TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 mai 2011.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
en conclusion des travaux de la mission sur
les risques psychosociaux au travail
ET PRÉSENTÉ
par M. Guy Lefrand,
Député.
___
1. Les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité 13
a) L’obligation générale de sécurité incombant à l’employeur : une obligation de résultat 13
b) Les dispositions spécifiques contre le harcèlement moral 15
2. Inciter les employeurs à se saisir de la question des risques psychosociaux 16
C. SENSIBILISER LES MANAGERS ET DIFFUSER LES BONNES PRATIQUES 16
1. Sensibiliser les managers à la prévention des risques psychosociaux 16
a) Développer la formation des managers 16
b) Renouveler l’approche du management 17
2. Diffuser des bonnes pratiques 18
a) Encourager l’évaluation des risques psychosociaux 18
b) Améliorer l’information des entreprises 19
c) Développer les bonnes pratiques 20
d) Renforcer les formations et les aides 21
e) Mettre en place un label 21
D. FAIRE DE LA PRÉVENTION DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX UNE PRIORITÉ DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE 21
1. Poursuivre le plan d’urgence pour la prévention du stress au travail 21
2. Mettre en œuvre le deuxième plan Santé au travail 22
3. Renforcer le réseau d’acteurs au service de la santé des travailleurs dans les entreprises 23
E. RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL 24
1. Développer les accords nationaux interprofessionnels 24
a) L’accord national interprofessionnel sur le stress au travail 24
b) L’accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail 25
2. Encourager les négociations sur les risques psychosociaux 25
3. Renforcer les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail 26
II.- MIEUX PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES DE RISQUES PSYCHOSOCIAUX 29
A. AMÉLIORER LA RECONNAISSANCE DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX 29
1. Prendre acte de la difficile reconnaissance des maladies psychiques comme maladies professionnelles 29
2. Constater l’évolution de la jurisprudence sur la qualification des suicides comme accidents du travail 31
B. AMÉLIORER LA DÉTECTION DES SALARIÉS EN SITUATION DE DÉTRESSE 31
C. RÉFORMER LA MÉDECINE DU TRAVAIL 32
D. PROMOUVOIR LA TRANSPARENCE CHEZ LES ACTEURS PRIVÉS DE LA SANTÉ AU TRAVAIL 33
CONTRIBUTIONS DES MEMBRES DE LA MISSION 35
TRAVAUX DE LA COMMISSION 55
ANNEXE N° 1 : Composition de la mission 71
ANNEXE N° 2 : Liste des personnes auditionnées 73
« En France, la fierté du travail bien fait occupe une place importante. Le métier n’est pas qu’une source de rémunération : il est partie prenante de l’épanouissement personnel, de l’intégration et du lien social. » Comme le montrent M. Henri Lachmann, M. Christian Larose et Mme Muriel Pénicaud, dans le rapport qu’ils ont remis au Premier ministre sur la prévention des risques psychosociaux et la protection de la santé psychologique dans les entreprises (1), la vie professionnelle occupe une place particulièrement importante dans la vie des Français (2).
Pourtant, les suicides dramatiques survenus dans des entreprises telles que France Télécom, Renault ou dans des services publics tels que Pôle emploi montrent que de plus en plus de salariés sont en situation de souffrance au travail.
Selon un sondage mené en octobre 2010 par IPSOS (3), si la majorité des personnes interrogées s’estiment satisfaites de leur niveau de bien-être au travail, 62 % d’entre elles affirment ressentir un niveau de stress élevé (4), et trois sur dix estiment que leur travail actuel est susceptible de leur causer de graves problèmes psychologiques. Les consultations pour risques psychosociaux sont devenues, en 2007, la première cause de consultation pour pathologie professionnelle (5) et il existe aujourd’hui, en France, 28 lieux de consultation hospitalière spécialisée dans la prise en charge de la souffrance au travail.
Il ne s’agit pas d’une particularité française : au sein de l’Union européenne, 28 % des travailleurs seraient exposés à au moins un facteur susceptible d’affecter de manière défavorable leur bien-être mental, soit 56 millions de personnes (6). En 2002, la Commission européenne a estimé que le coût annuel du stress lié au travail dans l’Union européenne à quinze était de 20 milliards d’euros (7).
Les enjeux de la question ne sont donc pas uniquement psychologiques ou sanitaires. Ils sont aussi économiques et financiers. Ses aspects peuvent être dramatiques. L’exemple de l’entreprise France Télécom illustre en effet l’issue à laquelle a pu conduire le développement de risques psychosociaux dans une entreprise. En effet, le nombre de suicides de salariés s’est élevé à 32 (8) en 2008 et 2009 et à 23 entre janvier et septembre 2010 (9). Le lien entre ces suicides et l’organisation du travail à France Télécom est aujourd’hui établi. Ainsi, l’inspection générale des affaires sociales, saisie par M. Xavier Darcos, alors ministre du travail, a recommandé que quatre des sept cas de suicides ou tentatives de suicide qui lui avaient été soumis soient requalifiés en « accidents de service » (10).
À la suite de nouveaux suicides intervenus sur le lieu de travail, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations, sociales et de la solidarité, a mis en place, en 2008, un collège d’expertise sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail. Après la remise par ce collège d’experts d’un rapport intermédiaire, quatre groupes de travail ont été créés autour des thèmes suivants : les indicateurs statistiques, le suicide au travail, la formation des acteurs et les outils de prévention. En février 2010, M. Henri Lachmann, M. Christian Larose et Mme Muriel Pénicaud, ont remis au Premier ministre un rapport proposant des mesures visant à améliorer la prévention des risques psychosociaux et la protection de la santé psychologique dans les entreprises (11).
Les partenaires sociaux se sont aussi emparés de cette question, comme en témoigne la signature des accords nationaux interprofessionnels du 2 juillet 2008 sur le stress au travail et du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail. Afin de permettre une déclinaison de ces accords dans les entreprises, le plan d’urgence sur la prévention du stress professionnel, annoncé lors d’une réunion du conseil d’orientation sur les conditions de travail consacrée aux risques psychosociaux le 9 octobre 2009, prévoyait que les entreprises de plus de mille salariés devaient ouvrir des négociations sur le stress au travail.
Au Parlement, ont aussi été menées des réflexions sur le sujet. Au sein de l’Assemblée nationale, une commission de réflexion sur la « souffrance au travail », composée de députés de la majorité et de personnalités qualifiées, a rendu des conclusions en décembre 2009 (12), tandis que le groupe socialiste publiait dans le même temps cinq propositions en la matière. Au Sénat, une mission d’information de la commission des affaires sociales sur « le mal-être au travail » a fait aussi de nombreuses propositions pour améliorer la prévention et la prise en charge des risques psychosociaux (13).
Naturellement, la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale se devait d’étudier la question et de formuler à son tour des préconisations. Elle a donc mis en place, le 28 octobre 2009, une mission d’information. Compte tenu de l’ampleur du sujet, celle-ci a fait le choix de centrer ses travaux sur les salariés du secteur privé.
M. Jean-Frédéric Poisson, le rapporteur initialement nommé par la commission, n’ayant pu présenter officiellement son rapport alors que les travaux de la mission étaient quasiment achevés, celui-ci a présenté le fruit de ses réflexions dans un rapport personnel remis à la commission des affaires sociales et présenté devant la mission le 9 février dernier et un nouveau rapporteur a été désigné, conformément aux souhaits de l’opposition.
Tout en étant redevable de l’important travail de M. Jean-Frédéric Poisson il n’a entendu ni le reprendre intégralement ni le recommencer, et souhaite donc présenter ici ses propres réflexions, inspirées par l’ensemble des très nombreuses auditions et des déplacements de la mission, tels que retracé dans le rapport très exhaustif de M. Jean-Frédéric Poisson, auquel votre Rapporteur se permet de renvoyer (14).
Le premier constat fait par la mission est l’indéniable impact des risques psychosociaux sur la santé des salariés. L’accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail montre un consensus des partenaires sociaux sur ce constat : « L’individu est capable de gérer la pression à court terme mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée ou répétée à des pressions intenses. (…) Le stress n’est pas une maladie mais une exposition prolongée au stress peut réduire l’efficacité au travail et peut causer des problèmes de santé ». Selon la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, 20 % des causes des arrêts maladie de plus de quarante-cinq jours seraient liées à des troubles psychosociaux.
Le baromètre « Santé 2005 » montre que parmi les affections déclarées, une part significative des personnes stressées déclare avoir ressenti un ou plusieurs symptômes parmi lesquels des tensions musculaires (29 %), des troubles du sommeil (25 %), de l’anxiété (25 %), une baisse de vigilance (12 %). La prise de médicaments psychotropes à la suite d’une situation de stress professionnel concernerait 13 % des hommes et 22,9 % des femmes. En outre, bien qu’il n’existe pas encore de recensement des suicides sur le lieu de travail ou présentant une forte présomption d’être liés au travail, l’Union nationale de prévention du suicide (UNPS) évalue à environ 400 le nombre de suicides qui seraient liés au travail.
Deuxième constat, en raison de leurs conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise (absentéisme, turn over (15), baisse de productivité, dégradation du climat social, mauvaise ambiance de travail, démotivation, baisse de créativité), les problèmes de santé mentale engendrent un coût économique important pour l’entreprise comme pour la collectivité. Selon une étude réalisée en 2009 par l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, en croisant des données macroéconomiques et épidémiologiques de 2007(16), le stress au travail (17) aurait un coût compris entre 1,9 et 3 milliards d’euros (18). L’Organisation mondiale de la santé évalue, quant à elle, que le stress professionnel représenterait 2 % à 3 % du produit intérieur brut des pays industrialisés.
La mission a pu aussi constater les difficultés rencontrées pour définir et mesurer précisément les risques psychosociaux. En effet, ceux-ci sont généralement assimilés au stress au travail, alors qu’ils recouvrent des réalités plus diverses. Le rapport du Centre d’analyse stratégique, intitulé « La santé mentale, l’affaire de tous » (19), souligne, ainsi, que ces risques « recouvrent en réalité des risques professionnels d’origine et de nature variées, qui mettent en jeu l’intégrité physique et la santé mentale des salariés et ont un impact sur le bon fonctionnement des entreprises. On les qualifie de " psychosociaux " car ils sont à l’interface de l’individu et de sa situation de travail, bien qu’ils ne relèvent pas systématiquement dans les faits de la santé mentale ».
Par ailleurs, il existe peu de données sur la prévalence des risques psychosociaux dans les entreprises françaises. L’enquête SUMER (20), réalisée par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) en 2003, est le seul outil statistique disponible en France qui fournit une mesure de l’exposition au stress professionnel fondée sur un modèle de référence (le modèle de Karasek (21)). En outre, l’enquête « conditions de travail » lancée par la même direction en 1978, puis reconduite en 1984, 1991, 1998 et 2005, et l’enquête SIP (Santé et itinéraire professionnel), lancée fin 2006, témoignent d’une prise en compte grandissante de la problématique des risques psychosociaux, sans qu’un modèle de référence soit plus particulièrement adopté.
Enfin, les auditions menées par la mission ont mis en évidence la multiplicité des facteurs de risques psychosociaux.
En premier lieu, l’organisation et la charge de travail sont fréquemment évoquées pour expliquer des situations de souffrance au travail.
Dans un contexte de mondialisation et de concurrence accrue entre les entreprises, les salariés sont confrontés à une augmentation de leur charge de travail et doivent faire preuve d’une motivation toujours plus grande. Le deuxième plan « Santé au travail » (2010-2014) reconnaît d’ailleurs explicitement l’impact de l’organisation du travail sur le stress des salariés : « les évolutions de l’organisation du travail et les restructurations d’entreprises font peser sur les collectifs de travail et sur les individus des contraintes croissantes. Ces risques peuvent provoquer de graves atteintes à la santé physique et mentale et entraîner à terme des altérations irréversibles. »
Lors de son audition par la mission d’information, M. Christophe Dejours psychanalyste, a mis en évidence les effets délétères sur la santé mentale de l’évaluation individuelle des performances : celle-ci met les travailleurs dans une situation de concurrence généralisée, met en échec les stratégies de défense collective face aux contraintes du travail et développe une grande solitude au travail. Le psychanalyste constate : « Couplée à la menace sur l’emploi, cette méthode d’évaluation se mute en management par la menace. Elle introduit la peur comme méthode de gouvernement, et elle monte tous les travailleurs les uns contre les autres, déstructurant ainsi les solidarités et le vivre-ensemble. La solitude et la désolation se sont abattues sur le monde du travail, aboutissant à une détérioration tellement profonde des relations de travail que certains finissent par se suicider sur les lieux mêmes de leur activité » (22).
Une étude de CSP Formation (23), publiée en février 2011, a mis en évidence quatre facteurs particulièrement générateurs de risques psychosociaux : 93 % des personnes interrogées considèrent que la charge de travail est un facteur « assez » ou « très important » de stress au travail, 91 % évoquent la pression sur les délais et 89 % celle sur les résultats, et 86 % mentionnent les restructurations organisationnelles.
L’intensification du travail peut aussi s’accompagner de changements importants et incessants de l’organisation du travail ou des tâches demandées. Un rythme de changement excessif ou des transformations insuffisamment expliquées aux salariés peuvent, alors être déstabilisants et facteurs de mal-être. La situation actuelle à Pôle emploi, témoigne de l’effet délétère sur la santé des salariés d’une intensification du travail dans un contexte de changements et de restructurations importants. À la suite de cinq suicides intervenus en décembre 2009, une étude a été menée par le cabinet ISAST (24), en s’appuyant sur questionnaire auquel ont répondu 25 000 salariés. Les réponses témoignent d’une situation de travail difficile. Plus de 70 % des agents se plaignent d’une quantité de travail excessive et 61 % estiment recevoir des ordres contradictoires. Cette situation est profondément liée à l’augmentation importante de la charge de travail – le nombre de chômeurs ayant augmenté de 600 000 en 2009 –, mais aussi à la transformation de leurs métiers qu’ont connue les agents des associations pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (ASSEDIC) et de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), lors de la création de Pôle emploi.
Par ailleurs, certaines formes d’organisation de l’espace de travail et une utilisation trop systématique des nouvelles technologies peuvent aggraver le stress ou la situation d’isolement des salariés. Le rapport de la commission de réflexion sur la « souffrance au travail » constate ainsi : « En réalité, ce n’est pas l’outil numérique en lui-même qui crée la souffrance, c’est l’organisation du travail qui est associée à l’usage de ces outils qui est à la source du mal-être. La souffrance provient donc d’usages non appropriés ou non maîtrisés de la technologie et non pas de la technologie en tant que telle. » (25).
Ainsi, la mise en place de vastes espaces de travail ouverts sans lieux de convivialité ou de récupération, ou d’une communication au sein d’une équipe exclusivement faite par internet, peut être facteur de risques psychosociaux, parce qu’elle peut porter atteinte aux collectifs de travail. De même, une utilisation à mauvais escient des services de messagerie transitant par courriels ou de la téléphonie mobile peut avoir des conséquences négatives sur les conditions de travail, notamment celles des cadres, en estompant la frontière entre vie professionnelle et vie privée. Ainsi, selon la dernière parution du baromètre du stress de la CFE-CGC (26), 70 % des personnes interrogées sur l’usage des outils de communications avaient le sentiment de pouvoir se « déconnecter » lors de leurs congés, mais seulement 64 % estimaient pouvoir le faire lors de leur week-end et 58 % lors de leurs soirées.
Un deuxième facteur de risques psychosociaux est un management défaillant. En effet, un consensus se dégage aujourd’hui sur les lacunes actuelles de la formation des managers en matière de santé et de gestion des ressources humaines. M. Henri Lachmann, M. Christian Larose et Mme Muriel Pénicaud dans leur rapport sur le bien-être et l’efficacité au travail (27) constatent que la formation proposée dans les écoles de commerce et d’ingénieurs, ainsi que dans les cursus universitaires, n’est pas une formation à la conduite des équipes. Selon une enquête réalisée par la commission des titres d’ingénieur (28) : 65 % des ingénieurs estiment que leur formation initiale ne les a pas préparés à « s’intégrer dans une organisation, à l’animer et à la faire évoluer » et seuls 15 % s’estiment sensibilisés par leurs études « aux relations sociales ». C’est aussi le constat dressé par M. William Dab dans son rapport sur la formation des managers et ingénieurs en santé au travail (29).
Les relations avec le public peuvent aussi être facteur de risques psychosociaux. Selon l’enquête SUMER précitée, 10,2 % des salariés vivent régulièrement des situations de tensions dans leurs rapports avec le public, 42,2 % estiment être exposés à un risque d’agression verbale et 19 % à un risque d’agression physique. Sont particulièrement vulnérables les salariés travaillant à un guichet, dans un standard ou un secrétariat (28 % ont subi une agression verbale ou physique) ainsi que ceux qui exercent des fonctions commerciales (27 %) médicales et d’enseignement (33 %).
Enfin, les conflits de valeur dans le travail peuvent aussi constituer des facteurs de risques psychosociaux. Ces conflits peuvent apparaître quand les salariés ont le sentiment de trahir leurs valeurs morales ou leur conscience professionnelle dans le cadre de leur travail, comme par exemple quand un agent commercial doit vendre un produit coûteux à une personne dont il sait qu’elle n’en aura pas l’usage, ou dont elle n’a pas les moyens. C’est aussi le cas quand les exigences de rendement sont vécues comme incompatibles avec la recherche d’un travail de qualité. Le rapport du groupe de travail présidé par M. Michel Gollac sur les indicateurs provisoires de risques psychosociaux au travail (30) retient deux indicateurs illustrant cette dimension. Le premier concerne les conflits éthiques : selon l’enquête SIP menée en 2007, 33,5 % des actifs occupés estiment qu’ils doivent « toujours », « souvent » ou « parfois » faire dans leur travail « des choses [qu’ils] désapprouvent » (vente abusive, sanction ou licenciement, des équipiers, etc.). Le second concerne la « qualité empêchée ». Selon l’enquête SIP, 15,3 % des actifs occupés disent n’avoir que « parfois » ou « jamais » « les moyens de faire un travail de qualité ».
Votre Rapporteur tient à souligner enfin que le contexte économique et social actuel constitue indéniablement un facteur aggravant dans le développement des risques psychosociaux. Elle implique une pression supplémentaire sur les salariés et provoque la peur du chômage. De même, les restructurations sont source d’incertitudes et d’insécurité et génératrices de risques psychosociaux, en particulier dans un contexte où elles sont de plus en plus rapides et peu ou pas concertés.
Les auditions ont montré qu’un certain consensus se dégageait sur la multiplication des salariés confrontés à des risques psychosociaux, la multiplicité des facteurs de ces risques et leur impact sanitaire et économique. C’est pourquoi, votre Rapporteur a décidé de centrer ce rapport sur les préconisations à mettre en œuvre pour lutter contre les risques psychosociaux. La priorité est de développer la prévention des risques psychosociaux, en impliquant davantage les pouvoirs publics, en responsabilisant les chefs d’entreprises et en encourageant le dialogue social sur ce sujet et d’améliorer la prise en charge des victimes de risques psychosociaux.
I.- UNE PRIORITÉ : DÉVELOPPER LA PRÉVENTION DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX
Le développement de la prévention des risques psychosociaux implique une meilleure évaluation de ces risques, une plus grande implication des chefs d’entreprise et une meilleure formation des managers. La politique volontariste du Gouvernement et l’implication des partenaires sociaux sur ce sujet sont aussi de nature à garantir une meilleure prise en compte de la protection de la santé mentale des salariés dans l’entreprise.
A. AMÉLIORER LA CONNAISSANCE DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX
La prévention des risques psychosociaux passe par une meilleure évaluation de ces risques : la mise en place d’indicateurs statistiques nationaux constitue d’ailleurs une des priorités du deuxième plan « Santé au travail » (2010-2014).
C’est pourquoi, un collège d’expertise sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail, présidé par MM. Philippe Nasse et Patrick Légeron a été mis en place. Dans un rapport intermédiaire remis au ministre en mars 2008, les auteurs ont souligné la difficulté de mettre en place un suivi statistique : « pour pouvoir construire des indicateurs synthétiques pertinents, il faudrait disposer d’un modèle théorique de référence embrassant les différentes dimensions évoquées, et d’une source statistique permettant de valider empiriquement les regroupements d’indicateurs au sein d’une (sous-) dimension ou issus de plusieurs (sous-) dimensions ». Ils ont retenu, par ailleurs, six dimensions de risques psychosociaux : les exigences liées à l’exercice du travail, les exigences émotionnelles, l’autonomie et les marges de manœuvre, les rapports sociaux et relations de travail, les conflits de valeur, et l’insécurité socio-économique. Les conclusions définitives du collège devraient être rendues au cours du premier trimestre 2011.
B. IMPLIQUER LES CHEFS D’ENTREPRISE
1. Les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité
a) L’obligation générale de sécurité incombant à l’employeur : une obligation de résultat
L’article L. 4121-1 du code du travail rappelle que « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » et prévoit que ces mesures comprennent :
– « des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail » : chaque entreprise a l’obligation de réaliser une évaluation a priori des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs (article L. 4121-1 du code du travail) et les résultats de cette évaluation doivent être consignés dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (31). ;
– « des actions d’information et de formation » : l’employeur est tenu de dispenser aux salariés une information sur les risques encourus pour leur santé et leur sécurité et les mesures prises pour y remédier (article L. 4141-1 du code du travail), d’une part, et d’organiser une formation pratique et appropriée à la sécurité au bénéfice de ses salariés (article L. 4141-2), d’autre part ;
– « la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés » : lorsqu’il confie des tâches à un travailleur, l’employeur prend en considération les capacités de l’intéressé à mettre en œuvre les précautions nécessaires pour la santé et la sécurité, compte tenu de la nature des activités de l’établissement (article L. 4121-4 du code du travail).
En outre, au moins une fois par an, l’employeur doit présenter au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail un rapport écrit faisant le bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans son établissement et des actions menées au cours de l’année écoulée et un programme de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail.
La jurisprudence a renforcé les obligations pesant sur l’employeur en matière de protection de la sécurité et de la santé des salariés. En effet, la Cour de cassation, dans plusieurs arrêts du 28 février 2002, a considéré que l’obligation de sécurité de l’employeur était une obligation de résultat dont le manquement constitue une faute inexcusable.
Lorsque la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, le salarié peut obtenir, en plus de l’indemnisation forfaitaire en matière d’accident du travail et des maladies professionnelles, une majoration de sa rente et des indemnisations complémentaires (32). En outre, dans une décision du 18 juin 2010 (33), le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne faisaient pas obstacle à ce que les victimes d’un accident du travail dû à une faute inexcusable de l’employeur puissent demander réparation de leur préjudice selon le droit commun. Cette décision permet donc d’envisager une indemnisation plus importante des préjudices subis par le salarié. Pour l’employeur, la reconnaissance de sa responsabilité entraîne l’assujettissement à une cotisation complémentaire qui s’ajoute à la cotisation d’accident du travail habituel (34) ainsi que la réparation des divers préjudices subis par la victime.
Cette jurisprudence a trouvé une application récente dans le domaine des risques psychosociaux : le tribunal de sécurité sociale de Nanterre dans un arrêt du 17 décembre 2009 a, en effet, reconnu la faute inexcusable de Renault en raison du suicide d’un salarié. Le tribunal a considéré que l’entreprise aurait dû avoir conscience du risque auquel le salarié était exposé du fait de son activité professionnelle et qu’elle n’avait pas pris les mesures qui s’imposaient pour le protéger, en recherchant essentiellement des solutions en termes de mobilité professionnelle ou de délégation de compétence vers la médecine du travail. Par ailleurs, dans un arrêt du 5 mars 2008 (35), la Cour de cassation a admis que le pouvoir de direction de l’employeur puisse être limité par ses obligations en matière de sécurité, en considérant que celles-ci lui interdisent « dans l’exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés ».
b) Les dispositions spécifiques contre le harcèlement moral
La loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a inscrit dans le code du travail le harcèlement moral en posant le principe qu’« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (article L. 1152-1 du code du travail). Le code du travail prévoit que l’employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral (article L. 1152-4 du code du travail). La Cour de cassation, dans un arrêt du 21 juin 2006 (36), a rappelé qu’il s’agissait d’une obligation de sécurité de résultat et « que l’absence de faute [de la part de l’employeur] ne peut l’exonérer de sa responsabilité ».
Par une décision du 10 novembre 2009 (37), la cour a établi un lien explicite entre l’organisation du travail, les risques psychosociaux et le harcèlement en considérant que « peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
2. Inciter les employeurs à se saisir de la question des risques psychosociaux
Votre Rapporteur constate que la législation et la jurisprudence affirment clairement la responsabilité de l’employeur en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses salariés et la situation spécifique du harcèlement moral est aujourd’hui clairement prise en considération et sanctionnée.
Cependant, afin d’inciter les employeurs à se saisir de la question spécifique des risques psychosociaux, il pourrait être opportun :
– de modifier l’article L. 4612-6 du code du travail afin de prévoir que les deux rapports remis par l’employeur chaque année au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, sur le bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail d’une part et sur le programme de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail, d’autre part, traitent spécifiquement des risques psychosociaux et des actions menées dans ce domaine ;
– que le document unique d’évaluation des risques professionnels (38) comprenne une évaluation des risques psychosociaux. Une circulaire du ministère du travail, de l’emploi et de la santé devrait, par ailleurs, rappeler l’importance de ce document et inciter les inspecteurs du travail à contrôler l’existence de ce document dans les entreprises ;
– de développer la formation continue des chefs d’entreprises afin de les sensibiliser à la problématique des risques psychosociaux.
C. SENSIBILISER LES MANAGERS ET DIFFUSER LES BONNES PRATIQUES
1. Sensibiliser les managers à la prévention des risques psychosociaux
a) Développer la formation des managers
Votre Rapporteur considère comme prioritaire l’amélioration de la formation des managers. C’est d’ailleurs l’un des objectifs du deuxième plan Santé au travail qui affirme qu’une « attention particulière sera portée à la formation des acteurs de l’entreprise pour les aider à repérer les situations à risque et élaborer des plans d’actions. ». De même, l’accord du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail propose que la formation dans les grandes écoles intègre davantage « la dimension relative à la conduite des hommes et des équipes ».
M. Henri Lachmann, M. Christian Larose et Mme Muriel Pénicaud proposent, dans leur rapport sur le bien-être et l’efficacité au travail (39) que les entreprises investissent beaucoup plus fortement dans des programmes de formation de leurs managers à la conduite des hommes et des équipes, d’une part, et accompagnent systématiquement la promotion à un poste de manager d’une véritable formation aux responsabilités sociales et humaines du manager, d’autre part. Par ailleurs, ils suggèrent que d’ici trois ans, les diplômes délivrés par les écoles de commerce et d’ingénieurs incluent, tous, obligatoirement un module de formation à la responsabilité sociale et au management d’équipes.
M. William Dab propose, de son côté, qu’aucun aucun futur cadre ou ingénieur ne sorte d’une école supérieure sans que sa formation n’inclue un socle minimal de connaissances en santé au travail qui prendrait la forme d’un « TOIEC (40) de la santé au travail ». Un référentiel de formation des bases dont tout futur cadre devrait maîtriser le contenu pourrait être mis en place.
Afin de faciliter l’appropriation et l’insertion de la question de la santé au travail et la gestion des risques psychosociaux dans les référentiels de formation initiale des grandes écoles et de la formation continue dans les entreprises, un réseau francophone de formation en santé et sécurité au travail a été mis en place en 2010. Le site internet « www.rffst.org », accessible depuis le 1er février dernier, permet de télécharger les premiers outils pédagogiques validés par le réseau et met à la disposition des acteurs un manuel sur la santé au travail et l’encadrement.
Votre Rapporteur considère que l’État pourrait être amené à jouer un rôle particulier en organisant la labellisation des écoles qui mettraient en place un module de formation sur la santé au travail et la gestion des équipes.
b) Renouveler l’approche du management
Le rôle du manager de proximité est essentiel, notamment pour pouvoir adapter l’organisation du travail et les objectifs à la réalité de son équipe. M. Henri Lachmann, M. Christian Larose et Mme Muriel Pénicaud, dans leur rapport sur le bien-être et l’efficacité au travail (1), constatent ainsi que : « la santé des salariés est d’abord l’affaire des managers, elle ne peut pas s’externaliser. Au quotidien, le manager de proximité, qui organise le collectif de travail et prend les décisions au plus près des salariés, en est le premier garant. Il est aussi un relais essentiel avec la hiérarchie de l’entreprise : c’est lui qui fait remonter les difficultés rencontrées par les salariés et qui informe ces derniers sur les orientations et projets de l’entreprise. »
Or, votre Rapporteur constate que les managers ont parfois peu de temps à consacrer à la gestion de leur équipe. Ainsi, une étude (41) portant sur les pratiques managériales en Europe montre que seuls 21 % des 1 500 managers interrogés passent plus de 50 % de leur temps à manager et 65 % d’entre eux passent un tiers de ce temps consacré au management aux tâches de compte rendu et de gestion administrative. De même, la seconde édition du baromètre annuel de l’Observatoire de la vie au travail (OVAT) (42) montrent que 58 % des salariés interrogés jugent insuffisante la qualité du management dans leur entreprise.
Il est donc essentiel de redonner des marges de manœuvre aux managers de proximité pour optimiser l’efficacité et la cohésion de son équipe et de les sensibiliser à la problématique du stress et des risques psychosociaux. Le développement de la formation continue est, de ce point de vue, essentiel.
2. Diffuser des bonnes pratiques
a) Encourager l’évaluation des risques psychosociaux
Une évaluation du bien-être et de la santé des salariés dans une entreprise est indispensable pour promouvoir une meilleure prévention des risques psychosociaux et une prise en charge plus efficace des personnes en situation de souffrance.
Certaines entreprises ont ainsi mis en place des « observatoires du stress ». C’est le cas de Renault qui a installé un Observatoire médical du stress, de l’anxiété et de la dépression (OMSAD) : son but est de mieux connaître le stress vécu par les salariés de l’entreprise en collectant les résultats anonymes de tests passés par les salariés volontaires lors de la visite médicale. Près de 8 000 tests sont ainsi réalisés chaque année. De même, à la suite des suicides intervenus au Technocentre de Guyancourt, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail a commandé une enquête au cabinet Technologia. Cette enquête a montré que 31 % des salariés étaient dans une situation de « travail tendu », qui se caractérise par une charge de travail lourde accompagnée d’une faible latitude décisionnelle.
La SNCF, quant à elle, a mené une enquête épidémiologique sur le stress auprès de 20 000 cheminots : ces derniers ont dû répondre à un questionnaire spécifique sur ce sujet au moment de leur visite médicale annuelle. Cette enquête a été complétée par des enquêtes locales permettant de mieux connaître les risques psychosociaux dans chaque établissement, en fonction notamment des métiers pratiqués.
Il existe d’ailleurs des outils publics mis à disposition des entreprises pour leur permettre d’évaluer l’existence des risques psychosociaux. Ainsi, « l’auto questionnaire SUMER 2009 », qui évalue le bien-être mental du salarié, les dimensions du travail susceptibles d’influencer son bien-être mental, sa santé physique, ses arrêts-maladie éventuels, est disponible sur le site internet « travailler-mieux.gouv.fr ».
En revanche, votre Rapporteur tient à souligner que de telles évaluations ne sauraient se suffire à elles-mêmes : elles doivent constituer un préalable à la mise en œuvres d’actions concrètes.
b) Améliorer l’information des entreprises
Le site internet « travailler-mieux.gouv.fr » permet de diffuser un certain nombre d’outils, d’exemples de bonnes pratiques et de témoignages d’entreprises. M. Xavier Bertrand, ministère du travail, de l’emploi et de la santé, lors de son audition par la mission d’information le 22 mars dernier, a précisé que ce site recevait plus de 90 000 visites par mois et que la rubrique relative aux risques psychosociaux était la plus consultée.
Différents guides pratiques sont aussi disponibles afin d’aider les entreprises à mieux prendre en charge les risques psychosociaux. Par exemple, la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés et la caisse régionale d’assurance-maladie d’Île-de-France ont publié en 2009 des conseils sur la conduite à tenir en cas de suicide d’un salarié sur le lieu de travail. D’autres documents apportant des conseils pour gérer les dysfonctionnements et les conflits sont entre autres disponibles sur ce site, par thème (suicide, harcèlement, traumatisme...).
Le site de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles comporte aussi de nombreuses informations sur les risques psychosociaux. Une section intitulée « Focus » renvoie vers le thème du stress et des autres risques psychosociaux. D’autres sections du site sont organisées sous forme de dossiers sur le stress, les agressions, le harcèlement et les violences, la santé mentale au travail, le suicide lié au travail et les facteurs de stress dans les centres d’appel téléphonique. De même, l’institut publie divers guides relatifs aux risques psychosociaux, tels que « Stress au travail », « Les étapes d’une démarche de prévention » (2007), « Pour les préventeurs en entreprise », ou encore « Dépister les risques psychosociaux, des indicateurs pour vous aider » (2007).
Enfin le groupe de travail « suicides au travail » (43) a produit un guide intitulé « Conseils sur la conduite à tenir en cas de suicide d’un salarié sur le lieu de travail » diffusé sur le site internet du ministère du travail. Ce guide recommande notamment, si une autopsie psychologique (44) est conduite avec l’accord de la famille et de l’entourage, de suivre les recommandations de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et de confier cette enquête à un médecin, un psychiatre ou un psychopathologue, afin de s’assurer notamment du respect des règles de déontologie.
c) Développer les bonnes pratiques
La prévention et la prise en charge des risques psychosociaux passent aussi par la diffusion de bonnes pratiques.
Par exemple, lors de son audition par la mission d’information, M. Marc Grosser, directeur des affaires sociales et de la responsabilité sociétale de Danone, a souligné que son entreprise avait prévu, dans trois sites, une étude d’impact préalable à tout changement organisationnel, afin de mieux accompagner les salariés confrontés à d’importants changements dans l’organisation de leur travail. Par ailleurs, les managers ont été sensibilisés et formés à la question des risques psychosociaux et une politique a été menée pour éviter des changements trop fréquents de chefs d’équipe. Enfin, l’entreprise a fait le choix d’impliquer l’ensemble des salariés dans la prévention des risques psychosociaux en mettant en place des « cercles de santé », qui sont des réunions durant lesquelles les salariés peuvent faire part à leur chef d’équipe des situations pouvant porter atteinte à leur santé physique et psychologique.
L’entreprise SFR, quant à elle, a organisé des cycles de formation et des séminaires sur les bonnes pratiques à destination de ses managers et promeut des initiatives telles que la « journée sans e-mail », pour assouplir l’usage par les salariés des outils de communication.
Votre Rapporteur considère que, dans le même esprit, une attention particulière doit être portée aux très petites entreprises et aux petites et moyennes entreprises. Les pouvoirs publics doivent mettre en place des actions territoriales spécifiques d’information et d’accompagnement à destination de ces entreprises. Actuellement, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles travaille à l’adaptation de ces instruments de prévention afin que les petites entreprises puissent se les approprier.
d) Renforcer les formations et les aides
Le développement de stage de formation et d’aides devrait aussi permettre aux managers et aux acteurs de la santé et de la sécurité au travail de s’emparer du sujet des risques psychosociaux.
L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles propose ainsi plusieurs stages de formation sur le thème des risques psychosociaux. Une formation est par exemple proposée aux médecins du travail, aux intervenants en prévention des risques professionnels, notamment les infirmiers du travail, sur les risques psychosociaux. Par ailleurs, une convention entre le régime général de sécurité sociale et le régime des indépendants, signée en 2007, propose une aide aux professionnels, aux chefs d’entreprise et aux salariés pour une meilleure prévention du stress.
De même les agences régionales pour l’amélioration des conditions de travail mettent en place des formations. C’est le cas par exemple de l’Agence régionale d’amélioration des conditions de travail de la région Centre qui a proposé des ateliers thématiques sur le thème « comment agir sur les stress, prévenir les risques psychosociaux » en avril et en mai prochain.
Tout ceci démontre une prise de conscience réelle.
Votre Rapporteur considère qu’il faut aller plus loin et que la mise en place d’un label « Santé et qualité de vie au travail » serait de nature à inciter les entreprises à mettre en place des actions concrètes dans le domaine des risques psychosociaux et permettrait de valoriser les entreprises soucieuses du bien-être de leurs salariés.
Celui-ci pourrait être délivré par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail. Ce label pourrait s’accompagner d’une « charte d’intervention » que les acteurs s’engageraient à respecter.
D. FAIRE DE LA PRÉVENTION DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX UNE PRIORITÉ DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE
1. Poursuivre le plan d’urgence pour la prévention du stress au travail
Pour améliorer la prévention des risques psychosociaux, le Gouvernement a prioritairement encouragé les négociations dans les entreprises. En effet, le plan d’urgence sur la prévention du stress professionnel, annoncé le 9 octobre 2009, a prévu l’ouverture de négociations obligatoires sur le stress au travail dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, avant le 1er février 2010, afin de transposer l’accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 portant sur ce sujet.
À la date butoir, les entreprises n’étaient pas tenues d’avoir signé un accord, mais devaient avoir engagé significativement des négociations et réalisé, à défaut d’accord, un diagnostic et un plan d’action.
Aucune pénalité financière n’était prévue pour les entreprises qui n’avaient pas respecté cette obligation de négociation. Cependant, souhaitant utiliser la technique anglo-saxonne du « name and shame », le ministère du travail a cru bon de publier sur son site internet, le 18 février, une liste des entreprises en distinguant celles qui n’avaient entrepris aucune action, de celles qui avaient engagé une ou plusieurs réunions de négociation ou de discussion et de celles qui avaient signé un accord de fond ou de méthode. La mise en ligne de ces résultats a rapidement suscité de nombreuses réactions hostiles à la démarche ou contestant les données diffusées, et seules la liste des entreprises ayant signé un accord est finalement restée publique.
Votre Rapporteur considère que la pratique du « name and shame » n’est pas de nature à faire changer les comportements sur le sujet des risques psychosociaux. En revanche, il est essentiel de publier la liste des entreprises ayant signé des accords afin de diffuser les bonnes pratiques.
Par ailleurs, le plan, d’urgence a prévu :
– le développement d’actions d’information et d’accompagnement des petites et moyennes entreprises et des très petites entreprises sur les risques psychosociaux avec l’appui de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles et des services de santé au travail ;
– l’organisation dans chaque région, par les directions régionales des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l’emploi, de séminaires pour permettre aux entreprises, repérées pour leurs bonnes pratiques, d’exposer celles-ci aux partenaires sociaux. 22 séminaires ont déjà eu lieu. Ils doivent permettre d’aborder notamment la question de la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle.
Votre Rapporteur croit en la pertinence de cette stratégie.
2. Mettre en œuvre le deuxième plan Santé au travail
Lors de son audition par la mission d’information le 22 mars dernier, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé, a rappelé que les risques psychosociaux constituaient l’une des priorités du deuxième plan « Santé au travail » (2010-2014) et a cité différentes mesures du plan parmi lesquelles :
– le renforcement de la formation des managers en matière de gestion des ressources humaines, notamment en rationalisant l’offre de formation et en constituant une offre nationale avec l’appui de tous les acteurs institutionnels ;
– la mise en place d’outils de diagnostic et d’indicateurs d’action , avec l’appui de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles et des services de santé au travail, d’actions d’information ;
– l’élaboration d’un appel à projet national de la direction générale du travail, de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés et de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail à l’égard des branches professionnelles ;
– la prise en compte de la prévention des risques psychosociaux à l’occasion des processus de restructuration des entreprises.
Il s’agit d’une étape significative dans la lutte contre les risques psychosociaux au travail.
3. Renforcer le réseau d’acteurs au service de la santé des travailleurs dans les entreprises
En 2009, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail a financé 150 projets dans le cadre du Fonds pour l’amélioration des conditions de travail, dont 65 % concernaient la santé au travail. Elle a effectué plus de 2 300 interventions en entreprise, dont 22 % portaient sur les risques psychosociaux. Son budget est, cette année, de 11,8 millions d’euros.
Compte tenu des nombreuses actions qu’elle doit mettre en œuvre, il apparaît nécessaire de renforcer ses moyens budgétaires. En effet, dans le cadre du deuxième plan « Santé au travail », l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail a pour mission de :
– développer la formation des acteurs de l’entreprise sur les risques psychosociaux en rationalisant l’offre de formation et en constituant une offre nationale ;
– développer la diffusion des outils d’aide à la prévention des risques psychosociaux auprès des branches et des entreprises notamment en favorisant la mise en place d’actions d’information, d’outils de diagnostic et d’indicateurs.
Par ailleurs, le renforcement des effectifs de l’inspection du travail et le développement de la formation des inspecteurs en matière de risques psychosociaux apparaissent aussi aujourd’hui primordiaux. En effet, en 2009, sur 307 544 interventions effectuées dans les entreprises par les inspecteurs du travail, 58 % concernaient la santé et la sécurité des salariés. Leur rôle en matière de prévention des risques psychosociaux est donc essentiel.
E. RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL
1. Développer les accords nationaux interprofessionnels
Les partenaires sociaux ont aussi été amenés à négocier des accords sur les risques psychosociaux. Après l’accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail, étendu par un arrêté du 23 avril 2009 (45), un accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail a été signé par les partenaires sociaux le 26 mars 2010 puis étendu par un arrêté le 23 juillet 2010 (46).
a) L’accord national interprofessionnel sur le stress au travail
L’accord national interprofessionnel sur le stress au travail, qui transpose l’accord-cadre européen du 8 octobre 2004 sur le même thème (47), vise à sensibiliser les employeurs et les salariés au phénomène du stress au travail et à fournir un cadre permettant de détecter, de prévenir et de faire face à ce phénomène. L’accord rappelle que, dès qu’un problème de stress au travail est identifié, une action doit être entreprise pour le prévenir, l’éliminer ou à défaut le réduire. La responsabilité en incombe à l’employeur. Il peut s’agir de mesures collectives ou individuelles telles que :
– l’amélioration de l’organisation, des processus, des conditions et de l’environnement de travail ;
– le soutien adéquat aux personnes concernées et aux équipes ;
– la clarification des objectifs de l’entreprise et du rôle de chaque travailleur ;
– la possibilité, pour tout acteur de l’entreprise, de s’exprimer sur son travail ;
– la formation de l’ensemble des acteurs de l’entreprise, en particulier des membres de la direction et les personnels d’encadrement, à la prise de conscience et à la compréhension du stress au travail, ainsi qu’aux moyens d’y faire face.
Cependant, aucun mécanisme de sanctions n’est prévu, notamment dans l’hypothèse où les employeurs ne prendraient pas les mesures nécessaires pour lutter contre des problèmes de stress identifiés. Par ailleurs, bien qu’il soit étendu par un arrêté du 6 mai 2009 et donc obligatoire pour tous les employeurs, quels que soient la taille de l’entreprise et son domaine d’activité, l’accord a rarement été décliné au niveau des branches d’activité.
b) L’accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail
L’accord interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail, a permis de transposer l’accord-cadre européen du 15 décembre 2006 sur le même thème. L’accord définit les notions de harcèlement et de violence au travail, propose un cadre pour leur identification, leur prévention et leur gestion et prévoit des mesures d’accompagnement des salariés agressés. Les employeurs doivent prendre toutes les mesures nécessaires en vue de prévenir les agissements de violence ou de harcèlement, notamment en élaborant une « charte de référence » ou en indiquant leur position dans un document écrit.
L’accord précise aussi la procédure à suivre en cas de harcèlement ou de violence, celle-ci pouvant inclure une phase informelle, durant laquelle une personne ayant la confiance de la direction et des salariés est disponible pour fournir conseils et assistance. En cas de harcèlement avéré ou de violence, sont aussi prévues des mesures d’accompagnement, prises en charge par l’entreprise. Un soutien (médical, psychologique...) doit être apporté au salarié victime, et si nécessaire, une aide à son maintien, à son retour dans l’emploi ou à sa réinsertion. S’agissant des agressions par des tiers, l’entreprise pourra prévoir des mesures d’accompagnement, notamment juridiques, du salarié concerné, et le règlement intérieur précisera les sanctions applicables aux auteurs des agissements de harcèlement ou de violence.
Ces accords témoignent de la prise de conscience des partenaires sociaux mais ceux-ci doivent être encore encouragés.
2. Encourager les négociations sur les risques psychosociaux
L’amélioration du bien-être au travail suppose un dialogue social de qualité sur la santé au travail. Or, un an après l’extension de l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail du 2 juillet 2008, seule une petite partie des branches professionnelles et des entreprises dispose d’un accord spécifique sur les risques psychosociaux.
Plutôt centrés sur les problématiques « traditionnelles » faisant l’objet de négociation – comme par exemple le temps de travail ou les salaires – , les syndicats ont tardé à se saisir de la question des risques psychosociaux, y compris lorsque des salariés se sont suicidés sur leur lieu de travail. M. Henri Lachmann, M. Christian Larose et Mme Muriel Pénicaud dans leur rapport sur le bien-être et l’efficacité au travail (48) expliquent cette situation par la difficulté qu’éprouvent les partenaires sociaux à se saisir de problématiques qu’ils connaissent mal en comparaison des questions de sécurité physique. Ceux-ci proposent donc de relancer la négociation au niveau des branches professionnelles sur les facteurs de risques pour la santé psychologique propres à chaque métier.
Le plan d’urgence sur la prévention du stress professionnel, quant à lui, en prévoyant que les entreprises de plus de 1 000 salariés ouvrent des négociations sur le stress au travail, a encouragé la signature d’accords.
M. Xavier Bertrand, ministère du travail, de l’emploi et de la santé, lors de son audition par la mission d’information le 22 mars dernier, a dressé un bilan positif de ces négociations puisque 240 accords ont été signés – dont la moitié dans le secteur des services – et 230 plans d’actions ont été mis en place. 59 % de ces accords ont d’ailleurs été signés à l’unanimité. Au total, 1 300 entreprises ont été concernées par des négociations, un accord ou un plan d’action, soit 1,3 million de salariés. Le bilan qualitatif de ces négociations sera présenté lors de la prochaine réunion du conseil d’orientation des conditions de travail le 19 avril prochain.
Quelques exemples d’accords conclus dans les entreprises
Les partenaires sociaux de l’entreprise Danone ont signé, le 11 mars 201, un accord cadre sur le stress et les risques psychosociaux. Celui-ci prévoit notamment la mise en place, avec la médecine du travail, d’indicateurs précis pour mieux mesurer la prévalence du stress au travail et d’un observatoire du stress. Les salariés seront associés à la mise en place de nouvelles organisations du travail. L’ensemble des managers bénéficiera de formation en matière de stress et de risques psychosociaux.
Un accord relatif à la qualité de vie au travail au sein du groupe Groupama a été signé, le 28 février dernier, par la direction et les six organisations syndicales représentatives. Celui-ci prévoit la mise en place d’indicateurs relatifs à la qualité de vie au travail, l’information et la formation de l’ensemble des acteurs de l’entreprise, la promotion de bonnes pratiques, la création d’une commission paritaire de « qualité de vie au travail » au niveau du groupe, qui aura pour mission d’examiner le volet « qualité de vie au travail » des projets présentés au comité de groupe. L’accord rappelle la procédure interne permettant de signaler des cas de harcèlement, propose des mécanismes de régulation interne – parmi lesquels un centre d’écoute psychologique – et organise la protection du personnel en cas d’incivilités du public.
La direction de Safran et les cinq organisations syndicales de l’entreprise ont signé, le 19 janvier dernier, un accord sur la prévention du stress au travail. Cet accord prévoit notamment la mise en place d’un observatoire de santé propre au groupe et d’un outil de diagnostic développé par l’université de Liège afin de développer une démarche de prévention, des actions de formation et de sensibilisation à la prévention du stress, la diffusion à tout le personnel d’une plaquette et la mise en place d’une prestation de soutien en cas de survenance d’un événement traumatisant, au tire de la prévention du stress post-traumatique.
3. Renforcer les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs, de contribuer l’amélioration des conditions de travail, et de veiller à l’observation des prescriptions légales prises en ces matières (L. 4612-1 du code du travail).
La jurisprudence a confirmé le rôle de ce comité en matière de prévention des risques psychosociaux. Ainsi, dans un arrêt du 5 juillet 1999 (49), la cour d’appel d’Aix-en-Provence a considéré que la « souffrance professionnelle » peut constituer un risque grave justifiant le recours à un expert. De même, dans un arrêt du 28 novembre 2007, la Cour de cassation a considéré que l’employeur devait procéder à la consultation du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur un projet d’évaluation du personnel au moyen d’entretiens annuels. Cet arrêt signifie donc que la compétence du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne se cantonne pas à la santé physique des salariés – c’est-à-dire aux simples conditions matérielles, techniques, d’exécution du travail – mais comprend bien la protection de la santé mentale : il doit donc être consulté sur toutes les modifications de l’organisation du travail qui peuvent avoir un impact sur le stress que ressentent les salariés.
Votre Rapporteur considère qu’il est aujourd’hui primordial d’accompagner cette montée en puissance des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Plusieurs réformes pourraient être envisagées :
– prévoir une élection de ses membres au suffrage direct pour renforcer leur visibilité et leur légitimé ;
– augmenter leurs moyens d’actions, en accordant aux élus des délégations horaires plus importantes ou en dotant les comités d’un budget propre, tout en clarifiant de manière plus stricte la répartition des compétences entre, d’une part, les comités ainsi nouvellement dotés et, d’autre part, le comité d’entreprise ;
– développer la formation des élus, plus particulièrement sur les nouveaux risques pour la santé psychologique des salariés, et en particulier les délégués du personnel dans les entreprises où il ne peut y avoir de comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
De même, une réflexion devrait être lancée sur l’augmentation de la durée du mandat de ses membres.
II.- MIEUX PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES DE RISQUES PSYCHOSOCIAUX
Si la reconnaissance des pathologies causées par des risques psychosociaux comme maladies professionnelles semble délicate, il est, en revanche, nécessaire aujourd’hui de mieux prendre en charge les victimes de risques psychosociaux en amélioration la détection des salariés en détresse, en encadrant plus strictement les interventions des acteurs privés de santé au travail dans les entreprises et surtout en adoptant rapidement la réforme de la médecine du travail qui devrait être discutée prochainement à l’Assemblée nationale.
A. AMÉLIORER LA RECONNAISSANCE DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX
1. Prendre acte de la difficile reconnaissance des maladies psychiques comme maladies professionnelles
Les modalités de reconnaissance d’une maladie professionnelle prévues à l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ne laissent que peu de place à l’élément psychique qu’il s’agisse des maladies « présumées d’origine professionnelle » désignées dans un tableau ou de celles désignées comme telles par le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles.
La procédure de reconnaissance des maladies professionnelles
Il existe deux sortes de reconnaissances de maladies professionnelles :
– la présomption d’origine professionnelle : toute affection qui répond aux conditions médicales, professionnelles et administratives mentionnées dans les tableaux annexés au code de la sécurité sociale est systématiquement « présumée » d’origine professionnelle, sans qu’il soit nécessaire d’en établir la preuve ;
– le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles : en premier lieu, une maladie figurant dans un tableau mais pour laquelle une ou plusieurs des conditions relatives au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux, n’est pas remplie, peut être reconnue d’origine professionnelle s’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime. En second lieu, il est possible de reconnaître le caractère professionnel d’une maladie non mentionnée dans un tableau mais directement imputable à l’activité professionnelle habituelle de la victime et entraînant le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’au moins 25 % : le dossier présenté au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) doit alors permettre d’apprécier l’existence d’un lien direct et essentiel entre l’activité professionnelle habituelle et la maladie.
Il n’existe pas à ce jour de tableau des maladies professionnelles permettant de reconnaître les pathologies inhérentes aux risques psychosociaux. Votre Rapporteur considère que l’inscription de telles pathologies serait délicate.
En effet, les maladies psychosomatiques ont des origines multiples : il est souvent difficile de faire la part entre les causes liées à la vie privée et celles liée à la cause professionnelle. De plus, il est impossible de considérer que le travail est intrinsèquement source de risques pour la santé mentale et cause directement et indéniablement une dépression. Enfin, même si certaines professions sont clairement plus exposées que d’autres au stress, les facteurs de risques psychosociaux dépendent de l’organisation du travail et d’un environnement de travail et non pas de tâches susceptibles d’être limitativement énumérés.
Cette position est d’ailleurs celle adoptée dans de nombreux pays européens. Ainsi, en Allemagne, on estime que les maladies psychologiques ne répondent pas à la définition de la maladie professionnelle selon laquelle certains groupes de personnes sont, en raison de leur activité professionnelle, davantage que d’autres exposées à des facteurs spécifiques. Il en est de même en Finlande où, en 2003, un groupe de travail a considéré que les troubles psychiques ne devaient pas figurer sur la liste des maladies professionnelles, faute de pouvoir démontrer avec certitude la causalité entre ces troubles et le travail. Dans ce contexte, la Commission européenne n’a pas jugé opportun de porter les atteintes psychiques sur la liste européenne des maladies professionnelles (50).
De même, assouplir la procédure en vue de reconnaître plus facilement des troubles psychologiques comme une maladie professionnelle doit être envisagé avec précaution et ne peut se faire sans une étude d’impact préalable.
En effet, pour faire reconnaître qu’une maladie est d’origine professionnelle, le salarié doit prouver que la maladie est directement et essentiellement liée à son travail habituel et cette possibilité est réservée aux salariés malades dont l’état est stabilisé et qui sont atteints d’une incapacité de 25 %.
S’il est parfois proposé de supprimer le critère d’incapacité de 25 % pour engager une procédure de reconnaissance des maladies professionnelles et déposer un dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, cette réforme aboutirait en réalité à une profonde inégalité entre les personnes atteintes d’une maladie « physique » – qui devraient avoir un taux d’incapacité permanent de 25 % – et celles atteintes d’une maladie « psychique » qui n’auraient aucune incapacité permanente à prouver. En outre, cela ne résoudrait pas l’obstacle fondamental à la reconnaissance d’une maladie professionnelle qui est la difficulté de prouver le lien direct entre des troubles psychologiques et la vie professionnelle.
Dans le cadre du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le Sénat avait adopté un amendement demandant au Gouvernement de présenter au Parlement, avant le 30 septembre 2011, un rapport sur la possibilité d’inscrire le stress post-traumatique dans les tableaux de maladies professionnelles et d’assouplir les critères de reconnaissance des maladies professionnelles dans le cadre de la procédure complémentaire. Cet amendement a été assez logiquement supprimé par la commission mixte paritaire, les parlementaires préférant attendre les conclusions du groupe de travail qui a été constitué sur ce sujet au sein du Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) avant de modifier la législation sur la reconnaissance des maladies professionnelles.
Mais il serait bon d’étudier étudier l’impact d’une réforme s’inspirant de l’exemple Danois et consistant à reconnaître les pathologies résultant d’un stress post-traumatique à la suite d’événements dont le salarié a été victime (comme un harcèlement ou un stress chronique) ou encore à la suite d’un événement violent (tel un hold-up dans une banque ou un sinistre grave), car le lien entre l’événement et la pathologie peut être alors facilement établi.
2. Constater l’évolution de la jurisprudence sur la qualification des suicides comme accidents du travail
Par ailleurs, l’évolution de la jurisprudence permet aujourd’hui que des suicides soient considérés comme des accidents du travail.
En effet, après avoir exigé un événement isolé, la Cour de cassation admet aujourd’hui que constitue un accident du travail « un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines dont il a résulté des lésions corporelles » (51).
Un arrêt du 22 février 2002 a marqué une avancée jurisprudentielle importante puisque la Cour de cassation a reconnu que le suicide d’un salarié en arrêt maladie pouvait être considéré comme un accident du travail, en affirmant qu’un « accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l’employeur constitue un accident du travail dès lors que le salarié établit qu’il est survenu par le fait du travail ». Récemment, le tribunal de sécurité sociale des Yvelines (52), dans un arrêt du 9 mars 2010, a considéré que le suicide d’un salarié, survenu en raison du stress au travail, constituait un accident du travail, le fait générateur de cet accident étant la surcharge de travail et la dégradation des conditions de travail.
B. AMÉLIORER LA DÉTECTION DES SALARIÉS EN SITUATION DE DÉTRESSE
Les drames survenus dans des entreprises comme France Télécom montrent qu’il est impératif d’améliorer la détection des salariés en situation de détresse.
Ainsi, la SNCF a mis en place des stages de formation à destination des managers pour leur permettre de mieux détecter des salariés en détresse. Un film qu’elle a fait réaliser montre ainsi différentes situations (anxiété, surmenage, dépression) et présente des outils au manager pour agir. Cette expérience pourrait en inspirer d’autres.
La mise en place d’un numéro vert ou « hotline » accessible aux salariés en détresse doit, cependant, être manié avec précaution car elle peut se révéler insuffisante pour prendre en charge efficacement les salariés exposés à des risques psychosociaux. L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles souligne, dans une fiche pratique diffusée sur son site internet les insuffisances d’une telle méthode : « La prise en charge des collègues de la victime à la suite d’un suicide ne peut se résumer à la mise à disposition d’un soutien par l’intermédiaire d’un numéro vert anonyme et gratuit. Cette forme d’aide à distance permet éventuellement d’identifier des personnes en souffrance, si elles se manifestent, mais ne constitue pas une réelle prise en charge psychologique. Hors situation de crise, ce dispositif relève de la seule prise en charge individuelle et palliative. Ce type de mesures ne s’attaque pas aux sources de stress. »
C. RÉFORMER LA MÉDECINE DU TRAVAIL
Votre Rapporteur considère qu’une meilleure prise en charge des risques psychosociaux passe aussi par une indispensable réforme des services de santé au travail. La proposition de loi de M. Nicolas About relative à la médecine du travail, adoptée par le Sénat, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 28 janvier dernier (53) et prochainement en discussion au sein de notre Assemblée, propose une telle réforme.
Aux termes de cette proposition de loi, les services de santé au travail seraient assurés par des équipes pluridisciplinaires, autour de médecins du travail, et comprendraient des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers. Ils auraient pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. À cette fin, les services :
– conduiraient les actions de santé au travail pour préserver la santé physique et mentale des salariés ;
– conseilleraient les employeurs, les salariés et leurs représentants sur les dispositions nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels, d’améliorer les conditions de travail, de prévenir la consommation d’alcool et de drogues sur le lieu de travail et de contribuer au maintien dans l’emploi des salariés ;
– assureraient la surveillance de l’état de santé des salariés ;
– et participeraient au suivi et contribueraient à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire.
Dans les services de santé au travail d’entreprise, interétablissements ou communs à des entreprises constituant une unité économique et sociale, les missions des services de santé au travail seraient exercées par des médecins du travail. Ces derniers agiraient en toute indépendance et en coordination avec les employeurs, les membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel et les intervenants qui agissent dans le domaine de la prévention des risques professionnels.
Les services de santé au travail interentreprises seraient administrés paritairement par un conseil composé, à parts égales de représentants des employeurs désignés par les entreprises adhérentes et de représentants des salariés d’entreprises adhérentes désignées par des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
La proposition de loi prévoit aussi de nouvelles obligations pour l’employeur :
– le médecin du travail qui constate un risque pour la santé des salariés pourrait proposer par écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver. L’employeur qui refuse d’y donner suite devrait faire connaître ses motifs par écrit. Ces échanges seraient tenus à la disposition des agents de contrôle ;
– par ailleurs, l’employeur aurait l’obligation de désigner un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels. Ceux-ci, en vertu d’un amendement adopté par le Sénat, pourraient bénéficier, à leur demande, d’une formation en matière de santé au travail. À défaut, si les compétences dans l’entreprise ne permettent pas d’organiser ces activités, l’employeur pourrait faire appel, après avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou des délégués du personnel, aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé interentreprises auquel il aurait adhéré ou aux services de prévention des caisses de sécurité sociale.
Enfin, le Sénat a encadré strictement la rupture du contrat de travail du médecin en prévoyant notamment l’autorisation de l’inspecteur du travail.
Votre Rapporteur est convaincu que cette réforme sera de nature à permettre une meilleure prévention des risques psychosociaux et une meilleure prise en charge des salariés en situation de détresse. Il est donc impératif que cette proposition de loi soit adoptée rapidement.
D. PROMOUVOIR LA TRANSPARENCE CHEZ LES ACTEURS PRIVÉS DE LA SANTÉ AU TRAVAIL
La problématique du stress au travail devenant de plus en plus présente dans les entreprises, de nombreux acteurs interviennent dans ce domaine.
Certains cabinets sont agréés comme experts des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail par les ministères du travail et de l’agriculture : ils interviennent alors pour des motifs précis, dans un cadre légal et doivent respecter un cahier des charges rédigé par les partenaires sociaux et sont contrôlés dans leurs expertises. Cependant, ces cabinets diversifient leur offre et leurs nouvelles activités ne sont pas toujours soumises à agrément. Par ailleurs, certains intervenants moins sérieux proposent aussi leurs services aux entreprises et des cabinets de lutte contre le stress utilisant des méthodes parfois critiquables fleurissent, sans qu’aucun encadrement ne soit mis en place.
La Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés et l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles ont publié, en avril 2010, un guide, intitulé « Et si vous faisiez appel à un consultant ? » destiné aux entreprises et donnant quelques règles à suivre lors de la recherche d’un consultant : élaboration d’un cahier des charges, contenu de la proposition d’un consultant…
Par ailleurs, la direction générale du travail a réuni en juin dernier, soixante-dix consultants pour discuter d’une « charte méthodologique et déontologique » en matière de risques psychosociaux. Celle-ci devrait être rendue publique par le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, M. Xavier Bertrand, au mois d’avril. Enfin, le 17 novembre dernier, les principaux cabinets de prévention des risques en santé au travail ont créé une Fédération des intervenants en risques psychosociaux (FIRPS) avec pour objectif d’organiser la profession et de garantir son éthique et sa déontologie.
Mettre en place des groupes de paroles, prendre en charge des salariés en situation de détresse, établir un diagnostic dans des entreprises concernées par la question des risques psychosociaux ne s’improvise pas. Toutes ces interventions demandent du professionnalisme et de l’expérience car elles concernent des situations souvent difficiles, voire dramatiques quand ont eu lieu des suicides. Votre Rapporteur considère qu’il est aujourd’hui nécessaire de mettre en place un agrément pour ces intervenants, dont la délivrance pourrait être confiée à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail.
CONTRIBUTIONS DES MEMBRES DE LA MISSION
CONTRIBUTION DE M. ROLAND MUZEAU
(Groupe de la gauche démocrate et républicaine)
Pour comprendre la contribution des députés communistes, républicains et du parti de gauche et le sens de leur abstention sur le présent rapport, il convient de revenir sur notre demande initiale de création d’une commission d’enquête sur le champ plus précis « des conséquences sur la santé des salariés des restructurations permanentes, des nouvelles formes d’organisation du travail et méthodes de gestion du personnel à France Télécom comme dans l’ensemble des secteurs de l’économie nationale. » Demande rejetée par la majorité présidentielle.
Le refus de la majorité d’expertiser les causes déterminantes du mal-être au travail tenant aux transformations de l’organisation du travail, conséquences de la financiarisation de notre économie.
La proposition de résolution n° 1954 tentant à la création de cette commission d’enquête déposée par les députés communistes, républicains et du parti de gauche, début octobre 2009, au lendemain du vingt-quatrième suicide d’un salarié de France Télécom traduisait la demande explicite de trois organisations syndicales du groupe France Télécom, ne supportant plus comme d’autres acteurs en santé au travail dont les médecins, le déni de la direction et le silence complice des pouvoirs publics face à la montée et à la généralisation de la souffrance des salariés.
Les drames humains ne devant rien au hasard se succédaient, les suicides et tentatives de suicide commis sur le lieu de travail ou l’accusant explicitement se multipliaient. Nombre d’autres d’indicateurs témoignaient d’un réel et massif mal-être au travail des salariés de ce géant privatisé qui n’avait eu de cesse de ce réorganiser à un rythme impressionnant, brutal, pour s’ouvrir à la concurrence et au marché des télécommunications.
Le changement de statut, le plan de suppressions d’emplois (22 000 sur la période 2005-2009), la stratégie managériale agressive propulsant le changement comme une valeur en soi, la mobilité forcée insécurisant volontairement pour que soient plus efficaces les salariés en les changeant de métier, de lieu géographique sans justification aucune si ce n’est la course à la rentabilité et l’organisation du travail, étaient autant de causes pointées par les organisations syndicales comme déterminantes des suicides et plus globalement de la dégradation de la santé mentale des salariés de France Télécom.
Nous sommes convaincus que le lien santé-travail n’est pas fatalement dégradé et du fait que l’essentiel de sa construction réside dans l’organisation du travail, – point de vue étayé par la littérature de cliniciens de terrain faisant le lien entre l’aggravation depuis une dizaine d’années des pathologies mentales, l’apparition de nouvelles formes de pathologies et la transformation du travail, hier expérience collective et devenu une expérience solitaire du fait d’organisations du travail hybrides et de méthodes de management « modernes ». Nous souhaitions donc que la représentation nationale participe activement à la mise en visibilité sociale comme au sein de l’entreprise France Télécom de cette réalité.
Il ne s’agissait pas de mettre à l’index France Télécom mais d’expertiser les mécanismes à l’œuvre directement liés à la dérive du capitalisme et à ses conséquences sur l’évolution de l’entreprise privatisée. De rendre intelligible les choix organisationnels, les exigences de rentabilité, toutes les mutations du travail. D’objectiver les causes réelles et déterminantes de la dégradation de la santé des salariés. L’objectif étant de permettre à nouveau à chacun de bien faire son travail, en proposant des mesures de prévention primaires collectivement efficaces, ceci dans un contexte où il était encore de mise de renvoyer aux fragilités personnelles, à l’environnement plus global et à la sphère privée l’analyse de ces phénomènes, où la gestion individuelle du stress était en passe de l’emporter.
Parce que France Télécom illustre malheureusement la trajectoire de nombreuses autres entreprises ou organismes privatisés convertis à la révolution managériale, « passés d’une culture de service public à une machine à cash » selon l’expression d’Ivan du Roy, ce droit de regard du législateur aurait éclairé différemment la situation de Pôle emploi ou de la Poste confrontés aujourd’hui aux mêmes processus d’épuisements physiques et psychiques de salariés déboussolés par les stratégies auxquelles ils n’adhèrent pas, contraints de se trahir eux-mêmes, minés par le discours paradoxal entre le travail prescrit et le travail réel…
Enfin, il nous paraissait légitime que la représentation nationale s’arrête sur le cas particulier France Télécom pour rechercher les responsabilités singulières de l’État actionnaire au-delà de la seule direction d’entreprise, de l’État en charge de la politique de santé au travail.
Tout a été fait au sein de cette assemblée pour éviter, corseter le débat sur les causes profondes du mal-être généralisé pour mieux continuer à traiter des conséquences de la dégradation de la santé mentale et physique des salariés. Le présent rapport en est d’ailleurs l’illustration.
Nous voulions réinterroger le travail, son sens, le transformer et ne pas être simplement dans la gestion du risque psychosocial, en accompagnement des phénomènes de stress via les cellules d’écoute ou les tickets psy… Nous voulions discuter stratégie, choix économiques et financiers des directions d’entreprises et de l’État comme autant d’éléments délétères pour la santé des salariés.
Dix huit mois après le rejet de notre demande, nonobstant la prise de conscience par le monde de l’entreprise des risques psychosociaux et les mesures mises en œuvre à France Télécom, l’actualité est venue nous rappeler que des drames se nouaient encore au travail, qu’un profond malaise continuait d’agiter le géant des télécoms. Certes, sur le papier, les méthodes de management ont changé mais la stratégie de l’entreprise courant après une rentabilité maximale reste la même, ont dénoncé les collègues du salarié qui s’est immolé. « France Télécom doit s’attaquer au cœur du problème : la rentabilité et les profits » exhorte Brigitte Font le Bret, médecin du travail.
La situation reste tout aussi préoccupante à la SNCF, à Pôle emploi, à la Poste où les réorganisations en chaîne, les baisses d’effectifs, les changements de métiers… ont manifestement un impact sur la vie, la santé et le moral des salariés (pour 2009, FO communication a recensé 70 suicides sur une population de 290 000 postiers).
À l’occasion du suicide dans le bâtiment du ministère du travail d’un inspecteur du travail, militant syndical, cas non isolé dans la fonction publique, si l’on en croit les personnels de la police, ceux du ministère de l’écologie ou les agents hospitaliers, là encore les logiques à l’œuvre, la RGPP, la dureté des relations sociales, le rythme effréné des réformes qui broient les services de l’État et leurs agents ont été mis en cause.
Cette question de la souffrance au travail des agents publics, sujet encore tabou selon les syndicats se doit d’être spécifiquement approchée. La majorité a fait un tout autre choix en retenant un champ étroit d’étude pour la mission d’information sur les risques psychosociaux. En conséquence le rapport de la mission centré sur les salariés du secteur privé, ne fait référence qu’à la marge à la situation actuelle à Pôle emploi pour reconnaître, décrire mais sans réellement mettre en perspective « l’effet délétère sur la santé des salariés d’une intensification du travail dans un contexte de changements et de restructurations importantes ».
S’agissant plus spécifiquement de France Télécom, le rapport admet aussi au détour d’une phrase que le lien est établi entre ces suicides et l’organisation du travail. C’est le moins que l’on puisse faire.
Toutes les personnes auditionnées l’ont reconnu, à l’exception notable du nouveau directeur général considérant lui « que dans l’ensemble l’organisation du travail était bonne », qu’il y avait eu seulement une « mauvaise adaptation du modèle aux réalités sociologiques, démographiques de la population salariée » et niant le fait que certaines pratiques dont la mobilité forcée aient été mises en œuvre de façon délibérée pour casser les collectifs, les gens.
Plusieurs rapports, notamment celui de l’IGAS, ont recommandé que certains suicides soient requalifiés en « accidents de service ». Celui de l’inspectrice du travail Sylvie Catala, a également explicitement établi le lien entre l’organisation du travail, le management par la terreur érigé en système mis en place pour parvenir aux objectifs fixés de suppression d’emplois et la dégradation de la santé mentale des salariés. La responsabilité de l’entreprise pour n’avoir pas évalué, ou sous-évalué les conséquences sur la santé des restructurations, des réorganisations permanentes, fermetures, ouvertures de site avec les mobilités tant fonctionnelles que géographiques qui les accompagnent est mise en cause. Une plainte pour mise en danger de la vie d’autrui et harcèlement moral du fait de méthodes de gestion de nature à porter atteinte à la santé mentale des travailleurs a d’ailleurs été déposée.
Les travaux de la mission ont aussi révélé que la dualité de statuts (droit public/droit privé) au sein d’un même groupe était en soi facteur de risques psychosociaux et surtout source de différences de traitement injustifiable en matière de reconnaissance et de réparation des suicides, des pathologies en lien avec le travail… Comment expliquer en effet, que les salariés de droit privé ou leurs ayants droit aient la possibilité de solliciter une prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail et des maladies professionnelles alors que les fonctionnaires doivent eux se rapprocher du président de France Télécom, là juge et partie, pour obtenir le classement en « accident de service » ?
Cette question de l’imputabilité à l’employeur des suicides et tentatives, des pathologies liées au stress (troubles musculo-squelettiques, accidents vasculaires…) au cœur de nos débats, n’a pas trouvé sa place dans le rapport de la mission d’information, lequel évacue ou aborde trop superficiellement nombre d’autres problématiques essentielles pour éclairer la dimension du phénomène des troubles psychosociaux et analyser les mécanismes organisationnels et managériaux.
De fait, ce rapport priorise de fausses bonnes solutions, préférant la gestion de ce risque à sa prévention primaire, ou l’inaction lorsqu’il s’agit de réparer les altérations de la santé mentale comme physique du fait du travail.
1. Un rapport frileux faisant l’impasse sur des questions essentielles soulevées ou confirmées à l’occasion des auditions de la mission d’information :
Si le rapport reconnaît l’ampleur et l’impact des risques psychosociaux sur la santé, insiste sur le coût économique important pour l’entreprise comme pour la collectivité des problèmes de santé mentale, constate que la définition des risques psychosociaux est difficile et que les facteurs expliquant les situations de souffrance au travail sont multiples, il reste dans la description succincte et incomplète, rarement dans l’analyse des transformations du travail à l’origine de « l’appauvrissement des gestes de métiers » (Marie Pezé), de la perte de sens et du mal-être des salariés donnant de leur personne sans avoir en retour une reconnaissance de leur travail.
S’agissant des causes déterminantes des risques psychosociaux retenues : « l’organisation et la charge de travail ; le management défaillant, les conflits de valeur dans le travail, les relations avec le public », sur lesquelles il y aurait un quasi consensus, regrettons que la montée de la précarité, la peur du chômage et le poids des suppressions d’emploi pour les « survivants », l’impact des restructurations permanentes, le changement de statut, de périmètre de l’entreprise, causes invariantes maintes fois citées par les personnes auditionnées, n’aient pas fait l’objet de développements.
Des causes premières, du lien entre la financiarisation de notre économie et les nouvelles organisations du travail et le développement du « mal travail » avec son lot de troubles psychosociaux, il n’est guère question dans ce rapport non plus si ce n’est, rapidement, dans un paragraphe, comme d’un facteur aggravant.
Manquent également les éclairages de Christophe Dejours sur la centralité du travail dans la construction de l’individu, sur la mise en concurrence généralisée des salariés et leur solitude dans le monde du travail d’autant plus violente que les stratégies collectives de défense n’existent plus.
Un passage du rapport est tout de même consacré aux effets délétères sur la santé mentale de l’évaluation individuelle des performances mais rien n’est prescrit pour évaluer qualitativement le travail collectif.
Prenant l’exemple de Pôle emploi ou de la police pour montrer le non-sens de l’évaluation actuelle du travail mesurée uniquement à son résultat, sa performance, sans rapport avec la réalité, ce professeur au Conservatoire national des arts et métiers a invité les membres de la mission à « réintroduire du travail vivant ».
Le travail est pourtant le grand absent de ce rapport, auquel manque aussi une analyse du monde du travail fait de rapports de force, de conflictualité comme l’a rappelé à la mission la sociologue Danièle Linhart.
La nécessité priorisée par une majorité de personnes entendues par la mission de reconstituer des solidarités, d’avoir une réflexion et une action collectives sur l’organisation du travail, sur la prise en compte des risques psychosociaux au lieu de se limiter à une approche individuelle via par exemple, les cellules d’écoute, les numéros verts, le coaching, la relaxation… n’a guère eu plus d’écho.
Lors des auditions, la proposition faite de réinvestir le droit d’expression direct et collectif des salariés avec leur hiérarchie, possibilité déjà offerte par le code du travail, semblait pourtant faire consensus.
Au lieu de se situer à la source, en amont des nouvelles organisations du travail, le rapporteur choisit le parti pris de la gestion des conséquences de celles-ci, de la gestion du risque psychosocial en lieu et place de sa prévention. C’est le défaut majeur du rapport de la mission.
2. Des préconisations inadéquates en matière de prévention des troubles psychosociaux et de réparation des victimes.
Le rapport prétend placer la prévention des risques psychosociaux en tête de ses priorités.
Compliqué d’atteindre cet objectif en oubliant les médecins du travail, acteurs majeurs de la prévention des altérations de la santé des salariés. Les développements qui leur sont consacrés figurent dans l’autre partie du rapport relative à la prise en charge des victimes des risques psychosociaux.
Dépassée cette remarque de forme qui en dit tout de même long sur ce que la majorité ambitionne pour la médecine du travail, nous sommes en total désaccord avec l’analyse faite par le rapporteur du contenu de la réforme en cours. Les auditions l’ont montré, il y a une vraie différence de conception du rôle du médecin du travail entre les organisations patronales d’une part, et les organisations syndicales et organisations de médecins d’autre part. Devant la mission, la CGPME a plaidé pour « l’adaptation de l’homme au travail » et vanté les mérites de la seule « visite médicale d’embauche comme étant un a priori important. » Plus nombreux sont ceux à avoir insisté sur la nécessité de voir leur indépendance totalement garantie, définies leurs missions dans le seul but d’éviter toute altération de la santé des travailleurs. Telle qu’issue du Sénat, la réforme des services de santé au travail même bordée du pseudo garde-fou de la gestion paritaire est très loin de satisfaire les professionnels concernés qui considèrent à juste titre qu’elle contribue à vider cette médecine de son sens, à démédicaliser la prévention des risques professionnels. Le rapporteur est « convaincu que cette réforme sera de nature à permettre une meilleure prévention des risques psychosociaux et une meilleure prise en charge des salariés en situation de détresse ». À l’inverse de ce qu’il préconise, nous pensons que la proposition de loi ne doit pas être adoptée en l’état.
S’agissant de la place, du champ d’intervention des CHSCT, qui ont pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés, là encore le rapporteur peine à convaincre de sa volonté d’asseoir leur rôle central. En effet, cette instance figure en toute fin de la partie relative à la prévention. Mais surtout, la recommandation « phare » de l’élection au suffrage direct de ses membres, proposée lors des auditions comme un moyen de les rendre plus visibles aux salariés, masque difficilement l’absence, a minima, de rappel ferme au respect de la loi obligeant les entreprises d’au moins 50 salariés à les mettre en place. Alors que trois salariés sur quatre n’ont pas de CHSCT, pour étendre le dialogue social y compris dans les PME nous aurions apprécié une proposition visant à abaisser les seuils ou favorisant leur implantation dans les plus petites entreprises, sur des bassins d’emploi par le biais de délégué de site par exemple.
Si nous sommes d’accord avec l’affirmation selon laquelle il faut faire « de la prévention des risques psychosociaux une priorité de la politique de santé publique », nous ne partageons pas l’enthousiasme du rapporteur qui profite de l’occasion pour vanter les mérites de la politique gouvernementale en la matière. Et ce d’autant que, lors des auditions, la fragilité du volontarisme gouvernemental en la matière, y compris lorsqu’il s’agit de faire appliquer la législation en vigueur a été discutée. Le fait que Xavier Darcos ait choisi de ne pas rendre obligatoire la déclinaison de l’accord national sur le stress, en ne sanctionnant pas l’absence de négociations et de conclusion d’accords dans les entreprises de plus de 1 000 salariés ; qu’il ait reculé face à la pression du Medef très remonté contre la pratique du « name and shame », c’est-à-dire la publication de listes d’entreprises ne jouant pas le jeu de la négociation sur ce thème, continue à faire débat. À la différence du rapporteur, nous sommes favorables à une pénalité financière pour inciter les entreprises à négocier.
En outre, avant de préconiser la poursuite du plan d’urgence pour la prévention du stress au travail, encore faudrait-il avoir l’honnêteté d’en présenter un bilan objectif. Lequel est plus que mitigé. Nous déplorons que ce rapport se soit dispensé de dire que sur 2 500 entreprises de plus de 1 000 salariés, seules 600 avaient conclu un accord ou un plan d’action, au 19 avril dernier, et que quatre textes sur cinq sont des accords de méthodes et non de fond. Sans surprise, puisque tel est l’objectif du Gouvernement, le sujet de l’organisation du travail est le grand absent. « On y parle de fragilités individuelles mais pas tellement de la qualité du travail » selon Jocelyne Chabert pour la CGT. « La prévention ne porte pas assez sur la prévention primaire » regrette Henri Fourest de la CFDT, « la plupart des textes comportent des indications sur la prévention tertiaire et les structures d’écoute. Certains prévoient des dispositifs de repérage des salariés en difficulté, dispositifs sur lesquels nous avons des réserves éthiques. »
Parce qu’il convient selon nous de donner la priorité aux situations concrètes de travail, nous sommes très réservés sur la proposition du rapporteur de mise en place d’un label « Santé et qualité de vie au travail ». Nous avons été sensibles aux remarques formulées par les rapporteurs de la mission sénatoriale sur le mal-être au travail craignant qu’une procédure de certification privilégie la « conformité formelle aux exigences d’’une norme plutôt que de s’attacher à vérifier l’efficacité réelle des mesures de prévention mises en place et leurs résultats. »
Au fil de ce rapport, la majorité réussit à faire la preuve que sa volonté n’est pas d’inciter les employeurs à prévenir les risques psychosociaux à la source puisqu’il privilégie des logiques de prévention n’allant pas au-delà de la formation au stress, de la formation des managers, ou de la gestion des difficultés lorsqu’elles se manifestent.
« Les drames survenus dans les entreprises comme France Télécom montrent qu’il est impératif d’améliorer la détection des salariés en situation de détresse » prétend le rapporteur pour justifier la prise en charge des salariés une fois que leur santé est déjà dégradée. Une telle recommandation susceptible de contrevenir à l’obligation de sécurité de résultat qui incombe à l’employeur, ne contribue pas assurément à impliquer davantage les chefs d’entreprise. C’est pourquoi nous ne la partageons pas.
Si nous apprécions positivement les propositions visant à ce que les employeurs se saisissent de la question spécifique des risques psychosociaux via les rapports annuels remis aux CHSCT ou le document unique d’évaluation, nous faisons remarquer au rapporteur qu’il y avait un moyen simple et efficace de responsabiliser les entreprises à la prévention : l’amélioration de la reconnaissance et donc l’indemnisation des victimes de pathologies inhérentes aux risques psychosociaux. Tant que financièrement les entreprises ne seront pas responsabilisées par l’augmentation de leurs cotisations à la branche AT/MP, rien ne se passera. La Fnath, l’association d’aide aux victimes et aux organisations confrontées aux suicides et aux dépressions professionnelles, les organisations syndicales entendues par la mission ont toutes insisté sur l’importance de la question de l’imputabilité de tels faits à l’employeur, sur la nécessaire amélioration de la reconnaissance des maladies psychiques comme des maladies professionnelles, proposant la révision des tableaux de maladies professionnelles, l’assouplissement du critère d’incapacité de 25 % à 10 %, voir sa suppression pour l’accès à la voie complémentaire de reconnaissance. Nous regrettons vivement que la partie du rapport consacrée à cette question verrouille toutes ces pistes supposées trop délicates et ne propose in fine aux victimes, aux salariés, aucune amélioration dans le domaine des altérations de la santé mentale.
Enfin, l’actualité de la décision de la cour d’appel de Versailles confirmant la faute inexcusable de Renault dans le suicide d’un de ses salariés, reconnaissant la responsabilité de l’employeur dans la mise en place d’organisations du travail pathogènes, devrait amener le législateur à se demander s’il ne convient pas de compléter le code du travail pour inscrire la notion jurisprudentielle de harcèlement moral collectif, ou institutionnel.
CONTRIBUTION DES DÉPUTES DU GROUPE SOCIALISTE,
RADICAL, CITOYEN ET DIVERS GAUCHE
(Mme Marisol Touraine présidente de la mission, et MM. Christian Hutin et
Régis Juanico, membres de la mission)
En novembre 2009, de nombreux médecins du travail démissionnaient de France Télécom à la suite d’une importante vague de suicides au sein de l’entreprise, concernant trente-deux salariés. D’emblée, leur lien avec les conditions de travail dans l’entreprise se trouvait posée. Une grande émotion s’est manifestée dans toute la France. Il est alors apparu que le phénomène, spectaculaire dans cette entreprise, existait ailleurs, et restait méconnu dans notre pays. C’est dans ce contexte que les socialistes, convaincus qu’au « travailler plus pour gagner plus », il faut opposer le « travailler mieux pour vivre mieux », ont demandé la création d’une mission d’information sur les risques psychosociaux. Il semblait fondamental de comprendre le phénomène qui était en train de se développer, de l’analyser en profondeur et d’en tirer les conséquences.
On ne peut pas faire l’impasse sur les difficultés alors rencontrées par notre groupe, de manière assez étonnante au demeurant, concernant la création de cette mission : demande de mission sans cesse ajournée, volonté de faire prévaloir la réflexion engagée au sein du seul groupe UMP… Il aura fallu intervenir auprès du Président de l’Assemblée nationale pour obtenir la création de cette mission. Mais pour autant, l’indifférence manifeste des élus UMP a été frappante, à l’exception du rapporteur initial. Les députés de la majorité n’étaient d’ailleurs pas majoritaires le jour de l’examen du rapport par la mission.
À la suite de la non-réélection du rapporteur, M. Jean Frédéric Poisson, lors de l’élection législative partielle dans sa circonscription, les élus du groupe SRC ont eu la désagréable surprise d’assister à des tentatives répétées visant à enterrer le travail accompli.
Un nouveau rapporteur a fini par être nommé, qui se trouve présenter un rapport fondé sur des auditions auxquelles il n’a pas assisté. Si sa responsabilité personnelle n’est pas en cause, la démarche politique est hasardeuse.
Au-delà de cette volonté d’obstruction politique manifeste, qui à elle seule justifierait que le groupe SRC s’abstienne sur le rapport présenté, le choix de celui-ci d’apparaître comme accompagnant la démarche du Gouvernement, aussi rare que déplacé, nous amène à ce vote. Car rien, aujourd’hui, dans la politique gouvernementale, ne traduit une prise en compte nouvelle et significative de la souffrance au travail, au-delà des discours.
Le mal-être au travail a longtemps fait l’objet de déni en France, où le dialogue social a eu tendance à se limiter à une relation conflictuelle entre employeurs et salariés. La difficulté d’établir un lien de causalité évident entre la souffrance psychique des salariés et le travail, conjugué à l’absence de reconnaissance de la part des entreprises d’une quelconque responsabilité et à la non-prise en compte du phénomène par les pouvoirs publics ont conduit à nier le mal-être au travail, et partant, à nier les souffrances des salariés. Cette absence de débat public est largement responsable du développement qu’a connu ce phénomène ces dernières années. Or, sans débat public, le recours à la loi apparaît comme la seule démarche de changement, alors que les réponses à apporter ne relèvent pas toutes de la loi.
Nous ne pensons pas que la réponse aux risques psychosociaux réside uniquement, ni même principalement, dans l’adoption de nouvelles mesures législatives. Nous nous retrouvons dans plusieurs des analyses ou propositions faites dans le rapport. Pour autant, l’exemple canadien montre qu’il s’agit d’abord d’établir un consensus autour de l’importance qu’il y a à traiter ce sujet, à s’en emparer dans le débat public et à en faire un objet de discussion, voire de négociation, au sein des entreprises. Cela passe par un engagement résolu des pouvoirs publics, qui n’existe pas en France à ce stade. Or, on constate que les efforts des entreprises, depuis 2009, restent très limités : l’électrochoc de France Télécom aura été de façade, alors même que l’entreprise en question a, elle, engagé un processus qui, s’il reste encore inachevé, a au moins le mérite d’exister. Mais sur 230 accords préventifs examinés sur les 600 signés depuis 2009 dans les entreprises de plus de 1000 salariés, les textes comportant des engagements précis de la direction sont rares et ceux décrivant un plan d’action minoritaires.
Cela impose au Gouvernement de s’engager lui-même plus fortement qu’il ne l’a fait. La création d’un observatoire indépendant doit être débattue. Cela donnerait de la visibilité aux situations de souffrance au travail et manifesterait une volonté politique de ne pas les accepter. Le refus du Gouvernement est incompréhensible et inacceptable. Il faut par ailleurs renforcer les volets RPS des enquêtes conditions de travail de la DARES, développer les questionnaires EVREST administrés par les médecins au cours des visites médicales, et promouvoir l’enquête SUMER. Nous avons des connaissances ; elles sont dans les faits peu coordonnées et surtout ne débouchent pas sur des décisions.
Enfin, le rôle de l’organisation même du travail dans l’existence de risques psychosociaux nous paraît sous-estimé par le rapport, ce qui aboutit d’ailleurs à ce que la question de la réparation soit à peine posée. Les enquêtes européennes montrent que la France est une adepte du modèle lean production alors que les pays nordiques et l’Allemagne développent plus des organisations fondées sur l’autonomie. Si l’on croit au rôle émancipateur du travail, la question de son organisation doit évidemment être posée. La rhétorique sur la valeur travail accompagnée d’une politique de faible rémunération et d’indifférence à l’égard des modes d’organisation du travail est purement d’affichage. La reconnaissance de la valeur travail passe par une plus grande préoccupation des conditions dans lesquelles s’effectue le travail.
La souffrance a toujours existé au sein du monde du travail, le phénomène n’est pas nouveau mais il a considérablement évolué. Il a longtemps été cantonné aux ouvriers, qui ont eu à se battre pour une reconnaissance de la dureté de leurs conditions de travail. Aujourd’hui il n’épargne pas les cadres, et alors que des progrès considérables ont été accomplis pour mieux protéger face aux accidents du travail, le stress et le mal-être ont gagné en intensité et ne bénéficient d’aucune reconnaissance. L’individualisation croissante des responsabilités, la dilution des collectifs de travail, la recherche d’une rentabilité à la fois croissante et souvent appréciée selon des critères flous aboutissent à fragiliser les salariés.
Les employeurs ont du mal à accepter le lien entre les psychopathologies développées par les salariés et l’environnement de travail. La spécificité de ces maladies favorise la tentation de renvoyer le salarié à ses propres fragilités personnelles. Cependant, l’ampleur du phénomène oblige à écarter la seule faiblesse individuelle et à poser la question de l’organisation du travail. Comme le fait valoir Marie Pezé (54), auditionnée par la mission d’information, on ne peut écarter l’impact de l’organisation du travail à laquelle le salarié est confronté, ainsi par exemple, pour des ouvrières dont le travail consiste à visser 27 bouchons à la minute, et pour lesquelles l’entreprise a prévu dans les vestiaires un brancard destiné à leurs crises de nerfs, fréquentes.
Pour être émancipateur, le travail doit être valorisant, les salariés aspirent à se sentir reconnus dans leur travail. C’est ce manque de reconnaissance, pour beaucoup lié aux nouveaux modes d’organisation du travail, qui est en grande partie responsable du développement sans précédent des risques psychosociaux en France.
Ce sont ces points que notre contribution développe dans les pages suivantes.
1. Le rôle émancipateur du travail menacé par l’apparition des risques psychosociaux.
1.1. Le rôle émancipateur du travail
Les socialistes veulent croire que la valorisation du travail ne se situe pas exclusivement dans une approche quantitative – « travailler plus pour gagner plus » – qui favorise une conception individualiste et compétitive du travail.
Le travail est aujourd’hui vécu comme une source de tension, de frustration, et donc de souffrance. Le rapport des salariés à leur travail se construit selon un équilibre entre les contraintes générées par le travail (charge de travail, horaires, tensions subies) et la rétribution qui y est liée, rétribution financière, mais surtout sociale (reconnaissance aux yeux de l’entreprise, du monde extérieur, évolution de carrière...). La souffrance au travail apparaît lorsque les contraintes subies au travail sont supérieures à la rétribution qu’il en ressort et peut alors générer des psychopathologies.
Le travail ne doit plus être vécu comme une aliénation mais comme une source d’épanouissement. Il est un véritable pilier de la construction identitaire des personnes. C’est particulièrement vrai en France où plus de la moitié des Français estiment que le travail est nécessaire pour développer pleinement ses capacités, alors qu’ils sont moins de 20 % à le penser en Grande-Bretagne, en Suède et en Finlande (55) Il existe une forme de paradoxe à affirmer que le travail en soi est une chose positive, a fortiori une grande quantité de travail, alors que certaines tâches sont totalement déconsidérées, voire méprisées, Les femmes sont particulièrement touchées par ce phénomène, par la nature des emplois qu’elles exercent, qui ne nécessitent pas de formation : ménage, garde d’enfants...
Par ailleurs, l’entreprise, ou à tout le moins l’organisation du travail, est perçue comme étant de plus en plus déshumanisée. Les liens entre les salariés sont fréquemment découragés, les salariés s’entendant bien étant, par exemple, affectés à des postes différents. C’est au contraire en restaurant une gestion plus humaine des salariés que l’entreprise retrouvera le rôle social fondamental qu’elle joue auprès des salariés. De ce point de vue, l’idée de promouvoir la qualité de vie au travail est un enjeu fondamental, notamment dans le cadre de l’allongement de la vie professionnelle.
1.2. L’explosion des risques psychosociaux.
En dehors du harcèlement, qui est bien identifié et bénéficie d’un régime légal assez complet, les dernières années ont vu se développer une véritable souffrance au travail. Ainsi, en 2007, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail note que les consultations pour risques psychosociaux sont devenues la principale cause de consultation pour maladies professionnelles.
L’expression de risques psychosociaux est difficile à définir. On parle souvent à la place de stress au travail, alors qu’ils expriment une réalité bien plus large, et concernent l’ensemble des manifestations de mal-être au travail, le stress étant l’une d’entre elles, mais parmi d’autres, comme le harcèlement, les violences internes à l’entreprise, l’épuisement professionnel...
Plusieurs facteurs de risques sont identifiés, notamment dans le rapport de M. Michel Gollac, dont une grande partie est liée à l’organisation du travail :
- la charge de travail, et particulièrement son intensification ;
- les exigences liées au travail (précision...), les difficultés inhérentes à la tâche à réaliser (monotonie...) ;
- l’évaluation individuelle des salariés et la mise en concurrence généralisée ;
- les relations au sein de l’entreprise (management par le stress) et avec l’extérieur (relations avec le public) : 42,2 % des salariés estiment être confrontés à un risque d’agression verbale et 19 % à un risque d’agression physique (56);
- les conflits éthiques : l’exigence de rentabilité contraire à la recherche de la qualité, objectifs assignés imposant de trahir ses valeurs morales (par exemple licencier un collaborateur ou pratiquer une vente abusive).
La souffrance au travail n’est pas cantonnée aux seuls salariés peu ou pas qualifiés, les cadres ne sont pas épargnés. Ainsi 47 % des catégories socioprofessionnelles supérieures et 57 % des cadres se déclaraient stressés en 2009 (57), contre 41 % pour l’ensemble des salariés. Les cadres sont pleinement exposés aux risques psychosociaux et sont nombreux à développer les pathologies liées.
De la même manière, toutes les catégories d’entreprises sont touchées. La fonction publique comme les PME sont confrontées à ce phénomène.
De nouvelles psychopathologies liées au travail sont apparues. Les suicides, qui ont servi de prise de conscience collective en France ne constituent en réalité que la face émergée de l’iceberg. Christophe Dejours (58) a mis en évidence le développement de ces nouvelles pathologies :
- les pathologies de surcharge : troubles musculo-squelettiques, lésions par efforts répétitifs, lésions d’hyper sollicitation,
- la mort subite au travail, ou « karôshi » : mort par accident vasculaire alors que la personne ne présente comme seul facteur de risque que la surcharge de travail (pas d’antécédents particuliers),
- le « burn out » : qui se caractérise par l’épuisement, le découragement, une dévalorisation ou une dépression,
- les affections post-traumatiques : apparaissant après avoir subi une forme de violence,
- les violences pathologiques : les salariés deviennent à leur tour violents ; contre l’extérieur ou les collègues, ou contre l’outil de travail – ils se livrent alors à des actes de sabotages – ou alors contre eux-mêmes et c’est là qu’intervient le suicide
Face à ce mal-être, et compte tenu de la difficulté d’établir un lien de causalité entre les pathologies développées et le travail, les entreprises sont tentées de rejeter la responsabilité sur la construction psychique des salariés. Pourtant, ce sont bel et bien les modes d’organisation du travail, liés à la montée en puissance d’exigences de rentabilité qui s’installent dans tous les secteurs d’activité, y compris dans le secteur public.
2. Une situation préoccupante qui s’enracine dans les nouveaux modes d’organisation du travail.
2.1. Une situation que n’expliquent pas les seuls facteurs personnels.
La capacité des individus à affronter le stress entre en ligne de compte mais elle ne saurait être déconnectée de l’environnement de travail lorsque celui-ci réunit les facteurs de risques psychosociaux. Si, en dernier ressort, le fait pour un individu de développer ou non une psychopathologie relève de sa construction psychique propre, il n’y a de risque de pathologie que dans certains environnements professionnels.
Par ailleurs, la généralisation du phénomène à tous les pays développés laisse peu de place à une mise en cause des seules faiblesses des salariés. Selon Eurostat, 28 % des travailleurs seraient exposés à au moins un facteur de risque psychosocial au sein de l’Union européenne. La Commission européenne a chiffré à 20 milliards d’euros le coût du stress au travail pour l’Union européenne à quinze.
L’impact du contexte économique explique en partie que l’explosion des risques psychosociaux concerne tous les pays développés. La situation de l’emploi, en particulier, tient un rôle important. Par ailleurs, les effets de la transformation du capitalisme en capitalisme financier sont sensibles.
2.2 L’organisation du travail liée à l’évolution du capitalisme directement responsable.
Relations avec les collègues, management, développement des nouvelles technologies, charge de travail ou encore évaluations des salariés… ce sont là, on l’a vu, les principaux facteurs de souffrance au travail. Tous sont directement liés à l’organisation du travail, et en particulier aux changements que celle-ci a subis sous le coup de l’émergence du capitalisme financier mondialisé. Cela explique le développement sans précédent des risques psychosociaux depuis les années 2000 dans les pays occidentaux.
La sensation d’isolement, de mise en concurrence revient systématiquement dans les causes de souffrance au travail. La nouvelle organisation du travail imposée par les règles du capitalisme financier a en effet littéralement fait disparaître les collectifs de solidarité. David Le Breton, sociologue auditionné par la mission d’information, ainsi que Christophe Dejours ont mis en avant la disparition du lien de solidarité engendrée par les nouveaux modes d’organisation au travail au profit d’une concurrence exacerbée des salariés.
La souffrance morale n’est en effet pas nouvelle au sein du monde du travail. Ce qui est nouveau, c’est que les salariés en tombent malades. Cette « déshumanisation » du travail vient aussi de ce que la gestion des salariés est totalement déconnectée des facteurs humains. La dimension du bien-être au travail, et plus précisément de la santé au travail est singulièrement absente de la gestion des managers en France. La formation des managers est vide de tout contenu lié à la santé au travail, aux risques ou au bien-être. Dans bien des cas, ils ne reçoivent à aucun moment de formation spécifique à la fonction d’encadrement qu’ils seront amenés à exercer.
Or, dans un contexte économique où les prises de décisions sont de plus en plus éloignées du terrain, les managers de proximité sont eux-mêmes déconnectés de leur hiérarchie, qui est dépersonnalisée. Seuls des objectifs chiffrés de rentabilité quantifiée sont transmis et identifiés comme devant être réalisés. Dans certaines entreprises, le management de proximité est largement assuré à distance, avec l’aide des nouvelles technologies. Cela peut prendre plusieurs formes, par exemple des objectifs fixés au siège (qui peut être dans un autre pays) et transmis par mail aux salariés, comme cela a par exemple été le cas dans le secteur de la banque. Sans aller jusqu’à son remplacement par les nouvelles technologies, le rôle du manager de proximité peut être cantonné à faire réciter ses collaborateurs des scripts écrits à la virgule près.
Dans tous les cas, ce qui est frappant, c’est que le salarié n’est absolument pas associé ni à la définition de ses objectifs ni même à la manière dont il doit les réaliser. La marge de manœuvre qui lui est laissée est nulle ou presque, et il n’a personne vers qui se retourner pour exprimer une difficulté rencontrée. Par ailleurs, les démarches de conduite du changement sont très pauvres aujourd’hui alors qu’il faut réhabiliter les démarches de conduite de changement concertée, construite sur la connaissance du travail réel.
La montée en puissance du capitalisme financier a donc posé l’exigence de rentabilité comme seul critère d’évaluation. Le salarié se retrouve seul face à la logique du marché qui lui impose toujours plus. Christophe Dejours parle de l’exigence de qualité totale : lorsque le salarié a réalisé ses objectifs, au lieu de le féliciter, on lui reproche de ne pas les avoir dépassés. Il n’y a aucune marge pour une quelconque faiblesse ou un impondérable extérieur. L’enjeu est précisément de reconstruire des espaces de dialogue autour des changements du travail afin que les collectifs de travail puissent se réapproprier les changements en cours qui doivent faire l’objet d’apprentissage. De ce point de vue, réfléchissons aussi aux effets pervers des dispositifs de consultation des comités d’entreprise sur les projets d’organisation qui empêchent ou limitent un véritable travail de concertation en amont entre dirigeants, salariés et organisations syndicales. La pratique actuelle renforce des logiques formelles qui finissent par placer les conditions de travail et la prévention des risques psychosociaux comme un angle mort des projets d’organisation. Comme au Québec, tout projet de réorganisation doit être accompagné d’une étude d’impact sur le plan des conditions de travail et d’une évaluation dans le temps.
3. Des règles floues ou mal connues : la nécessité du débat public.
3.1 Un dispositif légal existant mais flou et mal connu
Il existe en France un arsenal juridique relativement complet qui pourrait répondre à la plupart des situations. Ces dispositifs sont cependant mal connus, et la mauvaise reconnaissance des troubles psychosociaux empêche de les appliquer de manière optimale.
En dehors des dispositions régissant le harcèlement moral, dont les contours sont précisément définis et qui sont bien appliquées, deux dispositifs permettent de protéger les salariés confrontés aux risques psychosociaux, l’obligation générale de sécurité incombant à l’employeur et l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail.
L’obligation générale de sécurité incombant à l’employeur, inscrite à l’article L. 4121-1 du code du travail, prévoit que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Pour cela, il doit conduire des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation des salariés sur les risques encourus (article L. 4141-1 du code du travail) et mettre en place une organisation et des moyens adaptés à ses salariés (article L. 4141-4 du code du travail).
En plus de cela, l’employeur doit présenter aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail un rapport annuel présentant les conditions de travail dans l’entreprise et les actions conduites, ainsi qu’un programme de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail. Il doit également réaliser un bilan social.
Les sources théoriques d’information ne manquent pas. Malgré cela, les salariés continuent de manquer d’information sur les risques ; ils ne connaissent pas nécessairement l’existence de ces documents, ni même de ces règles. Les salariés des PME et des TPE sont particulièrement touchés puisqu’ils ne disposent pas des mêmes protections que ceux des grandes entreprises. L’inscription des risques psychosociaux au document unique d’évaluation doit être l’objet d’une démarche participative au plus près des situations de travail.
L’accord national interprofessionnel sur le stress au travail, signé par les partenaires sociaux le 2 juillet 2008, fournit un cadre permettant de détecter, de prévenir et de faire face au développement des risques psychosociaux. De portée large, cet accord définit le stress et reconnaît l’impact qu’une exposition prolongée au stress peut avoir sur la santé et l’efficacité au travail, fixe les indicateurs de stress et impose de prendre des mesures dès l’identification d’un problème.
Cet accord, même s’il ne concerne que le stress qui, on l’a vu, ne recouvre pas la totalité des situations de mal-être au travail, devrait néanmoins pouvoir servir de base à une meilleure reconnaissance des troubles psychosociaux. Malheureusement, si sa portée est large puisqu’il est, depuis mai 2009, obligatoire pour tous les employeurs quelle que soit la taille de l’entreprise et le domaine d’activité, il n’a presque pas été décliné au sein des branches. En 2009, le Gouvernement s’est contenté de demander que les entreprises de plus de 1 000 salariés engagent des négociations pour sa transcription, mais sans obligation de résultat ; quant aux autres entreprises, il n’a pas semblé utile au Gouvernement de les impliquer…
Le Gouvernement a par ailleurs lancé deux plans visant à répondre au développement du phénomène, le plan Santé au travail et, après la vague de suicides au sein de France Télécom, le plan d’urgence sur la prévention du stress au travail. Ces mesures n’ont pas fait leur preuve. En effet, l’une comme l’autre se cantonnent essentiellement aux entreprises de plus de 1 000 salariés, alors que la majorité des salariés travaillent au sein de PME. D’autre part, le Gouvernement n’a assorti les recommandations de transcription des accords ou de négociations sur le sujet d’aucune obligation, ni d’aucune sanction. La seule mesure tangible a été de publier une « liste rouge » des entreprises n’ayant initié aucune action, mesure qui a été immédiatement retirée face au tollé qu’elle a provoqué. Les socialistes proposent depuis longtemps de moduler les cotisations des entreprises selon leur capacité à mener des négociations abouties, cela permettrait au moins de voir entrer en effet les nombreux accords signés mais non appliqués.
3.2 Un engagement des pouvoirs publics nécessaire pour une meilleure reconnaissance des troubles psychosociaux
Les troubles psychosociaux sont mal reconnus. En effet, le mal-être est difficilement quantifiable et la difficulté d’établir le lien de causalité avec le milieu du travail ajoute un obstacle supplémentaire à une reconnaissance de tous les acteurs. De plus, l’absence de débat public sur cette question rend l’élaboration de réponses compliquée.
Il n’existe pas, aujourd’hui, d’indicateurs reconnus et établis pour le mal-être au travail. Des facteurs ont été mis en lumière, mais il n’existe pas de questionnaire scientifique validé et reconnu par tous qui prenne en compte l’ensemble des facteurs de risques psychosociaux. Il ne peut donc y avoir de classification des pathologies liées à ces risques comme des maladies professionnelles. Aussi, la reconnaissance se fait-elle aujourd’hui au cas par cas, et elle ne joue pas toujours en faveur du salarié.
Faire reconnaître le caractère professionnel d’une maladie psychique peut s’avérer être un véritable parcours du combattant. Pour qu’une maladie ne figurant pas dans le tableau des maladies professionnelles puisse être reconnue comme professionnelle, il faut justifier qu’elle soit directement imputable à son environnement habituel de travail et ait entraîné le décès du salarié ou une incapacité de 25 %. Ce seuil est extrêmement élevé pour une maladie psychique, il est donc presque impossible pour les salariés de faire reconnaître le caractère professionnel de psychopathologies liées à la souffrance au travail.
L’engagement des pouvoirs publics pour faire émerger ce débat est fondamental. Toutefois, la mise en œuvre des réponses requiert une implication de l’ensemble des acteurs, la marge de manœuvre des pouvoirs publics en la matière restant limitée. La responsabilité de l’État réside en premier lieu dans sa capacité à donner l’exemple. La fonction publique n’est pas épargnée par les risques psychosociaux et doit prendre des mesures fortes à destination des salariés. Information, gestion des mobilités, écoute, formation des managers… en prenant des mesures pour ses personnels à l’image de ce qui existe par exemple au Canada, où les ministres doivent présenter un plan d’action pour le bien-être au travail : c’est par ces voies là que l’État se fera l’initiateur d’une politique de santé mentale au travail.
4. Des réponses diverses : mieux prévenir, mieux réparer.
4.1 Mieux prévenir : identifier les facteurs de risques et y répondre
Les réponses au développement des risques psychosociaux doivent s’articuler selon deux piliers, il faut combiner soutien individuel et actions collectives. Les actions individuelles ne sont pas suffisantes (et elles peuvent être dangereuses lorsqu’il s’agit de repérer les plus fragiles) et ne peuvent servir d’alibi à l’absence de réorganisation du travail. Il est fondamental d’agir en profondeur sur les conditions de travail.
Responsabiliser le management constitue l’une des premières réponses à apporter. La manière dont s’exerce le management est largement en cause dans le développement des troubles psychosociaux. Deux problèmes sont en cause ici. D’abord, les étudiants qui seront appelés à exercer les fonctions managériales ne sont absolument pas formés pour cela, d’autre part, les managers ne sont pas formés aux risques sur la santé, physique ou mentale, de leurs salariés lorsqu’ils sont en fonction.
Dès lors, il importe de créer des formations spécifiques au management dans les écoles et les universités incluant un volet sur la santé au travail, en particulier la santé mentale et la gestion humaine des salariés.
Il convient également d’agir sur les pratiques managériales, afin de les faire évoluer durablement. Pour cela, les socialistes proposent de tenir compte des résultats des managers en matière de santé au travail et plus largement de leur performance sociale ; il faut également valoriser les labels « Qualité de vie au travail », mis en place par des organismes indépendants et fiables qui permettent de jouer sur l’image de l’entreprise.
Pour agir directement sur les facteurs de risques, les socialistes proposent d’utiliser deux leviers. En premier lieu, il faut impliquer l’ensemble des acteurs concernés, entreprises et partenaires sociaux. L’exemple canadien montre que les politiques de prévention ne fonctionnent que si elles impliquent directement les entreprises. Les politiques de prévention doivent donc insister sur les bénéfices liés à l’amélioration du bien-être au travail : diminution de l’absentéisme, des versements d’indemnité, implication plus grande des salariés dans leur travail induisant une augmentation de la productivité… Les avantages pour l’employeur sont nombreux, y compris financièrement. Par ailleurs, favoriser le dialogue social est l’un des plus sûrs moyens d’obtenir des résultats. Les socialistes proposent de le rendre obligatoire, pas uniquement pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, et d’appliquer des sanctions en l’absence d’aboutissement des négociations. Le seul encouragement ne fonctionne pas, l’échec du plan d’urgence du Gouvernement l’a montré.
Il faut en outre, renforcer les moyens existants mis à la disposition des salariés : les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et la médecine du travail. Ceux-ci pourraient d’ailleurs désormais s’appeler CHSST, la préoccupation de santé devant remplacer celle de l’hygiène.
Les CHSCT doivent voir leur rôle accru et leur indépendance renforcée. Pour cela, les socialistes proposent qu’ils soient directement élus par les salariés. Nous proposons également de renforcer le statut de leurs membres en augmentant le nombre d’heures allouées à l’exercice de leur fonction et en ne distinguant pas la nature des tâches, administratives ou décisionnelles pour leur rémunération. De plus, les CHSCT doivent pouvoir bénéficier d’un budget propre qui garantirait leur indépendance. Nous souhaitons par ailleurs qu’ils se voient reconnaître un droit d’agir pour l’intérêt collectif. Nous proposons par ailleurs d’élargir leurs missions, d’abord en leur assignant une mission générale de prévention des risques relatifs à la santé des salariés mais également en élargissant le droit d’alerte dont ils disposent aujourd’hui en le faisant porter sur l’ensemble des risques graves pour la santé.
Enfin, le maillage des CHSCT doit être renforcé de manière à ce qu’aucun salarié n’en soit totalement privé. Ainsi, pour les entreprises de plus de cinquante salariés, il convient d’instituer au sein des CHSCT un « conseiller de la prévention » qui sera chargé des questions spécifiques de bien-être au travail, et la création d’un CHSCT commun à plusieurs entreprises lorsqu’elles sont sur un même site doit être rendue possible. Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les socialistes souhaitent que la création de CHSCT soit érigée en obligation, ce qui se traduit pour les petites entreprises par la création de CHSCT interentreprises pour les entreprises présentes sur un même bassin d’emploi (CHSCT de territoire). En l’absence de comité au sein de l’entreprise, nous proposons que le salarié puisse saisir un conseiller de la prévention inscrit sur une liste établie par le préfet.
Dans les petites entreprises, le rôle du délégué du personnel est important. Or, il n’a ni formation ni mission claire sur la prévention et la santé, sauf lorsqu’il se substitue au CHSCT, sans que cette situation soit évaluée. Il convient par ailleurs de favoriser la prise en compte des risques psychosociaux par branche d’activité, ce qui permet de couvrir les TPE et les associations.
Alors que le Gouvernement a proposé une réforme de la médecine du travail, qui abouti à sa mise sous tutelle de l’employeur, les socialistes veulent au contraire renforcer son indépendance. Pour cela, nous proposons la création de structures régionales paritaires pour la santé au travail. Ces structures seraient les employeurs des médecins du travail. Par ailleurs, il convient de décloisonner les organes de médecine du travail afin de permettre la mise en réseau des intervenants.
Enfin, il est indispensable que les salariés bénéficient d’une écoute renforcée. Cela participe à la reconnaissance de leur pathologie aux yeux des autres. Pour autant, les initiateurs des réseaux d’écoute mis en place au Canada mettent en garde contre une approche trop compassionnelle. En effet, considérer le salarié uniquement comme une victime ne lui permet pas de s’en sortir, mais le maintient dans une position de fragilité. Il ne faut donc pas chercher à tout prix à désigner un coupable mais faire en sorte de trouver des solutions (indemnisation, changement de poste…).
Afin de permettre aux salariés de s’exprimer librement, les socialistes proposent de renforcer leur droit d’expression. D’abord, par son institutionnalisation, qui se matérialiserait par un questionnaire envoyé à tous les salariés, et cela, tous les deux ans. Ensuite, par l’organisation obligatoire d’une négociation collective sur la base des résultats du questionnaire envoyé aux salariés.
4.2. Mieux réparer : reconnaître et indemniser les pathologies
La réparation des troubles psychosociaux n’a pas qu’une dimension financière. C’est pourquoi il est essentiel qu’ils soient mieux reconnus, pour pouvoir mieux les indemniser.
La reconnaissance des troubles psychosociaux est essentielle pour apporter aux salariés une juste réparation financière, mais parce qu’elle permet de faire reconnaître, aux yeux du monde extérieur l’existence du trouble et son lien avec le travail. Elle permet de ne pas renvoyer le salarié à sa seule faiblesse personnelle et à son échec. Nous proposons plusieurs pistes de réflexion.
D’abord, il faut faire pleinement entrer les risques psychosociaux dans le champ de l’obligation générale de sécurité incombant à l’employeur, qui est une obligation de résultat et non de moyen, et élargir l’obligation d’information des salariés qui en résulte. Les salariés ne devraient pas avoir besoin de chercher l’information, qui pourrait être publique.
Nous proposons également de supprimer le seuil d’incapacité de 25 % nécessaire à la reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie en dehors du tableau des maladies professionnelles. Un régime de présomption devrait être créé à partir, par exemple, des critères utilisés par la jurisprudence pour qualifier certains suicides d’accidents du travail. L’exposition aux facteurs identifiés de risques pendant une période donnée devrait également pouvoir suffire à établir une présomption du caractère professionnel d’un trouble. Un accord interprofessionnel pourrait lister un certain nombre de ces facteurs comme des indicateurs objectifs. Il n’est pas juste que les travailleurs aient à subir un tel parcours du combattant. Il convient d’alléger et d’accélérer les procédures.
Enfin, concernant l’indemnisation des salariés victimes de psychopathologies liées au travail, nous proposons la mise en place d’un fonds d’indemnisation des salariés, qui serait alimenté par les entreprises. Leur contribution à ce fonds pourrait être modulée en fonction de leurs résultats en termes de bien-être au travail (mesure du turn-over, taux d’absentéisme…).
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Ce rapport traduit à la fois la montée en puissance d’un phénomène largement sous-estimé jusqu’à ces dernières années, et la prise de conscience d’une urgence à réagir. Le travail doit être un droit, une fierté et un accomplissement tant personnel que social de l’individu. Les éléments identifiés et les pistes proposées dans ce rapport doivent rapidement trouver une traduction politique. Zola marquait sa différence par rapport à Balzac de ce mot : « Au lieu d’avoir des principes, j’aurai des lois ». Si tout ne relève pas ici de la loi, la référence aux principes ne suffit plus.
La commission des affaires sociales, se réunit le mercredi 25 mai 2010, sous la présidence de M. Pierre Méhaignerie, président, pour examiner le rapport d’information de M. Guy Lefrand, député.
M. Guy Lefrand, rapporteur. Les suicides dramatiques survenus dans des entreprises telles que France Télécom, Renault ou dans des services publics tels que Pôle emploi montrent que de plus en plus de salariés sont en situation de souffrance au travail. Les auditions menées par la mission d’information ont montré un consensus sur quatre constats.
Le premier constat fait par la mission est que de plus en plus de salariés sont confrontés à des risques psychosociaux. Selon un sondage IPSOS d’octobre 2010, 62 % des salariés interrogés affirment ressentir un niveau de stress élevé au travail et 30 % estiment que leur travail actuel est susceptible de leur causer de graves problèmes psychologiques. Les consultations pour risques psychosociaux sont devenues, en 2007, la première cause de consultation pour pathologie professionnelle devant les troubles musculo-squelettiques. Il ne s’agit pas d’une particularité française : au sein de l’Union européenne, 28 % des travailleurs seraient exposés à au moins un facteur susceptible d’affecter de manière défavorable leur bien-être mental. L’exemple de l’entreprise France Télécom illustre en effet l’issue dramatique à laquelle a pu conduire le développement de risques psychosociaux dans une entreprise. En effet, soixante salariés de France Télécom se sont suicidés depuis 2008 et le dernier suicide intervenu le 26 avril dernier montre que la situation dans cette entreprise reste encore très préoccupante. Selon l’Union nationale de prévention du suicide, environ 400 suicides seraient, chaque année, liés au travail.
Le deuxième constat fait par la mission est l’indéniable impact des risques psychosociaux sur la santé. Selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés, 20 % des causes des arrêts maladie de plus de quarante-cinq jours seraient liées à des troubles psychosociaux.
Le troisième constat est que les problèmes de santé mentale ont un coût économique important en raison de leurs conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise. L’Organisation mondiale de la santé estime que le stress professionnel représenterait 2 % à 3 % du produit intérieur brut des pays industrialisés.
Le dernier constat concerne les facteurs de risques psychosociaux. Deux sont particulièrement importants : l’organisation du travail et le management. Un consensus s’est dégagé au sein de la mission pour constater que certaines formes d’organisation du travail peuvent être un facteur de risques psychosociaux. Dans un contexte de mondialisation et de concurrence accrue entre les entreprises, les salariés sont confrontés à une augmentation de leur charge de travail et doivent faire preuve d’une motivation toujours plus grande. Par ailleurs, certaines formes d’organisation de l’espace de travail et une utilisation trop systématique des nouvelles technologies peuvent aggraver le stress, l’isolement des salariés ou brouiller la frontière entre la vie professionnelle et la vie privée. Un autre facteur important de risques est un management défaillant. Le constat est unanime sur les lacunes actuelles de la formation des managers en matière de santé et de gestion des ressources humaines.
S’agissant des préconisations, le rapport souligne qu’il est nécessaire, en premier lieu, de développer la prévention des risques psychosociaux. Premièrement, la prévention des risques psychosociaux passe par un renforcement de la médecine du travail. Je reviendrai ultérieurement sur l’importance de la réforme des services de santé au travail, prochainement en discussion dans notre assemblée, après avoir été adoptée en première lecture au Sénat.
Deuxièmement, la prévention des risques psychosociaux implique une meilleure évaluation de ces risques : la mise en place d’indicateurs statistiques nationaux constitue d’ailleurs une des priorités du deuxième plan « Santé au travail » (2010-2014). Cette mission a été confiée à un groupe d’expert piloté par MM. Philippe Nasse et Patrick Légeron, et un rapport proposant des indicateurs a été remis à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé, le 11 avril dernier.
Troisièmement, il faut inciter les chefs d’entreprise à se saisir de la question des risques psychosociaux. Il faut trouver un juste équilibre entre l’incitation et la coercition. La législation et la jurisprudence affirment clairement la responsabilité de l’employeur en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses salariés. Cependant, pour que les risques psychosociaux soient pleinement pris en compte dans la politique de prévention de l’entreprise, il pourrait être opportun de prévoir que les deux rapports remis par l’employeur chaque année au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, traitent spécifiquement des risques psychosociaux et des actions menées dans ce domaine et que le document unique d’évaluation des risques professionnels comprenne une évaluation des risques psychosociaux.
Quatrièmement, il est aussi primordial de développer la formation des managers en matière de gestion des équipes et de santé au travail. Un réseau francophone de formation en santé et sécurité au travail a été mis en place en 2010 afin de faciliter l’insertion de la question de la santé au travail et des risques psychosociaux dans les référentiels de formation initiale des grandes écoles et de la formation continue dans les entreprises. Il y a quelques jours, l’école de management de Grenoble et l'école « Arts et Métiers Paris Tech » ont été retenues par le ministre du travail comme écoles pilotes dans le cadre du plan Santé au travail II, en vue de former les futurs managers aux risques psychosociaux. L’État pourrait être amené à jouer un rôle particulier en organisant la labellisation des écoles qui mettraient en place un module de formation sur la santé au travail et la gestion des équipes.
Cinquièmement, la prévention des risques psychosociaux passe aussi par la diffusion de bonnes pratiques. Le site internet « travailler-mieux.gouv.fr », permet de diffuser un certain nombre d’outils, d’exemples de bonnes pratiques et de témoignages d’entreprises. Il faut aller plus loin : la mise en place d’un label « Santé et qualité de vie au travail » serait de nature à inciter les entreprises à mettre en place des actions concrètes dans le domaine des risques psychosociaux et permettrait de valoriser les entreprises soucieuses du bien-être de leurs salariés. Ce label pourrait être délivré par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail. Il pourrait s’accompagner d’une « charte d’intervention » que les acteurs s’engageraient à respecter. Par ailleurs, une attention particulière doit être portée aux petites et moyennes entreprises car les risques psychosociaux ne sont malheureusement pas présents seulement dans les grandes entreprises. Les pouvoirs publics doivent mettre en place des actions territoriales spécifiques d’information et d’accompagnement à destination de ces entreprises. À ce titre, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) travaille à l’adaptation de ces instruments de prévention afin que les petites entreprises puissent se les approprier.
Sixièmement, il est impératif de renforcer les moyens des acteurs publics en matière de santé au travail. L’augmentation du budget de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, le renforcement des effectifs de l’inspection du travail et le développement de leur formation en matière de risques psychosociaux apparaissent aujourd’hui nécessaires.
Septièmement, la prévention des risques psychosociaux implique de renforcer le dialogue social sur les sujets de santé au travail. Les partenaires sociaux ont été amenés à négocier des accords sur ces risques. Après l’accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail, un accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail a été signé par les partenaires sociaux le 26 mars 2010. Le plan d’urgence sur la prévention du stress professionnel, annoncé le 9 octobre 2009, a prévu l’ouverture de négociations obligatoires sur le stress au travail dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, avant le 1er février 2010, afin de transposer l’accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 portant sur ce sujet. 600 accords ou plans d’actions ont été d’ores et déjà engagés. Ce bilan est très encourageant car il concerne près d’une entreprise de plus de 1 000 salariés sur deux. Il est aujourd’hui primordial d’accompagner la montée en puissance des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Plusieurs réformes pourraient être envisagées : prévoir une élection de ses membres au suffrage direct pour renforcer leur visibilité et leur légitimité, augmenter leurs moyens d’actions, en accordant aux élus des délégations horaires plus importantes ou en dotant les comités d’un budget propre et développer la formation des élus, plus particulièrement sur les nouveaux risques pour la santé psychologique des salariés. Par ailleurs, une réflexion devrait être lancée sur l’augmentation de la durée du mandat de ses membres.
Il est aussi primordial d’améliorer la prise en charge des victimes de risques psychosociaux. Il n’existe pas à ce jour de tableau des maladies professionnelles permettant de reconnaître les pathologies inhérentes aux risques psychosociaux. L’inscription de telles pathologies paraît délicate. En effet, les maladies psychosomatiques ont des origines multiples : il est souvent difficile de faire la part entre les causes liées à la vie privée et celles liées à la vie professionnelle. De même, assouplir la procédure en vue de reconnaître plus facilement des troubles psychologiques comme une maladie professionnelle doit être envisagé avec précaution et ne peut se faire sans une étude d’impact préalable. À cet égard, je tiens à rappeler que le juge reconnaît de plus en plus facilement la faute inexcusable de l’employeur pour avoir manqué à son obligation de sécurité de résultat à la suite d’un accident du travail ou d’un suicide. Cette évolution jurisprudentielle permet d’augmenter considérablement l’indemnisation des salariés ou de ses ayants droit. La récente décision de la cour d’appel de Versailles du 18 mai dernier reconnaissant la faute inexcusable de l’entreprise Renault à la suite du suicide d’un salarié, illustre parfaitement cette évolution. Par ailleurs, la problématique du stress au travail devenant de plus en plus présente dans les entreprises, de nombreux acteurs interviennent dans ce domaine. Il est aujourd’hui nécessaire de mettre en place un agrément pour ces intervenants, dont la délivrance pourrait être confiée à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail.
Mais surtout, je suis convaincu qu’une meilleure prise en charge des risques psychosociaux passe prioritairement par une indispensable réforme des services de santé au travail. La proposition de loi de M. Nicolas About relative à la médecine du travail, adoptée par le Sénat et déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 28 janvier dernier, propose une telle réforme. Elle devrait être de nature à permettre une meilleure prévention des risques psychosociaux et une meilleure prise en charge des salariés en situation de détresse, notamment en facilitant l’intervention de personnels spécialisés. Il est impératif que cette proposition de loi soit adoptée rapidement.
Mme Marisol Touraine, présidente de la mission. Nous approuverons la publication du rapport. Cependant je tiens à rappeler que, lors de la dernière réunion de la mission d’information, nous nous sommes abstenus sur le fond et ce pour diverses raisons.
La première réside dans les conditions de travail de la mission qui n’ont pas été satisfaisantes. La mission a eu du mal à se mettre en place et à fonctionner. Tout a été fait pour privilégier le groupe de travail spécifique constitué à l’UMP, au détriment du travail collectif au sein de la mission. À l’exception des deux rapporteurs, nous n’avons pas eu la chance d’avoir des débats avec nos collègues du groupe UMP. Si nous ne nous étions pas abstenus, le rapport n’aurait d’ailleurs pas pu être adopté. Au-delà de ces difficultés, j’aurai espéré pourtant un consensus et une prise de conscience partagée.
La deuxième raison pour laquelle nous ne nous retrouvons pas dans ce rapport est qu’il affirme que la politique gouvernementale actuelle est la meilleure réponse possible, envisageable, face au développement des risques psychosociaux dans les entreprises privées ou dans le secteur public.
Le Gouvernement n’a pas fait de cet enjeu une cause nationale. Il a joué la carte de la responsabilisation des entreprises mais sans aucune contrainte en termes d’agenda ou financières. Peu d’entreprises se sont engagées. Un rapport du ministère du travail le rappelle : les entreprises qui se sont lancées dans une démarche de négociation l’ont fait de façon formelle et sans aboutir à de véritables plans d’action. Malgré la médiatisation régulière du sujet, il n’existe donc pas de politique gouvernementale forte.
La troisième raison qui a conduit à nous abstenir est que si il n’y a pas d’impulsion gouvernementale, si aucun débat public national n’est organisé, la tentation de recourir à des mesures législatives va prévaloir. Nous ne pensons pourtant pas que le recours à la loi soit la seule réponse à apporter à la question des risques psychosociaux. Si la loi est pertinente dans certains domaines comme le rôle et les missions des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, il est préférable de recourir à la contractualisation, au dialogue social pour faire prendre conscience que cette question est un sujet majeur. Au Canada, il y a eu un débat national public, un certain nombre de solutions ont pu être apportées et un consensus a émergé sur la nécessité de lutter contre ces troubles et sur le fait que la question devait être traitée au sein des entreprises, au même titre que les questions salariales, l’égalité professionnelle ou la sécurité au travail.
La quatrième raison pour laquelle nous nous sommes abstenus est que, dans ce rapport, tout ce qui renvoie à l’organisation du travail est sous-estimé. Les entreprises elles mêmes sous-estiment ce facteur de risques. On ne peut faire l’impasse sur cet aspect si on veut affirmer le rôle central du travail dans la société, ainsi que le caractère émancipateur pour l’individu, sur le plan personnel ou social, de l’engagement professionnel.
En revanche, nous approuvons la partie de ce rapport consacrée à la formation des « managers ». C’est ainsi que nous n’avons pas voté contre le rapport.
Nous proposons néanmoins des préconisations autour de trois axes : l’amélioration de l’observation, de la prévention et de la réparation des risques psychosociaux.
Sur le premier aspect, si nous disposons d’études et de statistiques sur les troubles, elles sont éparses, contestées et hétérogènes. Il nous parait souhaitable qu’un organisme indépendant soit chargé de l’observation et de l’évaluation. Un observatoire pourrait être créé ou une structure déjà existante pourrait être chargée de coordonner les analyses en toute indépendance. Par ailleurs, plusieurs modèles de questionnaires doivent coexister pour mener les enquêtes internes dans les entreprises pour que le dialogue social puisse s’appuyer sur des données objectives, qui ne puissent pas être contestées.
Nous reconnaissons la nécessité de l’amélioration de la formation des managers. Il est invraisemblable qu’un étudiant puisse terminer son cursus sans avoir reçu aucune formation en matière de santé au travail ou de relations humaines. De même, il est impensable qu’un manager ne reçoive pas de formation continue dans ce domaine durant sa carrière car en quarante ans de vie professionnelle les choses naturellement évoluent. Les entreprises doivent être encouragées à dispenser cette formation par des modes de rémunération différents.
Le dialogue social doit être renforcé. Il doit favoriser la prise en compte des risques psychosociaux par les salariés et par les employeurs notamment au sein du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Mais il est important que de nouvelles structures de dialogue social au niveau territorial ou par branche se mettent en place au sein des petites entreprises où le CHSCT n’existe pas.
Quant à la réparation, il faut faire entrer les risques psychosociaux dans l’obligation générale de sécurité des entreprises qui est une obligation de résultat et non de moyens. Nous proposons de supprimer le seuil d’incapacité de 25 % à partir duquel une maladie est reconnue comme maladie professionnelle en dehors du tableau. Ce seuil est en effet inatteignable et indémontrable.
Les salariés doivent enfin recevoir une indemnisation pour les psychopathologies liées au travail. Un fonds d’indemnisation des salariés devrait être mis en place et alimenté par les entreprises sur le modèle de celui des accidents du travail ou des maladies professionnelles. Ce système inciterait les entreprises à avoir des moyens d’action pour lutter contre les risques psychosociaux.
Pour conclure, même si nous n’avons pas trouvé satisfaisantes les conditions de création et de fonctionnement de la mission, je tiens à souligner que les deux rapporteurs, MM. Jean-Frédéric Poisson et Guy Lefrand ont pleinement joué le jeu.
M. le président Pierre Mehaignerie. Je ferai deux observations. La première est que vous avez souligné qu’il n’y avait pas de divergences avec le Rapporteur sur le fond…
Mme Marisol Touraine, présidente de la mission. Je n’ai pas dit cela, j’ai fait observer qu’il n’y avait pas eu de divergences sur la façon dont la mission devait fonctionner.
M. le président Pierre Mehaignerie. … La seconde observation est que les préconisations, notamment relatives aux modifications de comportement ou au management, s’adressent à ceux d’entre nous qui sont aussi employeurs. Les employeurs publics et les collectivités locales sont concernés par ce problème.
M. Dominique Dord. La question des risques psychosociaux est importante et nouvelle. Notre commission a un rôle d’éclaireur à conduire sur ce sujet. J’ai noté les propositions du rapporteur autour de deux axes : l’organisation du travail et l’amélioration du « management ». Mais il me semble qu’il existe aussi un élément manquant : la dimension internationale. Le stress au travail, les risques psychosociaux sont liés à l’organisation des échanges mondiaux et à la concurrence pour les économies occidentales de pays où la main d’œuvre est massive et à bas coûts. Cette situation engendre une organisation du travail où la recherche de la productivité est devenue nécessaire et incontournable pour le salarié. Elle produit du stress au travail.
Il manque dans votre rapport un appel à la mobilisation des organisations internationales du travail, qui ont elles aussi une « guerre de retard », à l’image de nos comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. C’est pourquoi, si la dimension nationale du problème est importante, il faudrait néanmoins ajouter un volet aux recommandations du rapport qui porterait sur une mobilisation dans un cadre plus large, par exemple au sein du Bureau international du travail. Un traitement international de ces questions est notamment nécessaire pour les pays développés qui sont soumis de la même manière aux risques psychosociaux.
M. Roland Muzeau. Chacun se souvient que France Télécom a été – et demeure – un dramatique cas d’école démontrant que l’organisation du travail est la source des troubles psychosociaux au travail, jusqu’à leur forme la plus terrible qu’est le suicide. On comptait vingt-quatre suicides de salariés de cette entreprise lorsque le groupe des députés communistes, républicains et du parti de gauche ont déposé, en 2009, une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conséquences sur la santé des salariés des restructurations permanentes, des nouvelles formes d’organisation du travail et méthodes de gestion du personnel à France Télécom comme dans l’ensemble des secteurs de l’économie nationale. Votre majorité a refusé de l’adopter au prétexte qu’une telle initiative aurait stigmatisé une entreprise confrontée à la dure concurrence internationale.
Nous pensons, pour notre part, que France Télécom illustre malheureusement la trajectoire de nombreux autres entreprises ou organismes privatisés, convertis à la « révolution managériale » et « passés d’une culture de service public à une machine à cash », selon l’expression de M. Ivan du Roy. Pour cette raison, le droit de regard du législateur aurait dû s’exercer pour éclairer différemment la situation de Pôle emploi ou de La Poste, confrontés aujourd’hui aux mêmes processus d’épuisement physique et psychique de salariés déboussolés par des stratégies auxquelles ils n’adhèrent pas, contraints de se trahir eux-mêmes et minés par un discours paradoxal sur le travail prescrit et le travail réel.
Certes, sur le papier, les méthodes de management de France Télécom ont changé, mais, au fond, la stratégie de l’entreprise reste la même : courir après une rentabilité maximale. Comme l’a souligné Mme Brigitte Font le Bret, médecin du travail, « France Télécom doit s’attaquer au cœur du problème : la rentabilité et les profits ».
La situation est tout aussi préoccupante à la SNCF, à Pôle emploi ou à La Poste où les réorganisations en chaîne, les baisses d’effectifs et les changements de métier ont manifestement un impact sur la vie, la santé et le moral des salariés. Pour l’année 2009, Force ouvrière a recensé pas moins de soixante-dix suicides pour un total de deux cent quatre-vingt-dix mille postiers !
Je regrette que la question de l’imputabilité à l’employeur des suicides et des pathologies liées au stress, pourtant au cœur du débat, n’ait pas trouvé sa place dans le rapport de la mission d’information qui évacue ou aborde trop superficiellement de nombreuses autres problématiques essentielles pour prendre la mesure de l’ampleur du phénomène des troubles psychosociaux. Ce rapport privilégie de fausses bonnes solutions et préfère la gestion des risques psychosociaux à leur prévention primaire, et même l’inaction lorsqu’il s’agit de réparer les altérations de la santé mentale et physique liées au travail.
Je le déplore : c’est un rapport frileux qui fait l’impasse sur des questions essentielles, pourtant soulevées ou confirmées à l’occasion des auditions auxquelles a procédé la mission d’information. Il en reste à une description succincte et incomplète des transformations du travail à l’origine de ce que Mme Marie Pezé a appelé « l’appauvrissement des gestes de métier » ; il n’étudie pas correctement la perte de sens et le mal-être ressentis par les salariés qui donnent de leur personne sans que leur travail ne soit, en retour, reconnu, comme l’ont pourtant souligné de nombreux témoignages.
Je regrette que certaines questions n’aient pas fait l’objet de développements alors qu’elles ont été fréquemment mentionnées comme étant les causes des risques psychosociaux par les personnes auditionnées. Je pense ainsi à la montée de la précarité, à la peur du chômage, au poids des suppressions d’emplois, à l’impact des restructurations permanentes ou encore aux changements de statut et de périmètre des entreprises ; je pense enfin au lien entre la financiarisation de notre économie et le développement du « mal-travail ».
Je regrette qu’il n’ait pas été fait mention des éclairages de M. Christophe Dejours sur la centralité du travail dans la construction de l’individu, la mise en concurrence généralisée des salariés et leur solitude dans le monde du travail qui est d’autant plus importante que les stratégies collectives de défense n’existent plus. Le travail est le grand absent de ce rapport, auquel manque aussi une analyse du monde du travail, fait de rapports de force et de conflictualité, comme l’a rappelé devant la mission d’information la sociologue Mme Danièle Linhart.
Au lieu d’analyser le problème à la source, en étudiant les nouvelles modalités d’organisation du travail, le rapporteur a pris le parti de s’intéresser à la gestion de leurs conséquences – les risques psychosociaux –, et non pas à la prévention. C’est le défaut majeur du rapport.
Par ailleurs, les médecins du travail y sont trop ignorés alors qu’ils sont des acteurs majeurs de la prévention des altérations de la santé des salariés. Nous sommes en total désaccord avec l’analyse du rapporteur concernant la réforme en cours. Les auditions l’ont montré : il existe une vraie différence de conception du rôle du médecin du travail entre les organisations patronales d’une part et les organisations syndicales et de médecins d’autre part. Devant la mission d’information, la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises a indiqué tenir à « l’adaptation de l’homme au travail » et a vanté les mérites de la seule « visite médicale d’embauche comme étant un a priori important » ! Mais plus nombreux ont été ceux qui ont insisté sur la nécessité de garantir l’indépendance des médecins du travail et de définir leurs missions dans le seul but d’éviter toute altération de la santé des travailleurs.
S’agissant de la place et du champ d’intervention des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le rapporteur peine là encore à convaincre de sa volonté d’asseoir leur rôle central. Alors que trois salariés sur quatre ne bénéficient pas d’une telle instance, nous aurions apprécié que soit proposé d’abaisser le nombre de salariés requis pour pouvoir créer ces comités, ou de favoriser leur implantation dans les plus petites entreprises, par exemple par le biais de délégués de site sur des bassins d’emploi.
Il me semble aussi qu’avant de préconiser la poursuite du plan d’urgence pour la prévention du stress au travail, il faudrait avoir l’honnêteté d’en présenter un bilan objectif, qui est en réalité plus que mitigé. Quatre accords conclus par des entreprises sur cinq portent sur la méthode et non sur le fond. Sans surprise, puisque tel est l’objectif du Gouvernement, le sujet de l’organisation du travail en est le grand absent : on y parle de fragilités individuelles mais pas de qualité du travail.
Tant que les entreprises ne seront pas responsabilisées, sur un plan financier, par l’augmentation de leurs cotisations à la branche Accidents du travail et maladies professionnelles, rien ne se passera. L’Association des accidentés de la vie (FNATH) et les organisations syndicales entendues par la mission d’information ont toutes insisté sur l’importance de la question de l’imputabilité des faits à l’employeur et sur la nécessaire amélioration de la reconnaissance des maladies psychiques en tant que maladies professionnelles. Elles ont ainsi proposé la révision des tableaux de maladies professionnelles et l’assouplissement du critère d’incapacité en faisant passer le taux requis de 25 % à 10 %, voire en supprimant celui-ci pour l’accès à la voie complémentaire de reconnaissance.
Enfin, la récente décision de la cour d’appel de Versailles confirmant la faute inexcusable de Renault pour le suicide d’un de ses salariés et reconnaissant la responsabilité de l’employeur dans la mise en place d’une organisation du travail pathogène devrait amener le législateur à se demander s’il ne convient pas de compléter le code du travail pour y inscrire la notion jurisprudentielle de harcèlement moral collectif ou institutionnel.
M. Claude Leteurtre. J’ai le sentiment, en prenant connaissance de ce rapport, qu’il est centré sur les risques psychosociaux dans le seul secteur privé. Or, mon expérience personnelle m’amène à penser que la souffrance au travail existe aussi dans le secteur public, par exemple à l’hôpital ou dans les collectivités territoriales où les questions organisationnelles et managériales dominent désormais. Je ne sais pas quel était exactement le champ d’investigation de la mission d’information ; s’il s’agissait du mal-être au travail en général, il me semble qu’il aurait fallu développer l’aspect que je viens d’évoquer.
J’ai par ailleurs l’impression que les risques psychosociaux font l’objet d’une prise en charge globale. La mission d’information s’est-elle intéressée au fait que ces risques pouvaient être plus fréquents dans certains territoires que dans d’autres ? Je pense à la Basse-Normandie où la prévalence de l’alcoolisme est plus importante que dans d’autres régions et où on déplore de nombreux suicides. Cela a-t-il été pris en compte ?
Il me semble également nécessaire d’évoquer l’organisation du travail comme cause de l’apparition des risques psychosociaux. Si l’on prend l’exemple des personnels techniques, ouvriers et de services de l’État transférés vers les collectivités territoriales, on observe qu’ils ne savaient pas ce qu’allait être leur sort, ce qui a suscité inquiétudes et angoisses.
On parle beaucoup de « managers » ou d’entreprises, mais peu de la solidarité entre salariés. Il me semble nécessaire qu’ils prennent conscience de leur capacité à donner l’alerte et à être solidaires les uns des autres.
M. Christian Hutin. Il est difficile de résumer en deux minutes une année de travail… Le rapport qui vient de nous être présenté a une qualité exceptionnelle : il existe ! Il se fonde sur des données du vingt-et-unième siècle. On aurait pu imaginer que la souffrance au travail n’existait plus – c’est un discours que nous avons d’ailleurs entendu chez certains responsables patronaux. Tel n’est pas le cas. Ce rapport permet de prendre conscience que la souffrance au travail existe encore bel et bien.
Mais permettez-moi de dire que le travail de la mission d’information a été surréaliste. C’était la première fois que je participais à une telle instance parlementaire. Je tiens à dire que M. Jean-Frédéric Poisson, le premier rapporteur de la mission d’information, a été exceptionnel : il a non seulement été brillant, mais aussi extrêmement présent puisqu’il a assisté à l’ensemble des auditions que nous avons menées. Cela a également été le cas de la présidente, que je remercie, ainsi que de trois autres membres de la mission d’information.
Je n’ai rien contre le fait qu’un parti politique s’empare d’un sujet important comme la souffrance au travail, mais cela ne doit pas nuire au travail mené par une mission d’information. M. Guy Lefrand a dû reprendre un dossier qu’il ne connaissait pas. C’est tout à son honneur mais il me semble indispensable de respecter les instances de l’Assemblée nationale : les députés du groupe UMP n’ont pas participé aux auditions de la mission d’information ; c’est regrettable. Certains prennent aujourd’hui la parole sans avoir assisté à aucune de nos auditions, qui étaient pourtant de qualité.
J’en viens au rapport. J’émettrai des observations sur deux points : d’une part, je suis partisan d’une intervention du législateur plus importante que celle préconisée par le rapporteur ; d’autre part, je suis très surpris par la faible qualité des directeurs des ressources humaines sortis de grandes écoles. J’ai ainsi été frappé par une publicité actuellement diffusée à la télévision, dans laquelle la directrice d’un restaurant Mac Donald se réjouit d’être bientôt titulaire, grâce à une équivalence reconnue par l’État, du titre de directrice des ressources humaines. Je doute vraiment qu’une telle équivalence puisse garantir que les personnes concernées disposent des compétences requises.
M. le président Pierre Méhaignerie. L’entreprise Mac Donald ne constitue pas le plus mauvais exemple en matière de promotion et de valorisation des jeunes.
M. Bernard Perrut. Il est vrai que le travail doit être un droit, une fierté et un accomplissement tant personnel que social de l’individu. Pourtant 62 % des Français affirment qu’ils connaissent un niveau de stress élevé au travail. Ce taux doit nous interpeller, surtout lorsque l’on sait que 20 % des arrêts maladie de plus de quarante-cinq jours sont liés aux risques psychosociaux.
Différentes causes expliquent le développement de ces risques : l’organisation du travail, son intensification et les défaillances du management. Je soutiens les priorités retenues par la mission et en particulier la nécessaire amélioration de la prévention des risques psychosociaux. Mais comment y parvenir ? Selon moi, par la sensibilisation des chefs d’entreprise et la lutte contre le harcèlement.
La réduction des risques psychosociaux doit constituer l’un des axes forts de notre politique de santé publique, mais disposons-nous des moyens nécessaires, notamment dans le cadre de la mise en œuvre du deuxième plan de Santé au travail ? Il me semble qu’il faut renforcer les moyens humains et matériels de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail pour qu’elle puisse mener encore davantage d’actions de formation.
Comment accroître le dialogue social pour mieux détecter les salariés en difficulté ? La réforme de la médecine du travail devrait jouer un rôle mais je souhaiterais connaître ses étapes. Enfin, comment renforcer le rôle des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ?
M. Michel Liebgott. Bien que n’étant pas membre de la mission d’information, il me semble que les risques psychosociaux constituent un problème de société qui dépasse le cadre de l’entreprise. Il a été trop longtemps ignoré et, d’ailleurs, la psychiatrie tant publique que privée ne dispose que de moyens limités pour le combattre. Selon moi, l’une de ses causes est la grande misère sociale.
Les chiffres publiés récemment indiquent que les risques psychosociaux touchent également la fonction publique territoriale, au sein de laquelle un taux d’absentéisme élevé a été observé. Ce taux s’explique, en partie, par la pression forte que subissent les personnels suite à la dégradation des services publics. Il me semble qu’il faut donc améliorer la formation des managers tant publics que privés.
Il faut établir un lien entre l’état du marché du travail et de la société et la souffrance au travail. Le développement des emplois précaires, tels que les contrats à durée déterminée, a conduit à une augmentation du malaise des salariés. Nous pouvons, certes, accroître les moyens consacrés à la prévention des risques psychosociaux, mais tant que subsisteront autant d’emplois précaires, le problème ne pourra être résolu. Par le passé, le travail a pu représenter un épanouissement personnel et apporter du bien-être aux salariés car leurs emplois étaient stables.
Mme Martine Billard. Je suis quelque peu choquée par les propos tenus par M. Claude Leteurtre qui évoquait la solidarité entre les salariés. Pour que cette solidarité existe, il faut, au préalable, que l’organisation du travail ne vise pas à détruire les collectifs de travail.
Je souhaiterais évoquer la situation de la Caisse d’Épargne, qui a connu également des suicides de salariés. Les syndicats de cette caisse affirment que la cause de ces suicides réside, en partie, dans les méthodes de travail mises en œuvre, notamment la méthode du benchmark. Cette dernière consiste à fixer des objectifs inatteignables pour les salariés dans un contexte de concurrence généralisée entre les personnels et donc de stress. Les salariés subissent ainsi une remise en cause permanente de leurs compétences, puisqu’ils ne peuvent atteindre les objectifs qui leur ont été fixés et ont, de plus, peur de perdre leurs primes ou d’être licenciés. Alors qu’ils ont la volonté d’être les meilleurs professionnels possibles, l’entreprise ne leur renvoie qu’une image dévalorisante d’eux-mêmes et certains craquent. Il devient de plus en plus difficile aujourd’hui d’être heureux au travail.
Si ces méthodes de management, aujourd’hui appliquées dans l’ensemble des secteurs de l’économie, ne sont pas remises en cause, aucune solution durable ne pourra être trouvée contre les risques psychosociaux, et les suicides perdureront.
M. Michel Heinrich. Je partage le sentiment que la souffrance au travail a augmenté ces dernières années. J’aurai quelques questions à poser au rapporteur : établissez-vous une comparaison de la situation française par rapport aux autres pays européens dans votre rapport ? Les risques psychosociaux sont-ils, en France, plus ou moins développés qu’ailleurs ? La forte productivité des travailleurs français est mondialement reconnue : selon vous, quel a été l’impact de la réduction du temps de travail sur le mal-être au travail ? Au-delà des modifications de management qu’il a induites, le passage aux 35 heures a t-il eu des effets sur le développement des risques psychosociaux ?
M. Georges Colombier. Je tiens à féliciter M. Guy Lefrand pour avoir brillamment pris le relais en tant que rapporteur de la mission d’information. Ayant participé pendant les vingt-cinq années que j’ai passées dans l’industrie à de nombreux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, j’approuve les propositions que vous formulez à leur sujet, que ce soit l’élection des membres au suffrage direct et l’augmentation de la formation des élus et des moyens d’actions qui sont accordés à ces comités.
M. Régis Juanico. En tant que membre assidu de la mission d’information, je ne peux que regretter que la publication du rapport d’information n’intervienne qu’en mai 2011, alors que cette mission a été mise en place fin 2009. Cela explique peut-être qu’on ne perçoive pas, à la lecture du rapport, une complète prise de conscience de l’ampleur du phénomène de la souffrance au travail et que les propositions retenues par le rapporteur n’aillent pas assez loin.
Sur le fond, il me semble qu’il faut développer non seulement la formation des managers, mais également celle des institutions représentatives du personnel. Je suis favorable aux propositions relatives aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, en particulier en ce qui concerne le mode d’élection et la durée du mandat de leurs membres, mais encore ne faut-il pas oublier de renforcer leurs missions et de trouver des solutions au problème de leur maillage territorial. Face à l’absence de comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les petites entreprises, peut-être faudrait-il songer à créer des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de sites ou bien accroître le rôle des délégués du personnel dans ces entreprises. Il nous faut en effet créer un réseau d’interlocuteurs des salariés en matière de risques psychosociaux.
Je suis également favorable à l’augmentation des moyens humains et financiers de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et de l’inspection du travail, à condition que l’on élargisse les prérogatives de ces deux institutions. Nous présenterons des amendements en ce sens au prochain projet de loi de finances, comme nous le faisons régulièrement depuis plusieurs années en espérant, cette fois-ci, qu’ils recevront un avis favorable du Gouvernement, car il y a urgence à lutter contre les risques psychosociaux.
Je veux insister sur le problème de l’organisation du travail qui me semble sous-estimé dans le rapport. Parmi les différents facteurs des risques psychosociaux, occupent une place centrale les organisations du travail qui produisent une dilution des collectifs de travail et une diminution de la reconnaissance des salariés. En France, nous pratiquons une gestion dite sans gaspillage ou « limb production », alors qu’en Allemagne et dans les pays scandinaves sont plutôt mises en œuvre des organisations du travail dites « apprenantes ».
Il faut recréer dans les entreprises des espaces de dialogue collectif. Nous proposons, dans la contribution socialiste, une série de mesures visant à ce que les salariés puissent de nouveau s’intéresser à l’organisation de leur travail. Au Québec, tout projet de réorganisation d’une entreprise doit être accompagné d’une étude de son impact sur les conditions de travail des salariés. Nous devrions, en France, rendre obligatoires les négociations sur les risques psychosociaux dans l’ensemble des entreprises, et pas seulement celles de plus de mille salariés.
M. Paul Jeanneteau. Parmi les différents facteurs de risques psychosociaux, se trouvent les défaillances du management en matière de gestion des ressources humaines, qui peuvent être expliquées par une formation insuffisante en santé au travail. Face à ce problème, le rapport affirme qu’il est donc essentiel de redonner des marges de manœuvre aux managers de proximité pour optimiser l’efficacité et la cohésion de leurs équipes et de les sensibiliser à la problématique du stress et des risques psychosociaux. Le développement de la formation continue est, de ce point de vue, essentiel. Au-delà de la formation continue, il me semble nécessaire d’évaluer la formation initiale des managers. Comme l’a souligné M. Christian Hutin, celle-ci n’est pas toujours de qualité. Pourrait-on envisager un système de labellisation de la formation initiale et continue, dispensée dans les grandes écoles de commerce et de management, sur des critères de qualité bien définis ?
M. Vincent Descoeur. Pour améliorer la prévention et la réduction des risques psychosociaux, il me semble qu’il faut plus de moyens et qu’il faut renforcer les équipes pluridisciplinaires dans les services de santé au travail. Nous devons pouvoir identifier, dans les collectivités territoriales par exemple, les personnes se sentant capables d’intervenir auprès des salariés en difficulté et de leur fournir une formation en médiation si elles le demandent.
M. Michel Issindou. Je félicite le rapporteur pour son rapport. Bien que le travail ne puisse pas toujours être un plaisir, il n’est pas acceptable que 62 % des salariés soient stressés. Cette situation est liée aux privatisations sauvages des grandes entreprises ainsi qu’à l’extension de la concurrence. Le stress est entretenu par des gestionnaires qui subissent eux-mêmes la pression de leur hiérarchie. Ce problème a été négligé pendant de nombreuses années ; c’est ainsi que le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail était dénigré, son rôle étant considéré comme passif et ses interventions gênantes pour l’activité de l’entreprise.
Il faut renforcer le dialogue social sur les risques psychosociaux, notamment dans les petites et moyennes entreprises.
M. Guy Lefrand, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur les prises de positions qui vont dans le même sens que le rapport.
Je rappelle que j’ai succédé à M. Jean-Frédéric Poisson, qui est un fin connaisseur du dossier. J’ai donc préféré ne pas insister sur le diagnostic, qu’il avait abondamment traité, pour me concentrer sur les préconisations.
Je rejoins Mme Marisol Touraine sur le fait que les accords d’entreprise sur le stress au travail signés dans le cadre du plan d’urgence sont plus formels qu’effectifs. Il faudra les développer.
L’augmentation des moyens de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail par les parlementaires peut se heurter à l’article 40 de la Constitution.
Mme Martine Billard. À chaque fois que l’on veut augmenter les moyens de la médecine du travail, on nous oppose l’article 40 !
M. Guy Lefrand, rapporteur. Le sondage indiquant que 62 % des personnes interrogées ressentent un niveau élevé de stress au travail montre qu’il y a malheureusement un lien entre stress et travail.
Je rappellerai à MM. Dominique Dord et Michel Heinrich que la France se trouve dans la moyenne des pays européens en termes de stress au travail. La prise en charge des personnes n’y est pas mauvaise, mais il est vrai que le Canada a beaucoup travaillé sur la prévention des risques. Alors qu’en France, le système est très médicalisé, on ne compte au Canada que 47 médecins du travail pour 5 millions de salariés. Il faudra s’interroger sur le rôle du médecin du travail dans le cadre de la réforme des services de santé au travail. À mon sens, le médecin devrait se concentrer sur le suivi individuel des salariés, tandis que les équipes pluridisciplinaires se consacreraient aux problèmes collectifs.
M. Claude Leteurtre s’est interrogé sur le champ d’investigation du présent rapport : en effet, nous avons choisi dès le départ de n’étudier que le secteur privé, ce qui ne veut pas dire que nous considérons qu’il n’y a pas de risques psychosociaux dans le secteur public. Un autre secteur a été exclu, celui des salariés du particulier employeur, qui n’ont pas accès à la médecine du travail.
MM. Michel Issindou et Roland Muzeau m’ont interrogé sur le renforcement des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, auquel je crois beaucoup. Je préconise des élections directes, des formations plus importantes pour leurs membres et des mandats plus longs, dans le but de les rendre plus attractifs.
Enfin, je conviens que le dialogue social sur les risques psychosociaux dans les petites entreprises doit être encouragé.
M. le président Pierre Méhaignerie. La prise en charge des risques psychosociaux n’est pas incompatible avec la compétitivité des entreprises. Elle peut être mise en place à des coûts raisonnables, mais les dirigeants des PME sont souvent persuadés du contraire.
Mme Catherine Génisson. La concurrence et le souci de la performance nuisent à la qualité des conditions de travail. Pour autant, je rejoins le président Pierre Méhaignerie sur le fait que la lutte contre les risques psychosociaux n’est pas incompatible avec la compétitivité.
Le deuxième plan Santé au travail proposé par le ministre du travail, de l’emploi et de la santé nécessite davantage de moyens.
Enfin, il est nécessaire de renforcer la formation initiale et continue des médecins du travail sur les risques psychosociaux. À mon sens, la prévention des risques psychosociaux relève avant tout de la compétence des médecins du travail, dans le cadre du « tiers-temps » qu’ils consacrent à l’amélioration des conditions de travail.
M. Guy Lefrand, rapporteur. Je reste persuadé qu’il faut réformer la médecine du travail. Elle est mal comprise – certains employeurs ne veulent malheureusement pas payer 180 euros pour une visite médicale tous les deux ans – et elle ne peut traiter à elle seule les problèmes psychosociaux qui dépassent la compétence des médecins du travail, et doivent être traités par des équipes pluridisciplinaires, composées notamment de psychologues.
M. le président Pierre Méhaignerie. Il conviendra de demander au Gouvernement ses intentions en matière de suites à donner aux préconisations formulées dans le rapport.
La Commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, à l’unanimité, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.
Groupe politique | |
Mme Marisol Touraine, présidente |
SRC |
M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur (jusqu’au 21 mai 2010) |
UMP |
M. Guy Lefrand (rapporteur à compter du 12 janvier 2011) |
UMP |
M. Pierre Cardo (jusqu’au 6 juin 2010) |
UMP |
Mme Marie-Christine Dalloz |
UMP |
M. Jean-Pierre Door |
UMP |
Mme Pascale Gruny (à compter du 30 mars 2011) |
UMP |
M. Bernard Perrut |
UMP |
M. Arnaud Richard (à compter du 30 mars 2011) |
UMP |
SRC | |
M. Régis Juanico |
SRC |
M. Roland Muzeau |
GDR |
M. Francis Vercamer |
NC |
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
(par ordre chonologique)
Ø Mme Marie Pezé, docteur en psychologie,
Ø M. Christophe Dejours, titulaire de la chaire « psychanalyse, santé, travail » au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM),
Ø Mme Danièle Linhart, sociologue du travail, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), membre de l’Observatoire du stress à France Télécom,
Ø M. Michel Gollac, directeur du laboratoire de sociologie quantitative du Centre de recherche en économie et en statistiques (CREST),
Ø M. Serge Volkoff, ergonome, directeur de recherche au Centre d’études de l’emploi et directeur du Centre de recherches et d’études sur l’âge et les populations au travail,
Ø M. Jean-Baptiste Obéniche, directeur général de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT),
Ø M. Bernard Krynen, vice président et M. Norbert Holcblat, adjoint au secrétaire général du Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville,
Ø M. Antoine Magnier, directeur à la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et M. Vincent Tiano, adjoint à la sous-direction « salaires, travail et relations professionnelles » du ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville,
Ø Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la direction de la recherche, des études et des statistiques (DREES) et Mme Catherine Mermilliod, chargé de mission à la sous-direction de l’observation de la santé et de l’assurance maladie à la direction de la recherche, des études et des statistiques,
Ø Pr. Gérard Bréart, directeur de l’Institut de santé publique de l’alliance pour les sciences de la vie et de la santé et M. Victor Demaria-Pesce, responsable des relations avec le parlement de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM),
Ø M. Patrick Légeron, directeur général de Stimulus et coauteur du rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail,
Ø Pr. Gérard Lasfargues, directeur général adjoint scientifique de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET),
Ø M. Éric Albert, président de l’Institut français d’action sur le stress (IFAS),
Ø M. David Le Breton, professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg, président de la commission sur la prévention du suicide au ministère de la santé et des sports,
Ø M. Michel Debout, professeur de médecine légale, rapporteur de la commission sur la prévention du suicide, président de l’Union nationale de prévention du suicide,
Ø Mme Viviane Kovess-Masfety, directrice du département d’épidémiologie de l’École des hautes études en santé publique, présidente du groupe de travail «Santé mentale» du Centre d’analyse stratégique et M. Claude-Emmanuel Triomphe, Association « Travail, Emploi, Europe, Société » (ASTREES) et rapporteur du groupe de travail « santé mentale» du Centre d’analyse stratégique,
Ø M. Christian Larose, président de la section du travail et vice-président du Conseil économique, social et environnemental,
Ø M. Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH),
Ø M. Michel Lallier, président et Mme Frédérique Guillon, animatrice de l’Association d’aide aux victimes et aux organisations confrontées aux suicides et aux dépressions professionnelles (ASD-pro),
Ø M. Vincent Vieille, avocat,
Ø M. Jean-Claude Javillier, professeur de droit à l’Université de Panthéon-Assas,
Ø M. Patrice Adam, maître de conférences de droit privé à l’Université de Nancy,
Ø M. Noël Diricq, président de la commission d’évaluation de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles,
Ø Table ronde réunissant les organisations syndicales représentatives de salariés :
– M. Jean-François Naton, conseiller confédéral chargé des questions de santé au travail de la Confédération générale du travail (CGT),
– M. Henri Forest, secrétaire confédéral chargé des questions de santé au travail de la Confédération française démocratique du travail (CFDT),
– M. Jean-Marc Bilquez, secrétaire confédéral en charge de la protection sociale et M. Bertrand Neyrand, assistant chargé des risques psychosociaux à Force ouvrière (FO),
– M. Joseph Thouvenel, secrétaire général adjoint de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC),
– M. Bruno Salengro, secrétaire national de la Confédération française de l’encadrement – confédération générale des cadres (CFE-CGC),
Ø Table ronde réunissant les organisations syndicales représentatives d’employeurs :
– M. Jean-François Veysset, vice-président chargé des affaires sociales de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME),
– M. Benoît Roger-Vasselin, président de la commission relations sociales, M. François Pellet, médecin-conseil et Mme Audrey Herblin, chargée de mission à la direction des affaires publiques du Mouvement des entreprises de France (MEDEF),
Ø M. François Nicaise, président de RESTIM, agence de conseil en alcoologie et addictologie d’entreprise, et Mme Claire-Lise Cucumel, consultante en risques psychosociaux,
Ø Dr Mireille Chevalier, secrétaire générale et Dr Christian Torres, médecin du travail et membre du bureau national du Syndicat national des professionnels de santé au travail (SNPST),
Ø M. Jean-Claude Delgenes, directeur du cabinet Technologia, spécialisé en évaluation et prévention des risques professionnels,
Ø M. Laurent Uberti, président d’Acticall, groupe spécialisé dans la gestion de la relation client, et M. Matthieu Labbé, chargé de mission SP2C (syndicat des professionnels des centres de contacts),
Ø M. Stéphane Pimbert, directeur général de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) et Mme Valérie Langevin, expert de l’INRS sur les risques psychosociaux,
Ø Mme Ellen Imbernon, directrice du département santé travail de l’Institut de veille sanitaire (INvS),
Ø Mme Marie-Christine Théron, directrice des ressources humaines de SFR et M. Alexandre de Montesquiou, Société AI2P (société de relations publiques),
Ø Mme Anna Sam, auteur du livre « Les tribulations d’une caissière »,
Ø France-Télécom : M. Stéphane Richard, directeur général, M. Olivier Barberot, directeur des ressources humaines, M. Pierre-Antoine Badoz, directeur des affaires publiques et Mme Florence Chinaud, collaboratrice au service des affaires publiques,
Ø Intersyndicale de France Télécom :
– M. Pierre Dubois, délégué syndical central de la Confédération française démocratique du travail,
– M. Thierry Hubert, délégué de la Confédération française des travailleurs chrétiens,
– M. Sébastien Crozier, président de CFE-CGC/UNSA de France Télécom-Orange,
– Mme Fabienne Viala et M. Jean Souleil, délégués syndicaux de la Confédération générale du travail,
– M. Patrick Ackermann, délégué central de SUD,
Ø M. Gérard Leclercq, directeur des ressources humaines et des relations sociales, M. Emmanuel Brochard et Mme Louise d’Harcourt, déléguée aux affaires publiques du groupe Renault,
Ø M. Vincent Vaillant, directeur des ressources humaines de la division des opérations et président du service de santé du groupe Yves Rocher et M. Olivier Fleuriot, directeur des relations sociales,
Ø Mme Laurence Théry, directrice de l’Association régionale d’amélioration des conditions de travail de la Picardie,
Ø Table ronde réunissant des formateurs et spécialistes des questions de gestion :
– M. Michel Berry, directeur de recherche du Centre de recherche en gestion de l’École polytechnique
– M. Franck Bournois, directeur du Centre interdisciplinaire de formation à la fonction personnel (CIFFOP)
– M. William Dab, titulaire de la chaire « Hygiène et sécurité » du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
– M. Pierre Tapie, directeur général du groupe ESSEC
– M. Pierre Aliphat, délégué général de la conférence des grandes écoles,
Ø Mme Cécile Cloarec, directrice des ressources humaines et M. Jean-Luc Delenne, directeur des relations sociales et institutionnelles du groupe Carrefour et M. Frédéric Ebling, directeur des affaires publiques,
Ø M. Stéphane Seiller, directeur des risques professionnels de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salaries (CNAMTS) et M. Frank Gambelli, président de la Commission accidents du travail - maladies professionnelles,
Ø Mme Évelyne Collomp, présidente et Mme Marie-France Mazars, conseiller doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation,
Ø Dr Chantal Bertin, Dr Christian Torres et Dr Catherine Morel, médecins du travail démissionnaires de France Télécom
Ø Mission sur la prévention du stress au travail : M. Henri Lachman, président du conseil de surveillance de Schneider Electric et M. Christian Larose, président de la section « Travail » du Conseil économique, social et environnemental,
Ø M. Jean-Denis Combrexelle, directeur général de la direction générale du travail du ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville,
Ø M. Christian Schmidt de la Brélie, directeur général du groupe D&O,
Ø Déplacement de la mission au Canada :
– Mme Marie Larue, présidente-directrice générale de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail et M. François Hébert, adjoint de la présidente-directrice générale,
– Fédération des Travailleurs du Québec : Mme Esther Desilets, directrice du service de formation, Mme Isabelle Coulombe, membre du service d’éducation et responsable du réseau, M. Stéphane Legault, coordonnateur du réseau des délégués sociaux de la région de Montréal, Mme Jocelyne Gourd, coordinatrice du réseau des délégués sociaux de la région de Montréal, M. Steeve Poulin, coordonnateur du réseau des délégués sociaux de la région du Québec, Mme Carole Clément, coordinatrice du réseau des délégués sociaux de la région de Montérégie, et M. Réjean Daoust, coordonnateur du réseau des délégués sociaux de la région de l’Outaouais,
– Mme Danielle Laurier, directrice de la santé et de la sécurité et M. Christian Voirol, psychologue industriel de l’entreprise Hydro-Québec,
– Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) de Montréal : Dr. Marc Laporta, directeur, Dr. Gaston Harnois, consultant et ancien directeur du Centre et M. Gabriel Audet, adjoint administratif,
– Commission de la santé et de la sécurité au travail : Mme Stéphane Aumont, coordonnatrice « accès au régime » de la direction de l’indemnisation et de la réadaptation, Mme Marjolaine Boivin, adjointe du directeur de la prévention-inspection et du partenariat, et Mme Sophie Genest, coordonnatrice des ententes hors Québec et des relations internationales
– Commission des normes du travail : M. Robert L. Rivest, directeur général des affaires juridique, Mme Brigitte Pelletier, vice-présidente du service à la clientèle et M. Jean-Guy Lemieux, secrétaire général,
– Mme Sylvie Montreuil, directrice de la chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail de l’Université de Laval et M. Pierre-Sébastien Fournier, co-directeur de la chaire,
– Institut National de Santé Publique du Québec (INSPQ) : M. Michel Vézina, médecin spécialiste en santé communautaire, professeur titulaire au département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval, conseiller en santé au travail à l’INSPQ, responsable du projet d’évaluation des risques psychosociaux en entreprise et Mme Carole Chénard, agente de recherche, chargée de projet d’évaluation des risques psychosociaux en entreprise à l’INSPQ,
– Secrétariat du Conseil du trésor et revenu du Québec :
• pour la direction de la santé et des organisations du Secrétariat du Conseil du trésor : Mme Stéphanie Delisle, adjointe à la directrice et conseillère en gestion des ressources humaines, Mme Micheline Gamache, coordonnatrice corporative et conseillère en gestion des ressources humaines et Mme Chantal Hivon, conseillère en gestion des ressources humaines,
• pour la direction du développement de la main-d’œuvre du secrétariat du Conseil du trésor : Mme Claudia Morisette, conseillère en gestion des ressources humaines,
• Pour Revenu Québec : Mme Danielle Rheault, directrice de la santé et du mieux-être au travail, M. Claude Girard, coordonnateur stratégique du programme « Employeur de choix », Mme Diane Saint-Laurent, chef du service du développement organisationnel et Mme Élise Paquette, directrice de la santé et des organisations au Secrétariat du Conseil du Trésor,
– Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail : M. Renzo Bertolini, directeur du service des demandes de renseignements, Mme Lorraine Davison, directrice des services chargés des produits chimiques et M. Chris Morre, manager, directeur du service « études et formation »,
– M. Alec Farquhar, directeur du Centre de santé des travailleurs de l’Ontario, et Mme Sari Sairanen, directrice nationale de la santé et de la sécurité au Syndicat des travailleurs canadiens de l’automobile,
Ø Mme Nicole Notat, Présidente-directrice générale de Vigeo,
Ø M. François Nogué, directeur général délégué aux ressources humaines et M. Loïc Hislaire, directeur délégué aux relations sociales à la SNCF,
Ø M. Christian Charpy, directeur général et M. Moezally Rashid, directeur des ressources humaines de Pôle emploi,
Ø M. Jack Bernon, responsable du département « Santé et travail » de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT).
Ø M. Jean-Frédéric Poisson, ancien rapporteur de la mission
Ø M. Marc Grosser, directeur des affaires sociales et de la responsabilité sociétale de Danone et Mme Sylvie Galliaerde, directrice des relations institutionnelles
Ø M. Marcel Sarpaux, secrétaire CFE-CGC du comité d’entreprise du Technocentre de Renault et membre du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et M. Bruno Mathiez, élu CHSCT, M. Jean-François Nanda, secrétaire de la section CFDT et M. Denis Dedieu
Ø M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé
1 () Lachmann (Henri), Larose (Christian), PÉnicaud (Muriel) : « Bien-être et efficacité au travail, dix propositions pour améliorer la santé psychologique au travail » (février 2010).
2 () Davoine (Lucie), MÉda (Dominique) « Place et sens du travail en Europe : une singularité française ? », centre d’études pour l’emploi, février 2008. Selon cette étude, plus de la moitié des Français sont « tout à fait d’accord » avec l’idée que le travail est nécessaire pour développer pleinement ses capacités. C’est le pourcentage le plus élevé d’Europe : ils sont moins de 20 % à partager cette opinion en Grande-Bretagne, en Suède et en Finlande.
3 () Bernard Julhiet Group, entreprise de conseil en ressources humaines, a lancé un baromètre sur le bien-être au travail des Français : celui-ci a donné lieu à un sondage réalisé par IPSOS auprès d’un échantillon représentatif de 1007 salariés français, interrogés du 12 au 19 octobre 2010.
4 () 45 % considèrent que leur bien-être s’est dégradé dans les six derniers mois.
5 () Source : Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail.
6 () Eurostat, Statistics in focus, 2009.
7 () European Commission, Guidance on Work-related Stress, “Spice of life or kiss of death ?” (2002).
8 () Les Échos, 12 avril 2010.
9 () Le Monde, 23 septembre 2010.
10 () En outre, un rapport de l’inspection du travail, transmis au procureur de la République de Paris en février dernier, évoque de possibles infractions pour « mise en danger d’autrui du fait de la mise en œuvre d’organisations du travail de nature à porter des atteintes graves à la santé des travailleurs », ainsi que des « méthodes de gestion caractérisant le harcèlement moral ». À la suite de ce rapport, une information judiciaire pour mise en danger d’autrui et harcèlement a été ouverte, le 9 avril 2010, par le parquet de Paris.
11 () Lachmann (Henri), Larose (Christian), PÉnicaud (Muriel) : « Bien-être et efficacité au travail, dix propositions pour améliorer la santé psychologique au travail » (février 2010).
12 () Rapport de la commission de réflexion sur la souffrance au travail (décembre 2009).
13 () DÉriot (Gérard) : rapport d’information fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat par la mission d’information sur le mal-être au travail, n° 642 ( juillet 2010).
14 () Le rapport de M. Jean-Frédéric Poisson est consultable sur le site internet de l’Institut supérieur du travail http://www.istravail.com/article506.html.
15 () Le turn over est le renouvellement du personnel sur un poste de travail.
16 () Trontin (Christian), Lassagne (Marc), Boini (Stéphanie), Rinal (Saliha) « Le coût du stress professionnel en France en 2007 » (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles).
17 () Sont comptabilisées les dépenses de soins, celles liées à l’absentéisme, aux cessations d’activité et aux décès prématurés.
18 () Cette évaluation présente un certain nombre de limites sur lesquelles les auteurs insistent : plusieurs facteurs de stress (reconnaissance, soutien social…) ne sont pas pris en compte, seules certaines pathologies (maladies cardiovasculaires, dépressions et troubles musculo-squelettiques) font partie du champ de l’étude et la dimension du coût lié au mal-être au travail n’a pas été prise en compte. Par conséquent, le coût total serait, en réalité, bien supérieur.
19 () « La santé mentale, l’affaire de tous. Pour une approche cohérente de la qualité de vie », Centre d’analyse stratégique, rapport remis au Premier ministre en novembre 2009.
20 () Surveillance médicale des risques.
21 () Mis au point dans les années quatre-vingt, ce modèle permet de faire un lien entre le vécu du travail et les risques que ce travail fait courir à la santé. Il s’appuie sur un questionnaire qui permet d’évaluer pour chaque salarié l’intensité de la demande psychologique à laquelle il est soumis, la latitude décisionnelle dont il dispose, et le soutien social qu’il reçoit sur son lieu de travail.
22 () Dejours (Christophe), « Sortir de la souffrance au travail », Le Monde, 22 février 2011.
23 () Cette étude a menée par CSP Formation, organisme de formation professionnelle, auprès de 277 professionnels des ressources humaines.
24 () Intervention sociale et alternatives en santé au travail.
25 () Rapport de la commission de réflexion sur la souffrance au travail (décembre 2009).
26 () 1 077 salariés, représentatifs de la population des cadres actifs français ont été interrogés entre le 19 et 25 mai 2010.
27 () LACHMANN (Henri), LAROSE (Christian), PÉNICAUD (Muriel) : « Bien-être et efficacité au travail, dix propositions pour améliorer la santé psychologique au travail » (février 2010).
28 () Étude réalisée par la commission des titres d’ingénieur auprès de 50 000 anciens diplômés d’écoles d’ingénieur (CTI Infos n°3, octobre 2008).
29 () Dab (William) : « La formation des managers et ingénieurs en santé au travail », rapport remis à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et à Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche (juillet 2008).
30 () « Indicateurs provisoires de facteurs de risques psychosociaux au travail », rapport remis par le collège d’expertise sur le suivi statistique des risques psychosociaux au travail au ministre du travail (octobre 2009).
31 () Décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001 portant création d’un document relatif à l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, prévue par l’article L. 230-2 du code du travail et modifiant le code du travail.
32 () La victime peut obtenir la réparation de différents préjudices tels que le préjudice causé par des souffrances physiques et morales, les préjudices esthétiques et d’agrément, ou encore le préjudice lié à la diminution ou à la perte de ses probabilités de promotion professionnelle. En cas d’incapacité permanente à un taux de 100 %, la victime bénéficie, en outre, d’une indemnité forfaitaire égale au salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation (article L. 452-3 du code de la sécurité sociale).
33 () Décision n° 2010-8 du 18 juin 2010.
34 () Son taux et sa durée sont fixés par la caisse régionale d’assurance maladie sur proposition de la caisse primaire en accord avec l’employeur. À défaut d’accord, ils sont fixés par voie contentieuse.
35 () Cass. soc. 5 mars 2008, société Snecma, n° 06-45.888.
36 () Cass. soc. 21 juin 2006, Balaguer, n° 05-43.914.
37 () Cass. soc. 10 novembre 2009, Association Salon Vacances Loisirs contre Marquis, n° 07-45.321.
38 () Décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001 portant création d’un document relatif à l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, prévue par l’article L. 230-2 du code du travail et modifiant le code du travail.
39 () LACHMANN (Henri), LAROSE (Christian), PÉNICAUD (Muriel) : « Bien-être et efficacité au travail, dix propositions pour améliorer la santé psychologique au travail » (février 2010).
40 () Test of English international communication : cette acronyme désigne, dans le langage courant, un examen final sous forme de questionnaire aux choix multiples.
41 () Cette étude a été réalisée par le groupe Cegos, entreprise de formation professionnelle, qui a interrogé 496 managers en octobre 2010 au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne et en France.
42 () Cette enquête a été menée par M@rs-lab, cabinet spécialisé dans la prévention des risques sociaux et le management de la performance sociale, en collaboration avec l’Institut de médecine environnementale (IME) et en partenariat avec l’Express. 6 700 salariés français ont participé à cette enquête menée de juin à juillet 2010.
43 () Piloté par M. Philippe Bielec, ingénieur-conseil à la direction des risques professionnels de la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés.
44 () Cette méthode, adoptée dans les années soixante, permet, en récoltant la plus grande quantité possible d’informations sur le sujet et les circonstances du décès, de délimiter plus précisément les raisons du suicide.
45 () Arrêté du 23 avril 2009 portant extension d’un accord national interprofessionnel sur le stress au travail.
46 () Arrêté du 23 juillet 2010 portant extension d’un accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail.
47 () Accord-cadre sur la lutte contre le stress au travail du 8 octobre 2004.
48 () LACHMANN (Henri), LAROSE (Christian), PÉNICAUD (Muriel) : « Bien-être et efficacité au travail, dix propositions pour améliorer la santé psychologique au travail » (février 2010).
49 () Cour d’appel d’Aix-en-provence, 1ère chambre, 5 juillet 1999.
50 () Recommandation de la Commission du 19 septembre 2003 concernant la liste européenne des maladies professionnelles (Journal officiel de l’Union européenne, n° L 238 du 25 septembre 2003).
51 () Cass. soc. 2 avril 2003, n° 00-21.768.
52 () Tribunal de sécurité sociale des Yvelines, 9 mars 2010, n° 07-01555.
53 () Proposition de loi relative à l’organisation de la médecine du travail, n° 3120, déposée le 28 janvier 2011.
54 () Docteur en psychologie, psychanalyste, ancienne responsable de la consultation « Souffrance et travail » du centre d’accueil et de soin hospitaliers de Nanterre
55 () Enquête sur la « Place et sens du travail en Europe : une singularité Française ? », Centre d'études pour l'emploi, février 2008.
56 () Enquête SUMER 2003.
57 () Sondage de l'ANACT et de l'Institut CSA réalisé auprès de 1 000 salariés du 25 mars au 1er avril 2009.
58 () Christophe DEJOURS « Travail, usure mentale – de la psychopathologie à la psychodynamique du travail » Bayard, 1980
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