N° 2689
——
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 juin 2010.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
préalable au débat d’orientation des finances publiques
ET PRÉSENTÉ
PAR M. Gilles CARREZ,
Rapporteur général,
Député.
——
A.– ENTRE 100 ET 120 MILLIARDS DE PERTES DE RECETTES FISCALES SUR LE BUDGET GÉNÉRAL DE L’ÉTAT DEPUIS 2000 7
B.– DES ALLÈGEMENTS CONCENTRÉS SUR L’IMPÔT SUR LE REVENU 9
C.– L’ÉTAT, « CHAMBRE DE COMPENSATION » DES AUTRES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 13
D.– GAGER LES BAISSES D’IMPÔTS, CONDITION DE LA SOUTENABILITÉ DE L’ENDETTEMENT PUBLIC 15
II.– 2011 A 2013 : TROIS ANNÉES POUR REDRESSER LES COMPTES PUBLICS 17
A.– UNE CROISSANCE FUTURE PARTICULIÈREMENT DIFFICILE À ESTIMER 18
B.– QUELLE TRAJECTOIRE DE RÉDUCTION DU DÉFICIT ET DE LA DETTE PUBLICS ? 19
C.– RÉDUIRE LES DÉPENSES, RÉTABLIR LES RECETTES 23
1.– Un objectif de maîtrise des dépenses très ambitieux mais encore peu étayé 23
2.– L’anticipation d’un fort rebond des recettes fiscales qui suscite des interrogations 26
a) Une hausse de deux points du taux de prélèvements obligatoires 26
b) L’ampleur de la surréaction des recettes à la croissance 28
III.– COMMENT RESPECTER L’OBJECTIF DE 6 % DE DÉFICIT PUBLIC EN 2011 ? 31
A.– UNE ANNÉE SUR LAQUELLE SE JOUE LA CRÉDIBILITÉ FINANCIÈRE DE LA FRANCE 31
B.– GELER EN VALEUR LES DÉPENSES DE L’ÉTAT HORS PENSIONS ET HORS INTÉRÊTS DE LA DETTE 35
C.– ENTAMER, DÈS 2011, UN EFFORT STRUCTUREL DE CONSOLIDATION DES RESSOURCES PUBLIQUES 39
AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES 43
AUDITION DE M. FRANÇOIS BAROIN, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT 71
La décennie passée a été une période exceptionnellement favorable pour le financement des États européens. Alors qu’ils avaient été contraints par le caractère national des marchés de capitaux jusqu’à la fin des années 1980, puis par les critères de Maastricht au moment de la marche vers l’euro jusqu’en 1999, les États ont, à partir de 1999, profité d’une décennie de taux d’intérêt bas et d’offre élargie de capitaux.
Certains ont mis à profit ce moment pour assainir leurs finances publiques – c’est le cas de l’Allemagne à partir de 2004, de l’Autriche ou des Pays-Bas. La France, en revanche, a accumulé, depuis 2000, les baisses d’impôts sans les gager par des réductions de dépense. Son déficit structurel s’est progressivement accru pour atteindre, selon la Cour des comptes, 5 % de PIB en 2009.
Or, les conditions de refinancement qui ont prévalu depuis dix ans ont disparu et la contrainte extérieure est en train de peser à nouveau sur les finances publiques des États de la zone euro, qui sont rattrapés par la réalité économique et financière. Les tensions sur le marché de la dette souveraine rappellent que les États ne peuvent s’endetter à l’infini et qu’ils peuvent aussi faire faillite.
Le bon sens, l’intérêt supérieur de l’État, la survie de la zone euro, le lien particulier unissant la France à l’Allemagne imposent désormais d’abandonner les facilités qui ont prévalu depuis dix ans. La dépense publique, qui dépasse 55 % de la richesse nationale, ne peut plus être financée indéfiniment par l’emprunt, reportant son poids sur les générations futures. Les ressources de l’État doivent être protégées et l’hémorragie qui a conduit, depuis 2000, à la perte de plus de 100 milliards d’euros de recettes fiscales sur le budget de l’État doit être stoppée.
L’État ne dispose pas de capacités financières illimitées. Il doit lever des ressources pour assurer le financement des services publics : c’est le premier rôle de l’impôt, avant d’être un instrument de mise en œuvre des politiques publiques. Il doit également éviter de faire peser sur l’économie une charge fiscale qu’elle ne pourrait supporter et recentrer ses interventions vers les domaines où il est le plus utile.
Une dépense publique raisonnable, des impôts pour la financer : ces deux axes doivent devenir les aiguillons de l’ensemble des politiques publiques dès 2011. À défaut, non seulement la France mettra en cause sa souveraineté sous la contrainte de ses créanciers mais elle verra aussi l’écart qui la sépare de l’Allemagne se creuser progressivement.
I.– 2000 A 2010 : DIX ANNÉES DE PERTES DE RECETTES NON COMPENSÉES
L’année 2000 a constitué une rupture dans l’orientation de la politique fiscale de la France. Alors que, depuis l’adoption du traité de Maastricht en 1993, l’objectif était de dégager des surplus fiscaux permettant de remplir les critères du pacte de stabilité et de croissance, un retournement se produit à la suite la création de la zone euro en 1999.
De 2000 à 2002, des baisses de prélèvements massives portent sur l’ensemble des prélèvements obligatoires – impôts d’État, charges sociales, impôts locaux – et pèsent principalement sur le budget de l’État qui compense aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale les manques à gagner induits par ces mesures. Celles-ci sont mises en œuvre à contretemps puisque l’économie française est alors en haut de cycle, et stimulent l’économie à un moment où celle-ci ne le nécessite pas. Elles conduisent à une perte de ressources d’au moins 2,4 % de PIB : si elles n’avaient pas été décidées, les administrations publiques auraient été quasiment à l’équilibre en 2001. Après 2002, le mouvement se poursuit à un rythme plus modéré, dans le but d’améliorer la compétitivité de l’économie française et de récompenser le travail.
La décennie qui s’ouvre doit mettre un terme à ce mouvement ininterrompu de baisse des prélèvements obligatoires. Le choc créé par la récession de 2009 prendra en effet plusieurs années à être résorbé et, durant toute cette période de retour à l’équilibre, les ressources des administrations publiques devront, comme le proposait déjà le rapport Pébereau en 2005, rester à un niveau stable. En pratique, les baisses d’impôts devront être compensées par des économies sur la dépense ou des hausses d’autres prélèvements.
Les développements suivants font un point sur les pertes de recettes dont a pâti le budget général de l’État depuis 2000, les évaluations pour 2009 excluant les mesures fiscales de relance. Le Rapporteur général salue le travail remarquable réalisé par la direction du Budget et la direction générale du Trésor, qui ont fourni les évaluations suivantes (1).
A.– ENTRE 100 ET 120 MILLIARDS DE PERTES DE RECETTES FISCALES SUR LE BUDGET GÉNÉRAL DE L’ÉTAT DEPUIS 2000
● Entre 2000 et 2009, le budget général de l’État aurait perdu entre 101,2 – 5,3 % de PIB – et 119,3 milliards d’euros – 6,2 % de PIB – de recettes fiscales, environ les deux tiers étant dus au coût net des mesures nouvelles – les « baisses d’impôts » – et le tiers restant à des transferts de recettes aux autres administrations publiques – sécurité sociale et collectivités territoriales principalement. Le tableau suivant illustre cette évolution.
DIX ANS DE RECETTES FISCALES NETTES
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 | |
Recettes fiscales nettes |
243,5 |
248,3 |
243,8 |
243,6 |
269,9 |
276,9 |
272,9 |
272,3 |
265,1 |
230,7 |
Évolution annuelle en % |
2,0% |
— 1,8% |
– 0,1% |
10,8% |
2,6% |
– 1,5% |
– 0,2% |
– 2,6% |
– 13% | |
Évolution spontanée en % |
7,5% |
— 0,2% |
0,1% |
6,7% |
4,4% |
8,8% |
6,0% |
2,8% |
– 9,6% | |
Coût cumulé des mesures nouvelles depuis 2000 |
|
|
|
|
|
|
| |||
Fourchette haute |
– 7,9 |
— 20,4 |
– 25,9 |
– 31,8 |
– 36,2 |
– 40,0 |
– 50,5 |
– 65,6 |
– 77,8 |
– 77,7 |
Fourchette basse |
— 7,9 |
— 19,8 |
– 25,2 |
– 30,2 |
– 32,5 |
– 33,9 |
– 41,6 |
– 53,5 |
– 61,7 |
– 68,3 |
Coût cumulé des mesures de périmètre depuis 2000 |
|
|
|
|
|
|
| |||
Fourchette haute |
– 1,7 |
– 7,8 |
– 12,7 |
– 15,8 |
– 17,9 |
– 22,0 |
– 25,6 |
– 34,6 |
– 38,2 |
– 41,6 |
Fourchette basse |
– 1,7 |
– 7,6 |
– 12,4 |
– 14,1 |
– 15,9 |
– 18,2 |
– 20,4 |
– 27,8 |
– 29,3 |
– 32,9 |
Source : ministère du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État
On constate par ailleurs que le rythme des allègements d’impôts a été nettement plus élevé entre 2000 et 2002 – 0,59 % de PIB de diminution de prélèvements par an en moyenne contre 0,36 % entre 2003 et 2009. Les trois premières années de la décennie ont en outre concentré autant de baisses d’impôts – 1,8 % de PIB – que les cinq années allant de 2003 à 2007 – 1,7 % de PIB. Le graphique suivant illustre ce constat.
IMPACT DES BAISSES D’IMPÔTS SUR LE BUDGET GÉNÉRAL DE L’ÉTAT
(en % de PIB)
● L’accumulation de baisses d’impôts depuis 2000 semble avoir conduit à un accroissement du déficit structurel car, si le taux de prélèvements obligatoires apparaît en baisse tendancielle sur la décennie, le taux de dépenses publiques, en revanche, reste stable.
Comme le montre le graphique ci-dessous, la baisse tendancielle du taux de prélèvements obligatoires, qui est passé de 44 % en 2000 à 41,5 %, hors mesures de relance, en 2009, semble relativement nette. Du fait de la surréaction des prélèvements à la croissance, le taux progresse entre 2004 et 2006 puis chute brutalement en 2009. Au-delà de ces fluctuations, la tendance apparaît à la baisse.
En dépit de l’ampleur des baisses d’impôts sur le budget de l’État, la diminution du taux reste relativement contenue en raison de hausses de prélèvements obligatoires dans les autres sous-secteurs d’administration publique. Les collectivités territoriales auraient, tout au long de la décennie, augmenté progressivement les taux des impôts locaux. La sécurité sociale a perçu de nouvelles ressources sous la forme de hausses de cotisations, entre 2003 et 2006 notamment, et de recettes fiscales, avec notamment la loi sur l’assurance maladie du 13 août 2004 qui a prévu une hausse de la contribution sociale généralisée. Les organismes divers d’administration centrale ont enfin bénéficié de nouvelles ressources, comme, en 2009, la contribution additionnelle de 1,1 % au prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement affectée au fonds national des solidarités actives – 1,3 milliard d’euros – ou l’augmentation de la contribution des organismes complémentaires au fonds CMU – 1,1 milliard d’euros.
ÉVOLUTION DU TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
(en % de PIB)
Parallèlement, alors que l’ensemble de la décennie 1990 avait été nécessaire pour absorber le choc de la récession de 1993, le taux de dépense publique augmente à nouveau avec le ralentissement économique de 2002 puis reste à un niveau stable jusqu’en 2008. Le graphique ci-dessous illustre ces évolutions.
ÉVOLUTION DU TAUX DE DÉPENSES PUBLIQUES
Au final, on constate que la baisse des prélèvements obligatoires n’a pas été compensée par des économies sur la dépense. Dans de telles conditions, il apparaît difficile d’améliorer durablement les finances publiques.
B.– DES ALLÈGEMENTS CONCENTRÉS SUR L’IMPÔT SUR LE REVENU
Comme l’illustre le graphique ci-dessous, la moitié des allègements fiscaux décidés entre 2000 et 2009 ont concerné l’impôt sur le revenu. Le manque à gagner en 2009 sur le produit de cet impôt s’établit en effet à environ 2 % de PIB, contre 0,6 % de PIB pour la TVA et 0,5 % de PIB pour l’IS.
RÉPARTITION DES BAISSES D’IMPÔTS DEPUIS 2000
Les montants indiqués dans les tableaux suivants sont nets des éventuelles hausses d’impositions (2).
● Les baisses d’impôt sur le revenu représenteraient environ la moitié des diminutions d’impôts d’État entre 2000 et 2009 et leur impact sur le budget général de l’État en 2009 serait compris entre 33 et 41,5 milliards d’euros – entre 1,7 et 2,2 % de PIB. Schématiquement, après les réformes du barème décidées essentiellement sur la première moitié de la décennie, les dépenses fiscales sont montées en puissance à partir de 2004.
La justification technique des allègements d’impôt sur le revenu réside dans le fait que les revenus croissent à un rythme plus élevé que le barème indexé sur l’inflation. Du fait de la progressivité du barème, une part croissante des revenus est donc ponctionnée, ce qui nécessite des mesures régulières d’allègements. Les deux tableaux suivants offrent un récapitulatif des baisses d’impôt sur le revenu depuis 2000.
DIX ANS D’IMPÔT SUR LE REVENU
(en milliards d’euros)
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 | |
Impôt net sur le revenu |
50,6 |
49,8 |
46,3 |
50,0 |
49,9 |
52,5 |
53,8 |
50,0 |
51,7 |
47,7 |
Évolution annuelle en % |
-1,6% |
-7,0% |
8,1% |
-0,2% |
5,3% |
2,3% |
-6,9% |
3,4% |
-7,7% | |
Coût cumulé des mesures nouvelles depuis 2000 |
|
|
|
|
|
|
|
| ||
Fourchette haute |
-1,7 |
-7,8 |
-12,7 |
-15,8 |
-17,9 |
-22,0 |
-25,6 |
-34,6 |
-38,2 |
-41,6 |
Fourchette basse |
-1,7 |
-7,6 |
-12,4 |
-14,1 |
-15,9 |
-18,2 |
-20,4 |
-27,8 |
-29,3 |
-32,9 |
Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État
PRINCIPALES MESURES NOUVELLES PORTANT SUR L’IMPÔT SUR LE REVENU
(en milliards d’euros)
|
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
TOTAL |
-1,7 |
-6 |
-4,7 |
-1,7 |
-1,7 |
-2,4 |
-2,2 |
-7,4 |
-1,4 |
-3,7 |
dont Réforme du barème |
-1,7 |
-3,2 |
-2 |
-3,6 |
-1,8 |
|
|
-4,4 |
|
|
LFR 2000 |
-1,7 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
LFI 2001 |
|
-3,2 |
-2 |
|
|
|
|
|
|
|
LFI 2003 |
|
|
|
-3,6 |
|
|
|
|
|
|
LFI 2004 |
|
|
|
|
-1,8 |
|
|
|
|
|
LFI 2006 |
|
|
|
|
|
|
|
-4,4 |
|
|
dont Dépenses fiscales |
|
|
|
|
-0,2 |
-0,2 |
-1,3 |
-1,5 |
-0,9 |
-2,3 |
Aide à l’investissement outre-mer |
-0,2 |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
||||||
Robien |
|
|
|
|
-0,1 |
-0,1 |
|
|
-0,2 |
0,1 |
CI salariés à domicile |
-0,1 |
|||||||||
CI Développement durable |
|
|
|
|
|
|
-1 |
-0,9 |
-0,2 |
-0,6 |
CI Frais de garde |
|
|
|
|
|
|
-0,1 |
-0,5 |
|
|
CI intérêts d'emprunt |
|
|
|
|
|
|
|
|
-0,3 |
-0,8 |
Exo. heures supplémentaires |
|
|
|
|
|
|
|
|
-0,2 |
-1 |
dont Prime pour l’emploi |
|
-2,4 |
|
-0,2 |
-0,3 |
-0,4 |
-0,5 |
-0,5 |
-0,1 |
Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État
La moitié des allègements décidés sur l’impôt sur le revenu s’explique par les réformes successives de son barème, décidées entre 2000 et 2006.
À partir de 2004, le poids des dépenses fiscales est grandissant – et se maintiendrait d’ailleurs en 2010 et 2011. Ces mesures représentent 18 % du total des allègements impactant l’impôt sur le revenu.
Enfin, la création de la prime pour l’emploi puis ses revalorisations successives entraînent un coût de l’ordre de 4 milliards d’euros en 2009.
Parmi les autres mesures d’allègement d’impôt sur le revenu, les plus notables sont celles relatives au régime des plus-values – de cessions de titres, immobilières, professionnelles – ainsi que la suppression de la contribution sur les revenus locatifs.
● L’impact sur le budget général de l’État en 2009 des baisses d’impôt sur les sociétés serait de l’ordre de 10 milliards d’euros, soit 0,5 % de PIB.
DIX ANS D’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS NET
(en milliards d’euros)
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 | |
Impôt net sur les sociétés |
37,3 |
40,7 |
37,5 |
35,0 |
38,9 |
40,9 |
47,8 |
50,8 |
49,2 |
30,5 |
Évolution annuelle en % |
9,1% |
-7,8% |
-6,6% |
11,1% |
5,0% |
17,0% |
6,3% |
-3,3% |
-38% | |
Coût cumulé des mesures nouvelles depuis 2000 |
|
|
|
|
|
|
|
| ||
Fourchette haute |
0,0 |
-0,1 |
-1,6 |
-1,6 |
-1,4 |
0,1 |
-2,2 |
-6,7 |
-9,3 |
-6,7 |
Fourchette basse |
0,0 |
-0,1 |
-1,6 |
-1,7 |
-1,4 |
0,2 |
-2,2 |
-6,3 |
-8,8 |
-9,8 |
Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État
PRINCIPALES MESURES NOUVELLES PORTANT SUR L’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS
(en milliards d’euros)
|
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
TOTAL |
|
-0,1 |
-1,6 |
-0,1 |
0,3 |
1,6 |
-2,3 |
-4,1 |
-2,5 |
-0,9 |
dont Dépenses fiscales |
|
|
|
|
|
-0,2 |
-0,6 |
-1,6 |
-1,6 |
-1,1 |
Crédit d'impôt recherche |
|
|
|
|
|
-0,2 |
-0,1 |
-0,2 |
-0,4 |
-0,6 |
Prêt à taux zéro |
|
|
|
|
|
|
-0,1 |
-0,2 |
-0,2 |
-0,2 |
Taux réduit plus-values titres de participations |
|
|
|
|
|
|
-0,4 |
-1,2 |
-1 |
-0,3 |
dont Mesures de taux |
|
-1,4 |
-1,4 |
-0,1 |
0 |
-0,5 |
-0,6 |
-0,1 |
0 |
0 |
Suppression progressive contribution de 10% |
|
-1,4 |
-1,4 |
-0,1 |
|
|
|
|
|
|
Suppression progressive contribution de 1,5% |
|
|
|
|
|
-0,5 |
-0,6 |
-0,1 |
|
|
Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État
La moitié des allègements d’impôt sur les sociétés provient de trois dépenses fiscales, dont la montée en charge à partir de 2006 ampute chaque année 1,2 milliard d’euros en moyenne au produit de l’impôt. Ces mesures sont le crédit d’impôt recherche, le prêt à taux zéro et la taxation à taux réduit des plus-values à long terme de titres de participations.
La suppression progressive des surcontributions de 10 % et de 1,5 % explique la plus grande partie du solde.
● La taxe sur la valeur ajoutée concentre environ 16 % du total des allègements ayant impacté les exercices 2000 à 2009, pour un total représentant 0,6 % de PIB – hors mesures de périmètre.
DIX ANS DE TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE NETTE
(en milliards d’euros)
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 | |
TVA nette |
104,8 |
105,2 |
107,5 |
109,0 |
121,0 |
126,6 |
127,1 |
131,5 |
129,9 |
118,4 |
Évolution annuelle en % |
0,4% |
2,2% |
1,4% |
11,0% |
4,7% |
0,4% |
3,5% |
-1,3% |
-8,8% | |
Coût cumulé des mesures nouvelles depuis 2000 |
|
|
|
|
|
|
|
| ||
Fourchette haute |
-3,9 |
-6,8 |
-6,3 |
-9,2 |
-9,9 |
-10,4 |
-11,9 |
-12,2 |
-12,3 |
-13,3 |
Fourchette basse |
-3,9 |
-6,7 |
-6,0 |
-8,9 |
-9,0 |
-9,1 |
-9,9 |
-9,8 |
-9,8 |
-11,2 |
Coût cumulé des mesures de périmètre depuis 2000 |
|
|
|
|
|
|
| |||
Fourchette haute |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
5,1 |
4,9 |
-1,1 |
-1,1 |
-3,8 |
-3,3 |
Fourchette basse |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
5,1 |
4,7 |
-1,6 |
-1,6 |
-4,3 |
-4,0 |
Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État
PRINCIPALES MESURES NOUVELLES PORTANT SUR L’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS
(en milliards d’euros)
|
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
TOTAL |
-3,9 |
-2,8 |
0,7 |
-2,9 |
-0,1 |
-0,1 |
-0,9 |
0,1 |
0 |
-1,4 |
Dont Baisse d'un point du taux |
-2,9 |
-1,9 |
0,1 |
0,1 |
||||||
Dont Prorogation taux réduit travaux d'entretien |
-3,2 |
-0,4 |
||||||||
Dont TVA restauration |
-1,3 |
Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État
Trois mesures d’allègements sont à noter. La baisse d’un point du taux en 2000 représente 40 % des baisses nettes de TVA sur la période. La prorogation du taux réduit sur les travaux d’entretien dans les logements de plus de deux ans en explique près d’un tiers. Enfin, le taux réduit dans la restauration entraîne une perte de recettes de 1,25 milliard d’euros en 2009 – et 3 milliards d’euros en année pleine.
À noter que, contrairement à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés, la taxe sur la valeur ajoutée a fait l’objet de mesures de périmètre. Après la budgétisation du budget annexe des prestations agricoles (BAPSA) en 2004 – 5,1 milliards d’euros réaffectés au budget de l’État –, la création du panier fiscal conduit au transfert à la sécurité sociale de la TVA brute sur les médicaments, les tabacs et les alcools et explique un manque à gagner de l’ordre de 9 milliards d’euros en 2009.
● En ce qui concerne les autres recettes fiscales, les allègements ont été concentrés sur les successions et donations, avec un montant cumulé de plus de 3 milliards d’euros, et l’impôt de solidarité sur la fortune. Des mesures ponctuelles, comme les suppressions de la contribution sur les institutions financières et du précompte, sont également à signaler.
PRINCIPALES MESURES NOUVELLES PORTANT SUR LES AUTRES RECETTES FISCALES AFFECTÉES AU BUDGET GÉNÉRAL DE L’ÉTAT
(en milliards d’euros)
|
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
TOTAL |
-0,1 |
-0,9 |
-0,4 |
0 |
-1,6 |
-0,2 |
-1,8 |
-0,7 |
-0,9 |
-0,6 |
dont Successions/Donations |
|
|
|
|
-0,3 |
-0,4 |
-0,4 |
-1,6 |
-0,2 |
|
dont ISF/Bouclier fiscal |
|
|
|
|
|
|
|
-0,3 |
-1 |
-0,1 |
dont Suppression contribution institutions financières |
|
|
|
|
-0,2 |
-0,2 |
-0,1 |
|
|
|
dont Suppression précompte |
|
|
|
|
|
-1,3 |
|
|
|
|
Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État
C.– L’ÉTAT, « CHAMBRE DE COMPENSATION » DES AUTRES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
Si le budget général de l’État a perdu environ 70 milliards d’euros de recettes en raison de baisses d’impôts, il a également perdu de la substance fiscale du fait de mesures de périmètre et de transferts. Comme le montre le tableau ci-dessous, ces transferts de ressources ont principalement été à destination de la sécurité sociale et des collectivités territoriales et représenteraient entre 1,5 % et 2 % de PIB.
TRANSFERTS DE RECETTES NETS
(en milliards d’euros)
|
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
TOTAL |
|
-0,4 |
-0,2 |
-0,3 |
10,3 |
-3,5 |
-21 |
-5,1 |
-5,9 |
-2,1 |
dont Sécurité sociale/FOREC |
|
-1,9 |
-3,4 |
-0,7 |
15,6 |
-1,1 |
-20 |
-2,5 |
-2,6 |
-1,1 |
dont collectivités territoriales |
|
|
|
|
-5,1 |
-1,9 |
-0,3 |
-2,2 |
-2 |
-1,1 |
TIPP |
|
|
|
|
-5,1 |
-0,9 |
-0,1 |
-1,3 |
-1 |
-1,1 |
TSCA |
|
|
|
|
|
-1 |
-0,2 |
-0,9 |
-1 |
|
Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État
L’État joue un rôle de « chambre de compensation ». Son budget assure, le plus souvent, la compensation des baisses de prélèvements décidées par le législateur et affectant les autres administrations publiques, via des transferts de ressources ou, dans le cas des collectivités territoriales, via le programme 201 Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux de la mission Remboursements et dégrèvements.
À travers ces évolutions, il est possible d’appréhender de manière approximative les baisses d’impôts locaux ainsi que les allègements de cotisations sociales décidés depuis 2000.
● Les transferts de recettes à la sécurité sociale dépasseraient 27 milliards d’euros depuis 2006, soit 1,4 % de PIB. Ils ont eu principalement pour objet de compenser les allègements de cotisations sociales décidés par l’État. Deux périodes sont à distinguer.
Jusqu’en 2004, le FOREC est régulièrement alimenté par des transferts de recettes fiscales – principalement la taxe spéciale sur les conventions d’assurance et les droits de consommation sur les tabacs et les alcools. À sa suppression, en 2004, 10,6 milliards d’euros de recettes fiscales sont réaffectés au budget général de l’État, auxquels s’ajoutent 5,1 milliards d’euros de TVA affectée jusqu’alors au budget annexe des prestations agricoles (BAPSA) qui disparaît.
À partir de 2006, les compensations à la sécurité sociale se font à nouveau par transfert de recettes – principalement TVA brute sur les médicaments, les alcools et les tabacs, taxe sur les salaires, droits de consommation des tabacs et des alcools – pour un montant de 20,2 milliards d’euros en 2006. Le « panier fiscal » ainsi créé est, depuis lors, réévalué – généralement à la hausse – chaque année.
Plus rarement, des transferts de recettes ont pu être réalisés ponctuellement pour régler une dette de l’État à la sécurité sociale – par exemple, en 2009, 200 millions de droits sur les tabacs au régime général et 370 millions de taxe spéciale sur les conventions d’assurances à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA).
● Les transferts aux collectivités territoriales s’établiraient environ à 13 milliards d’euros, soit 0,7 % de PIB. Ils ont été réalisés principalement dans le cadre des transferts de compétences faisant suite à l’acte II de la décentralisation, et sont compensés par des baisses de charges pour l’État. Ils n’ont donc pas d’impact sur le solde public, contrairement, par exemple, aux allègements de charges sociales.
Comme le montre le tableau ci-dessus, ils consistent en des affectations de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) ou de taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) et sont réalisés progressivement depuis 2004.
● Si les transferts de recettes aux collectivités territoriales n’ont, en principe, pas d’impact sur le déficit de l’État, une grande partie des mesures d’allègements de fiscalité locale décidées par l’État est compensée par celui-ci et dégrade son déficit ainsi que le solde public. Comme pour les transferts de recettes à la sécurité sociale et à la différence de ceux à destination des collectivités territoriales, le rôle de « chambre de compensation » que joue ici l’État se fait au détriment de son équilibre budgétaire.
Les dégrèvements et exonérations d’impôts locaux sont compensés principalement par les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements. L’impact des mesures nouvelles sur les crédits de cette mission atteindrait 0,5 % de PIB, comme le montre le tableau ci-dessous.
DIX ANS DE REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D’IMPÔTS LOCAUX
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 | |
RetD Impôts locaux |
-11,4 |
-10,1 |
-9,7 |
-11,4 |
-10,1 |
-11,7 |
-12,7 |
-13,5 |
-16,2 |
-17,8 |
Évolution annuelle en % |
-11,2% |
-4,1% |
17,6% |
-11,0% |
15,6% |
8,6% |
5,9% |
20,2% |
9,8% | |
Coût cumulé des mesures nouvelles depuis 2000 |
|
|
|
|
|
|
|
| ||
Fourchette haute |
-1,6 |
-3,2 |
-3,4 |
-4,4 |
-4,3 |
-5,3 |
-6,2 |
-6,4 |
-9,0 |
-10,2 |
Fourchette basse |
-1,6 |
-3,6 |
-3,8 |
-4,0 |
-4,2 |
-4,7 |
-5,5 |
-5,3 |
-7,7 |
-8,5 |
Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État
IMPÔTS LOCAUX DONT LES ALLÈGEMENTS ONT ÉTÉ COMPENSÉS PAR DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS SUR LE BUDGET DE L’ÉTAT
(en milliards d’euros)
|
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
TOTAL |
-1,6 |
-2 |
-0,2 |
-0,1 |
-0,3 |
-0,4 |
-0,8 |
0,2 |
-2,4 |
-0,8 |
TP |
|
|
-0,1 |
|
-0,1 |
-0,3 |
-0,6 |
0,2 |
-2,4 |
-0,5 |
TH |
-1,6 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Vignette automobile |
|
-1,9 |
|
|
|
|
|
|
|
|
Source : ministère du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État
La taxe professionnelle a concentré près de la moitié du coût des mesures du fait notamment de la réforme de 2006 portant sur le plafonnement à la valeur ajoutée et le dégrèvement pour investissements nouveaux. Après prise en compte de la suppression de la part salaire, décidée avant 2000 mais impactant les années 2000 à 2004, les réformes successives de la taxe professionnelle auront réduit d’environ 1 % de PIB le produit de l’impôt entre 2000 et 2009 – auquel on pourra rajouter au moins 0,2 % de PIB à partir de 2010 du fait de sa suppression, soit un total de 1,2 % de PIB de perte de ressources sur la décennie.
D.– GAGER LES BAISSES D’IMPÔTS, CONDITION DE LA SOUTENABILITÉ DE L’ENDETTEMENT PUBLIC
La décennie 2000 a donc été caractérisée par un mouvement d’ampleur de diminution des ressources de l’État. Or, seule une compensation de ces mesures, par des économies sur la dépense ou par des hausses d’autres prélèvements, aurait permis de garantir la soutenabilité de l’endettement public.
On peut ainsi estimer ce qu’auraient été le déficit public et la dette publique brute si ces mesures avaient été compensées par l’augmentation d’autres prélèvements ou par des économies sur la dépense. Une telle évaluation concerne uniquement les baisses d’impôts d’État, à l’exclusion des transferts de recettes et des crédits de la mission Remboursements et dégrèvements. Elle suppose la neutralité de l’impact des allègements fiscaux sur la croissance du PIB.
Comme le montrent les graphiques ci-dessous, dans l’hypothèse du gage systématique des mesures nouvelles en matière fiscale, le déficit public et la dette publique brute se seraient établis à 3,7 % et 54,6 % du PIB en 2009, au lieu de 7,5 % et 77,4 %. Un excédent aurait été dégagé trois années de suite, de 2006 à 2008. Enfin, la dette publique brute serait passée sous la barre des 50 % du PIB en 2007 et 2008.
En d’autres termes, la trajectoire d’endettement public aurait été soutenable, la part de la dette publique brute dans le PIB, restant stable, à 55 %, entre le début – 2002 – et la fin – 2009 – du cycle économique.
COMPARAISON DES DÉFICIT (À GAUCHE) ET DE LA DETTE PUBLIQUE BRUTE (À DROITE)
AVEC ET SANS COMPENSATION DES MESURES NOUVELLES FISCALES
Une telle discipline aurait conduit à une évolution différente des taux de prélèvements obligatoires et de dépense publique. Si l’ensemble de l’ajustement avait été réalisé par hausses d’impôts, le taux de prélèvements obligatoires aurait atteint 45,3 % en 2009 au lieu de 41,5 % du PIB (hors mesures de relance). Si la compensation avait été réalisée par baisse des dépenses, le taux de dépenses publiques aurait atteint 51,6 % en 2009 au lieu de 55,4 % du PIB (hors mesures de relance).
Les deux graphiques ci-dessous illustrent ces deux cas.
COMPARAISON DES TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES (À GAUCHE) ET DE DÉPENSE PUBLIQUE (À DROITE) AVEC ET SANS COMPENSATION DES MESURES NOUVELLES FISCALES
Le Rapporteur général insiste sur le fait que l’époque des baisses d’impôts non gagées est révolue et que leur compensation systématique, par des économies sur la dépense ou par des hausses d’autres prélèvements, est une condition indispensable à la soutenabilité de l’endettement public. Une telle contrainte ne s’oppose ni à une baisse du taux de prélèvements obligatoires – tant qu’elle est compensée par une diminution de même ampleur du taux de dépense publique –, ni inversement à une hausse de la dépense publique, ni à une réforme de la structure du système fiscal.
II.– 2011 A 2013 : TROIS ANNÉES POUR REDRESSER LES COMPTES PUBLICS
Le programme de stabilité de la France, transmis à la Commission européenne en janvier dernier puis amendé en mars, prévoit une diminution du déficit public de 8 % du PIB en 2010 à 3 % en 2013.
Hors mesures temporaires qui affectent l’exercice 2010 et disparaîtront mécaniquement en 2011, cette trajectoire suppose une diminution annuelle de l’ordre de 1,4 % de PIB du déficit public et d’environ 1 % de PIB du déficit structurel. Un tel niveau de réduction du déficit public est sans précédent car, lors des précédentes périodes de baisse du déficit, celle-ci s’établissait, en moyenne annuelle, entre 0,5 et 0,7 % de PIB.
La trajectoire repose essentiellement sur un effort de diminution de la dépense publique. Hors mesures temporaires en 2010, le taux de dépenses publiques reculerait en effet de 0,9 % par an alors que le taux de prélèvements obligatoires croîtrait d’environ 0,4 % de PIB par an, principalement du fait de la surréaction des recettes à la croissance.
Les développements qui suivent s’appuient sur les informations transmises par le Gouvernement au moment de la rédaction du présent rapport. Ces informations devront être complétées avant le débat d’orientation des finances publiques, le Gouvernement n’ayant pas été en mesure de répondre dans les délais à toutes les questions posées par le Rapporteur général.
A.– UNE CROISSANCE FUTURE PARTICULIÈREMENT DIFFICILE À ESTIMER
Le programme de stabilité se fonde sur une hypothèse de croissance de 2,5 % en moyenne entre 2011 et 2013. L’activité économique serait tirée par une consommation des ménages robuste – + 2,9 % en moyenne en volume – et par la reprise de l’investissement des entreprises non financières – + 4,8 % en moyenne en volume. Le tableau suivant récapitule les principaux éléments de la prévision.
CADRAGE MACROÉCONOMIQUE DU PROGRAMME DE STABILITÉ
(croissance en %)
Croissance du PIB |
2,5 |
Inflation |
1,7 |
Consommation des ménages |
2,9 |
FBCF des entreprises non financières |
4,8 |
Contribution de l’extérieur |
0 |
Analysant les conséquences économiques des crises bancaires, l’INSEE distingue trois scénarii de croissance envisageables à partir de 2011 (3).
Le premier scénario, médian, consiste en un rattrapage partiel de la perte de production induite par la crise. Le taux de croissance potentielle retrouverait son niveau d’avant-crise.
Un autre scénario, optimiste, suppose que l’écart de croissance est intégralement comblé dès 2013 et que l’économie retrouverait le sentier de croissance qui était le sien avant la crise. Une telle trajectoire supposerait un taux de croissance de l’ordre de 4 % en volume en moyenne entre 2010 et 2013.
Un dernier scénario, pessimiste, suppose que le potentiel de croissance est durablement atteint. Dans un tel cas, non seulement l’écart de croissance n’est pas rattrapé, mais la croissance tendancielle du PIB s’affaisse durablement.
Le scénario du Gouvernement se situe entre le premier et le deuxième scénario. En 2013, l’écart de production ne serait pas entièrement comblé mais le rythme du rattrapage – croissance du PIB de 2,5 % en volume – serait soutenu et laisserait espérer la reprise des pertes de croissance dues à la crise dans la seconde partie de la décennie.
Les prévisions de croissance pour 2011 et a fortiori pour 2012 et 2013 sont particulièrement difficiles à réaliser en raison d’un nombre inhabituellement élevé d’inconnues.
En premier lieu, l’impact de la récession sur la croissance potentielle de l’économie reste encore largement incertain. La profondeur de la récession, couplée à la restriction du crédit, pourrait avoir conduit à la disparition d’entreprises viables, mais en manque de liquidités, et donc à la fragilisation de la structure productive française. La demande intérieure pourrait également être ralentie du fait du ralentissement de la croissance du crédit, ce qui limiterait la demande.
En deuxième lieu, le bilan des banques – et donc leur capacité à distribuer du crédit – pourrait être durablement déséquilibré par les actifs toxiques qui demeurent en leur possession. Une restriction prolongée du crédit serait alors possible et contribuerait à amplifier les effets mentionnés ci-dessus.
Par ailleurs, les politiques budgétaires restrictives suivies dans l’ensemble de la zone euro devraient brider la croissance économique mais cet effet pourrait être contrebalancé par la baisse de l’euro face au dollar.
Se rajoutent enfin les incertitudes habituelles sur le cours du pétrole.
Au final, la prévision de croissance apparaît encore plus aléatoire que dans des conditions normales. Le Rapporteur général remarque néanmoins que les États ayant réussi leur assainissement budgétaire tendent à fonder leur budget sur une hypothèse basse de croissance. L’Allemagne, par exemple, a fondé son budget sur une croissance de 2 % en volume.
B.– QUELLE TRAJECTOIRE DE RÉDUCTION DU DÉFICIT ET DE LA DETTE PUBLICS ?
La trajectoire prévue dans le programme de stabilité est ambitieuse. Fondée sur l’hypothèse d’une croissance en volume de 2,5 % en moyenne entre 2011 et 2013, elle suppose un effort de réduction du déficit structurel de plus de 1 % du PIB par an et permettrait de limiter la croissance de la dette publique brute rapportée au PIB, qui commencerait à refluer en 2013. Dans l’hypothèse d’une croissance de 2,25 % en volume en moyenne entre 2011 et 2013, le retour à un déficit public de 3 % du PIB, comme le reflux de l’endettement public brut, serait repoussé à 2014.
LES OBJECTIFS DU PROGRAMME DE STABILITÉ
(en % de PIB)
|
2010 |
2011 |
2012 |
2013 | |
Croissance de 2,5 % en volume en moyenne entre 2011 et 2013 |
Déficit public |
8 |
6 |
4,60 |
3 |
Dette publique brute |
83,20 |
86,10 |
87,10 |
86,60 | |
Croissance de 2,25 % en volume en moyenne entre 2011 et 2013 |
Déficit public |
8 |
6,3 |
5,2 |
4 |
Dette publique brute |
83,2 |
86,6 |
88,4 |
89 |
● Comme l’illustre le graphique suivant, la trajectoire prévue par le Gouvernement suppose une amélioration annuelle du solde public de l’ordre de 30 milliards d’euros par :
– un effort sans précédent sur la dépense permettant de limiter la croissance des charges à environ 20 milliards d’euros par an, contre plus de 40 milliards d’euros de croissance tendancielle ;
– une anticipation de 50 milliards d’euros de ressources supplémentaires dues principalement à un rebond des recettes après le creux de 2009.
Il convient de remarquer que, plus le taux de croissance du PIB sera faible, plus l’effort à fournir pour maîtriser la dépense devra être important. C’est pourquoi le Fonds monétaire international (FMI) estime qu’un taux de croissance prévisionnelle trop élevé conduirait à sous-estimer les efforts de redressement à fournir.
LA DÉCOMPOSITION DE L’AMÉLIORATION DU SOLDE PUBLIC ENTRE 2011 ET 2013
(en milliards d’euros)
● L’effort cumulé sur trois ans est retracé dans le tableau suivant.
MARGES DE MANœUVRE À DÉGAGER SUR TROIS ANS POUR RESPECTER LES OBJECTIFS DU PROGRAMME DE STABILITÉ
(en milliards d’euros)
|
Programme de stabilité |
Réduction de la dépense |
55 |
Réduction niches fiscales et sociales |
6 |
Élasticité des recettes |
19 |
Disparition des mesures de relance |
15 |
Total |
95 |
● Compte tenu des perspectives de réduction du déficit public présentées par le Gouvernement dans le dernier programme de stabilité, l’endettement public devrait culminer à 87,1 % du PIB en 2012 (soit environ 1 860 milliards d’euros), avant de commencer à – légèrement – refluer en 2013, pour atteindre 86,6 % du PIB.
Cependant, cette trajectoire d’évolution de la dette publique doit aujourd’hui être « recalée » à la hausse, pour tenir compte des résultats des comptes nationaux de 2009 publiés en mai dernier, qui ont fait apparaître un endettement public plus important que prévu dans le programme de stabilité. La dette publique « maastrichtienne » a ainsi atteint 78,1 % du PIB en 2009, au lieu des 77,4 % initialement escomptés. Ce décalage de 0,7 point de PIB est d’autant plus remarquable que le déficit public à, quant à lui, été revu à la baisse (à 7,5 % du PIB, au lieu de 7,9 % dans le programme de stabilité). Il conviendrait que le Gouvernement éclaire le Parlement sur cette évolution croisée, sans doute due aux contraintes de gestion de la trésorerie en fin d’année. Rappelons en effet que 13,5 milliards d’euros de fonds remboursés par les établissements bancaires à la Société de prises de participation de l’État (SPPE) ont été conservés sur le compte du Trésor à la fin de l’année 2009 dans le but de préfinancer les futurs « investissements d’avenir » (4).
En extrapolant les hypothèses sous-jacentes au dernier programme de stabilité, la réévaluation à la hausse de la dette publique en 2009 devrait aboutir à une nouvelle trajectoire d’endettement public proche de celle présentée dans le tableau ci-après.
TRAJECTOIRE D’ÉVOLUTION DE LA DETTE PUBLIQUE
SELON LE PROGRAMME DE STABILITÉ 2010-2013
(en % du PIB)
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 | |
Trajectoire initiale |
77,4 % |
83,2 % |
86,1 % |
87,1 % |
86,6 % |
Trajectoire rebasée (a) |
78,1 % |
83,9 % |
86,6 % |
87,7 % |
87,1 % |
Variation annuelle |
– |
+ 5,8 % |
+ 2,9 % |
+ 1,0 % |
– 0,5 % |
(a) En fonction de l’exécution 2009 (comptes nationaux de mai 2010 ; calculs du Rapporteur général).
Cette remise sous contrôle de la dette publique suppose naturellement que soient respectées les différentes échéances de réduction du déficit public prévues dans la programmation pluriannuelle.
Pour mesurer les exigences pesant sur les pouvoirs publics, le graphique ci-après montre la très grande sensibilité de la trajectoire d’évolution de l’endettement public aux efforts de réduction du déficit, quand bien même les hypothèses de croissance du Gouvernement seraient vérifiées.
Si, par exemple, l’objectif de retour du déficit public à 6 % du PIB, attendu pour 2011, était reporté à l’année suivante, la dette publique continuerait de croître bien au-delà de 2013 et excéderait 90 % du PIB dès 2012. Si, selon une hypothèse plus favorable, le déficit public était effectivement ramené à 6 % en 2011 mais que l’effort d’assainissement fléchissait ensuite (l’amélioration du solde se révélant moitié moindre chaque année), il faudrait attendre 2015 pour voir le taux d’endettement public débuter sa réorientation à la baisse.
DEUX EXEMPLES DE DÉRIVES POSSIBLES DE LA DETTE PUBLIQUE
(en % du PIB)
Dès lors que le déficit n’est pas le seul facteur d’évolution de la dette publique, il importe que les financements « extrabudgétaires » et les autres techniques « innovantes » – qui aggravent directement le passif des administrations publiques sans impacter leur résultat annuel – soient à l’avenir strictement limités.
À titre d’exemple, si l’impact sur le déficit public des investissements d’avenir (35 milliards d’euros) semble relativement limité, il n’empêche que l’ouverture des crédits dans le collectif budgétaire de mars dernier a contribué à creuser le besoin de financement de l’État en 2010 et à alimenter l’encours de sa dette. De même, pour que les prêts à la filière automobile (6,4 milliards d’euros) n’aient pas d’impact à moyen terme sur les finances publiques, les montants remboursés devront être affectés au désendettement de l’État – et non au versement d’une dotation à la future Société du Grand Paris.
C.– RÉDUIRE LES DÉPENSES, RÉTABLIR LES RECETTES
1.– Un objectif de maîtrise des dépenses très ambitieux mais encore peu étayé
Sous l’effet notamment de l’accroissement des dépenses sociales en période de crise par le jeu des « stabilisateurs automatiques » et des mesures de relance de l’économie, les dépenses publiques ont atteint 56 % du PIB en 2009. Le programme de stabilité 2010-2013 prévoit de ramener ce taux à moins de 53 % en 2013 : comme le montre le graphique ci-après, il s’agit donc en pratique de revenir au niveau de dépenses publiques de 2008.
ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE DEPUIS 2000
Sources : INSEE, comptes nationaux annuels ; programme de stabilité 2011-2013.
À cette fin, la progression des dépenses publiques serait limitée, pour la période 2010-2013, à 0,9 % en volume et, pour la seule période 2011-2013, à 0,6 % en volume. Il s’agit d’un effort plus rigoureux que ce que prévoyait la loi de programmation du 9 février 2009 (+ 1,1 % en volume pour 2009-2012) et d’un objectif très ambitieux au regard de l’augmentation des dépenses publiques observée ces dix dernières années. Comme le rappelle en effet le graphique ci-après, la progression moyenne des dépenses publiques de 2000 à 2008 s’établit à environ 2,3 % en volume chaque année.
UNE FORTE INFLEXION DANS L’ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE
Sources : INSEE, comptes nationaux annuels ; programme de stabilité 2011-2013.
Une lecture hâtive de ce graphique pourrait laisser penser que les efforts programmés pour 2011-2013 ne sont, au regard des résultats de 2008 ou des prévisions pour 2010, pas particulièrement drastiques. Une telle interprétation serait fausse, dès lors que :
– la limitation de la progression en volume des dépenses publiques à un niveau exceptionnellement bas en 2008 (+ 0,8 %) masque une évolution en valeur de 3,8 %, guère différente des performances des années précédentes. La part des dépenses publiques dans la richesse nationale a d’ailleurs progressé de 0,5 point de PIB en 2008 ;
– la faible progression en volume des dépenses publiques attendue pour 2010 (environ 1,3 %) s’explique par le « contrecoup » du plan de relance, dont l’essentiel des moyens était concentré sur l’année 2009 (5).
Pour mesurer plus concrètement l’impact des engagements de réduction des dépenses publiques annoncés pour 2011-2013, il convient d’évaluer l’effort en euros courants à réaliser par rapport à la tendance observée ces dernières années.
Le tableau ci-après permet ainsi de constater que, par rapport à l’évolution « tendancielle » des dépenses (+ 2,3 % en volume en moyenne annuelle de 2000 à 2008), le programme de stabilité consiste à réduire la progression des dépenses publiques de près de 55 milliards d’euros en trois ans (6), soit environ 18 milliards d’euros chaque année.
ÉVALUATION DES EFFORTS DE MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES PROGRAMMÉS POUR 2011-2013
(en milliards d’euros)
|
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
Moyenne annuelle 2011-2013 |
Prévisions du programme de stabilité 2010-2013 (a) |
|
|
|
|
|
Dépenses publiques en % du PIB |
55,8 % |
54,6 % |
53,7 % |
52,8 % |
|
Croissance annuelle des dépenses en Mds€ |
+ 22,8 |
+ 19,2 |
+ 28,1 |
+ 28,5 |
+ 25,3 |
Croissance annuelle des dépenses en % en volume |
+ 0,9 % |
+ 0,2 % |
+ 0,8 % |
+ 0,8 % |
+ 0,6 % |
Évolution tendancielle des dépenses (b) |
|
|
|
|
|
Croissance tendancielle annuelle en Mds€ hors relance (c) |
+ 21,2 |
+ 37,3 |
+ 45,6 |
+ 47,5 |
+ 43,5 |
Efforts à réaliser pour respecter le programme de stabilité |
|
|
|
|
|
Effort annuel par rapport à la tendance |
+ 1,6 |
– 18,0 |
– 17,5 |
– 19,0 |
– 18,2 |
Effort cumulé 2011-2013 par rapport à la tendance |
|
– 18,0 |
– 35,6 |
– 54,6 |
(a) Réactualisées en fonction de l’exécution 2009 (comptes nationaux de mai 2010 ; calculs du Rapporteur général).
(b) Augmentation de 2,3 % en volume en moyenne annuelle.
(c) L’évolution tendancielle est corrigée de l’effet des dépenses de relance en 2009 et en 2010 (respectivement 15,7 milliards d’euros et 5 milliards d’euros).
Sources : INSEE, comptes nationaux annuels ; programme de stabilité 2011-2013 ; calculs du Rapporteur général.
Ces ordres de grandeur doivent être interprétés avec précaution (7). Surtout, ils ne doivent pas faire perdre de vue que, du fait de la dynamique de certaines charges publiques (intérêts de la dette, pensions, prestations sociales, etc.) et des nouvelles dépenses que tout gouvernement est amené à engager pour mener à bien sa politique, c’est un montant d’économies bien supérieur qu’il faut en pratique dégager chaque année pour aboutir à cette moindre progression des dépenses publiques.
Au-delà, pour asseoir la crédibilité des engagements de la France, il importe que le Gouvernement présente en détail la répartition de l’effort de maîtrise des dépenses entre les différents acteurs concernés : État et ses opérateurs, collectivités locales et organismes de sécurité sociale. Jusqu’à présent, en dehors du resserrement du contrôle des dépenses d’assurance maladie (8) et de l’importante réforme des retraites, le Gouvernement n’a pas fait connaître les mesures concrètes qui permettront de réaliser les économies annoncées.
En particulier, il conviendrait d’expliquer comment le maintien d’une politique de stabilisation en volume des dépenses de l’État (9), en vigueur depuis le début de cette législature, peut permettre de diviser par trois ou quatre le rythme habituel d’évolution des dépenses publiques.
2.– L’anticipation d’un fort rebond des recettes fiscales qui suscite des interrogations
La hausse de deux points du taux de prélèvements obligatoires repose d’abord sur une anticipation de surréaction importante des recettes à la croissance et ensuite sur des mesures discrétionnaires prises par l’État et les collectivités territoriales.
L’ampleur du rebond anticipé des prélèvements obligatoires, et notamment des recettes fiscales nettes de l’État, pourrait s’avérer trop optimiste en raison notamment de l’impact des baisses d’impôts déjà décidées.
Le Rapporteur général rappelle que, pour ne pas sous-estimer l’effort de redressement à accomplir, il est préférable de recourir à des hypothèses prudentes d’évolution spontanée des recettes.
a) Une hausse de deux points du taux de prélèvements obligatoires
Le programme de stabilité prévoit une hausse du taux de prélèvements obligatoires de 41 % du PIB en 2010 à 43 % en 2013. Comme l’illustre le tableau ci-après, cette augmentation serait due aux quatre éléments suivants :
– la disparition des mesures fiscales de relance pour 0,55 % de PIB ;
– les réductions de niches fiscales et sociales pour 0,3 % de PIB ;
– des hausses de taux des impôts locaux pour 0,25 % de PIB ;
– une élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance de l’ordre de 1,2 (10) en moyenne sur la période, ce surplus de 0,2 expliquant un gain de 0,9 % de PIB.
Les mesures discrétionnaires, prises par l’État ou les collectivités territoriales, produiraient un rendement de l’ordre de 0,5 %. La plus grande partie de la hausse du taux de prélèvements obligatoires serait donc due à un rebond mécanique des recettes du fait de la disparition des mesures de relance et de la surréaction des recettes à la croissance du PIB.
Il convient de noter que l’instauration de la taxe carbone était prévue dans la trajectoire de recettes. Celle-ci n’a toutefois pas été modifiée à la suite de l’annulation du dispositif par le Conseil constitutionnel car le Gouvernement s’est engagé à compenser cette perte de recettes par un effort supplémentaire, à due concurrence, sur la réduction des niches fiscales.
LE TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES : DE 2010 À 2013
(en % de PIB)
|
Taux de prélèvements obligatoires en 2010 |
41 |
Mesures nouvelles: +1,1 |
Fin des mesures fiscales temporaires |
0,55 |
dont taxe professionnelle |
0,4 | |
dont plan de relance |
0,15 | |
Réduction des niches |
0,3 | |
Hausse des taux des collectivités territoriales |
0,25 | |
Réaction à la croissance : +0,9 |
Élasticité |
0,9 |
Taux de prélèvements obligatoires en 2013 |
43 |
Calculée en valeur absolue, cette évolution suppose une hausse des prélèvements obligatoires d’environ 50 milliards d’euros par an, répartis en deux parts :
– en moyenne 36 milliards d’euros correspondant à l’accroissement des prélèvements obligatoires selon le rythme du PIB, ce qui n’a pas d’impact sur le taux de prélèvements obligatoires (11) ;
– en moyenne, 14 milliards d’euros correspondant à des mesures discrétionnaires et à la surréaction des prélèvements obligatoires à la croissance.
PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DE 2010 À 2013
(en milliards d’euros)
2010 |
2011 |
2012 |
2013 | |
Taux de PO |
41% |
41,9% |
42,4% |
43% |
PO en milliards d’euros |
802 |
852 |
898 |
950 |
Variation annuelle des PO |
+ 50 |
+ 47 |
+ 52 | |
Dont fin mesures relance |
|
11 |
0 |
0 |
Dont diminution des niches |
2 |
2 |
2 | |
Dont hausse taux CT |
|
1,2 |
1,8 |
2 |
Dont surréaction des PO au PIB |
|
4,8 |
7 |
9 |
Dont croissance des PO selon PIB |
32 |
36 |
39 |
Note : estimation hors impact du volet fiscal des réformes des retraites, non prévue dans le programme de stabilité
b) L’ampleur de la surréaction des recettes à la croissance
Le principal enseignement que l’on peut tirer de cette projection est qu’elle fait reposer l’essentiel de l’ajustement des recettes sur la croissance spontanée des prélèvements obligatoires et sur leur surréaction à la croissance du PIB. Ces deux éléments expliquent plus de 90 % de la croissance des recettes sur la période (hors disparition mécaniques des mesures de relance), et, à elle seule, la surréaction représente près de la moitié de la hausse du taux de prélèvements obligatoires.
Comme le note la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, l’élasticité retenue dans les prévisions annexées au projet de loi de finances pour 2010 s’établissait pourtant à 1,1 et sa révision à 1,2 permet d’améliorer de 0,7 % de PIB le déficit public prévu en 2013.
Le Gouvernement estime qu’un tel rebond est la conséquence logique de la forte surréaction des recettes à la récession de 2009, les pertes essuyées à ce moment-là étant intégralement compensées par des surplus à l’horizon de l’année 2013. Le tableau suivant récapitule les hypothèses d’élasticité et de croissance spontanée des prélèvements obligatoires affectés aux différents sous-secteurs d’administration publique.
HYPOTHÈSES DE CROISSANCE SPONTANÉE ET D’ÉLASTICITÉ DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES (MOYENNE SUR 2011-2013)
2011 |
2012 |
2013 | ||||
Croissance spontanée |
Élasticité |
Croissance spontanée |
Élasticité |
Croissance spontanée |
Élasticité | |
État |
6,3% |
1,6 |
6,8% |
1,6 |
6,9% |
1,6 |
APUL |
4,6% |
1,1 |
3,9% |
0,9 |
3,9% |
0,9 |
ASSO |
3,8% |
0,9 |
4,6% |
1,1 |
4,5% |
1,1 |
Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État
● L’élasticité de 1,6 des prélèvements obligatoires affectés à l’État constitue l’élément principal expliquant l’élasticité de 1,2 de l’ensemble des prélèvements obligatoires. Elle apparaît, en l’absence d’éléments complémentaires, optimiste, compte tenu de l’impact des baisses d’impôts sur la période.
Il convient de distinguer les mesures décidées avant 2009 et celles décidées après 2009.
L’impact des mesures décidées avant 2009 est intégré aux prévisions de croissance spontanée et d’élasticité. Il est vrai qu’une élasticité apparente marquée des recettes fiscales nettes de l’État a pu être constatée par le passé. Le tableau suivant illustre ces résultats.
ÉLASTICITÉ DES RECETTES FISCALES NETTES À LA CROISSANCE
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 | |
Croissance spontanée |
7,5% |
– 0,2% |
0,1% |
6,7% |
4,4% |
8,8% |
6% |
2,8% |
– 9,6% |
Élasticité |
1,9 |
– 0,1 |
0 |
1,6 |
1,1 |
1,9 |
1,3 |
1 |
4,5 |
Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État
Elle a ainsi connu des pics de 1,6 et plus entre 1999 et 2001 puis entre 2004 et 2006. Toutefois, elle n’a jamais été, depuis 2002, égale à 1,6 en moyenne sur trois années consécutives. Entre 2004 et 2006, au moment de la reprise économique, elle s’est ainsi établie à 1,53 en moyenne. De même, la croissance spontanée a pu s’établir en moyenne à 6,6 % entre 2004 et 2006.
Une hypothèse d’élasticité de 1,6 sur la période 2011-2013 est d’autant plus optimiste que plusieurs mesures nouvelles, issues de dispositifs en vigueur en 2008, vont amputer le produit des recettes fiscales nettes. Le tableau suivant recense les principales mesures nouvelles relatives aux recettes fiscales ayant un impact entre 2011 et 2013 (12). Au total, 2 milliards d’euros de marges de manœuvre, soit 0,1 % de PIB, seraient préemptés par l’impact de mesures nouvelles pérennes prises dans le passé.
IMPACT BUDGÉTAIRE DES MESURES NOUVELLES PÉRENNES EN MATIÈRE FISCALE
(en millions d’euros)
|
2011 |
2012 |
2013 |
Total cumulé |
Suppression demi-part veufs |
190 |
266 |
335 |
791 |
Redevance poids lourds |
700 |
700 | ||
Bio-carburants (net) |
163 |
259 |
459 | |
RSA imputé sur PPE |
300 |
300 | ||
CI développement durable |
210 |
210 | ||
Réserve solvabilité mutuelles |
59 |
70 |
70 |
199 |
Autres mesures augmentant les recettes |
78 |
16 |
0 |
94 |
Ci intérêts emprunts (net) |
– 400 |
– 385 |
– 223 |
– 1 178 |
CI intéressement |
– 406 |
– 451 |
– 857 | |
Eco-prêt à taux zéro |
– 166 |
– 249 |
– 332 |
– 747 |
Crédit d’impôt recherche |
– 600 |
– 600 | ||
Exonération plus-values mobilières |
– 400 |
– 400 | ||
Suppression IFA |
– 363 |
– 363 | ||
CI développement durable |
– 200 |
– 200 | ||
Exonération IS assurances |
– 200 |
– 200 | ||
Prêt à taux zéro |
– 204 |
89 |
– 115 | |
RI investissement logement social |
– 57 |
– 40 |
– 97 | |
Zone restructuration défense |
– 22 |
– 19 |
– 11 |
– 42 |
Autres mesures diminuant les recettes |
– 43 |
6 |
– 17 |
– 54 |
TOTAL |
– 1 261 |
– 138 |
– 578 |
– 1 977 |
Les mesures nouvelles décidées après 2009, d’autre part, constituent le talon d’Achille de la prévision de taux de prélèvements obligatoires car celle-ci est réalisée sur la base de la législation en vigueur en 2008. Or, comme l’indique le tableau ci-dessous plusieurs mesures nouvelles postérieures à 2008 amputent de manière structurelle les recettes fiscales entre 2009 et 2013, à hauteur d’au moins (13) 8,3 milliards d’euros, soit 0,4 % de PIB.
IMPACT 2011-2013 DES MESURES NOUVELLES AFFECTANT LES RECETTES FISCALES
DE L’ÉTAT ET DÉCIDÉES APRÈS 2008
(en milliards d’euros)
Réforme de la taxe professionnelle |
– 4,3 |
TVA à 5,5 % dans la restauration |
– 3 |
Dérapage 2009 crédit d’impôt développement durable (14) |
– 0,6 |
LODEOM |
– 0,3 |
Autres État |
– 0,1 |
TOTAL |
– 8,3 |
La prévision de taux de prélèvements obligatoires en 2013 s’établit donc à 43 % à législation constante mais à 42,6 % à législation courante, c’est-à-dire compte tenu de l’impact des baisses d’impôts décidées après 2008. En anticipant un taux de 43 % en 2013, le Gouvernement suppose donc que non seulement les pertes conjoncturelles de recettes subies du fait de la crise seraient rattrapées en trois ans, mais aussi que la surréaction des recettes à la reprise économique soit assez forte pour effacer le coût des baisses d’impôts pérennes décidées en 2009.
● À ces réserves générales sur l’hypothèse d’élasticité des recettes fiscales à la croissance, s’ajoute une incertitude particulière sur la prévision d’impôt sur les sociétés, qui constitue l’élément clé de la prévision de recettes du programme de stabilité.
L’impôt sur les sociétés net retrouverait, en 2013, son niveau de 2008 à législation constante, à 2,5 % de PIB, soit environ 55 milliards d’euros. Son rebond entre 2010 et 2011 est évalué à 0,3 % de PIB, soit un tiers de la surréaction des prélèvements obligatoires, et suppose une élasticité à la croissance de l’ordre de 2,1. Cette hypothèse pourrait paraître ambitieuse en raison de deux éléments qui contribuent à amputer le produit de l’impôt sur les sociétés.
D’une part, l’IS connaît de nombreux allègements entre 2011 et 2013, pour un montant cumulé de 2,9 milliards d’euros, soit environ 0,15 % de PIB, récapitulés dans le tableau suivant. La croissance spontanée anticipée devra donc couvrir ces pertes de recettes.
ESTIMATION DU COÛT DES BAISSES D’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS ENTRE 2011 ET 2013
(en millions d’euros)
2011 |
2012 |
2013 |
Total | |
Crédit d’impôt recherche (hors mesures de relance) |
– 600 |
– 1 730 | ||
Suppression de l’imposition forfaitaire annuelle |
– 360 |
– 360 | ||
Crédit d’impôt intéressement |
– 400 |
– 450 |
– 850 | |
Prêt à taux zéro et éco-prêt à taux zéro |
– 370 |
– 160 |
– 330 |
– 860 |
Autres |
0 |
– 200 |
0 |
– 200 |
TOTAL |
– 1 730 |
– 810 |
– 330 |
– 2 870 |
D’autre part, du fait de la crise, les entreprises ont accumulé des déficits reportables en avant. En d’autres termes, les pertes qu’elles ont essuyées en 2008 et 2009 pourraient être traitées dans les années à venir comme des charges qui minoreraient leur bénéfice fiscal – et donc le produit de l’impôt sur les sociétés. Le compte général de l’État pour 2009 estime que « stock final de déficit reportable en avant susceptible de générer à terme une moindre imposition est estimé à 150 milliards d’euros en base, soit 50 milliards d’euros de droit brut théorique ». Sur la base d’un taux d’imposition effectif de 24 % (15), le produit de l’impôt sur les sociétés serait amputé, dans les années à venir, de 36 milliards d’euros, soit 1,8 % de PIB.
Au final, la prévision d’IS, qui est l’élément clé de la prévision d’évolution des prélèvements obligatoires, pourrait être surestimée.
III.– COMMENT RESPECTER L’OBJECTIF DE 6 % DE DÉFICIT PUBLIC EN 2011 ?
Dans le programme de stabilité transmis en janvier dernier à la Commission européenne, le Gouvernement s’est engagé à réduire le déficit public de 8 % à 6 % du PIB en 2011.
Compte tenu de l’engagement pris devant nos partenaires européens et de la nécessité d’affermir la crédibilité de la France vis-à-vis de ses créanciers, le Rapporteur général estime que cet objectif doit être atteint par tous les moyens.
A.– UNE ANNÉE SUR LAQUELLE SE JOUE LA CRÉDIBILITÉ FINANCIÈRE DE LA FRANCE
La crise de la dette publique qui frappe la zone euro impose d’assurer la crédibilité financière de la France en tenant les engagements pris dans le programme de stabilité.
● Pour 2010, le Gouvernement ne modifie pas sa prévision de déficit public, à 8 % de PIB. Cette estimation est fondée, comme le montre le tableau ci-dessous, sur un montant de mesures temporaires de l’ordre de 15,5 milliards d’euros (16), soit 0,7 % de PIB.
LES MESURES TEMPORAIRES EN 2010 (PRÉVISION)
(en milliards d’euros)
Surcoût temporaire de la réforme de la taxe professionnelle |
7,4 |
Remboursement anticipé de crédit d’impôt recherche |
2,5 |
Autres mesures fiscales de relance (17) |
0,5 |
Mission Plan de relance |
4,1 |
Prorogation du versement anticipé de FCTVA |
1 |
TOTAL |
15,5 |
Le surcoût temporaire de la réforme de la taxe professionnelle a été estimé, en projet de loi de finances pour 2010, à 7,4 milliards d’euros, soit près de 0,4 % de PIB. Sur la base du coût de la réforme, net d’IS et en régime de croisière, estimé à 4,3 milliards d’euros, se rajoutent, en 2010, les éléments suivants :
– le gain d’IS n’est perçu par l’État qu’en 2011 puisque l’IS perçu en 2010 est calculé sur les résultats de 2009, soit un surcoût temporaire de l’ordre de 1,5 milliard d’euros ;
– les versements au titre du plafonnement à la valeur ajoutée sont, en partie, effectués avec un an de décalage par rapport à l’exercice au titre duquel ils sont dus, soit un surcoût temporaire de 5 milliards d’euros en 2010 ;
– les mesures en faveur des entreprises perdantes s’élèvent à 500 millions d’euros, et elles ont vocation à disparaître en 2013 ;
– un décalage dans le versement de la contribution sur la valeur ajoutée conduit à un dernier surcoût de 400 millions d’euros.
Le tableau suivant récapitule ces différents éléments.
LE COÛT DE LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE EN 2010
(en milliards d’euros)
Coût net d'IS en régime de croisière |
4,3 | |
Surcoût temporaire : 7,4 |
Coût brut hors IS |
1,5 |
PVA |
5 | |
Perdants |
0,5 | |
Versements décalés CVA |
0,4 | |
Coût en 2010 |
11,7 |
Une telle évaluation pourrait toutefois constituer une fourchette basse. Le Rapporteur général rappelle, à cet égard, les réserves qu’il a exprimées sur l’estimation du coût de la réforme (18).
● La diminution du déficit public de 8 % à 6 % du PIB passerait principalement par la recherche d’environ 20 milliards d’euros d’économies sur la dépense. Le taux de dépenses publiques serait en effet réduit de 1,2 % de PIB du fait de la disparition des mesures de relance pour 0,2 % de PIB et d’une réduction de 1 % de PIB de la dépense pérenne.
En ce qui concerne les recettes, le taux de prélèvements obligatoires augmenterait d’environ 0,8 % de PIB du fait principalement de la disparition des mesures fiscales temporaires – surcoût de la réforme de la taxe professionnelle en 2010, mesures fiscales de relance – pour 10,4 milliards d’euros, soit 0,5 % de PIB. Par ailleurs, la hausse des taux des collectivités territoriales, qu’anticipe le Gouvernement, est supposée entraîner un surplus de ressources de l’ordre de 1,2 milliard d’euros, à 0,05 % de PIB. La surréaction des prélèvements obligatoires à la croissance, que l’on peut estimer à 0,1 % de PIB, soit 2 milliards d’euros, est également à prendre en compte. Enfin, le volet fiscal de la réforme des retraites conduirait à la perception de nouvelles recettes à hauteur de 3,7 milliards d’euros, soit environ 0,2 % de PIB. Le Gouvernement n’a pas précisé si les nouvelles ressources générées par la réforme des retraites s’imputaient sur le montant de 2 milliards d’euros de réduction des niches fiscales prévu en 2011 ou si elles s’y rajoutaient.
Compte tenu de la disparition des mesures temporaires affectant l’exercice 2010 – surcoût de la réforme de la taxe professionnelle et mesures de relance –, l’effort à fournir en 2011 doit permettre de ramener le déficit public de 7,3 % à 6 % du PIB, soit un effort de 1,3 % de PIB, d’une ampleur comparable à celui prévu les années suivantes.
Le tableau suivant récapitule les différentes évolutions devant conduire à la réduction du déficit à 6 % de PIB – soit environ 122 milliards d’euros – en 2011.
RÉDUIRE LE DÉFICIT À 6 % DE PIB EN 2011
(en milliards d’euros)
Prévision 2011 toutes APU | ||
Plus-values de recettes : – croissance spontanée (y compris surréaction à la croissance) : 35 – disparition mesures de relance : 11 – mesures discrétionnaires (retraites : 3,7 ; niches : 2 ; APUL : 1,2) : environ 7
| ||
Pertes de recettes pérennes (« coups partis ») : – 1 |
Évolution du solde : + 34 |
Hausse pérenne des charges globales maximum : – 18 |
Au lieu de 42 (croissance tendancielle), grâce à : – disparition des mesures de relance : 4 – économies de 18 à 20 à réaliser |
● Dans l’hypothèse où le taux de croissance du PIB en 2011 était inférieur à la prévision, l’effort à réaliser serait plus important sans toutefois que soit modifié l’ordre de grandeur des marges de manœuvre à dégager. Toutes choses égales par ailleurs (19), sur la base d’un taux de croissance de 2 % en volume, la croissance spontanée des prélèvements obligatoires serait amputée d’environ 3,2 milliards d’euros et l’effet « dénominateur » sur le ratio déficit/PIB jouerait à hauteur de 600 millions d’euros. En l’absence de mesures complémentaires, le déficit public serait donc augmenté d’environ 3,8 milliards d’euros et s’établirait à 6,2 % du PIB en 2011.
● Le Rapporteur général remarque que, avant même que le projet de loi de finances pour 2011 ne soit examiné, près de 1,3 milliard d’euros de marges de manœuvre budgétaires sont préemptés en 2011 par des mesures nouvelles en matière de recettes.
La poursuite de la montée en charge du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt représente un coût cumulé de 1,2 milliard d’euros et celle du crédit d’impôt recherche de 600 millions d’euros. La suppression de la dernière tranche d’imposition forfaitaire annuelle (IFA) entraîne une perte de recettes, nette d’IS, de l’ordre de 360 millions d’euros.
À ces éléments récurrents depuis plusieurs années, se rajouterait la montée en charge du crédit d’impôt sur l’intéressement, pour un total cumulé de l’ordre de 400 millions d’euros en 2011.
B.– GELER EN VALEUR LES DÉPENSES DE L’ÉTAT HORS PENSIONS ET HORS INTÉRÊTS DE LA DETTE
● Du point de vue des dépenses de l’État, l’année 2011 constitue le point de départ d’une nouvelle programmation triennale. Les plafonds de dépenses par mission pour les années 2011, 2012 et 2013 seront présentés par le Gouvernement lors du débat d’orientation des finances publiques en juillet, puis soumis à l’approbation du Parlement à l’automne dans la prochaine loi de programmation des finances publiques.
La norme régissant l’évolution des dépenses de l’État devrait demeurer inchangée. Sera ainsi reconduit le principe d’un gel en volume de l’ensemble formé par les dépenses nettes du budget général, les prélèvements sur recettes et les affectations de ressources à d’autres personnes publiques. C’est déjà ce que prévoit, pour la période 2010-2012, l’article 5 de la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009 – à l’exclusion des dépenses de relance et, depuis, des investissements d’avenir définis dans le collectif budgétaire du 9 mars 2010.
Toutefois, l’évolution prévisionnelle des charges de pensions et des intérêts de la dette sur la période 2011-2013 devrait absorber la totalité de la marge de manœuvre offerte par la stabilisation en volume des dépenses (c’est-à-dire par l’évolution des prix : + 1,6 % en 2011, puis + 1,75 % en 2012 et 2013). Ainsi, pour les trois années à venir, l’habituelle norme de dépense change de signification : elle aboutit à geler en valeur l’ensemble des dépenses de l’État hors pensions et hors intérêts de la dette. Elle pourrait même conduire à les diminuer en valeur si d’autres dépenses exogènes et inéluctables – par exemple le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne – étaient appelées à augmenter durant cette période.
Le programme de stabilité et le futur budget triennal 2011-2013 ne prévoient donc pas de franchir une nouvelle étape, plus contraignante, dans la maîtrise de la dépense : les quelque 350 milliards d’euros de charges encadrées par la norme de dépense continueront, comme par le passé, d’augmenter d’au moins 5 à 6 milliards d’euros d’une année sur l’autre, au rythme de l’évolution des prix.
Une double différence devrait cependant apparaître avec les pratiques récentes – traduisant ainsi d’authentiques efforts supplémentaires de maîtrise de la dépense à partir de 2011.
D’une part, on peut former le vœu que, pour 2011-2013, les dépenses de l’État n’augmentent effectivement que du montant autorisé par l’inflation, sans que, comme dans un passé récent, la règle ne soit transgressée par des contournements (dépenses des comptes spéciaux, dépenses des opérateurs, dépenses fiscales), des entorses (dépassement de la norme de dépense en exécution 2008) et des exceptions, que ces dernières soient légitimes (plan de relance, investissements d’avenir) ou critiquables (changements de périmètre discutables ; quasi-absence en pratique de prise en compte des affectations supplémentaires de recettes aux opérateurs) (20).
D’autre part, du fait de la forte dynamique tendancielle des charges de pensions (21) et des intérêts de la dette (22) dans les années à venir, l’ensemble des autres dépenses de l’État seront soumises à des contraintes d’évolution beaucoup plus drastiques que par le passé. De ce dernier point de vue, un effort supplémentaire de maîtrise de la dépense est donc bien à l’ordre du jour pour les années 2011 à 2013.
● Les perspectives budgétaires pour 2011 confirment l’ampleur des économies à réaliser pour permettre le respect de la norme de dépense.
Si le niveau prévisionnel d’inflation dans le projet de loi de finances pour 2011 est le même que dans le dernier programme de stabilité (soit 1,6 %), l’augmentation des dépenses de l’État par rapport à la loi de finances initiale pour 2010 serait limitée à environ 5,6 milliards d’euros l’année prochaine.
CALCUL DE LA NORME DE DÉPENSE POUR 2011
(en milliards d’euros)
Dépenses prévues en LFI 2010 |
|
Dépenses nettes du budget général (hors relance) |
281,1 |
PSR Union européenne |
18,2 |
PSR collectivités locales (hors relance FCTVA et hors compensation relais TP) |
53,3 |
Dépenses totales (1) |
352,6 |
Inflation prévisionnelle 2011 |
|
Indice des prix à la consommation hors tabac (programme de stabilité) (2) |
1,6 % |
Dépenses supplémentaires autorisées dans le PLF 2011 (1) x (2) |
5,6 |
La totalité de cette marge de manœuvre serait absorbée par une augmentation des intérêts de la dette d’environ 3,5 milliards d’euros et par une progression des charges de pension d’environ 2 milliards d’euros. Ces montants sont à considérer avec précaution, le Rapporteur général n’ayant, en dépit de ses demandes, bénéficié d’aucune information de la part du ministère du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.
Dans ce contexte, les concours financiers aux collectivités locales seraient stabilisés en valeur en 2011, alors qu’ils l’étaient en volume dans la programmation précédente (23). Les remboursements du FCTVA en seraient désormais exclus, conformément aux recommandations du groupe de travail sur la maîtrise des dépenses locales (24). Le montant de l’enveloppe gelée serait donc d’environ 51 milliards d’euros, soit une économie d’environ 800 millions d’euros par rapport à une stabilisation en volume.
Les autres dépenses du budget général (hors remboursements et dégrèvements, charge de la dette et pensions) seraient également stabilisées en valeur, voire diminuées. En effet, une éventuelle augmentation en 2011 du prélèvement au profit de l’Union européenne ou du FCTVA (lequel demeure inclus, en tant que prélèvement sur recettes, dans le périmètre de la norme de dépense de l’État) devrait être compensée par une réduction à due concurrence des dépenses du budget général.
Concrètement, pour permettre le respect de telles orientations budgétaires, valables pour toute la durée du budget triennal, le Rapporteur général suggère de s’appuyer sur trois grands axes de réforme.
En premier lieu, il convient de tendre vers un gel en valeur des dépenses de personnel hors pensions. Le volume financier en jeu est d’environ 82 milliards d’euros en 2010 (25), soit près de 30 % des dépenses du budget général. Les résultats de l’exécution budgétaire 2009 montrent que cet objectif est encore loin d’être atteint : les dépenses de personnel hors pensions ont excédé les crédits votés en loi de finances initiale d’environ 0,6 milliard d’euros et augmenté par rapport à 2008 d’environ 0,8 milliard d’euros à périmètre constant (26). Les seules économies offertes chaque année par le non remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux (environ un milliard d’euros d’économies brutes, soit 0,5 milliard d’euros après la redistribution de 50 % au bénéfice des agents) ne suffisent manifestement pas à garantir un « autofinancement » de la masse salariale de l’État. Elles doivent donc être complétées par une politique des rémunérations (évolution du point et des mesures catégorielles ; maîtrise du GVT positif (27)) qui permette d’atteindre cet objectif.
En deuxième lieu, les réformes entreprises pour réduire les dépenses de fonctionnement de l’État doivent être amplifiées. Les dépenses de fonctionnement (hors personnel et hors remboursements et dégrèvements) représentaient 42,5 milliards d’euros dans la loi de finances initiale pour 2010, soit 18 milliards d’euros hors subventions aux opérateurs (28). La poursuite de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et le durcissement des règles de pilotage des opérateurs de l’État sont donc indispensables.
En dernier lieu, les dépenses d’intervention de l’État constituent un troisième gisement d’économies – d’autant plus important qu’il a, jusqu’à présent, été moins sollicité que les précédents. Dès 2007, le Rapporteur général soulignait qu’« il y aurait quelques naïvetés à penser que la diminution des dépenses publiques pourrait s’appuyer sur la seule réduction du "train de vie de l’État". Il convient donc de réfléchir également à l’évolution des missions de l’État régulateur économique et social. Les dépenses d’intervention sont ainsi un secteur dans lequel il est possible d’améliorer l’efficacité de l’action publique tout en réduisant les coûts » (29).
Sur les deux derniers points, le Premier ministre a annoncé une réduction des dépenses de fonctionnement et d’intervention de l’État de 10 % d’ici à 2013, dont 5 % dès 2011. Les contours exacts de cet engagement sont encore loin d’être clairs : les dépenses de fonctionnement visées incluent-elles les subventions aux opérateurs de l’État ? Comment l’effort de réduction sera-il réparti sur les trois années ? La réduction annoncée de 5 % dès 2011 vaut-elle pour les seules dépenses de fonctionnement ou également pour les dépenses d’intervention ? Au sein des dépenses d’intervention, quels dispositifs seront concrètement concernés ?
PERSPECTIVES DE RÉDUCTION DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT ET D’INTERVENTION DE L’ÉTAT
(en milliards d’euros)
LFI |
2011 |
2012 |
2013 |
Effort total | |
– 5 % |
– 2,5 % |
– 2,5 % |
– 10 % | ||
(titre 3 hors R&D et hors PRE) |
42,5 |
– 2,1 |
– 1,1 |
– 1,1 |
– 4,2 |
soit hors subventions aux opérateurs |
18,0 |
– 0,9 |
– 0,5 |
– 0,5 |
– 1,8 |
Dépenses d’intervention (titre 6 hors R&D, hors garanties et hors PRE) |
65,0 |
– 3,2 |
– 1,6 |
– 1,6 |
– 6,5 |
Total |
107,4 |
– 5,4 |
– 2,7 |
– 2,7 |
– 10,7 |
Total hors subventions aux opérateurs |
83,0 |
– 4,1 |
– 2,1 |
– 2,1 |
– 8,3 |
R&D : remboursements et dégrèvements ; PRE : plan de relance de l’économie.
Source : Calculs du Rapporteur général.
À titre indicatif, le tableau ci-avant fournit des ordres de grandeur des économies susceptibles d’être obtenues en appliquant l’engagement de réduction de 10 % durant la période 2011-2013. Selon que les subventions aux opérateurs sont ou non incluses dans le périmètre, les économies programmées varient d’environ 8 à 11 milliards d’euros en trois ans, dont environ 6,5 milliards d’euros pour les seules dépenses d’intervention.
Là encore, il apparaît essentiel que le Gouvernement précise ses intentions et les mesures concrètes qui les sous-tendent. Conserver la confiance des investisseurs en annonçant des réductions drastiques de dépenses publiques suppose en effet que ces engagements soient crédibles.
C.– ENTAMER, DÈS 2011, UN EFFORT STRUCTUREL DE CONSOLIDATION DES RESSOURCES PUBLIQUES
Pour assurer le retour à une trajectoire d’endettement soutenable, la protection des intérêts financiers de l’État doit devenir la priorité de la politique fiscale de la décennie qui s’ouvre.
Le programme de stabilité prévoit une réduction des niches fiscales et sociales de 2 milliards d’euros en 2011 par an. Parallèlement, le volet fiscal de la réforme des retraites conduirait à la perception de nouvelles recettes à hauteur de 3,7 milliards d’euros, soit environ 0,2 % de PIB. Le Rapporteur général estime que ces nouvelles ressources doivent se rajouter à l’objectif de réduction des niches fiscales et sociales. De même, les conséquences budgétaires de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2010 doivent être compensées, pour 2,2 milliards d’euros. Enfin, l’impact des mesures fiscales nouvelles en 2011, soit 1,3 milliard d’euros, doit également être gagé.
● En premier lieu, le Gouvernement s’est engagé à réduire de 5 milliards d’euros, dès le projet de loi de finances pour 2011, les niches fiscales et sociales, dont 2 milliards d’euros ayant un impact budgétaire dès 2011. Lors de son audition devant la Commission, le ministre chargé du budget a annoncé son intention de porter cet effort à, au moins, 8,5 milliards d’euros.
Pour être juste et efficace, un tel effort doit porter sur les principales impositions affectées au budget général de l’État : impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, impôt de solidarité sur la fortune, taxe sur la valeur ajoutée, taxe intérieure sur les produits pétroliers.
Pour atteindre cet objectif, la diminution forfaitaire des avantages tirés de dispositifs fiscaux dérogatoires du droit commun – le « coup de rabot » sur les dépenses fiscales – constitue une piste sérieuse. Son assiette doit être la plus large possible pour en assurer un rendement suffisant. S’agissant des niches relatives à l’impôt sur le revenu, le périmètre du coup de rabot du plafonnement global pourrait constituer une base de départ intéressante.
En outre, une réflexion doit être engagée sur le relèvement de certains taux réduits de TVA, ainsi que sur les dépenses fiscales relatives à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, et en particulier celles en faveur des biocarburants.
Au total, le Rapporteur général considère qu’un objectif de réduction des niches fiscales et sociales à hauteur de 10 milliards d’euros dès 2011 (décomposé en 4 milliards d’euros pour le social et en 6 milliards d’euros pour le fiscal) est à notre portée. Le tableau suivant décompose le volet fiscal de cet objectif.
PISTES DE RÉDUCTIONS DE DÉPENSES FISCALES
(en millions d’euros)
Impôt |
Mesure |
Économie attendue en 2011 |
Impôt sur le revenu |
Application d’une réfaction de 10% sur les niches comprises dans le périmètre d’un plafonnement global élargi à la réduction d’impôt au titre des dons |
1 200 |
Aménagement du crédit d’impôt développement durable |
600 | |
ISF |
Application d’une réfaction de 10% sur les réductions au titre des investissements dans les PME (670 millions) et des dons (50 millions) |
70 |
Impôt sur les sociétés |
Application d’une réfaction de 10% sur les niches |
400 |
Taxe sur la valeur ajoutée |
Hausse de 5,5% à 12% du taux réduit sur le logement dans les hôtels |
750 |
Hausse de 5,5% à 12% du taux réduit sur la restauration |
1 500 | |
Hausse de 5,5% à 12% du taux réduit sur les matériaux utilisés pour la rénovation de logements |
1 000 | |
Taxe intérieure sur les produits pétroliers |
Anticipation à 2011 de la suppression de la défiscalisation au profit des biocarburants |
480 |
Total |
6 000 |
● Par ailleurs, les nouvelles ressources prévues pour financer les retraites doivent se rajouter à l’objectif de réduction de 0,3 % de PIB des niches fiscales et sociales. Ces nouvelles recettes atteindraient 3,7 milliards d’euros en 2011 et 4,6 milliards d’euros en 2020. La principale mesure est l’annualisation des allègements généraux de charges sociales, dont le rendement est estimé à 2 milliards d’euros en 2011, soit plus de la moitié des nouvelles ressources. Le tableau suivant offre le détail de ces mesures.
MESURES DE RECETTES EN FAVEUR DU FINANCEMENT DES RETRAITES
(en milliards d’euros)
|
Rendement en 2011 |
Rendement en 2020 (30) |
TOTAL |
3 700 |
4 620 |
Annualisation des allègements généraux de charges sociales |
2 000 |
2 400 |
Suppression du crédit d’impôt sur les dividendes |
645 |
800 |
Augmentation de 40 % à 41 % du taux marginal du barème de l’impôt sur le revenu |
230 |
290 |
Suppression du plafonnement de la quote-part pour frais et charges sur les dividendes reçus par une société mère de ses filiales |
200 |
250 |
Imposition des plus-values de cessions de valeurs mobilières au premier euro |
180 |
220 |
Stock-options : contribution patronale sur la valeur des options de 10 % à 14 %et contribution salariale sur le gain de la levée de 2,5 % à 8 % |
70 |
200 |
Hausse d’un point du prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et intérêts (18 % à 19 %) |
130 |
160 |
Retraites-chapeaux : suppression de l’abattement de 1 000 euros pour l’imposition des rentes et instauration d’une contribution salariale spécifique de 14 % |
110 |
140 |
Hausse d’un point des prélèvements sur plus-values de cessions mobilières (18 % à 19 %) |
90 |
110 |
Hausse d’un point des prélèvements sur plus-values de cessions immobilières (16 % à 17 %) |
45 |
50 |
Source : ministère du Travail, de la solidarité et de la fonction publique
● En troisième lieu, les conséquences budgétaires de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2010 doivent être compensées. Les annulations prononcées ont en effet conduit à une perte de recettes de l’ordre de 2,2 milliards d’euros pour l’État, répartie en 1,4 milliard d’euros pour la taxe carbone et 800 millions d’euros pour l’imposition des bénéfices non commerciaux dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle.
Le Rapporteur général estime que ces pertes de recettes doivent être compensées et que les entreprises, qui étaient visées par les deux impositions déclarées non conformes à la Constitution, devraient être mises à contribution. À titre d’exemple, le maintien de la dernière tranche d’imposition forfaitaire annuelle (IFA), dont la suppression est programmée en 2011, pourrait être envisagé.
● Enfin, les mesures fiscales déjà décidées doivent voir leur coût compensé en 2011, à hauteur de 1,3 milliard d’euros. Compte tenu de l’état des finances publiques, toute mesure nouvelle tendant à amoindrir les recettes doit en effet être gagée.
AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES
Au cours de sa première séance du mercredi 23 juin 2010, la Commission entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.
M. le président Jérôme Cahuzac. Je suis heureux, monsieur le Premier président, de vous souhaiter la bienvenue pour la deuxième fois en un mois. Nous vous avons en effet entendu le 26 mai dernier au sujet de la certification des comptes de l’État et du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009. Nos questions avaient parfois débordé sur les perspectives pour l’année en cours et les années suivantes et vous aviez renvoyé vos réponses à l’audition d’aujourd’hui, consacrée à la présentation du rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques.
La préoccupation majeure, pour la Cour comme pour le Parlement, est celle de la soutenabilité des finances publiques. Cette problématique, à laquelle se consacre également le groupe de travail Camdessus sur l’équilibre des finances publiques, fera l’objet d’un débat en séance publique le 6 juillet prochain.
En 2009, les dépenses fiscales ont crû de 6,2 %. La Cour estime-t-elle, comme on pourrait le comprendre à la lecture de son rapport, qu’elles ne sont plus sous contrôle ? Le cas échéant, quelles mesures préconiserait-elle pour retrouver la maîtrise de ces dépenses ?
Du reste, la Cour remarque que la définition même des dépenses fiscales est ambiguë et que leur liste n’est pas d’une cohérence irréprochable.
La Cour estime également que le montant du plan de relance s’élève à 46,2 milliards d’euros, c'est-à-dire plus que les 35,5 milliards d’euros prévus. Ce n’est pas en soi répréhensible, mais il semble que certaines dépenses censées être réversibles ne le seraient pas. Pourriez-vous nous indiquer lesquelles, et le coût que cela pourrait représenter les années suivantes ?
Par ailleurs, une disposition organique – dont notre collègue Jean-Luc Warsmann est à l’origine – prévoit que tout transfert de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, doit s’accompagner d’un transfert correspondant de recettes. La Cour préconise-t-elle que l’on revienne sur cette disposition et que l’on permette l’allongement de la durée d’amortissement de la CADES, en faisant davantage peser sur les générations futures les dettes constituées par les générations précédentes ? Recommande-t-elle plutôt que l’on maintienne cette disposition, ce qui suppose, dans le cas de transferts de dettes, des transferts de recettes ?
Sans porter de jugement sur la nature même de l’opération, estimez-vous suffisant le montant des recettes que l’on s’apprête à transférer du Fonds de réserve pour les retraites, le FRR, vers la CADES pour éponger le déficit du régime de retraites dans les dix prochaines années ?
La Cour envisage la possibilité de prélèvements ciblés supplémentaires. Elle suggère à juste titre que ces prélèvements ne pénalisent pas l’emploi et évoque des pistes telles que l’impôt foncier ou les taxes environnementales. Peut-on avoir des précisions ?
S’agissant enfin de la réduction des niches fiscales, la Cour appelle là aussi à prendre en compte le critère de l’emploi afin de ne pas le pénaliser. Selon elle, l’abaissement du plafond des dépenses ouvrant droit à une réduction d’impôt pour emploi à domicile – aujourd'hui fixé à 15 000 euros – présente-t-il ce risque ? La même question se pose pour la prime pour l’emploi (PPE).
M. le président Pierre Méhaignerie. Je salue amicalement M. Didier Migaud, que je suis heureux de revoir.
La commission des Affaires sociales et la commission des Finances ont besoin de travailler ensemble. Lorsque l’on additionne la branche vieillesse, les dépenses de santé et les vingt-cinq prestations sociales dispensées de la naissance à la mort, le poids des dépenses sociales atteint 500 milliards d’euros. M. Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France, nous a récemment indiqué que nous avions largement dépassé la Suède en la matière mais que les résultats n’étaient pas à la mesure de ces dépenses. Dans ce secteur également, nous devons rechercher ensemble l’efficience.
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. C’est un grand honneur de vous présenter aujourd’hui, en ma qualité de Premier président de la Cour des comptes, le rapport 2010 sur la situation et les perspectives des finances publiques. Je suis accompagné de M. Christian Babusiaux et Mme Rolande Ruellan, présidents de chambre, et de plusieurs collègues qui ont participé à l’élaboration de ce rapport, MM. Jean-Raphaël Alventosa, François Monier et François Écalle.
Je me réjouis de cette nouvelle audition commune à vos deux Commissions, qui donne toute sa portée au tableau d’ensemble de nos finances publiques que je vais vous exposer.
Le rapport dont je vous rends compte aujourd’hui a été établi conformément à l’article 58-3 de la LOLF. Il est destiné à nourrir vos débats d’orientation budgétaire et sur les finances sociales que vous tiendrez conjointement. Il complète le rapport sur les résultats et l’exécution du budget de l’État et l’acte de certification de ses comptes, que j’ai présentés à la commission des Finances de votre Assemblée le 26 mai dernier, ainsi que l’acte de certification des comptes du régime général de sécurité sociale, qui a été rendu public hier. Avant l’été, votre commission des Finances sera également destinataire de la communication sur l’exécution du plan de relance qu’elle nous a demandée.
S’il fallait résumer les conclusions de ce rapport, je vous dirais que l’état de nos finances publiques s’est aggravé de façon très sérieuse en 2009 et début 2010, mais que la situation n’est pas encore irréversible si la France s’attelle dès maintenant à une action de redressement forte, crédible et durable.
Dans ses rapports précédents, la Cour avait souligné déjà la dégradation de notre situation financière et la nécessité d’un effort de consolidation sans précédent. Mais dans ce rapport, nous constatons que si la gravité du mal dont nos finances publiques sont atteintes est de longue date chronique, ce mal a franchi un nouveau stade. Il y a donc urgence à prendre des mesures immédiates, sauf à hypothéquer notre indépendance et notre souveraineté si les tendances actuelles devaient un tant soit peu se poursuivre. Avant de décrire les perspectives de nos finances publiques, arrêtons-nous quelques instants sur l’exercice 2009 et sur 2010.
La très forte augmentation du déficit et de l’endettement publics constatée l’an dernier est principalement attribuable à la récession et aux mesures de relance prises pour y faire face. Mais les variations conjoncturelles n’expliquent pas tout, tant s’en faut : le déficit structurel de nos finances publiques a continué en effet de se creuser l’an dernier.
En 2009, notre déficit et notre endettement publics ont atteint un niveau sans précédent depuis l’après-guerre. Le déficit public s’est élevé à 7,5 % du PIB, en raison de la forte croissance des dépenses publiques, qui a atteint 3,7 % en volume, et de la baisse du produit des prélèvements obligatoires de plus de 5 % par rapport à 2008.
Effets de la crise, pourrait-on penser en première analyse ? C’est effectivement le cas s’agissant des dépenses du plan de relance, pour un montant de plus de 7 milliards d’euros, des investissements locaux induits par le remboursement anticipé de TVA aux collectivités, pour probablement moins de 1 milliard d’euros, et de l’accroissement de plus de 4 milliards d’euros des allocations chômage versées.
Mais si l’on exclut ces différentes mesures, on constate un rythme d’augmentation des dépenses publiques de 2,4 %, légèrement supérieur à l’évolution constatée depuis 1998 – 2,3 % –, loin du 1 % prévu dans la loi de programmation des finances publiques pour 2008-2012.
Pourtant, les charges d’intérêt payées au titre de la dette ont fortement diminué du fait de la baisse des taux. Ce sont donc les dépenses courantes, hors intérêts de la dette, hors investissement, et hors mesures de relance et d’assurance chômage, qui ont fortement progressé, de 3,7 % en volume. Comme le craignait Philippe Séguin l’année dernière devant vous, il y a bien eu un phénomène de « décompensation » en 2009, avec un relâchement des efforts de maîtrise des dépenses publiques, y compris dans des secteurs qui n’étaient pas directement concernés par les mesures de soutien à l’économie.
La baisse des recettes est très majoritairement attribuable à la récession, ainsi que, dans une moindre mesure, au volet fiscal du plan de relance. Mais il y a eu également des baisses pérennes de prélèvements obligatoires consenties par l’État, comme la diminution du taux de TVA sur la restauration, et en sens inverse des hausses de recettes affectées aux organismes de protection sociale ou décidées par les collectivités territoriales. Au total, le coût net de ces mesures nouvelles aurait aggravé le déficit public de 2,5 milliards d’euros en 2009.
On voit donc que, du côté des dépenses comme des recettes, la crise a indéniablement pesé. Elle n’explique toutefois qu’une partie de la dégradation de nos finances publiques. Pour dresser un diagnostic précis du mal qui les frappe, il est nécessaire de distinguer entre les composantes conjoncturelles et structurelles du déficit. Il faut pour cela procéder à des calculs compliqués, sur la base d’une prévision de croissance potentielle, dont on pense qu’elle pourrait être durablement affectée par la récession de 2009.
Je signale que le chiffrage de la Cour ne prend pas en compte les mesures de relance que nous avons considérées comme non pérennes, à la différence de la Commission européenne qui arrive à un niveau de déficit structurel sensiblement plus élevé que le nôtre.
Aux termes de ces calculs, la Cour estime que le déficit structurel a encore progressé par rapport à 2008, où il atteignait 3,9 %. Il s’élèverait à environ 5 % du PIB en 2009 et représenterait donc les deux tiers du déficit constaté. La crise et les mesures de relance n’expliqueraient pour leur part qu’un tiers du déficit global.
La forte augmentation du déficit public de 4,2 points de PIB est principalement attribuable à l’État et à ses divers organismes d’administration centrale.
Je n’y reviens pas, puisque j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer devant votre commission des Finances à l’occasion de la présentation du rapport sur les résultats et l’exécution budgétaire de l’État.
L’année 2009 aura également été marquée par une forte hausse des déficits sociaux. Là encore, les mêmes causes produisent les mêmes effets : une forte croissance des dépenses, +4,5 % après +3,1 % en 2008, avec diminution des recettes due à la baisse en valeur de la masse salariale privée, de -1,3 %.
Ce déficit est principalement concentré sur le régime général de sécurité sociale.
Celui-ci atteint 20,3 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter 3,2 milliards de déficit pour le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV. En 2009, les quatre branches du régime général sont dans le rouge :
L’assurance maladie, dont le solde est négatif de plus de 10 milliards d’euros, est responsable de la moitié du déficit d’ensemble des branches. L’Objectif national de dépenses d’assurance maladie – ONDAM – a été à nouveau dépassé de 700 millions d’euros en 2009, du fait d’une sous-estimation des dépenses hospitalières et de la réalisation incomplète des économies prévues en loi de financement ;
La branche retraite voit son déficit se creuser à nouveau, à 7,2 milliards d’euros, confirmant la tendance observée depuis 2005, et ce malgré une croissance moins vive des prestations servies grâce au ralentissement des départs anticipés ;
La branche famille enregistre également un déficit important de 1,8 milliard d’euros, alors qu’elle était proche de l’équilibre en 2008 ;
Quant à l’assurance chômage, qui avait dégagé d’importants excédents en 2007 et 2008, elle est redevenue déficitaire en 2009 avec un résultat négatif de plus de 1 milliard d’euros.
Dans ce panorama, les collectivités territoriales se distinguent puisque leur déficit a diminué de plus de 3 milliards d’euros en 2009 et représente désormais 0,3 % du PIB, contre 0,4 % en 2008.
Leurs recettes ont progressé plus fortement que leurs dépenses, grâce aux remboursements anticipés de TVA, qui ont constitué un concours de trésorerie exceptionnelle sans avoir un effet très important sur l’investissement.
Les dépenses de fonctionnement des collectivités ont pour leur part décéléré sensiblement par rapport aux années précédentes, sauf pour les intercommunalités. Ces évolutions positives masquent l’aggravation de la situation financière de nombreux départements, victimes d’un « effet de ciseau » entre le dynamisme des dépenses sociales et la faible progression de leurs recettes.
Plus préoccupant, le déficit primaire, c’est-à-dire hors charges d’intérêt de la dette, est passé de 0,5 % du PIB en 2008 à 5,1 % en 2009. Dans ces conditions, il est impossible de stabiliser l’endettement en pourcentage du PIB, la France devant emprunter pour payer non seulement les intérêts de la dette, mais aussi une partie des dépenses courantes hors intérêt. C’est le fameux effet « boule-de-neige » que Philippe Séguin avait décrit l’année dernière.
La dette au sens du traité de Maastricht a augmenté en une seule année de plus de 10 points de PIB. Elle représente 78,1 % du PIB, et atteint presque 1 500 milliards d’euros.
La dette publique est portée à près de 80 % par l’État et les organismes qui lui sont rattachés, dont l’endettement a progressé de 135 milliards d’euros en 2009. La dette sociale a augmenté pour sa part de 31 milliards, en comptant le découvert de trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, qui a atteint plus de 24 milliards d’euros à la fin de 2009. Au total, avec les déficits transférés à la CADES et non amortis, la dette sociale atteint près de 150 milliards d’euros, soit quasiment le niveau de la dette locale, qui s’établit à 157 milliards d’euros, en hausse de 9 milliards d’euros. Toutefois, ces deux dettes présentent une différence fondamentale : la dette sociale est profondément anormale, nos principes de sécurité sociale voulant que les cotisations couvrent les prestations ; la dette locale résulte quant à elle d’investissements et a pour contrepartie des actifs.
Pour comprendre mieux encore l’état réel de nos finances publiques, au-delà des chiffres que je viens de citer, il nous faut recourir à des comparaisons internationales. Notre position était défavorable en 2008, elle l’est restée en 2009.
Notre déficit et notre dette publics ont augmenté dans les mêmes proportions que dans les autres pays européens, alors même que la récession a été moins violente en France que dans le reste de l’Europe et bien que notre plan de relance ait été d’une ampleur plus limitée.
Mais le plus inquiétant, c’est le décrochage de la France par rapport à l’Allemagne. Alors même qu’entre 2002 et 2005, notre déficit public était inférieur à celui constaté outre-Rhin, il n’a cessé depuis lors de diverger de manière croissante : il est ainsi supérieur de plus de 4 points de PIB en 2009.
Notre déficit structurel, qui était supérieur de 1 point de PIB à celui de l’Allemagne en 2006, le dépasse désormais de 4 points.
Quant à l’écart entre les soldes primaires français et allemand, il dépasse pour la troisième année consécutive les 3 points de PIB, et n’a jamais été aussi important. Notre dette publique, qui était inférieure à celle de l’Allemagne jusqu’à fin 2007, lui est désormais supérieure de 5 points.
Ces écarts croissants tiennent, pourriez-vous dire, à une gestion trop restrictive des finances publiques en Allemagne. Il ne me revient pas de trancher ce débat. Mais je note que la dégradation de notre position en Europe est également patente lorsque l’on compare la France à l’Italie. Notre déficit public comme notre solde structurel sont ainsi supérieurs depuis trois ans à ceux de l’Italie, même si notre dette reste inférieure.
En 2010, au sortir de la récession et alors que le plan de relance s’achève, nous pouvions espérer un rétablissement. Il n’en est rien. Les prévisions du Gouvernement pour 2010 annoncent en effet une nouvelle dégradation.
Le déficit public atteindrait 8 % du PIB en 2010, en augmentation d’un demi-point par rapport à 2009. La dette publique passerait quant à elle de 78,1 à 83,7 % du PIB.
Comment expliquer cette nouvelle dégradation ? À nouveau, par une croissance encore trop forte des dépenses publiques, qui s’établirait à 1,7 % en volume hors relance et allocations chômage, soit un niveau bien supérieur à l’objectif de 0,6 % retenu pour la période 2011-2013 ; et par une insuffisante sécurisation des recettes, avec en particulier l’effet de la réforme de la taxe professionnelle.
Dès lors, le déficit structurel compte non tenu des mesures de relance atteindrait 5,7 % du PIB, soit plus de 100 milliards d’euros, en hausse de plus d’un demi-point par rapport à 2009.
L’ensemble des administrations publiques serait concerné en 2010, même si les organismes sociaux seront les plus affectés en raison du faible dynamisme de la masse salariale.
En retenant les hypothèses du Gouvernement, le déficit du régime général serait proche de 27 milliards d’euros, dont la moitié proviendrait de l’assurance maladie. Il faut y ajouter le déficit du FSV, qui s’élèverait à 4,3 milliards d’euros.
L’assurance chômage verrait son besoin de financement croître fortement, pour s’élever à 4,1 milliards d’euros, son déficit cumulé dépassant 10 milliards à la fin de 2010.
Le déficit budgétaire de l’État atteindrait un niveau inégalé, de 152 milliards d’euros. Pourtant l’État anticipe un fort rebond de ses recettes fiscales nettes. Cette prévision apparaît volontariste au regard de la précédente récession de 1993, qui s’était traduite par une élasticité des recettes fiscales sensiblement inférieure à l’évolution du PIB pendant trois ans. L’augmentation de près de 12 milliards d’euros de recettes fiscales à la fin d’avril 2010 doit dans ce contexte être interprétée avec une grande précaution. Elle traduit surtout le contrecoup des mesures de relance de début 2009.
L’explication de ce déficit record, c’est que 2010 verra le plein effet de mesures nouvelles ayant une forte incidence sur le budget de l’État : la réforme de la taxe professionnelle, qui aura un coût net de 12,7 milliards d’euros, et les investissements d’avenir au titre desquels l’État versera 35 milliards d’euros à divers organismes.
Certes, ces investissements d’avenir auront un faible impact en 2010 sur le déficit et l’endettement publics au sens de Maastricht, car les 35 milliards seront déposés auprès du Trésor. Une partie de ces dépenses sera versée par tranches de 4 à 5 milliards d’euros chaque année sur une période de quatre ans, sans jamais être incluse dans la norme de dépenses. Le reste de cette somme est non consomptible et donne lieu au versement d’intérêts, à hauteur de 600 millions d’euros par an. Ces intérêts versés seront intégrés quant à eux dans la norme de dépense, accroissant d’autant l’effort nécessaire de réduction des dépenses courantes de l’État.
Ce programme d’investissement aura toutefois à moyen terme un impact sur la dette : elle devrait augmenter de ce fait de 19 milliards d’euros à l’horizon 2014, sans compter la charge cumulée des intérêts, qui devrait dépasser 11 milliards d’euros sur le total des années 2010 à 2020.
L’année 2010 sera probablement marquée par une nouvelle dégradation de la capacité d’autofinancement des collectivités territoriales, et en particulier des départements du fait de la forte croissance des dépenses sociales. Leur besoin de financement devrait également progresser, dans un contexte d’incertitudes sur l’évolution du cadre institutionnel et financier des collectivités territoriales et de baisse des remboursements de TVA.
En 2010 à nouveau, la France serait mal positionnée par rapport à ses principaux partenaires. Son déficit public serait à nouveau supérieur à ceux de la zone euro et de l’Union européenne, hors France, et supérieur de trois points de PIB à celui de l’Allemagne. La dette publique resterait dans les moyennes communautaires, mais son déficit structurel serait à nouveau supérieur.
Le passé et le présent de nos finances publiques sont, vous l’aurez compris, préoccupants. Leur futur n’est pas davantage rassurant, malgré les objectifs affichés par le Gouvernement qui entend ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013. Mais la Cour est dans son rôle lorsqu’elle indique que les conditions de ce rétablissement sont loin d’être assurées à ce jour.
Le programme de stabilité adressé à la Commission européenne est tout d’abord fondé sur une croissance du PIB de 2,5 % par an entre 2011 et 2013, sensiblement au-dessus des prévisions internationales.
Le Gouvernement a privilégié en effet un scénario de rattrapage rapide des pertes de production, plus favorable que les scénarios du rapport Cotis-Champsaur qui estime que les pertes de recettes fiscales et sociales auront un caractère durable.
L’élasticité des recettes à la croissance pourrait être aussi surévaluée, tandis que l’objectif de progression des dépenses de 0,6 % par an est particulièrement ambitieux au regard des évolutions antérieures.
Ces hypothèses de dépenses obligent à dégager 45 milliards d’économie sur la période, et beaucoup plus sur les dépenses primaires pour compenser la hausse des charges d’intérêt. Les dépenses de l’État devront baisser en valeur pour compenser la hausse prévisible des charges d’intérêt et des pensions des fonctionnaires. Or, les décisions d’investissement envisagées à la suite du Livre blanc sur la défense nationale, ou l’accroissement des dépenses fiscales prévues au titre du Grenelle de l’environnement, font d’ores et déjà peser des risques sur l’évolution des dépenses et des recettes.
Il sera en outre difficile à l’État de diminuer de 1 à 2 points le rythme des dépenses des administrations locales et sociales, faute de leviers efficaces pour les réguler.
La soutenabilité des finances publiques de la France n’apparaît dès lors pas assurée à moyen terme, sauf si, bien sûr, des mesures sont prises.
Si l’on retient une évolution légèrement moins soutenue de la croissance, de l’ordre de 2,25 %, soit le scénario bas du Gouvernement, qui est déjà très favorable compte tenu d’une croissance potentielle qui est plutôt de 1,8 %, et si l’on prolonge l’évolution tendancielle des dépenses constatées ces dernières années, le déficit public dépasserait en 2013 les 6 % du PIB et la dette atteindrait 93 % de la richesse nationale, soit plus de 2000 milliards d’euros.
C’est dire que le redressement des finances publiques est une urgence immédiate et impérieuse. Il faut un traitement immédiat, continu et massif de nos déséquilibres financiers.
C’est en effet comme si nous souhaitions faire atterrir un avion gros porteur sur une piste de taille réduite. Car nous arrivons si j’ose dire à pleine vitesse et alors même que notre endettement atteint un niveau de moins en moins supportable.
Des déséquilibres menacent en effet à court terme la soutenabilité des finances publiques. C’est le cas des retraites avant la mise en œuvre des mesures récemment annoncées par le Gouvernement. Le rôle de la Cour n’est pas de prendre parti sur ces mesures, mais de mesurer l’impact qu’elles pourraient avoir sur le déficit et la dette publics.
Vous connaissez le chiffrage du besoin de financement du Conseil d’orientation des retraites, le COR, à l’horizon 2050 : 114 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes de retraite, dans le scénario le plus pessimiste, soit 3 % du PIB. Compte tenu de ce que l’on sait aujourd’hui, la réforme devrait avoir un effet structurel massif à long terme, c'est-à-dire à horizon 2020.
Mais ces calculs ne tiennent pas compte des charges d’intérêt qu’il faudrait payer au titre des déficits cumulés des régimes. Ces charges seraient en 2050 supérieures à ces 114 milliards d’euros.
Les mesures annoncées par le Gouvernement, si elles ont vocation à apporter une réponse à l’horizon 2018, réduiront relativement peu le déficit à court terme alors qu’il y a urgence. Or, la moitié du problème de financement des retraites se pose dès maintenant, puisque le déficit hors intérêt serait, selon le COR, de 1,7 % du PIB en 2010, et doit donc être traité par des mesures d’impact immédiat pour enrayer l’effet boule-de-neige des intérêts de la dette.
Si l’on analyse, au-delà des retraites, la soutenabilité à long terme en faisant des comparaisons internationales, il apparaît que la France devra faire un effort de redressement équivalent aux autres pays européens alors même que nos perspectives démographiques sont moins mauvaises. C’est qu’il nous faudra compenser la situation initiale plus dégradée de nos finances publiques.
Cela signifie également que la réforme de seules retraites sera insuffisante. La France est confrontée à un problème financier global, qui appelle des mesures continues et vigoureuses de l’État, des organismes sociaux et des collectivités territoriales.
Depuis des années, la France n’est pas parvenue à mettre en phase l’évolution de ses dépenses publiques avec son niveau de croissance. Il y a donc un décalage permanent entre les dépenses et les recettes publiques, les dépenses n’étant en 2009 couvertes qu’à hauteur de 86 %. Et pour l’État, ses recettes ne couvrent qu’à peine plus de la moitié de ses dépenses nettes.
Le Gouvernement a annoncé des mesures « d’approche » pour réduire la progression des dépenses publiques, et notamment des dépenses fiscales, des dépenses d’intervention ou des dépenses de fonctionnement de l’État et de ses opérateurs. La diminution du déficit structurel de 1 point de PIB chaque année sur la période 2011-2013, soit 20 milliards d’euros par an, auquel il s’est engagé devant le Conseil de l’Union européenne, devra être impérativement tenue si l’on souhaite stabiliser la dette publique à un horizon qui ne soit pas trop lointain.
Cet ajustement budgétaire n’est pas impossible, comme l’ont prouvé de nombreux pays, même si la Cour en reconnaît la grande difficulté. Selon quelles modalités devrait-il être opéré ?
Il revient au Gouvernement et au Parlement d’en décider, et la Cour n’a aucune intention, ni aucune légitimité, à formuler un programme qui engagerait des choix collectifs ou modifierait les conditions actuelles de l’organisation économique et sociale de notre pays.
En revanche, elle est fondée à identifier les termes du débat, à montrer le niveau des efforts à accomplir, et à formuler des pistes de nature à contribuer aux réflexions du Gouvernement et du Parlement. Elle remplit ainsi la mission d’assistance qui lui a été confiée par la Constitution.
Les termes du débat sont tout d’abord de déterminer la part respective que doivent jouer la hausse des recettes et la réduction des dépenses dans le redressement, sachant que les deux sont nécessaires. La Cour recommande que l’effort porte prioritairement sur la dépense publique, dont les effets sont plus durables pour la consolidation des comptes publics qu’un relèvement des recettes.
Cela implique une politique de maîtrise beaucoup plus ambitieuse que celle menée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Il faudrait réexaminer l’ensemble des dépenses publiques, et notamment les plus coûteuses : les prestations sociales, qui représentent le tiers des dépenses publiques, les rémunérations, qui en constituent le quart, mais également les dépenses d’assurance maladie, dont le déséquilibre est tout aussi fort que celui des retraites.
De telles réformes structurelles nécessitent au préalable une évaluation qui permette de s’interroger sur le bien-fondé et sur l’efficacité de l’intervention publique, afin de ne pas dégrader la qualité du service rendu. La revue générale des programmes reste devant nous. La Cour entend y prendre toute sa part dans le cadre de la nouvelle mission que lui a confiée la Constitution dans ce domaine. C’est le message que j’ai voulu porter à la connaissance du comité d’évaluation et de contrôle de votre Assemblée, qui m’a auditionné il y a quelques jours.
Les réformes structurelles nécessitent du temps et leur impact budgétaire est souvent très progressif. Il faut donc engager dès à présent des réflexions qui devraient prioritairement porter sur les dépenses d’intervention.
Depuis de trop nombreuses années, nous avons pris la mauvaise habitude de tenir un guichet ouvert pour des publics sans cesse plus nombreux. La dépense publique est donc insuffisamment sélective et conduit à un saupoudrage, comme la Cour l’a déjà souligné pour les aides personnelles au logement ou pour celles destinées au développement des entreprises.
Dans l’attente, des mesures à effet rapide et massif devraient être prises dans les meilleurs délais, quitte à ce qu’elles soient temporaires. Toute nouvelle dépense publique pourrait être gagée systématiquement et strictement. Ainsi, la satisfaction de nouveaux besoins ne serait réalisée que par redéploiement. Il serait en effet paradoxal de vouloir réduire sa vitesse à l’atterrissage, tout en appuyant en même temps sur la manette des gaz.
C’est qu’il ne faut pas attendre d’être en bout de piste pour actionner les freins. La Cour identifie plusieurs mesures qui favoriseraient une consolidation rapide des comptes publics. Il s’agit, si vous me permettez l’expression, d’une « boîte à outils » qui pourrait permettre de peser sur certains des facteurs d’évolution de la dépense publique.
En matière de dépenses de personnels, les réductions d’effectifs ont des limites inévitables. La prochaine négociation salariale pluriannuelle dans la fonction publique sera dès lors déterminante au regard de ses enjeux financiers. La hausse de 1 % de la valeur du point fonction publique représente 1,8 milliard d’euros en année pleine. D’autres pays ont déjà pris des décisions de gel, voire même de baisse des rémunérations de l’ensemble des fonctionnaires, ou des seuls hauts fonctionnaires. Toutefois, l’alignement progressif des cotisations retraite de la fonction publique sur le régime général, annoncé par le Gouvernement, pèsera déjà sur l’évolution des rémunérations versées.
Ramener les comptes du régime général de sécurité sociale à l’équilibre en 2013 nécessitera également un cocktail de mesures à effet rapide et de réformes structurelles, qui devrait répartir justement l’effort entre les assurés, les bénéficiaires d’allocations et les professionnels de santé.
La réforme des retraites annoncée par le Gouvernement devrait contribuer à ralentir la croissance des pensions, avec un relèvement de l’âge d’ouverture des droits. Mais l’indexation des pensions continuera d’entretenir le dynamisme de ces dépenses, tout comme la revalorisation des prestations légales qui accroît le rythme de progression des prestations familiales.
D’autres mesures sont possibles, comme en matière de maladie avec la baisse du prix des médicaments, une plus grande sélectivité des admissions au régime des affections de longue durée ou une non-revalorisation des actes et consultations au-delà de ce qui a été déjà décidé.
L’ensemble de ces mesures ne dispensera pas d’une action sur les recettes : il faut impérativement, selon la Cour, arrêter les baisses d’impôt et limiter la progression des dépenses fiscales qui ont augmenté à périmètre constant de plus de 5 % par an depuis 2000, et même de 8,5 % chaque année depuis 2004. Ces deux phénomènes sont en effet la cause principale du déficit structurel.
Une hausse ciblée des prélèvements obligatoires est inévitable. Elle devrait s’opérer en priorité par un réexamen des dépenses fiscales ainsi que des niches sociales. Ce serait une mesure d’équité.
De nombreux dispositifs ont été retirés depuis quelques années des dépenses fiscales, sans que les explications apportées par les ministères financiers ne convainquent totalement. Les critères d’ancienneté et de généralité manquent de pertinence et ne sont pas utilisés de manière cohérente. Leur chiffrage, qui est un exercice difficile, pourrait également progresser par une meilleure utilisation des déclarations fiscales et un croisement plus fréquent avec des données statistiques.
Cet effort ne devrait pas être limité aux 6 milliards d’euros annoncés par le Gouvernement à l’horizon 2013 : car 6 milliards d’euros, cela correspond à la hausse moyenne des dépenses fiscales chaque année, en grande partie due au dynamisme de certaines niches à législation inchangée. Un objectif de 10 milliards d’euros devrait dès lors être visé en application de la règle posée par la loi de programmation qui limite à 4 ans la durée de vie des dépenses fiscales créées à partir de 2009.
La démarche d’évaluation des dépenses fiscales et de suppression de celles qui sont inefficaces pourrait être complétée par un abaissement du plafond global des avantages fiscaux au titre de l’impôt sur le revenu qui a été instauré en 2009, ou une réduction forfaitaire de tous les crédits et réductions d’impôts. C’est le désormais fameux « coup de rabot ». Nous recommandons que, si de telles mesures devaient être décidées, elles soient appliquées de manière systématique et uniforme, et en priorité aux réductions et crédits d’impôts.
Pour répondre plus précisément à votre question, monsieur le président de la commission des Finances, il n’y a ni norme ni réel contrôle sur les dépenses fiscales. La règle de gage n’a pas vraiment fonctionné. La liste est instable : certaines années, on passe d’une dépense fiscale à une modalité de calcul de l’impôt.
La Cour recommande donc que l’on renforce la règle de gage, que l’on établisse une norme spécifique, que la liste ne soit plus établie sur simple décision ministérielle et qu’elle soit davantage ciblée afin de ne pas représenter des guichets ouverts.
Le retour à l’équilibre des comptes sociaux pourra quant à lui difficilement être obtenu sans un apport de nouvelles recettes. Il doit être recherché en priorité dans un réexamen systématique des exonérations de cotisations et des réductions d’assiette. On pourrait agir en particulier sur les dispositifs d’entreprise, comme l’intéressement ou la protection sociale complémentaire, qui sont générateurs de fortes inégalités entre entreprises et donc entre salariés.
Enfin, l’apport des actifs du Fonds de réserve pour les retraites à la CADES décidé par le Gouvernement ne fournit pas de réponse au traitement de la dette accumulée par l’ACOSS au titre de la maladie. Cette dette devrait rapidement être transférée à la CADES, ce qui imposera sans doute de combiner un relèvement du taux de la CRDS et un allongement de la durée de vie de la dette sociale, à condition qu’elle soit remboursable dans un délai maximum de 10 à 15 ans.
La France est entrée en 2009 dans une récession d’une ampleur inédite depuis la Seconde Guerre mondiale, lestée de finances publiques déjà fortement dégradées. Elle en ressort aujourd’hui avec des niveaux de déficit et d’endettement sans précédent et qui ne lui permettraient pas de faire face à un éventuel retournement conjoncturel ou à une nouvelle crise financière sans craindre les réactions de ses créanciers – je ne parle pas des marchés : à partir du moment où nous sommes un pays endetté, nous dépendons pour partie de prêteurs.
Les marges de manœuvre de l’État se trouvent progressivement réduites par l’effet boule-de-neige de notre endettement. Plus nous attendrons, plus les efforts à réaliser seront importants parce qu’il faudra payer les charges d’intérêts de notre dette.
Il faut bien comprendre que le coût de l’inaction est supérieur à celui des mesures immédiates : la dette a augmenté de près de 15 points de PIB entre fin 2007 et fin 2009, ce qui génère chaque année des charges d’intérêts supplémentaires de 10 milliards d’euros au taux d’intérêt théorique de 3,5 %. 10 milliards, cela représente chaque année deux tiers des aides personnelles au logement, qui sont versées à plus de 6 millions de personnes.
C’est pourquoi il faut engager dès 2011 la consolidation des comptes publics. C’est le principal message que la Cour souhaite délivrer avec ce rapport et j’ai bon espoir qu’il sera entendu.
Ce message ne doit toutefois pas nous pousser au pessimisme, bien au contraire. Il nous oblige à être lucides sur les efforts que nous devrons accomplir pour redresser notre situation financière et à reconnaître également que la France dispose de nombreux atouts pour y parvenir. Il est désormais nécessaire de s’engager de manière crédible et durable dans cette voie pour donner à tous la conviction d’un effort collectif, partagé et équitable. C’est à cette condition que les comportements d’épargne de précaution défavorables à la croissance pourront être débloqués et que la confiance dans la situation financière de notre pays sera confortée.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Votre présentation n’incite pas à un optimisme béat, monsieur le Premier président, mais elle est lucide. Nous sommes confrontés à une dégradation de notre solde structurel, c'est-à-dire de l’écart entre les coûts et les recettes.
Je prendrai deux exemples pour illustrer cette dégradation en 2009.
Premièrement, tout le monde croit que le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux permet de stabiliser la masse salariale des fonctionnaires. C’est faux. L’exécution 2009 fait apparaître un dérapage de 600 millions d'euros par rapport à la prévision en loi de finances initiale. Entre l'exécution 2008 et l'exécution 2009, l'augmentation est de 800 millions. Dans ces conditions, l'objectif d'une progression « zéro valeur » de la masse salariale, qui représente plus de 80 milliards d'euros dans le budget de l'État, vous paraît-il tenable et à quelles conditions ? Le gel du point d'indice, alors que l'on sera amené en parallèle à augmenter progressivement le taux de cotisation des fonctionnaires, pose un problème.
Deuxièmement, la dépense fiscale ne peut continuer ainsi. Par exemple, nous avons tous, à tour de rôle, défendu l’article 200 quater du code général des impôts, qui vise à favoriser les économies d’énergie et des énergies renouvelables dans le logement. La prévision de dépenses en loi de finances initiales pour 2009 était de 1,3 milliard d’euros. L'exécution en est à 2,8 milliards. À l'automne 2008, nous avons convoqué et interrogé pendant deux heures les ministres responsables pour exiger qu’ils revoient les arrêtés listant les équipements éligibles à ces avantages fiscaux. On nous a fait des avalanches de promesses, on nous a certifié que la dépense serait maîtrisée. Au bout du compte, elle ne l'est pas ! Et l'on pourrait multiplier les exemples...
Le Premier ministre vient de publier une courageuse circulaire qui interdit aux ministres d’égrener des mesures fiscales ou sociales dans leurs projets de loi, celles-ci étant réservées aux lois de finances et aux lois de financement.
Le moment n'est-il pas venu de faire comme en Allemagne et de revenir à des subventions ? Lorsque l'on veut aider telle ou telle activité, on la subventionne ; et, si les crédits sont épuisés au mois d'octobre, on attend le mois de janvier. Ne serait-il pas pertinent d'appliquer ce système, par exemple, au dispositif d'aide à l'accession sociale au logement ? Pourquoi avoir transformé un système de subventions inscrites au budget de l'État, qui a fonctionné pendant 25 ans, en un crédit d'impôt que l'on ne maîtrise plus, toutes les dépenses étant en guichet ?
Dans le cadre du programme de stabilité, pensez-vous qu'une réduction en volume est envisageable, au vu de la tendance moyenne des dernières années qui se situait à un peu plus de deux points en volume, l'inflation s'y ajoutant. Le programme transmis à Bruxelles prévoit 0,6 %. Ce chiffre est-il à l'échelle de l'ambition fixée ?
Le déficit de cette année est à huit points de PIB, un point représentant presque 20 milliards d'euros. L'objectif est de passer à trois points en 2013, soit 60 milliards. Il y a donc 100 milliards à trouver.
Mais parlons plutôt de 2011, où il faudra passer de 8 à 6 % en trouvant 40 milliards d’euros. Un tel effort vous paraît-il possible en matière de dépenses ?
La dépense publique totale – État, sécurité sociale, collectivités – s'élève à 1 000 milliards d’euros. Depuis des années, ce montant augmente d'un peu plus de 4 % en valeur, soit 40 milliards tous les ans. Il faut absolument diviser cette progression par deux et arriver à 20 milliards d’euros.
Pour ce qui concerne le budget de l'État, les dépenses de fonctionnement sont mineures par rapport à la masse salariale. Pour avoir participé aux exercices de RGPP, je puis témoigner que l'on n’a traité qu'une toute petite partie de la question de la maîtrise de la dépense.
Les dépenses d'intervention – plus de 60 milliards d’euros – représentent un ensemble important. Dans une lettre sur les perspectives pluriannuelles qu'il a adressée aux ministres, le Premier ministre a souhaité qu’on les réduise de 10 % en trois ans, avec un abaissement de 5 % dès 2011.
Vous avez également évoqué, monsieur le Premier président, différentes mesures, comme la non-indexation de certaines prestations ou le resserrement des systèmes de guichet. Pourriez-vous nous en dire plus au sujet des travaux que la Cour mène sur ces différentes hypothèses ?
En matière de recettes, pensez-vous que la seule action sur la dépense fiscale, à hauteur de 6 milliards d’euros, c'est-à-dire 0,3 point de PIB, est suffisante ?
Pour la reconstitution naturelle des recettes, on table sur un taux d'élasticité de 1,2 % qui, vous l'avez remarqué, n'a jamais été observé par le passé en période de sortie de crise. Quelles hypothèses d'élasticité la Cour serait-elle encline à proposer ?
Au-delà de la reconstitution de recettes par le biais de l'interdiction de baisser les impôts et de la réduction de certaines niches fiscales, vous avez implicitement envisagé des hausses d'impôt. Quelles sont les propositions de la Cour en la matière ?
La conjugaison d'un effort sur les dépenses – incluant les dépenses d'intervention, ce qui est très difficile – et d'un effort sur les recettes vous paraît-elle à la hauteur de l'enjeu, à savoir la réduction de 5 points de PIB pour passer de 160 à 60 milliards d’euros de déficit à l'horizon 2013.
S'agissant des collectivités locales, l'exécution 2009 fait apparaître un phénomène curieux. Le plan de relance comportait une mesure d'incitation à l'investissement par le biais du Fonds de compensation de la TVA, le FCTVA. Or, si cette mesure s'est révélée très efficace – en consommation, par rapport à une prévision de 2,5 milliards d’euros de remboursements supplémentaires, on est passé à 3,8 milliards –, le besoin de financement des collectivités locales a en même temps fortement diminué, comme si celles-ci avaient stocké leurs remboursements au titre du FCTVA en fin d'année 2009. Peut-on espérer qu'elles utiliseront ces sommes, conformément aux conventions qu'elles sont signées, dans le courant de l'année 2010 ?
Si l'on additionne les dotations aux collectivités locales et les exonérations et dégrèvements d'impôts pris en charge par l'État, on arrive à 70 milliards d'euros, soit 20 % du budget de l'État, ce qui en fait le premier poste. Compte tenu des problèmes auxquels nous sommes confrontés, il est tout à fait légitime de geler, en « zéro valeur », l'ensemble de ces dotations et exonérations.
Cela dit, la situation est très différente selon les types de collectivités. La dépense continue d'augmenter dans les intercommunalités. En raisonnant en dépenses consolidées– c'est-à-dire communes et intercommunalités confondues –, la dépense par habitant des 10 % qui dépensent le moins est trois fois inférieure à celle des 10 % qui dépensent le plus. Cette observation est parfaitement corrélée au niveau des ressources. Comme les ressources sont principalement constituées de dotations, nous devons avoir le courage d'aller beaucoup plus loin dans la péréquation.
Pourtant, quelle que soit la péréquation, quels que soient les efforts des exécutifs locaux – qui, globalement, se montrent très responsables –, l'échelon du département est susceptible de poser un réel problème. En effet, une partie des guichets, dont le Premier président a souligné le fonctionnement non limitatif et non contrôlé, a été transférée aux départements : l’allocation personnalisée d'autonomie – APA –, l’ensemble constitué par le RMI et le RSA, la prestation compensatoire du handicap – PCH –. Quelle analyse la Cour porte-t-elle sur la situation des finances départementales d'ici à 2013 ?
M. Yves Bur. Nous avons maintenant la conviction que c’est à une mobilisation générale contre les déficits que l’on nous appelle, tant la situation est tendue.
Dans tous ses rapports, la Cour des comptes déploie une sorte de pédagogie de la répétition en faveur de pratiques qui ont du mal à s'installer dans notre pays. Il s'agit aujourd'hui de savoir comment et à quel rythme nous devons engager les réformes qui nous permettront de conserver une crédibilité par rapport aux politiques entreprises par nos voisins. Ceux-ci adoptent l'un après l'autre des plans de rigueur ou d’austérité. La France ne pourra pas longtemps donner le sentiment qu'elle s'exonère de cet effort.
La Cour laisse aussi entendre que le temps n'est plus aux demi-mesures. Comment fermer le guichet ouvert que constituent à la fois les dépenses publiques et les dépenses sociales ?
Pour ce qui est des comptes sociaux, partant d'un déficit structurel de 31 milliards d'euros, vous estimez que l’on pourrait parvenir à une économie de 12,2 milliards à l'horizon 2013, moyennant une limitation de l'ONDAM à 2 %, au lieu des 2,9 et 2,8 % proposés pour 2011 et 2012, et gel des prestations légales de retraite et de famille.
Même avec ces mesures extrêmes, le déficit resterait de près de 17 milliards d’euros.
La Cour estime-t-elle qu’une progression de l’ONDAM de 2,9 et 2,8 % en 2011 et 2012 reste soutenable pour nos finances sociales ?
Le rapport laisse également entendre que l'on pourrait réaliser une économie de 10 milliards d'euros sur les exonérations et les niches sociales. Pourriez-vous détailler ce point ? Quel impact la forfaitisation des exonérations pourrait-elle avoir sur la politique de l'emploi ?
Vous suggérez également de supprimer les niches liées aux dépenses de prévoyance dans les entreprises. Ne craignez-vous pas que, ce faisant, nous réduisions la qualité de la couverture sociale des salariés ?
En matière d'assurance maladie, avez-vous chiffré les marges d'économies encore exploitables, tant au niveau ambulatoire qu'au niveau hospitalier ? La Cour recommande une politique du médicament qui s'alignerait sur les efforts entrepris en Allemagne et en Grande-Bretagne, pour une économie d'environ 2 milliards d'euros. Ne devrait-on pas étendre les économies à l'ensemble des prescriptions ? Par exemple, ne conviendrait-il pas de généraliser et de renforcer les CAPI – contrats d’amélioration des pratiques individuelles –, que l'assurance maladie a partiellement initiés l'année dernière.
Pour ce qui est des hôpitaux, pensez-vous que les contrats de retour à l'équilibre financier sont réellement respectés et que leur évolution est plus positive que celle du dispositif précédent ? Là aussi, quelle est la marge qui permettra de ramener les dépenses à un niveau soutenable ?
Plus généralement, pourrons-nous éviter une augmentation des contributions d'assurance maladie, même si nous faisons une partie du chemin par l'optimisation de la dépense et une autre par un retour à meilleure croissance ?
En tout état de cause, votre rapport montre que la situation de l'assurance maladie reste extrêmement tendue et que le déficit, pour l'essentiel, se poursuivra dans les années à venir.
M. le président Pierre Méhaignerie. En novembre 2007, l’ONDAM avait progressé moins vite que la richesse nationale pour la deuxième année consécutive. Et nous pensions tous transférer 1,5 point de cotisation UNEDIC vers les régimes de retraite. On le voit : la crise a totalement changé la donne.
M. Didier Migaud. La Cour des comptes ne peut pas se substituer aux responsables politiques. Elle ne peut que les éclairer dans leurs choix, par exemple en inventoriant les économies possibles et en les chiffrant. Plusieurs pistes sont décrites dans notre rapport, que je ne détaillerai donc pas ici. La situation exige d’agir à la fois sur les dépenses et sur les recettes, tant pour le budget de l’État que pour celui de la Sécurité sociale. La norme d’évolution des dépenses n’est pas respectée. Si nous voulons tenir nos engagements européens et contenir notre endettement, il faut aller encore plus loin dans la maîtrise des dépenses et vraisemblablement accroître les recettes dès lors que la seule action sur les dépenses ne suffira pas.
S’agissant du déficit des régimes de retraite, la Cour insiste sur le fait que la situation est peut-être plus difficile encore que le COR ne l’a dit dans la mesure où il existe déjà un déficit. Des mesures immédiates doivent être prises, qui, selon nous, doivent jouer sur l’ensemble des paramètres : âge de départ, durée de cotisation, montant et assiette des cotisations. Il ne serait pas raisonnable d’en omettre un.
Le déficit de l’assurance maladie est lui aussi préoccupant. Là encore, il convient d’agir à la fois sur les dépenses et sur les recettes. Mon prédécesseur, Philippe Séguin, et la présidente de la sixième chambre, Rolande Ruellan, avaient suggéré des pistes concernant certaines exonérations de cotisations sociales au profit des entreprises. Nous avons chiffré l’ensemble de ces mesures. Il appartient maintenant au Gouvernement de faire des choix. Si vous souhaitez que la Cour vous apporte des précisions complémentaires sur tel ou tel élément de chiffrage, elle y est tout à fait disposée, dans la limite bien évidemment des moyens dont elle dispose. Lors de la présentation en septembre prochain de notre rapport sur l’exécution de la loi de financement de la sécurité sociale, nous formulerons de nouvelles recommandations.
Pour ce qui est des dépenses fiscales, le montant annoncé de 6 milliards d’euros nous paraît sous-estimé, d’autant qu’on ne sait pas exactement ce qu’il recouvre. Il est avéré que ces dépenses augmentent nettement plus que les dépenses budgétaires : il faut contenir cette évolution et certaines de ces dépenses, inévitablement, devront être remises en question. Les propositions de Gilles Carrez nous paraissent aller tout à fait dans le bon sens. Ce n’est pas d’hier que des dépenses budgétaires ont été transformées en dépenses fiscales. Il serait aujourd’hui pertinent de rebudgétiser certaines dépenses, en leur fixant des normes d’évolution précises. De même, certaines niches fiscales, déjà ouvertes, ont été étendues, se révélant au total extrêmement coûteuses. L’initiative du Premier ministre visant à ce qu’aucune dépense fiscale ne puisse plus être proposée hors loi de finances ou loi de financement de la sécurité sociale va dans le bon sens mais on ne pourra se dispenser de remettre à plat certaines de ces dépenses, notamment pour en évaluer la pertinence au regard de leur objectif initial.
S’agissant de la masse salariale de la fonction publique, nous avons chiffré ce que représente son augmentation, ce que pourrait représenter le gel du point d’indice ou des primes. Nous n’avons fait qu’inventorier un ensemble de mesures, de façon que les responsables politiques puissent faire leurs choix en toute connaissance de cause.
Ramener l’augmentation de l’ONDAM de 3 % à 2,9 % ne représente que 150 millions d’euros d’économies – à mettre en regard des dix milliards d’euros du déficit. C’est dire qu’il faut agir sur l’ensemble des paramètres et être plus sélectif dans les politiques conduites.
Voilà des années que la Cour des comptes insiste sur la nécessité de mieux maîtriser les dépenses publiques. Il n’y a là rien de nouveau mais la répétition finira-t-elle peut-être par avoir vertu pédagogique…
S’agissant des collectivités territoriales, nous n’anticipons pas de reprise particulière des investissements locaux. Les remboursements anticipés de TVA au titre du FCTVA leur ont servi à assainir le financement d’investissements déjà prévus mais n’ont pas créé de stock pouvant enclencher en 2010-2011 une dynamique supplémentaire. Nous reviendrons sur ce point lors de la présentation de notre rapport sur le plan de relance.
Enfin, sachez que la Cour travaille actuellement sur la prime pour l’emploi. Des travaux antérieurs avaient montré que cette mesure, peu lisible, était insuffisamment ciblée et d’un coût élevé pour un bénéfice relativement faible auprès de ceux qui en auraient le plus besoin et qui connaissent d’ailleurs mal leurs droits ou plus exactement n’en ont connaissance qu’avec un décalage dans le temps.
M. Pierre-Alain Muet. Le constat lucide de la Cour des comptes est sans appel. La crise n’explique qu’un tiers du déficit actuel. Celui-ci, qui représente 7,5 % du PIB, ne résulte qu’à hauteur de 1,5 % de la conjoncture et de 1 % des mesures du plan de relance. Les 5 % restants constituent un déficit structurel, accumulé avant la crise. Contrairement à d’autres pays européens, la France présentait déjà en 2008 un fort déficit qui bien entendu n’a pu que se creuser avec la crise. Le rapport de la Cour nous apprend qu’un point de déficit structurel supplémentaire entre 2008 et 2009 s’explique à hauteur de 0,6 point par des baisses de prélèvements et pour le reste par des dépenses supplémentaires. Si notre pays se retrouve dans la situation qui est la sienne aujourd’hui, c’est non seulement parce que les récents gouvernements n’ont pas su réduire les déficits en période de croissance mais les ont aussi laissés dériver ensuite – en sus des effets propres de la crise.
La comparaison avec l’Allemagne est particulièrement éclairante : en 2004-2005, celle-ci présentait comme la France un déficit excessif. Elle l’a ramené à zéro avant la crise et ne l’a pas laissé s’aggraver ensuite, autrement que du seul fait de la crise. Et en 2009, il ne représentait que 3,3 % de son PIB. Comme l’indique la Cour dans son rapport, alors que la récession a été moindre en France que dans les autres pays de la zone euro, l’augmentation du déficit y a été identique. Et ce n’est pas le plan de relance qui peut l’expliquer car il n’a pas été de plus grande ampleur chez nous – il a même été légèrement plus faible. La hausse du déficit observée en France n’a été dépassée que dans les États les plus affectés par la crise, comme l’Irlande ou l’Espagne. Un déficit primaire passant de 0,5 % à 5 % du PIB, cela ne s’était jamais vu ! C’est dire que notre pays finance aujourd’hui par l’emprunt non seulement les intérêts de sa dette mais aussi une bonne partie de ses dépenses courantes, en tout cas la moitié des dépenses du budget général de l’État. Ce n’est pas tenable ! Le Gouvernement a beau jeu de tenir des discours sur la rigueur et les mesures futures à prendre pour maîtriser les déficits. Le bilan de ce qui a été fait depuis quelques années est accablant.
Le rapport de la Cour permet aussi de couper court aux allégations selon lesquelles les collectivités locales seraient mal gérées. En effet, elles seules sont parvenues à réduire leur déficit en 2009, le ramenant de 0,4 % à 0,3 % sachant en outre qu’elles ne peuvent financer par l’emprunt que leurs investissements.
Selon la Cour, le déficit devrait représenter 7 % du PIB en 2011 et encore plus de 6 % en 2013. À cet horizon, la dette atteindrait, selon elle, 2 000 milliards d’euros, 1 800 milliards seulement selon le Gouvernement. Même dans l’hypothèse la plus optimiste, la dette de la France aura donc doublé en dix ans. En effet, à l’été 2002, elle était inférieure à 900 milliards d’euros. À l’avenir, le service de la dette représentera à lui seul 3,8 points de PIB soit davantage que le déficit des retraites ! La politique conduite ces dix dernières années a vraiment été irresponsable.
Dans le programme de stabilité que le Gouvernement a adressé à Bruxelles, il fait l’hypothèse d’une croissance annuelle de 2,5 % sur la période 2011-2013. Or, tous les organismes internationaux sont beaucoup moins optimistes : la Commission européenne ne prévoit que 1,5 % et le FMI 1,8 %. Il est donc particulièrement imprudent de fonder des prévisions de réduction du déficit sur des hypothèses aussi peu réalistes. Il faut d’ailleurs remarquer que les prévisions du Gouvernement varient selon la perspective dans laquelle il se place. Lorsqu’il s’agit de réduire les déficits, il anticipe que tous les effets de la crise vont être immédiatement annulés et n’hésite pas à retenir des hypothèses particulièrement optimistes, voire irréalistes. Mais lorsqu’il s’agit des déficits des régimes de retraite, c’est alors le pessimisme qui est de mise avec des prévisions de croissance ne dépassant pas 1,5 % ou 1,8 %. Or, avec une croissance annuelle de 2 % seulement, inférieure donc à celle retenue par le Gouvernement pour le court terme, une bonne part du déficit des retraites serait résorbée. Je ne dis pas que des réformes ne sont pas nécessaires, seulement que la manière dont sont effectuées les prévisions est pour le moins orientée et discutable.
Il est faux de laisser accroire que le produit des prélèvements obligatoires augmentera de deux points de PIB en 2013 grâce à une élasticité des recettes à la croissance de 2 en 2010 et de 1,2 les années suivantes. Une telle élasticité n’a jamais été constatée par le passé. Une telle augmentation du produit ne pourra donc être obtenue que par une hausse du taux des prélèvements obligatoires. J’aimerais connaître l’avis de la Cour des comptes sur ce sujet.
Puisque j’ai entendu invoquer le courage pour s’attaquer aux niches fiscales, il en est une à laquelle il faudrait s’intéresser tout particulièrement. C’est la niche dite « Copé », dont le coût, évalué à 4,3 milliards d’euros en 2008, passerait à 12,5 milliards, d’après le rapport. Si l’on cherche des économies, il en est que l’on peut faire sans problème…
M. le président Pierre Méhaignerie. La vérité exige de dire que les dépenses des collectivités locales ont fortement augmenté et que les dotations de l’État à leur profit, y compris le remboursement des exonérations et dégrèvements de taxes, ont elles aussi beaucoup augmenté. Il serait trop facile aux collectivités de s’exonérer de leurs propres responsabilités.
M. Hervé Mariton. Notre collègue Pierre-Alain Muet serait-il prêt à soutenir des mesures de redressement analogues à celles adoptées par l’Allemagne ?
Nous avons bien compris, monsieur le Premier président, que l’effort de consolidation, tel qu’aujourd’hui calibré, était insuffisant. L’objectif aujourd’hui annoncé pour les comptes publics à l’horizon 2013 est-il atteignable ou non ? Quel est l’avis de la Cour sur ce point ? De même, pourrait-elle nous donner un ordre de grandeur de la réduction du déficit nécessaire et possible ? Qu’est-il raisonnable d’escompter ? Enfin, comment l’effort pourrait-il se répartir entre recettes et dépenses ? La Cour n’a certes pas à se prononcer sur l’opportunité politique de telle ou telle mesure mais elle n’hésite pas à dire qu’il convient d’agir d’abord sur les dépenses. Quel objectif raisonnable s’assigner ? Ni le Gouvernement ni le Parlement, bien que s’y étant essayés, n’arrivent à formuler en France de propositions d’économies à la hauteur de ce qui serait nécessaire, quand d’autres pays y parviennent. La Cour pourrait-elle nous y aider ? Vous avez évoqué tout à l’heure, monsieur le Premier président, l’évolution des dépenses courantes. Pourriez-vous donner nous donner quelques exemples « pathologiques » d’augmentation de ces dépenses : je parle des dépenses courantes au sens strict. Et quelles seraient selon vous les possibilités d’économies significatives ?
La Cour des comptes, le Gouvernement et le Parlement ont-ils aujourd’hui une même définition du déficit primaire et du déficit structurel ? Lors de la présentation du budget comme de divers rapports de la Cour, on a assisté à des échanges entre pouvoirs publics ne nous aidant pas à y voir clair ni nos concitoyens à bien comprendre. N’y aurait-il pas des progrès à réaliser ?
Pour assurer le financement d’actions au profit des personnes âgées, un gouvernement antérieur avait supprimé le caractère chômé du lundi de Pentecôte, ce qui avait ensuite été transformé en suppression d’un jour de RTT. La suppression d’un autre jour de RTT serait-elle, selon vous, efficace pour combler une partie de la dette sociale ou couvrir d’autres dépenses sociales ?
M. Michel Bouvard, président. Les dépenses fiscales sapent depuis longtemps les recettes budgétaires de l’État puisqu’elles sont passées de 56 milliards d’euros en 2000 à 73 milliards en 2010, auxquels il faudrait ajouter les 2 milliards de celles du plan de relance. Il est difficile d’évaluer précisément le volume de dépenses représentées par chaque niche : dans les rapports annuels de performances, les RAP, trop de cases demeurent encore vides ! Peut-on progresser en ce domaine et la Cour pourrait-elle nous aider à évaluer l’efficacité de certaines de ces dépenses ? En effet, au-delà de l’indispensable coup de rabot, il faudra carrément supprimer les niches dont l’efficacité ni économique ni sociale n’a été avérée.
Ma deuxième question a trait aux opérateurs – vous n’en avez pas parlé dans votre intervention, monsieur le Premier président, mais elle est évoquée dans le rapport. Ce que l’on appelle dans la comptabilité nationale les organismes divers d’administration centrale, les ODAC, souvent des opérateurs, engagent désormais 71 milliards d’euros de dépenses, lesquelles ont crû de 11 % en volume au cours de l’exercice écoulé, dont 9,8 % pour le seul fonctionnement. Tout comme la dépense fiscale, c’est un moyen de contourner la norme budgétaire. Éric Woerth avait en son temps préconisé avec courage l’application aux opérateurs des plafonds d’autorisation d’emplois ainsi que de la règle du non-remplacement d’un départ en retraite sur deux. Comment limiter aujourd’hui le dérapage des dépenses de ces organismes, qui ont dérivé de sept milliards d’euros en un seul exercice ?
L’annuité de la dette a diminué cette année du fait de la baisse des taux d’intérêt. Mais de 2006 à 2009, la part à rembourser est passée de 16,9 à 26,7 % et sur deux ans, de 29 à 36,3 %. La durée de nos emprunts a été raccourcie pour nous permettre de bénéficier pleinement de la baisse des taux mais sait-on l’incidence qui en résulterait en cas de remontée des taux ? Si la structure actuelle de notre dette nous procure un gain immédiat, cela va, hélas, de pair avec une fragilité accrue dans l’avenir.
Enfin, de 2008 à 2009, le découvert de trésorerie de l’ACOSS est passé de 17,3 à 24,1 milliards d’euros. La mesure de ce découvert au 31 décembre de l’année est-elle toutefois pertinente ? Ne vaudrait-il pas mieux en calculer la moyenne quand on sait que certaines avances sont aujourd’hui effectuées sur 364 jours ? …
Mme Marisol Touraine. Le tableau que vous avez dressé, monsieur le Premier président, est implacable, d’autant qu’il a l’objectivité d’un tableau clinique. La situation actuelle de nos comptes publics est effroyable. Si on ne peut écarter l’incidence de la crise, il serait éminemment réducteur d’en faire le seul facteur explicatif. En même temps que des mesures conjoncturelles d’urgence, il faut prendre des mesures structurelles, lesquelles auraient, à l’évidence, dû être prises plus tôt.
La majorité ne cesse de dire, et le président de la commission des Affaires sociales a lui-même repris ce discours tout à l’heure dans son intervention liminaire, que la dette sociale serait le sujet le plus préoccupant et qu’il faudrait essentiellement agir en la matière. S’il n’est pas question pour nous de nier l’ampleur de cette dette, et nous avons dit à plusieurs reprises, même si certains ont fait semblant de ne pas l’entendre, qu’il fallait engager une réforme structurelle à la fois en matière de retraites et d’assurance maladie, il est clair que le problème des déficits publics dans notre pays ne se résume pas à celui des comptes sociaux. Il n’est pas acceptable de faire croire à nos concitoyens que c’est par la réduction des dépenses sociales que l’on parviendrait pour l’essentiel à réduire les déficits.
Le projet de réforme des retraites du Gouvernement permettrait d’atteindre l’équilibre à l’horizon 2018 mais ne réglerait pas le problème du déficit des deux ou trois prochaines années, nous avez-vous dit, monsieur le Premier président. J’ajoute, pour ma part, qu’au-delà de 2018, les déficits seront de retour : preuve, s’il en était besoin, de la fragilité de l’équilibre atteint. Il faut donc trouver des ressources supplémentaires, avez-vous ajouté, n’excluant à court terme ni des hausses de fiscalité ni une réduction des niches sociales. La suppression, totale ou partielle, des exonérations de cotisations patronales dont bénéficient les entreprises sur les salaires jusqu’à 1,6 fois le SMIC, constitue bien sûr un gisement considérable de ressources supplémentaires. Certains estiment toutefois que cela fragiliserait l’emploi dans notre pays. Qu’en pense la Cour ?
S’agissant de la CADES, vous avez indiqué qu’il serait vraisemblablement nécessaire à la fois de reporter la date butoir de 2021 à laquelle la dette est censée avoir été apurée et d’augmenter le taux de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS. Vous paraît-il impensable que l’effort repose tout entier sur une augmentation de la CRDS ? En effet, est-il raisonnable de continuer de transférer sur les générations futures le poids de notre dette sociale ?
Enfin, vous semblez assez réservé quant à une augmentation de la contribution sociale généralisée, la CSG. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ?
M. Jacques Domergue. Il aura fallu attendre trois quarts d’heure, monsieur le Premier président, pour relever dans votre présentation quelques notes d’espoir. Le bilan que vous avez dressé est, hélas, objectif. La crise n’explique qu’un tiers des déficits actuels, vous l’avez dit, et notre pays est confronté à des problèmes structurels qui pèsent lourdement dans nos comptes. Je soutiens les mesures proposées par le Gouvernement pour les réduire. Mais sont-elles suffisantes ? Cela étant, lorsqu’on propose d’aller plus loin que ce qui a été proposé jusqu’à présent, non seulement l’opinion publique est très réticente mais on se heurte aussi à un manque de cohésion nationale. Nos collègues socialistes qui ont la critique facile sont, hélas, souvent aux abonnés absents lorsqu’on leur demande de s’associer à une politique véritablement réformatrice…
Une autre question est de savoir si notre pays a les moyens d’assumer sa politique sociale. Mais dès qu’on évoque la simple hypothèse de revenir sur certains acquis, la levée de boucliers est immédiate. Ne faudrait-il pas profiter de la conjoncture actuelle, comme l’ont fait de nombreux pays, pour réformer l’architecture organisationnelle de l’État et faire en sorte que celui-ci facilite l’activité alors qu’aujourd’hui, il l’entrave plutôt ? Le problème principal de la France, c’est en effet le manque d’activité et de compétitivité par rapport à ses voisins. Si nous ne comblons pas ce fossé, jamais nous ne pourrons financer nos dépenses sociales.
M. Alain Rodet. Vous pointez dans votre rapport, monsieur le Premier président, la sous-estimation des dépenses militaires. Nous nous doutions bien que la mise en œuvre des mesures du livre blanc serait extrêmement délicate. Je m’interroge, pour ma part, sur la non-comptabilisation de la base d’Abou Dhabi. Est-il vrai qu’aucune provision n’ayant été constituée à cet effet, ce serait les Émirats arabes unis qui pourvoiraient au co-financement de cet investissement ?
Vous vous inquiétez du financement des mesures du Grenelle de l’environnement. Dois-je rappeler ici à notre collègue Hervé Mariton qu’il a été le rapporteur, zélé mais bien imprudent, de la cession du réseau autoroutier au privé, alors que les recettes qui en étaient retirées permettaient de financer les transports terrestres ?
Enfin, un dernier mot à l’intention de notre rapporteur général, maire du Perreux-sur-Marne, dont je sais qu’il n’est pas un fervent adepte de l’intercommunalité. Avant de lancer une charge contre ce type d’organisation, il devrait se souvenir que les structures intercommunales ont dû prendre en charge l’environnement opérationnel et les transports collectifs, deux secteurs qui représentent des dépenses extrêmement lourdes.
M. Guy Malherbe. Monsieur le Premier président, vous avez utilisé l’image d’un gros-porteur lancé à pleine vitesse qui aurait du mal à freiner à l’atterrissage. On pourrait aussi prendre celle d’un paquebot qui, en vitesse de croisière, aurait été surchargé par les gouvernements successifs depuis une trentaine d’années. La Cour pourrait-elle chiffrer le coût cumulé de l’abaissement de l’âge de la retraite de 65 ans à 60 ans et évaluer son incidence sur les finances publiques à ce jour ? De même, quel a été le coût cumulé du passage aux 35 heures ?
La masse salariale dans la fonction publique est elle aussi un paquebot difficile à ralentir sur sa lancée. Elle évolue en effet en fonction des effectifs, de la valeur du point d’indice, mais aussi de l’incontournable GVT – glissement vieillesse technicité. La Cour a-t-elle évalué le poids du seul GVT dans cette masse salariale ? Quelles économies faudrait-il faire, égales donc au moins à l’incidence financière du GVT, pour vraiment contenir à zéro la croissance de ces dépenses ? Quelles pistes la Cour pourrait-elle proposer en ce sens ?
Enfin, la Cour a-t-elle évalué l’incidence sur les comptes de la suppression des deux premiers acomptes d’impôt sur le revenu en 2009 ?
M. Olivier Carré. Nous n’avons pas abordé la question du chômage, si ce n’est indirectement quand le président de la commission des Affaires sociales a rappelé qu’on avait nourri un temps l’espoir de transférer une partie des cotisations UNEDIC vers les cotisations retraites, mesure qui n’a, hélas, vu la conjoncture, pu voir le jour. A-t-on évalué précisément l’incidence de la hausse du chômage sur les comptes, notamment sociaux et, corrélativement, en fonction d’une élasticité elle aussi à évaluer, celle que pourrait avoir sa diminution sur l’amélioration de ces comptes ?
Enfin, que les ressources de TVA, hors effet de l’application du taux réduit à la restauration, aient diminué plus vite et plus fortement que le PIB, alors que la consommation s’est maintenue, demeure pour moi une énigme. Comment la Cour l’explique-t-elle ? Poursuit-on la réflexion sur les problèmes de TVA intracommunautaire et les risques de carrousels ?
M. Didier Migaud. Je vous remercie de toutes ces questions. Nous sommes tout à fait disposés à revenir travailler avec vous dans le cadre de la préparation de la prochaine loi de finances et de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, si vous souhaitez des informations complémentaires que nous soyons en mesure de vous apporter.
Je ne reviendrai pas sur les divers commentaires politiques que les uns et les autres avez pu formuler, pour m’en tenir aux prérogatives de la Cour.
Si la situation financière des collectivités territoriales s’est globalement améliorée, cela tient d’une part aux remboursements anticipés de TVA au titre du FCTVA, d’autre part à une certaine décélération dans l’augmentation de leurs dépenses de fonctionnement, qui n’en demeure pas moins élevée. Alors qu’elles avaient augmenté en moyenne de 6,4 % par an entre 2002 et 2007, leur progression a été limitée à 5,6 % en 2008 et 3,7 % en 2009.
Il est certes arrivé par le passé que l’élasticité soit supérieure à 1,2, hypothèse retenue par le Gouvernement. Mais un tel niveau a rarement été au rendez-vous dans les années d’après-crise. C’est ainsi que la Cour est conduite à juger volontaristes les hypothèses gouvernementales.
Monsieur Mariton, nous considérons que les hypothèses du Gouvernement sont optimistes aussi bien sur l’élasticité des recettes que sur l’évolution des dépenses. C’est pourquoi nous pensons qu’il faudra aller au-delà de ce qui est aujourd’hui prévu pour atteindre l’objectif fixé. Nous estimons toutefois que le redressement est tout à fait possible si des mesures immédiates, plus importantes, sont effectivement prises. Oui donc, l’objectif est « tenable », vraisemblablement pas à partir des hypothèses actuelles, et à la condition qu’on agisse à la fois sur les dépenses et sur les recettes. Dans quelle proportion ? Les économistes que nous avons rencontrés avec Christian Babusiaux pour préparer ce rapport, s’accordaient sur un ratio 1/4 recettes – 3/4 dépenses. Ce n’est pas à la Cour qu’il appartient d’effectuer de tels arbitrages.
S’agissant des dépenses courantes, il faudrait, au-delà de la RGPP, revoir tous les programmes, y compris les programmes militaires, et passer au tamis de la soutenabilité l’ensemble des politiques publiques d’intervention, y compris les dépenses sociales. On ne peut écarter d’emblée tout effort dans ce dernier domaine. Des mesures temporaires pourraient être prises et certaines aides mieux ciblées, compte tenu de la situation économique. Certaines propositions de la 6e chambre de la Cour sur les niches sociales pourraient également être mises en œuvre.
Monsieur Bouvard, la norme d’évolution de la dépense est contournée par le biais des dépenses fiscales et par le biais du transfert à des opérateurs de certaines dépenses auparavant assurées par l’État. Là aussi, des mesures s’imposent. Les opérateurs ne peuvent s’exonérer de l’effort de maîtrise des dépenses publiques.
Je ne reviens pas sur les pistes que nous avons proposées, dont quelques-unes ont été chiffrées et montrent qu’il faut vraisemblablement aller au-delà de ce que propose aujourd’hui le Gouvernement, d’autant que les recettes escomptées, sur la base d’une hypothèse de croissance et d’une élasticité toutes deux ambitieuses, peuvent ne pas être au rendez-vous. Cela n’en rend que plus nécessaire une action sur les dépenses et la remise en cause de certaines niches fiscales et sociales. À côté de mesures temporaires et conjoncturelles, des mesures structurelles sont indispensables. Disant cela, nous sommes bien conscients qu’il est délicat de passer de l’idée à son application pratique, comme on le voit avec le dossier des retraites.
La Cour n’est pas en mesure de chiffrer le coût qu’a représenté le passage à la retraite à 60 ans en 1983. Mais 62 ans en 2018, est-ce bien différent de 60 ans en 1983 ? On peut se poser la question.
Dès lors que la situation exige un effort particulier et que tous les pays voisins l’ont entrepris, il importe que la France ne s’en exonère pas, mais cet effort doit être partagé et chacun doit y participer en fonction de ses capacités. Un effort est d’autant plus acceptable et accepté qu’il est juste et partagé. Ce n’est là que bon sens.
Madame Touraine, la CRDS présente l’avantage d’être une ressource sûre, stable, claire et affectée. Plus la durée de vie de la CADES est réduite, plus l’amortissement d’une nouvelle reprise de la dette se réalise sur une durée plus courte et exige donc des recettes plus importantes. Il faut donc trouver le bon équilibre. La Cour pense qu’il faut sans doute jouer un peu sur les deux paramètres. En tout cas, la CRDS est un des éléments de la stabilisation nécessaire.
Toute diminution du chômage accroîtra mécaniquement les rentrées de cotisations sociales et les recettes fiscales, ce qui aura des répercussions positives à la fois sur le budget de l’État et sur les comptes sociaux. Tout ce qui peut contribuer à augmenter l’emploi dans notre pays va donc dans le bon sens. Nous avons évalué le coût de la hausse du chômage en 2009 à environ quatre milliards d’euros.
Pour ce qui est de la privatisation des sociétés d’autoroutes, la Cour a eu l’occasion de dire que les conditions de leur privatisation n’avaient pas été « optimales » pour le moins.
Monsieur Malherbe, le GVT représente 1,9 % de la masse salariale totale de la fonction publique qui s’élève à quelque 70 milliards d’euros. Des données chiffrées sur les dépenses de personnels – salaires et pensions – figurent dans notre rapport.
Monsieur Carré, l’évolution des recettes de TVA s’explique à la fois par des mesures temporaires comme les remboursements anticipés prévus dans le plan de relance – nous vous communiquerons des chiffres précis à ce sujet dans le cadre de notre rapport sur le plan de relance – et l’application du taux réduit à la restauration, mesure, elle, structurelle, sauf à considérer qu’elle pourrait être remise en question à partir de la loi de programmation.
Je l’ai dit, s’agissant des comptes sociaux, il faudra agir à la fois sur les dépenses et sur les recettes, notamment par le biais d’un éventuel élargissement de l’assiette des cotisations. Il y a là une marge de manœuvre dont il ne faut pas se priver vu l’urgence de la situation et la nécessité de prendre des mesures fortes à court terme, permettant d’engager des réformes de fond. Il faut être attentif à la situation de la France dans l’environnement international contraint qui est le sien. Il ne s’agit pas de répondre aux exigences des marchés mais de simplement rassurer nos créanciers. Acteurs économiques rationnels, les créanciers souhaitent avoir des assurances sur la capacité de leurs débiteurs à maîtriser l’évolution de leur endettement. L’objectif n’est pas hors d’atteinte pour notre pays mais son déficit structurel est plus élevé que celui d’autres. Cela nous impose de faire au moins autant d’efforts que les autres pour éviter que notre situation n’empire.
La Cour se veut lucide : tout en insistant sur le caractère sérieux de la situation, elle souligne aussi que notre pays a des atouts. Des mesures sont nécessaires. Nous ne doutons pas qu’elles pourront être prises dès lors que l’effort sera partagé.
M. le président Pierre Méhaignerie. Monsieur le Premier président, je vous remercie. Puisse cette rencontre à la fois renforcer nos convictions à tous et nous permettre de rapprocher nos points de vue.
*
* *
AUDITION DE M. FRANÇOIS BAROIN, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT
Au cours de sa troisième séance du mercredi 30 juin 2010, la Commission entend M. François Baroin, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, sur le rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques.
Monsieur le président Jérôme Cahuzac. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, sur le rapport préalable au débat d’orientation des finances publiques.
Cette année, ce débat, sur le fondement de l’article 50-1 nouveau de la Constitution, donnera lieu à une déclaration du Gouvernement suivie d’un vote, qui n’engagera pas la responsabilité du Gouvernement. Je tiens toutefois à préciser que le président de l’Assemblée aurait souhaité que, se fondant sur un autre article de la Constitution, le Gouvernement engageât sa responsabilité à cette occasion, du fait que ce débat, organisé mardi prochain, sera manifestement pour lui l’occasion de présenter une nouvelle trajectoire des finances publiques.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Le prochain débat d’orientation budgétaire s’inscrit dans un contexte singulier, en particulier parce que ce sera la première fois que nous appliquerons l’article 50-1 de la Constitution, qui permet au Gouvernement de faire, s’il le décide, une déclaration suivie d’un vote n’engageant pas sa responsabilité. La représentation nationale, par la voix de son président, a pu porter un regard différent sur ce débat. Le Gouvernement a décidé de recourir à cet article nouveau, désireux qu’il était de respecter un engagement qu’il avait pris lors de la conférence sur les déficits publics du 20 mai 2010, au cours de laquelle il a annoncé le triptyque suivant : monopole d’examen des dépenses fiscales dans le cadre de la loi de finances, révision constitutionnelle – j’y reviendrai à propos du rapport Camdessus – et vote du Parlement sur les engagements de la France vis-à-vis de ses partenaires européens.
Cette année, nous vous proposons de vous prononcer sur des engagements qui ont été pris précédemment, anticipant, de cette façon, la norme des années à venir, c’est-à-dire des débats d’orientation des finances publiques régulièrement suivis de votes et des projets de lois de finances pluriannuelles.
La crise n’a pas seulement mis à mal l’économie mondiale : elle est venue nous rappeler avec acuité la nécessité de veiller à la maîtrise des finances publiques. La crise grecque et les incertitudes concernant les pays de la zone euro dont les finances publiques sont trop fragiles nous ont permis de renforcer la solidarité européenne – l’Europe avance souvent par des crises –, sans que cela atténue en rien la rudesse des défis qui nous attendent. Nous avons aujourd'hui entre nos mains la soutenabilité présente et à venir de nos finances publiques. Il s’agit d’un vrai rendez-vous au regard de l’histoire budgétaire. Jamais depuis trente ans des mesures de cet ordre n’ont été prises. Du reste, on n’a jamais procédé à une réduction de deux points de déficit, même lors de la qualification pour l’euro. Nous n’avons, il est vrai, jamais atteint un tel niveau de dettes et donc subi une telle pression.
Le débat d’orientation des finances publiques est pour moi l’occasion de vous présenter la situation actuelle des comptes publics, de vous faire part de nos choix futurs et de réaffirmer les engagements que nous avons pris au plan européen dans le cadre de notre programme de stabilité. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité un vrai débat.
L’année 2010 sera le point de départ de nouvelles mesures placées sous le signe d’une extrême vigilance dans la gestion des ressources publiques. Plus profondément, j’aspire à un changement des mentalités et des habitudes vis-à-vis de la dépense publique. Ce sentiment est partagé, me semble-t-il, aussi bien à gauche qu’à droite : la sphère publique n’est pas une corne d’abondance ; les temps sont durs ; inverser la tendance et se montrer plus raisonnable engagent notre responsabilité. D’aucuns évoqueront la rigueur : il s’agit plutôt de discipline et de sagesse budgétaires : il ne convient pas de dépenser plus que l’on a. Si on appelle le plan français plan de rigueur, doit-on parler de coup de massue pour les plans adoptés par le Royaume-Uni ou l’Espagne ? Si les mots ont un sens, il convient de les replacer dans le contexte de chaque pays.
Si l’État se doit d’être à la hauteur des circonstances, si nous devons agir de manière responsable, c’est qu’avec les choix que nous faisons aujourd'hui, nous jouons l’avenir de nos enfants. La trajectoire que nous prévoyons de suivre pour les années à venir sera donc serrée.
Notre préoccupation, en 2010, est d’accompagner la reprise tout en étant au rendez-vous des objectifs de finances publiques que nous avons fixés : je vous confirme d’ores et déjà qu’ils seront tenus. En effet, accompagner la reprise, c’est assurer la mise en œuvre d’une part des dispositions du plan de relance tout en prévoyant leur arrêt progressif, d’autre part du programme d’investissement d’avenir, prévu dans la première loi de finances rectificative pour 2010.
Pour être au rendez-vous de nos objectifs de finances publiques, nous devons remplir trois conditions : tenir notre objectif de déficit public à 8 % du PIB et la dépense de l’État au niveau prévu par la loi de finances – « zéro volume » –, respecter l’objectif national des dépenses maladie voté par le Parlement. Sur ces trois points, au vu de la situation actuelle des recettes et des dépenses, nous sommes en ligne avec nos objectifs.
Dès 2011 et pour trois ans, notre stratégie visera à infléchir les déficits publics par un nouvel élan de la maîtrise de la dépense, en vue de les ramener à 3 % du PIB en 2013, conformément aux engagements pris devant nos partenaires européens.
Notre programme de stabilité prévoit une réduction du déficit d’environ cinq points de PIB sur trois ans, ce qui représente quelque 100 milliards d’euros, dont une partie proviendra du rattrapage des recettes fiscales après la crise et une autre de la non-reconduction de certaines des mesures prises en 2010 qui n’avaient pas vocation à être pérennes – je pense notamment aux mesures de relance ou au surcoût de la taxe professionnelle. Au-delà de ce rattrapage attendu, notre stratégie portera sur de nouvelles mesures d’économie dans la période 2011-2013, en vue de contenir à 0,6 % seulement au cours de cette même période l’évolution en volume de la dépense publique. La réduction de la croissance de ces dépenses faisait déjà partie des engagements du Gouvernement en 2007 : elle devient aujourd'hui plus cruciale encore. J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à choisir ce levier : notre pays atteint déjà l’un des niveaux de prélèvements obligatoires les plus élevés au monde. Toute hausse généralisée d’impôts nuirait à la compétitivité de notre économie et compromettrait la reprise. C’est donc de manière résolue que, dans le cadre de la préparation budgétaire, l’axe d’intervention vise la dépense.
J’insiste sur ce point car nous ne gagnerons pas notre pari sans l’implication de tous les acteurs publics. Dans le cadre du budget pluriannuel, le Gouvernement a décidé d’infléchir réellement l’accroissement des dépenses de l’État. C’est un objectif sans précédent. Les dépenses seront stabilisées en valeur pour les trois prochaines années, hors pensions et charge de la dette. Le Gouvernement consentira un effort à hauteur de 10 % sur toutes les dépenses de fonctionnement et d’intervention d’ici à 2013. Il ne s’agira donc plus de suivre l’inflation, comme les années précédentes. Afin d’atteindre cet objectif, l’État devra réduire son train de vie grâce aux outils de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, comme les chantiers interministériels, qui comprennent notamment la rationalisation des achats, le perfectionnement des systèmes d’information ou la réorganisation des concours : 150 mesures ont été présentées ce matin en conseil des ministres, qui sont évidemment d’inégale valeur. Je noterai, outre la centralisation sous un seul numéro – le 3939 – de toutes les activités de service et l’évolution de l’utilisation d’internet appliquée à tous les dispositifs administratifs, les mesures relatives à l’immobilier, au parc automobile, à l’évolution du train de vie ou à la suppression de 100 000 postes de fonctionnaires dans le cadre des départs à la retraite. La première vague de RGPP a déjà permis à l’État d’économiser 7 milliards d’euros ; on devrait en économiser 10 milliards grâce à la deuxième vague.
Nous souhaitons également procéder à un réexamen de toutes les dépenses d’intervention, qui représentent 66 milliards d’euros, afin de dégager 10 % d’économies. Pour la première fois, nous demanderons aux 655 opérateurs de l’État de fournir un effort équivalent à celui de ce dernier : ils entreront donc dans le périmètre d’intervention de la réduction des dépenses publiques. Il convient tout autant de respecter les statuts que de mettre fin à certaines habitudes. Les obligations de transparence seront renforcées, notamment en matière de gestion du parc immobilier public des opérateurs, qui, par voie de circulaires, se verront contraints d’entrer dans le champ d’application des économies.
La RGPP, qui est un des piliers importants de la réduction des dépenses, a également une utilité transversale. Dans le cadre du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, 100 000 emplois ont été supprimés lors de la première RGPP et 100 000 le seront d’ici à 2013. Il convient également de mentionner les réformes d’implantation territoriale, la fusion de la DGFiP, qui connaîtra cette année sa conclusion statutaire, la création de Pôle Emploi, les différentes fusions ou encore la réduction au plan régional des cartes judiciaire et militaire. Le dispositif dans lequel nous entrons nous permettra de valoriser toutes ces sources d’économies. En 2012, le nombre des agents de l’État redeviendra équivalent à ce qu’il était au début des années quatre-vingt-dix : entre 2011 et 2013, près de 5 % des effectifs de l’État seront donc supprimés pour un gain annuel de quelque 1,5 % des dépenses, lequel correspond au gain de productivité observé dans le secteur des services. Le gain brut total dépassera les 3 milliards d’euros. Je tiens à préciser que le principe de faire bénéficier les agents de 50 % des économies induites par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite sous forme d’amélioration de leur situation financière sera reconduit dans le cadre du prochain budget triennal.
Nous procéderons, pour la sécurité sociale, de la même façon que pour l’État, c'est-à-dire en associant réforme et maîtrise serrée de la dépense.
En ce qui concerne les dépenses d’assurance maladie, nous nous engageons à ramener la progression de l’ONDAM à moins de 3 % lors de la période 2011-2013 : 3 % en 2011 – nous ferons mieux si c’est possible –, 2,9 % en 2012 et 2,8 % en 2013. Des innovations récentes, comme les agences régionales de santé qui doivent permettre d’améliorer le lien entre la ville, l’hôpital et le médico-social, ou des projets de réforme des hôpitaux nous permettront de renforcer l’efficacité de l’assurance maladie. Par-delà les réformes de structures, il convient également de trouver des outils nous permettant de respecter l’ONDAM : à cette fin, nous avons largement repris les conclusions du rapport Briet. Le seuil d’alerte, aujourd'hui fixé à 0,75 %, sera progressivement abaissé à 0,5 % d’ici 2012 ou 2013. De plus, le rôle du comité d’alerte sera étendu : il se prononcera désormais ex ante sur la construction de l’ONDAM et son rôle de veille dans l’exécution de l’ONDAM sera renforcé. Une fraction des dotations sera mise en réserve dès le début de l’année.
La réforme majeure au cœur de notre stratégie de maîtrise des dépenses publiques n’en demeure pas moins la réforme des retraites. Nous l’avons voulue profonde et juste. Préservant le système par répartition, elle permettra à nos enfants d’avoir les mêmes chances que les générations qui les ont précédés.
Cette réforme devrait permettre aux régimes de retraite d’atteindre l’équilibre dès 2018. Elle générera un gain d’1,2 point sur le déficit structurel à l’horizon 2020 et quelque 9 points de PIB sur la dette publique au même horizon. La réforme des retraites peut être contestée dans sa philosophie ou son esprit : il ne faut pas oublier qu’elle a pour objectif de répondre au problème démographique et que, je le répète, son incidence en termes de maîtrise de nos déficits publics sera importante.
Nous ne réussirons pas notre pari sans partager les efforts. C’est la raison pour laquelle les transferts de l’État aux collectivités locales seront stabilisés en valeur durant les trois prochaines années. La réforme des collectivités en cours de discussion au Parlement aidera à rendre plus efficace la dépense locale. Je vous confirme un moratoire sur les normes réglementaires, hors normes européennes, que l’État impose aux collectivités : en effet, ces normes pèsent sur leurs dépenses. Le Gouvernement souhaite parallèlement renforcer la péréquation à l’intérieur de l’enveloppe des concours de l’État. C’est une mesure à laquelle je tiens particulièrement. Je sais que le rapporteur général m’apportera un soutien puissant dans ce domaine.
L’effort en 2011, qui s’inscrit dans une perspective triennale, doit être conforté par une réorientation de la dépense publique. Des garanties en la matière doivent être données à la fois au pays et à nos partenaires. La commission créée le 28 janvier par la conférence nationale sur le déficit, présidée par M. Michel Camdessus et dont le président de la commission des finances et le rapporteur général étaient membres, a rendu son rapport relatif à l’inscription dans la Constitution de la règle d’équilibre des finances publiques. Ce remarquable rapport aborde chaque question technique en soulignant les différentes réponses possibles et en indiquant des préférences. Un consensus s’est déjà établi autour de certaines propositions, notamment celle qui vise à confier le monopole des dispositions relatives aux recettes fiscales et sociales aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. C’est une règle à la fois utile et vertueuse pour conserver une approche cohérente de l’évolution des recettes de l’État et de la sécurité sociale. C’est la raison pour laquelle nous l’avons d’ores et déjà mise en œuvre dans le cadre de la circulaire du Premier ministre du 4 juin 2010.
Le contenu de la règle constitutionnelle d’équilibre est un enjeu majeur. Nous y sommes attachés. Le sujet mérite d’être discuté et approfondi. Sous l’autorité du Premier ministre, nous consulterons prochainement les présidents de groupe, les acteurs essentiels en matière de finances publiques que sont les membres de la commission des finances des assemblées et les partis politiques. Ces consultations, qui ne feront pas l’objet d’un calendrier précis, se dérouleront à l’automne, parallèlement à l’examen de la loi de finances, l’objectif étant de définir les contours d’un éventuel consensus politique autour de l’adoption d’une révision constitutionnelle. Le calendrier devra toutefois être compatible avec les « grands événements » de l’année 2012.
Telle est le cœur de notre stratégie générale pour les trois prochaines années. Dès 2011, le redressement de nos finances publiques est impératif. Nous sommes face à deux enjeux, aussi importants l’un que l’autre : d’un côté engager avec détermination la réduction des déficits publics ; de l’autre accompagner la reprise de l’activité. En 2011, l’objectif intangible et incontournable est de ramener les déficits publics à 6 %. Toutes les mesures budgétaires seront mises en œuvre pour l’atteindre. Il conditionne la matrice du débat d’orientation budgétaire en matière de dépenses. En ce qui concerne les recettes, les derniers arbitrages seront rendus à la fin du mois d’août ou au début du mois de septembre.
Nous voulons nous concentrer sur les dépenses de toutes natures, y compris les dépenses fiscales et les niches sociales les plus favorables à la croissance et à l’emploi, sans remettre en cause celles qui concernent les personnes les plus en difficulté. J’ai demandé à l’inspection générale des finances d’étudier l’incidence réelle de chacune de ces dépenses sur l’emploi, ce qui nous permettra d’avoir une vision précise des effets réels des dispositifs dérogatoires au droit commun en matière fiscale, et de connaître d’éventuels abus, contournements ou optimisations. En la matière, le ministre du budget est ouvert à toutes les idées. Je vous propose un point de départ ambitieux, avec l’espoir que le partage de cette ambition soit vertueuse pour les finances publiques. Toutefois, les mesures qui favorisent l’emploi ou protègent tant les publics fragiles en termes d’âge et de handicap que les attributaires de minima sociaux constitueront une ligne rouge. En matière de niches fiscales, l’objectif de suppression n’en reste pas moins de réaliser 8,5 à 10 milliards d’euros de recettes pour 2011 : il peut être atteint et nous ne doutons pas du concours du Parlement à cette fin. Nous travaillons sur deux pistes : le rabot et le bouquet. Le bouquet sera constitué des niches qui seront supprimées tandis que le rabot sera le dispositif transversal. Il ne s’agira pas pour nous de raboter de vieilles fleurs. Cette mesure nous est simplement apparue à la fois comme la plus efficace pour atteindre l’objectif et la plus acceptable par l’opinion. Dans la logique du rabot, aucun public particulier, à l’exception, je le répète, des publics fragiles, ne sera épargné par l’effort général.
L’année 2011 sera donc pour l’État la première année d’un budget triennal caractérisé par une rupture dans la progression de la dépense. Le « zéro valeur », hors charge de la dette et pensions, suppose un effort sans précédent de chacun, qui sera tout d’abord fourni par les collectivités locales. J’ai évoqué la stabilisation en valeur des concours de l’État hors FCTVA, qui s’appliquera en 2011 comme sur l’ensemble du « triennal », conformément à ce que le Président de la République a annoncé à l’occasion de la conférence du 20 mai dernier.
Cet effort devra également être fourni par l’Union européenne, à laquelle nous contribuons à travers un prélèvement sur les recettes de l’État. Alors que l’ensemble des États européens conduisent des politiques courageuses de maîtrise de leurs dépenses, qu’ils ont organisé eux-mêmes la solidarité de pays en difficulté, comme la Grèce, et qu’ils en assument les conséquences financières, je ne trouve pas acceptable que la Commission demande pour 2011 un budget en hausse de plus de 6 %. Nous le redirons à Bruxelles aux côtés des autres États membres soucieux de modération budgétaire. Les efforts demandés à nos concitoyens doivent permettre de réduire les déficits ; ils n’ont pas pour objet de financer une dépense européenne galopante.
J’ai déjà évoqué les règles transversales qui nous ont servi de matrice pour la construction de ce budget : elles seront mises en œuvre sans faiblesse car, loin d’être de simples principes généraux, elles constituent un plan d’action immédiat, lequel se traduira notamment par la poursuite du « 1 sur 2 », qui nous permettra d’économiser plus de 30 000 emplois dès 2011, et par un effort d’économies de 10 % sur trois ans pour les dépenses de fonctionnement et d’intervention. Cet effort suppose que nous envoyions un signal crédible dès la première année : c’est pourquoi la moitié du chemin sera parcourue dès 2011.
Je le répète : le Gouvernement ne remettra pas en cause le RSA ni l’ensemble des minima sociaux. Il ne s’agit pas d’un budget de rigueur au sens où il frapperait tous les publics sans distinction et prévoirait une augmentation des impôts. De la même manière, nous ne réduirons pas les crédits consacrés à l’hébergement d’urgence – ils augmenteront même par rapport à 2010. Nous voulons un budget juste et équitable.
En matière d’investissements aussi, nous devons envoyer un signal fort. Certes, l’investissement, c’est l’activité, mais nous ne pouvons pas tout faire. Redresser les finances publiques, c’est le premier préalable pour soutenir la confiance et la croissance. Nous stabiliserons la subvention budgétaire prévue pour les infrastructures de transport. Le budget triennal 2011-2013 procèdera également à un moratoire sur le lancement de nouveaux grands équipements, notamment de nature culturelle. C’est un choix difficile mais responsable. Le contexte économique et financier nous conduit, de plus, à revisiter nos engagements pluriannuels. C’est la raison pour laquelle le budget 2011 prévoira une stabilisation en valeur des moyens de défense, avec une légère remontée en 2012 et 2013, pour un total de ressources inférieur de quelque 1,3 milliard d’euros aux prévisions de la loi de programmation militaire. Les économies réalisées par la Défense sur son fonctionnement, conformément à la démarche du livre blanc, devront permettre de dégager des marges pour préserver les programmes d’équipement. De plus, la cession de bâtiments et la vente de fréquences constitueront des sources de recettes. Grâce à cet effort, nous pourrons continuer d’augmenter le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur, qui demeure la priorité du Gouvernement. Il s’agit de réussir le pari de l’autonomie pour les universités, qui, à cette fin, bénéficieront de moyens de fonctionnement renforcés et échapperont, comme les organismes de recherche, à toute suppression d’emplois pour l’ensemble de la période 2011-2013.
Nous poursuivrons également le renforcement des effectifs de l’administration pénitentiaire, ainsi que celui des juridictions dans le contexte de la réforme de la procédure judiciaire.
Trois leviers permettront de ramener le déficit public de 8 à 6 % du PIB et de réaliser ainsi 40 milliards d’euros d’économie. Le premier, pour 15 milliards, sera la non-reconduction de mesures prises pour 2010 qui n’avaient pas vocation à être pérennes – il s’agit, je le rappelle, des mesures de relance et du surcoût de la taxe professionnelle. Le deuxième, évalué à 11 milliards, sera constitué par le rattrapage des recettes fiscales en lien avec le retour de la croissance. Une grande majorité des recettes a en effet suivi la contraction de l’activité – baisse de 60 % de l’impôt sur les sociétés et de 30 % des droits de mutation en raison de la chute du marché immobilier. L’histoire récente nous a permis de vérifier la grande élasticité du modèle français à la baisse, nous la vérifierons sans aucun doute à la hausse. Troisième et dernier pilier : l’effort partagé de l’ensemble des acteurs de la dépense publique à hauteur de 14 milliards d’euros. Le gel en valeur des dépenses de l’État et des concours aux collectivités territoriales rapportera 7 milliards d’euros, auxquels il convient d’ajouter 1 milliard lié au gel des concours de l’État aux collectivités locales et 1 milliard économisé sur le fonctionnement de l’État et des opérateurs. Une meilleure maîtrise de la masse salariale, notamment le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, permettra d’économiser 1 milliard d’euros supplémentaire. Enfin, un effort de quelque 4 milliards d’euros sera effectué sur les dépenses d’intervention et les pensions de l’État.
La sphère sociale contribuera pour l’autre moitié de l’effort de redressement. La réforme des retraites rapportera 4,5 milliards d’euros. La reprise de la dette sociale par la CADES permettra de contribuer à hauteur de 3,2 milliards d’euros à l’effort de consolidation. Une réunion aura lieu ce soir avec les membres de la commission. Enfin la fixation de l’ONDAM à 2,9 sera l’occasion de réaliser un peu moins de 3 milliards d’euros d’économie. Il convient en réalité de réaliser un effort supérieur à 7 milliards d’euros pour neutraliser les conséquences de l’évolution tendancielle des dépenses sociales, qui conduit à une dégradation spontanée du déficit public.
Monsieur le président, comme vous l’avez rappelé vous-même, conformément à l’article 50-1 de la Constitution, le débat de mardi prochain donnera lieu à un vote du Parlement.
M. le président Jérôme Cahuzac. Je tiens à clarifier plusieurs questions de procédure.
Tout d’abord, un plan de stabilisation a été transmis par les autorités françaises à Bruxelles à la fin du mois de janvier, plan que le débat de mardi prochain permettra de présenter au Parlement en séance plénière. Monsieur le ministre, ce plan de stabilisation fera-t-il bien l’objet d’une loi de programmation triennale dès l’automne ? La loi de programmation des finances publiques, votée en février 2009, étant devenue totalement obsolète, il est tout à fait indispensable, par respect pour les institutions autant que pour la clarté du débat démocratique, que le Parlement soit saisi d’un nouveau projet de loi de programmation, qui soit cohérent à la fois avec le programme de stabilité transmis à Bruxelles à la fin du mois de janvier et avec la position que le Gouvernement, soutenu par sa majorité, défendra la semaine prochaine lors du débat d’orientation budgétaire.
Il serait par ailleurs surprenant que la loi de finances initiale pour 2011 et la loi de financement de sécurité sociale ne soient pas cohérentes avec cette loi de programmation triennale. Pouvez-vous nous confirmer qu’elles le seront, monsieur le ministre ?
Enfin, vous avez vous-même évoqué la circulaire du Premier ministre visant à ce que la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale aient désormais le monopole de la dépense fiscale. Or le Sénat a adopté dans le cadre de la loi de modernisation agricole et avec l’accord, semble-t-il, du Gouvernement, une nouvelle niche fiscale, que j’ai découverte à l’occasion de l’examen d’amendements dans le cadre de l’article 40. Lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, le Gouvernement demandera-t-il l’annulation de cette disposition votée par le Sénat afin de tenir l’engagement oral qu’il a pris et de respecter la circulaire du Premier ministre ?
Je ne reviendrai pas sur le débat relatif à l’élasticité, que nous aurons en séance publique. S’agissant de la dépense fiscale, nous avons eu trois chiffres : 6 milliards d’euros sur trois ans, puis 8,5 milliards, enfin 10 milliards. Dois-je comprendre que, dans le cadre des arbitrages qui ont été rendus récemment, les économies liées aux dépenses fiscales seront bien de 10 milliards d’euros ? Par ailleurs, l’effort portera-t-il uniquement sur ce que l’administration fiscale définit comme « dépenses fiscales », alors même que c’est elle qui décide de façon arbitraire ce qui en relève et ce qui relève de la modalité de calcul de l’impôt, ou portera-t-il également sur cette dernière ? En effet le bouclier fiscal, la baisse de la TVA pour le transport de voyageurs ou le régime de succession pour l’assurance-vie sont considérés non comme de la dépense fiscale mais comme de simples modalités de calcul de l’impôt, alors qu’il s’agit, en toute évidence, de dépenses fiscales. L’assiette des modalités de calcul de l’impôt est de 80 milliards d’euros et celle de la dépense fiscale de 73 milliards. Si l’objectif d’économie doit passer de 6 à 10 milliards d’euros, il serait peu compréhensible d’ignorer l’assiette de 80 milliards...
Enfin, vous avez rappelé l’effort à fournir en ce qui concerne l’immobilier de l’État, notamment de la Défense : je laisserai les rapporteurs spéciaux, qui viennent d’informer la commission des finances des résultats de ces deux dernières années, vous donner leur sentiment sur le sujet, encore que je le devine…
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur le ministre, le président de la commission vous a interpellé sur la mise en place de différentes règles de gouvernance en matière de finances publiques. Pour ma part, je tiens à vous féliciter des évolutions majeures de ces dernières semaines. Ainsi, pour la première fois, à l’occasion du débat d’orientation budgétaire mardi prochain et de l’examen du projet de loi de programmation en septembre, le Parlement pourra avoir connaissance du programme de stabilité et prendre position sur celui-ci. Voilà dix ans que les gouvernements successifs envoient à Bruxelles des programmes de stabilité sans que le Parlement en soit informé ! Il s’agit donc d’une rupture majeure.
Voilà aussi des décennies que les lois adoptées sont truffées d’exonérations fiscales ou sociales. Or, au début du mois de juin, le Premier ministre a adressé à tous les membres du Gouvernement une circulaire imposant que, dans les projets de loi à venir, les mesures d’exonération soient réservées aux seules lois de finances et de financement de la sécurité sociale. C’est, là encore, un progrès considérable.
De même, nous avons adopté pour la première fois en février 2009 une loi de programmation pluriannuelle qui doit être révisée en raison de la crise et vous proposez de le faire en septembre prochain. Le rapport de la commission Camdessus propose parallèlement de donner une force juridique constitutionnelle à certains éléments des lois de programmation pluriannuelle, ce qui nécessitera une réforme de la Constitution – du reste, la circulaire du Premier ministre, que j’ai évoquée précédemment, exige elle aussi une réforme de la Constitution afin de bénéficier d’une assise juridique suffisante. Le rapport Camdessus propose notamment que, dans la loi de programmation, des éléments normatifs président aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale annuelles : il prévoit, d’un côté, un plafond de dépenses normatif, pouvant faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité des lois de finances et de financement et, de l’autre, un plancher protégeant les recettes dans le cadre des mesures nouvelles. Je me réjouis des progrès considérables en termes de règles de bonne gouvernance que, grâce à vous, nous réalisons. J’espère que ces progrès feront l’objet du même consensus qu’en 2000, lorsque nous avons soutenu la démarche conduisant à la loi organique relative aux lois de finances de 2001, que nous sommes très heureux d’avoir adoptée.
Le débat d’orientation des finances publiques – autre innovation – revêtira, quant à lui, une solennité particulière puisqu’il sera l’occasion d’appliquer une nouvelle disposition de la Constitution, l’article 50-1, qui permet d’organiser un débat public et de le faire suivre d’un vote – je remercie le Gouvernement d’avoir fait ce choix.
Mes questions concerneront uniquement l’année 2011 qui, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, sera marquée par une diminution du déficit public de huit à six points de PIB pour un effort de quelque 40 milliards d’euros, un objectif que vous avez qualifié à l’instant d’« intangible » et d’« incontournable » puisqu’il est « le cœur de la stratégie ».
Compte tenu de l’évolution probable des taux d’intérêt et de l’augmentation du stock de dettes, quelle peut être l’augmentation de la charge de la dette en 2011 par rapport à 2010 ? Notamment, quel sera l’impact de l’emprunt national dans cette augmentation ? Je rappellerai que lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, qui a mis en place le grand emprunt de 35 milliards d’euros, le coût en était évalué dès 2011 à 1,2 milliard d’euros.
Vous prévoyez de geler au niveau actuel la charge des pensions : comment y parviendrez-vous ?
S’agissant des prélèvements sur recettes, il n’est pas acceptable que l’Union européenne ait augmenté le sien de 1 milliard d’euros en 2009, comme nous avons pu le constater lors de l’examen du projet de loi de règlement. L’augmentation de 6 % que vous avez évoquée serait, quant à elle, inadmissible. Comment comptez-vous bloquer une telle augmentation du prélèvement de l’Union européenne ? Vous avez en effet raison : les mêmes efforts, qui sont demandés aux États, doivent être fournis par Bruxelles.
Pouvez-vous nous confirmer que l’augmentation de la charge constituée par les pensions, le prélèvement de l’Union européenne et les intérêts de la dette, en raison de l’augmentation mécanique des crédits, rend suffisant le choix « zéro valeur » pour toutes les autres dépenses ? Ou conviendrait-il de faire mieux que « zéro valeur » ? Je pense à la masse salariale des fonctionnaires en activité, qui représente 85 milliards d’euros. En effet, alors que le « 1 sur 2 » a été pratiqué en 2009, on a observé une augmentation de 800 millions d’euros entre l’exécution 2008 et l’exécution 2009 et de 600 millions entre la prévision en LFI 2009 et l’exécution 2009. L’objectif, par-delà le « 1 sur 2 », d’une reconduction en valeur en 2011 de la masse salariale est-il réalisable ? Si oui, comment peut-il être atteint ?
S’agissant des autres économies, les 15 milliards, qui doivent être réalisés chaque année pendant trois ans pour atteindre les 45 milliards d’euros annoncés par le Premier ministre d’ici à 2013, sont répartis entre l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales. S’agissant des dépenses de l’État, vous avez annoncé une baisse de 10 % d’ici à 2013. Or le Premier ministre a dit dans un courrier que la moitié de cette baisse serait réalisée en 2011. Comment vous y prendrez-vous pour les dépenses d’intervention, qui s’élèvent à 66 milliards d’euros, alors même que vous avez indiqué que l’effort ne concernerait pas l’hébergement d’urgence ou les minima sociaux ? Sur quel poste ferez-vous porter l’effort ? S’agissant des dépenses de fonctionnement, une baisse de 5 % représente un effort important, qui est bien documenté par la RGPP : confirmez-vous que l’effort s’appliquera également aux opérateurs ?
En matière de recettes, d’ici au débat d’orientation des finances publiques, il conviendrait de clarifier l’articulation des différentes problématiques : réforme des retraites, niches fiscales et sociales, CADES et diminution des déficits.
Si je me réfère au programme de stabilité et aux déclarations du Premier ministre, les 100 milliards d’euros d’économies annoncés entre 2011 et 2013 permettront de passer d’un déficit de huit points de PIB en 2010 à un déficit de trois points en 2013 – je rappelle qu’un point de PIB représente 20 milliards. La répartition annoncée par le Premier ministre serait la suivante : 45 milliards de baisse de la dépense et 35 milliards liés à l’élasticité des recettes, dans le cadre du retour de la croissance. Or le programme de stabilité évalue cette élasticité à 1 point de PIB, à savoir quelque 20 milliards d’euros. Pourrions-nous savoir comment vous décomposez recette spontanée – en vous fondant sur 2001 – et phénomène d’élasticité ?
Enfin, le Premier ministre a annoncé un effort de 5 milliards d’euros de réduction des niches fiscales et sociales dès les projets de loi de finances et de financement pour 2011. Le volet fiscal et social des retraites porte, lui, sur 3,7 milliards d’euros de recettes supplémentaires. S’agissant des recettes en provenance des entreprises, le Gouvernement s’est engagé, dès le début de l’année, à compenser les effets de la décision prise par le Conseil constitutionnel d’annuler la taxe carbone, qui était remboursée aux ménages, euro pour euro, mais compensée, pour les entreprises, par la baisse de la taxe professionnelle. Comme celle-ci a eu lieu, il reste donc, entre les ménages et les entreprises, un déséquilibre fiscal de 1,7 à 1,8 milliard d’euros de créances au profit de ces dernières. Quant à l’annulation par le Conseil constitutionnel du régime particulier de contribution économique territoriale applicable aux titulaires de BNC employant moins de cinq salariés, elle conduit à une perte de recettes de l’ordre de 500 à 600 millions d’euros. Que prévoit le Gouvernement en la matière ? Nous devrons du reste nous interroger sur la fiscalité des entreprises dès le projet de loi de finances pour 2011 – Alain Claeys et Jean-Pierre Gorges ont remis, à ce propos, un excellent rapport sur le crédit d’impôt recherche.
Si nous ajoutons aux cinq milliards d’euros de réduction des niches fiscales, 3,7 milliards liés à la réforme des retraites et 2,2 milliards de recettes à rétablir en raison de l’annulation par le Conseil constitutionnel de diverses dispositions, la reconstitution de recettes s’élève à 10,8 milliards d’euros, chiffre qui est proche de celui que vous avez annoncé. Cette méthode de calcul, qui part des seuls engagements du Gouvernement, vous paraît-elle adéquate ? Les dispositions fiscales liées à la réforme des retraites sont-elles, à vos yeux, imputables en diminution de l’effort de réduction des niches fiscales et sociales ou s’y ajoutent-elles ? Comment arrivez-vous à plus de 10 milliards d’euros ?
Enfin, l’effort de reconstitution de recettes portera-t-il uniquement sur certains impôts – impôt sur le revenu, impôt de solidarité sur la fortune, impôt sur les sociétés – ou concernera-t-il également l’imposition indirecte, laquelle a le mérite de jouer dès l’année suivante, contrairement aux impôts directs pour des motifs de non-rétroactivité ? J’ai évoqué la mise en place d’un taux réduit. Dans le cadre de la présentation de mon rapport annuel sur la loi fiscale, je m’interroge sur l’envolée des coûts d’exonération de TIPP, en particulier au titre des biocarburants. La révision des niches fiscales exclut-elle des sujets qui seraient tabous ou allez-vous, comme nous le souhaitons, procéder à un inventaire exhaustif ?
M. le président Jérôme Cahuzac. Je tiens à préciser que les demandes, faites au Gouvernement, d’organiser un débat d’orientation budgétaire suivi d’un vote sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution, de présenter un projet de loi de programmation triennale dès l’automne et de soumettre les lois de finances et de financement de la sécurité sociale à cette loi de programmation triennale ont été faites conjointement par le rapporteur général et par le président de la commission des Finances.
Il en a été de même de la demande de réserver exclusivement aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale les dépenses fiscales et sociales. C’est pourquoi je suppose que le rapporteur général appuiera ma demande visant, monsieur le ministre, à ce que votre collègue chargé de l’agriculture dépose, lors de l’examen du projet de loi de modernisation agricole à l’Assemblée, un amendement tendant à supprimer la niche fiscale que les sénateurs ont introduite dans le texte, alors même qu’ils l’ont examiné après la publication de la circulaire du Premier ministre interdisant ce type de pratique. Si nous voulons établir une bonne gouvernance, il serait du plus mauvais effet que le premier projet de loi examiné par le Parlement à la suite du premier acte posé de cette nouvelle gouvernance fût l’occasion d’une violation des instructions données. Je souhaite, monsieur le rapporteur général, que vous m’aidiez à obtenir du Gouvernement qu’il applique sans attendre les directives qu’il édicte, directives qui s’appliquent également au Sénat.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué la transmission d’une dette à la CADES : comptez-vous allonger la durée d’amortissement de la CADES ou la doter des ressources nécessaires pour assumer cette nouvelle dette ?
Enfin, s’agissant de la masse salariale des fonctionnaires, avez-vous décidé de geler les rémunérations des fonctionnaires dans le cadre des nouvelles dispositions visant à rétablir les finances publiques ?
M. le ministre. Ces dispositions reprennent en effet le programme de stabilité envoyé il y a quelques mois à la Commission européenne, mais nous ne pouvions pas faire mieux. La procédure suivie a un sens dans la mesure où elle indique la nouvelle direction et associe le Parlement, par son engagement et par son vote, aux mesures que le Gouvernement français propose. Cela dit, il n'est pas douteux qu'il faudra revoir les questions de calendrier, tant dans les échanges entre Bruxelles et Paris qu'à l'échelle européenne. Le Parlement national doit pouvoir se prononcer en temps et en heure sur ce que la France dit qu'elle va faire. Il faut donc réduire le décalage.
Je confirme qu'une loi pluriannuelle sera déposée, probablement au début du mois d'octobre.
Je confirme aussi, en matière de dépense fiscale, l'objectif d'une réduction de 8,5 à 10 milliards d'euros, et notre volonté intangible de réserver le « monopole fiscal » aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale. J'avoue ne pas avoir suivi le détail des arguments développés au Sénat pour créer la dispense fiscale que vous évoquez, monsieur le président. En tout état de cause, le Gouvernement sera très ferme dans sa volonté d'appliquer le principe du monopole. Vous avez raison de souligner que c'est une question de crédibilité.
Il n'existe aucune question taboue en ce qui concerne les dépenses fiscales, à l'exception, je le répète, de ce qui pourrait toucher les publics fragiles.
La charge de la dette, monsieur le rapporteur général, est estimée à 42,5 milliards d'euros en 2010 et, dans l'hypothèse où les taux actuels – 0,29 % à court terme, environ 3,40 % à trois ans – se maintiendraient, à 45,4 milliards d'euros en 2011, soit une progression de moins de 3 milliards. Chacun sait, cependant, que l'on ne retrouvera jamais dans l'histoire une période aussi avantageuse. Le risque est que la sortie de crise ne provoque une augmentation du coût des matières premières, une poussée de l'inflation et une tension à la hausse sur les taux d'intérêt.
Quant à l'impact du grand emprunt, l’évaluation du projet de loi de finances rectificative – 1,2 milliard d'euros – est inchangée.
La charge des pensions est estimée à 35 milliards d'euros en 2010 et à 36,6 milliards en 2011, soit une progression de 1,6 milliard d’euros. Néanmoins, la réforme des retraites permettra une économie d'environ 300 millions d’euros dès 2011, et de 1,2 à 1,3 milliard à l'horizon 2013.
En 2010, les prélèvements en faveur des collectivités locales s'élèveront à un peu plus de 53 milliards d’euros et la prévision pour 2011 est de 52,9 milliards.
Nous prévoyons enfin que le prélèvement européen passera de 18,1 milliards d’euros en 2010 à 18,2 milliards en 2011. Les négociations à Bruxelles seront difficiles mais il est tout de même incroyable que la Commission demande à tous les pays de se serrer la ceinture tout en proposant pour elle-même une augmentation de 6 % !
Les prélèvements sur recettes seront donc globalement stables, avec une augmentation de 1,4 milliard d’euros au cours des trois années du programme.
Les dépenses de personnel devraient passer de 82,1 milliards d'euros en 2010 à 82,7 milliards en 2011 ; les autres dépenses de 121,5 à 120,9 milliards. Le total, 203,6 milliards, est parfaitement stable d'une année à l'autre.
L'augmentation des dépenses de personnel est due à des raisons essentiellement techniques, à savoir le rebasage des crédits de personnel des ministères à hauteur de la surexécution constatée et la diminution des départs à la retraite constatée dans toutes les administrations l'année dernière. La crise n'est certainement pas étrangère au fait que beaucoup de gens ont préféré retarder leur départ à la retraite pour amortir le choc.
J'en viens à l'évolution des dépenses fiscales. Le plan de stabilité prévoyait une réduction de 2 milliards d’euros chaque année à compter de 2011. L’estimation actuelle de 8,5 à 10 milliards d’euros tient à ce que l'on a déjà pris en compte pour les retraites les données que l'on avait en perspective.
S'agissant de la dette sociale, plus de 50 milliards d’euros sur 87 sont liés à la crise. Nous avons donc l'intention de proposer un allongement de quatre ans de la durée de vie de la CADES, qui sera ainsi maintenue jusqu'en 2025. À cette fin, je présenterai en Conseil des ministres un projet visant à modifier la loi organique. Je sais que l'opposition n'y est pas favorable, mais nous n'avons pas d'autre choix que cet allongement modeste, qui s'ajoute aux mesures annoncées par le ministre du travail concernant le Fonds de réserve des retraites et aux 3,2 milliards d’euros nécessaires pour revenir à l'équilibre en 2020, que nous financerons par une partie des dispositions relatives aux niches fiscales.
C'est en additionnant ces mesures que l'on atteint les 8,5 milliards d’euros. Pour ma part, je pense que l'on arrivera à 10 milliards d’euros lors de l'examen des recettes à la fin de l'été.
Contrairement à ce dont on a accusé le Gouvernement, le « zéro valeur » hors dette et pensions est plus contraignant que le « zéro volume » : il représente un effort supplémentaire de réduction des dépenses de près d’un milliard d'euros.
Le rattrapage des recettes fiscales et la question de l'élasticité sont l’objet d’un débat entre spécialistes. Il est incontestable qu’il y a une élasticité de 20 milliards d’euros : aucun modèle économique n'avait prévu la chute de 20 milliards d’euros qu'a connue l'impôt sur les sociétés. Depuis le début de l'année, la croissance est convalescente. Les rentrées de l’IS permettent de confirmer que nous serons en ligne sur les 1,4. Le phénomène est le même pour la TVA, contrairement à un sentiment répandu.
Cette élasticité nous permet de croire à la perspective ambitieuse de croissance de 2,5 % que nous avons fixée pour l’année prochaine. Nous savons que l'opposition la conteste. Mais ce n’est pas une estimation au doigt mouillé ! L'OCDE a établi pour sa part une prévision de 2,1 %, un institut arrive même à 2,7 %. Bref nous croyons à l’objectif de 2,5 % et nous nous donnons les moyens de l’atteindre. Il va de pair avec l'objectif de passer de 8 à 6 % de déficit. Si d'aventure nous étions amenés à réviser les éléments de croissance au mois d'août, je reviendrais naturellement devant vous pour vous indiquer la façon dont nous accompagnerions le dispositif. Par exemple, une croissance qui ne serait pas de 2,5 mais de 1,8 % nous contraindrait à trouver 6 milliards d’euros de plus.
Pour ce qui est de la réduction de 5 % des 66 milliards d’euros de crédits d'intervention, je puis vous dire, pour en avoir discuté avec mes collègues du Gouvernement, qu’il y a de la marge. C'est essentiellement une question de changement de mentalité, de tropisme. S'il faut même aller un peu plus loin que 5 %, je crois que l'on pourra y arriver, aussi bien pour des « coups partis » que pour des dispositifs que l'on maintient sous perfusion mais qui, à l'évidence, ne correspondent plus à rien si ce n'est à l'habitude, quand ils n'ont pas tout simplement échappé au regard !
En ce qui concerne la qualification de « dépense fiscale », monsieur le président Cahuzac, j'ai demandé à mes services de tout mettre sur la table, y compris les dispositifs considérés aujourd'hui comme des modalités de calcul de l'impôt. Tout sera examiné. Je ne peux préjuger de ce qui sera maintenu, raboté ou supprimé, puisque nous ne parlons à l’heure actuelle que du volet dépenses. Lorsque nous aborderons le volet recettes, nous n'écarterons aucune question.
S’agissant du salaire des fonctionnaires, une négociation se tiendra cet après-midi. En tant que ministre du budget, j’ai déjà indiqué que j'étais favorable à une maîtrise salariale. Mais c'est le ministre de la fonction publique qui assumera les choix politiques du Gouvernement en la matière.
M. le président Jérôme Cahuzac. Pour allonger la durée de vie de la CADES, il faudra modifier une disposition organique d'origine parlementaire que notre collègue Jean-Luc Warsmann avait introduite en 2004, à une époque où la majorité souhaitait établir des règles fermes pour éviter la fuite en avant en matière de déficits sociaux. La modification de cette règle que l'on présentait alors comme intangible ne crédibilise pas la démarche du Gouvernement pour instituer de nouvelles règles !
M. Jérôme Chartier. J'aborderai pour ma part les questions de gouvernance.
Le groupe de travail présidé par M. Raoul Briet compte donner un caractère réglementaire au comité de pilotage de l’ONDAM. Est-ce une piste que vous suivrez ? Comment ce comité s'articulera-t-il avec le comité d'alerte ? Envisage-t-on une fusion ?
Comptez-vous venir régulièrement devant notre commission pour faire le point de la façon dont les opérateurs de l’État s’acquittent de l’obligation de respecter les objectifs de réduction des déficits ?
S'agissant du pilotage de la dette, vous soulignez à juste titre que les taux d'intérêt actuels sont les plus faibles que l'on ait connus depuis que l'État recourt massivement à l'emprunt, c'est-à-dire depuis les années 1980. Alors que l'on peut anticiper une hausse possible, 36 % de la dette de l'État est à moins de deux ans. Donnerez-vous comme orientation à l'agence France Trésor de passer progressivement à une maturité d'emprunt plus longue afin de stabiliser le risque d'augmentation du service de la dette ? Si le spread français, voire le spread allemand, venait à s’envoler, cela effacerait tout ou partie de l'effort de réduction des déficits.
S'agissant de la stabilisation de la dépense, le Gouvernement a-t-il évalué la marge de manœuvre budgétaire nette qui resterait en 2011 après les réductions réalisées et les dépenses non reconduites – hors plan de relance bien entendu ?
Je me félicite moi aussi de la circulaire du 4 juin et je suis curieux du sort que vous réserverez à la disposition introduite par le Sénat dans le projet de loi de modernisation agricole.
La démarche de réduction des déficits publics est largement conditionnée par l'alerte que les marchés ont donnée au sujet du financement de la dette publique globale, laquelle caractérise principalement les États occidentaux. Aux États-Unis, on estime que la réduction des déficits coûtera 0,5 % de croissance, mais sur une croissance estimée à 3 %. Le Gouvernement veillera-t-il à éviter toute réduction ou suppression de dispositif pouvant avoir un effet direct sur la croissance ? Notre démarche très vertueuse de réduction des déficits ne doit pas, d'un autre côté, pénaliser la croissance.
M. Pierre-Alain Muet. La réduction des déficits est affaire de volonté politique. Ce n'est pas en édictant des procédures, des règles que l'on avance dans ce domaine. Ce que vous annoncez au sujet de la prolongation de la CADES, monsieur le ministre, en apporte la démonstration.
Une réduction des déficits de 2 % est « du jamais vu », dites-vous. On réserve en général cette formule à des constats, pas à des prévisions ! À l'heure actuelle, ce qui est « du jamais vu », c'est un déficit structurel atteignant 5 % du PIB. On n'a jamais vu non plus de programmation envoyée à Bruxelles qui fût respectée.
J'aurais aimé que votre rapport comporte, comme il est de tradition, une évaluation du déficit structurel réalisée par Bercy. Pour apprécier la qualité de votre prévision de réduction du déficit, nous devons connaître la part du spontané et la part du structurel. Nous persistons à penser, sur la base des calculs effectués par la Cour des comptes et par d'autres institutions, que le déficit structurel est de l'ordre de 5 %, ce qui représente les deux tiers du déficit total. Si l'on y ajoute les mesures de relance, comme le font les institutions internationales, on passe à 6 %.
Pour ce qui est de la réduction des déficits, vous procédez à la hache. Cela s'est déjà produit avec la RGPP, qui aurait pu être une réflexion intelligente sur la façon d'accroître l'efficacité de l'action publique et de réduire la dépense mais qui a été éclipsée par le dogme du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Aujourd'hui, nous pourrions procéder à une « révision générale des niches fiscales ». En choisissant de les raboter, vous optez pour une méthode plus rapide, certes, mais qui risque d'être inefficace et qui touchera les populations de façon inéquitable. Dans son rapport sur le plafonnement des niches fiscales, notre commission relevait déjà que les seules personnes à ne pas être concernées par ce plafonnement sont les bénéficiaires du bouclier fiscal. Quel paradoxe ! Que comptez-vous faire à ce sujet ?
Par ailleurs, si l'on en croit l'OFCE, une réduction effective de 1,5 % des déficits publics se traduirait par 1,5 % de croissance en moins. Le multiplicateur est de l'ordre de 1 dans tous les modèles français. Les modèles du ministère des finances ne doivent pas être différents, à moins d'avoir profondément changé en peu de temps ! Il faudrait donc, pour atteindre l’objectif de 2,5 % de croissance, que la croissance spontanée soit à 4 %. Je doute fort que le contexte le permette et je crains que l'on ne se situe plutôt aux alentours de 1 %. Si, comme vous le dites, il faut compenser toute perte de recettes fiscales par de nouvelles mesures, la politique de rigueur qui s'ensuivra devra être de grande ampleur.
Enfin, vous classez la prime pour l'emploi parmi les niches fiscales alors que la niche « Copé », dont le coût s’élevait à 2,5 milliards d’euros en 2008, à 8 milliards en 2009, et dont la suppression engendrerait une économie considérable, figure parmi les modalités de calcul de l'impôt. Vous attaquerez-vous aux dispositifs de ce type, qui permettent aux entreprises de plus de 2 000 salariés de ne payer en moyenne que 13 % d'impôt sur les sociétés au lieu de 33 % ?
M. Charles de Courson. En matière de gouvernance, le Gouvernement va dans la bonne direction. Encore un petit effort cependant : établissons la règle d'or de l'équilibre de fonctionnement.
Le service de la dette augmentera d'environ 4,2 milliards d’euros l'année prochaine, les pensions de 1,5 milliard. La progression sera donc, malgré le « zéro valeur » appliqué aux autres dépenses de l'État, de 5,7 milliards d'euros, soit 1,7 %. Dans ces conditions, le redressement est impossible.
D'autre part, se fonder sur une prévision de croissance de 2,5 % par an dans les trois années qui viennent n'est pas raisonnable. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est ce que l'on trouve dans les documents que le Gouvernement a produits ces dernières années et qui estiment la croissance potentielle à 1,7 ou 1,8 %. L'investissement productif a fortement chuté et il n’y a pas de reprise forte. Dans ces conditions, j'aimerais savoir quels seront les efforts supplémentaires à consentir en matière de dépenses si la croissance est inférieure aux prévisions.
Dans le domaine de la sécurité sociale, le Gouvernement va dans le bon sens en matière de retraites et l'estimation de l’ONDAM à 2,9 % paraît raisonnable.
Mais qu’en sera-t-il du bouclage global ? D'après mes calculs, les prélèvements obligatoires augmenteraient d'au moins 1,3 % l'année prochaine et la dépense publique reculerait d'un point par rapport au PIB – je rappelle qu'elle dépassera les 56 % cette année.
M. Jean-Claude Sandrier. Avez-vous chiffré les conséquences négatives que ce plan d'économie de 100 milliards d’euros en trois ans aura sur l'emploi, étant entendu que la progression budgétaire de 0 % en valeur équivaut à une diminution en volume ?
En particulier, quelles seront les conséquences de la baisse de 10 % des dépenses de fonctionnement et d'intervention, de la stabilisation concernant les infrastructures de transport et de la stabilisation des concours aux collectivités locales ? Ces mesures auront une incidence non seulement sur l'emploi public, mais aussi sur l'emploi privé.
La Cour des comptes a démontré que les déficits tiennent à deux raisons essentielles. D'abord la crise, pour environ 50 milliards d'euros. Or les responsables de la crise, ce sont les banques, les spéculateurs, les marchés financiers, les paradis fiscaux. Ensuite, pour les deux tiers, le défaut de recettes budgétaires. Les cadeaux fiscaux représentent aujourd'hui 70 à 75 milliards d'euros, sans compter l'évasion fiscale. Alors qu'il faut s'attaquer à ces deux causes, vous vous en prenez à ceux qui ne sont absolument pas responsables de la situation : fonctionnaires, retraités, collectivités locales, services publics... En vous trompant à ce point de cible, il est douteux que vous obteniez des résultats. Au lieu de soigner un cancer financier, vous soignez un rhume de cerveau !
M. le ministre. Les questions du président Cahuzac et du rapporteur général couvraient un large spectre et je crois avoir déjà apporté de nombreuses informations.
Au sujet de l’ONDAM, nous mettons en place le dispositif mentionné par M. Chartier. Pour ce qui est des opérateurs de l'État, j’ai déjà donné la réponse.
S'agissant du déficit structurel que vous estimez à 5 %, monsieur Muet, il est pourtant incontestable que la dégradation est essentiellement due à la surréaction des recettes à la baisse, donc qu’elle est liée à la crise. Le débat peut se prolonger longtemps...
M. Pierre-Alain Muet. Nous voudrions disposer d'une évaluation de Bercy. Par le passé, le ministère a toujours calculé les déficits structurels.
M. le ministre. Le déficit structurel est de l'ordre de 3 à 3,5 % du PIB. Notre objectif de retour à 3 % en 2013 correspond justement à ce déficit. Notre plan a une cohérence, nous ne mentons pas et nous n'essayons pas d’endormir nos interlocuteurs. Au sujet des retraites, refuser de reconnaître que le déficit est celui que l’on prévoyait pour 10 ou 15 ans plus tard, c'est ne pas accepter de voir la réalité de l'impact incroyable de cette crise.
De même, je ne soutiens nullement qu'il est glorieux d'allonger la durée de vie de la CADES, mais nous n'avons pas le choix : l'impact de la crise sur le déficit de 87 milliards d’euros représente plus de 50 milliards d’euros.
M. le président Jérôme Cahuzac. C'est le bouclier fiscal qui ne vous laisse pas le choix.
M. le ministre. Ou l'intégration des prélèvements sociaux à l'intérieur du bouclier.
M. le président Jérôme Cahuzac. Avec le bouclier, vous ne pouvez pas augmenter les impôts.
M. le ministre. Nous intervenons d'abord et essentiellement sur les dépenses.
La hausse des prélèvements obligatoires dont vous faites état, monsieur de Courson, n'est pas étonnante puisque le calcul de ces prélèvements se fait par rapport à la richesse nationale et que les prélèvements ont baissé comme jamais l'an dernier. Ils remonteront sans doute l'année prochaine pour revenir à un niveau normal.
M. Charles de Courson. Une hausse d'un point ?
M. le ministre. Probablement.
En ce qui concerne la gestion des taux par l’AFT, le différentiel de 0,25 point entre le taux à trois mois et le taux moyen a permis un gain de plus d'un milliard d’euros sur la charge de la dette en 2010. Globalement, les positions que prend l'AFT correspondent à ce qui se fait dans les autres pays : tout le monde a profité de la baisse des taux à court terme.
Les 100 milliards d’euros que vous évoquez, monsieur Sandrier, se répartissent en 35 milliards de recettes issues de la croissance, 15 milliards de non-reconduction des mesures de relance, 10 milliards de réduction des niches et 40 milliards d'économies. Pour plus de détail, je vous renvoie à mes réponses au président et au rapporteur général.
M. Hervé Mariton. Le débat d'orientation budgétaire, dites-vous, est consacré aux dépenses et nous parlerons ultérieurement des impôts. Je trouverais plus sage que ce débat porte également sur les recettes, d'autant que nous nous inscrivons dans une perspective triennale.
La circulaire qui réserve l'exclusivité des mesures fiscales et sociales au PLF et au PLFSS prévoit-elle, ou non, une exception pour les lois de programmation ?
Autant vous avez été clair au sujet des objectifs de baisse des dépenses, autant vous avez été discret quant au montant de l'augmentation des impôts. Pourriez-vous éclairer notre commission ? Quels sont les chiffres actuels ?
On ne peut distinguer, dans les 40 milliards évoqués, la part de l'augmentation des impôts...
M. Olivier Carré. Il n’y aura pas d’augmentation.
M. Hervé Mariton. À ma connaissance, le Gouvernement n’a pas dit qu'il n'y en aurait pas. Du reste, la réduction des niches fiscales est une augmentation d'impôt et il y aura d'autres hausses dans le cadre de la réforme des retraites.
Je suis favorable au bouclier fiscal mais défavorable à l'implication de l'impôt dans la réforme des retraites. Sur le terrain, les réactions à l'évolution de la fiscalité des plus-values et à la suppression de la franchise, qui touchent directement les classes moyennes et les classes moyennes-supérieures, me conduisent à demander au ministre ce qu’il entend mettre en œuvre pour faire porter cette augmentation sur les catégories bénéficiant du bouclier fiscal.
En matière de dépenses, comment la discipline très pertinente qui nous a été présentée sera-t-elle appliquée aux opérateurs, et pour quel montant escompté ?
Vous annoncez également un moratoire sur les normes, à l'exception des normes européennes. Comment le mettrez-vous en œuvre ? Comment faire en sorte que les normes européennes ne se trouvent pas surdéveloppées en France, comme c'est parfois le cas ?
Votre objectif est de revenir à 3 % de déficit en 2013, en conformité avec la norme du traité de Maastricht. Mais le traité pose d'autres conditions : que l'endettement ne dépasse pas 60 %, pour une croissance de 5 %. Pour l'heure, nous ne respectons aucun de ces taux, si bien que l'on peut se demander quel est le sens de l'objectif de 3 % en 2013.
M. Daniel Garrigue. L'objectif posé pour 2013 présente un risque déflationniste inquiétant. Entre 2005 et 2007, les finances publiques ont été tenues dans ce pays. Il est regrettable qu'elles ne l’aient pas été davantage par la suite. Rappelons que la menace de déflation s'est trouvée au cœur des débats du G20 qui s'est tenu le week-end dernier. Vous parlez de 6 milliards d’euros supplémentaires à trouver si la croissance s'élève à 1,8 et non à 2,5 %. On risque de s'engager alors dans une spirale déflationniste très dangereuse.
Bien que l'on ne parle plus d'impôt mais de dépense fiscale, je souhaiterais savoir selon quel périmètre on remettra en question le bouclier fiscal.
Par ailleurs, après la circulaire du Premier ministre, un débat approfondi sur toutes les questions de procédure serait profitable à notre commission. Une réforme constitutionnelle visant à interdire les déficits me paraît surréaliste : avec un tel dispositif, comment aurions-nous pu trouver les financements qui nous ont été nécessaires pour faire face à la crise actuelle ?
Pour ce qui est de la cohérence budgétaire à l'échelle européenne, comment associer les parlements nationaux aux programmes de stabilité et à la définition des objectifs européens de façon satisfaisante et le plus en amont possible ? Alain Lamassoure et plusieurs autres personnalités ont déjà fait des propositions en ce sens.
Enfin, je trouve dommage que l'on fasse toujours de l'Europe, et singulièrement de la Commission européenne, un bouc émissaire. Il ne pourra pas y avoir de gouvernance et de stratégie économiques à l'échelle européenne avec un budget de l'Union qui représente moins de 1 % du PIB de l'ensemble de l'Europe. On ne peut parler de gouvernance économique d'un côté et entretenir cette attitude malthusienne de l'autre. Sans doute y a-t-il des ressources propres à trouver, sans doute y a-t-il des transferts de compétences à réaliser entre les États et les institutions européennes, mais arrêtez de faire de l'Europe un bouc émissaire !
M. Jean-Louis Dumont. Vous avez mentionné les publics fragiles et les habitations qui leur sont dédiées. Au titre des recettes nouvelles, il semble que vous souhaitiez obtenir des bailleurs sociaux une contribution de 350 millions d'euros à un taux de 2 % et sur une assiette – le chiffre d’affaires – dont la définition inquiète : est-ce le loyer, est-ce le loyer et la redevance, est-ce la quittance ?
M. Marc Goua. La baisse des dotations de l'État de 5 puis de 10 % aura-t-elle des conséquences sur la politique de la ville ?
Le dogme selon lequel les opérateurs doivent être logés à la même enseigne que l'État s'apparente à une politique de gribouille : au lieu de recruter des employés de l'État, on accorde la possibilité de prendre des contractuels, ce qui coûte beaucoup plus cher. Qu'en sera-t-il en 2011 ?
M. Yves Censi. Si la récession a été moindre en France que dans les autres pays européens, c'est aussi en raison d'une politique fiscale en faveur de la croissance. Nous souhaiterions néanmoins pouvoir mesurer l'efficacité de cette politique sur l'accroissement de la valeur ajoutée et sur l'emploi.
En matière d'emploi à domicile et d'aide à la personne, on sait qu'il existe des seuils au-delà desquels les mesures s'apparentent à des effets d'aubaine, mais en deçà desquels on risque de porter atteinte à l'emploi. Avons-nous aujourd'hui les moyens de déterminer précisément l'impact du dispositif en vigueur ?
Comme vous l'avez souligné, les ruptures dans le domaine fiscal peuvent avoir un effet négatif sur la croissance quels que soient les seuils.
Cela dit, il existe une niche sociale dont on sait qu'elle n'a aucun effet positif sur la croissance : je veux parler des 35 heures. Le Gouvernement entend-il mettre cette question à l’ordre du jour de la discussion budgétaire pour 2011 ?
Dans l'éducation nationale, 60 % des économies tirées du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux ont été affectés à la revalorisation du traitement des agents. Le Gouvernement maintiendra-t-il cette répartition en 2011 ?
Enfin, confirmez-vous que le programme n° 143 Enseignement technique agricole ne relèvera plus de l’Éducation nationale dans le budget de 2011 ?
M. René Couanau. Je reste un peu sur ma faim, monsieur le ministre. Je relève une grande différence entre le degré de précision des chiffres que vous nous apportez et la valeur de l'engagement que le Gouvernement va demander à la majorité, à savoir un quasi-vote de confiance.
À titre d'exemple, j'ai l'impression que l'effort en matière d'investissement pour l'avenir se concentre sur l'excellence dans les études supérieures et néglige complètement ce qui en fera la valeur, c'est-à-dire l'enseignement scolaire. Sans aller jusqu'à demander une sanctuarisation des dépenses de l'Éducation nationale, qui présenterait l'inconvénient d'être dépourvue de caractère dynamique, nous voulons savoir, après avoir reçu les rapports de la Cour des comptes, de la mission Attali – pour peu qu'on y trouve de l'intérêt – et d'autres organes, si l'on accordera en 2011 la priorité à la lutte contre l'échec scolaire. Il s'agit d'un investissement d'avenir qui concerne aussi bien la croissance que la justice et l'équilibre social.
Au terme du débat, on va me demander d'approuver une politique générale. Or, sur ce point-là, je ne peux être d'accord.
S'agissant du gel des dotations aux collectivités territoriales, on trouve dans votre rapport des formules magnifiques : « La mise en œuvre de la réforme des collectivités territoriales, de même que le moratoire sur les normes réglementaires qui leur sont imposées, fourniront aux collectivités locales de nouveaux outils pour mieux maîtriser leurs dépenses. » Mais quels sont donc ces outils et en quoi permettront-ils la maîtrise des dépenses ? Nous ne pouvons laisser passer de telles phrases !
Vous avez également évoqué l'abandon ou le report de certains grands investissements culturels. Pourrions-nous avoir des précisions ?
Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses questions que soulèvent votre rapport, votre intervention, et le vote qui nous sera demandé.
M. le ministre. Monsieur Mariton, vous semblez tenir à me faire dire que le Gouvernement augmente les impôts. Ce n'est pas le cas. Le taux d'imposition des particuliers et le taux de la TVA n'augmentent pas. Parler d'une réduction des dépenses fiscales à hauteur de 10 milliards d’euros n'est pas une fausse pudeur, une feuille de vigne sur le sexe de Bercy : c'est la réalité. Une exonération d'impôt est une forme de dépense, même si elle n'est pas budgétaire. Elle correspond au choix d'accompagner des politiques publiques sans prélever d'impôt.
La grande différence avec l'impôt, c'est qu'aucune loi n'oblige le contribuable à bénéficier d'une niche fiscale. Si nous augmentions les taux, tout le monde devrait payer. En d'autres termes, nous revenons sur des dépenses fiscales qui correspondaient à des choix dont nous n'avons plus les moyens. Nous l'assumons. Qu’il en résulte une augmentation des recettes, c'est le but. Je suis bien conscient qu'il y a une différence avec le modèle britannique, le modèle espagnol et peut-être même le modèle allemand.
M. le président Jérôme Cahuzac. Si l'on suit votre logique, augmenter la TVA ne revient pas augmenter les impôts car on n’oblige personne à consommer...
M. le ministre. Pour ce qui est du volet recettes, je crois qu'on n'a jamais été aussi précis dans un débat d'orientation budgétaire. Les arbitrages interviendront à la fin du mois d'août et je viendrai en présenter tous les détails devant votre commission. Je souligne que nous sommes dès maintenant plus précis, plus affirmatifs, plus méthodiques.
Je ne suis pas anti-européen, monsieur Garrigue. Je remarque seulement que Bruxelles demande d'un côté des mises sous surveillance et de l'autre une hausse de plus de 6 % de son budget, en grande partie pour augmenter le traitement de ses hauts fonctionnaires. Il ne faut pas exagérer !
M. Daniel Garrigue. Ma question portait sur la gouvernance et la stratégie économiques.
M. le président Jérôme Cahuzac. Le ministre a raison : la demande correspond essentiellement à des besoins de fonctionnement, en raison de statuts proprement inimaginables.
M. le ministre. Nous ne pensons pas que le dispositif proposé ait un caractère déflationniste, au contraire. Si les déficits et la dette créaient de la croissance, cela se saurait ! Jamais nous n'avons été aussi endettés et jamais nous n'avons connu une croissance aussi faible. Alors que le taux d'épargne privée est considérable – 17 % –, nous croyons que la levée du doute dans l'esprit des Français aura des effets vertueux. La réforme des retraites apporte une première réponse aux doutes sur l'avenir à long terme. Les mesures budgétaires apportent une réponse aux doutes sur l'avenir immédiat. Est-ce politiquement courageux, audacieux ? L'histoire le dira. Nous croyons en tout cas que c'est nécessaire et que c'est une question de responsabilité. Une action sans faiblesse aura un impact sur la consommation. Cette relance par la confiance suppose beaucoup de travail de la part de tous.
Je répondrai personnellement à M. Jean-Louis Dumont, qui ne peut assister à la fin de cette audition.
En matière d'aide à la personne, monsieur Censi, les arbitrages ne sont pas encore rendus. Il est évident que l'on ne touchera pas aux publics fragiles – handicapés, personnes âgées... Pour les autres emplois à domicile, je constate que le plafond n'est pas toujours atteint et je n'ai pas d'états d'âme à affirmer qu'il faudra passer le rabot d'une manière ou d'une autre. Je ne vois pas pourquoi les personnes qui ont les moyens d'avoir une aide à domicile ne participeraient pas à l'effort général, d'autant que l’on restera à un niveau de prestation qui permettra de favoriser l'embauche.
L'enseignement technique agricole est un sujet compliqué. Nous sommes sur la ligne du transfert que vous évoquez.
Je vous confirme également que la politique de non-remplacement d'un départ sur deux de la prochaine programmation triennale conservera le principe de la restitution, sous forme de bonification, de 50 % des économies réalisées. Il s'agit d'une réforme difficile. Si la fonction publique l’a acceptée, c'est aussi parce que nous avons respecté cet engagement. Il y aura moins d'agents, mais mieux payés. L'objectif est que l'État devienne un meilleur employeur.
Je comprends votre déception, monsieur Couanau, sans tout à fait la partager. Je ne peux que vous encourager à faire confiance au Gouvernement, ou du moins à votre ancien voisin...
M. René Couanau. J’en viendrais presque à souhaiter que peu d’amis entrent au Gouvernement !
M. le président Jérôme Cahuzac. Merci, monsieur le ministre.
Je propose à la Commission d’autoriser la publication du rapport d’information du rapporteur général en vue du débat d’orientation des finances publiques.
À l’issue de cette audition, la Commission autorise la publication du présent rapport d’information.
*
* *
1 () Les données suivantes ne portent que sur le périmètre des recettes fiscales de l’État, hors mesures nouvelles sur les autres prélèvements obligatoires non affectés à l’État. Les recettes fiscales nettes sont présentées selon la nouvelle nomenclature de recettes fiscales. Le coût des baisses d’impôt cumulées depuis 2000 intègre uniquement les mesures publiées après le 1er janvier 2000. Pour obtenir leur coût cumulé, une fourchette haute et une fourchette basse ont été calculées. Celle-ci suppose une absence de vieillissement des mesures nouvelles (le coût initial est retenu sur toute la période). Celle-là suppose un vieillissement des mesures comme l’évolution spontanée des impôts auxquelles elles se rattachent. La réalité se situe entre ces deux fourchettes. Une mesure relative à un taux réduit de TVA évolue de façon similaire à la TVA (évolution comme la fourchette haute). Une réduction d’impôt forfaitaire en revanche évolue en euros courants si elle n’est pas revalorisée (évolution comme la fourchette basse). S’agissant de l’impôt sur les sociétés, il faut noter que la convention suivante a été retenue : les mesures d’allégement d’impôts d’État impactant les entreprises ont un contrecoup positif en surplus d’IS (moindres charges liées à l’allégement d’impôt se répercutant dans le résultat).
2 () Il convient également de noter que les tableaux indiquant le manque à gagner cumulé des baisses d’impôts et ceux recensant le coût annuel, détaillé selon les principales mesures, ne sont pas comparables. Les premiers prennent en compte la dynamique des assiettes et indiquent le manque à gagner pour l’État en 2009 alors que les seconds présentent le coût d’une mesure à une année N.
3 () Dossier « Quelle croissance de moyen terme après la crise ? », Pierre-Yves Cabannes, Vincent Lapègue, Erwan Pouliquen, Magali Beffy et Mathilde Gaini, dossier 2010.
4 () Définis dans le collectif budgétaire du 9 mars 2010. Voir Gilles Carrez, Rapport sur le projet de loi de règlement du budget 2009, juin 2010, ainsi que le Rapport sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2010, n° 2268, février 2010.
5 () Pour la Cour des comptes, en 2010, « hors relance et allocations chômage, la croissance des dépenses publiques en volume serait de 1,7 %. Elle serait donc inférieure à la moyenne des dix dernières années, mais très loin de l’objectif de 0,6 % retenu pour les années 2011 à 2013 » (Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2010, p. 51).
6 () Le Gouvernement a, quant à lui, évoqué un montant de 45 milliards d’euros sur cette même période.
7 () Notamment parce qu’ils sont particulièrement sensibles à la progression « tendancielle » servant de trajectoire de référence, ainsi qu’au « point de départ » de la projection (c’est-à-dire les années 2009 et 2010, marquées par des dépenses exceptionnelles liées à la crise).
8 () Le Gouvernement a notamment indiqué que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) progresserait de 2,9 % en 2011. À supposer que l’ONDAM 2010 (fixé à 3 %) soit respecté en exécution, cela représenterait des économies supplémentaires d’environ 2,9 milliards d’euros.
9 () Sur la norme de dépense, voir infra, III, B, 1.
10 () Rappelons que cette hypothèse a été modifiée quand le programme de stabilité a été amendé en mars dernier, l’hypothèse initiale étant une élasticité des recettes à la croissance de 1,1.
11 () Quand les recettes croissent au même rythme que le PIB (élasticité de 1), il n’y a pas de modification du taux de PO puisque numérateur et dénominateur croissent au même rythme. En revanche, la part de surréaction des recettes à la croissance (le 0,2 de l’élasticité de 1,2) impacte à la hausse le taux de PO.
12 () L’évaluation est celle fournie par le Gouvernement dans l’annexe au projet de loi de finances pour 2010 relative aux voies et moyens ou au moment de l’examen de la disposition par l’Assemblée.
13 () Compte tenu des incertitudes pesant sur le coût de la réforme de la taxe professionnelle.
14 () Le coût du crédit d’impôt développement durable a dépassé, en exécution 2009, la prévision faite en 2008.
15 () Taux effectif retenu dans le cadre du calcul du coût de la réforme de la taxe professionnelle.
16 () Montant supérieur de 1,3 milliard d’euros à la prévision en raison de retards dans le paiement, en 2010, des crédits de la mission Plan de relance de l’économie.
17 () Augmentation du taux d’amortissement dégressif et dispositif de « prêts verts ».
18 () Voir le tome I du rapport n°1967 relatif au projet de loi de finances pour 2010.
19 () On suppose que ni le taux d’inflation ni le montant des dépenses publiques en valeur absolue ni celui des recettes non fiscales ne sont affectés par la révision à la baisse du taux de croissance.
20 () Pour une série d’illustrations, voir par exemple les appréciations portées par le Rapporteur général sur les changements de périmètre pris en compte par le Gouvernement dans le calcul de la norme de dépense pour 2009 et 2010 : Gilles Carrez, rapports sur les projets de loi de finances pour 2009 et 2010, Tome 1, n° 1198, octobre 2008, p. 69 et n° 1967, octobre 2009, p. 101.
21 () En raison principalement du vieillissement de la population.
22 () Sous le double effet de la fin de la baisse des taux d’intérêt et de l’augmentation de l’encours de la dette. S’y ajoute, pour toute la durée de consommation des 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir ouverts par le collectif budgétaire du 20 avril dernier, l’effet de l’intégration à la norme de dépense du surcoût sur la charge de la dette entraîné par la rémunération de la fraction non consomptible des fonds placés auprès du Trésor.
23 () Article 7 de la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009.
24 () Gilles Carrez et Michel Thénault, Rapport du groupe du travail sur la maîtrise des dépenses locales, Conférence sur les déficits publics, mai 2010 : « en ce qui concerne le FCTVA, le groupe de travail considère qu’il convient de le laisser hors périmètre du gel, en raison de son caractère de remboursement de la TVA payée par les collectivités sur leurs achats et non de dotation de l’État stricto sensu. La stabilité des concours en valeur pourrait ainsi toucher, au maximum, les prélèvements sur recettes hors FCTVA, la dotation générale de décentralisation pour la formation professionnelle et les dotations de la mission "Relations avec les collectivités territoriales" ».
25 () Dépenses du titre 2 hors contributions au compte d’affectation spéciale Pensions.
26 () Voir Gilles Carrez, Rapport sur le projet de loi de règlement du budget 2009, juin 2010.
27 () Le glissement-vieillesse-technicité positif (ou « effet de carrière ») rend compte de l’incidence à la hausse sur la masse salariale des avancements individuels, à l’ancienneté ou au choix. Il est contrebalancé par l’impact à la baisse des mouvements d’entrées et sorties dans la fonction publique à effectifs constants (GVT négatif ou « effet de noria »).
28 () Montants hors crédits de la mission Plan de relance de l’économie.
29 () Gilles Carrez, Rapport d’information préalable au débat d’orientation budgétaire pour 2008, n° 67, juillet 2007, p. 29.
30 () En euros constants 2010.
© Assemblée nationale