N° 2728 - Rapport d'information de M. Guy Geoffroy déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur la contribution de l'Etat au développement de la vidéoprotection



N° 2728

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 juillet 2010.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION
ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE

sur la contribution de l’État au développement de la vidéoprotection,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Guy GEOFFROY,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. DE L’ÉTAT RÉGULATEUR À L’ÉTAT ACTEUR : UNE LENTE ÉVOLUTION 7

A. UN RÉGIME JURIDIQUE FONDÉ SUR L’ARBITRAGE DE L’ÉTAT 7

1. La loi de 1995 résulte d’une méfiance de l’État à l’égard de la vidéosurveillance 7

2. L’État, un arbitre dans le domaine de la vidéosurveillance 8

B. UNE PRISE DE CONSCIENCE DE LA NÉCESSITÉ POUR L’ÉTAT DE FAVORISER LA VIDÉOPROTECTION SUR LA VOIE PUBLIQUE 9

1. Une prise de conscience de l’importance de la vidéoprotection pour l’efficacité de la politique de sécurité 9

2. Une évolution du rôle de l’État à partir de 2005 12

II. L’ÉTAT DÉSORMAIS AU CœUR DU DÉVELOPPEMENT DE LA VIDÉOPROTECTION SUR LA VOIE PUBLIQUE 13

A. LA MISE EN PLACE D’UN CADRE FAVORABLE AU DÉVELOPPEMENT DE LA VIDÉOPROTECTION 13

1. L’adaptation du cadre juridique 14

2. L’État, nouveau « centre de ressources » 16

B. UN SOUTIEN FINANCIER DÉCISIF 17

1. Le cadre de l’intervention financière de l’État 17

2. La mise en œuvre du plan national de développement de la vidéoprotection 19

3. Les projets financés grâce aux subventions de l’État 20

4. Un cas d’intervention directe de l’État : le plan de vidéoprotection pour Paris 23

C. UN CONTRÔLE À REVOIR ? 25

EXAMEN EN COMMISSION 29

ANNEXE : LISTE DES 75 SYSTÈMES MUNICIPAUX DE VIDÉOPROTECTION FINANCÉS EN PRIORITÉ 31

AUDITIONS ET DÉPLACEMENT EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR 33

Mesdames, Messieurs,

La vidéoprotection, nouvelle appellation de la vidéosurveillance, a connu un essor remarquable dans notre pays depuis quelques années. Le changement sémantique intervenu n’est pas neutre, il reflète une modification de l’attitude de nos concitoyens à l’égard de cet outil. Au milieu des années 1990, l’apparition de la vidéosurveillance dans l’espace public s’est accompagnée d’un climat de méfiance quant aux réelles motivations de ses promoteurs, accusés de remettre en cause la vie privée. Un récent sondage commandé par la CNIL fait dorénavant apparaître une perception fort différente de la population : il en ressort en effet que 71 % des personnes interrogées sont favorables à la présence de caméras de vidéosurveillance dans les lieux publics (1).

L’utilisation de caméras sur la voie publique est désormais considérée comme un élément, parmi d’autres, d’une politique globale de lutte contre l’insécurité : au-delà de son impact potentiel contre le terrorisme, les décideurs publics ont compris la contribution de cet outil contre la délinquance du quotidien. En conséquence, l’État ne pouvait continuer d’adopter à l’égard de la vidéosurveillance une attitude de simple neutralité, il devait s’engager davantage afin que la France rattrape une partie de son retard en matière de vidéosurveillance de voie publique.

À partir des années 2006-2007, l’État est donc devenu un acteur majeur du développement de la vidéoprotection. Pourtant, la lecture des documents budgétaires annuels ne permet pas d’appréhender cette nouvelle réalité. En effet, à l’exception singulière du cas du plan « 1 000 caméras » de la préfecture de police de Paris, aucun crédit destiné à financer le développement de la vidéosurveillance n’est inscrit dans le budget de la mission « sécurité » (2), que ce soit au sein du programme « police nationale » ou du programme « gendarmerie nationale ». Cela s’explique aisément : la mise en place de caméras sur la voie publique ne constitue pas une compétence de l’État mais relève principalement des collectivités locales. L’intervention de l’État dans ce domaine n’est donc pas directe, elle passe principalement par le biais de subventions et d’aide à la maîtrise d’ouvrage.

Ainsi, l’effort financier de l’État en faveur du développement de la vidéoprotection est significatif et ne cesse de croître dans le cadre de la montée en puissance du programme national d’équipement en vidéoprotection, voulu par le Président de la République dès 2007, et dont l’axe majeur est de faire passer le nombre de caméras sur la voie publique de 20 000 à 60 000. Or, cet effort financier utilise un outil bien spécifique, le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) qui n’est pas alimenté par des ressources budgétaires, mais principalement par un prélèvement sur le produit des amendes de police, voté chaque année en loi de finances rectificative.

Par conséquent, aucun débat sur la contribution de l’État au développement de la vidéoprotection ne peut avoir lieu dans le cadre du débat sur la loi de finances initiale. Votre rapporteur pour avis des crédits de la mission « sécurité » n’a donc pas l’occasion de traiter cette question, pourtant stratégique, dans le cadre de l’avis qu’il rend chaque année au nom de la commission des Lois. C’est pourquoi il a semblé intéressant de s’intéresser spécifiquement, dans le cadre d’un rapport d’information, à la contribution de l’État au développement de la vidéoprotection, en complément de l’avis qui sera rendu à l’automne par votre rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « sécurité » pour 2011.

I. DE L’ÉTAT RÉGULATEUR À L’ÉTAT ACTEUR : UNE LENTE ÉVOLUTION

A. UN RÉGIME JURIDIQUE FONDÉ SUR L’ARBITRAGE DE L’ÉTAT

1. La loi de 1995 résulte d’une méfiance de l’État à l’égard de la vidéosurveillance

La technologie de la vidéosurveillance s’est d’abord développée pour la protection de lieux privés (domiciles, commerces, banques…). S’appliquaient alors des règles de droit commun, telles la législation relative à la protection de la vie privée (3), la loi « informatique et libertés » ou le droit du travail.

Sur la voie publique, l’éventuelle installation de systèmes de vidéosurveillance se fondait sur le pouvoir de police générale du maire, et s’effectuait donc en l’absence de toute législation spécifique. De fait, un certain nombre de communes ont mis en place de tels dispositifs de voie publique à la fin des années 1980 et au début des années 1990, à Levallois-Perret par exemple, suscitant alors un débat passionné sur le respect de la vie privée. Ainsi, la décision de légiférer sur la vidéosurveillance, dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité (LOPS) du 21 janvier 1995, ne reposait pas sur une volonté de favoriser le développement de cet outil, mais bien plutôt sur une volonté d’en encadrer l’essor.

Les propos du rapporteur de la LOPS à l’Assemblée nationale sont particulièrement éclairants sur l’attitude alors la plus répandue à l’égard de la vidéosurveillance : celle-ci était certes tolérée, mais devait être strictement réglementée. Le rapporteur Gérard Léonard expliquait en effet que : « Il s’agit là, non de contraindre collectivités et sociétés privées à s’équiper en vidéosurveillance mais, au contraire, de réguler la croissance de ces systèmes qui, plus encore que la télédétection des voitures, peuvent constituer une menace pour la vie privée. En effet, les textes actuels ne couvrent de manière satisfaisante que les lieux strictement privés ou bien les locaux professionnels relevant du code du travail. Or la vidéosurveillance met en jeu non seulement les libertés publiques mais aussi la cohérence de l’organisation de la sécurité publique. C’est pourquoi je pense qu’une telle pratique, sans en nier l’intérêt, doit être strictement réglementée. Son utilisation devrait être extrêmement sélective et se limiter aux lieux les plus sensibles. »

Ainsi l’intervention du législateur a permis de réglementer strictement l’usage de la vidéosurveillance sur la voie publique, en imposant aux maîtres d’ouvrage des obligations de nature à permettre le respect de la vie privé. En effet, le déploiement de systèmes de vidéosurveillance n’est autorisé que pour certaines finalités, dont l’importance justifie une entrave limitée à la vie privée. C’est d’ailleurs la prise en compte du respect du principe de proportionnalité qui a permis d’assurer la constitutionnalité du dispositif. Le Conseil constitutionnel a en effet estimé que « pour répondre aux objectifs de valeur constitutionnelle de préservation de l’ordre public, le législateur pouvait habiliter le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de police, à autoriser l’installation de systèmes de vidéosurveillance assurant la transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie publique mis en œuvre par les autorités publiques compétentes aux fins "d’assurer la protection des bâtiments et installations publiques et de leurs abords, la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale, la régulation du trafic routier, la constatation des infractions aux règles de la circulation ou la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés aux risques d’agression ou de vol » (4).

2. L’État, un arbitre dans le domaine de la vidéosurveillance

L’article 10 de la loi du 21 janvier 1995 qui fixe le cadre légal de la vidéosurveillance sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public ne fait donc pas de l’État un acteur majeur dans ce domaine. En revanche, il donne à l’État un rôle d’arbitrage dans le développement de la vidéosurveillance.

Tout d’abord, la loi donne indirectement aux communes la compétence de déployer, sur une base uniquement volontaire, des dispositifs de vidéosurveillance. En effet, cette compétence est donnée par la loi aux « autorités publiques compétentes », c’est-à-dire celles titulaires du pouvoir de police. Si, en théorie les préfets peuvent mettre en œuvre de tels dispositifs, en pratique c’est l’autorité de droit commun titulaire du pouvoir de police général, le maire, qui est principalement concerné par l’expression « autorité publique compétente » (5).

Or, si les communes sont à l’initiative du déploiement des systèmes de vidéosurveillance sur la voie publique, elles exercent cette compétence sous le strict contrôle de l’État puisque l’installation d’un système de vidéosurveillance est subordonnée à l’autorisation du préfet, après avis de la commission départementale de vidéosurveillance, présidée par un magistrat du siège.

Ce cadre légal donne donc un rôle d’arbitrage important au préfet, chargé d’étudier les dossiers présentés et de vérifier qu’ils respectent bien les différentes garanties inscrites dans la loi (obligation d’information du public, interdiction de filmer l’entrée et l’intérieur des immeubles d’habitation, respect des motifs d’installation prévus par la loi…).

B. UNE PRISE DE CONSCIENCE DE LA NÉCESSITÉ POUR L’ÉTAT DE FAVORISER LA VIDÉOPROTECTION SUR LA VOIE PUBLIQUE

1. Une prise de conscience de l’importance de la vidéoprotection pour l’efficacité de la politique de sécurité

Sur le fondement très encadrant de la loi de 1995, la France a logiquement connu un développement très modeste de la vidéosurveillance sur la voie publique. Dans le rapport qu’ils ont remis en octobre 2007 au ministre de l’Intérieur, MM. Philippe Melchior et Jean-Pierre Dalle estimaient à 75 000 le nombre de caméras dans les transports et à 20 000 le nombre de caméras sur la voie publique (6) sur les 350 000 caméras autorisées par les préfets à la fin 2006, un chiffre à rapprocher des quelque 4 millions de caméras dont disposait déjà le Royaume Uni à l’époque.

Ce faible nombre de caméras, notamment dans les lieux les plus facteurs de risque en terme d’insécurité, montrait bien que la vidéosurveillance ne faisait pas partie de la palette d’outils utilisée par l’État dans la mise en œuvre de sa politique de sécurité. Pourtant, les acteurs de cette politique ont pris conscience progressivement de l’utilité de la vidéosurveillance pour aider les forces étatiques de sécurité à remplir leurs missions dans les meilleures conditions.

La première manifestation de cette prise de conscience concerne l’utilité de la vidéosurveillance dans la prévention et la répression du terrorisme, activité qui relève par essence de la responsabilité de l’État. Les attentats de Londres en juillet 2005 ont joué un rôle très significatif en montrant l’utilité de la vidéosurveillance dans l’élucidation de ces attentats. Par ailleurs, il est apparu que la vidéosurveillance pouvait permettre de détecter des attitudes anormales de nature à éveiller l’attention des personnes qui visionnent les images, et donc était de nature à jouer également un rôle préventif en matière de lutte contre le terrorisme.

La gestion du risque terroriste étant une prérogative régalienne, il appartient donc à l’État d’inciter, voire de contraindre, les personnes publiques ou privées susceptibles d’être la cible d’attentats de se doter de dispositifs de vidéosurveillance.

La prise de conscience de la contribution de la vidéosurveillance à la lutte contre le terrorisme a par ailleurs probablement permis d’engager un débat sur l’utilité globale de la vidéosurveillance. Plus de dix années après la loi de 1995, les termes du débat avaient en effet sensiblement changé et l’attitude de l’opinion également. Il en va de même de la perception des forces de sécurité étatiques, police et gendarmerie, longtemps sceptiques quant à l’utilité de la vidéosurveillance. Celles-ci se sont en effet rendu compte que la vidéosurveillance permettait de faciliter la lutte contre la délinquance.

Certes, comme l’a rappelé à votre rapporteur le commissaire Alain Winter, conseiller « vidéoprotection » au cabinet du directeur général de la police nationale, la vidéosurveillance est un outil de prévention situationnelle et le maire est le pivot de la politique de prévention de la délinquance : il est donc justifié que ce soit les maires qui soient à l’initiative de l’équipement de leurs communes en caméras destinées à la prévention d’actes de délinquance.

Toutefois, les services de police et de gendarmerie trouvent un bénéfice direct dans l’installation d’un dispositif de vidéosurveillance dès lors qu’ils ont accès aux images. La visite par votre rapporteur du CIC (centre d’information et de commandement) de la Direction départementale de la sécurité publique du Loiret lui a permis d’apprécier l’utilité de l’outil « vidéoprotection » dans le travail quotidien des forces de l’ordre :

— dans le cadre des enquêtes judiciaires : la vidéoprotection permet tout d’abord de retrouver ex post les auteurs d’infraction par réquisition des images auprès de l’autorité gestionnaire du système de vidéosurveillance. Si le domaine judiciaire se prête mal à la démarche statistique, des exemples très concrets de l’utilisation des images de vidéosurveillance comme preuve pour l’élucidation de divers crimes ou délits ont pu être cités à votre rapporteur (7). Ces cas sont loin d’être anecdotiques, la vidéosurveillance fait dorénavant partie de la palette d’outils de police technique et scientifique utilisés au quotidien par les enquêteurs.

En outre, les services enquêteurs utilisent dorénavant les possibilités offertes par l’utilisation en continu des images de vidéoprotection dans le cadre de surveillance ou de filature, par exemple dans le domaine de la lutte contre le trafic de drogue ou l’économie souterraine ;

— dans le cadre de la gestion des interventions : le déport des images vers les centres d’information et de commandement (CIC) de la police et vers les centres opérationnels de la gendarmerie (COG) est un outil précieux afin de mieux préparer les interventions. À Orléans par exemple, chaque fois qu’un appel « police secours » signale un événement dans une zone télé surveillée, l’opérateur radio consulte les images en direct afin d’évaluer au mieux la situation et d’apporter l’information la plus utiles aux équipages sur des dangers éventuels.

Ainsi, la vidéoprotection est bien loin d’être un outil susceptible de remplacer l’intervention humaine, mais il s’agit d’un outil pour améliorer l’efficacité des interventions, au même titre que la géolocalisation des équipages par exemple. Pour la police ou la gendarmerie nationales, avoir accès à des images sans possibilité d’intervenir est inutile, voire contre-productif en terme de crédibilité. Au total, la vidéoprotection n’est susceptible d’engendrer des économies de personnels que dans des cas très précis, par exemple lorsqu’elle est utilisée pour remplacer des gardes statiques de bâtiments officiels…

L’efficacité de la vidéoprotection

En dépit des constats réalisés par les élus sur le terrain, l’efficacité de la vidéosurveillance est souvent mise en doute. Un récent rapport (8) réalisé à partir d’une étude fine de l’évolution de la délinquance dans 146 circonscriptions de sécurité publique et 63 unités de gendarmerie, est venu apporter des éléments tangibles permettant d’apprécier l’efficacité de la vidéosurveillance.

Ce rapport indique que « l’analyse des statistiques de la délinquance montre un impact significatif de la vidéoprotection en matière de prévention puisque le nombre de faits constatés baisse plus rapidement dans des villes équipées de vidéoprotection que dans celles où aucun dispositif n’est installé.

L’effet majeur porte sur la prévention des agressions contre les personnes qui sont celles auxquelles la population est la plus sensible, prévention efficace sous réserve qu’une densité de caméras suffisante eût été installée. Le déplacement de la délinquance des zones vidéoprotégées vers celles qui ne le sont pas est faible, les dispositifs de vidéoprotection ayant un effet bénéfique sur un périmètre plus large que celui des seules zones équipées ».

Parmi les constatations dressées par ce rapport, on peut notamment citer :

— l’efficacité de l’installation de caméras de vidéoprotection, de centres de supervision urbaine, de report d’images vers les salles de commandement de la police ou de la gendarmerie ne peut être appréciée que dans un ensemble ;

— la délinquance a baissé en moyenne plus fortement dans des communes équipées de vidéoprotection que dans celles qui ne disposent pas de vidéoprotection urbaine : entre 2000 et 2008 on constate une baisse de la délinquance de 13,5 % de la délinquance en zone police dans les communes équipées contre une baisse de 6,9 % au niveau national. En zone gendarmerie, la baisse est 11,8 % dans les communes équipées contre une hausse de 6,5 % de la délinquance au niveau global ;

— les enquêteurs ont recours de manière quasi-systématique aux images enregistrées lors des investigations, en particulier pour les faits graves : pour près de 30 % des personnes mises en cause en zone gendarmerie pour des faits de délinquance de proximité, la vidéoprotection a joué un rôle ;

— le taux d’élucidation global ne progresse significativement que dans les villes où une forte densité de caméras a été installée. Dans les villes équipées de vidéoprotection, les taux d’élucidation progressent plus ;

— l’effet « plumeau », c’est-à-dire un déplacement de la délinquance des zones sous vidéoprotection vers les zones non couvertes, ne semble pas avéré ;

— l’efficacité des centres de supervision repose sur la qualité du travail des opérateurs et sur les bonnes relations qui doivent exister entre les services de police ou de gendarmerie, les CSU et la police municipale.

2. Une évolution du rôle de l’État à partir de 2005

Quelques semaines après les attentats de Londres du 7 juillet 205, le ministre de l’intérieur de l’époque, M. Nicolas Sarkozy, demandait à un inspecteur général de l’administration, M. Philippe Melchior, de rendre un rapport sur l’utilisation de la vidéosurveillance dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Ce rapport soulignait notamment que le réseau de vidéosurveillance français se trouvait dépourvu d’une vision précise de ses objectifs stratégiques en matière de sécurité.

En effet, il précisait que « l’orientation souhaitée par l’État est elle-même, à ce jour, indéchiffrable », notamment car « l’État n’a pas exprimé clairement les contours d’une politique nationale, le rythme de développement souhaitable, et plus encore ses finalités : la vidéosurveillance a-t-elle pour but principal de rassurer les commerçants et la population, en permettant aux maîtres d’ouvrage qui le désirent de s’équiper, après une passe d’armes plus ou moins complexe avec l’administration ? S’agit-il de lutter effectivement contre la délinquance générale, en ajoutant un outil à une palette d’intervention des responsables de la sécurité publique ? Espère-t-on aussi améliorer les résultats de la lutte contre la criminalité organisée, en recueillant des éléments probants dans des affaires où la preuve est difficile ? Ou convient-il, par cet outil, d’accentuer la lutte contre le terrorisme, qui n’est pas au nombre des objectifs explicites de la loi, en cherchant ou bien à faciliter le déroulement des enquêtes si des actes terroristes viennent à être commis, ou bien aussi à prévenir les attentats ? » (9)

Ces observations montrent bien que l’État n’avait pas alors de vision stratégique du rôle de la vidéosurveillance, dont le régime juridique paraissait par ailleurs largement obsolète. Ainsi, la première contribution de l’État à la mise en œuvre d’une politique volontariste dans le domaine de la vidéosurveillance a constitué à en modifier le régime juridique, par l’intermédiaire de la loi antiterroriste du 23 janvier 2006 (10). Cette loi donne un nouveau rôle à l’État dans le développement de la vidéosurveillance, même si elle ne bouleverse pas les grands principes de la loi de 1995, par :

— l’extension de la vidéosurveillance dans les lieux exposés au terrorisme. Jusque-là en effet, le risque terroriste ne faisait pas partie des motifs pouvant justifier l’installation de dispositifs de vidéosurveillance. Par ailleurs, illustrant bien la nouvelle nature d’un outil dont on reconnaît l’utilité pour protéger les intérêts fondamentaux de la Nation, une autre disposition prévoit que, dans certains lieux exposés à un risque terroriste (barrages, centrales nucléaires, infrastructures de transport…) la mise en place d’un système de vidéosurveillance n’est pas une simple faculté, mais peut être imposée par l’État ;

— la possibilité d’un accès direct aux images des systèmes de vidéosurveillance appartenant à des tiers (collectivités locales, gestionnaires de transport public…) par les services de police et de gendarmerie nationales. Cette disposition était fondamentale pour que la vidéosurveillance devienne un outil que s’approprient les forces de sécurité de l’État, alors qu’elle n’était jusqu’ici utilisée que par les polices municipales ou, a posteriori, dans un cadre judiciaire. Comme votre rapporteur a pu le constater à Orléans, le déport des images vers l’hôtel de police est un outil très utile de management et d’organisation des missions confiées à la police nationale ;

— la normalisation technique des équipements afin de disposer d’images de bonne qualité. La loi prévoit en effet que les systèmes de vidéosurveillance installés doivent être conformes à des normes techniques définies par un arrêté, pris le 3 août 2007. Comme l’explique le Guide méthodologique de vidéoprotection réalisé par le ministère de l’intérieur, « ces normes ont pour but d’assurer une qualité minimum des images et de leur transmission de sorte qu’elles puissent servir effectivement à la lutte contre la délinquance ». Alors que l’installation d’un dispositif de vidéosurveillance reste purement facultative, l’État exige cependant, en imposant des normes techniques, que si une telle décision est prise, le système mis en place puisse contribuer à la lutte contre la délinquance.

Une étape supplémentaire de l’implication de l’État a consisté dans la lettre de mission adressée par le Président de la République à Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’Intérieur, le 30 juillet 2007, qui insistait sur la nécessité de développer davantage de moyens de vidéosurveillance, notamment en proposant un plan national d’équipement dans ce domaine. Le chef de l’État demandait donc que, pour la première fois, l’État soit à l’origine d’une politique volontariste de développement de la vidéosurveillance.

Ce plan reposait sur un objectif de triplement du nombre de caméras installées sur la voie publique, soit 60 000 caméras d’ici 2011, en aidant les communes à financer de nouveaux systèmes, en facilitant le raccordement des centres de supervision urbain des communes aux services de police et de gendarmerie, et en développant des moyens spécifiques à Paris, avec le plan « 1 000 caméras ».

II. L’ÉTAT DÉSORMAIS AU CœUR DU DÉVELOPPEMENT DE LA VIDÉOPROTECTION SUR LA VOIE PUBLIQUE

A. LA MISE EN PLACE D’UN CADRE FAVORABLE AU DÉVELOPPEMENT DE LA VIDÉOPROTECTION

Bien que l’État ne soit, encore aujourd’hui, qu’exceptionnellement maître d’ouvrage dans la mise en œuvre de dispositifs de vidéoprotection, le Gouvernement, sous l’impulsion du Président de la République, a décidé de faciliter et d’accélérer son développement.

Ces facilitations concernent tant les aspects juridiques que les montages financiers et la garantie d’une bonne utilisation par les services appelés à intervenir dans le domaine de la sécurité.

Pour conduire ce programme, le ministère de l’intérieur a par exemple mis en place un comité de pilotage interministériel dont les membres ont reçu pour instruction d’animer l’action des services de l’État pour faciliter le développement souhaité et de se tenir à disposition de tous les acteurs à cette fin. Dans le même temps il a installé une commission nationale de la vidéosurveillance chargée notamment de la conseiller et de veiller au respect de l’éthique.

1. L’adaptation du cadre juridique

Historiquement, le principal rôle de l’État vis-à-vis de la vidéosurveillance a été de construire un cadre juridique encadrant son développement. Si le respect des libertés publiques reste un impératif absolu dans le développement de la vidéosurveillance, l’État joue désormais différemment son rôle de régulateur : cherchant désormais à limiter les contraintes juridiques pesant sur les maîtres d’ouvrage.

En effet, la procédure d’autorisation mise en place en 1995 est très pesante et exprimait, à l’origine, la méfiance de l’État vis-à-vis des initiatives locales. Encore aujourd’hui, le président du comité de pilotage de la vidéoprotection, M. Philippe Melchior, a admis qu’un délai d’instruction des dossiers d’un an à un an et demi était fréquent. Désormais M. Melchior estime que l’État doit jouer un rôle de facilitateur.

L’assouplissement des contraintes administratives est donc une orientation importante de la nouvelle politique de l’État en faveur de la vidéoprotection. Il n’est bien sûr pas question de remettre en cause les garanties prévues par la loi ou la réglementation pour protéger la liberté individuelle. En revanche, il semble possible d’alléger certaines lourdeurs administratives qui freinent le développement de la vidéoprotection.

Ainsi, le décret n° 2009-86 du 22 janvier 2009 a simplifié les démarches nécessaires pour obtenir une autorisation préfectorale. Le rapport de présentation contenu dans la demande d’autorisation préalable à l’installation d’un système peut se borner à un exposé succinct des finalités du projet et des techniques mises en œuvre, lorsque la demande porte sur l’installation d’un système de vidéosurveillance comportant moins de huit caméras dans un lieu ou établissement ouvert au public. Le décret impose aussi des délais de réponse à la commission départementale des systèmes de vidéosurveillance : elle devra ainsi émettre son avis dans un délai de trois mois. Un délai qui pourra être prolongé d’un mois à la demande de la commission. Enfin, le décret ouvre la possibilité de demander la création d’un « périmètre vidéosurveillé » dans lequel le maire décide du nombre de caméras et de leur implantation, et peut changer librement l’un et l’autre.

En outre, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 16 février 2010, contient des dispositions sur la vidéoprotection visant à en faciliter le développement :

— une modification sémantique, en proposant de rebaptiser la vidéosurveillance « vidéoprotection » dans tous les textes législatifs ou réglementaires, traduisant l’évolution de l’attitude de l’État à l’égard de cet outil ;

— une extension des motifs permettant l’installation des dispositifs de vidéoprotection à la régulation des transports et à la protection contre les incendies ;

— une extension des possibilités d’usage de la vidéoprotection sur la voie publique par les personnes morales de droit privé en cas de risque d’agression ou de vol. Cette disposition permettra de créer « un maillage territorial commun » de vidéoprotection sur un territoire. En effet, l’installation de systèmes de vidéosurveillance de la voie publique par des personnes distinctes permettra, comme l’expliquait l’étude d’impact annexé au projet de loi, « une véritable continuité territoriale et ce, à moindre coût, puisque la commune pourra mener son projet de sécurisation en tenant compte des implantations privées ;

— la possibilité de faire visionner les images par des agents relevant de personnes publiques ou privées extérieures à la collectivité titulaire de l’autorisation. En effet, permettre le visionnage des images par des agents extérieurs à la personne qui a obtenu l’autorisation d’installation du système de vidéosurveillance est essentiel afin de rendre possible la création de centres de supervision des images communs à plusieurs personnes publiques ou privées.

Le rapport sur l’efficacité de la vidéoprotection (11) faisait en effet le constat que « la mutualisation des centres de supervision est aujourd’hui insuffisante alors qu’elle peut être un facteur de réduction de coûts dans obérer l’efficacité des dispositifs ». Il précise également que « l’optimisation des coûts peut aussi passer par la mutualisation avec des dispositifs dépendant d’autres organismes non municipaux (centres hospitaliers, SNCF, sociétés de transport) ».

L’adoption de ces mesures permettra donc la mise en place de centres de supervision modernes permettant le visionnage en un même lieu de l’ensemble des images prises par caméras présentes dans une aire donnée ;

— la possibilité pour le préfet d’autoriser l’installation de dispositifs de vidéosurveillance à titre provisoire et sans réunir la commission départementale de vidéosurveillance lorsqu’il est confronté à une manifestation ou à un rassemblement de grande ampleur présentant des risques particuliers d’atteinte à la sécurité des personnes et des biens (manifestations, rassemblements festifs ou sportifs, rave party…) ;

— la possibilité pour le préfet de contraindre une commune à mettre en œuvre un système de vidéosurveillance aux fins de prévention d’actes de terrorisme, de protection des abords des établissements, installations ou ouvrages mentionnés aux articles L 1332-1 et L 1332-2 du code de la défense ou de protection des intérêts fondamentaux de la nation. Cette disposition controversée est venue se substituer à un amendement, retiré par le Gouvernement, qui instituait un pouvoir de substitution beaucoup plus général du préfet en matière de vidéoprotection.

2. L’État, nouveau « centre de ressources »

Les représentants de l’État entendus par votre rapporteur ont insisté sur la nécessité pour les acteurs locaux, initiateurs des projets en matière de vidéoprotection, de disposer d’éléments d’information et d’aide à la décision sur des dispositifs souvent techniquement complexes et bénéficiant de progrès technologiques continus, de calibrer l’installation du dispositif en fonction de l’objectif recherché et de la réalité de la délinquance sur un territoire.

Dans ces conditions, même si la décision de créer un dispositif de vidéoprotection relève principalement de l’initiative des élus locaux, sa mise en œuvre gagne à être réalisée en partenariat avec les services de l’État. Certes, il existe des cas où la commune dispose de moyens financiers et humains suffisants et d’une expertise en interne dans le domaine de la sécurité, et où elle n’a pas besoin d’un soutien de la part de l’État : votre rapporteur a pu le constater à Orléans, qui est un site modèle en matière de vidéoprotection et dont le dispositif a pourtant été conçu et mis en œuvre de façon autonome ; ce qui n’empêche d’ailleurs pas une coopération opérationnelle approfondie entre le dispositif de la ville et les services de la police nationale qui ont un accès direct aux images.

Les collectivités de plus petite taille ont en effet besoin d’être aidées dans la définition de leurs besoins et dans le choix des dispositifs techniques à retenir. En effet, l’efficacité d’un système de vidéoprotection repose tout d’abord sur des paramètres policiers, telle que la connaissance du type de délinquance sur un territoire, dont disposent en premier lieu les services de la police et de la gendarmerie nationales. En deuxième lieu, il est nécessaire de maîtriser des paramètres techniques complexes et évolutifs (type de caméra, raccordement par fibre optique ou par voie hertzienne, qualité de résolution des images…) afin de commander le matériel adapté, lequel n’est pas forcément le plus coûteux…

Ce renforcement de l’appui fonctionnel auprès des opérateurs ou partenaires s’opère à travers la création d’un réseau de ressources pour aider les préfets, les élus et les services de police et de gendarmerie. Parmi les initiatives prises dans ce cadre ont été notamment donnés comme exemple à votre rapporteur l’ouverture d’une messagerie dédiée et d’un site Internet, l’élaboration d’un guide méthodologique, réalisation d’une fiche d’aide à la décision au bénéfice des maîtres d’ouvrage et des préfets afin de cibler correctement les projets et de mesurer l’impact de l’implantation des systèmes de vidéoprotection…

En outre, les services de la police et de la gendarmerie nationales ont mis en place un réseau de « référents sûreté » qui apportent un appui aux maîtres d’ouvrage dans leurs choix techniques et en matière de prévention situationnelle. Ceux-ci permettent de réaliser des diagnostics de sécurité indispensables pour éviter les erreurs dans le choix du nombre et de la localisation des caméras. De plus, le référent sûreté attire bien évidemment l’attention sur les besoins propres des services de police et de gendarmerie nationales afin que ceux-ci soient pris en compte le mieux possible.

B. UN SOUTIEN FINANCIER DÉCISIF

1. Le cadre de l’intervention financière de l’État

L’implication nouvelle de l’État dans le développement de la vidéoprotection repose principalement sur un outil, le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Le FIPD a été créé par l’article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance pour doter la politique de prévention de la délinquance de crédits spécifiques. Ce fonds reçoit la part des crédits délégués par l’État à l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ) destinés à financer des actions de prévention de la délinquance ainsi qu’un montant prélevé sur le produit des amendes forfaitaires de la police et de circulation, déterminée chaque année en loi de finances rectificatives.

Concrètement, le Comité interministériel de prévention de la délinquance fixe chaque année, par une circulaire aux préfets, les orientations des actions éligibles au FIPD en fonction des priorités gouvernementales. Les préfets de leur côté, en fonction de ces instructions et des enveloppes qui leur étaient délégués retenaient les projets présentés par les acteurs locaux. Dans le domaine de la vidéoprotection, les principaux bénéficiaires du fond sont donc les collectivités locales, dans le cadre du déploiement de systèmes de voie publique, mais également les organismes de transport public, les établissements scolaires, les bailleurs sociaux…

En ce qui concerne la vidéoprotection, ce schéma d’attribution des subventions a été modifié en 2010. En effet, désormais le FIPD est divisé en deux sous-enveloppes, dont une est spécifiquement destinée à la vidéoprotection. Les crédits de cette « sous-enveloppe » (30 millions d’euros en 2010) ne sont plus délégués directement aux préfets, leur utilisation étant coordonnée par le Comité de pilotage stratégique pour le développement de la vidéoprotection du ministère de l’intérieur.

Il s’agissait notamment de tenir compte de l’engagement renouvelé de l’État dans ce domaine pris dans le cadre du Plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes, présenté par le Premier ministre le 2 octobre 2009.

Par ailleurs, une controverse est apparue dès l’origine du FIPD sur l’utilisation d’une partie produit des amendes de police pour financer des politiques publiques voulues par l’État.

En effet, le produit des amendes forfaitaires est une dotation en faveur des communes, répartie proportionnellement au nombre de contraventions à la police de circulation constatées au cours de l’année précédente sur le territoire de chacune des collectivités bénéficiaires. Dès lors, tout prélèvement sur ce produit peut être considéré comme se faisant au détriment des collectivités locales, surtout quand les fonds en question semblent financer des dépenses qui devraient être supportées par le budget général.

Les commissions des finances des deux assemblées ont critiqué l’utilisation du produit des amendes pour financer la politique de prévention de la délinquance. Cette critique a par exemple été synthétisée dans le rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2008 de M. Philippe Marini, Rapporteur général du budget au Sénat : « Cette affectation, non définitive, mais trois fois renouvelée, n’est pas conforme aux principes budgétaires de la LOLF et favorise l’« agencisation » ». Il indiquait également, dans son rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2006, que la « commission des finances est, d’une manière générale, opposée à l’affectation permanente de recettes de l’État à des organismes divers d’administration centrale. Elle estime en particulier que cette pratique brouille considérablement la lisibilité des recettes et des dépenses publiques, tout en privant le Parlement d’une grande partie de son pouvoir de contrôle. »

Dans son rapport sur le projet de loi de finances rectificatives pour 2009, le Rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale indique qu’il « partage, point par point, l’argumentaire de M. Philippe Marini, et relève que la commission des Finances de l’Assemblée nationale a également régulièrement adopté une position identique ». (12) Ces arguments ont donc conduit le Parlement à refuser l’augmentation de 35 à 55 millions d’euros du montant prélevé sur le produit des amendes forfaitaires au profit du FIPD, proposée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009, afin notamment de financer les engagements supplémentaires pris dans le cadre du Plan national de prévention de la délinquance.

Toutefois, l’expression de cette mauvaise humeur à l’égard de l’utilisation excessive du produit des amendes ne semble pas remettre en cause l’utilisation du FIPD pour subventionner les communes s’équipant en vidéoprotection. Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat estime ainsi que « le prélèvement du produit des amendes de police au profit du FIPD ne peut se justifier que dans la mesure où il bénéficie, in fine, aux collectivités territoriales », ce qui est le cas du subventionnement des initiatives locales dans le domaine de la vidéoprotection. En conséquence, il suggérait de préciser que « le montant prélevé sera exclusivement consacré au soutien financier des collectivités qui s’engagent la mise en place d’un dispositif de vidéoprotection ». (13)

Devant le Sénat le 17 décembre 2009, le ministre du budget, M. Éric Woerth, s’était engagé dans cette voie en s’engageant à ce que la totalité du prélèvement sur les amendes soit consacrée au plan d’installation d’équipements de vidéosurveillance. Ainsi, précisait-il, « ces crédits bénéficieront bien aux collectivités locales, en fonction de leurs propres travaux d’équipement en vidéosurveillance ».

Votre rapporteur se réjouit du compromis obtenu dans le cadre des débats sur la loi de finances rectificative. S’il apparaît en effet peu justifiable de financer une politique permanente de l’État, celle en faveur de la prévention de la délinquance, par des fonds non budgétés, il semble au contraire que cette démarche convient bien à la spécificité de la vidéoprotection.

L’installation des dispositifs relève principalement de l’initiative des communes et des établissements de coopération intercommunale, mais le nouveau rôle de l’État dans ce domaine le conduit à favoriser certains dispositifs de vidéoprotection répondant le mieux aux problématiques de la délinquance. Il est dès lors justifié que l’État intervienne dans l’affectation de crédits « naturellement » destinés à revenir aux communes, dans la mesure où son intervention permet d’utiliser au mieux ces crédits. En effet, lorsqu’il attribue des subventions pour développer des systèmes de vidéosurveillance, l’État prend en compte des critères tels que l’adaptation du nombre de caméras au type de délinquance rencontré, le transfert des images aux services de police et de gendarmerie, l’inscription du projet dans une démarche partenariale (existence d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance)…

2. La mise en œuvre du plan national de développement de la vidéoprotection

Au total, depuis la création du FIPD, l’effort financier en faveur de la vidéoprotection s’est élevé à 72,1 millions d’euros.

2007

2008

2009

2010

Total

13,4 M €

11,7 M €

17 M €

30 M €

72,1 M €

Pour la seule année 2009, les subventions du FIPD ont permis de financer 5 013 caméras, permettant de faire passer le parc français de caméras de voie publique à 27 000. Le secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance, M. Philippe de Lagune, a indiqué à votre rapporteur que l’enveloppe pour 2010 devrait permettre de financer environ 10 000 caméras supplémentaires.

Cet effort est significatif puisqu’il signifie que les subventions destinées à financer des systèmes de vidéoprotection mobilisent une part significative, et croissante, des crédits du FIPD : 30 % en 2007 et 2008 ; 46,5 % en 2009 et de l’ordre de 60 % en 2010.

Ainsi, en dépit de l’engagement financier de l’État, il semble qu’il sera très difficile de parvenir à l’objectif de 60 000 caméras de voie publique, soit environ une caméra pour 1 000 habitants, à la fin 2011. En revanche, en maintenant le rythme actuel, cet objectif raisonnable et qui ne traduit pas un recours disproportionné à la vidéoprotection, pourrait être atteint en mobilisant le FIPD une année supplémentaire, soit jusqu’à la fin de 2012.

Votre rapporteur estime qu’il serait souhaitable que l’État prenne d’ores et déjà en compte cette réalité financière et se prononce rapidement en faveur d’une prorogation d’une année du plan de développement de la vidéoprotection. Cette information serait très utile pour les élus locaux qui se lancent dans des projets parfois coûteux et qui sauraient dans quel horizon temporel ils peuvent prévoir leurs investissements.

3. Les projets financés grâce aux subventions de l’État

Les subventions du FIPD permettent en premier lieu de participer au financement de l’installation ou de l’extension de systèmes de vidéoprotection de voie publique par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale lorsqu’ils ont cette compétence (14).

Dans ce cadre, le FIPD peut être conduit à financer, jusqu’à 15 000 euros, les études préalables permettant de faire un diagnostic de l’utilité de disposer d’un système de vidéoprotection.

En ce qui concerne le financement des systèmes eux-mêmes, la participation de l’État peut aller de 20 à 50 %. La circulaire aux préfets du secrétaire général du FIPD pour 2010 insiste d’ailleurs bien sur le fait que le taux de 50 % est un maximum. Il semble que le taux de subvention moyen est de l’ordre de 40 %. Au fur et à mesure de la mise en œuvre du plan national, de plus en plus de communes se montrent intéressées et déposent des dossiers de demande, ce qui se traduit par une diminution du taux de subvention accordée à chaque collectivité : dans les années 2007-2008, le taux de financement des dispositifs était fréquemment de 50 %, ce qui est désormais beaucoup plus rare.

Dans son discours prononcé à Gagny le 18 mars 2009, le Président de la République avait annoncé son intention de mettre en place 75 systèmes municipaux types de vidéoprotection dans les principales villes touchées par la délinquance (15): 47 projets ont été financés dès 2009, 26 en 2010, 3 projets restant à financer et 2 villes n’ayant pas encore présenté de dossiers de demandes de subvention.

Le comité de pilotage du ministère de l’intérieur doit donc opérer une sélection des projets, notamment ceux qui sont subventionnés à 50 % : sont ainsi financés en priorité les systèmes comportant un nombre significatif de caméras, un centre de supervision urbain, un report des images vers les services de police d’État et qui s’inscrivent dans une démarche partenariale (existence d’un CLSPD)… Pour autant, comme votre rapporteur a pu le constater dans le Loiret, les projets retenus ne sont pas forcément tous en zone urbaine, beaucoup sont en zone rurale ou périurbaine : en effet, les premiers retours d’expérience montrent des effets significatifs de la vidéoprotection en zone « gendarmerie ».

En revanche, l’État ne participe pas du tout aux frais de fonctionnement des systèmes de vidéoprotection. Or, l’efficacité de la vidéoprotection repose largement sur la façon dont les images sont exploitées : en dehors de petits bourgs où l’existence même de caméras peut avoir un effet dissuasif, la mise en place d’un centre de supervision urbain (CSU) est indispensable. À Orléans par exemple, entre 2 et 4 téléopérateurs visionnent les images des caméras en permanence (soit en moyenne un téléopérateur pour 20 caméras), ce qui implique de disposer d’une équipe de 18 personnes (12 téléopérateurs dédiés et 6 agents polyvalents). De tels dispositifs, pourtant nécessaires, sont coûteux.

Cependant, M. Philippe Melchior a insisté sur les économies susceptibles d’être engendrées par l’existence d’un système de vidéoprotection performant en matière de frais d’assurance ou de réparation du mobilier urbain. À Orléans par exemple, le déploiement du dispositif s’est accompagné d’un effondrement des dégradations sur les bâtiments publics et d’une diminution sensible des interventions de la police municipale en cas de déclenchement d’alarmes, la vidéoprotection permettant de réaliser des « levées de doute » à distance, sources d’économie.

Par ailleurs, un rôle très important de la contribution financière de l’État consiste à faciliter le raccordement des centres de supervision urbains aux services de police ou de gendarmerie territorialement compétents. S’agissant de ces projets, le taux de financement du FIPD peut aller jusqu’à 100 %, même si là aussi ce taux n’est qu’un maximum. Pour autant, votre rapporteur considère comme parfaitement justifié que l’État finance entièrement un investissement dont il est le principal bénéficiaire. En effet le « report des images » est pour les services de police et de gendarmerie un outil de pilotage des interventions particulièrement précieux. Néanmoins, le renouvellement du matériel informatique (y compris au sein du commissariat ou de la brigade de gendarmerie) et des dépenses de fonctionnement et maintenance restent à la charge de la collectivité propriétaire du dispositif, à l’exception de la ligne assurant la liaison.

PROJETS FINANCÉS PAR LE FIPD AU PROFIT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

 

2007

2008

2009

Systèmes de vidéosurveillance par les communes

158

207

359 (16)

Systèmes de vidéosurveillance par les EPCI

22

8

26 (17)

Raccordements portés par des communes

9

31

35 (18)

Raccordements portés par des EPCI

 

2

(19)

La contribution de l’État au développement de la vidéo protection ne se cantonne pas aux financements des dispositifs de voie publique. D’autres projets peuvent être financés par l’État :

— la protection des établissements scolaires les plus sensibles par l’implantation de caméras faisait partie des deux priorités dégagées par le Président de la République concernant la vidéoprotection, avec le déploiement de 75 systèmes municipaux types de vidéoprotection. Dans ce cadre, le FIPD proposait de mettre en œuvre en 2010 les préconisations des diagnostics de sécurité dans les 184 établissements scolaires les plus exposés, ainsi que l’installation de caméras dans les autres établissements lorsque cela est préconisé par un diagnostic de sécurité ;

— l’extension du déploiement de la vidéoprotection à d’autres applications possibles que la voie publique telles que les parties communes des immeubles, les immeubles abritant les services des bailleurs sociaux, les transports publics (20)

4. Un cas d’intervention directe de l’État : le plan de vidéoprotection pour Paris

Paris constitue un cas particulier en ce qui concerne la contribution de l’État au développement de la vidéoprotection. En effet, il s’agit du seul exemple en France où l’État prend la maîtrise d’ouvrage d’un système de vidéoprotection de voie publique. Le « plan de vidéoprotection pour Paris », ou « plan 1 000 caméras » est directement mis en œuvre par l’État, par l’intermédiaire de la préfecture de police.

Certes, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) n’est pas inactif à Paris car il cofinance le raccordement aux salles opérationnelles de la préfecture de police des caméras de certains opérateurs publics ou privés (grands magasins, monuments, transports publics…). Cela permettra à terme à la préfecture de police de disposer d’un accès à environ 10 000 caméras situées dans des lieux accessibles au public.

À ce déport d’images très utile, s’ajoute donc un projet très ambitieux de création d’un réseau de caméras de voie publique à vocation opérationnelle. Actuellement, le réseau de caméras de la capitale ne comprend que 91 caméras, principalement dédiées à la gestion de l’ordre public, auxquelles s’ajoutent les 202caméras de voie publique, propriété de la ville de Paris, qui ont comme vocation la régulation de la circulation.

Cette densification de la vidéoprotection vise à renforcer la capacité opérationnelle de la préfecture de police dans les domaines de la police et du secours : circulation, ordre public, sécurité des institutions, risques terroristes, secours aux personnes etc. Le projet prévoit donc l’implantation de 1 000 caméras supplémentaires, soit une moyenne de 60 par arrondissement, dans une fourchette allant de 25 à 92. Leur utilisation serait double puisque les images seraient destinées non seulement aux salles opérationnelles de la préfecture de police, mais seraient également accessibles, pour les caméras situées dans l’arrondissement, aux commissariats d’arrondissement. En outre, le plan financera un système d’exploitation des images techniquement avancé afin de gérer au mieux les caméras du dispositif de voie publique ainsi que les 10 000 autres caméras dont les images seront déportées vers la préfecture de police.

Le recours au contrat de partenariat public-privé a été retenu en 2008 pour la mise en œuvre du projet. Le contrat devrait pouvoir être signé dès juillet 2010, après accord de la cellule « partenariats publics privés » du ministère de l’économie. À partir de la notification du contrat, le prestataire retenu aura 17 mois pour livrer le système d’exploitation ainsi que 25 % des caméras. Les 750 caméras restantes devant être livrées dans les 6 mois suivants. Le système devrait donc être entièrement opérationnel à l’été 2012.

Pour assurer le financement des investissements rendus nécessaires par ce projet, la loi de finances pour 2010 avait autorisé, au sein du programme « police nationale », une enveloppe de 120 millions d’euros en autorisations d’engagement. En réalité, M. Didier Martin, secrétaire général pour l’administration de la préfecture de police, a indiqué à votre rapporteur qu’une dotation de 98 millions d’euros d’AE suffira pour couvrir les investissements du projet. En effet, depuis que le chiffre de 120 millions d’euros avait été budgété, un « dialogue compétitif » avec les candidats a permis de faire baisser ce coût.

Par ailleurs, le financement de l’exploitation et de la maintenance nécessitera de prévoir un volume d’environ 9 millions d’euros annuels en autorisations d’engagement, qui seront votés chaque année en loi de finances initiale. En effet, à l’issue du contrat, il est prévu que l’État sera propriétaire d’un système de vidéosurveillance à l’état neuf, c’est-à-dire régulièrement modernisé pour tenir compte des évolutions technologiques.

En ce qui concerne les crédits de paiement, ceux-ci seront pris en charge par le programme « police nationale » ; ils permettront de payer au prestataire un loyer de l’ordre de 16 millions d’euros annuels pendant 15 ans, si l’offre économiquement la mieux-disante est retenue à l’issue de la procédure. Ce loyer permettra de rembourser à la fois l’amortissement de l’investissement et les frais liés à la maintenance et au renouvellement des matériels.

Le plan de vidéoprotection pour Paris est directement mis en œuvre par la préfecture de police mais il est réalisé en étroite coopération avec la ville de Paris. Le préfet de police a présenté le projet devant le Conseil de Paris le 20 octobre 2008, en proposant une concertation avec les élus et la population dans chaque arrondissement quant à l’implantation des caméras. Cette concertation a entraîné quelques modifications d’emplacement mais s’est surtout traduite par une demande de caméras supplémentaires… : au total, la concertation a entraîné 43 ajouts, 17 suppressions et 19 déplacements de caméras.

La participation de la ville au projet a été concrétisée par le vote d’un projet de convention entre l’État et la ville de Paris le 23 novembre 2009 qui prévoit :

— l’implantation des caméras sur le domaine public municipal, à titre gratuit ;

— l’exonération de toute redevance d’occupation du domaine public qui est de droit pour les caméras qui concourent à la sécurité routière mais facultative pour les équipements destinés à un service public comme la police. Cependant, cette exonération semble justifiée dans la mesure où, ailleurs en France, la vidéoprotection de voie publique est une compétence des collectivités territoriales ;

— une subvention au projet de 5 millions d’euros.

C. UN CONTRÔLE À REVOIR ?

En raison de l’incidence potentielle de la vidéoprotection sur les libertés individuelles, la question du contrôle du fonctionnement des systèmes, tout spécialement sur la voie publique, est fondamentale.

Dans le dispositif actuel, hérité de la loi de 1995 qui faisait en quelque sorte de l’État un arbitre, le contrôle est principalement confié aux commissions départementales de la vidéosurveillance.

Un rapport d’information de la commission des Lois du Sénat (21) relève cependant que l’application de la loi du 21 janvier 1995 n’est pas homogène et que les commissions départementales rendent des décisions divergentes pour des dossiers de demande similaires. Ce rapport indique également que les moyens dont disposent ces commissions sont fort disparates, entraînant de très fortes différences dans le nombre de contrôles effectués et dans l’expertise dont disposent les membres de ces commissions.

Devant notre Commission, le Président de la CNIL, M. Alex Türk, tenait, le 2 décembre 2009, un propos similaire constatant que les contrôles des commissions départementales manquent d’homogénéité et d’efficacité.

Enfin, le ministre de l’Intérieur lui-même admettait devant le Sénat que cette situation n’était pas satisfaisante : « L’expérience montre, en revanche, que le dispositif de contrôle a posteriori du respect des autorisations délivrées mérite, lui, d’être adapté.

Je le dis clairement, le nombre des contrôles effectués sur des installations existantes est insuffisant. Cela démontre une faiblesse du système actuel : 483 contrôles avaient ainsi été effectués en 2007 ; 2 863 l’ont été en 2008, dont 2 166 dans un seul département, les Hauts-de-Seine. Le nombre des contrôles effectués en 2009 revient au niveau de 2007.

Le volume est donc clairement insuffisant alors que, dans notre pays, plus de 100 000 systèmes ont été autorisés depuis 1995 et que des caméras sont installées chaque jour.

Par ailleurs, comme l’a remarqué l’un d’entre vous, la coexistence de cent commissions départementales rend évidemment nécessaire une harmonisation des pratiques et la mise en ordre de la doctrine juridique. » (22)

Face à la nécessité de disposer d’un organe de contrôle au niveau national, le Gouvernement a tout d’abord considéré qu’il serait utile de confier cette mission à la Commission nationale de la vidéosurveillance, créée, auprès du ministre de l’intérieur, par un décret n° 2007-916 du 15 mai 2007. Cette commission, présidée par M. Alain Bauer, est un organisme consultatif chargé de donner un avis au ministre de l’intérieur sur les évolutions techniques et les principes d’emploi des systèmes concourant à la vidéosurveillance. L’article 18 du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, tout en donnant un statut législatif à la Commission lui confiait un pouvoir de contrôle au niveau national, en complément de celui conféré aux commissions départementales de la vidéoprotection.

L’Assemblée nationale a accepté ce dispositif, même si, au cours des débats, le ministre a semblé ne pas être fermé à une évolution de la position à l’égard d’une alternative en matière de contrôle : confier en partie cette prérogative à la CNIL.

Le président de la CNIL, M. Alex Türk, a eu l’occasion de présenter devant la Commission des Lois les arguments justifiant que cette mission soit confiée à la CNIL. Il estime en effet que son institution dispose des moyens et de l’expertise pour mener à bien ces contrôles. En outre, il considère que cette solution serait la plus cohérente, compte tenu des compétences dont dispose la CNIL depuis 2004 (23) en matière de contrôle des dispositifs de vidéosurveillance dans les lieux non ouverts au public (24) et en matière de systèmes implantés dans les lieux publics lorsqu’ils sont couplés à une technique biométrique (de reconnaissance faciale par exemple).

Le rapport d’information de la Commission des Lois du Sénat avait également retenu une telle approche, en allant cependant très loin puisqu’il préconisait de confier à la Commission nationale de l’informatique et des libertés une compétence générale d’autorisation et de contrôle de la vidéosurveillance.

Votre rapporteur reconnaît que le rôle de l’État vis-à-vis de la vidéoprotection a profondément changé : alors que celui-ci jouait un rôle d’arbitrage et de régulation des développements de la vidéoprotection, il est au contraire devenu son principal promoteur. Dans ces conditions, il semble en effet justifié de confier une compétence de contrôle en la matière à la CNIL, laquelle est une autorité administrative indépendante, contrairement à la Commission nationale de vidéoprotection.

Pour autant, on peut craindre que la création d’un dispositif d’autorisation établi au plan national constituerait une forme de « recentralisation » et hypothéquerait sensiblement le déploiement des caméras de voie publique dans lequel de très nombreuses communes s’engagent.

À cet égard, votre rapporteur constate une évolution de la position de la commission des Lois du Sénat : son rapporteur sur la LOPPSI, M. Jean-Patrick Courtois, a en effet admis qu’un « transfert intégral des compétences en matière de vidéosurveillance sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public à la CNIL ne serait pas satisfaisant, et qu’il convenait de distinguer entre l’autorisation et le contrôle » (25). Ainsi, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement au projet de LOPPSI précisant que le contrôle effectué a posteriori par les commissions départementales de la vidéosurveillance serait renforcé par la possibilité pour celles-ci de faire appel en tant que de besoin à la CNIL, qui interviendrait alors pour vérifier la conformité des systèmes installés à leur autorisation. En outre la CNIL pourrait également contrôler des systèmes de sa propre initiative. Cette position semble un compromis satisfaisant car elle permet de mettre en place un contrôle de la vidéoprotection indépendant, tout en ne remettant pas en cause l’architecture même de la loi de 1995.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 13 juillet 2010, la Commission examine le présent rapport d’information budgétaire.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Philippe Goujon. Je souhaite souligner l’importance de l’équipement de nos villes en caméras de vidéoprotection, alors que notre pays est très en retard en la matière. Depuis la loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité de 1995, plusieurs textes législatifs ont permis de donner une impulsion décisive au développement de la vidéoprotection, notamment grâce à la détermination de Nicolas Sarkozy, comme ministre de l’Intérieur puis comme Président de la République.

Je souhaite insister sur le cas de Paris. Le plan 1000 caméras développé par la préfecture de police ne peut être qu’une toute première étape. À Londres, on compte plus de 75 000 caméras reliées à Scotland Yard et, de manière plus générale, toutes les capitales européennes ont des systèmes très développés de caméras sur la voie publique.

Le fait que l’équipement de Paris en caméras de vidéoprotection ne voie le jour qu’en 2012 ne me satisfait pas. Cette date est tardive et il conviendrait d’accélérer le calendrier.

La ville et les bailleurs sociaux ne peuvent par ailleurs se dispenser de mettre en place des systèmes équivalents, notamment sur les principaux bâtiments municipaux à risque. Il suffit à ce propos de rappeler la récente affaire de vols de tableaux dans le musée d’art moderne de la ville de Paris.

Le plan de vidéoprotection est développé par la préfecture de police. Alors que j’avais formulé des propositions en ce sens dès 2004, la majorité municipale y avait opposé un refus systématique, avant une prise de conscience tardive, en 2008, avant les élections municipales.

La Ville de Paris ne finance pour ainsi dire pas le dispositif : cinq millions d’euros, c’est une aumône, qui permettra seulement de financer les travaux de voirie permettant de relier les caméras. La région Île-de-France, à l’inverse, concourt au développement de tels dispositifs, en co-finançant les 6 500 caméras installées sur le réseau RATP et les 2 500 caméras installées sur le réseau SNCF.

Si la municipalité de Paris a finalement accepté ce système, on ne peut oublier la résistance de certains élus, qui persiste. Les élus Verts ont ainsi proposé, lors de la discussion au conseil municipal, une suppression de chacune des 1 000 caméras.

Enfin, je crois que, dans le cadre du développement de la police d’agglomération, il serait nécessaire d’étendre le plan de vidéoprotection parisien à l’ensemble du territoire du ressort de cette police d’agglomération.

Mme George Pau-Langevin. Sans vouloir poursuivre au sein de notre Commission les débats menés sur la situation parisienne au sein du Conseil de Paris, je tiens tout de même à préciser que le maire de Paris n’est pas hostile à la mise en place de caméras sur la voie publique : au contraire, il finance leur installation et se rend fréquemment sur les lieux concernés. La participation financière de la Ville de Paris à ce programme, à hauteur de cinq millions d’euros, ne peut pas être qualifiée d’« aumône » : de nombreuses associations de prévention auraient évidemment préféré que cet argent leur soit consacré, ce que font souvent valoir les élus Verts au sein du Conseil de Paris.

S’agissant des bailleurs sociaux, il faut tout de même rappeler qu’il ne suffit pas d’installer des caméras pour régler les problèmes : il faut aussi disposer des personnels nécessaires pour exploiter correctement les images et entretenir les appareils, qui subissent souvent des dégradations. Certes, la présence de caméras peut contribuer à rassurer la population, notamment dans certaines zones mal protégées, mais je crois que nous pouvons tous nous accorder pour reconnaître qu’elles ne remplaceront jamais, en réalité, la présence humaine et, tout particulièrement, celle des policiers et des éducateurs sur le terrain.

M. le rapporteur. Tout d’abord, je ne m’immiscerai pas dans vos échanges parisiens…

S’agissant de l’intervention de la région, celle-ci se cantonne aux strictes compétences de la région lorsqu’elle finance les dispositifs dans les transports publics. En revanche, la région Île-de-France n’a pas souhaité accompagner les programmes de vidéoprotection des communes.

S’agissant du débat sur l’éventuel remplacement des hommes par des caméras, il ne me semble pas que cela soit une question pertinente. La question pertinente est de savoir comment le travail des policiers et des gendarmes peut être facilité par le recours aux images de vidéoprotection. La caméra ne vient pas remplacer la présence humaine, mais constitue un élément parmi d’autres d’une politique globale de sécurité et de justice.

La Commission autorise le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

ANNEXE : LISTE DES 75 SYSTÈMES MUNICIPAUX DE VIDÉOPROTECTION FINANCÉS EN PRIORITÉ

— Projets réalisés en 2009 :

Tarascon (13)

Chanteloup-les-Vignes (78)

Velaux (13)

Elancourt (78)

Val-de-Reuil (27)

Trappes (78)

Milhaud (30)

Perthuis (84)

Tours (37)

Valréas (84)

Firminy (42)

Evry (91)

Agen (47)

Lisses (91)

Florange (57)

Massy (91)

Sarreguemines (57)

Antony (92)

Uckange (57)

Bourg-la-Reine (92)

Marcq (59)

Le Plessis-Robinson (92)

Wattrelos (59)

Villeneuve-la-Garenne (92)

Courrières (62)

Tremblay-en-France (93)

Le Touquet-Paris-Plage (62)

Rosny-sous-Bois (93)

Tarbes (65)

Bry-sur-Marne (94)

Haguenau (67)

Charenton-le-Pont (94)

Molsheim (67)

Cergy (95)

Agglo. Neuville –Genay (69)

Cormeilles-en-Parisis (95)

Luxeuil-les-Bains (70)

Pointe-à-Pitre (971)

Macon (71)

Fort-de-France (972)

Bonneville (74)

Saint-Louis (974)

Melun (77)

Baie-Mahault (974)

Ozoir la Ferrière (77)

Saint-Louis (974)

Fontenay-le-Fleury (78)

 

— Projets lancés en 2010 :

Saint-Quentin (02)

Vesoul (70)

Nice (06)

Saint-Denis (974)

Troyes (10)

Saint-Pierre (974)

Romilly-sur-Seine (10)

Le Tampon (974)

Marignane (13)

Avignon (84)

Marseille (13)

Bollène (84)

Saint-Doulchard (18)

Cavaillon (84)

Nîmes (30)

Isle-sur-La Sorgue (84)

Saint-Gilles (30)

Châtellerault (86)

Blagnac (31)

CA Val de France (95) : Sarcelle, Villiers-le-Bel, Garges-Lès-Gonesse et Arnouville-Lès-Gonesse,

Lunéville (54)

CC Ouest Plaine de France (95)

Hombourg-Haut (57)

Cayenne (973)

Stiring-Wendel (57)

 

Tarbes (65)

 

— Projets en attente

Castelginest (31)

 

Auxerre (89)

 

AUDITIONS ET DÉPLACEMENT EFFECTUÉS
PAR LE RAPPORTEUR

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

• Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance (SGCIPD)

—  M. Philippe de LAGUNE, préfet, secrétaire général ;

—  M. Daniel MERIGNARGUES, administrateur civil, chargé de mission.

• Comité de pilotage stratégique pour le développement de la vidéoprotection (ministère de l’Intérieur de l’outre-mer et des collectivités territoriales)

—  M. Philippe MELCHIOR, inspecteur général de l’administration, président (jusqu’au 12 juin 2010) ;

—  M. Jean-Louis BLANCHOU, préfet, président (depuis le 12 juin 2010).

• Direction générale de la police nationale

—  M. Alain WINTER, commissaire divisionnaire, conseiller technique « vidéoprotection » au cabinet du directeur général.

• Préfecture de police de Paris

—  M. Didier MARTIN, préfet, secrétaire général pour l’administration de la préfecture de police ;

—  M. Thierry LEBLOND, ingénieur général de l’armement, directeur du projet « Plan de vidéoprotection pour Paris ».

DÉPLACEMENT DANS LE LOIRET

—  Présentation en préfecture de l’action de l’État pour la vidéoprotection dans le département ;

—  Visite du dispositif de vidéoprotection de la commune de Fleury-les-Aubrais ;

—  Visite du Centre d’information et commandement de l’hôtel de police d’Orléans (présentation du déport des images des caméras de Fleury et d’Orléans vers la police nationale, présentation des référents sûreté et de leur rôle) ;

—  Visite du Centre de sécurité orléanais (CSO), en présence de M. Serge GROUARD, député-maire d’Orléans et de M. Florent MONTILLOT, adjoint au Maire d’Orléans, délégué à la sécurité, la prévention de la délinquance et la protection de l’enfance.

1 () Sondage effectué par IPSOS du 14 au 17 mars 2008 auprès de 972 personnes représentatives de la population française, selon la méthode des quotas.

2 () A l’exception des crédits destinés à financer le dispositif très spécifique de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (LAPI).

3 () Loi du 17 juillet 1970 sur le droit à l’image. L’article 226-1 du code pénal, qui en est issu, punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, le fait de fixer, enregistrer ou transmettre l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé, sans son consentement.

4 () Décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995.

5 () La circulaire du 22 octobre 1996 donne une définition de la notion d’autorités publiques compétentes : « Il faut entendre par là le préfet et le maire, mais également les responsables d’établissements publics (par exemple SNCF, RATP, hôpitaux) ou services publics (par exemple établissements pénitentiaires) et certains concessionnaires, tels que les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Le critère d’admission est la capacité à exercer un pouvoir de police, pour les systèmes ayant pour finalité la régulation du trafic routier ou la prévention d’infractions aux règles de la circulation, ou la nécessité de sauvegarder la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords, ainsi que la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale pour les autres ».

6 () Rapport portant proposition d’un plan de développement de la vidéosurveillance.

7 () Dans la circonscription de sécurité publique d’Orléans, la vidéoprotection a permis de résoudre entre janvier et mai 2010 5 affaires de violence volontaire, 2 de menaces, 2 de vol à l’arraché, 8 de vol à l’étalage, 1 de vol à la roulotte, 1 de recel, 1 de dégradation de biens publics, 1 de dégradation de véhicules privés, 1 d’outrage à dépositaire de l’autorité, 2 de violences à dépositaire de l’autorité, 1 de port ou détention d’armes prohibées, 1 de fausse monnaie et 1 d’escroquerie et abus de confiance.

8 () Rapport sur l’efficacité de la vidéoprotection, réalisé par Jean-Pierre Sallaz pour l’Inspection générale de la police, Philippe Debrosse pour l’Inspection générale de l’administration et Dominique Han pour l’inspection générale de la gendarmerie nationale, juillet 2009.

9 () La vidéosurveillance et la lutte contre le terrorisme, Note de synthèse, Philippe Melchior, président de la mission et Rémi Duchene, rapporteur, octobre 2005.

10 () Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers

11 () Rapport sur l’efficacité de la vidéoprotection, établi par MM. Jean-Pierre Sallaz, inspecteur général de la police nationale, Philippe Debrosse, inspecteur de l’administration, Dominique Han, colonel de gendarmerie, juillet 2009.

12 () Rapport n° 2132 fait au nom de la commission des finances par M. Gilles Carrez, rapporteur général.

13 () Rapport n° 158 (2009-2010) de M. Philippe MARINI, fait au nom de la commission des finances

14 () Depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, les EPCI à fiscalité propre ayant une compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance peuvent décider, avec l’accord de la commune, d’implanter, d’acquérir, d’installer et d’entretenir les dispositifs de vidéosurveillance et enfin, mettre à disposition du personnel pour en visionner les images (art. L 5211-60 du CGCT).

15 () Voir liste en annexe

16 () Dont 18 au titre du plan de relance.

17 () Dont 2 au titre du plan de relance.

18 () Dont 1 au titre du plan de relance.

19 () Dont 1au titre du plan de relance.

20 () Fin 2007, on estimait que seulement 6% des caméras autorisées étaient installées sur la voie publique, contre 14 % des caméras dans les transports (les 80 % restant étant installés dans les établissements recevant du public). Les autorités responsables des transports ont eu très largement recours à la vidéoprotection, sans attendre un financement de l’État. Cela s’explique par l’effet avéré de la présence de caméras dans les transports sur le nombre d’agressions qui s’y produisent.

21 () La vidéosurveillance : pour un nouvel encadrement juridique par Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier au nom de la commission des Lois du Sénat (n°131 ; 2008-2009), p.40.

22 () Débat sur l’encadrement juridique de la vidéosurveillance, Sénat, séance du 30 mars 2010.

23 () Initialement, la loi du 21 janvier 1995 prévoyait que « les enregistrements visuels de vidéosurveillance ne sont considérés comme des informations nominatives, au sens de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, que s’ils sont utilisés pour la constitution d’un fichier nominatif. ». La loi n°2004-801 du 6 août 2004 a modifié cette rédaction et remplacé la notion d’informations nominatives par celle de données personnelles qui est plus large.

24 () Rappelons en effet que l’autorisation préfectorale, ainsi que les contrôles par les commissions départementales de vidéosurveillance, concernent uniquement les dispositifs installés sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public.

25 () Rapport n° 517 (2009-2010) de M. Jean-Patrick COURTOIS, fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 2 juin 2010, sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.


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