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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 mars 2012.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
relatif à la gestion et au contrôle de la TVA
ET PRÉSENTÉ
PAR MM. Jérôme CAHUZAC et Thierry CARCENAC
Députés
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INTRODUCTION 5
EXAMEN EN COMMISSION 7
ANNEXE : RAPPORT D’ENQUÊTE DE LA COUR DES COMPTES SUR LA GESTION ET LE CONTRÔLE DE LA TVA 21
Dans un contexte économique de crise caractérisé notamment par des déficits budgétaires étatiques abyssaux et le coût de plus en plus élevé du recours à l’emprunt et au crédit sur les marchés financiers, la ressource fiscale est plus que jamais précieuse. Analyser la qualité, l’efficacité et l’efficience des modalités de la gestion (liquidation et collecte) et du contrôle des principales catégories d’impôts peut concourir à améliorer leur rendement et leur rentabilité.
La taxe sur la valeur ajoutée – TVA – première recette fiscale du budget de l’État et premier domaine de fraude fiscale – a été naturellement retenue pour initier une revue qui se voudrait systématique et devrait se prolonger.
Par lettre de son Président en date du 7 décembre 2011, la commission des Finances de l’Assemblée nationale a demandé à la Cour des comptes, après concertation avec celle-ci, un rapport d’enquête sur le fondement du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, concernant la gestion et le contrôle de la TVA.
Le suivi de ces travaux a été confié à M. Thierry Carcenac, Rapporteur spécial des programmes 156 Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local et 302 Facilitation et sécurisation des échanges. En effet, ces deux programmes budgétaires couvrent les périmètres de la direction générale des Finances publiques et la direction générale des Douanes et des droits indirects qui toutes les deux collectent la TVA.
Le Rapporteur spécial, qui par ailleurs accorde une attention systématique à la lutte contre la fraude fiscale, a pris connaissance de l’évolution des travaux des magistrats de la Cour au cours du mois de janvier 2012. Il souligne que l’intérêt de cette enquête est décuplé par une lecture parallèle des développements consacrés par la Cour des comptes, dans son rapport annuel 2010, aux méthodes et aux résultats des services du contrôle fiscal dans les services déconcentrés de la DGFiP et, dans son rapport public annuel 2012, à la fraude à la TVA sur les quotas de carbone, au pilotage national du contrôle fiscal et enfin à Tracfin dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent.
La commission des Finances de l’Assemblée nationale a reçu les conclusions de cette enquête à la fin février. L’audition, le 7 mars 2012, de M. Christian Babusiaux, président de la première chambre, a donné lieu à un large débat retracé dans le compte rendu ci-joint. Le rapport communiqué par la Cour est, quant à lui, reproduit en annexe.
Au cours de la séance du mercredi 7 mars à 16 heures 15, la commission des Finances a entendu M. Christian Babusiaux, Président de la première chambre de la Cour des comptes, sur le rapport d’enquête demandé à la Cour des comptes, en application du 2° de l’article 58 de la LOLF, concernant la gestion et le contrôle de la TVA.
M. le président Jérôme Cahuzac. Pour ce qui pourrait être notre dernière réunion de la législature, il est symbolique que nous recevions M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes, avec qui nous avons déjà utilement travaillé et qui va nous présenter les intéressantes conclusions d’une enquête réalisée par la Cour, à notre demande, sur la gestion et le contrôle de la TVA.
L’extrême rapidité de la réponse pour un travail aussi approfondi s’explique par le fait que la Cour nous avait signalé ce thème dès le mois de novembre comme possible pour une enquête dans le cadre de l’article 58-2° de la LOLF. Il a été jugé particulièrement bienvenu par notre rapporteur spécial Thierry Carcenac, puis par le Bureau de la Commission.
Je vous laisse à présent la parole, monsieur le président, pour nous présenter les conclusions de la Cour.
M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes. Je vous remercie de nous accueillir aujourd’hui. Je suis accompagné de Raoul Briet, conseiller-maître, et des deux rapporteurs qui ont mené cette enquête, Isabelle Peroz et Fabrice Malcor.
Votre commission avait demandé à la Cour le 7 décembre un rapport relatif à la gestion et au contrôle de la TVA. Nous nous étions engagés à vous le rendre fin février. De fait, il a été remis le 29 février.
Ce sujet sur lequel nous avions, vous l’avez rappelé, engagé des travaux, présente un intérêt manifeste. Avec près de 180 milliards d’euros recouvrés en brut – 132 milliards en net – en 2011, la TVA est la première recette fiscale de l’État, même si les remboursements et dégrèvements s’élèvent à plus de 45 milliards.
Les enjeux qui s’attachent à sa gestion sont également importants : plus de 4 millions d’entreprises et l’ensemble des consommateurs sont assujettis à la TVA. La TVA présente en outre la particularité d’être gérée par deux administrations, la direction générale des Finances publiques (DGFIP) et la direction générale des Douanes et droits indirects (DGDDI).
Enfin, elle constitue un enjeu fort pour le contrôle fiscal. La Cour s’est beaucoup intéressée ces dernières années à l’organisation et aux résultats du contrôle fiscal. Elle y a consacré plusieurs de ses travaux. Le rapport annuel publié en février 2012 évoque ainsi le pilotage national du contrôle fiscal et la fraude à la TVA sur les quotas de CO2, dont le montant atteint 1,6 milliard d’euros. Le rapport que nous vous présentons aujourd’hui s’appuie sur ces travaux. Dans ce cadre, l’examen de l’organisation du contrôle de la TVA prend tout son intérêt.
Je précise d’emblée que seuls le contrôle et la gestion de la TVA ont fait l’objet des investigations de la Cour. Les autres questions importantes touchant à cet impôt – impact économique, neutralité, effets en termes de redistribution – n’entraient pas dans votre demande et ne sont donc pas abordés dans notre rapport.
Quatre points me semblent devoir retenir votre attention : tout d’abord, les résultats du contrôle fiscal, qui sont relativement décevants ; puis les fragilités du contrôle fiscal, qui sont à l’origine de ces résultats décevants ; j’aborderai ensuite la gestion de la TVA et les réformes qu’elle appelle pour améliorer son efficacité ; enfin, je terminerai en esquissant des pistes de réforme.
Le rapport montre d’abord que la fraude à la TVA est très importante et que les résultats du contrôle fiscal sont relativement décevants. La TVA représente entre le quart et le tiers de la fraude fiscale totale. L’ensemble des éléments à notre disposition nous permet d’estimer à environ 10 milliards d’euros la fraude à la TVA. Il ne s’agit évidemment que d’un ordre de grandeur – le volume de la fraude n’est par définition pas mesurable – obtenu grâce au rapprochement avec les données sur l’activité des différents secteurs de l’économie ou à d’autres recoupements. Quoi qu’il en soit, la fraude est de grande ampleur. Ce chiffre est à comparer aux 30 à 40 milliards de fraude aux prélèvements fiscaux et sociaux tels qu’évalués par le Conseil des prélèvements obligatoires en 2006. Cela conduit à souligner que la part de la TVA dans la fraude est élevée et que la fraude à la TVA représente proportionnellement le double de son poids dans les prélèvements obligatoires. Le taux de fraude sur la TVA pourrait ainsi être environ deux fois supérieur à la moyenne de notre fiscalité.
Un autre enseignement peut être tiré de la comparaison avec les autres États européens. Selon une étude comparative des pertes de TVA publiée en 2009 par la Commission européenne, la France se situait au dixième rang, avec 7 % de TVA éludée. Elle était en meilleure position que l’Allemagne, avec 10 %, le Royaume-Uni, avec 17 %, ou l’Italie, avec 22 %, mais néanmoins assez loin derrière d’autres États comme les Pays-Bas, avec 3 %, la Suède, avec moins de 3 %, ou le Danemark, avec moins de 5 %. Or tout point de TVA éludé, c’est 1,3 milliard d’euros qui échappent à l’impôt !
Cette étude révélait en outre que la position française s’était dégradée entre 2000 et 2006 : la perte de TVA serait passée de 5,2 à 10 milliards d’euros.
Ces chiffres doivent évidemment être interprétés avec précaution, car nous ne disposons pas de comparaisons au sein de l’Union européenne postérieures à 2006. Nous savons néanmoins qu’en France, la fraude est demeurée du même ordre de grandeur – à savoir 10 milliards d’euros – depuis cette date. Le ratio par rapport au PIB est demeuré constant, le PIB de 2011 n’étant guère éloigné de celui de 2006.
Face à cette fraude importante, les droits redressés stagnent. Sur les dix dernières années connues, entre 2000 et 2010, ils oscillent entre 2,7 et 3,3 milliards d’euros. Cette stagnation contraste avec l’augmentation de 20 % des recettes nettes de TVA sur la période.
Par ailleurs, seulement la moitié environ de ces droits redressés est effectivement recouvrée. En effet, nombre d’entreprises ayant fait l’objet de redressements disparaissent et ne s’acquittent donc jamais de leur dette fiscale. Ainsi, seuls 1,1 des 2,8 milliards d’euros de droits redressés en 2008 au titre du contrôle sur place avaient ainsi été recouvrés fin 2010.
En outre, nombre de redressements effectués et qui ont donné lieu à recouvrement portent en fait sur de simples décalages dans le temps, sans enjeu budgétaire autre que de trésorerie pour l’État. Il peut par exemple s’agir d’une entreprise qui a déduit de la TVA trop rapidement. Ces redressements ne sont pas négligeables, puisqu’ils ont représenté près de 400 millions d’euros en 2011, soit 15 % des droits redressés dans le cadre d’un contrôle fiscal sur place, et une part encore plus forte des montant recouvrés – de l’ordre de 20 à 25 %.
Quatre fragilités sont à l’origine de ces résultats décevants : une évolution très rapide de la fraude, en lien avec les mutations du tissu économique – la fraude est de plus en plus difficile à cerner ; des déficiences dans l’activité de recherche et la programmation des contrôles ; des outils juridiques certes renforcés, mais parfois insuffisamment exploités ; enfin, une coopération internationale encore trop peu développée.
La fraude est d’autant plus difficile à combattre que l’évolution rapide du tissu économique est porteuse de risques supplémentaires. Nous assistons depuis quelques années à deux modifications de grande ampleur.
D’une part, les échanges dématérialisés se développent et se développeront de plus en plus avec l’expansion du commerce électronique. Ces flux sont par définition difficiles à contrôler, surtout lorsqu’ils ne s’accompagnent pas d’un transport de biens physiques. C’est un défi majeur pour l’administration fiscale, qui ne fera que s’accentuer dans les années à venir.
D’autre part, un second facteur de risque est lié au développement des très petites entreprises (TPE). Si ce foisonnement témoigne de la vitalité économique de notre pays, il implique une adaptation du contrôle fiscal. Les TPE bénéficient en effet de facilités déclaratives importantes, qui peuvent poser des difficultés du point de vue du contrôle fiscal.
Face à cette situation, la veille stratégique qui serait nécessaire n’est pas suffisamment organisée, ce qui n’est pas sans rétroagir sur la programmation des contrôles fiscaux – ce qui constitue une deuxième fragilité. Le rapport fait à cet égard trois constats majeurs.
Tout d’abord, il subsiste des « angles morts » dans la programmation des vérifications fiscales. Les activités occultes – le travail au noir – sont par définition difficilement appréhendées. Or les méthodes de ciblage et d’investigation de l’administration reposent le plus souvent sur les données déclaratives des entreprises et ne sont donc pas suffisamment orientées vers ce qui n’est pas déclaré : on tend à contrôler ce qui est éclairé et connu, ce qui est particulièrement problématique en matière de TVA.
Le deuxième constat est celui de la grande diversité des réponses au sein de la DGFIP. Si ses trois directions nationales de contrôle ont déployé d’incontestables efforts pour s’adapter à la fraude, il subsiste des faiblesses. Par exemple, les outils méthodologiques ne sont pas assez renouvelés pour l’exploitation et le croisement des données permettant de programmer les contrôles. L’administration ne s’est pratiquement pas ouverte aux compétences extérieures de statisticiens, d’analystes de marché ou d’ingénieurs, qui seraient nécessaires. Nous l’avons notamment constaté dans la fraude sur le marché des quotas de CO2, où l’analyse de marché aurait permis de détecter la fraude plus tôt.
Au niveau des services déconcentrés de la DGFIP, qui représentent l’essentiel de la force de contrôle, les « nouvelles fraudes » – notamment les fraudes dématérialisées – sont encore peu explorées. Cette situation soulève des interrogations sur l’organisation même du contrôle à la DGFIP, qui doit se spécialiser et se professionnaliser davantage. Cette exigence implique que les services au contact de ce type de fraude atteignent une certaine masse critique, ce qui n’est pas toujours possible au niveau local. Un rééquilibrage entre les directions nationales spécialisées et les services locaux – plus généralistes – au profit des premières est sans doute nécessaire. Avec 1 100 agents, celles-ci représentent en effet moins du centième de l’effectif global de la DGFIP.
Enfin – et c’est le troisième constat –, la coopération entre la DGFIP et la Douane - qui gèrent toutes les deux la TVA – est insuffisante. Peu de contrôles sont programmés sur la base des informations transmises par l’autre administration. Deux chiffres sont éclairants : en 2010, la DGFIP a adressé 3 bulletins de transmission d’information à la direction nationale de la recherche et des enquêtes douanières (DNRED) ; cette dernière en a transmis 53 à la DGFIP, soit environ 4 par mois, ce qui est davantage mais reste limité. La DGFIP et la Douane ont conscience de ces insuffisances et donc conclu en mars 2011 un protocole. Nous verrons si, à la différence des précédents, celui-ci se traduit par des progrès réels. Ce protocole prévoit des accès mutuels aux bases de données des deux administrations. Il conviendrait à notre sens d’aller au-delà et d’engager sans délai la constitution d’une base de données commune à la DGFIP et à la DGDDI.
Une troisième fragilité concerne les outils juridiques à la disposition de l’administration. Le législateur les a pourtant développés ces dernières années, mais leur utilisation effective reste limitée. Par exemple, la flagrance fiscale – conçue comme un outil particulièrement efficace – n’a ainsi été utilisée que 27 fois depuis sa création, c’est-à-dire entre 2008 et juillet 2011. Une meilleure utilisation de ces outils suppose une plus grande sensibilisation et une meilleure formation des équipes de vérificateurs. Dans le cas de la flagrance fiscale, il existe en outre des limites juridiques qui justifieraient une modification législative pour donner plus d’efficacité à cette procédure.
La quatrième fragilité concerne la coopération internationale, qui n’est pas encore à la hauteur des enjeux. Ainsi, le bilan de l’assistance communautaire en matière de recouvrement est très faible. Il s’agit des droits récupérés par un État de l’Union pour le compte d’un autre. En 2010-2011, 2% des créances françaises de TVA à recouvrer à l’étranger l’avaient effectivement été, pour un montant total de 6 millions d’euros. Pour les créances étrangères à recouvrer en France, le pourcentage était certes de 11%, mais le montant global n’était que de 2 millions d’euros. Indubitablement, la création – à l’initiative de la France – d’EUROFISC en janvier 2011 devrait permettre d’intensifier les échanges entre les États de l’Union, et les marges de progrès sont encore manifestement significatives.
Je serai plus bref sur la gestion de la TVA.
Malgré les réformes entreprises, les coûts de gestion sont restés globalement stables. Je précise d’abord qu’il n’est pas possible d’établir un coût global de la gestion de la TVA qui additionnerait les coûts à la DGFIP et à la Douane. En effet, la DGDDI n’est pas en mesure de calculer un coût spécifique propre à la TVA car elle estime que les opérations relatives à cet impôt sont indissociables de celles relatives au contrôle des marchandises. Elle n’isole donc pas un « coût TVA ».
Pour ce qui concerne la DGFIP, nous constatons une stabilité des coûts de gestion entre 2007 et 2010, pour peu que l’on neutralise le poids des cotisations retraites pesant sur la masse salariale des agents de la direction. Si l’on intègre cet élément, on constate en revanche une augmentation limitée – de l’ordre de 5% sur trois ans. Le coût global, qui s’établissait à 965 millions d’euros en 2007, est passé à un peu plus d’un milliard en 2010.
Cette stabilité contraste cependant avec ce que nous étions en droit d’attendre, c’est-à-dire une diminution des coûts. En effet, depuis plusieurs années, la DGFIP a développé les télé-procédures : télé-déclarations, télé-règlements. Ces procédures qui facilitent la vie des redevables auraient dû aussi entraîner des économies de gestion. Il est vrai qu’elles concernent moins de 40% des entreprises et portent sur les plus importantes – ce qui peut contribuer à expliquer que leur impact ne soit pas encore sensible.
Toutefois, d’autres réformes internes à la DGFIP n’ont pas conduit aux résultats escomptés en termes de coût global. On aurait ainsi pu penser que la concentration à la direction des grandes entreprises du recouvrement de 40% de la TVA recouvrée ou la logique de l’interlocuteur fiscal unique induiraient des économies d’échelle. En l’état actuel, ce n’est pas le cas.
L’efficience de la gestion semble donc pouvoir encore progresser. À cet égard, trois pistes d’amélioration peuvent être évoquées.
Il s’agit en premier lieu de la généralisation des télé-procédures, qui sera achevée en 2014 à la DGFIP. Elle devrait se traduire par des gains réels de productivité sur les coûts. À la Douane, le système de la télé-déclaration est pratiquement achevé, mais le télé-règlement n’existe pas encore – la quatrième loi de finances rectificative de 2011 l’a cependant prévu pour les opérations de plus de 5 000 euros.
Deuxième piste d’amélioration : la réforme du régime simplifié d’imposition (RSI). Ce régime, qui concerne 40 % des entreprises imposables à la TVA, est souvent mal maîtrisé par les assujettis, en raison notamment de la possibilité de moduler les acomptes. Cette situation induit aussi des coûts de gestion supplémentaires pour l’administration. La DGFIP a préparé un projet de réforme qui simplifierait le régime et qui nous paraît pertinent : il reviendra au législateur de se prononcer.
La troisième piste de réforme concerne la fonction de recouvrement. Il existe aujourd’hui deux réseaux comptables pour le recouvrement de la TVA : celui de la DGFIP, mais aussi celui de la Douane – laquelle a une compétence d’assiette pour la TVA à l’importation et la TVA pétrole. Cette dualité, qui peut se concevoir pour le contrôle, ne se justifie guère pour ce qui concerne le recouvrement, d’autant que la DGFIP estime qu’elle pourrait assurer ce recouvrement avec ses propres effectifs – il faut savoir que l’effectif des postes comptables de la DGDDI est de 650 agents.
En conclusion, mesdames, messieurs les députés, je voudrais vous indiquer quelques pistes de réforme pour favoriser la lutte contre cette fraude fiscale.
Face à un phénomène aussi massif, qui tend à se développer dans un univers économique en mutation rapide, la réponse doit être à la hauteur de l’enjeu. La Cour constate que beaucoup d’initiatives ont été prises depuis quelques années par le législateur et par la DGFIP elle-même. Toutefois, celles de l’administration doivent être rassemblées et mises en cohérence. Un plan d’action d’ensemble devrait, selon nous, être défini. Il se fixerait un horizon de trois ans, énoncerait la stratégie à mettre en œuvre, les objectifs précis à atteindre - ce qui permettrait un contrôle de votre assemblée –, ainsi que les moyens à mobiliser et les conditions de pilotage de l’action engagée sur la TVA.
Ce plan s’inscrirait plus globalement dans la réorganisation des services de contrôle fiscal à la DGFIP, qui devrait, comme nous l’avons indiqué dans notre dernier rapport annuel, s’échelonner sur cinq ans – mais le sujet de la TVA est cependant d’une telle ampleur qu’il justifie un horizon plus proche, qui pourrait être de trois ans.
Ce plan d’ensemble devrait se nourrir d’une meilleure connaissance de la fraude, connaissance qui doit devenir un objectif essentiel de la DGFIP. Il est en effet nécessaire que l’administration dispose d’une cartographie et d’une typologie sectorielle de la fraude. À partir de cette connaissance affinée, elle serait en mesure de ré-allouer plus efficacement ses moyens, en fonction de l’intensité et des spécificités de la fraude à la TVA.
Enfin, il faut fixer un cap, un véritable objectif stratégique. Celui-ci – qui existe dans un certain nombre de pays étrangers, mais pas en France – devrait reposer sur la réduction de l’écart entre TVA théorique et TVA réelle.
La tâche est certes de longue haleine, mais l’enjeu est majeur, tant en termes d’égalisation des conditions de concurrence que d’équilibre de nos finances publiques. C’est ce qui justifie les orientations fortes que la Cour estime indispensable d’énoncer dans ce rapport.
M. Thierry Carcenac. Je tiens à remercier la Cour des comptes pour ce rapport qui nous permettra, je l’espère, de nous interroger sur le contrôle fiscal. Rapporteur spécial des programmes 156 et 302 depuis dix ans, c’est en effet un problème que je soulève année après année. L’approche très intéressante que nous avons adoptée en fusionnant la direction générale des impôts (DGI) et celle de la comptabilité publique (DGCP) a eu l’ambition de mettre en place une administration de service, mais, ce faisant, elle a laissé de côté le contrôle fiscal. J’en veux pour preuve une lettre interne de la DGI datée de janvier 2005, qui insistait justement, en se fondant sur des exemples étrangers tels que l’exemple américain, sur la nécessité d’en revenir au contrôle fiscal. Bref, il était déjà dit à cette date qu’après avoir essayé de mettre en place une administration de service, il convenait de revenir un peu au répressif.
Nos efforts ont longtemps été vains. Ce n’est qu’à partir de 2007 que des mesures ont été engagées et que certaines inflexions ont permis d’amorcer une démarche que le service de contrôle fiscal de la DGFIP – qui vient d’être créé, jusqu’à présent, nous n’en avions pas – permettra peut-être de poursuivre. Ces premières inflexions sont notamment la flagrance et la fiscalité judiciaire. Je note que nous aurions pu avoir une fiscalité judiciaire sur le modèle de la douane judiciaire, ce qui aurait favorisé les liens entre la Douane et la DGFIP. Nous avons défendu cette solution qui aurait constitué un pas en avant, mais c’est un rapprochement avec le ministère de l’Intérieur qui a été préféré.
Au-delà des scandales auxquels on assiste parfois en matière de fraude fiscale - 1,6 milliard en moins de deux ans pour la fraude aux quotas de CO2, ce n’est tout de même pas neutre –, nous devons aborder différemment le contrôle fiscal. Cela passe peut-être par les systèmes d’information. Malgré la refonte de COPERNIC, nous avons toujours le système MEDOC – qu’on n’a même pas essayé de moderniser. La Cour des comptes a relevé que le coût de la mise à niveau des systèmes d’information était déjà largement dépassé par rapport à l’enveloppe initiale. Je précise que si l’on doit rénover le système MEDOC, il faut parallèlement le faire pour ISOPE, le système de la Douane.
J’ai signalé dans mon dernier rapport spécial que les services des impôts des entreprises étaient au bord de l’implosion. À la DGFIP, la révision générale des politiques publiques se traduit par le non-remplacement de deux agents sur trois. Or, les services des impôts des entreprises ont été sollicités de manière très soutenue ces derniers temps : plan de relance, basculement avec les restitutions de TVA dans le cadre de la mensualisation, réforme de la taxe professionnelle… Et ce sont précisément ces services qui sont encore insuffisamment concernés par les télé-procédures, puisque le télé-paiement ne sera généralisé à l’ensemble des services qu’en 2014. On ne peut donc attendre de gains de productivité immédiats.
J’observe au passage que, en matière de TVA, nous mettons un temps considérable à transposer et à mettre en œuvre les directives européennes. Prenons l’exemple d’EUROFISC : le débat a commencé en 2008, mais le réseau n’a été mis en place qu’en 2011 ! Pour le télé-paiement et le télé-règlement, il faudra attendre 2014 !
L’absence de prise en compte de la territorialisation des activités économiques constitue un autre problème. Il est nécessaire de s’adapter au terrain. Une entreprise est contrôlée tous les 15 à 20 ans dans certains départements, mais tous les 90 ou 100 ans dans certaines grandes agglomérations ! Il faudra donc se réorganiser. Cela passe, comme vous le proposez, par la définition d’une stratégie, la fixation d’objectifs, la mobilisation de moyens et un suivi. L’absence à ce jour d’indicateur de contrôle fiscal dans les projets annuels de performances (PAP) témoigne sans doute d’un certain manque de volonté. Il convient de s’interroger non seulement sur le recouvrement, mais aussi sur le nombre de vérifications effectuées. Beaucoup reste à faire en la matière
Permettez-moi enfin de compléter votre propos sur quelques points. Tout d’abord, il faut savoir que, au ministère du Budget, seuls 15 agents sont chargés du suivi du commerce électronique et de la dématérialisation. Il convient d’accroître cet effectif, en tenant compte du problème des prix de transfert.
S’agissant des services des impôts des entreprises, vous avez noté la complexité des différents régimes – RSI, régime simplifié agricole (RSA), régime des auto-entrepreneurs… Les systèmes dérogatoires sont trop nombreux. Il convient donc de réintégrer un certain nombre d’entreprises dans le régime normal.
Il faut également souligner la complexité qui existe en matière d’application des taux : la diversité des taux de TVA commence à être vraiment élevée.
Il convient, bien entendu, d’approfondir la démarche d’harmonisation européenne.
En ce qui concerne enfin la TVA pétrole, il faut tenir compte de l’existence de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), qui bénéficie pour partie aux collectivités locales, et sur laquelle il faudra se pencher dans le cadre de la ré-ingénierie de la procédure d’ensemble du recouvrement.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Partout dans l’Union européenne, la TVA représente la plus importante des recettes fiscales. Mise en place au milieu des années soixante, son histoire vient d’être retracée dans un ouvrage de M. Denys Brunel – l’époux de notre collègue Mme Chantal Brunel – intitulé La TVA, invention française, révolution mondiale. L’aventure de Maurice Lauré. Il rappelle notamment que cette taxe fut élaborée par approximations successives, les premiers projets remontant à l’entre-deux guerres.
La Cour des comptes confirme-t-elle les estimations fournies par plusieurs rapports et selon lesquelles le montant des fraudes à la TVA, pour l’ensemble de l’Union européenne, s’établirait entre 50 et 100 milliards d’euros par an ? Le principal mécanisme frauduleux résidant dans ce qu’on appelle les carrousels – il semblerait, d’ailleurs, qu’en Belgique, on parvienne mieux qu’ailleurs à lutter contre ce type de pratique. En tout état de cause, quelle part celle-ci représente-t-elle par rapport à l’ensemble de la fraude sur la TVA ?
Le dernier rapport annuel de la Cour des comptes a notamment mis en lumière la fraude sur les quotas de rejets de CO2. Rien qu’entre l’automne 2008 et juin 2009, la perte correspondante de recettes a atteint 1,6 milliard d’euros ! À cet égard, le rapport montre la naïveté de la Commission européenne qui, en vertu de je ne sais quel libéralisme, a créé un marché ouvert à n’importe quel intervenant, sans aucun contrôle. Or, si les gestionnaires de ce marché ont alerté relativement tôt sur cette fraude, ils n’ont pas analysé le caractère atypique de certaines transactions massives. Qui plus est, du temps s’est écoulé avant que TRACFIN entre en scène et que le ministère des finances réagisse… Quoi qu’il en soit, si l’on en croit la presse, les auteurs de cette fraude sur les quotas de CO2 seraient les mêmes que ceux qui avaient déjà défrayé la chronique il y a dix ans à propos des carrousels de TVA dans le quartier du Sentier.
Par ailleurs, le Marché unique européen favorise les opportunités de carrousels grâce au commerce transfrontalier : il suffit d’acheter des biens ou des services hors taxe, de les revendre toutes taxes comprises, de récupérer la taxe correspondante et d’en placer le produit dans un paradis fiscal …
M. Henri Emmanuelli. Par exemple au Luxembourg.
M. le rapporteur général. …puis de disparaître. Il s’agit là d’un élément nouveau, que l’on devrait savoir traiter, par exemple par une plus grande coopération européenne et par le renforcement de certains pouvoirs de contrôle.
Il faut aussi tenir compte de l’expansion récente du commerce électronique, qui offre notamment des possibilités de délocalisation et rend plus difficile l’appréhension de l’assiette de la taxe.
Ne faudrait-il donc pas, au-delà de l’amélioration de la coordination, de l’information et des moyens des services, recourir davantage à des mesures de sanction ? En l’espèce, si la brigade financière, qui dispose de pouvoirs de nature judiciaire, était intervenue, on aurait probablement pu agir sur les fraudeurs, par exemple en les mettant sur écoute, en effectuant des perquisitions ou en procédant à des gardes à vue...
Comment donc prendre en compte les nouvelles données issues du Marché unique, mis en place depuis déjà une vingtaine d’années ?
Comment intégrer le commerce électronique ?
Comment instaurer des systèmes beaucoup plus réactifs et comportant des éléments répressifs au plan judiciaire, afin de lutter plus efficacement contre la fraude ?
Existe-t-il d’autres exemples de fraude en Europe ?
M. Michel Bouvard. Le commerce électronique se développe à grande vitesse et souvent au profit de produits d’origine « lointaine ». Sa croissance favorise-t-elle l’évasion fiscale ? Et les outils dont nous disposons à ce jour pour lutter contre cette pratique lui sont-ils adaptés ?
M. François Goulard. L’organisation de notre administration nous réserve souvent de grandes surprises : n’est-il pas proprement ahurissant d’entendre dire que, pour collaborer entre elles, deux directions relevant du même ministre doivent conclure un protocole dont, au surplus, l’application n’est pas assurée ?
Il est également anormal que l’administration des Douanes se refuse à identifier la charge que représente la gestion de la TVA. Des méthodes existent pour cela, ne serait-ce que par un calcul forfaitaire. En réalité, les sureffectifs du service incitent celui-ci à camoufler la vérité de ses coûts. La possibilité, pour la direction générale des Finances publiques, d’absorber, sans coût supplémentaire, la totalité du recouvrement de la TVA l’illustre assez bien.
Existe-t-il des études solides sur la typologie de la fraude et sur les ordres de grandeur financière correspondants ? Les catégories de fraude sont en effet très diverses, depuis les carrousels internationaux jusqu’aux petits restaurateurs qui ne déclarent pas la totalité de leur chiffre d’affaires et diminuent ainsi, de fait, le taux moyen de la TVA. Appelant des réponses différentes, font-elles l’objet de stratégies de lutte adaptées – j’ai cru comprendre que ce n’était pas le cas –, par exemple en exploitant les données dont disposent l’administration des finances et d’autres services publics ? On pourrait ainsi mieux repérer les entreprises à risque grâce à la mise en place de certains profils. De telles méthodes auraient, par exemple, permis de réagir plus rapidement au problème de la fraude sur les quotas de CO2.
Mme Marie-Christine Dalloz. Avoir pour objectif la nécessaire coopération entre la DGFIP et la Douane me paraît une évidence. Toutefois, cela risque de s’avérer insuffisant. En tout état de cause, si le rapprochement de deux directions doit nous coûter aussi cher que la fusion des différents services qui ont formé la DGFIP, mieux vaudrait imposer de nouvelles règles que s’en remettre à la négociation entre services administratifs…
Selon le rapport de la Cour des comptes, 80 % des recettes de TVA résultent des déclarations de seulement 38% des entreprises. On parle d’imposer le télé-règlement de la taxe au 1er janvier prochain à toutes les entreprises. Ne faudrait-il pas, au préalable, généraliser la télé-déclaration ?
M. Pierre-Alain Muet. La façon dont on attribue les numéros de TVA a-t-elle une incidence sur la pratique des carrousels ? En France, on les attribue automatiquement, tandis que, par exemple, la Belgique et les Pays-Bas se montrent plus exigeants. Cela se traduit-il au niveau de la fraude et pour quelle ampleur ?
M. Hervé Mariton. Je voudrais prolonger la question de M. Gilles Carrez. Comment parvient-on à évaluer et à comparer les différents types de fraude à la TVA entre les pays de l’Union européenne ? Peut-on identifier, entre États membres, des phénomènes symétriques ?
M. Marc Le Fur. En fonction de sa destination finale, un même produit agricole est soumis au nouveau taux de TVA de 7 % ou au taux de 5,5 % : l’industrie ou l’alimentation animale dans le premier cas, l’alimentation humaine dans le second. Or, le vendeur ignore cette destination, ainsi parfois que le premier acheteur. Nous avions, dès l’origine, évoqué cette question au cours de nos séances publiques. Une circulaire, très complexe, tente de résoudre le problème. Mais j’entends dire aussi que, dans l’incertitude, on applique systématiquement le taux de 7 %. Or, du fait des spéculations comme de la longueur des circuits économiques, il y a presque toujours incertitude : un même litre de lait peut se retrouver en poudre pour biberon ou pour la nourriture des veaux. Comment, dès lors, éviter en pratique la généralisation du taux le plus élevé ?
Mme Sandrine Mazetier. Le rapport annuel de la Cour des comptes m’a beaucoup étonnée concernant la fraude fiscale pratiquée dans le cadre du marché des quotas de CO2, de même que vos propos, monsieur Babusiaux, sur la facilité avec laquelle n’importe qui peut intervenir sur ce marché sans justifier de son identité réelle. Et c’est ainsi que 1,6 milliard de recettes se sont évaporés en quelques mois... Cela dit, j’observe que, dans bien d’autres domaines et pour des opérations de petite ampleur, on multiplie les contrôles administratifs sur les petites entreprises et sur les ménages : ainsi, contre notre avis, l’Assemblée vient d’approuver la création d’un fichier biométrique pour toute la population française. Comment expliquer de telles différences de traitement ?
En constatant cela, je crois tomber des nues – un peu comme notre collègue M. François Goulard quand il apprend que deux directions du ministère des finances doivent conclure un protocole afin d’échanger leurs informations –, surtout quand on sait que, dans certains domaines, il existe au niveau européen des dispositifs d’échanges obligatoires et automatiques entre services publics : par exemple, pour les empreintes des demandeurs d’asile.
J’en viens à ma question. A-t-on observé une incidence du taux de TVA sur la fraude, notamment lors de l’abaissement de celui-ci à 5,5 % dans le secteur de la restauration ?
M. Henri Emmanuelli. Voilà au moins dix fois qu’à Paris, j’exige du restaurateur une facture et qu’à la place, il me remet un bon de commande. Dans certains secteurs, la fraude est devenue systématique, et la combattre ne serait pas aussi difficile qu’on veut bien le dire. Arrêtons donc de nous cacher la réalité !
M. Thierry Carcenac. Un montant de restitutions de TVA de 46 milliards d’euros nécessite qu’on examine à quoi correspondent de telles sommes. Or, compte tenu des délais de restitution, les contrôles de l’administration sont insuffisants. Nous manquons d’indicateurs permettant d’analyser au fond la nature des remboursements.
S’agissant des Douanes, on dit qu’il y a trop d’agents. Mais le réaménagement de certaines procédures devrait permettre un redéploiement. Selon le directeur de la DGDDI, M. Jérôme Fournel, on s’en tiendrait pour le moment à des orientations adressées aux services pour certaines catégories de contrôle. Toutefois, si l’on donne comme orientation de faire davantage de contrôle fiscal, plutôt que de s’occuper du trafic de tabac ou d’autres produits, peut-être parviendra-t-on à de meilleurs résultats. C’est aussi ce que dit la Cour des comptes quand elle préconise la mise en œuvre d’une stratégie sur trois ans, la fixation d’objectifs à atteindre, la mobilisation de moyens, et un suivi de l’action.
M. Christian Babusiaux. Les questions des commissaires sont largement convergentes.
S’agissant des moyens de la DGFIP, il faut rappeler que les effectifs du contrôle fiscal ont été « sanctuarisés » : on ne leur applique pas le non remplacement de deux fonctionnaires sur trois, bien qu’on l’applique aux services des impôts des entreprises (SIE). La force de contrôle est donc constante depuis plusieurs années.
M. Henri Emmanuelli. Alors que le nombre de contribuables et celui des entreprises ont considérablement augmenté depuis 30 ans, celui des contrôles fiscaux est stable !
M. Christian Babusiaux. C’est exact, 52 000 contrôles sont opérés chaque année, tous types d’impositions confondus.
Plusieurs commissaires se sont étonnés de la conclusion d’un protocole entre deux administrations de l’État. Il s’agit là, malheureusement, d’une formule traditionnellement en usage au ministère des finances et, en l’espèce, très insuffisante. C’est pourquoi la Cour des comptes s’est montrée plutôt réservée à son endroit. Il existe un problème d’organisation générale du ministère des finances ainsi qu’un problème d’organisation propre à la DGFIP. Trois directions de contrôle cohabitent : la DGDDI, la DGFIP et Tracfin. Aujourd’hui, les infractions fiscales sont regardées comme sous-jacentes au blanchiment. Est-il donc rationnel de conserver trois unités de renseignements, de pilotage et de stratégie dans un univers aussi mobile ?
Il y a un problème d’organisation au sein de la DGFIP. Elle en a d’ailleurs pris conscience à la lumière de notre enquête. Toutefois, la simple constitution d’un service sera-t-elle suffisante pour orienter et coordonner les trois directions nationales d’enquête ? Dans l’affaire des quotas de CO2, la direction des grandes entreprises, rattachée à la direction générale des Finances publiques, continuait à rembourser de la TVA car elle n’était pas informée de ce qui se passait au niveau des directions de contrôle. Il y a un problème profond de structuration et de pilotage au sein de la DGFIP.
En ce qui concerne les systèmes d’information, la Cour des comptes a déjà eu l’occasion d’indiquer que les deux systèmes devaient fonctionner en cohérence. C’est un enjeu extrêmement important. Nous l’avons mesuré à l’occasion de la certification des comptes de l’État, notre réserve sur les produits régaliens provenant de l’imperfection de ces systèmes d’information, d’ailleurs reconnue par la DGFIP.
Le montant global de la fraude en Europe est, en effet, probablement de l’ordre de 50 à 100 milliards d’euros par an, même si le haut de la fourchette me semble un peu élevé. Il atteindrait 10 milliards en France et, sur la base d’un taux de fraude de 17 %, environ 20 milliards en Allemagne. On obtient donc, par extrapolation, une estimation du montant européen. Bien sûr, les taux de TVA n’étant pas similaires, cela rend les comparaisons difficiles. Ainsi, le Danemark pratique un taux de prélèvement de 25 %, avec un taux de fraude très faible – de l’ordre de 2 %.
Personne n’a la moindre idée de ce que représente la part des carrousels dans le total de la fraude, même s’ils posent bien sûr un problème fondamental. Les chiffres que j’ai cités tout à l’heure sur la coopération fiscale en Europe traduisent bien un dysfonctionnement. Un système est d’autant plus exposé à la fraude que les régimes fiscaux qu’il comporte sont épars. La TVA a beau être fortement harmonisée, les différences de taux et de structures fiscales incitent néanmoins et inévitablement à la fraude.
La Belgique ne constitue pas un modèle en la matière : selon l’enquête de la Commission européenne, le taux de fraude y serait de 11 %, correspondant à un montant de 2,8 milliards d’euros. Toutefois, elle a mis en place une cellule spécifique qui privilégie une stratégie fondée sur des actions préventives.
Stratégie, typologie et veille, tels sont les éléments qui font défaut. Or, ce sont eux qui permettraient de déterminer les actions les plus efficaces.
Notre rapport mentionne aussi les problèmes d’interprétation posés par le découpage entre deux taux de TVA, à 5,5% et 7 %.
Enfin, j’ai été sensible à l’attention portée par votre Commission au chapitre que nous avons consacré dans le rapport annuel à la fraude sur le marché des quotas de CO2.
M. le président Jérôme Cahuzac. Nous vous remercions.
La Commission autorise enfin la publication du rapport d’information sur la gestion et le contrôle de la TVA.
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ANNEXE : RAPPORT D’ENQUÊTE DE LA COUR DES COMPTES SUR LA GESTION ET LE CONTRÔLE DE LA TVA
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