N° 4358
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 février 2012.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
ET DE L’ÉDUCATION
en conclusion des travaux de la mission
sur les nouvelles formes du mécénat culturel
ET PRÉSENTÉ
PAR M. Michel Herbillon,
Député.
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I.- LA POLITIQUE DE SOUTIEN AU MÉCÉNAT CULTUREL : L’EXEMPLARITÉ FRANÇAISE 7
A. LE MÉCÉNAT : DÉFINITION ET ACTEURS 7
1. La définition fiscale du mécénat 7
2. Les mécènes 9
3. Les bénéficiaires 13
B. LE SOUTIEN PUBLIC AU MÉCÉNAT CULTUREL 14
1. Un dispositif fiscal exemplaire 15
a) Le mécénat culturel ouvre droit aux avantages fiscaux de droit commun en faveur du mécénat 15
b) Le mécénat culturel ouvre droit à des avantages spécifiques 16
c) Une comparaison internationale fait apparaître le caractère extrêmement favorable du système français 18
d) La dépense fiscale en faveur du mécénat culturel est difficile à évaluer 19
2. Les structures d’accompagnement 20
II.- LE MÉCÉNAT CULTUREL AUJOURD’HUI : UNE LÉGITIMITÉ DISCUTÉE 23
A. L’ÉVOLUTION DE LA RELATION ENTRE MÉCÈNES ET BÉNÉFICIAIRES : D’UN « MÉCÉNAT DE CONTRIBUTION » À UN « MÉCÉNAT D’INITIATIVE » 23
1. Les mécènes : la fin de « la danseuse du président » 23
2. Les bénéficiaires : une professionnalisation croissante 28
B. UN DÉCLIN DU MÉCÉNAT CULTUREL ? 29
1. Un tassement du mécénat culturel 29
2. Un recul à relativiser 33
III.- LE MÉCÉNAT CULTUREL DEMAIN : LES CONDITIONS D’UNE RELANCE 35
A. RÉAFFIRMER LES VALEURS DU MÉCÉNAT 35
1. L’acuité grandissante des questions éthiques 35
2. Quelle réponse : autorégulation ou encadrement par l’agrément fiscal ? 37
3. La voie médiane : moduler l’incitation fiscale en fonction de l’existence de démarches éthiques sous forme de chartes agréées 39
4. Le mécénat de compétences 39
B. EXPLORER LES PISTES DE DÉVELOPPEMENT DU MÉCÉNAT CULTUREL 40
1. Favoriser le mécénat des particuliers 40
2. Impliquer les petites et moyennes entreprises 41
3. Encourager le mécénat étranger 45
4. Renforcer les opérations de restauration de monuments historiques d’intérêt national majeur 46
5. Soutenir le spectacle vivant 48
C. MIEUX CONNAÎTRE ET FAIRE CONNAÎTRE LE MÉCÉNAT CULTUREL 48
1. Améliorer la connaissance du mécénat culturel 48
2. Mieux valoriser le mécénat culturel 49
LES TREIZE RECOMMANDATIONS DE LA MISSION 51
TRAVAUX DE LA COMMISSION 53
Comme le dit fort justement M. Michel Serres, « malgré son nom glorieux, la puissance qu’on lui prête et son geste théâtral, la création ne peut pas survivre par soi-même. Elle meurt sans mécène et ne vit que de lui » (1).
Dans l’imaginaire collectif, le mécène s’incarne dans la figure d’un personnage puissant accordant sa protection à un artiste, qu’il se nomme Maecenas, à l’époque de l’empereur Auguste, Laurent de Médicis, Jules II ou Louis XIV.
Or, on pourrait de manière provocatrice affirmer qu’à l’époque de ces grands mécènes, le mécénat n’existait pas, en tout cas pas dans l’acception moderne du mot ! En effet, le terme n’apparaît dans la langue française qu’en 1864, dans le Journal des frères Goncourt. Son apparition correspond à celle de la distinction entre le mécénat privé et l’embryon d’une politique culturelle institutionnalisée, deux sphères qui entretiendront pendant de longues années des relations d’indifférence voire d’hostilité. Le mécénat contemporain constitue en effet un financement privé de la vie culturelle, parallèle au financement public assuré par l’État. La France, forte de sa tradition étatique, s’était longtemps contentée de tolérer, avec une plus ou moins grande bienveillance, un mécénat spontané, avant que, dans les années 1960, le ministre chargé des affaires culturelles, André Malraux, affirmât vouloir « provoquer en France un véritable mécénat culturel à l’instar de ce qui existe à l’étranger, notamment aux États-Unis ».
Après une maturation relativement longue, ce projet devait commencer à aboutir avec la création, par le décret du 9 janvier 1969, de la Fondation de France, conformément aux conclusions du rapport confié par André Malraux à Michel Pomey et intitulé Le mécénat et les fondations (en France et aux États-Unis). La loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat interviendra pour favoriser l’achat d’œuvres d’artistes vivants et encourager la mise en valeur du patrimoine culturel. La loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999), pour sa part, marqua la volonté d’encourager le mécénat d’entreprise.
Mais l’impulsion décisive remonte à la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, dite « loi Aillagon » : elle fait de notre pays un exemple en matière de politique de soutien au mécénat.
Cependant, aujourd’hui, au risque de la dispersion, le mécénat n’est plus seulement culturel, mais aussi social, sportif, environnemental…
Devant ce développement de nouvelles formes de mécénat, quelle est la place du mécénat culturel aujourd’hui ?
La dernière enquête de l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL) (2), faisant état d’une chute spectaculaire du mécénat culturel, a suscité une forte émotion chez tous ceux qui savent l’importance pour la création et la diffusion culturelles du soutien des mécènes.
Dans le même temps, des opérations emblématiques comme la restauration de la Galerie des Glaces ou la souscription publique lancée pour l’acquisition au profit du musée du Louvre des Trois Grâces de Lucas Cranach, témoignent que l’intérêt des mécènes pour la culture ne se dément pas. Elles laissent entrevoir également l’apparition de formes nouvelles de mécénat, avec le mécénat dit « de compétences » ou le regain de formes considérées jusqu’alors comme désuètes, telles que la souscription publique, autant de phénomènes qui dessinent un paysage du mécénat culturel en pleine transformation.
Dans ce contexte, il a semblé légitime à la commission des affaires culturelles et de l’éducation de se pencher sur ces mutations et de s’interroger sur les formes que prend le soutien public au mécénat culturel ainsi que sur les évolutions que celui-ci pourrait opportunément connaître, afin que mécènes et puissance publique puissent contribuer, dans les meilleures conditions, à la promotion et à la défense de notre « exception culturelle, cet impératif catégorique », selon les termes de M. Jacques Rigaud (3).
C’est la raison pour laquelle la commission a créé, le 16 février 2011, la mission d’information sur les nouvelles formes du mécénat culturel. Ainsi, cette dernière a mené une importante série d’auditions – vingt-cinq au total – qui a permis à ses quinze membres (4) d’entendre soixante-trois personnes (5), représentant la plupart des acteurs importants du développement culturel en France.
I.- LA POLITIQUE DE SOUTIEN AU MÉCÉNAT CULTUREL : L’EXEMPLARITÉ FRANÇAISE
On cite souvent les États-Unis en exemple dans le domaine du mécénat culturel. Nous verrons que notre pays comble son retard, notamment grâce à un dispositif d’incitation fiscale qui permet à la France de soutenir aisément la comparaison.
A. LE MÉCÉNAT : DÉFINITION ET ACTEURS
Comme il a été dit, le mécénat n’est pas réductible à son incarnation dans l’imaginaire collectif, sous forme d’une personnalité influente et fortunée prenant sous sa protection un artiste dont elle finance le travail. Il recouvre une grande variété d’interventions. Mais, il répond également à plusieurs critères juridiques précis, notamment, ainsi qu’il sera exposé infra, à l’aune des avantages fiscaux qu’il peut procurer.
1. La définition fiscale du mécénat
La définition du mécénat est d’abord fiscale. Dans l’instruction fiscale du 6 janvier 1989 relative à la terminologie économique et financière, il s’agit du « soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un caractère d’intérêt général ». Cette définition repose donc sur trois piliers : don, absence de contreparties directes, intérêt général.
Le mécénat se distingue donc du « parrainage » ou « sponsoring », défini par la même instruction comme « un soutien matériel apporté à une manifestation, une personne, à un produit ou à une organisation en vue d’en retirer un bénéfice direct ». Ces dépenses sont alors déductibles de la base imposable de la société lorsqu’elles sont engagées dans l’intérêt direct de l’exploitation. Elles font l’objet d’une facturation assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Elles sont en rapport avec l’avantage attendu par l’entreprise. Elles sont avant tout destinées à promouvoir l’image de marque de l’entreprise et répondent ainsi à une démarche commerciale.
Précisons également que les sommes perçues en contrepartie d’un affichage publicitaire sur les échafaudages montés à l’occasion de travaux sur des monuments historiques ne sont pas considérées comme du mécénat.
L’affichage publicitaire sur les monuments historiques
Le code de l’environnement dispose qu’à l’intérieur des agglomérations, la publicité est notamment interdite dans les zones de protection délimitées autour des sites classés ou autour des monuments historiques classés, dans les sites inscrits à l’inventaire et les zones de protection délimitées autour de ceux-ci, à moins de 100 mètres et dans le champ de visibilité des immeubles classés parmi les monuments historiques ou inscrits à l’inventaire supplémentaire.
La loi n° 2006-1666 de finances pour 2007 a toutefois prévu une exception à ce principe général. L’article L. 621-29-8 du code du patrimoine dispose ainsi que « dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation de travaux sur les immeubles classés ou des demandes d’accord de travaux sur les immeubles inscrits, l’autorité administrative chargée des monuments historiques peut autoriser l’installation de bâches d’échafaudage comportant un espace dédié à l’affichage. Les recettes perçues par le propriétaire du monument pour cet affichage sont affectées par le maître d’ouvrage au financement des travaux ».
La partie réglementaire du code du patrimoine détaille les conditions dans lesquelles cette autorisation peut être accordée : elle peut être délivrée à l’occasion de travaux extérieurs sur des immeubles classés ou inscrits nécessitant la pose d’échafaudage. Elle est consentie au vu de la compatibilité du contenu de l’affichage, de son volume et de son graphisme avec le caractère historique et artistique du monument et de son environnement, sa destination et son utilisation par le public, en tenant compte des contraintes de sécurité. Elle peut être assortie de prescriptions ou d’un cahier des charges. Elle détermine en particulier, selon les dimensions de l’échafaudage et du monument, les limites de la surface consacrée à l’affichage, qui ne peut excéder 50 % de la surface totale de la bâche de support, l’emplacement de l’affichage sur la bâche ainsi que la durée de son utilisation, qui ne peut excéder l’utilisation effective des échafaudages. Elle peut prescrire que la bâche reproduise, sur les surfaces laissées libres, l’image du monument occulté par les travaux.
Les références de cette autorisation, ainsi que l’indication de la durée d’utilisation de la bâche et de la surface consacrée à l’affichage, doivent être mentionnées sur l’échafaudage, de manière visible de la voie publique, pendant toute la durée de son utilisation.
Le don effectué par le mécène peut bien sûr prendre la forme d’un versement en numéraire. Ce mécénat financier est le plus visible, notamment lorsque l’on consulte les documents de communication établis par les grandes institutions culturelles à la recherche de mécènes ; ces documents permettent de distinguer les donateurs en fonction du montant de leur contribution. Par exemple, la Comédie française distingue les « membres amis », qui ont contribué à partir de 1 500 euros, et les « membres fondateurs », qui ont apporté un soutien financier supérieur à 5 000 euros.
Mais il peut aussi prendre la forme d’un mécénat en nature, sous forme de mise à dispositions de locaux, de matériels ou de machines. Ainsi la Société Générale a-t-elle évoqué l’intérêt que revêt pour les artistes la possibilité de jouir d’un lieu de répétition ou d’un atelier mis à disposition par l’entreprise.
Enfin, se développe une troisième forme de mécénat, le mécénat « de compétences », qui consiste pour une entreprise mettre à son savoir-faire à la disposition de son partenaire, soit pour une prestation de service, dans le cas d’un projet déterminé, soit pour une mise à disposition de ses salariés. La restauration par Eiffage des colonnes de Buren au Palais-Royal à Paris en constitue un bon exemple. Ce mécénat de compétences est également une forme privilégiée par les petites entreprises, dont la trésorerie peut ne pas leur permettre d’effectuer un mécénat en numéraire. Comme l’ont expliqué à la mission plusieurs partenaires du ministère de la culture, qu’il s’agisse de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI), du Conseil supérieur du notariat ou du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables (6), il s’agit alors d’un premier pas qui peut les conduire à développer d’autres formes de mécénat,
Le mécénat en numéraire concerne autant les particuliers que les entreprises, tandis que le mécénat en nature et le mécénat de compétences constituent des terrains d’action privilégiés des entreprises.
Les mécènes peuvent être des entreprises ou des particuliers, agissant directement, sans intermédiation. Les mécènes peuvent également apporter leurs contributions à travers des structures tierces, fonds et fondations.
D’après la dernière enquête de l’ADMICAL (7), 27 % des entreprises de plus de 20 salariés seraient mécènes, tous domaines d’intervention confondus, soit environ 35 000 entreprises.
En 2010, si 85 % des entreprises mécènes sont des petites et moyennes entreprises, les grandes entreprises sont plus volontiers mécènes que les petites : 26 % des entreprises de 20 à 99 salariés et 25 % des entreprises de 100 à 199 salariés sont mécènes ; mais cette proportion atteint 43 % parmi les entreprises de plus de 200 salariés. C’est également parmi ces dernières que le mécénat est le plus dynamique. En effet, elles n’étaient que 18 % à être mécènes en 2006. En revanche, pour l’ensemble des entreprises de plus de 20 salariés, cette proportion était déjà de 23 % en 2008 contre 27 % aujourd’hui. Au surplus, les entreprises de plus de 200 salariés apportent près des deux tiers du budget total consacré au mécénat.
L’entreprise désireuse de soutenir un projet culturel peut le faire en « régie directe », c’est-à-dire sans intermédiation d’un tiers, soit via une structure tierce, comme une fondation ou une association. Certaines entreprises ont recours à tel ou tel procédé en fonction du projet soutenu. Par exemple, la Société Générale, qui a constitué une collection d’art contemporain en régie directe, confie son mécénat musical à l’association Mécénat musical Société Générale et intervient dans le domaine du mécénat solidaire à travers une fondation d’entreprise.
Les fondations constituent en effet un des vecteurs privilégiés du mécénat des entreprises, mais aussi des particuliers : comme le note le Centre des fondations et la Fondation de France (8), « il ne paraît ni imaginable ni souhaitable de laisser face à face les citoyens donateurs et l’océan des acteurs sociaux contraints à la course aux financements privés. Les donateurs, d’une part, se retrouveraient sur-sollicités et perdus dans leurs choix ; les acteurs sociaux, d’autre part, seraient fragilisés par une dépendance forte à la générosité des citoyens, ressources volatiles et de plus en plus difficiles à capter ».
On comptait, en 2010, 1 771 fondations, tous statuts confondus, et 493 fonds de dotation. 22 % des fondations interviennent en 2009 dans le domaine de l’art et de la culture, un taux relativement stable depuis 2001, où elles étaient 21 %.
5 % des dépenses totales des fondations étaient consacrées à la culture en 2009.
Fondations d’utilité publique, fondation abritée,
fondation d’entreprise et fonds de dotation
Aux termes de l’article 18 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, « la fondation est l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif ». Créer une fondation consiste donc à affecter à une structure juridique, qui n’est pas nécessairement dotée de la personnalité morale, tout ou partie de ses biens mobiliers ou immobiliers pour réaliser une œuvre sans but lucratif utile à la collectivité nationale ou internationale. Ces biens peuvent être transférés soit à une structure préexistant à la création de l’œuvre d’intérêt général soit à un sujet de droit créé par l’acte fondateur.
Trois catégories de fondations peuvent être distinguées :
– les fondations reconnues d’utilité publique, qui sont créées par décret en Conseil d’État après instruction du dossier par le ministère de l’intérieur et examen des statuts par le Conseil d’État. Leur création est subordonnée au respect d’un certain nombre de critères et notamment à l’adoption de statuts s’inspirant des statuts types approuvés par le Conseil d’État. Elles doivent disposer d’une dotation initiale minimale constituée par acte authentique, qui doit leur permettre d’assurer le financement pérenne de leurs activités, sauf à être consommée sur une période définie par les statuts. Elles peuvent recevoir des legs et des subventions ;
– les fondations dites « abritées », qui sont accueillies au sein de fondations reconnues d’utilité publique et gérées par elles. Autorisées par la loi n° 90-559 du 4 juillet 1990 créant les fondations d’entreprise, elles ne sont pas dotées d’une capacité juridique propre. Les donateurs effectuent un versement à caractère irrévocable en vue d’une œuvre d’intérêt général, dont l’établissement reconnu d’utilité publique est chargé d’assurer la gestion directe. Tous les dons effectués sur les comptes des fondations abritées bénéficient des avantages fiscaux attachés aux fondations reconnues d’utilité publique. Leur création se fait sur avis ou accord de l’organisme habilitant ;
– les fondations d’entreprise, qui ont été instituées par la loi n° 90-559 du 4 juillet 1990 précitée. Leur création est réservée aux sociétés civiles ou commerciales, aux établissements publics à caractère industriel et commercial, aux coopératives et aux mutuelles. Répondant aux mêmes principes de poursuite d’un intérêt général et de non-lucrativité que les fondations d’utilité publique, elles supposent un engagement sur au moins cinq ans, pour un programme déterminé, et avec un financement minimum de 150 000 euros. Elles ne peuvent recevoir ni dons ni legs, sauf ceux consentis par les salariés de l’entreprise fondatrice. Depuis 2002, il n’est plus nécessaire qu’elles disposent d’une dotation initiale. Un simple arrêté préfectoral sanctionne leur création.
Plus récemment, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a créé un nouvel instrument, le fonds de dotation, inspiré des endowment funds américains. Outil de capitalisation financière au service de l’intérêt général, il se définit comme une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère des biens et droits de toutes natures, qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable, et qui utilise les revenus de capitalisation au service de la réalisation d’une œuvre ou d’une mission d’intérêt général. Il s’agit d’un instrument souple, à mi-chemin entre l’association et la fondation : soumis à aucune autorisation préalable, mais à un simple régime déclaratif assorti d’un contrôle a posteriori, le fonds ne se trouve pas dans l’obligation de disposer d’une dotation initiale. Il est administré par un conseil d’administration dont la composition est libre, la loi se bornant à préciser que le conseil d’administration doit comporter au moins trois membres. Sauf autorisation par arrêté ministériel (*), il ne peut recevoir de subventions publiques.
(*) Dont, à ce jour, seul le fonds de dotation du Louvre a bénéficié.
Particuliers et entreprises joignent également leurs efforts à travers des souscriptions publiques, comme celle destinée à l’acquisition des Trois Grâces de Cranach, dont le succès démontre le renouveau d’un mécénat « populaire », qui mobilise particuliers et petites entreprises.
Les souscriptions publiques, très en vogue sous la Troisième République et tombées en désuétude depuis, constituent le terrain de prédilection de la Fondation du patrimoine, qui intervient dans le domaine de la conservation du patrimoine, et dispose d’un véritable savoir-faire dans ce domaine du mécénat culturel populaire : elle propose d’organiser des souscriptions pour le compte d’un maître d’ouvrage, moyennant le prélèvement de frais de gestion très faibles, de l’ordre de 3 % de l’ensemble des dons, afin de réunir des sommes représentant en moyenne 10 % du plan de financement, voire, dans des cas plus exceptionnels, jusqu’à 25 %. Dans certains cas, la Fondation apporte une subvention pouvant aller jusqu’à 15 % du financement du projet.
La Fondation du patrimoine a lancé 362 souscriptions en 2006 et 770 en 2010. Les sommes collectées en 2010 se sont élevées à 8,3 millions d’euros, soit une hausse de 26 % par rapport à 2009. À titre d’exemple, on peut citer l’organisation pour le compte du Centre des monuments nationaux d’une souscription publique destinée à lever des fonds pour la restauration du logis royal du château d’Angers, qui avait été gravement endommagé par un incendie en 2009. 232 donateurs avaient permis d’apporter 32 000 euros.
Mais la tradition du mécénat dans son acception la plus ancienne perdure à travers quelques grandes figures comme celle de M. Pierre Bergé, auditionné par la mission (9), qui a récemment fait don au musée du Louvre du Portrait de Luis María de Cistué y Martínez de Francisco de Goya. M. Bergé intervient soit à titre personnel soit à travers une fondation, la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, qui a soutenu de nombreuses expositions et manifestations culturelles et contribué à hauteur de 90 % à l’achat par souscription publique de la dernière toile de Georges de La Tour acquise par le musée du Louvre en 1988, le Saint Thomas à la pique.
À côté de ces mécènes exceptionnels par l’importance de leur action au service de la culture, interviennent des mécènes anonymes, mais qui, par leur engagement, effectuent un véritable « acte de citoyenneté culturelle », pour reprendre une formule employée devant la mission par M. Henri Loyrette (10), président-directeur général de l’établissement public du musée du Louvre.
Certains ont bien compris l’intérêt de ce mécénat, comme le château de Versailles qui, à travers son opération « Adoptez un arbre », destinée à redonner vie à l’Étoile royale dévastée par la tempête de 1999, fait figure de précurseur.
Enfin, les grandes institutions culturelles disposent souvent de « sociétés d’amis ». On pense bien sûr à la Société des amis du Louvre, créée en 1897, à l’époque où le musée ne disposait pas de crédits d’achat. La Société a ainsi contribué de longue date à l’enrichissement des collections du musée, depuis l’achat de la Pietà d’Avignon, premier chef-d’œuvre que la Société a fait entrer au Louvre, jusqu’aux Trois Grâces de Cranach, mille cinq cents amis du Louvre ayant contribué à hauteur du quart des sommes collectées. On pense également à l’Association pour le rayonnement de l’Opéra national de Paris (AROP), qui collecte des fonds pour l’Opéra de Paris grâce à l’organisation de galas dont les bénéfices proviennent d’une majoration du prix des places et des dons recueillis à cette occasion.
Mais, si la Société des amis du Louvre ou l’Association pour le rayonnement de l’Opéra national de Paris constituent de grandes réussites, il n’en va pas nécessairement de même pour d’autres sociétés d’amis, qui ont plus de peine à trouver leur place, comme cela a été notamment indiqué, lors de leur audition, par M. Stéphane Martin, président du musée du Quai Branly, et M. Olivier Simmat, responsable des expositions internationales et des relations publiques au musée d’Orsay (2). En effet, les conditions d’accès privilégié aux collections du musée offertes aux membres de la Société des amis du Louvre s’expliquent par l’ancienneté de sa création, à une époque où le musée ne maîtrisait pas sa politique de billetterie. Comme l’a rappelé M. Marc Fumaroli (11), président de la Société, les tentatives ultérieures de mise en cause de cette particularité historique se sont soldées par de retentissants échecs. Mais les sociétés d’amis plus récentes éprouvent plus de difficulté à attirer des sociétaires et à se construire une identité forte dans la mesure où les musées ont la haute main sur la billetterie et les abonnements. De même, l’Opéra de Paris bénéficie d’une position particulière en raison même de la visibilité exceptionnelle dont il dispose et du prestige attaché au cadre qui l’abrite et à sa programmation, visibilité et prestige qui contribuent à l’attractivité de l’Association pour le rayonnement de l’Opéra national de Paris.
Le mécénat culturel couvre de très nombreux domaines : préservation du patrimoine, soutien à l’organisation d’expositions, soutien à la création dans le domaine des arts plastiques, de la musique ou du spectacle vivant…
Les auditions de grands mécènes menées par la mission (12) permettent d’en dresser un panorama non exhaustif mais significatif : la BNP-Paribas finance l’édition d’albums sur les collections permanentes des musées et la restauration d’œuvres d’art qu’elle permet de rendre accessibles à tous les publics, soutient la création dans le domaine du cirque, de la musique jazz, de la danse contemporaine, en aidant par exemple la compagnie d’Angelin Preljocaj ou la maison de la danse à Lyon, et noue des partenariats avec des festivals de musique classique.
La Société Générale consacre 1,5 million d’euros à l’association Mécénat musical Société Générale, afin de soutenir la création musicale, en finançant des formations ou en soutenant des festivals ainsi que l’édition musicale. Depuis quinze ans, elle a constitué une collection d’art contemporain et consacre 300 000 euros à l’achat d’œuvres qui sont ensuite exposées au siège de l’entreprise.
La Fondation Total soutient l’Institut du monde arabe, le musée du Quai Branly et les expositions qui mettent en lumière la culture des pays où l’entreprise est implantée. Elle finance la restauration du patrimoine de proximité à travers la Fondation du patrimoine, et soutient l’accès à la culture des publics « éloignés », par exemple en finançant le programme « Dix mois d’école et d’opéra ».
Eiffage a restauré, grâce à un mécénat de compétences, les colonnes de Buren et contribue à la restauration de la façade de la rotonde Zambelli à l’Opéra Garnier, soutient le festival de sculpture contemporaine « Escaut. Rives, dérives », et soutient les projets portés par ses salariés.
LVMH, qui a été le premier mécène français du château de Versailles lors de la restauration de l’aile Nord au début des années 1990, apporte son soutien à des grandes expositions, comme par exemple « Monumenta » au Grand Palais à Paris, dans le domaine de l’art contemporain, finance l’acquisition de trésors nationaux comme tout récemment avec l’achat du bureau de Marie-Antoinette, commandé à Riesener en 1783 et qui devrait trouver sa place dans le cabinet doré de la reine à Versailles.
Les grandes institutions culturelles jouissant d’une importante visibilité recueillent des sommes très conséquentes au titre du mécénat : l’exemple du Louvre, qui a reçu près de 26 millions d’euros en 2009 au titre du mécénat, en constitue une bonne illustration. Mais, en dehors de ces très grandes institutions, souvent parisiennes, on a le sentiment qu’il est beaucoup plus difficile d’attirer les mécènes. Même des institutions comme le château de Fontainebleau peinent à drainer les fonds issus du mécénat, comme l’a indiqué lors de son audition M. Jean-François Hebert, son président (13) : dans ce cas, le mécénat s’élève à 1 million d’euros par an. La Cité de la céramique à Sèvres a reçu 230 000 euros en 2010. Quant aux musées en région, les difficultés sont plus grandes encore : le mécénat en faveur des musées nationaux des Alpes-Maritimes atteint 60 à 80 000 euros par an, malgré le volontarisme de Mme Martine Guichard-Kirschleger (1), qui y est chargée du mécénat et des partenariats.
En outre, certains secteurs culturels ont plus de mal que d’autres à attirer des mécènes : on parle souvent des difficultés du spectacle vivant, mais sans doute faut-il nuancer ce constat. Ainsi la Comédie française bénéficie-t-elle d’un mécénat important de l’ordre d’environ 1 million d’euros par an. Les difficultés concernent en réalité la création contemporaine. Comme l’a expliqué lors de son audition M. Réda Soufi, administrateur du Théâtre national de Chaillot (14), la danse, à l’exception de quelques grands artistes et chorégraphes, est souvent mal connue des mécènes et perçue comme potentiellement subversive ; les créations sont exploitées sur des durées courtes, souvent pour deux ou trois représentations, voire une semaine d’exploitation, ce qui laisse peu de temps au mécène pour « valoriser » son investissement. La réticence des mécènes face à la création contemporaine se manifeste également dans le domaine du théâtre. Ainsi le théâtre de l’Odéon, qui bénéficie du mécénat de la Fondation Edmond de Rothschild, peine à élargir le cercle de ses donateurs.
B. LE SOUTIEN PUBLIC AU MÉCÉNAT CULTUREL
Nonobstant, le mécénat culturel connaît un indéniable dynamisme qui s’explique par une politique d’incitation exemplaire et qui, contrairement aux idées reçues, est bien plus incitative que dans les pays anglo-saxons.
1. Un dispositif fiscal exemplaire
Grâce à la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, dite « loi Aillagon », la France dispose d’un mécanisme d’incitation fiscale extrêmement favorable, qui repose non sur une simple déduction des sommes versées de la base imposable, mais sur une réduction des sommes versées du montant de l’impôt dû. Il s’agit là d’une particularité tout à fait remarquable.
Comme il a été rappelé supra, l’instruction fiscale du 6 janvier 1989 relative à la terminologie économique et financière définit le mécénat comme le « soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un caractère d’intérêt général ». Le mécénat culturel bénéficie donc non seulement des incitations fiscales que l’on pourrait qualifier de « droit commun », au sens où elles concernent tous les mécénats qu’ils soient culturels, sociaux, environnementaux, sportifs, mais aussi de mécanismes spécifiques.
a) Le mécénat culturel ouvre droit aux avantages fiscaux de droit commun en faveur du mécénat
Lorsqu’une société assujettie à l’impôt en France fait un don à un organisme d’intérêt général, elle bénéficie d’une réduction de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu, mais peut aussi bénéficier de certaines contreparties en matière de communication et de relations publiques.
L’article 238 bis du code général des impôts dispose que la réduction d’impôt est égale à 60 % du montant du don effectué en numéraire, en compétences ou en nature, et retenu dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires hors taxes, avec la possibilité, en cas de dépassement de ce plafond, de reporter l’excédent au titre des cinq exercices suivants.
Une des possibilités offertes à une entreprise mécène consiste à apporter non pas des financements en numéraire mais des moyens (produits ou services) à la cause qu’elle entend soutenir. Il s’agit ici, d’un mécénat « en nature » ou « de compétences ». Les critères d’éligibilité sont les mêmes que ceux prévus pour une contribution en numéraire. Les textes disposent que l’apport de l’entreprise devra être valorisé au prix de revient ou à la valeur nette comptable pour les éléments inscrits à l’actif de l’entreprise.
Les particuliers, aux termes de l’article 200 du même code, bénéficient quant à eux d’une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % des sommes versées, retenues dans la limite annuelle de 20 % du revenu imposable.
La loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA) a, par ailleurs, modifié l’article 885-0 V bis du code général des impôts pour permettre aux redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune d’imputer sur leur cotisation d’impôt, dans la limite annuelle de 50 000 euros, 75 % des dons effectués au profit notamment des fondations reconnues d’utilité publique et des établissements de recherche ou d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique publics ou privés, d’intérêt général, à but non lucratif. Des mécènes peuvent donc en bénéficier, de la même façon que certains établissements culturels, tel le musée du Quai Branly, ayant une double mission et une double tutelle puisque rattachés au ministère de la recherche et à celui de la culture.
Ces mécanismes de réduction d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur le revenu ont été rendus plus incitatifs encore par la reconnaissance de la possibilité pour les mécènes de percevoir des contreparties, de manière encadrée, afin de ne pas entraîner de confusion avec les actions de partenariat.
Pour les particuliers, les dons effectués à des organismes visés à l’article 200 du code précité sont exclus du champ d’application de la réduction d’impôt lorsqu’ils sont assortis de contreparties prenant la forme de remise de biens ou de prestations de service. Néanmoins, le bénéfice de la réduction d’impôt n’est pas mis en cause si la valeur des contreparties pour une même année civile est au maximum égale à 60 euros et présente une disproportion marquée avec le montant du versement.
Pour les entreprises, la loi de finances pour 2000 leur a permis de « signer » leurs opérations de mécénat : même si l’organisme bénéficiaire fournit à l’entreprise mécène des prestations portant sur la diffusion du nom de celle-ci, l’opération ne sera pas requalifiée en parrainage ou opération de publicité.
Néanmoins, afin d’éviter tout abus, l’administration fiscale précise qu’il doit exister une disproportion marquée entre le montant du don et la valorisation de la prestation rendue. Pour apprécier cette disproportion marquée, l’administration met en avant un rapport de un à quatre entre la valeur de la contrepartie obtenue et le montant du don effectué.
Enfin, afin de sécuriser fiscalement et juridiquement les opérations de mécénat, les porteurs de projet peuvent interroger l’administration fiscale sur leur éligibilité au dispositif de soutien au mécénat. Si c’est le cas, celle-ci délivre un rescrit qui interdit d’éventuelles requalifications ultérieures.
b) Le mécénat culturel ouvre droit à des avantages spécifiques
Des mesures spécifiques, très incitatives, ont été prises en faveur du mécénat culturel.
● Monuments historiques privés
La loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 a modifié l’article 200 du code général des impôts ainsi que les articles du code du patrimoine relatifs à la Fondation du patrimoine, afin d’élargir la réduction d’impôt pour mécénat aux dons des particuliers destinés à des travaux de restauration et d’accessibilité du public des monuments historiques privés. Aux termes du dispositif adopté, les dons à la Fondation du patrimoine ou à toute autre fondation ou association agréée ouvrent droit à réduction d’impôt, pour les entreprises et les particuliers, sous réserve que le monument qui en bénéficie soit conservé par son propriétaire et ouvert au public pendant au moins dix ans.
● Spectacle vivant et expositions d’art contemporain
Il existe désormais des dispositions spécifiques favorables au spectacle vivant et aux expositions d’art contemporain : elles concernent les organismes publics ou privés dont la gestion est désintéressée et qui ont pour activité principale la présentation au public d’œuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque, ou l’organisation d’expositions d’art contemporain. La loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 a ainsi modifié l’article 200 du code général des impôts en leur faveur afin de permettre à ces organismes de bénéficier du mécénat des particuliers même s’ils sont assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et aux autres impôts commerciaux.
● Versements effectués pour l’acquisition de trésors nationaux ou d’œuvre d’intérêt majeur
L’article 238 bis-0 A du code général des impôts ouvre droit à une réduction de l’impôt sur les sociétés égale à 90 % des versements effectués pour l’acquisition par l’État d’un bien classé trésor national (ayant fait l’objet d’un refus d’exportation après sa vente à un acheteur étranger) ou d’une œuvre d’intérêt majeur (œuvres dont l’acquisition est jugée de premier intérêt) et de 40 % des sommes engagées pour l’acquisition de tels biens par l’entreprise elle-même, à charge pour elle de les laisser exposer dans un musée de France pendant dix ans.
● Acquisitions d’œuvres d’art contemporain et d’instruments de musique par les entreprises
Aux termes de l’article 238 bis AB du même code, les entreprises qui acquièrent des œuvres originales d’artistes vivants et les inscrivent à un compte d’actif immobilisé peuvent déduire du résultat imposable de l’exercice d’acquisition et des quatre années suivantes, par fractions égales, une somme égale au prix d’acquisition, la déduction ainsi effectuée au titre de chaque exercice ne pouvant excéder la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires, minorée des versements effectués au titre du mécénat d’entreprise. Pendant toute la période de déduction, les œuvres ainsi acquises doivent être exposées dans un lieu ouvert au public ou simplement aux salariés ou aux clients de l’entreprise, à l’exclusion des bureaux. La même mesure s’applique à l’acquisition d’instruments de musique destinés à être prêtés à titre gratuit à des interprètes professionnels, à des étudiants des conservatoires nationaux supérieurs de Paris et de Lyon et à des étudiants en troisième cycle des autres conservatoires et écoles de musique.
c) Une comparaison internationale fait apparaître le caractère extrêmement favorable du système français
Un décryptage des termes en usage dans le domaine du mécénat et du parrainage (sponsoring) culturels révèle que, malgré l’existence de ressemblances étymologiques, ces notions ne recouvrent pas les mêmes pratiques en France, au Royaume-Uni et en Allemagne. L’analyse des dispositifs juridiques et fiscaux montre que le mécénat d’entreprise tel qu’il est défini par la législation française est proche du sponsoring culturel pratiqué en Allemagne et au Royaume-Uni, car, dans les trois cas, il s’agit du soutien d’un projet en échange de contreparties même modestes.
En France, le mécénat culturel est plus institutionnalisé qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni, où des organismes privés sont les promoteurs du financement de la culture et des arts par les entreprises. Grâce à la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, le mécénat a connu en France un essor indéniable. En 2008-2009, selon l’enquête précitée d’ADMICAL, les entreprises françaises auraient donné jusqu’à 975 millions d’euros (39 % du total des sommes mobilisées en faveur du mécénat) pour la culture, en mécénat financier, en nature et en compétences, mais probablement aussi en parrainage, ce chiffre étant trop éloigné des données fiscales pour ne correspondre qu’au seul mécénat.
En Allemagne et au Royaume-Uni, les chiffres, plus difficiles à déterminer à cause d’une plus grande diversité des types de financement, sont nettement inférieurs : les entreprises britanniques ont soutenu la culture à hauteur de 170 millions d’euros pendant la même période alors que l’économie allemande a dépensé environ 350 millions d’euros pour le sponsoring culturel.
Comparaison du coût résiduel net du mécénat et du parrainage/sponsoring (entreprises) | |||
(En euros) | |||
Pays |
France |
Allemagne |
Royaume-Uni |
Dispositif |
Réduction d’impôt de 60 % du montant du don, retenu dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires (report possible sur 5 exercices). Contreparties plafonnées à 25 % du montant du don |
Déduction du résultat imposable. Plafond de 20 % du résultat ou 4 % du chiffre d’affaires (report possible sur 5 exercices) |
Les dons aux fondations (charities) sont déduits du résultat imposable. Pas de plafond, mais pas de contrepartie |
Montant versé |
10 000 |
10 000 |
10 000 |
Réduction/déduction fiscale |
6 000 |
3 836 |
2 800 |
Coût résiduel Mécénat |
4 000 |
6 164 |
7 200 |
Source : ministère de la culture et de la communication
Au-delà de ces comparaisons européennes, le dispositif français a également supplanté son modèle américain. Celui-ci est plus avantageux pour les particuliers que pour les entreprises. Ainsi les versements effectués par ces dernières sont déductibles du résultat imposable dans la proportion de 80 % à 100 % des sommes versées, tandis que les dons des particuliers sont entièrement déductibles du revenu imposable. Mais il ne s’agit en aucun cas de réductions d’impôt, beaucoup plus avantageuses que de simples déductions de la base imposable.
d) La dépense fiscale en faveur du mécénat culturel est difficile à évaluer
D’après les informations transmises par le ministère de la culture, la dépense fiscale liée aux dispositifs présentés supra est la suivante :
(En millions d’euros)
Mécénat des entreprises | ||||||||
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 | |
Dépense fiscale |
90 |
150 |
170 |
235 |
250 |
326 |
410 |
410 |
Évaluation. Montant des dons |
150 |
250 |
283 |
391 |
416 |
543 |
683 |
683 |
Mécénat des entreprises | ||||||||
Dépense fiscale |
26,06 |
17,70 |
9,47 |
19,29 |
18,09 |
7,87 |
9 |
10 |
Montant des dons |
28,96 |
19,67 |
10,53 |
21,44 |
20,1 |
8,75 |
10 |
11 |
Mécénat des entreprises (en millions d’euros) | ||||||||
Dépense fiscale |
N.c. |
1 |
1 |
3 |
3 |
3 |
3 |
3 |
Montant des acquisitions |
N.c. |
3 |
3 |
9 |
9 |
9 |
3 |
3 |
Dons des particuliers | ||||||||
Dépense fiscale |
590 |
700 |
820 |
835 |
925 |
989 |
1 000 |
1 000 |
Évaluation. Montant des dons ** |
<894 |
<1 006 |
<1 242 |
<1 265 |
<1 401 |
<1 498 |
<1 515 |
<1 515 |
Dons des particuliers redevables de l’ISF | |||||
Dépense fiscale |
40 |
40 |
51 |
70 |
70 |
Évaluation du montant des dons |
53 |
53 |
68 |
93 |
93 |
(*) Le taux de réduction est de 75 %, dans la limite de 488 €, pour les dons effectués par des particuliers au profit d’organismes sans but lucratif procédant à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent à titre principal, à la fourniture gratuite de soins | |||||
(**) Effectuée sur la base du taux de réduction du régime général, soit 66 % du montant du don. |
Si la dépense fiscale associée aux dispositifs spécifiques au mécénat culturel, comme celui en faveur des acquisitions de trésors nationaux ou d’œuvres originales d’artistes vivants, est bien connue, il n’existe pas à ce jour de chiffrage, dans le dispositif de droit commun en faveur du mécénat, de la dépense fiscale associée au mécénat culturel largo sensu. Les contribuables déclarent en effet leurs dons aux œuvres sans distinction de la catégorie à laquelle se rattachent les œuvres en question.
Dans son récent rapport sur les musées nationaux (15), la Cour des comptes s’est émue de cette absence d’évaluation. Le ministère de la culture a bien confié à son département de la prospective le soin de mener une étude d’impact de la loi de 2003, mais cette étude n’a pas encore abouti.
2. Les structures d’accompagnement
En sus de ces dispositifs fiscaux, le soutien au mécénat repose sur des structures d’accompagnement mises en place par le ministère de la culture.
Au niveau de l’administration centrale, la mission Mécénat, rattachée au cabinet du ministre de la culture et de la communication, est chargée de faire connaître le mécénat, de conseiller les porteurs de projets, de proposer des évolutions législatives et réglementaires.
Elle a investi le champ de la recherche de fonds, pour des projets du ministère ou des établissements placés sous sa tutelle et qui ne disposent pas de personnels dédiés à une telle recherche.
Elle est également chargée de valoriser l’action des mécènes, à travers le Cercle des mécènes de la culture, qui a honoré une cinquantaine de donateurs d’une médaille d’or permettant de consacrer publiquement un engagement durable, d’une durée minimum de cinq années, en faveur de la culture.
Au niveau déconcentré, un réseau de correspondants « mécénat » a été mis en place dans les directions régionales des affaires culturelles. Ils jouent un rôle d’information et de sensibilisation, mais n’apportent pas d’assistance au montage des projets ni ne s’engagent dans la recherche de fonds. L’évaluation de leur action est difficile, dans la mesure où il ne s’agit pas d’équivalents temps plein dédiés : en effet, ces agents exercent d’autres fonctions au sein des directions régionales des affaires culturelles, le temps qu’ils consacrent au développement du contenu de leur fonction de correspondant « mécénat » est donc, par définition, très variable.
L’action territoriale du ministère est complétée par l’intervention des chambres de commerce et d’industrie, des experts-comptables et des notaires.
En effet, le ministère de la culture et de la communication a, en 2005 et 2006, signé trois conventions avec l’Association des chambres françaises de commerce et d’industrie, le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et le Conseil supérieur du notariat afin de développer le mécénat culturel, partenariats qui ont été renouvelés en 2010.
La proximité qu’entretiennent ces organismes avec les entreprises et le maillage territorial dense dont ils disposent constituent des atouts indéniables et précieux pour permettre de faire connaître et promouvoir auprès des petites entreprises, et pour des projets de proximité, le mécénat culturel.
Ces partenariats reposent sur la désignation de correspondants « mécénat » au sein du réseau de chacun de ces organismes, sur la diffusion d’information et la promotion par ces derniers du mécénat culturel auprès des entreprises, en collaboration avec les directions régionales des affaires culturelles. Les chartes signées en 2010 identifient de nouveaux objectifs, comme la promotion du mécénat collectif à travers des clubs d’entreprises ou des associations, fonds ou fondations et, s’agissant plus spécifiquement de l’Association des chambres françaises de commerce et d’industrie, de la sensibilisation au mécénat dans les écoles des chambres de commerce et d’industrie, notamment les écoles supérieures de commerce.
Le bilan de la première « vague » de conventions est extrêmement positif.
Ainsi, 75 correspondants « mécénat » ont déjà été nommés dans les chambres de commerce et d’industrie, 23 dans les conseils régionaux de l’ordre des experts-comptables, 82 dans les chambres de notaires. 35 conventions territoriales ont été signées avec les directions régionales des affaires culturelles par les chambres de commerce et d’industrie, 8 par l’ordre des experts-comptables.
Des documents d’information ont été élaborés et diffusés, des rencontres avec des porteurs de projets organisés, par exemple sous forme de « speed meeting », rencontres brèves qui permettent de mettre en contact des acteurs du monde culturel et des acteurs économiques.
II.- LE MÉCÉNAT CULTUREL AUJOURD’HUI :
UNE LÉGITIMITÉ DISCUTÉE
Si le mécénat a d’abord été culturel avant d’être social, environnemental ou sportif, certains s’alarment aujourd’hui de son déclin : en période de crise, la culture serait un luxe et son financement une dépense superfétatoire. Après avoir analysé les motivations qui guident les mécènes et celles qui animent les bénéficiaires du mécénat, nous verrons que, si le mécénat culturel connaît un tassement, il faut sans doute se garder d’être trop alarmiste.
A. L’ÉVOLUTION DE LA RELATION ENTRE MÉCÈNES ET BÉNÉFICIAIRES : D’UN « MÉCÉNAT DE CONTRIBUTION » À UN « MÉCÉNAT D’INITIATIVE »
Au vu des raisons qui conduisent une entreprise ou un particulier à devenir mécène et du bénéfice qu’un artiste ou une institution culturelle peut espérer en retirer, on constate que l’on est passé, pour reprendre une expression employée M. Jacques Rigaud dans son ouvrage précité, d’un « mécénat de contribution » à un « mécénat d’initiative », c’est-à-dire à l’émergence d’un véritable partenariat entre les mécènes et les bénéficiaires.
1. Les mécènes : la fin de « la danseuse du président »
Si le mécénat des particuliers est moins marqué par l’évolution des motivations des mécènes que par l’émergence d’un mécénat populaire, en revanche, le mécénat des entreprises connaît d’importantes évolutions, qu’Éléonore de Lacharrière, déléguée générale de la Fondation culture et diversité, a résumées devant la mission (16) en ces mots : « Les entreprises ne souhaitent plus financer la danseuse de leur président. »
De l’analyse des raisons qui conduisent un particulier à financer une œuvre, un artiste ou une institution, il est sans doute difficile de tirer des généralités sur le mécénat des particuliers, tant la relation que chacun entretient avec la création ou le patrimoine comporte d’irréductibles singularités.
En tout état de cause, on assiste à regain du mécénat des particuliers, qui constitue un mécénat populaire, les sommes en jeu étant sans comparaison avec celles que peuvent mobiliser les grands mécènes fortunés.
Évolution du nombre de dons mobilisés
Source : Fondation du patrimoine
Source : Fondation du patrimoine
Ce mécénat populaire manifeste, dans une période de crise, un attachement fort à ce qui constitue à la fois une valeur refuge, c’est-à-dire le patrimoine, et un manifeste de la singularité française, c’est-à-dire son exception culturelle.
La souscription lancée par la Fondation du patrimoine, en partenariat avec le Centre des monuments nationaux et la chambre de commerce et d’industrie de Maine-et-Loire, a ainsi permis de relayer l’immense émotion soulevée par l’incendie du logis royal du château d’Angers en 2009. Les opérations menées à Versailles « Adoptez un arbre », « Adoptez une statue » ou « Adoptez un banc », font appel au sentiment de responsabilité que chacun éprouve pour ce qui constitue un bien commun culturel national ou de proximité.
En ce sens, on peut effectivement parler d’un « acte de citoyenneté culturelle », qui se manifeste également dès lors qu’il s’agit de contribuer à conserver l’exception culturelle française : qu’il s’agisse du Saint Thomas à la pique de La Tour ou des Trois Grâces de Cranach, l’impossibilité pour le musée du Louvre seul de s’en porter acquéreur paraissait, à tous ceux qui se sont manifestés pour que notre pays demeure une grande nation culturelle, inconcevable.
Chacune de ces opérations de mécénat comporte, pour les donateurs, la possibilité d’associer leur nom à l’œuvre à l’acquisition de laquelle ils ont contribué ou à celui du monument dont ils ont soutenu la restauration.
Du 2 mars au 30 mai 2011, les Trois Grâces ont été présentées dans la Galerie Médicis, le musée du Louvre rendant ainsi hommage à tous les donateurs en inscrivant leurs noms sur les murs du palais, à proximité de l’œuvre, avant que celle-ci ne rejoigne les autres tableaux de Lucas Cranach dans les salles consacrées à la peinture des écoles du Nord.
À Angers, les mécènes ayant versé plus de 150 euros ont obtenu notamment une mention pour cinq ans dans le monument et un diplôme à leur nom.
Les mécènes ayant « adopté » un banc ou une statue du Château de Versailles voient également leur nom mentionné sous forme de plaque au pied de chaque statue ou de clou au pied de chaque banc.
S’agissant des entreprises, l’époque où leur président « se toquait » d’un projet ou d’un artiste et prenait seul la décision de le soutenir sans égard ni pour le bénéfice éventuel que son entreprise pourrait en retirer ni pour l’adhésion de son conseil d’administration ou des partenaires sociaux à un tel projet semble bel et bien révolue. C’est la fin de la « danseuse du président ».
Le mécénat est bien sûr un acte désintéressé, mais dans une certaine mesure seulement. On pourrait dire, pour être exact, que, si l’intérêt fiscal ou commercial que poursuit l’entreprise ne constitue pas le motif décisif de son engagement, cela ne signifie pas qu’elle ne se pose pas la question.
Le mécénat constitue tout d’abord un instrument de mobilisation des salariés et de cohésion autour de l’entreprise : pour reprendre les termes de la plaquette de présentation réalisée par le Théâtre de Chaillot à l’intention de potentiels mécènes, « vous enrichissez votre culture d’entreprise en associant vos collaborateurs au projet ». Comme l’a expliqué M. Jean-Paul Claverie (17), conseiller du président et responsable du mécénat chez LVMH, dans une holding qui recouvre soixante-cinq sociétés, dont de nombreuses petites et moyennes entreprises, le mécénat est un instrument important qui permet de construire une « identité corporate », c’est-à-dire une culture d’entreprise commune.
Aussi le cercle des mécènes de l’Opéra de Paris propose-t-il des abonnements en exclusivité aux jeunes salariés de l’entreprise, la possibilité de réserver des contingents de places ou l’organisation de conférences au sein de l’entreprise.
L’association des collaborateurs peut être plus étroite encore avec le mécénat de compétences ou bien lorsqu’il favorise la pratique artistique des salariés ; ainsi, chez Eiffage, les projets soutenus sont choisis parmi des projets présentés par les collaborateurs eux-mêmes. On peut également citer l’exemple de la Société Générale, qui a associé les collaborateurs au comité de sélection des œuvres destinées à l’enrichissement de la collection d’art contemporain réunie par l’entreprise.
Le mécénat constitue alors un instrument de fidélisation des salariés, mais aussi un élément d’attractivité, notamment pour les petites et moyennes entreprises en région, comme cela a été rappelé à la mission lors de la table ronde avec les partenaires du ministère de la culture (18) : la richesse de la vie culturelle en région, à laquelle contribue le mécénat de proximité, constitue un élément important pour attirer des cadres.
Le mécénat constitue indéniablement un instrument de communication externe : elle permet à l’entreprise de communiquer et de se faire identifier comme acteur culturel. Tous les mécènes se voient ainsi offrir la possibilité de mettre leur nom, voire le logo de leur marque en avant, sur les supports de communication associés au projet bénéficiaire.
Cette contrepartie en termes d’image pour l’entreprise appelle deux commentaires.
D’abord contrairement à une idée reçue, le mécénat culturel n’a pas vocation à servir de « béquille financière » à une institution en crise. Comme l’a indiqué Mme Mona Khazindar (19), directrice générale de l’Institut du monde arabe, pour avoir des mécènes, il faut une programmation prestigieuse. En ce sens, on pourrait dire que le mécénat est plutôt, pour emprunter au langage économique, « pro-cyclique ».
Ensuite, ces contreparties, dont on a vu qu’elles avaient été admises par l’administration fiscale, peuvent parfois représenter des avantages très importants. Pour reprendre l’expression de M. Robert Fohr (20), chef de la mission Mécénat au ministère de la culture, le mécénat est une « signature » et le parrainage un « affichage ». Mais la signature peut parfois prendre une telle importance que la frontière entre mécénat et parrainage se brouille.
L’avantage que peut procurer le mécénat dans le domaine de la communication externe ne se réduit pas à la construction d’une image de marque à l’intention des clients de l’entreprise ou du grand public. Il permet également à l’entreprise de s’intégrer à son environnement et de nouer des relations privilégiées avec la société civile ou avec les collectivités territoriales. Les projets culturels fédèrent souvent plusieurs initiatives et constituent un carrefour où les bonnes volontés se rencontrent.
L’ensemble des enjeux que représente le mécénat pour l’entreprise explique que, de l’initiative personnelle du chef d’entreprise, on soit passé à une démarche construite et formalisée, ce qui explique la multiplication des structures dédiées, fonds et fondations.
Répartition des fondations par statut juridique, en nombre et en pourcentage
(hors fondations abritées par l’Institut de France)
Source : Les fonds et fondations en France de 2001 à 2010, Fondation de France
FRUP : fondations reconnues d’utilité publique
FE : fondations d’entreprise
FA : fondation abritée
FCS : fondation de coopération scientifique
FU : fondation universitaire
FP : fondation partenariale
En neuf ans, le nombre de fondations a augmenté de 104 %, et le nombre de fondations d’entreprise, qui représentait 6 % des fondations en 2001, en représentait 15 % en 2010.
Pour conclure, qu’il s’agisse des particuliers ou des entreprises, l’incitation fiscale ne constitue pas le critère déterminant qui va déclencher l’initiative du mécène. Comme l’a déclaré M. Frédéric Néraud (21), directeur général de la Fondation du patrimoine, le régime fiscal ne détermine pas la volonté de donner, mais l’intensité du don.
2. Les bénéficiaires : une professionnalisation croissante
Le mécénat comporte à l’évidence un avantage financier pour son bénéficiaire. Dans un contexte de restrictions budgétaires, qui se traduit par exemple pour les opérateurs du ministère de la culture par des objectifs de renforcement des ressources propres, le mécénat constitue un apport indispensable.
Ainsi, au Théâtre national de Chaillot, la part de financement public est passée de 72 % en 2000 à 68 % en 2011. Par ailleurs, compte tenu des missions d’intérêt général qui lui sont confiées, l’établissement n’est pas entièrement libre dans la détermination de ses recettes de billetterie. Il a donc tenté de miser, de longue date, sur la location d’espace et, plus récemment, sur le mécénat qui présente l’avantage, par rapport à la location « sèche », de garantir un partenariat pérenne en lien avec la programmation.
Mais la possibilité d’offrir aux mécènes des contreparties, admise par l’administration fiscale, permet également de toucher de nouveaux publics, tant par l’organisation d’événements au sein de la structure bénéficiaire, que par la réservation de contingents de places en faveur des collaborateurs ou des clients du mécène ou bien encore par des animations au sein même de l’entreprise.
Il en va de même pour le mécénat populaire. Les montants en jeu sont sans commune mesure avec ceux qui peuvent être mobilisés par une très grande entreprise et, souvent, les grandes institutions culturelles négligent ce mécénat, dont elles estiment que son « bilan coût/avantage » est peu attractif. Mais comme la présidente du Centre des monuments nationaux, Mme Isabelle Lemesle, l’a indiqué lors de son audition (22), la mobilisation du mécénat des particuliers, s’il n’a pas pour ambition de couvrir la totalité des besoins de financement d’une opération, permet une appropriation du projet par les intéressés. La souscription destinée à la restauration du logis royal du château d’Angers a attiré 232 mécènes, autant de personnes qui ont créé un lien avec le monument, l’ont visité, y ont amené leur famille et leurs proches.
Pour bénéficier de ces avantages, et parallèlement à la démarche des mécènes, qui ne veulent plus être cantonnés au rôle de financeur, on assiste à une professionnalisation de la recherche de mécénat. Toutes les institutions culturelles ne disposent pas encore de structures adaptées. Comme l’a indiqué Mme Laurence Engel (2), directrice des affaires culturelles de la Ville de Paris, la recherche de mécénat se pratique encore pour les musées de la ville de manière empirique, mais cette situation est appelée à évoluer.
Cette professionnalisation passe par la création de structures spécialisées, comme l’Association nationale des fundraisers, qui ne se charge pas de collecter des fonds, mais d’assurer la formation et les échanges de bonnes pratiques entre les personnes chargées, chacune au sein de leurs institutions, de la recherche de mécènes.
L’exemple du Louvre est également particulièrement représentatif de cette évolution : 22 personnes, réparties en trois services, mécénat international, des entreprises et des donateurs individuels, sont chargées de développer le mécénat du musée.
Les responsables du mécénat doivent bien sûr solliciter des mécènes, mais également être capables de valoriser le projet culturel auquel ils leur proposent de s’associer. Comme l’a expliqué à la mission M. Emmanuel Starcky (23), directeur des Musée et domaine nationaux du château de Compiègne, la force intellectuelle d’un projet est essentiel pour attirer des mécènes.
Il convient également de leur présenter des projets « clés en main », présentant de manière précise la manière dont ils pourraient s’investir et décrivant les contreparties auxquelles ils peuvent prétendre en fonction du montant de leur contribution. M. Jean-François Hebert (1), président des Musée et domaine nationaux du château de Fontainebleau, s’efforce ainsi d’identifier des priorités pour des opérations de restauration, en liaison avec les équipes scientifiques et de conservation du château.
B. UN DÉCLIN DU MÉCÉNAT CULTUREL ?
Les chiffres du dernier rapport de l’ADMICAL font état d’un véritable effondrement et ont provoqué une vive émotion des milieux culturels. En fait, si le mécénat culturel accuse un certain tassement, il convient sans doute d’en relativiser la portée.
1. Un tassement du mécénat culturel
L’enquête ADMICAL-CSA « Le mécénat d’entreprise en France en 2010 » montre que, si la proportion d’entreprises mécènes augmente sensiblement de 17 % par rapport à 2008, les sommes consacrées au mécénat baissent de 20 % sur la même période.
Les domaines d’intervention des entreprises mécènes
Le choix des entreprises
Source : Le mécénat d’entreprise en France, Résultats de l’enquête Admical-CSA 2010
La répartition du budget par domaines d’intervention
Source : Le mécénat d’entreprise en France, Résultats de l’enquête Admical-CSA 2010
37 % des entreprises mécènes interviennent dans le domaine culturel et patrimonial, un chiffre presque inchangé par rapport à la précédente enquête menée par l’ADMICAL en 2008. Mais la culture est désormais supplantée par le sport et passe du statut de deuxième à celui de troisième champ d’intervention privilégié des mécènes. Chez les entreprises de plus de 200 salariés, la culture résiste mieux à cette tendance : elle est choisie par 50 % des mécènes, après le social, l’éducation et la santé (68 %) mais avant le sport (42 %).
La culture et le patrimoine emportent 19 % du budget global consacré par les entreprises au mécénat, ce qui représenterait 380 millions d’euros. Ce budget serait en forte baisse par rapport à 2008, où le mécénat dédié à la culture était estimé à 975 millions d’euros.
Comme cela a été dit plus haut, il n’existe pas de recensement précis de la dépense fiscale associée au mécénat culturel ni d’évaluation officielle et complète de ce mécénat. Les chiffres dont dispose la mission ne sont que ceux des opérateurs du ministère de la culture à l’exclusion de ceux des autres opérateurs culturels. Néanmoins, ces chiffres partiels dressent un panorama plus contrasté que celui de l’enquête de l’ADMICAL.
Source : Ministère de la culture et de la communication
Programme 186 : recherche culturelle et culture scientifique
Programme 175 : patrimoines ; Programme 131 : création
Le montant global du mécénat collecté en 2009 par 44 des 80 opérateurs du ministère de la culture accuse en effet une baisse de 15 % et, si l’on exclut le mécénat dont le musée du Louvre a bénéficié, de 25 %.
En revanche, on constate, au premier trimestre 2010, une nette reprise du mécénat de 58 % par rapport au premier trimestre de l’année précédente.
Source : Ministère de la culture et de la communication
(*) CNC : Centre national du cinéma et de l’image animée
Cette augmentation concerne tous les secteurs d’activité, ce qui permet de penser qu’il s’agit bien d’une tendance positive : la hausse atteint 307 % pour les opérateurs du programme budgétaire Recherche culturelle et culture scientifique, de 62 % pour le programme Patrimoines, de 46 % pour le programme Création et de 8 % pour le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture.
À l’inverse, d’après les données les plus récentes communiquées par le ministère de la culture, sur l’échantillon de vingt de ses opérateurs les plus significatifs, le mécénat financier connaît entre 2009 et 2010 un recul de 19 % environ.
Sommes collectées au titre du mécénat par vingt opérateurs
du ministère de la culture (en millions d’euros)
Source : Ministère de la culture et de la communication
Ces évolutions apparemment contradictoires plaident donc pour une certaine prudence dans l’interprétation des données. Elles reposent en effet sur les titres émis et non les conventions signées et fluctuent en fonction du rythme d’enregistrement des crédits de mécénat, par nature irrégulier au regard tant du type d’actions soutenues que du calendrier de réalisation de celles-ci.
À titre d’exemple, la baisse du mécénat au Louvre entre 2009 et 2010 est notamment liée au caractère exceptionnel et conjoncturel des mécénats accordés en 2009 : mécénat de 18 millions d’euros pour le département des arts de l’Islam, dont 15 millions accordés par le roi du Maroc, don du Portrait de Luis Maria de Cistué de Goya, d’une valeur de 15 millions d’euros, et acquisition du Portrait du comte Molé d’Ingres pour 19 millions d’euros, dont 12 étaient issus de mécénat.
Certains succès de l’année 2010 méritent par ailleurs d’être signalés. Il en va ainsi de la progression de 28 % des recettes de mécénat de l’Opéra national de Paris. L’organisation du gala des trente ans de l’Association pour le rayonnement de l’Opéra national de Paris a, à elle seule, permis de récolter 500 000 euros de dons. L’Opéra a également fait financer par mécénat la rénovation de la rotonde des abonnés du Palais Garnier, à hauteur de 0,7 million d’euros, les travaux sur l’ascenseur de l’Agha Khan, pour 0,4 million d’euros, ainsi que ceux de la rotonde Zambelli, pour 1 million d’euros.
Les chiffres de l’enquête de l’ADMICAL comme ceux du ministère de la culture convergent pour indiquer une baisse du mécénat culturel, dans des proportions certes différentes, mais la tendance générale à la baisse peut être admise.
La mission a toutefois le sentiment qu’il convient sans doute de relativiser l’ampleur de cette désaffection. Le mécénat culturel souffre, comme les autres formes du mécénat, des effets de la crise économique que nous traversons. Or, d’après l’enquête de l’ADMICAL, pour 55 % des entreprises ne faisant pas de mécénat, l’obstacle principal est le manque de moyens financiers.
En outre, il ressort de toutes les auditions que le mécénat culturel devient plus difficile à « assumer » pour les entreprises, dans un contexte de crise : la culture est perçue comme un luxe, auquel il serait presque indécent de se consacrer, d’où le développement relativement plus important du mécénat social ou environnemental. M. Karim Maatoug, responsable Stratégie et mécénat à l’Académie de France à Rome, a ainsi décrit devant la mission (24) la gêne des entreprises sollicitées par la Villa Médicis : elles étaient prêtes à s’investir, mais ne souhaitaient pas que cela apparût trop publiquement. Comme l’a indiqué M. Jean-Paul Cluzel (25), président de l’établissement public Réunion des musées nationaux-Grand Palais, les entreprises se montrent très soucieuses de « labelliser » leur action comme une action sociale.
Ce malaise peut en partie expliquer les résultats de l’enquête ADMICAL : ces résultats reposent sur une base déclarative. Les 749 entreprises sollicitées dans le cadre de l’enquête quantitative ont pu classer leurs opérations dans d’autres domaines que celui du mécénat culturel, notamment dans le domaine du mécénat social.
Ce biais méthodologique traduit également une évolution importante du mécénat avec l’émergence d’un mécénat « croisé », qui associe à un mécénat culturel « traditionnel » en faveur du patrimoine ou de la création des actions de démocratisation culturelle destinées notamment à favoriser l’accès à la culture des publics qui en sont éloignés.
L’ensemble des plaquettes élaborées par les institutions culturelles à destination de mécènes potentiels illustre cette évolution : la quasi-totalité évoque non seulement l’apport du mécénat aux projets de l’institution, mais aussi le soutien à l’accès de tous les publics à ces projets.
Cette impression est confortée par les chiffres de l’ADMICAL, qui montrent que 22 % des entreprises ont apporté leurs concours à la fois dans les domaines du sport et de la culture et 15 % dans les domaines de la culture et du social.
On peut regretter cette évolution au motif qu’il ne s’agirait plus de mécénat culturel « pur ».
Ce n’est pas le cas de la mission, qui estime que la démocratisation de l’accès à la culture est un objectif à part entière et pleinement légitime de la politique culturelle. Le mécénat en faveur de l’opération « Dix mois d’école et d’opéra », qui initie sur deux ans des élèves de classes situées en zone d’éducation prioritaire à l’ensemble des métiers de l’opéra, leur offre des places aux représentations et aux répétitions, comprend des ateliers de pratique artistique à l’Opéra national de Paris, qui se concrétisent par un spectacle, constitue, de notre point de vue et sans discussion, du mécénat culturel. Il en va de même des actions entreprises par le Théâtre de la Colline, qui développent des formations à l’écriture théâtrale dans le XXe arrondissement de Paris, qui est un arrondissement populaire.
Au demeurant, et comme l’a souligné M. Jean-Paul Cluzel (26), président de l’établissement public Réunion des musées nationaux-Grand Palais, ce mécénat en faveur de la démocratisation culturelle peut constituer une porte d’entrée vers le mécénat culturel « pur ».
On peut également relativiser la baisse du mécénat culturel au regard des sommes collectées par les grandes institutions : ainsi, en 2009, dans un contexte de baisse générale des sommes collectées au titre du mécénat par les opérateurs du ministère de la culture, certains grands musées ont enregistré une hausse de leur collecte, comme par exemple le musée du Louvre ou le musée d’Orsay.
Enfin, l’enquête d’ADMICAL ne retrace pas le mécénat des particuliers et le mécénat étranger, qui se développent.
Ainsi, l’augmentation des sommes collectées au titre du mécénat chez les opérateurs du ministère de la culture, constatée entre les premiers trimestres 2009 et 2010, est due à une hausse des montants en provenance des particuliers et du mécénat étranger, et notamment à d’importants legs au Louvre, au Musée des arts décoratifs et à la Réunion des musées nationaux.
Source : ministère de la culture et de la communication
III.- LE MÉCÉNAT CULTUREL DEMAIN :
LES CONDITIONS D’UNE RELANCE
La loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations fait aujourd’hui l’objet d’une appréciation unanimement positive. Le récent rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales ne conteste d’ailleurs pas la légitimité des dispositifs qui en sont issus (27).
L’une des principales vertus de cette loi, de l’aveu même de celui-ci qui en prit l’initiative, M. Jean-Jacques Aillagon (28), fut, outre l’ample soutien apporté au financement d’œuvres d’intérêt général, la sécurisation juridique de la philanthropie : avant cette loi, il arrivait que les dépenses de mécénat exposées par les entreprises encourent la qualification d’abus de bien social !
Dans le contexte difficile que nous traversons, le mécénat est plus que jamais indispensable. Pour autant, l’état de nos finances publiques oblige à la plus grande prudence dans l’utilisation de l’instrument fiscal, comme l’a rappelé lors de son audition (29) Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.
C’est la raison pour laquelle le présent rapport, s’il ne s’interdit pas d’y avoir recours, ne l’envisage que de manière proportionnée à des objectifs précis et ne le conçoit que comme un instrument parmi d’autres de relance du mécénat culturel.
A. RÉAFFIRMER LES VALEURS DU MÉCÉNAT
De ses auditions la mission s’est forgée la conviction qu’il était nécessaire, dans un contexte de concurrence grandissante dans la recherche de fonds, de réaffirmer les valeurs du mécénat.
1. L’acuité grandissante des questions éthiques
Comme l’a souligné M. Alain Seban (30), président du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, le mécénat est un « marché » sur lequel la concurrence est extrêmement vive du côté de la demande : concurrence entre établissements, entre l’État et ses opérateurs, entre domaines d’élection des mécènes potentiels. À cet égard, on évoque souvent la concurrence entre mécénat culturel et mécénats sociaux, environnementaux ou sportifs, mais moins souvent l’apparition de nouveaux acteurs extrêmement offensifs : les grandes écoles et les universités, qui ont à faire valoir auprès des entreprises, dont elles ont souvent formé les dirigeants, des arguments extrêmement forts reposant sur l’idée qu’ils forment les cadres de demain.
Dans un contexte de raréfaction des sources de financement public, la « course » aux mécènes peut contribuer à instaurer des rapports de force qui peuvent ne pas toujours tourner à l’avantage des bénéficiaires.
En effet, la reconnaissance de la possibilité d’accorder des contreparties a pu constituer un « déclic » dans la démarche de nombreux mécènes. Beaucoup des interlocuteurs de la mission ont reconnu que l’offre de contreparties, notamment événementielles, était fondamentale pour emporter la décision d’un mécène.
En outre, des considérations sociologiques expliquent la confusion qui peut exister sur l’importance des contreparties susceptibles d’être accordées par le bénéficiaire d’un mécénat : comme l’a indiqué M. Olivier Tcherniak (31), président de l’ADMICAL, le fait que bien souvent les entreprises confient à leur direction de la communication la mise en œuvre de leur politique de mécénat contribue à une recherche de visibilité qui entretient la confusion avec le parrainage.
Il convient d’être extrêmement attentif à l’ampleur et à la nature de ces contreparties, non seulement par souci de respecter les règles juridiques et fiscales encadrant le mécénat, mais aussi dans le but de ne pas dévoyer les valeurs du mécénat.
Cette question s’est notamment posée avec l’apparition de demandes de « nommage » de la part des mécènes, en particulier au Louvre, ainsi que l’a rappelé la Cour des comptes (32) dans son dernier rapport sur les musées nationaux.
La délicate question des contreparties :
l’exemple du « nommage » des salles au musée du Louvre
Au début des années 2000 plusieurs opérations ont opposé le musée du Louvre et le ministère de la culture au sujet de ce qu’il était possible ou raisonnable de concéder aux mécènes.
Ainsi, la chaîne de télévision japonaise et la grande entreprise pétrolière française qui s’étaient engagées en 1999 à « mécéner » respectivement le réaménagement de la salle des États, qui abrite la Joconde, et la restauration de la Galerie d’Apollon, dédiée aux joyaux de la Couronne, espéraient toutes deux que leur nom fût donné auxdites salles. Alors que le Louvre était prêt à souscrire à ces conditions, le cabinet de la ministre de la culture s’y était fermement opposé, conduisant la ministre à recevoir le président de l’entreprise pétrolière pour lui signifier « qu’elle ne vendait pas le Louvre par appartements ».
Quelques mois plus tard, une nouvelle affaire du même type devait envenimer les relations entre le musée et son ministère de tutelle. En effet, le Louvre était entré en phase de négociations avancées avec un mécène réputé du monde des arts et de la culture pour financer la rénovation de la galerie de Melpomène qui débouche sur la Vénus de Milo. Le Louvre était d’accord pour que le corridor soit baptisé du prénom et du nom complet du mécène pour une durée de cinquante ans. Devant une première opposition du ministère de la culture, le musée avait proposé de réduire la durée du « nommage » à une période de trente années et d’accoler au nom complet du mécène celui de sa société afin que la dimension personnelle de l’hommage s’en trouvât atténuée. Le cabinet de la ministre rejeta catégoriquement cette nouvelle proposition et il fut « interdit » au président du musée de reprendre la négociation sur ces bases. Le mécène fut alors orienté vers d’autres opérations d’investissement susceptibles d’être aidées.
D’autres exemples ont été rapportés à la mission : les entreprises demandent l’organisation d’expositions sur mesure ou bien encore réclament l’exposition d’œuvres de leurs collections. On a même rapporté à la mission le cas du mécène d’un grand château français, commissaire-priseur, qui souhaitait faire réaliser les photos des objets qu’il vendait à l’intérieur même de l’édifice. Enfin, comme l’a indiqué M. Alain Seban (33), président du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, la compatibilité des exigences des mécènes et l’intégrité de la démarche muséale se pose avec une particulière acuité dans le domaine de l’art contemporain. Ce marché est en effet marqué par des enjeux financiers absolument considérables, qui exigent des précautions particulières.
Ces dérives sont contraires aux valeurs du mécénat, qui ne saurait être confondu avec l’évergétisme. L’acte de mécénat doit d’abord consister en un soutien désintéressé à une œuvre ou à une institution afin de permettre à celle-ci de financer les priorités qu’elle a établies.
2. Quelle réponse : autorégulation ou encadrement par l’agrément fiscal ?
Dans ce contexte, il est essentiel de réfléchir à des règles communes, destinées à réaffirmer les valeurs du mécénat. Ces règles communes doivent permettre d’éviter que le comportement de quelques-uns ne ternisse le sens de la démarche du plus grand nombre et ne fragilise la légitimité de l’édifice construit par la loi de 2003.
L’établissement d’une règle commune doit également permettre d’éviter un « dumping éthique», pour reprendre une expression de M. Alain Seban (34) et offrir aux bénéficiaires éventuels du mécénat un argument réglementaire et contraignant à opposer aux demandes excessives qui pourraient leur être adressées.
Quelle forme doivent prendre ces règles ?
La Cour des comptes, dans son rapport précité, propose de subordonner l’acceptation du mécénat, au-delà d’un certain seuil qui pourrait être fixé à un million d’euros, à un agrément délivré par l’administration fiscale. Cette solution présente l’avantage de faire intervenir un tiers neutre dans le tête-à-tête entre le mécène et son bénéficiaire, d’apporter des garanties de transparence sur les modalités selon lesquelles ce partenariat va se nouer et d’éviter des contentieux et des contestations ultérieures.
Pour autant, elle présente incontestablement l’inconvénient de la lourdeur : dans un environnement économique mouvant pour les entreprises mécènes, la longueur des délais d’instruction de la demande d’agrément peut avoir pour effet l’annulation de l’opération si le contexte ne s’y prête plus. En outre, elle peut avoir des conséquences particulièrement néfastes dans le domaine des acquisitions : ainsi, comme le rapportait M. Stéphane Martin (35), président du musée du Quai Branly, l’essentiel des transactions dans le secteur des arts premiers se déroule en vente publique depuis une dizaine d’années et non plus dans des galeries ou auprès de particuliers. Dès lors, il convient de pouvoir mobiliser très rapidement des mécènes si une opportunité d’achat se présente, ce qui paraît incompatible avec la délivrance d’un agrément.
Au demeurant, une telle procédure d’agrément n’apporte pas de solution aux questions éthiques évoquées plus haut pour les mécénats d’un montant inférieur au seuil d’un million d’euros.
L’autre solution consisterait en une autorégulation des bénéficiaires de mécénat. Le Louvre fait en l’espèce figure de pionnier, puisque son conseil d’administration a adopté, dès 2003, une Charte éthique du mécénat, du parrainage, des relations avec les entreprises, personnes ou fondations, puis une Charte éthique du musée pour ses relations avec les donateurs individuels.
Le musée du Quai Branly a également élaboré une charte éthique et le Centre des monuments nationaux conduit actuellement une réflexion sur ce sujet.
Cette pratique de réflexion et cet exercice de transparence doivent être encouragés. La Cour des comptes, dans son rapport précité, suggère d’ailleurs l’élaboration d’une charte éthique pour l’ensemble des musées nationaux.
L’exercice de rédaction d’une charte commune à tous les opérateurs susceptibles de recevoir du mécénat culturel est cependant extrêmement difficile : si l’ADMICAL s’y est essayée et si cette initiative doit être saluée, il n’en reste pas moins que le caractère relativement laconique de ses dispositions n’est pas pleinement satisfaisant. À l’inverse, une charte très détaillée pourra ne pas s’avérer adaptée à la situation de chacun.
En outre, la question de la portée juridique de telles chartes reste entière. Confier la surveillance du respect de leurs règles et la sanction de leur éventuelle méconnaissance à ceux-là mêmes qui recherchent des mécènes expose ces derniers à la tentation de s’acquitter de leur tâche de régulateur avec une sévérité contingente… Les vertus de l’autolimitation ont elles-mêmes… leurs limites.
3. La voie médiane : moduler l’incitation fiscale en fonction de l’existence de démarches éthiques sous forme de chartes agréées
La mission juge la démarche des chartes éthiques très utile et très prometteuse, dans la mesure où elle établit des règles transparentes, adaptées aux spécificités de chaque bénéficiaire, et si elle reçoit une validation extérieure.
Ø Elle propose donc d’inciter à la conclusion de telles chartes, par un bonus fiscal, qui pourrait porter le taux de réduction d’impôt de 66 % à 70 % pour les particuliers et de 60 % à 65 % pour les entreprises, dès lors que les libéralités sont consenties à des structures qui se sont dotées d’une charte éthique agréée par le ministère de la culture.
Ø Elle n’envisage pas pour l’instant d’établir un « malus » pour ceux qui n’en seraient pas dotés, afin de ne pas pénaliser les plus petites structures. Elle souhaite toutefois que le ministère conduise une réflexion sur l’élaboration d’une charte type, qui constituerait un socle minimal susceptible d’être enrichi au cas par cas et qui aurait vocation à être promue et diffusée par les directions régionales des affaires culturelles.
Le mécénat de compétences constitue un cas particulier de mécénat culturel, qui a récemment connu un regain d’intérêt à la faveur de la réalisation de grandes opérations emblématiques, comme celles de la restauration de la Galerie des Glaces à Versailles. Ces opérations de grande ampleur ne doivent pas occulter les nombreuses opérations conduites par les petites et moyennes entreprises : pour elles, et comme cela a été rappelé lors de la table ronde avec les partenaires du ministère de la culture, le mécénat de compétences « fait moins peur » que le mécénat en numéraire, vers lequel, dans un second temps, il peut toutefois mener.
Or, le mécénat de compétences n’échappe pas non plus au questionnement éthique que nous avons précédemment évoqué. Les chartes éthiques du musée du Louvre et du musée du Quai Branly indiquent par exemple que les musées « se réservent la possibilité de ne pas accepter le mécénat ou le parrainage d’une entreprise qui participe (ou a participé récemment) à une mise en concurrence préalable à la passation d’un marché public dans le respect de la législation applicable, que le sujet du parrainage ou du mécénat éventuel ait un lien direct ou non avec l’objet du marché ». Comme l’a indiqué à la mission M. Jean-Luc Soulé (36), président de Mécénat & Entreprise, une telle disposition s’avère particulièrement utile dans le domaine du mécénat de compétences, lorsqu’un mécène se voit attribuer, hors mise en concurrence, un lot spécifique dans le cadre d’une opération globale de restauration.
La Cour des comptes, dans le rapport précité, pointe également les dérives constatées par exemple à l’occasion de la restauration de l’escalier à double hélice du château de Chambord, qui a été directement effectuée et prise en charge par une entreprise qualifiée et connue dans le monde des monuments historiques : « L’entreprise a remis une déclaration de la valeur des travaux effectués par elle, qui a été reprise par l’établissement public sous forme de reçu fiscal afin que son mécène bénéficie de la réduction de 60 % de son impôt sur les sociétés. Il s’agit là de la procédure normale prescrite par les circulaires fiscales. Mais en l’espèce, la Cour s’est étonnée qu’en l’espace d’un an, le montant total des travaux nécessaires évalué par l’architecte en chef des monuments historiques compétent ait été multiplié par cinq (de 192 000 euros à 1 million d’euros) après les études effectuées par l’entreprise elle-même. »
Ø La mission se joint donc à la Cour des comptes pour demander de subordonner l’acceptation des mécénats de compétences au-delà d’un certain seuil à une évaluation contradictoire préalable de la valeur des apports et de soumettre la délivrance du reçu fiscal à la production d’un compte d’opération certifié.
B. EXPLORER LES PISTES DE DÉVELOPPEMENT DU MÉCÉNAT CULTUREL
Comme nous l’avons dit, la mission n’a pas souhaité s’engager dans la création d’un nouveau dispositif fiscal spécifique au mécénat culturel. Elle a privilégié l’option qui consistait, dans le cadre du dispositif actuel, à encourager certaines tendances qui lui ont paru prometteuses.
1. Favoriser le mécénat des particuliers
Nous l’avons vu, le mécénat des particuliers connaît une embellie tout à fait remarquable. Afin d’accompagner le renouveau du mécénat traditionnel des grands mécènes comme le développement du mécénat populaire, la mission formule une proposition qui vise à améliorer la reconnaissance susceptible d’être témoignée aux mécènes.
Ø La mission propose d’augmenter le plafond, actuellement fixé à 60 euros, des contreparties susceptibles d’être consenties aux particuliers.
Comme l’a fait observer M. Henri Loyrette, président-directeur général du musée du Louvre, lors de son audition (37), ce plafond permet à peine d’offrir le catalogue au mécène d’une exposition. Dans des éléments écrits transmis à la mission, M. Henri Loyrette précise que « ce plafond, placé extrêmement bas, rend très difficile de pratiquer une politique de remerciement proportionnelle à l’importance du don. Cette contrainte est probablement l’un des facteurs qui pourrait expliquer que le mécénat des donateurs individuels soit bien moins développé en France que dans d’autres pays (les USA, par exemple) ».
Une augmentation à 200 euros de ce plafond paraît raisonnable.
2. Impliquer les petites et moyennes entreprises
Les petites et moyennes entreprises constituent incontestablement un vivier de mécènes qui concentre d’importantes opportunités de développement, notamment pour les « petites » institutions culturelles : en effet, comme l’a indiqué à la mission M. Christophe Tardieu (38), directeur général adjoint de l’Opéra de Paris, hormis quelques grandes institutions culturelles « avant-gardistes » dans ce domaine, comme l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles et des Trianons, les grandes institutions culturelles délaissent le mécénat des petites et moyennes entreprises, arguant d’un rapport coût/bénéfice peu attractif. Les sommes susceptibles d’être collectées seraient trop peu importantes au regard de l’ampleur des projets à financer, alors même que le « démarchage » des PME serait particulièrement chronophage.
Pourtant, d’après les chiffres de l’enquête de l’ADMICAL, même si deux tiers des sommes consacrées au mécénat proviennent des grandes entreprises, on constate un foisonnement d’initiatives provenant des petites et moyennes entreprises, qui représentent 85 % des entreprises mécènes.
En outre, celles-ci orientent plus volontiers que les grandes entreprises leur mécénat vers le domaine sportif. Alors que la culture constitue le deuxième domaine d’intervention de prédilection du mécénat des grandes entreprises, il n’est que le troisième pour les petites entreprises. Il existe donc une marge de progression pour le mécénat culturel, marge de progression qui pourrait largement bénéficier aux institutions culturelles en région.
La mission propose plusieurs pistes afin de mieux exploiter le potentiel qui réside dans le développement du mécénat des PME.
Il convient tout d’abord de rappeler que la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations a modifié l’article 238 bis du code général des impôts, qui dispose désormais qu’« ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 60 % de leur montant les versements, pris dans la limite de 5 pour mille du chiffre d’affaires, effectués par les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés » au profit de différentes catégories d’organismes reconnus d’intérêt général. Le même article prévoit par ailleurs que, lorsque la limite de 5 pour mille est dépassée au cours d’un exercice, l’excédent de versement peut donner lieu à réduction d’impôt au titre des cinq exercices suivants.
En raison du plafond unique appliqué au montant annuel des versements, cette disposition s’avère nettement plus favorable aux grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires élevé qu’aux petites et moyennes entreprises : une petite entreprise de services réalisant un chiffre d’affaires d’un million d’euros ne pourra bénéficier de la réduction d’impôt de 60 % que dans la limite d’un versement de 5 000 euros. Ce plafond impose également des limites aux contreparties susceptibles d’être offertes à ces mécènes.
L’inadaptation de ce plafond au cas des petites et moyennes entreprises fait l’objet d’un constat absolument unanime.
Pour y remédier, plusieurs options sont possibles :
– la première consisterait à relever la limite des versements de 5 à 10 pour mille du chiffre d’affaires hors taxes pour les entreprises dont le chiffre d’affaires hors taxes est inférieur à 50 millions d’euros ;
– la deuxième consisterait à créer un régime de franchise, en permettant à l’ensemble des entreprises de contribuer au soutien d’œuvres d’intérêt général à hauteur de 10 000 euros par an, quel que soit leur chiffre d’affaires. Au-delà de ce montant, le plafond de 5 pour mille continuerait à s’appliquer, de même que l’étalement de la réduction d’impôt en cas de dépassement de ce plafond ;
– enfin, une dernière option a été proposée à la mission par Me Stéphane Couchoux et Me Colas Amblard (39), spécialistes du mécénat et des associations à but non lucratif : celle d’une modulation du plafond en fonction du chiffre d’affaires. Cette proposition repose sur le constat selon lequel, si le plafond actuel est insuffisant pour les petites entreprises, il n’est en pratique jamais atteint par les très grandes entreprises. Me Couchoux suggère donc que le plafond s’élève à 1,5 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 millions d’euros, 0,8 % pour celles dont le chiffre d’affaires est compris entre 2 et 50 millions d’euros et 0,4 % pour celles dont le chiffre d’affaires excède 50 millions d’euros.
Ø Sous réserve d’évaluation, la mission propose de retenir l’option d’un relèvement à 1 % du plafond pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros, qui a le mérite de la simplicité et de la lisibilité. Cette préconisation pourrait faire l’objet d’une proposition de loi.
Par ailleurs, la mission a souligné l’importance que revêt l’action menée au niveau territorial par les directions régionales des affaires culturelles et par les partenaires du ministère de la culture. Il apparaît toutefois que cette action pourrait être approfondie, notamment à travers des pôles régionaux de mécénat, comme celui du pôle Atlantique du mécénat en Loire-Atlantique. Ce pôle, à l’initiative duquel se trouve la chambre de commerce et d’industrie de Nantes Saint-Nazaire, regroupe la chambre de commerce et d’industrie, la direction régionale des affaires culturelle des Pays de la Loire, la Fondation de France, l’ordre des experts-comptables et bénéficie de l’expertise des services fiscaux. Il vise à fédérer les entreprises mécènes de la région et à être un lieu d’échanges sur ces pratiques. Il promeut le mécénat en conseillant et sensibilisant les entreprises et agit de manière concertée avec les structures existantes en matière de promotion du mécénat.
On peut également citer l’exemple du pôle mécénat Bretagne, qui associe la chambre de commerce et d’industrie de Rennes Bretagne, la direction régionale des affaires culturelles de Bretagne, l’ordre régional des experts-comptables, la chambre départementale des notaires, la Fondation de France et le comité de développement économique et social de l’agglomération de Rennes. Il conçoit et met en œuvre des actions de sensibilisation auprès des entreprises, des particuliers et des porteurs de projets culturels. Un site internet (http://www.bretagne-mecenat.fr/) propose également deux rubriques : « Projet recherche mécène » et « Mécène recherche projet », afin de faciliter la mise en relation des porteurs de projet et des mécènes potentiels. Ce dernier aspect semble particulièrement utile, car lors de la table ronde (40) avec l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et le Conseil supérieur du notariat, tous ont souligné la nécessité pour les petites et moyennes entreprises locales de pouvoir identifier facilement des projets « mécénables » labellisés et fiables.
En tout état de cause, il est essentiel que les directions régionales des affaires culturelles et leurs correspondants « mécénat » prennent une part active à ces pôles régionaux, notamment afin de sensibiliser les porteurs de projets à l’intérêt du mécénat et de leur offrir toutes les informations nécessaires afin de structurer leur démarche. Cela implique que ces correspondants puissent s’investir autant que nécessaire dans cette mission et que les équivalents temps plein nécessaires soient mis à disposition des directions régionales des affaires culturelles.
Ø La mission propose que le ministère de la culture et de la communication favorise l’émergence des pôles régionaux de mécénat à travers les conventions conclues avec ses partenaires et assure aux directions régionales des affaires culturelles les moyens nécessaires pour que les correspondants mécénat y jouent pleinement leur rôle.
Enfin, le développement du mécénat des petites et moyennes entreprises a vocation à reposer sur des structures collectives qui permettent aux versements des uns et des autres d’atteindre une certaine « masse critique ». Ces structures collectives peuvent être informelles, sous forme de clubs d’entreprises, soit plus formelles.
Certains exemples illustrent les résultats auxquels peuvent aboutir plusieurs petites et moyennes entreprises qui mettent leurs moyens en commun : c’est le cas de la Fondation Mécène et Loire, première fondation d’entreprise française constituée de plusieurs membres fondateurs et créée à l’initiative de la chambre de commerce et d’industrie de Maine-et-Loire. Elle a pour objectif de soutenir les actions d’intérêt général sur le territoire du Maine-et-Loire, dans les domaines de la culture, de la solidarité, du sport, du patrimoine, de la science et de l’environnement. Chaque année, environ 120 000 euros sont accordés à une vingtaine de candidats présentant leurs projets originaux et, tous les deux ans, une bourse de 45 000 euros accompagne un projet sélectionné sur un thème proposé par la fondation.
Comme nous l’avons dit, les fondations sont des structures relativement lourdes à mettre en place. En revanche, les fonds de dotation, du fait de la souplesse des procédures de création et de gestion, constituent un instrument très prometteur pour regrouper les initiatives des petites et moyennes entreprises. Ils présentent également un avantage, notamment par rapport aux fondations d’utilité publique, de nature à emporter l’adhésion des petites et moyennes entreprises et de leurs dirigeants : le fonds de dotation est en effet administré par un conseil d’administration dont la composition est libre, ce qui permet donc aux créateurs du fonds de le contrôler pleinement.
D’après les résultats de l’enquête précitée sur les fonds et fondations en France de 2001 à 2010, 493 fonds de dotation ont été créés en 2010 contre 162 en 2009, ce qui témoigne d’un engouement spectaculaire. D’après une étude menée durant l’été 2010 par la société d’avocats Aklea pour le compte de la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture et de la communication, sur les 357 fonds de dotation dont la création avait été annoncée dans le supplément au Journal officiel consacré aux associations au 31 juillet 2010, 91, soit 25 %, déclaraient agir dans les domaines de la culture, de l’art et de la conservation du patrimoine. 13 % seulement comptaient une ou plusieurs entreprises parmi leurs fondateurs : la marge de progression est donc importante.
Si les formalités de création et de gestion des fonds de dotation sont très souples, il n’en reste pas moins que ces derniers demeurent soumis à un contrôle a posteriori. Dans cette période de montée en puissance d’un dispositif novateur, un comité stratégique des fonds de dotation a été mis en place en 2008, à l’initiative du ministère de l’économie et des finances, afin d’accompagner leur développement. Composé d’un représentant du ministère, de trois magistrats et de sept personnalités qualifiées, il a dégagé, à l’issue de travaux menés durant dix-huit mois, un certain nombre de bonnes pratiques qui font l’objet de recommandations. Celles-ci constituent pour les créateurs de fonds des points de repère pour les guider dans la rédaction des statuts ; pour l’autorité administrative, chargée du contrôle a posteriori de l’activité des fonds, elles constituent un socle méthodologique et une aide lors de la délivrance des récépissés.
Ø La mission préconise donc que le ministère de la culture, en liaison avec ses partenaires, veille à sensibiliser les petites et moyennes entreprises sur les fonds de dotation et contribue à diffuser les règles des bonnes pratiques élaborées par le comité stratégique afin de sécuriser ce dispositif.
3. Encourager le mécénat étranger
Le mécénat étranger se développe, nous l’avons vu. Les grandes institutions culturelles sont familières des mécénats venus des États-Unis. Ainsi à Versailles, la Versailles Foundation et l’association American Friends of Versailles sont bien connues et, à l’Opéra de Paris, l’association American friends of Paris Opera and Ballet Association joue un rôle non négligeable. Les institutions culturelles commencent d’ailleurs à se tourner vers les mécènes chinois, ainsi que nous l’a indiqué M. Jean-Louis Beffa (41), président de l’Association pour le rayonnement de l’Opéra national de Paris.
L’attraction que peut exercer le rayonnement de la culture et du patrimoine français sur des mécènes étrangers doit être favorisée, y compris au niveau européen.
Des initiatives existent, comme celle du Transnational Giving Europe (TGE), qui couvre quinze pays européens et permet aux donateurs souhaitant verser des dons à une œuvre située dans un pays étranger de bénéficier des avantages fiscaux prévus par la législation de son pays de résidence. Le système repose sur le partenariat de grandes fondations, dont la Fondation de France. Un mécène potentiel désireux de financer un projet culturel en France peut se tourner vers TGE, qui l’oriente alors vers chacune de ses fondations partenaires.
Ø La mission estime toutefois qu’il convient de passer à une procédure plus harmonisée grâce à des structures plus intégrées, afin d’accroître le mécénat transnational. Elle demande au Gouvernement de soutenir le projet de création d’un statut de fondation européenne.
La nécessité de mettre en place un statut de fondation européenne découle en effet d’un double constat : d’une part, l’augmentation significative, au cours des dix dernières années, du nombre de fondations qui veulent développer des opérations et une coopération transnationales et, d’autre part, le nombre élevé de barrières législatives et fiscales qui augmentent les coûts de transaction des fondations et réduisent donc d’autant le montant total de leurs moyens disponibles pour mener leurs actions de bien public.
Les principaux obstacles à ces opérations résident dans l’absence de définition commune de l’intérêt général, qui interdit la reconnaissance d’un statut de fondation à toutes les entités poursuivant un intérêt public, les difficultés de reconnaissance de la personnalité morale d’une fondation dans un autre État, l’impossibilité de transférer le siège social dans un autre État et les différences de traitement fiscal, les organismes non résidents faisant l’objet d’une discrimination en la matière.
Après la publication en février 2009 d’une étude de faisabilité réalisée pour la Commission européenne (42), puis la réalisation d’une consultation publique dont les résultats ont été publiés en novembre de la même année, la Commission a intégré le projet de statut de fondation européenne parmi ses propositions de relance du Marché unique. Partie intégrante de l’objectif « Entreprenariat social », un cadre européen pour les fonds d’investissement social doit être élaboré avant fin 2011.
4. Renforcer les opérations de restauration de monuments historiques d’intérêt national majeur
Outre le dispositif de « droit commun » en faveur du mécénat, le mécénat culturel bénéficie plus spécifiquement de la réduction d’impôt en faveur des trésors nationaux et des œuvres d’intérêt majeur. Il s’agit d’un dispositif efficace, mais dont certains ont pu se demander, devant la mission, s’il ne devrait pas couvrir un plus large spectre.
Lors de son audition (43), M. Jean-Jacques Aillagon a insisté sur l’intérêt que revêtirait la mise en œuvre de la proposition qu’il avait formulée dans son rapport au Conseil économique, social et environnemental, Une nouvelle dynamique pour les politiques de conservation du patrimoine monumental, d’une extension de cette réduction particulièrement incitative aux opérations de restauration du patrimoine.
Conseil économique, social et environnemental, Une nouvelle dynamique pour les politiques de conservation du patrimoine monumental, 2008 (extrait)
Le Conseil économique, social et environnemental recommandait ainsi « que soit établie, tous les trois ans, une liste de cent "monuments historiques d’intérêt national majeur" qui, pendant cette période, pourraient faire bénéficier aux dons faits en leur faveur du taux de réduction d’impôt exceptionnel de 90 % déjà consenti aux entreprises pour les achats de "trésors nationaux" effectués en faveur de collections publiques. Ces dons, affectés exclusivement aux travaux, bénéficieraient directement aux propriétaires ou aux affectataires quand il s’agit de personnes publiques, ou indirectement, via des fondations ou associations agréées, quand il s’agit de personnes privées.
[Il soulignait] que le dispositif de protection des "trésors nationaux" institué par la "loi musée" du 4 janvier 2002 et par la "loi mécénat" du 1er août 2003, s’est révélé tout particulièrement efficace. Il aura permis à de nombreux chef-d’œuvre d’intégrer ou de réintégrer les collections publiques. La liste des monuments ainsi agréée serait ouverte aux monuments de l’État, à ceux qui appartiennent à des collectivités locales ainsi qu’à ceux appartenant à des personnes privées. La possibilité d’orienter un mécénat substantiel vers ces monuments permettrait à l’État, sans méconnaître ses obligations courantes à leur égard, de pouvoir redéployer plus souplement des moyens plus significatifs vers le tissu du patrimoine moins connu et moins spectaculaire ».
La mission fait sienne cette proposition novatrice, qui doit permettre d’orienter le mécénat vers un patrimoine dont l’état est préoccupant : d’après le rapport du Conseil économique, social et environnemental précité, « de nombreux monuments, selon des chiffres tout à fait officiels, sont en situation de "péril sanitaire" : 2 844 d’entre eux se trouvent dans une situation jugée préoccupante. Parmi ceux-ci, 9 % appartiennent à l’État, 53 % à des collectivités locales, 27 % à des propriétaires privés. 65 % des monuments en péril appartiennent à des communes de moins de 2 000 habitants ».
Une question demeure en suspens : le dispositif en faveur des trésors nationaux ne concerne que les entreprises. Un dispositif en faveur du patrimoine devrait-il également bénéficier aux particuliers ? Le Conseil économique, social et environnemental s’était ainsi interrogé en ces termes : « L’actuel dispositif "trésors nationaux " n’est ouvert qu’aux entreprises. De nombreux observateurs souhaiteraient qu’il puisse être ouvert aux particuliers, agissant individuellement ou se cotisant à travers des souscriptions. On comprend l’intérêt de cette perspective qui aurait cependant l’inconvénient de créer, si elle était établie au bénéfice du patrimoine, une distorsion au détriment des autres causes d’intérêt général, y compris les plus respectables comme l’alimentation et l’hébergement d’urgence qui prétendraient pourtant y accéder. La seule issue à ce dilemme serait de décréter, tous les ans, une cause d’intérêt national majeur (le patrimoine, les acquisitions, la recherche contre le cancer, l’alimentation d’urgence...). C’est cette cause seule qui ferait, pendant cette année-là, bénéficier les particuliers d’un taux amplifié de réduction d’impôt (90 %). On peut cependant craindre que ce choix devienne une source de discussions sans fin, opposant de façon inutilement vive les défenseurs des différentes actions d’intérêt général. Dans l’attente d’une réflexion plus ample à ce sujet, notre assemblée préconise, s’agissant des dons faits par les particuliers, le statu quo. »
La mission considère toutefois que l’intérêt d’un tel dispositif serait de « maximiser » les effets de l’intérêt du public pour la préservation du patrimoine, qui se manifeste, comme nous l’avons vu, à l’occasion des souscriptions publiques lancées à travers la fondation du patrimoine.
Ø La mission préconise donc d’étendre la réduction d’impôt, applicable aux sommes versées par les entreprises pour l’acquisition de trésors nationaux et d’œuvres d’intérêt majeur, aux sommes versées par les entreprises et les particuliers pour les travaux sur les monuments historiques d’intérêt national majeur.
5. Soutenir le spectacle vivant
Comme on l’a vu, les institutions du spectacle vivant, en particulier dans le domaine de la création contemporaine, peinent à trouver des mécènes. Il s’agit en effet d’une création mal connue qui peut susciter la perplexité d’éventuels mécènes. De leur côté, les artistes redoutent parfois une immixtion du mécène qui menacerait leur liberté de création. Ces appréhensions de part et d’autre pourraient être surmontées si le mécénat transitait par un intermédiaire dédié au spectacle vivant.
Ø La mission préconise donc la création d’une fondation destinée à soutenir le spectacle vivant, sur le modèle de la Fondation du patrimoine, à laquelle pourraient être affectées les successions en déshérence qui ne sont pas affectées à cette dernière (44).
C. MIEUX CONNAÎTRE ET FAIRE CONNAÎTRE LE MÉCÉNAT CULTUREL
1. Améliorer la connaissance du mécénat culturel
Comme cela a été dit plus haut, l’évaluation de la dépense fiscale consacrée au soutien du mécénat culturel est largement perfectible. Cet exercice de transparence est absolument nécessaire pour affiner l’évaluation des dispositifs existants et réaffirmer leur légitimité.
Mais, plus largement, le ministère de la culture devrait conduire des travaux de chiffrage et d’analyse des montants consacrés au mécénat culturel, dont la connaissance de la dépense fiscale ne donnera qu’une idée partielle : en effet, tous les donateurs ne font pas usage du mécanisme de réduction fiscale prévue par la loi et tous ne sont d’ailleurs pas nécessairement imposables.
Les chiffres de l’ADMICAL sont éclairants et utiles, mais reposent pour une très large part sur une enquête quantitative, qui n’est pas exempte de certains biais : elle repose sur un système déclaratif qui, dans un contexte de difficulté pour les entreprises à assumer leur engagement au service de la culture mais aussi de développement du mécénat croisé, conduit probablement à minorer la part du mécénat culturel. Elle ne concerne que les entreprises de plus de 20 salariés, à l’exception des petites et moyennes entreprises, des très petites entreprises et des particuliers.
Une enquête quantitative de plus grande ampleur et une enquête qualitative permettraient d’objectiver certaines tendances et d’affiner le pilotage de la politique de soutien au mécénat culturel.
Ø La mission demande donc que des travaux d’évaluation de la dépense fiscale consacrée au mécénat culturel soient mis en œuvre et que soient menées des enquêtes quantitative et qualitative afin d’améliorer la connaissance du mécénat, encore incomplète.
2. Mieux valoriser le mécénat culturel
Si les grandes entreprises se sont approprié les dispositions issues de la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, l’ensemble des personnes auditionnées par la mission reconnaît que celles-ci demeurent encore très largement méconnues du grand public et des petites et moyennes entreprises.
Elles sont également peu connues des acteurs du secteur culturel, à l’exception des grandes institutions. Or, leur maîtrise du dispositif est essentielle pour sécuriser la démarche d’un mécène potentiel, puisque ce sont ces acteurs qui délivrent l’attestation fiscale subordonnant le bénéfice des avantages fiscaux précités : si leur appréciation sur l’éligibilité des dons qu’ils reçoivent au bénéfice de la loi de 2003 est erronée, ils encourent une amende fiscale et le mécène une requalification des paiements effectués.
Nous l’avons vu, le rôle des directions régionales des affaires culturelles et des réseaux partenaires du ministère est de ce point de vue essentiel.
Mais il convient également de mener des actions de sensibilisation « grand public » : il ne s’agit pas là de réaliser un exposé plus ou moins fastidieux des règles encadrant les opérations de mécénat, mais de valoriser ce dernier afin d’éveiller l’intérêt de mécènes potentiels pour une telle démarche.
Le rôle de la télévision est, à cet égard, tout à fait stratégique.
La citation des mécènes à la télévision obéit non à des règles spécifiques, mais à celles qui découlent du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de téléachat. Les chaînes doivent en particulier veiller à ce que la citation des mécènes ne puisse être assimilée à une publicité clandestine.
Dans un courrier du 7 avril 2004, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, répondant à une interpellation du président de l’ADMICAL, qui s’était ému de la réticence des chaînes à faire état du nom des mécènes dans leurs émissions, a confirmé « qu’une référence au mécénat d’entreprise par voie télévisuelle ne doit pas être regardée comme relevant de la publicité clandestine. […] Il y a publicité clandestine lorsque la présentation ou l’évocation d’un produit, d’un service, d’une entreprise ou d’une marque dans une émission à pour objet, non pas d’informer, mais de promouvoir. En revanche, le Conseil supérieur de l’audiovisuel estime que l’évocation, dans une émission ou un reportage, du soutien qu’a pu apporter une entreprise à une opération dans des domaines tels que la culture, la recherche ou l’environnement est légitime. Partant, il accepte la mention dans un programme d’une activité de mécénat ou du nom d’une entreprise mécène. Il importe naturellement qu’à travers cette mention, l’émission ne contribue pas à promouvoir indûment l’entreprise concernée. Aussi, pour prévenir toute dérive publicitaire, les références aux entreprises mécènes doivent répondre à une logique informative et être centrées sur l’activité de mécénat qu’elles mènent. Ces références au sein des émissions peuvent être complétées par une mention ponctuelle et discrète, dans les génériques desdites émissions au titre des remerciements ».
Rien ne s’oppose donc en droit à une meilleure valorisation des mécènes, ceux-ci la jugeant parfois insuffisante ; ainsi, M. Jean-Paul Claverie, conseiller du président et responsable du mécénat chez LVMH, s’est ému devant la mission (45) du fait que les compétitions sportives comme les grandes courses nautiques offrent davantage de visibilité aux entreprises dont le nom figure sur les bateaux que l’organisation d’un grand événement culturel.
Il semble que les obstacles soient plutôt à rechercher du côté des journalistes qui se montrent réticents, lorsqu’ils rendent compte de ces grands événements, à en citer les mécènes. S’il faut se féliciter de la vigilance avec laquelle ils s’efforcent de respecter l’éthique journalistique, on peut toutefois regretter que la citation d’un mécène soit systématiquement confondue avec une opération de promotion.
Ø La mission estime que le ministère de la culture devrait prendre l’initiative d’une demande de clarification des règles applicables au mécénat, qui devraient revêtir un aspect plus formel et plus transparent que celui d’un simple courrier datant de plus de sept ans.
Ø À l’occasion de la clarification de ces règles, pourrait être organisée une manifestation récompensant des opérations exemplaires de mécénat culturel, par exemple sous forme de nuit du mécénat, diffusée sur une chaîne du service public.
Un tel événement, pour lequel M. Frédéric Mitterrand (46), ministre de la culture et de la communication, a dit son vif intérêt, constituerait un témoignage de reconnaissance à de petits mécènes qui ne constituent pas le vivier dans lequel sont puisés les membres du Cercle des mécènes du ministère et contribuerait à mieux faire connaître le mécénat auprès du grand public.
LES TREIZE RECOMMANDATIONS DE LA MISSION
Ø Inciter à la conclusion de chartes éthiques du mécénat par l’octroi d’un bonus fiscal en faveur des mécènes, dès lors que les libéralités sont consenties à des structures qui se sont dotées d’une charte agréée par le ministère de la culture.
Ø Conduire une réflexion sur l’élaboration d’une charte type, qui constituerait un socle minimal susceptible d’être enrichi au cas par cas, et qui aurait vocation à être distribuée par les directions régionales des affaires culturelles.
Ø Subordonner l’acceptation des mécénats de compétences, au-delà d’un certain seuil, à une évaluation contradictoire préalable de la valeur des apports et soumettre la délivrance du reçu fiscal à la production d’un compte d’opération certifié.
Ø Augmenter le plafond des contreparties susceptibles d’être consenties aux particuliers.
Ø Relever de 0,5 % à 1 % du chiffre d’affaires le plafond des versements ouvrant droit aux réductions d’impôt pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros.
Ø Favoriser l’émergence des pôles régionaux de mécénat et assurer aux directions régionales des affaires culturelles les moyens nécessaires pour que les correspondants « mécénat » y jouent pleinement leur rôle.
Ø Sensibiliser les petites et moyennes entreprises sur les fonds de dotation et contribuer à diffuser les règles de bonnes pratiques élaborées par le comité stratégique afin de sécuriser ce dispositif.
Ø Soutenir le projet de création d’un statut de fondation européenne.
Ø Étendre la réduction d’impôt, applicable aux sommes versées par les entreprises pour l’acquisition de trésors nationaux et d’œuvres d’intérêt majeur, aux sommes versées par les entreprises et les particuliers pour financer des travaux sur les monuments historiques d’intérêt national majeur.
Ø Renforcer le soutien au spectacle vivant par la création d’une fondation, sur le modèle de la Fondation du patrimoine, à laquelle pourraient être versées les successions en déshérence qui ne sont pas affectées à cette dernière.
Ø Réaliser des travaux d’évaluation de la dépense fiscale consacrée au mécénat culturel et mener des enquêtes quantitative et qualitative afin d’améliorer la connaissance du mécénat.
Ø Formaliser les règles applicables à la mention des mécènes lors des émissions de télévision.
Ø Organiser une manifestation récompensant des opérations exemplaires de mécénat culturel, par exemple sous forme de nuit du mécénat, diffusée sur une chaîne du service public audiovisuel.
La commission des affaires culturelles et de l’éducation, s’est réunie le mercredi 15 février 2012, sous la présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente, pour examiner le rapport d’information de M. Michel Herbillon, président-rapporteur.
Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous sommes réunis pour examiner le rapport de la mission d’information sur les nouvelles formes du mécénat culturel.
Je salue son président-rapporteur, Michel Herbillon, que je remercie d’avoir mené à bien ce travail très important pour ouvrir les voies de la relance du mécénat culturel dans un environnement économique et financier difficile.
Je crois savoir que le rapport dont nous allons, je l’espère, autoriser la publication a été adopté la semaine dernière par la mission d’information, ce dont je me félicite.
Avant de laisser la parole à notre rapporteur, j’indique que nous avons souhaité avec M. Herbillon accompagner cette présentation du rapport d’information d’un échange avec plusieurs personnalités entendues pendant les auditions.
J’ai ainsi le plaisir d’accueillir M. Jean-François Hebert, président du château de Fontainebleau ; Mme Bénédicte Menanteau, déléguée générale de l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL) ; M. Frédéric Néraud, directeur général de la Fondation du patrimoine et M. Benjamin Mermet, directeur du financement des projets publics ; M. Alain Seban, président du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou et M. Christophe Tardieu, directeur général adjoint de l’Opéra national de Paris.
Je vous souhaite la bienvenue et nous vous écouterons avec intérêt réagir à la présentation du rapport.
M. Michel Herbillon, rapporteur. Après plusieurs mois de travaux, notre mission d’information sur les nouvelles voies du mécénat culturel présente aujourd’hui ses conclusions, adoptées à l’unanimité de ses membres, ce qui traduit l’esprit constructif qui a présidé à nos relations. Je remercie mes excellents collègues de leur contribution et de l’accueil bienveillant qu’ils ont bien voulu accorder aux propositions que je leur ai soumises. Je salue également la présence de nos éminents invités, qui ont nourri nos travaux de leur expérience, de leur témoignage et de leurs suggestions, et rappelle que nous avons auditionné soixante-six personnalités impliquées dans le domaine culturel et le mécénat.
Notre Commission des affaires culturelles et de l’éducation a décidé de créer cette mission il y a plusieurs mois, car nous avions alors été frappés par des informations apparemment contradictoires.
D’un côté, l’enquête de l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL) – association qui a tant œuvré pour la promotion du mécénat –, faisant état d’une chute spectaculaire du mécénat culturel en 2010, avait suscité une forte émotion chez tous ceux qui savent l’importance pour la création et la diffusion culturelles du soutien des mécènes.
D’un autre côté, nous étions frappés par le succès d’opérations emblématiques, comme la restauration de la Galerie des Glaces à Versailles ou la souscription publique lancée pour l’acquisition au profit du musée du Louvre des Trois Grâces de Lucas Cranach, succès qui témoignaient du fait que l’intérêt des mécènes pour la culture ne se démentait pas.
C’est pourquoi la commission nous a confié, à mes collègues et à moi-même, la responsabilité d’un rapport qui dresserait un panorama du mécénat et nous éclairerait sur les modalités du soutien que la puissance publique lui accorde aujourd’hui ou pourrait opportunément lui accorder demain.
Notre rapport comporte trois parties : la première est consacrée à un état des lieux du mécénat culturel dans notre pays, la deuxième se penche sur la question de son éventuel déclin et la troisième comporte un certain nombre de propositions destinées à consolider le mécénat en France, qui reçoit d’ores et déjà un soutien public que chacun s’accorde à considérer comme exemplaire.
En guise d’introduction j’aimerais citer M. Michel Serres, selon lequel « malgré son nom glorieux, la puissance qu’on lui prête et son geste théâtral, la création ne peut pas survivre par soi-même. Elle meurt sans mécène et ne vit que de lui ».
En France, le mécénat a d’abord une définition fiscale : il s’agit du « soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un caractère d’intérêt général ». Cette définition repose donc sur trois piliers : don, absence de contreparties directes, intérêt général. Le mécénat se distingue donc du « parrainage » ou « sponsoring », qui consistent en « un soutien matériel apporté à une manifestation, une personne, à un produit ou à une organisation en vue d’en retirer un bénéfice direct ».
J’insiste sur la définition fiscale du mécénat, car elle me permet immédiatement de souligner que, contrairement à une idée reçue assez largement répandue, notre dispositif public de soutien au mécénat est tout à fait exemplaire et exceptionnel : en effet, depuis la loi du 1er août 2003, que nous appelons « loi Aillagon » tant par commodité que pour rendre hommage à son promoteur, le mécénat culturel bénéficie, au même titre d’ailleurs que les mécénats sportif, social ou environnemental, non d’une simple déduction des sommes versées de la base imposable, mais d’une réduction des sommes versées du montant de l’impôt dû. Cette réduction s’élève, pour les entreprises, à 60 % du montant du don, dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires hors taxes et, pour les particuliers, à 66 % des sommes versées, retenues dans la limite annuelle de 20 % du revenu imposable. Petit à petit, la possibilité d’accorder aux donateurs des contreparties, à condition qu’elles présentent une disproportion marquée avec la valeur du don, a été admise.
À ce dispositif de « droit commun » s’ajoutent des mécanismes spécifiques dont vous trouverez le détail dans le rapport, le plus remarquable de ces mécanismes étant la « super réduction » d’impôt de 90 % des sommes versées par une entreprise pour l’achat d’un trésor national ou d’une œuvre d’intérêt majeur.
Ces dispositions fiscales bénéficient au mécénat sous toutes ses formes : en effet, on pense immédiatement au mécénat en numéraire, mais on oublie que se développent d’autres formes de mécénat plus méconnues, à l’instar du mécénat en nature, sous forme de mise à disposition de locaux, de matériels ou de machines, ou du mécénat « de compétences », qui consiste, pour une entreprise, à mettre son savoir-faire à la disposition de son partenaire, soit pour une prestation de service, dans le cas d’un projet déterminé, soit pour une mise à disposition de ses salariés. La restauration par Eiffage des colonnes de Daneil Buren au Palais-Royal à Paris en constitue un bon exemple et le rapport en fournit d’autres. Ce mécénat de compétences est également une forme privilégiée par les petites entreprises, dont la trésorerie peut ne pas leur permettre d’effectuer un mécénat en numéraire. Il s’agit alors d’un premier pas qui peut les conduire à développer d’autres formes de mécénat.
Qui sont les mécènes ? Ce sont bien sûr, d’abord, des entreprises. D’après l’ADMICAL, 27 % des entreprises de plus de 20 salariés sont des mécènes. Ce sont plutôt de grandes entreprises, puisque 43 % des entreprises de plus de 200 salariés sont mécènes, contre 26 % des entreprises de 20 à 99 salariés. C’est encore plus vrai dans le domaine du mécénat culturel : 37 % des entreprises mécènes interviennent dans le champ culturel, mais cette proportion atteint 50 % lorsqu’on considère les entreprises de plus de 200 salariés. Il existe donc une marge de progression intéressante pour le mécénat culturel parmi les petites entreprises, nous y reviendrons.
L’entreprise désireuse de soutenir un projet culturel peut le faire en « régie directe », c’est-à-dire sans l’intermédiation d’un tiers, telle une fondation ou une association. On note à cet égard un recours accru à ces structures d’intermédiation : en neuf ans, le nombre de fondations a augmenté de 104 %, et le nombre de fondations d’entreprise, qui représentait 6 % des fondations en 2001, en représentait 15 % en 2010. Cela traduit une évolution du mécénat d’entreprise, que nous avons résumée dans le rapport par la formule : « C’est la fin de la danseuse du président. » L’époque où un chef d’entreprise « se toquait » d’un projet qui devenait une aventure personnelle est révolue : soumise à l’accord du conseil d’administration et à l’approbation du personnel, la démarche de mécénat participe d’une stratégie d’image, de fidélisation des salariés, de construction d’une identité, d’intégration dans l’environnement local, ce qui explique qu’elle soit de plus en plus formalisée.
Les fondations drainent également un important mécénat des particuliers, qui connaît un regain remarquable dont témoigne le succès des souscriptions lancées par la Fondation du patrimoine. Ce renouveau du mécénat populaire s’est également manifesté à l’occasion des opérations lancées par le château de Versailles, « Adoptez un arbre », à la suite de la dévastation du paysage arboré lors de la tempête de 1999, « Adoptez un banc » ou « Adoptez une statue ». Il manifeste un attachement fort à ce qui constitue à la fois une valeur refuge, c’est-à-dire le patrimoine, et une singularité française, c’est-à-dire son exception culturelle.
Du côté des bénéficiaires, trois traits marquants méritent d’être soulignés : les grandes institutions parisiennes « tirent leur épingle du jeu » plus facilement que les plus petites institutions, a fortiori lorsque celles-ci se situent en région. Si le musée du Louvre a reçu 26 millions d’euros en 2009 au titre du mécénat, les musées nationaux des Alpes-Maritimes reçoivent entre 60 et 80 000 euros par an. En outre, on prétend souvent que le spectacle vivant est le parent pauvre du mécénat culturel. Ce n’est pas tout à fait exact. Les difficultés concernent en réalité la création contemporaine, et le théâtre de l’Odéon ou le théâtre de Chaillot ont plus de mal à séduire que la Comédie française. En tout état de cause, dans un contexte budgétaire difficile, le mécénat présente un aspect crucial pour les institutions culturelles. Dans une course aux mécènes de plus en plus concurrentielle, la recherche de fonds se professionnalise et mobilise des équipes spécifiques, chargées d’établir une stratégie mais aussi de réfléchir, en lien avec le projet culturel et les priorités patrimoniales et de conservation, à des projets « clés en main » propres à séduire des mécènes potentiels.
J’en viens maintenant à une question qui était à l’origine de la création de notre mission : le mécénat culturel est-il en baisse ?
L’enquête de l’ADMICAL montre que la culture est désormais supplantée par le sport et passe du statut de deuxième à celui de troisième champ d’intervention privilégié des mécènes. La culture et le patrimoine mobiliseraient 380 millions d’euros, mais ce budget serait en forte baisse par rapport à 2008, où le mécénat dédié à la culture était estimé à 975 millions d’euros.
Malheureusement, il n’existe pas de recensement précis de la dépense fiscale associée au mécénat culturel ni d’évaluation officielle et complète de ce mécénat. Les chiffres dont nous disposons ne sont que ceux des opérateurs du ministère de la culture à l’exclusion de ceux des autres opérateurs culturels. Si ces chiffres indiquent une baisse du mécénat culturel, cette baisse n’est pas d’aussi grande ampleur que celle dont fait état l’enquête de l’ADMICAL.
Nous avons le sentiment qu’il convient sans doute de relativiser l’ampleur de cette désaffection. Le mécénat culturel souffre, comme les autres formes du mécénat, des effets de la crise économique que nous traversons.
En outre, il ressort de toutes les auditions que le mécénat culturel devient plus difficile à « assumer » pour les entreprises, dans un contexte de crise : la culture est perçue comme un luxe, auquel il serait presque indécent de se consacrer, d’où le développement relativement plus important du mécénat social ou environnemental.
Ce malaise peut, peut-être en partie, expliquer les résultats de l’enquête ADMICAL. Ces résultats reposent, en effet, sur une base déclarative. Les 749 entreprises sollicitées dans le cadre de l’enquête quantitative ont pu classer leurs opérations dans d’autres domaines que celui du mécénat culturel, notamment dans le domaine du mécénat social. Ce biais méthodologique traduit également une évolution importante du mécénat avec l’émergence d’un mécénat « croisé », qui associe à un mécénat culturel « traditionnel » en faveur du patrimoine ou de la création des actions de démocratisation culturelle destinées notamment à faciliter l’accès à la culture des publics qui en sont éloignés.
Cette impression est confortée par les chiffres de l’ADMICAL, qui montrent que 22 % des entreprises ont apporté leurs concours à la fois dans les domaines du sport et de la culture et 15 % dans les domaines de la culture et du social.
On peut regretter cette évolution au motif qu’il ne s’agirait plus de mécénat culturel « pur ». Ce n’est pas le cas de la mission, qui estime que la démocratisation de l’accès à la culture est un objectif à part entière et pleinement légitime de la politique culturelle.
On peut également relativiser la baisse du mécénat culturel au regard des sommes collectées par les grandes institutions : ainsi, en 2009, dans un contexte de baisse générale des sommes collectées au titre du mécénat par les opérateurs du ministère de la culture, certains grands musées ont enregistré une hausse de leur collecte, comme par exemple le musée du Louvre ou le musée d’Orsay.
Enfin, l’enquête d’ADMICAL ne retrace pas le mécénat des particuliers et le mécénat étranger, qui se développent.
J’en viens maintenant aux préconisations de notre mission : il ressort de nos auditions que notre système d’incitation fiscale fait l’objet d’une appréciation unanimement positive. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Les propositions de notre rapport visent donc à consolider ce dispositif, sans faire le « grand soir » du mécénat culturel.
Comment renforcer notre exemplarité et maintenir notre avance ? Nous avons identifié trois axes :
Le premier objectif est de mieux connaître et faire connaître le mécénat culturel.
Nous estimons que des travaux d’évaluation tant du mécénat culturel que de la dépense fiscale qui y est attachée doivent être conduits par le ministère de la culture et le ministère chargé du budget. Ils permettraient d’« objectiver » certaines tendances et d’affiner le pilotage de la politique de soutien au mécénat culturel.
En outre, il faut mieux faire connaître et valoriser le mécénat et les mécènes. Le ministère s’y essaie, avec son cercle des mécènes, mais nous avons pensé à une opération d’information et de pédagogie à l’égard de nos concitoyens qui pourrait prendre une forme plus large. Pourquoi ne pas imaginer une « nuit des mécènes » diffusée sur une chaîne du service public ?
Le deuxième objectif que nous avons identifié est celui d’une réaffirmation des valeurs du mécénat.
Dans un contexte de raréfaction des sources de financement public, la « course » aux mécènes peut contribuer à instaurer des rapports de force qui peuvent ne pas toujours tourner à l’avantage des bénéficiaires.
En effet, la reconnaissance de la possibilité d’accorder des contreparties a pu constituer un « déclic » dans la démarche de nombreux mécènes. Il convient d’être extrêmement attentif à l’ampleur et à la nature de ces contreparties, non seulement par souci de respecter les règles juridiques et fiscales encadrant le mécénat, mais aussi dans le but de ne pas dévoyer ses valeurs. Cette question s’est notamment posée avec l’apparition de demandes de « nommage » de la part des mécènes, en particulier au Louvre, mais d’autres exemples ont été rapportés à la mission. Ces dérives sont contraires aux valeurs du mécénat, lequel doit d’abord consister en un soutien désintéressé à une œuvre ou à une institution afin de permettre à celle-ci de financer les priorités qu’elle a elle-même établies.
L’élaboration de chartes éthiques, pour laquelle le musée du Louvre, le musée du Quai Branly et l’ADMICAL font figure de pionniers, nous a paru très prometteuse. Nous proposons donc d’inciter à la conclusion de telles chartes par un bonus fiscal, qui pourrait être accordé dès lors que les libéralités sont consenties à des structures qui se sont dotées d’une charte éthique agréée par le ministère de la culture. Nous n’envisageons pas pour l’instant d’établir un « malus » pour ceux qui n’en seraient pas dotés, afin de ne pas pénaliser les plus petites structures. Nous souhaitons toutefois que le ministère de la culture conduise une réflexion sur l’élaboration d’une charte type, qui constituerait un socle minimal susceptible d’être enrichi au cas par cas et qui aurait vocation à être promue et diffusée par les directions régionales des affaires culturelles.
Nous proposons également de mieux encadrer le mécénat de compétences, reprenant en cela des préconisations de la Cour des comptes.
Enfin, le troisième groupe de propositions a pour but d’explorer les pistes de développement du mécénat culturel.
De façon non exhaustive, je vous présenterai rapidement quatre propositions.
Nous proposons tout d’abord d’accompagner l’embellie du mécénat des particuliers : afin d’améliorer la reconnaissance susceptible de leur être témoignée, nous suggérons d’augmenter le plafond des contreparties qui peuvent leur être offertes, de 60 à 200 euros.
Ensuite, les petites et moyennes entreprises constituent un important vivier de mécènes : nous proposons donc d’améliorer et de renforcer les structures d’accompagnement mises en place par le ministère, en partenariat avec les chambres de commerce et d’industrie, l’ordre des experts-comptables et les chambres des notaires, pour mieux informer les PME et également les aider à structurer leur démarche.
En outre, ouvrent droit à une réduction d’impôt de 60 % les versements effectués par les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires. En raison du plafond unique appliqué au montant annuel des versements, cette disposition s’avère nettement plus favorable aux grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires élevé qu’aux petites et moyennes entreprises : une petite entreprise de services réalisant un chiffre d’affaires d’un million d’euros ne pourra bénéficier de la réduction d’impôt de 60 % que dans la limite d’un versement de 5 000 euros. Ce plafond impose également des limites aux contreparties susceptibles d’être offertes à ces mécènes.
L’inadaptation de ce plafond au cas des PME fait l’objet d’un constat absolument unanime. La mission propose de retenir l’option d’un relèvement à 1 % du plafond pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros, ce qui a le mérite de la simplicité et de la lisibilité. Cette préconisation pourrait faire l’objet d’une proposition de loi.
Notre dernière proposition vise à étendre la réduction d’impôt en faveur des trésors nationaux et des œuvres d’intérêt majeur. Lors de son audition, M. Jean-Jacques Aillagon a insisté sur l’intérêt que revêtirait la mise en œuvre de la proposition qu’il avait formulée dans son rapport au Conseil économique, social et environnemental, Une nouvelle dynamique pour les politiques de conservation du patrimoine monumental, d’une extension de cette réduction particulièrement incitative aux opérations de restauration du patrimoine. La mission fait sienne cette proposition novatrice, qui doit permettre d’orienter le mécénat vers un patrimoine dont l’état est préoccupant. Ce dispositif devrait, contrairement à celui en faveur des trésors nationaux, concerner également les particuliers.
Pour conclure cette rapide présentation, je souhaite rendre hommage aux nombreux mécènes qui manifestent, y compris dans la période difficile que nous traversons, leur attachement à l’exception culturelle française. Je forme le vœu que notre contribution permette à toutes leurs initiatives de continuer à prospérer.
Mme Monique Boulestin. En tant que membre de la mission d’information, je tiens à saluer la qualité du rapport qui nous a été présenté et remercier les diverses personnalités que nous avons auditionnées.
Nous connaissons et saluons les efforts consentis par les entreprises dans le domaine du mécénat culturel, de même que par les fondations, dont la Fondation du patrimoine. Par ailleurs, comme l’a souligné le rapporteur, le rôle du mécénat populaire n’est plus à démontrer, tant pour l’achat d’œuvres d’art que pour la rénovation de bâtiments. Le mécénat culturel joue donc un rôle de soutien essentiel pour les grands équipements culturels, de même que pour le petit patrimoine vernaculaire régional qui risquerait, sans le mécénat et faute de moyens, de disparaître. Le rapport qui nous a été présenté ne met pas en cause ces acquis, puisqu’il vise à renforcer le mécénat afin d’ouvrir notre patrimoine culturel au plus grand nombre.
Le groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC) émettra néanmoins des réserves sur deux points, en raison du contexte budgétaire difficile que nous connaissons. En premier lieu, nous craignons un désengagement de l’État, notamment des directions régionales des affaires culturelles, dont le rôle ne paraît pas suffisamment affirmé par le rapport. Elles devraient évoluer pour réguler les pratiques de mécénat. En second lieu, nous sommes réservés à l’égard des préconisations émises en matière de fiscalité, qui, compte tenu de la crise économique actuelle, ne semblent pas opportunes. Pour autant, le groupe SRC ne s’opposera pas à la publication du rapport.
M. le rapporteur. Je remercie Mme Boulestin pour son intervention ainsi que pour sa participation aux travaux de la mission d’information. Je partage son analyse concernant l’importance du mécénat populaire ; nous sommes également tous d’accord sur la nécessité d’une démocratisation de l’accès à notre patrimoine culturel, qui doit être ouvert au plus grand nombre.
Je tiens à rassurer Mme Boulestin : le rapport ne s’inscrit nullement dans un appel à un désengagement de l’État. Le mécénat culturel ne doit évidemment pas se substituer à l’action déterminante de l’État, auquel il revient de conduire la politique culturelle. Il en constitue un complément, dans un contexte marqué à la fois par la rareté de la ressource publique et la progression du nombre d’établissements culturels.
J’entends bien les réserves émises à l’égard des préconisations portant sur la fiscalité du mécénat, mais nous pouvons espérer que la crise économique et financière actuelle ne sera pas éternelle. En outre, cette crise ne doit pas nous conduire à réduire nos prétentions, car l’on sait bien que, dans une telle période, la culture constitue un élément essentiel pour fédérer les énergies de nos concitoyens – j’en veux pour preuve la progression aujourd’hui très importante de la fréquentation du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou.
Enfin, je partage tout à fait l’opinion de Mme Boulestin concernant le rôle majeur que doivent jouer les directions régionales des affaires culturelles en matière de régulation des pratiques de mécénat. Le rapport propose d’ailleurs que ce rôle soit renforcé notamment à travers des pôles du mécénat. Permettez-moi de citer un extrait de la page 43 du rapport : « La mission a souligné l’importance que revêt l’action menée au niveau territorial par les directions régionales des affaires culturelles et par les partenaires du ministère de la culture. Il apparaît toutefois que cette action pourrait être approfondie, notamment à travers des pôles régionaux de mécénat, comme celui du pôle Atlantique du mécénat en Loire-Atlantique. »
Mme la présidente Michèle Tabarot. Merci, monsieur le rapporteur. Nous en venons au vote sur l’autorisation de publication du rapport.
La commission a autorisé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.
Mme la présidente Michèle Tabarot. Je vous propose maintenant d’échanger avec les personnalités invitées par notre commission.
M. Alain Seban, président du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou. Je me réjouis de l’autorisation de publication du rapport de la mission d’information, car ce document de référence permet de rassembler et synthétiser une somme précieuse d’informations sur une question qui est, comme l’a souligné le rapporteur, complexe et caractérisée par une certaine confusion.
Je m’attarderai sur trois points qui me paraissent importants.
Le premier concerne les « emplois mécénés ». Il est aujourd’hui admis que les établissements publics financent des emplois temporaires par des ressources issues du mécénat et qui y sont spécialement affectées ; ces emplois ne s’imputent pas sur le plafond d’emplois des établissements, dont vous savez qu’il tend à diminuer ces dernières années. Il me semble important de préserver cet acquis. Il a certes été récemment critiqué par la Cour des comptes ; sans doute faudrait-il l’encadrer davantage. Il fait aujourd’hui l’objet d’une grande vigilance de la part des contrôleurs économiques et financiers ; il est utilisé avec mesure par les établissements. Ce dispositif me semble indispensable car, comme nous avons pu le constater au Centre Pompidou, les mécènes semblent aujourd’hui moins intéressés par un soutien à l’activité « normale » des établissements culturels et privilégient désormais le financement de projets innovants, pouvant avoir plusieurs dimensions – culturelle, mais aussi éducative ou sociale. Or, ces projets supposent la constitution d’équipes et donc de disposer de ressources humaines suffisantes. De ce point de vue, le mécénat permet d’alléger la contrainte pesant actuellement sur les emplois publics.
En deuxième lieu, je soulignerai la concurrence croissante existant entre les bénéficiaires du mécénat. Je n’ai pas le sentiment que le mécénat d’entreprise soit en phase d’expansion importante ; il me semble plutôt stagner, ou, peut-être, croître très légèrement, alors que les besoins des établissements culturels progressent pour leur part fortement. Ceux-ci sont donc placés en situation de concurrence auprès des mécènes potentiels. Cette concurrence doit porter sur les seuls projets et ne doit pas conduire les établissements à pratiquer un « dumping » éthique en proposant aux mécènes de définir leur programme culturel. Il me semble donc nécessaire d’établir des règles déontologiques communes et de tracer des « lignes jaunes » à ne pas franchir, dans le cadre de « chartes éthiques ». Les entreprises pourraient être incitées à y adhérer par une augmentation du plafond de déduction fiscale ou un relèvement du taux des contreparties admissibles de 25 % à 30 % du montant du don.
Enfin, je pense qu’il nous faut développer le mécénat des particuliers ; je suis frappé de constater, lorsque je m’entretiens avec des confrères directeurs de musées à l’étranger, combien tout le monde croit à cette forme de soutien. Sans doute notre « culture philanthropique » est-elle différente de celle de nos amis anglo-saxons. Les évolutions sont chez nous plus progressives. Mais notre pays accueille un grand nombre de particuliers étrangers qui seraient désireux de soutenir nos institutions culturelles. Un tel mécénat ne pèserait pas sur les finances publiques, puisque la plupart d’entre eux ne sont pas fiscalement domiciliés en France. Nous devons compter sur ce vivier de donateurs. Il nous faut nous doter d’instruments aussi efficaces que ceux dont disposent les musées anglo-saxons.
M. Marcel Rogemont. Le rapporteur a débuté son propos en citant Michel Serres qui déclarait que « la création ne peut pas survivre par soi-même. Elle meurt sans mécène et ne vit que de lui ». Certes, mais le principal mécène de la culture demeure la puissance publique. Peut-être le rapport aurait-il dû insister davantage sur ce point, car, à trop parler du mécénat, on pourrait laisser croire que l’avenir financier des établissements culturels résiderait essentiellement dans les moyens qu’y consacre le mécénat privé – qui n’est d’ailleurs que partiellement privé, en raison de la dépense fiscale consentie en sa faveur.
On peut également noter que notre dispositif fiscal en faveur du mécénat, parfois critiqué, se révèle, en réalité, plus efficace que les dispositifs américain, britannique ou allemand. Ce ne sont donc pas des préconisations de nature fiscale qui permettront de développer le mécénat culturel ; pour autant, je m’accommode des quatre préconisations émises en la matière. Par ailleurs, je déplore le manque d’informations précises sur le volume de la dépense fiscale consacrée au mécénat culturel, ce qui me semble tout à fait anormal.
J’estime enfin que le dispositif fiscal en faveur du mécénat devrait être orienté en ciblant la dépense fiscale sur certains secteurs prioritaires, car tous ne se valent pas. Ce choix relève de la puissance publique. Je m’interroge ainsi sur le mécénat sportif. J’estime que l’on pourrait orienter le mécénat prioritairement vers le secteur culturel.
M. Jean-François Hebert, président des Musée et domaine nationaux du château de Fontainebleau. Permettez-moi, à mon tour, de me réjouir de l’autorisation de publication du rapport de la mission d’information, qui constitue un document fort utile. Il convient d’insister, comme l’a fait le rapporteur, sur la nécessité de préserver le dispositif existant.
Je limiterai mon propos à deux remarques.
En premier lieu, je m’étonne des difficultés que suscite la mesure du montant de la dépense fiscale consacrée au mécénat culturel. Certes, cette question relève de deux ministères, celui de l’économie et des finances et celui chargé de la culture. Peut-être ce dernier a-t-il d’ailleurs intérêt à « masquer » le montant de cette dépense fiscale, du fait de la difficulté à communiquer sur ce sujet… Toujours est-il que nous avons besoin de disposer de chiffres précis et fiables.
En second lieu, je m’associe aux propos précédemment tenus par M. Alain Seban : il est nécessaire de dégager, dans le respect de l’autonomie des établissements publics, des éléments de doctrine et des lignes directrices en matière de mécénat culturel. Cela vaut pour la pratique de « nommage » des salles d’exposition, mais pas seulement. Je pense aux contreparties parfois exigées des mécènes. Par exemple, en contrepartie d’un don de 200 000 euros à l’établissement que j’ai l’honneur de présider, un mécène a demandé que soient exposés dans nos salles des objets destinés à une vente aux enchères. Nous nous y sommes opposés, car on ne peut confondre collections privées et publiques. Il convient donc de tracer des « lignes jaunes » à ne pas franchir, grâce à une réflexion commune, à partir de quelques exemples concrets.
J’exprimerai enfin un regret : le rapport n’envisage pas d’étendre aux dons aux opérateurs culturels le dispositif permettant d’imputer sur l’impôt de solidarité sur la fortune, dans la limite de 45 000 euros, 50 % du montant des dons à des établissements de recherche et d’enseignement supérieur. Cette situation peut conduire à certaines difficultés : ainsi, pour soutenir le festival d’histoire de l’art qui se tient tous les ans à Fontainebleau, les mécènes consentent-ils leurs dons à l’Institut national d’histoire de l’art et non au château de Fontainebleau, pour pouvoir bénéficier d’une réduction de leur impôt de solidarité sur la fortune. Je suis bien conscient des difficultés résultant du contexte économique actuel, mais il me semble qu’une réflexion pourrait être engagée sur ce sujet, car le système actuel constitue un frein au mécénat et nous contraint parfois à de véritables « contorsions ».
Mme Muriel Marland-Militello. Je m’associe tout à fait aux derniers propos de M. Jean-François Hebert parce qu’ils soulèvent un problème que l’on rencontre ailleurs. Je voudrais aussi souligner, à titre liminaire, le travail remarquable accompli par notre collègue Michel Herbillon.
J’aimerais pour ma part insister sur une mesure que je propose depuis un certain temps et que nous n’avions pas pu mettre en œuvre avec M. Jean-Jacques Aillagon lorsqu’il était ministre de la culture. Il s’agirait, sans augmenter le coût pour l’État, d’effectuer un redéploiement qualitatif des avantages fiscaux relatifs au mécénat. Dans une société d’« assistés » comme la nôtre, l’existence d’une prime pour ceux qui prennent des risques me paraît fondamentale en matière de mécénat. Je me demande, ainsi, si l’on ne pourrait pas envisager un accroissement des avantages fiscaux en faveur des mécènes, qu’ils soient entreprises privées ou particuliers, dès lors qu’ils investissent et qu’ils achètent directement les œuvres de jeunes artistes émergents ou innovants. Nous savons que seul le temps donne une légitimité aux artistes, dans le domaine du spectacle vivant comme dans celui des arts plastiques. Je trouve donc formidable que des gens prennent le risque d’encourager de jeunes artistes qui, sans ce soutien, disparaîtraient peut-être.
Les fonds régionaux d’art contemporain et les directions régionales des affaires culturelles font certes ici du bon travail, mais ce n’est pas suffisant. Si l’on favorisait le mécénat qui se porte vers la scène émergente, ceci assurerait tout d’abord un enrichissement de notre futur patrimoine. Mais ceci constituerait également, sur le plan éthique, une reconnaissance pour les mécènes qui savent prendre des risques sur un coup de cœur.
Mme Bénédicte Ménanteau, déléguée générale de l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL). L’association que je représente se félicite bien évidemment de la publication de ce rapport qui vient d’être autorisée par la commission. Nous œuvrons depuis trente ans à la promotion du mécénat, en particulier culturel. Il faut savoir en effet que le mécénat est né du mécénat culturel.
J’aimerais revenir sur ce que vous avez appelé le déclin du mécénat culturel. Les chiffres sont certes discutés. Mais ils ont le mérite d’avoir amené tout le monde à s’interroger sur les raisons de ce déclin, sur l’identité de ceux qui soutiennent le mécénat culturel et sur la manière de le réinventer aujourd’hui. Cette dramatisation peut-être un peu excessive a ceci de positif que jamais autant d’articles de presse n’ont été consacrés à ce sujet, notamment à un certain nombre d’initiatives intéressantes, tout particulièrement en région. C’est à juste titre, monsieur le rapporteur, que vous nuancez ces chiffres dans votre rapport.
Mais je tenais à souligner le fait que notre association publie tous les deux ans une étude portant sur un échantillon représentatif d’entreprises françaises. Cette étude n’est en aucune façon contestable dans la mesure où elle est aujourd’hui barométrique. Entre 2008 et 2010, nous avions bien pressenti que le mécénat, dans son ensemble, enregistrerait une baisse, ce qui a été le cas. Nous voyions bien que le mécénat culturel était en très grande difficulté mais nous ne pensions pas que l’effondrement serait tel. Nous avons pris la mesure des effets de la crise au plus mauvais moment.
Au début du mois d’avril prochain, nous aurons à nouveau les résultats d’une enquête, conduite avec l’institut CSA et à laquelle, cette année, ont été associés les ministères des affaires étrangères, de l’environnement, des sports et de la culture. Nous manquons d’informations, en particulier par domaine. Cette année, nous allons essayer de déterminer quel est le mécénat qui soutient la création, quel est celui qui aide la diffusion et quel est celui qui favorise la démocratisation culturelle. Nous allons ensuite nous interroger sur les sous-domaines, sur la typologie des projets et sur la typologie des structures. Nous allons de cette manière en savoir plus et tâcher de comprendre ce qui se passe.
En tous cas, nous sommes sûrs de nos chiffres. Il y a certes un décalage par rapport à ce que l’administration fiscale peut déclarer. Les chiffres publiés au Journal officiel Questions Assemblée nationale du 7 février dernier annoncent un montant de 666 millions d’euros de dons. Notre propre chiffre s’élève à 2 milliards. On sait que plus de la moitié des entreprises ne défiscalisent pas leurs dons, mais ceci n’explique pas entièrement l’écart constaté. Nous estimons, quoi qu’il en soit, que ce que nous disent les entreprises est parfaitement fiable. Au demeurant, la méthode de notre enquête est élaborée par un institut très sérieux. Surtout, nous prenons les mêmes mesures sur la base du même questionnaire tous les deux ans. Je pense que nous serons confortés par les résultats qui seront communiqués début avril.
J’ajoute que le mécénat culturel est un mécénat qui se réinvente, avec un affichage différent. Les entreprises préfèrent aujourd’hui dire qu’elles mènent des actions de mécénat en faveur de la solidarité. On voit bien aussi que le sport est un vecteur de communication essentiel dans la mesure où il reflète le « vivre-ensemble ». En temps de crise, la culture est fondamentale. Une petite ou moyenne entreprise, quand elle fait du mécénat, dépense en moyenne entre 1 000 et 5 000 euros par an. Un don de 5 000 euros correspond au plafond associé à un chiffre d’affaires de un million d’euros par an. Beaucoup de petites entreprises sont au-dessus de ce plafond alors qu’aucune des grandes entreprises ne l’est. Les grandes consacrent plutôt 0,1 ‰ de leur chiffre d’affaires au mécénat, ce qui représente déjà beaucoup d’argent. La France n’a pas à rougir de son mécénat d’entreprise, qui est à l’égal de celui pratiqué par exemple aux États-Unis.
S’agissant des valeurs du mécénat, il est vrai qu’il y a des « lignes jaunes » à ne pas franchir, un code éthique à respecter. Nous avons, quant à nous, publié une charte du mécénat, signée par le ministre de la culture, par le MEDEF et par plus de cent entreprises, institutions culturelles ou organisations non gouvernementales. Elle va l’être également par le ministre de l’éducation. Nous proposons de l’annexer dans toutes les conventions de mécénat qui seront conclues entre les entreprises et les bénéficiaires. Il est en effet important de contractualiser la relation pour que chacun sache les bénéfices qu’il peut en attendre.
J’en viens maintenant à un dernier point. Je me félicite des mesures que vous préconisez en faveur des petites et moyennes entreprises. C’est vraiment là que réside le gisement du mécénat. 83 % des entreprises mécènes sont des petites ou moyennes entreprises. Ce n’est pas l’envie qui leur manque de faire du mécénat, mais elles ont besoin d’être accompagnées. Le fait de structurer en région un accompagnement, de fédérer des acteurs qui agissent parfois en ordre dispersé, pourrait se révéler extrêmement productif. De plus en plus, les petites et moyennes entreprises se regroupent en clubs pour soutenir des projets culturels ou une institution. Elles créent de petites fondations pour soutenir un territoire. L’idée d’accroître l’attractivité d’un territoire est ainsi très importante dans la décision prise par une entreprise de s’engager dans le mécénat.
En résumé, nous sommes très optimistes sur le développement du mécénat culturel, en particulier celui des petites entreprises.
Mme Françoise de Panafieu. Je voudrais rendre hommage aux personnalités ici présentes qui ont pris ou vont prendre la parole. Par-delà les étiquettes politiques, nous apprécions tous le travail réalisé, que ce soit au Centre national d’art et de culture Georges Pompidou ou au château de Fontainebleau. Ce dernier est devenu un établissement public et ses résultats en termes de fréquentation ont été récemment soulignés par la presse. Les personnalités ici présentes sont donc d’excellents « patrons » de leurs établissements.
Il ne s’agit pas de prôner un désengagement de l’État. L’État a toujours été mécène. Cela dit, il est vrai que nous sommes dans une période difficile sur le plan financier. En tout cas, il me paraît profondément sain d’associer le secteur privé, les entreprises, les mécènes, à une démarche structurée par l’État ou les collectivités territoriales. Il faut avancer sans œillères, en veillant à ce que l’État remplisse son rôle, comme il l’a toujours fait au cours de notre histoire. Chacun peut y trouver son compte. Je me souviens, lorsque j’étais chargée des affaires culturelles de la ville de Paris, de la restauration très lourde des statues de la place de la Concorde représentant les grandes villes de France. Nous avons été accompagnés par l’entreprise Béghin Say sans pour autant que la ville de Paris ou l’État ne se défausse. Cette entreprise nous disait qu’elle avait trouvé là le moyen de fédérer son personnel et à quel point celui-ci était fier de cet accompagnement. C’est quelque chose que les entreprises cherchent et qui leur permet de n’être pas que des entités « industrielles », mais de pouvoir se dépasser.
J’ai à présent deux questions à poser au rapporteur. Il est proposé dans le rapport de créer une structure qui recevrait les successions en déshérence. A-t-on une idée de ce que cela représenterait et cet apport est-il à l’échelle des besoins ? Ma seconde question porte sur l’émergence des pôles régionaux : quelle sera leur articulation exacte avec les directions régionales des affaires culturelles, dont un de nos collègues socialistes tout à l’heure redoutait le peu d’engagement ?
M. Christophe Tardieu, directeur général adjoint de l’Opéra national de Paris. Beaucoup de choses très intéressantes ont été dites.
Pour ma part, je soulignerai que le premier de nos mécènes, c’est l’État, et il le restera, je pense, pendant très longtemps dans la plupart des établissements publics. En ce qui nous concerne, à l’Opéra de Paris, le financement de notre budget provient à 50 % de l’État. Le mécénat, malgré des performances croissantes, n’apporte que 10 % de nos ressources propres. C’est certes beaucoup d’argent. Néanmoins, c’est encore de l’État qu’il nous faut attendre la première de nos ressources.
On s’aperçoit, quand on discute avec nos collègues des opéras de Londres, New York, Milan ou Vienne, que le dispositif français en matière de mécénat est excellent et fonctionne très bien, contrairement à celui d’autres pays que pourtant l’on présente souvent comme plus ouverts au mécénat. Toutefois, il est certain que nous avons une différence de culture en ce domaine : en France les entreprises s’investissent davantage dans le mécénat que les particuliers. Le fait de donner à une institution culturelle paraît normal dans le monde anglo-saxon, ce qui n’est pas encore le cas dans nos contrées, malgré d’indéniables progrès.
Je souhaiterais revenir sur deux propositions contenues dans ce rapport. Même si notre dispositif est excellent, il est susceptible d’être amélioré à la marge. Il serait bon de relever le plafond des dons pour les petites et moyennes entreprises qui souhaitent investir dans le mécénat. On voit bien qu’il y a une forte demande en la matière. De nombreuses petites entreprises souhaitent avoir une action en matière de mécénat ou une activité citoyenne. Aujourd’hui, les grandes entreprises n’atteignent pas ce plafond alors que les petites et moyennes entreprises y parviennent très vite. Ce serait donc une bonne chose de les aider.
Le mécénat de compétences doit certes être encadré ; il faut en particulier évaluer les contreparties offertes. Néanmoins, ce type de mécénat doit être encouragé. À travers ce type de mécénat, l’entreprise valorise ses savoir-faire, ses compétences et ses salariés. L’entreprise en cause peut par ce biais mener d’importantes actions en termes de communication interne et externe ainsi que de conquête de parts de marché. Par exemple, quand un ascensoriste restaure un ascenseur historique du Palais-Garnier et qu’il invite ses clients à venir voir le résultat, c’est une très bonne opération pour lui.
Enfin, et ce sera mon dernier point, quel que soit le dispositif, un mécénat est réussi lorsque le mécène et l’établissement public qui en bénéficie ont une belle histoire à raconter ensemble. Il importe d’être très attentif à ces histoires que les entreprises et les institutions culturelles peuvent raconter.
M. Jacques Grosperrin. Je veux en préambule féliciter notre collègue Michel Herbillon et l’ensemble des commissaires qui ont participé à ce travail. Je souhaite également remercier les personnalités présentes aujourd’hui pour l’éclairage qu’elles nous ont apporté.
Il est vrai qu’il est toujours vulgaire de parler d’argent, surtout dans le domaine de la culture. Dans le milieu du sport, où il s’agit plus de « sponsoring » que de mécénat, on ressent moins cet embarras.
Je soumets deux questions au rapporteur. La première porte sur le rôle « essentiel », pour reprendre son terme, des directions régionales des affaires culturelles. J’aimerais avoir davantage d’informations à ce sujet. La seconde a trait au rôle des collectivités territoriales en matière de spectacle vivant : n’y a-t-il pas là matière à réflexion ?
M. Frédéric Néraud, directeur général de la Fondation du patrimoine. Je voudrais tout d’abord m’associer aux propos de plusieurs intervenants précédents qui se félicitaient de la publication de ce rapport qui va nous apporter des références précieuses dans un certain nombre de domaines.
Ce rapport a le grand mérite de reconnaître la place du mécénat des particuliers et des petites et moyennes entreprises. Pendant trop longtemps, la France a eu une conception « élitiste » du mécénat, en considérant que c’était l’apanage des grandes entreprises et de leurs fondations ainsi que des particuliers très fortunés. À la Fondation du patrimoine, nous assistons à une explosion du mécénat populaire. Je signale au passage que les tendances que nous avions communiquées à la mission concernant les années 2009 et 2010 se sont amplifiées en 2011. Le mécénat populaire, qui est essentiellement le fait de particuliers mais qui provient aussi de très petites, de petites ou de moyennes entreprises, au travers de souscriptions publiques locales, a représenté 11 millions d’euros au cours de l’année 2011 contre un peu plus de 8 millions l’année précédente et 6 millions en 2009. La tendance est donc nette. Le phénomène va très certainement, selon nous, se poursuivre au cours des années à venir. Ce mécénat populaire doit être pleinement reconnu. Le particulier qui effectue un don de 50 euros pour un bâtiment de son village doit être pleinement considéré comme un mécène.
La Fondation du patrimoine se félicite des préconisations contenues dans le rapport, concernant le régime fiscal des dons tant pour les particuliers, notamment avec l’augmentation du niveau de contrepartie, que pour les petites et moyennes entreprises. Il y a là un gisement de mécénat qui est encore sous-exploité. Des mesures incitatives telles que celles qui sont proposées ne peuvent que renforcer leur volonté d’être présentes sur le terrain du mécénat.
Je voudrais enfin m’associer à ce qui a été dit à plusieurs reprises. Le mécénat, pour être crédible, doit être un mécénat d’accompagnement, et non de substitution au soutien apporté par la puissance publique. Les mécènes doivent être là pour accompagner l’effort. On est parfois perplexe quand on voit des projets où l’autofinancement du maître d’ouvrage est présenté comme nul et où l’on attend tout du secteur privé. Il est important qu’une part du financement continue d’être assurée par les acteurs publics, nationaux ou locaux, et que le mécénat vienne seulement en accompagnement de cet effort public.
M. Benjamin Mermet, directeur du financement des projets publics de la Fondation du patrimoine. Je souscris pleinement à ce que vient de rappeler M. Frédéric Néraud : l’enjeu est aujourd’hui de mobiliser les entreprises, petites et moyennes entreprises, mais aussi très petites entreprises, autour du mécénat sur le terrain. Cette mobilisation peut prendre la forme de clubs de mécènes, qui associent plusieurs entreprises dont les responsables choisissent les projets qu’ils financent, ou de produits partages. Ces derniers contribuent à soutenir des projets de restauration retenus par la fondation et se traduisent en versement par les entreprises d’un certain montant des produits qu’elles vendent pendant une durée déterminée. Ce dispositif est adapté à tous types d’entreprises, indépendamment de leur taille ou des produits ou prestations qu’elles proposent.
M. le rapporteur. Je voudrai au préalable remercier l’ensemble des intervenants, qu’il s’agisse de mes collègues députés ou des personnalités qui nous ont fait l’honneur de participer à nos débats. Leurs appréciations positives confirment que les pistes que nous avons retenues sont les bonnes et que les points que nous avons soulignés pour améliorer les dispositifs actuels d’appui au mécénat étaient pertinents.
Il ressort des différentes interventions un accord assez général pour considérer que le mécénat n’a pas à se substituer à l’action publique, mais doit venir en complément de celle-ci. M. Christophe Tardieu a précisé à juste titre que le premier mécène, c’est l’État.
En deuxième lieu, il apparaît clairement qu’il convient d’accompagner le développement du mécénat des particuliers et du mécénat étranger.
Troisièmement, et comme nous l’ont montré les auditions, il faut encourager le mécénat des PME, ce qui me conduit à proposer de modifier le plafond des dons ouvrant droit au bénéfice des réductions fiscales des déductibilités fiscales. C’est là que se trouve en effet le gisement des mécénats futurs. Au-delà de ce seul aspect fiscal, le développement du mécénat des PME est également d’un grand intérêt dans le cadre régional. Une PME ou un club de PME qui se mobilisent dans ce cadre, comme ce fut le cas par exemple pour la restauration du château d’Angers, donnent une grande lisibilité aux projets culturels ainsi soutenus.
Le rôle des directions régionales des affaires culturelles est évidemment essentiel. Elles disposent d’ores et déjà, en leur sein, de correspondants mécénat. Ce développement régional articulé avec un pilotage renforcé par le ministère de la culture nous dotera d’une structure adaptée au développement du mécénat.
En réponse à notre collègue Françoise de Panafieu, outre le rôle des pôles régionaux et des directions régionales auquel je viens de me référer, je ne suis pas en mesure de donner un montant précis des sommes provenant des successions en déshérence, mais M. Frédéric Néraud, directeur général de la Fondation du patrimoine, est peut-être en mesure de le faire ? Je préconise dans le rapport que soit créée une fondation pour le spectacle vivant à l’instar de celle qui existe pour le patrimoine. La Fondation du patrimoine récupérant une partie des fonds issus des successions en déshérence, je propose que l’autre partie soit attribuée à cette nouvelle fondation.
M. Frédéric Néraud, directeur général de la Fondation du patrimoine. Les sommes provenant des successions en déshérence sont, par définition, imprévisibles, puisque dépendant de la mortalité de personnes sans héritiers. Elles connaissent donc d’importantes fluctuations. La loi dispose que la Fondation du patrimoine est attributaire de 50 % du produit des successions en déshérence, ce qui représente, selon les années, de 6 à 11 millions d’euros, si l’on prend comme référence la tendance observée pour les cinq dernières années.
M. le rapporteur. C’est un montant important.
Je crois avoir répondu à M. Marcel Rogemont en parlant de l’exemplarité française en matière de mécénat, à préserver et à consolider. Je souhaite, à la veille d’échéances électorales importantes, que ce dispositif conserve le soutien qui lui est ici manifesté.
L’ensemble des intervenants et des personnes auditionnées ont également fait part de leur accord sur l’insuffisance des données concernant le mécénat, en particulier la dépense fiscale. Ce flou devait être dissipé par le ministère de la culture, mais nous n’avons toujours pas reçu de réponse à ce jour.
J’ai noté aussi l’assentiment général sur la proposition de mise en place d’une charte éthique du mécénat : l’établissement de règles et de barrières déontologiques est nécessaire pour éviter les dérives.
Je voulais dire à notre collègue Muriel Marland-Militello que je connais son engagement aux côtés de ceux qui prennent des risques, notamment en faveur de l’art contemporain. Ses idées et ses propositions rejoignent les miennes sur ces questions. Des dispositifs existent pour favoriser l’acquisition d’œuvres d’art contemporain ou d’instruments de musique. Ils sont actuellement réservés aux entreprises et ne s’adressent pas, pour le moment, aux particuliers. Certaines banques ou entreprises ont d’ailleurs créé des fondations qui sont spécifiquement dédiées à l’art contemporain.
Nous attendons avec impatience, Mme Ménanteau, les chiffres de l’ADMICAL qui figureront dans son rapport publié au mois d’avril, et je me félicite que vous considériez comme nous que les PME constituent un gisement du mécénat.
Mme Bénédicte Menanteau, déléguée générale de l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL). Le mécénat va être à l’ordre du jour du Haut Conseil à la vie associative, placé auprès du Premier ministre. Parmi les questions dont il a choisi de débattre immédiatement figurent le financement de la vie associative, le mécénat, la territorialité du don – l’instruction fiscale en la matière étant assez restrictive. Cette enceinte importante devrait donc être un cadre propice pour que soient développées quelques idées fortes.
M. le rapporteur. Je remercie M. Alain Seban d’avoir précisé qu’un certain nombre d’emplois sont financés par le mécénat, les emplois hors plafond, très importants pour les institutions culturelles, et d’avoir souligné la nécessité d’une mise en place de règles éthiques face à une concurrence accrue dans la recherche de mécènes. J’ai également pris bonne note de son plaidoyer en faveur du mécénat des particuliers et du mécénat étranger.
Je prends acte du regret exprimé par M. Jean-François Hebert face à l’absence dans le rapport de proposition de modification de la nature des dons ouvrant droit au bénéfice d’une réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune. Sur ce point, nous nous sommes contraints, à la fois pour tenir compte de la situation économique actuelle mais aussi, ce n’est pas un mystère, parce que cet impôt est un sujet généralement éruptif à l’Assemblée nationale. Aussi, afin d’obtenir l’accord le plus large sur les propositions de ce rapport et l’autorisation de sa publication, il ne m’a pas semblé opportun d’aborder cette question et d’introduire des clivages sur le mécénat, qui est un sujet qui, par ailleurs, nous réunit.
Pour conclure, je voudrais remercier, au nom de l’ensemble des parlementaires que nous sommes, tous les mécènes qui contribuent à la vitalité de nos institutions et de nos projets culturels et qui rencontrent l’adhésion et l’enthousiasme de nos compatriotes. Comme le constatait M. Christophe Tardieu, derrière chaque mécénat réussi se trouve une belle histoire, que les Français souhaitent se faire raconter.
M. Patrick Bloche. Je voudrais préciser le sens du vote des députés SRC de la commission. Nous aurions pu voter pour l’autorisation de la publication de ce rapport, dont certaines préconisations rejoignent nos préoccupations et qui constitue un excellent bilan de la réalité du mécénat culturel en France. De plus, M. Michel Herbillon l’a souligné avec pertinence, « le mécénat n’est pas là pour assurer les fins de mois d’un État nécessiteux », comme l’aurait dit Jacques Rigaud. Il ne s’agit donc pas de substituer le mécénat à la défaillance de l’État culturel. Dès lors, nous ne pouvions voter contre. L’abstention aurait marqué un désintérêt. Nous n’avons donc pas participé au vote du fait de certaines préconisations de ce rapport et de leurs conséquences fiscales. À la fin d’une législature, une participation au vote pourrait valoir engagement pour les cinq ans à venir.
M. le rapporteur. J’ai bien noté l’intervention de notre collègue Patrick Bloche comme celle, au début de notre séance, de Monique Boulestin. Je comprends que notre travail ne vaille pas engagement pour l’avenir, je souhaiterais cependant que l’augmentation du plafond des sommes ouvrant droit à une réduction d’impôts pour les PME puisse faire l’objet d’une proposition de loi, qui pourra être examinée lors de la prochaine législature, qu’elle émane de la majorité ou de l’opposition.
Mme la Présidente Michèle Tabarot. Je remercie nos invités au nom de nos collègues députés. Leur présence a rendu la présentation de ce rapport particulièrement vivante. Merci également aux membres de la mission qui ont travaillé sur un sujet qui nous tient tous à cœur.
ANNEXE N° 1
COMPOSITION DE LA MISSION
(15 membres)
——
Groupe politique | |
M. Michel Herbillon, président-rapporteur |
UMP |
UMP | |
Mme Sophie Delong |
UMP |
M. Gérard Gaudron |
UMP |
M. Christian Kert |
UMP |
Mme Muriel Marland-Militello |
UMP |
M. Jean Roatta (jusqu’au 5 décembre 2011) |
UMP |
M. Daniel Spagnou |
UMP |
Mme Marie-Hélène Thoraval |
UMP |
M. Jean Ueberschlag |
UMP |
Mme Marie-Odile Bouillé |
SRC |
Mme Monique Boulestin |
SRC |
Mme Colette Langlade |
SRC |
M. Jean-Luc Pérat |
SRC |
M. Marc Dolez |
GDR |
Groupe UMP : groupe de l’Union pour un mouvement populaire
Groupe SRC : groupe socialiste, citoyen et divers gauche
Groupe GDR : groupe de la Gauche démocrate et républicaine
ANNEXE N° 2
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
(par ordre chronologique des auditions)
Ø Ministère de la culture et de la communication
– Direction générale des médias et des industries culturelles / Sous-direction du développement de l’économie culturelle – M. Robert Fohr, chef de la mission du mécénat
– Direction générale des patrimoines – Mme Christine Rémond, chargée du mécénat
Ø Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL) – M. Olivier Tcherniak, président
Ø Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, direction de la législation fiscale – M. Philippe-Emmanuel de Beer, sous-directeur de la fiscalité directe des entreprises
Ø Institutions et organismes professionnels du secteur du mécénat
– Fondation de France – M. Philippe Lagayette, président, accompagné de Mme Dominique Lemaistre, directrice du mécénat
– Centre français des fondations – Mme Béatrice de Durfort, déléguée générale
– Association française des fundraisers – Mme Yaële Aferiat, directrice, accompagnée de Mme Mathilde Leroy, membre du groupe de réflexion sur la culture
Ø Associations professionnelles partenaires du ministère de la culture et de la communication dans le secteur du mécénat
– Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie –Mme Béatrice Genoux, correspondante Mécénat
– Conseil Supérieur du Notariat – Me Bruno Delabre, président de l’Institut notarial du patrimoine et de la famille au sein du CSN, en charge du suivi du protocole avec le ministère de la culture et de la communication, accompagné de Me Fabienne Jourdain-Thomas, membre du conseil d’administration de l’INPF, en charge du dossier Mécénat
– Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables – M. Vincent Lemaire, membre de la commission « Promotion du mécénat »
Ø Audition commune d’intervenants sur les fonds de dotation
– Me Stéphane Couchoux, avocat associé de la société Akléa, responsable du pôle « Mécénat, fondation et association » et auteur d’une étude sur les fonds de dotation pour le compte du ministère de la culture (octobre 2009)
– Me Colas Amblard, avocat associé au sein du cabinet NPS Consulting, spécialisé dans le domaine des institutions à but non lucratif, chargé d’enseignement à l’Université Jean Moulin Lyon III en droit de l’art et de la culture
Ø Fondation du Patrimoine – M. Frédéric Néraud, directeur général, et M. Benjamin Mermet, responsable du service Mécénat
Ø Mme Éléonore de Lacharrière, déléguée générale de la Fondation culture et diversité, et Mme Élise Longuet, responsable du pôle Mécénat chez Fimalac
Ø MEC’ENE / Mécénat & Entreprise – M. Jean-Luc Soulé, président
Ø Opéra national de Paris – M. Christophe Tardieu, directeur général adjoint
Ø Institutions culturelles du secteur des arts plastiques
– Académie de France à Rome – M. Karim Maatoug, responsable stratégie et mécénat
– Cité de la céramique de Sèvres – Mme Muriel Sassen, chef du service des partenariats, délégation au développement culturel
Ø Institutions culturelles du secteur du spectacle vivant
– Théâtre national de la Colline – Mme Monia Triki, responsable du mécénat
– Théâtre national de l’Odéon – Mme Pauline Legros, chargée du mécénat et du développement
– Théâtre national de Chaillot – M. Réda Soufi, administrateur, et Mme Pamela Jouven, responsable du mécénat
– Comédie française – Mme Claire Gannet, directrice du mécénat
Ø Association pour le rayonnement de l’Opéra national de Paris (AROP) –M. Jean-Louis Beffa, président, ancien président-directeur général de Saint-Gobain, et M. Jean-Yves Kaced, directeur général
Ø Société des amis du Louvre – M. Marc Fumaroli, président, et Mme Yvonne Bell-Gambart, directeur exécutif
Ø Entreprises mécènes
– Eiffage – M. Xavier Lanthiez, responsable de la fondation
– Fondation BNP Paribas – Mme Martine Tridde Mazloum, déléguée générale
– Fondation Total – Mme Catherine Ferrant, déléguée générale de la Fondation Total et directrice du mécénat de Total, et Mme Élisabeth de Réals, secrétaire générale de la fondation Total
– LVMH – M. Jean-Paul Claverie, conseiller du président et responsable du mécénat
– Société Générale – Mme Hafida Guenfoud-Duval, directrice du mécénat artistique et du sponsoring
– Vinci – M. Pierre Duprat, directeur de la communication
Ø Fondation Bergé / St Laurent – M. Pierre Bergé
Ø Institutions culturelles du secteur des musées
– Centre national d’art et de culture Georges Pompidou – M. Alain Seban, président, Mme Agnès Saal, directrice générale, et Mme Françoise Pams, directrice de la communication et des partenariats
– Musée du quai Branly – M. Stéphane Martin, président, M. Karim Mouttalib, directeur général, et Mlle Sarah Charieyras, chargée des relations publiques au service du mécénat
– Musée d’Orsay – M. Olivier Simmat, responsable des expositions internationales et des relations publiques
– Musée du Louvre – M. Henri Loyrette, président-directeur général, et M. Hervé Barbaret, administrateur général
– Réunion des musées nationaux-Grand Palais – M. Jean-Paul Cluzel, président, et M. Frédéric Vernhes, chef du service mécénat
– Ville de Paris – Mme Laurence Engel, directrice des affaires culturelles
Ø Musée et domaine nationaux du château de Compiègne – M. Emmanuel Starcky, directeur
Ø Musée et domaine nationaux du château de Fontainebleau – M. Jean-François Hebert, président
Ø Institut du monde arabe – Mme Mona Khazindar, directrice générale
Ø Musées nationaux des Alpes-Maritimes – Mme Martine Guichard-Kirschleger, chargée du mécénat et des partenariats
Ø Centre des monuments nationaux – Mme Isabelle Lemesle, présidente, Mme Sophie Duhamel, directrice des relations extérieures et de la communication, M. Sébastien Borghi, chargé du mécénat et Mme Patricia Ferré, chef du département des relations avec les élus
Ø Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles et des Trianons – M. Jean-Jacques Aillagon, président
Ø M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, accompagné de M. Francis Lacloche, conseiller en charge des arts plastiques et du mécénat, M. Robert Fohr, chef de la mission Mécénat, et M. Richard Eltvedt, conseiller parlementaire
Ø Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement
1 () Michel Serres, Le couple générique de l’histoire, Le mécénat dans l’histoire, actes du colloque du 21 mars 1989, Fondation EDF, cité dans Jean-Pierre Alline et Renaud Carrier (direction), La culture au risque du marché, le mécénat face à ses acteurs, L’Harmattan, 2010.
2 () Le mécénat d’entreprise en France, enquête ADMICAL-CSA, 2010.
3 () Jacques Rigaud, L’exception culturelle, culture et pouvoirs sous la Ve République, Grasset, 1995.
4 () La liste des membres de la mission d’information figure en annexe du rapport.
5 () La liste des personnes auditionnées figure en annexe du rapport.
6 () Audition du 18 mai 2011.
7 () Le mécénat d’entreprise en France, Enquête ADMICAL-CSA, 2010.
8 () Rapport du Centre des fondations et de la Fondation de France, Les fonds et fondations en France de 2001 à 2010.
9 () Audition du 6 septembre 2011.
10 () Audition du 7 septembre 2011.
11 () Audition du 7 juin 2011.
12 () Auditions du 22 juin 2011.
13 () Auditions du 7 septembre 2011.
14 () Audition du 7 juin 2011.
15 () Les musées nationaux après une décennie de transformation, Rapport public thématique, mars 2011.
16 () Audition du 31 mai 2011.
17 () Audition du 22 juin 2011.
18 () Audition du 18 mai 2011.
19 () Audition du 7 septembre 2011.
20 () Audition du 21 septembre 2011.
21 () Audition du 31 mai 2011.
22 () Audition du 7 septembre 2011.
23 () Auditions du 7 septembre 2011.
24 () Audition du 1er juin 2011.
25 () Audition du 7 septembre 2011.
26 () Audition du 7 septembre 2011.
27 () MM. Henri Guillaume et Mickaël Ohier, Rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, juin 2011.
28 () Audition du 21 septembre 2011.
29 () Audition du 29 septembre 2011.
30 () Audition du 7 septembre 2011.
31 () Audition du 3 mai 2011.
32 () Les musées nationaux après une décennie de transformation, Rapport public thématique, mars 2011.
33 () Audition du 7 septembre 2011.
34 () Audition du 7 septembre 2011.
35 () Audition du 7 septembre 2011.
36 () Audition du 31 mai 2011.
37 () Audition du 7 septembre 2011.
38 () Audition du 1er juin 2011.
39 () Audition du 18 mai 2011.
40 () Audition du 18 mai 2011.
41 () Audition du 7 juin 2011.
42 () Feasibility Study on a European Foundation Statute, Center for social investment, University of Heidelberg, Max Planck Institute for Comparative and International Private Law.
43 () Audition du 21 septembre 2011.
44 () La loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 de finances pour 2003 a en effet affecté à la Fondation du patrimoine 50 % du produit des successions en déshérence.
45 () Audition du 22 juin 2011.
46 () Audition du 21 septembre 2011.
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