N° 4456 - Rapport d'information de MM. Christian Kert et Didier Mathus déposé en application de l'article 145 du règlement en conclusion des travaux de la mission d'information commune sur la réforme de l'audiovisuel extérieur de la France



N° 4456

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 mars 2012.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION COMMUNE

sur la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France (1)

ET PRÉSENTÉ

par M. Christian Kert et M. Didier Mathus,

Députés.

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La mission d’information commune à la commission des affaires culturelles et de l’éducation et à la commission des affaires étrangères sur la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France est composée de : Mme Michèle Tabarot, présidente ; M. Christian Kert et M. Didier Mathus, rapporteurs ; M. Patrick Bloche ; Mme Marie-George Buffet ; M. Jean-Louis Christ ; M. Hervé Féron ; M. Michel Françaix ; M. Gérard Gaudron ; M. Jacques Grosperrin ; M. Michel Herbillon ; Mme Martine Martinel ; M. Jacques Myard ; M. Éric Raoult ; M. Franck Riester ; M. Jean Roatta (jusqu’au 5 décembre 2011) ; M. François Rochebloine ; M. Marcel Rogemont.

INTRODUCTION 5

I.- DES ÉVOLUTIONS STRATÉGIQUES ENCOURAGEANTES MALGRÉ DES DÉFAILLANCES DANS LE PILOTAGE 10

A. DES DÉFAILLANCES DANS LE PILOTAGE QUI APPELLENT PLUSIEURS RÉFORMES 10

1. Un contrat d’objectifs et de moyens indispensable 10

a) Un outil de pilotage qui fait défaut à l’entreprise, à l’actionnaire et aux parlementaires 10

b) Une lacune qui s’explique essentiellement par des interrogations sur le financement de l’AEF 12

c) Des anomalies dans la négociation du contrat d’objectifs et de moyens 14

2. Une nécessaire amélioration de la transparence sur la situation de l’AEF 15

3. Les irrégularités de gestion relevées par l’Inspection générale des finances 17

4. Un pilotage stratégique et politique à réformer 18

a) Une réaction trop tardive de l’actionnaire pour mettre fin à une crise de gouvernance d’une particulière gravité 18

b) L’indispensable rétablissement d’une tutelle effective et efficace 20

c) Un besoin de clarification des objectifs stratégiques de l’AEF dont la définition pourrait être confiée à un comité stratégique 23

d) Une nécessaire clarification des responsabilités à la tête de l’entreprise 25

B. DES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS MAIS INSUFFISANTS 26

1. Des résultats encourageants 26

a) À France 24 27

b) À RFI 29

c) À TV5 Monde 31

d) Des synergies encourageantes 31

2. Des réformes et une distribution à développer 33

a) Une réforme qui n’a pas encore produit tous ses effets en termes d’accroissement des ressources propres et de maîtrise des coûts 33

b) Une contrainte budgétaire qui ne doit pas remettre en cause les priorités stratégiques, en particulier le développement de la distribution 37

c) Un effort nécessaire d’amélioration des contenus et d’approfondissement des synergies 41

d) La diffusion de France 24 sur la TNT : un contresens stratégique 42

II.- UNE ORGANISATION QUI A SA LOGIQUE MAIS QUI SOULÈVE PLUSIEURS INTERROGATIONS QUANT À SON ÉVOLUTION 45

A. DES INTERROGATIONS SUR LES MODALITÉS DU RAPPROCHEMENT ENTRE RFI ET FRANCE 24 45

1. Un rapprochement globalement pertinent 45

2. La position de votre corapporteur au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation : la fusion, une nouvelle étape indispensable dans l’effort de rationalisation et d’amélioration de la performance de l’AEF 47

3. La position de votre corapporteur au nom de la commission des affaires étrangères : l’approfondissement des synergies entre RFI et France 24 risque d’être compromis par la conduite actuelle de la fusion 51

4. Un consensus sur la nécessité de développer des synergies sur le numérique 54

B. UN POSITIONNEMENT INSATISFAISANT DE TV5 MONDE AU SEIN DE L’AEF 55

1. Un positionnement insatisfaisant de TV5 Monde au sein de l’AEF qui suscite l’inquiétude de la chaîne et de nos partenaires francophones 56

2. Les propositions de l’Inspection générale des finances : des propositions de synergies « extrémistes » qui feraient peser une menace réelle sur l’avenir de la chaîne 59

3. Une autonomisation de TV5 Monde par rapport à l’AEF qui n’interdit pas d’approfondir les synergies avec cette dernière 62

C. DES SYNERGIES SOUHAITABLES AVEC LES AUTRES ACTEURS DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC ET DE LA POLITIQUE CULTURELLE EXTÉRIEURE 64

1. Un renforcement indispensable des synergies avec France Télévisions et Radio France 64

2. Une amélioration souhaitable de l’articulation entre l’audiovisuel extérieur de la France et l’Institut français 67

CONTRIBUTION 69

TRAVAUX DES COMMISSIONS 71

ANNEXES 87

ANNEXE N° 1 : COMPOSITION DE LA MISSION 87

ANNEXE N° 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 89

ANNEXE N° 3 : SCHÉMA D’ORGANISATION DE L’AEF 93

INTRODUCTION

La réforme de l’audiovisuel public extérieur, consacrée par la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, partait d’un constat largement partagé.

Le rapport de la mission de concertation et de propositions sur l’audiovisuel extérieur, présenté en novembre 2007 par MM. Jean-David Levitte et Georges-Marc Benamou, respectivement conseiller diplomatique et conseiller pour la culture et l’audiovisuel du Président de la République, rappelait en effet que l’audiovisuel extérieur souffrait principalement :

– d’un pilotage stratégique par l’État défaillant, résultant notamment de l’absence de contrat d’objectifs et de moyens (COM) et d’une véritable stratégie pluriannuelle pour Radio France International (RFI) et TV5 Monde, d’un manque de coordination interministérielle et de la complexité des sources de financement (redevance et crédits budgétaires provenant de trois programmes différents) ;

– d’un manque de coordination entre les opérateurs, source de dispersion des moyens, pourtant globalement comparables à ceux de BBC World ou de la Deutsche Welle ;

– et de l’absence d’une stratégie d’anticipation de l’arrivée des nouvelles technologies, marquée notamment par l’absence d’un portail internet commun.

L’audiovisuel extérieur était en effet, jusqu’en 2008, un ensemble disparate constitué en strates successives, reposant sur trois opérateurs principaux dotés d’objectifs, de sources de financement et de tutelles différents : TV5 Monde, chaîne généraliste multilatérale et francophone, RFI, société nationale de programme chargée de contribuer à la diffusion de la culture française par la conception et la programmation d’émissions de radio en français et en langue étrangère et France 24, chaîne d’information en continu, filiale à parité de TF1 et France Télévisions, ayant vocation à véhiculer un regard français sur l’actualité.

Il en est résulté une absence de vision d’ensemble de la politique audiovisuelle extérieure, une stratégie particulièrement instable, marquée par des choix différés, des objectifs changeants et imprécis et un coût global croissant pour des résultats d’audience incertains et dont la mesure faisait défaut.

La réforme de l’audiovisuel extérieur a ainsi eu pour objectif d’améliorer la cohérence et l’efficacité de la politique audiovisuelle extérieure de la France et de mettre en place des synergies entre ses trois principaux opérateurs.

Pour ce faire, a été créée, en avril 2008, une holding, Audiovisuel extérieur de la France (AEF), rassemblant, selon le schéma qui figure à l’annexe 3, les participations de l’État dans les entités qui composent l’audiovisuel extérieur français, à savoir :

– 100 % de RFI ;

– 100 % de France 24, depuis que l’État a conclu sa négociation avec TF1 et France Télévisions qui possédaient chacune la moitié de son capital ;

– et 49 % de TV5 Monde où, en raison des accords internationaux qui régissent cet opérateur, sa participation est restée minoritaire.

La loi du 5 mars 2009 précitée relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a fait d’AEF une société nationale de programme, soumise en tant que telle à l’obligation de signer un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État.

En pleine crise de gouvernance, et alors que des interrogations s’exprimaient sur le projet de fusion entre RFI et France 24, mais aussi, plus globalement, sur la situation et les perspectives financières et stratégiques d’un groupe dépourvu de contrat d’objectifs et de moyens, la commission des affaires culturelles et de l’éducation et la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale ont créé, respectivement les 2 et 10 février 2011, une mission d’information commune sur la mise en œuvre de la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France.

Cette mission d’information, composée de quinze députés représentant tous les groupes de l’Assemblée nationale, membres des deux commissions des affaires culturelles et des affaires étrangères (2) et présidée par Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, a souhaité dresser un bilan de la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France mise en œuvre depuis 2008 et formuler des propositions afin de rendre plus performant cet outil primordial pour l’influence française dans le monde.

À cette fin, la mission a notamment entendu, lors de ses 28 auditions tenues entre mars et novembre 2011, outre les ministres et administrations concernés, les responsables de la holding et des chaînes filiales et partenaires, mais aussi la plupart des membres de son conseil d’administration, les intersyndicales de RFI et France 24, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, l’Inspection générale des finances, les principaux instituts de mesure de l’audience et des représentants des autres acteurs participant à la politique culturelle extérieure de la France (3).

Apprécier la situation de l’AEF dans le contexte actuel était un exercice difficile pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, en l’absence de contrat d’objectifs et de moyens, l’AEF, son actionnaire et la représentation nationale sont privés d’un outil indispensable de pilotage et de suivi de la mise en œuvre de cette politique publique.

Il n’existe par ailleurs pas d’indicateur fiable de l’efficacité de la politique audiovisuelle extérieure, l’audience et la notoriété des opérateurs étant particulièrement délicates à appréhender et les études permettant de comparer l’audiovisuel extérieur de la France à ses concurrents étrangers faisant largement défaut.

Au surplus, si l’efficacité de cette politique publique doit aussi être appréciée au regard de l’évolution de son coût, il convient de souligner que l’AEF est aujourd’hui à mi-chemin. Il s’agit d’une réforme qui doit sans doute impliquer des surcoûts de restructuration dans un premier temps, et qui n’a pas encore produit tous ses effets, notamment en termes de développement des ressources propres et des synergies.

Quoi qu’il en soit, si leurs avis divergent sur certains points, vos rapporteurs sont parvenus à un diagnostic et à des propositions communs.

Tout d’abord, si le groupe a enregistré des résultats encourageants, notamment en matière de développement de la distribution, de la diffusion et de l’audience de ses chaînes, dans un univers médiatique extrêmement concurrentiel et saturé, le défaut de pilotage qui caractérisait la politique audiovisuelle extérieure de la France avant la réforme n’a pas été résolu.

En l’absence de contrat d’objectifs et de moyens, le groupe pâtit toujours d’un défaut de vision stratégique. Si les interlocuteurs entendus par la mission ont souligné que la signature de ce contrat continue d’achopper, non pas sur les objectifs, mais sur les moyens, les rapporteurs estiment que la réflexion sur les objectifs et les priorités ne saurait être menée indépendamment d’une réflexion sur les moyens que la France souhaite consacrer à sa politique audiovisuelle extérieure.

L’incapacité à formaliser un contrat d’objectifs et de moyens et le fait que le Premier ministre ait confié une mission d’audit à l’Inspection générale des finances (4) ont par ailleurs mis en évidence l’insuffisance des informations transmises par la direction de l’AEF à ses autorités de tutelle et l’incapacité de ces dernières à assumer pleinement leur rôle.

Vos rapporteurs estiment que les défaillances du pilotage appellent plusieurs réformes, à commencer par la signature d’un contrat d’objectifs et de moyens, sous l’impulsion d’un ministère chef de file, qui doit clarifier les objectifs stratégiques de l’AEF.

S’agissant de la structuration de l’AEF, les rapporteurs valident le principe d’un pôle dédié et d’un rapprochement entre RFI et France 24.

Si vos rapporteurs préconisent tous deux un accroissement des synergies et la poursuite du rapprochement entre les deux entités, ils ne s’accordent cependant pas sur la pertinence d’une fusion.

Votre corapporteur au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation estime que la fusion est une nouvelle étape indispensable dans l’effort de rationalisation et d’amélioration de la performance de l’audiovisuel extérieur de la France.

Quant à votre corapporteur au nom de la commission des affaires étrangères, il est convaincu que les coopérations et synergies indispensables peuvent s’effectuer dans le respect de l’identité des deux entreprises et sans fusion des structures.

De ce point de vue, comme il aura l’occasion de le développer, il est convaincu que la fusion à marche forcée engagée par l’actuelle présidence de l’AEF, laquelle donne le sentiment de vouloir à tout prix privilégier France 24 au détriment de RFI, en « braquant » les partenaires sociaux, a constitué une faute et handicapé la réforme.

Il regrette que la présidence de l’AEF ait autoritairement accéléré le processus de fusion alors que notre mission d’information avait explicitement souhaité son ajournement pendant la durée de ses travaux afin d’y voir plus clair.

Vos deux rapporteurs jugent en outre, comme la quasi-totalité des personnalités auditionnées, que le positionnement de TV5 Monde au sein de l’AEF n’est pas satisfaisant.

Les auditions ont montré que ce positionnement, qui résulte du caractère multilatéral, francophone et généraliste de la chaîne, ne satisfait ni cette dernière ni la holding ni les partenaires francophones de TV5 Monde.

Vos rapporteurs estiment que France Télévisions, qui est le partenaire historique de la chaîne francophone généraliste mais aussi son partenaire le plus naturel sur le plan éditorial, doit en être à nouveau l’actionnaire principal.

Enfin, la création d’un pôle dédié ne doit pas faire obstacle à la mise en place de synergies, potentiellement importantes, notamment dans le domaine du numérique, entre l’AEF et les acteurs de l’audiovisuel public que sont France Télévisions et Radio France.

Afin de faciliter ces synergies et d’établir un dialogue actuellement insuffisant entre l’AEF et les autres sociétés de l’audiovisuel public, vos rapporteurs suggèrent de renforcer les liens entre l’AEF et les groupes France Télévisions et Radio France, tandis que l’expertise de l’Institut français pourrait contribuer à éclairer la stratégie de l’AEF.

Administrateur de France Télévisions, au titre de l’Assemblée nationale, votre corapporteur au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation mesure le travail accompli par l’équipe du pôle international de la société unique France Télévisions et la volonté de ses dirigeants de participer à l’effort de cohérence et de synergie de l’audiovisuel extérieur.

I.- DES ÉVOLUTIONS STRATÉGIQUES ENCOURAGEANTES MALGRÉ DES DÉFAILLANCES DANS LE PILOTAGE

A. DES DÉFAILLANCES DANS LE PILOTAGE QUI APPELLENT PLUSIEURS RÉFORMES

1. Un contrat d’objectifs et de moyens indispensable

a) Un outil de pilotage qui fait défaut à l’entreprise, à l’actionnaire et aux parlementaires

La loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a fait d’AEF une société nationale de programme.

En tant que telle, l’AEF est soumise à l’article 53 de cette loi, qui prévoit la conclusion d’un contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et la société.

Le président de l’AEF est en outre tenu de présenter chaque année un rapport sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens devant les commissions chargées des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Enfin, en application de l’article 44 de la loi n° 86–1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, l’AEF doit disposer d’un cahier des charges, fixé par décret et définissant ses obligations. L’article 48 de la même loi précise qu’un rapport annuel sur l’exécution du cahier des charges est transmis chaque année par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) aux commissions chargées des affaires culturelles et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Début 2012, la société AEF ne disposait pourtant ni d’un cahier des charges, ni d’un contrat d’objectifs et de moyens, alors que les discussions en vue de l’élaboration de ces documents ont été engagées fin 2008.

Le décret n° 2012-85 du 25 janvier 2012 a fixé le cahier des charges de la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Le 16 janvier 2012, la cour d’appel de Paris avait en effet ordonné la suspension de la procédure d’information/consultation sur le projet de fusion de RFI avec France 24, tant que le comité d’entreprise de la radio n’aurait pas eu communication du cahier des charges, « dans sa version définitive ».

Cependant, à ce jour, la société AEF est toujours privée de contrat d’objectifs et de moyens. L’absence de contrat d’objectifs et de moyens est d’autant plus regrettable que la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France avait précisément pour objectif de remédier à un pilotage stratégique défaillant, résultant notamment de l’absence d’une véritable stratégie pluriannuelle formalisée dans un contrat d’objectifs et de moyens.

Faute de contrat d’objectifs et de moyens, l’entreprise, l’actionnaire et le Parlement sont privés d’un outil indispensable de pilotage et de suivi de la mise en œuvre de la réforme.

Les salariés sont privés d’une vision claire des orientations stratégiques de l’entreprise pour laquelle ils travaillent et des objectifs de la réforme qui y est mise en œuvre.

Comme l’a souligné M. Pierre Sellal, secrétaire général du ministère des affaires étrangères et européennes et administrateur de l’AEF (5), le malaise du personnel de RFI tient en partie à l’incertitude favorisée par l’absence de contrat d’objectifs et de moyens. C’est ce qu’ont confirmé les représentants de l’intersyndicale de RFI (6) : « En l’absence de cahier des charges et de COM, ont-ils déclaré, nous ne savons pas ce que doit être RFI, la voix de la France à l’étranger et l’audiovisuel extérieur de la France de façon plus générale. »

Quant à M. Roch-Olivier Maistre, premier avocat général à la Cour des comptes et administrateur de l’AEF (7), il a souligné que les administrateurs de l’AEF avaient le sentiment de découvrir au fur et à mesure ce qu’est la réalité de l’entreprise « sans entrevoir le chemin emprunté ».

Les parlementaires, qui votent chaque année les crédits publics attribués à la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, sont dans la même situation. Ainsi, à titre d’exemple, alors que la création du pôle arabophone par regroupement de Monte Carlo Doualiya (filiale arabophone de RFI) et de la rédaction arabophone de France 24 figure aujourd’hui parmi les axes prioritaires et les plus grandes réussites de la réforme, vos rapporteurs ont été étonnés d’apprendre qu’il avait été envisagé dans un premier temps de supprimer Monte Carlo Doualiya. Les parlementaires n’ont donc pas pu être associés aux réflexions sur ce choix stratégique majeur.

Selon M. Roch-Olivier Maistre, l’absence de cadre financier favorise en outre, de la part de la direction, des « demandes reconventionnelles perpétuelles d’augmentation des crédits qui mettent l’État devant le fait accompli ». Ce cadre doit donc être scellé au plus vite dans un document qui engage la responsabilité de l’entreprise, « sans quoi l’État se verra indéfiniment présenter la facture ».

Enfin, l’absence de contrat d’objectifs et de moyens a également pu permettre ou favoriser les divergences stratégiques à la tête de l’entreprise.

Au cours de l’audition de la direction de France 24 (8), M. Jean Lesieur, alors directeur de la rédaction de France 24, a par exemple souligné que le développement de France 24 en arabe avait été freiné par Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée de l’AEF jusqu’à la fin du mois de mai 2011.

Selon Mme Nahida Nakad, directrice de la rédaction du pôle arabophone, Mme Christine Ockrent aurait affirmé qu’il n’y avait pas de budget pour le lancement de la chaîne en arabe. Mme Nahida Nakad a déclaré que ce budget existait mais que les crédits correspondants avaient été utilisés à d’autres fins. Le passage à une diffusion en arabe de 15 heures n’aurait donc pas pu avoir lieu dans les temps, les recrutements et l’organisation nécessaires n’ayant pas pu se faire.

C’est pourquoi, comme l’a souligné la directrice de la rédaction du pôle arabophone, M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de l’AEF, aurait choisi « d’avancer » la date de passage aux 24 heures de diffusion en arabe à octobre 2010 au lieu de janvier 2011.

Les auditions menées par la mission ont également mis en évidence des divergences stratégiques entre le président-directeur général et la directrice générale déléguée sur la nécessité d’une fusion des rédactions de France 24 et RFI.

Vos rapporteurs estiment qu’en présence d’un document engageant clairement l’entreprise sur des objectifs précis assortis d’un calendrier de mise en œuvre de ces derniers, ces divergences n’auraient sans doute pas été rendues possibles.

Selon le rapport de l’Inspection générale des finances, publié en octobre 2011, l’absence de contrat d’objectifs et de moyens s’expliquerait essentiellement par des interrogations persistantes sur le financement de l’AEF, et notamment sur la crédibilité de la trajectoire financière proposée par la direction.

b) Une lacune qui s’explique essentiellement par des interrogations sur le financement de l’AEF

Comme l’indique le rapport de l’Inspection générale des finances, « le plan d’affaires initial de l’AEF était fondé sur un modèle de " retour sur investissement" ». La logique de ce plan d’affaires consistait en effet à développer la couverture mondiale de France 24 et de RFI, ce qui nécessitait des investissements importants. L’entreprise sollicitait donc un effort initial substantiel de l’État, qui devait décroître à la faveur d’une augmentation importante et rapide des recettes publicitaires que devaient engendrer les progrès de la distribution et de l’audience. Les hypothèses sur lesquelles ce scénario a été bâti ont rapidement été mises à mal.

Dans son rapport, l’Inspection générale des finances souligne que les prévisions initiales en matière de progression des ressources propres étaient « particulièrement volontaristes ». « Ainsi, » poursuit l’inspection, « les premières projections réalisées par l’AEF en 2008 ("V0" du plan d’affaires) prévoyaient-elles d’atteindre dès 2013 un objectif de ressources propres de 55 millions d’euros, soit un montant comparable aux réalisations de concurrents implantés de longue date comme BBC Global News (56 millions d’euros de ressources propres, exclusivement tirées de la chaîne BBC World News) ou Euronews (46 millions d’euros de ressources propres), et bien supérieur à Deutsche Welle (15 millions d’euros de ressources propres) ».

Sur la base de cette prévision, la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 prévoyait une baisse régulière de la subvention de l’État à l’AEF qui devait passer de 295,9 millions d’euros en 2009 à 265,9 millions d’euros en 2011.

« Il est très rapidement apparu, poursuit l’Inspection générale des finances, que l’AEF n’atteindrait pas les objectifs qu’elle s’était fixés. Ainsi, en 2010, les ressources propres du groupe (TV5 Monde inclus) se sont établies à 19 millions d’euros, soit 40 % de moins que la prévision de 2008 pour 2010 (32 millions d’euros). »


Même si les prévisions initiales étaient certainement trop optimistes, l’Inspection générale des finances souligne que deux autres facteurs ont contribué à creuser l’écart entre les prévisions et les réalisations : la dégradation de la conjoncture économique et les incertitudes entourant la gestion de la régie publicitaire 
(
9).

Comme l’indique le rapport de l’inspection, l’AEF a ainsi été amenée à réduire à trois reprises ses prévisions de ressources propres entre avril 2009 et février 2011. La prévision de ressources propres pour l’AEF hors TV5 Monde pour 2013 a ainsi progressivement été ramenée de 39 millions d’euros dans les prévisions d’avril 2009 (« V1 » du plan d’affaires) à 19 millions d’euros dans les prévisions de février 2011 (« V3 » du plan d’affaires).

« Au total, la comparaison entre la V1 et la V3 du plan d’affaires fait apparaître une révision à la baisse des prévisions de ressources (toutes catégories confondues : ressources propres et subventions publiques) à hauteur de 37 millions d’euros en cumulé pour la période 2011-2013. »

Si les interlocuteurs entendus par la mission ont souligné que la signature du contrat d’objectifs et de moyens continuait d’achopper, non pas sur les objectifs mais sur les moyens, vos rapporteurs estiment que la réflexion sur les objectifs et les priorités ne saurait être menée indépendamment d’une réflexion sur les moyens que la France souhaite consacrer à la politique audiovisuelle extérieure.

c) Des anomalies dans la négociation du contrat d’objectifs et de moyens

Si l’ensemble des personnes auditionnées par la mission a souligné l’anomalie que constitue l’absence de contrat d’objectifs et de moyens, plusieurs « anomalies » dans la négociation même de ce contrat ont également été relevées au cours des auditions.

Les représentants du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie et du ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, administrateurs de l’AEF, Mme Marie-Astrid Ravon, sous-directrice à la direction du budget et M. Alexis Kohler, sous-directeur à l’Agence des participations de l’État (10), ont précisé que la trajectoire financière fondée sur une logique de « retour sur investissement » diffère de ce qui se fait pour les autres entreprises publiques, qui ne proposent pas à l’État un retour sur investissement mais un taux d’augmentation des ressources publiques. Les représentants du ministère du budget ont souligné le caractère risqué et irréaliste de ce modèle, qui a rapidement été mis à mal.

Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles (11) au ministère de la culture et de la communication, a souligné que tous les ministères avaient pourtant immédiatement alerté sur l’erreur d’appréciation qui caractérisait la prévision d’évolution des ressources propres.

Elle a également estimé qu’il aurait été souhaitable d’établir, dès 2009, un diagnostic plus ferme pour stabiliser l’équation économique et financière, mais qu’à cette époque a primé « la volonté de ne pas déstabiliser les dirigeants de l’AEF engagés dans des négociations difficiles avec le personnel ».

Comme l’ont confirmé les représentants des ministères de l’économie et du budget, (12) la direction de l’AEF a par ailleurs présenté, en février 2011, un plan d’affaires révisé pour la période 2010-2013, qui ne respectait pas la trajectoire de ressources publiques notifiée par l’État le 10 août 2010. Le plan d’affaires présenté par la direction reposait en effet sur plusieurs hypothèses, et notamment un nouvel abondement budgétaire de l’État s’élevant au minimum à 2,3 millions d’euros en 2012 et à 3,4 millions d’euros en 2013. Cette demande a débouché sur un blocage des négociations sur le contrat d’objectifs et de moyens.

« C’est une première de voir une entreprise publique incapable de respecter l’arbitrage de l’État », a souligné Mme Françoise Miquel, chef de la mission de contrôle général économique et financier des sociétés du service public de la radio et de la télévision (13).

À la suite de cet « incident », par lettre datée du 10 mars 2011, le Premier ministre a confié à l’Inspection générale des finances une mission destinée à éclairer l’État sur la situation financière du groupe AEF.

Vos rapporteurs ont par ailleurs constaté d’importantes divergences d’interprétation de la situation entre la direction de l’entreprise et les représentants de l’État.

M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de l’AEF, lors de sa première audition par la mission en mai 2011(14), a insisté sur le fait qu’il n’avait pas demandé de rallonge budgétaire mais « une baisse moins importante de la dotation de l’État ». M. Alain de Pouzilhac a indiqué avoir demandé 1 million supplémentaire pour TV5 Monde, compte tenu des engagements pris en faveur de la chaîne francophone et 1,1 million d’euros pour permettre à Monte Carlo Doualiya de mettre fin à une émission de prêche évangélique diffusée tous les soirs à 20 heures, dont le contrat avait été signé une dizaine d’années auparavant, lorsque la radio avait dû, pour des raisons budgétaires, sous-louer son antenne.

Le président-directeur général de l’AEF a confirmé et regretté que l’État refuse de lui accorder ces moyens et précisé que ce problème de financement de TV5 Monde et de Monte Carlo Doualiya faisait obstacle à la signature du contrat d’objectifs et de moyens.

Entendue par M. Yves Rome et Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sénateurs, dans le cadre de l’avis fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat sur les crédits en faveur de l’AEF inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012, Mme Laurence Franceschini s’est inscrite en faux contre « cette interprétation restrictive », en précisant qu’un contrat d’objectifs et de moyens porte sur une stratégie globale et ne se ramène pas à une « négociation ligne par ligne ».

En conclusion, vos rapporteurs estiment que les responsabilités de l’absence de contrat d’objectifs et de moyens sont partagées entre une direction, qui a bâti ses plans d’affaires successifs sur des hypothèses peu réalistes d’évolution des ressources propres du groupe et une augmentation de crédits non validée par l’État, et un État actionnaire qui a laissé ces négociations s’enliser, alors que le caractère peu réaliste du scénario de retour sur investissement était avéré.

2. Une nécessaire amélioration de la transparence sur la situation de l’AEF

L’incapacité à formaliser un contrat d’objectifs et de moyens et la mission confiée à l’Inspection générale des finances mettent en évidence l’insuffisance des informations transmises par la direction de l’AEF à ses autorités de tutelle.

Les représentants du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie et du ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État entendus par la mission (15) ont souligné que l’État n’avait pas une vision suffisamment précise de la situation de l’entreprise, ne disposant que des seules informations fournies au conseil d’administration. Mme Marie-Astrid Ravon, sous-directrice à la direction du budget, et M. Alexis Kohler, sous-directeur à l’Agence des participations de l’État ont indiqué que l’État avait du mal à obtenir des réponses à l’ensemble des questions adressées à l’entreprise et que les réponses variaient dans le temps, ce qui a fini par installer « une crise de confiance entre l’État et le groupe ». C’est pourquoi, il est apparu nécessaire de confier à l’Inspection générale des finances la mission de dresser un constat objectif de la situation, « qui permette aussi, selon Mme Marie-Astrid Ravon et M. Alexis Kohler, de rétablir la confiance dans les informations financières transmises ».

Ce dysfonctionnement a été confirmé par M. Roch-Olivier Maistre, premier avocat général à la cour des comptes et administrateur de l’AEF (16), qui a précisé que la structure de l’AEF empêchait les administrateurs d’avoir une connaissance fine des trois filiales ou partenaires qu’il regroupe, l’équipe de direction – au demeurant très réduite puisque comportant quatorze personnes – ne relayant pas tout ce qui se passe en leur sein.

Mme Françoise Miquel, chef de la mission de contrôle général économique et financier des sociétés du service public de la radio et de la télévision (17), a également exprimé son insatisfaction sur le niveau de l’information reçue par l’État, son manque de fiabilité et de finesse. Elle a souhaité que les dirigeants de l’AEF partagent davantage les options stratégiques avec les autorités de l’État, l’information reçue ne permettant pas aux responsables du contrôle d’éclairer les choix des autorités de l’État quand des arbitrages budgétaires doivent être rendus. Ce fut notamment le cas en 2010, a précisé Mme Françoise Miquel, lorsqu’un rétablissement des comptes s’est imposé à la suite des dérapages budgétaires engendrés par des embauches non anticipées à France 24.

La chef de la mission de contrôle général économique et financier des sociétés du service public de la radio et de la télévision a néanmoins observé que le défaut d’information concerne toutes les sociétés de l’audiovisuel public, ce qui ne permet pas d’exercer correctement le contrôle. Si l’on veut plus de transparence de la part de ces sociétés, « il faut parfois, a-t-elle estimé, que la demande vienne du plus haut niveau de l’État ».

Mme Marie-Astrid Ravon, qui a également observé que, dans le contexte de la réforme, l’équipe d’AEF était trop légère et pas assez dotée de compétences en matière d’expertise financière et juridique, a préconisé un renforcement des fonctions de direction de l’AEF.

Pour un dialogue de gouvernance de meilleure qualité, Mme Françoise Miquel a jugé indispensable d’améliorer la transparence de la gestion et l’information des autorités de l’État grâce à la mise en place d’outils performants, comme par exemple des tableaux de bord sur la progression de la diffusion mondiale renseignés sur une base périodique.

La mission de l’Inspection générale des finances, dans son rapport d’octobre 2011, estime quant à elle que la fonction financière de l’AEF est correctement dimensionnée et dotée de ressources humaines de qualité, au niveau de la holding comme dans les différentes chaînes du groupe, « même si elle a pu être affectée par un turn over important ». Selon l’Inspection générale des finances, « les outils de reporting budgétaire existants permettent un pilotage efficace des budgets dans toutes les chaînes du groupe, y compris chez RFI dont les procédures ont été récemment rendues plus performantes ». En revanche, l’inspection relève que « des circuits d’engagement de la dépense (règles de validation) ont bien été définis, mais ne sont pas systématiquement respectés ». Elle a confirmé que les informations fournies au conseil d’administration « manquaient d’homogénéité » et estimé que les fonctions d’audit et de contrôle interne n’étaient pas structurées.

S’agissant de l’information du Parlement, dans la situation exceptionnelle caractérisée par l’absence de contrat d’objectifs et de moyens, dont M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes (18), a annoncé que la signature pourrait intervenir au début de l’année 2012, vos rapporteurs souhaiteraient que le Parlement soit régulièrement informé de l’avancée des négociations en vue de l’élaboration de ce dernier, en ce qui concerne les options stratégiques et le plan d’affaires.

3. Les irrégularités de gestion relevées par l’Inspection générale des finances

Le rapport de l’Inspection générale des finances également a relevé un certain nombre d’irrégularités préoccupantes concernant des contrats passés ou des versements réalisés par l’AEF :

– l’absence de transmission de certains contrats au contrôle général économique et financier, ou, dans certains cas, une transmission postérieure à la signature de ces contrats ;

– l’absence de mise en concurrence des prestataires préalablement à l’attribution de certains marchés soumis à obligation de mise en concurrence ;

– l’absence de contrat à l’appui de prestations ayant fait l’objet de paiements.

En outre, comme le souligne le rapport de l’inspection, « même si elle n’est pas en elle-même constitutive d’une irrégularité, l’absence de clause d’audit permettant de s’assurer de la bonne utilisation des fonds dans des contrats conclus avec des prestataires de services est certainement regrettable, notamment lorsque ces derniers opèrent dans des zones éloignées ».

4. Un pilotage stratégique et politique à réformer

Comme l’a indiqué Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles (19), l’absence de contrat d’objectifs et de moyens pose aussi la question du pilotage et de la tutelle de l’AEF. Vos rapporteurs déplorent également la réaction trop tardive de l’actionnaire pour mettre fin à la « crise de gouvernance » qui a secoué l’AEF en 2010 et 2011.

a) Une réaction trop tardive de l’actionnaire pour mettre fin
à une crise de gouvernance d’une particulière gravité

Vos rapporteurs, comme l’ensemble des personnes auditionnées par la mission, déplorent la crise de gouvernance, largement relayée par la presse, qu’a connue l’AEF entre l’été 2010, date à laquelle les médias ont commencé à faire état de divergences entre M. Alain de Pouzilhac et Mme Christine Ockrent, et le départ de cette dernière, fin mai 2011.

M. Roch-Olivier Maistre, premier avocat général à la Cour des comptes et administrateur de l’AEF (20), a souligné le caractère anormal de la situation au sommet de l’entreprise, situation « qui engageait l’image de la France et mettait en jeu la situation des salariés ».

Quelles que soient les raisons, encore obscures et divergentes selon les interlocuteurs, qui ont conduit au conflit entre les deux têtes du groupe, quelles que soient les responsabilités de chacun, qu’il n’appartient pas à cette mission d’information de trancher, la plupart des personnes auditionnées ont regretté la réaction trop tardive de l’actionnaire, à qui incombait pourtant la responsabilité de résoudre le problème de gouvernance.

M. Alain de Pouzilhac lui-même, lors de son audition du 18 mai, a estimé, s’agissant du problème de gouvernance, que c’était à l’État de trancher car c’est le rôle de l’actionnaire. « Dans une entreprise normale, quand la n° 2 fait l’objet d’une défiance de la part de 85 % du personnel et de 97 % des directeurs, la situation est réglée en 24 heures », a-t-il ajouté. « On ne peut bâtir et développer une entreprise dans ces conditions. »

S’agissant du rôle du conseil d’administration, M. Alain de Pouzilhac a rappelé qu’il était majoritairement composé de représentants de l’actionnaire et que, par conséquent, si l’actionnaire ne souhaitait pas trancher, le conseil tiendrait la même position.

M. Francis Balle, administrateur de l’AEF et directeur de l’Institut de recherches et d’études sur la communication et les médias (IREC) (21), a lui aussi insisté sur le fait que le conseil d’administration n’avait pas le pouvoir de résoudre le problème de gouvernance.

S’exprimant sur « l’affligeante affaire de la gouvernance », M. Louis de Broissia, ambassadeur pour l’audiovisuel extérieur (22), a estimé qu’il était particulièrement désagréable pour les administrateurs d’apprendre depuis dix mois ce qui se passe à France 24 dans la presse. Il s’est dit particulièrement respectueux du personnel qui continuait à travailler dans ce climat.

Les administrateurs ont pourtant appelé l’actionnaire à intervenir. M. Louis de Broissia a déclaré avoir menacé de démissionner et a également indiqué que les administrateurs indépendants avaient rencontré les ministres concernés pour leur demander que des décisions soient prises dans les meilleurs délais.

Dans une lettre adressée au Président de la République le 4 mai 2011, les administrateurs indépendants du conseil d’administration exhortaient ainsi ce dernier à trancher sans plus tarder « le nœud gordien » :

« Notre fonction d’administrateurs n’est certainement pas de prendre position, mais de demander que cette affaire nuisible pour l’image d’une grande télévision (et pour l’État qui nomme les dirigeants) soit tranchée au plus vite.

« Il n’est pas souhaitable, que nos conseils d’administration se déroulent dans une ambiance de perquisition judiciaire, que les décisions de rapprochement avec RFI, que la négociation avec l’actionnaire unique d’un contrat d’objectifs et de moyens, que les nouveaux défis de la distribution de France 24 en Asie, etc. n’apparaissent aux yeux des médias, des parlementaires, que comme des sujets mineurs … face à la question de la gouvernance de l’entreprise.

« Nous avons déjà saisi personnellement de cette question les deux ministres en charge de l’audiovisuel extérieur de la France : monsieur Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication et monsieur Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes. Nous savons que si quelqu’un doit "trancher le nœud gordien", ce ne peut être que vous. »

S’agissant du rôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel, son président, M. Michel Boyon(23), a précisé que s’il avait constaté que les problèmes de gouvernance affectaient l’antenne de France 24, il se serait exprimé mais il a rappelé qu’il incombait in fine à l’actionnaire « de prendre ses responsabilités ».

Les représentants du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie et du ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État entendus par la mission (24) ont relevé que c’était la première fois que les divergences entre les dirigeants étaient affichées publiquement au sein d’un conseil d’administration et que les relations entre la direction et les personnels (demande du comité d’entreprise de RFI de révocation des dirigeants, courrier des directeurs de France 24 refusant de travailler avec la directrice générale) étaient d’une nature qui se rencontre peu fréquemment dans les entreprises audiovisuelles publiques.

Comme l’a souligné M. Pierre Sellal, secrétaire général du ministère des affaires étrangères et européennes et administrateur de l’AEF (25), les problèmes de gouvernance à la tête d’AEF ont terni l’image de la France, alors que c’est la raison d’être d’AEF que de projeter celle-ci.

C’est pourquoi vos rapporteurs regrettent la réaction trop tardive de l’actionnaire pour mettre fin à cette crise qui a affecté l’image de l’AEF et la perception de la réforme qui y est conduite.

b) L’indispensable rétablissement d’une tutelle effective et efficace

Avant la réforme entreprise en 2008, la tutelle de TV5 Monde était exercée par le ministère des affaires étrangères.

Quant à RFI, elle était placée sous une double tutelle : celle de l’ancienne direction du développement des médias, qui dépendait à l’époque du Premier ministre, et celle de la direction de l’action audiovisuelle extérieure du ministère des affaires étrangères. Le constat avait été fait de l’inefficacité de cette double tutelle, rendue notamment responsable de l’incapacité à signer un contrat d’objectifs et de moyens, pourtant obligatoire.

Conçue hors des deux ministères en charge de l’audiovisuel extérieur, la création de France 24 a été confiée à une société privée détenue à parité par un actionnaire public, France Télévisions, et un actionnaire privé, TF1, et régie par un pacte d’actionnaires. Les choix stratégiques de la chaîne étaient décidés par la direction de l’entreprise puis avalisés par son administration de rattachement, la direction du développement des médias.

La réforme devant conduire à une rationalisation des tutelles, l’AEF a été placée sous l’autorité principale de la direction générale des médias et des industries culturelles, qui a succédé à la direction du développement des médias, et qui dépend désormais du ministère de la culture et de la communication.

M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes (26), a indiqué que cette décision insatisfaisante résultait de motifs purement conjoncturels, à savoir la volonté d’écarter le risque de conflits d’intérêts lié aux fonctions exercées respectivement par M. Bernard Kouchner, alors ministre des affaires étrangères et européennes, et son épouse, Mme Christine Ockrent.

Les crédits destinés à l’AEF sont ainsi répartis entre deux programmes placés sous la responsabilité de la directrice générale des médias et des industries culturelles : le programme 844, Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public qui répartit le produit de la contribution à l’audiovisuel public (ancienne « redevance ») et le programme 115, Action audiovisuelle extérieure de la mission Médias, livre et industries culturelles.

Cependant, trois ministères différents (le ministère de la culture et de la communication, le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère des finances), représentés au conseil d’administration de la holding, interviennent dans le pilotage de l’audiovisuel extérieur de la France.

Plusieurs interlocuteurs entendus par la mission ont jugé insatisfaisant ce mode d’exercice de la tutelle, ce que confirment l’absence de contrat d’objectifs et de moyens et le règlement tardif de la crise de gouvernance.

L’Inspection générale des finances, dans son rapport d’octobre 2011, estime que « l’éclatement des tutelles est probablement déresponsabilisant pour les administrations concernées, dont aucune n’est clairement identifiée comme pouvant être appelée à rendre des comptes de la situation de l’AEF. Il n’est sans doute pas étranger au fait que la direction de l’AEF a eu tendance à développer un dialogue direct avec le cabinet du Premier ministre ».

La mission confiée par le Premier ministre à l’Inspection générale des finances témoigne assez clairement en effet d’une « reprise en main » de la tutelle par Matignon.

Plusieurs personnalités auditionnées ont également regretté une trop grande marginalisation du ministère des affaires étrangères et européennes dans le pilotage du dispositif.

Comme l’a indiqué M. Pierre Sellal, secrétaire général du ministère des affaires étrangères et européennes et administrateur de l’AEF (27), l’audiovisuel extérieur est une dimension essentielle du rayonnement de la France, l’outil d’influence le plus efficace et le plus universel, ainsi qu’un support privilégié des actions en faveur du français et de la francophonie. À ce triple titre, il intéresse particulièrement le ministère des affaires étrangères et européennes. Le Quai d’Orsay a un rôle à jouer puisqu’il est à même de repérer les problèmes dans la perception de la France et les préjugés négatifs que France 24 pourrait aider à résoudre.

M. Pierre Sellal a néanmoins jugé que la situation actuelle ne constituait pas une anomalie ou une gêne pour le ministère à condition que ce dernier joue pleinement son rôle, pour ce qui relève de ses compétences : choix en matière de publics, de régions ou de langues de diffusion. M. Pierre Sellal a par ailleurs rappelé qu’il incombait au ministère des affaires étrangères et européennes de veiller à entretenir les relations avec les partenaires francophones de TV5 Monde.

Votre corapporteur au nom de la commission des affaires étrangères a eu l’occasion, dans ses avis budgétaires sur les crédits de l’audiovisuel extérieur de la France, de critiquer le pilotage politique insatisfaisant de la politique audiovisuelle extérieure de la France et de regretter qu’il ne soit pas fait une place suffisante au ministère des affaires étrangères et européennes, anormalement privé de la tutelle d’un des trois principaux outils du rayonnement culturel de la France.

Il convient en effet de rappeler que deux autres outils du rayonnement culturel français que sont l’Institut français et l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) dépendent directement du ministère des affaires étrangères et européennes

S’agissant de la tutelle, M. Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères et administrateur de l’AEF (28), a estimé qu’il fallait « un pilote », « une tour de contrôle » et que la tour de contrôle de l’influence de la France dans le monde devait être le Quai d’Orsay. C’est là, a-t-il ajouté, que doivent s’orchestrer les différents modes d’influence de notre pays (langue, centres culturels, diplomatie, gastronomie…). Cela n’implique pas d’écarter le ministère de la culture et de la communication, qui peut avoir son mot à dire mais n’est pas « équipé » pour avoir une vision globale sur ces sujets.

L’Inspection générale des finances préconise pour sa part une clarification à travers la désignation d’un ministère chef de file, responsable de la coordination interministérielle et interlocuteur privilégié de la direction de l’AEF.

Vos rapporteurs souscrivent à cette analyse et se félicitent que M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes (29), ait confirmé, devant la mission, son intention de revendiquer un rôle de pilotage plus important de l’AEF pour son ministère.

M. Alain Juppé a estimé que la réaffirmation du rôle de pilotage du ministère des affaires étrangères devait être progressive, ce qui impliquait dans un premier temps l’association du ministère des affaires étrangères au sein d’un comité d’orientation stratégique, voire une cotutelle.

Vos rapporteurs estiment néanmoins que la cotutelle est une « fausse bonne idée » et que la tutelle de l’AEF doit être sans plus tarder transférée au ministère des affaires étrangères et européennes en associant le ministère de la culture et de la communication au sein d’un comité d’orientation stratégique.

Il convient de souligner que cette modification de l’exercice de la tutelle implique, en toute logique, que les crédits en faveur de l’AEF soient regroupés dans la seule mission Action extérieure de l’État.

Cette modification aurait par ailleurs le mérite d’éviter les comparaisons entre l’évolution du budget de l’AEF et celui des autres organismes de l’audiovisuel public. Dans la note précitée adressée à vos rapporteurs, la direction de l’AEF s’interroge : « Même si l’on mesure pleinement les fortes contraintes pesant sur le budget de l’État, peut-on considérer, à l’heure de la mondialisation, que les financements publics consacrés à l’audiovisuel extérieur doivent être réduits alors que l’ensemble du secteur public audiovisuel national voit ses moyens augmenter de façon significative ? » Une telle comparaison n’est pas pertinente alors que l’AEF et les autres acteurs de l’audiovisuel public ne partagent pas les mêmes objectifs. L’arbitrage doit évidemment se faire entre l’AEF et les autres outils du rayonnement culturel français que sont l’Institut français et l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

c) Un besoin de clarification des objectifs stratégiques de l’AEF dont la définition pourrait être confiée à un comité stratégique

M. Roch-Olivier Maistre, premier avocat général à la Cour des comptes et administrateur de l’AEF (30), a estimé que des interrogations demeuraient « en premier lieu sur le pilotage de l’État auquel il manque un instrument ». Selon lui, le conseil d’administration ne peut tenir lieu d’espace de dialogue et de définition des attentes à l’égard de l’AEF.

Si les administrations de tutelle ont souligné que le contrat d’objectifs et de moyens n’avait pu être formalisé faute de clarification de la trajectoire financière, vos rapporteurs sont convaincus que l’AEF manque encore d’une vision stratégique suffisamment claire, même s’ils sont conscients de la difficulté de définir cette dernière.

M. Rachid Arhab, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) où il préside le groupe de travail sur l’audiovisuel extérieur (31), a estimé que l’AEF était encore « un couteau suisse », c’est-à-dire « un objet qui sert à beaucoup de choses mais dont ne sait pas quelles sont sa fonction première et sa finalité ».

Il a notamment regretté que le marché audiovisuel international ait été envisagé du point de vue de l’offre sans définir les cibles prioritaires ni étudier la manière dont les chaînes sont perçues et les attentes des publics ciblés. Le président du groupe de travail du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur l’audiovisuel extérieur a globalement estimé qu’il manquait à l’AEF une vision extérieure et professionnelle.

Dans son rapport public annuel de 2009, la Cour des comptes avait elle aussi dénoncé une politique de l’offre fondée sur une présence universelle et préconisé la mise en place d’une politique ciblée, plus attentive à la demande et aux résultats mieux mesurés.

Pour remédier au défaut de vision stratégique et à la coordination insuffisante entre les divers opérateurs participant à la politique audiovisuelle et culturelle extérieure, de nombreux interlocuteurs auditionnés par la mission d’information ont préconisé la création d’un comité stratégique chargé de définir les priorités, la stratégie de développement de l’AEF et le partage des rôles entre les opérateurs.

Afin de « muscler la gouvernance », Mme Françoise Miquel, chef de la mission de contrôle général économique et financier des sociétés du service public de la radio et de la télévision (32), a ainsi préconisé la création d’un tel comité, en rappelant qu’il en existe un à France Télévisions. Cette proposition a également été formulée par MM. Louis de Broissia, ambassadeur pour l’audiovisuel extérieur (33), et Roch-Olivier Maistre, administrateur de l’AEF.

M. Pierre Sellal, secrétaire général du ministère des affaires étrangères et administrateur de l’AEF (34), a lui aussi estimé qu’il manquait une coordination globale des efforts de tous les acteurs qui contribuent à la présence audiovisuelle française à l’étranger. Il ne s’agit pas, a-t-il précisé, de reconstituer le conseil de l’audiovisuel extérieur de la France mais plutôt de créer un comité stratégique qui serait un lieu d’information et de coordination. Selon le secrétaire général du Quai d’Orsay, l’Institut français aurait aussi sa place, de même que l’Agence France-Presse (AFP), au sein de ce comité, qui serait chargé d’évaluer les conditions de la présence française dans le monde.

Selon M. Louis de Broissia, un tel comité permettrait d’éviter dispersions et doublons.

Il permettrait également de continuer à associer le ministère de la culture et de la communication à la définition des orientations stratégiques de l’AEF.

Sa présidence pourrait, comme l’a préconisé M. Alain Juppé, être confiée à une personnalité reconnue et son animation assurée par le ministère des affaires étrangères et européennes.

Vos rapporteurs jugent cette proposition intéressante et estiment qu’il serait souhaitable que soient représentés, au sein de ce comité, l’Institut français, France Télévisions, Radio France mais aussi ARTE France, Euronews et l’Agence France-Presse (AFP), acteurs qui contribuent également au rayonnement médiatique et culturel de notre pays.

Dans le cadre de ce comité, pourrait s’engager une réflexion sur la stratégie globale d’influence que doit mener notre pays sur internet et les supports numériques et qui doit reposer sur une coordination de l’ensemble des acteurs.

d) Une nécessaire clarification des responsabilités à la tête
de l’entreprise

Au cours des auditions conduites par la mission, il a été indiqué que la crise de gouvernance à la tête de l’AEF avait été engendrée par un conflit de personnes mais aussi, en partie, par des divergences stratégiques et des conflits portant sur la répartition des compétences.

M. Alain de Pouzilhac (35) a déclaré qu’il s’était, dans un premier temps, consacré à RFI, en laissant la gestion de France 24 à Mme Christine Ockrent, laquelle n’aurait pas accepté que M. Alain de Pouzilhac reprenne le contrôle de France 24 en 2010.

Dans un entretien donné au Figaro, le 26 mai 2011, afin d’expliquer les raisons de son départ, Mme Christine Ockrent a évoqué une tout autre répartition des compétences en déclarant : « Pendant deux ans, Alain de Pouzilhac et moi avons travaillé en bonne intelligence – du moins le pensais-je – à lui la gestion et les relations avec les syndicats du groupe, à moi les contenus. »

Fin septembre 2011, M. Pierre Hanotaux, directeur de cabinet de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, est devenu le nouveau directeur général délégué de l’AEF. Il a été précisé par la direction que les fonctions de l’ancienne directrice générale déléguée seraient à l’avenir partagées, les fonctions de gestion revenant à Pierre Hanotaux. S’agissant des fonctions éditoriales, le 14 février 2012, M. Alain de Pouzilhac a annoncé que Mmes Nahida Nakad, directrice de la rédaction du pôle arabophone de France 24 et directrice générale de Monte-Carlo Doualiya, et Anne-Marie Capomaccio, directrice adjointe de l’information de RFI, chargée des contenus vers l’Afrique, dirigeront de concert les rédactions unifiées de France 24, RFI et Monte-Carlo Doualiya.

Pour éviter la « dyarchie assassine » qui a miné la gouvernance de l’AEF, vos rapporteurs estiment qu’il serait préférable que l’AEF dispose d’un président-directeur général et d’un secrétaire général, comme les autres entreprises de l’audiovisuel public, plutôt que d’un « tandem » président-directeur général/directeur général délégué.

Afin de renforcer le principe de responsabilité, la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service de public de la télévision a d’ailleurs prévu qu’un président nouvellement nommé à la tête d’une entreprise de l’audiovisuel public puisse conclure un nouveau contrat d’objectifs et de moyens après sa nomination afin que la personne qui élabore ce contrat soit bien celle qui répond de son application.

Dans une note adressée à vos rapporteurs par la direction de l’AEF, figure une observation qui montre le problème de dilution de la responsabilité qu’a engendrée le partage de cette dernière à la tête de l’entreprise : « Concernant plus particulièrement France 24, nous sommes très surpris que les analyses financières faites par l’IGF occultent complètement la politique menée par la directrice générale déléguée de l’AEF dans le cadre de ses fonctions de directrice générale de France 24, plus particulièrement lors du lancement de la grille de programme V2 de la chaîne. En effet, comme nous avons eu l’occasion de l’exposer en détail à l’IGF, le lancement de la grille V2 a eu des conséquences financières désastreuses sur le budget et la structure de coûts de France 24, fragilisant de ce fait son développement et son modèle économique. »

Comme M. Yves Rolland, secrétaire général du groupe France Télévisions, lors de son audition par la mission (36), vos rapporteurs sont d’avis que « la responsabilité ne se partage pas ».

En outre, comme l’a souligné M. Rémy Pflimlin, président-directeur général de France Télévisions, au cours de la même audition, le président-directeur général doit avoir la responsabilité des contenus, qui sont le cœur de l’activité.

Vos rapporteurs appellent donc de leurs vœux une clarification des responsabilités à la tête de l’AEF.

B. DES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS MAIS INSUFFISANTS

1. Des résultats encourageants

Si « le verre est à moitié vide » pour certains, comme M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) (37), qui a estimé que la réforme n’avait pas produit tous les effets que l’on pouvait en attendre, « à moitié plein » pour d’autres, tels que Mme Françoise Miquel, chef de la mission de contrôle général économique et financier des sociétés du service public de la radio et de la télévision (38), qui a dressé un bilan « globalement positif » de la réforme, la plupart des personnes entendues par la mission ont souligné les avancées enregistrées depuis la création de l’AEF.

L’Inspection générale des finances (39) a quant à elle souligné les « progrès remarquables » enregistrés depuis trois ans et indiqué que ces progrès étaient « à mettre au crédit de la direction actuelle ».

Vos rapporteurs estiment en effet que plusieurs progrès méritent d’être salués.

a) À France 24

Il s’agit tout d’abord de la progression de la distribution et de l’audience de France 24 ainsi que du lancement de la version arabophone de la chaîne, « axe majeur de la réforme », voire « raison d’être » de cette dernière, selon Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles (40).

À la fin du premier trimestre 2011, France 24 pouvait être reçue par 160 millions de foyers uniques dans le monde (102 millions de foyers en Europe, 43 millions au Maghreb/Moyen Orient, 6 millions en Afrique subsaharienne, 6 millions en Asie et 3 millions en Amérique). Rappelons qu’il ne s’agit que d’une couverture potentielle et qu’en réalité France 24 n’est que peu distribuée dans ces foyers.

Lors de son audition par la mission, M. Jean Lesieur, alors directeur de la rédaction de France 24 (41), a rappelé que, pour des raisons techniques et en raison de sa jeunesse, la chaîne accusait encore des problèmes de distribution mais qu’elle était désormais visible dans plus d’un million de chambres d’hôtels, soit moins que CNN International et TV5 Monde mais autant que BBC World.

Selon les chiffres fournis par la direction de l’AEF, France 24 compte 29,9 millions de téléspectateurs hebdomadaires fin 2010, ce qui représente une augmentation de 49 % de son audience par rapport à 2009 (20 millions de téléspectateurs hebdomadaires).

Bien que la chaîne semble progresser sur toutes ses zones de diffusion, votre rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères estime que les contenus de France 24 manquent encore souvent de substance éditoriale, jugement partagé par de nombreux professionnels de la télévision.

En Afrique francophone, France 24 augmente son audience hebdomadaire pour atteindre 35 % en 2010 contre 26 % en 2009 sur la cible des personnes âgées de quinze ans et plus.

Grâce au lancement de la diffusion 24 heures sur 24 en langue arabe en octobre 2010, la chaîne enregistre de bons résultats au Maghreb (audience hebdomadaire de 27 % sur la cible des leaders d’opinion) et a connu un pic de fréquentation lors des révolutions en Tunisie, en Égypte et en Libye.

M. Louis de Broissia, ambassadeur pour l’audiovisuel extérieur (42), a même indiqué que France 24 était devenue l’un des deux médias de la révolution tunisienne, d’après les chiffres disponibles.

M. Jean-David Levitte, ambassadeur de France, co-auteur du rapport de la mission de concertation et de propositions sur l’audiovisuel extérieur (43), a estimé que le « printemps arabe » et les événements en Côte-d’Ivoire avaient démontré l’importance de l’AEF pour le rayonnement de nos valeurs et pour l’information de nos compatriotes et donné raison au choix d’une chaîne supplémentaire pour diffuser le regard français sur l’actualité.

En Europe, France 24 enregistre une part d’audience hebdomadaire de 3,2 % en 2010 contre 2,4 % en 2009.

Le site de France 24 compte 69,5 millions de visites en 2010. Ce site a enregistré une forte augmentation du trafic en 2010. Lors de son audition par la mission, M. Jean Lesieur, alors directeur de la rédaction de France 24 (44), a précisé que le site internet de France 24 avait enregistré 4 100 000 visiteurs uniques mensuels en 2008, 4 900 000 en 2009 et 5 400 000 en 2010, dont 84 % hors de France. Dans la catégorie des sites traitant d’actualité internationale, M. Jean Lesieur a précisé que le site était premier en France, en Allemagne, en Espagne, en Italie, deuxième au Royaume-Uni et troisième aux États-Unis.

Le rapport de l’Inspection générale des finances souligne également « la conquête de remarquables positions sur internet et les réseaux sociaux, avec une visibilité particulièrement forte à l’occasion du " printemps arabe " et des événements en Côte-d’Ivoire ».

L’institut TNS Sofres (45) a relevé que la marque « France 24 » bénéficiait d’une notoriété réelle dans les pays d’Afrique francophone subsaharienne, au Maghreb ainsi qu’aux Proche et Moyen-Orient. Il s’agit là, selon TNS Sofres, du bassin d’audience le plus large de France 24.

TNS Sofres a également indiqué que le baromètre Africascope (outil partagé avec d’autres opérateurs et qui mesure les performances de l’intégralité du paysage médiatique, c’est-à-dire tant les médias locaux qu’internationaux, y compris Al Jazeera) montrait qu’au fil du temps, la notoriété et les performances d’audience de France 24 se consolidaient et avaient tendance à progresser.

Le baromètre montre également que France 24 constitue bien, dans certains de ces pays, une alternative crédible et une sorte de « troisième voix », à côté des médias anglo-saxons (BBC World News et CNN International), qui portent une vision très « américaine » de la politique internationale, et des chaînes arabes. TNS Sofres a souligné que la vision française était reconnue pour son positionnement intermédiaire entre ces deux types de médias et sa plus grande neutralité.

Les études d’audience de TNS Sofres, notamment dans le cadre d’Africascope, visent deux publics : le grand public (cible de TV5 et RFI), et les « leaders d’opinion ». Elles montrent que France 24 réalise ses meilleures performances sur la cible des leaders d’opinion. Cependant, dans certains pays, notamment en Afrique subsaharienne, où les médias nationaux sont très contrôlés par le pouvoir politique, France 24 semble recueillir une audience réelle auprès du grand public, ainsi que l’a précisé TNS Sofres.

Votre corapporteur au nom de la commission des affaires étrangères estime que la stratégie de communication très volontariste, issue de la culture publicitaire, de M. Alain de Pouzilhac a jeté le doute sur la réalité des performances de France 24 plus qu’elle n’en a étayé la crédibilité, d’autant que les études de notoriété (essentiellement déclaratives) des chaînes d’information en continu ne présentent pas la fiabilité des systèmes de mesure d’audience passive (type audimat).

b) À RFI

Comme l’ont souligné MM. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (46), et Francis Balle, administrateur de l’AEF et directeur de l’institut de recherche et d’études sur la communication et les médias (IREC) (47), si l’entreprise a mal vécu le plan de sauvegarde de l’emploi mis en place en 2009-2010, l’objectif de la réforme n’est pas de sacrifier la radio, comme en témoigne la relance de Monte Carlo Doualiya, ce qui serait d’ailleurs, selon M. Francis Balle, « une stupidité ». La radio est en effet un média privilégié ayant toute sa place au sein de l’AEF. C’est d’ailleurs le média qui se développe le mieux sur le numérique et qui est le meilleur support de l’information.

S’agissant de RFI, le rapport de l’Inspection générale des finances d’octobre 2011 salue le « renforcement des positions en Afrique anglophone à travers la création des rédactions en swahili et en haoussa », les émissions en haoussa étant diffusées au Niger et au Nigeria depuis 2006 et les émissions en swahili étant diffusées en Tanzanie depuis 2010. M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de l’AEF (48), a indiqué que le développement du haoussa avait notamment permis à RFI de prendre des parts de marché à BBC World News au Nigeria.

Le rapport de l’Inspection générale des finances se félicite également du développement par RFI des services de distribution sur le mobile.

Selon les chiffres fournis par la direction de l’AEF (49), l’audience de la radio a augmenté de 26 %, RFI étant passée de 29,8 millions d’auditeurs en 2009 à 37,6 millions en 2010.

La relance de Monte Carlo Doualiya constitue un autre acquis majeur, comme le souligne le rapport de l’Inspection générale des finances, alors qu’il était envisagé de fermer cette chaîne de radio en 2008.

Selon les informations fournies par la direction de l’AEF (50), Monte Carlo Doualiya est désormais la première radio en Syrie et au Liban et la deuxième radio en Irak. Elle serait passée de 5 à 7,8 millions d’auditeurs entre 2009 et 2010, soit une augmentation de 52 %, à surface de distribution comparable, RFI ayant implanté des émetteurs FM au Liban et aux Émirats arabes unis.

Mme Geneviève Goetzinger, directrice déléguée de RFI et directrice générale de Monte Carlo Doualiya (51), a estimé, s’agissant de Monte Carlo Doualiya, que l’on pouvait effectivement parler de réussite, cette dernière ayant été permise par une restructuration, une nouvelle grille et des efforts importants en matière de distribution et de promotion.

La plupart des interlocuteurs se sont également félicités du retour à l’équilibre de RFI grâce à la mise en œuvre, dans des conditions difficiles, d’un plan de sauvegarde de l’emploi, qui a conduit à 201 départs volontaires en 2009-2010. M. Michel Boyon, président du conseil supérieur de l’audiovisuel (52), a souligné que la mise en œuvre de ce plan avait été douloureuse mais que la suppression des rédactions dans des langues correspondant à des pays ayant rétabli la liberté d’expression n’était pas injustifiée.

Toutefois, votre corapporteur au nom de la commission des affaires étrangères estime que les dégâts sociaux engendrés par la mise en œuvre de ce plan, le climat qui en résulte, provoquant la défiance des équipes de RFI à l’égard de l’AEF, constituent désormais un lourd handicap pour faire évoluer cette dernière. Il estime par ailleurs que le format de RFI atteint désormais, pour le nombre de langues de diffusion, un seuil bas critique, qui pourrait entraîner un décrochage par rapport à ses grands concurrents que sont BBC World service ou Deutsche Welle.

c) À TV5 Monde

Pour TV5 Monde, le rapport de l’Inspection générale des finances salue « le développement du " media global " (support d’information mondial et media sous toutes leurs formes, à toute heure, en tout lieu, sur tous les supports : TV, radio, internet, mobile, tablettes…) ou encore des initiatives sur l’apprentissage du français ».

Un plan stratégique de quatre ans a en effet été adopté par le conseil d’administration de la chaîne en 2008 et par les ministres des gouvernements bailleurs de fonds en 2009 pour la période 2009-2012. L’un des objectifs de ce plan est de faire de la chaîne un média global (sur tous les supports). Le plan prévoit également l’amélioration de son identité, le développement du réseau de distribution et le développement du sous-titrage pour élargir l’audience hors du cadre francophone.

La distribution mondiale de TV5 Monde atteint 220,7 millions de foyers 24 heures sur 24, hors hôtels, en 2011, soit une augmentation de 6 millions entre juin 2010 et juin 2011, notamment grâce au lancement officiel du deuxième signal sous-titré en anglais destiné à l’Afrique anglophone et à une nouvelle implantation en Amérique latine. Cela en fait la chaîne généraliste la mieux distribuée au monde et constitue donc une très grande réussite.

L’augmentation des volumes de sous-titrage dans les 13 langues existantes demeure un levier essentiel de la distribution (le japonais, le coréen et le vietnamien ont permis de progresser fortement en Asie/Pacifique), de l’audience et du développement des ressources propres, en raison de l’élargissement de l’audience favorisé par le sous-titrage.

Cela étant, vos rapporteurs ont constaté le positionnement insatisfaisant de TV5 Monde au sein de l’ensemble que constitue l’AEF. Ils y reviendront dans le B du II du présent rapport.

d) Des synergies encourageantes

Comme l’a indiqué M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (53), on enregistre des effets positifs des rapprochements en matière de distribution (assurée par TV5 pour France 24 en Asie, un projet identique étant à l’étude pour l’Amérique latine), de mesures d’audience (mise en place de baromètres de performances communs), de production d’information et de réalisation d’émissions (essentiellement à travers la mise en place du pôle arabophone).

La réforme a en effet permis une plus grande mutualisation des études d’audience.

L’institut d’études d’opinion TNS Sofres fournit désormais une prestation globale, le « baromètre AEF », qui permet d’évaluer l’audience de l’ensemble des filiales et partenaires de l’AEF.

Parmi les données fournies par TNS Sofres figure l’enquête Africascope. Il s’agit d’une étude réalisée auprès d’un échantillon représentatif de la population de 15 ans et plus résidant dans les grandes villes de l’Afrique francophone. Un échantillon additionnel de 100 cadres et dirigeants est recruté sur tous les terrains afin de mieux rendre compte des performances de France 24 et de RFI sur leur cœur de cible, les leaders d’opinion. Le baromètre AEF intègre également des enquêtes de terrain ad hoc supplémentaires réalisées sur le même modèle que l’étude Africascope.

Après l’adoption commune d’un baromètre EMS-Synovate centré sur les 20 % des foyers européens les plus riches par TV5 Monde et France 24, l’étape suivante de convergence des indicateurs d’audience consiste à souscrire aux mêmes opérateurs pour le monde arabophone. En 2010, grâce aux synergies opérées avec les autres entités de l’AEF, France 24 a participé au développement et à la mise en place de l’étude Maghreboscope. Réalisée également par TNS Sofres, elle reprend les mêmes caractéristiques méthodologiques que le dispositif Africascope, mais déclinées sur les trois à cinq principales villes des trois grands pays du Maghreb.

Des mesures spécifiques à l’Asie sont également à l’étude.

Des synergies entre RFI et France 24 se développent dont la plus significative est le pôle arabophone.

Les journalistes de Monte Carlo Doualiya et de France 24 travaillent partiellement ensemble au sein du « pôle arabophone » de l’AEF, ce qui permet des échanges de programmes entre radio et télévision. Les équipes techniques en reportage ont commencé à être mutualisées. Les services multimédia sont également réunis sous une même autorité et les sites ont fusionné.

Des synergies entre les opérateurs de l’AEF ont également lieu ponctuellement autour d’opérations spéciales et d’événements : couverture des élections américaines en 2008 ou du festival de Cannes depuis deux ans, avec le partage de certains moyens de tournage et de sujets, et une coordination des actions de communication.

En matière de distribution, il a été procédé à la signature d’une convention confiant, à compter du 1er septembre 2009 pour une première période de seize mois, au bureau Asie de TV5 Monde installé à Hong Kong, un mandat exclusif de prospection, distribution et promotion de France 24 dans certains pays d’Asie (54).

Outre les économies réalisées par France 24 sur l’implantation d’un bureau spécifique et au niveau de la distribution, cette convention a également permis de réaliser des économies sur la promotion de la chaîne.

Parallèlement, ces synergies ont permis à France 24 d’atteindre plus rapidement ses objectifs sur l’Asie en termes de distribution à des coûts compétitifs et de profiter des connaissances de marché et des contacts acquis aux cours des quatorze dernières années par TV5 Monde dans la zone, sans avoir à s’acquitter de nombreux déplacements et missions de prospection.

Cette convention, qui est arrivée à échéance en décembre 2010, devrait être reconduite pour deux ans et le principe de l’extension d’une telle convention aux Amériques est actuellement à l’étude.

2. Des réformes et une distribution à développer

a) Une réforme qui n’a pas encore produit tous ses effets en termes d’accroissement des ressources propres et de maîtrise des coûts

Dans son rapport d’octobre 2011, l’Inspection générale des finances constate que, « face à l’inertie de ses ressources propres, l’AEF n’a pu financer ses projets de développement qu’au prix de restructurations impliquant des versements exceptionnels de l’État, pour un montant total supérieur à 100 millions d’euros sur la période 2009-2011 ».

Comme il a été indiqué précédemment, les ressources propres n’ont pas connu la progression escomptée. L’AEF a donc révisé à la baisse ses prévisions pour 2011-2013. Cependant, l’IGF estime que « les hypothèses sur lesquelles repose le plan d’affaires pour 2011-2013 restent probablement trop optimistes ».

Dans une note adressée à vos rapporteurs, la direction de l’AEF estime au contraire « que pour 2011 et 2012 les objectifs de ressources propres attendues devraient être atteints, malgré l’absence de performance de France Télévisions Publicité (chargée de la commercialisation de l’espace publicitaire de France 24 à la demande des tutelles) qui s’en tiendra au minimum garanti. »

S’agissant des ressources publiques, l’Inspection générale des finances souligne qu’outre la subvention d’exploitation annuelle, qui a progressivement augmenté jusqu’en 2011, l’État a versé à l’AEF plusieurs subventions exceptionnelles :

– 16,9 millions d’euros au titre de la recapitalisation de RFI ;

– 41,2 millions d’euros au titre du premier plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) mis en place à RFI en 2009-2010 ;

– 24,3 millions d’euros au titre du second plan de sauvegarde de l’emploi ;

– et 21,5 millions d’euros au titre du déménagement de RFI et de Monte Carlo Doualiya.

M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de l’AEF (55), a insisté sur le fait que les 100 millions de versements exceptionnels rappelés par l’Inspection générale des finances conduisent pour l’État à un retour sur investissement. C’est le cas notamment du plan de départs volontaires qui entraîne une économie récurrente et un retour sur investissement, trois ans et demi après sa mise en œuvre.

Cette analyse est confirmée par l’Inspection générale des finances qui précise que « ces financements exceptionnels ont servi ou serviront à financer des opérations spécifiques dont les effets au plan budgétaire se sont déjà pour partie matérialisés (premier PSE), mais dont l’essentiel devrait se réaliser dans les années à venir (2012-2013) ».

Dans la note précitée adressée à vos rapporteurs par la direction de l’AEF, cette dernière souligne que « la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi à RFI s’est traduite par une économie nette en année pleine de 13,2 millions d’euros, soit un retour sur investissement de trois ans ».

S’agissant du second plan de sauvegarde de l’emploi, « ce plan de départ, basé uniquement sur le volontariat, devrait se traduire par une économie nette en année pleine de 9,6 millions d’euros, soit un retour sur investissement de deux ans et demi ».

Enfin, l’Inspection générale des finances constate que l’AEF a intégré dans ses prévisions de ressources une majoration de la dotation de l’État de 2,3 millions d’euros pour 2012 et de 3,5 millions d’euros pour 2013, majoration qui, à la date où la mission de l’Inspection a achevé son rapport, n’avait pas été acceptée par l’État.

Dans la note précitée, la direction de l’AEF estime qu’« il ne s’agit pas là d’une zone d’incertitude mais d’un besoin de financement subi par l’AEF du fait de décisions ne lui appartenant pas et sur lesquelles elle n’a pas d’action possible. Il appartient donc à l’État de prendre en charge ce financement ».

Dans un scénario optimiste, l’Inspection générale des finances estime qu’au total, « la marge de chute sur les prévisions de ressources pour la période 2011-2013 peut être estimée à plus de 25 millions d’euros ».

S’agissant des dépenses, l’Inspection relève que « l’AEF s’est efforcée de préserver son potentiel de développement et notamment le déploiement de son réseau de diffusion/distribution. (…) En 2009 et 2010, les frais de diffusion et de distribution ont représenté un poste important (plus de 20 % du budget de l’AEF), en croissance rapide (près de 8 %), essentiellement en lien avec le déploiement de la couverture mondiale de France 24, mais aussi avec la relance de Monte Carlo Doualiya (implantation d’émetteurs FM Au Proche-Orient) ». Lors de son audition par la mission (56), l’Inspection générale des finances a précisé que l’évolution des dépenses de diffusion et de distribution était en cohérence avec l’objectif de déploiement de la couverture mondiale, validé par les tutelles.

Pour dégager les marges de manœuvre nécessaires à son développement, l’AEF s’est efforcée à partir de 2008 de stabiliser sa masse salariale. Comme l’indique le rapport de l’inspection, la masse salariale de France 24, qui est encore en phase de montée en puissance, n’ayant pas vocation à se réduire mais à continuer à croître, avec notamment le projet de passage de dix à vingt-quatre heures de diffusion quotidienne en arabe, « l’effort a donc porté prioritairement sur RFI, dont la masse salariale représentait en 2008 plus de la moitié de la masse salariale totale du groupe (74,7 millions d’euros sur 142,6 millions d’euros) ».

Pour l’avenir, l’Inspection générale des finances estime que « les prévisions de charges pourraient être dépassées ». La marge d’incertitude porterait au total sur 30 millions d’euros de surcoûts potentiels sur la période 2011-2013, résultant de divers facteurs :

– un possible décalage dans les calendriers de la fusion et du déménagement ou de la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi, qui viendrait « nécessairement dégrader les prévisions de charges » ;

– un déménagement de RFI et Monte Carlo Doualiya de la Maison de la Radio à Issy-les-Moulineaux, qui, selon l’inspection, « n’engendrera pas d’économies de loyers mais des surcoûts, et pourrait lui-même se révéler plus coûteux que prévu » ;

– des économies de masse salariale attendues de la fusion et de la réorganisation, qui « pourraient être moins importantes que prévu » et un coût de convergence des conventions collectives qui sera « significatif » ;

– des prévisions « particulièrement ambitieuses » d’économies sur les charges d’exploitation, hors masse salariale et hors grands contrats, et dont le « mode d’emploi » reste à ce jour « non identifié » ;

– enfin, un contrôle fiscal à TV5 Monde, qui pourrait conduire à un redressement d’un montant significatif.

Dans la note précitée adressée à vos rapporteurs, la direction de l’AEF estime néanmoins que « cette approche n’a pas de sens dans la mesure où elle consiste à additionner toute une série de risques financiers de nature très différente, souvent non avérés ».

S’agissant du coût du déménagement, la direction de l’AEF précise que « le risque financier retenu par l’AEF à ce stade s’élève à 3,8 millions d’euros (et non 7,5 millions d’euros estimés par l’IGF) ».

S’agissant des économies de masse salariale attendues de la fusion et de la réorganisation, sur les 6,1 millions d’euros d’incertitudes budgétaires chiffrées par l’Inspection générale des finances, la direction de l’AEF estime « qu’il faudrait raisonnablement retenir à ce stade un montant de risques de 5,1 millions d’euros ».

En ce qui concerne les prévisions d’économies sur les charges d’exploitation, hors masse salariale et hors grands contrats, la direction de l’AEF souligne que « ces objectifs d’économie sont certes ambitieux (pour 2013 principalement) », mais qu’ils « restent raisonnables dans la mesure où il s’agit d’un effort de réduction des charges de l’ordre de 5 % en 2012 et 11 % en 2013 ».

Enfin, pour ce qui est du contrôle fiscal de TV5, l’AEF insiste sur le fait que « TV5 Monde a d’excellents arguments à faire valoir pour contrer ce contrôle fiscal. D’ailleurs, les commissaires aux comptes de TV5 Monde ont validé cette position dans la mesure où ils n’ont pas jugé nécessaire de provisionner ce risque dans les comptes de la chaîne ».

Quoi qu’il en soit, s’il est vrai que l’augmentation de la contribution publique à l’AEF accompagne des restructurations susceptibles d’engendrer un retour sur investissement, et si, comme l’a souligné Mme Françoise Miquel, chef de la mission de contrôle général économique et financier des sociétés du service public de la radio et de la télévision (57), le taux d’évolution de la ressource publique peut être sous-dimensionné en période de montée en charge et de fusion, vos rapporteurs estiment que la réforme n’a pas encore produit les effets que l’on pouvait en attendre, en termes d’accroissement des ressources propres et de maîtrise des charges.

Ce constat ne doit toutefois pas conduire à remettre en cause les priorités stratégiques, en particulier le développement de la distribution.

b) Une contrainte budgétaire qui ne doit pas remettre en cause les priorités stratégiques, en particulier le développement de la distribution

Mme Marie-Astrid Ravon, sous-directrice à la direction du budget et M. Alexis Kohler, sous-directeur à l’Agence des participations de l’État (58), ont indiqué qu’il y avait un consensus sur la nécessité d’accroître la diffusion de France 24 et de RFI et de permettre que France 24 soit présente dans les foyers et les hôtels à travers le monde et rappelé, à juste titre, qu’il ne suffit pas d’être présent sur le satellite si la chaîne n’est pas distribuée faute d’accords avec les réseaux de distribution.

Après une longue série d’auditions confirmant la priorité que constitue le développement de la distribution de France 24 (auditions de Mmes Christine Ockrent et Laurence Franceschini et de MM. Alain de Pouzilhac, Hubert Védrine, Francis Balle, Jean-David Levitte…), vos rapporteurs ont été surpris d’entendre l’Inspection générale des finances affirmer que l’AEF, et plus particulièrement France 24, devaient privilégier le développement de leur présence sur internet et les mobiles en stabilisant ou en réduisant les moyens affectés à leurs modes de diffusion ou de distribution classiques.

Dans leur avis fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat sur les crédits en faveur de l’AEF dans le projet de loi de finances pour 2012, M. Yves Rome et Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sénateurs, rappellent à juste titre que la diffusion constitue le « nerf de la guerre » et estiment que l’Inspection générale des finances est peut-être allée au-delà du cadre qui lui avait été assigné. « On peut ainsi se demander, estiment les sénateurs, si la recherche de gisements d’économies de gestion n’aurait pas dû se cantonner à des limites plus strictes car amputer la diffusion, c’est s’attaquer aux leviers fondamentaux du rayonnement audiovisuel et il s’agit là d’une décision hautement stratégique, qui ne relève pas normalement d’un audit " organisationnel ". » Vos rapporteurs rejoignent le constat fait par leurs collègues sénateurs tout en reconnaissant que l’Inspection générale des finances a sans doute tenté de combler le vide laissé par l’absence de contrat d’objectifs et de moyens.

Le rapport de l’Inspection générale des finances propose ainsi en premier lieu de « mettre un terme à la diffusion en ondes courtes et en ondes moyennes de RFI et Monte Carlo Doualiya, en assumant la perte d’audience associée ». L’inspection estime que l’onde courte et l’onde moyenne sont des modes de diffusion anciens, progressivement marginalisés par l’émergence d’autres modes de diffusion procurant une meilleure qualité d’écoute (FM, mobile, internet).

Dans la note précitée adressée à vos rapporteurs, la direction de l’AEF estime que « l’arrêt de la diffusion en ondes courtes peut être envisagé à moyen terme (et le nouveau contrat TDF prévoit d’ailleurs une sortie dès le 31 décembre 2013) » mais que « cette réflexion doit s’inscrire dans le cadre du contexte international où nos concurrents BBC World et Deutsche Welle sont en train de se recentrer sur les zones de diffusion prioritaires déjà privilégiées par RFI ». Surtout, comme le rappelle la direction de l’AEF, « il convient de garder à l’esprit que la diffusion en ondes courtes représente encore aujourd’hui 46 % de l’audience hebdomadaire totale de RFI. Aucune marque ne prendrait aujourd’hui la décision de se couper de la moitié de ses auditeurs ou consommateurs ».

S’agissant de Monte Carlo Doualiya, la direction de l’AEF estime que la proposition de l’Inspection générale des finances d’arrêter la diffusion en ondes moyennes à partir de l’émetteur de Chypre « pourrait être envisagée à moyen terme (à échéance de trois ans au plus tôt). C’est d’ailleurs dans ce cadre que le conseil d’administration de Monte Carlo Doualiya du 5 septembre 2011 a validé la renégociation de la licence de Chypre sur la base d’un engagement limité à trois ans au lieu de dix ans pour la précédente licence. L’économie annuelle de 0,6 million d’euros chiffrée par l’IGF ne pourra donc être envisagée qu’à partir de 2014 au mieux ».

Surtout, vos rapporteurs estiment que la décision d’arrêter la diffusion en ondes moyennes devra également prendre en compte le poids que représente aujourd’hui encore ce mode de diffusion dans l’audience totale de Monte Carlo Doualiya (soit plus de 50 % selon la direction de l’AEF).

Compte tenu de la difficulté, unanimement reconnue, à conquérir des positions dans un univers particulièrement concurrentiel, vos rapporteurs partagent le point de vue de la direction de l’AEF et estiment que la suppression de la diffusion en ondes courtes et moyennes ne pourra se faire que lorsqu’un basculement des auditeurs concernés vers d’autres modes de diffusion aura été constaté. Dans son rapport, l’Inspection générale des finances reconnaît que « la fin des émissions en ondes courtes ou moyennes entraînerait probablement une perte d’audience non négligeable, au moins temporaire. C’est d’ailleurs ce qu’a anticipé BBC World Service qui, lorsqu’elle a annoncé la réduction de ses émissions en ondes courtes et moyennes (couplée à la réduction du nombre de ses langues de diffusion), a assumé une perte d’audience de 30 millions d’auditeurs ».

La suppression de la diffusion en ondes courtes et moyennes ne peut donc être que très progressive afin de ne pas hypothéquer une large partie de l’audience actuelle des radios RFI et Monte Carlo Doualiya et de ne pas remettre davantage en cause la trajectoire de ressources propres prise en compte dans le plan d’affaires.

Le rapport de l’Inspection générale des finances préconise également une rationalisation du réseau d’émetteurs FM de RFI et Monte Carlo Doualiya, qui disposent actuellement au total de 170 émetteurs FM dans 70 pays (150 pour RFI et 40 pour Monte Carlo Doualiya). La direction de l’AEF estime certes que la revue stratégique du parc existant d’émetteurs FM mérite d’être étudié avec attention, mais que « les économies à en attendre ne peuvent pas être envisagées avant 2013, voire plus sûrement en 2014 compte tenu notamment des engagements de contrats et du contexte politique éventuel ».

Vos rapporteurs sont en tout cas défavorables à la proposition de l’Inspection générale des finances de « marquer une pause dans les nouveaux investissements de distribution de France 24 », d’autant qu’ils jugent que le développement de l’audience et de la notoriété de la chaîne, l’affirmation de sa marque et son installation durable dans le paysage médiatique restent à confirmer. Dans la note précitée adressée à vos rapporteurs, la direction de l’AEF estime, à juste titre, que cette approche « révèle une erreur d’appréciation stratégique remettant en cause le modèle économique de l’AEF ».

« Nous pensons que cette chaîne a vocation à être regardée sur internet », avaient déclaré les inspecteurs lors de leur audition (59), en rappelant que TV5 Monde, qui est arrivée dans les années 1980 sur un marché jeune, était distribuée gratuitement ou à faible coût alors que France 24, qui arrive dans un marché saturé, doit payer l’accès à la distribution au prix fort. Or, selon l’Inspection générale des finances, un bon positionnement sur les plateformes de partage des contenus, qui sont des leviers de démultiplication de l’influence considérables, permettrait une reprise sur les chaînes classiques à faible coût.

M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de l’AEF, a eu raison de rappeler que 30 millions de téléspectateurs regardent France 24 à la télévision. C’est encore sans commune mesure avec les quelque 6,7 millions de visiteurs uniques que compte le site internet. À l’évidence, internet ne détrônera pas la télévision dans les dix prochaines années.

La proposition de l’Inspection générale des finances se fonde par ailleurs sur le constat d’une augmentation des recettes publicitaires très inférieure aux prévisions. Selon le rapport de l’inspection, « ce constat est d’autant plus préoccupant que la distribution et l’audience de France 24 ont fortement progressé sur la période, ce qui fragilise le postulat selon lequel les progrès de la distribution et de l’audience devraient faire affluer les recettes publicitaires – sauf à considérer que le délai de latence entre les progrès de l’audience et ceux des recettes publicitaires puisse être particulièrement important sur le marché très spécifique auquel s’adresse France 24 ». Lors de leur audition par la mission, les inspecteurs des finances ont d’ailleurs précisé que, s’il était avéré que les ressources propres devaient affluer avec l’accroissement de la distribution, on pourrait à l’échéance de deux ans réinvestir davantage dans la distribution.

Vos rapporteurs estiment que le raisonnement de l’Inspection générale des finances ne tient pas compte de ce qu’a rappelé M. Michael Peters, directeur général d’Euronews (60), à savoir que, contrairement aux chaînes nationales, les chaînes d’information internationales ne vendent pas de l’audience mais une marque. C’est pourquoi Euronews, qui a quatre fois plus d’audience que CNN International, dégage un chiffre d’affaires publicitaire quatre fois inférieur. Le décalage entre les progrès de l’audience et de la distribution, d’une part, et l’augmentation des recettes publicitaires, d’autre part, reflète une insuffisante affirmation de la marque de France 24. Le renforcement de cette dernière nécessite au contraire un effort soutenu d’accroissement de la distribution et un renforcement de l’audience.

Comme l’a très bien expliqué M. Francis Balle, administrateur de l’AEF et directeur de l’institut de recherches et d’études sur la communication et les médias (IREC) (61), le développement du réseau de diffusion de France 24 est essentiel. Le temps des grandes chaînes d’information internationales n’est certainement pas passé, même si elles n’atteindront jamais l’audience des chaînes généralistes. Comme l’a rappelé le directeur de l’IREC, le nombre de chaînes d’information internationales, entre 2005 et 2010, a doublé en Europe. Certes, a-t-il précisé, on regarde ces chaînes sur internet mais il faut une chaîne diffusée en télévision pour être regardé sur internet, de même que les groupes de presse se diversifient mais ne peuvent survivre et se développer que grâce à leur marque. Or, il y a encore une attente de chaînes d’information.

C’est le constat fait par M. Hubert Védrine (62), qui a estimé que France 24 ne rattraperait pas le retard qui résulte de sa naissance tardive mais que la chaîne prendrait sa place dans un univers très concurrentiel.

Si le signal de France 24 est disponible mondialement, sur tous les satellites qui couvrent le monde, sa distribution sur les réseaux satellitaires et câblés est encore insuffisante. Le travail de développement de la distribution mondiale est en effet un travail de longue haleine, qui implique de nombreuses négociations avec les opérateurs locaux de câble et de satellite.

Répondant au constat opéré à l’étranger et relatif à la diffusion aléatoire voire réduite de France 24 par plusieurs membres de la mission d’information, M. Jean-David Levitte, ambassadeur de France, co-auteur du rapport de la mission de concertation et de propositions sur l’audiovisuel extérieur (63), a rappelé que, pour imposer la diffusion des chaînes françaises, il fallait livrer bataille pays par pays et hôtel par hôtel et poursuivre la mobilisation de l’appareil de l’État en ce sens. Un important travail de pédagogie est par ailleurs nécessaire pour convaincre les diffuseurs de la complémentarité entre TV5 Monde et France 24.

c) Un effort nécessaire d’amélioration des contenus et d’approfondissement des synergies

Comme l’a très justement rappelé M. Rodolphe Paccard, membre de l’intersyndicale de France 24 (64), pour qu’une chaîne soit bien distribuée et regardée, il faut aussi que le produit présente une réelle valeur ajoutée. C’est pourquoi vos rapporteurs estiment que les efforts de distribution doivent aller de pair avec des efforts sur les contenus et en particulier avec une clarification de la ligne éditoriale.

M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) (65), a jugé qu’il y avait toujours eu des ambiguïtés sur la ligne éditoriale de France 24. « La notion de voix de la France est inappropriée, dépassée et ne correspond à rien », a-t-il ajouté. « France 24 multiplie les publics auxquels elle s’adresse car ses différentes vocations n’ont pas été hiérarchisées : s’adresser aux Français qui résident à l’étranger ? Aux étrangers francophones ? Aux étrangers non francophones ? Aux opinions publiques ou aux dirigeants ? On s’adresse à tout le monde à la fois ce qui complique le travail des rédactions. »

Lors de son audition, M. Jean Lesieur, alors directeur de la rédaction de France 24 (66), a reconnu que la chaîne d’information française avait encore beaucoup de progrès à faire. « C’est une chaîne qui bafouille et balbutie parfois, a-t-il ajouté, une rédaction qui a les défauts de sa jeunesse et aurait besoin de journalistes plus expérimentés, la moyenne d’âge étant particulièrement basse. »

À cet égard, on ne peut que regretter que France 24 ait connu, comme l’a souligné M. Michel Boyon, indépendamment des problèmes de gouvernance, « des départs volontaires de journalistes en grand nombre en 2008-2009 qui sont préoccupants ».

Vos rapporteurs souhaitent que le rapprochement avec RFI permette de faire profiter France 24 des compétences de journalistes plus expérimentés.

S’agissant de TV5 Monde, comme le soulignait la Cour des comptes dans son rapport annuel de 2009 consacré à l’audiovisuel extérieur, la chaîne francophone est devenue une chaîne généraliste mondiale, dont le réseau est le principal atout, mais la qualité des programmes insuffisante.

M. Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères et administrateur de l’AEF (67), a ainsi appelé de ses vœux une réflexion plus poussée sur ce que les francophones ont à présenter au reste du monde. Vos rapporteurs jugent en effet que cette réflexion s’impose mais tiennent à saluer le bon travail effectué depuis plusieurs années par les équipes de TV5 Monde.

En vue de renforcer les contenus proposés tant par France 24 que par TV5 Monde, il est important de disposer d’études sur les publics visés et leurs attentes, comme l’a rappelé M. Jean-David Levitte, ambassadeur de France, co-auteur du rapport de la mission de concertation et de propositions sur l’audiovisuel extérieur (68).

En ce qui concerne le renforcement des synergies, outre celles qui devraient être facilitées par un rapprochement plus poussé entre RFI et France 24, vos rapporteurs souhaitent que soient amplifiées les synergies entre TV5 Monde et France 24 en matière de distribution.

Ainsi que le souligne l’Inspection générale des finances dans son rapport d’octobre 2011, « le domaine de mutualisation le plus évident entre TV5 Monde et les autres entités de l’AEF (en l’occurrence France 24) est la distribution. À ce jour en effet, les deux chaînes conservent chacune leur propre direction de la distribution, et des stratégies de distribution distinctes. Sur le terrain, chaque chaîne possède son propre réseau de bureaux et/ou a d’agents, ce qui se traduit par une faible coordination des activités, voire des comportements de surenchère tarifaire ou d’éviction entre les deux chaînes de télévision du groupe AEF ». Cette situation n’est évidemment pas satisfaisante.

Enfin, comme ils auront l’occasion de le développer plus amplement dans la seconde partie du présent rapport, vos rapporteurs jugent que les synergies et coopérations entre l’ensemble des acteurs doivent être renforcées sur le numérique.

d) La diffusion de France 24 sur la TNT : un contresens stratégique

M. Pierre Hanotaux, directeur général délégué de France 24, a récemment exprimé le souhait que France 24 soit diffusée en France sur la télévision numérique terrestre (TNT) gratuite. Six nouvelles fréquences gratuites seront en effet octroyées en mars prochain et viendront s’ajouter aux dix-huit déjà existantes. Rappelons que France 24 est actuellement disponible uniquement par abonnement via les bouquets satellitaires et le câble.

Pour que France 24 bénéficie de l’attribution d’une fréquence, il faudrait que l’État utilise le droit prioritaire d’usage de la ressource radioélectrique qu’il tire de l’article 26 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Selon M. Pierre Hanotaux (69), cette diffusion sur la TNT permettrait à l’ensemble des Français d’accéder à des programmes qu’ils paient via la contribution à l’audiovisuel public. « Ce serait une manière d’amener le monde aux téléspectateurs », a-t-il déclaré, devant la mission (70).

Vos rapporteurs jugent cette proposition en contradiction avec les objectifs stratégiques qui sont ceux de l’AEF et de France 24 en particulier dont la mission est de véhiculer un regard français sur l’actualité en s’adressant à un public étranger.

Cette proposition est d’autant plus incongrue que, dans un contexte où l’Inspection générale des finances va jusqu’à remettre en cause le développement de la distribution à l’étranger, la diffusion de France 24 sur la TNT aurait un coût annuel très important.

Vos rapporteurs souhaitent rappeler que la vocation de France 24 est bien d’être diffusée à l’étranger. Ils s’opposent par conséquent à une diffusion de France 24 sur la TNT nationale et, dans la même logique, souhaitent, comme l’Inspection générale des finances, que France 24 ne soit plus diffusée sur la TNT outre-mer, cette diffusion ayant un coût de 2,5 millions d’euros par an, compensés par une subvention spécifique de l’État.

II.- UNE ORGANISATION QUI A SA LOGIQUE MAIS QUI SOULÈVE PLUSIEURS INTERROGATIONS QUANT À SON ÉVOLUTION

S’agissant de la structuration de l’AEF, vos rapporteurs valident le principe d’un pôle dédié et d’un rapprochement entre RFI et France 24.

Si vos rapporteurs préconisent tous les deux un rapprochement plus étroit et un approfondissement des synergies, en particulier sur les fonctions support et la collecte de l’information, ils ne s’accordent pas sur la pertinence d’une fusion juridique des deux sociétés.

A. DES INTERROGATIONS SUR LES MODALITÉS DU RAPPROCHEMENT ENTRE RFI ET FRANCE 24

1. Un rapprochement globalement pertinent

La plupart des personnes auditionnées par la mission a souligné la pertinence d’un rapprochement entre RFI et France 24 et de la création d’un pôle dédié.

M. Francis Balle, administrateur de l’AEF et directeur de l’Institut de recherches et d’études sur la communication et les médias (IREC) (71), a estimé que le rapprochement entre RFI et France 24 avait été une décision souhaitable qui allait dans le sens de l’histoire et devait permettre des synergies entre certains services.

M. Roch-Olivier Maistre, premier avocat général à la cour des comptes et administrateur de l’AEF (72), a déclaré que le processus de réorganisation avait permis de remédier à la dispersion des moyens et au manque de coordination et de vision stratégique de l’État et figurait par conséquent parmi les acquis incontestables de la réforme.

Les représentants du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie et du ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, administrateurs de l’AEF, Mme Marie-Astrid Ravon, sous-directrice à la direction du budget et M. Alexis Kohler, sous-directeur à l’Agence des participations de l’État (73), ont indiqué que l’organisation actuelle de l’AEF constituait un progrès significatif dans la direction fixée par la réforme (regrouper les efforts, développer des synergies permettant des redéploiements, étendre la portée de l’audiovisuel extérieur).

Sur les idées récemment émises de réunir RFI et Radio France, d’une part, et France 24 et France Télévisions, d’autre part, lesquelles remettraient totalement en cause la philosophie de la réforme, M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (74), a estimé qu’il s’agissait certes d’une idée concevable intellectuellement mais qu’à titre personnel, il y était défavorable, même si tous les résultats escomptés en matière de synergies et d’économies n’étaient pas au rendez-vous. « Casser un processus qui a été approuvé récemment par le Parlement n’est pas une bonne chose » a-t-il précisé.

S’agissant du périmètre de l’AEF, Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles (75), a estimé que le principal mérite de la réforme était d’avoir enfin tranché cette question, qui se pose depuis les années 1980. Le choix a été fait d’un rapprochement entre RFI et France 24 avec un partenariat le plus actif et le plus productif possible avec TV5 Monde. Or, selon la directrice générale, il n’est pas absurde de marier radio et télévision, compte tenu des évolutions technologiques. Il existait bien sûr d’autres scénarios mais, comme l’a souligné la directrice générale, « l’amarrage à d’autres entités comporte le risque que les habitudes d’une grosse structure l’emportent sur la mission particulière de porter la voix française ».

En réponse aux interrogations concernant le rapprochement entre RFI et France 24 et l’opportunité d’un éventuel adossement à d’autres opérateurs, l’Inspection générale des finances (76) a indiqué que ses travaux comparatifs avaient montré que le modèle d’organisation qui regroupe radio, télévision à vocation extérieure dans une même entité a cours à l’étranger. C’est le modèle allemand et britannique, BBC World Service étant une entité à part tournée vers l’international.

À la question de savoir si la dimension extérieure de l’audiovisuel doit s’exprimer au moyen d’instruments dédiés ou être une composante des entités nationales, M. Pierre Sellal, secrétaire général du ministère des affaires étrangères et administrateur de l’AEF (77), a déclaré que l’expérience avait montré que la dimension internationale était toujours seconde au sein d’entités à vocation nationale et qu’il était préférable de créer des entités spécifiques.

C’est la position qu’a clairement défendue M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes (78), en déclarant que ce serait « le cadet des soucis de France Télévisions » que de porter l’influence de la France à l’étranger.

Comme M. Michel Boyon, vos rapporteurs estiment donc qu’il faut donner sa chance à l’organisation qui a été choisie car une nouvelle organisation ne permettrait pas, en elle-même, de remédier aux insuffisances constatées.

Si vos rapporteurs sont favorables à un rapprochement plus poussé et à une plus grande mutualisation des moyens et des compétences, notamment sur le numérique, ils ne s’accordent pas sur la nécessité d’une fusion juridique entre RFI et France 24.

2. La position de votre corapporteur au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation : la fusion, une nouvelle étape indispensable dans l’effort de rationalisation et d’amélioration de la performance de l’AEF

Comme d’autres personnalités auditionnées, Mme Marie-Astrid Ravon, sous-directrice à la direction du budget, et M. Alexis Kohler, sous-directeur à l’Agence des participations de l’État (79) ont souligné la pertinence de l’entreprise unique, compte tenu des gains importants que l’on peut en attendre en termes de synergies, non pas tant éditoriales qu’en matière de fonctions support et de moyens de production. Ils ont également souligné que les exemples étrangers correspondaient à des modèles intégrés.

Dès lors que l’on reconnaît la pertinence d’un pôle dédié, votre corapporteur au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation estime que la fusion est une nouvelle étape indispensable dans l’effort de rationalisation et d’amélioration de la performance de l’audiovisuel extérieur de la France.

La fusion doit en effet permettre de franchir une nouvelle étape décisive et incontournable dans la réalisation de synergies et d’économies, à commencer par les fonctions support.

La société issue de la fusion devrait ainsi comporter une direction unique de la stratégie, de la recherche et du développement commercial international, une direction de la diversification et des partenariats (chargée de développer les recettes commerciales de la société) ainsi qu’une direction unifiée de la technique et des systèmes d’information et une direction administrative et financière commune.

La fusion doit aussi permettre de rendre plus performante la collecte de l’information tout en évitant des doublons inutiles. Comme l’a indiqué M. Francis Balle, administrateur de l’AEF et directeur de l’institut de recherche et d’études sur la communication et les médias (IREC) (80), « une mise en commun de la collecte des informations est absolument nécessaire car il est évidemment contre-productif d’envoyer au même endroit un journaliste de France 24 et un journaliste de RFI ».

Outre la réalisation de synergies importantes (gestion des ressources humaines, études, finances, collecte de l’information…) et indispensables dans le contexte budgétaire que connaît notre pays, la création d’une entreprise unique dotée d’une gouvernance et d’un conseil d’administration unifiés devrait permettre d’améliorer et de simplifier la gouvernance du pôle en supprimant la holding. La création de cette dernière a en effet introduit une nouvelle structure, source de complexité mais aussi parfois d’opacité entre les tutelles et les administrateurs d’une part, et les chaînes filiales et partenaires, d’autre part.

Comme l’avait très bien montré la cour des comptes dans son rapport public annuel de 2009, notre politique audiovisuelle extérieure, ponctuée depuis le début des années 1980 par une longue série de rapports et de recommandations ainsi que de multiples changements d’orientation, a principalement souffert depuis plus de vingt ans de son instabilité et du refus d’opérer les choix et les réformes nécessaires. « La fusion est lancée après vingt ans de réflexion et dix-neuf rapports… », a rappelé à très juste titre M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (81). « Il ne faut pas casser le processus au bout de deux ans et je ne vois pas en quoi la fusion serait un handicap pour l’exercice des missions actuelles des deux entités et des attentes des auditeurs. »

Quant à M. Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères et administrateur de l’AEF (82), après avoir rappelé la nécessité absolue pour la France de disposer d’un levier d’influence audiovisuel dans un monde où se livre une bataille d’influence très intense, il a indiqué que la création de l’AEF lui était apparue comme une bonne initiative, qu’il n’avait pas de doctrine sur la fusion, le rapprochement des uns avec les autres mais que la pire des conclusions serait de remettre l’ouvrage sur le métier et de ne pas aller au bout d’une réforme, toute solution pouvant être défendue.

Au cours des auditions conduites par la mission, des interrogations ont été exprimées par certains interlocuteurs sur la pertinence d’une intégration des rédactions.

Votre corapporteur au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation estime au contraire, comme l’Inspection générale des finances (83), que l’intégration entre les rédactions internet, radio et télévision et le modèle de la « news factory » (création de contenus qui peuvent être diffusés sur les supports traditionnels et sur internet), « c’est l’avenir. »

Comme l’a souligné M. Jean Lesieur, directeur de la rédaction de France 24 (84), il y a beaucoup d’expérience à RFI et les journalistes y sont plus spécialisés. Il y a beaucoup de jeunes à France 24, avec une formation plus généraliste. Il serait donc dommage de se priver des bénéfices qui pourraient être retirés des complémentarités entre les uns et les autres.

Les vertus d’une fusion des rédactions sont par ailleurs démontrées par le marché témoin que constitue le pôle arabophone depuis deux ans.

Dans le cadre du projet de fusion globale entre RFI et France 24, il est en effet envisagé de créer un pôle francophone et un pôle anglophone calqués sur le modèle du pôle arabophone qui fonctionne et a largement fait ses preuves, notamment lors du « printemps arabe ».

Il ne s’agit évidemment pas de créer des « hommes-orchestres faisant tout en même temps ». Au sein du pôle arabophone, M. Jean Lesieur a indiqué que les rédactions travaillaient d’ores et déjà ensemble : des journalistes ne font que de la radio, d’autres ne font que de la télévision, de plus en plus de journalistes sont capables de faire les deux. La même revue de presse est faite à la radio et à la télévision par la même personne qui se déplace entre Issy-les-Moulineaux et la Maison de la Radio. Des émissions sont faites à la télévision que l’on a réussi à retransmettre à la radio. Des envoyés spéciaux font des directs pour la télévision et la radio lorsque l’événement ne justifie pas la présence au même endroit de deux envoyés spéciaux.

L’ancien directeur de la rédaction de France 24 a rappelé que la chaîne n’a pas de correspondants permanents à l’étranger alors qu’il y en a à RFI (une dizaine de bureaux). L’objectif est donc de faire appel à l’expertise des correspondants de RFI pour France 24 et pour les sites internet. En revanche, dans les périodes d’actualité chaude, il y aura, a-t-il précisé, une équipe dédiée à la radio, une à la télévision et une au multimédia.

Actuellement, il se trouve souvent que deux journalistes réalisent la même intervention pour le site de RFI et pour le site de France 24. Il est évidemment souhaitable de mettre fin à ces doublons inutiles.

Le rapport de l’Inspection générale des finances note d’ailleurs que « des synergies de ce type sont d’ores et déjà ponctuellement mises en œuvre au sein du groupe AEF sur une base ad hoc. La Deutsche Welle a fusionné ses rédactions radio et multimédia, et programmé la fusion de cet ensemble avec la télévision. BBC Global News envisage la fusion de ses activités web, radio et TV. De manière générale, les écoles de journalisme forment désormais leurs élèves à travailler sur tous types de support ».

Si la fusion des rédactions est cohérente avec l’évolution de la formation des journalistes, M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de l’AEF (85), a relevé à juste titre que cette évolution correspondait également à celle des comportements de consommation médiatique de la nouvelle génération, qui passe de la télévision à la radio et à internet et a besoin d’une cohérence du discours sur tous les supports.

M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (86), a indiqué être, avec le temps, revenu sur sa conviction que les métiers de la télévision et de la radio étaient tellement différents qu’ils ne pouvaient être exercés par la même personne. Il a lui aussi souligné qu’à l’étranger, les regroupements de cette nature sont de plus en plus fréquents et que le mariage radio-télévision permet par ailleurs une meilleure présence sur internet.

Quant à Mme Françoise Miquel, chef de la mission de contrôle général économique et financier des sociétés du service public de la radio et de la télévision (87), elle a jugé pertinent le regroupement des rédactions de la radio, de la télévision et d’internet en rappelant qu’il y a « un métier de journaliste mais pas un métier par média ».

De plus, alors même que les dirigeants de France Télévisions sont susceptibles de proposer de véritables synergies entre la société unique et l’AEF, comme par exemple la mise à disposition d’experts ou de consultants pour conforter la ligne éditoriale de l’audiovisuel extérieur de la France, il apparaîtrait paradoxal à votre corapporteur qu’une telle mise en synergie soit impossible entre des personnes d’une entité devenue unique.

Cependant, votre corapporteur au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation a lui aussi écouté et entendu les inquiétudes des personnels, notamment ceux de RFI, venus exposer leurs réserves jusqu’au dernier jour des auditions ! S’il peut comprendre ces inquiétudes, il a parallèlement noté la volonté de ces mêmes personnels de servir la modernisation de l’audiovisuel extérieur français. Il voit dans cet engagement un gage de réussite à venir et, par respect pour les arguments avancés par ces personnels, il prône une harmonisation progressive des rédactions, selon une méthode qui rappelle l’expression avancée par l’une des personnalités auditionnées : une « fusion à feu doux ».

À cet égard, il se félicite que l’article 5 du cahier des charges de la société AEF précise que « la recherche de la complémentarité entre les différents services intervient dans le respect de leur identité éditoriale respective notamment lors de l’acquisition, de la production ou de la conception de programmes ».

Enfin, s’agissant de la crainte que la fusion ne se fasse au détriment de RFI, elle n’est pas fondée. Comme l’a rappelé la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2009, « alors que les diagnostics sur l’offre d’émissions en langues étrangères de RFI convergent depuis longtemps pour estimer que des choix, d’ailleurs difficiles, sont à faire en matière de langues de diffusion, en fonction de l’évolution géopolitique et de celle des techniques de diffusion, les conséquences à en tirer en ont été constamment différées ».

Comme il a été indiqué précédemment, MM. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (88), et Francis Balle, administrateur de l’AEF et directeur de l’institut de recherche et d’études sur la communication et les médias (IREC) (89), ont souligné à fort juste titre que, si l’entreprise a mal vécu le plan de sauvegarde de l’emploi mis en place en 2009-2010, l’objectif de la réforme n’est certainement pas de sacrifier la radio, comme en témoigne d’ailleurs la relance de Monte Carlo Doualiya. Sacrifier la radio serait d’ailleurs un contresens stratégique, « une stupidité » selon M. Francis Balle. C’est en effet le média qui se développe le mieux dans l’univers numérique et le meilleur support de l’information. La radio reste donc un média privilégié, qui doit avoir toute sa place au sein de l’AEF.

3. La position de votre corapporteur au nom de la commission
des affaires étrangères : l’approfondissement des synergies entre RFI et France 24 risque d’être compromis par la conduite actuelle de la fusion

Votre corapporteur au nom de la commission des affaires étrangères est convaincu de la pertinence d’un rapprochement plus étroit entre RFI et France 24, à condition qu’il respecte l’identité éditoriale de chacune et n’entraîne pas une dévalorisation du média radio. Il est cependant hostile à une fusion de ces sociétés.

La fusion n’était en effet que l’une des options possibles d’un rapprochement. Il regrette donc que d’autres formes de rapprochement n’aient pas été envisagées par la présidence de l’AEF.

Les deux principaux arguments avancés par M. Alain de Pouzilhac à l’appui de son projet de fusion sont, d’une part, les succès et synergies obtenus par la mise en place du pôle arabophone (qui regroupe Monte Carlo Doualiya et la rédaction arabophone de France 24) et, d’autre part, le modèle britannique de BBC World qui témoignerait de la pertinence d’une fusion des entreprises.

S’agissant du pôle arabophone, l’argument peut servir de contre-argument car il est important de rappeler que les synergies et ce qui est présenté comme un succès d’audience incontestable ont été réalisés sans fusion juridique.

S’agissant de la BBC, il est important de souligner que les rédactions de BBC World News et de BBC World Service travaillent en étroite coopération, notamment sur le numérique, mais ne sont pas fusionnées.

Lors de son audition, Mme Christine Ockrent, alors directrice générale déléguée de l’AEF (90), a rappelé à juste titre qu’on ne pouvait confondre une jeune chaîne d’information en continu comme France 24 et une ancienne chaîne de radio généraliste comme RFI. Personne n’aurait d’ailleurs l’idée, a-t-elle précisé, de fusionner France Info et France 2 ou LCI et France Inter.

L’ancienne directrice générale déléguée a ajouté qu’une fusion des rédactions poserait des problèmes de contenu des programmes, d’autant que les deux médias ne ciblent pas forcément les mêmes zones, les mêmes langues ni les mêmes publics, RFI répondant par exemple aux attentes d’auditeurs essentiellement africains.

Le rapport de l’Inspection générale indique que le modèle de la « news factory » multimédia, « faisant travailler des journalistes polyvalents web/radio/TV capables de monter eux-mêmes leurs sujets pourrait s’imposer et progressivement estomper les frontières classiques entre corps de métier (journalistes radio versus journalistes TV, journalistes versus personnels techniques...) ». Comme le reconnaît le rapport de l’inspection, il s’agit donc d’un modèle qui pourrait s’imposer progressivement mais qui est loin d’être la norme pour les médias à vocation internationale, à l’exception de ceux du Canada.

Au contraire, si la production simultanée d’informations radio/internet ou télévision/internet est aujourd’hui entrée dans les mœurs, il n’existe pas de véritables exemples de fusions de rédactions de télévision et de radio, parce que les deux métiers restent fondamentalement différents. La fusion n’est d’ailleurs qu’envisagée par BBC Global News.

M. Rémy Pflimlin, président-directeur général de France Télévisions (91), a défendu à juste titre l’idée selon laquelle les métiers de la télévision et de la radio sont sensiblement différents, aujourd’hui encore. « Ce n’est pas la même façon d’occuper l’antenne, de faire du reportage », a-t-il expliqué.

Mme Sabine Mellet, déléguée syndicale CGT, membre de l’intersyndicale de France 24 (92), a elle aussi estimé qu’on ne pouvait confondre l’auditeur et le téléspectateur. Elle a contesté l’affirmation de M. Alain de Pouzilhac selon laquelle la fusion des rédactions serait justifiée par la nécessité d’une homogénéité de l’information, affirmation qui n’est corroborée par aucune étude. « Les auditeurs, les téléspectateurs et les internautes ne recherchent pas la même chose. On ne fait pas le même papier en radio et en télévision. » À titre d’exemple, la télévision commente beaucoup les images. Mme Sabine Mellet a donné une illustration intéressante des limites d’une rédaction commune, en indiquant que lorsque Monte Carlo Doualiya rediffuse le son du journal télévisé de l’économie en arabe, il arrive que l’auditeur entende « comme vous le voyez sur ces images » !

Ce point de vue a également été exprimé par M. Rachid Arhab, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel où il préside le groupe de travail sur l’audiovisuel extérieur (93) : « Je ne suis pas convaincu, a-t-il déclaré, qu’un journaliste radio avec une caméra puisse faire le même travail qu’un journaliste télé. Rapprocher RFI et France 24, c’est mélanger l’analogique et le numérique, deux cultures et façons de faire différentes, notamment sur le terrain qu’il faut continuer à respecter. »

Quant à M. Francis Balle, administrateur de l’AEF et directeur de l’Institut de recherche et d’études sur la communication et les médias (IREC) (94), il a rappelé qu’entre M. Alain de Pouzilhac et Mme Christine Ockrent, le débat avait notamment porté sur la question de savoir si la radio et la télévision étaient le même métier. « Je suis d’avis que ce sont des métiers complètement différents », a-t-il indiqué.

Ce constat est d’autant plus juste que RFI et France 24 ciblent des publics différents, RFI étant une radio généraliste populaire, France 24 une chaîne de télévision à destination des « leaders d’opinion. »

Votre corapporteur au nom de la commission des affaires étrangères souscrit pleinement à cette analyse et estime donc que les synergies peuvent être largement amplifiées et le rapprochement approfondi sans créer une société unique.

Il souhaite par ailleurs que le rapprochement, et a fortiori la fusion en cours, n’aboutisse pas à un démantèlement de RFI au profit de France 24.

Ce risque est en effet réel. Dans un entretien accordé au Monde le 31 mars 2011, M. Hervé Bourges ancien président de TF1, de France Télévisions et du Conseil supérieur de l’audiovisuel, s’était fermement opposé à un « démantèlement de la radio » à travers une fusion avec France 24. « Depuis le début des années 1980, » avait-il rappelé, « RFI se place en tête des radios internationales en termes d’audience, et particulièrement en Afrique qui doit demeurer son pré-carré. RFI a toujours sa place et joue un rôle primordial d’information dans tous les bouleversements que connaissent le continent africain et le monde arabe. »

En effet, si l’on entrevoit clairement ce que RFI peut apporter à France 24, notamment en matière d’expertise, de compétences et de qualité de ses programmes, on perçoit plus difficilement ce que RFI peut retirer de France 24.

Rappelons qu’à l’issue d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui a entraîné le départ de 201 personnes à RFI, un nouveau plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est engagé. Il concerne 126 postes dont plus de 80 journalistes et 88 personnes à RFI, 14 postes supprimés n’étant encore pas répartis. Votre corapporteur au nom de la commission des affaires étrangères estime que le format de RFI a désormais atteint un seuil bas critique lorsqu’on le compare à celui de ses grands concurrents étrangers.

En outre, si RFI bénéficie aujourd’hui d’une marque et d’une expertise reconnues, le décollage de France 24 demeure un vrai sujet d’interrogation. Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2012, votre corapporteur au nom de la commission des affaires étrangères a eu l’occasion de souligner « le déficit de prospective qui conduit à lancer une chaîne d’information télévisée à l’heure de l’internet ».

Si la direction de l’AEF a pu s’enorgueillir d’un certain regain de notoriété, largement conjoncturel, à l’occasion du « printemps arabe », la réalité de l’audience de la chaîne d’information et celle de son installation durable dans le paysage médiatique restent largement à confirmer. Le déficit de notoriété de France 24 est confirmé, s’il en était besoin, par le décalage important, souligné par l’Inspection générale des finances, entre de prétendus succès d’audience et l’inertie des ressources propres. Comme l’a par ailleurs très justement souligné TNS Sofres (95), la progression de France 24 est d’autant plus « facile » que la chaîne partait d’un niveau bas.

Face à la communication du président-directeur général de l’AEF et à la difficulté à laquelle sont confrontés les instituts de mesure de l’audience pour fournir des indications fiables, la seule certitude réside dans le constat que tout voyageur peut faire : aujourd’hui France 24 n’est sûrement pas encore – et loin s’en faut – un concurrent sérieux pour CNN International, BBC world ou Al Jazeera.

Enfin, votre corapporteur au nom de la commission des affaires étrangères regrette vivement les modalités de mise en œuvre, au pas de charge, de la fusion par la direction de l’AEF. Force est de constater que cette dernière ne crée pas les conditions d’une mobilisation et encore moins d’une adhésion suffisante des personnels. Si ce constat devait perdurer, il estime que c’est le principe même d’un rapprochement qui serait mis en échec.

4. Un consensus sur la nécessité de développer des synergies
sur le numérique

Enfin, si les différents opérateurs de l’AEF se développent sur le numérique, il semblerait que ce développement se fasse de manière largement séparée, alors que l’ensemble des interlocuteurs entendus par la mission ont souligné que le lieu naturel des synergies entre opérateurs est le numérique.

Si MM. Rémy Pflimlin et Rachid Arhab ont défendu la différence des métiers de la télévision et de la radio, ils sont tous deux convenus que les producteurs d’information (image, son, texte) « se retrouvent sur le numérique ».

L’une des principales préconisations du rapport précité de la mission de concertation et de propositions sur l’audiovisuel extérieur présidée par MM. Jean-David Levitte et Georges-Marc Benamou était d’ailleurs la mise en place d’un portail internet commun.

La mise en place de synergies entre les sites internet de RFI et France 24 est certes prévue : il est envisagé que le site de France 24 soit enrichi avec les bandes son disponibles sur le site de RFI et que ce dernier puisse également bénéficier des images mises en ligne sur le site de France 24. De même, la mutualisation des articles en ligne de RFI et France 24 est envisagée, afin d’enrichir tous les faits d’actualité importants sur chaque site.

Cependant, la mise en place d’un site internet commun à RFI et France 24 n’est pas envisagée à court terme. Il y a donc cinq sites internet distincts : AEF, France 24, RFI, Monte Carlo Doualiya-France 24 et TV5 Monde.

Ces sites, à l’inverse de ceux de Monte Carlo Doualiya et France24 en langue arabe qui ont été fusionnés, restent séparés, ce qui ne favorise pas le renforcement indispensable de la marque AEF qui est venue s’ajouter à celle des différents opérateurs qui la composent.

Vos rapporteurs préconisent donc une plus grande coopération des acteurs sur les supports numériques mais aussi, plus globalement, au-delà du rapprochement et de la plus grande coordination entre les acteurs, une réflexion sur la marque qui doit s’imposer à l’issue de ce rapprochement.

B. UN POSITIONNEMENT INSATISFAISANT DE TV5 MONDE AU SEIN DE L’AEF

Chaîne généraliste francophone résultant d’un partenariat entre les gouvernements de la Suisse, de la Communauté française de Belgique, du Canada, du Québec et de la France, TV5 Monde est chargée d’assurer le rayonnement mondial du patrimoine audiovisuel francophone en reflétant la dimension multilatérale de la francophonie.

Comme le montre le tableau ci-après, l’AEF est devenue l’actionnaire principal de TV5 Monde à la suite d’une recomposition du capital, qui a pris en compte le maintien du niveau de participation des partenaires francophones (33,33 %) et, dans le cadre d’une participation française majoritaire de 66,67 %, une participation de la holding AEF minoritaire de 49 %, conformément à l’accord entre les gouvernements bailleurs de fonds de TV5 Monde.

Elle occupe donc une position spécifique au sein de l’AEF, qui ne détient que 49 % de ses parts. Ses autres actionnaires sont, outre les chaînes francophones partenaires, les autres acteurs de l’audiovisuel public français : France Télévisions, Arte France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA).

Évolution de la composition du capital de la société anonyme TV5 monde

Actionnaires

Ancienne composition avant la réforme de 2008

Nouvelle composition après la réforme de 2008

Nombre d’actions

%

Nombre d’actions

%

Audiovisuel extérieur de la France

   

4 410

49,00

France Télévisions

4 265

47,37

1 132

12,58

Arte France

1 125

12,50

296

3,29

Radio télévision belge francophone

1 000

11,11

1 000

11,11

Société suisse de radiodiffusion et télévision

1 000

11,11

1 000

11,11

Radio Canada

600

6,67

6 000

6,67

Télé-Québec

400

4,44

400

4,44

Institut national de l’audiovisuel

595

6,61

157

1,74

Personnes physiques/mandataire social

15

0,18

5

0,06

Source : direction générale des médias et des industries culturelles

Vos rapporteurs jugent, comme la totalité des personnalités auditionnées, que le positionnement de TV5 Monde au sein de l’AEF n’est pas satisfaisant.

Les auditions ont montré que ce positionnement, qui résulte du caractère multilatéral, francophone et généraliste de la chaîne, ne satisfait ni cette dernière ni la holding ni les partenaires francophones de TV5 Monde.

Vos rapporteurs jugent par ailleurs fondées les inquiétudes portant sur une possible marginalisation de TV5 Monde, laquelle serait renforcée par la fusion entre RFI et France 24.

C’est pourquoi, ils proposent un changement de structure capitalistique qui conduirait France Télévisions, partenaire le plus naturel de la chaîne francophone généraliste sur le plan éditorial, à reprendre son rôle d’actionnaire principal. La réduction de la part de l’AEF dans le capital de TV5 Monde ne remet nullement en cause la nécessité d’approfondir les synergies actuellement insuffisantes entre TV5 Monde et l’AEF, notamment en matière de distribution.

1. Un positionnement insatisfaisant de TV5 Monde au sein
de l’AEF qui suscite l’inquiétude de la chaîne et de nos partenaires francophones

Dans une contribution écrite adressée à la mission, à la suite de son audition, le 18 mai 2011, Mme Marie-Christine Saragosse, directrice générale de TV5 Monde, explique clairement que la chaîne « est dans une situation asymétrique qui nuit à l’efficacité de notre dispositif audiovisuel extérieur ».

« L’AEF est bien dans TV5 Monde, mais TV5 Monde n’est pas dans l’AEF : le Président-directeur général de l’AEF préside le conseil d’administration dont, en outre, un administrateur représente l’AEF. TV5 Monde n’est en revanche pas présente au conseil d’administration de l’AEF, même si des questions la concernant sont à l’ordre du jour. (…) »

« Les tutelles n’ont plus de relations directes avec TV5 Monde : TV5 Monde est devenue une société de second rang dont les relations avec la tutelle s’exercent au travers de l’AEF. C’est ainsi que TV5 Monde n’a aucunement été associée à l’élaboration du contrat d’objectifs et de moyens de l’AEF alors qu’elle s’y trouve impliquée puisque la contribution française à son budget est incluse dans le budget de l’AEF. Or, son statut de société partenaire et non filiale de l’AEF induit logiquement une réserve de cette dernière pour aborder des questions relatives à la chaîne qualifiée fréquemment de chaîne " non française " mais " francophone " qui n’est ainsi représentée par personne. (…)

« Le processus de fusion d’AEF, France 24 et RFI en une société unique suscite une inquiétude au sein des partenaires francophones car c’est cette société qui devra répartir les moyens entre elle-même et une société dont elle détient 49 % du capital. Toute somme allouée à TV5 Monde sera ainsi " auto-amputée " à la société fusionnée.

« Poussé à l’extrême, le respect de l’autonomie de la chaîne, conforme à l’Entente intergouvernementale, dérive vers un isolement qui la fragilise. Un phénomène de " trappe " se met en place qui fait disparaître la chaîne des enjeux de la politique audiovisuelle extérieure de la France tout comme du paysage audiovisuel français. »

Plusieurs observateurs ont souligné que la réalisation de synergies est rendue difficile par le caractère spécifique, généraliste et multilatéral, de la chaîne.

Pour Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles (96), des choses ont été faites (émissions communes, négociations des contrats de distribution, études d’audience) mais « ce n’est pas suffisant ».

Selon M. Philippe de Nacera, directeur de la rédaction de France 24 en charge des contenus francophones (97), « la différence fondamentale de nature entre les deux chaînes limite considérablement les complémentarités. Mais il y a des échanges d’images, de reportages. C’est une pratique qui commence seulement à se développer mais sur un mode non systématique et seulement en fonction des besoins de chacun ».

S’agissant des complémentarités avec TV5 Monde, M. Jean Lesieur, directeur de la rédaction de France 24 (98), a insisté sur le fait qu’il y a une différence considérable entre TV5 Monde, chaîne généraliste multilatérale, et France 24, qui est une chaîne exclusivement d’information. Pour M. Lesieur, des complémentarités sont évidemment possibles mais les deux chaînes n’ont pas du tout la même vocation.

M. Pierre Sellal, secrétaire général du ministère des affaires étrangères et européennes, administrateur de l’AEF (99), a reconnu que TV5 Monde et France 24 étaient même souvent en concurrence.

Selon M. Sellal, la relation entre TV5 et France 24 doit être une relation de complémentarité et non d’éviction ce qui est difficile à mettre en œuvre dans les négociations avec les distributeurs : TV5 en raison de sa position historique est considérée comme « la » chaîne française ; France 24 n’étant pas perçue comme une chaîne d’information mais comme une autre chaîne française dont les distributeurs n’ont pas besoin. Le secrétaire général du ministère des affaires étrangères et européennes a indiqué que le réseau des attachés audiovisuels du ministère était chargé, dans les relations avec les câblo-opérateurs, de veiller notamment à ce que le capital de TV5 Monde soit préservé et que France 24 ne s’y substitue pas mais s’y ajoute éventuellement.

S’agissant de la valeur ajoutée de l’AEF pour TV5 Monde, M. Yves Rolland, secrétaire général de France Télévisions (100), a estimé que l’on pouvait légitimement se poser la question. Il a déclaré que nos partenaires francophones ne comprenaient pas la présence de l’AEF au sein de TV5 Monde. Alors que la subvention de TV5 est fongible au sein du budget de l’AEF, M. Yves Rolland a indiqué que le président de l’AEF souhaitait la sanctuariser, ce que demandent également nos partenaires.

Les dirigeants de l’AEF estiment en effet que la subvention versée à TV5 est en quelque sorte un « préciput » sur l’utilisation duquel ils ne peuvent intervenir. M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de l’AEF (101), a d’ailleurs affirmé que le problème du financement de TV5 Monde et la nécessité de prendre en compte son positionnement spécifique expliquaient en partie l’incapacité à formaliser un contrat d’objectifs et de moyens.

S’agissant de la majoration budgétaire d’un million d’euros que l’AEF a, selon l’Inspection générale des finances, intégrée dans son plan d’affaires afin de financer TV5 Monde, sans que l’État l’ait acceptée, la note précitée de la direction de l’AEF indique qu’« il ne s’agit pas là d’une zone d’incertitude mais d’un besoin de financement subi par l’AEF du fait de décisions ne lui appartenant pas et sur lesquelles elle n’a pas d’action possible. Il appartient donc à l’État de prendre en charge ce financement ».

Et la direction de l’AEF de poursuivre : « Compte tenu de la position minoritaire de l’AEF au sein du capital (49 %) et du conseil d’administration de TV5 Monde (deux administrateurs sur un total de douze à comparer à trois administrateurs de France Télévisions et aux trois administrateurs des partenaires non français francophones) et du fait que l’État demande à l’AEF d’assumer le financement français de TV5 Monde alors même que l’AEF ne joue qu’un rôle mineur, à la fois au plan stratégique et au plan financier (suite aux accords signés entre les hauts fonctionnaires et les ministres des pays concernés par la charte de TV5 Monde), une progression a minima de la subvention annuelle de TV5 Monde s’est révélée inéluctable en 2011 (+ 1 million d’euros) portant ainsi le montant de la subvention annuelle à 73,5 millions d’euros sur 2011-2013. »

2. Les propositions de l’Inspection générale des finances :
des propositions de synergies « extrémistes » qui feraient peser une menace réelle sur l’avenir de la chaîne

Le rapport de l’Inspection générale des finances voit dans TV5 Monde et son potentiel de mutualisation avec l’AEF une solution à l’équilibre financier de la holding, quitte à remettre en cause l’autonomie de la chaîne, si chère à nos partenaires. Vos rapporteurs contestent cette analyse et déplorent que la tentation de remettre en cause le caractère multilatéral de la chaîne soit toujours présente malgré le précédent fâcheux de 2008.

Le rapport de l’Inspection générale des finances souligne tout d’abord que « le positionnement institutionnel de TV5 Monde crée une structure de gouvernance inadaptée :

« – ne possédant pas de représentant au conseil d’administration de TV5 Monde, l’État ne poursuit pas de dialogue direct avec la direction générale de la chaîne : la subvention française à TV5 Monde est noyée dans la subvention de l’État à l’AEF, dont la direction est tenue comptable de la bonne utilisation de l’ensemble de l’enveloppe ;

« – la direction de l’AEF ne se considère pas non plus comptable de la bonne utilisation des fonds, dans la mesure où l’AEF n’est pas actionnaire majoritaire de TV5 Monde, et où la France s’est engagée à la stabilité de la subvention accordée à TV5 Monde.

« Dans ce contexte, le responsable du pilotage stratégique de TV5 Monde n’est pas identifié, ni la direction générale de l’AEF ni aucun service de l’État ne se sentant investi de cette mission.

« L’effet déresponsabilisant de ce schéma institutionnel est démultiplié par la gouvernance multilatérale de la chaîne, et par les possibilités d’évocation au niveau politique des décisions du conseil d’administration mises en place par la charte constitutive de TV5 Monde. »

Lors de son audition par la mission, l’Inspection générale des finances a souligné la gouvernance particulière que la charte constitutive de TV5 Monde institue : les décisions du management et de la tutelle peuvent être remises en cause par un système d’évocation devant un comité de hauts fonctionnaires, décision elle-même susceptible d’appel devant une conférence des ministres. L’Inspection a dénoncé « une architecture complexe et baroque, destinée à protéger l’autonomie de la chaîne mais qui, sur le plan de la gestion, se traduit par une dotation qui ne peut que progresser ».

Pour sortir de cette situation, le rapport de l’Inspection générale des finances envisage trois scénarios s’accompagnant tous d’une renégociation de la charte constitutive de TV5 Monde « dans le sens d’une plus forte autonomisation des organes sociaux et du management de la chaîne par rapport aux organes multilatéraux (comité des hauts fonctionnaires, conférence des ministres) » :

– l’intégration de TV5 Monde dans l’AEF par regroupement des parts de la France dans le capital de TV5 Monde entre les mains de l’AEF, qui deviendrait actionnaire majoritaire de la chaîne ;

– le regroupement des parts de la France « au sein d’un autre groupe audiovisuel français » ;

– ou l’autonomisation de la chaîne : dans ce scénario, « TV5 Monde sort de l’AEF et un dialogue direct se noue entre la direction générale de la chaîne et son ministère de tutelle ».

Comme l’ont reconnu les inspecteurs lors de leur audition par la mission (102), « le risque de froisser nos partenaires est important », c’est le moins que l’on puisse dire.

Dans une note adressée à vos rapporteurs, la direction de l’AEF fait le constat suivant : « Le rapport de l’IGF dépasse la simple recherche d’économies et propose même une démarche qui met en cause les relations de la France avec ses partenaires francophones bailleurs de fonds et avec l’ensemble des instances représentatives de la francophilie et de la francophonie, et au-delà, pouvant porter atteinte à son principal outil audiovisuel de rayonnement culturel et linguistique. »

Vos rapporteurs considèrent que l’implantation historique et la qualité de TV5 Monde en font un atout indispensable pour le rayonnement de la France et du français dans le monde.

Depuis trois ans, dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan stratégique approuvé par tous les pays partenaires, TV5 Monde a, dans un environnement concurrentiel d’une violence sans précédent, signé de nouveaux contrats de distribution, obtenu des résultats d’audience positifs, lancé de nouveaux projets (Web TVs, applications, vidéo à la demande), développé le sous-titrage, le tout en développant fortement ses ressources propres (+ 42 %), gage de la réalité des audiences.

Comme le souligne la direction de l’AEF dans la note précitée, « face à ces résultats tangibles, les pistes évoquées par l’IGF, sous couvert de mobiliser à titre préventif de pseudo " gisements " d’économies de l’AEF, sont porteuses de risques bien réels pour TV5 Monde, notamment :

« – une réduction importante des ressources propres de l’entreprise ;

« – une réduction des contributions des partenaires francophones ;

« – un transfert à la charge de la France de coûts préalablement partagés ;

« – une perte de visibilité de la chaîne et d’influence pour la France ;

« – et surtout, une remise en cause de l’équilibre multilatéral trouvé avec l’Entente et tensions diplomatiques avec les pays bailleurs de fonds et au sein des instances francophones ».

La démarche de l’Inspection générale des finances, en suggérant de stériliser les dépenses productives de programmes et de distribution nécessaires à la réalisation des objectifs et des missions de la chaîne et génératrices de ressources propres, a de quoi surprendre. En utilisant TV5 Monde comme variable d’ajustement du budget de l’audiovisuel français, l’Inspection générale des finances, « en total mépris des caractéristiques d’une chaîne généraliste et de son identité multilatérale, tend, par ses préconisations, à ramener TV5 Monde à un simple département d’une société franco-française, chargée d’assembler des programmes, sans identité ni cohérence éditoriale », comme le souligne la note précitée.

Selon la direction de l’AEF, les préconisations de l’Inspection générale des finances aboutiraient donc à un « démantèlement de la chaîne » et à « un risque diplomatique avec les partenaires et les instances de la Francophonie ».

Et la direction de l’AEF de conclure : « Le rapport de l’IGF s’inscrit donc dans le droit fil du rapport Benamou et laisse à penser que les leçons de la précédente crise majeure n’ont pas été tirées. Ce rapport prônait une intégration totale de TV5 Monde dans " France Monde " et ne tenait aucun compte du caractère multilatéral de la chaîne francophone par méconnaissance des avantages qu’une telle structure procurait à chacun de ses partenaires, au premier rang desquels, la France. »

Vos rapporteurs souscrivent à cette analyse, confirmée par M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes (103). Ils se félicitent par ailleurs que le ministre d’État ait réaffirmé devant la mission le rôle de TV5 Monde, la nécessaire préservation de sa spécificité et de son autonomie et sa volonté de rassurer nos partenaires, à l’occasion de prochaine conférence interministérielle, qui devrait avoir lieu début décembre 2011, sur l’intérêt que la France accorde au développement de cette chaîne « qui ne saurait être traitée comme une entité franco-française ».

3. Une autonomisation de TV5 Monde par rapport à l’AEF qui n’interdit pas d’approfondir les synergies avec cette dernière

Tous les observateurs et acteurs de la politique audiovisuelle extérieure en conviennent : la question de la place de TV5 Monde au sein de l’AEF mérite d’être à nouveau posée.

Dans sa contribution écrite, Mme Marie-Christine Saragosse estime que « si TV5 Monde demeure une priorité pour la France, il faut veiller, à l’avenir, rééquilibrer sa situation :

« – par rapport à l’AEF, en permettant sa présence au conseil d’administration soit de la holding (si on veut maintenir une structure neutre de pilotage par rapport aux filiales et à TV5 Monde), soit de la société fusionnée ;

« – par rapport aux tutelles, en restaurant un rapport direct et un " fléchage " de ses moyens, non comme variable d’ajustement, mais en fonction des objectifs très ambitieux assignés à la chaîne. Le rôle du MAE, jusqu’ici central, qui n’assure plus depuis 3 ans la tutelle stratégique et financière de l’audiovisuel extérieur, mérite d’être réexaminé ;

« – par rapport à France Télévisions, dont la marginalisation en termes de présence au capital à la suite de la réforme, ne doit pas entraîner une moindre implication en termes de fourniture de programmes linéaires et non linéaires et autres collaborations. TV5 Monde est une chaîne généraliste " de développement durable" : 45 % de ses programmes sont fournis par ses chaînes partenaires au premier rang desquelles il y a France Télévisions représentant à elle seule plus de 25 % des apports en programmes. (…) D’où l’importance des termes du futur COM de France Télévisions ;

« – par rapport à ses financements. Au-delà des apports des chaînes partenaires, TV5 Monde alimente ses grilles à hauteur de 37 % par des programmes français achetés sur le marché. Elle dispose de 14,5 millions d’euros pour le faire (coût de la grille de France 2 ou France 3 à titre de point de repère : plus de 900 millions d’euros). Le media global (Web TV, VAD, applications et sites mobiles, présence croissante sur les réseaux sociaux, TV connectées) implique de nouveaux métiers, avec la particularité pour une chaîne mondiale, de devoir être pourvus 24 heures sur 24, 365 jours par an (soit pour un poste, 6 salariés et un coût d’environ 350 000 euros). La chaîne ne pourra continuer à assumer son rôle de premier média mondial de langue française sans un réajustement significatif de ses moyens qui représentent, rappelons-le, 1,8 % de l’effort public français. Nos partenaires ont accru leur effort de 56 % au cours des 3 dernières années. En proportion de leurs budgets nationaux, leur effort est plus significatif que celui de la France. Leurs productions nationales ne pourraient d’ailleurs suffire à alimenter les grilles dans le cas d’un non réajustement des financements français ».

M. Pierre Sellal secrétaire général du ministère des affaires étrangères et européennes, administrateur de l’AEF (104), a estimé que la question pourrait se poser d’une séparation de la contribution de TV5 de la subvention globale d’AEF.

Si l’AEF devait rester l’actionnaire principal de TV5 Monde, vos rapporteurs estiment que ces rééquilibrages, dans le sens d’une plus grande autonomisation, seraient à tout le moins indispensables.

Quant à M. Roch-Olivier Maistre, premier avocat général à la Cour des comptes et administrateur de l’AEF (105), il a souligné que l’une des raisons d’être de l’AEF était de réaliser des synergies et des arbitrages financiers. Or, avec TV5, les crédits étant « fléchés », la fonction arbitrale ne s’exerce pas. De la même manière, la spécificité de la chaîne – multilatérale, francophone et généraliste – rend difficile la réalisation de synergies. Pour M. Roch-Olivier Maistre, la question de la présence de TV5 en son sein pourrait par conséquent être posée à terme.

M. Emmanuel Gabla, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel où il est vice-président du groupe de travail sur l’audiovisuel extérieur de la France (106), a également estimé que TV5 Monde avait préexisté à l’AEF et pouvait donc de nouveau exister en dehors. Il a déclaré que TV5 resterait un problème permanent « compte tenu de l’esprit qui a présidé à la création de la chaîne ».

Les auditions menées par la mission ont convaincu vos rapporteurs de l’opportunité de redonner à France Télévisions son rôle historique d’actionnaire principal, mais non majoritaire, de la chaîne francophone.

Dans la réflexion indispensable sur la nécessaire valorisation de TV5 Monde dans l’offre audiovisuelle extérieure et sur les meilleurs moyens de l’assurer, il convient en effet de garder à l’esprit les liens qui unissent TV5 Monde à l’opérateur public national. Or, le retrait capitalistique de France Télévisions au profit de l’AEF a logiquement distendu ces liens, comme l’a souligné Mme Marie-Christine Saragosse. Rappelons que France Télévisions fournit plus d’un quart de programmes à TV5 Monde et environ 30 % d’images d’information : le groupe est donc le partenaire naturel de TV5 mais sans en avoir la légitimité. Il convient par ailleurs de souligner que les autres actionnaires de TV5 sont des chaînes généralistes nationales et que France Télévisions est actionnaire de toutes les autres chaînes multilatérales, en particulier Euronews.

C’est pourquoi, vos rapporteurs proposent un changement de portage capitalistique qui conduirait France Télévisions, partenaire le plus naturel de la chaîne francophone généraliste sur le plan éditorial, à reprendre son rôle d’actionnaire principal, propriétaire à 49 %, de la chaîne.

La réduction de la part de l’AEF dans le capital de TV5 Monde, qui garderait 12,58 % de ce dernier, ne remet nullement en cause à leurs yeux la nécessité d’approfondir les synergies ou de mettre fin à la concurrence entre TV5 Monde et l’AEF, notamment en matière de distribution.

Enfin, vos rapporteurs estiment que la désignation du ministère des affaires étrangères et européennes comme chef de file chargé de la définition des objectifs stratégiques de l’AEF pourrait contribuer à rétablir un dialogue entre TV5 Monde et sa tutelle et à assurer une meilleure protection des intérêts de la chaîne.

C. DES SYNERGIES SOUHAITABLES AVEC LES AUTRES ACTEURS
DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC ET DE LA POLITIQUE CULTURELLE EXTÉRIEURE

1. Un renforcement indispensable des synergies avec France Télévisions et Radio France

Pour M. Francis Balle, administrateur de l’AEF et directeur de l’institut de recherche et d’études sur la communication et les médias, il est « scandaleux », pour les deniers publics, que des rapprochements ne puissent être envisagés entre l’AEF, d’une part, et Radio France et France Télévisions, d’autre part.

Comme d’autres interlocuteurs entendus par la mission, vos rapporteurs estiment qu’il faut aller au-delà du rapprochement entre RFI, France 24 et TV5 Monde pour envisager des synergies avec les autres opérateurs de l’audiovisuel public, sans remettre en cause le principe d’un pôle dédié autonome.

Il convient en effet de rappeler que le groupe France Télévisions poursuit une politique internationale relativement ambitieuse, qui figure d’ailleurs parmi les objectifs de son contrat d’objectifs et de moyens 2011-2015.

Il s’agit d’accroître et d’améliorer l’influence internationale de France Télévisions par des échanges bilatéraux et multilatéraux mais aussi, selon les termes de son contrat d’objectifs et de moyens, de :

« – soutenir la présence internationale des chaînes du groupe par une large distribution sur les réseaux numériques, câblés et satellitaires internationaux à travers le monde ;

« – affirmer la présence de l’actionnaire France Télévisions au sein des chaînes Euronews et TV5 Monde (…) ». France Télévisions est représentée au sein du conseil d’administration de TV5 Monde, qui est un lieu important d’échange avec les télévisions suisse, belge et canadienne avec lesquelles le groupe coproduit des fictions.

– ou encore « entretenir la veille internationale par la collecte régulière d’informations et l’organisation d’une base de données internationales, à disposition du groupe ».

Sur le plan éditorial, comme l’a rappelé la direction de France Télévisions (107), le groupe s’attache à apporter une place croissante à l’actualité internationale afin d’accroître la différenciation entre les journaux télévisés du service public par rapport à ceux des concurrents privés. « Nous voulons fortement développer ce rôle de média d’information sur l’actualité internationale alors que parallèlement TF1 ferme plusieurs bureaux à l’étranger », a déclaré M. Rémy Pflimlin, président-directeur général de France Télévisions.

Comme l’a indiqué la direction du groupe, France Télévisions dispose ainsi de onze bureaux à l’étranger, présents dans toutes les grandes capitales du monde. Y travaille un salarié de France Télévisions, qui fait travailler des pigistes ou des correspondants sur place.

Le groupe dispose également de l’Agence internationale d’images de télévision (AITV), agence qui est reliée à son réseau outre-mer et dispose, selon la direction de France Télévisions, d’un « réseau très dense de correspondants en Afrique ». L’agence réalise chaque jour un module de dix minutes sur l’actualité africaine (politique, économie, société, culture..) en français et en anglais. Ces cinq ou six reportages sont destinés aux journaux de 20 heures des télévisions nationales africaines. Ils sont également repris par TV5 Monde. La direction de France Télévisions a souligné que cette agence avait été par exemple très efficace pour la couverture des événements en Côte-d’Ivoire.

La direction de France Télévisions a également indiqué que le rôle joué par France 2 en Algérie et en Tunisie pendant le « printemps arabe » avait été « capital », en rappelant que la chaîne y est diffusée par satellite et grâce au piratage, « en proportion considérable ». De façon générale, selon la direction de France Télévisions, dans ces pays proches de langue française, le rôle du service public français est capital même si ce n’est pas sa mission.

Avec France 24, la direction de France Télévisions a estimé avoir « des relations d’échange satisfaisantes ». Quelques liens et coopérations existent en effet mais n’apparaissent pas suffisants.

Depuis 2007, France Télévisions est liée à la chaîne d’information par un contrat, en vertu duquel, contre une rémunération d’un million d’euros par an, cette dernière a accès à tous les contenus d’information du groupe. M. Rémy Pflimlin a indiqué que France 24 en faisait d’ailleurs « un usage très large ».

Par ailleurs, lorsqu’un événement se déclenche dans un endroit où France Télévisions ne dispose pas de correspondant, le temps que l’envoyé du groupe arrive sur place, c’est le correspondant de France 24 qui s’exprime sur les chaînes publiques. En revanche, comme l’a reconnu le président-directeur général de France Télévisions, dans les pays où le groupe a une présence structurée, il y a évidemment peu de coopération avec France 24.

MM. Rémy Pflimlin et Alain de Pouzilhac ont tous deux souligné qu’il n’y avait pour autant pas de confusion des rôles ni de concurrence possibles entre ce que fait France Télévisions à l’international et ce que fait l’AEF, les deux groupes ne poursuivant pas du tout les mêmes objectifs, celui de France Télévisions étant d’informer nos concitoyens sur l’actualité internationale et de développer la cocréation, tandis que l’AEF est chargée de porter la voix de la France à l’étranger.

Si France Télévisions et Radio France d’une part et l’AEF d’autre part poursuivent en effet des objectifs stratégiques différents, vos rapporteurs estiment néanmoins que des synergies plus poussées pourraient être mises en place entre les trois groupes en particulier sur la collecte de l’information, les contenus et le développement du numérique. Il convient à cet égard de souligner que France Télévisions vient de mettre en place une plate-forme d’information, France Télévisions Info, qui regroupe les contenus d’information des cinq chaînes du groupe. Des liens et synergies seraient évidemment souhaitables afin de renforcer les contenus, notamment numériques, des trois groupes.

Afin de faciliter ces synergies et d’établir un dialogue, actuellement très insuffisant, si ce n’est inexistant, entre l’AEF et les autres sociétés de l’audiovisuel public, vos rapporteurs proposent de créer un lien organique entre l’AEF et les groupes France Télévisions et Radio France en faisant entrer ces derniers, dans une proportion qui reste à déterminer mais qui demeurerait minoritaire, dans le capital de l’AEF, ce qui implique également la présence de représentants de ces sociétés au sein de son conseil d’administration.

2. Une amélioration souhaitable de l’articulation entre l’audiovisuel extérieur de la France et l’Institut français

Lors de son audition par la mission (108), M. Xavier Darcos, président de l’Institut français et ambassadeur pour l’action culturelle extérieure de la France, a souligné l’absence de cohérence d’un dispositif culturel extérieur qui n’aurait pas de lien avec l’instrument audiovisuel. Comme l’a rappelé M. Xavier Darcos, l’audiovisuel est en effet un outil majeur de la mission d’influence et de l’action culturelle françaises. C’est le vecteur qui touche les publics les plus larges à l’étranger. Il bénéficie à ce titre des moyens financiers les plus importants déployés par l’État à l’étranger (plus de 300 millions d’euros pour l’AEF à comparer aux quelque 160 millions d’euros alloués au réseau culturel).

Or, pour M. Xavier Darcos, il ne peut y avoir de politique d’influence culturelle sans une concertation sur les contenus dont l’Institut français est le premier responsable et la multiplication des acteurs est une source d’incompréhension pour nos partenaires étrangers.

M. Xavier Darcos s’est interrogé à juste titre sur l’absence de lien entre l’AEF et le réseau culturel et a souhaité que soient établies des passerelles utiles entre l’AEF et l’Institut français.

Le président-directeur général de l’AEF est membre du conseil d’orientation stratégique de l’institut, qui se réunit au minimum une fois par an sous la présidence du ministre des affaires étrangères et européennes. En revanche, l’Institut français n’est pas présent au sein de l’AEF ni au sein des entités qui le composent et aucune coordination n’est prévue.

Vos rapporteurs jugent souhaitable la présence d’un représentant de l’Institut français au conseil d’administration de la société AEF ou, à tout le moins, au sein d’un comité de pilotage qui serait chargé de mieux coordonner l’ensemble des parties prenantes à l’action culturelle et audiovisuelle extérieure.

Il est par ailleurs indispensable, comme l’a souhaité M. Xavier Darcos, que toutes les antennes de l’institut diffusent dans leurs bâtiments France 24 et TV5 Monde.

Avec TV5 Monde, l’Institut français travaille en collaboration étroite sur différents sujets. Cette collaboration pourrait être formalisée dans une convention de partenariat.

En matière linguistique, TV5 Monde développe depuis des années des versions linguistiques spécifiques à chaque zone qu’elle souhaite toucher. Selon M. Xavier Darcos, la chaîne pourrait donc proposer des programmes adaptés aux missions de l’Institut français sur la langue française. Les plates-formes de vidéo à la demande qui se développent dans les instituts devraient également être en mesure de présenter des films, en partenariat avec la plateforme de TV5 Monde. En matière éditoriale, le président de l’Institut français a estimé que TV5 Monde, première chaîne internationale panafricaine, pourrait promouvoir les événements soutenus et produits par l’institut avec des émissions spécifiques. Dans le cadre de la restructuration de la plate-forme internet de l’institut, il serait également souhaitable de multiplier les échanges de contenus (« web séries », « web documentaires », reportages).

Dans le domaine de la radio, M. Xavier Darcos a préconisé le développement de partenariats éditoriaux voire de coproductions avec RFI, « notamment dans le domaine de la musique et sur les régions Afrique/ Caraïbes ».

Avec France 24, des liens seraient à développer au niveau local notamment avec les agents des Instituts, qui pourraient jouer un rôle de correspondants pour la chaîne d’information en matière culturelle.

Surtout, là encore, comme l’a rappelé M. Xavier Darcos, les opérateurs de l’action culturelle et audiovisuelle extérieure de la France doivent relever ensemble le défi colossal d’internet, champ qu’il convient d’investir d’urgence dans tous les secteurs pour proposer à l’étranger de l’information mais aussi des séries télévisées, des livres numériques, des spectacles vivants captés etc. Or les plates-formes des télévisions sont les meilleurs vecteurs de diffusion de ce type de produits culturels en ligne.

M. Xavier Darcos a estimé que les contacts entre l’Institut français et l’AEF étaient peu nombreux. Il a souhaité que des lettres de mission soient adressées aux responsables de l’Institut français et de l’AEF afin de les « contraindre à travailler ensemble ». Il a également préconisé la signature d’une convention de partenariat entre l’AEF et l’Institut français qui rappellerait notamment que l’AEF a aussi pour mission de porter l’action culturelle de l’État dont le principal responsable est l’Institut français.

Quoi qu’il en soit, vos rapporteurs estiment que la désignation du ministère des affaires étrangères et européennes comme chef de file chargé de la définition des objectifs stratégiques de l’AEF est de nature à faciliter une meilleure articulation entre l’AEF et les autres outils de la politique culturelle extérieure, en particulier l’Institut français.

CONTRIBUTION

M. Jacques Myard, député UMP

La création d’un pôle dédié et unique, l’AEF – télévision, radio et internet –, pour l’action audiovisuelle extérieure est logique et incontournable.

Il serait en effet totalement irresponsable de remettre en cause ce pôle de création récente – loi du 5 mars 2009 – qui doit bénéficier du temps nécessaire pour prendre toute sa place dans le paysage mondial ultraconcurrentiel de l’audiovisuel.

Il ne peut y avoir dans ce domaine qu’une politique de long terme au-delà des contingences et conflits médiatiques déplorables par ailleurs. L’arbre ne doit pas cacher la forêt !

Il est impératif que l’AEF, tout en ayant un seul pilote aux commandes pour diriger les instruments télévisuels et radiophoniques français de communication et d’information extérieures, marche sur ses deux jambes, RFI et Monte Carlo Doualiya d’une part, et France 24 et TV5 d’autre part, sans oublier le développement prometteur d’internet.

Cela signifie qu’on ne peut pas privilégier un média au détriment de l’autre.

RFI doit garder une certaine identité au sein de l’AEF, tout en permettant aux journalistes de travailler pour France 24 et RFI.

Tout en reconnaissant la spécificité de TV5, média dans lequel la France doit justement compter avec ses partenaires étrangers, il serait préjudiciable de retirer TV5 du giron de l’AEF. Il faut, bien au contraire, continuer de développer des synergies entre France 24 et TV5, notamment dans les annonces d’actualité grâce aux bandeaux écrits défilants. Adosser TV5 à France Télévisions n’a pas de sens, France Télévisions, par nature très franco-française, aura tendance à négliger ce média. Sur ce point, je suis est en désaccord avec les rapporteurs.

En conclusion, il est indispensable de conserver l’unité de l’AEF pour l’ensemble des instruments à l’international, à charge pour l’AEF de développer toutes les synergies souhaitables par convention avec les médias publics et privés français, y compris l’AFP, pour optimiser son efficacité. Il apparaît, enfin, urgent et nécessaire que l’État fixe sa mission dans un contrat d’objectifs et de moyens.

TRAVAUX DES COMMISSIONS

La commission des affaires culturelles et de l’éducation, sous la présidence de Mme Michèle Tabarot, et la commission des affaires étrangères, sous la présidence de M. François Rochebloine, vice-président, se sont réunies, le mardi 6 mars 2012, pour examiner le rapport d’information de MM. Christian Kert et Didier Mathus, corapporteurs, sur la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France (AEF).

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je suis ravie de réunir aujourd’hui la commission des affaires culturelles et de l’éducation et la commission des affaires étrangères qui ont souhaité créer, il y a plusieurs mois, une mission d’information commune sur l’audiovisuel extérieur de la France. Je salue les deux corapporteurs, M. Christian Kert, corapporteur au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et M. Didier Mathus, corapporteur au nom de la commission des affaires étrangères. Les travaux de cette mission auront été particulièrement longs et ses conclusions sont très attendues. Je me réjouis que nos rapporteurs soient parvenus à dresser un constat partagé et à formuler un certain nombre de préconisations communes. La mission a adopté le présent rapport lors de sa réunion du 23 février dernier.

M. François Rochebloine, vice-président de la commission des affaires étrangères. Je me réjouis que l’on arrive enfin au bout de ce long tunnel. Je rappelle que cette mission a été créée il y a plus d’un an et devait initialement rendre ses conclusions au mois de juin 2011. Les circonstances ont fait que cela n’a pas été possible. Quoi qu’il en soit, il était temps que la mission rende son rapport puisque nous arrivons à la fin de la législature. C’est d’ailleurs notre dernière réunion de commission. Je souhaite saluer l’excellent travail accompli par nos corapporteurs. Bien que leur rapport fasse apparaître quelques divergences, en particulier sur la question de la fusion entre Radio France International (RFI) et France 24, la dernière réunion de la mission a montré que de nombreux points faisaient consensus.

M. Didier Mathus, corapporteur. Nous présentons un rapport qui est resté dans les limbes pendant plusieurs mois. En effet, cela fait maintenant plus d’un an que la mission d’information commune sur la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France a été constituée, sous la présidence de Mme Michèle Tabarot. Le rapport qui vous est présenté a néanmoins été adopté à l’unanimité par la mission le 23 février dernier.

Lors de ses vingt-huit auditions, tenues entre mars et novembre de l’année dernière, la mission a entendu tous ceux qui, en France, ont une opinion sur l’audiovisuel extérieur de la France : ministres et administrations concernés, responsables passés et présents de la holding Audiovisuel extérieur de la France (AEF) et des chaînes filiales et partenaires, membres du conseil d’administration d’AEF, intersyndicales de RFI et France 24, Conseil supérieur de l’audiovisuel, Inspection générale des finances, instituts de mesure de l’audience et représentants des autres acteurs participant à la politique culturelle extérieure de la France, tels que l’Agence France-Presse (AFP) ou France Télévisions.

Comme l’a rappelé la présidente Michèle Tabarot, nous sommes parvenus à établir un bilan et des propositions communs, même si nous divergeons sur un point important, celui de la fusion entre RFI et France 24.

Le sommaire du rapport qui vous a été distribué indique clairement nos conclusions et fait état de nos divergences, réelles, mais qui ne remettent pas en cause nos convictions communes. Afin de les présenter, nous allons nous partager la tâche.

Je me propose de vous présenter nos constats et propositions communs sur le pilotage et la gouvernance, notre position commune sur le principe du « pôle dédié », et la place de TV5 Monde en son sein, enfin, mon point de vue personnel sur la fusion.

En ce qui concerne le pilotage, je rappelle tout d’abord que la société AEF est encore, en mars 2012, dépourvue de contrat d’objectifs et de moyens (COM).

La loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a pourtant fait d’AEF une société nationale de programme, soumise à l’obligation de conclure un COM avec l’État.

Je rappelle en outre qu’au début de l’année, la société AEF ne disposait pas encore d’un cahier des charges. Comme vous le savez, ce dernier, qui a enfin été défini par un décret du 25 janvier 2012, l’a été sous la pression judiciaire, à la suite d’actions engagées par les organisations syndicales de RFI.

La société est cependant toujours sans COM. Il manque donc un outil indispensable de pilotage et de suivi de la mise en œuvre de cette politique publique.

Pour ce qui est des raisons de l’absence de ce COM, il apparaît très clairement que la signature de ce document a achoppé non pas tant sur les objectifs que sur les moyens. L’État a été confronté à des interrogations persistantes sur l’authenticité des trajectoires financières proposées par la direction d’AEF. Lorsque j’évoque les « interrogations persistantes », il s’agit d’un euphémisme, puisque certains représentants de l’État ont considéré que les trajectoires financières proposées par la direction étaient infondées et largement optimistes, pour ne pas dire farfelues. Les responsabilités sont donc partagées : l’État et les tutelles n’ont pas été suffisamment fermes tandis que la direction d’AEF a été particulièrement fantaisiste dans la construction de son plan d’affaires, en proposant des trajectoires peu crédibles d’augmentation des ressources propres du groupe, en particulier des ressources publicitaires de France 24. De son côté, l’État est resté trop longtemps inerte face à la « dyarchie assassine » à la tête du groupe et face à l’incapacité de la direction d’AEF de fournir une programmation financière suffisamment réaliste. L’État, en l’occurrence le Premier ministre, a même dû confier une mission à l’Inspection générale des finances (IGF), afin d’y voir plus clair sur la situation et les perspectives financières du groupe, préalable indispensable à la formalisation d’un COM.

S’agissant du pilotage, nous avons également mis en évidence une incapacité des autorités de tutelle à assumer pleinement leur rôle.

Il nous semble que le choix de placer l’AEF sous l’autorité principale du ministère de la culture s’avère insatisfaisant. Dans les faits, trois ministères distincts (culture, affaires étrangères et finances) participent au pilotage. Cette situation est probablement « déresponsabilisante » pour les administrations, aucune n’étant clairement identifiée comme étant appelée à rendre des comptes. C’est pourquoi la direction d’AEF a eu tendance à développer un dialogue direct avec le cabinet du Premier ministre et la mission confiée par le Premier ministre à l’IGF témoigne assez clairement d’une « reprise en main » de la tutelle par Matignon. Ce constat est partagé par la quasi-totalité des personnes que nous avons auditionnées.

MM. Hubert Védrine et Alain Juppé ont tous deux estimé qu’il fallait un pilote et que la tour de contrôle de l’influence de la France dans le monde devait être le Quai d’Orsay. Cela n’implique certes pas d’écarter le ministère de la culture, qui peut avoir son mot à dire mais n’est globalement pas « équipé » pour avoir une vision globale sur ces sujets, comme il l’a montré à l’occasion de la réforme des langues à RFI.

Comme l’a reconnu M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères, le choix de mettre son ministère à l’écart du dispositif a été dicté par des circonstances particulières et notamment la volonté d’éviter tout conflit d’intérêt, compte tenu du fait que la compagne du ministre des affaires étrangères de l’époque était directrice générale d’AEF. Nous estimons donc que la tutelle d’AEF doit être transférée au ministère des affaires étrangères en associant le ministère de la culture au sein d’un comité d’orientation stratégique.

J’en viens à présent aux constats et propositions que nous faisons sur le périmètre du pôle AEF.

S’est posée la question de savoir s’il valait mieux créer un pôle dédié ou rattacher les opérateurs de l’audiovisuel extérieur à ceux de l’audiovisuel national, en adossant RFI à Radio France et France 24 à France Télévisions, ou l’ensemble du pôle AEF à France Télévisions.

Comme la plupart des personnes auditionnées par la mission, avec Christian Kert, nous validons aujourd’hui, le principe d’un pôle dédié et la pertinence d’un rapprochement entre RFI et France 24. En effet, le modèle d’organisation qui regroupe radio et télévision à vocation extérieure dans une même entité a cours à l’étranger. Notre crainte était qu’au sein d’une entité de l’audiovisuel national, la dimension internationale soit noyée ou marginalisée. L’amarrage à d’autres entités comporte par ailleurs, selon nous, le risque que les habitudes d’une grosse structure l’emportent sur la mission particulière de porter la voix française.

M. Christian Kert et moi-même ne nous accordons cependant pas sur la pertinence d’une fusion juridique.

J’estime que le rapprochement nécessaire entre les deux médias (radio et télévision) à vocation internationale ne suppose pas la fusion juridique des deux sociétés. Je crois même que la fusion, telle qu’elle a été engagée par M. Alain de Pouzilhac, est aujourd’hui un frein, voire un obstacle, à la création de synergies positives entre les deux sociétés. La fusion n’était finalement que l’une des options possibles. Le choix de la fusion et la manière de la conduire ont débouché sur une situation qui est aujourd’hui très crispée. Je rappelle en outre que RFI est une radio généraliste alors que France 24 est une chaîne de télévision d’information en continu. Ce sont encore deux médias très différents même si les métiers sont susceptibles de se rapprocher dans l’avenir. La radio reste un média particulièrement pertinent qui a encore un poids considérable à travers le monde. Or, telle qu’elle a été présentée, la fusion a pu être perçue comme un moyen de « siphonner » l’expertise et la qualité reconnues de RFI au profit de France 24, qui en manquait singulièrement au départ. La fusion, en particulier des rédactions, est une mauvaise idée, s’agissant de médias qui ciblent des publics, des langues et des zones différents. Par ailleurs, l’organisation en « news factory » multimédia, faisant travailler des journalistes polyvalents pour internet, la radio et la télévision, ne se retrouve guère qu’au Canada. Même à la BBC, il n’y a pas de fusion entre la radio et la télévision.

Enfin, je crois que nous serons unanimes pour regretter le comportement de la présidence d’AEF, qui a autoritairement accéléré le processus de fusion pour rendre les choses irréversibles, alors même que notre mission d’information avait explicitement souhaité son ajournement pendant la durée de ses travaux. Il s’agit là d’une manière de « mettre le pied dans la porte » qui n’est pas convenable pour un opérateur public. Je regrette tout autant la méthode et les modalités de mise en œuvre, au pas de charge, de la fusion par la direction. Force est de constater que cette dernière ne crée pas les conditions d’une mobilisation et encore moins d’une adhésion suffisante des personnels. Si ce constat devait perdurer, j’estime que c’est le principe même d’un rapprochement qui serait mis en échec. La conduite de la fusion par la direction d’AEF constitue donc à mes yeux une faute.

En ce qui concerne le positionnement de TV5 Monde, le constat est unanime : ni AEF, ni TV5 Monde ne bénéficient du rattachement de TV5 Monde à AEF. Au surplus, la situation est déséquilibrée : AEF est bien dans TV5 Monde, mais TV5 Monde n’est pas dans AEF. On peut effectivement se poser la question de la valeur ajoutée d’AEF pour TV5 Monde et c’est d’ailleurs la question que se posent nos partenaires.

Nous estimons donc que France Télévisions, qui est le partenaire historique de la chaîne francophone généraliste mais aussi son partenaire le plus naturel sur le plan éditorial, puisqu’elle est son principal fournisseur de contenus, doit redevenir l’actionnaire de référence de la chaîne. C’est pourquoi nous proposons un changement de portage capitalistique qui conduirait France Télévisions à reprendre son rôle d’actionnaire principal, propriétaire à 49 % de la chaîne. Nous ne ferions là que rétablir une situation identique à celle de nos partenaires francophones, où c’est la télévision publique nationale belge, canadienne, suisse qui est actionnaire de TV5 Monde. Nous proposons de rétablir une uniformité dans la nature de l’actionnariat d’AEF dans tous les pays partenaires.

La réflexion sur le destin et l’avenir de TV5 Monde n’est cependant pas encore aboutie aujourd’hui. Cette chaîne de télévision généraliste a une puissance de diffusion considérable puisque c’est la chaîne la mieux distribuée au monde. Elle réalise un excellent travail mais doit tenir compte de spécificités très lourdes liées à sa gouvernance multilatérale, qui rend la définition de sa ligne éditoriale et de sa programmation particulièrement complexe.

La réduction de la part d’AEF dans le capital de TV5 Monde, qui garderait 12,58 % de ce dernier, ne remet nullement en cause, à nos yeux, la nécessité d’approfondir les synergies entre TV5 Monde et AEF, notamment en matière de distribution. La signature d’accords de distribution n’exige absolument pas qu’AEF soit l’actionnaire principal de TV5 Monde. Des synergies peuvent tout à fait se concevoir en dehors de l’unité organique artificielle et inutile, qui enferme et paralyse TV5 Monde et qui est vécue comme une contrainte plus que comme un atout par l’AEF. C’est pourquoi nous avons jugé opportun de proposer cette réorganisation du capital de TV5 Monde.

M. Christian Kert, corapporteur. J’évoquerai pour ma part, en accord avec M. Didier Mathus, quatre points : les questions de gouvernance qu’il n’a pas abordées ; le bilan stratégique et financier de l’entreprise et de ses opérateurs – pour établir ce bilan, je précise que nous avions souhaité attendre la publication du rapport de l’Inspection générale des finances à l’automne ; la question des synergies que nous jugeons souhaitable d’approfondir entre l’AEF et les autres opérateurs de l’audiovisuel national et du rayonnement culturel ; enfin, je présenterai naturellement mon analyse des modalités de la fusion entre RFI et France 24, point sur lequel nous divergeons.

Pour compléter ce qui a été dit sur la gouvernance, nous avions le sentiment qu’il y avait comme un « second cercle », plus large, de l’audiovisuel extérieur de la France, qui comprend d’autres acteurs participant à cette politique, tels que France Télévisions, Radio France, mais aussi ARTE, Euronews, voire l’AFP. Plusieurs interlocuteurs ont préconisé la création d’un comité d’orientation stratégique pour remédier à ce que l’on peut appeler « le défaut de vision stratégique », dont souffre encore notre politique audiovisuelle, et à la coordination insuffisante entre les nombreux opérateurs qui participent à la politique audiovisuelle et culturelle extérieure. Nous avons jugé cette idée intéressante et l’avons retenue parmi nos propositions. Ce comité, qui pourrait être mis en place rapidement, serait chargé de définir les priorités, la stratégie de développement de l’AEF et le partage des rôles entre les opérateurs. Nous pensons qu’il serait souhaitable qu’y soient représentés, l’Institut français, France Télévisions, Radio France mais aussi ARTE, Euronews et l’AFP, acteurs qui contribuent également au rayonnement médiatique et culturel de notre pays. Dans le cadre de ce comité, pourrait également s’engager une réflexion nécessaire sur la « stratégie d’influence » que doit mener notre pays sur internet et les supports numériques et qui doit reposer sur une coordination de l’ensemble des acteurs.

Nous préconisons également une clarification de la répartition des responsabilités à la tête de l’entreprise. Nous avons en effet relevé que la crise de gouvernance à la tête d’AEF avait notamment été alimentée par des conflits portant sur la répartition des compétences. Devant notre mission, M. Alain de Pouzilhac et Mme Christine Ockrent ont exposé deux visions de cette répartition qui avaient du mal à s’accorder. Pour éviter la « dyarchie assassine » qui a marqué la gouvernance d’AEF, nous pensons qu’il serait préférable que la société se dote d’un président-directeur général et d’un secrétaire général, à l’instar des autres entreprises de l’audiovisuel public, plutôt que d’un « tandem » président-directeur général/directeur général délégué.

En ce qui concerne le bilan du groupe, nous estimons, comme la plupart des personnes entendues, que plusieurs progrès importants méritent d’être salués et sont à mettre au crédit de l’actuelle direction, notamment en matière de développement de la distribution, de la diffusion et de l’audience de ses chaînes, dans un univers médiatique où nous n’étions pas attendus.

Il s’agit tout d’abord de la progression de la distribution et de l’audience de France 24 ainsi que du lancement de la version arabophone de la chaîne, une des grandes réussites de la réforme. La chaîne semble progresser sur toutes ses zones de diffusion. En particulier, France 24 a joué, d’après les chiffres disponibles, un rôle important au Maghreb à la faveur du « printemps arabe ». On peut également saluer la conquête de remarquables positions sur internet et les réseaux sociaux.

En ce qui concerne RFI, on peut saluer le renforcement de ses positions en Afrique anglophone à travers la création des rédactions en swahili et en haoussa, le développement de services sur le mobile et la relance de Monte Carlo Doualiya.

S’agissant de TV5, bien que son positionnement soulève des interrogations, comme nous avons eu l’occasion de le préciser, nous saluons le développement du « média global », la progression de la distribution et le développement du sous-titrage.

En ce qui concerne les synergies, on enregistre des effets positifs des rapprochements en matière de distribution, entre TV5 et France 24, en matière de mesures d’audience, à travers la mise en place de baromètres communs, et en matière éditoriale, à travers la mise en place du pôle arabophone.

S’agissant du diagnostic financier, l’IGF a rappelé que la mise en place de la réforme avait nécessité des versements exceptionnels de l’État pour un montant global de 100 millions d’euros. Les ressources propres ne sont par ailleurs pas au rendez-vous et les charges risquent fortement de dépasser les prévisions.

En ce qui concerne les ressources propres, il est important de souligner que l’exercice de prévision n’était pas chose aisée dans un contexte marqué par la crise mondiale du marché publicitaire et le déploiement du réseau de distribution de France 24 dans un univers médiatique qui est hyperconcurrentiel et en mutation permanente.

Nous estimons par ailleurs qu’il s’agit d’une réforme qui doit fatalement impliquer des surcoûts de restructuration dans un premier temps, et qui n’a pas encore produit tous ses effets, notamment en termes de développement des ressources propres et des synergies.

Nous pensons également que ce constat et la contrainte budgétaire ne doivent pas remettre en cause les priorités stratégiques de l’AEF. C’est pourquoi nous ne sommes pas favorables à plusieurs des propositions de l’IGF, à commencer par les propositions de synergies avec TV5 qui s’apparentent à un démantèlement de la chaîne au profit de France 24.

Nous sommes par ailleurs en désaccord avec la proposition de marquer une pause dans les nouveaux investissements de distribution de France 24, au motif que la chaîne aurait vocation à être regardée sur internet. Ce serait selon nous un « rétropédalage » regrettable. Le développement du réseau de distribution de France 24 nous paraît au contraire essentiel. Certes, on regarde de plus en plus les chaînes d’information sur internet mais il faut une chaîne diffusée en télévision pour bénéficier d’une marque reconnue et être regardé sur internet.

En ce qui concerne le renforcement des synergies, outre celles qui devraient être facilitées par le rapprochement entre RFI et France 24 sur les fonctions support, nous souhaitons que soient rapidement amplifiées les synergies entre TV5 Monde et France 24 en matière de distribution et les synergies entre l’ensemble des acteurs sur le numérique.

Enfin, en ce qui concerne l’idée avancée par M. Pierre Hanotaux de diffuser France 24 sur la télévision numérique terrestre, nous y sommes opposés et rappelons que la vocation de France 24 est bien d’être diffusée à l’étranger. Cette question s’était d’ailleurs posée au moment de la création de la chaîne et il avait été décidé à l’époque de ne pas diffuser France 24 sur le territoire national.

Enfin, nous estimons que la création d’un pôle dédié ne doit pas faire obstacle à la mise en place de synergies, potentiellement importantes, notamment sur le numérique, entre l’AEF et les acteurs de l’audiovisuel public que sont France Télévisions et Radio France.

Il convient en effet de rappeler que le groupe France Télévisions poursuit une politique internationale ambitieuse. Le groupe dispose ainsi de onze bureaux à l’étranger, présents dans toutes les grandes capitales du monde et de l’Agence internationale d’images de télévision (AITV), agence qui dispose d’un réseau très dense de correspondants en Afrique. Dans les pays du Maghreb, le rôle du service public français est important même si ce n’est pas sa mission. En tant qu’administrateur de France Télévisions au titre de l’Assemblée nationale, je mesure le travail accompli par l’équipe du pôle international de la société unique et la volonté de ses dirigeants de poursuivre un effort de cohérence et de synergie avec l’audiovisuel extérieur.

Afin de faciliter ces synergies et d’établir un dialogue qui nous est apparu insuffisant entre l’AEF et les autres acteurs de l’audiovisuel public, nous suggérons de créer un lien organique entre celle-ci et les groupes France Télévisions et Radio France. Nous avions un temps envisagé la piste de l’adossement qui, comme vous l’a indiqué M. Didier Mathus, ne nous paraît pas in fine être la bonne solution.

Ce lien pourrait prendre la forme d’une prise de participation minoritaire, dans une proportion à déterminer, de France Télévisions et Radio France dans le capital de la société fusionnée. Cette modification impliquerait la présence de représentants de ces sociétés au conseil d’administration de la société issue de la fusion.

Nous faisons en outre diverses propositions afin de mieux articuler le rôle de l’AEF et celui de l’Institut français. Cette coordination serait en outre facilitée par l’attribution de la tutelle de l’AEF au ministère des affaires étrangères qui contrôle également l’Institut français.

Enfin, dès lors que l’on reconnaît la pertinence d’un pôle dédié, j’estime pour ma part que la fusion est une nouvelle étape indispensable dans l’effort de rationalisation et d’amélioration de la performance de l’audiovisuel extérieur de la France.

La fusion doit en effet permettre de franchir une étape décisive dans la réalisation de synergies et d’économies, à commencer par les fonctions support. La société issue de la fusion devrait ainsi comporter une direction unique de la stratégie, de la recherche et du développement commercial international, une direction de la diversification et des partenariats, chargée de développer les recettes commerciales de la société, ainsi qu’une direction unifiée de la technique et des systèmes d’information et une direction administrative et financière commune.

La fusion doit aussi permettre de rendre plus performante la collecte de l’information tout en évitant des doublons inutiles. Il est, dans certains cas, contre-productif d’envoyer au même endroit un journaliste de France 24 et un journaliste de RFI.

Outre la réalisation de synergies importantes et indispensables dans le contexte budgétaire que connaît notre pays, la création d’une entreprise unique dotée d’une gouvernance et d’un conseil d’administration unifiés devrait permettre d’améliorer et de simplifier la gouvernance du pôle en supprimant la holding.

Comme l’avait très bien montré la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2009, notre politique audiovisuelle extérieure, ponctuée depuis le début des années 1980 par une longue série de rapports et de recommandations ainsi que de multiples changements d’orientation, a principalement souffert depuis plus de vingt ans de son instabilité et du refus d’opérer les choix et les réformes nécessaires. « La fusion est lancée après vingt ans de réflexion et dix-neuf rapports… » a rappelé à très juste titre M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, devant notre mission. « Il ne faut pas casser le processus au bout de deux ans et je ne vois pas en quoi la fusion serait un handicap pour l’exercice des missions actuelles des deux entités et des attentes des auditeurs. »

Je pense également, comme l’IGF et d’autres observateurs, que l’intégration entre les rédactions internet, radio et télévision, est une formule d’avenir. Les vertus d’une fusion des rédactions sont par ailleurs démontrées par le marché témoin que constitue le pôle arabophone qui réunit, depuis maintenant deux ans, Monte Carlo Doualiya et la rédaction arabophone de France 24. La Deutsche Welle a fusionné ses rédactions radio et multimédia, et programmé la fusion de cet ensemble avec la télévision. BBC Global News envisage la fusion de ses activités internet, radio et télévision.

Cependant, j’ai moi aussi écouté et entendu les inquiétudes des personnels, notamment ceux de RFI qui sont venus exposer leurs réserves jusqu’au dernier jour des auditions ! Je peux comprendre ces inquiétudes et salue également la volonté de ces personnels de servir la modernisation de l’audiovisuel extérieur français. Il s’agit là d’un gage de réussite à venir et, par respect pour les arguments avancés par ces personnels, je prône une harmonisation progressive des rédactions, « une fusion à feu doux » en quelque sorte, pour reprendre l’expression de l’une des personnes auditionnées.

Enfin, s’agissant de la crainte que la fusion ne se fasse au détriment de RFI, elle ne me semble pas fondée. Comme l’a rappelé la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2009, « alors que les diagnostics sur l’offre d’émissions en langues étrangères de RFI convergent depuis longtemps pour estimer que des choix, d’ailleurs difficiles, sont à faire en matière de langues de diffusion, en fonction de l’évolution géopolitique et de celle des techniques de diffusion, les conséquences à en tirer en ont été constamment différées ». Si l’entreprise a mal vécu le plan de sauvegarde de l’emploi mis en place en 2009-2010, l’objectif de la réforme n’est certainement pas de sacrifier la radio, comme en témoigne d’ailleurs la relance de Monte Carlo Doualiya. Sacrifier la radio serait d’ailleurs un contresens stratégique, « une stupidité » selon M. Francis Balle. C’est en effet le média qui se développe le mieux dans l’univers numérique et le meilleur support de l’information.

Enfin je souhaiterais remercier chaleureusement mon excellent collègue M. Didier Mathus, qui ne siègera plus sur ces bancs, non pas évidemment parce que je lui prédis une défaite, mais parce qu’il ne se représente pas. Je crois que l’on peut souhaiter au très bon serviteur de l’audiovisuel public qu’il a été un bon vent pour d’autres aventures.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous nous associons évidemment à vos propos. Je tiens à remercier les deux rapporteurs dont la tâche était complexe, comme ils l’ont rappelé. Ils ont mené de nombreuses auditions et leurs efforts méritent d’être soulignés. Je vous rappelle par ailleurs que des contributions écrites pourront être transmises au secrétariat de la mission d’information jusqu’au 13 mars, afin d’être publiées en annexe du rapport.

Nous en venons maintenant aux interventions des membres des deux commissions.

Mme Marie-George Buffet. Il nous revient aujourd’hui de nous prononcer sur l’autorisation de publication du rapport de la mission d’information. Celle-ci a mené de longs travaux, et nous sommes conduits à prendre cette décision quasiment au dernier jour de cette législature. Le rapport comporte certes des points intéressants. Il souligne la défaillance du pilotage de l’AEF et le caractère plus qu’approximatif de sa gestion financière. Il s’interroge sur les modalités de rapprochement entre RFI et France 24 et met en lumière l’absence de définition d’objectifs clairs pour l’AEF. Il aboutit enfin à deux propositions alternatives : poursuivre le processus de fusion entre RFI et France 24 ou, sans fusion, mettre en œuvre des synergies.

Mais pendant que nous menions nos travaux, et alors que nous avions demandé, à plusieurs reprises, l’arrêt du processus de fusion pour attendre les conclusions de notre mission d’information, cette fusion a été poursuivie à marche forcée.

S’agissant de l’avenir de RFI en tant qu’entité de l’AEF, je rappelle que M. Alain de Pouzilhac avait déclaré : « Est-ce que RFI va perdurer ? Pas nécessairement, mais c’est la vie… » On voit là la haute conception qu’il a de l’avenir de cette chaîne !

Puis, j’ai reçu, le 27 février 2012, en réponse à un courrier que je lui avais adressé, une lettre de M. le Président de la République, qui précisait : « Aujourd’hui, la réforme engagée est irréversible, car, comme vous le savez, le principe de fusion juridique a été validé par l’assemblée générale du 13 février. » Il ajoutait : « Je puis vous assurer que cette fusion se fera pour le plus grand bénéfice de l’intérêt général. »

Compte tenu de ces éléments, je ne comprends pas vraiment le sens de la poursuite des travaux de la mission d’information, ni la décision que nous aurions maintenant à prendre concernant l’autorisation de publication de son rapport.

Les personnels de RFI continuent de se battre. Ils ont engagé des procédures judiciaires. Ils poursuivront, je pense, leur combat pour maintenir l’existence de RFI. Pour ma part, je serai à leurs côtés, car RFI joue un rôle considérable dans le secteur de l’information internationale et doit préserver son indépendance.

Dans un tel contexte, je le répète, je ne vois pas le sens qu’il y aurait à autoriser la publication du rapport de la mission d’information. Je ne participerai donc pas au vote et me retire de cette mission.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je regrette que vous n’ayez pas pu assister à la réunion de la mission d’information du 23 février à laquelle étaient conviés tous les membres de la mission. Les travaux de la mission ont été plus longs que prévus car les rapporteurs ont éprouvé des difficultés à se positionner sur ce sujet délicat et complexe.

Pour ma part, il m’a semblé honnête d’aller jusqu’au bout de notre démarche en adoptant ce rapport, en autorisant sa publication et en donnant l’occasion à chacun, membre de la mission d’information ou commissaire, d’exprimer sa position sur le sujet. Un travail a été mené. On peut certes considérer que, dans le rapport, certaines prises de position sont plus contestables que d’autres, mais il me semble important de rendre compte des nombreuses auditions menées et du travail réalisé par les parlementaires.

Mme Marie-George Buffet. Mais, Mme la Présidente, ce n’est pas le problème que j’ai soulevé ! Le problème réside dans la poursuite de la fusion alors que nous menions nos travaux.

Mme la présidente Michèle Tabarot. J’ai bien compris votre position. Vous ne souhaitez pas prendre part au vote, ce que je conçois tout à fait. Je précise seulement qu’il nous a semblé pertinent de mener nos travaux jusqu’au bout.

M. Patrick Bloche. Ma position sera, sur le fond, peu éloignée de celle de Mme Buffet. La décision de créer cette mission d’information a été le révélateur de problèmes au sein d’AEF, en particulier en matière de gouvernance. Les rapporteurs nous ont rappelé – Didier Mathus sans doute davantage que Christian Kert, mais c’est normal – que les difficultés d’AEF ne pouvaient être résumées à ce problème de gouvernance.

Nous arrivons au terme de cette mission d’information, et le constat dressé par le groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC) est le suivant : lorsque nous avons débuté cette mission, il y avait un problème ; alors que nous l’achevons, enfin, aujourd’hui, la réforme voulue par le Président de la République en 2008 est un échec, qu’il assume complètement si l’on en croit le courrier qu’il a adressé à Mme Marie-George Buffet.

J’émettrai deux regrets.

En premier lieu, alors que nous sommes la représentation nationale et que vous aviez exprimé en notre nom, Mme la Présidente, avec force et publiquement, notre souhait d’un moratoire des réformes engagées le temps que dureraient nos travaux et notre réflexion, notre volonté n’a pas été respectée. Connaissant la personnalité des dirigeants de l’AEF, ce n’est pas une surprise ! Je le regrette néanmoins.

En second lieu, durant tout notre travail de réflexion, qui aurait sans doute pu s’achever plus tôt, les dégâts ont continué, et quels dégâts ! Le bilan budgétaire de la réforme est désastreux, comme l’a signalé l’Inspection générale des finances. AEF est allée de « rallonges » budgétaires en « rallonges » budgétaires, le plus souvent pour financer des plans sociaux qui, au départ, se résumaient à des licenciements, devenus départs volontaires dans une proportion telle qu’il a fallu prévoir des moyens supplémentaires pour financer des demandes de départ non anticipées. Quel échec ! Quel désastre !

Nous dressons donc un constat d’échec. Nous sommes le 6 mars. Dans deux mois exactement, nous serons le 6 mai. Ce sont les Français qui, par leur vote, décideront si la fusion doit être poursuivie ou si l’on offre à l’AEF une autre perspective d’avenir. Le destin de l’AEF, c’est-à-dire celui des personnels de RFI, de France 24 et de TV5 Monde, échappe ainsi à la représentation parlementaire en cette toute fin de législature pour appartenir aux Français. N’est-ce pas finalement le meilleur choix ?

Mme Martine Martinel. Je dois vous dire que j’ai parfois été choquée. Ainsi, vous aviez déclaré avec raison, Mme la Présidente, que notre mission d’information devait être accompagnée d’un moratoire dans la conduite de la réforme. Mais, finalement, la fusion a été poursuivie à marche forcée, sans tenir compte du moindre avis ou de la moindre réserve que nous aurions pu formuler. J’ai même eu droit, pour ma part, en réponse à mon rapport pour avis sur les crédits en faveur de l’audiovisuel public dans le projet de loi de finances pour 2012, à une lettre quasiment comminatoire de M. Alain de Pouzilhac, qu’il a également envoyée à tous les membres de la mission d’information, ce qui constitue une première…

Par ailleurs, je m’étonne : à lire les travaux de nos deux rapporteurs, en particulier après avoir entendu l’argumentation de M. Christian Kert, et avoir pris connaissance de leurs critiques et du tableau désastreux qu’ils ont dressé de l’AEF, je ne comprends pas que l’on puisse conclure à l’opportunité d’une fusion, même « à feu doux ». Le constat demeure celui d’un échec complet de la réforme de l’AEF, d’un échec relatif de France 24 et d’un sacrifice total de RFI et de ses salariés.

Mme Marie-George Buffet nous a fait part d’un courrier du Président de la République qui déclarait que la fusion serait menée à son terme malgré tout. Peut-être faut-il changer de Président de la République…

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je vous rappelle que nous traitons ici du sujet de l’audiovisuel extérieur de la France.

M. Michel Herbillon. Mme la Présidente, je vous remercie de recadrer le débat. Nous sommes en train de parler de l’avenir de l’audiovisuel extérieur de la France, sujet que nous avons déjà abordé à différentes occasions lors de cette législature, ainsi qu’au cours de la précédente, avec MM. François Rochebloine, Didier Mathus, Christian Kert et bien d’autres.

Alors que nous devons, comme cela est d’usage, nous prononcer sur l’autorisation de publication d’un rapport d’information, on nous dit que le destin de la France est en jeu et que la question est celle de l’issue de l’élection présidentielle ! M. Patrick Bloche et Mme Martine Martinel ne me paraissent pas être tout à fait en phase avec ce que notre rapporteur, Didier Mathus, vient d’exprimer… J’ai plutôt le sentiment que des commissaires politiques du parti socialiste, sans doute influencés par une récente réunion avec leur candidat, tentent de dicter à Didier Mathus, dont tout le monde reconnaît qu’il est un grand spécialiste de l’audiovisuel, ce qu’il doit dire et écrire. J’espère que cette pratique n’augure pas de ce que pourrait être l’avenir si les urnes étaient favorables aux collègues de l’opposition qui viennent de s’exprimer. Je dois dire que je suis assez surpris, pour ne pas dire plus, des interventions de Patrick Bloche et Martine Martinel.

Je souhaite par ailleurs souligner que, certes, se pose la question de la fusion de France 24 et RFI, mais qu’elle existait dès le début des travaux de la mission d’information et n’a rien de nouveau. En outre, la question de la constitution d’un pôle audiovisuel extérieur de la France ne se résume pas à cette fusion. Les deux rapporteurs l’ont d’ailleurs très bien dit.

Il existe un désaccord sur ce sujet. Il est patent mais finalement pas surprenant. J’ai participé assidûment aux travaux de la mission d’information et nous avons, à plusieurs reprises, évoqué cette question. Il existait également un débat sur un « adossement » de RFI à France 24. Il ne se limitait donc pas à la seule fusion.

Personne ne nie les difficultés rencontrées par AEF. Le groupe a connu des problèmes de gouvernance, mais j’ai le sentiment que les choses vont mieux aujourd’hui. La validation de la trajectoire financière a été délicate, mais on y voit plus clair aujourd’hui qu’il y a quelques mois, grâce aux efforts d’information consentis par France 24 à la suite du rapport de l’Inspection générale des finances. Se pose enfin la question du contrat d’objectifs et de moyens.

La constitution du pôle audiovisuel extérieur a donc connu des problèmes, que personne ne nie, mais des progrès ont aussi été réalisés, et je remercie Christian Kert de les avoir soulignés. Il convient de poursuivre dans cette voie, en particulier en développant des synergies avec d’autres acteurs de l’audiovisuel extérieur. C’est faire peu de cas de l’importance du sujet que de le résumer à la seule question de la fusion de RFI et France 24.

Nous avons reçu les personnels de RFI, sous votre égide, Mme la Présidente. Leur combat est évidemment émouvant. Ils sont attachés à leur « maison » et à leur travail ; leur combat mérite hommage et respect. Mais je pense, comme Christian Kert, que ces personnels ont un avenir dans le cadre de la fusion de RFI et France 24.

En conclusion, je souhaite insister sur les progrès réalisés par l’AEF, même si des incertitudes restent à lever. Le groupe de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) votera en faveur de l’autorisation de publication du rapport de la mission d’information, qui a travaillé de nombreux mois sur cette question. Il me semble opportun, même si des désaccords subsistent sur le fond, de publier ses travaux.

M. François Rochebloine, vice-président de la commission des affaires étrangères. Je suis surpris du départ de nos collègues socialistes, moins de celui de Mme Marie-George Buffet, qui n’était pas là lors du vote du rapport par la mission. En effet, nos collègues étaient présents à la réunion de la mission et ont, comme nous, adopté le rapport, même si ce vote a été accompagné de remarques des uns et des autres. Comme vous le savez, Mme la Présidente, concernant la fusion, je suis pour ma part plutôt sur la ligne défendue par M. Didier Mathus. Pour autant, le rapport a été adopté à l’unanimité, dès lors je ne vois pas pourquoi il ne serait pas publié.

S’agissant du débat sur la fusion entre RFI et France 24, j’ai moi aussi rencontré les personnels, y compris en dehors et avant la mission, et je suis conscient des problèmes posés, ce qui me conduit à m’interroger sur la nécessité de mener cette opération, à marche forcée, comme cela a été dit. Pour autant, et j’en remercie les deux rapporteurs, le rapport présente une synthèse des différentes positions sur cette question. La fusion est, et c’est normal, critiquable, mais le rapport doit pouvoir paraître, je voterai donc en faveur de sa publication.

M. Didier Mathus, corapporteur. Je voudrais rassurer M. Michel Herbillon, car je me méfie de son affection : « Timeo Danaos et dona ferentes »… La position de mes collègues socialistes est tout à fait légitime : il convient de distinguer le travail accompli sur ce rapport au sein de la mission, depuis des mois, et l’agenda de l’audiovisuel extérieur de la France, qui n’en a absolument pas tenu compte. Il semble même que l’allure de la réforme se soit accélérée pour, en quelque sorte, couper court aux réflexions de la mission. Nos collègues protestent contre le comportement de M. de Pouzilhac, qui me paraît effectivement inacceptable de la part d’un responsable d’un organisme public dont la réforme de l’organisation fait l’objet d’une mission du Parlement. Il serait simplement conforme aux principes républicains d’en attendre les conclusions au lieu de prendre, qui plus est à marche forcée, des décisions. Je partage, par conséquent, la colère de mes collègues qui ont effectivement adopté le rapport sur le fond mais désapprouvent le comportement du président d’AEF.

M. Christian Kert, corapporteur. Je souhaiterais répondre à Mme Marie-George Buffet qu’il me semble souhaitable que ce rapport, puisqu’il existe, puisse paraître. Il fait un point complet sur la situation de l’audiovisuel extérieur de la France ce qui lui confère un réel intérêt. Je relativiserai un peu les propos tenus sur l’attitude de M. de Pouzilhac. Comme responsable, il avait la mission de mener à bien la fusion de l’audiovisuel extérieur de la France, ce qui rendait sa position moins aisée qu’il n’y paraissait. Il a sans doute conduit sa mission sinon à marche forcée, du moins à un rythme plus rapide que celui de la rédaction de notre rapport…

Mme la présidente Michèle Tabarot. Il n’est peut-être pas inutile de préciser qu’une première version du rapport de la mission était prête le 8 décembre 2011 mais son examen a été différé, à la demande des rapporteurs, pour mener une réflexion supplémentaire. Ce complément d’information est sans doute nécessaire pour comprendre pourquoi le rapport n’a finalement été adopté par la mission qu’en février, à l’unanimité, il convient de le rappeler. Nous allons maintenant nous prononcer sur l’autorisation de sa publication.

La commission des affaires culturelles et de l’éducation et la commission des affaires étrangères autorisent conjointement, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

ANNEXES

ANNEXE N° 1
COMPOSITION DE LA MISSION

(18 membres)

 

Groupe politique

Commission

Mme Michèle Tabarot, présidente

UMP

Affaires culturelles

M. Christian Kert, corapporteur

UMP

Affaires culturelles

M. Didier Mathus, corapporteur

SRC

Affaires étrangères

M. Jean-Louis Christ

UMP

Affaires étrangères

M. Gérard Gaudron

UMP

Affaires culturelles

M. Jacques Grosperrin

UMP

Affaires culturelles

M. Michel Herbillon

UMP

Affaires culturelles

M. Jacques Myard

UMP

Affaires étrangères

M. Éric Raoult

UMP

Affaires étrangères

M. Franck Riester

UMP

Affaires culturelles

M. Jean Roatta (jusqu’au 5 décembre 2011)

UMP

Affaires culturelles

M. Patrick Bloche

SRC

Affaires culturelles

M. Hervé Féron

SRC

Affaires culturelles

M. Michel Françaix

SRC

Affaires culturelles

Mme Martine Martinel

SRC

Affaires culturelles

M. Marcel Rogemont

SRC

Affaires culturelles

Mme Marie-George Buffet

GDR

Affaires culturelles

M. François Rochebloine

NC

Affaires étrangères

Groupe UMP : groupe de l’Union pour un mouvement populaire

Groupe SRC : groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Groupe GDR : groupe de la Gauche démocrate et républicaine

Groupe NC : groupe du Nouveau centre

ANNEXE N° 2

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Ministère du budget – Mme Marie-Astrid Ravon, direction du budget, M. Marc Henri Serre, attaché, et M. Alexis Kohler, direction générale du trésor, agence des participations de l’État, M. Gustave Gauquelin, adjoint, chargé d’affaires audiovisuel, et M. Laurent Perdiolat, chef de bureau Infrastructure de transports, secteur audiovisuel

Ø Mission de contrôle général économique et financier des sociétés du service public de la radio et de la télévision – Mme Françoise Miquel, chef de la mission, administratrice de l’AEF

Ø Ministère de la culture et de la communication – Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles, accompagnée de M. Roland Husson, Mme Clémence Marty, Mme Pandora Pham

Ø Radio France internationale – Mme Geneviève Goetzinger, directrice déléguée de RFI et directrice générale de Monte Carlo Doualiya (filiale de RFI en langue arabe)

Ø Ministère des affaires étrangères et européennes – M. Pierre Sellal, secrétaire général du ministère des affaires étrangères, administrateur de la société Audiovisuel extérieur de la France (AEF), Mme Delphine Borione, directrice de la politique culturelle et du français, et M. Jean-Christophe Fleury, sous-directeur de l’audiovisuel extérieur et des technologies de communication

Ø M. Roch-Olivier Maistre, premier avocat général à la Cour des comptes, membre du conseil d’administration de la société Audiovisuel extérieur de la France (AEF)

Ø Conseil supérieur de l’audiovisuel – M. Michel Boyon, président, M. Rachid Arhab, président du groupe de travail sur l’audiovisuel extérieur, M. Emmanuel Gabla, vice-président du groupe de travail sur l’audiovisuel extérieur, Mme Martine Coquet, directrice des affaires européennes et internationales, et Mme Frédérique Bayre, directrice de la communication

Ø M. Louis de Broissia, ambassadeur pour l’audiovisuel extérieur, président de France Télé Numérique

Ø M. Xavier Darcos, président de l’Institut français, ambassadeur pour l’action culturelle extérieur de la France

Ø M. Jean-David Levitte, ambassadeur de France, co-auteur du rapport de la mission de concertation et de propositions sur l’audiovisuel extérieur

Ø Intersyndicale de Radio France Internationale :

– Mme Marie Afonso, déléguée Force Ouvrière

– Mme Nina Desesquelle, déléguée SNJ

– Mme Élisa Dtrago, secrétaire de Comité d’entreprise

Ø M. Francis Balle, administrateur de la société Audiovisuel extérieur de la France et directeur de l’Institut de recherche et d’études sur la communication et les médias (IREC)

Ø Audiovisuel extérieur de la France (AEF) – Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée

Ø IPSOS France – M. Yannick Carriou, directeur général, et M. Bruno Schmutz, directeur général IPSOS MediaCT (Content and Technology)

Ø TNS Sofres – M. Denis Delmas, président, M. Edouard Lecerf, directeur général, et M. Stanislas Seveno, directeur du département médias

Ø Audiovisuel extérieur de la France (AEF) – M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général, M. Thierry Delphin, directeur financier, M. Franck Melloul, directeur de la stratégie et du développement, et Mme Véronique Katlama-Rouzet, directrice des affaires juridiques de la société Audiovisuel extérieur de la France (AEF)

Ø TV5 Monde – Mme Marie Christine Saragosse, directrice générale

Ø France 24 – Mme Anne Kacki, directrice juridique, M. Jean Lesieur, directeur de la rédaction, Mme Nahida Nakad, directrice de la rédaction du pôle arabophone, Mme Renée Kaplan, directrice adjointe de la rédaction en charge des contenus anglophones, et M. Philippe Di Nacera, directeur de la rédaction en charge des contenus francophones

Ø Médiamétrie – M. Bruno Chetaille, président-directeur général

Ø Intersyndicale de France 24 :

– M. Adel Gastel et M. Rodolphe Paccard, délégués CFDT

– M. Maximilien De Libera, délégué CFE-CGC

– Mme Aziza Nait Sibaha, déléguée UNSA-CFTC

– Mme Sabine Mellet, déléguée CGT

– Mme Hend Ghoul, déléguée SNJ

Ø M. Hubert Védrine, ancien ministère des affaires étrangères, administrateur de la société Audiovisuel extérieur de la France, président de l’Institut François Mitterrand

Ø France Télévisions – M. Rémy Pflimlin, président-directeur général, et M. Jean Réveillon, conseiller spécial auprès du président, directeur des relations internationales

Ø M. Jean-Baptiste Nicolas et M. François Auvigne, Inspection générale des finances

Ø M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication accompagné de Mme Élodie Perthuisot, directeur-adjoint de cabinet, M. François Catala, conseiller en charge de l’audiovisuel, du numérique et des nouveaux médias, M. Richard Eltvedt, conseiller parlementaire, Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles, M. Roland Husson, sous-directeur de l’audiovisuel, et Mme Pandora Pham, chargée de mission au bureau du secteur audiovisuel public

Ø Audiovisuel extérieur de la France (AEF) – Audiovisuel extérieur de la France (AEF) – M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général, et M. Pierre Hanotaux, directeur général délégué, M. Frank Melloul, directeur de la Stratégie, et M. Thierry Delphin, directeur financier

Ø Agence France-Presse (AFP) – M. Emmanuel Hoog, président-directeur général, M. Rémi Tomaszewski, directeur général, et M. Philippe Massonnet, directeur de l’information

Ø Euronews – M. Michael Peters, directeur général

Ø M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes



1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page

2 () Voir la composition de la mission d’information commune en annexe.

3 () Voir la liste des personnes auditionnées en annexe.

4 () Rapport établi en octobre 2011 par MM. Jean-Baptiste Nicolas, Jérôme Itty, Mme Victoire Paulhac et M. Olivier Taillardat, inspecteurs des finances, sous la supervision de MM. François Auvigne et Rémi Toussain, inspecteurs généraux des finances.

5 () Audition du 31 mars 2011.

6 () Audition du 5 mai 2011.

7 () Audition du 31 mars 2011.

8 () Audition du 26 mai 2011.

9 () Engagée début 2010, l’externalisation de la régie de l’AEF à France Télévisions publicité a été stoppée au mois de mars, puis relancée en décembre 2010 (seule la régie de France 24 étant finalement externalisée, la régie de RFI restant internalisée, la plus grande incertitude entourant encore le statut de la régie de Monte Carlo Doualiya).

10 () Audition du 10 mars 2011.

11 () Audition du 16 mars 2011.

12 () Audition du 23 juin 2011.

13 () Audition du 10 mars 2011.

14 () Audition du 18 mai 2011.

15 () Audition du 10 mars 2011.

16 () Audition du 31 mars 2011.

17 () Audition du 10 mars 2011.

18 () Audition du 30 novembre 2011.

19 () Audition du 16 mars 2011.

20 () Audition du 31 mars 2011.

21 () Audition du 5 mai 2011.

22 () Audition du 7 avril 2011.

23 () Audition du 7 avril 2011.

24 () Audition du 10 mars 2011.

25 () Audition du 31 mars 2011.

26 () Audition du 30 novembre 2011.

27 () Audition du 31 mars 2011.

28 () Audition du 9 juin 2011.

29 () Audition du 30 novembre 2011.

30 () Audition du 31 mars 2011.

31 () Audition du 7 avril 2011.

32 () Audition du 10 mars 2011.

33 () Audition du 7 avril 2011.

34 () Audition du 31 mars 2011.

35 () Audition du 18 mai 2011.

36 () Audition du 16 juin 2011

37 () Audition du 7 avril 2011.

38 () Audition du 10 mars 2011.

39 () Audition du 23 juin 2011.

40 () Audition du 16 mars 2011.

41 () Audition du 26 mai 2011.

42 () Audition du 7 avril 2011.

43 () Audition du 14 avril 2011.

44 () Audition du 26 mai 2011.

45 () Audition du 12 mai 2011.

46 () Audition du 7 avril 2011.

47 () Audition du 5 mai 2011.

48 () Audition du 3 novembre 2011.

49 () Audition du 3 novembre 2011.

50 () Audition du 3 novembre 2011.

51 () Audition du 16 mars 2011.

52 () Audition du 7 avril 2011.

53 () Audition du 7 avril 2011.

54 () Australie, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Philippines, Sri Lanka, Taïwan, Thaïlande, Vietnam et prioritairement Corée, Japon, Hong Kong et Singapour.

55 () Audition du 3 novembre 2011.

56 () Audition du 23 juin 2011.

57 () Audition du 10 mars 2011.

58 () Audition du 10 mars 2011.

59 () Audition du 23 juin 2011.

60 () Audition du 3 novembre 2011.

61 () Audition du 5 mai 2011.

62 () Audition du 9 juin 2011.

63 () Audition du 14 avril 2011.

64 () Audition du 9 juin 2011.

65 () Audition du 7 avril 2011.

66 () Audition du 26 mai 2011.

67 () Audition du 9 juin 2011.

68 () Audition du 14 avril 2011.

69 () Audition du 3 novembre 2011.

70 () Audition du 3 novembre 2011.

71 () Audition du 5 mai 2011.

72 () Audition du 31 mars 2011.

73 () Audition du 10 mars 2011.

74 () Audition du 7 avril 2011.

75 () Audition du 16 mars 2011.

76 () Audition du 23 juin 2011.

77 () Audition du 31 mars 2011.

78 () Audition du 30 novembre 2011.

79 () Audition du 10 mars 2011.

80 () Audition du 5 mai 2011.

81 () Audition du 7 avril 2011.

82 () Audition du 9 juin 2011.

83 () Audition du 23 juin 2011.

84 () Audition du 26 mai 2011.

85 () Audition du 18 mai 2011.

86 () Audition du 7 avril 2011.

87 () Audition du 10 mars 2011.

88 () Audition du 7 avril 2011.

89 () Audition du 5 mai 2011.

90 () Audition du 12 mai 2011.

91 () Audition du 16 juin 2011.

92 () Audition du 9 juin 2011.

93 () Audition du 7 avril 2011.

94 () Audition du 5 mai 2011.

95 () Audition du 12 mai 2011.

96 () Audition du 16 mars 2011.

97 () Audition du 26 mai 2011.

98 () Audition du 26 mai 2011.

99 () Audition du 31 mars 2011.

100 () Audition du 16 juin 2011.

101 () Audition du 18 mai 2011.

102 () Audition du 23 juin 2011.

103 () Audition du 30 novembre 2011.

104 () Audition du 31 mars 2011.

105 () Audition du 31 mars 2011.

106 () Audition du 7 avril 2011.

107 () Audition du 16 juin 2011.

108 () Audition du 14 avril 2011.


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