aux Français de se déplacer jusqu’au consulat et de limiter le nombre de visiteurs, c’est-à-dire les besoins en effectifs des consulats, à l’heure où la biométrie dans les passeports et les visas risque de poser un problème d’effectifs.
Les entretiens que votre Rapporteur spécial a eus à Londres sur ce thème − le Royaume-Uni compte 17 consuls honoraires, ce nombre élevé étant à rapprocher des difficultés relatives de circulation à l’intérieur du pays − l’ont convaincu du bien-fondé du recours à un réseau de consuls honoraires pour affiner le maillage des territoires, là où la France doit être présente auprès de ses ressortissants et/ou pour exercer son influence. Dès lors qu’une subvention est versée et qu’un nombre croissant de tâches est demandé à ces relais locaux dont le profil évolue par ailleurs − et pour le mieux −, une attention accrue doit être portée au « recrutement » et à la formation des consuls honoraires. Cela est d’autant plus vrai lorsque, comme à Jersey, un consul honoraire succède à un consul « plein ».
Proposition n° 10 : envisager de façon systématique un recours accru au réseau des consuls honoraires, en accompagnant ce mouvement d’une plus grande attention portée à leur nomination et à leur formation.
4.– Les questions de sécurité : l’accueil du public comme « spécialité consulaire »
L’analyse de la sécurité active et passive dans les postes et l’impact attendu de l’achèvement du déploiement du SSD au sein du ministère des Affaires étrangères et européennes, tout cela vaut pour le réseau consulaire comme pour le réseau diplomatique.
Une spécificité peut néanmoins être identifiée : l’accueil du public, davantage l’apanage des consulats que des chancelleries diplomatiques − qu’il s’agisse de délivrance de visas ou de questions d’état civil, pour ne citer que les cas les plus fréquents. Il en résulte d’évidentes questions de sécurité qui, d’ores et déjà, sont traitées ou en voie dans les consulats généraux dans lesquels votre Rapporteur spécial s’est rendu : outre le cas d’Istanbul déjà abordé dans le précédent rapport spécial, il s’agit de Moscou, Islamabad et Londres.
Alors qu’à Moscou et à Londres l’enjeu se résume essentiellement à prévoir des capacités d’accueil suffisantes et une vidéosurveillance appropriée, la réflexion à Istanbul comme à Islamabad inclut davantage de sécurité passive, ce qui doit mobiliser, a minima, le SSD et les antennes immobilières compétentes.
Par ailleurs, dans le cadre de l’externalisation de la partie matérielle de la procédure de demande de visa, déjà en place à Istanbul et à Moscou par exemple, et à venir à Londres le cas échéant, la dimension sécuritaire ne doit pas être oubliée dans le cahier des charges, dans la mesure où les prestataires à l’œuvre agissent en quelque sorte comme des prolongements de la présence française dans le pays considéré. Mais comme on va le voir, cette préoccupation devrait valoir également − sinon davantage − dans le réseau culturel, où elle se heurte souvent à un manque plus ou moins conscient de « culture de la sécurité ».
C.– LE RÉSEAU CULTUREL : UNE NÉCESSAIRE REFONDATION
1.– Le pilotage des opérateurs dans le cadre de la réforme annoncée de la DGCID
C’est surtout à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2009 et du budget triennal courant jusqu’en 2011 que sera abordée la question de la transformation de la direction générale de la Coopération internationale et du développement (DGCID) en « direction d’état-major », soit, en termes peut-être moins diplomatiques, une « cure d’amincissement » décidée par le CMPP. D’ores et déjà cependant, les auditions des directeurs généraux de chacun des trois opérateurs principaux de la mission Action extérieure de l’État, tous rattachés au programme 185 Rayonnement culturel et scientifique, permettent à votre Rapporteur spécial de soutenir une telle transformation et d’en esquisser certains enjeux.
Le cas de l’enseignement français à l’étranger et de ses prolongements, qui englobe à la fois l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et CampusFrance, est traité plus bas sous le point D. Demeure CulturesFrance, évoqué dans les lignes qui suivent. Mais auparavant, votre Rapporteur spécial veut souligner quelques traits communs qui sont autant de recommandations de méthode :
− à chaque opérateur une (ou éventuellement plusieurs) tutelle(s) clairement identifiées(s) et jouant pleinement ce rôle, à travers des orientations stratégiques, un partage explicite des compétences entre l’opérateur et l’administration, et un suivi régulier ;
− à chaque opérateur son contrat d’objectifs et de moyens, meilleure méthode pour mettre en œuvre la recommandation précédente. Seul l’opérateur CulturesFrance en est à ce jour doté, depuis mai 2007, alors que l’audit de modernisation (11) sur les opérateurs culturels demandait leur conclusion systématique ;
− à chaque opérateur un statut juridique conforme à sa mission et à son degré d’autonomie à l’égard de l’administration ;
− à chaque opérateur son traitement détaillé dans le projet annuel de performances (PAP) du programme budgétaire de rattachement. Votre Rapporteur spécial renvoie sur ce point aux recommandations qu’il a formulées lors de l’examen du projet de loi de règlement des comptes et du rapport de gestion pour 2007 (12), sur les lacunes des documents budgétaires concernant les opérateurs et l’analyse de leurs crédits comme de leur performance. Il renvoie également aux propositions convergentes contenues dans le dernier rapport (13) de la Mission de suivi de la LOLF de la commission des Finances, consacré pour partie aux opérateurs. Il ne méconnaît pas, enfin, l’effort entrepris au sein de l’État pour mieux prendre en compte les emplois, les crédits et la performance des opérateurs, comme en témoignent les circulaires budgétaires relatives à la préparation du budget pour 2009 et les exercices suivants.
Proposition n° 11 : mettre effectivement en œuvre les recommandations réitérées consistant à prévoir, pour chaque opérateur de la mission Action extérieure de l’État, une (voire plusieurs) tutelle(s) jouant effectivement ce rôle, un statut conséquent, un contrat d’objectifs et de moyens, et un traitement détaillé dans le PAP de rattachement.
2.– La rationalisation du réseau : pour un regroupement sous le label de l’Alliance française ?
Avant la création de la Fondation Alliance française en juillet 2007, l’Alliance française de Paris était une association relevant de la loi de 1901, reconnue d’utilité publique, à la fois école de langue française et « tête de réseau » pour le millier d’alliances françaises réparties à travers le monde. Le réseau compte 8 000 administrateurs bénévoles et 11 000 salariés dont 7 800 professeurs. Son chiffre d’affaires global était de l’ordre de 238 millions d’euros en 2007 (en parité de pouvoir d’achat selon la Banque mondiale).
Suite à la séparation des activités locales et internationales de l’Alliance française de Paris, l’école de langue est maintenant gérée par une association dénommée « Alliance française de Paris-Île de France ». En parallèle, une fondation reconnue d’utilité publique est chargée d’animer le réseau international des alliances françaises. Votre Rapporteur spécial a récemment auditionné son secrétaire général, M. Jean-Claude Jacq. Tout comme l’association Alliance française de Paris avant elle, la fondation peut autoriser la création et la « labellisation » des alliances françaises de l’étranger. Elle ne dispose cependant pas d’autres liens juridiques avec ces associations autonomes et de droit local. 486 d’entre elles sont soutenues par le ministère des Affaires étrangères et européennes, auquel elles sont liées par des conventions de partenariat.
Des entreprises françaises ont été sollicitées pour doter la fondation en capital. Après trois ans d’efforts, l’Alliance française de Paris/Fondation Alliance française a obtenu 5 millions d’euros des entreprises et des particuliers et 2 millions d’euros d’usufruit. Les intérêts du capital ainsi constitué sont cependant encore insuffisants au regard des quelque 20 millions d’euros dont la Fondation et le ministère estiment qu’ils seraient nécessaires à son fonctionnement. Par amendement au projet de loi de finances pour 2007, l’État a contribué à ce capital à hauteur de 2 millions d’euros.
Compte tenu de leur mission commune de diffusion de la langue et de la culture françaises, le ministère des Affaires étrangères et européennes et la Fondation Alliance française ont signé une convention qui arrivera à échéance au 31 décembre 2008. Dans le cadre de ce partenariat, la répartition des responsabilités entre le Département et la Fondation a évolué vers un système de co-décision de plus en plus poussé (sur le choix des personnels expatriés et l’attribution de subventions immobilières), l’Alliance française refusant une ingérence de l’État jugée excessive sur ces questions.
En 2006, 65 % du budget de l’action internationale de l’Alliance française de Paris était couvert par la subvention du ministère, qui consacre par ailleurs chaque année plus de 40 millions d’euros aux alliances françaises de l’étranger. Le ministère qui apportait à l’Alliance française de Paris une subvention annuelle de 520 000 euros, l’a portée à 820 000 euros en 2005, 2006, 2007 et 2008 au titre d’une politique de professionnalisation des alliances. Le Département consacre par ailleurs chaque année plus de 40 millions d’euros au réseau des alliances françaises dans le monde. L’essentiel de ces moyens prend la forme de l’affectation de personnel expatrié (236 expatriés et 98 volontaires internationaux, dont la rémunération représente 30 millions d’euros), de subventions apportées par les ambassades (environ 10 millions d’euros par an) et de soutien aux projets immobiliers (1,8 million d’euros en 2007, 1 million d’euros en 2008).
La nouvelle convention avec la Fondation est entrée en vigueur au 1er janvier 2008, pour une durée d’un an seulement, dans l’attente des résultats de la RGPP. Conformément aux recommandations des services juridiques et financiers du Département, elle comprend notamment une annexe détaillant les missions de la nouvelle fondation et des indicateurs visant à évaluer les résultats obtenus.
Loin de ne constituer que des écoles de langue, comme le montre la sélection suivante, les alliances françaises organisent des manifestations variées :
Quelques grandes opérations culturelles en 2007
Théâtre
Festival de théâtre à Brno en République tchèque.
Trente ans de silence, par le Mime Bizot, Viña del mar, Chili.
Clowns rêveurs, Antalaha, Madagascar.
Rencontres théâtrales de Bangui, Bangui, République centrafricaine.
Cinéma
Festival du film français de Sacramento, Sacramento, États-Unis.
Festival du film français des AF d’Australie
Festival junior de cinéma, Kingston, Jamaïque.
Conférences et rencontres
Éduquer à l'environnement, par Mmes Gauquelin (anthropologue) et Grundmann (primatologue), Garoua, Cameroun.
Table ronde Albert Camus, 50 ans après le Prix Nobel, Oviedo, Espagne.
Musique
Concert de Yann Tiersen, Pologne.
Festival Baobab, musique francophone, Vancouver, Canada.
Danse
Compétition de hip-hop BOP Battle 07, danse, Bulawayo, Zimbabwe.
Autres
Défilé de mode africaine, Rostov-sur-le-Don, Russie.
VIIIe festival franco-irlandais de littérature, Dublin, Irlande.
Exposition de photographies de Robert Doisneau, Macao, Chine.
Nuit de la publicité francophone, Canton, Chine.
Concours d'arts plastiques Life in my city, Enugu, Nigeria.
Le Photocup 2007, Sambava, Madagascar.
Compte tenu de ces éléments, et pour avoir été favorablement impressionné par l’engagement des directeurs d’alliances françaises de Novossibirsk, Islamabad ou Lahore, ainsi que par le sérieux du suivi des onze alliances de Russie par l’attachée culturelle de Moscou en charge de ce réseau, enfin par l’efficacité de la Fondation Alliance française, votre Rapporteur spécial s’interroge, encouragé en cela par l’ambition affichée de la RGPP et du Livre blanc, sur la possibilité, à terme, de regrouper l’ensemble du réseau culturel extérieur sous le « label » de l’Alliance française, selon des modalités juridiques à déterminer. Une telle rationalisation serait certainement de nature à améliorer la performance de ce réseau et à lui donner la notoriété qu’il recherche, quand le morcellement des établissements, des ressources et des tutelles l’en empêche. Cette proposition, qui n’est ici qu’ébauchée, mériterait d’être analysée plus avant ; l’horizon de la législature devrait le permettre à votre Rapporteur spécial.
Proposition n° 12 : explorer la possibilité de regrouper sous le label de l’Alliance française, selon des modalités juridiques à déterminer, le réseau culturel extérieur, afin de gagner en clarté et en rayonnement.
En particulier, il s’agirait en premier lieu de déterminer quel périmètre devrait être tracé pour procéder au regroupement, à partir du paysage suivant, encore complexe en dépit des efforts de rationalisation menés depuis 1999 :
− 154 ambassades dotées d’un service de coopération et d’action culturelle (SCAC) ;
− 148 établissements culturels français et 283 Alliances françaises (sur un total de 1 075) bénéficiant du soutien financier de la DGCID et/ou d’une aide en personnel, enseignant la langue française à quelque 500 000 étrangers ;
− 27 instituts de recherche et 176 missions archéologiques ;
− 160 000 élèves dans 269 établissements scolaires français à l’étranger (AEFE) ;
− 62 espaces EduFrance (désormais « CampusFrance »), actifs dans quarante pays, assurant la promotion de l’enseignement supérieur français ;
Une piste raisonnable devrait probablement consister, du moins dans un premier temps, à se limiter, en plus des alliances proprement dites, aux établissements culturels, et éventuellement à certaines missions des SCAC. Quant aux instituts de recherche, dont votre Rapporteur spécial a pu voir fonctionner un « spécimen » lors de sa mission à Istanbul, ils font à juste titre l’objet d’une mention particulière dans le Livre blanc ; bien que l’enjeu budgétaire soit ici limité, la refonte du réseau culturel et scientifique justifie un passage en revue systématique de la cohérence et de la pertinence de l’ensemble hétéroclite que forme la catégorie des Instituts français de recherche à l’étranger.
3.– Sécurité de la culture et culture de la sécurité
L’audition précitée du chef du service de la Sécurité diplomatique a fait apparaître un dilemme que votre Rapporteur spécial veut évoquer bien qu’aucune solution immédiate ne se présente. M. Éric Gérard a mentionné Beyrouth ; tant d’autres exemples pourraient être convoqués, de l’Alliance française d’Islamabad dont les vitres ne sont pas même recouvertes de film anti-effet de souffle en cas d’explosion, au « miracle » que représente le centre culturel de Kaboul installé dans l’enceinte de l’emblématique lycée Istiqlal et protégé par la seule foi des agents qui l’animent.
Les manifestations culturelles estampillées « françaises » peuvent-elles servir de cible dans une région ou la sécurité est dégradée ? Assurément ; et pourtant, comme l’Ambassadeur Kœtschet a si bien su l’exprimer à votre Rapporteur spécial à Kaboul, on voit mal comment un projet de développement ou une action culturelle pourrait fructifier en s’accomplissant l’arme au poing… En permanence, un équilibre est à établir entre sécurité et ouverture au pays d’accueil et à sa population.
Proposition n° 13 : lancer une réflexion, coordonnée par le service de la Sécurité diplomatique, sur l’extension des règles de sécurité et normes de protection aux implantations françaises à l’étranger non directement liées à l’activité diplomatique ou consulaire (réseau culturel et d’enseignement).
La mention supplémentaire du réseau d’enseignement français à l’étranger s’impose : sa situation relève de la même logique lorsqu’il s’agit d’envisager la mise en sécurité de personnels, d’usagers et de bâtiments pour lesquels la culture de la sécurité est une notion très vague, sinon totalement absente.
D.– LE RÉSEAU D’ENSEIGNEMENT ET SES PROLONGEMENTS : TROP CHÈRE GRATUITÉ
Comme le rappelle le bilan stratégique du programme Rayonnement culturel et scientifique dans le rapport annuel de performances pour 2007, le réseau d’enseignement français à l’étranger compte 449 établissements scolaires, dont 246 qui dépendent de l’AEFE. Y sont accueillis au total 254 315 élèves (dont 95 819 Français) dans 125 pays. 2007 a marqué une augmentation sensible de ses effectifs.
1.– L’hypothèque de l’extension de la gratuité de la scolarité à l’étranger pour les élèves français
Ce n’est − presque − que pour mémoire que votre Rapporteur spécial s’arrête ici sur un sujet d’attention croissante au sein du budget de l’action extérieure de l’État. En effet, la mise en place de la mesure de gratuité progressive de la scolarité à l’étranger pour les élèves français scolarisés dans le réseau de l’AEFE au sens large, issue d’un engagement pris pendant sa campagne de 2007 par le Président de la République, a été décrite dans le rapport spécial de l’an dernier. Déjà à l’époque, celui-ci contenait une mise en garde expresse contre l’effet d’aubaine et l’effet d’éviction susceptibles de résulter d’une telle mesure de gratuité, respectivement à l’égard des entreprises habituées à prendre en charge tout ou partie des frais de scolarité de leurs salariés expatriés, et à l’égard des élèves du pays d’accueil ou des étrangers tiers risquant de ne plus trouver de place dans les lycées français.
De nouveau, et tout récemment, au cours de la commission élargie organisée sur le thème de l’enseignement français à l’étranger pour examiner le projet de loi de règlement des comptes et le rapport de gestion pour 2007, ce thème n’a pas manqué d’être longuement débattu. À dire vrai, le débat sur ce sujet est aujourd’hui assez consensuel, dans la mesure où il se trouve extrêmement peu de défenseurs d’une initiative dont les effets pervers pressentis se vérifient d’ores et déjà et qui, avec un coût de 20 millions d’euros la première année, pour la gratuité de la scolarité en terminale, et un coût potentiel, une fois l’ensemble des classes concernées, de l’ordre de 300 millions d’euros selon le chiffrage avancé par la commission du Livre blanc, obère très sensiblement les marges de manœuvre excessivement contraintes au sein de la mission Action extérieure de l’État.
Votre Rapporteur spécial a pu s’assurer de la justesse de son analyse auprès du ministre en commission élargie, mais aussi au cours des auditions du directeur des Français de l’étranger et des étrangers en France − responsable du programme support des crédits en cause −, de la directrice générale alors en poste à la tête de l’AEFE, et enfin des proviseurs ou intendants des lycées français d’Istanbul, Moscou (où ne sont d’ores et déjà scolarisés que des élèves français), Dublin et Londres, sans oublier la lecture du référé de la Cour des comptes de décembre 2007 sur l’AEFE. Le proviseur du lycée Charles de Gaulle de Londres a notamment décrit en détail les difficultés supplémentaires posées par cette mesure à un établissement d’un niveau remarquable mais manifestement surchargé, et contraint de prospecter pour trouver de nouveaux locaux. Quant aux entretiens menés à Dublin sur le site du lycée franco-germano-irlandais en cours d’extension, ils ont révélé une nouvelle inquiétude liée à l’application de la mesure : s’il n’y a plus de versement des droits d’écolage ab initio, ne risque-t-on pas d’assister à une précarisation des ressources de trésorerie des établissements à mesure que la gratuité progressera, l’État étant rarement un payeur précoce ?
Par ailleurs, d’intéressantes données complémentaires fournies par l’AEFE sont reprises dans la contribution précitée de notre collègue sénateur Adrien Gouteyron sur le même projet de loi de règlement, à l’appui d’un raisonnement sur les effets d’aubaine redoutés.
Proposition n° 14 : réexaminer l’octroi de la gratuité de la scolarité pour les élèves français à l’étranger :
– à tout le moins, combattre l’effet d’aubaine en modulant la prise en charge ;
– envisager de substituer à cette gratuité un effort supplémentaire sur les bourses de l’AEFE.
Le réexamen préconisé pourrait avoir lieu dans le cadre des États généraux de l’enseignement français à l’étranger qui devraient se tenir au début de l’année prochaine. Il faut souhaiter que l’occasion soit alors saisie de remettre à plat la carte du réseau des établissements : d’une part en augmentant les capacités là où une saturation est constatée – comme à Moscou et à Londres, par exemple –, d’autre part en créant des établissements dans les pays où la présence française est insuffisante – les pays émergents par exemple.
Votre Rapporteur spécial a bien conscience du coût d’une telle politique, laquelle ne saurait reposer sur la seule augmentation des droits d’écolage car cela ferait peser une charge manifestement disproportionnée sur les élèves non français qui eux, bénéficieraient d’une gratuité automatique. D’où la proposition suivante, qui mentionne des pistes de financement complémentaires.
Proposition n° 15 : recalibrer le réseau du service public de l’enseignement français à l’étranger, en augmentant les capacités d’accueil des établissements surchargés et en créant des établissements là où la présence française est trop discrète.
Mobiliser pour ce faire trois sources de financement :
– le réexamen de l’octroi de la gratuité ;
– le recours à des partenariats public-privé ;
– la mobilisation d’autres financeurs (collectivités territoriales, opérations de mécénat d’entreprise).
L’implication des collectivités territoriales pourrait par exemple se traduire par le « parrainage », par une collectivité, d’un établissement implanté à l’étranger, projet susceptible de se révéler localement très mobilisateur. Quant au mécénat d’entreprise, il pourrait être le fait d’une multinationale finançant l’implantation d’un établissement scolaire dans un pays où elle possède des installations.
2.– L’état préoccupant du patrimoine immobilier scolaire à l’étranger et les autres aspects de sécurité à prendre en compte
La notion de sécurité dans le contexte du réseau d’enseignement français à l’étranger peut être entendue de deux manières :
− la sécurité des personnes et des biens au regard de la menace potentielle dans des pays où un établissement pourrait, hélas, devenir une cible, relève de la même problématique que celle des établissements culturels évoqués plus haut. En l’absence de réponse immédiate à ce sujet grave, une réflexion prospective serait utile ;
− l’état souvent préoccupant du patrimoine immobilier progressivement remis en dotation à l’AEFE soulève lui aussi des questions de sécurité, certes d’un autre ordre. La Cour des comptes, dans le référé précité, « souligne les graves défaillances de l’État dans la conduite de sa politique d’entretien et de rénovation de son important patrimoine scolaire à l’étranger ces dernières années ». Elle précise que « sur les 73 établissements en gestion directe, 37 n’ont bénéficié d’aucun entretien de la part du ministère des Affaires étrangères pendant la période 1990 / 2005 » et que « ce retard a pour effet de placer certains établissements dans une situation difficile au regard de la sécurité des élèves et des personnels, avec même des menaces de fermeture totale ou partielle de certains établissements par les autorités locales comme à Barcelone, Lisbonne, Madrid, Rome ou Vienne. »
Un lien peut ici être établi avec la proposition n° 8 formulée plus haut : le plan d’action pour l’immobilier que chaque chef de poste devrait préparer sous trois ans devrait comprendre un volet spécifique au patrimoine scolaire.
3.– L’insuffisance de l’accueil des étudiants étrangers en France
Il ne déplaît pas à votre Rapporteur spécial de terminer ce rapide tour d’horizon de quelques sujets ayant ponctué son action de contrôle au cours des huit mois écoulés, par quelques considérations sur l’insuffisance des structures et de la politique d’accueil des étudiants étrangers susceptibles de poursuivre leurs études en France. Le conseiller diplomatique du Président de la République, M. Jean-David Levitte, y voit un déficit stratégique majeur en termes d’influence. Alors que l’enseignement primaire et secondaire français à l’étranger se classe parmi les tout premiers au monde, les universités françaises ne prennent pas le relais ; c’est aux États-Unis ou en Australie que se rendent les étudiants des pays émergents, ce qui représente d’ailleurs pour ces pays d’accueil une véritable manne financière. La France doit œuvrer à retrouver son rôle dans la formation des élites mondiales.
Le professeur André Siganos, directeur général de CampusFrance, opérateur de la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger, a indiqué à votre Rapporteur spécial que l’effort global du gouvernement français en ce domaine représentait 2,5 milliards d’euros, quand le gouvernement britannique dépense 7,2 milliards d’euros (et même 28 milliards en intégrant l’ensemble des coûts indirects). Pourtant la France parvient à demeurer le troisième pays d’accueil au monde en nombre d’étudiants étrangers : 265 000, derrière les États-Unis avec 560 000 étudiants accueillis et le Royaume-Uni avec 275 000 étudiants. La particularité française réside dans l’origine de ces étudiants, venant d’Afrique dans la moitié des cas environ.
Proposition n° 16 : définir une stratégie de reconquête par la France de son rôle de premier plan dans la formation des élites mondiales, via une redéfinition des outils de promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger et une mise à niveau des conditions d’accueil des étudiants étrangers en France.
Le Parlement pourrait d’ailleurs prêter son concours à l’élaboration de cette stratégie, par exemple au travers de la constitution d’une mission d’information commune aux commissions des Finances, des Affaires étrangères et des Affaires culturelles.
Votre Rapporteur spécial n’ignore pas qu’une grande partie du chemin à accomplir en ce domaine relève des universités françaises elles-mêmes, tant il est vrai que l’on ne peut promouvoir à l’étranger qu’un système donnant au moins satisfaction à l’échelle nationale… De ce point de vue, la réforme des universités courageusement lancée en 2007 représente aussi − mais oui − un enjeu de rayonnement international.
CONCLUSION :
CRÉER LES CONDITIONS DE RÉUSSITE DE LA RÉFORME
– L’appropriation de la réforme par chacun des acteurs
Au terme de ces brèves réflexions inspirées autant par les exercices parallèles et complémentaires du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France 2008-2020 et de la Révision générale des politiques publiques, que par une série de missions, de contrôles et d’auditions appelée à se poursuivre avec la constance et l’indépendance qui sont le luxe d’un Rapporteur spécial, bien des pistes de réforme ont été explorées ; il reste, sans doute, le plus important : en assurer les conditions de mise en œuvre.
Dans cet exercice, chaque acteur doit prendre toute sa part ; c’est pourquoi votre Rapporteur spécial suggère de regrouper ces acteurs dans un comité de suivi de la réforme, meilleur gage de l’implication de tous. Pourraient y siéger des parlementaires, des membres de l’Inspection générale des Affaires étrangères, des personnalités représentant la commission du Livre blanc pour avoir participé à ses travaux, des auditeurs ayant participé à la RGPP dans le champ de l’action extérieure de l’État, ainsi, bien sûr, que des représentants des personnels du ministère des Affaires étrangères et européennes.
Ces derniers sont évidemment, à l’heure où s’engagent les « travaux pratiques », en première ligne ; ils doivent se sentir désormais les acteurs du changement, grâce à un travail d’information sur la réforme au moyen de débats, de forums, de rencontres, etc. Rien ne serait pire que de les tenir à l’écart d’une réforme à la préparation de laquelle ils ont parfois le sentiment de ne pas avoir été suffisamment associés en amont. Mais rien n’est plus solide que l’attachement des personnels à leur « maison » : ne dit-on pas qu’entrer dans la carrière diplomatique relève non d’un recrutement mais d’un engagement ?
Quant à l’engagement de l’autorité politique dans la conduite de la réforme, il est indispensable. Peut-être devrait-on, d’ailleurs, charger plus spécifiquement l’un des secrétaires d’État placés auprès du ministre des Affaires étrangères et européennes du suivi attentif de sa mise en application ; à la charnière entre l’administration du Quai d’Orsay et la sphère des arbitrages politiques, son implication serait précieuse pour donner à la réforme le souffle nécessaire, dans la durée, afin de prévenir tout enlisement. Ce secrétaire d’État rendrait compte régulièrement au comité de suivi.
– De premiers jalons à poser dès le prochain débat budgétaire
À l’intérieur du cadre qui vient d’être esquissé, le meilleur atout de la réussite de la réforme consiste à tirer parti du moment propice que représente le « remue-méninges » actuel, précédemment évoqué, et ce dès les quelques mois qui viennent et qui nous rapprochent du débat budgétaire.
Ainsi, deux signaux concrets pourraient être lancés sans délai et enclencher le cercle vertueux de la modernisation en actes :
− conformément à une proposition du Livre blanc, l’expérimentation de « budgets-pays » faisant de l’ambassadeur un gestionnaire responsable, doté d’une réelle marge de manœuvre dans l’allocation des moyens dont il dispose. Cette expérimentation concernerait un panel de postes de tailles distinctes ;
− l’expérimentation, dans les postes à l’étranger, de la suppression de la séparation entre ordonnateur et comptable (parfois assurée par une seule et même personne pour certaines opérations dans des postes de taille modeste !).
Proposition n° 17 : pour entretenir le souffle de la réforme du MAEE, instituer un comité de suivi et lancer rapidement deux expérimentations : celle des « budgets-pays » et celle de la suppression dans certains postes à l’étranger de la séparation entre ordonnateur et comptable.
Des suggestions précises pour une application immédiate… car le train de la réforme ne doit pas rester à quai.
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Lors de sa réunion du mardi 22 juillet 2008 à 10 heures 15, la Commission a examiné le présent rapport d’information.
M. Michel Bouvard, Président, a rappelé, avant de donner la parole à votre Rapporteur spécial sur ses réflexions et propositions formulées en contrepoint de la Révision générale des politiques publiques – RGPP - d’une part, et du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, d’autre part, que le ministère des Affaires étrangères se trouvait en quelque sorte à la croisée des chemins en matière de réforme : cet exercice parallèle de la RGPP et du Livre blanc intervient en effet au terme d’une décennie de rationalisation budgétaire qui a laissé aux personnels du Quai d’Orsay une impression assez désagréable de tunnel dont on ne verrait pas la fin.
Les analyses et recommandations contenues dans ce rapport d’information ont été inspirées par une série de missions à l’étranger et d’auditions. Partout où le Rapporteur spécial s’est rendu, à Istanbul, à Moscou, à Novossibirsk, à Islamabad, à Kaboul, et en dernier lieu dans trois capitales européennes – Dublin, Berlin et Londres –, mais aussi en région parisienne sur les différents chantiers immobiliers du ministère des Affaires étrangères, il s’est efforcé de glaner les informations susceptibles de nourrir des comparaisons pertinentes sur le fonctionnement de notre réseau diplomatique, consulaire, culturel et éducatif à l’étranger, ainsi que sur l’action de l’administration du Quai d’Orsay.
Le résultat livré ce matin est une forme de bilan d’étape d’un travail de contrôle sans cesse recommencé. C’est heureux car il est important, non seulement pour la Commission mais également à l’égard de l’Exécutif, de témoigner d’une certaine constance dans le contrôle, y compris en dehors des « passages obligés » que représentent le débat budgétaire de l’automne et désormais, le débat sur le projet de loi de règlement. Le Rapporteur spécial doit donc être remercié d’avoir pris cette initiative.
Un débat a suivi l’exposé de votre Rapporteur spécial.
Le Président Didier Migaud a salué la qualité de ce travail, qui illustre bien ce que doit être le suivi continu des crédits et de l’activité d’un ministère. Les suites à donner aux préconisations du Rapporteur spécial doivent être suivies avec d’autant plus d’attention qu’elles interviennent à un moment stratégique, marqué par la révision générale des politiques publiques et le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne.
Félicitant également votre Rapporteur spécial pour la qualité de son travail, M. Marc Le Fur a souhaité connaître le calendrier dans lequel les services actuellement logés au Quai d’Orsay seraient scindés en deux. Comment remédier à l’inégale répartition des diplomates français en poste ? Des pôles peuvent-ils être constitués ?
M. Jean Launay s’est interrogé sur le bien-fondé de la proposition n° 6 : le dépoussiérage de l’image du réseau diplomatique français ne passe-t-il pas davantage par une modification du comportement des agents de l’État plutôt que par un plan de communication ? Les députés constatent souvent, dans leur groupe d’amitié, qu’il peut être difficile d’obtenir ne serait-ce qu’un rendez-vous avec les fonctionnaires du Quai d’Orsay.
Il a souscrit aux préconisations du Rapporteur spécial, tendant à une meilleure connaissance du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger. Enfin, dans certains pays, est-il possible de mettre en place des bureaux communs avec les représentations diplomatiques de certains de nos partenaires européens ?
Votre Rapporteur spécial a apporté les précisions suivantes :
– les services affectés dans l’immeuble de la rue de la Convention devraient y emménager à la fin de l’année, l’ensemble des services n’ayant pas vocation à y résider. Ce déménagement permettra de lancer des travaux de rénovation des bâtiments du Quai d’Orsay entre la fin 2009 et le début 2010 ;
– la révision générale des politiques publiques envisage de distinguer selon trois types d’ambassades : des ambassades de plein exercice, des ambassades dotées de certaines missions seulement dans les pays moins stratégiques pour notre action extérieure, et une simple veille diplomatique de trois à quatre personnes dans une trentaine de postes. Si le passage à des « budgets pays » dans le pilotage financier du ministère des Affaires étrangères est un facteur de moindre lisibilité des actions et des politiques – en contradiction avec les principes de la LOLF tant qu’une réelle comptabilité analytique n’est pas en place –, un document de synthèse pourrait être mis au point afin de donner une lecture des crédits en termes de « budgets pays » ;
– les inégalités d’affectation de diplomates entre les postes sont réelles. Le ministère des Affaires étrangères doit apporter la preuve qu’il est en mesure de se réformer. L’absence de filière internationale parmi celles préconisées par le rapport Silicani est peut-être une erreur ;
– la gestion du site Internet du ministère est parfois défaillante, souffrant notamment d’une absence de mise à jour régulière des « fiches pays » ;
– mettre en place des bureaux communs avec certains de nos partenaires européens n’est pas une chose aisée, une réticence culturelle de la part des diplomates se conjuguant à des problèmes de positionnement stratégique par rapport à des pays qui peuvent parfois être des concurrents. Des synergies ont pourtant été réalisées avec succès dans certaines alliances françaises.
Retrouvant dans les problèmes de communication et de sélection des moyens d’influence une dimension proche de celle figurant dans le rapport d’information sur l’audiovisuel extérieur de la France dont il présente les conclusions en Commission ce jour même, M. Patrice Martin-Lalande s’est interrogé sur l’efficacité comparée des politiques d’influence de notre pays. Des études existent-elles pour mesurer l’impact respectif de l’enseignement du français, de l’action culturelle extérieure, de l’accueil des étrangers en France et de la politique audiovisuelle extérieure ?
Les alliances françaises sont des lieux d’interface très vivants et efficaces, notamment pour les jeunes. Ce vecteur d’influence peut-il être davantage valorisé afin de permettre à la France d’être plus présente ?
Votre Rapporteur spécial a admis que le réseau des alliances françaises pouvait être valorisé. Relevant, au sens de la LOLF, de la mission Médias, l’audiovisuel extérieur semble parfois traité à part par les diplomates dans leurs réflexions sur les moyens d’action culturelle extérieure. C’est d’autant plus regrettable que des synergies existent entre ces différentes politiques publiques.
M. Jean-Louis Dumont a déploré le manque de sérieux du ministère des Affaires étrangères dans la conduite de certains projets immobiliers, en particulier celui du centre de conférences internationales dont la Révision générale des politiques publiques envisage un recalibrage. Où en est le projet d’extension du ministère des Affaires étrangères sous l’esplanade des Invalides ? La distance qui existe souvent entre les diplomates et la réalité du pays dans lequel ils se trouvent est problématique. Lors d’une cérémonie nationale d’importance au Sénégal, l’ambassadeur de France était absent car en vacances. Les services en charge de l’action économique dans les postes diplomatiques font l’objet de vives critiques relayées en particulier par les organisations non gouvernementales anglo-saxonnes.
Votre Rapporteur spécial a apporté les précisions suivantes :
– l’appui aux entreprises françaises est, de façon croissante, réalisé par le biais d’Ubifrance. Le Livre blanc pose la question de la fusion des services économiques présents à l’étranger avec ceux du ministère des Affaires étrangères ;
– on ne souligne pas assez l’excellence de la France dans la prise en charge de ses ressortissants à l’étranger. Pour preuve, l’évacuation en 2006 de 14 000 personnes – pas toutes françaises – du Liban, s’est déroulée dans des conditions admirables ;
– la faute du ministère des Affaires étrangères dans le pilotage des opérations immobilières précédemment évoquées réside davantage dans le prix de vente de l’immeuble de la rue de la Convention – trop faible – que dans le prix de son rachat et on ne peut pas imputer au Quai d’Orsay la responsabilité du défaut d’une convention fiscale avec le Luxembourg ne soumettant pas à l’impôt la plus-value réalisée. Les problèmes de gestion dans l’installation rue de la Convention sont indéniables même si ce projet reste pertinent. La future salle de conférences internationales ne permettra pas d’organiser des événements diplomatiques de très haut niveau, pour des raisons de sécurité et de capacité d’accueil. L’idée d’une extension du Quai d’Orsay sous l’esplanade des Invalides n’a fait l’objet d’aucune proposition concrète ;
– l’exemple, décrit dans le rapport, du projet immobilier piloté par les services diplomatiques français présents à Dublin, est symptomatique des « usines à gaz » qui sont parfois inventées.
M. François Scellier, Président, a fait part de son expérience de député et de président d’un conseil général, qui révèle que la qualité de l’action diplomatique française dépend principalement du choix des personnes affectées dans les postes diplomatiques. Des marges de progression existent en matière de gestion des politiques d’influence diplomatique, notamment en matière commerciale.
La Commission a alors, en application de l’article 146 du Règlement, autorisé la publication du présent rapport d’information.
1.− LISTE DES AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL DEPUIS LE DÉBAT BUDGÉTAIRE POUR 2008
Jeudi 29 novembre 2007 : visite des sites de la rue de la Convention à Paris et de La Courneuve
– M. Stéphane ROMATET, directeur-adjoint du cabinet du ministre.
– M. Jean-Marie BRUNO, chef du service des Affaires immobilières.
Jeudi 6 décembre 2007
– Sir Peter WESTMACOTT, ambassadeur de Grande-Bretagne en France.
– M. Tim HITCHENS, ministre plénipotentiaire.
Mardi 26 février 2008
1.– M. Jean-David LEVITTE, conseiller diplomatique du Président de la République et sherpa.
2.– M. Gérard ERRERA, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et européennes et M. Jean-Loup KUHN-DELFORGE, secrétaire général adjoint.
Jeudi 28 février 2008
– Pr André SIGANOS, directeur général de CampusFrance.
Du dimanche 2 au samedi 8 mars 2008 : mission en Russie
• Moscou
– S.E.M. Stanislas de LABOULAYE, ambassadeur de France en Russie.
– M. Philippe LEFORT, ministre conseiller.
– M. Jean-Luc GOESTER, conseiller de coopération et d’action culturelle.
– M. Joël VALECILLO, chef de l’antenne immobilière.
– M. Julien RICHARD, secrétaire général adjoint.
– Mme Edith NOWAK, consule.
– M. Franck SIMAER, consul adjoint.
– Les responsables du centre de demandes de visas pour la France (entreprise VFS Global [Visa facility services]).
– Le lycée Alexandre Dumas.
• Novossibirsk
– Mme Mireille CHEVAL, attachée de coopération éducative, coordinatrice du réseau des alliances françaises.
– M. Michel TARARINE, attaché pour la science et la technologie.
Alliance française :
– M. Grigorij Viktorovitch MILOGOULOV, directeur par intérim de l’Alliance française.
– Une délégation du Conseil d’administration conduite par son président.
Université d’État (à Akademgorodok) :
– M. Gennady I. RASTORGUEV, Premier pro-recteur.
– M. Evgeny B. TSOY, vice-recteur pour les relations internationales.
– M. Evgeny I. SAGAIDAK, chef du Département international.
Université technique (à Akademgorodok) :
– Les responsables du département de chimie organique et de l’Institut de physique des semiconducteurs.
Mercredi 26 mars 2008
– Mme Maryse BOSSIÈRE, directrice de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
Du dimanche 20 au jeudi 24 avril 2008 : mission à Islamabad
– S.E.M. Régis de BELENET, ambassadeur de France au Pakistan.
– M. Philippe CASENAVE, ministre conseiller.
– M. Sylvain RIQUIER, premier conseiller.
– M. Alain FREYNET, conseiller de coopération et d’action culturelle.
– M. le colonel Vincent FUCHS, attaché de défense.
– M. François HOTTIN, attaché de sécurité intérieure.
– M. Alain BROCARD, consul adjoint, et ses collaborateurs.
– MM. Matthieu DECLERCQ, directeur de l’alliance française d’Islamabad et Matthieu PINEL, directeur de l’alliance française de Lahore.
– M. Guy RIFFIEUX, directeur de l’école française d’Islamabad.
– Mme Fahmida MIRZA, présidente de l’Assemblée nationale du Pakistan.
– Mme l’Ambassadeur de Suède, MM. les ambassadeurs d’Algérie, de Turquie et d’Égypte, et les directeurs-pays de l’UNICEF et du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
– Des chefs d’entreprises françaises implantées au Pakistan.
Du jeudi 24 au dimanche 27 avril 2008 : mission à Kaboul
– S.E.M. Régis KŒTSCHET, ambassadeur de France en Afghanistan.
– M. Jean-François FITOU, ministre conseiller.
– M. Pierre POUCHAIRET, attaché de sécurité intérieure.
– M. Denis FROMAGET, conseiller de coopération et d’action culturelle.
– Mme Nicole de PATAT, consule adjointe.
– Le chef et les policiers membres du détachement de sécurité.
– M. Gabriel BUTI, directeur du centre culturel français, installé dans le lycée Istiqlal.
– M. Mir Hamed DJOYENDA, vice-président de la commission des Affaires internationales à la Wolesi Jirga (chambre basse du Parlement).
– Délégation du groupe d’amitié Afghanistan-France à la Meshrano Jirga (chambre haute).
– M. le général Jürgen SCHOLZ, chef d’EUPOL (Mission de police de l’Union européenne en Afghanistan).
– M. Chris ALEXANDER, adjoint au Représentant spécial du secrétaire général des Nations unies.
– Les représentants d’ONG françaises.
Mercredi 7 mai 2008
– M. Olivier POIVRE d’ARVOR, directeur de CulturesFrance.
Jeudi 22 mai 2008
– Mme Emmanuelle d’ACHON, directrice des ressources humaines du MAEE et M. Bruno PERDU, sous-directeur de la politique des ressources humaines.
Mercredi 28 mai 2008
– M. Alain JUPPÉ, président de la commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne, entouré de membres de la commission.
Lundi 9 juin 2008 : mission à Dublin
– S.E.M. Yvon ROÉ d’ALBERT, ambassadeur de France en Irlande.
– M. Louis de CORAIL, premier conseiller.
– Mme Hélène CONWAY, membre de l’Assemblée des Français de l’étranger.
– Le personnel de la section consulaire et de la mission économique.
– Des représentants de l’association des parents d’élèves et de l’administration du lycée français d’Irlande.
Mardi 10 juin 2008
– M. Éric GÉRARD, chef du service de la Sécurité diplomatique.
– M. Daniel LEQUERTIER, Inspecteur général des Affaires étrangères.
Lundi 16 juin 2008 : mission à Berlin
– S.E.M. Bernard de MONTFERRAND, ambassadeur de France en Allemagne.
– M. Graham PAUL, ministre conseiller.
– M. Jean d’HAUSSONVILLE, conseiller culturel.
– Mme Anne-Marie ROCCHIETTI, secrétaire générale du service de Coopération et d’action culturelle.
– M. Alexis ANDRES, secrétaire général.
– L’Institut français de Berlin.
Lundi 23 juin 2008 : mission à Londres
– S.E.M. Maurice GOURDAULT-MONTAGNE, ambassadeur de France au Royaume-Uni.
– M. Jean-Pierre LABOUREIX, ministre conseiller, chef de la Mission économique.
– M. Olivier DA SILVA, secrétaire général.
– M. Bertrand COCHERY, consul général.
– Mme Véronique WAGNER, chef de chancellerie (en mission de renfort).
– Mme Laurence AUER, conseillère culturelle et directrice de l’Institut français du Royaume-Uni.
– M. Bernard VASSEUR, proviseur du lycée Charles de Gaulle.
– Les représentantes des recrutés locaux de l’ambassade et du consulat général.
Jeudi 26 juin 2008
– M. Jean-Claude JACQ, secrétaire général de la Fondation Alliance française.
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2.− COMMUNIQUÉS DE PRESSE DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR L’ACTUALITÉ RÉCENTE DU MAEE
3.− LISTE DES DOUZE PROPOSITIONS DU LIVRE BLANC SUR LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET EUROPÉENNE DE LA FRANCE 2008-2020
Proposition 1 : rendre l’action extérieure plus cohérente et plus interministérielle
Mesure 1.1 : créer un Conseil de l’action extérieure de l’État.
Mesure 1.2 : rénover le Conseil interministériel des moyens de l’État à l’étranger (CIMEE) et élargir ses compétences.
Mesure 1.3 : accroître la dimension interministérielle de l’action du MAEE, notamment en établissant des échanges systématiques entre le ministère et les directions des affaires internationales des autres ministères.
Proposition 2 : intégrer les instruments de prévention, de gestion des crises et de protection de nos concitoyens à l’étranger
Mesure 2.1 : renforcer la capacité d’anticipation et de prospective du MAEE et mieux l’articuler avec les autres sources ministères et notamment nos capacités de renseignement.
Mesure 2.2 : unifier les capacités du MAEE dans le domaine de la prévention, de la gestion et de la sortie des crises et les placer dans une direction spécialisée au sein de la direction politique.
Mesure 2.3 : rattacher également à la direction politique les fonctions de coopération régaliennes qui doivent être maintenues au MAEE (gouvernance, aide militaire et de sécurité, outils de stabilisation postconflit et aide humanitaire).
Mesure 2.4 : orienter les moyens de notre réseau consulaire vers la fonction de protection de nos concitoyens à l’étranger.
Proposition 3 : un investissement maintenu dans la construction de l’Europe
Mesure 3.1 : conforter l’existence d’une filière européenne et la place du Ministère des affaires étrangères et européennes en son sein.
Mesure 3.2 : renforcer notre coopération avec nos partenaires européens et le rôle de nos postes bilatéraux en Europe.
Mesure 3.3 : aborder avec ambition la contribution de la France à la politique étrangère de l’UE dans la perspective du Service européen d’action extérieure.
Proposition 4 : mettre notre diplomatie au service du multilatéralisme et de la défense des droits de l’homme
Mesure 4.1 : adapter pleinement notre organisation et nos modes d’action aux spécificités du système multilatéral.
Mesure 4.2 : mieux intégrer la question des droits de l’homme dans nos plans d’action et la formation des agents.
Proposition 5 : une fonction économique élargie incluant le pilotage de l’APD
Mesure 5.1 : créer une direction des Affaires économiques et globales.
Mesure 5.2 : engager un processus d’intégration du réseau des Missions économiques de la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE).
Mesure 5.3 : achever le transfert à l’AFD de la mise en œuvre de la politique d’aide au développement et mieux assurer son pilotage stratégique qui serait placé au sein de cette direction.
Proposition 6 : développer notre réseau d’enseignement à l’étranger et élaborer une politique d’aide à la poursuite d’études supérieures en France
Mesure 6.1 : revenir sur la gratuité de l’enseignement secondaire à l’étranger ou à tout le moins l’aménager.
Mesure 6.2 : faire de l’enseignement français à l’étranger une filière privilégiée de recrutement d’étudiants étrangers dans l’enseignement supérieur en France.
Proposition 7 : promouvoir les idées et la culture françaises au service de la diversité
Mesure 7.1 : restructurer le réseau des centres culturels en les rapprochant des services de coopération et d’action et culturelle.
Mesure 7.2 : définir et mettre en place un véritable opérateur ce qui implique qu’il soit en charge non seulement des moyens d’intervention, mais du personnel et du réseau.
Mesure 7.3 : confier à une direction des affaires culturelles et de l’influence le pilotage de notre politique culturelle extérieure, au moins jusqu’à la mise en place d’un véritable opérateur.
Proposition 8 : adapter nos réseaux à l’étranger aux priorités de notre action internationale
Mesure 8.1 : maintenir l’universalité du réseau moyennant l’adoption d’un format nouveau pour les plus petits postes.
Mesure 8.2 : moduler notre présence en fonction de nos priorités.
Proposition 9 : faire de l’action extérieure un métier reconnu et valoriser la formation linguistique et professionnelle
Mesure 9.1 : reconnaître le métier de l’action extérieure comme une des filières professionnelles de la fonction publique.
Mesure 9.2 : développer la formation initiale et continue
Mesure 9.3 : ouvrir le ministère des Affaires étrangères et européennes par une politique de mobilité et de recrutement.
Mesure 9.4 : améliorer la politique d’affectation et la gestion des carrières.
Mesure 9.5 : élaborer une véritable politique de ressources humaines en matière de recrutement local.
Proposition 10 : une direction plus collégiale et plus stratégique
Mesure 10.1 : conforter la collégialité au sein du MAEE.
Mesure 10.2 : renforcer les directions géographiques.
Mesure 10.3 : revaloriser le rôle des services et faciliter la fluidité des structures et de l’information.
Mesure 10.4 : consolider la capacité prospective du MAEE.
Proposition 11 : mieux assurer les fonctions de gestion opérationnelle
Mesure 11.1 : créer un programme « Soutien et réseaux ».
Mesure 11.2 : mettre en place, dans chaque ambassade, un budget-pays.
Mesure 11.3 : simplifier les règles de la dépense à l’étranger.
Mesure 11.4 : moderniser les systèmes informatiques et de communication.
Proposition 12 : rendre notre action extérieure plus transparente, ouverte et contrôlée
Mesure 12.1 : pour un rôle accru du Parlement dans notre action extérieure.
Mesure 12.2 : mieux communiquer.
Mesure 12.3 : engager les collectivités locales, les entreprises et les acteurs associatifs.
4.− RÉCAPITULATIF DES DÉCISIONS DU CONSEIL DE MODERNISATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DANS LE DOMAINE DE L’ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT
L’action de l’État à l’étranger est mise au service d’une politique d’influence et des nouvelles priorités internationales de la France
La défense des intérêts de la France ne doit plus passer par une simple politique de présence, mais par une véritable stratégie d’influence. Nous ne pouvons plus nous reposer seulement sur un outil (le réseau diplomatique le plus dense au monde) et sur une position internationale acquis au siècle dernier.
Le ministère des Affaires étrangères et européennes en tire les conséquences en adaptant les réseaux français à l’étranger et en renforçant son rôle d’animation, de synthèse et d’initiative en matière d’action extérieure de la France.
1) La réforme des réseaux diplomatique, consulaire et culturel
Une nécessaire réorientation géographique vers les pays émergents
L’implantation des réseaux français à l’étranger ne doit pas être seulement dictée par l’histoire des relations de la France avec chaque pays, mais surtout par les enjeux de chaque partenaire. Depuis plusieurs années, le ministère des Affaires étrangères et européennes est déjà engagé dans un processus de redéploiement de ses effectifs vers les zones émergentes. Ce processus a conduit, en Europe, à la transformation d’une douzaine de consulats en postes à gestion simplifiée et à la fermeture d’une vingtaine d’établissements culturels. En contrepartie, cinq consulats et plusieurs établissements culturels ont été ouverts dans les pays émergents (notamment la Chine et l’Inde) et la Russie.
Un principe nouveau : la modularité
Cette restructuration a atteint ses limites, à périmètre de missions constant. Le fait que les ambassades soient tenues d’exercer tout le spectre des fonctions diplomatiques, consulaires et d’influence limite en effet les possibilités de redéploiements, puisque, pour couvrir tout ce spectre, il faut maintenir un socle d’effectifs relativement important dans chacune de nos représentations. Afin de garantir sa capacité d’adaptation aux évolutions de nos partenaires et aux enjeux, il faut différencier le dispositif en fonction des missions confiées à chaque poste et mettre en place des formules de représentations plus légères. Les ambassades seront ainsi réparties en trois formats :
• une trentaine d’ambassades polyvalentes ;
• des ambassades à missions prioritaires (environ deux tiers des postes) ;
• une trentaine de postes de présence diplomatique, accomplissant une ou deux missions, aux effectifs très réduits. La mise en œuvre de cette catégorie passe par un allégement substantiel des tâches de gestion et par un recours accru aux agents de droit local.
De même, les services consulaires seront réorganisés en fonction des besoins des Français expatriés et des priorités de la politique d’immigration. Il faut répondre à l’évolution géographique de la demande, et moderniser les procédures, par leur dématérialisation, l’externalisation des missions périphériques et l’évolution des compétences dans l’Union européenne.
Le même principe d’adaptation de notre représentation aux enjeux locaux s’appliquera au réseau culturel et plus généralement de la diplomatie d’influence, grâce au rapprochement, au sein d’une structure unique par pays, des services culturels des ambassades et des instituts culturels. Cette structure sera dotée de la plus large autonomie financière, afin de mobiliser les capacités d’autofinancement. L’ensemble de la diplomatie publique d’influence sera réorganisée et unifiée, afin qu’elle mette en œuvre une stratégie claire et relayée par ses opérateurs.
Cette modularité est la contrepartie du choix fait par la France de préserver l’universalité de son réseau, qui lui confère un avantage comparatif par rapport à ses partenaires étrangers.
2) La coordination accrue de l’action extérieure de l’État par le ministère des Affaires étrangères et européennes
Les relations internationales et les problématiques européennes sont de plus en plus un domaine d’intervention partagé, impliquant une forte expertise au sein de chaque ministère. Plusieurs ministères se sont dotés de services des affaires internationales et européennes et ont développé des réseaux à l’étranger. La coordination de l’action extérieure de l’État suppose, pour être effective, que le ministère des Affaires étrangères et européennes puisse jouer un rôle central dans la définition des stratégies et dans leur mise en œuvre sur le terrain.
En France, par un Quai d’Orsay rénové
En France, ce rôle du ministère passe par le comité interministériel chargé de piloter l’évolution des différents services de l’État à l’étranger.
Le ministère devra aussi renforcer son administration centrale, notamment les directions géographiques. Par ailleurs, une nouvelle direction des affaires globales sera issue de la DGCID.
Dans les domaines de la diplomatie publique d’influence et du développement, le ministère entend en effet concentrer ses forces sur la définition des stratégies et sur le pilotage d’opérateurs, créés pour assurer concrètement la gestion des projets.
À l’étranger, par un ambassadeur, dont le rôle interministériel est renforcé
Dans les postes, l’autorité de l’ambassadeur sera renforcée, comme coordinateur et animateur des services. À cet égard, pour assurer la meilleure synergie possible, l’interministérialité se traduira par l’institution de pôles de compétence fédérant le travail des services de l’État, en fonction des thèmes qui s’imposent localement. S’agissant des moyens de l’État à l’étranger, elle conduira à la mise en place systématique de services communs de gestion, au développement de l’externalisation et au recours aux agents de droit local.
3) La définition de priorités face aux questions globales et de développement
Le champ de l’action extérieure a connu, dans les vingt dernières années, de profondes mutations, auxquelles la France doit s’adapter :
• les États sont concurrencés, à l’échelle internationale, par de nouveaux acteurs : des fondations privées (dont les budgets d’intervention sont parfois supérieurs aux grands programmes des Nations unies), des fonds souverains, les grandes ONG, etc. ;
• de nouveaux enjeux, plus diffus, sont apparus dans le débat international : lutte contre le changement climatique, sécurité énergétique, sécurité alimentaire, lutte contre les grandes pandémies.
La réponse à ces évolutions nécessite une hiérarchisation des priorités.
C’est ainsi que l’aide publique au développement doit être plus concentrée géographiquement. Surtout, les indicateurs de moyens seront complétés par des indicateurs de résultat, permettant de valoriser l’impact de l’aide. La tutelle stratégique de l’État sur l’Agence française de développement (AFD) sera renforcée, notamment à Paris par la présidence de l’organe de gouvernance ou d’un conseil statutaire d’orientation stratégique de l’agence par le ministre chargé de la coopération, par un contrat unique d’objectifs et de moyens avec l’État et par un renforcement du pouvoir de coordination et d’animation des ambassadeurs sur le terrain. Cinq secteurs prioritaires de l’action de l’AFD seront identifiés et validés annuellement par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement − CICID.
La même priorisation permettra aussi de remettre de l’ordre dans les 137 contributions internationales que finance le contribuable français.
4) Synthèse des décisions des trois premiers CMPP
• transformation d’une trentaine d’ambassades en postes de présence diplomatique simple à format allégé et simplifié ;
• lissage des formats d’exception dans les ambassades où les moyens sont les plus importants ;
• réexamen détaillé de nos contributions internationales en liaison avec nos partenaires en fonction de l’objectif poursuivi ;
• recalibrage de la mission consulaire en fonction de l’évolution géographique de la demande et des capacités de mutualisation avec nos partenaires européens ;
• mise à l’étude de la création d’une « préfecture des Français de l’étranger » à Nantes, qui aurait vocation à centraliser les fonctions d’état-civil des Français de l’étranger ;
• utilisation chaque fois que possible des services des villes européennes, des préfectures ou des mairies transfrontalières pour ces actes d’état-civil ;
• mise en place d’un numéro vert unique et accessible en permanence sur les sujets d’état civil des Français de l’étranger ;
• amélioration des processus interministériels au niveau central pour assurer la cohérence de l’action extérieure de la France ;
• regroupement de l’ensemble des dimensions de l’influence intellectuelle à l’étranger au sein de trois opérateurs : l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, CulturesFrance, et un nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale ;
• regroupement au sein du nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale des fonctions de promotion de l’assistance technique et de l’expertise internationale françaises à l’étranger et de valorisation à l’étranger du système d’enseignement supérieur français ;
• mise en place dans chaque pays d’une dénomination unique et d’une gestion unique pour tous les services œuvrant dans le cadre de la coopération ;
• fusion sous un label unique sur le terrain des services de coopération culturelle et des centres culturels au sein d’un seul établissement, disposant d’une grande autonomie financière ;
• développement de la formule des postes mixtes consulats et missions économiques ;
• renforcement de l’échelon de pilotage régional ;
• mise en place d’une organisation des ambassades autour de pôles de compétences interministériels ;
• constitution à partir de la direction générale de la coopération internationale et du développement − DGCID d’une direction d’état-major, chargée de la stratégie et du pilotage des opérateurs ;
• mise en place de pôles supports communs à l’ensemble des agents à l’étranger ;
• regroupement, mutualisation et externalisation au moins partielle de fonctions support des services de l’État à l’étranger (achats, intendance courante, maîtrise d’œuvre informatique, gestion du patrimoine immobilier) ;
• création d’une foncière de l’État à l’étranger qui gérera l’ensemble du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger ;
• regroupement du traitement des visas et des dossiers de nationalité sur un site unique dans chaque pays ;
• mise en place dès l’été 2008 d’un centre opérationnel de réaction aux crises, à vocation interministérielle ;
• développement de l’association du secteur privé, des acteurs de la formation supérieure et universitaire et du monde de la recherche, ainsi que des collectivités locales ;
• recherche de synergies avec le réseau des chambres consulaires à l’étranger et en France ;
• mise en place systématique d’un contrat d’objectifs et de moyens avec chacun des opérateurs, ces derniers recevant la pleine gestion opérationnelle de leurs moyens ;
• développer les financements innovants de nature à mobiliser les capacités d’engagement potentielles en faveur du développement : secteur privé, épargne des migrants, fonds des diasporas, capitaux durablement expatriés ;
• le réseau de l’État à l’étranger est recalibré selon une double logique de modularité et d’interministérialité. Les ambassades seront réparties en trois formats selon leurs missions, dont une trentaine de postes de présence diplomatique à format simplifié. Les huit ambassades les plus importantes en termes d’effectifs verront une fraction de leurs emplois redéployés ;
• les services extérieurs de l’État seront organisés dans les ambassades en pôles de compétences interministériels fonctionnant en réseau, sous l’autorité des ambassadeurs dont les pouvoirs de coordination et d’animation sont réaffirmés, sur le modèle des préfets en métropole ;
• la stratégie consolidée de l’État à l’étranger sera définie par un plan d’action élaboré sur un mode interministériel. Un comité interministériel, le comité des réseaux internationaux de l’État à l’étranger (CORINTE), sera chargé de piloter cette réorganisation interministérielle de la présence de l’État à l’étranger ;
• à l’étranger, le recours à l’expertise locale sera optimisé : déconcentration de la gestion des agents de droit local, recours accru à des agents de droit local pour certaines fonctions de conception et d’encadrement ;
• les contributions internationales seront recentrées sur nos priorités. En liaison avec nos partenaires, l’évaluation des résultats des agences et organismes concernés sera renforcée, selon une logique de « conseil d’administration ». Les contributions techniques seront transférées aux ministères compétents sur le fond ;
• pour permettre au ministère chargé de l’immigration d’exercer sa responsabilité de mise en œuvre opérationnelle de la politique des visas, ce ministère se verra transférer les crédits correspondant à la gestion informatique des visas. Par ailleurs, la répartition des effectifs des services des visas entre les différents consulats fera chaque année l’objet d’une décision conjointe des ministères de l’Immigration et des Affaires étrangères ;
• les procédures périphériques des consulats en matière de visas seront externalisées (prises de rendez-vous pour les demandeurs, recueil des données nécessaires, remise des passeports), dans le respect des contraintes liées à la prévention du risque de fraude ;
• pour accompagner le transfert progressif de l’activité commerciale des missions économiques vers Ubifrance, le réseau régalien sera recalibré en cohérence avec l’évolution du réseau diplomatique. Une agence de gestion des moyens dédiés au réseau du ministère de l’Économie et de ses opérateurs sera mise en place ;
• l’indicateur de moyens de l’aide publique française au développement sera complété par des indicateurs de résultat permettant de mieux prendre en compte l’impact de l’aide ;
• les priorités de l’aide française seront mieux hiérarchisées. Ses moyens feront l’objet d’une plus grande concentration géographique, notamment par la substitution d’un système de « partenariats différenciés » à l’actuelle « zone de solidarité prioritaire » ;
• le renforcement de l’efficacité de l’aide publique au développement (APD) française nécessite une plus grande concentration sectorielle : un tableau de bord consolidé de l’ensemble des engagements et échéances de l’APD sera conçu au niveau interministériel, soumis annuellement à l’examen du CICID et annexé à la présentation des documents budgétaires au Parlement. Cinq secteurs prioritaires seront identifiés et validés annuellement par le CICID ;
• la tutelle politique et stratégique de l’Agence française de développement sera renforcée ;
• pour remettre à niveau les instruments français de sortie de crise par rapport à ceux des autres bailleurs, un « fonds post-crise » dédié sera créé, afin de doter l’État d’une capacité de mobilisation rapide de moyens au service de la gestion post-crise.
5) Calendrier de mise en œuvre des réformes
Source : troisième Conseil de modernisation des politiques publiques, 11 juin 2008.
1 () Doc. AN n° 276, annexe n° 1.
2 () Les deux documents n’ont cependant pas la même portée : réalisé par une commission indépendante présidée par MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer, le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne, qui constitue une première, se veut une réflexion soumise aux autorités de décision, tandis que le Livre blanc sur la défense et la sécurité, avalisé par le Président de la République, a le caractère d’un document officiel − comme les précédents de 1972 et 1994.
3 () Voir en annexe la liste des auditions, contrôles et missions effectués depuis la publication du rapport spécial pour 2008.
4 () Doc. AN n° 1004, tome II, pages 7 à 22.
5 () Rapport annuel 2007 du CBCM près le ministère des Affaires étrangères et européennes, page 19.
6 () Rapport n° 433 (2007-2008), tome II.
7 () Rapport d’information de MM. Yves Deniaud et Jean-Louis Dumont, au nom de la Mission d’évaluation et de contrôle, sur les suites données aux préconisations de la MEC sur l’immobilier de l’État, doc. AN n° 923, juin 2008.
8 () Voir infra le point D relatif au réseau scolaire à l’étranger.
9 () Cinq mois de présence en poste suivis d’un mois de retour en métropole ; opposé au régime « normal » des dix mois (dix mois de présence, deux mois de congés).
10 () Le VIS (Visas Information Schengen) est une base commune aux pays de l’Union européenne de l’ensemble des données (y compris biométriques) relatives aux demandes de visas déposées auprès des représentations des États de l’UE.
11 () Inspection générale des Affaires étrangères, Contrôle général économique et financier, Rapport sur l’exercice de la tutelle du ministère des Affaires étrangères sur les opérateurs de la coopération culturelle et technique, décembre 2006.
12 () Doc. AN n° 1004, tome II, op. cit.
13 () Doc. AN n° 1058.
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